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N°44 - LE MAGAZINE DE L’INREES INREES.COM

TRIMESTRIEL OCTOBRE • NOVEMBRE • DÉCEMBRE 2019

AMAZONIE Conscience
« J’ai parlé Enjeux et
à la forêt » décryptage

SCIENCES
Une technologie
venue d’ailleurs

Phytothérapie
La médecine
d’Hildegarde de Bingen

Ces éveils qui guérissent

Miracles !
QUAND L’INEXPLICABLE BOULEVERSE
NOTRE VISION DU MONDE…
Vulnérabilité • Amour • Transe • Psychédéliques
BEL : 9,00 € / CH : 12,90 CHF / DOM : 9,00 € /

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L’INREES est un institut réunissant des experts du monde de la science, de
la santé, de la psychologie, de la spiritualité et de la culture, autour d’expériences
particulières, dites inexpliquées ou extraordinaires, qui nous invitent à penser
l’humain, la vie, la nature, le monde et l’univers autrement.
 Édito

Avoir
confiance
Croyez-vous aux miracles ?
Notre regard est souvent fuyant face
à une telle question...

Répondre « oui » laisserait penser que Dieu détrône à nos yeux une Sébastien Lilli
science fébrile. Répondre « non » redonnerait l’autorité à celle qui fait Directeur de la publication
et rédacteur en chef
foi à notre époque, mais mépriserait des milliers de cas de guérison 
recensés ici et là, qui défient encore toute explication rationnelle. En
bonne chercheuse de vérité, et pour ce numéro d’automne, la rédaction Regarder les
d’Inexploré a osé transformer cette première question, d’apparence plutôt
bancale, en une quête sérieuse et vertigineuse : certains éveils guéris- miracles dans les
seurs peuvent-ils bouleverser notre vision du monde ? Certains miracles yeux demande à
médicaux peuvent-ils être la source d’une nouvelle manière d’envisager
la vie ? Ces phénomènes extraordinaires peuvent-ils même nous inviter
la fois du courage,
à de nouvelles pratiques thérapeutiques ? afin d’abandonner
nos certitudes,
Depuis toutes ces années d’enquête, au contact de praticiens divers et
variés, j’ai vu de mes yeux des personnes comme vous et moi défier tous et une sorte de
les pronostics des médecins... Rédemptions inimaginables, rémissions lâcher-prise, afin
impossibles, et pourtant, soudainement, c’est le retournement ! Un pro- d’accepter notre
blème de santé, souvent marqué par des années de soins, disparaît tel un
vulnérabilité.
éclair, loin des traitements habituels. Parfois avec l’aide d’un magnéti-
seur, parfois suite à une visite dans un lieu de culte ou d’énergie... Parfois,
sans rien de tout cela. Plus occasionnellement encore, dossier médical à
l’appui. Les faits sont là : quelque chose se joue dans l’invisible, dans cette

interaction entre l’âme du monde, notre esprit et notre corps... Quel est
cet espace qui peut nous sauver ?

Une chose me semble chaque jour un peu plus évidente : si nous obser-
vons que notre monde est extraordinaire par moments, alors c’est que
PHOTO : LAURENT DESMARET / INEXPLORÉ

notre monde est probablement extraordinaire à chaque instant de nos

vies. En prenons-nous assez conscience ? Regarder les miracles dans les
yeux demande à la fois du courage, afin d’abandonner nos certitudes, et
une sorte de lâcher-prise, afin d’accepter notre vulnérabilité. C’est finale-
ment peut-être là que résident leurs secrets indomptables... Croire. Non
pas niaisement, mais sous sa forme originelle : avoir confiance, entrer dans
une relation intime avec cette dimension plus grande, qui semble bien
avoir un rôle à jouer auprès de nous, si nous lui laissons une place ! ●

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 3

inexp oré
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Directeur de la publication
et rédacteur en chef
Sébastien Lilli
Assistante de direction
Delphine Tandé
Fondateur
Stéphane Allix
Directeur artistique
Jérôme Saïdani Une série documentaire
Directrice artistique adjointe
Cécile Gault exclusive à découvrir
dès le 13 novembre 2019…
Secrétaire de rédaction
Melanie Chereau
Correctrice
Isabelle Lallouët
Relectrice
Karine Larcher
Rédacteurs
Aurélie Aimé, Stéphane Allix,
Carine Anselme, Jérôme Bourgine, Melanie Chereau,
Claire Eggermont, Réjane Éreau, Miriam Gablier,
Florence Leray, Catherine Maillard,
Jocelin Morisson, Martino Nicoletti
Responsable communication
et partenariats
Justine Boyer
Photographes
Stéphane Allix, Johan Faure, Martino Nicoletti,
Olivier Seignette
Couverture
Getty images - Peter Amend
Conception éditoriale
INREES, 67 rue Saint-Jacques
75005 Paris
Présidence
Sébastien Lilli
RCS Paris 529 179 582
ISSN : 2119-4971
N° Commission paritaire 
0224 K 90498
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Titre modifiable sur le portail-diffuseurs : www.direct-editeurs.fr
À Juste Titres, Stéphanie Troyard : 04 88 15 12 48
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Une étrange constellation du féminin sacré se dévoile
dans la capitale française. Aurait-elle un lien avec Isis,
déesse funéraire de l’Égypte antique ?
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Taux de fibre recyclée : 58 %. Ce film est le fruit des recherches transmises par
Eutrophisation : le PTOT est de 0,006 kg / T
des auteurs anonymes au fil des siècles qui vous seront
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 Sommaire

3 L’ÉDITO
Incarner
Sébastien Lilli
8  RAND
G 96 T HÉRAPIE
ENTRETIEN La médecine de l’abbesse
Laurent Huguelit Hildegarde de Bingen
Le message d’amour
de la forêt 102 P
 RATIQUE
Cueillette sauvage
106 VISION D’AVENIR

S’inspirer
La permaculture

16 NOUVELLE TERRE
Les news S’émerveiller
28 PORTRAIT
110 PLUS PRÈS DES ÉTOILES
Mâ Ananda Moyî
L’éternelle présence Technologies venues d’ailleurs

32 SOCIÉTÉ 114 CHEMIN

De la guerre à la spiritualité Victor Hugo, la demeure mystique

38 S
 CIENCE 116 T ÉMOIN
Les phosphènes à notre secours Monique Jorland
L’apparente obscurité
42 S
 ANTÉ
118 M
 YSTÈRES
Soigner ses yeux naturellement
Une voiture maudite
46 T RADITION
120 U
 NE HISTOIRE
L’Ars moriendi
Un appel transchamanique
50 I NVISIBLE
Vous avez dit « conscience » ?
122 L IVRES
3 QUESTIONS À
Christophe Massin
Explorer 123
L’ego dans tous ses états
À
 LIRE ET À VOIR PHOTOS : JOHAN FAURE - OLIVIER SEIGNETTE - GETTY IMAGES

86 L’INVITÉ La sélection d’Inexploré

Bettina de Pauw
Relier psychologie
130 L E BILLET
Stéphane Allix
et spiritualité

90 REPORTAGE
Citadelle
alchimique

6 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 PSYCHOLOGIE
Accepter notre
vulnérabilité

80

DOSSIER

Ces éveils qui guérissent

Miracles !
Éclosion foudroyante 56
Guérisons miracles 58
Mystérieuses rémissions 64
Transe, une médecine du futur ? 68
Des visions qui révèlent l’âme 74
L’éveil spirituel ne guérit pas (forcément) le corps 79
Accepter notre vulnérabilité 80
Pour aller plus loin 84
 GRAND ENTRETIEN
LAURENT HUGUELIT

la forêt de
Si la forêt amazonienne parlait, qu’aurait-elle à cœur de transmettre ?
Chamane, auteur, enseignant, Laurent Huguelit partage,
dans son ouvrage Mère, l’enseignement qu’il a reçu d’elle.
Et en cette période incendiaire, il est temps d’écouter
ce qu’elle a à nous dire…
Propos recueillis par Réjane Éreau et Sébastien Lilli. Photos Olivier Seignette.

En Amazonie, on appelle la forêt la Madre – la Mère. Voir le vivant, voir en nous-mêmes, voir à travers
Nos cultures l’ont oublié, mais la nature est notre mère les autres… Et retrouver une vision à même de faire
à tous. « Humble, humus, humain, viennent de la même émerger une nouvelle conscience et de nouveaux
DESSINS ANGÉLINE BICHON © MAMA ÉDITIONS (2019)

racine : la terre », rappelle le chamane suisse Laurent
Huguelit, également responsable pour la France de
la Foundation for Shamanic Studies, dans son dernier
livre. Qu’avons-nous fait de la relation sensible et sa-
crée qui nous reliait à la forêt ? Déjà auteur des Huit
circuits de conscience et coauteur du livre Le chamane
et le psy, il retranscrit dans Mère le ressenti qu’il a eu
de la présence de la forêt amazonienne au Pérou et
transmet son enseignement. Par ses mots, et grâce
aux illustrations signées Angéline Bichon, il partage
son regard. Et si là était le sujet : réapprendre à voir ?
comportements. « Vibrer en harmonie avec le monde
est l’une des clés du sauvetage qui se prépare », rappelle
Laurent Huguelit. Un appel vibrant qui nous invite
à revenir au cœur de ce que nous sommes et d’où
nous venons.
D’où est venue l’impulsion
de votre voyage au Pérou ?
J’y suis allé sans intention particulière, mais a poste-
riori, j’observe que c’était une façon de boucler une
boucle sur mon chemin de vie. J’exerce le F F F

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 9

 GRAND ENTRETIEN
LAURENT HUGUELIT

F F F chamanisme depuis la fin des années 1990.

À cette époque, je travaillais beaucoup avec les
plantes. Puis, en raison de ma pratique bouddhiste
et d’une recherche de sobriété, le tambour est arrivé
comme une évidence. Depuis plus d’une décennie,
je me dédie à son usage et à son enseignement, dans
le cadre de la Foundation for Shamanic Studies fondée
par l’anthropologue Michael Harner. En 2015, j’ai
été très touché par les attentats perpétrés à Paris et
j’ai eu besoin de faire un break ; Angéline, ma com-
pagne, souhaitait retourner au Pérou, où elle avait
vécu il y a quelques années. Plusieurs amis m’avaient
recommandé le chamane Yann Rivière, si bien que
nous nous sommes retrouvés chez lui, accompagnés
de Walter Martinez Guimaray, un maestro shipibo.

Était-ce votre premier voyage au Pérou ?

Oui, j’y suis allé en parfait débutant. J’ai vécu ma première
diète amazonienne, la plus importante de ma vie – et la
dernière également ! La forêt m’a expliqué que c’est jus-
tement parce que j’étais un outsider, avec ce zeste d’inno-
cence, qu’elle a souhaité travailler avec moi à la rédaction
de Mère. En fin de séjour, elle m’a très clairement dit, sans
négociation, que les plantes d’Amazonie, c’était terminé
pour moi – et un ordre de la forêt, ça se respecte… C’est
durant cette diète traditionnelle que j’ai « reçu » Mère, l’en-
seignement de la Mère-forêt, sur ce que l’on peut faire pour
l’enseignement
préserver ce qui est naturel – et donc sacré – sur Terre.
L’esprit de la forêt vous a interpellé dès la
Mama Éditions,
première cérémonie…
Rien n’était prémédité. À cette époque, ma pratique cha-
manique était connectée à des esprits liés au cosmos et
aux lois de la physique, plutôt qu’à la Terre-Mère et aux
questions de féminité, d’écologie, de respect du vivant. En
arrivant au Pérou, je ne m’attendais pas à ce que la forêt
amazonienne s’adresse à moi. Je me suis assis dans la malo-
ca, les chamanes se sont mis à chanter, et elle m’a parlé. J’ai
entendu sa voix très distinctement : elle m’a tout de suite
dit que nous allions écrire un livre ensemble, qu’elle avait
besoin d’une plume humaine pour se faire entendre. La
surprise s’est changée en évidence. Au lendemain des céré-
monies, je prenais des notes, je répétais les paroles de la fo-
rêt sur un dictaphone. Je sentais que je devais transmettre
ses phrases les plus fortes telles qu’elle les avait dites. S’en
est suivi un long travail de rédaction, qui a finalement
duré trois ans. J’ai vite compris que ce livre n’était pas
le mien, mais celui de la forêt : tout cela était bien plus
intelligent que le petit Homo sapiens Laurent Huguelit !
Comment décririez-vous ce que vous avez
À perçu et qu’est-ce qu’un « esprit » ?
LIRE La forêt souhaite être entendue, toucher le cœur de ses
enfants. Son enseignement est universel, pour tout le
monde, et elle insiste sur ce point : pas besoin de croire
aux esprits, pas besoin d’être dans un questionnement
sur la véracité du spirituel, pas besoin d’être féru de tra-
ditions. Dans le chamanisme, il y a ce principe fondateur
selon lequel tout ce qui nous entoure a une intelligence,
Mère, une mémoire : les minéraux, les plantes, les animaux…
spirituel Même les objets. Tout ce qui existe a un esprit, une âme.
de la forêt Quand un chamane contacte un esprit, il se relie à l’es-
amazonienne sence de cette mémoire, de cette intelligence. Dans le
2019, 25 € livre, la forêt explique clairement que lorsqu’on parle de
monde spirituel, on fait référence à quelque chose qui a
sa propre existence. C’est une question de fréquences :
les plus denses et les plus condensées forment la matière
solide, mais il en existe d’autres, plus subtiles, qui consti-
tuent des « mondes » dans lesquels il est possible de voya-
ger et de rencontrer des êtres invisibles tout aussi réels
que nous. Dans cette perspective, l’esprit de la forêt est
l’un des gardiens de la Terre-Mère ; c’est la réunion de la
grande intelligence du vivant, une intelligence qui nous
aime, nous éduque et nous protège.
La voix de la forêt amazonienne était-elle
différente des autres ?
Oui, de la même manière que les êtres humains sont tous
différents, mais tous réunis par une généalogie ancestrale.
Les forêts sont sœurs, elles partagent la même famille.
Et les forêts primaires sont, littéralement, les mères de
toutes les forêts. Quand l’esprit de la forêt amazonienne

10 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019


vient me parler, je sens sa force particulière, son amour,
qui est éblouissant. Chaque forêt a sa voix, son chant.
Quand je suis dans la forêt de mon enfance, en Suisse, je
me connecte aux arbres locaux : les hêtres, les chênes, les
pins… À travers eux, je peux contacter toutes les forêts
du monde – car tous les arbres sont reliés, comme des
antennes relais. Je peux également toucher l’esprit de la
Mère-forêt, que je perçois comme une matrice végétale.
Certains lieux remarquables, tels que le parc Yasuni en
Équateur, ou le parc de Manú au Pérou, sont le refuge de
cette matrice. Ce sont des sanctuaires qu’il faut préserver
à tout prix. Tant que ces espaces existeront, la Mère de
toutes les mères existera.
Dans son message, l’esprit de la forêt a vite
installé un sentiment d’urgence…
Nous savons tous qu’une menace pèse sur le vivant, mais
nous n’appréhendons pas tout à fait encore avec quelle
violence et quel déchaînement les forêts et les espèces
qu’elles hébergent sont en train de disparaître. À force
d’être coupé, exploité, le socle végétal de la biodiversité
se trouve menacé. Si l’on ne fait rien, ce sera une catas-
trophe, car les forêts régulent tout sur Terre, y compris le
climat, les pluies, les courants océaniques… J’ai trouvé
remarquable que ce soit la forêt amazonienne, première
victime de ce massacre, qui s’exprime. Pour une fois, les
forces qui œuvrent en silence à la préservation du joyau
qu’est la Terre se font entendre.
Vous êtes proche de la nature depuis
longtemps. Que vous a appris la forêt,
que vous ignoriez ?

La forêt
souhaite
être
entendue,
toucher le
cœur de ses
enfants.
Que tout se joue dans le cœur. Que le problème et la
solution sont posés en un seul mot : le cœur. Que por-
tons-nous dans notre cœur ? En quoi notre cœur nous

pousse-t-il à détruire notre mère, la nature, alors qu’il
est censé la préserver ? « Nous » en tant qu’espèce, car
l’humanité est responsable collectivement de ce qui
est en train de se passer. Durant l’une des cérémonies,
j’ai vu la Terre entourée d’un brouillard généré par le
psychisme humain. Une épaisse brume qui étouffe le
vivant. Dans beaucoup de sagesses, on insiste sur l’im-
portance de maîtriser nos pensées, nos paroles et nos
actes, de ne pas en faire des exutoires. L’accumulation
de négativité n’affecte pas seulement notre bien-être et
celui de nos proches : elle étouffe aussi la planète. En
prendre conscience, c’est abyssal. La forêt m’a dit : « Il
faut absolument que vous exploriez les tréfonds de votre
cœur, parce que son contenu vous échappe parfois et peut
alors dévier vos bonnes intentions. » Il faut revenir au cœur
du problème, c’est-à-dire à notre cœur.
L’humanité n’est pas née le cœur impur.
Quand tout s’est-il dévoyé ?
Nous avons petit à petit cessé de respecter ce que la forêt
appelle les « pactes sacrés », c’est-à-dire le respect mu-
tuel entre l’homme et la femme, qui est le fondement
de toute relation, le respect entre les cultures, qui est le
fondement de toute richesse, ainsi que le respect entre
l’humain et la nature, qui est le fondement de toute sur-
vie. Voilà le problème : le manque de respect. Et pour ce
qui est de la solution, c’est très simple : nous devons –
et c’est un devoir au sens noble – respecter les femmes,
les cultures et le vivant, leur exprimer notre gratitude
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 11
 GRAND ENTRETIEN
LAURENT HUGUELIT

et honorer leur grandeur, leur sagesse. Et comprendre

également qu’il n’y a pas de vie possible sans coopéra-
tion. De génération en génération, nous nous sommes
habitués à être l’espèce et la culture dominante, dans
une structure patriarcale qui repose sur la domination.
Pourtant, il y a des règles de vie toutes simples, dans ce
que je nomme « l’éthique naturelle ». Ces règles ne sont
pas faites pour nous contraindre ; bien au contraire, elles
nous accompagnent, elles cherchent à nous ennoblir.
Comme le dharma dans le bouddhisme, elles nous per-
mettent d’accéder à un autre niveau de conscience, de
relation et de société.

D’où vient cet enfer : de nos projections

personnelles ? De l’inconscient collectif ?
Dans l’invisible, les projections sont une forme d’empoi-
sonnement psychique. Lorsque je suis en colère contre
 autrui, que je suis jaloux, que j’ai du ressentiment à l’en-
contre d’un autre « moi », je l’empoisonne, intention-
nellement ou non, par mes pensées, paroles et gestes.
Par rétroaction, je m’empoisonne également ; et pour
que la boucle soit complète, j’empoisonne le champ de
conscience collectif, le champ du vivant. Au final, on
La grande réunification pourrait dire : « Mes émotions négatives sont en train de
couper à blanc la forêt amazonienne. Le réchauffement
du spirituel et du naturel climatique et l’effondrement de la biodiversité sont les as-
se trouve là, pects visibles de mes avidités, de mes addictions. » Dans
nos cultures, les enfants sont tout spécialement sous le
au pied d’un arbre. feu des projections de leurs proches, et se retrouvent en-


suite, une fois adultes, le cœur rempli d’obscurités qui
ne leur appartiennent pas. La forêt insiste sur le fait que
nous sommes des êtres de nature avant tout. Se retrouver

12 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

à observer le contenu de son cœur en toute clarté est une
première étape vers la guérison. En général, ce qui y est
« stocké » remonte à la surface à des moments précis du
parcours de vie : des périodes de transition, des ruptures,
des maladies, des accidents, etc.
Prendre conscience de ces enjeux suffit-il à
changer la donne ?
Découvrir que nos projections, émotions et souffrances,
sont partagées par des milliers d’autres êtres et alimentent
un brouillard généralisé peut être vertigineux. On peut
même être tenté de jeter l’éponge en se disant : « La tâche
est trop immense. » Mais il faut y aller, la forêt nous y
invite : c’est maintenant que ça se passe. L’état de la pla-
nète Terre reflète exactement l’état de notre cœur. Et la
première chose à faire est de clarifier nos intentions. À la
fin du livre, je prends un arbre à témoin et je demande à
la sensibilité, à la réflexivité, à l’équanimité et à la com-
passion d’être tous les jours dans ma vie. Ces qualités
m’apparaissent comme des esprits alliés. La forêt nous
invite à cheminer avec eux. C’est l’aspect « magique » des
synchronicités : une fois l’intention clairement posée,
avec sincérité, la grande intelligence du vivant y répondra
par des expériences, des rencontres, des livres, etc., qui
ouvriront le chemin.
À force d’être mises à toutes les sauces,
certaines notions comme la compassion
peuvent paraître galvaudées…
Dans le livre, la forêt donne sa propre définition de cer-
tains mots clés. Elle présente la compassion comme une
force tellement immense que j’ai dû revoir mes fonda-
mentaux, ne serait-ce que pour l’appréhender un tout
petit peu. Je comprenais mal ce mot – j’y voyais de la
pitié, le fait de considérer la souffrance avec une distance
froide –, alors qu’il s’agit d’une force de guérison univer-
selle. La compassion, c’est réaliser que notre cœur a son
histoire, et que nous sommes toutes et tous dans le même
bateau : je suis un enfant de la forêt qui chemine et fait
de son mieux, et qui a besoin de sa mère spirituelle pour
grandir ; les autres sont mes sœurs et mes frères, et si nous
le voulons bien, nous allons œuvrer ensemble à respecter
la Pachamama, la Terre-Mère.
Quelle voie spirituelle choisir ? Comment
appréhender leur complémentarité ?
Tout être humain est un trésor d’une richesse époustou-
flante, et la forêt nous aime tous autant que nous
sommes. Peu importe la voie, il suffit de suivre son cœur
et de garder à l’esprit que tout est complémentaire et par-
ticipe à une même spiritualité, à une même conscience.
Je suis imprégné de taoïsme et méditant bouddhiste de-
puis près de vingt ans. En écrivant ce livre, j’ai compris
pourquoi cette pratique entrait en résonance avec ma
fibre chamanique. La direction est la même : prendre
conscience, se libérer des entraves, retrouver le respect
de soi, des autres, de tout ce qui est. Le chamanisme est
l’arrière-grand-mère des traditions spirituelles ; et à son
origine, il y a la nature et les grands esprits du vivant.
Le Bouddha a atteint l’éveil au pied d’un arbre, Jésus
a prêché sur le mont des Oliviers… Pour retrouver la
sagesse sur Terre, il faut retrouver la nature. La grande
réunification du spirituel et du naturel se trouve là, au
pied d’un arbre.
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 13
 GRAND ENTRETIEN
LAURENT HUGUELIT
 Mais en quoi s’asseoir au pied
d’un arbre peut-il aider ?
Il n’y a rien de plus essentiel que
Le de retrouver les arbres. Et s’il y
a une effervescence de livres,
problème et films et documentaires sur les
la solution arbres en ce moment, ce n’est
sont posés pas par hasard : la forêt nous
appelle. Donc oui, il suffit
en un seul d’aller auprès d’un arbre, de
mot : le toucher, de lui demander de
l’aide et de lui dire : « Je sais que
le cœur. tu es l’incarnation de la sagesse na-

turelle, que tu représentes la Mère-fo-
rêt et que tu es un maître vénérable.
J’aimerais cheminer avec toi. » Et je
vous garantis que cela mettra en mou-
vement des forces qui vous apporte-
ront exactement ce dont vous avez
besoin. Nous ne sommes jamais seuls, le
vivant nous accompagne bien au-delà de ce que
nous pouvons imaginer.
Est-il chamaniquement possible d’aider
la nature à résister à sa destruction ?
L’effervescence écologique actuelle est une très bonne
nouvelle pour la planète, mais il faut que le cœur en soit
le moteur, et pas uniquement l’urgence ou les équations
climatiques. Dans nos sociétés, ce pont reste à construire,
alors que dans les cultures traditionnelles, rien d’écolo-
gique, aucun geste de culture ne se fait sans l’accord des
14 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
forces de la nature. Et cet accord signifie
avant tout savoir remercier pour être
aidé, soutenu, aimé.
Peut-on avoir confiance
en l’homme ? Les
discours, souvent, ne
sont pas suivis d’actes !
La confiance vient avec le dis-
cernement et la connaissance du
cœur. Il ne s’agit pas d’une forme
d’idéalisme – on n’oublie pas l’im-
mense travail à accomplir ; mais l’es-
pérance que le cœur aide à retrouver
permet de se souvenir que l’homme est
profondément amoureux de la Terre.
Et pour faire une boutade, je dirais que
c’est la femme qui rendra sa confiance
à l’homme ! L’enseignement de la fo-
rêt est un hommage rendu aux femmes.
La forêt est ouvertement écoféministe, et elle
souhaite que les hommes acceptent également
leur propre féminité. Pour ma part, la confiance se
développe paradoxalement dans la lenteur ; malgré
l’urgence, la patience m’apparaît comme un antidote à
beaucoup de problèmes. Éric Julien, que j’admire pour
son travail de préservation de la culture kogi, explique que
lorsqu’on pose une question à leurs chamanes, ils mettent
deux semaines à répondre. À méditer… Dans la lenteur,
on y voit clair ; on se fait moins d’illusions, et on peut agir
de manière efficace, en accord avec le vivant. ●
 S'inspirer


Les vrais
miracles
font peu
de bruit
ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY


 Nouvelle Terre Nature

DRÔLES DE BÊTES
Poisson
en apnée
Le Chaunacidae, poisson abyssal,
peut retenir sa respiration, ce
qui n’est pas banal pour un
poisson pouvant respirer sous
l’eau ! Grâce à ses grandes
cavités branchiales, il se remplit
d’eau de mer et, capturant plus
d’oxygène, il peut ainsi « retenir
son souffle » pendant 4 minutes.
Cela lui permettrait d’économiser
son énergie (la nourriture est rare
dans les profondeurs) et pourrait
être un mécanisme de défense. ●

À MÉDITER
Un arbre zombie ESPOIR
Dans la forêt de Nouvelle-

Écologie,
Zélande pousse une variété
d’arbre, le kauri, qui peut vivre
jusqu’à 2 000 ans. Récemment,
une souche de cet arbre a
été observée comme étant
« encore vivante » alors
la France à petits pas
qu’elle n’a plus ni branche ni

feuille. Elle se nourrit de ses
congénères par son réseau
de racines, essentiellement
la nuit, lorsque ses voisins
dorment et ne pompent plus
leur eau ni leurs nutriments. ●
DRÔLES DE BÊTES
Des œufs
connectés
Une étude a démontré que
les oiseaux commencent leur
apprentissage et peuvent
communiquer avec leurs
frères et sœurs avant même
leur sortie de l’œuf. Plus
spécifiquement, ils entendraient
les cris d’avertissement des
oiseaux adultes, et pourraient
transmettre ces informations au
reste de la couvée. ●
S
i la France progresse tran-
quillement mais sûrement en
matière de protection envi-
ronnementale, on le doit au
nombre croissant d’initiatives locales
portées par des esprits ingénieux. Par
exemple, puisque l’agriculture est res-
ponsable de 10 % des émissions de gaz
à effet de serre de l’Union européenne,
des agriculteurs vendéens ont créé un
biocarburant à base de fumier. Pour va-
loriser les effluents de leurs élevages en
biométhane, ils ont ouvert la première
station-service au gaz naturel bio d’ori-
gine agricole en France, la BioGNV.
Depuis 2014, leur production permet
aussi de subvenir aux besoins en chauf-
fage de 1 500 habitants. Autre initiative,
en Auvergne cette fois-ci : un « parking
solaire » est testé, afin de chauffer la
piscine municipale. L’ingénieux pro-
cédé permet de capter, stocker et redis-
tribuer l’énergie du soleil qui chauffe le
bitume. Outre ces initiatives, des pro-
jets de plus grande ampleur prennent
vie : dans le Vaucluse, la première cen-
trale solaire flottante de France (et plus
grande d’Europe) entre en service en
septembre 2019. Ses 47 000 panneaux
photovoltaïques flotteront sur l’eau
d’une ancienne carrière désaffectée
transformée en lac artificiel et pourront
produire jusqu’à 17 mégawatts, soit la
consommation annuelle en électricité
de 10 000 personnes. Enfin, pour limi-
ter la pollution plastique, une société
picarde a créé un filet de pêche 100 %
biodégradable, conçu à partir d’amidon
de maïs. Un progrès majeur quand on
sait que, chaque année, 640 000 tonnes
de filets et autres matériels de pêche
sont jetés dans les océans. ●

16 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 Le conseil naturo
Les microalgues, QUAND
une panacée !
Elles s’appellent spiruline, chlorelle et klamath. Ces mi-
croalgues, remarquables du fait de leurs vertus santé, VOUS
sont plébiscitées par un nombre croissant de consom-
mateurs. La chlorelle est une algue microscopique, dis-
posant d’un noyau individualisé par une membrane,
riche en chlorophylle et en cellulose. La spiruline, tout
REFERMEZ
comme l’algue du lac Klamath, appartient à la famille
des cyanobactéries. C’est un organisme microbien appa-
ru il y a plus de 3,5 milliards d’années ! C’est dire si elle
UN BBBBBBB
contient des informations nutritionnelles et subtiles,
tant elle a traversé les différentes étapes de l’apparition
de la vie sur Terre. Du fait de leurs qualités nutrition- UNE
nelles, ces super-aliments sont recommandés en cure
ou ponctuellement : riches en protéines, acides gras
essentiels, oligo-éléments, vitamines, ils se démarquent NOUVELLE
aussi par leur teneur exceptionnelle en fer, bêta-caro-
tène, ainsi qu’en provitamine, précurseur de la vita-
mine A, et en vitamine B12. VIE S’OUVRE
À L U I.
_______________________________

EN TRIANT VOS JOURNAUX,

Comment l’utiliser ? MAGAZINES, CARNETS,

ENVELOPPES, PROSPECTUS ET
En poudre, en comprimés, ou fraîche si possible TO U S V O S AU T R E S
concernant la spiruline. Les microalgues se dé- PA P I E R S , V O U S A G I S S E Z
clinent en fonction des préférences de chacun.
POUR UN MONDE PLUS DURABLE.
On peut les consommer en cas de carence, de
fatigue ou de baisse immunitaire. Et d’une ma- P L U S D ’ I N F O R M AT I O N S S U R
nière générale, dans toutes situations où un LE RECYCLAGE SUR
apport supplémentaire de protéines et nutri-
TRIERCESTDONNER.FR
PHOTO : SHUTTERSTOCK - VLADO MARKOV - GEET THEERAWAT

ments essentiels est requis.

_______________________________

À faire soi-même
Un « super » smoothie Donnons ensemble une nouvelle vie à nos produits
pomme-banane-spiruline
PRÉPARATION Avec de la spiruline fraîche ou en
poudre, mixer dans un blender une banane,
300 millilitres de jus de pomme, une cuillère à
café de spiruline. Boire aussitôt.
 Nouvelle Terre Santé

C’EST POUR DEMAIN

L’homéo
en a pâti
Le gouvernement a tranché
début juillet : l’homéopathie ne
sera plus remboursée à partir de
2021, au grand dam de ceux pour
qui son efficacité est indubitable.
Les tenants de l’homéopathie
insistent sur l’importance de
l’approche des praticiens,
dont l’écoute va au-delà de
la description symptomatique,
permettant à la personne
de mieux se comprendre et
de prévenir la maladie. ●

ET ÇA MARCHE
À MÉDITER
L’oreille sexuée
La cochlée, partie auditive de notre
oreille interne, n’a pas la même Maladie de Lyme :
la folle théorie
forme selon que nous sommes
un homme ou une femme. Cette
découverte faite par une équipe
franco-sud-africaine a permis de

créer une méthode infaillible de
reconnaissance du sexe lorsque
l’ADN est trop abîmé. En effet,
la cochlée est située dans l’os
le plus dur du crâne, qui est
souvent retrouvé dans les fouilles
archéologiques. Cela permettra de
sexuer de très anciens fossiles. ●
ESPOIR
L’IA dépiste
le cancer
Une équipe de chercheurs du
département recherche de
Google vient d’élaborer une IA
(intelligence artificielle) sous
forme d’un logiciel capable de
dépister le cancer du poumon.
Grâce à un algorithme très précis,
issu de centaines d’images de
scanners de personnes atteintes,
le logiciel peut interpréter une
image d’un poumon suspect plus
précisément qu’un médecin. ●
L
a borréliose de Lyme a atteint
67 000 Français rien qu’en
2018 (source : Santé publique
France) et touche 300 000
Américains par an. Transmise par les
tiques, cette maladie ravageuse pro-
gresse d’année en année… Une folle
théorie vient d’être relancée : et si elle
était le fruit de tests de l’armée amé-
ricaine ? Des expériences auraient en
effet été réalisées pour le Pentagone
entre les années 1950 et 1970, durant
lesquelles des tiques se seraient échap-
pées. Cette thèse, jugée pour l’heure
peu vraisemblable, a été propagée suite
à la publication d’un livre, dont l’au-
teur s’est appuyé sur diverses sources
scientifiques. Un amendement par-
lementaire a été adopté au mois de
juillet pour qu’une enquête soit me-
née... De plus, depuis 2017 aux USA,
une espèce de tique d’Asie très vorace
a causé la mort par hémorragie d’une
dizaine de vaches. Elle a la particularité
de rester accrochée à sa proie jusqu’à
19 jours, contre 7 pour les autres spéci-
mens et d’être très invasive. Néanmoins,
face à la maladie de Lyme, les scienti-
fiques sont désœuvrés. Les symptômes
peuvent être très variés et les prises de
sang ne détecteraient que 60 % des cas.
Pour se prémunir contre l’infection,
rien ne vaut la prévention : porter des
vêtements longs lors de sorties en na-
ture, s’inspecter soigneusement après,
utiliser des répulsifs, tels des huiles
essentielles (arbre à thé, lavande vraie,
clou de girofle). En cas d’exposition ou
d’infection, il est possible de se tourner
vers des remèdes naturels sur avis mé-
dical : les HE d’origan et d’ail seraient
efficaces, tout comme certains régimes
alimentaires, et il est recommandé de
booster son système immunitaire (pro-
polis, gelée royale…), même si la prise
d’antibiotiques est préconisée. ●

18 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 DES ÉVÉNEMENTS

Agenda
Automne
2019 ✔
Conférences & ateliers
Un événement
À
PARTIR Les week-ends de INREES
D’OCT. l’Extraordinaire
Toulouse, Nantes, Bordeaux, bientôt Orléans,
Rennes, Rouen, et bien d’autres villes…
Dès cette rentrée, l’INREES organise une tournée
nationale pour partager, le temps d’un week-end,
des expériences et rencontres inédites. Retrouvez
tous nos intervenants lors de conférences et ateliers CONFÉRENCES
près de chez vous ! & AT E L I E R S
www.inrees.com/Evenements

Colloque - Palais des congrès de Lorient

09NOV.
Être conscient
Quand les expériences ordinaires Tournée
et extraordinaires nous éveillent
Venez vivre un événement unique en Bretagne : le
2019/2020
premier colloque dédié à la conscience, organisé par
la librairie Quand les livres s’ouvrent. Chercheurs,
journalistes, scientifiques, philosophes, chamanes,
auteurs et conférenciers viendront partager leurs TOULOUSE NANTES
recherches avec vous. 26 & 27 octobre 2019 23 & 24 novembre 2019
www.etreconscient.bzh

Conférence - Espace Saint-Martin, Paris BORDEAUX ORLÉANS

19
NOV.
Hypnose régressive
Le mystère de
7 & 8 décembre 2019 18 & 19 janvier 2020
nos vies antérieures
Et si l’hypnose pouvait nous permettre de nous RENNES ROUEN
souvenir et de comprendre le sens de notre existence 1 & 2 février 2020 21 & 22 mars 2020
terrestre ? Linda Backman, docteure en psychologie
et thérapeute depuis plus de 40 ans, exposera les
découvertes phénoménales qu’elle a faites à propos
des vies antérieures, qui sont loin de se cantonner
uniquement à la vie sur Terre...
www.inrees.com/bonus/348

Forum 104, Paris

28 Tables rondes autour
PHOTO : SHUTTERSTOCK - SMILEUS

NOV.
de la psychophanie
Lors de cette soirée sera présentée la psychophanie, outil
thérapeutique permettant d’accéder à différents niveaux
de conscience. Des tables rondes seront proposées pour
échanger, témoigner et découvrir la formation.
www.tmpp.net
INFORMATIONS & RÉSERVATIONS
www.inrees.com
 Nouvelle Terre Laboratoire

PRÈS DE CHEZ VOUS

Un lourd secret
Beaucoup reste à découvrir
sur l’astre lunaire.
Une immense
masse métallique
étendue sur
2 500 km a été
découverte
sous un cratère
de sa face
cachée. Située
à 300 km sous la
surface et pesant
2,18 quintillions
de kilogrammes, elle
serait le résultat d’un
impact d’astéroïde. ●

LA SCIENCE AVANCE
Évolution
anti cancer
Pourquoi la reproduction
sexuée est-elle devenue
le mode de reproduction
dominant des organismes LA SCIENCE AVANCE
multicellulaires ?

Les secrets
Des chercheurs de Montpellier
ont avancé l’hypothèse qu’elle
réduirait le nombre de cellules

du microbiote
cancéreuses transmissibles,
la reproduction asexuée ayant
la particularité de profiter aux

mutations néfastes. ●
À MÉDITER
La Voie lactée
Récemment mesurée, notre
galaxie, la Voie lactée,
mesure 1 million d’années-
lumière, distance séparant
les étoiles les plus éloignées,
et devrait entrer en collision
avec sa voisine, la galaxie
Andromède, dans environ
quatre milliards d’années…
Ce qui devrait laisser le temps
aux astronautes de vérifier
cette dernière découverte :
le vin rouge contiendrait des
antioxydants permettant
de conserver leur vivacité
musculaire… ●
L
’exposition Microbiote, pré-
sentée à Paris cet été, a ac-
cueilli 380 000 visiteurs !
C’est dire l’intérêt que nous
portons à cette « faune » intestinale.
Et pour cause : il y a dans notre corps
autant de cellules que de microbes !
La plupart sont des bactéries et se
trouvent dans notre tube digestif, où
leur rôle pour notre santé est essentiel.
On sait aujourd’hui qu’elles jouent un
rôle clé dans les fonctions digestive,
métabolique, immunitaire et neurolo-
gique. Toutefois, les étudier n’est pas
chose aisée, puisque cela demande de
prélever des échantillons dans nos in-
testins. Jusqu’à présent, les analyses se
concentraient donc sur les matières fé-
cales, qui ont l’inconvénient de ne pas
bien représenter le microbiote de tout
le tube digestif. Pour résoudre ce pro-
blème, des chercheurs américains ont
développé une pilule en résine végétale
qui permet de collecter les microbes de
notre tube digestif de façon sélective et
sans être invasive, afin de mieux les étu-
dier. Un aimant à l’intérieur de la pi-
lule permet de contrôler sa trajectoire
et ainsi de prélever des échantillons
uniquement dans la zone d’intérêt. En
attendant que l’invention soit proposée
dans l’Hexagone, une start-up rennaise,
Nahibu, propose un kit de prélèvement
des selles pour mieux connaître notre
microbiote. La méthode de séquençage
utilisée, qui s’appuie sur les recherches
de l’Inra, serait extrêmement pré-
cise. Après réception des résultats, des
conseils de nutritionnistes sont dispo-
nibles sur une plateforme sécurisée. ●

20 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 AMÉLIORER
SA VUE DE FAÇON
NATURELLE
ET EFFICACE,
C’EST POSSIBLE !
C’EST POUR DEMAIN
L’homme bionique Dr JEAN DUPIRE
De nouvelles lentilles avec zoom intégré ont récemment L’IRIDOLOGIE
été créées par des chercheurs. Les cillements et DÉVOILÉE
mouvements des yeux pourraient à eux seuls les contrôler.
Reste à bien maîtriser son regard… De son côté, Elon Musk, L’ESPRIT
le milliardaire passionné de science, a présenté cet été son DU REGARD
projet Neurolink, une interface cerveau-machine. Dispositif
d’intelligence artificielle implantable dans le cerveau, 20€
il permettrait d’apporter à l’homme ainsi « augmenté »
des capacités décuplées telles que l’apprentissage de
langues étrangères, ou encore de traiter des pathologies
neurologiques comme la paraplégie ou la tétraplégie. ●
PHOTOS : SHUTTERSTOCK - ALEKSANDR LUPIN - ELNUR - DGLIMAGES - GIROSCIENCE

EVA LOTHAR
& L’ASSOCIATION
L’ART DE VOIR
LA SCIENCE AVANCE BIEN VOIR,
Neutrons, protons et photons MIEUX VOIR,
TOUT VOIR
Cet été, la physicienne Leah Broussard, du laboratoire
d’Oak Ridge aux États-Unis, va tenter de prouver
AVEC LA
l’existence d’un univers parallèle, grâce à un réacteur MÉTHODE BATES
nucléaire qui projette des neutrons sur un mur. En effet,
le but est de comprendre où passent les neutrons qui 18€
disparaissent durant dix secondes avant de se décomposer
en protons. L’expérience pourrait prouver qu’ils changent
d’univers... De son côté, une équipe de scientifiques de
Glasgow en Écosse a réussi à faire une photo d’un photon,
soit deux particules de lumière reliées par intrication
quantique. Celle-là même qu’Einstein appelait « l’action
effrayante à distance » et qui permettrait de véhiculer de
l’information instantanément. ●

DIFFUSION
DISTRIBUTION DILISCO
 Nouvelle Terre Histoire

PRÈS DE CHEZ VOUS

Choc des
époques
Une encyclopédie ancienne, Légende
issue d’un manuscrit vieux au Ebis dempore,
d’un millénaire et traitant des offic tem aut quam
plantes médicinales, vient d’être alic temperest,
mise en ligne sur Internet pour sus et as reptat
consultation. Il faut cependant erum eatiorem alit
pligeni hillacc
maîtriser le vieil anglais
et reconnaître les plantes
conseillées, utilisées à l’époque
pour soigner tous les maux…
Courage ! ●

DRÔLE DE BÊTES
Un nouvel
ancien lézard
Au Liaoning, en Chine, un
fossile d’un dinosaure appelé
Microraptor zhaoianus, une
espèce volante, a été découvert AUTOUR DU MONDE
avec, dans son estomac, un

Le déclin
petit lézard à dents totalement
inconnu jusqu’alors. Dans cette
zone sont extraits depuis deux

de la belle Khmère
décennies des dizaines de
fossiles appartenant au Crétacé
inférieur. Le lézard denté a été
baptisé Indrasaurus wangi. ●

À MÉDITER
Un talent
anatomique ?
L’étude du squelette attribué
à Johann Sebastian Bach
(1685-1750) montre que ses
mains étaient d’une grandeur
L
es ruines d’Angkor, merveilles
architecturales classées au pa-
trimoine de l’Unesco, sont le
témoignage d’une puissante
civilisation qui a rayonné entre le
IXe et le XVe siècle. Angkor fut autrefois
la capitale de l’Empire khmer et aurait
accueilli jusqu’à 750 000 habitants sur
une superficie d’environ 1 000 km2.
Pourtant, à ce jour, les scientifiques
ont toujours des difficultés à expliquer
Les archéologues se sont intéressés aux
inscriptions murales en sanskrit et en
khmer, qui permettent d’identifier les
populations ayant occupé les lieux au
fil du temps. Des restes de céramiques
et couches de substances organiques
brûlées ont pu être datés au carbone 14
et ont permis d’identifier 16 périodes
d’occupation différentes. L’histoire
relatant un brusque déclin a alors été
révisée. La cité aurait en fait été régu-
PHOTOS : SHUTTERSTOCK - FABIO LAMANNA - VITALII HULAI

exceptionnelle. En effet,
21,5 cm ont été mesurés du
poignet au bout des doigts
et un empan de 26 cm
main ouverte du pouce à
l’auriculaire. Cela signifie qu’il
devait jouir d’une préhension
d’environ douze touches
blanches sur un clavier. Mais
de là à dire que son talent
venait de cette particularité
anatomique, « ce serait un
sacrilège », précise Andreas
Otte, à l’origine de l’étude. ●
son brusque déclin, la transformant en
ville fantôme peu à peu colonisée par
la jungle.
Jusqu’à aujourd’hui, diverses théories
étaient avancées pour mieux appréhen-
der l’histoire. La plus notable est que la
ville aurait été soudainement désertée
par ses habitants, suite au pillage de l’an
1431 par les Siams.
Une étude plus récente du site a per-
mis d’apporter de nouvelles réponses
quant aux raisons de ce crépuscule.
lièrement réorganisée et si une baisse
de population a bien eu lieu, elle aurait
décliné très progressivement et sur une
période plus longue que celle envisagée
jusqu’alors. À l’arrivée du bouddhisme,
aux alentours des XIII et XIVe siècles, les
pouvoirs politique, religieux et écono-
mique auraient été déplacés d’Angkor.
Enfin, des changements climatiques
perturbant les moussons vinrent bou-
leverser la vie des paysans, les incitant
aussi à quitter la ville. ●

22 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 Nouvelle Terre Initiatives

PRÈS DE CHEZ VOUS

L’éternité
en forêt
La première forêt cinéraire française
a vu le jour à Arbas (Haute-Garonne).
Pour 250 €, on peut s’acheter une
concession à vie au pied d’un
arbre. Inhumé dans une urne
biodégradable, le défunt a son nom
et ses dates gravés sur une feuille
de bois qui ceint le tronc. Enfin une
alternative écologique, économique
et poétique à l’enterrement. ●

PRÈS DE CHEZ VOUS

De « popo »,
à terreau
Trois milliards et demi
de couches sont jetées,
incinérées ou enfouies
chaque année en France.
Pour pallier ce gaspillage, la
société Les Alchimistes a eu À MÉDITER
l’idée d’en faire du terreau

La modernité au
! Dès la rentrée, à titre
d’expérimentation, les couches
sales de dix crèches parisiennes

service de la planète
vont être récupérées, recyclées
et compostées avec un procédé
qui permet de séparer plastique

et matières organiques. ●
ET ÇA MARCHE
Une idée
au poil !
Nos cheveux coupés
chez le coiffeur sont
systématiquement jetés.
Pourtant, du fait qu’ils ne se
dégradent pas et qu’ils sont
très absorbants, ils constituent
une ressource précieuse.
Avec le concours de salons de
coiffure, une société a eu l’idée
de les récolter et d’en faire
des filtres pour dépolluer les
océans lors de marées noires. ●
P
réserver notre pays de la pol-
lution passe de plus en plus
par des actions citoyennes,
qui demandent une certaine
organisation. C’est à cet effet qu’a
été créée l’application Clean2gether,
sur iOS et Android. Le principe :
chaque individu pourra, s’il le sou-
haite, géolocaliser et indiquer la pré-
sence de décharges sauvages dans son
environnement proche. Il est ensuite
possible de proposer aux membres de
la communauté un grand nettoyage
collectif, avec un suivi en temps réel
pour connaître l’évolution du lieu en
question. Au-delà du fait de dépolluer,
l’application vise à sensibiliser les ci-
toyens et les collectivités publiques
au problème. Dans un même élan qui
vise à réduire nos déchets, un site In-
ternet a vu le jour : mytroc.fr. Il per-
met d’échanger n’importe quel type
de bien et de service. Concrètement,
une monnaie locale virtuelle, la noi-
sette, a été imaginée en vue d’éviter
le problème de biens qui ne seraient
pas équivalents, en ce qui concerne
leur valeur ou la période où ils sont
exposés. En ligne depuis 2015, le
site compte plus de 100 000 utilisa-
teurs qui proposent ou cherchent de
tout : pot de miel bio, cours d’hyp-
nose ou d’informatique, réparations
de plomberie… ●

24 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 Les configurations
planétaires
exceptionnelles
de 2020 changeront
le paysage du
monde… et votre vie.
découvrez les révélations
de la plus célèbre
ESPOIR
Quelques idées… des astrologues !
À Barcelone, le bar Tibu-Ron offre une boisson gratuite
contre un verre rempli de mégots ramassés sur la plage.
En France, la designeuse Audrey Speyer a créé un cendrier
« vivant », le MYcelial Ashtrays, constitué de champignons
qui absorbent et dégradent les filtres des cigarettes et
les transforment en biomatériau réutilisable. Enfin, en
Inde, les élèves de l’école Ashkar de la région d’Assam
peuvent payer leurs frais de scolarité avec des déchets
plastiques. De quoi lutter contre la pollution, mais aussi la
déscolarisation qui touche les plus pauvres. ●
PHOTOS : SHUTTERSTOCK - MOHAMED ABDULRAHEEM / PURIFUNGI / UNIVERSITÉ DE CALIFORNIE BERKELEY

LA SCIENCE AVANCE
J’ai le robot-cafard ÉLIZABETH TEISSIER

Insecte d’une incroyable résistance, le cafard a inspiré

2020 LE GRAND TOURNANT
une équipe d’ingénieurs en génie mécanique de PRÉVISIONS ASTRO-GÉOPOLITIQUES
l’université de Californie à Berkeley aux USA. Ils ont en POUR LE MONDE… ET POUR VOUS !
effet créé un robot-cafard capable de soulever un poids
de 60 kilos et de se faufiler partout à grande vitesse. Des 19,90€
capacités qui pourraient sauver la vie de nombreuses
victimes en cas de tremblement de terre, par exemple. ●

DIFFUSION
DISTRIBUTION DILISCO
 Nouvelle Terre Réflexions

INSOLITE
Invasion Zone 51
Le 20 septembre 2019, environ
un million de personnes réunies
autour d’un événement créé
sur un réseau social avaient
planifié une invasion massive de
la zone 51 aux États-Unis. Cette
Zone militaire d’environ 155 km2
située dans le Nevada est l’objet
de nombreuses spéculations,
particulièrement depuis que
le gouvernement américain a
reconnu son existence dans les
documents déclassés de 2013.
Zone de recherche sur les ovnis,
base de stockage de vaisseaux et
même prison pour aliens… tout
est possible et nombreux sont
ceux qui pensent que le secret a
assez duré. ●

PRÈS DE CHEZ VOUS

Pas bons
bonbons
Si bonbons et gâteaux au LA SCIENCE AVANCE ?
cannabis ne sont pas autorisés

Le Japon
en France, on les trouve
facilement sur Internet.
Leur côté récréatif et leur

fou, fou, fou

ressemblance avec des friandises
classiques inquiètent le centre
antipoison de Paris. Face à une
recrudescence d’appels, il alerte

sur les risques encourus pour les
enfants et jeunes adultes. ●
PRÈS DE CHEZ VOUS
Réseaux sociaux
monnayables
Facebook propose une nouvelle
application, appelée Study,
qui permet de fournir nos
données personnelles contre
rémunération. C’est une version
assumée d’espionnage de nos
smartphones, un Big Brother qui
vous dédommage. Sur Instagram
pendant ce temps-là, certaines
marques américaines d’armes à
feu n’hésitent pas à se payer des
influenceuses pour faire de la
pub pour leurs produits…
Drôle d’influence ! ●
C
ette année, l’actualité japo-
naise prend des airs de films
de science-fiction, pour le
meilleur et pour le pire…
Dès 2023, nous devrions voir voler des
taxis volants dans le ciel de Tokyo. « Au-
jourd’hui, pour voyager en avion, il faut
aller à l’aéroport et décoller d’une piste.
Prochainement, chacun va pouvoir se
rendre directement d’un point à un autre.
Se déplacer en toute simplicité dans les
airs n’est plus un rêve », a déclaré en avril
Fumiaki Ebihara, responsable du projet
de voiture volante au ministère de l’Éco-
nomie, du Commerce et de l’Industrie,
et directeur adjoint du département de
l’Industrie aérospatiale et de la Défense.
À quoi ressemblera donc ce transport fu-
turiste ? Électrique, plus léger que les voi-
tures « terrestres », il sera compatible avec
le pilotage automatique et comportera
un mode de décollage à la verticale qui
ne nécessitera pas de piste. Enfin, sa vi-
tesse sera limitée à 240 km/heure. Autre
actualité, scientifique celle-ci : le Japon
a autorisé la création d’embryons hy-
brides mi-humains, mi-porcins, dont les
organes pourront être transplantés chez
l’homme. Si le projet fait froid dans le
dos, il est soutenu par le ministère japo-
nais de la Science, qui interdisait jusque-
là de tels essais sur des embryons au-delà
de l’âge de 14 jours. La prochaine étape
pour le scientifique en charge du projet
sera de réaliser l’expérience sur des ani-
maux proches de l’homme, tels le mou-
ton ou le cochon et de laisser se dévelop-
per les embryons jusqu’à 70 jours. Une
étape pour laquelle il faudra une nouvelle
approbation d’un comité d’experts. ●

26 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 L’au-delà,
Ils ont dit
un monde
PIER PAOLO PASOLINI
Réalisateur

Crois-tu par ailleurs

à découvrir
que l’on puisse faire un rêve,
ne pas s’en souvenir et avoir
par ce rêve sa vie changée ? »

JOAN DIDION
Écrivaine

Se libérer des attentes des

autres, se rendre à nous-mêmes,
ici réside le grand et singulier
pouvoir du respect de soi. »

JEAN DE LA BRUYÈRE
Moraliste
Après l’esprit de
discernement, ce qu’il y a au
monde de plus rare, ce sont
les diamants et les perles.  »

TONI MORRISON
Prix Nobel
C’est ça, l’esclavage.
Quelque part au fond de toi, il y a
cette personne libre dont
je te parle. Trouve-la et laisse-la

978-2-8970-3513-6
faire du bien dans le monde. »

SWAMI PRAJNANPAD

15,90 €
Sage indien

Nous ne pouvons pas rendre

PHOTOS : FUTURA-SCIENCES / LP /JEANNE CASSARD - WIKPEDIA - DR

la situation extérieure ou les

autres responsables de notre
émotion. Elle nous appartient
complètement. »
EN LIBRAIRIE LE 17 OCTOBRE
ALBERT EINSTEIN
Scientifique
La folie, c’est se comporter de
la même manière et s’attendre
à un résultat différent. »

facebook.com/EditionsHommeEurope
 PORTRAIT
MÂ ANANDA MOYÎ
L’éternelle
PRÉSENCE
É
Reconnue comme la plus grande
sainte d’Inde, Mâ Ananda Moyî
a bouleversé la vie de tous
les êtres qu’elle a rencontrés.
Celle qui serait née « éveillée »
représenterait le divin incarné
sur Terre. Par Melanie Chereau
voquant Mâ Ananda Moyî, Arnaud Desjar-
dins disait : « J’ai vu Dieu ». Née en 1896 à Kheo-
ra, un petit village du Tripura au Bengale oriental,
situé dans l’actuel Bangladesh, la petite Nirmala
Sundari Devi fait partie d’une famille de la caste
des brahmanes – les prêtres, la plus haute caste en
Inde. Ses parents sont de fervents vishnouites, sa
mère écrit des poèmes et son père est un ascète
reconnu. Sa naissance est déjà entourée de mysti-
cisme : sa mère raconte qu’elle met au monde cette
enfant sans douleur, après avoir rêvé pendant toute
sa grossesse d’une lumière pénétrante.
Petite fille douce et sociable, Nirmala ne fait que
deux ans d’école primaire, car elle doit s’occuper de
ses frères et sœurs nés après elle. Enfant, elle mani-
feste des états « d’absence » qui la suivront toute sa
vie : les yeux fixes, vivant des sortes d’extases spon-
 tanées et restant plusieurs jours sans manger, tota-
lement immobile. Laissant souvent une tâche en
cours, on la retrouve parfois dans la rivière où elle
fait la vaisselle, à moitié immergée... Elle se marie à
l’âge de treize ans et rejoint son mari dans une ville
voisine à quatorze ans. Pendant plusieurs années,
elle a une vie d’épouse dévouée, s’occupant de sa
maison, mais elle continue à être plongée dans ses
états étranges. Comme ses parents, son mari est
très respectueux de ses « transes » et, même s’il s’en
inquiète parfois, il sait aussi y voir une manifesta-
tion de spiritualité.

Être son propre gourou

Un jour, Nirmala exprime à son Bien qu’ayant
époux le souhait de devenir peu d’instruction,
brahmacharini, soit une femme elle semble déjà
dans la dévotion, suivant les
enseignements sacrés. Bien
connaître ashram. La singularité de Nir-
qu’ayant peu d’instruction, elle des formules mala, c’est qu’elle devient son
semble déjà connaître des for- sacrées. propre gourou, se proférant
mules sacrées et passe parfois elle-même les initiations. Elle
des nuits entières à répéter le nom aurait ainsi traversé tous les yogas,
de dieu. L’histoire raconte qu’elle en sans les avoir lus ni les avoir reçus,
change, alternant Vishnou, Shiva ou autres, comme émanant d’un savoir intérieur
n’accordant que peu d’importance à la forme. Sa inné. Lorsqu’on lui demande comment elle a at-
vie entière sera d’ailleurs dans cette ouverture, le teint cet état de connaissance, elle explique : « En
divin étant pour elle le même, quel que soit son général, un voile sépare l’homme de son propre Soi et
PHOTO : THE HISTORY COLLECTION / ALAMY BANQUE D’IMAGES

nom. Elle dira plus tard : « Hindous, musulmans ce voile doit être progressivement usé par la sâdhanâ
et toutes les autres communautés du monde n’en [la pratique ou le chemin spirituel, NDLR]. Mais
forment qu’une seule. Toutes elles adorent l’Être su- dans ce cas-ci, aucun voile ne s’interposait, car c’est
prême et invoquent sa grâce. » L’ascèse dans laquelle par jeu qu’il avait été amené, pour ensuite être re-
Nirmala s’installe continue à s’accompagner de tiré. » Plus tard, de nombreux érudits l’interroge-
phénomènes mystérieux, comme des pertes de ront et seront stupéfaits par ses connaissances : elle
connaissance, des périodes où elle ne se nourrit sera capable de réciter des prières hindoues, des
plus, où elle ne dort plus. En 1924, son mari étant passages d’écritures sacrées, ce même en dehors
nommé jardinier dans la ville de Dacca, elle part de sa propre religion. En effet, lorsqu’elle croise
s’y installer et ses parents la rejoignent. des musulmans, elle leur récite des versets du Co-
ran, sans jamais les avoir appris. Au fil du temps,
Dans la tradition, les élèves brahmacharini suivent elle se dira elle-même « de toutes les religions ». Son
un gourou, lui sont fidèles et vivent dans son mari devient son élève, et de nombreuses FF F

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 29

 FF F personnes commencent à venir la voir, lui
demander des conseils, écouter ses paroles. C’est
l’un de ses disciples qui lui donnera le nom de Mâ
Ananda Moyî, « la mère de la joie », car elle sort
de ses « rêveries » toujours dans une joie immense.

Une vie d’enseignements

C’est vers 1926 que la « sainte » décide de par-
courir les routes. À partir de cette date, elle
circulera partout en Inde, ne restant par-
fois que quelques jours à un endroit,
suivie par son époux et sa mère
Pour elle,
DR

jusqu’à leurs décès, et par ses dis-

ciples les plus fervents. « Au fil la nature n’est pas,
des années, des foules de plus en
plus nombreuses se pressent au-
comme pour nous,
tour d’elle. Que ce soit à Bénarès, “une autre vie”,
à Calcutta ou dans les moindres c’est la même
villages, des cérémonies fastueuses qui prend racine
sont célébrées en son honneur. dans le Soi. que beaucoup de témoins se
À
Dans ses déplacements, elle montre disent transformés après l’avoir LIRE
une disponibilité à tout et à tous, s’in- simplement vue.
téressant aux moindres détails de la vie
quotidienne et répondant à toutes les questions
qu’on lui pose », raconte Véronique Francou dans Les miracles, la nature
son livre Visages de l’amour (éd. Nouvelle Cité, Mâ Ananda Moyî est coutumière d’actions sor-
2016). L’essentiel de son enseignement se fait par tant de l’ordinaire, selon les témoins. Même si cela
sa présence, le darshan qu’elle délivre (contact ap- n’est pas un recours qu’elle apprécie particulière-
portant une ouverture spirituelle) et les réponses ment, sa vie est néanmoins remplie d’anecdotes
aux questions, reconnues pour être particuliè- stupéfiantes. Elle aurait allumé un feu d’un geste (1)
rement adaptées aux personnes l’interrogeant. de la main, multiplié la nourriture lors d’un repas L’enseignement
Comme si elle faisait appel à un autre niveau où il en manquait, soigné beaucoup de malades, de Mâ Ananda
Moyî
de conscience : « Je n’ai aucun sens de l’ego ni de fait remarcher un enfant handicapé, pris la ma- Traduit par
la séparation. En moi chacun de vous a dans une ladie de certaines personnes en tombant malade Josette Herbert
égale mesure la hauteur et la profondeur de l’éterni- elle-même et en guérissant toute seule. Mais ce Éd. Albin Michel,
2004, 9,50 €
té. » Parlant souvent d’elle en disant « ce corps » n’est pas le cœur de son enseignement. Sans arrêt
ou bien précisant que « moi » est une façon de sur les routes, elle dort dans les ashrams ou par-
parler, elle dit être une apparition des souhaits fois dans la nature, organise des célébrations, fait
des hommes : « Je suis tout ce que vous imagi- servir des repas, reçoit les personnes qui veulent
nez, pensez ou dites. Pourquoi ne pas vous rendre la voir. On lui prête le don de voir l’avenir, ou
compte que ce corps est la manifestation matérielle encore de lire dans les pensées. Elle entretient
de toutes vos aspirations et de toutes vos idées ? Vous avec la nature un lien tout particulier : « Les rap-
l’avez tant désiré et maintenant vous l’avez. » Ce- ports de Mâ avec le ciel, la terre, l’eau, le soleil, les
pendant, il est clair que, pour elle, tout doit être étoiles sont différents des nôtres et témoignent d’une
abandonné au divin, dont la quête du culte et de compréhension, ou plutôt d’un amour “cosmique”
l’amour doit constituer le seul but à suivre sur différent. Pour elle, la nature n’est pas, comme pour
Terre. Souvent, comme en présence de grands nous, “une autre vie”, c’est la même qui prend racine
maîtres, le seul fait de se tenir à ses côtés dissipe dans le Soi ; la distinction entre nature et esprit s’an-
les doutes et les questionnements. C’est pour cela nule dans le Soi où elle vit », raconte Josette Her-

30 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 PORTRAIT
MÂ ANANDA MOYÎ

bert(1), sa biographe et traductrice française. Elle

aurait ainsi parfois agi sur le temps, fait cesser la
pluie pour une cérémonie religieuse ou amené des
nuages pour cacher un soleil accablant lors d’une
chaleur insupportable… Pour elle, chacun reçoit
ses messages en fonction de qui il est, et chacun
peut percevoir sa musique, ses chants, dont elle
dit : « Ce corps est comme un instrument de mu-
sique, ce que vous entendez dépend de votre façon de
jouer. Mais c’est la même mélodie qui porte l’univers
tout entier. » À chacun, elle montre un visage dif-
férent, comme s’adaptant aux besoins de ses in-
terlocuteurs. Josette Herbert raconte : « L’attitude
de Mâ Ananda Moyî envers ses disciples et visiteurs
varie d’un extrême à l’autre selon les circonstances.
Elle apparaît tantôt sous l’aspect d’une petite fille et
tantôt comme l’incarnation de la sévérité, comme la
mère ou comme la sainte paisible et radieuse. » Mais
Les avatars
toujours dans l’accompagnement, elle permet à
chacun d’évoluer et de se libérer, tout en rassu- Pour les Indiens, Mâ Ananda Moyî était
rant : « En même temps qu’elle impose une tâche, Mâ un avatar, c’est-à-dire une incarnation
donne le pouvoir de l’accomplir », explique Josette
Herbert. Elle est aussi connue pour se souvenir divine descendue sur Terre, le mot avatara
de chaque personne rencontrée, même des années
après, même à peine croisée, ou pour deviner à signifiant « descente » en sanskrit. Il en
l’avance la venue de quelqu’un. existe de différentes sortes : les avatars
humains, comme Moïse, Léonard de Vinci
L’héritage Arnaud Desjardins
ou Shakespeare, des êtres aux dons ou
Arnaud Desjardins a suivi les enseignements de
Mâ Ananda Moyî et a réalisé un film sur elle. Il destins particuliers incarnés parmi des
en dit quelques phrases très éclairantes sur son ex-
périence à ses côtés : « Nous voyions briller dans ses
êtres « moins » évolués qu’eux, afin de les
yeux la lumière de la vie véritable : l’annonce que éclairer. Les avatars planétaires, comme le
l’éveil peut venir nous arracher à notre sommeil ;
rien que sa présence ouvrait à une autre dimension. » Bouddha, auraient un corps humain mais
Pour cet enseignant français, déjà reconnu comme ne feraient pas partie de la « hiérarchie »
PHOTO : THE HISTORY COLLECTION / ALAMY BANQUE D’IMAGES

étant d’une singulière sagesse, Mâ Ananda Moyî

est « plus qu’un être humain, établi sur un niveau de
conscience absolument différent du nôtre », et le jour
où il l’a rencontrée pour la première fois fut, selon
lui, « le jour le plus important de mon existence ».
Il reste aujourd’hui de cette femme qui quitte
son corps en 1982 de nombreux enseignements
rapportés par ses disciples, toujours issus de ses
réponses orales, et quelques images, dont celles
d’Arnaud Desjardins, au travers desquels on peut
tenter de se faire une opinion sur l’être absolu-
ment extraordinaire qu’elle devait être. ●
terrestre, certains restant sur Terre sans
mourir, tels Babaji ou Padmasambava, et
seraient toujours présents sous une forme
ou une émanation. Enfin, les avatars
cosmiques, comme le sage indien Saï Baba
ou Mâ Ananda Moyî, viendraient
d’autres plans de conscience avec, déjà,
leur élévation spirituelle réalisée.

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 31


la guerre
spiritualité
Dans son nouveau livre, un récit illustré intitulé Entre ombre et lumière,
itinéraire d’un reporter, Stéphane Allix revient sur trois décennies
de voyages, de rencontres et d’épreuves.
Extraits choisis en exclusivité pour Inexploré.
Quelque chose d’essentiel s’est profondément ancré
en moi durant ce voyage. Plus de trente ans après,
l’enseignement reçu durant ces mois si intenses
m’inspire encore à chaque seconde. J’avais dix-neuf
ans. C’était la première fois que je partais si loin
et je m’apprêtais à rejoindre une zone de guerre, à
disparaître dans le maquis afghan. À devenir jour-
naliste. En franchissant clandestinement cette fron-
tière afghane au printemps 1988, je fus arraché à
une réalité – mon pays, ma culture, mon éducation
– dont je pensais à tort qu’elle était à peu de chose
près identique partout. Ce voyage fut une révéla-
tion. Je découvris que notre planète est composée
de plusieurs mondes. Cette évidence était restée
pour moi insoupçonnée jusqu’à ce que je quitte ma
bulle et que je parte vers l’inconnu. Les réalités sont
multiples. Voilà la leçon apprise au combat, sur
cette terre presque fabuleuse d’Asie centrale.
Mon père n’est pas étranger à ce désir de voyage
qui m’habite dès l’adolescence, et ma mère n’est
pas pour rien dans l’insatiable quête de sens qui
m’anime. Je mesure aujourd’hui combien leur in-
PHOTO : STÉPHANE ALLIX
fluence fut déterminante et précieuse dans mon
éveil au monde. Ils nous ont honorés d’une telle
confiance, mes frères et moi ! Respectant mes choix,
fussent-ils radicaux ; comme celui d’abandonner
ma scolarité après seulement un mois de terminale.
Voyages Société
De
à la
Page de gauche : Mais j’en avais déjà tellement ras-le-bol ! Sentiment
Face à l’invasion de ne rien apprendre. Écart vertigineux entre mes
soviétique, un attentes existentielles et la bouillie de connaissances
pays entier
s’est soulevé
inutiles qu’inlassablement on me demandait d’in-
pour résister, gurgiter. Je devais paraître sûr de moi, pourtant je
il n’est pas garde le souvenir d’une certaine fébrilité lorsque je
rare de croiser révèle à mes parents ma décision d’arrêter le lycée
de très jeunes si près du but. Après toutes ces années, je pourrais
combattants encore jouer le jeu quelque temps et attendre juin
dans le maquis
pour au moins passer le bac. Mais « gâcher » en-
afghan.
core huit mois de ma vie ? À cet instant de mon
existence, ce compromis est pour moi impen-
sable ; non, c’est trop long. Je veux me lancer dans
la vie active, je suis déterminé, alors mes parents
acceptent et font ainsi naître en moi une énorme
dose de confiance.
Les mois qui suivent sont exaltants. Je suis libre. Et
en même temps cette liberté m’engage, mais que
faire ? Rien n’est encore bien défini. Après quelques
mois de vagabondage chez des copines accueil-
lantes, je m’installe dans une toute petite chambre
de bonne rue du Cherche-Midi, dans le sixième
arrondissement de Paris. La pièce dispose d’un
lavabo et un minuscule vasistas offre une vue sur
un coin de toiture, les toilettes sont sur le palier ;
mais c’est chez moi ! Mes nuits sauvages et solitaires
sont enivrantes. Je lis, j’écoute Gainsbourg, FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 33
 Société Voyage

FF F Hendrix, Brel, Wagner, U2… J’écris aus-

À si : le bouillonnement de mes questionnements, le
LIRE
spleen qui me berce ; ce monde est étrange, évi-
demment la vie est absurde, quelque chose ne va
pas. Je suis impatient. Totalement impatient, mais
aveuglé. La photo et l’écriture me passionnent, mais
j’ignore comment en faire un métier. Il me semble
déjà que « réussir ma vie » ne rime pas avec « trou-
ver un métier ». Je veux que ma vie ait un sens. Je
Entre ombre veux que l’essentiel colore mon quotidien, et parfois
et lumière.
Itinéraire
il me semble l’approcher au cœur de la nuit, dans
d’un reporter l’ivresse entraînante des vapeurs de l’imaginaire,
Stéphane Allix de l’alcool, ou la proximité électrique du corps nu
Éd. Flammarion, d’une amie. Les murs de ma mansarde deviennent
2019 les membranes protectrices d’un utérus, un œuf où
Document je suis en sécurité, au chaud ; seul et protégé. Une
témoignage
illustré, chambre sensuelle où se déploie un univers infini.
320 pages, 24,90 € La caverne sur les parois de laquelle se projettent
les reflets de mon inconscient. Et puis le matin la
lumière du jour m’impose l’évidence qu’il existe un
AGENDA monde dehors. Alors je sors dans les rues, et j’ob-
serve des gens dont je ne comprends pas ce qui les
anime. J’observe un monde qui me semble anesthé-
sié, confus, résigné, et je ne peux concevoir qu’un
jour je sois contraint de me glisser dans le moule.
Non, vraiment, s’il devait n’y avoir finalement pas
d’autres choix que de renoncer à une vie essentielle,
alors la mort est sans doute préférable. Ceux que
Comment j’admire sont morts jeunes. La vie doit être roman- la dispersion, elles se transforment en affronte-
la lumière naît tique, ou alors ce n’est pas la vie. Pourtant, même si ments avec les forces de l’ordre. Je fais alors des
de l’ombre l’idée du suicide m’est parfois séduisante, je sais in- photos en noir et blanc que je développe moi-
Conférence timement que je n’y aurai jamais recours. Au fond même, me prenant à rêver à d’autres destinations
INREES
de moi j’ai la certitude que cette sorte d’échappée plus exotiques que la place Denfert-Rochereau, à
Jeudi 3 octobre
à 20 h ne résoudrait rien, que la mort n’est pas un anti- d’autres affrontements plus sérieux. J’apprends la
Informations &
dote à la mélancolie. Non, je sais au contraire avec photo sur le terrain. Et en marge de ces moments
réservations : clarté que si un jour la vie devient trop absurde, d’adrénaline vécus dans les manifs lorsqu’elles
www.inrees. plutôt que le suicide, j’achète un billet d’avion dégénèrent, ou de la vie parisienne, je photogra-
com/bonus/349 pour la Malaisie et je disparais là-bas sur les bords phie des amis, comme Carl, mon frère d’âme. Des
d’une plage sauvage et oubliée de tous. Pourquoi copines acceptent également de se dénuder, plus
la Malaisie ? Aucune idée. Peut-être une empreinte belles et plus envoûtantes les unes que les autres,
inconsciente de ce roman qui se déroule à Bornéo et j’explore le grain de leur peau, les courbes de
et dont la lecture m’a bouleversé : L’Adieu au roi de leur corps. La photo devient un peu un prétexte.
Pierre Schoendoerffer ? Esthétique et désirs, les deux s’entremêlent avec
simplicité et candeur, et chauffent nombre de mes
Remède au désespoir : tout quitter pour l’aventure. nuits. Dans ce maelstrom d’émotions que je ne
Sur notre planète il existe d’autres mondes, alors réprime pas, la vie est prometteuse.
si celui où l’on est né ne nous convient pas, pour-
quoi rester prisonnier ? Un avion, un bateau, un À cette époque, alors que je goûte au vertige de
bus, une bonne paire de godasses : une autre vie est la liberté, j’éprouve une certaine attirance incon-
toujours possible, ailleurs. Toujours. grue pour la violence. Les reporters de guerre me
PHOTOS : STÉPHANE ALLIX

fascinent. Ce qui est curieux est que moi-même

Je vais devenir reporter-photographe. L’idée je ne suis pas violent, et pas du tout bagarreur.
s’impose lentement, au fil des manifestations Non, c’est un souvenir de violence qui me hante,
étudiantes dans lesquelles je me glisse, appareil comme une mémoire, un héritage que je porte et
photo en bandoulière, lorsque, au moment de qui obscurcit mes pensées, contamine mes envies

34 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 Voyages Société

Ci-contre :
Stéphane Allix
dans l’est de
l’Afghanistan,
juin 1988. Durant
l’occupation
soviétique entre
1979 et 1989, des
centaines de
journalistes et
d’humanitaires
ont rejoint
clandestinement
les combattants
afghans, parcourant
le pays à pied et
partageant les
conditions de vie
particulièrement
difficiles des
moudjahiddin.

Page 34 :
Somalie, automne
1992. La famine
ravage le pays. Dans
les campements
humanitaires
et les centres
de distribution
alimentaire, des
gardes armés
assurent en
permanence une
sécurité précaire.

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 35

 Société Voyage

PHOTOS : STÉPHANE ALLIX

36 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019


FF F et m’oriente lentement vers une confronta-
tion de plus en plus inévitable. Je veux voir la vio-
lence du monde. La contempler, la photographier,
y être plongé comme un témoin, l’approcher de
très près pour assouvir ce besoin envahissant de la
comprendre. Cet attrait grandit au fil des mois, ne
me lâche plus. Ce rêve de devenir grand reporter ne
restera pas un rêve. Je vais en faire ma réalité, et le
9 mai 1988 je m’envole pour le Pakistan. Et
l’Afghanistan en guerre. J’ai dix-neuf ans.
Lorsque je reviens en France, je sais que cette vie
que je viens d’effleurer est la mienne. Je vais re-
partir. Photographier d’autres hommes, raconter
d’autres réalités. C’est bien plus qu’un métier, c’est
l’essence de mon être que je viens de toucher. En
Afghanistan j’ai commencé à me trouver : je suis
un intermédiaire, un scribe, une passerelle entre
des mondes. Partir de l’autre côté pour être surpris,
et revenir pour partager. Voilà ce que va être mon
existence.
En marge de la violence de la guerre, mes premiers
voyages me confrontent également à une pauvreté
impensable : cette famille installée sur le bord d’une
route en Inde, condamnée à dormir sur quelques
cartons pendant une existence entière ; ces enfants
ramassant des restes de riz, grain par grain, dans
une décharge nauséabonde ; ces regards de men-
Voyages Société
diants résignés et si maigres, jeunes hommes ef- Ci-contre :
flanqués, jeunes filles menues aux cheveux ternes. Amazonie
Masse innombrable d’êtres humains dont la vie péruvienne,
région d’Iquitos.
paraît si dérisoire. Le choc de la souffrance qui re-
couvre des pans entiers de notre monde. La vie, la Page 36 :
mort, dans l’indifférence. Nous vivons dans un tel Kandahar, sud
confort ! Le meilleur moyen de s’en rendre compte de l’Afghanistan,
est de partir en voyage. février 1995. Sur les
routes comme dans
Des années plus tard, la mort accidentelle de mon leur « capitale »,
Kandahar, les
frère Thomas me force à quitter une autre bulle, talibans ont étendu
celle de mes certitudes matérialistes. Je croyais, sans leur contrôle. La
jamais y avoir vraiment réfléchi, que notre réalité population, plongée
se limitait au monde observable et que la science depuis des années
nous avait permis d’en connaître l’essentiel. Or tout dans l’arbitraire
cela a volé en éclats. Après seulement quelques se- des seigneurs
de la guerre,
maines d’enquête, j’ai commencé à prendre la me-
accueille plutôt
sure du changement de paradigme qui caractérise favorablement ces
notre époque et de ses conséquences vertigineuses. nouveaux venus
Ce qui est invisible à nos yeux, imperceptible à nos qui apportent la
instruments de mesure est peut-être beaucoup plus sécurité.
réel que la matière qui nous entoure. Alors, après
plus de dix ans de reportages à travers le monde, je Stéphane Allix
rencontre le dalaï-
me suis dès lors engagé dans une autre forme de re- lama une première
portage, et j’ai entrepris l’exploration de ce monde fois en novembre
invisible. Après les frontières géographiques, les 1989, à Dharamsala,
frontières de la connaissance. alors que le
dignitaire tibétain
Durant ces trente années, j’ai été témoin de boule- vient de recevoir le
versements internationaux inimaginables, et j’ai été prix Nobel de la paix.
touché par des épreuves plus intimes, dévastatrices
pour notre famille. Jamais je n’aurais pu penser que Toutes les photos
illustrant cet article
la mort allait nous surprendre si tôt. Quelles an- sont extraites du livre
nées curieuses, extraordinaires, enrichissantes, exal- de Stéphane Allix Entre
tantes et par moments si douloureuses ! Mais n’est- ombres et lumière,
itinéraire d’un reporter
ce pas ça, la vie ? Des joies et des tragédies. Des
bonheurs et des chagrins. Au milieu des hommes
et des femmes qui apprennent à entretenir l’espé-
rance dans une réalité en permanente évolution. Un
monde qui grandit et nous ressemble, tant il est le
reflet de notre réalité intérieure.
Ces décennies de voyage, de confrontation et d’ex-
ploration du monde puis des mystères de notre
conscience m’ont transformé en profondeur et
m’ont convaincu de manière très rationnelle que
la réalité est vertigineuse et insoupçonnée et que la
mort est sans doute une sorte d’illusion. Il a fal-
lu pour cela que je commence mon voyage dans
l’ombre, que je plonge dans la violence des hommes
pour finalement apercevoir la lumière, et goûter à
l’apaisement intérieur. Il existe d’innombrables
mondes sur la Terre, et d’innombrables facettes à
la réalité dont nous ne percevons qu’un fragment.
Regardez. ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 37
 Il y a cinquante ans exactement, le docteur Lefebure mettait
au point une technique de luminothérapie et de développement
personnel originale : le phosphénisme. Un temps portée aux nues,
celle-ci est depuis retombée dans l’oubli.
Sauf pour ses pratiquants, qui ne tarissent pas
d’éloges à son égard. Par Jérôme Bourgine

38 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019


é tonnante histoire que celle du doc-
teur Lefebure et de son phosphé-
nisme. En 1959, ce médecin français
a en effet l’idée d’étudier ce qui se
produit lorsque l’on se met à penser
à un sujet précis en présence d’un
phosphène. Un phosphène étant la
tache résiduelle colorée obtenue en fermant les yeux
après avoir fixé une quelconque source lumineuse ;
sauf le soleil en plein jour, naturellement. Le docteur
Lefebure découvre alors que lorsque l’on mêle une
pensée à cette persistance rétinienne, un échange
d’énergie s’effectue, lequel augmente la netteté de
la pensée, renforce l’attention et favorise les asso-
ciations d’idées. Ce qui lui fait bientôt dire qu’il a
trouvé le moyen de « transformer l’énergie lumineuse
en énergie mentale ».
Le « mixage phosphénique » de la lumière avec une
pensée, qu’il vient d’inventer, devient donc la base
du phosphénisme. Une méthode que le docteur
Lefebure fait connaître avec d’autant plus de succès
qu’elle est d’une simplicité et d’une économie d’uti-
lisation étonnante : une simple ampoule et un mé-
tronome suffisent. Pourquoi un métronome ? Tout
simplement parce que le cerveau fonctionnant en
termes de fréquences, la rythmique acquiert un ca-
ractère essentiel dans les exercices de phosphénisme.
Une relative notoriété
Ayant reçu en 1963 la médaille d’or du célèbre
concours Lépine (le concours d’invention alors
PHOTO : LOTUS_STUDIO / SHUTTERSTOCK
le plus coté), ainsi que celles d’autres salons, le
docteur Lefebure se met à donner des confé-
rences partout dans le monde. Il défriche, seul,
l’étonnant monde des phosphènes et développe
un ensemble de techniques permettant d’obtenir
une réelle stimulation des facultés mentales. Bien-
tôt, les applications pédagogiques immédiates
du phosphénisme intéressent des milliers de per-
Luminothérapie Science
sonnes : enseignants, pédagogues, étudiants, pa-
rents... qui l’utilisent pour les études et l’appren-
tissage. Développement de la mémoire et de l’in-
telligence, de la cognition, du sens de l’initiative,
de l’aplomb, l’intuition, la créativité... Les appli-
cations, notamment pédagogiques, sont multiples
et évidentes ; étudiants et comédiens par exemple
retiennent bien plus facilement leçons et textes
et, durant quelques années, le phosphénisme a le
vent en poupe.
Pourtant, lorsque le docteur Lefebure disparaît,
en 1988, laissant derrière lui une trentaine d’ou-
vrages dont vingt consacrés au phosphénisme, sa
méthode « d’épanouissement cérébral » retombe
dans l’oubli. Pour ne connaître un certain regain
de notoriété que très récemment, grâce à Internet.
Un « oubli » d’autant plus étonnant que, de l’avis
même de ceux qui la pratiquent, cette forme de lu-
minothérapie s’avère efficace non seulement dans
le cadre des études, mais également dans toutes
les activités de la vie, l’action stimulante des phos-
phènes persistant entre les séances et contribuant
à l’épanouissement de la personnalité.
Et c’est sans doute là que, d’un point de vue socié-
tal comme scientifique, le bât blesse, expliquant
le désintérêt dont les travaux du médecin français
vont être l’objet. Car le phosphénisme n’est pas
« uniquement » une méthode d’apprentissage et
monsieur Lefebure pas «  seulement  » un méde-
cin. C’est un chercheur de vérité et de sagesse qui
se passionne pour « toutes » les sources de savoir
et n’écarte aucun apport intellectuel valable, sur-
tout pas celui issus de ce qu’il est alors convenu
d’appeler « l’ésotérisme ». Lui-même, plus jeune,
a été initié par un mage zoroastrien, une religion
préchristique reposant sur le culte de la lumière.
Il n’aura de cesse de revisiter la quasi-totalité des
pratiques de développement spirituel communes
à de nombreuses religions : fixation de la FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 39
 Science Luminothérapie
FF F lumière, positions de yoga, balancements,
SITE
WEB respirations... à la lumière des acquis de la science
de son époque.
www.
phosphenisme.com
Magie de la lumière...
Ainsi, si la recherche a récemment démontré les ef-
fets structurants essentiels de la lumière sur notre
psyché, notamment contre les états dépressifs, c’est le
docteur Lefebure qui, le premier, établit par ses expé-
riences novatrices que l’énergie lumineuse, en frap-
pant l’œil, provoque des réactions chimiques et élec-
triques produisant des synchronisations nouvelles
entre les cellules cérébrales, accélérant et amplifiant
ainsi les processus physiologiques liés à l’intellect. Et
cela est parfaitement admis par ses pairs. Mais quand
il explique que la fixation d’une source lumineuse,
telle que proposée par son phosphénisme, est à la
base de la plupart des grandes traditions –taoïsme,
mystères d’Éleusis, toutes les pratiques antiques, des
Égyptiens aux Celtes – les dents grincent, surtout
dans la patrie de Descartes, où il n’est jamais bien vu
de mélanger science et spiritualité !
Alors, quand le docteur Lefebure rappelle que c’est
ainsi, en fixant le reflet de la lune sur un plateau
d’argent, que Nostradamus trouva l’inspiration de
40 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
ses prophéties (de même pour les voyantes avec le
reflet d’une bougie sur le cristal), il se coupe du reste
de la communauté scientifique... Celle-ci ne revient
pas davantage vers lui lorsqu’il explique que le cer-
veau fonctionnant de manière rythmique, les balan-
cements que l’on retrouve également dans la plu-
part des religions (judaïsme, bouddhisme tibétain,
christianisme copte, islam, spiritualité aborigène,
etc.) « favorisent les pouvoirs de l’esprit en stimulant le
cerveau »... Lefebure sort donc des manuels et de la
littérature officielle.
Mais, porté et préservé par Daniel Stiennon,
l’homme qui fut son assistant durant les huit der-
nières années de sa vie, le phosphénisme, lui, va
poursuivre son petit bout de chemin et devenir un
outil de développement personnel discret, mis à
disposition de ceux qui auront la « chance » d’en
entendre parler. Une discrétion voulue, d’ailleurs.
D’une part parce que, dans un pays où le yoga fut,
PHOTO : LUCKAKCUL / SHUTTERSTOCK
un temps, classé « pratique sectaire », il convient
d’être prudent : aucune plainte ni effet néfaste ne
sera jamais reproché au phosphénisme. D’autre part,
parce que c’est encore par le bouche à oreille que les
phosphènes se font le mieux connaître. « Seuls les
résultats comptent », peut-on lire sur le site présentant
le phosphénisme comme étant une « voie initiatique
royale ». Rien que ça...

Appel à témoins
De fait, sur les réseaux sociaux comme sur les fo-
rums de pratiquants, les témoignages abondent
et font rêver : rêves lucides, sorties hors du corps,
voyages cosmiques, médiumnité... Une profusion
de signaux positifs qui donne envie d’aller y voir
de plus près, sachant que c’est en moyenne après
deux mois de pratique que les premiers résultats
apparaissent : intensification et mémorisation de la
vie onirique, premiers rêves lucides, changements
bénéfiques dans la personnalité. L’exercice de base
consistant à fixer une ampoule « lumière du jour »
durant trente secondes à deux mètres de distance,
avant de fermer les yeux ; pour voir alors apparaître
le fameux phosphène, tâche vivement colorée et
changeante, et se concentrer mentalement sur des
figures géométriques durant les trois minutes de
durée de vie de ce phosphène. Ce, tout en balan-
çant latéralement la tête sur un rythme précis (d’où
le métronome) pour faire circuler le liquide cépha-
lorachidien. Expérience à pratiquer quarante-cinq
minutes chaque jour environ.
Côté résultats obtenus, tout dépend naturelle-
ment, ensuite, des individus. Ainsi, Vianney, ren-
contré à un stage organisé par l’école du phosphé-
nisme, fit son premier rêve conscient au bout de
trois semaines seulement, puis de nombreux rêves
de vols et des « montées intérieures de lumière ».
« Harmonisation intérieure, multiplication des
synchronicités, j’ai vraiment l’impression de porter
chance aux autres, comme si mon énergie surabon-
dante les dynamisait. Une énergie qui m’a conduit
à imaginer et développer un projet ambitieux de re-
cherche sur le nomadisme réclamant de traverser la
France à pied. Ce que j’ai fait ! »
Françoise, de son côté, à raison de quarante-cinq
minutes de pratique quotidienne, s’est mise, au
bout d’un mois, à rêver en couleur. Étonnam-
ment, pour elle, le plus difficile « consista certai-
nement à trouver un endroit tranquille pour me
balancer sans que toute la famille me regarde en
chiens de faïence ! ». Mais Françoise a tenu bon et,
 sont... à la retraite !) : « Le phosphénisme est l’outil
La traduction « traditionnelle »
du phosphène, cette lumière
qui apparaît entre les yeux,
n’est autre que « l’œil de Shiva ».

Luminothérapie Science
en trois ans, a vu sa vie « révolutionnée ! Meilleure
capacité d’apprentissage et de mémoire, meilleure vue À
(j’ai abandonné mes lunettes !), je suis surtout hyper LIRE
centrée, détachée des émotions et pleine d’énergie. J’ai
le sentiment de devenir jour après jour la meilleure
version de moi-même. En contact avec mon être pro-
fond qui, lorsque la vie est moins facile, me porte et
me soutient, mais c’est rare, car tout ou presque me
réussit ». L’initiation
Idem pour Fernanda qui, de son côté, artiste an- de Pietro
xieuse rassurée par un médecin lui-même adepte Dr Francis
du phosphénisme, s’y est mise et « ne peut plus se Lefebure
passer de cet apport de lumière qui accentue mon in- 1997, fac-similé,
Éd. Jacques
tuition et démultiplie ma créativité. Mais les simples Bersez, 38 €
effets secondaires quotidiens sont déjà formidables :
joie, idées claires, sentiment d’exister pleinement... ».
Du côté des pros
On comprend mieux, dès lors, pourquoi un cer-
tain nombre de professionnels se sont emparés de
l’outil. Pascaline Jouis, psychopédagogue, utilise
depuis douze ans le phosphénisme pour « stimu-
ler les fonctions mentales des enfants qui souffrent de
dyslexie, troubles et blocages de l’apprentissage ». Jean-
Jacques Pech, sophrologue-formateur, fut, lui, il y
a trente-cinq ans, « mis en contact avec mon niveau
supérieur et éclairé ». Il décida alors d’importer le
phosphénisme en entreprise, où « les effets antistress,
le regain d’énergie et de confiance en soi apportés par
ces techniques très simples font merveille ». Jérôme
Gadeyne, guérisseur et instructeur, s’est mis aux
phosphènes pour retrouver (avec succès) les sor-
ties hors du corps qu’il vivait enfant, « émerveillé et
apeuré ». Il utilise désormais « ce catalyseur facilitant
et boostant tous les processus mentaux pour me mettre
en condition avant un soin ». Mais pour lui, l’es-
sentiel du phosphénisme est qu’il « démystifie toute
une littérature et des pratiques obscures en les mettant,
concrètement, à la portée de tous ».
Ce qu’affirme également Philippe, l’unique « pro-
fesseur » de phosphénisme actuel (tous les autres
le plus personnel qui soit : il ne vise pas à apporter à
chacun ce qu’il veut, mais va l’aider à devenir ce qu’il
est. Et, pour ceux qui font preuve de persévérance, il
permet de dépasser le stade du développement person-
nel pour entrer dans la véritable initiation, mot qui
ne signifie rien d’autre que : le commencement. »
Dont acte, comme disent les juristes, sachant que
la traduction « traditionnelle » du phosphène,
cette lumière qui apparaît entre les yeux, n’est
autre que « l’œil de Shiva », encore dénommé
« troisième œil ». ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 41
 Soigner
ses
yeux
naturellement
Et si la « mauvaise vue » n’était que temporaire,
les muscles des yeux rééducables et les lunettes des béquilles
censées ne durer qu’un temps ? Des chercheurs proposent
des alternatives à notre regard sur la santé des yeux.
Par Melanie Chereau

L
orsqu’on se casse une jambe, on a
besoin de rééducation pour bien
remarcher et il ne nous viendrait
pas à l’esprit d’utiliser des béquilles
toute notre vie, plutôt que de réen-
traîner les muscles d’un membre abîmé. Alors,
pour quelles raisons sommes-nous résignés à
« mal voir » et à utiliser des lunettes ? Parce que
nous pensons que le dérèglement de la vue est
quelque chose d’inéluctable. Le business des lu-
nettes est aussi très lucratif... Mais savons-nous
seulement comment et pourquoi un changement
de notre vision se produit ? Savons-nous qu’il
existe une rééducation possible, afin de se passer
de lunettes ? De plus, pour certains, comprendre
à quoi est associé le phénomène de la vue per-
mettrait d’obtenir une meilleure connaissance de
nous-mêmes et de notre rapport au monde. À
une période où la société contemporaine connaît
un essor des problèmes de vue, dus à l’utilisation
massive des écrans, à l’âge de la vie qui augmente
et enfin à la sédentarisation qui restreint les
champs de vision, il serait important de changer
notre regard sur la vision....
Pourquoi la vue baisse-telle ?   Annick Brofman, auteure de l’ouvrage Yoga des
William Bates, un ophtalmologiste américain de
la fin du XIXe siècle, a révolutionné la compréhen-
sion des mécanismes de la vision. Il a découvert
comment fonctionnent les muscles entourant
l’œil. Agissant à la manière d’un focus d’appareil
photo, ces muscles s’allongent ou se rétrécissent
en fonction de ce que l’on souhaite regarder. Or
il arrive que ces muscles se contractent, restent
fixes, ou s’allongent, ou encore ne se coor-
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - SVTDESIGN
donnent plus et ne répondent plus à leur fonc-
tion : la vue devient floue. Cette crispation est
due, d’après Bates, au stress, à une charge émo-
tionnelle qui bloque les muscles dans une posi-
tion inadéquate. Notre solution dans ces cas-là :
porter des lunettes qui pallient la déficience des
muscles. Les lunettes figent tout cela, nos muscles
ne travaillent plus, le stress demeure et nos yeux
s’ajustent aux lunettes et non plus à ce que nous
Yeux Santé
regardons... C’est comme si nous conservions
nos épaules contractées à vie, après avoir sursauté
suite à un bruit imprévu ! Pourtant, grâce à l’ex-
périence de certains, dans la lignée de Bates, la
rééducation est possible. Il suffirait pour cela de
s’astreindre à un certain nombre d’exercices, afin
de renforcer la rétine et les pupilles, réassouplir
les muscles et enfin apprendre à reposer les yeux
si nécessaire.
Meir Schneider est un Israélien d’origine russe,
qui est né avec une double cataracte. Il a subi
de nombreuses opérations et s’est retrouvé qua-
siment aveugle toute son enfance. Dans son
ouvrage Soignez vos yeux naturellement(1), il ra-
conte : « Au bout de trois mois d’exercices intensifs
tirés de la méthode Bates, j’étais capable de voir ce
qui était écrit. […] les maux de tête, qui m’avaient
tourmenté toute ma vie, ont disparu au bout de six
mois. » Avec une extrême volonté et parce qu’il
était convaincu de pouvoir soigner ses yeux grâce
à la persévérance, il a réussi à recouvrer la vue et
même à passer son permis de conduire.
La vue est associée
à notre regard sur la vie
yeux, yoga de l’âme(2), explique : « Voir clair n’est
pas un état physique, mais un état de l’esprit, un état
de la conscience. La clarté de la vue et la clarté inté-
rieure sont indissociables. » Pour cette praticienne
et enseignante du yoga des yeux, le stress, qui
crée le symptôme oculaire, a pour conséquence
de nous éloigner de nous-mêmes. Notre vue
étant le filtre par lequel le monde nous parvient,
nous allons décoder les informations uniquement
à travers ce voile. Ainsi, si notre vue est modi-
fiée, notre point de vue le serait aussi... En cela,
elle conseille de revenir sur la période au cours
de laquelle notre vision a changé, pour identifier
l’émotion qui en serait à l’origine. « J’ai développé
de l’astigmatisme lorsque j’étudiais à la faculté de
droit ; les valeurs enseignées étaient alors à l’opposé
des valeurs avec lesquelles j’avais grandi », raconte
Annick Brofman. « Lorsque j’ai quitté cette facul-
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 43
 Santé Yeux
VOIR FLOU
Le premier pas est d’accepter
la vision floue. Nous sommes
attachés à voir clair coûte que
coûte, même si cela signifie porter
des lunettes qui maintiennent nos
muscles crispés. Si l’on comprend
qu’une rééducation est nécessaire
et que la décrispation aura des
effets bénéfiques à long terme sur
notre vue, alors on pourra accepter
la vision floue temporaire.
Pour cela, il faut commencer
par ne porter ses lunettes que
lorsque c’est indispensable,
s’habituer à les mettre peu,
lâcher les lentilles... Bates
écrivait : « Accepter le flou le
temps qu’il faudra et l’apprivoiser,
liez-vous d’amitié avec le flou »,
car comme toute rééducation,
retrouver sa vue prendra du temps
et nécessitera des exercices et de
la persévérance. Meir Schneider
rappelle : « Votre principal défi sera
de consacrer le temps nécessaire,
quoiqu’il arrive, pour améliorer
votre vue et élargir votre horizon. »
LE HATHA-YOGA
DES YEUX
C’est un exercice précis à faire
avec un enseignant ou une
explication détaillée. Il propose
de bouger les yeux dans plusieurs
directions et d’entrecouper
de repos. C’est un véritable
entraînement pour les muscles.
44 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
EXERCICES
Avertissement : Les exercices suivants sont tirés
des expériences de Bates, de la technique de Meir Schneider
et du yoga des yeux résumé par Annick Brofman.
Il est conseillé de lire les ouvrages dont ils sont tirés
pour pratiquer correctement l’ensemble des exercices,
ceux présentés ici n’étant que des exemples.
LE PALMING L’ENSOLEILLEMENT
Créé par Bates, il consiste à reposer Il s’agit de fixer le soleil les
ses yeux, qui sont sans arrêt en yeux fermés, en tournant la tête
mouvement, même fermés : poser de droite à gauche. La pupille
la paume des mains sur ses yeux va se dilater, même paupières
sans appuyer et rester immobile, fermées et cela va la renforcer.
en se coupant de toute lumière. On peut également basculer
Cet exercice est particulièrement la tête de haut en bas, le sang
bon lorsqu’on travaille sur un circulera mieux vers les yeux.
écran. Il est possible de le faire
régulièrement, notamment le soir. LA MARCHE DE NUIT
Pratiquer cet exercice par tranches
de 45 secondes. Pour cela, il faut marcher la nuit
à la seule lueur de la lune et
CILLEMENT, des étoiles. Les lumières des
ÉLOIGNEMENT, villes fatiguent nos yeux et la
RAPPROCHEMENT marche de nuit les renforcera
tout en dilatant les pupilles. À
On oublie souvent de ciller des savoir qu’au bout de 40 minutes,
yeux, action essentielle pour les bâtonnets rétiniens sont
les hydrater. Pour cela, fixer sa parfaitement réveillés.
main placée à 30 centimètres du
visage et ciller des yeux deux fois
en fixant à tour de rôle un doigt.
On peut également chercher un
point au loin plusieurs fois dans
la journée, en levant ses yeux de
l’ordinateur, partant d’un point
proche pour aller au loin, ce qui
oblige les yeux à changer de
point de vue. Enfin, on peut faire
l’inverse en partant d’un point
éloigné et en rapprochant le
regard. Plusieurs enchaînements
peuvent se faire en conscience.
Bien sûr, il faut réaliser cela
sans lunettes ni lentilles...
 Les Kogis naissent
dans le noir
Les femmes du peuple kogi, en Colombie,
accouchent dans une chambre quasiment noire
et conservent le bébé plusieurs semaines dans la pénombre,
avant de l’habituer petit à petit à la lumière du jour.
Les Kogis n’ont quasiment aucun problème de vue.
Il est vrai qu’en sortant en pleins néons du ventre de sa mère,
il y a de quoi s’abîmer les yeux (à peine matures),
après avoir passé neuf mois dans la pénombre…

té pour devenir assistante sociale, l’astigmatisme a la vieillesse avec la maladie et la dégénérescence.

disparu dès les premières semaines d’école, où les
valeurs étaient celles avec lesquelles j’avais grandi »,
explique-t-elle. Soigner ses yeux serait accepter de
« voir » ce que l’on a voulu éviter de voir lors du
trauma. Ressentir et identifier l’émotion associée
à l’événement permettrait de soigner notre vue
et ainsi changer notre façon de voir le monde et
notre rapport à celui-ci.
Symptômes et caractéristiques
Annick Brofman explique que des émotions
survenues dans l’enfance suite à un divorce, ou
l’arrivée d’un frère ou d’une sœur, ou encore l’en-
trée à l’école, peuvent être des exemples de dé-
clencheurs de crispation de notre regard. Elle a
élaboré (d’après le travail de son époux Martin
Brofman, auteur d’ouvrages sur les symptômes et
leurs sens), des typologies de caractères associés
au symptôme oculaire.
Par exemple, être myope (difficultés à voir correc-
tement les éléments situés au loin) : avons-nous
quelque part « flouté » le monde extérieur, suite
à une peur, par besoin de repli sur soi ? À l’in-
verse, être hypermétrope (voir clairement ce qui
est loin, mais flou ce qui est proche) : avons-nous
« flouté » ce qui est près, peut-être nous-mêmes ?
Une émotion comme la colère réprimée et la
culpabilité ressentie pourraient être à l’origine du
symptôme et l’individu préfère « se fuir ».
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - SVTDESIGN
À
Mais dans beaucoup d’autres cultures, l’âge est LIRE
synonyme de sagesse et les personnes âgées sont
totalement respectées et consultées. « Ce n’est pas
l’âge qui crée la maladie, c’est ce qu’on pense de l’âge
et comment on se sent en vieillissant », écrit Annick
Brofman. Ici aussi, les symptômes vont révéler
notre façon de concevoir le monde. Certaines
personnes âgées peuvent se sentir moins impor- (1) Soignez vos yeux
tantes en vieillissant et avoir tendance à se replier naturellement
Meir Schneider
sur elles-mêmes. Peuvent apparaître des symp-
tômes comme la cataracte qui recouvre l’œil,
Éd. Macro,
2017, 12,95 €
comme si la personne « n’attendait plus rien de la
vie », ou encore le glaucome, qui est une tension,
une pression, une solitude, une peur de devoir
se débrouiller seul... Annick Brofman conclut :
« Lorsque votre vue se trouble, vous n’êtes plus vrai-
ment libre, vous donnez le pouvoir à l’extérieur. »
Retrouver sa vision autonome, c’est retrouver sa (2)
liberté, reprendre le contrôle, mais le bon, pas Yoga des yeux,
le crispé... En d’autres termes, « voir clair, c’est le yoga de l’âme
bonheur d’être soi ». Annick Brofman
Éd. Dangles,
2019, 8 €
Une vision spirituelle
De la même manière que le yoga, aujourd’hui
pratiqué pour travailler le corps physique, était
à l’origine une technique pour ouvrir une vision
intérieure, le yoga des yeux a le même fonction-
nement. En guérissant la vision physique, on va
guérir la vision intérieure et peut-être ouvrir un Bien voir, mieux voir,
tout voir avec

Ainsi, pour la praticienne, rééduquer ses yeux
sous-entend à la fois d’évoluer sur l’émotionnel,
mais aussi d’accepter les modifications qui vont
en découler. Notre regard sur le monde va chan-
ger, se teinter de confiance, les muscles vont se
détendre et la vue n’aura plus besoin d’être floue.
Lorsqu’on vieillit, la vue baisse, et l’on peut être
tenté de croire que c’est « naturel ». Ici aussi,
notre regard sur l’âge joue. Nos sociétés associent
autre champ de vision, un troisième œil... la méthode Bates
Au niveau spirituel, le monde que l’on voit est le Eva Lothar
miroir de ce que l’on voit à l’intérieur de soi ; la Éd. Le courrier
du livre,
voie spirituelle consiste à voir les choses « telles 2019, 18 €
qu’elles sont » et non plus déformées par nos
projections. Le travail sur la vue juste commence
peut-être par voir clair et de manière autonome
le monde extérieur, avant de tourner son regard à
l’intérieur, pour y voir notre véritable nature... ●

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 45

Traditions Morietur

L’Ars
moriendi


L’Ars moriendi,
c’est-à-dire
« l’art du bien mourir ».



Méthode occidentale très ancienne, cet « art »
d’accompagner le mourant vers le « grand passage » est le
dernier vestige spirituel de notre civilisation traitant de la
mort en pratique. Par Martino Nicoletti
d e nos jours, le sujet de l’accompagne-
ment des personnes proches de la mort
vers le « grand passage », ainsi que vers
l’expérience de l’après mort, est de plus
en plus d’actualité. Le renouvellement de
l’intérêt pour l’univers de la spiritualité,
uni aux découvertes les plus récentes dans le do-
maine scientifique, a permis d’avoir une perspective
inédite sur cet important, délicat et inéluctable ren-
dez-vous de notre existence terrestre.
La conviction que « tout » ne finit pas avec la
mort, mais que, bien au contraire, cette expé-
rience ne représente qu’un passage fondamental
pouvant nous guider vers une autre dimension
d’existence, est de plus en plus communément
admise par bon nombre de personnes. Ici, ce ne
sont pas seulement les informations et les témoi-
gnages obtenus à travers de vrais médiums ni
ceux concernant les personnes revenues d’expé-
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - MEISTER_E.S.
riences de mort imminente, mais les traditions
spirituelles millénaires, qui nous annoncent de-
puis toujours que notre véritable identité est celle
de « voyageurs spirituels ». Âmes parcourant un
long chemin d’évolution à travers différents plans
d’existence et de conscience, nous nous servons
de véhicules transitoires et temporaires comme
notre corps actuel, mortel et périssable. Un vé-
hicule donc, un outil d’incarnation, mais certai-
Morietur Traditions
nement pas « nous » dans notre totalité et notre
essence authentique.
Des textes dédiés
Afin de permettre ces différents « passages » et fa-
voriser le détachement de la dimension terrestre,
plusieurs religions ont élaboré des pratiques spé-
cifiques, toutes fondées sur la conscience de la
nécessité d’une préparation adéquate agissant en
même temps sur deux domaines. Dans un premier
temps, ces pratiques s’adressent à la personne qui
est en train de mourir, de façon à lui permettre de
partir dans un état de sérénité en ayant, en plus,
des outils pour « s’orienter » efficacement vers sa
nouvelle dimension d’existence. Dans un second
temps, ces pratiques ont pour but d’intervenir sur
la famille et les proches du mourant, ceux qui res-
teront sur Terre, afin de leur permettre de vivre
l’expérience du départ de leur être cher de façon
la moins traumatisante possible.
Nous retrouvons cela dans la culture tibétaine,
avec les rituels décrits dans le Livre tibétain des
morts : un véritable texte sacré récité juste avant
la mort ou dans les instants qui la suivent, afin
de permettre au défunt de «  s’orienter  » au sein
des expériences post-mortem et des visions qui
les caractérisent. Un véritable manuel du FFF
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 47
 Traditions Morietur
passage, permettant à la personne décédée d’ob-
À tenir la Grande Libération ou une renaissance
LIRE
dans une dimension d’existence favorable à la
pratique et l’évolution spirituelle. Dans ce même
contexte, nous pouvons aussi rappeler les impor-
tants récits des rituels présents dans la plupart
des cultures chamaniques du monde, visant dans
leur ensemble à guider le défunt vers le pays des
morts ou des ancêtres, aidant en même temps les
Ars Moriendi
proches à faire leur deuil sur Terre.
(1492) ou l’art de
bien mourir
Danielle Meunier Version occidentale
Éd. Dervy Livres,
Tout cela pourrait sembler appartenir à des uni-
1986, 48 €
vers éloignés de nous, que ce soit dans le temps
comme dans l’espace. Cependant, très peu de per-
sonnes savent qu’il a existé dans le passé de notre
civilisation occidentale, en Europe, une forme
d’accompagnement aux mourants qui était élabo-
rée selon une méthode très codifiée et structurée.
Cette dernière remonte avant la grande « laïcisa-
tion » de l’expérience de la mort qui a fait suite à la
diffusion du rationalisme illuministe. Ce moment
historique où le départ et la mort étaient encore
considérés comme des événements hautement sa-
crés, vécus très souvent dans le contexte intime de
la maison et le domaine privé de la famille.
C’est justement ici, dans ce monde encore ralenti et
protégé de l’Europe du XVe siècle, que nous rencon-
trons l’apparition et la vaste diffusion des véritables
premiers protocoles d’accompagnement à la mort
dans l’Europe chrétienne  : l’Ars moriendi, c’est-à-
dire « l’art du bien mourir ». Sous forme de textes
imprimés en plusieurs éditions, enrichis de gra-
vures et d’images très puissantes, l’Ars moriendi fut
utilisé comme manuel permettant à tout croyant
de « gérer » l’expérience du départ sans devoir né-
cessairement faire appel à un prêtre. L’apparition
de ce type d’ouvrages, qui connurent un grand
succès en Europe à la fin du XVe et au début du
XVIe siècle, fut considérée comme particulièrement
 sité de cultiver le détachement des biens terrestres,
Le monde visible et
celui de l’invisible se
touchent et s’entremêlent
temporairement.

48 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
novatrice et révolutionnaire pour l’époque. D’une
part, ces textes permettaient « d’autonomiser » les
fidèles vis-à-vis des pratiques spirituelles connectées
au «  départ  »  ; d’autre part, ils représentaient un
véritable guide dans toutes les situations où l’ex-
périence de la mort avait un caractère massif, in-
contrôlable et incontournable, comme c’était le cas
pendant les grandes épidémies de peste noire qui
ont littéralement décimé la population européenne
au XIVe siècle, ou durant les conflits sanglants qui
dévastèrent surtout la France et l’Angleterre, suite à
la guerre de Cent Ans.
Un livre macabre
Au-delà des différentes versions imprimées, l’Ars mo-
riendi a, dans son ensemble, un préambule commun :
la personne mourante est présentée comme allongée
sur son lit. Autour d’elle se trouve une foule d’êtres :
ses parents et amis qui se recueillent discrètement à
ses côtés et la réconfortent dans ses derniers instants,
mais aussi un grand nombre de démons et d’anges.
En transformant la pièce où se déroule la scène en un
véritable « seuil » où le monde visible et celui de l’in-
visible se touchent et s’entremêlent temporairement,
les anges – parfois accompagnés ou remplacés par les
images de la Vierge, du Christ et de saints – et les
démons sont présents pour entreprendre une véritable
bataille dont l’enjeu est le mourant lui-même. Ici, la
lumière et l’ombre, le bien et le mal s’affrontent afin
de conquérir l’âme du mourant : le véritable butin
précieux de cette dispute bien singulière.
La signification symbolique très dense de cette image
étant donnée, il est clair que les différents volumes de
l’Ars moriendi, imprimés en un nombre considérable
d’exemplaires, que ce soit en France, en Angleterre,
en Allemagne et aux Pays-Bas, exposent de façon très
systématique ce qu’il faut faire et ne pas faire au mo-
ment du passage afin que le mourant ne subisse pas
les assauts néfastes des démons.
À ce sujet, les textes expliquent en particulier le dan-
ger d’être victime des tentations (comme l’avarice,
l’orgueil, le désespoir et le manque de foi), la néces-
l’obligation d’accepter, avec un abandon total, la
volonté divine en repoussant le sentiment de révolte,
de colère et d’agressivité qui pourrait se manifester,
ainsi que l’importance de recevoir les derniers sacre-
ments permettant de mourir dans la Grâce de Dieu.
De même, ces écrits soulignent aussi le besoin de se
souvenir avec foi et passion de l’exemple de la vie et
des actes du Christ salvateur. C’est par cette voie que
l’Ars moriendi – à l’origine écrit en latin et ensuite en
langues vulgaires par le théologien et prédicateur Jean
 Morietur Traditions

de Gerson –, après avoir donné des indications claires


au mourant, s’adresse ensuite aux membres de la fa-
mille et aux proches en leur fournissant des règles de Les textes parlent des
conduite pour une mort douce et sereine. Dans ce
domaine, les textes parlent des exorations correctes exorations correctes afin
afin d’éloigner de la personne la peur de la mort, les d’éloigner de la personne
prières spécifiques à réciter pour cette occasion, ainsi la peur de la mort.
que l’attitude à adopter vis-à-vis du mourant, la né-
cessité de le réconforter et de le soutenir grâce à une
assistance pleine d’amour et de pitié.

Un deuil médiéval
Nonobstant le cadre « rigide », fortement religieux
et largement bâti sur l’idée du péché, les indications
offertes, surtout aux proches, représentent un véri-
table outil afin de leur permettre de commencer à
faire le deuil.
Toute la charge du chaos connaturel à l’événement
de la mort est ici reconduite à l’intérieur d’une sé-
quence de prescriptions strictement codifiées :
la famille, au lieu de se perdre dans l’irra-
tionnel, est préparée et accompagnée pas
à pas à travers l’expérience bien difficile
du « détachement ». La douleur est cir-
conscrite et ensuite canalisée à l’intérieur
d’un cadre cohérent de comportements
réglementés : les « choses » que l’on doit faire et ne pas
faire ; celles qu’il faut dire et ne pas dire… Partageant
un même code de références et un même langage tout
au long de l’expérience du passage, le mourant, la fa-
mille et les proches ont le privilège de pouvoir rester
en contact et de continuer à dialoguer jusqu’au mo-
ment final ; et de pouvoir poursuivre, même après,
grâce au lien représenté par la prière.
Ce cadre à l’apparence macabre et rudimentaire
appartenant à notre passé et ces images stylisées
de démons à l’aspect grossier et d’anges lourds
et ronds n’en comprenaient pas moins le sens
de la proximité et de l’intimité dans le vécu
de la mort, malheureusement devenu fort
absent de nos jours. Le grand phénomène
de « médicalisation » de la mort, don-
nant à cet événement crucial de notre
existence un aspect digne, l’a souvent
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - MEISTER_E.S.

transformé en un « quelque chose » de

stérile, froid et anodin : plus rien à voir avec l’atmos-
phère recueillie et intime de ces gravures vieilles de six
siècles. Mourir en ayant le réconfort de la présence
de nos chers proches ; mourir aussi avec la certitude
et le sentiment de sécurité au-delà de la lutte dont
toute mort est porteuse, qu’ici, proche de nous, il y a
quelqu’un de puissant et d’invisible qui est prêt à se
battre pour nous et pour notre salut. ●

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 49

 Invisible Philosophie
Vous avez dit
« conscience »
?
Parlons-nous tous de la même chose lorsque nous parlons de
« conscience » ? Cette notion semble, à elle seule, regrouper différents
l
niveaux d’expérience. Décryptage. Par Miriam Gablier
« es mots n’ont pas tous la même destinée. Dieu,
Vie, Amour se sont vu confier la mission de
désigner des concepts grandioses. Ces derniers
siècles, la Conscience a rejoint le rang de ces
notions considérables », indique le philo-
sophe Frédéric Lenoir. Au fil des trois derniers siècles,
la conscience est en effet devenue une notion cen-
trale – particulièrement pour toute personne s’intéres-
sant aux neurosciences, à la psychologie, aux sciences
sociales, à la philosophie ou à la spiritualité. Alors,
« boum » de la conscience peut-être, mais de quoi
parlons-nous ? Car si, pour certains, la conscience est
produite par le cerveau, elle est, pour d’autres, un sup-
plément d’âme, ou encore, un principe fondamental
qui sous-tend notre réalité. Ce seul mot se retrouve à
chapeauter un tas de concepts qui mériteraient diffé-
rentes appellations, si bien qu’on se demande s’il n’est
pas galvaudé et utilisé à toutes les sauces. Le fait reste
toutefois que la conscience s’impose dans nos vies et
qu’elle demande à être pensée.
La petite dernière
Contre toute attente, la définition de la conscience
telle qu’elle est généralement entendue n’arrive que
tardivement sur le plan historique. Elle émerge au
XVIIe siècle et les historiens considèrent que c’est René
50 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
Descartes qui ouvre ce champ d’investigation avec
son fameux cogito : « Je pense donc je suis ». Après lui,
d’autres philosophes tels que John Locke, Baruch,
Spinoza ou Gottfried Leibniz viennent éclairer le su-
jet depuis des angles différents. Toujours est-il que, de
par son histoire et son étymologie, la « con-science » –
le fait d’être « avec une connaissance » –, est majoritai-
rement pensée comme une capacité réflexive. Elle est,
pour beaucoup, la capacité à savoir que l’on sait ou
que l’on sent, à produire une forme de réflexion sur
son expérience. La conscience, c’est ce que « chacun
de nous ressent immédiatement par soi-même quand il
s’aperçoit de ce qu’il fait ou de ce qui se passe en lui »,
écrit Louis de La Forge en 1666. « La conscience est
la perception de ce qui se passe dans le propre esprit de
l’homme », indique John Locke en 1694.
Une définition bien commode
PHOTO : SHUTTERSTOCK - WHITE HEART
Cette définition réflexive de la conscience sera notam-
ment reprise par les tenants de la théorie de l’évolu-
tion au XIXe siècle. En effet, si la conscience est une
aptitude à faire un retour réflexif sur soi-même, il
devient possible d’imaginer que cette boucle rétroac-
tive n’apparaît que quand un système neuronal de-
vient suffisamment complexe pour la produire. Dans
ce cas, la conscience n’émergerait qu’avec les FF F
 Invisible Philosophie
FF F premiers hommes tandis que les animaux, les
plantes, etc., seraient non conscients. C’est également
cette définition réflexive qui sera relayée par les neu-
rosciences. Surtout que, comme l’activité réflexive
laisse des traces dans le cerveau, il est possible de
l’étudier, là où l’expérience intime, ce sol primordial
de tout vécu, se donne à nous d’une manière mysté-
rieuse. Ainsi, la science décrit la conscience comme
un processus de métacognition, une fonction unifiée
d’accès aux informations et de synthèse, un centre de
contrôle des comportements et des paroles, etc. La
conscience est-elle seulement cela ?
Une scission intenable
Le problème, avec la vision réflexive de la conscience,
est de savoir quoi faire des matériaux psychiques
qui sont justement non réflexifs et donc « non
conscients ». Peut-on exclure le terreau sensible et pri-
mitif dans lequel toute expérience se donne à nous
de manière intime, afin de privilégier la capacité de
réflexion du sujet conscient ? Et d’ailleurs, le sujet
conscient doit-il être restreint seulement à l’être hu-
main ? Si le concept d’inconscient, qui émerge à la
LE « PROBLÈME DIFFICILE »
de la conscience
De fait, toutes les tentatives
neuroscientifiques de rendre compte de
l’expérience consciente se heurtent à une
incapacité d’expliquer comment une activité
neuronale ou physique produit un vécu
intime. L’expression « problème difficile de
la conscience », inventée par le philosophe
David Chalmers en 1995, fait référence à
cette difficulté. Le philosophe a remis au
goût du jour la figure du « zombie » afin
de montrer combien les neurosciences
pourraient être en train de décrire des
mécanismes physiologiques, mais pas le vécu
de l’expérience. Elles décrivent une sorte
de machine neuronale qui ne sent rien : un
zombie. Comment les processus neuronaux
donnent-ils lieu à une vie intérieure
qualitative ? Mystère.
52 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
fin du XIXe siècle avec l’avènement des sciences psy-
chiques, permet d’accorder un statut aux processus
sensibles non conscients… il ne résout pas le pro-
blème. Appelez-le comme vous le voulez – le non-
conscient, le subconscient, l’inconscient, etc. –, la
question reste de savoir s’il fait partie de la conscience
ou pas. Et au final, forcément, oui. D’une part, les
processus sensibles et non conscients semblent être
des processus intelligents – et non juste des automa-
tismes biologiques. D’autre part, il est impossible de
placer une frontière précise entre les processus non
conscients d’un côté et la conscience réflexive de
l’autre. Résultat ? Nous nous trouvons dans une si-
tuation paradoxale : les processus non conscients sont
des processus conscients. La conscience est bien plus
vaste que les processus réflexifs. De plus, si nous in-
cluons l’inconscient, que faire de l’inconscient collec-
tif ? Quelles sont les frontières de la conscience et du
sujet conscient ?
Différents points de vue
Que ce serait bien de trouver « la » vérité ! Le fait est
que la notion de conscience peut être envisagée dif-
féremment selon le paradigme – ou cadre de pen-
sée – depuis lequel on l’aborde. En effet, quelqu’un
qui estime qu’il n’y a que de la matière physique
dans ce monde (monisme physicaliste) n’abordera
pas le sujet de la même manière que quelqu’un qui
pense qu’il y a de la matière et de l’esprit (dualisme),
ou encore que tout est esprit (monisme idéaliste).
D’autres pensent encore qu’il n’y a qu’une seule
substance, qui n’est ni matière ni esprit (monisme
neutre). « Je pense que, pour la science du futur, la
réalité ne sera ni “psychique” ni “physique”, mais d’une
certaine manière les deux et aucune des deux », in-
forme Wolfgang Pauli, physicien et prix Nobel.
Ainsi, dans les grandes lignes, pour le matérialisme
ou le physicalisme, la conscience et l’inconscient
sont produits par l’activité cérébrale. Seuls sont
conscients les êtres qui ont un système neuro-
nal suffisamment développé. Pour le dualisme, la
conscience est une propriété de l’âme ou de l’esprit,
là où le non conscient est un automatisme du corps.
Souvent, seul l’homme, et parfois les animaux, est
considéré comme étant conscient. Pour l’idéalisme
et le monisme neutre, tout est conscience dans le
sens où, soit tout prend sa source dans l’acte de
conscience d’un Esprit ultime, soit tout émane d’un
principe qui n’est ni physique ni psychique mais qui
produit une expérience consciente. Ici, chaque élé-
ment du monde – animal, végétal, minéral – est, à
sa mesure, doté d’un vécu intime (nous connaissons
actuellement un regain d’intérêt pour l’idéalisme et
le monisme neutre).
 
La conscience, c’est la continuité
sensible que nous vivons à chaque
instant de manière subjective. COUP DE CŒUR INEXPLORÉ
 Miriam Gablier

Une vue intime Les mystères

C’est ici que survient le problème le plus vertigineux de la conscience
de tous. Bien sûr, nous aimons philosopher et éla- MIRIAM GABLIER
borer des théories métaphysiques sur ce que serait la
conscience. Cependant, nous ne pouvons en réalité MIRIAM
GABLIER

les mystères
conscience
pas parler de la conscience comme d’une « chose »
ou d’un « phénomène » extérieur et objectif. La de la
conscience est avant tout un vécu intime. Nous ne
La notion de « conscience » ne cesse d’apparaître sur le devant de la scène.

MYSTÈRES DE LA CONSCIENCE
Pas une semaine ne passe sans qu’une publication scientifique, un sujet média-
PRÉMONITION, TÉLÉPATHIE, VOYANCE, SORTIES DE CORPS ...…
pouvons pas faire de la conscience un objet d’étude à
tique ou une conférence ne traitent de cette notion devenue cruciale. On parle
aujourd’hui d’un véritable « boom de la conscience ». Alors, qu’est au juste la

mettre sous un microscope ou à décortiquer de ma-

« conscience » et quelles en sont les diverses facettes ?

nière rationnelle. Elle est avant tout une expérience « à

Cet ouvrage offre un inventaire de ce que l’on sait actuellement à ce propos.
Plus encore, il s’aventure sur le terrain des états modifiés de la conscience et des

la première personne ». La conscience, c’est la conti-

phénomènes paranormaux – qui sont autant de manifestations du mystère de
la conscience. Et si les perceptions extrasensorielles et les expériences exception-

nuité sensible que nous vivons à chaque instant de

nelles avaient des révélations essentielles à nous délivrer ?

manière subjective. Ainsi, la conscience est ce par quoi

Ce livre décrypte les faits, les questions et les enjeux générés par trois siècles
de recherches (philosophie, psychologie, sciences et recherches paranormales).

nous pouvons faire de la conscience un objet d’étude.

Enrichi d’anecdotes truculentes, de cas déconcertants, d’illustrations magnifiques, il
permet à chacun de mieux s’orienter face au sujet de la conscience et d’en découvrir

LES
Comme l’indique le philosophe Michel Bitbol, la
les dimensions époustouflantes.

conscience n’est pas seulement quelque chose vers

laquelle nous tournons notre attention, c’est l’atten- 25 € Prix TTC France
ISBN : 978-2-01-118281-4

tion en elle-même. « L’expérience consciente n’est pas un

objet. L’expérience n’est pas davantage une propriété. L’ex-
périence n’est pas un phénomène. Et pourtant, elle n’est
Éd. Hachette, 2019, 25 €
pas rien ! L’expérience pourrait même être tout. [Elle est]
le fait intégral de l’apparaître », détaille-t-il.
Les mystères de la conscience : prémo-
Quelle définition ? nition, télépathie, voyance, sorties de
Tout chercheur qui s’intéresse à la conscience est ain- corps – Miriam Gablier, Hachette, paru-
tion septembre 2019.
si pris dans une circularité qui n’est pas sans consé-
quence. D’une part, il devient difficile de concevoir
Le livre Les mystères de la conscience
comment une approche purement objective arrivera offre un « kit de base » de ce que l’on
un jour à expliquer la conscience. D’autre part, nous sait sur la conscience. Il résume les ap-
devons admettre que les théories que nous élaborons ports de la philosophie, de la psycholo-
dépendent directement… de l’état de conscience dans gie, des sciences et des traditions spiri-
lequel nous sommes. Un exemple frappant nous est tuelles, sans oublier la parapsychologie
offert par les témoignages de mystiques qui, lorsqu’ils et l’exploration des états modifiés de la
sont dans un état élargi de conscience, semblent accé- conscience ! « Identifiant les données
der à de profondes compréhensions sur la nature de la décisives, proposant des anecdotes re-
réalité. Depuis quel état de conscience pouvons-nous présentatives, il rend accessible un en-
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - TIM_IURII

définir la conscience ? L’exploration de ce sujet nous semble de données parfois complexes et

ramène décidément vers l’examen des fluctuations de difficiles, souvent surprenantes, voire
notre expérience intime. Ainsi, tel un retour de bâton, déconcertantes », précise Frédéric Lenoir
la notion de conscience rappelle à la science combien en préface.
son acte fondateur – privilégier la raison et l’objectiva-
tion – doit être rééquilibré par la prise en compte du
sensible et du subjectif. La conscience est ainsi, inévi-
tablement, le ferment d’un nouveau paradigme. ●

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 53

 Dossier

Ces éveils qui guérissent

Miracles !
Nous en avons tous entendu parler, certains d’entre nous ont pu
en être témoins, quelques autres, plus rares, en ont vécu... Les mi-
racles de guérison ou d’éveil soudain font rêver. Quels peuvent
être les mécanismes de telles manifestations ? Quelle est la part
qui nous appartiendrait et rendrait accessibles à tous de tels
changements de vie et quelle est la part qui nous échappe ?
PHOTO : GETTY IMAGES - MARCO A GALLICO / ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - NADEZHDA MOLKENTIN

Quelques pistes de réponses...

Sommaire
✦ Éclosion foudroyante  56
✦ Guérisons miracles  58
✦ Mystérieuses rémissions  64
✦ Transe, une médecine du futur ? 68
✦ Des visions qui révèlent l’âme 74
✦ L’éveil spirituel ne guérit pas (forcément) le corps  79
✦ Accepter notre vulnérabilité  80
✦ Pour aller plus loin  84
Éclosion FOUDROYANTE
Qu’ils relèvent du miracle, qu’ils surgissent au cœur d’une transe ou
encore de la maladie, tel un éclair, certains éveils nous foudroient et
nous transforment. Au bout, la guérison ? Par Carine Anselme

I nespérés, aussi soudains qu’inexpliqués, ces phéno-
mènes donnent à ceux qui les vivent l’impression
d’avoir été heurtés par un semi-remorque. Dans le
cas d’Anne Bérubé, devenue conférencière et ensei-
gnante spirituelle, c’est à prendre au pied de la lettre.
Un accident de voiture, qui a failli lui ôter la vie,
l’ouvre à une expérience mystique. Coincée dans
l’habitacle, incapable de respirer, elle a une vision
qui redéfinit sa trajectoire de vie. Cette redéfinition
radicale semble indissociable des éveils de guérison
qui déploient le cœur de l’être.
Vision claire
Tout ce dont Anne Bérubé se souvient, c’est de
l’absurdité d’avoir coupé la route à un camion. Son
compagnon d’alors, en virant pour rejoindre une
station-service de l’autre côté de la route, évalue
mal les distances. Violence du choc. Ensuite, le noir
total. Elle passe de la conscience à l’inconscience...
ou serait-ce le contraire ? « C’est dans l’obscurité de
l’inconscience que je la vois. Ma vie. Mon choix. Elle se
déroule dans mon imagination comme un film. Claire
comme le jour. Je sais que c’est ma vie que j’observe.
Mais ce n’est pas celle que je vis en ce moment. Je me
vois aimer profondément. Je me vois écrire et ensei-
gner... Je suis joyeuse et en paix. Intrépide et lucide. Je
vois une vie pleine d’aventure et de sens. Je vois ce qu’on
ressent à aimer sans condition. Mais surtout, je ressens
tout cela. Je vis en moi ce que cela fait que de vivre
cette vie. Je suis reliée à tout et à tout le monde autour.
Je suis cette réalité. Devant cette vision, je suis envahie
par un irrésistible sentiment d’amour qui inonde tout
mon corps », partage-t-elle dans Sois, ressens, pense,
agis(1). Elle sait, dans l’intime de son être, que cette
expérience extrême vient la chercher pour la « rame-
ner à la maison », notamment à Paul, son « âme
sœur ». Un amour violemment rejeté pour revenir
au connu : une vie toute tracée, certes confortable,
mais à côté d’elle-même. « J’étais habituée à avancer
mécaniquement sans jamais m’arrêter pour vraiment
me poser la question : pourquoi ? » Dans l’espace de
cette inconscience éveillée, elle se voit faire du surf,
avoir des enfants avec cet homme. Dans l’accident,
ses poumons se sont partiellement affaissés et son
foie a été gravement lacéré. Quand les chirurgiens
PHOTO : MYSHKOVSKY / GETTY IMAGES
l’opèrent, ils voient qu’il a été coupé en deux par
le milieu, entre les deux lobes. Il y a eu hémorragie
interne, mais le saignement s’est arrêté dans l’ambu-
lance. Le chirurgien n’a jamais rien vu de tel.
Transfiguration
« Je sais avec chacune des cellules de mon corps que la
vie que j’ai vue était à moi, que c’était à moi de me
Ouverture Miracles
Ces guérisons spontanées, qui
défient le matérialisme scientifique,
dépassent la personne physique
pour s’étendre au psychique
et au spirituel.
la réapproprier. Il est temps de cesser d’ignorer l’appel À
comme une flamme en moi », témoigne encore Anne LIRE
Bérubé. Une déflagration, un éveil de conscience,
la perception de l’être en majesté, réalisé et relié au
tout, la mue radicale de l’existence... Son témoi-
gnage, bien qu’intime, fait universellement écho à
tant d’autres expériences de même nature, à retrou-
ver tout au long de ce dossier. Même si, pour elle,
les années qui suivent sont marquées par la douleur (1) Sois, ressens,
chronique, un mal-être émotionnel et des malaises, pense, agis
à partir de ce point de bascule, elle entame une Anne Bérubé
(Préface d’Anita
métamorphose intérieure pour se rapprocher de la Moorjani)
vision de son âme. Depuis, Anne Bérubé guide les Éd. Dauphin blanc,
personnes à suivre cet appel de leur âme, en parta- 2018, 22 €
geant sa propre histoire afin d’accélérer le processus
de mue. Car là est une clé : ces éveils, d’après ceux
qui les vivent, sont des boosters de transformation.
« Les miraculés qui vivent une véritable renaissance en
faisant l’expérience tout émerveillée de la vie de l’esprit
en eux ne préfigurent-ils pas de façon resplendissante
ce passage à une vie nouvelle, cette transfiguration
que nous avons tous à vivre ? De même, ceux qui font
une expérience de mort imminente – des miraculés en
somme : leur vie ultérieure n’est plus du tout la même,
elle est totalement et définitivement bouleversée »,
explique le Dr Patrick Theillier, qui fut responsable
durant douze ans du Bureau des constatations
médicales du Sanctuaire, auteur de Lourdes, terre de
guérisons. Qu’elles surviennent à la faveur d’un état
de conscience modifié, au cœur d’une maladie, au
détour d’une épreuve, tel cet accident, ces guérisons
spontanées, qui défient le matérialisme scientifique,
dépassent la personne physique pour s’étendre au
psychique et au spirituel. « Elles sont supranaturelles,
conjonction du surnaturel et du naturel, qui ne sont
pas à opposer, mais à unir », conclut Patrick Theillier.
Ce dossier vous plonge au cœur de ce mystère et des
questionnements vertigineux qu’il soulève. « Il y a
deux façons de se tromper : l’une est de croire ce qui n’est
pas, l’autre de refuser de croire ce qui est », philosophe
Søren Kierkegaard... En filigrane, cette ouverture
miraculeuse est une invitation à se laisser toucher
par la vie. Plus grande que nous. ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 57
Miracles Le corps

Guérisons MIRACLES
Pied de nez au matérialisme scientifique, les guérisons « miracles »
et rémissions spontanées déjouent les pronostics les plus pessimistes
de la médecine. Ces « résurrections » inespérées relèvent de l’Éveil.
La conscience s’éclaire, le corps guérit. Une expérience cellulaire,

D
synonyme de renaissance.
Par Carine Anselme

epuis l’enfance, Céline vibre de toutes ses cellules
pour la danse. Après un échec injuste lors d’une
audition au Conservatoire, elle s’en prend à l’Uni-
vers : « Plutôt perdre mes jambes que de revivre ça  ! »
Quelques semaines plus tard, une sciatique la terrasse
et empire. Diagnostic : trois hernies discales. À 16 ans,
les chirurgiens refusent de l’opérer ; trop de risques
de terminer en chaise roulante. Fini la danse ! Contre
l’avis médical, elle devient serveuse à 18 ans, à défaut
d’être danseuse. « Je conçois bien la puissance de mon
esprit qui a ouvert la porte aux indésirables, présents dans
ma colonne vertébrale », dit-elle. Un matin au réveil,
elle ne sent plus ses orteils. Le médecin du SAMU
qui l’ausculte lui annonce sans ménagement qu’elle
a perdu ses jambes, sans doute à jamais... Elle le met
à la porte ; la jeune femme a déjà dû abandonner
son rêve, elle ne s’imagine pas quitter son métier. Une
fois seule, une conviction profonde la traverse... « Je
perçois une présence dans la pièce. Comme si l’air s’était
densifié. C’est très subtil, mais je ressens ce que j’éprou-
vais sur scène. Cette lumière d’amour qui m’enveloppe
me paraît lointaine, mais elle est là. Mon cœur se gonfle
tous les autres. Le soir même, miracle : Céline est à
son poste, en boitillant, mais debout. « Tant de fois,
j’ai voulu retrouver ce médecin pour lui prouver que tout
est possible, j’en suis la preuve !  »
La grâce à l’œuvre
L’histoire de Céline fait partie des cent récits éclai-
rés livrés par Gregory Mutombo dans son nouvel
ouvrage, Le souffle de la grâce(1). Cet ancien parachu-
tiste et officier de la gendarmerie a sillonné, durant
près de deux décennies, un monde en proie aux plus
vives dissensions – témoignant, dans la chair du réel,
de notre séparation intérieure. Confronté à l’huma-
nité sans fard, il devient un conférencier inspirant,
ébranlant dans ses certitudes tout ce qui vient à lui.
« Je ne fais pas du développement, mais du dépouille-
ment personnel – de tous les artifices qui nous empêchent
de faire l’expérience de notre nature originelle, de notre
unité », confie-t-il. La grâce et la guérison, Gregory
Mutombo est tombé dedans en naissant... « J’ai six
ans. Mon père est victime d’un accident de la route. Pro-
PHOTO : YULKAPOPKOVA / GETTY IMAGES

d’espoir. Je me concentre sur mes orteils : bougez ! Je me
pince les cuisses pour sentir la douleur, rien ne se passe. »
Le temps lui semble sans limites. « Comme si l’Uni-
vers m’attendait, quoi qu’il arrive. » Au bout de deux
heures, son gros orteil droit bouge, puis peu à peu
jeté à 30 mètres, touché à la moelle épinière, il devient
paraplégique. Une semaine plus tard, il remarche,
provoquant l’incompréhension des médecins. Durant
l’accident, il a la vision de son grand-père décédé qui
lui dit que tout va bien se passer, qu’il s’agit juste d’une
expérience. » Témoin direct d’un miracle sortant de
la droite ligne des prévisions, Gregory Mutombo se
dit en contact avec une dimension d’intelli- FF F

58 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 Depuis l’enfance,
je crois aux miracles,
au corps capable
de s’autorégénérer.
Gregory Mutombo
{ {
Les 9 clés de la rémission radicale
Dans Les 9 clés de la rémission, le Dr Kelly Turner, chercheuse
en oncologie intégrative, identifie neuf facteurs présents
dans les rémissions radicales de cancer, dont sept sont
d’ordre psychologique :
1. Avoir une bonne raison de vivre
2. Libérer ses émotions réprimées
3. Bénéficier d’un soutien psychosocial
4. Augmenter les émotions positives
5. Approfondir sa connexion spirituelle
6. Changer radicalement son alimentation
7. Prendre le contrôle de sa santé
8. Suivre son intuition
9. Utiliser des plantes et des compléments alimentaires
Les 9 clés de la rémission, Éd. Flammarion, 2017, 18 €.

FF F gence donnant à percevoir et expérimenter
des forces qui surpassent les lois humaines, physiques,
médicales. « Depuis l’enfance, je crois aux miracles, au
corps capable de s’autorégénérer. » Lui-même, durant
tout son exigeant périple militaire, va transcender les
limites et se retrouver confronté à bien des situations
qui, depuis un « point de vue séparé et analytique »,
semblaient très mal engagées... Il se fait naturellement
le « haut-parleur » de ces fréquences-là. « La grâce a
œuvré à de nombreuses reprises. J’ai été ainsi grièvement
blessé en 2006 à la colonne vertébrale, alors que nous
tentions d’apaiser de vives tensions entre tribus en Océa-
nie. Résultat : une jambe paralysée... dont je retrouve
l’usage un mois plus tard, suscitant, comme mon père,
l’incrédulité des médecins. »
S’aligner sur l’impulsion de vie
Comme l’affirme un adage spirituel éprouvé : «  Rien
n’est miraculeux, à moins que tout le soit. » Pour Deepak
Chopra, qui prône une science élargie, intégrant le
spirituel, la vie trouve le moyen de prospérer, guidée
par l’impulsion consciente, intelligente et créative de
l’univers. « Les miracles arrivent justement lorsqu’on
s’aligne sur cette impulsion », écrit-il en préface du livre
du Dr Bernie Siegel, Une brassée de miracles, suite
de son best-seller L’amour, la médecine et les miracles
(éd. J’ai Lu). « À mes yeux, les miracles nous parlent
de notre potentiel et des ressources d’origine dont nous
disposons », résume Bernie Siegel. Pour lui, la nature
même de la vie nous montre qu’elle est miracle, « sans
quoi nous ne survivrions pas à une simple coupure au
doigt ». Il est en chacun de nous, disent les mystiques,
un lieu sans conflit. La notion même de problème,
de maladie, de souffrance ne peut y exister. « Dans
cet espace de conscience, cela n’a tout simplement aucun
sens », souligne Gérard Saksik, coauteur de Cris et
murmures du corps (éd. Le Souffle d’Or, 2019). Peut-
être l’éveil de guérison permet-il de (se) connecter à
cet espace de conscience non due ? Or, le corps est le
Il est en chacun de nous,
disent les mystiques,
PHOTO : YULKAPOPKOVA / GETTY IMAGES
un lieu sans conflit. Pour que
la grâce « miraculeuse » puisse
agir, guérir, encore faut-il
accepter qu’elle soit là.
Dès que la peur se manifeste,
le symptôme gagne...
Le corps Miracles

Jung a parfois
assimilé l’âme du monde
à l’inconscient collectif.

siège de croyances en des règles physiques apparem-
ment immuables, martelées dès l’enfance : telle cause
engendre tel effet, preuves scientifiques à l’appui.
« C’est faire fi des guérisons miraculeuses, des rémissions
spontanées, documentées, qui déjouent tous les pronostics.
Or, s’il y a une exception, c’est que la règle est fausse. Ce
qu’un homme peut faire, d’autres peuvent potentielle-
ment le faire. Se fondre dans le miracle permanent est un
état bien plus naturel que l’homme ne le conçoit. Nous
reconnaissons le miracle dans la récupération d’un état
physiologique “normal” après un cortège de symptômes,
mais nous ne reconnaissons pas le miracle dans le fonc-
tionnement physiologique lui-même. Par là même, nous
refusons à ce corps son statut d’interface d’une intelligence
et de forces qui débordent l’intellect humain », relève À
Gregory Mutombo. LIRE
Et pourquoi pas ?
Pour que la grâce « miraculeuse » puisse agir, guérir,
encore faut-il accepter qu’elle soit là... Il s’agit, selon
Gregory Mutombo, de faire l’expérience d’un « et
pourquoi pas ? » Dans cet abandon, qui ne signifie nul- (1)
Le souffle
lement baisser les bras ni délaisser les soins médicaux de la grâce
nécessaires, on se place au service d’une force plus Gregory
grande. « J’ai atteint les limites de ce qu’un humain, Mutombo
un ego séparé, peut réaliser ; ce faisant, je m’ouvre tota- Éd. Guy Trédaniel,
2019, 18 €
lement à l’Univers, sans attente. » Pendant ce moment
de grâce, on cesse de croire à cette idée de séparation.
« Nous sommes, là, dans le réapprentissage de ce qui n’a
jamais cessé d’être : notre union au grand Tout. La grâce
est une expérience cellulaire – on vit au cœur de nos cel-
lules l’expérience directe de la connexion avec tout ce qui
est. » Sue Memhard, elle, s’est confiée à Bernie Siegel
dans Une brassée de miracles. Elle a survécu à deux can-
cers du sein. Lors d’une récidive sévère, avec métas- (2)
tases, elle n’a plus eu d’autre choix que de trouver Lourdes, terre de
guérisons
des traitements alternatifs (acupuncture, yoga, etc.),
ne supportant plus les chimiothérapies. Une guéris- Dr Patrick
Theillier
seuse l’aide à mettre au jour des croyances et émotions Éd. Artège Poche,
perturbatrices. Comme le dit William Blake, nous 2019, 9,50 €
sommes souvent enchaînés par des « menottes forgées
par l’esprit » ! Sue Memhard dit avoir pratiqué sans
relâche cet abandon à plus grand que soi. « À mesure
que je labourais mes couches mentales, émotionnelles et
spirituelles, mon cœur commençait à s’ouvrir. Je sentais la
lumière me pénétrer et la pression que le cancer FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 61
Miracles Le corps
En état de conscience
modifié, tout se passe comme si
la conscience pouvait s’affranchir
des contraintes corporelles.
FF F m’imposait commençait à baisser... Un jour, le
À
LIRE lâcher-prise devient réel dans mon corps... Les cellules
cancéreuses se meurent. J’ai appris que le cancer était
un tyran issu du passé. Oui, on peut le traiter à coup
d’opérations, de médicaments qui prolongent la vie, mais
l’âme en espère davantage. Lorsque l’âme est résolue à
guérir, le corps peut suivre, et ces choses qu’on appelle
“miracles” peuvent alors arriver », partage-t-elle.
Les processus
de guérison.
Accueillir et De l’infinitude du corps
déployer ses
émotions pour Tout dérèglement, s’exprimant sous forme de symp-
guérir tômes, active notre libre arbitre : nous avons le choix
Gérald Le- d’envisager l’épreuve comme une fatalité, ou d’éclairer
roy-Terquem
et Djohar Si cette limitation afin de voir ce qui pourrait la rempla-
Ahmed cer... Ce choix engageant, Gregory Mutombo y est
Éd. Dangles, 2015, confronté régulièrement. Il lui semble impossible de
20 €
parler de grâce et de guérison sans incarner ce qu’il
transmet ; d’où notamment son engagement mili-
taire, qui lui a permis d’aller se frotter aux lisières du
monde et de ses propres limites. Or, le corps, lieu de
l’incarnation, est le plus directement disponible pour
les prises de conscience sur les plans plus subtils. Cet
« expérienceur » se laisse donc traverser par les infor-
mations cellulaires erronées, « héritage de croyances
antédiluviennes », et voit remonter à la surface d’im-
pressionnants symptômes. « Par chance, ma femme est
médecin, angiologue [spécialiste de la médecine vascu-
laire, NDLR], car avec les symptômes que je manifeste
(tension de 11 au bras droit, 18 au bras gauche ; infarc-
tus aortique...), il y aurait urgence à aller aux urgences »,
relève Gregory Mutombo. Cela oblige son épouse à
dépasser la vision enseignée en médecine, qui veut
que tel symptôme égale telle conséquence. Parfois,
le « décor » semble si réel que les peurs ancestrales
remontent. « Il faut les accepter pour pouvoir les trans-
cender. Si je me laissais gagner par la peur, je validerais
le pronostic envisagé. Depuis que j’ai cessé de croire à
cette fatalité, je parviens à moduler ma tension, sans effet
délétère », poursuit Gregory. Cet itinéraire-là exige une
foi, une verticalité et une maîtrise immenses. Car dès
que la peur se manifeste, le symptôme gagne... De
l’importance, sur un tel trajet d’ancrage et d’ouverture
de conscience, d’être accompagné en parallèle par un
suivi médical. « Envisager l’infinitude du corps signifie
qu’il est essentiel de redonner à cet écrin sa fonction pre-
mière de lieu où la conscience universelle s’expérimente. »
62 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
Épiphanie
« Le miracle, qui apparaît comme un hiatus, un “trou”
dans notre savoir scientifique, n’a-t-il pas pour vocation
de nous tourner vers l’invisible, vers le surnaturel, vers
le transcendant ? » Ainsi nous interpelle le Dr Patrick
Theillier, auteur de Lourdes, terre de guérisons(2). Cer-
tains hauts lieux spirituels sont, en effet, le théâtre
de guérisons miracles, Lourdes en tête (voir enca-
dré). Mais il arrive également que des visions ou des
rêves soient à l’origine d’un point de bascule « mira-
culeux », provoquant un éveil de guérison. Marilyn
Becker Gilliom, peu de temps après que son mari l’a
quittée, souffre d’une récidive de cancer au « stade
terminal », aux dires de cinq médecins. On l’opère
cependant et elle subit une radiothérapie. « Un soir,
dans ma nouvelle maison, alors que je m’endormais,
j’ai soudain senti une présence dans la pièce. J’ai vu un
esprit vêtu d’une robe et de sandales. Il émanait de lui
une lumière blanche aveuglante de ses mains. Cette
lumière m’a lavée de la tête aux pieds. À cet instant,
j’ai su que j’étais guérie », confie-t-elle au Dr Bernie
Siegel. Au grand étonnement de ses médecins, elle
survit. D’autres ouvertures de conscience, telle la
transe, spontanée ou induite, peuvent déboucher
sur des guérisons inespérées.
« En état de conscience modifié, tout se passe comme
si la conscience pouvait s’affranchir des contraintes
corporelles, spatiales, temporelles et de la logique rai-
sonnante. Il y a une sorte d’expansion, d’ouverture, de
libération, permettant à la conscience d’accéder poten-
tiellement à n’importe quelle information de l’univers.
Grâce au dispositif thérapeutique – ici, la respiration
holotropique –, mais aussi grâce à l’inconscient du
sujet, l’entrée en transe permet d’ouvrir nos percep-
tions à 360° et de ramener à la surface les informa-
tions les plus nécessaires à l’évolution et la guérison du
sujet, bloquées jusque-là par ce noyau de souffrance à
mettre au jour », décrypte le psychanalyste Gérald
Leroy-Terquem, coauteur d’un livre inédit sur Les
processus de guérison. En adoptant cet état mental
permanent du « et pourquoi pas ? », même si la
situation semble sans espoir, nous laissons la porte
ouverte à une issue « autre » que celle que pourrait
imaginer notre intellect... Et il n’y a pas de domaines
profanes pour cela ! Votre voiture rend l’âme sur le
PHOTO : YULKAPOPKOVA / GETTY IMAGES
bord de la route ? Dans cette ouverture de plus en
plus ample, la grâce peut se manifester : il arrive
que la voiture redémarre comme par miracle ou que
quelqu’un s’arrête pour vous dépanner... « J’aime
que la grâce œuvre au quotidien. Cela alimente une
gratitude, source d’émerveillement... qui nous ouvre
aux miracles », conclut Gregory Mutombo. Alors,
l’exceptionnel devient la norme. ●
{ {
Le Bureau des miracles
Durant douze ans, le D r Patrick Theillier a été responsable
du Bureau des constatations médicales, à Lourdes. « Chaque
pèlerin venu témoigner d’une grâce de guérison reçue m’a
affirmé avoir été touché dans tout son être, pas seulement
dans le psychosomatique, mais aussi au niveau du cœur
profond, ce lieu sacré reconnu par toutes les traditions. »
Ce retournement intérieur aboutit à un changement de vie
radical. De par sa nature, l’homme appartient simultanément
au monde matériel par son corps et au monde spirituel par son
esprit. Il est l’intrication de deux mondes opposés : un fini et
un infini, un limité et un illimité, un matériel et un immatériel.
« C’est en prenant en considération ces trois entités qui
agissent de concert, l’esprit, l’âme et le corps, interférant l’un
sur l’autre, que nous allons pouvoir embrasser la réalité des
mystères, en particulier des miracles, tels ceux de Lourdes. »
Comme l’affirmait Saint Augustin : «  Le miracle ne contredit
pas la nature, il contredit la connaissance que nous en avons. »
Miracles Expériences

Mystérieuses
RÉMISSIONS Des hauts lieux d’énergie, des défunts sauveurs,
des eaux guérisseuses et des rémissions
spontanées. Voici quatre focus extraordinaires
qui se penchent sur les ingrédients des
guérisons inexplicables. Par Carine Anselme

Le miracle inscrit
hindou. Au cœur de ce sanctuaire, une pierre... Il y a à
peine deux générations, elle ressemblait à un gros cail-
dans la pierre lou n’excédant pas 60 centimètres de haut. Puis, elle se

I
l est des lieux de haute énergie, dotés
de mystérieux pouvoirs de guérison
et d’ouverture de conscience. Des
alignements de Carnac en Bretagne au sanctuaire de
Chimayo au Nouveau-Mexique, du site de Glaston-
bury en Angleterre au tour du mont Kailash sur le toit
du monde, sans oublier le plus connu de tous, Lourdes
et sa grotte surnaturelle de Massabielle, ces sites sacrés,
plus ou moins « spécialisés » dans les prodiges qu’ils
opèrent, s’avèrent propices aux éveils guérisseurs.
Qu’ils soient situés sur des points d’acupuncture ter-
restre en lien avec les énergies cosmotelluriques, spéci-
fiquement orientés ou alignés par rapport aux astres,
ou qu’ils soient encore le théâtre de manifestations
paranormales, d’apparitions miraculeuses, ces lieux ont
de l’esprit et de la magie. Leur vibration particulière
serait prompte à dénouer les blocages et autres dérègle-
ments énergétiques. Ils attirent donc en nombre ceux
qui cherchent à guérir ou sont en quête d’un miracle
transformateur dans leur vie. Moins connu mais pas
moins spectaculaire, Naag Mandir, situé près de Labasa
aux îles Fidji, est devenu un haut lieu de pèlerinage
Ces endroits
initiatiques sont avant
tout des sites à l’énergie
particulière.
serait mise inexplicablement à grandir, grandir... jusqu’à
atteindre trois mètres. Impressionnés par le miracle,
les Indo-fidjiens ont bâti un temple autour de cette
pierre, ceinte aujourd’hui d’innombrables colliers de
fleurs et entourée d’offrandes. On raconte qu’il a déjà
fallu rehausser le toit à deux reprises pour permettre
au rocher sacré de poursuivre sa croissance, qui semble
ne pas avoir de fin. Sa forme ressemblant étrangement
à un cobra dressé, ce lieu de culte permanent a tout
naturellement été dédié à Nâga, divinité serpent (nâga
signifie « serpent » en sanskrit), avatar de Vishnou. La
fertilité et l’immortalité font partie des pouvoirs de
Nâga, symbole de la Kundalini et intercesseur entre
ce monde et l’au-delà. Face à cette pierre phallique qui
croît alors qu’elle ne devrait pas, les fidèles accourent à
Naag Mandir pour prier, dans l’espoir notamment de
guérir de leurs problèmes d’infertilité et d’impuissance.
Des grossesses inespérées, mais aussi des guérisons ILLUSTRATIONS : BLINDSPOT / GETTY IMAGES - ARTUR / ADOBE STOCK
spontanées y sont régulièrement recensées.
Ce rocher qui se dresse n’est pas sans rappeler les
menhirs, éclairant le fait qu’au-delà de la fonction et
de la symbolique religieuses, ces endroits initiatiques
sont avant tout des sites à l’énergie particulière, leur
conférant des pouvoirs – de guérison, de transforma-
tion, d’accomplissement. Des grottes mariales aux
mégalithes en passant par les rochers sacrés, le miracle
semble s’inscrire et vibrer dans la matière, dans cette
pierre porteuse de l’information de l’univers. Toucher le
rocher y symbolise, voire incarne, l’accolade du divin...
Solide comme le roc.

64 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

Quand les morts
nous ramènent
à la vie
P
our paraphraser Jean Coc-
teau, si les vivants ferment
les yeux des morts, il arrive
que les morts (r)ouvrent ceux des vivants...
Nombre de récits de guérisons miracles, par-
fois instantanées, toujours mystérieuses aux
yeux de la science, sont émaillés de rencontres
décisives avec des défunts. Souvent, des
proches décédés qui les attendent « au seuil »
de la mort – notamment dans les cas d’expé-
riences de mort imminente. Dans un mélange
d’amour inconditionnel et de fermeté impa-
rable, ces défunts familiers « repoussent » vers
la vie ceux qui s’apprêtaient à mourir, arguant
que leur heure n’est pas venue. Messages forts
à l’appui, ces « résurrections » inespérées ne
font pas que réveiller, elles éveillent. Au pas-
sage, elles incitent à changer de vie.
C’est l’expérience extraordinaire qu’a vécue
Anne-Sophie. Cette artiste peintre, mère de
deux enfants, a aujourd’hui la quarantaine.
En 2002, la jeune femme reçoit une double
greffe, cœur et poumons, en raison d’une
maladie génétique. Même si l’opération s’est
bien passée, ses reins ont souffert ; des dia-
lyses sont mises en place. Son nouveau cœur,
lui, ne bat pas correctement. Les médecins
lui administrent un choc électrique, afin
de le « réinitialiser ». Elle souffre également
d’un œdème pulmonaire. Près d’une semaine
Ces « résurrections »
inespérées ne font
pas que réveiller, elles
éveillent.
après l’opération, son pneumologue, en
panique, lui révèle que son corps ne répond
positivement à aucun traitement. C’est l’in-
compréhension... En soins intensifs, bercée
par les chants des moines de l’abbaye de
Timadeuc, Anne-Sophie reste étrangement
sereine malgré ses difficultés à respirer et le
diagnostic funeste. Au matin, la paix a été
happée par la colère et l’épuisement, face
aux énièmes traitements envisagés. La peur
de la mort rôde et contamine ses proches.
La nuit qui suit va faire basculer sa vie... « Je
suis au-dessus de mon lit. Je vois mon corps d’en
haut. Je ne ressens plus aucune souffrance, au
point de ne pas vouloir redescendre. Là, j’entends
la voix de mon frère, Nicolas, décédé de la même
maladie, dix ans plus tôt. » Il lui dit : « Tu dois
y retourner, tu as encore plein de belles choses
à vivre et à créer, ce n’est pas le moment pour
toi. » À grand-peine, elle retrouve ce corps
étriqué, douloureux. Ses proches, qui l’ont
quittée entre la vie et la mort, s’étonnent de la
découvrir, au matin, assise en tailleur sur son
lit, radieuse. Les protocoles prévus – dialyse et
choc électrique – sont annulés, car ses reins et
son cœur, contre toute attente, fonctionnent
normalement. Elle confie avoir vécu une
renaissance, mission de vie à la clé. « J’ai eu
le bonheur de découvrir que j’étais revenue avec
un don pour la peinture, que celui-ci n’était pas
arrivé par hasard, que tout avait un sens et que
j’avais un message à faire passer par ce biais »,
conclut-elle. Pour Gregory Mutombo, qui
a recueilli son témoignage(1), on peut déce-
ler, dans ce type de contact, l’aide des plans
supérieurs, c’est-à-dire des « plans vibratoires
de plus haute fréquence qui sont inclus dans
notre propre information ». Ils nous ramènent
à notre unicité, connectée à une conscience
plus vaste. Au-delà de la maladie.
(1) Retrouvez ce récit et bien d’autres dans Le souffle
de la grâce, de Gregory Mutombo (Éd. Guy Trédaniel).
FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 65
Miracles Expériences
La guérison
du sens
M
ystère infini de la guérison...
surtout lorsqu’elle déjoue
les pronostics médicaux les
plus sombres. Dans le Spontaneous Remis-
sion Bibliography Project, initié par l’Institut
des sciences noétiques, Caryle Hirshberg
et Brendan O’Regan ont constitué la plus
grande base de données de cas de rémissions
spontanées dans le monde, validées par la
science – 3 500 cas référencés dans plus de
800 revues internationales. La plupart des
cas concernent des personnes ayant eu un
cancer de stade 4 (le plus élevé) qui, soit
avaient décliné le traitement conventionnel,
soit avaient utilisé des traitements alternatifs
considérés par les médecins comme ineffi-
caces. Pourtant, elles ont guéri. Cette étude
contient aussi des cas de rémissions radicales
de maladie cardiaque, auto-immune, du
VIH. Chez ces patients « miraculés », on
observe des facteurs récurrents, dont le fait
d’avoir de bonnes raisons de vivre, qui va
bien au-delà du refus de mourir ! Il est ques-
tion, ici, de découvrir un sens à sa vie, sou-
vent révélé par la maladie et la proximité de la
mort. Ce rebond miraculeux n’est pas dénué
d’explications scientifiques,
puisqu’il a été prouvé que des
pensées ou des émotions fortes
libéraient instantanément dans
le sang de puissantes hor-
mones, agissant positivement
ou négativement sur le système
immunitaire, selon la nature de
ce qui les cause. « Pour les pra-
ticiens de la médecine alternative,
si nous sommes passionnés par l’exis-
tence, nous invitons le souffle de la
66 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
vie en nous (le chi) ; a contrario, si nous ne le
sommes pas assez, nous n’aurons pas suffisam-
ment de chi pour nous garder en vie, car cette
énergie est la source qui fait vivre notre corps »,
analyse Kelly A. Turner, chercheuse en onco-
logie et consultante en médecine intégrative.
Dans son livre Les 9 clés de la rémission (éd.
Flammarion), elle partage ainsi le témoignage
de Glenn Sabin. À 28 ans, à peine marié, on
lui diagnostique une leucémie lymphoïde
chronique. Animé par un puissant désir de
vivre et d’avoir des enfants, il met sur pied
un programme en oncologie intégrative
(activité physique, alimentation, exercices
corps-esprit...) auquel il attribue sa guérison
complète, alors même que cette maladie est
considérée comme incurable et qu’il n’a pas
eu recours à la chimiothérapie ni à la greffe
de moelle osseuse. « J’aimais tellement la vie
que j’ai cherché sans relâche à placer mon esprit
et mon corps en position de guérir. Ce parcours
m’amène à croire que le cerveau est l’organe le
plus puissant du corps humain ; il abrite un
énorme pouvoir de guérison », confie-t-il. Son
diagnostic remonte à plus de 25 ans et Glenn,
devenu père, se considère non pas comme un
survivant, mais comme un « bénéficiaire » du
cancer. Sa guérison miracle a été répertoriée
par le Dana-Farber Cancer Institute de Bos-
ton, ce qui l’a poussé à transmettre son his-
toire dans un livre (non traduit en français).
Une expérience témoignant du « caractère
inextricable du nœud gordien qui lie corps,
esprit, âme », dixit le Dr Dominique Gros,
qui préface le livre de Kelly Turner. ILLUSTRATIONS : BLINDSPOT / GETTY IMAGES - ARTUR / ADOBE STOCK
J’ai cherché sans
relâche à placer mon
esprit et mon corps en
position de guérir.
L’eau vive
C onnaissez-vous Madron Well ?
Situé dans les Cornouailles, ce
puits sacré est caché dans les bois,
près d’une ancienne chapelle du XIIe siècle. Son eau
aurait, dit-on, des vertus curatives miraculeuses.
Les pèlerins viennent y soigner leurs maux tant
physiques que psychiques, et nouent aux branches
alentour un morceau de vêtement prélevé à l’endroit
qu’ils souhaitent guérir...
Malgré ses débordements destructeurs, l’eau, élé-
ment vital, purifie, guérit, régénère. Les sources ont
toujours fait l’objet de cultes et furent remarquées
en raison de leurs propriétés mystérieuses, béné-
fiques, dont certaines sont aujourd’hui (re)connues
par la science. D’après le docteur en histoire Didier
Coquillas, rien qu’en France, 2 000 sources mira-
culeuses sont visitées pour leurs pouvoirs. Souvent
placées sous l’invocation d’un saint, elles ont des
spécificités de guérison (fécondité, eczéma...).
L’eau est évidemment un symbole fort de Lourdes.
Cette source est devenue sacrée lorsque Bernadette
la met au jour au cours de la neuvième apparition,
le 25 février 1858, sur les indications de la Vierge.
Contrairement aux sources thermales environ-
nantes, cette eau n’a pas de propriétés particulières.
« C’est une eau pure ayant les caractéristiques physi-
co-chimiques d’une eau potable, légèrement alcaline,
peu minéralisée, sans qu’on n’ait jamais trouvé, jusqu’à
ce jour, d’élément pouvant expliquer une action thé-
rapeutique, médicinale ou thermale quelconque »,
précise le Dr Patrick Theillier, auteur de Lourdes,
terre de guérisons (éd. Artège). Sa popularité est née
des miracles : à peu près la moitié des guérisons
connues ont eu lieu avec l’eau, soit en ingestion,
soit en ablution. Quelquefois très loin de Lourdes !
Au Japon, le Dr Takashi Nagai, converti au catho-
licisme, travaillait le 9 août 1945 dans un hôpital
Cette eau n’aurait pas de
vertu sans la foi !
de Nagasaki, à 700 mètres de l’épicentre de l’explo-
sion de la bombe nucléaire. Un morceau de verre
lui coupe l’artère temporale du côté droit. Malgré
les soins de collègues survivants, son hémorra-
gie s’aggrave. Sentant sa dernière heure arrivée, il
entend au loin des voix d’enfants et est pris d’un
farouche désir de vivre. « Une personne âgée s’est
approchée de moi en me disant : “Tenez ! C’est de l’eau
de Lourdes.” Devant mes yeux sont apparues des roses
qui recouvraient le rocher de Lourdes, et la silhouette
de la Vierge Marie... Alors que j’étais sur le point de
mourir, j’ai senti avec douceur l’eau glisser sur moi...
Puis, je suis tombé dans le coma, mais j’entendis l’infir-
mière s’écrier : “Ah ! Le sang s’est arrêté de couler !” Le
docteur Tomita murmura : “Vraiment, c’est étrange !”
Les médecins qui savaient que, médicalement, il n’y
avait pas de solution pour arrêter ce type d’hémorragie
constatèrent que, juste au moment de ma mort, tan-
dis que coulait sur moi l’eau de Lourdes, l’hémorragie
avait disparu. » Aucun autre soin n’a été nécessaire,
mais Takashi Nagai a perdu son épouse dans l’explo-
sion et, atteint d’une leucémie en raison des effets
des rayons X, il décède en 1951. Entre-temps, il a
écrit Les Cloches de Nagasaki, best-seller devenu un
film à succès.
Le Dr Theillier insiste : ce n’est pas l’eau en elle-
même qui fait des miracles. « Elle vivifie, si on l’uti-
lise avec confiance, en croyant en la puissance de vie de
l’Esprit de Dieu. » Bernadette affirmait : « On prend
l’eau comme un médicament... Cette eau n’aurait pas
de vertu sans la foi ! » Une foi en la vie qui dépasse les
croyances, mais nécessite une humilité allant de pair
avec la démarche de purification initiée par l’eau.
« Venez boire à la source et vous y laver », disait déjà
la Vierge à Bernadette. ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 67
 Les éléments
sensoriels sont les
briques de la transe
hypnotique.

UNE MÉDECINE
DU FUTUR ?
 Vibrations Miracles

Si toutes les cultures ont depuis la nuit des temps développé des
techniques pour provoquer la transe à des fins thérapeutiques, les « états
modifiés de conscience » sont aujourd’hui utilisés par des professionnels
de santé et étudiés avec intérêt par les neuroscientifiques. Vieille de
plusieurs millénaires, la « transe » sera-t-elle une médecine du futur ?
Comment expliquer les guérisons soudaines qu’elle est à même

D
de provoquer ? Par Claire Eggermont

u latin transire, la transe désigne le passage d’un
état de conscience à un autre. Si elle peut être
provoquée à l’aide de techniques spécifiques, le
Dr Thierry Servillat, psychiatre hypnothérapeute,
rappelle qu’elle est avant tout une possibilité natu-
relle offerte à l’espèce humaine (et certainement
à d’autres). Sa consœur Djohar Si Ahmed insiste
en disant qu’elle serait même une nécessité quasi
physiologique pour notre psyché, comme en
témoigne la « transe commune quotidienne », état
de rêverie dans lequel nous entrons spontanément,
toutes les deux heures environ, sans même nous
en rendre compte. Surmontant le regard sceptique
de ses collègues et le tabou qu’a posé notre société
sur ces phénomènes de transe considérés jusqu’il
y a peu de temps comme primitifs et irrationnels,
cette psychanalyste a osé s’intéresser de près à ces
états modifiés de conscience, d’où peuvent surgir
un matériel et des capacités ignorés à l’état vigile.
À travers la méditation, l’hypnose, la respiration
holotropique, le rêve éveillé, la PNL ou le voyage
chamanique, les méthodes d’induction permet-
tant d’entrer dans des états modifiés de conscience
sont multiples, mais toutes sollicitent nos sens,
que ce soit par une hypo ou hyperstimulation.
« Les éléments sensoriels sont les briques de la transe
hypnotique, explique Thierry Servillat. En faisant
appel à des images colorées, des sons, des goûts, des
odeurs, des sensations tactiles et musculaires, le théra-
peute tisse une histoire qui transporte le patient dans
PHOTO : MYCHKOVSKY / GETTY IMAGES
nant, connu comme lieu de souffrance et de dyshar-
monie, et un autre monde encore inconnu, le monde
des possibles dans lequel va se réaliser une métamor-
phose, une nouvelle naissance », écrit le médecin
Gérard Vigneron.
Réveiller des capacités innées
de guérison
D’un point de vue psychologique, ce qui explique
la puissance de guérison des états de transe, c’est
qu’ils réveillent les ressources internes présentes en
tout un chacun. S’ils stimulent des visions ou l’ima-
gination, celles-ci ne sont pas considérées comme
de simples fantasmes, mais comme de nouvelles
formes d’expérience vécue. Dans ces états particu-
liers de conscience, le patient peut alors toucher
un retournement, « faire exploser » ses croyances
limitantes, et entrer dans une manière totalement
différente de voir et de vivre une situation qui était
jusque-là source de souffrance. « Le pouvoir d’ima-
giner devient un pouvoir de reconfigurer le monde »,
précise Gérard Vigneron.
En outre, dans ces états de transe, la conscience,
s’émancipant de ses contraintes habituelles – cor-
porelles, spatiales, temporelles et logiques – peut
s’ouvrir à des informations nouvelles, inaccessibles
à l’état de veille et difficilement atteignables par
les thérapies habituelles. « Cet affranchis- FF F

un voyage de conscience. » Quel que soit son mode

d’induction, l’état de transe permettrait de décou-
vrir ce qui existe au-delà de notre perception
ordinaire, à savoir des possibilités de changement Le déploiement du symptôme
beaucoup plus grandes que celles que l’on conçoit libère du même coup une quantité
dans la veille restreinte qui régit notre quotidien.
« Toutes ces expériences peuvent être vécues comme colossale d’énergie jusque-là
le passage d’un seuil, entre le monde d’ici et mainte- utilisée dans son maintien.

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 69

Miracles Vibrations
FF F sement, qui pourrait potentiellement donner
accès à la totalité des informations contenues dans
l’univers, est, dans les faits, extrêmement bien régulé
par l’inconscient du sujet, qui n’actualise que le strict
matériel nécessaire à son évolution et à sa guérison.
Ce qui implique l’existence d’un dispositif endogène
d’autorégulation et de restructuration, qui est un des
À attributs du guérisseur interne », écrit Djohar Si
LIRE Ahmed. Les états modifiés de conscience ouvri-
raient ainsi l’accès à l’inconscient, ce « grand maga-
sin de ressources et de souvenirs » pour reprendre
les termes du psychiatre américain Milton Erik-
son, père de l’hypnose clinique. Parmi le matériel
possiblement exhumé dans de tels états figurent
les secrets de famille, les épreuves périnatales, des
Les processus événements biographiques et transgénérationnels
de guérison
Djohar Si refoulés. Pour Djohar Si Ahmed, l’efficacité théra-
Ahmed et peutique de ces états de conscience s’explique par
Gérald Leroy- la mobilisation de tous les niveaux de l’être qu’ils
Terquem
Éd. Dangles, 2015,
permettent (physiologique, psychologique, cogni-
20 € tif et spirituel) et par la possibilité de « déployer
le ou les symptômes », c’est-à-dire de revivre le
moment traumatique, de retrouver les affects,
sensations et émotions qui ont été réprimés à cet
endroit, de les laisser se déployer jusqu’au bout
et de permettre ainsi leur dépassement. « Le
déploiement du symptôme libère du même coup une
quantité colossale d’énergie jusque-là utilisée dans
son maintien », précise-t-elle. D’après son expé-
Les nouvelles rience, plus les enjeux sont dramatiques, plus les
sciences de la
santé effets d’une transe peuvent être fulgurants. Dans
Pr Denis Bédat d’autres cas, un cheminement plus ou moins long
Éd. Guy Trédaniel, semble nécessaire pour que le patient apprivoise
2016, 7,40 € le processus d’ouverture et renonce peu à peu aux
« bénéfices secondaires » que la maladie ou le mal-
être pourrait lui apporter.
Un impact physiologique
Dotés d’outils toujours plus précis, nombreux
sont les neuroscientifiques qui tentent depuis une
Transes,
médecines
dizaine d’années de mieux comprendre la transe,
de l’âme ses causes et ses effets. Plusieurs études concer-
Gérard Vigneron nant l’hypnose et la méditation avaient déjà mis
et Françoise en évidence une activation cérébrale de l’hémis-
Marie
phère droit et du cortex préfrontal. « Ce qui est
Éd. Le Souffle d’Or,
2010, 14,90 € étonnant, c’est qu’en faisant imaginer une action à
Les états modifiés de
conscience ouvriraient ainsi
l’accès à l’inconscient.
70 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
Plus les enjeux sont
dramatiques, plus les effets
d’une transe peuvent
être fulgurants.
un patient, les zones cérébrales qui s’allument sont
les mêmes que si le patient l’accomplissait pour de
vrai ! », précise Thierry Servillat. Mais ce qui se
joue dans le cerveau lors de ces « expansions de
conscience » se verrait principalement au niveau
des fréquences cérébrales. Le chercheur en bio-
physique Denis Bédat nous explique : « À tout
moment, toutes nos fréquences cérébrales sont actives,
mais en fonction de notre état, certaines prédo-
minent. Alors que nous passons la majeure partie de
notre quotidien dans les fréquences de Bêta, en état
alerte, actif, voire anxieux, les états de transe utilisés
par les psys nous font passer dans une dominance de
fréquences plus basses, en Alpha/Thêta, aux alentours
de 8 Hz, un état relaxé, serein, voire hypnagogique.
De nombreuses études ont confirmé le rôle de ces
fréquences dans la récupération des souvenirs à long
terme, les associations libres, l’inspiration créative
et les sensations d’unité. Les bas niveaux de Delta
(de 0,5 à 3,5 Hz) sont réputés quant à eux pour
favoriser la régénérescence physique, l’inspiration, les
visions spirituelles et les expériences extracorporelles.
Mais rares sont ceux d’entre nous qui parviennent
à demeurer dans ces basses fréquences par soi-même
sans s’endormir. » Le chercheur nous précise que
l’état frontière entre Alpha et Thêta est l’un des
plus intéressants pour la guérison psychologique,
la vibration Thêta apportant la profondeur de la
matière, et l’Alpha une clarté et une lucidité hors
pair. « Votre conscience peut alors observer les com-
partiments les plus profonds de votre esprit. »
Point majeur des découvertes des neurosciences  :
chaque fréquence cérébrale émettrait des neu-
rochimiques particuliers et aurait donc un effet
physiologique direct. « Nous avons remarqué que
les fréquences frénétiques Haut-Bêta et Gamma
PHOTO : SAMALIUSFOTO / SHUTTERSTOCK
sécrètent de la noradrénaline, source de stress. Ou
encore que les personnes dépressives n’allaient jamais
dans le 10 Hz, fréquence qui relâche la sérotonine,
notre antidépresseur naturel », reprend Denis Bédat.
Nous savons maintenant à quel point l’esprit et le
corps sont liés et certains types de transe, comme
la respiration holotropique ou le voyage chama-
nique, peuvent justement provoquer des FF F
{ {
Une histoire d’ondes
La fréquence cérébrale décrit le
nombre d’impulsions électriques
d’un neurone à l’autre par seconde.
Un cerveau humain fonctionne nor-
malement entre 1 et 40 Hz. Mais des
cas édifiants au-delà de 100 Hz ou en
dessous de 0,5 Hz ont déjà été me-
surés chez des yogis. « Nous savons
qu’il existe une corrélation entre les
ondes de très basse et de très haute
fréquence, explique Denis Bédat, les
deux permettant une connexion à
l’éther renforcée, une distorsion du
temps, un accès à l’inconscient col-
lectif et un upload des informations
de notre vécu. »

À tout
moment, toutes
nos fréquences
cérébrales sont
actives, mais en
fonction de notre
état, certaines
prédominent.
Miracles Vibrations

FF F mouvements corporels spontanés, libéra- Point majeur

teurs en eux-mêmes. Corine Sombrun et le cher- des découvertes
cheur Francis Taulelle, qui ont mis au point des
boucles de sons en isolant des séquences de tam- des neurosciences :
bour particulièrement efficaces, ont ainsi obtenu chaque fréquence
des résultats étonnants sur certaines personnes,
dont une femme souffrant de la maladie de Char- cérébrale émettrait
À cot. « Alors qu’elle était comme enfermée dans son des neurochimiques
LIRE corps et en insuffisance respiratoire, elle s’est mise à particuliers.
pousser des cris très forts et très longs. Après trois mois
d’auto-induction de transe, elle sentait à nouveau
ses orteils, bougeait mieux le bassin et constatait une
amélioration générale de son état », raconte Corine
Sombrun lors du symposium Sciences et spiritua-
(1) lités organisé par l’INREES en mars dernier. Selon
Transes, revue Denis Bédat, si de telles guérisons sont possibles
des praticiens grâce à la transe, c’est que, dans de nombreuses

{
en hypnose pathologies, une ou plusieurs parties du cerveau
médicale et
sont bloquées dans certaines fréquences. Il n’y a
hypnothérapie
dirigée par plus de neuroplasticité. C’est particulièrement le
Thierry Servillat cas des personnes souffrant de syndromes de stress
Éd. Dunod, 26 €
post-traumatique, ou encore des enfants ayant des
troubles de l’attention qui sont bloqués entre le
8 et le 12 Hz. « En emmenant ces personnes dans
d’autres fréquences, elles reçoivent de nouveaux mes-
sages neurochimiques qui permettent la guérison. Il
est possible qu’une seule induction suffise pour provo-
quer un tel déblocage. Mais généralement, plusieurs
inductions et vingt et un jours sont nécessaires pour
que le système nerveux adopte la nouvelle forme »,
précise-t-il.
Un entraînement cérébral sur
mesure
Ces dernières années, ce chercheur en charge de
la médecine intégrative au sein du groupe Elsan,
a développé des outils afin d’induire des états
modifiés de conscience de manière digitale, avec
beaucoup plus de précision et de contrôle que
les pratiques utilisées par les chamanes ou psy-
chothérapeutes. « Des techniques traditionnelles,
nous sommes passés à la neurocybernétique théra-
peutique en créant des programmes informatiques
d’entraînement cérébral quantifié et personnalisé.
Nous pouvons alors emmener progressivement et sans
aucun risque un patient de sa fréquence dominante

Synchronisation
hémisphérique
La synchronisation des hémisphères est un
modèle d’ondes rare et unique dans lequel les
deux hémisphères du cerveau fonctionnent à la
même fréquence et en harmonie. Cet état
spécial qui peut survenir spontanément
pendant l’orgasme, l’éternuement, les éclairs de
génie ou à l’approche de la mort, serait d’après
Denis Bédat l’« état extatique suprême »,
permettant de vivre une superconnectivité avec
{ habituelle à celle dont il a besoin pour guérir. » Des
l’environnement, de devenir « un avec le tout ».
Les techniques d’entraînement cérébral qu’il a
mises au point ont permis à certaines
personnes d’atteindre cet état en 5 séances.
casques de réalité virtuelle ont été déployés dans
les blocs opératoires d’une trentaine de cliniques
françaises, permettant aux patients de ne pas voir
ce qui les entoure et d’être immergés dans un bain
sonore et un paysage naturel à 360 degrés. Fau-
teuil antigravité, PNL, battements monauraux(1),
sons primordiaux et guide respiratoire peuvent
être ajoutés selon le désir du patient. « En utilisant
toutes ensemble ces stimulations visuelles, acoustiques,
kinesthésiques, électromagnétiques et un contrôle de
la gravité, on parvient à un entraînement cérébral
maximal », explique Denis Bédat dont les résultats
sont déjà probants : 50 % de réduction de l’an-
xiété, 40 % de diminution de la douleur et une
récupération rapide après chirurgie. Tout comme
lui, de nombreux autres chercheurs travaillent
sur le développement de programmes spécifiques
pour la guérison psychique, conscients que les
états extatiques de conscience peuvent générer des
gains thérapeutiques sans précédent. ●

72 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

PRÉMONITION, TÉLÉPATHIE, SORTIES DE CORPS...
LES MANIFESTATIONS EXTRAORDINAIRES
DE LA CONSCIENCE ENFIN EXPLIQUÉES

DÉJÀ EN LIBRAIRIE

UN LIVRE OFFICIEL DE L'INREES

Miracles Psychédéliques

Des visions
l' âmeQUI RÉVÈLENT
Une foule d’études scientifiques montre que les substances
psychédéliques recèlent un potentiel de guérison inexploité sur des
pathologies comme la dépression, l’anxiété, l’addiction ou le stress post-
traumatique. Comment comprendre cette efficacité ? En faisant un détour
par le caractère profondément mystique et initiatique de l’expérience.
Par Jocelin Morisson

« 
l n’y a tout simplement pas de mots pour décrire ce
que j’ai vécu, mais je peux dire que le récit négatif qui
constituait auparavant mon existence a complètement
disparu. Il a été remplacé par un sentiment de chaos
magnifique, un paysage d’un chatoiement et d’une
beauté inimaginables. » Ce patient souffrait d’une
dépression réfractaire qui fut traitée par la psilocy-
bine dans le cadre d’une étude réalisée à l’Imperial
College de Londres. Les patients avaient suivi aupa-
ravant au moins deux protocoles conventionnels
de traitement, sans succès. En outre, l’effet positif
de la psilocybine a été observé de manière quasi
immédiate suite à la prise de deux doses et a per-
duré pendant les six mois de suivi. Une autre étude
Un autre a éprouvé « le sentiment que tout est un.
J’ai ressenti l’essence de l’univers ». Ainsi, 90 % des
patients ont montré une réduction significative de
leurs symptômes dépressifs et anxieux !
La recherche entravée
Pour Stephen Ross, l’un des auteurs de l’étude,
« le fait qu’une seule dose d’un médicament produise
des résultats aussi conséquents et durables est tout
simplement sans précédent dans l’histoire de la psy-
chiatrie ». Paradoxalement, c’est précisément cet
effet immédiat, intense et durable, qui explique
que des autorités de santé largement inféodées
PHOTO : VIZERSKAYA / GETTY IMAGES

sur la psilocybine conduite à l’université Johns
Hopkins aux États-Unis a porté sur cinquante et
un patients atteints de cancer en phase terminale et
souffrant d’anxiété et de dépression. Les deux tiers
d’entre eux ont déclaré que l’expérience a été l’une
des plus importantes de leur vie. « J’ai été capable de
comprendre ce qu’est l’unicité », a déclaré l’un d’eux.
aux intérêts économiques des grandes entre-
prises pharmaceutiques continuent de freiner
la recherche sur ces substances, et a fortiori leur
usage à grande échelle. C’est aussi l’un des facteurs
qui est à l’origine de leur mise à l’index dans les
années 1960. Le Pr David Healy, psychiatre et pro-
fesseur à l’université de Cardiff, établit un FF F

74 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 Ces substances
psychédéliques produisent
une prise de conscience
soudaine. 
 { {
« Good » bad trips
Même les bad trips (mauvais voyages)
peuvent constituer un enseignement
positif. Une étude de l’université Johns
Hopkins a porté sur les effets à long
terme de ces expériences mal vécues sur
le moment, auprès d’un échantillon de
2 000 personnes. Seules 2 % ont déclaré
que l’expérience avait eu un impact néga-
tif sur leur vie, alors que 84 % ont affirmé
que le bad trip avait finalement amélio-
ré leur bien-être. L’auteur principal de
l’étude, Roland Griffiths, professeur de
psychiatrie, conclut qu’une « expérience
difficile, parfois décrite comme une ca-
tharsis, s’ouvre souvent sur une issue à
la signification personnelle positive ou
spirituelle ».

Au lieu
de s’intéresser
à ces recherches
à l’époque,
les laboratoires
ont tenté de
les bloquer. 

FF F parallèle judicieux avec le traitement des
ulcères gastriques : « Comment les substances telles
que les psychédéliques en thérapie se comparent-elles
avec les traitements comme les inhibiteurs spécifiques
de la recapture de la sérotonine (ISRS) et les autres
substances utilisées conventionnellement en psychia-
trie ? Une des meilleures façons de le comprendre est de
comparer avec les traitements que l’on utilisait pour les
ulcères au milieu des années 1980. Le traitement était
les anti-H2 (antiacide) ; ils ne guérissaient pas l’ul-
cère et c’était un traitement à vie. C’était formidable
pour les laboratoires, pas tellement pour les patients et
moyen pour les médecins. Puis, au début des années
1980, l’Australien Barry Marshall a découvert que
les ulcères étaient causés par une bactérie vivant dans
l’estomac et qu’un traitement par antibiotiques per-
mettait de s’en débarrasser complètement. Aujourd’hui,
on n’a plus d’ulcères comme avant. Au lieu de s’inté-
resser à ces recherches à l’époque, les laboratoires ont
tenté de les bloquer. Nous sommes dans une situation
similaire avec les ISRS, qui ne guérissent pas les cas de
dépression et autres… »
Une prise de conscience
soudaine
Les choses ont sensiblement évolué ces dernières
années sous l’influence de chercheurs qui ont fini
par obtenir des autorisations ponctuelles d’effectuer
des recherches sur des substances classées au tableau
des stupéfiants. Les dérogations obtenues ont rapide-
ment permis d’accumuler des données scientifiques
irréfutables sur l’intérêt thérapeutique de ces molé-
cules, qu’il s’agisse de la psilocybine (présente dans les
« champignons magiques »), la DMT (principe actif
du breuvage chamanique ayahuasca, notamment),
la MDMA (ecstasy, molécule de synthèse dérivée
de l’huile essentielle de sassafras) ou même le LSD
(molécule de synthèse dérivée de l’ergot de seigle).
Lorsqu’elles sont utilisées dans un cadre thérapeu-
tique, à rapprocher de l’usage rituel, ces substances
psychédéliques produisent une prise de conscience
soudaine (voir bonus web). « Si vous donnez à
quelqu’un de l’ecstasy, il y a des chances que cette per-
sonne vive une prise de conscience soudaine, fulgurante :
“Ah, c’est donc de cela qu’ils parlaient !” », explique
Manuel Schoch, thérapeute suisse. « Autrefois, vous
PHOTO : VIZERSKAYA / GETTY IMAGES
pouviez partir faire de la méditation pendant dix ans
et, si vous aviez de la chance, à un certain moment vous
pouviez vous dire : “Ah, c’est cela que Jésus ou Bouddha
voulaient dire !” Maintenant, on peut le faire en six
heures avec de l’ecstasy ; ça ne restera pas, mais on aura
vécu la prise de conscience et si l’on est sérieux, on peut
commencer à travailler avec cette réalisation. Mais il
Psychédéliques Miracles
Quelque chose de fondamental a
été touché, comme un socle, un fond
existentiel, dans lequel la personne
s’est finalement dissoute. 
faut d’abord que la porte s’ouvre, et les psychédéliques
sont une aide précieuse pour ouvrir cette porte, tant
qu’on est prêt à accepter que ce n’est pas la solution en
soi », ajoute-t-il.
Mort et renaissance
Quelque chose de fondamental a été touché, comme
un socle, un fond existentiel, dans lesquels la per-
sonne s’est finalement dissoute. Le psychothérapeute
canadien Andrew Feldmar souligne ce point qui
illustre le fait que la frontière entre une expérience
vécue positivement ou négativement est ténue (voir
encadré) : « Je vais vivre l’expérience de la mort et de
la renaissance. Au moment de l’expérience, je crois pro-
fondément que c’est réel et que c’est la fin de ma vie.
Demain, les journaux vont titrer : le LSD a tué ce
psychologue ! Il y a un sens de crucifixion sans espoir
de résurrection, alors comment puis-je vous raconter
ce qui s’est passé entre la mort et la renaissance ? “Je”
n’étais pas là ! L’ego était détruit et il n’y avait personne
pour raconter l’histoire. Et quand l’ego est reconstitué,
on vit l’expérience incroyable de rentrer goutte à goutte
dans son propre être, sans le moindre effort. Ainsi, je
pense que le miracle de la résurrection est l’expérience la
plus guérisseuse au plan psychologique et spirituel parce
qu’elle enlève l’illusion que l’on est vivant par sa propre
intelligence. » Dès lors que l’on se sent relié à une
intelligence plus profonde, « l’expérience subjective de
la souffrance diminue et on peut se détendre peut-être
pour la première fois de sa vie », conclut-il.
Conscience non duelle
L’expérience psychédélique serait guérisseuse si,
et seulement si, elle comprend un caractère spi-
rituel. « Ce qui fait la différence chez ceux dont la
vie a changé est simplement la question de savoir s’il
y a eu une expérience mystique. A-t-on approché une
conscience non duelle ? Il semble que la façon dont
on y a été conduit, dure ou douce, importe peu »,
estime Robert Jesse, psychiatre à l’université Johns
Hopkins. Conscience non duelle ? C’est-à-dire un
état de conscience dans lequel on n’est plus séparé
du monde ni même plongé en lui, mais dans lequel
on ne fait qu’un avec lui, ce qui correspond FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 77
{ Réduction
de l’activité cérébrale
De façon contre-intuitive, l’expérience
psychédélique est corrélée à une réduc-
tion globale de l’activité cérébrale, là où
l’on s’attendrait à un véritable feu d’ar-
tifice synaptique, compte tenu de la ri-
chesse du vécu subjectif. Plusieurs études
ont en effet montré que le flux sanguin
et le métabolisme cérébral diminuent au
cours de l’expérience psychédélique. Pour
Bernardo Kastrup, chercheur en sciences
cognitives et en philosophie de l’esprit, on
a là un indice fort contre le physicalisme
(ou matérialisme) et en faveur de l’idéa-
lisme philosophique, à savoir le fait que
la conscience serait le socle de la réalité
et que le cerveau agirait comme un filtre,
une valve de réduction, pour constituer
notre expérience ordinaire de l’espace et
du temps.
{
FF F à l’éveil spirituel évoqué dans les traditions L’expérience
orientales. La guérison psychédélique entretient psychédélique serait
donc une proche parenté avec ce fameux « éveil »
mais également, dans une tradition plus occiden- guérisseuse si, et seulement
tale, avec une approche initiatique telle que l’al- si, elle comprend un
chimie. Et pour cause, les deux voies conduisent
finalement au même endroit, c’est-à-dire au-delà ou caractère spirituel. 
plutôt en deçà de soi-même. Le philosophe et psy-
chologue américain Ralph Metzner, décédé récem- Ainsi, des patients en phase terminale de cancer
ment, rappelait que « l’alchimiste parle de la “solutio”, ayant éprouvé des états proches de la mort avaient
qui est la dissolution, en équilibre avec la “coagulatio”, la sensation de déjà connaître ce territoire, en ayant
la coagulation, ou consolidation. Il y a dissolution, puis vécu auparavant des expériences psychédéliques. Sur
reconsolidation, ou recristallisation. On peut donc faire un terrain plus anecdotique, Vincent Verroust, fon-
l’expérience de la dissolution de son ego, mais il revient dateur de la Société psychédélique française, men-
assez vite et on peut reprendre une vie normale ». tionne que ces expériences conduisent fréquemment
Grand pionnier de ces recherches, Stanislav Grof a à des changements d’opinions politiques, dans le
souvent observé le lien avec l’expérience de la mort. sens d’un « lien plus fort à la nature et d’un rejet des
PHOTO : VIZERSKAYA / GETTY IMAGES

doctrines autoritaristes » ! Rien d’étonnant quand

on sait que, sous psilocybine, le neuroscientifique
BONUS français Pierre Étévenon est « progressivement devenu
Web POUR LES EFFETS PHARMACOLOGIQUES, l’arbre de la création », une expérience qui l’amena
VOIR ARTICLE : à réorienter sa carrière et travailler avec Humphry
Médecine psychédélique, des résultats « stupéfiants » Osmond, l’inventeur du mot « psychédélique », lit-
www.inrees.com/bonus/341 téralement « qui révèle l’âme ». ●

78 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019


L’éveil spirituel
le corps
NE GUÉRIT PAS (FORCÉMENT)
Une idée bien ancrée voudrait que l’éveil spirituel soit systématiquement
synonyme de guérison, à la fois physique et psychique. Il n’en est rien,
L’
comme en témoignent les maîtres spirituels de différentes traditions.
Par Jocelin Morisson
éveil spirituel entretient une relation ambivalente
avec la notion de guérison. D’une part, de grands
« éveillés » du XXe siècle comme Ramana Maharshi
ou Nisargadatta Maharaj sont morts d’un cancer et,
d’autre part, une maladie, comme la dépression, a pu
être le déclencheur d’un authentique éveil spirituel
chez certains enseignants contemporains comme
Eckhart Tolle ou l’Anglais Jeff Foster. Que com-
prendre de cette relation ?
Guérison spirituelle
L’éveil spirituel authentique consisterait à com-
prendre la nature véritable de toute chose, dont celle
du soi, qui ne serait donc précisément ni le corps ni
le mental. Ainsi, le soi véritable appartiendrait à une
conscience universelle et unique, dont la source serait
un absolu inconnaissable, à l’origine de toute chose.
L’éveil spirituel, la prise de conscience du « Je suis »,
conduirait donc à une guérison spirituelle, mais
pas nécessairement une guérison physique ou psy-
chique, la guérison spirituelle consistant à se libérer
d’une illusion, celle de l’identification au corps. Dès
lors, ce qui peut arriver au corps devient secondaire,
y compris la maladie ! Quand on l’interrogeait sur
son état de santé, Nisargadatta Maharaj répondait
ILLUSTRATION : ADOBE STOCK
que cela concernait son corps, pas « lui ». La souf-
france elle-même était là, mais il y semblait indif-
férent, ce qui ne manquait pas d’impressionner ses
visiteurs. La douleur était une expérience à laquelle
il n’était pas identifié. Dans Grâce et courage, qui
Éveil vs corps Miracles
raconte la maladie et le décès de son épouse, le phi-
losophe américain Ken Wilber fustige la pensée New
Age selon laquelle l’esprit et donc les pensées sont
la cause des maladies. Son épouse Treya se confie
dans son journal intime : « Plus j’explore cette qua-
lité d’abandon en moi, que j’ai dans le passé considérée
comme une faiblesse, plus je m’aperçois qu’elle me mène
aux mêmes réalisations que la pratique de l’équanimité,
en acceptant les choses telles qu’elles sont, sans essayer de
les contrôler ni de les changer. » L’éveil est ici syno-
nyme d’une profonde acceptation de ce qui est, y
compris la maladie et la mort. Mais Ken Wilber y
fait écho par les lignes suivantes : « Je ne suis plus
très sûr de ce que veut dire exactement le mot “éveil”.
Je préfère penser en termes de “compréhension éveil-
lée”, de “présence éveillée” ou de “conscience éveillée”.
[…] Et tout cela était immanquable chez Treya. Je ne
dis pas simplement cela parce qu’elle est partie. C’est
exactement ce que je commençais à ressentir durant ces
derniers mois, lorsqu’elle répondait à la souffrance et à
la mort avec une présence simple et pure, une présence
qui éclipsa sa souffrance, une présence qui annonçait
clairement ce qu’elle était. J’ai vu une présence éveillée,
on ne pouvait pas s’y tromper. »
En ce qui concerne la souffrance psychique ou émo-
tionnelle, l’éveil spirituel pourrait en effet en signer la
fin, car il conduit à une désidentification du mental.
« La plus grande partie de la souffrance humaine est
inutile. On se l’inflige à soi-même aussi longtemps que,
à son insu, on laisse le mental prendre le contrôle de sa
vie », écrit Eckhart Tolle. ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 79
Miracles Psychologie

Refuser
le réel est presque
toujours toxique
et provoque
une dose
supplémentaire
de souffrance.
Christophe André
PHOTO : DANI MARIAN / EYEEM / GETTY IMAGES
 Accepter
NOTRE
VULNÉRABILITÉ
Si un « éveil guérisseur » peut jaillir soudainement lors d’une expérience
d’ouverture à une réalité transcendante, il peut aussi advenir sur la
pointe des pieds, dans le creuset de notre intimité, au moment même
où l’épreuve nous dépouille de toutes nos certitudes et nous contraint
à baisser les armes. Cessant de lutter, acceptant ce qui est, nous nous

J
ouvrons à la puissance de la vulnérabilité, un « oui à la vie »
dans toute sa vérité. Par Claire Eggermont

« 

e me suis battue contre le cancer du sein pendant trois
ans, essayant toutes sortes de médecines. Quand on m’a
appris une rechute avec métastases osseuses, je me suis
effondrée et j’ai capitulé. Moi qui étais plutôt guerrière,
battante, à foncer pour obtenir ce que je voulais, la
maladie m’a obligée à changer et à cesser le combat. »
Tout comme Caroline, nous sommes nombreux à
avoir tendance à nous braquer quand la maladie fait
son entrée dans notre vie telle une entrave à notre
liberté et au futur que nous avions envisagé. « Non,
ce n’est pas possible, je ne vais pas me laisser faire »,
est une posture courante face à l’épreuve, et légitime.
Qui d’entre nous se réjouirait de voir tous ses repères
s’effondrer sans crier gare ? En outre, cette posture
défensive est généralement stimulée par les encoura-
gements de l’entourage : « Tu dois te battre, pour toi,
pour tes enfants », « Ne craque pas, tu es plus fort
que tu ne le crois ! » Ainsi, face à la rudesse du monde
et aux aléas de la vie, instinctivement nous nous rai-
dissons. Tout comme nous bloquons physiquement
notre respiration quand nous sommes blessés ou
apeurés, psychiquement nous nous blindons dans
l’épreuve, anesthésiant notre vulnérabilité et renfor-
çant notre volonté de contrôle. Comme l’explique le
psychiatre Christophe André, cette difficulté à accep-
ter ce qui nous déroute est particulièrement aiguisée
en Occident où rien ne doit résister à des citoyens
devenus consommateurs de droits, qui exigent que
tout problème ait une résolution immédiate. Mais
comme il le dit si bien, « le monde et la vie ne sont pas
taillés sur mesure pour se plier à nos impatiences et à nos
prétentions. C’est à nous de commencer à nous adap-
ter à la marche du monde et non l’inverse ». Car si se
battre contre la maladie peut sembler héroïque, cela
ne porte que rarement des fruits et mène plus sou-
vent vers la colère et l’épuisement plutôt que vers la
guérison profonde. « Refuser le réel est presque toujours
toxique et provoque une dose supplémentaire de souf-
france », ajoute-t-il. Son confrère Christophe Massin
le rejoint : « Pour vivre la maladie, il faut déjà l’accep-
ter. Accepter d’avoir perdu l’état de santé, de n’avoir plus
autant de vitalité, accepter tous les symptômes pénibles
dont on souffre et toutes les contraintes liées aux traite-
ments. » D’après son expérience, l’acceptation peut
représenter une véritable bascule sur le chemin de
guérison si elle n’est pas relative, mais bel et bien
inconditionnelle : il s’agit selon lui d’être complète-
ment d’accord de vivre l’expérience de la maladie, de
ne plus chercher d’échappatoire, de s’incliner devant
la vérité du moment. Et pour le faire sans jouer les
héros, la reconnaissance de notre fragilité physique et
émotionnelle est indispensable.

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 81

 L’acceptation peut
représenter une véritable
bascule sur le chemin
de guérison.
Une effroyable mise à nu
D’après la définition même du mot, la vulnérabilité
désigne « ce qui peut être blessé, atteint ». Accepter
d’être vulnérable reviendrait donc à accepter de se
laisser toucher par la vie. « Il ne s’agit pas de demeu-
rer dans la complainte perpétuelle ni de se victimiser,
reprend Christophe Massin, mais de reconnaître que
ce qui me fait mal me fait mal. Ce qui m’atteint m’at-
teint. C’est une posture humble et modeste où je ne joue
plus mon personnage social, mais j’ose me montrer dans
ma vérité nue d’être humain. » La maladie viendrait
ainsi décaper les masques et les carapaces derrière
lesquels notre être véritable demeure caché. Selon
Jean-Philippe de Tonnac, auteur du livre Le cercle des
guérisseuses(1), notre identité s’est construite comme
un passe-droit dans le monde jusqu’à occulter
nos potentialités les plus profondes. « Les épreuves
viennent ébranler cette construction et nous prouver
qu’elle est artificielle. Elles nous poussent à déconstruire
cette fausse identité pour pouvoir renaître à notre
authenticité. Mais entre les deux, il y a un moment de
mise à nu effroyable. Entre le cocon et le papillon, il y
a une incertitude que je dois accepter de traverser. Il
a fallu un courage ahurissant à toutes les femmes gué-
risseuses que j’ai rencontrées pour traverser les épreuves
82 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
qu’elles avaient à vivre et devenir ce qu’elles ne savaient
pas qu’elles seraient. »
Pour autant, accepter la vérité de ce qui est, de
l’épreuve qui nous frappe de plein fouet et de tous
les sentiments orageux qu’elle déclenche dans notre
for intérieur n’est pas toujours chose aisée. Dans
son livre La guérison intérieure(2), Colette Portelance
partage son propre chemin de guérison après avoir
appris qu’elle était atteinte d’une maladie auto-
immune dite incurable. « Il fut un temps où le seul
mot acceptation me faisait réagir. Dans mon esprit,
accepter voulait dire se laisser faire et présenter l’autre
joue à celui qui nous a giflés. » Or, comme elle s’en
rendra compte au fil de son avancée, l’acceptation
n’est pas passivité ni résignation et ne signifie pas
renoncement à l’action. Pour Christophe André,
« accepter n’est pas se dire “c’est bien”, mais “c’est là”.
PHOTO : ROBERTA TOCCO / GETTY IMAGES
Ce n’est pas se réjouir que l’injustice, la violence ou la
maladie existent, mais les regarder en face, constater
leur existence. En ce sens, l’acceptation est un préalable
à toute forme d’action lucide et efficace. La première
étape d’un processus d’insertion dans le réel et d’action
sur lui. » Ainsi pour pouvoir agir, pour pouvoir
guérir, il serait déjà nécessaire de voir le réel tel
qu’il est et de commencer par se dire : « Oui, c’est

comme ça. » « C’est comme ça pour le moment et
demain je n’en sais rien », ajoute Christophe André,
insistant sur le fait que ce « oui » pacifie le corps et
l’esprit, là où le « non » nous détourne du réel et
nous égare dans le virtuel. Ce « oui » se doit aussi
d’englober toutes nos limites, qui bien souvent nous
irritent et nous affligent. Leur refus alimente cette
guerre contre nous-mêmes faite d’autocritique et
d’autodévalorisation, ingrédients très certainement
défavorables à notre état de santé et à notre paix
intérieure. « En tant qu’humains, nous sommes impar-
faits, incomplets, faillibles et fragiles. Au lieu de vouloir
les fuir ou s’y résigner, nous pouvons accepter ces limites
présentes en nous en transformant nos insatisfactions
en regards neutres et en constats dénués de jugement. »
Accepter n’est pas se résigner
Christophe Massin insiste sur ce point : accueillir
notre vulnérabilité, accepter et lâcher prise, ce n’est
pas baisser les bras. « C’est sentir que tout peut arriver
et, pour autant, ne pas se couper de la vie. Sentir que la
mort peut être proche et, pour autant, décider de rester
dans la vie, dans la relation, dans le contact avec soi-
même et ceux qui nous entourent, jusqu’au bout. L’ac-
ceptation inconditionnelle va vers le vivant, alors que la
résignation va vers un repli, une tristesse sourde, un enfer-
mement. » Que nous soyons malades ou non, tout
peut arriver, chaque jour, à chaque instant. Malgré
cette incertitude et le fait que nous n’ayons aucun
moyen de maîtriser ce qui arrivera demain, acceptons-
nous de jouer pleinement le jeu de la vie ? Caroline
raconte : « J’ai senti la mort rôder autour de moi. Je
l’ai regardée en face. J’ai vu que je ne pouvais pas lutter
contre elle et qu’il était possible que je meure demain. Si
cela doit arriver, cela arrivera, me suis-je dit, mais je ne
vais pas lui servir ma vie sur un plateau. J’ai envie de
vivre et je vais faire tout mon possible pour rester en vie. »
« Au secours ! Je suis malade, je vais perdre mon métier,
mon apparence et peut-être même la vie ! Toutes ces
peurs qui montent en nous dans l’épreuve nous poussent
à nous abandonner aux ténèbres, reprend Jean-
Philippe de Tonnac. Et c’est parce que nous acceptons
de nous y abandonner que nous allons commencer à
“voir”. Il y a toujours ce double mouvement : il faut
accepter de n’être plus rien et de ne plus rien savoir pour
Accepter d’être
vulnérable reviendrait donc
à accepter de se laisser
toucher par la vie.
Psychologie Miracles
Accueillir notre vulnérabilité,
accepter et lâcher prise,
ce n’est pas baisser les bras.
qu’un autre regard émerge et que l’on puisse toucher en
nous quelque chose de plus profond, de plus originel. À
cet endroit, il n’y a plus de peur. »
Laisser l’être émerger
À en croire les divers témoignages reçus, c’est À
généralement dans le moment le plus sombre, dans le LIRE
plus grand dépouillement et le plus grand désespoir
qu’un basculement peut advenir et permettre à la vie
de se remettre à circuler. Si elle n’est pas miraculeuse
et ne peut garantir la guérison, l’acceptation a la
force de créer en nous l’ouverture à tout ce qui est, à
tous les possibles et l’émergence de la bienveillance
(1)
envers soi et les autres. « En acceptant d’être touché et Le cercle des
d’être perméable, je peux recevoir le soutien des autres guérisseuses
et leur communiquer la profondeur, la tendresse que je Jean-Philippe
découvre. De cette posture jaillit une beauté nourrissante de Tonnac
Éd. Guy Trédaniel,
pour tout le monde », termine Christophe Massin. 2019, 19,90 €
Finalement, la vulnérabilité ne serait-elle pas au cœur
de toutes les expériences humaines significatives ?
En l’anesthésiant pour ne pas souffrir, nous nous
couperions des sentiments difficiles, mais aussi des
plus beaux, comme l’amour, la joie et la gratitude.
« Alors que j’avais mal partout et n’avais plus aucune
énergie, je suis partie m’isoler pour méditer, c’est tout
ce que je pouvais faire, reprend Caroline. J’ai alors
senti au fond de moi une part indestructible qui, elle, Souffrir ou
aimer
ne souffrait pas. Comme une source sûre... Tout l’exté- Christophe
rieur était ébranlé, mais pas elle. » Ainsi l’acceptation Massin
de la vulnérabilité permet-elle, paradoxalement, Éd. Odile Jacob,
l’émergence de ce joyau invulnérable présent en 2013, 22,90 €
chacun de nous. « Il m’a fallu un écueil important pour
que je desserre les mains du gouvernail et que je com-
mence à me laisser porter par la vague, conclut de son
côté Colette Portelance. J’ai dû atteindre les limites
de mes forces humaines pour expérimenter la présence
de mes forces spirituelles. Désormais, chaque fois que
j’accepte ma vulnérabilité, je me sens unifiée au lieu de
me sentir déchirée. » (2) La guérison
« Déverrouille la porte. Laisse entrer la lune. Dans intérieure par
l’acceptation et
le temple flottant », dit un haïku du grand poète le lâcher-prise
japonais Bashō. « La lune représente certainement ici Colette
cette part mystérieuse, inconnue de nous-mêmes. Quant Portelance
Éd. Jouvence,
au temple flottant, c’est la beauté de notre existence qui 2009, 19,80 €
flotte sur le vide, sur l’impermanence. Pour vivre pleine-
ment, il faut commencer par déverrouiller », explique,
pour finir, Jean-Philippe de Tonnac. ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 83
 POUR ALLER PLUS LOIN

SUR LE THÈME DES MIRACLES & GUÉRISONS

À À
LIRE VOIR

1. Dr Bernie S. Siegel, FILMS

préface Deepak Chopra
Une brassée de miracles
2. Kelly A. Turner
Les 9 clés de la rémission
2 3
3. Patrick Sbalchiero
1
Enquête sur les miracles Miracles du ciel
dans l’Église catholique Patricia Riggen
Saje Distribution, 2016
4. Dominique Lormier
Histoires extraordinaires de miracles
et d’apparitions
5. Brandon Bays
Le voyage de guérison
6. Marika de Montalban
600 prières de guérison miraculeuse 4 5 6
Lourdes et ses miracles
Georges Rouquier
Les Productions du Parvis, 1954

MAIS AUSSI...

Régénération
7 8 9 10 11 Alex Ferrini
Nausicart, 2018
7. Christian Flèche & Gérard Saksik, Cris et murmures du corps 8. Tara Brach, L’acceptation
radicale 9. Claire Garnier, Sur la route de Parkinson 10. François Berger, Fontaines guérisseuses DOCUMENTAIRES
et hauts lieux d’énergie 11. Jeff Foster, Une absence extraordinaire

SUR LE
WEB
Article M et le 3e secret
à retrouver

Conférence à (re)découvrir sur INREES TV :

www.inrees.com/bonus/344

à revivre Anita Moorjani : Guérir par

l’amour de soi
Guérir : l’autoguérison est-elle possible ? Son histoire de guérison spectaculaire d’un
Notre corps est notre bien le plus précieux, l’instrument qui cancer à la suite d’une expérience de mort immi-
nous relie au monde et nous permet de mener notre vie. nente a fait le tour du monde. Interview de celle
Comment rétablir le lien avec ce corps que qui inspire aujourd’hui des centaines de milliers
parfois nous ne comprenons plus ? de personnes avec un discours incitant à s’aimer
soi-même. La méditation m’a guéri
INVITÉS : THIERRY JANSSEN ET GUY CORNEAU à retrouver sur INREES TV :
www.inrees.com/bonus/342 www.inrees.com/bonus/343 www.inrees.com/bonus/345

84 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 Explorer


Retire les joncs
de la natte,
et il ne restera
ni nom ni forme
AHMAD AL-ALAWI

✒

Bio express
Diplômée de la faculté belge de philosophie,
psychologue clinicienne formée aux
différents courants majeurs de la
psychologie contemporaine, Bettina de Pauw
étudie également depuis trente ans la
spiritualité indienne. Elle a travaillé
pendant dix ans en soins palliatifs et
est aujourd’hui formatrice. Elle rédige
des articles sur les liens entre
spiritualité et psychologie et donne
de nombreuses conférences.
 L’INVITÉ
B E T T I N A D E PA U W

Relier
psychologie
&
spiritualité
Et si faire un chemin personnel en partant de la psychologie
pour arriver au spirituel permettait de dépasser l’expérience du « petit soi »
pour arriver à la plénitude du cœur ? Rencontre avec
une praticienne singulière… Par Melanie Chereau. Photos Johan Faure

Votre particularité en tant que thérapeute est
d’associer la psychologie à la spiritualité.
Comment cela se passe-t-il ?
À vrai dire, il n’est pas question de l’une ou de
l’autre, il faut les comprendre dans un continuum.
La voie thérapeutique va essayer d’élever les pers-
pectives de la personne : elle aide à découvrir com-
ment la plupart de nos souffrances résultent de nos
interprétations, croyances et défenses inconscientes
liées à nos blessures. La personne voit la cohérence
de son fonctionnement et cela va l’apaiser de don-
ner du sens. Elle comprend qu’elle n’évolue pas uni-
quement dans un monde hostile dont elle serait la
victime. Elle se réapproprie la lecture du monde et
un sentiment de liberté est possible, parce que rien
n’est inéluctable de ce fait. La personne peut se dire :
« C’est ma projection, donc c’est dans ma tête, c’est
ma lecture. » Et là, il y a un espace qui se libère. Mais
cela marche jusqu’à un certain point, parce qu’en
psychologie, on ne sait pas quoi faire avec cet espace
qui se libère. Et le risque, c’est qu’il soit de nouveau
rapidement rempli par une nouvelle identification.
Car c’est la seule chose que l’on connaît ! On reste
dans « moi » et « mes films »... Alors, le spirituel
peut commencer là. Il va mettre le curseur plus loin,
vers la source de notre mental. Parce qu’au-delà de
notre conscience ordinaire, il existe un niveau de
conscience suprême, extrêmement intelligent. C’est
la conscience sans aucun objet, qui traverse tout,
se manifeste sous différentes formes, sans jamais
perdre sa nature profonde. C’est un espace de liber-
té totale, où nous goûtons à une paix et un amour
infinis. Cela est le fondement même de notre être
et de tout ce qui existe. Nous souffrons à cause de
l’ignorance de notre nature profonde. Par défaut,
nous nous identifions avec notre ego – rôles, identi-
té, histoire –, et courons ensuite derrière un bonheur
toujours inatteignable. Faire une psychothérapie
peut être très utile pour calmer le mental. Les ou-
tils thérapeutiques sont très pointus pour éclairer les
rouages de l’ego et ainsi le diminuer. Dans ce sens, la
thérapie est très spirituelle, même à son insu !

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 87

 Il faut lâcher le mental à un moment.
La compréhension, c’est une chose, mais il faut
aller au-delà, non ?
Oui et paradoxalement on a besoin du mental pour al-
ler au-delà ! On commence avec le mental, surtout en
Occident, où on est identifié à notre mental. On l’uti-
lise pour comprendre ce qu’on ressent et mettre des
mots sur ce ressenti. Les mots sont importants pour
enraciner l’expérience, mais le travail consiste à aller
au-delà des mots. Pour cela, on a différentes pratiques,
dont la méditation, qui permet de goûter à une autre
réalité. C’est l’outil par excellence et il est difficile…
C’est le plus héroïque. Ensuite, on se rend compte
que le mental, ce n’est pas grand-chose et qu’on lui
donne beaucoup d’importance ! C’est un chemin in-
tuitif et personnel de trouver cette ouverture vers « ce
ciel », mais cela « pousse » en nous... L’un de mes buts
est de donner envie aux gens de le faire. Le pire, c’est
qu’on ne veut pas, on se dit : « Ma vie va bien... Je
ronronne dans une soupe qui n’est pas vraiment bien,
mais comme je ne connais rien d’autre... » C’est
s’endormir, comme disent les sages. Mais
si on a l’intention d’y aller, le divin ré-
pond toujours. Après, il faut faire l’ef-
L’amour est fort... et puis lâcher prise, recevoir...
l’antidote contre Avec l’effort, il y a des plages de
l’ego : il lui permet « non-mental » qui s’élèvent et qui
de s’abandonner tiennent de plus en plus longtemps.
Quelles sont les étapes de cette et de se Ainsi, nous déplaçons graduelle-
observation ? dissoudre. ment le centre de gravité de notre
Premièrement, le mental va ralentir, être du mental vers le cœur. Ce sont
car le fait de l’étudier, de voir comment des vases communicants : plus le cœur
il fonctionne, de l’observer, a pour effet de se manifeste, plus le mental s’affine, jusqu’à
le calmer. En ralentissant, il commence à se dis- ce que les deux soient un.
soudre, car il n’existe que parce qu’il bouge et qu’il
est sans arrêt en train de « fabriquer » quelque chose. Vous racontez que c’est en pratiquant la
Et c’est là qu’un espace va pouvoir se libérer. Ensuite, méditation que vous avez découvert que
l’esprit rejoint le cœur... Parce que la racine de l’es- l’amour inconditionnel était aussi en vous.
prit, c’est le soi, le cœur, c’est ce qu’on va découvrir. Comment le relier au divin ?
Le tout, c’est de ne plus le conceptualiser, de ne plus Il y a longtemps, j’ai été soudainement en contact
se séparer de cet espace, mais plutôt de se dissoudre avec ce que je sentais être le fond de moi-même, le
dans l’espace ! Ça a l’air compliqué, mais cela arrive vrai moi, en dessous de toutes mes représentations ;
souvent : à chaque fois qu’on est vraiment heureux, et ce vrai moi était complètement aimé, totalement,
amoureux, le moi, comme identité, n’existe plus. il n’y avait aucun doute. Quand j’ai senti cet amour-
On est complètement dans la sensation de bien- là et que j’étais si digne d’être aimée, j’ai ressenti un
être, d’amour, à ce moment-là on est cet amour, ce bonheur total qui m’a fait prendre conscience que
bonheur, il n’y a plus de séparation. Dès qu’on se telle était la quête de ma vie : que j’avais toujours re-
dit « ah oui je suis heureuse », on est déjà un peu cherché cet espace-là. En plus, je sentais que j’étais
séparé... On commente... Mais quand on est dans parfaitement aimable, car j’étais moi-même ce pur
la sensation, on ne réfléchit pas, le cœur s’ouvre. Elle amour. Cet amour-là est la seule chose qui compte
est toujours là, cette extase de liberté, mais on ne vraiment, c’est comme revenir à la maison. On est
la voit pas, tellement on est entraîné à la contracter déjà aimé, mais on ne le sait pas ! Du coup, on erre et
tout le temps, à l’emprisonner. on fait toutes ces tentatives pour arriver à un semblant

88 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 L’INVITÉ
BETTINA DE PAUW
de bonheur qui va toujours nous échapper. C’est de là
que j’ai voulu joindre la psychologie et le spirituel. La
psychologie amène à un premier amour de soi, parce
que, fondamentalement, l’humain ne se sent jamais
aimé... Il ne se sent jamais digne ou à la hauteur, à
cause de ses blessures, de ses croyances, de ses com-
pensations et de ses défenses, il s’emprisonne... Le thé-
rapeute va amener vers ce respect de soi et on va pou-
voir développer de la compassion pour cette partie de
nous. Lâcher ses croyances, voir que l’origine n’est pas
ontologique, que ce n’est pas vraiment nous. L’amour
est l’antidote contre l’ego : il lui permet de s’abandon-
ner et de se dissoudre. Il est à la fois le moyen et le
but. C’est l’énergie qui nous appelle constamment à
la maison, à l’état d’unité, non divisé. Car au niveau le
plus profond, l’amour et la conscience sont un. C’est
cela, le divin en nous. Faire comprendre et ressentir
que cet amour est à l’intérieur de nous, disponible à
tout moment, est ce qui m’importe.
Est-ce cela que vous enseignez dans les cycles
« Vivre dans le cœur » ?
Oui, j’ai animé pendant onze ans des cycles intensifs
de deux ans intitulés Vivre dans le cœur. Aujourd’hui,
je condense ces expériences dans des cycles annuels.
Mon travail, c’est de donner un nom à cet espace et
donner confiance en son existence. Il faudrait oser
habiter cet espace qui n’est pas « le petit moi » et cela
demande du courage. Car ce à quoi on pense, on
le devient. Plus on appelle cet « innommable », cet
espace qu’on expérimente, plus cela va se révéler. En
cela, l’intention est déterminante et, pour cela, le
groupe est une aide précieuse. J’attache une grande
importance à la dynamique de groupe car elle a un
rôle primordial. L’intention commune du groupe
crée un champ vibratoire qui, comme un socle, porte
chacun. Savoir qu’on veut tous la même chose donne
une grande paix et sécurité qui remplit déjà le cœur.
Le groupe est aussi le terrain où le cœur se manifeste
de façon tangible. Voir comment le même cœur se
dévoile d’une façon unique chez chacun aide à re-
connaître son propre cœur, par effet miroir. Graduel-
lement, le cœur englobe tout le groupe. Le silence se
fait plus dense, les mots ne sont plus nécessaires… Le
groupe incarne le cœur.
Pourquoi est-ce important, dans nos sociétés
occidentales, d’envisager la souffrance
autrement, d’après votre grande expérience
des soins palliatifs ?
La souffrance, qu’est-ce que c’est ? C’est résister à ce
qui est. Une société qui refuse la souffrance en crée
davantage, parce qu’elle ne veut pas de quelque chose

Au-delà de notre conscience
ordinaire, il existe un niveau
de conscience suprême,
extrêmement intelligent.

qui fait partie de la vie. Cela étant, c’est légitime de
ne pas vouloir souffrir, mais il faut comprendre d’où SITE
vient la souffrance. Par exemple, à quoi l’on résiste WEB
beaucoup dans nos sociétés ? À nos émotions... qu’on bettinadepauw.com
appelle « négatives » : la colère, la peur, la tristesse... Si
nous leur résistons, comme c’est souvent le cas, nous
verrouillons le cœur. Le travail, c’est d’accepter. Les
souffrances ont l’avantage de nous défaire de nos cer-
titudes et de nos attentes. On rencontre les 4 étapes
de l’acceptation : la colère, la recherche de solutions
et le marchandage, la tristesse et enfin on accepte, on
rend les armes. Au début, cela fait mal, mais après, il
y a un soulagement. Les larmes versées ont un effet
de cicatrisation, car la vie ne s’arrête jamais, même au
moment de la mort. S’il y a une vraie acceptation, il
y a une vraie liberté. On peut ainsi se rendre compte
que le bonheur est à l’intérieur et être moins dépen-
dant des conditions extérieures. La souffrance, c’est
un indice de là où je ne suis pas libre. Et quand je
surfe avec elle, elle va m’amener à cette liberté, donc
elle est indispensable. « La profondeur de mes peines
sera à la hauteur de mes joies », disait Khalil Gibran.
Notre société veut aussi mettre un tabou sur la mort,
qui est finalement la plus grande souffrance que l’on
craint. Mon expérience en soins palliatifs m’a appris
que si l’on regarde la mort en face, l’angoisse dimi-
nue. Car au fond, la mort peut être très vivifiante,
si on accepte le lâcher-prise, de lâcher tout le connu,
il y a ce moment où les gens touchent à un amour
et à une profondeur qu’ils n’ont jamais touchés de
leur vie et je l’ai maintes fois vu en soins palliatifs.
Ce sont les moments les plus précieux de leur vie,
parce qu’ils goûtent chaque instant, ils n’ont rien à
perdre, ils sont là dans ce « je suis là » éternel. Ap-
prendre à mourir dans la vie, c’est, en fait, apprendre
que toute la vie, c’est mourir. On perd toutes les se-
condes quelque chose... ! C’est l’impermanence dont
parlent les bouddhistes... Vie, mort et amour sont
indissociables. Prenez un tabouret à trois pieds, si on
en enlève un, tout s’écroule. Mais l’amour, ce socle
du divin, ne meurt jamais. ●
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 89
 
La Scarzuola est un gigantesque
« dispositif de transmutation
alchimique » à ciel ouvert.


 Reportage
À gauche, pour infuser de la puissance à La Scarzuola, l’image
alchimique du soleil et le dessin du labyrinthe : le symbole de l’ardu
parcours initiatique de tout chercheur de soi.
Ci-dessus, un nouveau paysage s’ouvre autour de La Scarzuola :
à perte de vue, les collines et les douces vallées vertes de l’Ombrie.
Citadelle
alchimique
Caché dans les bois recouvrant les collines de
l’Ombrie en Italie se trouve un trésor architectural
et spirituel presque inconnu. C’est La Scarzuola,
véritable « citadelle alchimique » qui, à travers
ses symboles denses, raconte la quête spirituelle
humaine et son ardu chemin à parcourir.
Textes et photos Martino Nicoletti
a u milieu des années 1950, l’archi-
tecte italien Tommaso Buzzi décide
de quitter Milan pour l’Ombrie avec
comme but de donner forme à une
œuvre sans précédent : la construc-
tion d’une Cité idéale. Celle-ci serait
l’expression tangible de sa vision
philosophique du monde et des lois
invisibles qui relient l’homme à l’univers. Après plu-
sieurs options, son choix se porte sans hésitation sur
un domaine isolé dans l’est de la région, abritant les
restes d’un ancien couvent, fondé par saint François
d’Assise en 1218 afin d’y créer un ermitage.
Buzzi transforme rapidement ce lieu, naturellement
imprégné d’une sacralité puissante, en un immense
chantier à ciel ouvert. C’est ainsi que, l’une après
l’autre, des constructions hétéroclites commencent à
prendre forme : pas simplement une agglomération
d’édifices éparpillés, mais un agencement cohérent
permettant à tout visiteur de ressentir et d’expéri-
menter des changements profonds dans sa percep-
tion comme dans son intériorité.
Un cocon secret
Arrivé à La Scarzuola, Marco Solari m’attend à
l’entrée de ce lieu intime et magique. Neveu de
Buzzi et héritier de l’architecte milanais, il pour-
suit aujourd’hui son œuvre inachevée. Il me suffit
d’échanger quelques mots avec Marco pour me
rendre compte qu’ici, il n’est pas simplement FFF
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 91
 Reportage La Scarzuola

FF F le propriétaire qui conduit les curieux venus

de tous les coins du monde, il est aussi le gardien
spirituel et l’hiérophante de cette utopie de pierre. Il
me conduit dans ce « voyage » réel et secret à la fois :
« Pour Buzzi, La Scarzuola répondait à la nécessité de
créer un cocon ; un endroit où il lui était possible de
cultiver sa propre intériorité, loin du chaos du monde
extérieur. Il voulait “pétrifier” certains enseignements
spirituels universels afin de les “préserver” pour l’ave-
nir : la culture classique grecque et romaine, mais aussi
l’alchimie, l’hermétisme et les enseignements secrets des
francs-maçons. »

En suivant Marco le long d’un chemin ombragé,

j’entre à l’intérieur de la citadelle. J’ai du mal à y
croire : devant mes yeux s’ouvre en effet le spectacle
d’une véritable ville en miniature pleine de références
à une multitude d’époques, de civilisations et de tra-
ditions spirituelles. Au sommet de cet ensemble, je La Scarzuola répondait
vois un groupe compact et élevé d’édifices rappelant
l’Acropole d’Athènes et le Parthénon : les emblèmes à la nécessité
de la connaissance sacrée des philosophes anciens. de créer un cocon.
Plus en bas, je retrouve la Rome ancienne sous
la forme d’un grand amphithéâtre en plein air,
constellé d’images du soleil et de la lune, symboles
du masculin et du féminin, ainsi que les marques
alchimiques du « soufre solaire » et du « mercure
lunaire ».

Un itinéraire de
transmutation alchimique
En poursuivant le chemin à travers ce labyrinthe de
symboles, je découvre que La Scarzuola est un gigan-
tesque « dispositif de transmutation alchimique » à
ciel ouvert. À l’instar des anciens cultes mystériques
de l’Antiquité, nous est montré ici le chemin pénible
emprunté par l’homme pour se libérer des aspects les
plus lourds et sombres de sa personne, les métamor-
phoser et parvenir ainsi à la réalisation de la mysté-
rieuse « pierre philosophale ». Il s’agit d’un itinéraire
dangereux et solitaire, accompli à travers l’expérience
d’une « mort » et d’une « renaissance » initiatiques :
celle qui, en argot hermétique, se réfère à « l’œuvre
au noir », prélude nécessaire pour celles « au blanc »
et « au rouge », emblèmes de la condition immor-
telle atteinte par les alchimistes.
Marco me demande de poursuivre seul. À ma
gauche, je croise la statue géante d’une femme nue :
immenses sont ses formes sinueuses, immense est
son sexe. Elle est la « Grande Mère », la « matière
première », le principe indifférencié à l’origine de
toute génération, de la mort et la vie à la fois. Ce
n’est pas un hasard qu’elle soit ici.
❷
1. La Scarzuola : Juste à ses côtés, j’entrevois une pente longue et
un rêve utopique raide qui m’amène devant un grand monstre marin
qui a atterri sur
la terre d’Ombrie
en pierre, à l’expression farouche et aux mâchoires
en Italie. grandes ouvertes. Pour continuer, il faut obliga-
2. Dans toirement passer par là, se laisser dévorer, mourir
l’Acropole, pour renaître ensuite comme un initié prédestiné
on trouve le
Parthénon en à un destin différent de celui des mortels. Avalé et
miniature : anéanti par le monstre, le visiteur est livré ensuite
l’emblème de la aux pieds d’une grande tour : elle est brisée, copie
connaissance
sacrée des
parfaite de celle des Tarots. C’est la « tour du
philosophes désespoir », de la solitude et des ténèbres. En son
anciens. intérieur, l’homme touche son propre fond. Ici,
l’ancien alchimiste Basile Valentin me répéterait sa
maxime : « Visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant
tu trouveras la Pierre cachée »… Oui : pour trouver
le « vrai trésor » de la pierre philosophale, il faut
d’abord descendre, mourir à soi-même, accepter
la métamorphose. Une fois le monstre et la tour
franchis, le visiteur est prêt à ascensionner. La route

92 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 ❶
change soudainement de trajectoire. Devant moi 3. Le projet pour
se trouve maintenant une montée protégée par la « Grande
Mère », par
une longue colonnade qui symbolise « les douze la main de
fatigues » d’Héraclès. Il s’agit d’un avertissement Tommaso Buzzi.
rappelant à l’initié qu’à l’instar du héros grec, il 4. La « Grande
doit fournir l’effort inlassable nécessaire pour Mère »,
conquérir la condition divine. Après avoir atteint
l’emblème de
la « matière
le sommet de la colonnade, un nouveau paysage première »
s’ouvre soudainement autour de moi : à ma gauche, alchimique et
du principe
juste au-delà du mur d’enceinte de La Scarzuola, indifférencié à
j’aperçois à perte de vue les collines et les douces l’origine de la
vallées vertes de l’Ombrie ; de l’autre côté, voici mort et la vie.
qu’apparaît à nouveau le cœur pulsant de la cita-
delle : l’Acropole. En montant encore de quelques
pas, je peux maintenant pénétrer dans le Parthénon
en miniature et les autres édifices sacrés. Juste der-
rière, protégé des regards profanes, je me trouve
confronté au dôme brillant d’une tour en verre :
ce lieu est le point de jonction entre les royaumes
humain et divin ; le sommet effilé d’un nouvel
Olympe. Je suis désormais loin du monstre marin
et de la tour brisée.
Un dispositif
thérapeutique géant
Une fois ce pinacle atteint, je vois Marco qui m’at-
tend : « As-tu vu ? As-tu ressenti ? Cet endroit a été
créé pour être visité : pas un simple loisir, mais un
véritable parcours d’autoconnaissance. Quand des
personnes arrivent à La Scarzuola, dès qu’elles fran-
chissent l’entrée, leur énergie rencontre celle du lieu :
une énergie puissante de transformation. Certains
se sentent à l’aise, d’autres sont dérangés. Ce res-
senti déplaisant ne vient pas de l’extérieur, mais au
contraire relève souvent d’une résistance ou d’un blo-
cage à l’intérieur de la personne. Moi, trait d’union
entre la personne et le lieu, je ressens tout cela FFF
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 93
 Reportage La Scarzuola
❶ reliés logiquement entre eux et situés dans divers sec-
❷ gements radicaux dans leur vie au niveau professionnel,
❸ en réalité les contours d’un grand bateau pointant
1. Les théâtres de La Scarzuola, miroirs de l’âme animés par nos propres projections
inconscientes. 2. Marco Solari : le propriétaire, le gardien spirituel et le « chamane laïc »
de cette « citadelle thérapeutique ». 3. Le monstre marin : un passage obligé pour le
visiteur, lui rappelant le mystère de la mort et de la renaissance mystiques.
94 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
FF F et, si les conditions le permettent, je mène la
visite comme une vraie expérience thérapeutique ! »
C’est là que La Scarzuola devient aussi une
« machine thérapeutique » tridimensionnelle et
géante, permettant au visiteur de décristalliser
ses peurs profondes, de se libérer de ses angoisses
cachées et de dépasser ses limitations grâce au pou-
voir du lâcher-prise mental. « Pour permettre la
“guérison”, j’ai besoin que le visiteur soit initialement
désorienté dans son ressenti. Il doit perdre ses repères
habituels et accepter d’entrer dans une dimension noc-
turne où ce sont les forces de l’inconscient qui agissent
et deviennent les vrais protagonistes. Pour ce faire, La
Scarzuola possède en son intérieur plusieurs théâtres,
teurs : le grand amphithéâtre que tu as vu, le théâtre de
l’eau, celui d’Apollon, de Diane, celui du corps humain
et le théâtre de la tour du désespoir. »
En tant que lieux symboliques, ces théâtres sont
avant tout des espaces complètement vides et non
consacrés à des spectacles. Ils agissent comme de
véritables miroirs de l’âme, obligeant la personne à
les « remplir » de son ressenti et à animer la scène
avec ses propres projections latentes. Le visiteur se
regarde fixement dans les yeux et est invité à accep-
ter ses contradictions et ses conflits. Comme Marco
m’explique : « Confrontés à la forte densité des sym-
boles de La Scarzuola aussi bien qu’au vide des théâtres,
les visiteurs rentrent parfois dans un véritable état de
crise. C’est positif, car cela témoigne d’une rupture
avec leurs schémas acquis. Il s’agit d’une transmuta-
tion alchimique vécue au niveau émotionnel. Je peux
rapporter de nombreux exemples de visiteurs qui, après
l’expérience de la Scarzuola, ont soudainement trouvé
la clarté et la détermination pour accomplir des chan-
relationnel ou bien existentiel. »
En écoutant Marco, je sens que ma visite s’achève ici,
sur cette montagne artificielle de temples et de trésors
parsemés de symboles de connaissances secrètes. Une
fois arrivé, le voyageur sait et ressent que quelque
chose de nouveau s’est produit en lui : c’est une
sensation de légèreté et d’ouverture. De ses yeux, il
peut parcourir à nouveau le long chemin accompli :
l’entrée, la descente initiatique, la remontée alchi-
mique vers le haut en direction de l’Acropole des phi-
losophes. De cet endroit, le panorama semble plus
ample qu’avant. En baissant à nouveau le regard, je
réalise instantanément que la citadelle entière dessine
vers l’est. Un navire visible uniquement pour ceux
qui ont atteint la crête de ce sommet intérieur. Peut-
être que le voyage n’est pas encore terminé : la Cité
idéale commence à lever la voile... ●
 Incarner


Le secret est
caché en toi
là est la source
de la vie et
de la mort

HERMÈS TRISMÉGISTE
THÉRAPIE


Elle va chercher
à percer les secrets
de la nature, qui
englobe l’animal, le
végétal et le minéral.

 LA MÉDECINE DE L’ABBESSE

Hildegarde
de Bingen
Religieuse bénédictine du XIIe siècle, visionnaire, poétesse et
musicienne d’exception, l’abbesse Hildegarde de Bingen
est considérée aujourd’hui comme la première phytothérapeute.
Presque mille ans plus tard, son nom sonne comme une référence
en matière de santé, et ses principes sont d’une criante modernité.
Par Catherine Maillard

Hildegarde de Bingen (1098-1179)

Née en 1098, dixième enfant d’une famille
de petite noblesse rhénane en Allemagne,
Hildegarde a des visions dès l’âge de cinq ans.
D’une santé fragile, elle est confiée à l’abbesse
d’un monastère proche de la maison familiale,
PHOTO : MÉDIATHÈQUES DE LORIENT - ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / DMITRIEVA KATERINA
La vision globale de la médecine d’Hildegarde de
Bingen mêlait herboristerie, alimentation préven-
tive, jeûne, prières et chants sacrés. Aujourd’hui,
nombreux sont ceux qui se penchent sur ses
écrits : ils pourraient bien répondre aux enjeux de
notre époque pour un meilleur équilibre corps-es-

à qui elle succède à l’âge de 38 ans, en 1136.
Date où ses visions s’intensifient, ainsi que
les voix lui ordonnant d’écrire et de divulguer
leurs messages. Son premier recueil, le Scivias,
est présenté au pape Eugène III qui lui écrit en
personne. Nombre de prophéties se révèlent
exactes et, sa renommée grandissant, le couvent
déménage à côté de la ville de Bingen, qui lui
donnera son nom… Elle y poursuit son œuvre
prophétique et multiplie les correspondances
avec les plus hautes personnalités de son temps.
Nombre de miracles sont associés à l’abbesse,
botaniste, médecin, visionnaire, artiste et
compositrice émérite. Le jour de sa mort, le
17 septembre 1179, date qu’elle avait prédite,
le ciel s’illumine de deux arcs-en-ciel, un
phénomène qui donne lieu au culte d’Hildegarde
de Bingen. Le 28 mai 2012, Benoît XVI la proclame
docteur de l’Église, un titre honorifique suprême.
prit. En effet, ils font écho à nos aspirations pour
une médecine plus respectueuse de l’environne-
ment, de l’humain, en résonance avec une vraie
dimension spirituelle.
« Quand Hildegarde n’est pas sur les routes en train
de prêcher et de prophétiser, elle est au monastère, où
elle se consacre corps et âme à son prochain […] Elle
soigne les malades qui viennent de tout l’empire ger-
manique, leur administre ses propres remèdes », écrit
l’essayiste Audrey Fella dans un livre qu’elle lui
consacre(1). Alors qu’elle n’a reçu aucune forma-
tion scientifique, l’abbesse va s’atteler à la rédac-
tion d’un ouvrage sur les sciences naturelles et la
médecine : Les causes et les remèdes. Mue par l’im-
périeux désir de replacer l’homme à sa juste place
dans l’ordre de l’univers, elle va chercher à percer
les secrets de la nature, qui englobe l’animal, le
végétal et le minéral, pour un retour à l’harmo-
nie avec le reste de la création, en accord FF F

AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 97

 THÉRAPIE

FF F avec Dieu. Sa médecine s’appuie à la fois
À sur les produits de la terre, l’alimentation, les
LIRE plantes, la gemmothérapie et la science du divin,
qui comprend la prière, les chants et la recherche
de la joie… ce qu’on qualifierait aujourd’hui d’ap-
proche holistique. C’est principalement à deux
praticiens allemands, le docteur Gottfried Hertzka
(1913-1997) et le naturopathe, docteur en chimie
et biochimie Wighard Strehlow, que l’on doit le
(1) regain d’intérêt pour l’abbesse ; ensemble, ils ont
Hildegarde fondé en 1993 la maison de cure d’Hildegarde, au
de Bingen bord du lac de Constance. Récemment, en 2012,
Audrey Fella
Éd. Points,
elle reçoit la nomination de docteur de l’Église
2015, 7 € par le pape Benoît XVI, qui n’a gratifié que quatre
femmes à ce titre. Un honneur plus que mérité
pour la grande dame, comme en attestent l’ac-
tuelle diffusion de son œuvre et la permanence de
son culte, preuves de l’intemporalité de sa vision.
La théorie visionnaire
des humeurs
Dans son traité Les causes et les remèdes, devenu
l’ouvrage emblématique de sa médecine,
l’abbesse pointe le rôle des humeurs sur la santé
et la maladie. « Selon Hildegarde, l’homme est un
ensemble de parties sèches et humides, chaudes et
froides et c’est l’équilibre de ces caractéristiques qui
induit la santé », précise la naturopathe Mélanie
Schmidt-Ulmann (2), diplômée de l’Institut
Hildegardien. Pour mieux en comprendre le
fonctionnement, on peut se référer à l’une de
ses visions rapportées par Audrey Fella : « À
l’image des vents du sud, de l’est, de l’ouest, du
nord qui régulent les forces cosmiques et régissent le
mouvement de l’univers, elles pénètrent l’homme et
conditionnent sa santé. » Ainsi, les maladies seraient
dues à un désordre des humeurs, ou encore à des
inflammations de liquides internes. « Un principe
en cours depuis Hippocrate et les médecins de
l’Antiquité, mais aussi dans la médecine chinoise ou
ayurvédique », ajoute le journaliste Paul Ferris(3).
Comme les médecins de ces traditions, Hildegarde
établissait son diagnostic en déterminant lequel
des quatre éléments (froid, chaud, humide et sec)
était en faiblesse et cherchait un remède pour
équilibrer les différentes forces en présence.
Les plantes, stars
de la pharmacie
Au cœur de la médecine d’Hildegarde de Bin-
gen : les plantes ! « Au Moyen Âge, l’enseignement
des grands médecins grecs, latins, ou égyptiens est

L’ÉPEAUTRE :
l’aliment vedette
d’Hildegarde
L’épeautre non hybridé est l’aliment de base
de l’alimentation hildegardienne. Cette variété
de blé, très ancienne, cultivée au Moyen Âge,
était tombée en désuétude pour cause de
rendement… Selon l’abbesse, elle donne du
courage et met de la joie au cœur ; grasse et
nourrissante, elle est plus agréable que toutes
les autres… Elle bâtit une bonne chair et un bon
sang et rend l’homme serein et joyeux. Du point
de vue nutritif, on a pu établir aujourd’hui
qu’il contient du thiocyanate, qui stimule
le système immunitaire, de l’albumine,
des hydrates de carbone, des minéraux
essentiels et des vitamines.

98 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 oublié », rappelle Paul Ferris. À ce titre, toutes
préparations  – baumes, mixtures à base de
plantes – pouvaient même s’apparenter à de la
sorcellerie, ce qui n’affecte en rien l’abbesse, qui
étudie, observe, pratique et surtout écrit. Elle
consignera sans relâche ses recettes, ses observa-
tions, qui aujourd’hui sont passées dans le savoir
populaire. « Elle découvre les propriétés selon les
principes des “signatures” : les plantes rouges soignent
les affections sanguines, celles avec des alvéoles, les
bronches... », détaille le journaliste. La pratique des
tisanes comme remèdes était d’ailleurs répandue
à l’époque, à juste titre. « Les conditions sanitaires
de l’époque étaient loin de répondre à nos exigences
actuelles et l’eau n’était pas potable, il fallait la faire
bouillir », explique Mélanie Schmidt-Ulmann.
Pour une pharmacie hildegardienne actuelle, on
peut compter une trentaine de plantes « vedettes »,
dont les vertus ont été validées par la science. Nos
experts en ont pointé trois essentielles : « L’ail
devrait avoir bonne place dans tous nos repas. Il
stimule le cœur, facilite la circulation, lutte contre
l’hypertension », indique Paul Ferris. Pour Hilde-
garde, il avait « une chaleur positive ». Considé-
rée il y a peu encore comme une mauvaise herbe,
l’ortie était une plante médicinale de tout premier
ordre chère à l’abbesse, « qui la recommandait pour
purger l’estomac », rapporte Mélanie Schmidt-Ul-
mann. Des études ont mis aujourd’hui en évi-
dence sa composition en nombreux minéraux,
vitamines et autres substances comme les flavo-
noïdes, la sérotonine, les tanins, etc., corroborant
les indications de la botaniste. Enfin, la bardane
fait l’unanimité. Préconisée au Moyen Âge pour
PHOTO : SHUTTERSTOCK / MIRJANA RIKALO - ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / DMITRIEVA KATERINA
les calculs rénaux et les problèmes respiratoires,
elle était déjà nommée Philanthropos (la bienveil-
lante) par les médecins grecs de l’Antiquité. Un
titre en lien, sans doute, avec sa forte concentra-
tion en inuline et son pouvoir antibiotique, avérés
par la science.
Une alimentation joyeuse et
équilibrée
L’alimentation fait partie des principes essen-
tiels de prévention santé, pour l’abbesse ; elle
doit répondre également à cet équilibre chaud/
froid évoqué dans la théorie des humeurs. Ainsi,
il existe des aliments de nature chaude, qu’il
faut privilégier. « Ceux-ci doivent représenter les
deux tiers de la consommation, ceux de nature
froide, eux, représentent le tiers restant », écrivait
l’abbesse. Comment les différencier ? « Certains
dégagent une chaleur importante dans l’organisme,
ils le réchauffent et activent la circulation, ce qui

Elle consignera sans relâche ses
recettes, ses observations, qui
aujourd’hui sont passées dans
le savoir populaire.

apporte un regain d’énergie », répond Mélanie Sch-
midt-Ulmann. Il s’agit des fameux aliments de « la À
joie », emblématiques des principes hildegardiens, LIRE
dont l’avoine, les pois chiches, le fenouil, les châ-
taignes… et le plus connu : l’épeautre, l’aliment
vedette de l’abbesse. « L’épeautre était une céréale,
considérée comme pure, qui respecte la nature, se cui-
sinant comme le riz, peu exigeante en eau et dans
laquelle il y a peu de gluten », développe Paul Ferris.
Hildegarde l’utilisait aussi en externe pour faire (2)
Le grand livre
des cataplasmes avec ses plantes médicinales, en des secrets
le mélangeant à la menthe, la sauge… Au registre de santé
des aliments de nature froide, qui refroidissent d’Hildegarde
de Bingen
l’organisme et le sang, on trouve les haricots verts, Mélanie
les courges, les panais, les épinards… Schmidt-Ulmann
Si le principe chaud/froid peut nous paraître en Éd. Leduc.S,
apparence quelque peu rétro, il n’en est rien, au 2017, 18 €
contraire ! « On a pu établir que la plupart des ali-
ments de “la joie” qu’elle conseillait sont des basifiants
de l’organisme », révèle la naturopathe. C’est l’une
des raisons, sans doute, du regain de notoriété de
l’abbesse, comme le pointe Mélanie Schmidt-Ul-
mann : « D’autant plus à notre époque où notre ali-
mentation moderne est majoritairement acide, riche
en viande, en sel et produits raffinés, entraînant de
nombreux troubles et pathologies. » Au registre éga-
lement des principes en vogue aujourd’hui, chers
à Hildegarde, on retrouve le jeûne, recommandé
de nos jours par les naturopathes : « Il s’agit d’une
version “douce” qui se rapproche d’une monodiète,
épeautre et légumes principalement. »
La nature et la lune :
facteurs de bonne santé
« Il est important pour Hildegarde que les hommes
vivent en accord avec la nature. La santé implique de
se nourrir en fonction des saisons, de se soigner avec
des plantes cueillies au bon moment… », évoque
Mélanie Schmidt-Ulmann. Hildegarde de Bingen
accordait une place importante à la lune et FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 99
 THÉRAPIE

FF F à son influence sur les plantes, les hommes

À
LIRE et les animaux… « Au Moyen Âge, il n’y avait pas
de différence entre astrologie et astronomie, les élé-
ments célestes avaient forcément une emprise sur la
terre », ajoute le journaliste Paul Ferris. Toutefois,
si l’effet des constellations reste supposé, celui de
la lune est bien réel. Nombre des observations
de l’abbesse, notamment en ce qui concerne les
accointances entre l’astre et la santé, rencontrent
(3)
Les remèdes aujourd’hui un véritable assentiment. Hildegarde
de santé remarque que lorsque la lune est décroissante, les
d’Hildegarde règles sont moins douloureuses. Lorsqu’elle est
de Bingen
Paul Ferris
croissante, il y a une augmentation de la ferti-
Éd. Marabout, lité, tant pour les hommes que pour les femmes.
2019, 6,90 € « L’abbesse donnait des remèdes en fonction du cycle
lunaire : tel remède était à prendre en lune crois-
sante, l’autre en lune décroissante », selon Mélanie
Schmidt-Ulmann.
Certains principes hildegardiens ne sont pas si
simples à appliquer. D’autres, en revanche, ren-
contrent un nouvel engouement, comme jardiner
avec la lune. On retrouve des similitudes, d’ailleurs,
en agriculture biodynamique. « Pour rester en bonne
santé, il faut manger des fruits sains plantés au bon
moment, et se soigner avec des plantes médicinales
cueillies quand elles sont gorgées de principes actifs »,
d’après Paul Ferris, qui nous livre quelques clés de
l’abbesse. En lune décroissante, quand la lumière
de la lune faiblit, il est recommandé de planter les
légumes (bulbes, tubercules, pois, haricots et tous
ceux qui montent en graine), de récolter les fruits
que l’on veut conserver pour en faire des confi-
tures (cerises, groseilles, fraises…), tout comme les
plantes médicinales dépuratives (bardane, pissen- La prière et les chants,
lit…). En lune croissante, les plantes poussent plus médecines de l’âme
vite et sont plus résistantes. C’est le bon moment
pour semer les plantes potagères à fruits (melons, « La médecine de la joie, emblématique d’Hilde-
concombres, tomates…), les arbres fruitiers et les garde, provient en majorité de la prière, et la béa-
arbustes (la vigne), ramasser les légumes et les fruits titude est celle du divin », rappelle Paul Ferry. La
à pépins, cueillir les fleurs pour les mettre en vase. grande dame est abbesse et elle envisage la santé
sur le plan du corps… et celui de l’âme. L’un et
 l’autre sont interdépendants. Ainsi, à son enga-
gement religieux s’adjoint celui du soin, et sa
notoriété va dépasser les frontières. « De partout
les pèlerins affluent vers le monastère de Bingen,
La médecine de la joie, pour écouter ses prêches et être guéris, les miracles se
emblématique d’Hildegarde, multiplient », rapporte Paul Ferris. Bénédictions,
prières, imposition des mains… s’ajoutent à sa
provient en majorité de la panoplie de femme médecine au même titre que
prière, et la béatitude est celle l’alimentation et les plantes. Mais pas seulement…
du divin. Au registre des médecines d’avant-garde à haute
teneur spirituelle que prodiguait l’abbesse, faisant
écho à nos aspirations contemporaines, on peut

 également mettre en avant les chants d’Hilde-

100 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 Page 43 : Illustration des signes astrologiques associés à des parties du corps, peinte par Hildegarde de Bingen.
Ci-dessus : Partition d’un O pulcre facies composé par Hildegarde de Bingen.
PHOTOS : MÉDIATHÈQUES DE LORIENT - ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / DMITRIEVA KATERINA
garde, dont les vertus sont avérées aujourd’hui.
« Tous les musicologues s’accordent à dire que la reli-
gieuse bénédictine mystique possédait les plus hautes
connaissances de l’époque en matière de compositions
musicales », affirme Catherine Braslavsky(4), musi-
cienne, interprète des chants d’Hildegarde, qui
a composé d’innombrables hymnes, cantiques,
alléluias et autres chants religieux. Une œuvre
d’autant plus remarquable à une époque où les
femmes n’étaient pas autorisées à composer. Pour
Hildegarde, la musique nous mettait en contact
avec les énergies supérieures. Ses chants ont cette
particularité exceptionnelle de permettre un retour
à l’état primordial, un souvenir du paradis perdu.
À
Les spécialistes sont unanimes à ce sujet : ses ÉCOUTER
chants couvrent la totalité du spectre, ce qui est
très rare. « Ils provoquent une transe particulière, que
l’on peut contacter à la fois en les chantant et à leur
écoute », ajoute Catherine Braslavski. Les moniales
qui entonnaient ses compositions à différents
moments de la journée bénéficiaient sans doute
d’une réharmonisation bénéfique pour la santé. (4)
Le mariage du
Si cet aspect d’Hildegarde est plus confidentiel, il ciel et de la terre
fait preuve pourtant d’une étonnante modernité, d’Hildegarde
au regard de l’expansion que connaît aujourd’hui de Bingen
la médecine des sons, des mantras et des chants Catherine
Braslavsky,
de guérison, transmis par les curanderas et les cha- Joseph Rowe
manes du monde entier. ● Jade, 8,12 €
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 101
 PRATIQUE

Devenir écolo et conscient

Cueillette
sauvage
Activité en plein essor, la cueillette de plantes sauvages permet de retrouver des réflexes
ancestraux d’alimentation naturelle, de renouer avec la nature et peut-être de découvrir
les bienfaits des plantes médicinales. Par Catherine Maillard

A
u registre des gestes bons pour la s’en était radicalement éloignée, on observe sa consommation, de soigner des maux »,
ILLUSTRATION : LISIMA / SHUTTERSTOCK

planète, la cueillette sauvage nous
aide à bâtir de beaux lendemains.
Cette activité très ancienne remonte à
la préhistoire. « C’est lors de la cueillette
qu’étaient ramassés fruits, baies et autres
denrées comestibles », rappelle Amaya Calvo
Valderrama(1), ingénieure agronome, passion-
née de plantes médicinales. Si notre société
un nouvel engouement pour ces pratiques
ancestrales. Aujourd’hui y est assigné un
terme porteur de sens : sauvage, qui indique
un type de végétaux spécifiques, poussant
librement, sans interaction humaine, avec
pour objectif de potentialiser leur rende-
ment. « Se mettre à la cueillette sauvage per-
met de se réapproprier son environnement,
ajoute Christophe de Hody(2), naturopathe,
herbaliste et botaniste de terrain. Mieux
connaître la nature va nous permettre de
mieux l’aimer, de la respecter et de nourrir
notre sentiment d’appartenance. Toutefois,
on ne s’improvise pas glaneur du jour au
lendemain. Cueillir demande des notions de
base et un sens de l’éthique.

102 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 Faire connaissance
avec les plantes
Nul besoin d’être un expert pour prati-
quer la cueillette sauvage. Néanmoins,
certaines règles de base permettent de
ne pas prendre de risques pour sa santé.
«   Quoique peu nombreuses sous nos
latitudes, il existe environ 150 plantes
toxiques sur 6 000 espèces répertoriées
en France   », prévient Christophe de
Hody. S’il fallait ne retenir qu’une seule
règle, ce serait la suivante : ne cueillez
aucune plante sauvage pour la consom-
mer sans être sûr de son identité et de
sa comestibilité. Savoir reconnaître les
plantes est primordial.
À Cueillir est possible toute l’année.
LIRE
(2)
Cueilleur
urbain
Christophe
de Hody
Éd. Flammarion,
2017, 18,90 €
➺ Comment s’y mettre
Il est conseillé d’y aller pas à pas. Tout
d’abord, inutile de ramasser une multi-
tude de plantes : « Commencez par deux
ou trois, pour les connaître, apprendre
leur usage, et étendre ensuite votre
champ d’investigation », recommande
l’herbaliste. Il existe des livres avec des
informations pour identifier les plantes
et connaître le moment propice pour
leur cueillette. Par ailleurs, se familiari-
ser avec le vocabulaire est intéressant. Le
saviez-vous ? Il existe différentes formes
de feuilles   : palmées, lobées, stipu-
lées, pennées… « Faites-le comme vous
apprendriez les rudiments d’une langue
pour vous rendre dans un pays étranger »,
développe Amaya Calvo Valderrama. ●
Respecter
le cycle des saisons
Toutefois, se mettre en accord avec le
cycle des saisons est souhaitable. Plus
que le geste, l’essentiel est l’esprit qui
l’accompagne. Dans les grandes lignes,
les périodes de cueillette se situent du
début du printemps à la fin de l’automne
et, en fonction des températures hiver-
nales, la saison peut se prolonger et
parfois durer toute l’année. « Plus préci-
sément, le calendrier s’organise en fonc-
tion des parties (les fleurs, les feuilles,
les racines ou les boutons) que l’on sou-
haite recueillir de la plante et selon la
finalité, médicinale ou alimentaire », pré-
cise Amaya Calvo Valderrama.
➺ Comment s’y mettre
Les boutons et les fleurs se récoltent
à la pleine floraison, une période qui
va du printemps au début de l’été. « Le
moment où ils sont le plus concentrés en
À
LIRE
(1)
Le grand livre
de la cueillette
sauvage
Amaya Calvo
Valderrama
Éd. Leduc’s,
2019, 17 €
principes actifs et odorants », explique
l’ingénieure agronome. Pour les feuilles,
le moment le plus propice se situe avant
la floraison. «  Tandis que les racines
sont à leur plus haut potentiel à l’au-
tomne », complète Christophe de Hody.
Plus vous avancerez dans la pratique et
plus vous affinerez votre geste ; chaque
plante développe sa spécificité et son
calendrier, que peut vous indiquer un
herbier, ou un expert. Par ailleurs, le
moment de la journée est également
important. Mieux vaut choisir une jour-
née ensoleillée et sèche. « De préférence
le matin, une fois la rosée dissipée  »,
préconise Amaya. Ainsi, les racines se
récoltent idéalement quand le sol est
humide, c’est-à-dire tôt le matin, ou tard
l’après-midi… Pour les fleurs, l’indicateur
est la pleine éclosion, quand les odeurs
et les saveurs sont les plus fortes… à la
mi-journée. ●
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 103
 PRATIQUE
Définir les sites
de vos cueillettes
La nature est partout. Christophe de
Hody emmène ses apprentis cueilleurs
urbains dans les bois à proximité des
cités : « Ce n’est pas parce qu’on habite
en ville qu’on ne peut pas s’adonner à
cette activité. » Partir à la découverte
des plantes sauvages et comestibles
dans la ville est un temps précieux de
reconnexion à la nature. Pour Amaya, « la
cueillette sauvage commence dans votre
jardin, avec les plantes que vous n’avez
pas semées ». Nombre d’entre elles sont
à notre portée pour des usages médici-
naux, culinaires et ornementaux, dans les
jardins, les champs, les forêts…
Acquérir éthique
et équipement
La cueillette est avant tout un moment
de plaisir, un espace hors temps, à la fois
de rencontre avec la nature et d’appro-
fondissement de la biodiversité. « Plus
encore que la cueillette, c’est la décou-
verte des plantes et des espèces qui vous
entourent qui est le véritable enjeu »,
mentionne Amaya Calvo Valderrama. Un
rapport éthique à la plante est de mise.
La consigne est de prendre seulement
ce dont on a besoin, inutile de s’appro-
prier la totalité pour n’en utiliser qu’une
seule partie. Généralement, une plante
est composée de racines, d’une tige prin-
cipale, de feuilles et enfin de fleurs ou
de fruits. De quoi avez-vous besoin ? Par
ailleurs, le rapport à l’écosystème entre
également en ligne de compte, d’où les
104 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
➺ Comment s’y mettre
Un des principes à respecter est de choi-
sir des lieux éloignés des routes. Il est
primordial d’être loin des grandes zones
de pollution au bord des routes, mais
aussi des décharges ou proches des
sites industriels. « Certaines plantes,
comme le romarin par exemple, fixent
plus que d’autres la pollution », rap-
pelle Christophe de Hody. Les plus gros
risques étant liés à l’agriculture inten-
sive, vérifiez qu’il n’y a pas de champs
cultivés à proximité.
Légalement, pour éviter toute mauvaise
surprise, renseignez-vous pour savoir si
la zone de votre cueillette est privée ou
publique. « Dans le premier cas, deman-
der l’autorisation est recommandé, le
plus souvent elle est accordée », partage
d’expérience Amaya Calvo Valderrama. ●
conseils de Christophe de Hody : « On
prend au maximum 1/3 de l’ensemble des
espèces d’une zone, à la fois pour lais-
ser la possibilité de se régénérer et pour
d’autres cueilleurs éventuels. »
➺ Comment s’y mettre
Bien s’équiper est essentiel, pour une
cueillette éthique, bien sûr, mais éga-
lement pour éviter de se blesser. « Un
petit sécateur est recommandé pour
ne pas se couper. De plus, il est léger et
facile à transporter », conseille Amaya. À
chacun sa pratique. Christophe de Hody
propose d’autres options en ville : « Un
simple couteau non pliable suffit pour
couper et déraciner certaines racines
non profondes. » L’art et la manière vont
de pair : on récolte le beau, on évite les
feuilles trop basses en raison des para-
sites pouvant se trouver dans les déjec-
tions animales, qui sont toxiques pour
les humains. ●
Bien utiliser
les plantes
Quand on débute, la plupart du temps, la
cueillette sauvage est à visée alimentaire
ou pour faire des infusions. Dans tous les
cas, deux choix s’offrent au cueilleur : le
frais ou le séché.
➺ Comment s’y mettre
Il est recommandé d’utiliser les plantes
fraîches, qui préservent les saveurs
et conservent au mieux les principes
actifs. Une option qui entraîne certaines
contraintes. « Les fleurs ne se conservent
que quelques heures ou un peu plus si
elles sont placées dans un tissu humide
au réfrigérateur… », précise Amaya. Par ail-
leurs, « il faut faire attention à bien sécher
certaines plantes, comme l’aspérule,
car si elles fermentent, elles deviennent
toxiques », prévient Christophe de Hody.
Le séchage est assez simple. Dans le cadre
de vos besoins personnels, le séchage
naturel ou artisanal est la version la plus
écologique… et décorative. Ainsi, vous
pouvez suspendre dans votre cuisine les
plantes récoltées en petits bouquets, en
les disposant la tête en bas. « Pour savoir
si une plante est bien sèche, les feuilles
doivent être légèrement cassantes, mais
pas se réduire en poudre », confie l’ingé-
nieure agronome.
Pour les plus expérimentés, il existe de
nombreuses autres façons d’utiliser les
plantes issues de la cueillette autrement
ILLUSTRATION : LISIMA / SHUTTERSTOCK
qu’en infusions ou pour agrémenter des
plats. « Vous pouvez aussi réaliser des
baumes, des macéras huileux, des tein-
tures mères… », énumère avec délectation
Amaya. Chaque expérience est une oppor-
tunité d’explorer la diversité des trésors de
la nature et d’en découvrir avec respect et
tendresse l’incroyable richesse. ●
Vivre au rythme des saisons,
c’est renouer le dialogue avec Mère Nature, vibrer à la musique
de son diapason, et redonner une saveur sacrée à la vie !

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VISION D’AVENIR
La permaculture
OU COMMENT HABITER DURABLEMENT LA PLANÈTE
S’inspirer des écosystèmes naturels
pourrait nous permettre de relever
de nombreux défis. En s’appuyant sur
l’expérience de la Ferme
du Bec Hellouin (Normandie), la
référence internationale en matière
de permaculture, Charles Hervé-Gruyer
évoque les fondements et les enjeux de
cette approche, pour l’humanité
de demain. Par Catherine Maillard
106 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
Comment pourriez-vous définir la
permaculture ?
La permaculture a été formulée à la fin des années
1970 par deux Australiens, Bill Mollison et David
Holgrem, fortement marqués par la pensée abori-
gène et la manière d’interagir avec la Terre-Mère.
Le fondement de cette approche est de prendre la
nature comme modèle ; son objectif est de conce-
voir des installations humaines qui fonctionnent
comme des écosystèmes. Majoritairement per-
çue comme une méthode de jardinage naturel,
la permaculture est avant tout une philosophie,
une science, qui englobe largement les différents
aspects du vivant. Ses principes s’appliquent à de
 nombreux domaines, jardins, fermes, mais aussi
aux entreprises, à l’urbanisme, à la politique…
Elle n’invente rien mais reprend différentes ap-
proches, comme les monnaies locales, les systèmes
d’échange libre, les nouveaux modes de gouver-
nance, qui sont pratiqués au sein de mouvements.
Elle répond à la question : comment peut-on ha-
biter durablement la planète Terre ? Comment
nourrir l’humanité de demain ? Cette vision
simple et cohérente, que l’on pourrait qualifier de
bio-inspirée, répond aux besoins de notre époque. 
Votre périple à bord du voilier-école Fleur
de Lampaul, auprès de nombreux peuples
premiers, a réorienté votre mode de vie.
En quoi vous ont-ils inspiré ?
J’ai sillonné le globe à leur rencontre pendant une
quinzaine d’années. Mon premier voyage date de
1992, auprès des peuples de l’eau (Mauritanie,
Guyane…). Puis j’ai poursuivi mon périple en
Australie, Nouvelle-Calédonie, Asie… Ces im-
mersions dans des mondes, des cultures si diffé-
rentes m’ont totalement transformé. L’accueil des
Aborigènes, des Papous, des Kanaks m’a ouvert
à d’autres possibles, à commencer par notre ma-
nière d’habiter la Terre. Leur capacité à faire corps
avec les éléments naturels me fascinait. C’est un
engagement à la fois physique, spirituel, émo-
tionnel, global. Leur approche, qui valorise les
ressources naturelles et biologiques du territoire,
m’a inspiré pour la création de la ferme. Leur spi-
ritualité également ; ils conçoivent l’être humain
comme une partie intégrante de la nature.
Votre rapport à la nature en a-t-il été
profondément transformé ?
Je suis né à Paris, et je souffrais d’un manque de
nature, d’où mon questionnement sur les rela-
tions entre les humains et leur environnement.
À l’issue de ces rencontres, j’ai cherché à concilier
ILLUSTRATION : GRINBOX / SHUTTERSTOCK - PHOTO : DR
mon occidentalité et l’apport de ces peuples pre-
miers. Je rêvais de vivre comme un indien, mais
en Occident. Après plusieurs années d’intégra-
tion, de questionnements et de formation en tant
que psychothérapeute holistique, le projet de la
ferme a pris forme… La nature est pure beauté
et face à la dégradation galopante, avec ma com-
pagne Perrine, nous avons ressenti un puissant
besoin de contribuer à sa guérison et de restaurer
son intégrité. C’est notre quête d’harmonie, de
beauté et cet appel à retrouver notre place dans
Charles Hervé-Gruyer
Éducateur de formation, Charles Hervé-
Gruyer a sillonné le globe à bord d’un voilier-
école pendant 22 ans. Auteur de nombreux
documentaires et livres sur la nature, il a fondé
avec son épouse Perrine, en 2004, la Ferme du
Bec Hellouin, une référence internationale en
matière de permaculture.
la nature qui ont initié la naissance de la ferme
en 2004. La productivité n’a jamais été notre
moteur… et pourtant, des récoltes abondantes
étaient au rendez-vous.
La permaculture est un courant qui va à
l’encontre de celui dominant,
profondément destructeur pour notre
planète, selon vous...
Ce courant dit dominant est pourtant apparu
récemment en Occident, mais il a rencontré un
engouement croissant et rapide. C’est un produit
de notre époque… À bien des égards, on pourrait
croire à un retour à un mode de vie de nos an-
cêtres. Par exemple, le modèle d’écoculture
favorise l’autonomie des paysans, et la
sécurité alimentaire des communau-
tés locales. Il invite à créer localement
des îlots de fécondité de nature vivante, à
chercher des voies d’autosuffisance, à moins
dépendre du système. En réalité, c’est une ap-
proche postmoderne qui cherche à corriger les
défauts de la modernité sans forcément cher-
cher à renier son époque. Concrètement,
à la ferme, les techniques agricoles
que nous utilisons sont pour la
plupart très anciennes ; nous les
croisons avec les dernières avan-
cées scientifiques, notamment la
connaissance du sol, le fonction-
nement des écosystèmes. Croiser
les héritages du passé avec ces avancées
contemporaines se montre efficace.
On peut observer qu’en cherchant à créer des
communautés solidaires, résilientes, autonomes,
et en revenant au local, un autre phénomène
émerge : le génie créatif des citoyens. Ce mode
de vie ouvre la porte à des innovations dans le
domaine de l’écologie, des sciences hu- FF F
AUTOMNE 2019 - N° 44 - Inexploré 107
VISION D’AVENIR

FF F maines, du développement person- niveau de productivité qui a surpris tous

nel, du respect des valeurs féminines ; là les pronostics, au-delà de nos attentes.
où des modèles patriarcaux, mondialisés, Les résultats font l’objet d’études scien-
centralisés créent des impasses. C’est un tifiques depuis 2011, qui ont permis de
véritable pied de nez à la mondialisation ! poser des jalons pour quantifier l’impact de
ces nouvelles pratiques sur le milieu environ-
Concrètement, quelle vision d’avenir nemental. Le constat est le suivant : à une forte
propose la permaculture ? productivité s’ajoute une amélioration de la ferti-
Notre modèle de société touche à ses limites, il lité des sols. Ce qui veut dire qu’on peut produire
faut le transformer en profondeur. La perma- de la nourriture en abondance tout en améliorant
culture, par son aspect pragmatique, apporte une la fertilité des sols, sans polluer la planète. Ces
vision et des solutions qui relèvent somme toute recherches inspirent des agriculteurs du monde
du bon sens. C’est une sorte de boîte à outils qui entier, mais aussi des politiques, des responsables
permet à chacun de prendre en charge sa vie… de collectivités territoriales, l’enseignement agri-
pour qu’elle s’harmonise avec les lois du vivant. cole, l’Éducation nationale…
Cela passe par changer son alimentation, ses De plus, la miniaturisation des cultures, que la
modes de transport, sa permaculture préconise,
manière de consommer, permet l’implantation
faire appel à de nouvelles de microfermes en tous
À
LIRE sources d’énergie, trans- La permaculture, lieux, y compris en mi-
former son habitat… Un
des fondamentaux en per- par son aspect lieu urbain, entraînant
création d’emplois et rési-
maculture est de se passer
des énergies fossiles, d’in-
pragmatique, lience des territoires.

venter des solutions qui

n’en dépendent plus, pour
apporte une vision Quel est le lien entre
ce mode de culture et
s’orienter vers d’autres res- et des solutions qui les bienfaits pour les
Vivre avec la sources comme le soleil, hommes ?
Terre. Manuel
des jardiniers-
par exemple. C’est une relèvent somme Les deux vont de pair
vision profondément éco- dans cette approche.
maraîchers,
Éd Actes Sud, citoyenne, qui redonne toute du bon sens. À quoi bon prendre
2019, 79 € du pouvoir à chacun. un soin extrême de la
Nous pouvons dès main- Terre, si on ne bâtit pas
tenant changer nos modes de vie et chercher à en même temps une communauté résiliente et
diminuer notre empreinte écologique, d’une ma- solidaire ? L’humain fait partie de la nature. Si
nière joyeuse. Ce n’est plus une transition subie, on prend soin des humains, on prend soin de
imposée comme une punition, mais une option la nature et vice versa. C’est un même mou-
choisie qui nous relie aux autres, à la nature, qui vement. Nous avons pu constater que notre
crée du bonheur. modeste aventure familiale rentre en résonance
avec l’aspiration de nombre de gens. Alors que
Vous associez la permaculture à une voie nous recherchions notre propre cohérence,
de bioabondance. Que voulez-vous dire ? notre quête a rejoint celle de nombreuses per-
ILLUSTRATION : GRINBOX / SHUTTERSTOCK

Il semble évident que notre modèle agricole ac- sonnes. Autour de la ferme s’est créée une com-
tuel, destructeur des terres et de la biodiversité, munauté chaleureuse, avec une grande mixité
émetteur de gaz à effet de serre, ne pourra plus sociale, issue de toute l’Europe. Nous sommes
assurer cette tâche. Ce qu’on a pu constater dans à l’amorce d’une grande transition sociétale, le
notre ferme, en croisant les différents éléments niveau de conscience change très vite, et cet en-
précités, c’est une production abondante de nour- gouement croissant pour la permaculture en est
riture, sans avoir recours aux moteurs thermiques, un bon indicateur. ●
ni aux énergies fossiles, etc. La ferme a atteint un

108 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

 S'émerveiller


L’homme qui observe
évolue continÛment
jusqu’à ne faire qu’un
avec le courant
des choses
JIDDU KRISHNAMURTI

Plus près des étoiles

Le phénomène serait polymorphe

et s’adapterait aux époques
dans lesquelles il se produit.
 Technologies
venues
D'AILLEURS
Depuis plus d’un siècle, des objets volants sillonnent nos ciels
sous le regard de très nombreux témoins, civils et militaires.
Performances aérodynamiques et thermodynamiques étonnantes, dématérialisation :
leurs capacités technologiques, qui défient les lois de la physique, interrogent.
Serions-nous capables d’analyser ces technologies et que révéleraient-elles
sur nos connaissances de l’Univers ? Par Aurélie Aimé

Depuis plus de 70 ans, époque de l’af-
faire Roswell, de folles rumeurs courent
sur les crashes d’ovnis. L’une d’entre elles
rapporte que des matériaux exogènes,
aux propriétés remarquables, et qui
auraient été récupérés, seraient étudiés
par des agences gouvernementales et
des sociétés privées. Sommes-nous réel-
lement en possession de tels artefacts,
objets inconnus créés de toutes pièces et
venant d’ailleurs ? Leurs caractéristiques
pourraient-elles nous affranchir du
nucléaire, des énergies fossiles, libérer la
conquête spatiale, et permettre ainsi un
sursaut civilisationnel sans précédent ?
GETTY IMAGES : MACIEJ FROLOW / SHUTTERSTOCK
qui tombent dans l’eau et sur le rivage.
Des échantillons auraient ainsi été récu-
pérés par l’armée de l’air et analysés,
notamment par l’illustre astronome et
ufologue Jacques Vallée.
Puis, en juillet de la même année, le
propriétaire d’un ranch de Roswell par-
court ses champs et découvre des débris
métalliques étranges, portant des écri-
tures indéchiffrables. Les militaires sont
déployés sur place. La célèbre affaire est
née. Des années plus tard, le major Jesse
Marcel, qui fut impliqué dans le trai-
tement de ces débris, racontera : « Les
fragments métalliques avaient l’épaisseur
d’une feuille de papier d’étain. Ils avaient
lequel. Informaticien et astronome ayant
travaillé pour la Nasa, d’autres grandes
entreprises américaines, puis pour le pro-
jet Blue Book, suite auquel il fondera avec
J. Allen Hynek un groupe international
d’experts s’interrogeant sur les soucoupes
volantes, c’est lui qui est choisi par
Steven Spielberg comme modèle pour le
personnage du « savant français » dans le
film Rencontres du troisième type. En tout,
une cinquantaine de crashes ont été réfé-
rencés dans la littérature ufologique…
Plusieurs grands esprits, tels Edgar Mit-
chell, John Mack, Allen Hynek ont eu
une intuition : et si le phénomène ovni
provenait d’univers parallèles, d’autres

néanmoins une grande robustesse. Ils ne réalités ou dimensions ?

Premiers échantillons
célestes
Revenons sur les cas les plus notoires
de crashes d’ovnis. En juin 1947, les
passagers d’une vedette garde-côte amé-
ricaine en escale à l’île Maury (Washing-
ton) aperçoivent six gigantesques objets
volants. C’est alors que l’un d’entre eux
expulse des fragments de métal en fusion
pouvaient pas être pliés ni brisés. »
Des artefacts auraient aussi été récoltés
en 1957 à Ubatuba (Brésil). Jacques
Vallée a pu les étudier, selon ses propres
dires(1). D’après lui, leur ratio d’isotopes
n’a pas d’équivalent sur Terre… ni même
dans notre galaxie ! Soit une composi-
tion chimique de matériaux inconnus
par le scientifique, et pas n’importe
Étude d’une
technologie exogène
Faisons un bond dans le temps pour
arriver à décembre 2017. Des révélations
sans précédent sont faites aux États-Unis.
Le New York Times dévoile l’existence
d’un « mystérieux programme FF F

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 111

 Plus près des étoiles
FF F ovni du Pentagone » appelé
À
LIRE
AATIP (programme avancé d’identifi-
cation des menaces aériennes). Puis trois
vidéos d’ovnis tournées par des militaires
sont déclassées par le département de la
Défense. C’est la toute première fois que
l’existence du phénomène est reconnue
publiquement. L’armée américaine
Ovnis et conscience. aurait sollicité des entreprises du secteur
L’inexpliqué au privé pour effectuer les recherches sen-
cœur du nouveau sibles. Un certain Luis Elizondo, autre-
paradigme de
la physique fois en charge d’AATIP, a affirmé que
Ouvrage collectif Bigelow Aerospace, une société leader
Éd. Le Temps présent, en matière de conquête spatiale, stocke
2015, 23 €
pour le compte du gouvernement des
échantillons d’ovnis dans un entrepôt à
Las Vegas.
BONUS Au vu du nombre de témoignages
Web civils, scientifiques et gouvernemen-
taux, peu de doutes subsistent quant
OVNIS : LE PENTAGONE RÉVÈLE au fait qu’une technologie exogène aux
SES SECRETS propriétés surprenantes soit à l’étude
Retour sur la divulgation par le depuis plusieurs décennies. Fabrice
gouvernement américain d’un Bonvin, psychologue, ufologue et auteur
programme dédié aux ovnis : de nombreux ouvrages sur les ovnis,
www.inrees.com/bonus/346
explique que ces derniers défient les lois
112 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
de la physique : « Leurs performances
aérodynamiques sont étonnantes, puisque
le phénomène peut aller extrêmement vite.
J’ai pu observer un ovni en forme de cigare
faisant des virages à angle droit, avec une
accélération fulgurante. Un équipage qui
s’y trouverait serait pulvérisé en un quart
de seconde. A priori, ils font aussi fi de la
gravité, c’est comme s’ils avaient une sorte
de champ antigravitationnel autour d’eux.
Ensuite, ce sont des phénomènes souvent
extrêmement lumineux, sans équivalent
avec ce qu’on trouve sur Terre. » Leurs
déplacements paraissent aussi défier les
lois de la thermodynamique, puisqu’il
n’y a pas de résistance de l’air ni de l’eau.
Dans beaucoup de cas, ils semblent
même pouvoir passer à travers des mon-
tagnes, et se dématérialiser.
Une technologie
télépathe ?
Cela irait même bien plus loin. Pour
l’ufologue Fabrice Bonvin, le phéno-
mène ovni n’apparaît pas n’importe
comment ni dans n’importe quelles
conditions. « Les ovnis anticipent nos
réalisations. La première grande vague
référencée date de 1896 aux États-Unis.
C’est la vague des Airships. Les engins
observés à l’époque avaient la forme de
ballons dirigeables, l’apparence de ce que
nous allions produire 10 ou 20 ans après,
mais avec des caractéristiques aérodyna-
miques d’ovnis. Il s’est passé la même chose
avec les triangles volants qu’on a obser-
vés dans la vallée de l’Hudson (USA) en
1982, avant que ne soit révélée l’existence
du F-117, un bombardier furtif. » Se fon-
der sur la forme des engins ne mène-
rait nulle part, puisque le phénomène
serait polymorphe et s’adapterait aux
époques dans lesquelles il se produit.
« La conscience joue un rôle important.
Les ovnis s’adaptent à nos connaissances
scientifiques, nos représentations cogni-
tives individuelles, collectives et sociales »,
ajoute-t-il.
L’astronaute Edgar Mitchell est arrivé
aux mêmes conclusions. Avec la fon-
dation FREE, il a mené la plus grande
étude sur les contacts des intelligences
non humaines auprès de plus de
 3 000 experiencers ou abductés, dans
110 pays. L’étude conclut que « nous
sommes en présence d’un phénomène
qui peut modifier l’espace-temps […]
Il apparaît que les occupants d’ovnis
contrôlent ce que nous pensons et ce que
nous percevons, pouvant épouser l’appa-
rence qu’ils souhaitent. Ils sont également
capables d’induire des sorties hors du
corps, des épisodes de “temps manquant”,
transporter les experiencers dans d’autres
dimensions ou réalités, et peuvent tout
autant choisir d’être visibles comme invi-
sibles ». Ainsi, 48 % des sondés ont rap-
porté que l’engin semblait « vivant », et
« piloté » par l’esprit de ses occupants.
Vers une physique
hors du temps
Ces particularités incroyables trouvent-
elles une explication dans le cadre de nos
connaissances en physique ? Lors d’une
conférence en juin 2018, le Dr Hal
Puthoff, en charge d’étudier les maté-
riaux stockés à Las Vegas par Bigelow
Aerospace, a apporté des précisions
concernant certains échantillons. Testés
avec divers processus (ultrasons, ultra-
violets, radars à haute fréquence, tests
thermonucléaires…), ils enverraient une
onde permettant de « changer les proprié-
tés de l’espace-temps telles que la relativité
générale les décrit. Nous pourrions ainsi
voyager plus vite que la lumière »… Sa
conclusion ? Les appareils créeraient leur
propre « bulle d’espace-temps ».
Une idée corroborée par Philippe Guil-
lemant, ingénieur physicien au CNRS.
Il a pu établir des ponts entre sa théorie
sur la flexibilité de l’espace-temps et les
comportements des ovnis. Son approche
bouleverse complètement notre vision
du monde…
Pour nous permettre de comprendre
ILLUSTRATION : ANDREY_L / SHUTTERSTOCK
le cadre dans lequel elle s’inscrit, le
scientifique nous dit que « la matière,
l’espace et le temps sont des illusions. La
matière se réduit à des vibrations ; l’es-
pace n’existe pas tel qu’on le perçoit, car
il est non local, courbé, troué, et même
pixellisé. Enfin, le temps n’a pas la fonc-
tion de création du futur dans le présent
qu’on lui attribue, puisque le futur est
Les appareils
créeraient leur propre
« bulle d’espace-temps ».
déjà créé ». Sa théorie, encore appelée
« double causalité », impliquerait que
le futur, bien que déjà déployé, reste
flexible et peut donc influencer le pré-
sent. La notion d’« épaisseur de temps »
est aussi centrale dans son approche. Il
faudrait se représenter le temps comme
de l’espace, avec une certaine épaisseur
liée à notre conscience.
D’après lui, si les ovnis sont capables de
se déplacer à des vitesses vertigineuses,
d’apparaître et de disparaître, ou de tra-
verser des objets, c’est qu’« ils arriveraient
dans notre espace-temps au sein d’une
épaisseur de temps tellement dilatée qu’ils
resteraient immatériels, avant d’augmen-
ter petit à petit leur densité pour pouvoir
s’insérer matériellement dans notre réalité.
Depuis l’extérieur de notre réalité, ils ver-
raient cette dernière comme de l’espace :
les événements, notamment du futur, leur
apparaîtraient en mouvance perpétuelle.
C’est comme s’ils étaient au-dessus d’une
carte spatiotemporelle et qu’en l’éclairant
localement, ils créaient une bulle conte-
nant l’histoire dans laquelle ils s’insèrent.
Tout en étant dans cette bulle, ils peuvent
alors choisir de se densifier pour se montrer
à nous ».
La conscience,
au cœur du débat ?
Pour Philippe Guillemant, cet « effet
Oz », soit la sensation d’un temps arrêté
ou suspendu lors de rencontres, serait
la preuve que les intelligences extra-
terrestres font appel à la dilatation du
temps. Il arrive en effet que des témoins
aient la sensation que tout mouvement
et bruit autour d’eux cesse au moment
de la rencontre avec un ovni. « Le phé-
nomène vous met dans sa bulle, et votre
propre temps est alors dilaté. Les mouve-
ments deviennent imperceptibles, car à
l’intérieur d’une fenêtre temporelle dilatée
dans laquelle une voiture se déplace, par
exemple, la voiture s’évapore car elle est
partout à la fois. »
Afin de mieux comprendre, l’ingénieur
propose d’imaginer une technologie
pour sortir de l’espace-temps. Com-
ment fait-on ? « On fait en sorte d’empê-
cher la décohérence », explique-t-il. « La
décohérence, c’est lorsqu’un objet reçoit un
rayonnement de son environnement qui
l’informe sur sa position. À ce moment-là,
l’objet est inséré dans l’espace-temps,
car sa position 4D est créée. » Il serait
possible pour un ovni d’empêcher le
rayonnement extérieur d’informer l’es-
pace-temps sur sa position, en utilisant
un rayonnement quantique qui lui fait
perdre cette information. L’objet se
retrouve alors partout à la fois dans une
bulle quantique, il n’est plus intégré à
notre réalité, son épaisseur de temps est
dilatée, la gravité disparaît et il finit par
se dématérialiser et devenir invisible.
Comment serait alors pilotée cette
technologie ? Fabrice Bonvin relate que
« des témoins qui ont vu l’intérieur de ces
engins ont constaté que ceux-ci sont vides.
Il n’y a pas de commandes, de leviers, de
boutons ». Pour Philippe Guillemant,
cela ferait sens : « Dans ce temps dilaté,
vous n’êtes plus sous l’égide des lois de la
mécanique, mais de la conscience, qui est
à l’origine de la mobilité des ovnis. Il n’y a
donc ni système de propulsion ni résistance
de l’air, puisqu’il n’y a plus à subir les lois
de la thermodynamique. Il faut tout de
même disposer d’une technologie qui per-
mette que l’engin fonctionne comme une
extension organique du pilote, en lui trans-
férant les ondes quanto-gravitationnelles
de sa conscience. »
Une question subsiste toutefois : com-
ment expliquer que des traces de tech-
nologie hautement avancée, car pilotée
par l’esprit, aient pu être récupérées ? Et
si ces intelligences voulaient volontaire-
ment nous laisser découvrir la véritable
nature de notre réalité-matière ? ●
(1) Durant la conférence du 26 juin 2017, organisée
par l’IMI au Forum 104.
AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 113
 Chemin Hauteville House
VICTOR HUGO
La demeure
mystique
Le 7 avril 2019, Hauteville House, la maison où Victor Hugo
a vécu 14 ans d’exil dans l’île anglo-normande de Guernesey,
a rouvert ses portes au public, après deux ans
de restauration. Une demeure mythique et mystique,
qui incarne l’œuvre de Victor Hugo. Par Florence Leray
C
À ’est fin août 1856 que Victor Hugo, ac-
LIRE compagné de sa famille, prend ses nou-
veaux quartiers à Hauteville House, au
38 rue de Hauteville à Guernesey. Répu-
tée hantée par son ancienne propriétaire, il en fallait
plus pour dissuader Victor Hugo de jeter son dévolu
Ouvrages écrits
par Victor Hugo à
sur cette maison construite à la fin du XVIIIe siècle et
Hauteville House : s’élevant sur cinq niveaux face à la mer, sur les hau-
Les Misérables, teurs de Saint Peter Port. Ainsi, le 16 mai 1856, et
Les Travailleurs de
la mer, L’Homme qui
pour la première et seule fois de sa vie, il devient
rit, La Légende des propriétaire, grâce aux ventes exceptionnelles des
siècles. Contemplations : « Ce livre m’a donné un toit », di-
114 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
ra-t-il. Le proscrit peut enfin souffler, après cinq ans
d’errance et pas moins de douze adresses, depuis qu’il
a quitté son appartement parisien au soir du coup
d’État bonapartiste du 2 décembre 1851. Au sein
d’Hauteville House, il est à l’abri, car la loi guerne-
siaise interdit d’expulser toute personne possédant
une propriété dans l’île. Pendant trois ans, il va l’amé-
nager avec passion, pour en faire « un véritable auto-
graphe […], un poème en plusieurs chambres », selon
les mots de son fils cadet, Charles Hugo. Comme Les
Contemplations, Hauteville House se « doit d’être lue
comme on lirait le livre d’un mort ».
La mort : un thème bien présent
dans cette sublime demeure.
Dans le salon de tapisserie, le visiteur peut ainsi lire,
sur l’encadrement de la cheminée, plusieurs noms
d’hommes illustres, ceux avec lesquels Victor Hugo
aurait communiqué lors des séances de tables tour-
nantes à Jersey : Moïse, Eschyle, Jésus Christ, Dante,
Luther, Shakespeare, Molière... Dans la salle à man-
ger, deux autres inscriptions, gravées sur le sommet
d’un fauteuil, attirent l’attention : cella patrum de-
functorum (« le sanctuaire des ancêtres défunts »), et
absentes adsunt (« les absents sont présents »), attes-
tant de la place réservée aux morts dans le quotidien
de l’écrivain. Au centre du dossier, l’inscription Ego
Hugo (« Moi, Hugo ») offre clairement au poète
une place parmi eux. L’exil est ainsi vécu comme
une expérience spirituelle. Le poète prophète n’a en
effet de cesse d’affirmer sa croyance en l’immortali-
té de l’âme, comme l’indique l’inscription la alma
(« l’âme »), sous le dessin d’un ange prenant son
envol dans la cage d’escalier, à côté de l’oculus qui
communique avec le célèbre look-out, l’atelier vitré de
Victor Hugo au dernier étage. La mort n’est qu’une
étape vers l’immortalité, comme le suggère, dans la
bibliothèque, une horloge anglaise surmontée de
l’inscription suivante : « Toutes laissent leur trace au
PHOTO : JACK SULLIVAN / ALAMY STOCK PHOTO
corps comme à l’esprit. Toutes blessent hélas – la dernière
guérit », détournement hugolien de la formule la-
tine : Vulnerant omnes ultima necat (« Toutes blessent,
la dernière tue »), anciennement placée sur les ca-
drans solaires d’édifices publics. Victor Hugo pensait
mourir à Hauteville House ; il y vivra au contraire
une véritable renaissance littéraire. Il la quittera le
15 août 1870, après 19 ans d’exil, mais y reviendra
par trois fois avant sa mort en 1885. ●
 JEAN-JACQUES CHARBONIER

DES CAPACITÉS EXTRAORDINAIRES

À LA PORTÉE DE TOUS

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 Témoin  de l'extraordinaire
L’apparente
obscurité
Une fée s’est penchée sur son berceau, la sauvant
d’une mort annoncée, et lui transmettant son don.
Monique Jorland est une médium pas comme les autres,
qui révèle ce qui se cache… Par Catherine Maillard
D
À
ès la naissance, le destin de Monique
LIRE Jorland prend une tournure extraor-
dinaire. Née grande prématurée, le
diagnostic tombe sans appel : elle
a une espérance de vie très courte, à peine quatre
mois. Pourtant, le bébé est sauvé in extremis grâce à
Marcel, vieil ermite guérisseur et son imposition de
Les ombres
mains... Mais le miracle a un prix : « Elle deviendra le
me parlent relais, je lui transmettrai mon don », formule celui-ci.
Monique Jorland Il y a certains pactes que l’on scelle à la hâte, quand
Éd. Exergue, on est mère, sans prêter trop d’attention aux divaga-
2019, 18 € tions d’un vieil homme.
Enfant, Monique traverse une succession d’épreuves
et réchappe de la mort à deux reprises. Sa première
prémonition survient à l’âge de huit ans, quand elle
a une vision du décès de sa tante, qui se révélera
116 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

J’étais terrifiée
en réalité, persuadée
que j’étais anormale,
ou folle.

exacte. Fascinée par les moniales et plus particuliè-
rement sainte Marguerite, dont elle rêve de suivre la
voie, la jeune fille est mue par un profond désir de
guérir, de soigner… Rattrapée brutalement à quinze
ans par la maladie de Pott et une épiphysite verté-
brale, elle se retrouve alitée, ou plutôt immobilisée,
prisonnière d’un lit roulant à l’Institut marin de
Palavas-les-Flots, avec une vingtaine de compagnes
d’infortune… Durant ces deux longues années, son
don de clairvoyance va s’affirmer. « J’avais des fla-
shes, je voyais des visages et j’entendais des voix, toute
la vie de ces filles m’était révélée et je leur racontais », se
souvient Monique, la voix nouée. L’expérience sans
doute la plus éprouvante, la plus spirituelle aussi, de
son existence.
C’est la rencontre avec une astrologue de renommée
internationale qui va changer sa vie, à l’orée de ses
vingt ans. Lors d’une consultation, celle-ci lui ex-
plique les arcanes de sa naissance, le pacte, son don,
et la rassure sur sa destinée. « J’étais terrifiée en réalité,
persuadée que j’étais anormale, ou folle », confie Mo-
nique. Son don opère comme un scanner ; elle re-
garde les personnes et leur vie défile. « J’ai des infor-
mations, les lignes de mes mains se creusent, elles chauf-
fent et rougissent de façon significative », poursuit-elle.
Ses visions lui révèlent ce qui est enfoui dans la
mémoire de chacun de ceux qui la consultent ; les
messages la guident sans relâche. Sa clairvoyance lui
permet d’aller au cœur du problème, de soulager les
douleurs, d’ouvrir la voie de la guérison.
Alors que les personnes affluent sans cesse pour la
consulter, Monique Jorland fait montre d’une dou-
ceur et d’une humilité sincères. « Je me sens comblée
d’avoir pu soulager les maux de l’esprit, du corps et
de l’âme, mais c’est parfois si exigeant. » Les visions
s’imposent en dehors de sa volonté, « pas de va-
cances pour le don ! », plaisante-t-elle. Quand elle se
retourne sur son parcours exceptionnel, Monique
Jorland s’excuse presque : « J’ai voulu donner ce que
je n’ai pas reçu ; je l’ai offert à tout le monde… » Au-
jourd’hui, son don a pris un nouveau tournant, avec
la peinture ; ses toiles recèlent un message qui ne se
PHOTO : DR
dévoile qu’à ceux qui les emportent chez eux avec
amour. Son unique moteur. ●
 Mystères Voiture
Une voiture
MAUDITE
Septembre 1955, James Dean s’offre la Porsche de ses rêves.
Il la fait customiser par un ami et se tue avec,
cinq jours après l’avoir reçue.
Depuis, l’engin baptisé Little Bastard a tué et blessé
d’autres personnes et a, de surcroît, disparu...
Par Melanie Chereau
L
’acteur américain James Dean trouve la
mort dans un accident de voiture à l’âge
de 24 ans, alors qu’il est au début d’une
carrière qui s’annonce florissante. Il vient
d’acquérir une Porsche 550 Spyder que son ami
Georges Barris lui a personnalisée. L’accident a lieu
en pleine nuit. Ironiquement, James Dean s’est fait
arrêter quelques kilomètres plus tôt pour excès de vi-
tesse. Malgré les rumeurs, son passager survivant af-
firme qu’il ne roulait pas spécialement vite lorsqu’il
percute une voiture qui lui grille la priorité. Début
de la malédiction ? Les débris de la Porsche sont
récupérés par Georges Barris, qui décide de vendre
certaines pièces encore fonctionnelles. Mais lors de
la livraison, le transporteur est tué par la carcasse
qui se détache du harnais au moment de son dépôt
118 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
sur le sol… Malgré cela, le moteur de la Porsche est
racheté par un médecin qui se tue quelques jours
plus tard avec sa voiture nouvellement remotorisée,
tandis que la courroie de transmission, acquise par
un autre passionné d’automobiles, provoque égale-
ment un accident qui laisse son propriétaire paraly-
sé à vie... Les pneus sont revendus à une troisième
personne et deux d’entre eux explosent en même
temps, provoquant une casse sans gravité, mais lais-
sant planer un mystère. Les pneus étaient en très
bon état au moment de la vente…
Georges Barris, fatigué de
cette auto qui porte malheur,
décide de la faire convoyer vers un établissement qui
désosse entièrement les véhicules. Cette fois, toutes
les précautions sont prises et le camion qui transporte
l’engin suspect est sérieusement blindé. Seulement,
stupéfaction, à son arrivée à destination, la Porsche
PHOTOS : STAMPTASTIC/SHUTTERSTOCK - AUTOCULT.FR
n’est plus dans le fourgon ! Depuis, personne n’a re-
trouvé sa trace et nombreuses sont les spéculations.
Le musée de l’automobile Volo Auto Museum de
l’Illinois a même promis une récompense d’un mil-
lion de dollars à qui mettrait la main dessus... Récem-
ment, un homme a révélé se souvenir qu’à l’âge de six
ans, il a accompagné son père pour emmurer la car-
casse de la voiture dans le mur d’un immeuble dans
l’État de Washington. Il refuse d’en indiquer le lieu
exact, tant qu’il n’a pas signé un accord pour toucher
la prime promise par le musée… Affaire à suivre… ●
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 Une histoire Association

Un appel
TRANSCHAMANIQUE
Lors d’une cérémonie chamanique, Lynne Twist reçoit l’appel d’une tribu sous forme de visions.
Elle décide de suivre le message et part rencontrer les Achuar d’Amazonie… Par Réjane Ereau

D
iplômée de Stanford, mère de trois en-
fants, Lynne Twist menait une vie plu-
tôt dorée. « Mon mari gagnait beaucoup
d’argent, explique-t-elle. Nous étions très
affairés, cumulant la dernière voiture, la dernière
expo… » Réalisant à la fin des années 1970 qu’elle
est en train de se perdre, elle rejoint une association
de lutte contre la faim. « Je me suis investie à fond,
raconte-t-elle. J’ai travaillé aux côtés de Mère Teresa,
j’étais à l’investiture de Nelson Mandela. C’était in-
croyable. » Mais plus incroyable l’attend : « En 1994,
mon ami John Perkins m’a demandé de l’accompagner
au Guatemala pour une formation. À la fin, on s’est
retrouvés dans une cérémonie chamanique. On nous a
invités à nous allonger autour du feu, à fermer les yeux
et à écouter la voix du chamane. Je pensais partir pour
une longue sieste… » Mais sous l’effet des chants et
des tambours, elle sent ses bras devenir d’immenses
ailes, puis s’envole au-dessus de la forêt. Soudain,
des visages d’hommes « peints de motifs géométriques
orange et coiffés de plumes jaunes, rouges et noires » se Achuar. » Parmi elles, Bill, son mari, dont une des
mettent à flotter dans l’air. Quand la vision cesse, elle activités alors est le courtage pétrolier. D’avion en SITE
WEB
est désorientée. D’autant que John a vécu presque la avion, ils se retrouvent sur une piste poussiéreuse
même. « Le chamane nous a dit que ce n’était pas clas- d’Amazonie. « Les Achuar sont sortis de la forêt avec pachamama.org
sique, qu’on avait été contactés. Des gens nous tendaient leurs lances, leurs peintures et leurs coiffes. Nous pen-
la main ; nous devions aller à eux. » John sait qui ils sions être au milieu de nulle part, mais en réalité, nous
étions au cœur de tout. Cette partie du monde est au
« Le chamane nous a dit centre du système climatique et de la biodiversité. » Si
les Achuar les ont « fait venir », alors qu’ils fuyaient
que ce n’était pas classique, jusque-là tout contact, c’est parce que leur terre
qu’on avait été contactés. » est menacée par l’exploitation pétrolière. « Leurs
chamanes avaient vu le danger. Pourtant, dès la pre-
sont, il a reconnu leurs coiffes et leurs peintures : les mière rencontre, ils nous ont dit : “Si vous êtes venus
Achuar d’Amazonie équatorienne. Lui est partant, nous aider, même si c’est nous qui vous avons invités,
mais Lynne refuse. On l’attend au Ghana. Mais, at- vous perdez votre temps. Mais si vous comprenez que
tablée en réunion, elle voit des motifs géométriques votre libération est liée à la nôtre, alors travaillons en-
orange apparaître sur le visage de ses collègues. « Ils semble.” » Bill et Lynne réalisent qu’il ne s’agit pas
PHOTOS : © LYNNE TWIST

continuaient à discuter comme si de rien n’était, j’ai cru
devenir folle ! » De retour aux États-Unis, les visions
persistent. Tous les jours. John a raison : elle doit
répondre à l’appel. « En rêve, j’ai vu que nous devions
partir avec des personnes qui sauraient comprendre les
uniquement de l’appel d’une tribu reculée, « mais de
la forêt elle-même, de l’esprit de la vie. Pour son futur ».
Créée en 1996, l’association Pachamama Alliance a
aidé les Achuar à conserver leurs terres. Elle soutient
aussi d’autres peuples autochtones. ●

120 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019

Et si le secret d’une meilleure santé
résidait dans votre ADN ?

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LES LIVRES DE RÉFÉRENCE EN SPIRITUALITÉ

Livres 3 questions à
CHRISTOPHE MASSIN
L’ego dans
tous ses états
Psychiatre, élève d’Arnaud Desjardins, dans la lignée
de Swâmi Prajnânpad, Christophe Massin publie un ouvrage
décryptant toutes les subtilités de l’ego, afin de l’amener
à la maturité nécessaire permettant de le dépasser et
de nous libérer. Propos recueillis par Melanie Chereau
Est-ce que l’ego est un « objet » utilisé
à la fois en psychologie et en spiritualité ?
Oui, l’ego s’exprime à travers le psychisme dont il
est indissociable. Faire un travail sur l’ego amène
forcément à examiner ses ressorts psychologiques,
ses désirs, ses peurs, et à s’intéresser à lui de manière
approfondie. Comme l’avait dit un maître : « La
psychologie s’occupe de guérir l’ego et la spiritua-
lité s’occupe de guérir de l’ego. » Chacune des deux
voies s’occupe de l’ego, mais pas du tout pour la
même finalité.
Votre livre serait un peu comme une boîte à
outils pour comprendre le mental et obtenir
plus de liberté ?
L’idée était de ne pas partir du présupposé « l’ego
c’est mal, il faut s’en débarrasser », mais de com-
122 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
prendre vraiment en quoi il consiste. De regarder
sans a priori : qu’est-ce que c’est, d’être identifié à
l’ego, qu’est-ce que cela implique comme consé-
quences ? La spécificité de ce livre, c’est justement
de partir de l’ego tel qu’il est. Reconnaître que l’ego
s’approprie tout : le corps, le psychisme, les émo-
tions, la conscience ; et observer les conséquences
d’être identifié à son corps, à son image corpo-
relle, à ses pensées, à ses émotions. Plutôt que de
condamner l’ego d’emblée, il est plus convaincant
de constater le coût pour nous de cette identifica-
tion et d’analyser sur quoi elle repose. Est-elle est
fondée ou pas ?
Même si, malgré tout, vous expliquez qu’il
faut aussi essayer de satisfaire cet ego ?
À partir du moment où l’ego est là, il faut bien ad-
mettre combien cette identification est puissante et
tenace ! Il ne suffit pas de dire : voilà, je suis identifié
et puis tout va s’arranger. Cela exige une démarche
persévérante, pour rechercher comment être plus
libre, comment faire en sorte que cette soif puis-
sante d’exister en tant que moi puisse se relâcher et
être moins lancinante.
C’est pour cela qu’il faut d’abord passer par une
phase destinée à la fois à panser les plaies de l’ego
et à s’occuper de lui, parce qu’il traîne toutes ses
souffrances infantiles. Effectivement, à l’origine,
l’ego s’est construit essentiellement sur la répression
de ces souffrances. Donc plus un ego est souffrant,
plus il est égocentrique !
Ensuite, il faut également écouter s’il crie famine,
parce qu’il est empli de désirs insatisfaits. Il ne pour-
ra pas s’effacer, se retirer, si ses désirs réclament trop
fort. Il faut donc chercher à les satisfaire consciem-
ment et avec discernement.
Le but est déjà d’avoir un ego plus adulte, plus so-
lide, capable de mener à bien ses projets. Il sera en
À mesure de recevoir un choc de la vie sans s’effondrer,
LIRE sans faire un drame et avoir une bonne capacité
d’adaptation. Et les peurs vont diminuer – les peurs
infantiles, mais aussi les peurs existentielles… En-
fin, toute cette soif qu’a l’ego d’exister, de contrôler,
demeure encore, mais moins fort. On ressent qu’il
persiste une limitation. La perception douloureuse
de cette limitation nous amène à le mettre en cause
Moins d’ego… radicalement. C’est alors le chemin de désidentifica-
PHOTOS : WWW.CHRISTOPHE-MASSIN.EU
Plus de joie !
tion qui nous conduit à la liberté. ●
Christophe
Massin
Éd. Points,
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SUITE DE L’INTERVIEW
Web de Christophe Massin sur :
www.inrees.com/bonus/347
 Livres Notre sélection

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La dernière couleur
fut le rouge
Doris Valerio aimait l’aventure et les
voyages à moto. Il est devenu
aveugle à 30 ans. Le fait de devenir
sculpteur professionnel redonne un
souffle à sa vie. La bande dessinée
que lui consacre l’artiste et hypnothérapeute Anne-So-
phie Servantie retrace son histoire, mais aussi les liens
transgénérationnels et les secrets de famille qui ont
brouillé sa vue...
Éd. Grrr… Art, 2019, 22 €

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Les guides
spirituels
Grâce à des techniques simples, et
l’entraînement à une attention par-
ticulière, ce petit ouvrage très pra-
tique permet de découvrir plusieurs
manières d’entrer en contact avec
des guides du monde subtil : anges, défunts, animaux
totems, esprits de la nature, fées...
Éd. Alliance magique, 2019, 15 €

Thomas Langlois
J’entends des voix
PRATIQUE
Enfin un ouvrage très sérieux, écrit
par un psychologue hospitalier, sur
les phénomènes d’hallucinations au-
ditives. Tout y est décrypté, techni-
quement, pratiquement et des Lama Jigmé Rinpoché
conseils sont donnés pour vivre avec.
Quelles qu’en soient les origines, ce guide est une aide
Au cœur des émotions
pour les personnes concernées et leurs proches. Les émotions ont souvent sur nos
Éd. Odile Jacob, 2019, 19,90 € vies et nos comportements des in-
fluences aussi immédiates que
conséquentes. Le bouddhisme ap-
Martine Gercault porte un regard particulier sur les
émotions, leur provenance, les
PHOTO AMBIENCE : SHUTTERSTOCK / 3D IMAGINATION

Une psy parle moyens que nous pouvons dé-

aux esprits
Respiration holotropique, chama-
nisme, thérapie holistique, psycho-
phanie... L’auteure nous fait part de
son parcours atypique de psy s’inté-
ressant à plusieurs techniques hors
des sentiers battus. Une expérience
singulière au service de thérapies tout aussi singu-
lières, présentées en parallèle à son chemin.
Éd. Mama, 2019, 25 €
ployer afin de ne plus y être au-
tant soumis et gagner en liberté.
Maître de la lignée Kagyu, Lama
Jigmé Rinpoché, qui vit en France
depuis plus de quarante ans, nous
livre ici un ouvrage pratique, clair
et accessible, pour comprendre les
émotions et leurs mécanismes.
Éd. Rabsel, Une clé pour de vrais change-
2019, 15 € ments intérieurs...

AUTOMNE 2019 - N°44 - Inexploré 123

 Livres Notre sélection

Isabelle de Roux
et Karine Segard
La psychogénéalogie
Voici un livre très complet sur l’ap-
proche thérapeutique de la psycho-
généalogie, ou comment notre héri-
tage familial influence toute notre
vie. À travers les différentes voies
des thérapeutes spécialistes du sujet, nous pouvons
découvrir, exercices pratiques à l’appui, les origines de
bien de nos troubles.
Éd. Eyrolles, 2019, 12 €

Héléna Dryburgh
Se réaliser avec
l’astrologie
Cet ouvrage aurait pu être intitulé le
b.a.-ba de l’astrologie. Toutes les
bases y sont expliquées, avec des
schémas simples et des exercices
pour s’entraîner. Un joli objet indis-
pensable pour qui veut se lancer ou comprendre l’as-
trologie, ou pour réviser, pour les plus avancés.
Éd. Eyrolles, 2019, 20 €

Fabienne Raoul
Mon bref passage
dans l’autre monde
Après avoir vécu une EMI (expé-
rience de mort imminente), cette
MYTHIQUE
ingénieure nucléaire voit sa vie et Dominique Aucher
ses croyances matérialistes boule-
versées. Elle raconte son parcours, et
La voie initiatique
notamment comment elle réapprend à décoder le du labyrinthe
monde avec de nouvelles perceptions.
Éd. Leduc.s, 2019, 17 €
L’auteur a fourni un travail in-
croyable sur le labyrinthe, son his-
toire à travers les âges et les
cultures, sa symbolique mytholo-
Valérie Fauchet gique et psychologique... mais aus-
PHOTO AMBIENCE : SHUTTERSTOCK / PHOTOGRAPHEE.EU

si tout un référentiel sur le corps

Une voyante passe
aux aveux
Répondant à son amie l’avocate Ma-
rie-Noëlle Dompé, l’auteure se livre à
un vrai dévoilement de sa vie, ses
dons et leurs conséquences pour elle
et ses proches. Avec une grande sin-
cérité, de vraies références littéraires, spirituelles et phi-
losophiques, cet ouvrage éclaire profondément sur les
questions que de telles capacités suscitent. Passionnant !
Éd. Ipanema, 2019, 17,90 €
humain, la géométrie, les sym-
boles. Enfin, le livre expose les ré-
sonances du mystérieux dédale
avec la généalogie, la vie quoti-
dienne ou encore ce qu’il peut si-
gnifier pour chacun en tant que
véritable voie initiatique et d’évo-
lution. Labyrinthe extérieur, en mi-
roir de notre propre chemin inté-
rieur, là où l’universel rencontre le Éd. Oxus,
particulier. Un véritable bijou... 2019, 20 €

124 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 NOUVEAUTÉS

voir de ce qui
« Un vrai et rare sa istences. »
conditionne nos ex
FABRICE MIDAL

respect »
« Une invitation au
D
MATTHIEU RIC AR
Moine bouddhiste,
traducteur du dalaï-
lama

vous ne
« Ouvrez ce livre etvous arrêter. »
parviendrez plus à
STÉPHANE ALLIX

Aventuriers
de la conscience

ma m ae d it i o n s.co m
 Livres Notre sélection

Alcide Nathanaël
Oracle de Mercure
Voici un bel oracle, sobre et raffiné,
aux illustres références. Son auteur
est un jeune médium passionné de
mythologie, notamment gréco-égyp-
tienne, également illustrateur des
cartes. D’inspiration alchimique, à
vocation intemporelle, l’oracle com-
prend des arcanes en reprenant les principaux sym-
boles. Outil simple d’utilisation, qui parlera aux débu-
tants comme aux initiés, il comporte, en plus de ses
capacités éclairantes sur nos questions, un message
caché, délivré par canalisation. Pour cela, il faut se
procurer le manuel complet et ne pas passer à côté de
tous ces messages.
Éd. Arcana Sacra, 2019, 22 €

Christian Flèche
Décodage biologique
des maladies
Psychobiothérapeute comme il se
définit, Christian Flèche est aussi un
formateur réputé en décodage bio-
logique. Il propose ici une encyclo-
pédie des correspondances symp-
tômes-émotions, en sa troisième édition revue et aug-
mentée. Pour l’auteur, le symptôme est une réaction
figée dans le temps qui donne précisément l’origine du
trouble, ce qui permet d’agir à la racine et ainsi d’avan-
cer dans la guérison. Cet ouvrage donne à voir la santé
comme une façon de traiter les causes des maladies
davantage que leurs effets. YOGA
Éd. Le Souffle d’Or, 2019, 29,90 € Colette Poggi
Dans la confidence du souffle
À plus de 90 ans, Eva Ruchpaul est
Céline Santini toujours enseignante de yoga. Ma-
riée à un brahmane indien, elle fut
Kintsugi l’une des premières à enseigner le
L’art de la résilience yoga en France et à transmettre cet
Le kintsugi est un art ancestral ja- art de vivre, art de respirer, art pour
PHOTO AMBIENCE : SHUTTERSTOCK / PHOTOLINC

ponais de réparation des poteries le corps et pour l’esprit. Dans une

et autres objets cassés par colle à
la poudre d’or, en laissant les
fêlures apparentes. Véritable céré-
monial lent et minutieux, il représente le chemin que
l’on peut faire pour se guérir des blessures, en trans-
formant nos expériences douloureuses en cicatrices
d’or. Ce beau livre propose une voie très pratique vers
la résilience, en écho à cet art magnifique.
Éd. First, 2019, 12,95 €
conversation avec l’auteure Colette
Poggi, elle revient sur sa vie peu
banale, sur le yoga, sur la spiritua-
lité, la conscience, la philosophie...
En sortant des sentiers battus, avec
pertinence et cœur, cette figure
peu commune transmet ici ses plus
beaux messages...
Éd. Almora, 2019, 18 €

126 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019

 “ Croire ne suffit pas,
nous avons besoin de comprendre. ”
Omraam Mikhaël Aïvanhov

CHAMANISME
La voie spirituelle
Sandra Ingerman
Le livre des cérémonies de la Musique
chamaniques
Dans cet ouvrage très pratique, on
peut apprendre facilement à créer
ses propres cérémonies chama-
niques et ainsi réenchanter son
quotidien. Libérer des blocages
énergétiques, créer des rites de
passage, des cérémonies de béné-
diction ou de guérison, ou encore NOUVELLE
honorer un lieu... : l’une des spé- PARUTION
cialiste du chamanisme, reconnue 128 pages
Éd. Véga, 2019, internationalement, nous offre ici Plus de 40
19,90 € de vraies clés pour toute la vie. photos et
illustrations

Olivier Perpère Ozégan

de Robert Soubeyran
professeur au « Conservatoire National de Région »
Les légendes du premier chamane de Montpellier, organiste, pédagogue et compositeur

L’auteur est un barde contempo-

rain. Conteur, musicien, initiateur
de balades contées dans la forêt de Conférences d’Omraam Mikhaël Aïvanhov
Brocéliande, ce Breton est déjà l’au- sur le thème de l’art et de la création
teur d’ouvrages sur les légendes et
la musique de sa région. En toute
poésie, il propose ici un tour du Création artistique L’art et la vie
monde des légendes chamaniques, et création spirituelle
les premiers messages symbo-
Éd. Véga, 2019, liques des esprits aux hommes, afin
23 € aussi de cheminer aujourd’hui.

Stéphanie Lafranque & Vic Oh

Gardiennes de la Lune
Vrai coup de cœur de la rédaction,
ce livre offre enfin un manuel clair
des phases de la Lune, mois par
mois, faire route avec elle, créer
des rituels, comprendre son in-
fluence, l’associer à des plantes,
des déesses... Les dessins sont ins- Collection Izvor Collection Brochures
pirants et originaux et les explica- 196 pages 36 pages
tions claires et pratiques. Pour
toutes celles qui ont compris, ou
pas encore, à quel point notre Éditions PROSVETA
Éd. Harmonie
Solar, 2019, astre pouvait nous apporter tout
19,90 € au long de notre vie. www.prosveta.fr prosvetafrance

Benelux : www.prosveta.be – Suisse : www.prosveta.ch

 Films Notre sélection
FILM
Un monde plus grand
Suite à la mort de son grand amour, une jeune compo-
sitrice va fouler le sol de Mongolie pour enregistrer
des chants traditionnels. C’est un autre rendez-vous
qui l’attend, avec le monde des esprits et une vieille
chamane, qui lui révélera son don de guérisseuse. Pari
réussi de la transcription à l’écran de Mon initiation
chez les chamanes de Corine Sombrun.
Sortie en salles le 30 octobre 2019
DVD
Comme un seul homme
Le navigateur Éric Bellion s’est filmé pendant les
99 jours de son Vendée Globe, la course autour du
monde en solitaire, sans escale. Le parcours saisis-
sant d’un homme face aux éléments, à la nature, mais
aussi face à lui-même. Il témoigne d’une expérience
extraordinaire, de moments d’extrême souffrance
comme de joie. Un vrai parcours initiatique...
DVD UGC, 2019, 19,90 €
FILM
Kardec
Voici une adaptation de la biographie d’Allan Kardec
de Marcel Souto, tournée à Paris et à Rio de Janeiro,
par une production brésilienne. En effet, au Brésil, le
spiritisme, courant spirituel initié par Allan Kardec, est
très développé. Enfin l’occasion, en France, de pouvoir
découvrir la vie d’une telle personnalité, à l’origine de
nombreuses expériences aux frontières de l’esprit, ins-
pirant depuis des décénnies des êtres de par le monde.
Netflix août 2019
NOS COUPS DE CŒUR INREESTV
Documentaire L’EXTRA Lab
L’ABC de la Les instru-
langue des ments de
oiseaux l’invisible
Pour la première Ta m b o u rs , p e n -
fois dans un film événement, l’alchi- dules, baguettes... Partout en
miste Patrick Burensteinas révèle le France, des artisans conçoivent des
sens caché des mots et du verbe instruments de connexion et
créateur. À la redécouverte de notre d’échange avec le monde invisible.
alphabet, de A à Z, tous les secrets Quels sont leurs savoirs ? Quelles
de la langue des oiseaux vous sont sont les forces à l’œuvre dans leur
révélés ! fabrication ?
En ligne sur INREES TV. En ligne sur INREES TV.
128 Inexploré - N°44 - AUTOMNE 2019
COULISSES DU FILM
Électrohypersensibles
et les sacrifiés des ondes
Rencontre avec
Charles-Maxence Layet
À la veille de l’installation de la 5G, ce
sujet de l’électrohypersensibilité est
d’actualité, pourquoi ce documentaire ?
Nous sommes tous électrosensibles, traver-
sés de courants électriques et de champs
magnétiques naturels, biologiques, générés
par l’activité de notre cerveau, de nos mus-
cles, de notre cœur. Une partie d’entre nous
sont devenus allergiques aux ondes d’origine
artificielle : les électrohypersensibles (EHS).
L’arrivée de la 5G va aggraver les choses
pour les EHS, témoins, révélateurs visibles
de cette pollution technologique invisible. Il
nous a paru important avec ce film de parler
d’eux, car ce qu’ils vivent peut arriver à cha-
cun d’entre nous. Nous avons délibérément
voulu donner la parole à des EHS qui s’en sont
sortis. Car contrairement à ce qui est dit, cet
état n’est pas définitif.
Il apparaît qu’un des points communs
des EHS est la difficulté de diagnostic ?
Effectivement le diagnostic est très complexe.
Souvent, les médecins pensent que ce sont des
personnes souffrant de problèmes psychia-
triques… Nous montrons dans ce film qu’il y
a des signes corporels et physiologiques qui
montrent la présence, voire l’avancée de cet
état. L’isolement social est un autre point
commun, une conséquence directe d’être EHS
au milieu de notre monde hyperconnecté.
Avez-vous un cas qui vous a particulière-
ment marqué parmi vos témoins ?
Évelyne, salariée France Telecom, a obtenu
dans les années 2000 la reconnaissance mé-
dicale de son EHS à travers l’écoute de son
activité cérébrale et la prise en compte par
son employeur de son intolérance aux ondes
artificielles. C’est avec l’homéopathie, qui
plus est, qu’elle a pu dompter ses symptômes
et sa sensibilité. Les solutions existent, même
PHOTOS DR
s’il faut parfois un parcours du combattant
pour les découvrir... ●
 INREESTV
Des documentaires inédits
et toutes nos productions originales vous attendent !

Série documentaire
en 4 épisodes,
inédite en France
Généraux, pilotes de chasse,
commandants de l’armée de l’air…
Que pensent-ils du phénomène
ovni ? Embarquez dans une odyssée
internationale à la rencontre des
plus grands témoins et spécialistes
des rencontres « extraterrestres »,
aux côtés de Shaun Ryder,
ancienne star du rock et passionné
de ce domaine bien particulier.

Au cœur du mystère
tous les plus grands reportages sont aussi sur INREES TV !

À DÉCOUVRIR SUR WWW.INREESTV.COM

 Le billet de Stéphane Allix
Stéphane Allix
Fondateur de l’INREES
C’est juste là,
et pourtant…
L’éveil. Comme une plongée vertigineuse
dans un océan infini de savoir. Comme
l’ouverture des yeux de l’âme…
... sur un paysage jusqu’alors imperceptible, car
insoupçonné. Comme une lumière qui enveloppe
tout. L’éveil. Une déstabilisation totale. Une zone
de confort qui explose. La mort comme la vie, la
vie comme la mort, sans plus que l’une ou l’autre
ne se distinguent vraiment. Suis-je mort ? Suis-
je vivant ? Où suis-je ? Suis-je seulement quelque
part ? Éveil. En une fraction de seconde, le temps
disparaît. Puis il revient, et c’est un mur contre le-
quel on se heurte, interdit, stupéfait ; que vient-il
de se passer ? Tout était clair, limpide, compréhen-
sible, mais voilà que je reviens et déjà quasiment
tout est oublié. Un rêve qui ne laisse qu’un éclat
fragile de souvenirs, presque rien de sa splendeur,
juste l’impression vague et si confuse que c’était…
grandiose. Cette expérience est donc possible ? Cet
endroit existe bel et bien ? Oui. L’éveil comme une
énergie, un tourbillon gigantesque. Une liberté to-
tale, une force physique qui submerge.
130 Inexploré - N° 44 - AUTOMNE 2019
Les traditions spirituelles en parlent. Toutes, plus
ou moins, tentent de revendiquer la connaissance
du chemin qui y conduit, pourvu que l’on suive
le dogme avec application, discipline, sans trop
discuter. L’accès à cet espace est pourtant là. En
nous. L’éveil est juste derrière cette porte dessinée
en chaque homme, en vous, en moi, en toi. Une
dimension à laquelle notre corps ne nous inter-
dit pas nécessairement l’accès. Il nous en protège.
Parce que l’éveil, c’est un peu de folie aussi. Quand
il y a soudain trop de réel. Trop de mondes. Trop
de tout. De temps, d’espaces, de vies. La folie est
le nom de l’éveil quand il fait souffrir. Voilà sans
doute pourquoi les représentants de la plupart des
traditions spirituelles veulent en modérer l’accès.
Que chacun ne s’y précipite pas tête baissée sans
y avoir été préparé. On peut s’y perdre, et alors la
connaissance n’est plus que douleur. Quand le
corps ne sait pas ce qui se joue, quand l’esprit se
noie en confondant tout : ses blessures avec des
menaces ; ses désirs avec la Vérité ; ses pulsions avec
Le chemin. L’étincelle initiale d’éveil s’obscurcit.
La confusion qui surgit emporte toutes les di-
gues, rompt les filtres, éblouit, aveugle. La lucidité
est la clé, et la confiance. Lucidité, car seule une
profonde et sincère connaissance de soi dissipe la
confusion. Confiance, car nous ne sommes jamais
seuls, quoi que l’on tente. Jamais. D’autres veillent
sur nous, offrant guidance et protection.
Éveil. Si nous sommes en vie, c’est sans doute pour
cela : nous sommes faits pour en rêver. Car notre
éveil individuel embellit le monde. En nous dort
un être éveillé, recouvert de masques, de blessures,
de désirs et de peurs dissimulant cette réalité toute
simple. Dans l’instant, il nous est accessible. Là,
maintenant, tout de suite, ça peut arriver exac-
tement à la seconde même. L’éveil. Terminez de
lire cette phrase, laissez vos mains où elles sont,
restez où vous êtes, ne vous embarrassez pas de ce
DELPHINE BLAST - HANS LUCAS
qui pourrait advenir dans une minute, l’accès se
trouve exactement dans l’instant présent – la porte
conduisant hors du temps. Tournez votre regard
en vous, soyez éperdument confiant en la vie, lais-
sez rayonner l’amour, inspirez, expirez… C’est là.
Juste là… ●
 La puissance
des placebos

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En librairie le 17 octobre

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