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NEUROATYPIE, DE QUOI PARLE-T-ON ?


Par Gwénaëlle Thouroude - 30/08/2021

© alteredego de Pixabay

Article issu du numéro 89 – Vous avez dit neuroatypique ?

Neuroatypie, neurotypicité, neurodiversité, autant de termes qui fleurissent aujourd’hui


et dont il n’est pas toujours évident de savoir ce qu’ils recouvrent. Avant d’approfondir
davantage le sujet sous ses différents aspects, il apparaît donc primordial de savoir de
quoi l’on parle quand on évoque la notion de neuroatypie.

C
e terme définit un fonctionnement cognitif qui diffère de la norme et englobe
plusieurs sortes de particularités neurologiques, psychologiques et
comportementales. Comment est née cette notion ? Qui sont les neuroatypiques ?
Être hors norme signifie-t-il pour autant souffrir d’une pathologie ?

LA GENÈSE DE LA NOTION DE NEUROATYPIE


C’est à partir des années 1990 qu’est né le concept de neuroatypie, créé par opposition au terme
de neurotypie que la communauté autistique utilisait alors pour désigner les individus ne
présentant pas de caractéristiques autistiques.
Ce mot fait écho au développement des neurosciences et notamment à la manière de désigner,
dans ce domaine, un « système nerveux atypique » lorsqu’il diffère de la norme dominante de
fonctionnement.
En 2011, un sommet tenu à l’université de Syracuse a donné à la neuroatypie la place d’un «
concept où les différences neurologiques doivent être reconnues et respectées au même titre que
n’importe quelle autre variation de l’humain »1. 
Cette notion a pour avantage de permettre de nommer ensemble un certain nombre de
fonctionnements cognitifs divergeant de la norme majoritairement admise en l’état actuel de
notre société afin de leur donner plus de poids dans les réflexions sociologiques que s’ils étaient
tous pris en considération séparément.
Chaque chose qu’on nomme peut faire l’objet d’un sujet de réflexion et est plus aisée à
concevoir. Faire une place à la neuroatypie en tant que concept, c’est permettre à tou(te)s celles
et ceux qui ne sont pas neurotypiques – et ils sont nombreux – d’être reconnu(e)s dans leur
différence et considéré(e)s.
Les mots ont donc leur importance notamment pour percevoir la réalité, la diversité et la
richesse de ce que nous propose de conscientiser la neuroatypie, terme à la fois porteur de la
norme sociale attendue, mais aussi de l’infinie richesse de ce qui, en l’être humain, ne se limite
heureusement pas à ce cadre-là.
La médiatisation de neuroatypiques a joué un rôle probablement important dans cette avancée
lexicale, notamment par les ouvrages de Daniel Tammet ou Josef Schovanec, autistes Asperger
devenus célèbres, qui ont su mettre en mots leur vision de notre norme et montrer sous un jour
nouveau la manière dont on pouvait en être différent.

QUI SONT LES NEUROATYPIQUES ?


La neuroatypie rassemble une pluralité de modes divergents de fonctionnements cognitifs.
Ces derniers correspondent aux capacités de notre cerveau à nous permettre d’être en
interaction avec notre environnement.
Ces particularités hors norme impactent la capacité de percevoir, de se concentrer, d’acquérir
des connaissances, de raisonner, de s’adapter et d’interagir avec les autres.

La neuroatypie regroupe dans une même approche :

les troubles du spectre de l’autisme ;

les « dys » (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie, etc.) ;

les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ;

les personnes précoces intellectuellement (aussi dits haut potentiel, haut potentiel
intellectuel ou surdoués – HP ou HPI) ;

les hypersensibles.

Dans les chiffres, c’est en définitive près d’une personne sur cinq qui entrerait dans ce champ et
fonctionnerait donc différemment de la norme dans le traitement des informations et stimuli
qui lui parviennent.
Les personnes concernées directement ou via leur entourage par la neuroatypie sont donc
particulièrement nombreuses. Cela est d’autant plus surprenant à savoir que souvent, elles se
p p p q
sentent extrêmement seules dans le vécu de leurs difficultés d’adaptation sociale.

© Sophie Elusse

ÊTRE NEUROATYPIQUE, UNE PATHOLOGIE ?


Si les neuroatypiques ont tous un fonctionnement neurologique ou psychologique qui s’écarte
de la norme, rien ne permet pour autant d’affirmer que tout fonctionnement hors norme est en
soi pathologique (bien au contraire peut-être dans un monde qui va mal !).
On peut parler en revanche à juste titre de handicap. Dans sa dimension sociale, la personne
handicapée est celle qui connaît une restriction de vie dans la société en raison d’une différence
à la norme et d’une absence d’adaptation de la société à cette différence. Or à l’heure actuelle, la
façon de fonctionner de notre société, en décalage profond avec les ressentis et les façons
d’appréhender le monde de la plupart des neuroatypiques, font de ces spécificités d’être un
handicap. Les limites de l’assimilation de la neuroatypie à un handicap est de parvenir à un
rapport asymétrique entre « personnes valides » et « personnes handicapées », et de valider
implicitement une inadaptation sociale. Mais ne serait-ce pas à la société de se réinventer pour
tenir compte de cette réalité d’une large place de la neuroatypie parmi les êtres qui la
composent pour dépasser cette notion de handicap ?

La plupart des neuroatypiques font face à un moment donné ou à un autre de leur vie à des
réactions d’exclusion ou à des moqueries car leur manière d’être ou leurs réactions sortent du
cadre conventionnel et donc dérangent.
Certains tentent de mettre en place des stratégies pour masquer leurs différences mais c’est
souvent au prix d’efforts conséquents et difficiles à équilibrer en eux, avec des risques sérieux
de décompensation par des dépressions ou des crises lorsqu’ils lâchent le masque feint de la
normalité qui cause en leur for intérieur de l’incompréhension et de la souffrance.
Cependant, si avant les années 1990, les spécificités entrant dans le champ de la neuroatypie
étaient décrites comme un problème voire une maladie, plus les années passent et plus les
particularités développementales et comportementales des neuroatypiques tendent
progressivement à être perçues non comme anormales, mais simplement comme différentes.
Comme « atypiques ».
Certains déplorent même une tendance actuelle inverse où l’atypicité cognitive peut être
survalorisée, voire recherchée dans certaines familles, comme une explication qui se veut 
rassurante face à des difficultés rencontrées avec leurs enfants.
En cela, il convient de souligner l’importance d’un diagnostic réalisé par des professionnels et de
propositions de solutions adaptées à chacun(e), au-delà de toute étiquette.

Juliette Speranza, autrice de L’Échec scolaire n’existe pas2 et co-fondatrice de l’association


Neurodiversité France, soutient avant tout une éducation à la neurodiversité qu’elle décrit
comme nécessaire pour permettre à la société de lire les comportements de celles et ceux qui
ont le plus grand mal à intégrer les codes sociaux actuels afin de mieux les comprendre et de
cesser de leur donner un sens qu’ils n’ont pas, afin de pouvoir aussi y répondre de manière
adaptée et non culpabilisante ou insécurisante pour celui ou celle dont le fonctionnement
diffère de la norme que l’on nous a inculquée. À titre d’exemple, une personne qui ne nous
regarde pas dans les yeux ne nous ignore pas forcément, ou un enfant remuant en classe ne
l’est pas nécessairement pour être provocateur.

Dans son ouvrage Les Enfants hypersensibles3, Emmanuelle Rigon écrit très justement «
L’hypersensibilité a de multiples facettes. Elle ne se manifeste pas d’une seule manière, et on observe
le plus souvent des dominantes chez tel ou tel enfant. […] Mais dans tous les cas, l’hypersensibilité
témoigne d’une fragilité, d’une vulnérabilité qu’il faut absolument reconnaître et prendre en compte
pour accompagner l’enfant au mieux. D’autant qu’une hypersensibilité apprivoisée peut devenir un
précieux atout pour l’existence. »

La notion de neuroatypie ouvre donc une véritable réflexion philosophique d’une éthique du
vivre ensemble avec les particularités de chacun(e).
Ouvrir son champ des possibles à la neurodiversité, c’est repenser en profondeur nos liens, nos
identités, nos unicités, nos préconçus, notre éducation et notre humanité.
Car si de nos jours encore les personnes dont le fonctionnement s’éloigne de la norme ont
tendance à être a minima stigmatisées, la diversité de l’être humain dans tous ses modes d’être
est une richesse extraordinaire qui doit pouvoir s’exprimer et être accueillie aussi librement et
ouvertement que possible.
Les refuges créatifs, le mode de pensée ou les intérêts spécifiques de certaines personnes
neuroatypiques sont des cadeaux pour le monde et ils ont été à l’origine de découvertes,
d’avancées et de créations fabuleuses pour tou(te)s. Ainsi, Einstein, Andy Warhol ou Vincent Van
Gogh, pour ne citer qu’eux, rentreraient aujourd’hui dans cette catégorie des neuroatypiques.

Faire une place pleine et entière à la neuroatypie, dans toute sa pluralité et son unicité, c’est
honorer la neurodiversité et dépasser ainsi une norme enfermante pour tou(te)s pour
reconnaître chacun(e) comme riche de toutes ses particularités qui sont autant d’atouts variés
pour notre humanité.

LEXIQUE DE LA NEUROATYPIE
LEXIQUE DE LA NEUROATYPIE

* Neuroatypie : fonctionnement cognitif qui diffère de la norme.


* Neurotypie : fonctionnement cognitif majoritaire.
* Fonctionnement cognitif : capacités de notre cerveau qui nous permettent d’être en
interaction avec notre environnement. Elles permettent de percevoir, de se concentrer,
d’acquérir des connaissances, de raisonner, de s’adapter et d’interagir avec les autres.
* Troubles du spectre de l’autisme (TSA) : ensemble de comportements et développements
spécifiques affectant la capacité à communiquer ainsi que les habiletés sociales.
* Troubles Dys (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie, etc.) : troubles cognitifs 
spécifiques propres à un domaine particulier comme le rapport aux lettres, à la coordination,
aux chiffres ou à l’orthographe notamment, qui induisent des troubles de l’apprentissage.
* Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) : association selon des
modalités variables d’un déficit attentionnel, d’une hyperactivité motrice et d’une impulsivité.
* Hypersensibilité émotionnelle ou Haut potentiel émotionnel (HPE) : désigne les personnes
dont les perceptions émotionnelles et la sensibilité aux êtres et à leur environnement sont
plus hautes que la moyenne.
* Précocité intellectuelle, surdouance, « zèbre » ou Haut potentiel intellectuel (HPI) :
personne dont le rythme de développement intellectuel apparaît comme supérieur à la
norme définie pour les individus du même âge.
* Pensée en arborescence : pensée foisonnante qui se déploie parfois dans plusieurs
directions en même temps.

1 https://neurodiversitysymposium.wordpress.com/what-is-neurodiversity
2 L’Échec scolaire n’existe pas, Juliette Speranza, Éditions Albin Michel (2020).
3 Les Enfants hypersensibles : Ultra-émotifs, hyper-susceptibles, toujours à fleur de peau,
Emmanuelle Rigon, Éditions Albin Michel (2015).

GWÉNAËLLE THOUROUDE

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