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Textul 1

Exercer l'esprit de façon systématique afin de cultiver le bonheur? Ce sont la structure et


la fonction mêmes de notre cerveau qui rendent la chose possible. Nous sommes nés avec des
schémas de comportement inscrits génétiquement. Au plan mental, émotionnel et physique, nous
sommes prédisposés à réagir à notre environnement, ce qui nous rend aptes à la survie. Ces séries
d'instructions sont encodées dans d'innombrables circuits qui se déclenchent en réaction à un
événement ou une pensée donnés. Mais les connexions du cerveau ne sont pas statiques, pas
fixées de manière irrévocable. Notre cerveau, lui aussi, s'adapte. Les neurologues ont établi qu'il
est capable, en réaction à des données nouvelles, de concevoir de nouveaux schémas, de
nouvelles combinaisons de neurotransmetteurs (ces substances chimiques qui transmettent les
messages entre cellules nerveuses). En fait, notre encéphale est malléable, sans cesse en train de
se modifier, de reconfigurer ses connexions en fonction d'expériences et d'idées inédites. Et, fruit
de l'apprentissage, la fonction individuelle des neurones se transforme elle aussi, ce qui leur
permet de mieux convoyer les signaux électriques. Les scientifiques appellent cette capacité de
changement inhérente au cerveau sa «plasticité».
Cette plasticité, les docteurs Avi Karni et Leslie Ungerleider, du National Institute of
Mental Health, l'ont expérimentée en confiant à des cobayes une tâche motrice simple : taper sur
une surface avec leurs doigts. Ils ont identifié les régions de l'encéphale impliquées dans cet
exercice en surveillant le fonctionnement cérébral par IRM (imagerie à résonance magnétique).
Tous les jours, pendant une semaine, à force de rééditer cet exercice, ils ont fini par gagner en
efficacité et rapidité. Au bout d'un mois, un deuxième examen cérébral a montré que la région du
cerveau mobilisé avait connu une expansion. La pratique régulière et répétée d'une même tâche
avait entraîné le recrutement de nouvelles cellules nerveuses et modifié les connexions
neuronales mises initialement à contribution.
Cette disposition remarquable de l'encéphale humain constitue la base physiologique des
possibilités de transformation de l'esprit. En mobilisant nos pensées grâce à de nouveaux modes
de réflexion, nous sommes capables de changer la manière de travailler du cerveau. Ce qui est
également à la base de l'idée que la transformation intérieure débute par l'apprentissage (avec
l'apport de nouvelles données). Enfin, elle suppose d'avoir la discipline de remplacer
graduellement le «conditionnement négatif» (qui correspond aux schémas existants d'activation
des cellules nerveuses) par un «conditionnement positif» (la formation de nouveaux circuits). Et
voilà comment l'idée d'exercer l'esprit au bonheur revêt une réalité tangible.
Textul 2

Un Nuremberg des tortures syriennes s’ouvrait, en Allemagne, où des séides de Bachar


al-Assad étaient jugés pour crime contre l’humanité – mais c’est le respect des gestes barrières
dans le Bade-Wurtemberg qui avait droit à tous les commentaires.
L’Etat islamique qui, comme les champignons des caves, croît dans l’obscurité
médiatique et la moiteur des mondes confinés, se refaisait en Irak, fourbissait ses armes au
Rojava et faisait une percée au Mozambique où cinquante jeunes d’un village de brousse
venaient de se faire massacrer pour avoir refusé de prêter allégeance aux « chebabs » –
l’événement n’existait pas ; à part une vague dépêche, par-ci, par-là, il n’était pas enregistré.
Xi, reprenant les recettes de Deng (qu’importe le chat, pourvu qu’il attrape la souris !),
profitait, lui aussi, de la situation pour accélérer le «règlement» de la question ouïghour et, à
Hong Kong, arrêter les opposants, persécuter les journalistes libres et imposer une «loi de
sécurité nationale» qui enfoncerait le dernier clou dans le cercueil de la démocratie; mais nous
n’avions d’yeux que pour les gels et les tests qu’il «offrait» à l’Europe.
Une démocratie naissait au Soudan. Une révolution continuait d’avoir lieu en Algérie qui
n’était pas seulement le pays de La Peste mais celui d’une détermination et d’un sourire plus
forts que les nomenklaturas. L’Iran lançait un nouveau modèle de fusée Qased qui préludait à la
mise au point de missiles à longue portée qui pourraient, un jour prochain, réduire en cendres
Beyrouth, Riyad ou Tel Aviv. Daech frappait dans la région parisienne, à Colombes. Bolsonaro
s’asseyait sur les droits sociaux et les salaires. L’Inde ravalait ses musulmans au rang de citoyens
de seconde zone tandis que le massacre des chrétiens, au Nigeria, continuait. En France, le
chômage explosait. Les centres d’accueil pour SDF fermaient. Les préfets redoutaient des
révoltes de la faim. Mais non. Rien de rien. Il ne se passait toujours rien. Et il n’y avait de place,
dans les media, que pour des débats théologiques sur les mystères du tocilizumab ou des
substituts nicotiniques.
Textul 3

Malou m’attend assise sur le banc à l’entrée du bâtiment, ses lunettes de soleil de star sur
le nez. Celles que nous avons achetées ensemble l’année dernière quand elle me disait qu’elle
voulait faire jeune. La taille incroyable des verres fumés cache une partie des rides de son visage.
Effet liftant garanti. Son visage légèrement tourné vers le soleil lui donne des airs de starlette sur
la Croisette. Une jambe repose sur l’autre, les mains sur le genou du dessus et le dos droit. Malou
est très élégante. Elle l’a toujours été. Elle a passé plus de trente ans comme petite main chez
Chanel à Paris, et n’est revenue en Alsace avec son mari qu’à l’heure de la retraite. Mais elle a
continué à confectionner, pour elle, pour ses enfants, ses petits-enfants et à prendre soin d’elle.
Son rêve? Me coudre ma robe de mariée. Encore faudrait-il que je me marie... Laurent ne
veut pas pour l’instant. Il dit que c’est trop tôt. Un jour, ce sera trop tard, mais comment le lui
faire entendre?
Quand elle me voit arriver, elle me fait un petit signe gracieux de la main, façon Miss
France. Elle me fait rire.
Une demi-heure plus tard, nous sommes assises dans un coin de sa pâtisserie préférée.
Elle a commandé un thé vert au jasmin et un paris-brest. Comme d’habitude. Elle n’a jamais
voulu me dire pourquoi elle choisit un paris-brest à chaque fois.
− Ils sont très bons ici.
Certes. Mais elle pourrait varier les plaisirs. Elle dit qu’elle a une tendresse particulière
pour les paris-brest. Soit.

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