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(1998)
PRISONS
POUR FEMMES
2e partie du livre
Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur
de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de :
Montréal: Les Éditions du Méridien, 1998, 449 pp. Collection Cursus universi-
taire - formation criminologie.
Courriel : bertrandumontreal@videotron.ca
Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)
Marie-Andrée Bertrand
criminologue, Centre international de criminologie comparée,
Université de Montréal
Montréal: Les Éditions du Méridien, 1998, 449 pp. Collection Cursus univer-
sitaire - formation criminologie.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 4
Données de catalogage
Marie-Andrée Bertrand
Avec la collaboration de
Louise L. Biron
Concetta Di Pisa
Andrée B. Fagnan
Julia McLean
REMERCIEMENTS
PRÉAMBULE
Introduction
Marie-Andrée Bertrand
Introduction
Le contexte juridico-pénal canadien
La population carcérale féminine au Canada
La Prison pour femmes de Kingston, Ontario, Canada
La fermeture de la Prison des femmes à Kingston : une nouvelle vie pour les
femmes sous sentence fédérale au Canada
Le centre correctionnel pour femmes à Shakopee au Minnesota
Le centre correctionnel pour femmes à Burnaby, Colombie-Britannique, au
Canada
La prison pour femmes de l'État du Massachusetts à Framingham
Le centre correctionnel pour femmes à Waynesburg, dans l'État de Pennsyl-
vanie
La Maison Tanguay à Montréal, dans la province de Québec
Commentaires généraux sur les prisons pour femmes en Amérique du Nord
Qu'arrivera-t-il aux femmes prisonnières désormais ?
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 6
Introduction
Les lieux étudiés
« The Neil J. Houston House », un centre pour condamnées toxicomanes et
leurs nouveau-nés
« The Program Centre », un centre résidentiel préparant des femmes justi-
ciables au travail
((The Minnesota Correctional Facility for Women », la prison de Shakopee
Réflexions après-coup
Conclusion générale
L'avenir
Introduction
Le choix de trois institutions
Durham,
l'aile H
Cornton Vale
Holloway
Conclusion
Le contexte
Les prisons : tableau d'ensemble
Préparation du travail sur le terrain
La prison des femmes à Vechta
Le cottage mixte de la prison ouverte de Brême
La prison de Butzow en Allemagne de l'Est
Conclusion générale
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 7
Le modèle scandinave
Marie-Andrée Bertrand
Préambule
La prison fermée de Bredtveit à Oslo
La prison ouverte de Ostensjoveien à Oslo
Commentaire général
Conclusion
Préambule
La prison
Vue d'ensemble des lieux, des programmes et des services
Questions
Réflexions
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Annexe 1. Notes biographiques sur les auteures
Annexe 2. Lieux étudiés dans le cadre de la recherche Prisons pour fem-
mes
Annexe 3. Taux de détention en 1991 dans les pays sur lesquels porte no-
tre étude et quelques pays voisins
Annexe 3a. Taux de détention en 1993 dans les pays sur lesquels porte
l'étude et dans quelques pays voisins
Annexe 4a. Pourcentage des femmes parmi les détenus dans plusieurs pays,
1993
Photographies
Le modèle scandinave
Marie-Andrée Bertrand
Peu de prisonniers
et des taux très bas de détention
1 Bien que la Finlande ne soit pas, au sens strict, un pays scandinave à cause de
sa langue très particulière et de son histoire politique, on a coutume de l'asso-
cier à cet ensemble auquel ses représentants reconnaissent appartenir par la si-
tuation géographique et l'économie. Du point de vue pénal et carcéral, les ana-
logies sont frappantes.
2 Ce prix de bonne conduite doit d'ailleurs être décerné d'abord aux Pays-Bas,
lesquels détiennent le record parmi les pays au nord de l'Europe.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 11
Il n'est pas évident que les pays scandinaves constituent des « mo-
dèles » à chacun ou à plusieurs de ces égards. Sans doute ne faut-il
pas s'attendre à trouver dans ces pays qui utilisent la détention avec
parcimonie des prisons modèles ni des programmes modèles. Comme
le remarque très justement Pierre Landreville 5 , lorsqu'un pays détient
relativement peu de personnes et s'est doté d'un petit nombre de pri-
sons, il « investit » moins dans son secteur carcéral et il se peut que
les formules utilisées soient moins inventives et la gamme des servi-
ces offerts en détention moins grande qu'ailleurs.
Mais par ailleurs le taux de détention lui-même ne doit pas être pris
hors contexte. Prenons l'exemple de la Norvège : s'il est vrai que seu-
les 2 500 personnes étaient détenues dans les différentes institutions
carcérales de Norvège ces dernières années, 4 500 autres - c'est-à-dire
près de deux fois plus -, déjà condamnées à l'incarcération, attendaient
leur tour pour entrer en prison, faute de places (Christie, 1993 6 ).
« We line them up and let them wait for admission », de dire l'auteur,
qui se demande ce qui est le plus pénible : d'être déjà « dedans » ou
d'attendre pour entrer... Et à ce sujet, il fait un commentaire intéres-
sant : les condamnés qui « ont déjà l'expérience » sont assez inquiets à
la pensée qu'ils devront retourner « en dedans ». Ceux qui n'ont pas
encore connu la prison, les first timers, prennent cela plus à la légère
(p. 36). Il note aussi que les juges hésitent à prononcer des peines de
prison sachant qu'elles ne seront exécutées que « plus tard » (p. 36).
L’un des avantages de notre étude est de forcer ses auteures à tra-
vailler sur des données désagrégées. Les analyses globales réunissant
les populations d'hommes et de femmes font évidemment disparaître
les différences. Cela est particulièrement vrai (et grave de conséquen-
ces) dans le cas des statistiques carcérales, puisque les femmes oc-
cupent si peu de place parmi les personnes détenues.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 14
Puisque les pays scandinaves sont des modèles au plan pénal, notre
groupe de recherche n'était que le dernier de plusieurs qui avaient en-
filé leurs bottes de sept lieues pour aller étudier sur place les institu-
tions pénales et carcérales ; dans notre cas, c'était non pas l'ensemble
du système qui était la cible, mais les prisons pour femmes.
Bref survol
du système correctionnel danois 11
Le taux d'emprisonnement au Danemark et ailleurs
12 Notons que cette notion de taux d'emprisonnement est en quelque sorte trom-
peuse si l'on considère que son calcul est fait à partir de la population en géné-
ral, alors que l'on sait que les femmes qui composent la moitié de cette popu-
lation générale sont loin de compter pour la moitié des personnes incarcérées.
Comme le fait si justement remarquer M.-A. Bertrand, directrice de notre
équipe de recherche, cela refléterait plus adéquatement la réalité de doubler
les taux qui représentent au fond une réalité d'hommes et occultent celle des
femmes qui ne sont évidemment pas carcéralisées dans les mêmes proportions
que ces derniers.
13 Ce taux et les suivants expriment le nombre de personnes en prison par 100
000 habitants. « Bureau of Justice Statistics. Departement of Justice in 1993 »,
Penal Reform International, No 16, March 1994.
14 Conseil de l'Europe, septembre 1991.
15 Source : Prisons in Denmark, pages 4 et 8.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 19
La majorité pénale
La philosophie pénale
This means that we must seek to approach life in prison as much as possi-
ble to the conditions in the outside world. "Normalization" is the name of
this basic element of the Danish prison philosophy. Other important ele-
ments that are more or less a consequence of this normalization are "open-
ness" and "responsibility". These elements are the real cornerstones in our
"treatment philosophy", where the word "treatment" is used in a very
broad sense.
ininate's duty to buy and cook his own food, and this means that is paid a
fixed daily amount for food, and he will then be personally responsible for
buying it in the prison shop and for preparing it. (Prisons in Denmark, p.
15)
début des années 70, Erik Andersen conçoit le projet d'une prison
« modèle » pour des jeunes hommes condamnés à l'incarcération. Il
s'agissait à la fois de leur éviter le compagnonnage obligé des détenus
plus vieux et plus criminalisés, et de leur fournir un milieu favorable à
la poursuite de leur formation scolaire et professionnelle. Mais sur-
tout, ce projet visait l'organisation d'un régime qui ressemble le plus
possible à la « vie normale » dans la société hors prison.
Le contexte pénal
22 La prison d'État de Ringe est la seule prison fermée du Danemark qui reçoit
des femmes, sauf l'institution de Herstedvester où vont celles qui ont besoin
de traitements psychiatriques.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 27
sont donc incarcérées à la prison de Ringe qui loge par ailleurs trois
fois plus d'hommes. Les personnes détenues dans cette prison fermée
le sont après avoir été condamnées suite à des infractions de gravité
variable (vols, délits reliés aux drogues, meurtres ou autres crimes
violents, évasions, etc.), ce qui entraîne des peines de durée bien diffé-
rente, allant de 30 jours à 16 ans. La durée moyenne de détention à
Ringe est de deux ans et demi pour les hommes et de trois ans et demi
pour les femmes. Au Danemark, les hommes condamnés à purger leur
peine dans une prison fermée peuvent être envoyés dans d'autres insti-
tutions fermées et certains sont incarcérés à Ringe si leur épouse est
détenue dans cette institution. Pour les femmes, comme je le rappelais
plus haut, Ringe est le seul établissement fermé.
La vie normale
Le personnel
L'autogestion
Dans l'unité « 4 », où nous avons été reçues, c'est une détenue qui
prend les choses en main ; entre autres, moyennant rémunération de la
part de ses « colocataires » elle fait l'entretien ménager. D'ailleurs, on
nous a dit que cette unité de vie, où il y a plus de femmes que dans les
autres, était tenue plus propre que les autres et aménagée avec plus de
soin. Heureux effet de la mixité ! Dans cette unité, malgré la vie de
groupe fragmentée, quelques hommes et femmes conviennent parfois
de voir en commun à l'achat de la nourriture et à la préparation du re-
pas du soir. C'est ainsi que nous avons eu droit à un petit festin - sa-
lade, côtelettes et gâteau - cuisiné et agréablement servi par une
femme et deux hommes emprisonnés à Ringe. Comme dans la vie
normale quand on est reçu chez des amis... qui eux-mêmes sortent
peu.
Le travail
L'argent
La sexualité
ce, en même temps ; ils et elles ont accès aux mêmes services ; ils et
elles sont traité(e)s également, eu égard aux droits de visite et de sor-
ties, aux sanctions, etc. Cela veut dire aussi qu'ils et elles sont libres
d'entretenir entre eux et elles des relations sexuelles. La mixité à
Ringe se trouve aussi dans le fait qu'un tiers des 52 prison officers
sont des femmes.
Des femmes détenues parmi des hommes, parmi des garçons plus
précisément... La notion de mixité se forge ici difficilement. Limage
que je garde : des femmes emprisonnées dans un lieu d'hommes.
Mais tout compte fait, selon B. Philip, ces quelque 20 femmes sont
mieux à Ringe, dans une institution de 90 détenus, que dans une
grosse prison de 180 à 200 détenus, mais où les hommes seraient
moins jeunes. C'est aussi l'opinion de quelques détenues avec qui j'ai
parlé. De toute façon, elles n'ont pas le choix.
Il n'y a pas d'arrangement spécial pour les détenu(e)s qui ont des
enfants. Une femme détenue me raconte d'ailleurs les complications
qui entourent le fait de maintenir des contacts satisfaisants avec sa
jeune adolescente. À propos des liens mères-enfants, la directrice
émet l'opinion qu'en prison, comme « les choses vont moins vite », les
femmes pensent davantage à leurs enfants, alors qu'en dehors elles en
avaient moins le temps, souvent prises, entre autres, par le trafic de
drogue. Si une femme doit donner naissance à un enfant pendant
qu'elle est détenue, elle va à l'hôpital pour accoucher et peut en prin-
cipe ramener son bébé avec elle à la prison ; mais rien dans les instal-
lations ne semble explicitement prévu pour un tel cas 23 .
D'une part, le fait que les femmes soient plus impliquées dans des
affaires de drogue, notamment le trafic, explique leur surreprésenta-
tion parmi les étrangers incarcérés à Ringe. D'autre part, on nous a dit
que le fait que les femmes emprisonnées à Ringe aient de fortes habi-
tudes de consommation de drogues les entraîne à offrir leurs services
sexuels pour se procurer l'argent nécessaire à leur consommation. A la
prison de Ringe, on tente par ailleurs de limiter la prostitution en en-
courageant plutôt le « one boyfriend ».
24 Nous apprenons à l'été 1994 que la prison a passé un contrat de service avec
un organisme de traitement.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 38
J'entre dans le pavillon d'accueil dont la porte est ouverte sans que
personne ne m'arrête ou ne m'interpelle. Je dois frapper à la porte d'un
bureau pour m'annoncer. Une réceptionniste m'accueille. Un homme,
qui s'identifie comme un membre du personnel de direction, me
conduit vers le pavillon de l'administration où je rencontre Mme Helle
26 Mme Lund, vice-directrice de la prison, a su rendre notre visite des plus profi-
tables et nous l'en remercions.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 41
Historique
Le contexte pénal
La vie normale
27 Une annexe pour femmes à la prison d'État de Horsens dans le Jutland a été
construite dans la campagne à 25 km du campus principal ; elle peut recevoir
une vingtaine de prisonnières.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 43
La formation scolaire
Le travail
Quant au travail sur les lieux mêmes de la prison, il est plutôt di-
versifié. D'abord, comme traditionnellement dans bien des prisons, il y
a la buanderie et la cuisine centrale, le lieu de travail le plus prisé par
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 44
les détenu(e)s de Horserod (le salaire y est bon à cause des heures plus
longues et, à la cuisine, on est à même de faire quelques provisions de
son choix). Cependant, on est à installer l'équipement nécessaire dans
chaque unité pour que les détenu(e)s puissent y faire leurs repas et
leur propre lessive, de façon à ce que ces tâches soient intégrées à leur
routine de vie. Cette décentralisation n'est pas sans poser de problè-
mes : on doit trouver d'autres postes de travail, non seulement pour les
résidant(e)s mais aussi pour le personnel affecté à ces tâches. Il existe
d'autres lieux de travail pour les détenu(e)s : ce sont des ateliers de
couture, de bois, de fer, de petits objets. On y fabrique des objets fort
divers (rideaux, lingerie domestique, corbeilles à papier, tables d'ordi-
nateur et autres meubles) qui sont vendus à des institutions publiques
ou privées. S'ajoutent à cela tous les travaux qui touchent à l'entretien
des bâtiments et des aires extérieures, sans compter ceux de rénova-
tion qui battaient leur plein lors de mon passage à la prison.
L'argent
les femmes des autres unités. Les autres femmes (14) se retrouvent
dans l'un ou l'autre des deux pavillons mixtes, en nombre bien infé-
rieur aux résidants masculins, ou dans le pavillon « famille » qui re-
groupe un nombre à peu près égal d'hommes et de femmes et quelques
enfants.
about their life » comparativement aux hommes qui sont plus fermés
et solitaires.
Selon A.L., le personnel dans les prisons (pas dans les plus vieilles
cependant) est en majorité féminin probablement « because of the so-
cial aspect of the job ».
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 49
Préambule
Le pays
Le pays s'est acquis une réputation enviable au plan social par ses
politiques en matière de travail, de santé et de sécurité du revenu. Ses
préoccupations écologiques sont aussi reconnues.
C'est avec l'aide de deux de ces collègues féministes que j'ai prépa-
ré et effectué le travail sur le terrain dans deux prisons pour femmes à
Oslo. Liv Finstad, professeure et chercheuse à l'Institut de criminolo-
gie d'Oslo, avait pris les arrangements auprès des autorités des deux
prisons que je devais visiter quant aux jours et heures de ma venue,
m'ouvrant aussi la voie auprès des groupes de défense des droits des
détenus. Une autre collègue, Evy Frantzsen, chercheuse à l'Institut
avec qui j'étais déjà en contact depuis 1992 36 , m'a accompagnée tout
au long des visites. J'ai réalisé sur le terrain combien elle est familière
avec notre sujet d'étude. J'ai par ailleurs eu des contacts et conversa-
tions importants avec Nils Christie concernant l'ensemble de la situa-
tion pénale et carcérale en Norvège.
35 Cecilie Hoigård, citée dans « The place and status of feminist criminology in
Germany, Denmark, Norway and Finland », par Marie-Andrée Bertrand, in N.
H. Rafter et F. Heidensohn, International Feminist Perspectives in Criminolo-
gy : Engendering a Discipline, Buckingham, England, Open University Press,
1995, p. 113.
36 Elle avait participé au Séminaire international sur les femmes en détention
organisé par le ministère de la justice des Pays-Bas à Noordwijk.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 53
La mise en contexte
Le moment
Dans les pages qui suivent, je décris les conditions de vie des
femmes dans deux prisons norvégiennes telles que j'ai pu les observer
en juin 1993. Les données citées dans le rapport sur le terrain sont
donc celles de juin 1993 et ne s'appliquent qu'à ce moment précis.
37 Voir par exemple, Women's Status in Norway 1990, Likestillings Raadet. Voir
aussi Milestones in 150 years of Norwegian Women, Likestillingsraadet (The
Equal Status Council), Dec. 1989. Voir enfin Arsmelding 1992, Likestillings
Raadet, QG 2065, April 1993, spécialement la section rapportant la répartition
des hommes et des femmes dans les lycées et les universités, sur la scène poli-
tique municipale et nationale, etc.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 54
Le climat
J'emploie le mot climat ici dans ses deux sens, physique et psycho-
logique. Un mot de mise en garde concernant le contexte physique qui
influe sur l'autre.
La méthode et l'instrument
Pénétrer dans la prison même, dans mon cas, s'est avéré encore
plus facile pour des raisons que je n'arrive pas encore à bien compren-
dre.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 58
Dans le plan prévu par les collègues de l'Institut, nous devions ren-
contrer la direction d'abord. Le directeur avait délégué son adjointe
pour l'occasion, n'étant pas lui-même très polyglotte.
L'un des deux édifices est sécuritaire. On y loge trois unités de dé-
tenues, les unités 1, 2 et 3, un groupe par étage. C'est la prison pro-
prement dite.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 60
38 Je réalise que l'appellation « résidantes » m'est venue sans que j'y prenne
garde à partir du moment où je décrivais l'unité de vie no 4. En effet, les
conditions dans cet endroit ne rappellent pas la prison et ne se prêtent pas à
l'appellation « détenues ».
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 64
Une unité est constituée par deux rangées de six cellules se faisant
face de chaque côté d'un large corridor qui débouche sur un vivoir-
salle à manger avec petite cuisine attenante, où on peut faire réchauf-
fer un plat (les plats viennent de la cuisine centrale) ; le corridor
donne aussi sur l'aire des salles de bain et de lavage. Les unités ne
sont ni belles ni laides. Les cellules sont plutôt petites. Mais la vue sur
l'extérieur, spécialement depuis l'étage supérieur (celui qui est le plus
sécuritaire), est fort belle, car elle donne sur la vallée.
Il n'y a pas de toilettes dans les cellules. Comme celles-ci sont ver-
rouillées de l'extérieur pendant la nuit, les détenues doivent appeler
pour en sortir et aller à la salle de bain commune ; il y a cinq person-
nes de garde pour les trois unités pendant la nuit ; trois sont sur les
étages de l'édifice sécuritaire, deux demeurent dans les locaux de
l'administration, prêtes à intervenir sur appel.
39 La proportion d'étrangers est élevée en Norvège et plus élevée pan-ni les po-
pulations pénales. Sur les 58 femmes détenues à la prison fermée et à la prison
ouverte d'Oslo, 19 étaient étrangères en juin 1993.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 66
La salle de concert
La chapelle
sonnes responsables de l'« école » - the school - qui est ici le lieu où
s'organise tout programme d'apprentissage non seulement scolaire
mais physique et sportif ; les responsables de cette animation sont
l'institutrice, la personne en charge de l'éducation physique et des
sports, et la physiothérapeute qui vient régulièrement. Il est vrai que
les heures passées à l'« école » sont nombreuses, mais ce ne sont pas
toutes les détenues qui y ont accès, loin de là.
À propos de la direction
Presque toutes les détenues qui ont fréquenté l'« école » à Bredtveit
ont rapporté à Evy qu'elles avaient aimé ce qui s'y passe et apprécié
les personnes responsables. Evy me résume tant leurs propos que sa
propre opinion : « The teachers are nice, the school is nice (because) a
lot depends on the teachers who are all right and who respect the in-
mates », rapporte-t-elle. Le programme de formation générale à
Bredtveit ne dépasse pas la 9e année (là s'arrête le programme de fré-
quentation scolaire obligatoire en Norvège) et à la prison des femmes,
on ne trouve aucun enseignement technique, informatique et profes-
sionnel, alors que de tels programmes existent dans les prisons pour
hommes. Evy Frantzsen a tenté de faire valoir auprès du ministre res-
ponsable des prisons que l'État doit consacrer autant d'argent per capi-
ta à la formation scolaire et professionnelle des femmes en prison qu'il
en dépense pour les hommes prisonniers, mais sans succès. Jusqu'à
tout récemment, aucune femme prisonnière ne pouvait fréquenter
l'université alors que des hommes détenus le font. Elle attribue cette
inégalité des chances à deux facteurs : un certain manque d'aspirations
à faire des études supérieures chez les femmes condamnées et l'ab-
sence de moyens pratiques (transport, contacts ?) dans les institutions
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 70
L'« école » à Bredtveit, le lieu des activités les plus convoitées (ou
les moins désagréables ou le moins dépassées), n'est pas automati-
quement accessible ; il se peut qu'on doive attendre qu'une place se
libère pour être admise. Comme je l'ai mentionné, seules 17 des 48
détenues y avaient accès au moment de ma visite.
Dans l'ensemble
40 Cette réflexion me laisse perplexe, car on voit qu'une proportion non négli-
geable des femmes emprisonnées le sont dans des institutions pour hommes.
Les « moyens pratiques » dans ce dernier cas ne sont-ils pas ceux qui existent
dans les prisons pour hommes ? - On n'en finit pas d'inventer des obstacles.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 71
La moitié environ des détenues sont des mères et ont de jeunes en-
fants. S'il existait un programme pour mères-enfants à Bredtveit, un
tiers des condamnées présentement détenues à Bredtveit pourraient
s'en réclamer, car c'est là la proportion des femmes détenues qui ont
des enfants en très bas âge.
41 À ce sujet, Christie, dans son dernier livre Crime Control as Industry, montre
que les peines de prison pour infractions reliées aux lois sur les drogues ont
augmenté en nombre et en durée au cours des dernières années ; au début des
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 72
La drogue en prison
À la réflexion...
En relisant mes notes, je constate que les détenues n'ont pas accès
au salaire qu'elles gagnent, lesquels s'accumulent dans des comptes
desquels on déduit leurs dépenses.
Le lendemain
Cette prison est assez éloignée de la capitale, mais selon Evy, elle a
plusieurs avantages sur celle de Bredtveit 42 : l'établissement est aussi
une prison fermée, recevant des personnes condamnées à de longues
peines pour crimes graves ; il est entouré d'un mur de béton, mais si-
tué dans un fort bel endroit. La sécurité périphérique est totale, mais la
mobilité à l'intérieur des murs est bien plus grande qu'à Bredtveit.
L'institution est du style « complexe autosuffisant », avec boutiques
d'approvisionnement à l'intérieur des murs. Les unités sont modernes,
ce sont de petites maisons où logent six résidantes. Les hommes ne
cohabitent pas avec les femmes qui ont leurs quartiers propres, mais
les programmes sont plus variés et plus modernes, « and there is a bet-
ter school because it is a men's prison », dit Evy. On pratique, à Ber-
gen, un système progressif (d'élargissement vers la communauté) ; il
existe une maison de semi-liberté dans le village.
42 N'ayant pas visité cette prison, je me fie ici à la description que m'en a faite
Evy Frantzsen.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 75
8 juin
Le directeur
maison. Comme Evy n'y est jamais venue, il s'adresse autant et davan-
tage à elle qu'à moi.
L'histoire de Ostensjoveien
Pendant que nous parlons sur la terrasse, une voiture est arrivée et
un homme jeune, qui semble être l'ami ou le mari de l'une des résidan-
tes, en est sorti ; une résidante descend de sa chambre pour le ren-
contrer. Nous sommes mardi plutôt que samedi... Victor nous dit qu'il
s'agit là d'un cas spécial.
44 J'ai appris, en juillet 1994, que cette décision n'a pas eu de suite.
45 L'une d'elles est secrétaire-réceptionniste à l'Institut de criminologie.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 80
Victor nous raconte qu'il a dû livrer pas mal de combats afin que
les résidantes de la prison ouverte soient autorisées à faire les études
pour entrer dans les carrières de leur choix. Les autorités ne sont pas
toujours d'accord avec lui. Récemment, il a dû se battre aussi pour
qu'une détenue étrangère puisse venir à Ostensjoveien : quelques per-
sonnes en autorité au ministère ne croient pas que les étrangères puis-
sent être admises à un régime ouvert. Les étrangères, dit-on, sont le
plus souvent impliquées dans des affaires de trafic de drogues, - et on
a vu qu'en Norvège, on ne traite pas ces affaires à la légère. Depuis
peu, une des résidantes étrangères de nationalité pakistanaise (mais
d'origine norvégienne) est autorisée à travailler à l'extérieur de la pri-
son ouverte.
Victor est très fier de son personnel, qui compte un autre homme à
part lui. Il est particulièrement heureux d'avoir recruté une femme
dans la quarantaine qui pratiquait auparavant le métier de marin. Cette
personne exerce une très bonne influence sur les résidantes 46 . Mal-
heureusement, d'autres membres du personnel s'assoient dans leur bu-
reau les pieds sur leur pupitre (nous aurons l'occasion de constater ce-
la quelques minutes plus tard) plutôt que de se tenir avec les détenues
et d'interagir activement avec elles.
résidante dont le compagnon est arrive quelques minutes plus tôt part
maintenant avec lui. Quelques autres veulent causer avec Evy, au pas-
sage 47 . Une autre, très émue, qui connaît aussi Evy, s'apprête à quitter
définitivement la maison. Elle consent à nous montrer sa chambre,
laquelle, évidemment ne contient plus que des boîtes et des malles
bien remplies. Elle dit qu'elle n'a pas été heureuse ici : « On se sent un
pied en dedans et un pied en dehors. C'est difficile », dit-elle.
Elle raconte qu'une des résidantes qui s'était montrée difficile à Os-
tensjoveien a été retournée à Bredtveit, et que cela avait causé beau-
coup d'anxiété chez les autres. Ellemême prétend qu'un jour où, par-
lant avec une compagne, elle osait exprimer quelques critiques sur la
prison ouverte, un des membres du personnel l'a entendue et l'a mena-
cée : « You are not loyal to that house. This time I am only warning
you. But next time ... »
Commentaire général
Dans ce pays où les femmes ont réussi à occuper 30% des postes
dans le domaine politique, depuis le municipal jusqu'au national, on
leur offre les restes dans le domaine pénal et correctionnel. Comment
expliquer cela ?
Conclusion
À la seconde question qui portait sur l'effet des progrès réalisés par
les femmes dans ce pays sur le traitement des prisonnières, je répon-
drai : rien n'est très égalitaire et encore moins équitable, dans la façon
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 86
dont les détenues sont traitées. Dans les prisons, on ne leur consent
pas, per capita, ce que l'on dépense pour un homme. Bien souvent, on
leur sert les restes.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 87
Préambule
Contexte sociopénal
48 Non seulement nous sommes allées sur les terrains à plusieurs, mais nous
étions des personnes d'âge différent, de culture et de langue diverses, et nous
n'avions pas la même connaissance des milieux ni la même expérience.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 89
On sent que vous avez vécu ces jours en Finlande dans l'enchantement de
la belle saison ; ce furent d'ailleurs les plus beaux jours de l'été 1993. Il
faudrait revenir en hiver 51 .
Elle est mon ange gardien, car j'ai grand besoin d'une guide et
d'une interprète dans ce pays dont la langue est tellement étrangère à
mes univers linguistiques. Sans elle, je puis voir mais ne puis vrai-
ment comprendre.
Pirkko Villikka
Juste avant d'y arriver, la route longe une prairie dans laquelle des
gens jouent paisiblement à la balle molle.
aussi jouer ici. » Le terrain est pourtant « hors les murs »... On m'avait
dit que c'était une prison fermée, la prison centrale, la plus sécuritaire
du pays ?...
Le contexte pénal
54 Voir le chapitre 6.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 95
La prison
Sa population
55 Voir l'annexe 3.
56 Voir les annexes 4 et 4a.
57 Il existe un hôpital pour malades mentaux criminels dans la ville de Turku.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 96
Ses fonctions
La chapelle est très vaste, aérée, très nue à comparer avec les lieux
habituels de culte catholique 61 ; cela est voulu, me dit-on, afin que les
adeptes de toutes les confessions chrétiennes s'y sentent à l'aise. Les
hommes et les femmes y viennent ensemble et apprécient cette occa-
sion de s'entr'apercevoir. Pirkko croit que cette occasion d'être tous
ensemble est importante pour eux. J'apprendrai, plus tard, que les lo-
caux scolaires sont aussi des lieux fréquentés concomitamment par
des détenus des deux sexes. La chapelle est d'une propreté resplendis-
sante.
Les salles de classe ne sont pas grandes mais agréables bien que
les pupitres soient vraiment trop petits ; ils rappellent ceux des écoles
primaires. J'imagine le sentiment qu'on doit avoir en y travaillant : ce-
lui d'être ramené à des tâches d'enfants.
En juin 1993, 28 détenus sur les 175 étaient inscrits aux program-
mes de formation scolaire et professionnelle, primaire, secondaire et
post-secondaire. Une proportion qui semble peu élevée mais qui est
sans doute comparable ou supérieure à celle des institutions carcérales
canadiennes.
remplacer le travail obligatoire par les études n'est pas accordée auto-
matiquement. Elle fait l'objet d'une décision du Conseil de la prison.
Le prisonnier autorisé à étudier reçoit le même salaire que celui qui
travaille dans la prison.
L'éclairage n'est pas bon à cet endroit, la fenêtre est haut perchée et
la vitre n'est pas transparente ; de plus on est à l'entresol ; enfin, la
ventilation est minimale. Le lit me paraît ordinaire ; il y a un évier et
une toilette dans cette cellule. La période de ségrégation ne doit pas
dépasser sept jours. Pour la prolonger, il faut une décision du Conseil
de la prison et, de toutes façons, on ne doit pas laisser quelqu'un en
ségrégation plus de 20 jours.
Les détenus peuvent recevoir leur conjoint trois heures par mois,
en privé. La porte de la chambre est fermée pendant la visite. Il y a un
lit dans les chambres réservées aux visites des conjoints, comme à la
prison de Ringe au Danemark.
La cuisine centrale
65 Tel n'est pas le cas pour les certificats d'études générales comme on le verra
plus loin.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 103
La salle de musculation
L'atelier de couture
L'unité mères-enfants
66 Le mois de juin est un peu mois de vacances pour les résidants ; pendant l'été,
ils ne sont pas tenus à un horaire aussi strict. Ils ont d'ailleurs droit à deux se-
maines de vacances payées. Je n'ai donc pas observé la prison dans son fonc-
tionnement normal.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 105
Toute l'unité est bien aérée et les fenêtres sont grandes ouvertes. La
propreté des lieux est sans affectation.
Les chambres des mères sont décorées plus sobrement que tout ce
que j'ai vu ailleurs, spécialement dans certaines des prisons canadien-
nes où les cellules des détenues regorgent d'oursons en peluche, de
poupées, de fleurs artificielles, de poissons dans des bocaux, etc.
L'unité mères-enfants est une section en soi ; elle occupe une partie
du rez-de-chaussée de l'aile des femmes et ouvre directement sur sa
propre cour qui est une véritable terrasse. C'est de loin l'espace exté-
rieur le plus soigné et le plus joli.
67 L'architecture des prisons construites au début du siècle et celle des vieux mo-
nastères qu'on a transformés en prisons comme à Vechta ne se prêtent pas à la
constitution de petits groupes. Les ailes ou les « planchers » regroupent alors
souvent 50 ou 60 détenus quand ce n'est pas davantage.
68 On verra plus loin, à la section portant sur l'inauguration de la nouvelle prison
provinciale, que les propos de la ministre de la justice et du directeur des insti-
tutions correctionnelles vont encore plus loin dans cette direction. lis insistent
pour que la présence des personnels se fasse sentir à tout moment de la vie des
détenus.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 107
Les portes des cellules sont pleines, mais laissent place à un judas
qui permet au personnel d'observer l'intérieur des cellules. De son cô-
té, l'occupante peut indiquer que la voie est libre (lumière verte) ou
qu'elle souhaite ne pas être dérangée (lumière rouge), grâce à un sys-
tème de signaux lumineux sur le penne des portes. Quand la chambre
est inoccupée, la résidante peut le signaler et indiquer qu'elle ne sou-
haite pas qu'on entre sans sa permission. Les détenues ont la clé de
leur chambre, mais les verrous sont tirés de l'extérieur la nuit (de 21 à
6 heures). Évidemment, les membres du personnel peuvent pénétrer
dans une cellule lorsqu'elles estiment qu'il le faut. La règle est la sui-
vante : elles frappent à la porte avant d'entrer et se signalent aussi en
parlant à l'occupante. On attend qu'une détenue soit présente pour
faire visiter sa chambre.
Les chambres s'alignent sur deux rangées qui se font face, de part
et d'autre d'un corridor assez vaste. Tout converge vers quelques lieux
communs : une cuisine, le secteur des salles de bains et de toilettes
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 108
(propres mais pas très nombreuses à mon avis) et une assez jolie salle
à dîner avec des tables pour quatre convives.
L'un de ces faits s'est produit dans la section des hommes. Nous
circulions dans une de leurs unités de vie vers la fin des heures de tra-
vail et donc la majorité des détenus n'étaient pas encore dans leur
quartier d'habitation. Cependant deux résidants travaillaient dans leur
cellule à ce qui m'a semblé être des travaux scolaires ; ils ne s'intéres-
saient pas à notre présence. Un troisième se tenait, si l'on peut dire, à
la porte de sa cellule. Il avait l'apparence d'un étudiant : cheveux
longs, allure plus intellectuelle que « musclée » et on le sentait dans
un état de bouleversement émotif. Il s'est approché de Pirkko et lui a
raconté avec animation comment on l'avait surpris avec des drogues
sur lui et qu'il avait ainsi perdu la possibilité (dont il était assuré si
tout continuait de bien aller) d'être transféré ces jours-là dans un camp
de travail. Ce transfert lui aurait permis de continuer des études post-
secondaires. je n'ai pas pu saisir l'échange, mais Pirkko m'en a donné
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 109
Questions
70 Le sauna en soi ne mérite pas d'intérêt particulier, mais le fait qu'on l'ait inté-
gré au programme de la prison est certainement digne de mention. On n'en
trouve pas à la prison des femmes d'Oslo, en Norvège.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 112
J'attends que nous soyons seules, Mme Villikka et moi, pour abor-
der quelques grandes questions : Comment réagit-elle, elle-même, à
ce que nous voyons ? Quelles sont ses principales critiques, ses insa-
tisfactions, ses préoccupations sur la prison dans son ensemble ? je
m'efforce de ne pas centrer mes questions sur ce qui me préoccupe
particulièrement, par exemple, les conditions de travail et de forma-
tion des femmes.
On the women's side, you can see that none of them (membres du person-
nel) is negative (à l'endroit des détenues). You cannot say the same on the
men's side.
Mme Villikka aimerait que chaque détenu soit pris en charge par
un membre du personnel qui agirait comme son tuteur.
La semaine à la prison
Sorties mixtes
Les bénévoles
J'ai constaté, en relisant mes notes, que Mme Villikka doit faire
appel à du personnel extérieur non rétribué pour compenser la relative
72 Cela me semble s'apparenter aux living skills programs dans les prisons cana-
diennes.
73 On a vu ce type de travail proposé aux détenues de Shakopee.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 116
Réflexions
74 Sur ce point comme sur la plupart, je ne puis parler en détail que de la section
des femmes. Pourtant les observations que j'ai rapportées sur l'absence de rè-
gles fermes concernant la sécurité périmétrique permettent d'inférer l'existence
d'un trait ou d'une philosophie plus générale. Les aléas de la « fortification »
de la clôture, la possibilité pour les détenus de jouer à la balle molle dans un
champ extérieur, etc. témoignent d'un refus de la direction d'imposer la sécuri-
té réglementaire. Le directeur de la prison de Vechta en Allemagne avait ma-
nifesté une résistance semblable devant l'ordre qui lui était donné de hausser
le mur extérieur de la cour et de couper les arbres dont les branches facilitaient
les évasions.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 120
s'alignent le long d'un Seul mur, lequel d'ailleurs n'est pas rectiligne -
nous les voyons pendant qu'il m'en parle. Face à ces chambres, se
trouvent non pas d'autres chambres, mais des aires ouvertes avec des
tables et bancs pour quatre ou cinq personnes, invitant au repos et à la
conversation. Cela fait un monde de différence. On a utilise ce genre
d'agencement dans les universités récemment construites. »
« Mais, dit la ministre, la prison ne peut pas tout faire avec ses seu-
les ressources humaines et économiques. Elle doit établir des liens
solides avec la communauté ambiante comme les écoles (elle insiste
sur la nécessité de pourvoir à l'éducation obligatoire). Nous savons
bien que l'école éprouve de grandes difficultés à réaliser sa mission
auprès des populations carcérales. » La ministre dit qu'elle rentre tout
juste d'Estonie où l'on insiste pour que les établissements scolaires
jouent tout leur rôle dans les prisons et cela marche, dit-elle. « Nous
ne devons pas tenter de récréer les institutions sociales en dedans,
mais forcer celles-ci à remplir leur rôle auprès de nos clientèles. »
8 juin
Tenter de comprendre
9 juin
D'une part, je compte échanger avec elle sur ce que j'ai observé
dans l'unité mères-enfants. D'autre part, je voudrais la consulter sur la
situation de droit et de fait des femmes finlandaises concernant la pa-
rité économique, sociale et politique.
quis en tout cas en très bonne voie et que les aspirations des femmes
des pays d'Europe du Nord allaient plus loin encore. Certes, aucune
des auteures que j'ai lues ne prétend que l'égalité formelle est atteinte
dans toutes les sphères de la vie sociale, économique, politique et fa-
miliale en Finlande, ni que l'égalité formelle suffirait à rendre « réel-
lement » égaux les rapports entre les deux groupes, ni que « l'égalité
est le seul bon objectif ». Mais toutes reconnaissent l'existence dans
leur pays d'efforts de l'État, des organismes parapublics et du mouve-
ment des femmes pour que s'instaurent des conditions plus égalitaires
et surtout plus équitables entre les sexes, dans la vie sociale et écono-
mique. Plusieurs évoquent non seulement des efforts mais des succès
en ce sens.
Nous échangeons.
Résumé et conclusion
Marie-Andrée Bertrand
Résumé
Les problèmes communs
Excès de sécurité
« Centralité »
Dans 12 prisons sur 16, les programmes scolaires ne sont àpeu près
pas fréquentés, les classes sont vides.
Quand les prisons pour femmes offrent une formation pratique dé-
bouchant sur un certificat, dans 80% des cas celle-ci se fait dans les
industries du vêtement : réparation, confection, coupe, tissage, chapel-
lerie, buanderie. Le travail rétribué s'effectue dans les mêmes domai-
nes ; s'y ajoutent la cuisine (de l'institution), l'entretien des unités et
des lieux communs, des contrats d'emballage, de fabrication de boîtes,
etc. Les emplois les mieux payés sont réservés aux détenues ayant fait
leurs preuves, aux plus scolarisées, à celles qui sont en fin de sen-
tence. Les arrivantes sont partout préposées à l'entretien des lieux. Le
salaire varie en fonction de la complexité des tâches et de la perfor-
mance (productivité). Parfois aussi, il est fonction de la bonne
conduite...
Commentaire
Les différences les plus évidentes se situent dans les services, les
activités physiques et sportives, et les relations avec les enfants et les
conjoints.
Les services
Les pays de common law diffèrent des premiers sous ces deux as-
pects. C'est surtout à la prison que se font les rencontres intimes avec
les conjoints et les familles. Il n'y a pas de longs congés d'une ou plu-
sieurs semaines dans les familles.
Formules originales
Dans l'ensemble, les prisons pour femmes dans les pays scandina-
ves nous ont déçues. La proportion des femmes parmi les détenus y
est supérieure à celle du Canada si bien que, même si le taux national
de détention est égal à la moitié du taux canadien, le nombre des
femmes en prison est assez élevé. Il est vrai que les secteurs scolaires
et « sportifs » sont bien plus actifs et mieux fréquentés en Norvège et
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 137
Les unités pour les mères et les enfants soulèvent plusieurs ques-
tions ; les unes relatives au droit des enfants, les autres touchant les
droits de toutes les détenues y compris les mères. Il est certain que ces
unités, comme elles sont gérées en Allemagne et même en Finlande,
créent deux classes de détenues. Il est évident qu'en Allemagne les
maisons pour les mères et les enfants en prison sont au service des
enfants plutôt que de leur mère. Si les autorités correctionnelles cana-
diennes décidaient que les jeunes enfants doivent rejoindre leur mère
en prison, celle-ci ne devrait pas y être traitée comme un appendice de
son nourrisson, comme c'est le cas en Allemagne, mais comme une
personne ; le régime humain et le cadre agréable autorisés dans les
unités où se trouvent des enfants conviendraient très bien à l'ensemble
de la population carcérale.
Conclusion générale
Les prisons parlent
La majorité des lieux physiques dans lesquels les femmes sont dé-
tenues parlent de condescendance et d'infantilisation, d'oubli, de né-
gligence, voire de mépris.
Les occupations
Les programmes offerts aux détenues et ceux qu'on leur refuse par-
lent aussi de la position sociale des femmes, comme l'État entend la
confirmer, avec bien sûr l'assentiment du corps social.
suite aux décisions judiciaires 82 . Les recours en justice ont leur utilité
et il faut sans doute parfois passer par là, mais cette voie n'est pas tou-
jours la meilleure quand le principe invoqué est celui de l'égalité (la
clause de « protection égale » par exemple, aux États-Unis) qui risque
d'être interprété comme une exigence de « conditions identiques »
alors qu'on devrait plutôt viser des conditions équitables, adaptées aux
besoins des femmes. Comme le montre bien MacKinnon (1989), cela
n'est pas simple, puisque les chartes constitutionnelles nous présument
égaux au départ (chapitre 1, cadre théorique) et puisqu'il faut ensuite
des amendements à la Charte pour corriger les inégalités originelles
ou celles que les institutions sociales ont contribué à édifier, dans
l'emploi, dans les salaires par exemple. Pourtant, la mission pénale des
États démocratiques implique que les services correctionnels « favori-
sent la réhabilitation des détenus par des programmes appropriés en
prison ou dans la collectivité afin d'aider à leur réinsertion sociale ».
Bien rares sont les établissements pour femmes seulement, parmi ceux
que nous avons étudiés, qui offrent aux détenues du travail et des for-
mations qui vont « favoriser leur réadaptation et leur réinsertion so-
ciale ». Rien de ce genre à la Maison Tanguay ni à la Prison de King-
ston au Canada ; ni à Cornton Vale en Écosse 83 ; ni à Bredtveit en
Norvège ou à Hämeenlinna en Finlande en dehors de la formation
scolaire de premier niveau ; non plus à Waynesburg et à Framingham
aux États-Unis. Dans la majorité des prisons étudiées, on maintient les
détenues dans l'ennui, la routine et des tâches dévalorisantes ; dans
quelques prisons, Framingham et Kingston, on n'arrive même pas à
trouver du travail à la majorité d'entre elles ; on parsème les journées
d'ateliers « thérapeutiques ». Dans quelques prisons, à Vechta par
exemple, il existe « un » bon programme de formation, mais seul un
petit nombre de détenues y ont accès. Quand les femmes et les hom-
mes sont détenus sous le même toit, il arrive que la direction réserve
aux hommes les emplois les moins ennuyeux et les mieux rétribués
comme à Hämeenlinna. Concernant l'accès aux études post-
secondaires et même secondaires, partout, sauf à Shakopee et à Hol-
loway, les prisonnières sont traitées de façon discriminatoire, une dis-
crimination explicite au Canada et aux Etats-Unis 84 , en Allemagne en
Norvège et en Finlande, puisque les hommes détenus dans les prisons
de ces pays peuvent fréquenter les institutions universitaires ou suivre
en prison des cours secondaires et post-secondaires par correspon-
dance.
Un lecteur et critique nous dit que les temps sont durs et qu'il en
coûterait « trop cher » pour équiper « maintenant » les prisons pour
femmes, y créer de « véritables » ateliers de travail modernes et des
formations professionnelles utiles aujourd'hui et demain. Il invoque le
contexte économique actuel pour expliquer le refus de l'État d'obtem-
pérer aux décisions judiciaires, le petit nombre ne justifiant pas de tel-
les entreprises : « les prisons centrales pour femmes ne reçoivent que
150 détenues en moyenne »...
Mais rien n'est aussi simple et les tentatives de corriger ces diffé-
rences discriminatoires montrent où se situent les résistances. En voici
un exemple parmi plusieurs : la prison des femmes de Kingston est
située au cœur d'un vaste complexe pénitentiaire en Ontario au Cana-
da. Le comité des détenues, soutenu par des conseillères juridiques, a,
depuis 1989, multiplié les pressions afin que les prisonnières « volon-
taires » soient admises à fréquenter les ateliers et les classes des péni-
tenciers voisins ; elles se sont heurtées d'abord au refus de la Direction
fédérale des services correctionnels, puis à celle de la directrice locale,
puis à l'opposition des détenus masculins qui ne voulaient pas de
femmes dans leurs ateliers, enfin à celle du chauffeur du minibus,
84 Et reconnue par les tribunaux comme telle, dans ces deux pays.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 142
Dans la plupart des prisons européennes, les contacts avec les conjoints se-
ront statutaires et la présence des enfants auprès de leur mère en détention
sera la règle 87 .
Sous ce rapport, nos attentes n'ont pas été déçues. Ce que nous
n'avions pas prévu, c'est ce que les faits signifient.
l'utilisation de cette formule à des fins de contrôle sur les mères et sur
les enfants, et le système de classe que cela introduit dans l'établisse-
ment carcéral. Nous avions également sous-estimé l'effet « biolo-
gisant » et l'accent sur la reproduction que cette dernière mesure com-
porte.
des prévenues et des détenues (par exemple dans les prisons de Tan-
guay et de Burnaby), nous avons distingué les populations en attente
de procès de celles des condamnées 89 .
Pour les pénologues, ces écarts sont très importants, car ils témoi-
gnent de politiques pénales bien différentes pour ne pas dire aux anti-
podes ; ces chiffres parlent aussi de pratiques policières et judiciaires,
très répressives aux États-Unis, et bien modérées, en comparaison,
dans les pays d'Europe du Nord.
Sur le sujet précis de notre étude, les conditions faites aux femmes
en prison, les ressemblances entre les établissements sont frappantes.
Nos observations sont d'autant plus concluantes que nous avions cher-
ché à étudier des milieux différents, des prisons qui échappaient à la
« norme de la platitude », qui offraient autre chose que des tâches do-
mestiques comme travail aux prisonnières, qui se situaient dans des
régions réputées pour leurs pratiques moins répressives ; nous avons
La métrique pénale
Les excès de sécurité dans les prisons pour femmes défient plu-
sieurs règles du bon sens et de la bonne gestion administrative. On
voit, par exemple, au chapitre 2 sur les prisons canadiennes que le
coût annuel par détenue à la Prison de Kingston est de plusieurs mil-
liers de dollars plus élevé que celui encouru par l'entretien d'un détenu
masculin dans un établissement de niveau maximum, et que ce coût
représente presque le double des frais annuels de séjour dans un éta-
blissement minimum. Cette absurdité est sans doute un effet de la mé-
trique pénale. Le droit pénal n'énonce pas de critère externe détermi-
nant la gravité des infractions. Le crime est grave parce qu'il com-
mande une lourde peine et cette mesure de la peine se répercute dans
la métrique sécuritaire : lorsqu'on vous condamne à une longue peine,
c'est que vous êtes un criminel dangereux susceptible de récidiver, ou
en tout cas c'est un « signe » que le crime est si sérieux qu'on doit
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 150
La différence
Bibliographie *
ADELBERG, Ellen. Les femmes qui ont des démêlés avec la jus-
tice : une minorité oubliée. Ottawa, Association canadienne des So-
ciétés Elizabeth-Fry, 1985.
* Les documents officiels des pays étudiés se retrouvent aussi par pays après la
liste par auteur.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 153
Documents officiels
Canada
États-unis
Danemark
Finlande
Norvège
Royaume-Uni
Annexes
Annexe 1.
Notes biographiques sur les auteures
Annexe 2.
Lieux étudiés dans le cadre de la recherche
Prisons pour femmes
Cornton Vale
Écosse
(Her Majesty's Institution)
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 181
Finlande Hämeenlinna
Annexe 3.
Taux de détention* en 1991 dans les pays sur lesquels
porte notre étude et quelques pays voisins
États-Unis 504,0
Canada 109,2
Écosse 95,2
Espagne 91,8
Angleterre et Pays de Galles 91,3
France 83,9
Allemagne 78,8
Danemark 63,0
Finlande 62,6
Norvège 59,0
Suède 55,0
Pays-Bas 44,4
Pour les autres pays, nous utilisons les données publiées dans le
Bulletin d'information pénologique, no 17, décembre 1992, par les
soins du Conseil de l'Europe. La population carcérale était celle au
1.9.1991. Les chiffres pour l'Allemagne ne comprennent pas les pri-
sons d'Allemagne de l'Est.
Marie-Andrée Bertrand, PRISONS POUR FEMMES, deuxième partie (1998) 184
Annexe 3a.
Taux de détention* en 1993 dans les pays sur lesquels
porte notre étude et quelques pays voisins
États-Unis 529,0
Écosse 115,0
Espagne 114,9
Canada 114,3
Angleterre et Pays de Galles 89,0
France 86,3
Allemagne 81,0
Danemark 71,0
Suède 66,0
Finlande 61,8
Norvège 60,0
Pays-Bas 51,0
(*) Il s'agit du taux des condamnés et des prévenus incarcérés par 100 000 per-
sonnes dans la population totale, à une date précise.
Allemagne 4,6
Angleterre et pays de Galles 3,4
Canada 6,0
Danemark 4,8
Écosse 3,1
États-Unis 5,7
Finlande 3,3
France 4,3
Norvège 4,7
Pays-Bas 3,9
Suède 4,8
Allemagne 4,3
Angleterre et pays de Galles 3,7
Canada 6,5
Danemark 4,8
Écosse 3,0
États-Unis 9,5
Finlande 3,5
France 4,1
Norvège 4,6
Pays-Bas 4,3
Suède 5,2
Massachusetts 143
Minnesota 78
Pennsylvanie 192
Annexe 6.
Pourcentage des femmes parmi les détenus au Massachusetts,
au Minnesota et en Pennsylvanie en 1991
Massachusetts 6,7*
Minnesota 5,5*
Pennsylvanie 4,7*
(*) Pourcentage des femmes parmi les personnes détenues dans les institutions
fédérales et les prisons d'État.
Annexe 7.
Taux d'incarcération des provinces et territoires
du Canada pour 1992-1993
Alberta 144,2*
Colombie-Britannique 105,2
Île-du-Prince-Édouard 88,3
Manitoba 139,1*
Nouvelle-Écosse 97,4*
Nouveau-Brunswick 157,7*
Ontario 108,7
Québec 104
Saskatchewan 193,2*
Terre-Neuve 71,2
Territoires-du-Nord-Ouest 496,4
Yukon 285,7
Fin du texte