des paralytiques recouvrant l’usage de leurs membres, des in
firmes de toute espèce subitement guéris, une enfant morte rendue à la vie; et jusqu’en 93, Maubranche ne cessa d’être un lieu de refuge, où les affligés, les malades et les infirmes ve— naient chercher et trouvaient un remède aux tristesses de l’âme et aux douleurs du corps. Mais alors l’esprit révolutionnaire n’épargna pas plus ce sanctuaire que les autres. Une troupe d’environ soixante hommes vint piller toutes les richesses de la chapelle et renversa la sainte statue d’où elle était placée. Après leur départ, on releva cette statue miraculeuse, dont le bras droit avait été brisé dans la chute, et on la cacha sous les degrés de l’entrée du couvent. La chapelle fut vendue, ainsi que les bâtiments occupés par les Carmes, auxquels les archevêques de Bourges avaient confié depuis 1636, le service du pèlerinage. En 4800, la famille de Villemenars, devenue proprié taire de la chapelle et de ses dépendances, retrouva la statue dans le lieu où on l’avait cachée, et la replaça sur l’autel où on la voit encore. En 1801, une partie de la chapelle fut dé molie; toutefois en ne toucha pas à l’autel, où plusieurs ecclé siastiques ont encore celébré quelquefois les saints mystères. Depuis quelques années, le pèlerinage reprend individuelle— ment, la piété y refleuriraï
Notre-Dame d’.’ligurande à son origine et à la Révolution!
L’origine de ce pèlerinage est incertaine, son histoire incon—
nue jusqu’aux temps modernes. Si on en croit la tradition du pays, il remonterait au temps des persécutions; un chrétien :
1 Notre—Dame de France, Ibid. — Annales de N.-D. du Sacré-Cœur.
NOTRE-DAME DE massa A MAUBRANCHE, are. 169 aurait été martyrisé à une petite distance d’Aigurande; les chrétiens, au sortir de la persécution, auraient construit, à l’endroit même ou ce confesseur de la foi avait été enterré tout vivant, une chapelle en l’honneur de Notre—Dame des Martyrs, sous le vocable de Notre-Dame de Pitié, et un solitaire serait venu établir un ermitage àcôté, afin de veiller sur le précieux dépôt et d’être le gardien de la chapelle. Voilà la tradition. « Une chose paraît certaine,» dit M. Meunier, doyen d’Aigu— rende, dans la Notice manuscrite qu’il nous a adressée sur ce pèlerinage, « c’est que ce fut à l’occasion du glorieux martyr « en ce lieu, ou à raison du séjour qu’y fit le religieux, que « la chapelle de Notre-Dame de Pitié fut érigée. » On ne saurait énumérer le nombre de miracles obtenus dans cette chapelle. Les archives de l’église d’Aigurande conservent, depuis plus d’un siècle, l’original d’un procès-verbal attestant différentes grâces obtenues par l’intercession de Notre-Dame de Pitié. Tantôt la prière adressée à Marie fait cesser la pluie, dont la continuité porte préjudice aux biens de la terre; tan tôt elle la fait tomber, lorsqu’une extrême sécheresse met ces biens en péril. Un enfant de six ans, perdus des deux jambes, est guéri devant l’autel de Notre-Dame ; des malades y trouvent la santé. Le procès—verbal qui relate ces deux classes de pro diges de nature différente, est signé par une multitude de té moins. Quelques années avant la grande Révolution, un jeune homme, boiteux depuis de longues années, par suite d’un accident, qui rendait toute guérison impossible, fit vœu d’ac complir le grand pèlerinage du mardi de la Pentecôte à Ai gu rande. Sa confiance ne fut point déçue : pendant le saint sacrifice de la messe il fut instantanément guéri, sous les yeux de milliers de spectateurs. Le procès—verbal de ce prodige, dressé au retour de la procession, fut signé par les notables de la pa— roisse, ainsi que par un grand nombre d’autres personnes, témoins du miracle, et déposé dans l’étude d’un no taire’. 1 L’abbé Meunier, Notice manuscrite sur Notre—Dame d’AigurandeL—Voir aussi dans Notre—Dame de France Notre—Dame d’Aiyurande. 4-70 NOTRE-DAME. DE massa A MAUBRANCHE, ETC. Quand éclata la Révolution, des démocrates envahirent la chapelle de Notre—Dame, brisèrent le tabernacle, les statues, lacérèrent les tableaux, les ornements sacrés. Des agents du district s’emparèrent des vases sacrés, descendirent la cloche et rasèrent le clocher au niveau du toit; ils enlevèrent jusqu’aux ferrements des fenêtres. Mais là ne s’arrêtèrent point les profa— nations : les septembriseurs- s’emparèrent de la statue. de Notre-Dame de Pitié etde celle de Saint Boch, les attachèrem‘. àla queue de leurs chevaux, et les trainèrent ainsi jusqu’à la place Saint-Jean. Là, en présence d’une foule de peuple, après avoir brisé la statue de saint Hoch, ils essayèrent de scier par le milieu du corps celle de la Vierge. Mais en vain se mirent ils à l’œuvre, la scie se refusa a la perpétration du sacrilège. Irrité de cette résistance imprévue, un de ces forcenés saisit une hache, et, frappant à coups redoublés, sépara du tronc la tête qui roula dans les rangs de la foule. Un jeune homme nouvellement marié la ramassa et la porta à sa jeune femme; celleæi, craignant de se compromettre, refusa le précieux dépôt. Mais la sœur du courageux jeune homme, âgée de douze ans, s’en empara aussitôt et la cacha dans sa garde-robe. On ne tarda pas à s’apercevoir du pieux larcin, et on voulut savoir ce qu’était devenue la tête de la statue. De minutieuses recherches furent faites dans les maisons voisines, notamment dans la maison Pipoux; mais ce fut en vain. La mère de la jeune fille, qui ignorait que le précieux dépôt fùt dans sa maison, s’apprê— tait à ouvrir l’armoire de sa fille; les terroristes refusèrent d’y faire des recherches, disant qu’ils ne voulaient pas se per— mettre de fouiller dans les vêtements d'une jeune personne. C’est ainsi que la Providence conserva la tête de la statue m13— raculeuse et sauva la famille qui la recélait. Nous tenons ces détails, nous écrit dans saNotz‘ce manuscrite M. Meunier, doyen d’Aigurande, de Mme Veuve Rondeau, née Pipoux encore exis— tante, âgée de 98 ans, qui conserva cette précieuse re— lique. Mais revenons à son bonheur de posséder la tête de la sta tue. Elle ne tarda pas en faire l’objet d’un culte privé. Ayant .—-——_ _.__—v___—æm__.—m_u .-. .- _ .. -"”
NOTRE-DAME DE LIESSE A. MAHBRANCHE. ETC.
découvert chez ses parents un vase allongé en terre, elle le
revêtit d’une robe blanche et posa à l’orifice la. tète qu’elle cou— vrit d’un voile et d’une couronne de fleurs artificielles. Elle eut ainsi une nouvelle statue de Notre-Dame de Pitié. Chaque soir, les dames pieuses d’Aigurande se réunissaient dans un appartement de la maison Pipoux, pour y prier à la lueur des flambeaux; et ce culte secret dura tout le temps de la Révo lution. Quand on rouvrit les églises, M“° Pipoux, que Marie récompensa de son acte de dévouement par une longévité aussi me qu’heureuse, s’empressa de remettre à M. Salomon, nommé curé—doyen d’Aigurande, la tête de Notre-Dame de Pitié, à la quelle il fit ajuster un corps, et qu’il expose de nouveau à la vénération des fidèles. La figure de cette Vierge exprime la »bonté ; à la manière dont elle abaisse les regards, à son expres sion douloureuse, on reconnaît la Mère de Pitié, Mater dolo rosa. A en juger par l’analogie qu’elle offre avec une autne statue de 14.88, placée dans l‘église d’0rsennes, on peut lui assigner la date du.xv° siècle. C‘est le sentiment d’artistes de .mérite. La chapelle de Notre»Dame de Pitié, déjà très-ancienne lors de.la Révolution de 89, ayant subi de grandes dévastafioæ, tombait en ruine, quand elle fut mise en vente comme proprié té nationale au district de la Châtre. M“° Thérèse Desgouttes pria son frère d’acheter à quelque prix que ce fût cette cha pelle, afin de la conserver à sa destination. M. Champvillant, 'alors maire d’Aigurande, se présenta à. la vente de la chapelle, —et pria M. Desgoùttes de ne point mettre de surenchère, qu’il ne l’acquérait que pour la conserver au culte; elle lui fut ad jugée. Malgré son état de. délabrement, au rétablissement du culte, on y déposa la. statue et on y célébra les saints mystères. aux fètes'de Vierge, et quand des fidèles le réquéraient pour des malades. Sous M. l’abbé Giraudon, curé d’un grand zèle et d’une grande science. M. Champvillant Léonard la recons truisit à l’instigation de sa vertueuse épouse‘.
1 M. Meunier, curé-doyen d’Aigurande. Notice manuscrite.
La dévotion reprit avec un nouvel élan. En 1820, un aveugle recouvra instantanément la vue. De nombreux témoins ocu— laires encore vivants sont là pour l’attester. Cette guérison raviva la confiance, on eut recours depuis à Notre-Dame de Pitié dans toutes les circonstances douloureuses. Une maladie se déclare-t-elle dans une famille du canton d’Aigurande, ou du canton de Bonat, qui appartient au diocèse de Limo ges, mais avoisine Notre-Dame de Pitié, on part pour le pèle— rinage. Si c’est un homme qui est malade, trois hommes; si c’est un jeune homme, trois jeunes gens sont dépu tés à la chapelle. Si c’est une femme, trois femmes; si c’est une jeune fille, trois demoiselles sont envoyées pour accomplir le pèlerinage Si c’est un jeune garçon, trois jeunes garçons, ou une petite fille, trois petites filles partent réso— lûment. Les pèlerins désignés arrivent en récitant le cha— pelet, les hommes la tête découverte. Ils traversent ainsi toute la ville et se rendent à la chapelle de Notre-Dame de Pitié, où ils prient assez longtemps. De là, ils se dirigent vers la croix de l’ermitage, où ils s’agenouillent et font une sta ion. Puis, ils continuent leur marche, jusqu’à la fontaine de la Bouzanne, où ils plongent une chemise de la personne -malade, et dont ils emportent de l’eau. Malgré sa fraîcheur glaciale, jamais l’eau de cette source n’a fait mal à qui s’y est désaltéré. Ces rites accomplis, les trois pèlerins s’en retournent en priant. ' Une autre dévotion d’un usage très—ancien a lieu le Jeudi et le Vendredi saint. Un grand nombre de personnes ne man quent jamais d’aller, les uns le jeudi vers le soir, les autres, le vendredi a la pointe du jour, en pèlerinage à Notre—Dame de Pitié et à la fontaine de la Bouzanne. Mais c’est le mardi - de Pâques et le mardi de la Pentecôte que l’affluence des fidèles de tout le pays est la plus grande. Cette année, à l’occasion du Mois des pèlerinages, eut lieu, le dimanche après l’Assomp— fion, un grand pèlerinage auquel figurèrent dix mille pèle rins. «La messe fut célébrée en plein air, au milieu du plus « profond recueillement qu’interrompit seul le chant des cens NOTRE—DAME DE massa A MAUBRANCHE, arc. 473 « tiques à Marie. On priait avec ferveur, » nous écrit M. Da mourette, prêtre de Châteauroux, « car on priait pour le salut « de l’Eglise et de la France ’. » Le soir, une magnifique pro cession aux flambeaux termina dignement la fête ’.
La lointaine de Notre-Dame de la Bouzanne.
La fontaine de la Bouzanne où cette rivière prend sa source,
et où vont boire et puiser de l’eau tous les pèlerins de Notre Dame de Pitié, possède aussi sa chapelle monumentale, établie par M. Meunier, doyen actuel d’Aigurande. Cette fontaine, la plus célèbre du diocèse de Bourges, était, depuis des siècles, renfermée dans un bassin en pierre, en avant d’un petit mo nument en maçonnerie, dans lequel était pratiquée une niche, contenant une statue de Notre-Dame de Pitié. Il se terminait par un'piédestal supportant une statue de la Vierge—Mère. Mais l’une et l’autre avaient, sans doute au temps de la Révolution, été décapitées à coups de fusil par un chasseur. M. l’abbé Meunier, doyen d’Aigurande, reconstruisit ce _monument sur des proportions plus grandioses, en superbe pierre granitique du pays. Une arcade, accompagnée de quatre clochetons super— posés, renferme Notre—Dame de Pitié, dans l’expression d'une douleur profonde mais résignée. Cette arcade en accolade est surmontée d’un large piédestal qui supporte une Vierge—Mère en fonte d’une belle dimension, modelée sur celle de la cha pelle de la Vierge, dans l’église de Saint-Sulpice, à Paris. L’inauguration du monument eut lieu le mardi de Pâques 1866. La fête fut splendide. Soixante jeunes gens portaient les deux statues à tour de rôle. La statue miraculeuse de Notre— Dame de Pitié était portée par les hommes, à qui était réservé ce privilège dans les processions annuelles des mardis de Pâ * Damourette, Lettre du ‘19 août 1873. — 2 Meunier, Notice manuscrite.
Notice historique sur la statue miraculeuse de Notre-Dame-de-Paix: vénérée dans la chapelle des soeurs de la congrégation des sacrés coeurs de Jésus et de Marie