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UNIVERSITÉ MONTPELLIER I IFP Energies nouvelles

Faculté des Sciences Economiques Direction Economie et Veille

Ecole Doctorale Economie et Gestion Département Economie

Analyse du potentiel de développement des


ressources d’hydrocarbure non conventionnelles

Thèse pour l’obtention du grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE MONTPELLIER I

Groupe des disciplines Sciences Economiques du CNU : Section 5


Unité de recherche : ART-Dev - Acteurs, Ressources et Territoires dans le
Développement

Présentée et soutenue publiquement par

Déborah BOUCHONNEAU

le 2 décembre 2011

Sous la direction du Pr. Jacques Percebois

Rapporteurs : Pr. Joseph Doucet et Pr. Christian Michelot

JURY

Michel de Lara Professeur, Ecole des Ponts ParisTech Président

Joseph Doucet Professeur, Alberta School of Business Rapporteur

Christian Michelot Professeur, Université de Bourgogne Rapporteur

Frédéric Lantz Professeur, Ecole Nationale Supérieure Co-directeur de thèse


du Pétrole et des Moteurs

Jacques Percebois Professeur, Université de Montpellier 1 Directeur de thèse


« La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur ».

3
Analyse économique du potentiel de développement
des ressources d’hydrocarbure non conventionnelles

Résumé
Les perspectives énergétiques globales soulignent une demande croissante d'énergie
sur les prochaines décennies. Le pétrole brut devrait représenter environ 35% de l'offre
d'énergie primaire à l'horizon 2030 d'après l'AIE. Parmi les sources d’approvisionnement, les
hydrocarbures "non conventionnels" devraient contribuer significativement à l'offre de
produits pétroliers, puisqu’ils présentent un intérêt stratégique en termes de réserves et
d’indépendance énergétique. L'objectif de cette thèse est l'étude du potentiel de
développement des ressources d’hydrocarbure non conventionnelles sous différents scénarios
liés au contexte économique et environnemental. Les sables asphaltiques, principalement
localisés au Canada, constituent notre cas d’application. La première partie de cette thèse a
mis en évidence deux phases de développement: la première, de 1980 à 2005, correspondant à
l’émergence de la filière grâce à des leviers réglementaires, économiques et géographiques; la
seconde, amorcée en 2005 avec la dégradation du contexte économique, pendant laquelle le
développement de la filière s’est fortement ralenti. La seconde partie de cette thèse porte sur
l’analyse prospective à horizon 2050. L’élaboration d’un premier modèle basé sur la
programmation linéaire a permis de quantifier l’offre tendancielle sous différents scénarios
déterministes de prix et de réglementations environnementales. En particulier, la décision
d’investissement apparaît significativement impactée par l’introduction d’une taxe CO2. Un
second modèle basé sur la programmation dynamique a permis d’évaluer l’offre prospective
en présence d’incertitudes. Un impact négatif de l’incertitude et de la volatilité des prix sur la
décision d’investissement a été mis en évidence, avec ou sans réglementation
environnementale. Cet impact négatif est accentué lorsqu’une incertitude supplémentaire sur
le cadre réglementaire environnemental est introduite.

Mots clés : pétrole non conventionnel, choix d'investissement, programmation


linéaire, programmation dynamique

4
Economic analysis of non conventional crude oil
supply
Abstract
International energy outlook emphasizes an increasing energy demand over the next
decades. Crude oil should represent about 35% of primary energy supply by 2030 according
to the IEA. Among supply sources, non conventional crude oil should contribute significantly
to the supply of petroleum products, being strategic in terms of reserves and energy
independence. This thesis aims to evaluate the development potential of non conventional
crude oil using different scenarios regarding the economic and environmental context. Oil
sands, essentially located in Canada, constitute our application. The first part of this thesis
highlights two development phases: the first one, from 1980 to 2005, corresponding to the
emergence of the oil sands sector through regulatory, economic and geographical levers; the
second one, started in 2005 with the deterioration of the economic climate, during which oil
sands development slowed down significantly. The second part of this thesis focuses on the
prospective analysis of the horizon 2050. Firstly, the development of a supply model based on
linear programming allowed us to quantify non conventional oil trend supply under
deterministic price and environmental regulation scenarios. In particular, investment decision
is significantly affected by the establishment of a CO2 tax. Secondly, the development of
another supply model based on dynamic programming allowed us to evaluate future non
conventional crude oil supply under uncertainties. A negative impact of price uncertainty and
volatility on investment decision is highlighted, under or without environmental regulation.
This negative impact is strengthened by the introduction of a supplementary uncertainty in
environmental legal framework.

Key words: unconventional crude oil, investment decision, linear programming,


dynamic programming

5
Remerciements

Ce travail a été réalisé conjointement au sein des départements « Economie et Veille »


de l’IFPEN à Rueil-Malmaison et du laboratoire CREDEN de la Faculté d’Economie de
Montpellier.

Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de thèse Jacques Percebois pour son
aide, son soutien et pour la grande confiance qu’il m’a accordée.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à mon encadrant de l’IFPEN Frédéric Lantz,


pour son aide et ses conseils si précieux, ainsi que sa disponibilité tout au long de ces travaux.

Je remercie vivement Armelle Sanière, promoteur de cette thèse à l’IFPEN, pour son
expertise et sa disponibilité, qui m’ont permis d’acquérir rapidement les connaissances
nécessaires pour mener à bien mon projet de recherche.

Je remercie M. de Lara, professeur à l’Ecole des Ponts ParisTech, de m’avoir fait


l’honneur d’accepter d’être le président de mon jury de thèse. J’adresse également mes
remerciements à Messieurs Joseph Doucet, professeur à l’Alberta School of Business, et
Christian Michelot, professeur à l’université de Bourgogne, qui m’ont fait l’honneur d’être les
rapporteurs de cette thèse.

Je tenais à remercier Mme Nathalie Alazard-Toux pour m’avoir accueillie dans son
département au sein d’IFPEN et M. Jean-François Gruson, pour m’avoir intégrée à son équipe
de recherche.

Mes remerciements s’adressent aussi à l'ensemble de mes collègues de Rueil-


Malmaison, de l’IFP-School ou du département Economie et Veille, qui ont grandement
contribué au bon déroulement de ce travail.

7
Ces trois années de travail (acharné!) n'auraient pas été aussi mémorables sans tous
mes amis et collègues, Mélissa, Ibrahim, Fabio, Elodie L.C., Armelle, Romain, Laure, Alban,
et mes irremplaçables co-bureaux, Elodie S.C., Vincent et Laetitia (nous avons relevé haut la
main le prix de la meilleure ambiance dans le bureau Y439!), avec lesquels j’ai partagé tant
d'excellents moments: voyages dans des contrées pétrolières lointaines, banias, missions foie
gras… Spéciale dédicace également à mes amis de Lorient, Nantes, Grenoble ou Paris, pour
toutes les soirées et escapades en leur compagnie.

Je tire également mon chapeau à mes parents, qui ont "vécu 2x3 années de thèse
presque consécutives" et qui ont été parfaits: merci pour votre écoute, votre soutien et votre
réconfort (dont leurs délicieuses crêpes). Un énorme merci (muito obrigada) à ma sœur, pour
son soutien sans faille, ses conseils d'« ancienne » (thésarde!), et les moments inoubliables
passés sur les plages de Fortaleza, dans les théâtres parisiens ou (encore sur les plages ?) de
Lorient.

Et enfin, "last but not least" je remercie Gwen pour son soutien, ses (nombreuses…)
blagues et son éternelle bonne humeur, grâce auquel j'ai découvert le bonheur de la
modélisation et de la compilation.

8
Table des matières

Table des notations ................................................................................................................................ 15


Table des tableaux ................................................................................................................................. 23
Table des figures ................................................................................................................................... 26

INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 29

PARTIE 1. PLACE DES RESSOURCES NON CONVENTIONNELLES DANS L'EQUILIBRE


MONDIAL OFFRE-DEMANDE DE PETROLE .................................................................................. 35

CHAPITRE 1 : EVOLUTION DE L’EQUILIBRE OFFRE-DEMANDE DE PETROLE ................ 36

1.1 UN INTERET STRATEGIQUE EN TERMES DE RESERVES........................................................ 37


1.1.1 BITUME NATUREL .................................................................................................. 38
1.1.2 PETROLE EXTRA-LOURD ........................................................................................ 39
1.1.3 SCHISTES BITUMINEUX .......................................................................................... 39
1.1.4 TECHNOLOGIES GTL ET CTL ................................................................................ 40

1.2 DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL DES FILIERES DE PRODUCTION ......................................... 41


1.2.1 FILIERE CANADIENNE D’EXTRACTION DE BITUME ................................................ 42
1.2.2 FILIERE VENEZUELIENNE D’EXTRACTION DE BRUT EXTRA-LOURD ...................... 44
1.2.3 EXTRACTION DES SCHISTES BITUMINEUX : FILIERE AU STADE DE
DEMONSTRATION ............................................................................................................... 46
1.2.4 TECHNOLOGIES CTL ET GTL ................................................................................ 48

1.3 SELECTION DU CAS D’APPLICATION ..................................................................................... 53


Annexe 1.1 : Description des technologies de production de bitume naturel et de brut extra-lourd ..... 57

CHAPITRE 2 : ANALYSE ECONOMIQUE DE LA FILIERE PETROLIERE NON


CONVENTIONNELLE AU CANADA ................................................................................................... 61

2.1 LES FACTEURS INSTITUTIONNELS ET ECONOMIQUES CLES DE L’EXPANSION DE LA


FILIERE ........................................................................................................................................... 62
2.1.1 POLITIQUES FISCALES ............................................................................................ 62
2.1.2 MAITRISE PROGRESSIVE DES COUTS DE PRODUCTION ET PROGRES TECHNIQUE ... 67
2.1.3 STABILITE DU PRIX DU BRUT ................................................................................. 72
2.1.4 INTEGRATION DES MARCHES ................................................................................. 74
2.1.4.1 Un système de transport par oléoducs largement développé ................... 74
2.1.4.2 Intégration amont-aval et processus de standardisation de la production
non conventionnelle................................................................................................ 81

2.2 LES FREINS AU DEVELOPPEMENT ......................................................................................... 86


2.2.1 INFLATION DU COUT DES PROJETS ......................................................................... 87
2.2.2 VOLATILITE DU PRIX DU BRUT .............................................................................. 92
2.2.3 CONSEQUENCES DE LA CRISE FINANCIERE DE 2008 .............................................. 94

9
2.2.3.1 Durcissement des conditions d’emprunt .................................................. 94
2.2.3.2 Contraction du potentiel d’absorption américain..................................... 95
2.2.4 SUSPENSION ET REPORT DE PROJETS ..................................................................... 97

2.3 EVOLUTION DU CADRE INSTITUTIONNEL FISCAL ET REGLEMENTAIRE ........................... 100


2.3.1 ADOPTION DU REGIME FISCAL DE 2009 ............................................................... 100
2.3.2 EVOLUTION DU CADRE REGLEMENTAIRE ENVIRONNEMENTAL........................... 102
2.3.2.1 Synthèse du bilan environnemental ....................................................... 102
2.3.2.2 Réglementations environnementales ..................................................... 107
Annexe 2.1 : Synthèse des projets d’exploitation de bitume canadien sur la période 2005-2008....... 115
Annexe 2.2 : Schématisation des stratégies d’entrée des acteurs internationaux dans le secteur non
conventionnel canadien ....................................................................................................................... 117

PARTIE 2. MODELISATION DE L'OFFRE PETROLIERE NON CONVENTIONNELLE ....... 119

CHAPITRE 3 : LES APPORTS DE LA THEORIE ECONOMIQUE .............................................. 121

3.1 THEORIE ECONOMIQUE DES RESSOURCES EPUISABLES ET THEORIE DE LA DECISION ... 122
3.1.1 DETERMINATION DU SENTIER OPTIMAL DE PRODUCTION ................................... 122
3.1.2 MISE EN EVIDENCE D’UN PRIX SEUIL DE DEVELOPPEMENT ................................. 128
3.1.3 DECISION D’INVESTISSEMENT EN PRESENCE D’INCERTITUDE ............................. 129

3.2 VALIDATION ECONOMETRIQUE DES RESULTATS THEORIQUES ........................................ 133


3.2.1 FONCTION EMPIRIQUE DE COUT MARGINAL D’EXTRACTION ............................... 134
3.2.2 RELATION EMPIRIQUE INVESTISSEMENT-INCERTITUDE ...................................... 136

3.3 METHODOLOGIE DE MODELISATION ................................................................................. 141


3.3.1 LES DETERMINANTS DE L’INVESTISSEMENT........................................................ 142
3.3.2 IRREVERSIBILITE ET CONTRAINTES DE MODELISATION....................................... 143
3.3.3 DIFFICULTE D’ENDOGENEISATION DE LA FONCTION DE COUT ............................ 144
Annexe 3.1 : Impact de l’incertitude des prix sur la trajectoire optimale d’extraction d’une ressource
épuisable (démonstration) ................................................................................................................... 149

CHAPITRE 4 : MODELISATION DE L’OFFRE TENDANCIELLE .............................................. 157

4.1 STRUCTURE GENERALE DU MODELE D’OFFRE LINEAIRE ................................................. 158


4.1.1 FONCTION OBJECTIF ET CONTRAINTES ................................................................ 158
4.1.2 INTRODUCTION DE VARIABLES ENTIERES............................................................ 162

4.2 STRUCTURE DETAILLEE DU MODELE D’OFFRE LINEAIRE ................................................. 163


4.2.1 DESCRIPTION DES UNITES DE PRODUCTION MODELISEES .................................... 163
4.2.2 DESCRIPTION DES CONTRAINTES ......................................................................... 167
4.2.3 DESCRIPTION DE LA FONCTION OBJECTIF ............................................................ 170

4.3 SIMULATIONS RETROSPECTIVES DU MODELE D'OFFRE LINEAIRE ................................... 171


4.3.1 DESCRIPTION DES PARAMETRES ECONOMIQUES RETROSPECTIFS FIXES ............. 172
4.3.1.1 Système de royalties .............................................................................. 172
4.3.1.2 Taux d'actualisation des projets ............................................................. 173
4.3.1.3 Taux de change monétaire ..................................................................... 174
4.3.1.4 Réserves récupérables de bitume ........................................................... 174
4.3.1.5 Coefficient d’autofinancement .............................................................. 175

10
4.3.2 RESULTATS D’ESTIMATION DES PARAMETRES ECONOMIQUES COUTS ET PRIX ... 175
4.3.2.1 Coût du capital ....................................................................................... 175
4.3.2.2 Coûts opératoires ................................................................................... 178
4.3.2.3 Trajectoires du prix de vente ................................................................. 181
4.3.3 ANALYSE DES RESULTATS DES SIMULATIONS RETROSPECTIVES ........................ 184
4.3.3.1 Trajectoires de production et d’investissement ..................................... 184
4.3.3.2 Evolution des coûts de production......................................................... 187
4.3.3.3 Evolution des flux de trésorerie ............................................................. 189
4.3.3.4 Degré d’intégration dans l’approvisionnement nord-américain à l’année
2005 191
Annexe 4.1 : Résolution d’un problème en programmation entière mixte par la procédure arborescente
branch and bound................................................................................................................................ 199
Annexe 4.2 : Notations des produits et unités de production du modèle d’offre linéaire ................... 203
Annexe 4.3 : Données de rendements techniques ............................................................................... 207
Annexe 4.4 : Equations de capacité par unité de production............................................................... 211
Annexe 4.5 : Méthodes d'estimation du taux d'actualisation............................................................... 213

CHAPITRE 5 : MODELISATION DE L'OFFRE EN PRESENCE D’INCERTITUDES .............. 217

5.1 STRUCTURE GENERALE DU MODELE D’OFFRE STOCHASTIQUE ....................................... 218


5.1.1 DESCRIPTION DU PROBLEME ............................................................................... 218
5.1.2 PRINCIPE D’OPTIMALITE ...................................................................................... 221

5.2 STRUCTURE DETAILLEE DU MODELE D’OFFRE STOCHASTIQUE ....................................... 222


5.2.1 INCERTITUDE SUR LE PRIX DE VENTE .................................................................. 222
5.2.2 DESCRIPTION DE LA FONCTION OBJECTIF ............................................................ 224
5.2.3 DIMENSIONNEMENT DU MODELE......................................................................... 226

5.3 SIMULATIONS RETROSPECTIVES DU MODELE D’OFFRE STOCHASTIQUE ......................... 227


5.3.1 PREMIER TEST DE CALIBRATION ET SURESTIMATION DES STRATEGIES
D’INVESTISSEMENT .......................................................................................................... 228
5.3.1.1 Fonction de coût initiale ........................................................................ 228
5.3.1.2 Résultats des simulations ....................................................................... 229
5.3.2 ACTION CORRECTIVE PAR PONDERATION DE LA FONCTION DE COUT ................. 231
5.3.2.1 Fonction de coût pondérée ..................................................................... 231
5.3.2.2 Résultats des simulations ....................................................................... 233
5.3.3 SIMULATIONS EN PRESENCE D’INCERTITUDES SUR LES PRIX .............................. 235
5.3.3.1 Elaboration des scénarios de prix de vente ............................................ 235
5.3.3.2 Analyse des résultats de simulation ....................................................... 237
Annexe 5.1 : Schématisation du principe de résolution du modèle d’offre stochastique .................... 240

PARTIE 3. ANALYSE PROSPECTIVE DE L'OFFRE PETROLIERE NON


CONVENTIONNELLE .......................................................................................................................... 241

CHAPITRE 6 : PARAMETRES ECONOMIQUES DE PROSPECTIVE ET SCENARIOS A


HORIZON 2050....................................................................................................................................... 243

6.1 ESTIMATION DES PARAMETRES ET SCENARIOS DU MODELE D’OFFRE TENDANCIELLE.. 244


6.1.1 ESTIMATION DU COUT DU CAPITAL ..................................................................... 245
6.1.2 ESTIMATION DES COUTS OPERATOIRES ............................................................... 249

11
6.1.3 ESTIMATION DES COUTS ENVIRONNEMENTAUX .................................................. 255
6.1.4 ESTIMATIONS DES TRAJECTOIRES TENDANCIELLES DE PRIX ............................... 259
6.1.5 SCENARIOS PROSPECTIFS ..................................................................................... 260

6.2 ESTIMATION DES PARAMETRES ET SCENARIOS DU MODELE D’OFFRE STOCHASTIQUE.. 267


6.2.1 ESTIMATION DE LA FONCTION DE COUT INITIALE DU SCENARIO DE REFERENCE267
6.2.2 ESTIMATION DES COUTS ENVIRONNEMENTAUX .................................................. 269
6.2.3 ESTIMATION DES TRAJECTOIRES DE PRIX EMPREINTS D’INCERTITUDE ............... 269
6.2.4 SCENARIOS PROSPECTIFS ..................................................................................... 271

CHAPITRE 7 : PROSPECTIVE DE L’OFFRE TENDANCIELLE ................................................. 273

7.1 RESULTATS PROSPECTIFS SOUS LE SCENARIO DE REFERENCE ........................................ 274


7.1.1 STRATEGIES PROSPECTIVES OPTIMALES DE PRODUCTION................................... 274
7.1.1.1 Filière de production minière intégrée................................................... 274
7.1.1.2 Filière de production in situ intégrée ..................................................... 275
7.1.2 CONSOMMATIONS EN EAU, GAZ NATUREL, UTILITES ET EMISSIONS DE CO2....... 277
7.1.2.1 Consommation en eau ........................................................................... 277
7.1.2.2 Consommation en gaz naturel ............................................................... 279
7.1.2.3 Consommation en utilités ...................................................................... 280
7.1.2.4 Emissions de CO2 .................................................................................. 282
7.1.3 ANALYSE DES COUTS DE PRODUCTION ................................................................ 283
7.1.3.1 Filière de production minière intégrée................................................... 283
7.1.3.2 Filière de production in situ intégrée ..................................................... 285

7.2 RESULTATS PROSPECTIFS SOUS LE SCENARIO ENVIRONNEMENTAL ............................... 287


7.2.1 IMPACT DU SYSTEME DE QUOTA D’EAU DOUCE PAYANT .................................... 288
7.2.2 IMPACT DES COUTS DE REHABILITATION ET DU SYSTEME DE
PROVISIONNEMENT .......................................................................................................... 291
7.2.3 IMPACT DES REGLEMENTATIONS DE REDUCTION DES GES ................................. 295
7.2.3.1 Instauration d’une taxe sur les émissions de CO2 .................................. 296
7.2.3.2 Arbitrage entre les alternatives « taxe CO2 » et « capture et stockage de
CO2 » 299
7.2.3.3 Impact du risque d’investissement dans l’alternative « capture et stockage
de CO2 » 303

7.3 INTEGRATION AU MARCHE DU RAFFINAGE NORD-AMERICAIN ........................................ 311


7.3.1 SCENARIO DE PRIX DE REFERENCE ...................................................................... 311
7.3.2 SCENARIO DE PRIX MAXIMUM ............................................................................. 312

7.4 ANALYSE COMPARATIVE AVEC LA LITTERATURE ............................................................ 314


7.4.1 SYNTHESE DES CAPACITES DE PRODUCTION ESTIMEES PAR SIMULATIONS
PROSPECTIVES .................................................................................................................. 314
7.4.2 ANALYSE COMPARATIVE AVEC LES PROJECTIONS DE LA LITTERATURE ............. 317

CHAPITRE 8 : PROSPECTIVE DE L’OFFRE EN PRESENCE D’INCERTITUDES .................. 325

8.1 ANALYSE DU SCENARIO DE REFERENCE ............................................................................ 326


8.1.1 PREMIER TEST DE SIMULATION ET SURESTIMATION DES STRATEGIES
D’INVESTISSEMENT IN SITU .............................................................................................. 327
8.1.1.1 Fonction de coût initiale ........................................................................ 327
8.1.1.2 Résultats des simulations ....................................................................... 328

12
8.1.2 ACTION CORRECTIVE PAR PONDERATION DE LA FONCTION DE COUT ................. 328
8.1.2.1 Fonction de coût pondérée ..................................................................... 328
8.1.2.2 Résultats des simulations ....................................................................... 328
8.1.3 IMPACT DE L’INCERTITUDE DES PRIX DE VENTE.................................................. 329
8.1.4 IMPACT DE LA VOLATILITE DES PRIX DE VENTE .................................................. 330

8.2 ANALYSE DU SCENARIO ENVIRONNEMENTAL ................................................................... 331


8.2.1 ABSENCE D’INCERTITUDE SUR LES REGLEMENTATIONS ENVIRONNEMENTALES 331
8.2.1.1 Réglementations environnementales certaines et prix de vente certains 331
8.2.1.2 Réglementations environnementales certaines et prix de vente incertains
333
8.2.2 INTRODUCTION D’INCERTITUDES SUR LES REGLEMENTATIONS
ENVIRONNEMENTALES ..................................................................................................... 335
8.2.2.1 Réglementations environnementales incertaines et prix de vente
tendanciels certains ............................................................................................... 335
8.2.2.2 Réglementations environnementales incertaines et prix de vente
probabilisés ........................................................................................................... 337
8.2.2.3 Réglementations environnementales incertaines et prix de vente volatils
339

CONCLUSION ........................................................................................................................................ 343

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................. 349

13
Table des notations

Acronymes :

AECO : Alberta Energy Company


ALE : Accord de Libre Echange
ALENA : Accord de Libre Echange Nord-Américain
AOSP : Albian Sands Energy inc.
API : American Petroleum Institute
BP : basse pression
C3C4 : coupe C3C4
CAPP : Canadian Association of Petroleum Producers
CERI : Canadian Energy Research Institute
CNPC : China National Petroleum Corporation
CNRL : Canadian Natural Resources Ltd
CO : Oxyde de Carbone
CO2 : Dioxyde de Carbone
CO2eq : Dioxyde de Carbone équivalent
CPU : Central Processing Unit
CSC : Capture et stockage du CO2
CSS : Cyclic-Steam-Stimulation (sables bitumineux)
CTL : Coal To Liquids
EIA : Energy Information Administration (US)
ERCB : Energy Resources Conservation Board
EUB : Energy and Utilities Board
FOB : free on board (sans coût de transport)
GES : gaz à effet de serre
GPL : Gaz de pétrole liquéfié

15
GTL : Gas To Liquids
H2S : Sulfure d’hydrogène
HP : haute pression
ICO2N : Integrated Carbon Dioxide Network
ICP : In situ Conversion Process (schistes bitumineux)
IPCC : Intergovernmental Panel of Climate Change
LTBR : taux de long terme des obligations d'Etat
MP : moyenne pression
NEB : National Energy Board
NETL : National Energy Technology Laboratory
NOx : Oxyde de Sodium
NYMEX : New York Mercantile Exchange
ONE : Office National de l’Energie (Canada)
ONGC : Oil and Natural Gas Corporation Limited
OPEP : Organisation des Pays Producteurs de Pétrole
PADD : Petroleum Administration for Defense Districts
PDVSA : Petroleos de Venezuela, S.A.
PDYN : Programmation Dynamique
PL : Programmation Linéaire
R&D : Recherche et Développement
RAM : Random Access Memory
SAGD : Steam-assisted Gravity Drainage (sables bitumineux)
SCO : Synthetic Crude Oil
SOx : Oxyde de Soufre
SO2 : Dioxyde de Soufre
VAN : Valeur Actuelle Nette
WEO : World Energy Outlook
WTI : West Texas Intermediate

16
Unités :

Unités SI (Système International) :

kg : kilogramme

Multiples et sous-multiples décimaux de l’unité :

Préfixe Symbole
-2
10 centi c
103 kilo k
106 mega M
109 giga G
1012 tera T

Unités hors SI (hors système international) :

t : tonne métrique = 103 kg


kt/an : milliers de tonnes par an
Mt/an : millions de tonnes par an
b : baril
kb : milliers de barils
Mb : millions de barils
Gb : milliards de barils
b/j : barils par jour
kb/j : milliers de barils par jour
Mb/j : millions de barils par jour
Gm3 : 109 m3
Tm3 : 1012 m3
kg/b : kilogramme par baril
cP : centipoise
Btu : British Thermal Unit
MBtu : millions de British Thermal Unit
GBtu : milliards de British Thermal Unit

17
kWh : kilowatt-heure
MWh : megawatt-heure
°API : degré API
ha : hectare
$US : dollar US
$CAN : dollar canadien
$/b/j : dollar par baril par jour

Notations générales :

t : période t
t0 : date initiale d’exploitation
T : date finale d’exploitation
k : indice de la technologie d’extraction (1=minière, 2=in situ)
z : indice de la technologie de production (M=minière, S=in situ, U=upgrading)
S 0 : stock de ressources disponibles à la date initiale t0

S 0 k : stock de ressources disponibles à la date initiale t0 récupérable par la technologie


d’extraction k
X t : production cumulée à la période t

X t (z ) : production cumulée à la période t par la technologie z

X t : niveau de production à la période t

X 't : dérivée par rapport au temps de la variable X t sur la période t

K t : investissement cumulé à la période t (exprimé en capacité installée)

K t : niveau d’investissement à la période t (exprimé en capacité installée)

K Dt : capacité de production déclassée à la période t


Ct(z): coût opératoire moyen à la période t de la technologie z
Cmt(z) : coût opératoire marginal à la période t de la technologie z
c( X t ) : coût d’extraction dépendant du niveau de production à la période t

c( X t , X t ) : coût d’extraction dépendant du niveau de production et de la production


cumulée à la période t

18
π ( X t ) : profit dépendant du niveau de production à la période t

π ( X t , X t ) : profit dépendant du niveau de production et de la production cumulée à la


période t
R( X t ) : revenu brut dépendant du niveau de production à la période t

R' ( X t ) : dérivée par rapport au temps du revenu brut dépendant du niveau de


production sur la période t
r : taux d’actualisation
x : indice de la méthode de calcul du taux d’actualisation
rx : taux d’actualisation calculé à partir de la méthode x
β t : facteur d’actualisation à la période t
pt : prix de la ressource à la période t

c f t : coût du capital à la période t

cv t : coût variable de production à la période t


PWTIt : prix du brut WTI à la période t
PSCOt : prix du brut synthétique (SCO) à la période t
VWTIt : volatilité annuelle du prix du WTI sur l’année t
PGNt : prix du gaz naturel à la période t
PGASOILt : prix du diesel à la période t
PNAPt : prix du naphta à la période t
IINSITUt : capacité de production in situ cumulée installée au cours de l’année t
Į : taux d’endettement (de l’entreprise)
tx : taux d’imposition
Cd : coût de la dette
Cp : coût des capitaux propres
F ( X 't , X t , t ) : fonctionnelle (équation d’Euler), dépendant de la variable X t et de sa

dérivée X 't définies sur la période t


Ȝ : multiplicateur de Lagrange
DUi : variable muette prenant la valeur 0 jusqu'à l'année i-1, puis 1 au delà
Di : variable muette prenant la valeur 1 pour l'année i, 0 sinon
Ii. : variable du problème en programmation entière mixte résolu par la procédure
arborescente branch and bound

19
Sj : sommet de l’arborescence (procédure branch and bound)
Fj : fonction objectif ou fonction d’évaluation (procédure branch and bound)
Pj : fonction problème dérivé (procédure branch and bound)

Synthèse des scénarios prospectifs du modèle tendanciel :


REF_pmin : scénario de Référence avec la trajectoire de prix minimum
REF_pref : scénario de Référence avec la trajectoire de prix de référence
REF_pmax : scénario de Référence avec la trajectoire de prix maximum
ENV_pref_qeau : scénario Environnemental intégrant un système payant d’allocations
en eau
ENV_pref_rehf, scénario Environnemental intégrant un système de provisionnement
des dépenses de réhabilitation en fin de vie des installations
ENV_pref_rehc, scénario Environnemental intégrant un système de provisionnement
des dépenses de réhabilitation au cours de la phase de production
ENV_pref_taxe : scénario Environnemental intégrant une taxe sur les émissions de CO2
liées aux nouvelles capacités de production en fonctionnement à partir de 2020
ENV_pref_CSC : scénario Environnemental intégrant le déploiement d’unités de
capture et stockage du CO2

Synthèse des scénarios prospectifs du modèle en programmation dynamique :


REF_pref’: scénario de Référence avec la trajectoire de prix de référence
REF_pprob : scénario de Référence avec les trois trajectoires de prix tendanciels
probabilisés
REF_pvoln : scénario de Référence avec la nième trajectoire de prix volatils
ENVdet_pref’: scénario Environnemental déterministe avec la trajectoire de prix de
référence
ENVdet_pprob : scénario Environnemental déterministe avec les trois trajectoires de prix
tendanciels probabilisés
ENVprob_pref’ : scénario Environnemental probabilisé avec la trajectoire de prix de
référence
ENVprob_pprob : scénario Environnemental probabilisé avec les trois trajectoires de prix
tendanciels probabilisés
ENVprob_pvoln : scénario Environnemental probabilisé avec la nième trajectoire de prix
volatils

20
Notations du modèle d’offre en programmation linéaire :

i : indice de l’unité de transformation


j : indice du produit
j1 : indice du produit hors produit intermédiaire
j2 : indice du produit intermédiaire
Ip : Ensemble des unités i de production hors production d’utilités
Iu : Ensemble des unités i dédiées à la production d’utilités
Ji : Ensemble des produits j utilisés dans l’unité i
Ju : Ensemble des utilités
xijt : variable de production du produit j en charge d’entrée de l’unité i sur la période t

x'ijt : variable de production du produit j en charge de sortie de l’unité i sur la période t

zit : variable de capacité de l’unité i sur la période t

α ij : rendement en produit j en charge de sortie de l’unité i (constant sur les périodes)

π t : profit à la période t
It : montant de l’investissement à la période t
ȜCA : coefficient maximum d'autofinancement sur le chiffre d’affaires
ANt : annuité constante du coût du capital à la période t
d : durée de vie économique des unités
bt : indice de la première année de la période t

nt : nombre d'années de la période t

Notations du modèle d’offre en programmation dynamique :

ȍ : ensemble des variables d’état


A : ensemble des variables d’action
E X : ensemble des variables d’état production cumulée
E K : ensemble des variables d’état capacité cumulée installée

21
DX : ensemble des variables d’action niveau de production

DK : ensemble des variables d’action niveau d’investissement

ωt = ( X t , K t ) : variable globale d’état

at = ( X t , K t ) : variable globale d’action


n : nombre de périodes
comp : complexité du modèle

E : nombre d’états possibles à chaque période

FT (ω , a ) : fonction objectif intertemporelle


f t (ωt , at ) : fonction objectif sur la période t associée à un état ωt et à une action at

Vt (ωt ) : valeur maximale de la fonction objectif sur la période t associée à un état Ȧt

a *t (ωt ) : stratégie optimale sur la période t associée à un état Ȧt

π s t (ωt , at , ps t ) : fonction de profit sur la période t associée à un état ωt , une stratégie


at et un scénario de prix pst
q : indice du produit pétrolier final (bitume ou pétrole brut synthétique)
pq t : prix du produit pétrolier q sur la période t

Pq t : distribution de la série de prix pq t

s : indice du scénario de prix


pqs t : scénario s du prix du produit pétrolier q sur la période t

pst : scénario s du prix du produit pétrolier final (exogène) sur la période t

M q t : moyenne de la série de prix du prix du produit pétrolier q

σ q t : écart-type de la série de prix du prix du produit pétrolier q

α q s : probabilité associée au scénario s du prix du produit pétrolier q

E X : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble E X

E K : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble E K

D X : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble D X

DK : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble DK

s : nombre de scénarios stochastiques du prix du produit pétrolier


Ȥ : matrice combinatoire

22
Table des tableaux

Tableau 1-1 : Tableau récapitulatif des réserves pétrolières non conventionnelles ..... 41
Tableau 1-2 : Synthèse des projets d’exploitation de pétrole extra-lourd au Venezuela
.................................................................................................................................................. 45
Tableau 1-3 : Tableau récapitulatif des projets CTL et GTL dans le monde ............... 52
Tableau 1-4 : Part de la production pétrolière non conventionnelle dans l’offre
mondiale en 2009 ..................................................................................................................... 53
Tableau 2-1 : Oléoducs actuels à l’échelle intra-Alberta ............................................. 75
Tableau 2-2 : Capacités du raffinage canadien et part des pétroles non conventionnels
dans l’approvisionnement des provinces en 2008 .................................................................... 77
Tableau 2-3 : Capacités du raffinage américain et part des pétroles non conventionnels
dans l’approvisionnement des PADD en 2005 ........................................................................ 79
Tableau 2-4 : Unités d’upgrading en opération dans la province d’Alberta ................ 84
Tableau 2-5 : Description des projets miniers en développement ou planifiés sur la
période 2010-2016 .................................................................................................................... 97
Tableau 2-6 : Description des projets in situ en développement ou planifiés sur la
période 2010-2020 .................................................................................................................... 98
Tableau 2-7 : Description des projets d’upgrading en développement ou planifiés sur
la période 2010-2016 ................................................................................................................ 99
Tableau 2-8 : Bilans en CO2 équivalent des filières pétrolières non conventionnelles et
conventionnelles ..................................................................................................................... 103
Tableau 2-9 : Consommation unitaire nette en eau en fonction de la technologie de
production............................................................................................................................... 106
Tableau 3-1 : Tests de racine unité des séries de prix PWTIt et PSCOt .......................... 137
Tableau 3-2 : Test de cointégration entre les séries ln(PWTIt) et ln(PSCOt) .................. 138
Tableau 3-3 : Test de Causalité au sens de Granger entre les séries ln(PWTIt) et
ln(PSCOt) .................................................................................................................................. 138
Tableau 4-1 : Contraintes et équations de bilans matière du modèle d’offre linéaire 169
Tableau 4-2 : Valeurs historiques du taux des obligations fédérales à long terme sur la
période 1996-2009 .................................................................................................................. 173
Tableau 4-3 : Coût des fonds propres du secteur non conventionnel canadien et de
compagnies pétrolières internationales sur la période 1996-2008 ......................................... 173
Tableau 4-4 : Valeurs du taux de change monétaire $CAN/$US sur la période 1980-
2005 ........................................................................................................................................ 174
Tableau 4-5 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des
projets miniers et miniers intégrés sur la période 1980-2005 (PL) ........................................ 177
Tableau 4-6 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des
projets in situ sur la période 1985-2005 (PL) ......................................................................... 177
Tableau 4-7 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés miniers,
période 1980-2005 (PL) ......................................................................................................... 180
Tableau 4-8 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés in situ,
période 1985-2005 (PL) ......................................................................................................... 180
Tableau 4-9 : Comparaison des prix observés et estimés pour les technologies minière
et minière intégrée, période 1980-2005 (PL) ......................................................................... 183

23
Tableau 4-10 : Comparaison des prix observés et estimés pour la technologie in situ,
période 1985-2005 (PL) ......................................................................................................... 183
Tableau 4-11 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
(PL)......................................................................................................................................... 185
Tableau 4-12 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ
(PL)......................................................................................................................................... 186
Tableau 4-13 : Estimation des coûts marginaux des produits pétroliers et prix FOB
observés sur les marchés Etats-Unis, Europe et Singapour ................................................... 193
Tableau 4-14 : Estimation des ratios coûts marginaux des produits pétroliers/prix du
Brent et ratios prix FOB/prix du Brent observés sur les marchés Etats-Unis, Europe et
Singapour ............................................................................................................................... 193
Tableau 4-15 : Comparaison des spécifications des approvisionnements pétroliers
observés et estimés agrégés par zone en 2005 ....................................................................... 194
Tableau 4-16 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2005 ................................................. 195
Tableau 4-17 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2005 195
Tableau 5-1 : Coût unitaire du capital minier correspondant au coût du capital estimé
en PL sur la période 1980-2005 ............................................................................................. 229
Tableau 5-2 : Coût unitaire du capital in situ correspondant au coût du capital estimé
en PL sur la période 1985-2005 ............................................................................................. 229
Tableau 5-3 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
sous le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN) ........................... 230
Tableau 5-4 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ
sous le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN) ........................... 231
Tableau 5-5 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ...................... 234
Tableau 5-6 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ
sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ...................... 235
Tableau 5-7 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie
minière sur la période 1980-2005........................................................................................... 236
Tableau 5-8 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie in
situ sur la période 1985-2005 ................................................................................................. 236
Tableau 5-9 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
en présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN) ....... 238
Tableau 6-1 : Coût du capital des filières de production minière et in situ intégrées
estimé pour les simulations prospectives (modèle tendanciel) .............................................. 249
Tableau 6-2 : Estimations des coûts opératoires fixes prospectifs pour les technologies
minière, in situ et d'upgrading................................................................................................ 253
Tableau 6-3 : Estimations des variables prix de vente des trois scénarios de Référence
(modèle tendanciel) ................................................................................................................ 261
Tableau 6-4 : Estimations des paramètres de coûts des trois scénarios de Référence
(modèle tendanciel) ................................................................................................................ 262
Tableau 6-5 : Synthèse des scénarios Environnementaux et des estimations des
paramètres de coûts environnementaux (modèle tendanciel)................................................. 266
Tableau 6-6 : Coût unitaire du capital, minier et in situ intégré, correspondant au coût
du capital estimé en PL sur la période 2005-2045 ................................................................. 268
Tableau 7-1: Estimations des consommations en eau des filières de production minière
et in situ intégrée sous le scénario de Référence .................................................................... 279

24
Tableau 7-2: Estimations des consommations en gaz naturel des filières de production
minière et in situ intégrée sous le scénario de Référence ....................................................... 280
Tableau 7-3 : Estimations des consommations en utilités des filières de production
minière et in situ intégrée sous le scénario de Référence (trajectoire de prix de référence) .. 282
Tableau 7-4 : Estimations des émissions de CO2eq associées aux filières de production
minière et in situ intégrée sous le scénario de Référence ....................................................... 283
Tableau 7-5 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en
fonction du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce (trajectoire de prix de
référence) ................................................................................................................................ 289
Tableau 7-6 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en
fonction du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce (trajectoire de prix de
référence) ................................................................................................................................ 290
Tableau 7-7 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en
fonction de la taxe CO2 (trajectoire de prix de référence)...................................................... 297
Tableau 7-8 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en
fonction de la taxe CO2 (trajectoire de prix de référence)...................................................... 298
Tableau 7-9 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en
fonction du coût de capture et stockage du CO2 (trajectoire de prix de référence) ................ 304
Tableau 7-10 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en
fonction du coût de capture et stockage du CO2 (trajectoire de prix de référence) ................ 306
Tableau 7-11 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2030 (scénario de prix de référence) 312
Tableau 7-12 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix de référence) ............................................................................................... 312
Tableau 7-13 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2030 (scénario de prix maximum)... 313
Tableau 7-14 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix maximum) .................................................................................................. 313
Tableau 7-15 : Synthèse des estimations des capacités de production cumulée de
bitume issues de sources publiques et des simulations prospectives à l’année 2030 ............. 321
Tableau 8-1 : Coûts opératoires non énergétiques de la filière de production in situ
intégrée estimés pour les simulations prospectives (modèle de programmation dynamique) 327
Tableau 8-2 : Impacts de l’incertitude réglementaire sur les stratégies prospectives
d’investissement dans la filière de production in situ intégrée (modèle stochastique) .......... 339

25
Table des figures

Figure 1-1 : Schéma des catégories de bruts lourds en fonction de la viscosité et de la


densité....................................................................................................................................... 38
Figure 1-2 : Distribution géographique des réserves de pétrole lourd, extra-lourd et de
bitume naturel dans le monde (source : Sanière, 2010) ........................................................... 41
Figure 2-1 : Evolution de l’intensité en capital des projets canadiens miniers sur la
période 1967-2003 (sources : Suncor, 2008a ; Humphries, 2008 (p.8-9); CAPP, 2008a) ....... 69
Figure 2-2 : Evolution des productions minière et in situ sur la période 1980-2004
(source : CAPP, 2009a) ............................................................................................................ 72
Figure 2-3 : Evolution du prix du bitume et du prix WTI spot sur la période 1986-2008
(sources : EIA, 2009a, 2009b) .................................................................................................. 73
Figure 2-4 : Evolution du différentiel de prix SCO/WTI et bitume/WTI sur la période
2002-2008 (sources : EIA, 2009a, 2009b) ............................................................................... 83
Figure 2-5 : Evolution de l’indice de coût CERA des projets pétro-gaziers amont et
aval sur la période 2000-2009 (données CERA) ...................................................................... 87
Figure 2-6 : Evolution de l’intensité en capital des projets miniers sur la période 2003-
2012 (sources : CAPP, 2008a, Reuters, 2009) ......................................................................... 89
Figure 2-7 : Evolution des coûts opératoires miniers de Suncor et Syncrude sur la
période 2002-2007 (sources : rapports financiers annuels des compagnies ; Syncrude, 2002-
2006 ; Suncor, 2004-2007a) ..................................................................................................... 91
Figure 2-8 : Evolution des coûts opératoires in situ de Suncor sur la période 2004-2008
(sources : rapports annuels de Suncor, 2004-2008b) ............................................................... 92
Figure 2-9 : Evolution du prix et de la volatilité annuelle du WTI (FOB spot, à
Cushing, Oklahoma) sur la période 1980-2010 (source : EIA, 2009a) .................................... 93
Figure 3-1 : Accroissements annuels des capacités de production non conventionnelle
in situ sur la période 1995-2008 (sources : rapports annuels des compagnies) ..................... 140
Figure 3-2 : Séries annuelles du prix du WTI (Cushing, terme à 12 mois) et de sa
volatilité sur la période 1995-2008 (source : Platt’s) ............................................................. 140
Figure 4-1 : Schéma des unités productives modélisées par filière............................ 166
Figure 4-2 : Simulations rétrospectives de la production minière sur la période 1980-
2005 (PL)................................................................................................................................ 185
Figure 4-3 : Simulations rétrospectives de la production in situ sur la période 1985-
2005 (PL)................................................................................................................................ 186
Figure 4-4 : Evolution des coûts de production simulés par technologie minière sur la
période 1980-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL) ................................................... 187
Figure 4-5 : Evolution des coûts de production simulés par technologie in situ sur la
période 1985-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL) ................................................... 187
Figure 4-6 : Evolution des flux de trésorerie liés à la production minière sur la période
1980-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL) ................................................................ 190
Figure 4-7 : Evolution des flux de trésorerie liés à la production in situ sur la période
1985-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL) ................................................................ 190
Figure 5-1 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-
2005, sous le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN) ................. 230
Figure 5-2 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005
sous le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN) ........................... 231

26
Figure 5-3 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-
2005, sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ............ 233
Figure 5-4 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005
sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ...................... 234
Figure 5-5 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-
2005 en présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN)
................................................................................................................................................ 237
Figure 6-1 : Evolution du coût du capital des projets miniers en fonction de la capacité
de production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group,
2010a ; Banque Mondiale, 2010) ........................................................................................... 246
Figure 6-2 : Evolution du coût du capital des projets in situ en fonction de la capacité
de production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group,
2010b ; Banque Mondiale, 2010) ........................................................................................... 246
Figure 6-3 : Evolution du coût du capital des projets d’upgrading en fonction de la
capacité de production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy
Group, 2010c ; Banque Mondiale, 2010) ............................................................................... 247
Figure 6-4 : Estimations du coût unitaire de capture et stockage du CO2 (sources :
IPCC, 2005 ; McKinsey, 2008 ; IFPEN, 2008 ; Tal, 2007 ; ICO2N, 2008) .......................... 258
Figure 6-5 : Scénarios prospectifs de prix du brut, période 2008-2045 (source : WEO,
2009)....................................................................................................................................... 260
Figure 6-6 : Exemples de trajectoires de prix volatiles générées (processus aléatoire),
période 2010-2045 .................................................................................................................. 271
Figure 7-1 : Stratégies prospectives optimales de production minière en fonction des
trajectoires du prix du brut sur la période 2005-2045 sous le scénario de Référence ............ 275
Figure 7-2 : Stratégies prospectives optimales de production in situ en fonction des
trajectoires du prix du brut sur la période 2005-2045 sous le scénario de Référence ............ 276
Figure 7-3 : Décomposition des coûts de production miniers, années 2010 et 2030 . 284
Figure 7-4 : Décomposition des coûts opératoires miniers, années 2010 et 2030 ..... 285
Figure 7-5 : Décomposition des coûts de production in situ, années 2010 et 2030 ... 286
Figure 7-6 : Décomposition des coûts opératoires in situ, années 2010 et 2030........ 286
Figure 7-7 : Impact d’une hausse des coûts de réhabilitation et du système de
provisionnement sur le profit net cumulé minier sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix
de référence) ........................................................................................................................... 293
Figure 7-8 : Evolution des dépenses de réhabilitation des sites miniers en fonction du
système de provisionnement sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence) .... 294
Figure 7-9 : Evolution des stratégies optimales de production minière en fonction de la
taxe CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence).................................... 297
Figure 7-10 : Evolution des stratégies optimales de production in situ en fonction de la
taxe CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence).................................... 298
Figure 7-11 : Evolution de l’investissement cumulé optimal dans la technologie
minière en fonction de l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ........................... 300
Figure 7-12 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur minier en fonction de
l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ................................................................ 301
Figure 7-13 : Evolution de l’investissement cumulé optimal dans la technologie in situ
en fonction de l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ........................................ 302
Figure 7-14 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur in situ en fonction de
l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ................................................................ 303
Figure 7-15 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le
profit net cumulé du secteur minier (trajectoire de prix de référence) ................................... 305

27
Figure 7-16 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le
profit net cumulé du secteur in situ (trajectoire de prix de référence) ................................... 308
Figure 7-17 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût
CO2 répercuté sur la production minière (trajectoire de prix de référence) ........................... 309
Figure 7-18 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût
CO2 répercuté sur la production in situ (trajectoire de prix de référence) .............................. 310
Figure 7-19 : Synthèse des estimations des capacités de production minière par
simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 ................................................. 315
Figure 7-20 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ par
simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources : résultats des simulations
prospectives)........................................................................................................................... 315
Figure 7-21 : Synthèse des estimations des capacités de production minière issues de
sources publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)............................................................................................... 318
Figure 7-22 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ issues de
sources publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)............................................................................................... 319
Figure 8-1 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045,
sous le scénario de prix de référence (premier test de simulation, PDYN)............................ 328
Figure 8-2 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045,
sous le scénario de prix de référence (après pondération, PDYN)......................................... 329
Figure 8-3 : Distribution de probabilités de l’investissement cumulé in situ sous
l’hypothèse de prix volatils (100 scénarios, cas de référence inclus) .................................... 330
Figure 8-4 : Investissement cumulé in situ en fonction de la taxe CO2 (mise en
application en 2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence .................................. 332
Figure 8-5 : Profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2 (mise en
application en 2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence .................................. 333
Figure 8-6 : Comparaison de l’investissement cumulé in situ en fonction de la taxe
CO2 (mise en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix
tendanciel de référence ........................................................................................................... 334
Figure 8-7 : Comparaison du profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2
(mise en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix
tendanciel de référence ........................................................................................................... 335
Figure 8-8 : Distribution de probabilité de l’investissement cumulé in situ en présence
de prix volatils, avec et sans incertitude réglementaire environnementale ............................ 341

28
Introduction

Depuis le début de son industrialisation en 1967, la production pétrolière issue de


ressources non conventionnelles représente une part croissante de l’approvisionnement
mondial. Sous l’effet d’une baisse progressive des coûts de production liée au progrès
technique, associé à un cours du brut soutenu, cette tendance s’est significativement accélérée
depuis le début des années 2000. Les ressources pétrolières non conventionnelles représentent
un intérêt stratégique pour les pays consommateurs. Leur potentiel de réserves est estimé à
5000 milliards de barils, ce qui est comparable aux réserves identifiées de pétrole
conventionnel restant aujourd’hui à développer. Elles présentent l’avantage supplémentaire
d’être largement réparties géographiquement, notamment dans certains grands pays
consommateurs, leur offrant un levier d’action pour réduire la forte concentration
géographique des réserves d’hydrocarbures et accroître leur indépendance énergétique.

Parmi les ressources d’hydrocarbures non conventionnels, regroupant les pétroles


lourds, les bitumes naturels, les schistes bitumineux ainsi que les technologies Gas to Liquids
(GTL) et Coal to Liquids (CTL), les réserves de bitume naturel canadien, localisées dans la
province de l’Alberta, offrent un potentiel particulièrement important. Hors réserves de
schistes bitumineux (encore trop coûteuses à exploiter et présentant un mauvais bilan
environnemental lors de leur production), les réserves de bitume naturel représentent 53% de
la totalité des réserves d’hydrocarbures non conventionnels. Parmi ces réserves identifiées de
bitume naturel, plus de 62% sont localisées au Canada, dans la province de l’Alberta, où elles
sont évaluées à 1650 milliards de barils. Déjà exploitées à l’échelle industrielle depuis 1967,
les technologies d’extraction actuelles permettraient de récupérer 175 milliards de barils de
bitume naturel, soit 10% des réserves identifiées au Canada. Selon la profondeur des
réservoirs, le bitume naturel peut être récupéré par techniques minières ou techniques
pétrolières in situ, avec injection de vapeur. Puis il peut être soit mélangé à un hydrocarbure
plus léger et directement valorisé au prix du bitume dilué, ou être transformé en brut
synthétique, plus léger et moins soufré, lors de l’étape d’upgrading, puis valorisé à un prix
proche de celui du West Texas Intermediate, le brut conventionnel de référence sur le marché
nord-américain.

29
En 2009, l’approvisionnement global en brut synthétique issu des filières de
production pétrolière non conventionnelle s’établissait à 2.8 millions de barils par jour (Mb/j),
soit 3.5% de l’approvisionnement pétrolier mondial à 79.9 Mb/j. La filière canadienne
d’extraction de bitume (minière et in situ) représentait plus de 54% de l’offre pétrolière non
conventionnelle, précédant les filières CTL et GTL (26%) et la filière d’extraction de brut
extra-lourd vénézuélien (20%). En particulier, la production de bitume par techniques
minières s’élevait à 1 Mb/j de brut synthétique, tandis que la production in situ atteignait 0.7
Mb/j de bitume.

Le développement de la filière non conventionnelle canadienne a été rythmé selon


deux phases distinctes, de 1980 à 2005 puis de 2005 à 2010. Au cours de la première période,
plusieurs facteurs réglementaires, économiques et géographiques, ont favorisé l’émergence de
la filière, validant sa profitabilité à l’échelle industrielle. En particulier, l’instauration d’un
cadre fiscal favorable aux producteurs d’hydrocarbure non conventionnel canadien, la
maîtrise progressive des coûts de production grâce au progrès technique et à la rationalisation
des procédés industriels, associé à un contexte de prix du brut relativement stable, ainsi que la
proximité géographique des sites de production avec le marché du raffinage américain,
desservi par un système de transport terrestre dédié, ont représenté les leviers essentiels.

Mais la dégradation du contexte économique, amorcée en 2005 et exacerbée par la


crise financière de 2008, a fortement ralenti le rythme de développement de la filière
canadienne. Les tensions observées depuis 2005 sur les marchés des matières premières et du
travail en Alberta ont fortement pesé sur les coûts de construction et les coûts opératoires,
tandis que la chute prolongée du cours du brut fin 2008-début 2009 a pénalisé la rentabilité
des projets d’extraction. Enfin, les conséquences de la crise financière de 2008, alliant une
contraction de la demande pétrolière américaine et un durcissement des conditions d’emprunt,
ont empêché le démarrage des plans de relance, aboutissant à la suspension ou au report de
plus de 50% des projets initialement planifiés sur la période 2009-2010.

Malgré la reprise économique progressive, l’inertie des plans de relance du secteur


non conventionnel reste forte et semble être en partie liée à la difficulté pour les producteurs
d’anticiper l’évolution des paramètres économiques tels que les coûts ou les prix, empreints
d’incertitude. L’application d’un nouveau système de royalties, flexible en fonction du prix du

30
brut mais avec des taux effectifs plus élevés, et un éventuel durcissement du cadre
réglementaire environnemental, pour pénaliser la filière non conventionnelle fortement
émettrice de gaz à effet de serre et consommatrice d’eau douce, pourrait également ralentir le
futur rythme de développement. L’ensemble de ces éléments d’analyse économique est
détaillé dans le chapitre 2.

Cette analyse approfondie pose alors la question du potentiel de développement de la


filière canadienne non conventionnelle à moyen-terme, compte tenu des nombreuses
incertitudes sur les coûts ou les prix futurs ainsi que sur le cadre réglementaire. Pour répondre
à cette problématique, une revue de littérature sur la théorie des ressources épuisables et la
théorie de la décision d’investissement a été effectuée afin de déterminer les facteurs
théoriques d’impact sur la décision d’investissement et les stratégies optimales de production
et d’investissement en découlant, en l’absence ou en présence d’incertitude. Enfin, une
analyse critique des déterminants de l’investissement et de la méthodologie de modélisation
de certains paramètres économiques clés a permis de valider notre cadre d’analyse reposant
sur l’élaboration de deux modèles de décision d’investissement incrémental basés sur
l’optimisation d’une fonction objectif sous contraintes, en programmation linéaire et
dynamique respectivement. La revue de littérature fait l’objet du chapitre 3.

Le premier modèle d’investissement est basé sur la maximisation de la fonction de


profit des producteurs d’hydrocarbure non conventionnel, en programmation linéaire
dynamique, sous contraintes techniques, de capacité, de stock de ressources, de budget et
fiscales. Il permet de déterminer les trajectoires optimales d’investissement et de production
de ces producteurs en fonction de divers scénarios économiques déterministes. Sa description
mathématique détaillée et sa calibration à partir de simulations rétrospectives sont présentées
dans le chapitre 4.

Le second modèle d’investissement, basé sur la programmation dynamique, repose sur


une spécification simplifiée du problème car il n’intègre pas toutes les contraintes du modèle
d’offre linéaire. Cette limite est en partie liée au fait que la méthode de résolution repose sur
un processus markovien reliant uniquement les états de deux périodes successives. En
revanche, sa construction permet d’introduire aisément des scénarios économiques
déterministes ou stochastiques. Ce second modèle apparaît alors complémentaire du premier,

31
puisqu’il permet de simuler le comportement d’investissement optimal des producteurs en
présence d’incertitude sur les prix de vente. Le chapitre 5 est consacré à sa description
mathématique détaillée et à sa calibration à partir de simulations rétrospectives.

Enfin, l’analyse prospective du développement de la filière non conventionnelle


canadienne a été menée à partir de scénarios élaborés de manière à pouvoir quantifier en
particulier l’impact de réglementations environnementales plus contraignantes, déterministes
ou probabilisées, et l’impact de la volatilité des prix et de leur incertitude, sur la décision
optimale d’investissement. Un scénario de Référence à horizon 2050 a été construit en
supposant une évolution des paramètres économiques dans le prolongement du contexte
actuel sans rupture majeure (tensions limitées sur les marchés de la construction et des
services parapétroliers, absence de progrès technique). En particulier, nous avons considéré
une croissance progressive du coût du capital sous l’hypothèse d’absence de relâchement
majeur sur le marché des matières premières, des coûts opératoires non énergétiques stables et
des coûts énergétiques corrélés au prix du brut suivant un équilibre de long-terme.

Un second scénario Environnemental à horizon 2050, incluant des coûts


environnementaux supplémentaires, a également été élaboré. Plusieurs déclinaisons de ces
scénarios, en fonction de la réglementation environnementale ou des trajectoires de prix du
brut considérées, ont été testées. Les réglementations environnementales suivantes ont été
envisagées: la mise en application d’un système d’allocations en eau payant au delà d’un
quota fixé à partir de 2020 ; l’instauration d’un système annuel plus contraignant de
provisionnement des dépenses de réhabilitation en cours de production, proportionnellement à
la surface exploitée ; l’introduction d’une taxe sur les émissions de CO2 au-delà d’un quota
fixé liées aux nouvelles capacités mises en production à partir de 2020 ; et enfin le
déploiement d’unités de capture et de stockage du CO2 comme alternative au paiement d’une
taxe CO2 à partir de 2020.

Les trajectoires prospectives de prix du brut ont été déterminées comme suit. Trois
scénarios tendanciels, minimum, de référence et maximum, ont été élaborés à partir des
projections de l’Agence Internationale de l’Energie (World Energy Outlook, 2009). Ces
projections ont été évaluées à partir d’hypothèses macro-économiques distinctes
(respectivement croissance économique mondiale faible et contraction de la demande

32
pétrolière ; croissance économique moyenne et tensions intermédiaires sur l’équilibre offre-
demande pétrolière; forte croissance économique et fort déséquilibre offre-demande). Des
scénarios de prix volatils ont également été générés selon un processus aléatoire basé sur une
analyse économétrique, suivant une tendance de long-terme de référence.

Les simulations suivantes ont enfin été lancées. L’impact de nouvelles réglementations
environnementales déterministes sur la trajectoire prospective optimale de développement de
la filière canadienne a été déterminé à partir de plusieurs analyses comparatives. La première
a été effectuée à partir des résultats de simulation obtenus avec le modèle linéaire, sous le
scénario de Référence ou sous les différentes déclinaisons du scénario Environnemental, en
considérant les scénarios de prix tendanciels déterministes. La seconde a été menée à partir
des résultats de simulation du modèle de programmation dynamique, sous le scénario de
Référence ou Environnemental (sous une unique déclinaison réduite à l’introduction d’une
taxe CO2), en présence de prix tendanciels déterministes ou probabilisés.

L’impact de la volatilité des prix futurs a été déterminé à partir d’une analyse
comparative des résultats de simulation obtenus avec le modèle de programmation
dynamique, sous le scénario de Référence, en présence de prix tendanciels de référence ou
volatils. L’impact de l’incertitude des prix futurs a été déterminé à partir d’une analyse
comparative des résultats de simulation obtenus avec le modèle de programmation
dynamique, sous le scénario de Référence en présence de prix tendanciels de référence ou
probabilisés. Enfin, l’impact de l’incertitude des réglementations futures a été déterminé à
partir d’une analyse comparative des résultats de simulation obtenus avec le modèle de
programmation dynamique, sous des scénarios de taxe CO2 déterministes ou stochastiques, en
présence de scénarios de prix déterministes, probabilisés ou volatils. L’élaboration des
scénarios prospectifs est détaillée dans le chapitre 6. Les résultats des simulations
prospectives obtenus avec le modèle linéaire sont présentés dans le chapitre 7, tandis que les
résultats des simulations prospectives obtenus avec le modèle de programmation dynamique
font l’objet du chapitre 8.

33
Partie 1. Place des ressources non
conventionnelles dans l'équilibre
mondial offre-demande de pétrole

35
Chapitre 1 : Evolution de l’équilibre
offre-demande de pétrole

Les ressources pétrolières non conventionnelles, regroupant les pétroles lourds, les
bitumes naturels, les schistes bitumineux ainsi que les technologies Gas to Liquids (GTL) et
Coal to Liquids (CTL), prennent une place de plus en plus importante dans l’équilibre
mondial offre-demande de pétrole. Le contexte pétrolier actuel, caractérisé par une forte
concentration géographique des réserves d’hydrocarbures conventionnels, un cours du brut
soutenu et le spectre d’une pénurie de l’offre conventionnelle, a contribué au développement
récent des filières de production non conventionnelle.

Le potentiel des ressources pétrolières non conventionnelles est gigantesque puisque


les réserves identifiées de pétrole lourd et bitume naturel, estimées à 5000 milliards de barils
(Gb), sont comparables aux réserves identifiées de pétrole conventionnel restant aujourd’hui
en terre (IFPEN, 2005). Les ressources non conventionnelles présentent l’avantage
supplémentaire d’être largement réparties géographiquement, notamment dans certains grands
pays consommateurs. Néanmoins, les filières de production non conventionnelle présentent
des rendements énergétiques inférieurs aux technologies conventionnelles, des mauvais bilans
environnementaux et des coûts de production élevés. Ce premier chapitre est consacré à la
présentation des ressources pétrolières non conventionnelles et de leurs techniques de
production. Après une description de leurs caractéristiques physico-chimiques, nous
présentons un état des lieux sur l’évaluation des réserves non conventionnelles et leur
localisation ainsi que sur le développement industriel des filières productives. Nous
présentons également brièvement le bilan environnemental associé à ces technologies.

36
Malgré la part marginale des ressources non conventionnelles dans l’offre pétrolière
mondiale à l’heure actuelle, cette première analyse permet de mettre en évidence le rôle
majeur qu’elles pourraient jouer dans le rééquilibrage géographique de l’offre pétrolière et des
pouvoirs de marché, face à la concentration géographique des ressources conventionnelles au
Moyen-Orient. Enfin, les résultats de ce premier chapitre permettent de valider notre choix
méthodologique, en nous limitant à un cas d’application pour répondre à la problématique de
thèse : la filière canadienne d’extraction de bitume.

1.1 Un intérêt stratégique en termes de réserves

L’offre pétrolière non conventionnelle se réfère à l’exploitation de ressources


pétrolières non conventionnelles ainsi qu’à la production issue des technologies de
transformation du gaz naturel ou du charbon en carburants liquides : les technologies Gas to
Liquids (GTL) et Coal to Liquids (CTL). Les ressources pétrolières non conventionnelles
regroupent les pétroles lourds et les schistes bitumineux.

Le pétrole lourd résulte de l'oxydation bactérienne de brut conventionnel piégé à


l'intérieur de réservoirs rocheux. Les caractéristiques physico-chimiques des pétroles lourds
sont généralement dégradées par rapport à celles des pétroles conventionnels, avec une
viscosité plus élevée et des teneurs plus importantes en métaux lourds, soufre et azote. Leur
exploitation nécessite alors d'utiliser des technologies spécifiques de production et de
transport.

Différentes catégories de pétroles lourds sont définies à partir de leur densité. Les
bruts lourds présentent un degré API1 compris entre 10 et 22. Les bruts extra-lourds
présentent un degré API inférieur à 10 et une viscosité inférieure à 10000 centipoises (cP)
dans les conditions de réservoirs. Les bitumes naturels, également appelés sables asphaltiques
ou sables bitumineux pour ceux localisés au Canada, ont un degré API inférieur à 10 et une
viscosité supérieure à 10000 cP dans les conditions de réservoirs. Un schéma des différentes
catégories de bruts lourds en fonction de la viscosité et de la densité est présenté dans la figure
1-1.

1
Le degré API est une mesure définie par l'American Petroleum Institute, inversement proportionnelle à
la densité.

37
Densité

20 °API
Bruts lourds
10 °API

Bruts extra-lourds Bitumes naturels

< 10 000 cp Viscosité > 10 000 cp

Figure 1-1 : Schéma des catégories de bruts lourds en fonction de la viscosité et de la densité

Les schistes bitumineux sont constitués par un mélange de matière minérale et


organique, le kérogène, source énergétique potentielle mais dont la transformation est
incomplète. Des procédés énergétiques permettent de transformer le kérogène en huile ou gaz
de synthèse.

Les réserves identifiées de bitume naturel sont estimées entre 2200 et 3700 milliards
de barils (Sanière et Lantz, 2007), tandis que les réserves identifiées de pétrole extra-lourd et
pétrole lourd au sens strict sont évaluées à 1350 et 1000 milliards de barils (USGS, 2003). En
revanche, l’estimation des réserves de schistes bitumineux est encore peu précise et
nécessiterait des forages exploratoires et un travail analytique plus poussés. Les réserves
identifiées de schistes bitumineux sont actuellement estimées autour de 7000 milliards de
tonnes, soit entre 2600 et 4400 milliards de barils de pétrole équivalent selon les sources
d’informations consultées (Sanière et Lantz, 2007).

Les réserves identifiées de pétrole non conventionnel hors schistes bitumineux sont
estimées en moyenne à 5000 milliards de barils, analogues aux réserves identifiées de pétrole
conventionnel restant en terre, égales à 6000 milliards de barils (Sanière et al., 2005). Les
réserves de bitume naturel, pétrole extra-lourd et pétrole lourd au sens strict représentent en
moyenne respectivement 53%, 20% et 27% des réserves non conventionnelles.

1.1.1 Bitume naturel

Plus de 62% des réserves identifiées de bitume naturel sont localisées au Canada, dans
la province de l’Alberta, où elles sont évaluées à 1650 milliards de barils (Sanière, 2010). Des

38
réserves de plus petites tailles ont également été identifiées dans le monde, principalement en
Asie, en Russie, au Venezuela et aux Etats-Unis.

Selon les estimations du Energy Resources Conservation Board (ERCB, 2011), les
technologies d’extraction actuelles permettraient de récupérer 175 milliards de barils de
bitume naturel, soit 10% des réserves identifiées au Canada. 18% (32 Gb) des réserves
canadiennes récupérables sont enfouies à moins de 75 mètres de profondeur et peuvent être
exploitées par des techniques minières. 82% (146 Gb) nécessitent des technologies pétrolières
d’exploitation. Ces réserves non conventionnelles sont considérables et largement supérieures
aux réserves conventionnelles récupérables en Alberta, de l'ordre de 1.6 milliards de barils
(ERCB, 2007). En considérant des technologies anticipées, près de 300 milliards de barils de
bitume naturel pourraient être ultimement récupérables au Canada. Le volume récupérable de
bitume naturel hors du Canada est estimé entre 90 et 130 milliards de barils (Sanière et Lantz,
2007).

1.1.2 Pétrole extra-lourd

Selon le United States Geological Survey (USGS, 2003), près de 90% des réserves
identifiées de pétrole extra-lourd sont localisées au Venezuela, dans la ceinture de
l’Orénoque, dont le potentiel est évalué à 1200 milliards de barils. De plus petits volumes de
brut extra-lourd ont également été identifiés en Equateur (5 Gb), en Iran (8 Gb), en Italie (1.5
Gb) et en Russie.

Sous les technologies et prix actuels, 3% des réserves identifiées au Venezuela (36
Gb) sont récupérables. En considérant des technologies anticipées, 20% (240 Gb) pourraient
être ultimement récupérables.

1.1.3 Schistes bitumineux

Environ 70% des réserves identifiées de schistes bitumineux sont concentrées aux
Etats-Unis et 14% en Russie. De plus petits volumes ont été localisés au Zaïre, au Brésil et en
Italie. Aucune donnée de taux de récupération de l’huile contenue dans les schistes n’est

39
disponible puis qu’il dépend de la profondeur des réservoirs et des procédés d’extraction
utilisés.

1.1.4 Technologies GTL et CTL

Les technologies GTL et CTL permettent de convertir du gaz naturel ou du charbon en


produits pétroliers (en majorité du diesel, du kérosène, du naphta et des paraffines). Pour avoir
une idée du potentiel théorique de réserves pour la technologie GTL, une sélection des pays
concernés a été obtenue à partir des critères suivants : pays possédant plus de 200 Gm3 de
réserves prouvées de gaz naturel, soit quatre fois la quantité minimale consommée pour une
installation de 20000 b/j (sur une durée de vie de 25 ans) ; pays ayant un ratio réserves sur
production supérieur à 25 ans ; et enfin les pays autonomes ou exportateurs de gaz naturel. Le
potentiel pour la technologie GTL ainsi obtenu atteint 161 Tm3 et correspond à 73 % des
réserves actuelles de gaz. 44.6% des volumes sont localisés au Moyen-Orient, en particulier
en Iran et au Qatar. 35% sont localisés en ex-URSS, majoritairement en Russie. D’autres
volumes sont disponibles en Afrique (8%), en particulier au Nigéria et en Algérie, en Asie
(6.5%), majoritairement en Indonésie et Australie et enfin en Amérique du Sud et dans une
faible proportion en Europe.

Les réserves mondiales de charbon sont très importantes et plus dispersées que les
réserves de pétrole et gaz naturel. Selon le Conseil Mondial de l’Energie, les réserves
prouvées de charbon fin 2005 étaient estimées à 909 milliards de tonnes, dont 33% sont
localisées en Asie Pacifique, 32% en Europe et ex-URSS, 28% en Amérique du Nord, 5.5%
en Afrique et Moyen-Orient et 2.2% en Amérique Centrale et du Sud. L’inquiétude
concernant la sécurité des approvisionnements en charbon est moindre que celle portant sur
l’offre pétrolière et gazière, puisque la taille des réserves de charbon n’est pas considérée
comme le facteur limitant pour continuer à satisfaire une part considérable de la demande
mondiale en énergie primaire (dont plus de 65% destiné à l’approvisionnement électrique) et
fournir une ressource de base pour la production de carburants par technologie CTL.

Le tableau 1-1 présente un récapitulatif des réserves pétrolières non conventionnelles


mondiales, tandis que la figure 1-2 schématise la distribution géographique des réserves de
pétrole lourd, extra-lourd et de bitume naturel dans le monde.

40
Tableau 1-1 : Tableau récapitulatif des réserves pétrolières non conventionnelles

Type de ressources Taille des réserves


non conventionnelles
Gb
Pétrole lourd 1000
Pétrole extra-lourd 1350
Bitume naturel 2200-3700
Schistes bitumineux 2600-4400
Potentiel de réserves
CTL 909 Gt
GTL 161 Tm3
Sources : Sanière et al., 2005 ; USGS, 2003 ; Sanière et Lantz, 2007

Canada
1 650 Gb Europe
18 Gb CEI
USA > 300
75 Gb

300 Gb Afrique Asie


Mexique
Venezuela > 76 Gb 314 Gb
125 Gb
1 200 Gb Moyen
Orient
216 Gb
Autres Lourds
70 Gb 1000

Bitumes Extra lourds


2 650 1350

Figure 1-2 : Distribution géographique des réserves de pétrole lourd, extra-lourd et de bitume
naturel dans le monde (source : Sanière, 2010)

1.2 Développement industriel des filières de


production

Certaines filières de production non conventionnelle ont d’ors et déjà atteint le stade
de développement industriel, telles que les filières d’extraction de bitume naturel ou de brut
extra-lourd. La filière GTL a également amorcé sa phase d’industrialisation mais doit encore
prouver sa viabilité technique et économique pour des installations de grande capacité. Enfin,

41
l’extraction des schistes bitumineux et la filière CTL, excepté quelques applications CTL
industrielles en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et en Afrique du Sud sous
embargo entre 1955 et 1980, sont encore en cours de développement et démonstration. Leurs
rendements énergétiques ainsi que leurs bilans environnementaux devront être améliorés
avant d’envisager un déploiement industriel.

1.2.1 Filière canadienne d’extraction de bitume

Les projets d’exploitation de bitume naturel sont principalement localisés au Canada.


L’année 1967 marque le début de l’industrialisation de la filière de production canadienne
dans le bassin sédimentaire de l’Ouest Canadien, dans la province de l’Alberta. Le premier
projet minier fut lancé par la compagnie canadienne Suncor, suivi par la joint-venture
canadienne Syncrude en 1978. Le développement de la filière minière s’est poursuivi avec
plusieurs projets d’extension de capacité menés par les acteurs historiques et le démarrage de
projets opérés par de nouveaux acteurs du marché pendant la décennie 2000, tels que le
consortium Albian Sands Energy et la compagnie Canadian Natural Resources Ltd (CNRL).
En 2009, la production minière atteignait 1 million de barils par jour (Mb/j) de brut
synthétique.

Le développement industriel des technologies pétrolières d’extraction in situ (dans la


formation géologique) a débuté dans les années 1980. La compagnie Imperial Oil a opéré le
premier projet in situ en 1987, suivi par Murphy Oil, Shell, Suncor, BP et Petro-Canada. En
2001, la commercialisation de la nouvelle technologie d’extraction in situ SAGD (Steam-
Assisted-Gravity Drainage) a accéléré le développement de la filière in situ, grâce à
l’amélioration du taux de récupération et à la réduction des coûts de production. Sur la
décennie 2000, le nombre d’acteurs et de projets s’est multiplié, augmentant la production in
situ de 0.3 Mb/j de bitume en 2000 à 0.7 Mb/j en 2009. Une description détaillée des
technologies de production est disponible dans l’annexe 1.1 de ce chapitre.

Le coût du capital des projets miniers a fortement augmenté au cours des années 2000
et est actuellement estimé entre 80000 et 100000 $CAN/b/j (~75000 et 94000 $US/b/j ; à
partir du taux de change annuel moyen 2008, donnée Banque du Canada). Bénéficiant d’effets
d’échelle, l’extraction minière est souvent intégrée à l’étape de transformation du bitume en

42
pétrole synthétique (upgrading) nécessitant d’importants investissements. Le brut synthétique
est généralement fabriqué à partir d’unités de cokéfaction et d’hydrotraitement et se
caractérise par une densité comprise entre 29 et 36 °API et une faible teneur en soufre,
comprise entre 0.1 et 0.2%. Il est ensuite valorisé comme charge d’entrée des raffineries
classiques. La phase d’upgrading produit également de larges quantités de coke de pétrole,
parfois difficilement valorisables selon les conditions de marché.

Les capacités de production des projets in situ sont généralement inférieures à celles
des projets miniers, rendant la construction d’unités d’upgrading dédiées économiquement
injustifiée. Dans la majorité des projets, le bitume est mélangé avec un hydrocarbure plus
léger et moins visqueux (diluant) et valorisé comme bitume dilué, avec un degré API autour
de 21 et une teneur en soufre comprise entre 2 et 4%. Deux projets in situ incluent néanmoins
une unité d’upgrading : le projet Firebag de Suncor et le projet Long Lake de Nexen/Opti.
L’intensité en capital d’un projet in situ non intégré est actuellement estimée entre 15000 et
35000 $CAN/b/j (~14100 et 33000 $US/b/j).

D’autre part, le bilan environnemental des filières d’extraction de bitume est médiocre,
en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et autres polluants, de consommation en
eau, ou de risque de contamination des sols par les eaux résiduaires usées. Les émissions de
CO2 équivalent liées à la filière minière intégrée à l’étape d’upgrading sont estimées en
moyenne à 89 kg de CO2/b de bitume extrait, tandis que celles liées à l’extraction in situ sont
estimés à 84 kg/b (estimation détaillée dans le paragraphe 2.3.2.1). Elles sont ainsi deux fois
supérieures aux émissions de CO2 liées aux filières de production conventionnelle, estimées à
43 kg/b (Plouchard, 2001 ; Charpentier, 2009).

Plus de 25 nouveaux projets miniers et in situ avaient été annoncés entre 2004 et 2008,
dans un contexte de prix du brut particulièrement soutenu et auraient eu pour effet
d’augmenter la production de brut synthétique à 2.1 Mb/j et la production de bitume dilué à
1.1 Mb/j en 2015. Cependant, la crise financière de 2008 a considérablement freiné le
développement des deux filières, avec la suspension de nombreux projets planifiés. Malgré un
relâchement des tensions sur les secteurs de l’ingénierie et de la construction, la diminution du
coût des projets n’a pas été aussi importante qu’escomptée, ne permettant pas de

43
contrebalancer la chute du cours du brut observée fin 2008 et début 2009 ainsi que la hausse
du coût des financements liée à un durcissement des conditions d’emprunt.

1.2.2 Filière vénézuélienne d’extraction de brut extra-lourd

La totalité des projets industriels actuels de production de brut extra-lourd est localisée
dans la ceinture d’Orénoque, au Venezuela. Aucun autre projet d’exploitation n’a été signalé
dans un autre pays.

Les bruts extra-lourds sont extraits par des techniques de récupération à froid
(dépressurisation naturelle dans le réservoir) par forages horizontaux, permettant d’atteindre
des taux de récupération compris entre 5 et 10%. Ces méthodes de production non
conventionnelle sont les plus rentables actuellement et les moins polluantes, puisqu’elles ne
nécessitent pas d’eau, de gaz naturel ou autres matières premières. Les coûts opératoires de
production à froid sont estimés entre 5 et 7 $US/b (Sanière et al., 2005; Cupcic, 2003). Les
bruts extra lourds sont ensuite transformés en brut synthétique dans des unités d’upgrading,
pour améliorer leur densité et réduire leur teneur en soufre et métaux lourds, puis valorisés en
tant qu’input des raffineries lourdes ou medium. Des co-produits (soufre, coke de pétrole),
parfois difficilement valorisables selon les conditions de marché, sont également produits en
grande quantité.

La mise en place d’un système avantageux de concession et de taxe (longue durée des
contrats de développement entre 25 et 30 ans, taux de royalties à 1%) par le gouvernement
vénézuélien à la fin des années 1990 a favorisé les partenariats entre des compagnies
pétrolières internationales et la compagnie vénézuélienne nationale PDVSA, visant à
proposer, étudier puis exploiter des projets intégrés. Quatre projets industriels historiques ont
été lancés et sont toujours en fonctionnement :

- Plus important projet d’extraction de brut extra-lourd (réserves estimées à 2.5


milliards de barils), Petro Cedeno (anciennement Sincor) est cogéré par PDVSA
(60% de participation suite à la transformation du partenariat en entreprise mixte),
Total (30.3%) et Statoil (9.7%). L’investissement s’élève à 4.2 milliards de dollars.
En fonctionnement depuis 2000, la production s’élève à 180000 b/j.

44
- Le projet Petro Anzoategui (anciennement Petrozuata) est opéré et détenu à 100%
par PDVSA. L’investissement s’élève à 4.8 milliards de dollars. En
fonctionnement depuis 1998, la production s’élève à 105000 b/j.

- Le projet Petro Piar (anciennement Hamaca) est opéré par Chevron (30%) et
PDVSA (70%). L’investissement s’élève à 4.4 milliards de dollars. En
fonctionnement depuis 2001, la production s’élève à 180000 b/j.

- Enfin, le projet Petro Monagas (anciennement Cerro Negro) est une joint-venture
entre BP (16.7%) et PDVSA (83.3%). L’investissement s’élève à 1.8 milliards de
dollars. En fonctionnement depuis 2000, la production s’élève à 120000 b/j.

Tous ces projets incluent une étape d’extraction à froid, une étape de transport par
dilution dans un système d’oléoducs relié à l’upgrader San José, situé sur la côte et une étape
d’upgrading. Deux projets transforment le brut extra-lourd en un brut synthétique de 26 et
32°API (Petro Piar et Petro Cedeno), qui peut être exporté et utilisé comme charge d’entrée de
raffineries medium. Dans les deux autres projets, le brut extra-lourd n’est que partiellement
upgradé avant d’être exporté vers des raffineries américaines dotées d’unités de conversion
profonde. L’intensité en capital de ces projets varient entre 20000 et 45000 $US/b/j selon
l’option d’upgrading, soit entre 6 et 13 $US/b de produit. Le coût de production s’établit ainsi
entre 11 et 20 $US/b. Fonctionnant actuellement à pleine capacité, la production cumulée des
quatre projets atteignait 585000 b/j de brut synthétique en 2009. La description des projets
d’exploitation de pétrole extra-lourd est synthétisée dans le tableau 1-2.

Tableau 1-2 : Synthèse des projets d’exploitation de pétrole extra-lourd au Venezuela

Projet d'exploitation de pétrole Capacité de Date de démarrage Qualité du brut synthétique Investissement
extra-lourd (ancien nom) production
kb/j ° API M$US
Petro Cedeno (Sincor) 180 2000 32 4.2
Petro Anzoategui (Petrozuata) 105 1998 19-25 4.8
Petro Piar (Hamaca) 180 1998 26 4.4
Petro Monagas (Cerro Negro) 120 2001 16 1.8
(Tableau de l’auteur)

45
Le bilan environnemental de la filière de production à froid est similaire au bilan lié à
la production conventionnelle. Les quantités de CO2 équivalent émises lors de l’extraction et
de l’upgrading des bruts extra-lourds sont estimées à 45 kg/b (Plouchard, 2001).

Malgré l'attractivité économique de ces projets, on assiste depuis l’accession de M.


Chavez au gouvernement à une fermeture progressive des réserves envers les compagnies
internationales. Les projets ont été partiellement nationalisés, à travers la transformation des
joint-ventures historiques en sociétés mixtes avec une participation minimale de PDVSA fixée
à 60%. Le gouvernement vénézuélien privilégie également le développement de partenariats
industriels « Sud-Sud » avec certaines compagnies nationales (ONGC en Inde, CNPC en
Chine, Petropars en Iran, Petrobras au Brésil).

Par ailleurs, le plan stratégique de PDVSA publié en 2006 appelait à des


investissements supplémentaires de 15 milliards de dollars sur la période 2006-2012 pour
augmenter la production de brut extra-lourd à 1.2 Mb/j. La première phase du plan implique
un travail à grande échelle de quantification et certification des ressources vénézuéliennes,
afin de négocier avec les partenaires internationaux de PDVSA une nouvelle obligation
d’atteindre un taux de récupération minimum de 20%. Les compagnies internationales
devront accepter d’investir dans des technologies plus coûteuses, similaires à celles utilisées
pour l’extraction de bitume naturel, ou se retirer des projets.

1.2.3 Extraction des schistes bitumineux : filière au stade de


démonstration

Les schistes bitumineux sont extraits par techniques minières et peuvent être utilisés
directement comme combustibles pour les centrales électriques ou transformés en brut
synthétique. Par le passé de nombreux pays ont exploité les schistes bitumineux et certaines
compagnies pétrolières avaient amorcé un programme de développement industriel. Par
exemple, la compagnie américaine Exxon avait entrepris sur la période 1973-1986 un vaste
programme d’investissement de plusieurs millions de dollars, avant d’abandonner le projet
suite à la chute des prix du brut lors du contre-choc pétrolier, après avoir produit 5 millions de
barils. Mais sous la pression de compétitivité mondiale, l’extraction des schistes bitumineux a

46
cessé au Canada, en Ecosse, en Suisse, en France, en Roumanie ainsi qu’en Afrique du Sud et
n’a pas décollé aux Etats-Unis, en Biélorussie, en Jordanie ainsi qu’au Maroc.

Au début des années 2000, environ 16 millions de tonnes par an (Mt/an) de schistes
bitumineux étaient extraits dans six pays : Estonie Australie, Brésil, Chine, Allemagne et
Russie. Une faible part était transformée en brut synthétique : 8000 b/j en Estonie et 1600 b/j
en Chine. Ces volumes représentent environ 0.01% de la production mondiale de carburants
pétroliers, mais risquent de décliner en raison de problèmes environnementaux et de
rentabilité. Le projet australien Stuart, basé sur des techniques d’extraction minière et des
procédés de retorting en surface pour produire 200000 b/j sur 30 ans, a ainsi été repoussé en
2004, à cause de la médiocrité du rendement énergétique et de coûts environnementaux
conséquents, tandis que l'Estonie a l’obligation de cesser sa production de combustibles pour
le secteur électrique à partir de schistes bitumineux pour satisfaire aux critères européens.

Le développement futur des schistes bitumineux semble fortement conditionné par la


mise au point de procédés d’extraction in-situ pour limiter les pollutions de surface. Deux
procédés in situ sont actuellement en cours de développement. Poursuivant ses travaux de
recherche depuis 20 ans, la compagnie internationale Shell a lancé en 2004 dans le Colorado
le projet Mahogany Ridge afin de tester son Procédé de Conversion in situ (ICP). Ce procédé
consiste à placer des résistances électriques dans les puits pour chauffer graduellement (2 à 3
ans) la formation. Le périmètre de production est également isolé par un « mur gelé » pour
assécher le réservoir. En 2005, la production atteignait 1500 barils, avec 1/3 de gaz naturel et
2/3 d'huile légère. Toutefois, la consommation d’énergie reste conséquente avec un ratio de 3
unités énergétiques produites pour 1 unité consommée. Des essais sur champs ont également
démarrés en 2007 pour tester le procédé in situ développé par la compagnie EGL Resources.
L’efficacité énergétique annoncée est de 6 unités d’énergie produites pour 1 unité
consommée.

Début 2006, l’US Mineral Management Services a attribué huit permis de recherche,
développement et démonstration, pour l’extraction de schistes bitumineux à cinq
compagnies : Chevron, EGL Resources, ExxonMobil, Oil-Tech Exploration et Shell. Parmi
ses huit projets, six sont dédiés aux technologies d’exploitation in situ. Ce programme de
recherche ne devrait pas mener à un développement industriel avant 10 ou 15 ans, avec une

47
production qui devrait démarrer dans les années 2020. L’institut américain EIA projette ainsi
une production de 2.5 Mb/j en 2040 en cas de développement à l’échelle industrielle d’une
technologie in situ.

Enfin, la Jordanie serait en pourparler avec Shell pour le développement de ses


schistes bitumineux, tandis que le Maroc a exprimé sa volonté de développer ses ressources et
annonçait réfléchir à une législation attractive pour des partenaires étrangers.

Néanmoins, le développement des schistes bitumineux pourrait être remis en cause


étant donné les problèmes environnementaux associés. D’une part, son rendement énergétique
médiocre requiert un apport important d’énergie pour le chauffage et l’extraction, pouvant
atteindre 30% de la valeur énergétique de l’huile produite (cf. projet Mahogany Ridge).
D’autre part, les émissions de CO2 équivalent liées à cette filière sont estimées à 2 tonnes de
CO2 par tep, soit 5 fois supérieures aux émissions de la filière conventionnelle (Plouchard,
2001). Enfin, l’extraction des schistes bitumineux émet d’autres polluants, tels que le SOx,
NOx ou des composés aromatiques polynucléaires, et présente un risque important de
contamination de l’eau dans le réservoir.

1.2.4 Technologies CTL et GTL

Le charbon peut être transformé en carburants et produits pétrochimiques par des


procédés de rejet de carbone ou d’addition d’hydrogène, directs ou indirects. La première
alternative consiste à effectuer une pyrolyse. Cependant, les hydrocarbures ainsi produits sont
de mauvaise qualité et la viabilité économique du procédé n’a pas encore été démontrée.

La seconde alternative correspond à la liquéfaction, directe ou indirecte. La


liquéfaction directe consiste à hydrogéner le charbon par catalyse à haute température et
pression. La quantité de distillats liquides obtenue peut atteindre 70% de la masse sèche de
charbon. Ce produit est de meilleure qualité que celui résultant de la pyrolyse et peut être par
exemple utilisé comme combustible pour la production d’électricité. Cependant des
traitements supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir obtenir des carburants liquides. Les
procédés de liquéfaction directe peuvent s’effectuer en une ou deux étapes, la dernière
alternative permettant d’augmenter la production de produits plutôt légers. Des études de

48
faisabilité de la liquéfaction directe du charbon en une étape ont été lancées par des filiales de
ConocoPhilips (Conoco Zinc Chloride) et Exxon Mobil (Exxon Donor Solvent) sans aboutir
pour le moment à un projet commercial.

Enfin, la liquéfaction indirecte permet de transformer en trois étapes le gaz naturel ou


le charbon en carburants et produits pétrochimiques. La première étape consiste à détruire la
structure du charbon ou du gaz naturel par gazéification à base de vapeur et/ou d’oxygène,
afin d’obtenir du gaz synthétique (syngas), mélange d’oxyde de carbone et d’hydrogène. Les
composés soufrés sont éliminés à ce stade pour éviter l’empoisonnement de la réaction de
catalyse et fournir des carburants peu soufrés de bonne qualité.

La seconde étape est appelée synthèse de Fisher-Tropsch (procédé découvert en 1920).


Elle permet grâce à une réaction de catalyse à basse température et pression, de transformer le
gaz de synthèse en longues chaînes d’hydrocarbures. Enfin la troisième et dernière étape,
appelée hydro-isomérisation, consiste à remodeler les chaînes d’hydrocarbures afin d’obtenir
des carburants et produits pétrochimiques de bonne qualité, ne comportant ni soufre ni métaux
lourds, tels que le diesel, le naphta, le kérosène, le GPL ou les paraffines.

L’application CTL la plus ancienne s’est développée en Allemagne, pendant la


seconde guerre mondiale, afin de produire du carburant pour les chars de combat. Dès 1955,
l’Afrique du Sud initiait un vaste programme pour produire du carburant automobile à partir
de charbon. La compagnie sud-africaine Sasol a ainsi construit la première unité de
fabrication de carburants synthétiques à partir de charbon dans les années 1950. En 1982,
Sasol a construit 2 unités GTL qui ont permis d’alimenter en carburants l’Afrique du Sud,
placée sous embargo économique en raison de sa politique d’apartheid. La compagnie Sud-
africaine Sasol est actuellement leader de la technologie Fischer-Tropsch et opère trois
installations GTL et CTL dont la capacité cumulée atteint 200000 b/j (164000 b/j par CTL,
36000 b/j par GTL). Les compagnies internationales Shell et Exxon Mobil ont également
commercialisé un procédé de liquéfaction indirecte.

Forte de ses importantes réserves de charbon et faisant face à une demande croissante
en carburants, la Chine a amorcé un programme de développement CTL à l’échelle
industrielle, avec un objectif de production à 400000 b/j d’ici 2020 (Sanière et Lantz, 2007).

49
Une première unité de gazéification de charbon de 2000 t/j, opérée en joint-venture par
Sinopec et Shell, a démarré fin 2006. Evalué à 136 millions de dollars (McIlvainecompany),
cet investissement permet de produire du gaz synthétique utilisé en remplacement du naphta
dans la chaîne de fabrication de fertilisants. Un partenariat d’étude entre les compagnies
Shenhua Ningxia Coal Industry et Shell a également été lancé en 2006 afin d’évaluer la
faisabilité technique et économique d’un projet CTL de 70000 b/j, l’investissement étant
initialement estimé entre 5 et 6 milliards de dollars (Coal Industry Advisory Board, 2006).

De nombreux projets CTL sont également à l’étude dans d’autres pays, à l’instar des
Etats-Unis, où une unité de 18000 b/j pourrait démarrer en 2011, ou de l’Australie avec le
projet Monash. Estimé à 3.7 milliards de dollars, ce projet proposé par la compagnie Anglo
American intégrerait la technologie de gazéification du charbon et le captage et stockage du
CO2 rejeté lors de la conversion (Clark, 2006).

Premier projet commercial GTL hors unités de Sasol en Afrique du Sud, Bintulu,
d’une capacité de 12500 b/j, a démarré en 1993 en Malaisie et est opéré par Shell. La viabilité
technique et économique de la filière GTL était néanmoins difficile à valider, avec un coût du
capital prohibitif à 50000 $US/b/j (investissement de 625 M$, soit 4 à 5 fois plus élevé que
l’investissement dans une raffinerie ; Petroleum Economist, 2005) et plusieurs incidents
opérationnels.

Les années 2000 marquent le positionnement des acteurs et l’évaluation de nouveaux


projets à grande échelle. Sur la période 2007-2010, trois projets industriels ont démarrés, avec
une capacité cumulée de 208000 b/j :

- Démarrage du projet Oryx QGTL au Qatar en 2007, opéré par Sasol,


Chevron et Qatar Petroleum, avec une capacité de 34000 b/j et un
investissement estimé entre 0.9 et 1 milliard de dollars.

- Démarrage du projet Escravos au Nigéria en 2007, opéré par Sasol, Chevron


et NNPC, avec une capacité de 34000 b/j et un investissement estimé à 1.7
milliard de dollars.

50
- Démarrage du projet Pearl au Qatar en 2009, opéré par Shell et Qatar
Petroleum, avec une capacité de 140000 b/j en deux phases et un
investissement estimé entre 12 et 18 milliards de dollars (Evans, 2008).

Malgré une nette réduction de l’intensité en capital à 26000 $US/b/j dans le cas du
projet Oryx QGTL, l’augmentation des coûts d’ingénierie et des matériaux de construction
observée entre 2004 et 2008, liée au contexte économique et à la faible maturité des
technologies, a fortement pesé sur le coût des autres projets industriels (intensité en capital
comprise entre 50000 et 85000 $US/b/j). Dans ce contexte, certains projets ont été retardés ou
abandonnés (Petroleum Economist, 2007). Les projets GTL de la joint-venture
Marathon/Syntroleum et de la compagnie ConocoPhillips initialement prévus pour 2009,
d’une capacité de 120000 et 16000 b/j respectivement, ont été suspendus, tandis que le projet
GTL d’Exxon Mobil, d’une capacité de 154000 b/j a été abandonné en 2007. D’autres projets
GTL sont proposés au Chili, Venezuela, Etats-Unis, Australie, Egypte, Indonésie, Iran ou
encore Algérie. La compagnie nationale algérienne Sonatrach a par exemple lancé un appel
d’offre pour la construction et l’exploitation d’un projet GTL de 40000 b/j de capacité. Les
principaux projets CTL et GTL en fonctionnement ou en cours d’évaluation dans le monde
sont synthétisés dans le tableau 1-3.

51
Tableau 1-3 : Tableau récapitulatif des projets CTL et GTL dans le monde

Projet Opérateur Capacité de production Date de démarrage Investissement


kb/j M$US
Technologie CTL
Afrique du Sud Sasol 164 1950-1982
Unité de gazéification (Chine) Sinopec, Shell 2006 136
Projet à l'étude (Chine) Shenhua Ningxia Coal 70 5000-6000
Industry, Shell
Projet à l'étude (Etats-Unis) 18 2011
Projet Monash à l'étude Anglo American 3700
(Autralie)
Technologie GTL
Afrique du Sud Sasol 36 1982
Bintulu (Malaisie) Shell 12 1993 625
Oryx QGTL (Qatar) Sasol, Chevron, Qatar 34 2007 900-1000
Petroleum
Escravos (Nigéria) Sasol, Chevron, NNPC 34 2007 1700
Pearl (Qatar) Shell, Qatar Petroleum 140 2009 12000-18000
Qatar Marathon/Syntroleum 120 suspendu en 2009
Qatar ConocoPhillips 16 suspendu en 2009
Qatar Exxon Mobil 154 abandon en 2007
Appel d'offre (Algérie) Sonatrach 40
(Tableau de l’auteur)

La rentabilité des filières GTL et CTL implique de disposer d’importantes ressources


en gaz naturel ou charbon à bas coût (entre 0.5 et 2 $US/MBtu pour le gaz naturel ;
Maisonnier, 2006) Le développement de ces filières est ainsi inhérent aux politiques
énergétiques des grands pays producteurs. Il repose en effet sur une stratégie de
diversification des débouchés à moyen terme, qui s’éloigne des stratégies de maximisation de
profit à plus court terme. Le potentiel des filières GTL et CTL risque alors d’être restreint aux
pays producteurs à faible croissance démographique avec un programme d’investissement
limité.

Le développement des filières GTL et CTL pose également plusieurs problèmes


environnementaux. D’une part, on estime que les unités GTL et CTL émettent respectivement
0.6 et entre 2 et 3 tonnes de CO2 par tep. En effectuant une analyse « puits-roue », malgré
l’obtention de carburants de bonne qualité, le bilan CO2 est aussi dégradé par rapport à la
filière conventionnelle de production et de raffinage étant donné un rendement énergétique
médiocre inférieur à 60%. D’autre part, ces technologies, en particulier la technologie CTL,
requièrent d’importants volumes d’eau. Des problèmes majeurs d'approvisionnement en eau
ont d’ailleurs été à l’origine de la suspension de certains projets en Chine.

52
Les prévisions classiques de production GTL et CTL (800000 b/j et 600000 b/j
respectivement selon Sanière et Lantz (2007)) peuvent sembler optimistes, étant donné les
difficultés opérationnelles et les dommages environnementaux mis en évidence. Toutefois, la
production GTL pourrait être soutenue par une nouvelle piste d’exploitation du gaz associé à
certains gisements pétroliers, à l’instar de l’unité pilote Ikiski opérée par BP en Alaska.

1.3 Sélection du cas d’application

En 2009, l’approvisionnement en brut synthétique issu des filières de production


pétrolière non conventionnelle s’établissait à 2.8 Mb/j, soit 3.5% de l’approvisionnement
pétrolier mondial à 79.9 Mb/j (BP Statistical Review of World Energy 2010; cf. tableau 1-4).
La filière canadienne d’extraction de bitume (productions minière et in situ cumulées)
représentait plus de 54% de l’offre pétrolière non conventionnelle, suivie par les filières CTL
et GTL (26%) et la filière d’extraction de brut extra-lourd (20%).

Tableau 1-4 : Part de la production pétrolière non conventionnelle dans l’offre mondiale en
2009

Filière Brut/brut synthétique Part dans l'approvisionnement


mondial
Mb/j
Filière minière d'extraction de bitume 1 1.3%
Filière in situ d'extraction de bitume 0.515 0.6%
Extraction à froid de brut extra-lourd 0.585 0.7%
CTL 0.164 0.2%
GTL 0.568 0.7%
Production pétrolière non conventionnelle 2.8 3.5%
Approvisionnement pétrolier mondial 2009 79.9
(Tableau de l’auteur)

Le soutien marginal des ressources non conventionnelles à l’offre pétrolière mondiale


s’explique par le coût de développement élevé des technologies non conventionnelles,
souvent peu matures (CTL, GTL, schistes bitumineux). Ces filières sont également pénalisées
par leurs mauvais bilans environnementaux, peu acceptables à l’heure d’une prise de
conscience écologique mondiale.

53
Dans ce contexte, il nous paraît difficile d’imaginer un développement rapide des
technologies CTL et d’extraction des schistes bitumineux, actuellement en phase de
démonstration technico-économique et responsables de dommages écologiques conséquents.
Le développement de la filière GTL pourrait être plus rapide grâce aux retours d’expérience
des projets industriels en fonctionnement, mais reste conditionné par le contexte économique,
en particulier par l’évolution des coûts des services d’ingénierie.

Les filières d’extraction de bitume naturel et de brut extra-lourd sont les plus avancées
industriellement et devraient poursuivre leur développement à moyen-terme. En 2008, la
récente flambée du prix du pétrole a mis en évidence une faible élasticité de la demande de
brut et fait réapparaître le spectre d’une pénurie de l’offre pétrolière conventionnelle. Celle-ci
s’est difficilement équilibrée au niveau de la demande mondiale tirée par l'Inde et la Chine, en
raison du manque d’investissement et des faibles capacités excédentaires. Par ailleurs, une
part croissante de l’offre pétrolière mondiale est assurée par l'exploitation de champs de plus
petite taille qu’auparavant, impliquant un ralentissement de la croissance de la production.
Enfin, l'activité exploratoire menée récemment a essentiellement abouti à la découverte de
petits gisements, renforçant l’inquiétude de pénurie des ressources pétrolières.

Dans ce contexte, l’exploitation des ressources non conventionnelles apparaît comme


un facteur d’ajustement dans l’équilibre offre-demande, permettant de relâcher à la marge les
tensions de marchés, et offre un large potentiel de ressources supplémentaires. En raisonnant
sur les réserves récupérables, le Canada se hisse ainsi à la seconde place derrière l’Arabie
Saoudite. L’importance des réserves a permis de développer des projets industriels
d’extraction à longue durée de vie. En particulier, pour le dépôt de Fort McMurray,
l’utilisation de techniques minières permet d’obtenir un profil de production stable sur une
plus longue période que celle des projets conventionnels (une vingtaine d’années contre 5 à 6
années). De plus, à moyen terme, l’activité exploratoire qui reste un poste de dépense
coûteux, n’est pas à envisager, puisque les réserves de bitume ont été largement
cartographiées (Plourde, 2009).

Toutefois, leur rythme de développement devrait rester dépendant du contexte


économique et réglementaire. Actuellement, le bilan environnemental de la filière
d’extraction du brut extra-lourd est le moins pénalisant, mais sans modification majeure des

54
réglementations environnementales actuelles, il pourrait se détériorer en cas de remplacement
de la technologie de production à froid par des techniques d’injection de vapeur in situ, visant
à améliorer le taux de récupération. L’évolution de la filière du pétrole extra-lourd devrait
également être conditionnée par la création de nouveaux partenariats industriels disposant des
compétences technologiques spécifiques. Malgré l’intérêt de cette problématique, l’accès à
l’information reste difficile car peu de données sur les coûts des projets vénézuéliens sont
disponibles.

Dans le cadre de cette thèse, l’évaluation du potentiel de développement des


ressources pétrolières non conventionnelles se limitera à un cas d’application : celui de la
filière canadienne d’extraction de bitume. Ce choix se justifie d’une part par l’intérêt
méthodologique qu’il offre et d’autre part, par la possibilité d’accéder à de sérieuses sources
d’informations publiques et d’obtenir des données techniques et économiques détaillées sur
les projets canadiens. Ce cas d’étude est représentatif de la majorité des ressources pétrolières
non conventionnelles, puisque les ressources de bitume naturel exploitées sont localisées dans
un pays consommateur sans instabilité politique. Le développement de ces ressources permet
ainsi de diversifier l’offre pétrolière en provenance d’un pays hors de l’Organisation des Pays
Exportateurs de Pétrole (OPEP).

Au terme de ce premier chapitre, un état des lieux des réserves pétrolières non
conventionnelles et de leur développement industriel a été dressé. Les ressources non
conventionnelles présentent un fort potentiel de croissance lié à l’importance des réserves.
Toutefois, ce potentiel est pénalisé en pratique par des coûts de production élevés et un
mauvais bilan environnemental. En prenant en compte l’ensemble de ces facteurs, le potentiel
de développement semble particulièrement prometteur pour la filière canadienne d’extraction
de bitume. Cette dernière constituera ainsi le cas d’application de cette thèse.

Le chapitre suivant est consacré à l’analyse économique de la filière non


conventionnelle canadienne et s’articule de la manière suivante. La première section est
dédiée à l’analyse des facteurs économiques qui ont permis à la filière canadienne de se
développer au cours de la période 1980-2005. La seconde section présente les freins au
développement apparus au cours de la période 2005-2010, incluant les conséquences de la
crise financière de 2008. Enfin, la dernière section est consacrée à l’évolution du cadre

55
institutionnel fiscal et réglementaire, qui pourrait représenter un facteur d’impact majeur à
moyen et long-terme.

56
Annexe 1.1 : Description des
technologies de production de bitume
naturel et de brut extra-lourd

Exploitation du bitume naturel par techniques minières

Le bitume naturel enfoui à moins de 75 mètres est exploité par techniques minières à
partir de la surface. Le site d’exploitation est préparé en amont (travaux d’arrachage de la
végétation, assèchement des tourbières, enlèvement des couches supérieures de sable,
d’argile, de gravier) pour que le gisement de bitume affleure à la surface, créant une mine à
ciel ouvert. Le minerai, composé de bitume et de sable, est récupéré à l'aide d'équipements
mobiles lourds (camions, pelles hydrauliques), puis concassé et transporté par un système
hydraulique jusqu'au site d'extraction et de séparation du bitume. Une partie du bitume peut
déjà être grossièrement récupérée et envoyée vers l'unité de séparation.

Le minerai broyé entre dans la cellule de séparation primaire, pour subir un « lavage »
poussé en présence d’eau chaude, de vapeur et de caustiques, puis est tamisé avant d’être
envoyé dans l’unité de séparation par flottation. La mousse de bitume obtenue est diluée avec
du naphta avant d’être centrifugée pour séparer les deux phases. Le bitume récupéré peut alors
être transporté par dilution jusqu'au site d’upgrading. Enfin, les résidus (sable, eau et bitume)
en sortie des unités de séparation sont stockés dans des étangs de décantation, où l’on procède
au recyclage de l’eau après décantation des déchets consolidés. Les sédiments stockés servent
au comblement du fond de la mine en fin d’exploitation (Total, 2007). Les différentes étapes
de production du bitume par techniques minières sont schématisées dans la figure ci-dessous.

57
Naphta

Extraction du minerai Bitume Upgrader


Extraction
du bitume
Transport
Equipements mobiles
(camions, pelles)
Vapeur
sable + bitume Eau chaude
Soude

Hydrotransport
eau Etangs de
décantation,
Sable (+ eau et résidus
sédimentation
de bitume)

Source : Total, 2007

Exploitation du bitume naturel par techniques in situ

Le bitume naturel situé à de trop grandes profondeurs pour être extrait par techniques
minières est récupérable par technologies in situ, en injectant de la vapeur dans le réservoir
pour chauffer le pétrole et réduire sa viscosité. Actuellement, la vapeur est produite à partir de
gaz naturel, produit directement au Canada. La technologie Cyclic Steam Stimulation (CSS),
plus ancienne, permet d’extraire le bitume en trois étapes. Au cours de la première étape, de la
vapeur à haute pression est injectée à travers un puits vertical creusé jusqu’au réservoir de
bitume. La seconde étape permet l’imbibation du bitume. Après plusieurs semaines, le puits
est mis en production lors de la troisième étape. En plus de l’apport de chaleur, la vapeur à
haute pression permet de fracturer la formation rocheuse et améliore la mobilité du bitume.
L’avancée dans le cycle augmente les besoins en vapeur et par conséquent les coûts
opératoires. Le puits est alors abandonné lorsque la production n’est plus rentable. Le taux de
récupération par technique CSS est estimé entre 20 et 25%.

Plus récente, la technologie in situ Steam Assisted Gravity Drainage (SAGD) permet
d’améliorer le taux de récupération du bitume, autour de 50% et de produire de façon
continue. Deux puits sont forés horizontalement, l’un au dessus de l’autre. De la vapeur à
faible pression est injectée dans le puits le plus haut, créant une chambre de vapeur qui

58
chauffe le bitume dans le réservoir et réduit sa viscosité. Le bitume coule ensuite sous l’effet
de la gravité dans le puits le plus profond et est pompé jusqu’à la surface. Un schéma complet
des installations productives par technique in situ SAGD et un schéma détaillé du système
d’injection et de récupération sont présentés ci-dessous.

Source : Total, 2007

Exploitation du pétrole extra-lourd par récupération à froid

Les bruts extra lourds sont localisés dans des réservoirs sableux peu consolidés enfouis
à quelques centaines de mètres de profondeur (350 à 600 m sur le site du projet Sincor ; Total,
2007). A cette profondeur, les bruts sont à une température d’environ 50°C, et sont
suffisamment mobiles pour être extraits par des techniques in situ de récupération à froid, par
dépressurisation naturelle dans le réservoir.

Les puits producteurs munis de drains horizontaux pompent directement le brut, avec
un ajout de naphta en fond de puits ou en surface pour augmenter le taux de récupération. La
production froide est moins coûteuse que les techniques in situ utilisées pour l’extraction de
bitume, car elles ne nécessitent pas de vapeur. Toutefois, elle ne permet pas d’atteindre un
taux de récupération supérieur 10% et implique l’installation de forages horizontaux. Le
mélange est ensuite acheminé vers une station de traitement, où s’opère la séparation entre le
brut, le gaz et l’eau (Total, 2007). Le brut récupéré est ensuite transporté par dilution jusqu'au
site d’upgrading. Un schéma complet des différentes étapes de production est présenté ci-
dessous.

59
Source : Total, 2007

60
Chapitre 2 : Analyse économique de
la filière pétrolière non
conventionnelle au Canada

Le développement industriel avancé de la filière pétrolière non conventionnelle


canadienne nous a amené à la sélectionner comme cas d’application pour répondre à la
problématique de thèse. Puisque les stratégies de développement à moyen et long terme
dépendent de nombreux facteurs institutionnels et économiques, une analyse économique
approfondie a été menée afin de déterminer les facteurs ayant historiquement impacté le
développement de la filière canadienne. D’une part, le cadre institutionnel fiscal s’est avéré
favorable aux producteurs de pétrole non conventionnel, en limitant le versement de royalties
avant la récupération d’une partie des dépenses du capital et opératoires. D’autre part, la
rentabilité des technologies d’extraction minière et in situ s’est significativement améliorée
sous l’effet d’une réduction des coûts liée au progrès technique et de la stabilité des prix de
vente à un niveau suffisant. Enfin, le degré d’intégration élevé entre les sites de production et
les marchés de consommation, grâce à un système dédié d’oléoducs de transport et à
l’adaptation de l’outil de raffinage américain, a permis de sécuriser les débouchés de la filière
canadienne. Une analyse détaillée de l’ensemble des facteurs de développement est proposée
dans la première section de ce chapitre.

Néanmoins, l’inflation des coûts de production observée depuis 2005, la chute du


cours du brut fin 2008 début 2009 et les conséquences de la crise financière de 2008
(durcissement des conditions d’emprunt et contraction de la demande pétrolière américaine)
ont fortement pénalisé la rentabilité de la filière canadienne, avec la suspension ou le report de
plus de 50% des projets initialement planifiés sur la période 2009-2010. L’analyse de ces
freins au développement ainsi qu’un état des lieux de la filière canadienne à l’issue de la
période 2009-2010 font l’objet de la seconde section.

61
Enfin, malgré la reprise progressive de l’activité économique mondiale et la hausse du
cours du brut liée aux soulèvements populaires anti-gouvernementaux dans plusieurs pays du
Moyen-Orient et à l’inquiétude sur les approvisionnements pétroliers de cette région,
l’instauration d’un cadre institutionnel plus contraignant pour la filière canadienne, à la fois
fiscal et réglementaire, pourrait expliquer l’inertie des plans de relance. D’une part, afin de
rééquilibrer le partage des rentes entre producteurs et gouvernements, un nouveau système
fiscal flexible en fonction du prix du brut, a été mis en application au début de l’année 2009 et
devrait s’avérer moins favorable pour les producteurs que les systèmes précédents. D’autre
part, en raison du mauvais bilan environnemental de la filière non conventionnelle
canadienne, de nouvelles réglementations environnementales ont été instaurées au cours de la
décennie 2000 (quotas d’émissions de SO2 en sortie des upgraders, nouveau système
d’allocations en eau, fonds financiers pour la réhabilitation des sols et le développement de
technologiques réductrices de GES). Se révélant insuffisantes pour atteindre les objectifs
environnementaux fixés, de nouvelles contraintes environnementales sont à l’étude et
pourraient, si elles étaient appliquées, représenter un risque réglementaire accru pour le
développement futur de la filière canadienne. La dernière section de ce chapitre est consacrée
à l’évolution du cadre institutionnel.

2.1 Les facteurs institutionnels et économiques clés


de l’expansion de la filière

Nous présentons dans cette première section les facteurs institutionnels et


économiques ayant favorisé le développement historique de la filière canadienne : cadre
institutionnel fiscal, maîtrise progressive des coûts grâce au progrès technique, stabilité des
prix du brut et intégration entre les sites de production et les marchés de consommation.

2.1.1 Politiques fiscales

Les ressources naturelles en terre localisées au Canada appartiennent au gouvernement


de la province correspondante. Les ressources de bitume naturel considérées ici appartiennent
donc au gouvernement d'Alberta. Cependant, le gouvernement provincial fait appel à des
compagnies privées pour le développement des réserves de bitume. Ces dernières acquièrent
des droits d'exploitation de la ressource moyennant l'achat de concessions et le versement de

62
taxes (au niveau provincial et fédéral) et royalties (au niveau provincial). Lorsque le prix de
valorisation excède le coût d'extraction unitaire de la ressource, une rente différentielle
apparaît. Pour une entreprise privée, la rente (appelée aussi rente économique) est précisément
égale au profit net des coûts qui excède le minimum du retour sur investissement attendu par
les actionnaires pour valider la décision d'investissement (Masson et Remillard, 1996).
Lorsqu'une rente économique positive apparaît, il faut alors la répartir entre le producteur et le
propriétaire de la ressource exploitée, ici le gouvernement provincial de l'Alberta.

La capture d'une partie de la rente par le gouvernement provincial ne doit pas


interférer dans les décisions d'investissement. La théorie économique définit la « rente
économique vraie » comme égale au surplus de revenus après déduction de la part des revenus
compensant les coûts marginaux de court-terme pour continuer la production et les coûts de
long terme d'exploitation de la ressource (Masson et Remillard, 1996). En particulier, une
capture gouvernementale de la rente économique neutre face aux décisions d'investissement
implique de déterminer de manière transparente les coûts économiques à considérer et le taux
de rentabilité de l'investissement ajusté au risque. Dans le cas particulier de l'exploitation des
ressources non conventionnelles canadiennes, le niveau de risque de l'investissement est
corrélé aux dépenses initiales en capital, à la durée de récupération des coûts, à la volatilité du
prix de vente et au différentiel de prix entre les bruts lourd et léger. L'analyse empirique des
différents systèmes de taxes et royalties adoptés montre que ces paramètres ont fortement
varié au fur et à mesure du développement de la filière non conventionnelle.

Jusqu'en 1997, le système de royalties de chaque projet était négocié au cas par cas
auprès du gouvernement provincial (Masson et Remillard, 1996). Entre 1967 et 1987, le
système de royalties appliqué au projet de Suncor correspondait à un pourcentage fixe de la
valeur de la production brute. Pour le projet de Syncrude, le gouvernement touchait 50% des
revenus nets des coûts de production, sans taux minimum de royalties sur la production brute.
De plus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu des entreprises, le traitement des dépenses
d'investissement déductibles pour l'amortissement accéléré était plus favorable aux projets
miniers qu'aux projets in situ (déduction de 100% des dépenses d'investissement annuelles des
projets miniers contre un taux de déduction décroissant pour les projets in situ).

63
Suite au choc pétrolier de 1973, la forte hausse du cours du brut a amené le
gouvernement fédéral canadien à mettre en application un programme énergétique national
visant à sécuriser les approvisionnements pétroliers et limiter l’augmentation de la facture
pétrolière du Canada, alors producteur et importateur de pétrole. En particulier, ce programme
visait à diminuer la dépendance énergétique du pays envers les importations des pays de
l’OPEP. Le gouvernement canadien a ainsi marqué son soutien au développement de la filière
non conventionnelle par sa prise de participation dans le projet de Syncrude. Cependant, le
gouvernement canadien avait instauré en parallèle un système de régulation du prix des bruts
produits au Canada, limitant le prix de valorisation à 85% du prix minimum des bruts
importés pour tenter de limiter la facture énergétique des consommateurs. Cette mesure a
fortement pénalisé la rentabilité des projets pétroliers canadiens et plus particulièrement des
projets non conventionnels, déjà fragilisés par leurs coûts de production élevés.

Afin de limiter les difficultés rencontrées par les producteurs non conventionnels, le
système de taxes et royalties a progressivement été allégé pour protéger les projets en
fonctionnement d'une faillite. Ainsi, les taxes spéciales, prix régulés et provisions aux
exportations avaient disparues au milieu des années 1980, certains projets bénéficiant même
d'une prise de participation directe de la part des gouvernements fédéral et provinciaux (cf.
projet Syncrude). Par ailleurs, un accord bilatéral de long terme (Crown agreement), signé
entre le gouvernement de l'Alberta et les compagnies Syncrude et Suncor, empêche
notamment la réévaluation du taux de royalties appliqué aux projets historiques jusqu'en
2016.

Face aux déficits colossaux du gouvernement fédéral2 et à la diminution progressive


du cours du brut au début des années 1980, le programme énergétique canadien a perdu de sa
légitimité et des signes de contestation sont apparus, notamment parmi les producteurs de
l’Ouest canadien, qui avaient vu leur profit stagner sur toute la période régulée. L’arrêt du
programme énergétique national canadien a été décidé par le nouveau gouvernement
conservateur élu à l’époque et la dérégulation du prix du pétrole est devenue effective en
1986.

2
Les gouvernements provinciaux disposaient de mécanismes juridiques qui leur permettaient d’obtenir
de la part du gouvernement fédéral une compensation d’une partie des pertes des revenus pétroliers liées à la
régulation des prix.

64
A partir de 1987, le système de taxes et royalties de la compagnie Suncor a été
modifié: les royalties correspondaient alors au maximum entre 30% des revenus nets et 5% de
la valeur de la production brute et les coûts déductibles pour le calcul du revenu net
correspondaient à 101 et 110% des coûts effectifs du capital et opératoires respectivement.
Enfin, lorsque les royalties brutes excédaient les royalties nettes, la différence était déduite
des royalties à verser pendant les années où les royalties nettes étaient supérieures aux
royalties brutes (Masson et Remillard, 1996).

Contrairement aux projets miniers, un système fiscal identique avait été adopté pour
l’ensemble des projets in situ. Au démarrage des installations, les royalties étaient égales à 1%
de la valeur de la production brute, augmentant de 1% tous les 18 mois jusqu'à un seuil
maximum de 5%. Ce seuil restait stable jusqu'à ce que les revenus bruts excèdent les coûts
cumulés englobant les coûts opératoires, le coût du capital, les royalties brutes et un
abattement de 10% sur les coûts non récupérables. Au delà, les royalties correspondaient au
maximum entre 30% des revenus nets et 5% des revenus bruts. 101 et 110% des coûts
effectifs du capital et opératoires pouvaient être déduits pour le calcul des revenus nets.

Enfin, des arrangements fiscaux particuliers pouvaient également être adoptés, tel que
l’accord permettant à Suncor de ne verser qu'une partie des royalties entre janvier 1992 et
décembre 1997, afin de compenser ses dépenses supplémentaires dans un programme de
réduction des émissions de SO2 (Masson et Remillard, 1996).3

Au début des années 1980, l'absence d'harmonisation et de transparence des règles de


royalties a contribué à freiner le développement de la filière non conventionnelle, dans un
contexte d'évolution des prix du brut déjà incertain (Helliwell et al., 1989). Partant de ce
constat, les acteurs de l'industrie non conventionnelle et des gouvernements ont créé en 1993
un comité consultatif, le National Task Force on Oil Sands Strategies, chargé de publier des
recommandations afin de promouvoir l'exploitation des sables asphaltiques. En particulier, la
mise en place d'un système générique de royalties basé sur les revenus nets après récupération
des coûts a rapidement été proposée.

3
Le lecteur intéressé pourra se référer à l'article de Precht et al. (1995) cité dans Masson et Remillard
(1996) pour une description plus complète des systèmes de royalties spécifiques à chaque projet.

65
Un système fiscal générique, inspiré des travaux du comité consultatif, a effectivement
été adopté en 1997 (the Oil Sands Royalty Regulation, OSRR97 ; Gouvernement de l’Alberta,
2006). Le coût du capital déductible pour amortissement accéléré était désormais traité de
manière identique pour les projets miniers et in situ, faisant disparaître le « biais
technologique ». Avant l'obtention de revenus nets positifs, les producteurs miniers et in situ
avaient la possibilité de déduire avec un certain retard le coût du capital éligible pour
l'amortissement accéléré à hauteur de 25%, décroissant dans le temps. Lorsque les revenus
nets étaient positifs, le coût du capital cumulé non déduit précédemment était déductible à un
taux de 100%, jusqu'à un plafond maximum égal aux revenus totaux générés par le projet (et
non par l'entreprise). Pour le calcul des royalties, l'approche revenu/coût était maintenue mais
différenciée avant et après récupération des coûts. Avant la récupération des coûts, les
royalties s'élevaient à 1% des revenus bruts. Après récupération des coûts, c'est-à-dire lorsque
les revenus bruts excédaient la somme des coûts englobant le coût du capital, les coûts
opératoires et les royalties brutes, actualisés au taux des obligations fédérales à long terme
(autour de 7% selon Masson et Remillard, 1996), les royalties étaient égales au maximum
entre 1% des revenus bruts et 25% des revenus nets.

Par ailleurs, les producteurs intégrés, présents dans l'extraction et la valorisation du


bitume, pouvaient choisir de payer les royalties sur leur production de bitume ou de brut
synthétique. Dans le second cas, les revenus bruts étaient calculés à partir du prix de vente du
brut synthétique. Les revenus bruts mais également les dépenses d'investissement (et par
conséquent les crédits d'impôts) étaient supérieurs à ceux correspondant aux projets non
intégrés. L'effet net sur le montant des royalties était a priori ambigu, mais le premier cas s’est
avéré être le plus avantageux dans la pratique, puisque tous les producteurs intégrés ont choisi
de verser des royalties calculées à partir de leur production de bitume (Plourde, 2009).

Le système fiscal générique de 1997 était ajusté aux risques spécifiques de la filière
non conventionnelle, puisqu'il permettait un plus grand partage des risques d'investissement
avec le gouvernement provincial, en comparaison au système fiscal appliqué sur les projets
pétro-gaziers conventionnels. En particulier, les provisions pour l'amortissement accéléré
(jusqu'à 100% des dépenses d'investissement) de la filière non conventionnelle dans le calcul
de l'impôt sur le revenu étaient nettement supérieures à celles des filières conventionnelles
pétrolières et gazières (25% des dépenses d'investissement) (Taylor, 2007). La standardisation

66
d'un système fiscal avantageux ainsi que les mesures de privatisation (arrêt des prises de
participation directe du gouvernement provincial dans les projets non conventionnels, mais
accès facilité à des bourses, prêts ou garanties de prêts) ont largement contribué à l'ouverture à
la concurrence du secteur des sables asphaltiques et par conséquent à son développement.

Entre 1997 et 2007, aucun changement significatif n'a été relevé sur le système des
royalties. Seul le traitement de l'impôt sur le revenu des compagnies a été modifié. Tous
secteurs confondus, les taux statutaires d'imposition sur le revenu des entreprises ont diminué
au niveau provincial et fédéral. Le taux d'imposition de l'Alberta est passé de 15.5% en 1997 à
10% en 2007 tandis que le taux d'imposition fédéral est passé de 29.12% en 1997 à 22.12% en
2007. De plus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, la déduction relative aux ressources
(25% des revenus nets), qui équivaut approximativement aux redevances et taxes
d’exploitation minière versées à la province a été graduellement remplacée par la déductibilité
totale des royalties versées (Plourde, 2009). Cette mesure s'est avérée en général défavorable
pour les producteurs non conventionnels avant la récupération des coûts et favorable après.

La standardisation du système fiscal n'a cependant pas été appliquée à tous les projets
non conventionnels, de par l'existence d'accords bilatéraux contractuels entre les producteurs
historiques et le gouvernement de l'Alberta. Ces accords permettaient à ces producteurs de
bénéficier d'avantages fiscaux par rapport aux nouveaux acteurs du secteur, créant des
barrières à l'entrée et une distorsion de la concurrence.

Un glissement vers une fiscalité plus favorable aux producteurs a eu lieu entre 1997 et
2007, impliquant une diminution progressive de la proportion de la rente capturée par les
gouvernements. Dans une perspective de rééquilibrage des rentes, un nouveau système fiscal
a été adopté par le gouvernement d'Alberta en octobre 2007 et mis en application au début de
l'année 2009. Nous y reviendrons dans la sous-section 2.3.1.

2.1.2 Maîtrise progressive des coûts de production et progrès


technique

Brièvement présenté dans le chapitre précédent, le développement historique de la


filière non conventionnelle canadienne a été amorcé par les deux compagnies canadiennes

67
Suncor et Syncrude, les premières à développer industriellement un projet d’extraction de
bitume par techniques minières en 1967 et 1978 respectivement.

Ces projets ont nécessité des investissements importants dans des équipements lourds
pour la préparation du site, la récupération et le concassage du minerai, l’extraction et le
transport du bitume, le stockage des déchets et la production des utilités. Etant donné la faible
maturité technologique des procédés d’extraction, le coût du capital des projets de Suncor et
Syncrude a été progressivement ré-estimé au fur et à mesure de l’avancée des projets, jusqu’à
être multiplié par deux par rapport aux prévisions initiales. Les investissements avaient ainsi
augmenté de 122 à 240 millions de dollars canadiens (M$CAN)4 dans le cas du projet Suncor,
pour une capacité de 45000 b/j et de 1000 à 2300 M$CAN dans le cas du projet Syncrude
pour une capacité de 130000 b/j, correspondant à une intensité en capital de 28100 $/b/j et
40400 $/b/j respectivement en dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2000 ;
Suncor, 2008a; Humphries, 2008). Face à ces difficultés financières, le projet de Syncrude a
d’ailleurs pu être mené à terme grâce à la prise de participation du gouvernement fédéral (à
hauteur de 15%), ainsi que des gouvernements de l'Alberta (10%) et de l'Ontario (5%),
partageant ainsi le risque entre les différents acteurs.

L’existence d’effets d’envergure et d’une fonction d’apprentissage semble avoir


permis de réduire le coût du capital. Par exemple, la seconde phase du projet historique de
Suncor, lancée en 1981, était caractérisée par une intensité en capital inférieure à celle de la
première phase, à 27400 $CAN/b/j (-2.5%). Le projet d’extension aurait ainsi pu bénéficier
d’investissements « off-sites » déjà amortis (bâtiments de vie et administratifs, routes
d’accès), pouvant représenter jusqu’à 60% du coût total d’un projet (Gachadouat et Hérault,
2006).

L’intégration des phases d’extraction de bitume et de valorisation en brut synthétique


(étape d’upgrading) au sein d’un même projet (projet North Mine-Aurora de Syncrude en
1996 ou projet Millennium de Suncor en 2001) a eu pour effet d’augmenter l’intensité en
capital, de par les investissements supplémentaires dans les unités de valorisation du bitume.
Le coût du capital du projet intégré Millennium a ainsi augmenté à 32200 $CAN/b/j (CAPP,
2008a). Enfin, en 2002, un nouvel acteur, le consortium Albian Sands Energy inc. (AOSP),

4
En l’absence d’indication, l’investissement est exprimé en monnaie courante.

68
apparaissait sur le marché, en lançant le projet minier Muskeg River. L’intensité en capital de
ce projet intégré de 42000 b/j atteignait 39000 $CAN/b/j (CAPP, 2008a), légèrement
supérieure à celle observée pour le projet Millennium. Cet écart pourrait provenir d’un effet
d’apprentissage limité sur les activités industrielles récentes du consortium dans le secteur
non conventionnel. L’évolution de l’intensité en capital des projets miniers d’exploitation de
bitume démarrés sur la période 1967-2003 est représentée sur la figure 2-1.

Figure 2-1 : Evolution de l’intensité en capital des projets canadiens miniers sur la période
1967-2003 (sources : Suncor, 2008a ; Humphries, 2008 (p.8-9); CAPP, 2008a)

Les premiers projets industriels d'extraction de bitume par techniques pétrolières in


situ ont démarrés dans les années 1980. Cette technologie « pionnière » a pu se développer
commercialement grâce à la réduction des coûts de production, à un prix du bitume stable et à
l'ouverture progressive d'un marché pour le pétrole lourd au nord des Etats-Unis, jusqu’alors
approvisionné par le brut lourd conventionnel domestique des gisements des Rocheuses.

Le premier projet industriel in situ, opéré par la compagnie Imperial Oil, a démarré en
1987. Basé sur la technologie in situ Cyclic-Steam-Stimulation (CSS) et localisé dans le
gisement de Cold Lake, ce projet s’est développé en six phases successives. D'autres projets
commerciaux de plus faible capacité ont suivi : le projet Lindbergh de la firme Murphy Oil, le
projet Koch de Shell Oil (situé à Peace River), le projet Burnt Lake de Suncor en 1997, ou
encore les projets Amoco's Wolf Lake et Primrose de BP et Petro-Canada en 1999.

69
La mise au point d’une nouvelle technique d’extraction in situ par drainage
gravitationnel (SAGD) a permis d’améliorer le taux de récupération de 20% à 50% en
moyenne, de réduire la quantité de vapeur à injecter et d’obtenir un profil de production
continu. L’amélioration de l’efficacité énergétique a ainsi permis de réduire les coûts
opératoires unitaires dès le début du développement commercial de la technologie SAGD en
2001, avec le lancement de la première phase du projet SAGD Foster Creek, opéré par
Encana. En 2002, trois nouveaux projets SAGD démarraient : Christina Lake d’Encana, le
pilote Hangingstone de Japan Canada Oil Sands et MacKay River de PetroCanada. En 2003,
Encana procédait au « dégoulottage » de Foster Creek tandis qu’Imperial Oil développait les
phases 11 à 13 de son projet historique. Enfin, en 2004, Suncor et Total E&P Canada
lançaient la première phase de leur projet SAGD Firebag et Joslyn in situ.

Nous n’avons pas pu obtenir de données d’investissement pour les projets CSS in situ
démarrés avant 2000. Cependant, puisque la technologie CSS est moins « complexe » que la
technologie SAGD sur le plan technique, l’investissement lié à un projet CSS devait être
inférieur à celui lié à un projet SAGD. Cette hypothèse semble raisonnable dans la mesure où
la compagnie Imperial Oil continuait en 2003, à développer son projet CSS historique, malgré
des coûts opératoires plus élevés. Entre 2000 et 2004, l’intensité en capital des projets SAGD
était comprise entre 13700 et 17400 $CAN/b/j (Suncor, 2009).

Le coût du capital in situ n’est pas aussi élevé que celui de la filière minière intégrée.
Cet écart provient bien entendu de l’absence d’unité d’upgrading dans les projets in situ, mais
aussi de l’utilisation d’équipements productifs moins capitalistiques que les équipements
miniers. Néanmoins, l’extraction in situ nécessite des dépenses d’investissement
supplémentaires par rapport aux technologies conventionnelles d’extraction. Les puits
d’injection de vapeur et de pompage du bitume s’appuient sur des techniques de forage
déviées, plus coûteuses que les forages verticaux, mais d’un ordre de grandeur similaire car la
technologie, développée depuis les années 1980, est actuellement mature (Babusiaux, 2001a).
Néanmoins, puisque le bitume est immobile aux conditions du réservoir, l’extraction du
bitume à froid est impossible et il est nécessaire d’utiliser des moyens supplémentaires pour
réduire la viscosité du bitume. Dans les deux technologies in situ développées
commercialement, la réduction de la viscosité du bitume se fait par apport de chaleur, en
injectant de la vapeur d’eau par le puits d’injection, afin de récupérer le bitume à la surface

70
par le puits producteur. Un coût du capital supplémentaire associé à la construction des unités
de production des utilités (vapeur d’injection, électricité) est à considérer. Enfin, l’isolement
géographique des sites d’extraction in situ nécessite également d’installer des branches
d’oléoducs les reliant à la conduite principale qui permet de transporter le bitume jusqu’aux
sites de consommation (unités d’upgrading ou raffineries équipées d’une unité de conversion
profonde).

D’autre part, les coûts opératoires, intégrant les coûts fixes d’exploitation (main
d’œuvre, maintenance) et les coûts opératoires variables, ont progressivement diminué sous
l’effet du progrès technique. Dans le cas des projets miniers, le remplacement des
équipements d'excavation lourds (excavateurs à roue) par des équipements plus légers et
mobiles (camions et pelles hydrauliques) a permis de réduire considérablement les coûts
variables d'exploitation. En effet, l’augmentation des capacités unitaires a permis de réduire
les coûts de maintenance. L’utilisation d’équipements mobiles a également permis de limiter
la répercussion des coûts de maintenance sur la production totale en cas de panne, d’améliorer
la rationalisation et de sélectionner les minerais les plus riches en bitume. Enfin, l’utilisation
de techniques moins énergivores a également permis de réduire substantiellement les coûts
variables d’exploitation minière. L’utilisation de l’hydrotransport a permis de réduire les
besoins en électricité par rapport au système de transport du minerai par convoyeur
mécanique, tandis que la récupération du naphta ou autre produit diluant a été optimisée grâce
à la construction de ligne de retour vers les sites d’extraction. D’après les publications de la
CAPP (2009a), les coûts opératoires miniers ont progressivement diminué de 35.8 $CAN/b en
1980 à 13.9 $CAN/b en 2004 (en monnaie constante, base 100=2000).

Dans le cas de la technologie in situ CSS, nous ne disposons pas de données sur les
coûts opératoires. On peut cependant supposer qu’ils ont progressivement diminué sous l’effet
de l’apprentissage et du progrès technique. Par ailleurs, d’après les publications de la CAPP
(2009a), les coûts opératoires correspondant à la technologie in situ SAGD sont restés stables
entre 1997 et 2004, compris entre 3.7 et 5 $CAN/b.

Malgré le grand nombre de projets in situ, la production de bitume in situ est restée
inférieure à celle obtenue par techniques minières, comme l'illustre la figure 2-2, les projets in
situ ayant une capacité de production inférieure à celle des projets miniers et un profil de

71
production cyclique dans le cas de la technologie CSS. La production reportée pour la filière
minière est en kb/j de bitume sur la période 1980-1995 et en kb/j de brut synthétique sur la
période 1996-2004. La production in situ reportée est en kb/j de bitume sur toute la période
représentée.

700
600
500
400
kb/j

300
200
100
0
1980 1985 1990 1995 2000 Année
Production minière Production in situ

Figure 2-2 : Evolution des productions minière et in situ sur la période 1980-2004 (source :
CAPP, 2009a)

2.1.3 Stabilité du prix du brut

En parallèle d’une maîtrise progressive des coûts de production, la filière non


conventionnelle canadienne a bénéficié de la stabilité des prix du brut sur la période 1986-
1999, suivi d’une hausse continue entre 2000 et 2008.

Le West Texas Intermediate (WTI) est l'un des trois marqueurs internationaux de
pétrole brut. Il est le brut marqueur le plus utilisé sur le marché nord-américain (marqueur des
contrats futures de pétrole brut sur le New York Mercantile Exchange (NYMEX)). Malgré
une production assez faible, le WTI est particulièrement bien adapté aux besoins actuels du
marché nord-américain, puisqu'il présente d'excellentes caractéristiques pour le raffinage en
termes de densité, de teneur en soufre (39.6 °API et 0.24% soufre), de rendement essence et
est également légèrement meilleur que l'approvisionnement pétrolier moyen américain (30.4
°API; EIA, 2010a). Il est par ailleurs essentiellement raffiné dans les régions du Midwest et
sur la côte du golfe du Mexique, les deux plus grands marchés du raffinage américain.

A partir d’une analyse économétrique (présentée dans le paragraphe 3.2.2), l’existence


d’un équilibre de long-terme a été démontré entre le prix de valorisation du brut synthétique

72
léger en provenance du Canada, dont les qualités se rapprochent de celles du marqueur WTI
et destiné au même marché, et le prix du WTI. Sur la période étudiée, de janvier 2002 à mai
2008, le brut synthétique est valorisé autour du prix du WTI, avec un différentiel de prix en
valeur absolue de l’ordre de 4 à 5 $US. Nous avons également démontré que le prix du WTI
est « directeur » par rapport au prix du brut synthétique, le volume des transactions liées au
WTI étant largement supérieur au volume des contrats sur le brut synthétique. Puisque nous
disposions de séries de prix WTI sur de longues périodes, le prix du WTI a été utilisé en
approximation du prix du brut synthétique.

Nous avons représenté sur la figure 2-3 l’évolution des prix du WTI sur le marché spot
(à Cushing, Oklahoma) et du bitume canadien entre 1986 et 2008 (EIA, 2009a, 2009b). Les
données sont annuelles et sont exprimées en dollars US en monnaie courante.

100
90
80
70
60
$US/b

50
40
30
20
10
0
1986 1990 1994 1998 2002 2006

Prix spot WTI FOB (Cushing, OK, $US/b) Prix bitume ($US/b)

Figure 2-3 : Evolution du prix du bitume et du prix WTI spot sur la période 1986-2008
(sources : EIA, 2009a, 2009b)

Entre 1986 et 1999, les prix du WTI et du bitume sont restés compris entre 14.4 et
24.5 $US/b et entre 7.3 et 18.8 $US/b respectivement. Malgré un niveau de prix peu soutenu,
la stabilité des prix sur cette longue période associée à la réduction des coûts grâce au progrès
technique a permis aux filières minière et in situ de valider leur rentabilité économique. A
partir de l’année 2000, les prix du WTI et du bitume ont respectivement progressé de 30.4 à
99.7 $US/b et de 27.3 à 71 US/b en 2008, excepté une chute (26 et 16.5 $US/b) en 2001. La
forte hausse du prix du WTI, tirée par la croissance de la demande pétrolière mondiale, a été

73
répercutée sur le prix du bitume canadien, accompagnée toutefois d’un accroissement du
différentiel de prix lourd/léger. La hausse des coûts des projets, elle-même corrélée à la
croissance de l’activité économique mondiale, a été compensée par l’accroissement du prix de
valorisation de la production pétrolière non conventionnelle.

2.1.4 Intégration des marchés

Enfin, la filière canadienne a bénéficié d’un avantage stratégique majeur lié à la


proximité géographique des sites de production avec le marché américain, le plus grand
marché mondial du raffinage. L’accès aux raffineries américaines a été facilité par le
développement d’oléoducs de transport dédiés à la production non conventionnelle
canadienne, tandis que le développement d’accords bilatéraux entre producteurs canadiens et
raffineurs américains a permis d’assurer à la filière canadienne des débouchés de long terme.

2.1.4.1 Un système de transport par oléoducs largement développé

Les caractéristiques physico-chimiques dégradées du bitume et des bruts lourds, en


termes de densité et de viscosité, impliquent d’utiliser des systèmes de transport adaptés. Le
bitume peut être transporté sur trois échelles de distance: une échelle intra-exploitation
(environ 50 km), une échelle intra-Alberta pour l'accès aux sites d'upgrading localisés en
Alberta (environ 400 km) et une échelle plus importante inter-régionale vers les sites de
traitement situés dans les autres provinces canadiennes ou aux Etats-Unis (>1000-3000 km).

L'éloignement géographique des sites de production et des zones de consommation


rend l’étape du transport particulièrement stratégique, créant une incitation forte à l'intégration
verticale entre les phases d’exploitation et de transport. L'existence de goulets d'étranglement
sur les capacités de transport pourrait en effet dévaloriser la production non conventionnelle,
en empêchant d'une part l'accès de la production non conventionnelle aux marchés et en
créant d'autre part une situation de surproduction de ces bruts pouvant déboucher sur une
dévaluation de leurs cours.

A l'échelle intra-exploitation, certains producteurs ont choisi de relier plusieurs de


leurs exploitations entre elles pour transporter la production cumulée par la même conduite.
Suncor a ainsi relié son exploitation in situ Firebag et son exploitation minière Millenium

74
avec une conduite dédiée. A l'échelle intra-Alberta, les oléoducs alimentent deux hubs,
Edmonton et Hardisty, où sont localisés la majorité des upgraders et d'où partent les
conduites d'exportation vers les Etats-Unis. Certains producteurs non conventionnels se sont
intégrés verticalement en prenant des participations dans des systèmes de transport. Ainsi,
Suncor et Husky Energy possèdent une conduite dédiée à leurs sites d'exploitation, tandis que
CNRL détient une participation de 15% dans l’oléoduc Cold Lake reliant son site d’extraction
aux hubs d'exportation. Néanmoins, l'investissement dans un système de transport dédié reste
fortement capitalistique et en grande partie irréversible. Par conséquent, la plupart des
producteurs non conventionnels ont privilégié les accords bilatéraux de long terme avec des
firmes présentes exclusivement dans le transport. Les oléoducs Corridor et AOSPL, opérés
par les firmes de transport Inter Pipeline Fund et Pembina Pipeline Income Fund, sont ainsi
dédiés au transport de brut provenant des exploitations d’AOSP et de Syncrude
respectivement. Le tableau 2-1 synthétise l’ensemble des oléoducs actuels à l’échelle intra-
Alberta.

Tableau 2-1 : Oléoducs actuels à l’échelle intra-Alberta

Opérateur Capacité
Nom /partenaire Point Départ Destination (b/j) Commentaires
Départ dans la zone de Cold Lake
Inter Pipeline CNRL Wolf Transporte le bitume issu des 3 exploitations.
Cold Lake Fund (85%) Lake, EnCana Edmonton ou Diluant acheminé par Inter Pipeline depuis la
System CNRL (15%) Foster Creek, Hardisty 435 000 région de Strathcona.
Lloydminster puis 225 000 Transporte du bitume dilué, du brut synthétique
Husky Husky Energy Hardisty 135 000 et du diluant
Terminal Ligne isolée. Permet d'éviter le recours au
ECHO P*. CNRL Hardisty Gibson 75 000 diluant
Départ dans la zone de Fort McMurray
Athabasca
Terminal Hardisty par Cold
Athabasca Enbridge (Nord de FMM) Lake 570 000 Bitume dilué et brut synthétique
Scotford Exclusif pour le bitume dilué de Muskeg River.
Kinder Muskeg River upgrader (Shell) Bitume dilué et ligne retour pour le diluant : (92
Corridor Morgan** Mine (AOSP) puis Edmonton 280 000 780 b/j)
Pembina
AOSPL (Alberta Pipeline Income Exploitation de
Oil Sands P.) Fund Syncrude Edmonton 389 000 Exclusif pour le brut synthétique de Syncrude
Exploitations de
Oil Sands P. Suncor Suncor Edmonton 150 000 Exclusif pour le brut synthétique de Suncor
Sources : Inter Pipeline Fund, 2006 ; Zupan, 2003 ; Enbridge, 2006; Sanière, 2007

75
Caractérisé par des unités de traitement vieillissantes5 et techniquement peu
complexes, le marché du raffinage canadien reste un débouché marginal pour la production
canadienne non conventionnelle. En 2008, le marché domestique canadien comptabilisait 19
raffineries, d'une capacité de traitement totale de 2 Mb/j et fonctionnant à 90% des pleines
capacités (Ressources Naturelles Canada, 2008). L'adaptation de l’outil de raffinage canadien
au pétrole non conventionnel varie selon la situation géographique des raffineries. Dans les
provinces du Québec et Atlantique, aucune raffinerie ne traitait de brut synthétique ou de
bitume jusqu'à 2008. Dans une faible mesure, depuis 2009, du brut synthétique léger a
commencé à être introduit dans la charge d'approvisionnement de certaines raffineries (1694
b/j sur les 6 premiers mois de l’année 2009). En 2008, l'ensemble des raffineries de l'Ontario
s'approvisionnait à hauteur de 13% et de 8% de leur charge pétrolière totale en brut
synthétique léger et en bitume et cette tendance semble s'accentuer d'après les premières
statistiques de 2009. Les raffineries de l'Ouest canadien représentent actuellement le plus
important marché pour le brut synthétique qui représentait 37% de leur approvisionnement
pétrolier total en 2008. En revanche, le volume de bitume traité ne représente que 2% de la
charge totale. En effet, il n’existe pas de marché en Alberta pour le fuel lourd, largement
produit par le traitement du bitume. Le tableau 2-2 synthétise les capacités de raffinage des
provinces canadiennes et la part des pétroles non conventionnels dans leur approvisionnement
en 2008.

5
Aucune nouvelle raffinerie n'a été construite depuis 1984 au Canada (Ressources Naturelles Canada,
2008)

76
Tableau 2-2 : Capacités du raffinage canadien et part des pétroles non conventionnels dans
l’approvisionnement des provinces en 2008

Province Compagnie Localisation Capacité 2008 Brut synthétique Bitume traité


b/j b/j b/j
Alberta Imperial Oil* Edmonton 187000
Petro-Canada Products
Alberta Ltd.* Edmonton 125000
Alberta Shell Canada Ltd.* Scotford 100000
Consumers' Cooperative
Saskatchewan Refineries Ltd. Regina 100000
British Columbia ChevronTexaco Corp. Burnaby 55000
Husky Oil Operations
British Columbia Ltd.* Prince George 12000
Husky Oil Operations Ltd.
Alberta (distillat/asphalte)* Lloydminster 25000
Saskatchewan Moose Jaw Refinery Inc. Moose Jaw 15000

Total Ouest canadien 619000 231477 (37%) 14350 (2%)

Nova Chemicals (Canada)


Ontario Ltd. (Pétrochimie) Sarnia 80000
Ontario Imperial Oil* Nanticoke 118000
Ontario Imperial Oil* Sarnia 119000
Ontario Shell Canada Ltd.* Sarnia 72000

Ontario Suncor Energy Products* Sarnia 70000

Total Ontario 459000 60670 (13%) 35908 (8%)

Petro-Canada Products
Quebec Ltd.* Montreal 130000
Quebec Shell Canada Ltd.* Montreal 130000
Quebec Ultramar Canada Inc. St. Romuald 215000
New Brunswick Irving Oil Ltd. St. John 250000
North Atlantic Refining Come By
Newfoundland Ltd. Chance 115000
Nova Scotia Imperial Oil* Dartmouth 89000
Total Québec et
Atlantique 929000 0 0
* compagnies présentes dans l'extraction des sables asphaltiques.

Source : Ressources Naturelles Canada, 2008

Avec un marché domestique limité, la filière canadienne non conventionnelle s’est


développée grâce à un large système d’oléoducs d’exportation vers les Etats-Unis, lui
permettant d’accéder au marché du raffinage américain à fort potentiel, à des coûts de
transport compétitifs. Toutefois, aucun producteur non conventionnel n'est, à l’heure actuelle,
intégré verticalement au secteur du transport à l'échelle inter-régionale. Les quatre oléoducs

77
d'exportation suivants relient les hubs canadiens Edmonton et Hardisty au nord des Etats-
Unis, correspondant aux PADD6 2 et 4 :

- L’oléoduc System d’Enbridge, reliant l'Ouest canadien à l'Est canadien et au


Midwest américain (PADD 2). A la sortie de l'Alberta, il est formé de cinq
conduites différentes dont une dédiée aux bruts lourds d'une capacité de
650000 b/j. C'est l'un des plus gros systèmes de transport de bruts et produits
pétroliers au monde. Le système comporte une ligne de diluant fonctionnant
dans le sens est-ouest entre Clearbrook et Edmonton via Hardisty.

- L'oléoduc Express de Kinder Morgan : d'une capacité de 280000 b/j, il part


de Hardisty et parcourt 1256 km vers le Sud jusqu'à Casper dans le Wyoming
où il se connecte à l’oléoduc Platte (PADD 4). L’oléoduc Platte relie Casper à
Wood River dans l'Illinois (PADD 2).

- L’oléoduc de Plains All American Ltd., qui est une voie d'exportation des
bruts de l'Alberta vers le Montana (PADD 2).

- Et enfin l’oléoduc Milk River de Plains All American Pipeline Ltd., petit
tronçon d'exportation vers le sud au départ de Hardisty et en direction des
raffineries du Montana (PADD 4).

Avec une capacité de raffinage de 16 Mb/j, les Etats-Unis représentent le plus grand
marché mondial du raffinage (ONE, 2006). Les capacités d'absorption de la production non
conventionnelle sont importantes mais variables selon la localisation géographique des
raffineries. Le tableau 2-3 synthétise les capacités de raffinage américain par PADD et la part
des pétroles non conventionnels dans leur approvisionnement en 2005.

6
L'acronyme PADD signifie Petroleum Administration for Defense Districts. L'ensemble des Etats-
Unis est découpé en 5 PADD. Le PADD 1 regroupe les états de la Nouvelle Angleterre et de la côte Atlantique,
le PADD 2 regroupe les états du Midwest, le PADD 3 les états du golfe du Mexique, le PADD 4 les états des
Rocheuses et le PADD 5 les états de la côte Ouest.

78
Tableau 2-3 : Capacités du raffinage américain et part des pétroles non conventionnels dans
l’approvisionnement des PADD en 2005

Brut Brut
Capacité de Quantité de Taux de synthétique synthétique Bitume % brut synthétique % bitume dans
Année 2005 raffinage brut traité fonctionnement léger traité lourd traité traité dans charge totale charge totale
kb/j kb/j kb/j kb/j kb/j
PADD 1 1551 1420 92% 13 0 5 0.9% 0.4%
PADD 2 3552 3307 93% 106 99 191 6.2% 5.8%
PADD 3 7950 7097 89% 0 1 7 0.0% 0.1%
PADD 4 565 563 100% 53 3 17 10.0% 3.1%
PADD 5 2537 2892 114% 15 10 6 0.9% 0.2%
Total 16155 15279 187 113 227 2.0% 1.5%
Source : ONE, 2006

Les PADD 2 et 4 représentent actuellement les plus grands marchés pour le brut
synthétique et le bitume. En 2005, leur approvisionnement non conventionnel représentait 12-
13% de la charge pétrolière totale traitée, mais réparti différemment entre brut synthétique et
bitume: 6.2% et 5.8% respectivement pour le PADD 2 contre 10% et 3.1% pour le PADD 4.

La capacité de raffinage du PADD 2 s'élevait à 3.5 Mb/j en 2005, soit la seconde plus
importante capacité régionale des Etats-Unis après le PADD 3. 42% du brut traité dans les
raffineries du PADD 2 était importé, dont 69% en provenance du Canada, tous types de bruts
confondus (EIA, 2010b). La complexité des raffineries du PADD 2 permet de traiter
d'importants volumes de bitume canadien, en profitant du large différentiel de prix brut
lourd/brut léger observé ces dernières années (Nakamura, 2007). Le PADD 2 bénéficie
également d'un système de transport de grande capacité dédié au brut lourd (795000 b/j en
2007 ; Anderson, 2010 ; Shamla, 2007).

Les raffineries du PADD 4 s'approvisionnaient traditionnellement en brut


conventionnel issu de l'Ouest canadien. Profitant également d'un large système de transport de
brut lourd déjà existant, elles ont pu compenser la baisse de leur approvisionnement
conventionnel par l'importation de brut synthétique produit en Alberta. Cependant, la hausse
du prix du brut observée entre 2005 et 2007 a permis de relancer la production domestique du
PADD 4, à l'aide de techniques de récupération complexes et coûteuses (injection de CO2 et
forages horizontaux). Les bruts non conventionnels canadiens ont alors été délaissés par les

79
raffineurs au profit de ces bruts domestiques immédiatement disponibles et fortement
dévalués (ONE, 2006).

L’approvisionnement en brut non conventionnel des PADD restants ne représente que


0.1% à 1.3% de la charge totale traitée en raffinerie. Malgré la taille du marché et l'existence
de raffineries complexes dans le PADD 3, qui traitent déjà des bruts lourds provenant du
Venezuela et du Mexique, il n'existe pour le moment aucun système de transport dédié au brut
lourd canadien desservant ce marché.

Enfin, l’approvisionnement pétrolier du PADD 5, logistiquement séparé du reste des


Etats-Unis, provient à hauteur de 58% d’une production domestique (gisements de Californie
et d'Alaska) le reste étant importé du Canada ou de pays de l'OPEP tels que l’Arabie Saoudite
ou l’Irak (EIA, 2010b).

Au cours des années 2000, les importations pétrolières ont représenté une part
croissante de l’approvisionnement américain, la production pétrolière des Etats-Unis ayant
progressivement diminué de 1880 Mb en 2000 à 1691 Mb en 2007. Tandis que l’offre
pétrolière domestique a augmenté de 2.9% entre 2000 et 2007, les importations ont augmenté
de 10.3% au cours de cette même période, atteignant 3661 Mb en 2007. Les importations
pétrolières proviennent majoritairement du Canada, du Venezuela et du Mexique, qui
bénéficient de coûts de transport compétitifs, ainsi que de l’Arabie Saoudite qui détient les
plus grandes réserves pétrolières mondiales, exploitables à faible coût.

La filière pétrolière non conventionnelle a bénéficié de la politique énergétique


américaine visant à sécuriser ses approvisionnements énergétiques. D’une part, on observe
depuis le début des années 2000 une intégration progressive des marchés de l'énergie nord-
américains, entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, dans les secteurs pétrolier, mais
aussi gazier et électrique (Lapointe, 2002). Cette intégration a été favorisée en partie par les
accords successifs de libéralisation du commerce, l'Accord de Libre Echange (ALE) et
l'Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA) et un processus de déréglementation
des différents secteurs énergétiques (Lapointe, 2002). Néanmoins, le processus d'intégration
énergétique entre les Etats-Unis et le Mexique n'a pas été aussi rapide que prévu, notamment
en raison de sous-investissements dans les infrastructures énergétiques et d'un nationalisme

80
très fort envers la propriété des ressources naturelles (Lapointe, 2002). Par conséquent, la part
des importations en provenance du Mexique dans l’approvisionnement américain a été réduite
de 14.5% en 2000 à 12.1% en 2008 (EIA, 2010b).

D’autre part, le Canada a su prendre avantage de la politique nationaliste du


Venezuela. La nationalisation partielle des actifs des projets non conventionnels, la volonté du
gouvernement de Chavez de créer des partenariats privilégiés avec les compagnies nationales
de pays émergents et la fermeture progressive des réserves aux compagnies internationales,
ont été à l’origine de la réduction de la part des importations vénézuéliennes dans
l’approvisionnement américain, passant de 13.4% en 2000 à 11.4% en 2007 (EIA, 2010b).

Dans ce contexte, le Canada est devenu depuis 2004 le premier pays exportateur de
pétrole vers les Etats-Unis. La part des importations américaines de brut provenant du Canada
est en constante progression depuis 2001. Initialement égale à 14.5% des importations
américaines totales en 2001, elle a atteint 20% des importations totales en 2008. L’émergence
de la production non conventionnelle a permis de contrebalancer le déclin de la production
conventionnelle canadienne amorcée en 2003. Tandis que la production conventionnelle
déclinait de 8% entre 1998 et 2008, la production non conventionnelle a plus que doublé sur
la même période, passant de 587 à 1200 kb/j et représentant 45% de la production canadienne
totale en 2008 (ONE, 2008).

2.1.4.2 Intégration amont-aval et processus de standardisation de la


production non conventionnelle

La grande variété des degrés d’intégration des projets miniers et in situ (étape
d’extraction seule, étapes d’extraction et d’upgrading intégrées, qualité des bruts synthétiques
liée à l’option de conversion) débouche sur la fabrication de nombreux produits aux
caractéristiques physico-chimiques distinctes. On distingue quatre catégories de produits :

- Le bitume extrait peut être vendu directement sur le marché sous forme de
bitume dilué, après avoir été préalablement mélangé avec un hydrocarbure
plus léger pour le transport (DilBit)

81
- Le bitume peut être pré-traité ou upgradé en brut synthétique (SCO) et
valorisé tel quel sur le marché

- Le brut synthétique peut aussi être commercialisé en mélange avec du bitume


non traité (SynBit)

- Enfin, le brut synthétique peut être valorisé en mélange avec du bitume non
traité et un autre hydrocarbure léger jouant un rôle de diluant supplémentaire
(SynDilBit).

Ces quatre catégories de produits n'ont pas les mêmes qualités et sont destinés à
différents types de raffineries. Les produits à base de bitume sont de médiocre qualité (forte
teneur en résidu de distillation et en métaux lourds, production de co-produits peu
valorisables). Ils requièrent des unités de traitement adaptées et plus coûteuses et sont donc
dévalués par rapport au prix d'un brut conventionnel. Les bruts synthétiques sont en règle
générale de meilleure qualité que les produits à base de bitume, en fonction de leur degré de
pré-traitement avant leur mise sur le marché du raffinage. Leur rendement en résidu de
distillation est quasi-nul tandis que leur rendement gazole est plus élevé que celui d'un brut
classique comme le WTI. Certains bruts synthétiques peuvent également atteindre des teneurs
en soufre particulièrement faibles. Par exemple, le brut synthétique produit par la firme
Syncrude a une teneur en soufre égale à 0.2%, plus faible que celle du brut conventionnel
Brent à 0.27% (Brierley et al., 2006). Néanmoins, ils sont caractérisés par une coupe distillat
de qualité médiocre et par une teneur élevée en aromatiques (Industrie Canada, 2010). Les
SCO sont plutôt destinés aux raffineries traitant des bruts légers tandis que les DilBits sont
destinés aux raffineries traitant des bruts lourds munies d’unités de conversion profonde
capables de traiter des charges riches en métaux lourds. Les SynBits ou SynDilBits sont
vendus aux raffineries capables de traiter des bruts légers ou medium (Brierley et al., 2006).

Initiée dès le milieu des années 1990 par les acteurs historiques, l'intégration verticale
entre les phases d’extraction minière et d’upgrading a permis aux producteurs non
conventionnels d’accéder au marché des raffineries légères et medium, de taille plus
importante que celui des raffineries lourdes et de valoriser leur production à un prix plus élevé
et moins volatil. La figure 2-4 représente le différentiel de prix mensuels entre le brut

82
synthétique et le WTI d’une part et entre le bitume et le WTI d’autre part, observé sur la
période 2002-2008 (EIA, 2009a, 2009b).

Figure 2-4 : Evolution du différentiel de prix SCO/WTI et bitume/WTI sur la période 2002-
2008 (sources : EIA, 2009a, 2009b)

Egal à 52.5 $US/b en moyenne sur la période 2002-2008, le brut synthétique était
légèrement dévalué par rapport au prix du WTI, excepté en juillet et août 2007, avec un
différentiel relativement constant, égal en moyenne à -3.7 $US/b. A l’inverse, le différentiel
de prix entre bitume et WTI était très variable puisqu’il était compris entre –7.3 et –62.9
$US/b sur la période considérée. D’après les travaux économétriques d’Attanasi (2008), les
trajectoires des prix observés fournissent une incitation à l'intégration verticale extraction-
upgrading : au cours d’une période prolongée d'offre soutenue, un déclin du prix du brut léger
peut s'accompagner d'un déclin plus important du prix du bitume, ce dernier étant plus volatil,
éventuellement jusqu'à un seuil où le prix du bitume devient inférieur à son coût de
production.

Le tableau 2-4 présente les unités d'upgrading en opération dans la province d’Alberta.
En 2010, la capacité d’upgrading cumulée atteignait 1.1 Mb/j, avec une forte prévision de
croissance à horizon 2015. Actuellement, sur les six unités d’upgrading en fonctionnement,
cinq sont dédiées à des projets spécifiques et sont localisées sur les sites de production :
Suncor, Syncrude, Albian Oil Sands Ltd. et Nexen/OPTI. Le sixième projet, opéré par Husky

83
Energy, est un upgrader marchand qui traite les productions de bitume de plusieurs sites
d'exploitation.

Tableau 2-4 : Unités d’upgrading en opération dans la province d’Alberta

Projet/opérateur Localisation Statut Capacité Commentaire


kb/j bitume
Husky Energy Lloydminster En Opération 82 non dédié
(150 en 2015)
Suncor Energy Sur site En Opération 260 dédié
(540 en 2011)
Syncrude Sur site En Opération 410 dédié
(520 en 2015)
Athabasca Oil Sands Edmonton En Opération 160 dédié
Project (Scotford) (345 en 2012)
Long Lake de Sur site En Opération (2007) 70 dédié
Nexen/OPTI
Horizon de CNRL Sur site Démarrage (2010) 135 dédié
(270 en 2015)
(Tableau de l’auteur)

Chacune des catégories présentées précédemment regroupe des produits de différentes


qualités puisque chaque projet d'extraction fournit un produit spécifique en fonction des
technologies utilisées. Par exemple, le brut synthétique produit par Opti/Nexen est caractérisé
par un degré API de 39 tandis que le brut synthétique issu des installations de Syncrude a un
degré API de 34.

Pour contrer le risque de débouchés limités par l'absence de standardisation, certains


producteurs non conventionnels canadiens ont suivi une stratégie d’intégration verticale
amont-aval entre leurs propres activités de l’extraction jusqu’au raffinage ou par le biais
d’accords bilatéraux de long terme avec des acteurs du raffinage américain. La conversion
d'une raffinerie existante pour le traitement du bitume peut s'avérer moins coûteuse et plus
rapide que la construction d'une nouvelle unité de traitement (Attanasi, 2008) et permet de
bénéficier d'un système de transport déjà existant. Le producteur non conventionnel Suncor-
PetroCanada avait ainsi annoncé en 2007 un projet de conversion de sa raffinerie propriétaire
à Strathcona pour le traitement du bitume issu de ses projets d’extraction.

Par ailleurs, deux partenariats entre un producteur non conventionnel amont et un


raffineur ont été lancés. Ces partenariats fonctionnent sur un partage 50/50 des actifs et des

84
investissements des projets d’exploitation de bitume et des raffineries et permettent d’assurer
un débouché pour le bitume produit et un approvisionnement stable pour les raffineries.
Démarré en octobre 2006, le partenariat Encana/ConocoPhillips permet de traiter le bitume
produit par les projets Foster Creek et Christina Lake dans deux raffineries américaines de
ConocoPhillips (Wood River dans l’Illinois et Borger au Texas), d’une capacité totale de
400000 b/j et qui devrait atteindre 550000 b/j en 2015 (Oil and Gas Network, 2008). Lancé en
décembre 2007, un partenariat similaire entre Husky Energy et BP permet de traiter le bitume
produit par le projet Sunrise dans la raffinerie américaine Toledo (Illinois) de BP, avec une
capacité qui devrait atteindre 200000 b/j en 2015 (Oil and Gas Network, 2008 ; Petroleum
Economist, 2009).

Enfin, un projet de standardisation d'un produit de type SynDilBit a récemment été


lancé à l'initiative de quatre firmes canadiennes productrices de brut non conventionnel,
EnCana, Talisman, CNRL et Suncor-PetroCanada. Le produit destiné à la vente WCS est
composé de quantités spécifiées de bitume, brut synthétique, brut lourd conventionnel et brut
medium conventionnel issus de différents projets et répond à des spécifications données en
termes de densité, de résidu de carbone, de teneur en soufre et d’acidité. S'élevant initialement
à 250000 b/j en 2005, la production du WCS devait doubler en 2008. Une procédure est
également en cours pour que ce produit soit échangé sur le New York Commodities Exchange
et devienne ainsi un brut de référence pour l'évaluation du prix de valorisation des autres
produits non conventionnels (Cenovus Energy, 2010).

En conclusion de cette première section, l’instauration d’un cadre fiscal favorable aux
producteurs de pétrole non conventionnel canadien, ainsi que la maîtrise progressive des coûts
de production grâce au progrès technique et à la rationalisation des procédés industriels dans
un contexte de prix du brut stable, a permis à la filière non conventionnelle canadienne
d’émerger et de prouver sa viabilité économique à l’échelle industrielle. En parallèle, la
proximité géographique des sites de production avec les Etats-Unis, le plus grand marché du
raffinage à l’échelle mondiale, s’est avérée stratégique pour assurer à la filière canadienne des
débouchés de long terme. Desservi par un large système de transport terrestre dédié, les
projets d’extraction de pétrole non conventionnel ont progressivement été intégrés aux
activités aval d’upgrading ou de raffinage dans le but de sécuriser leurs débouchés et limiter
leur exposition au risque prix.

85
2.2 Les freins au développement

Conséquence de l’amélioration de la rentabilité de la filière non conventionnelle, les


secteurs miniers et in situ ont poursuivi leur essor entre 2005 et 2008, avec le lancement de
nombreuses extensions de capacité de production. Dans le secteur minier, les opérateurs
historiques Suncor et Syncrude ont procédé à des extensions de leurs installations entre 2005
et 2008. En 2008, la compagnie CNRL a lancé la première phase de son projet Horizon. Dans
le secteur in situ, Encana a poursuivi en 2005 le développement de Foster Creek. En 2006,
cinq nouveaux projets ou extensions de capacités étaient lancés : le projet Surmont de
ConocoPhillips et Total ; la première extension des projets Firebag de Suncor et Joslyn de
Total ; le projet Primrose Lake de CNRL et le projet Tucker de Husky Energy. En 2007, le
développement de la filière se poursuivait avec le démarrage de quatre projets : le projet Great
Divide de Connacher Oil and Gas, l’extension de Foster Creek par Encana, la première phase
du projet Long Lake de Opti/Nexen et enfin l’extension de Firebag par Suncor. Enfin, en
2008, cinq projets in situ étaient lancés : le projet Jackfish de Devon Energy, la seconde phase
du projet Christina Lake d’Encana, le projet Christina Lake MEG de MEG Energy, le projet
Orion de Shell Canada ainsi que le projet Primrose East de CNRL. Un tableau récapitulatif
des projets miniers et in situ démarrés entre 2005 et 2008 est disponible dans l’annexe 2.1 à la
fin de ce chapitre.

Mais le contexte économique s’est fortement dégradé sous l’influence de plusieurs


facteurs. Les tensions observées depuis 2005 sur les marchés des matières premières et du
travail en Alberta ont provoqué une inflation des coûts de construction et des coûts
opératoires. La chute du cours du brut fin 2008-début 2009, maintenu pendant plusieurs mois
à un niveau inférieur au prix seuil permettant le développement de la filière canadienne, a
également pénalisé la rentabilité des projets d’extraction. Enfin, les conséquences de la crise
financière de 2008, alliant une contraction de la demande pétrolière américaine et un
durcissement des conditions d’emprunt, ont empêché le lancement de plans de relance. Ces
facteurs ont agi comme de véritables freins au développement de la filière canadienne, avec la
suspension ou le report de nombreux projets initialement planifiés sur la période 2009-2010.
La prochaine section présente une analyse de ces facteurs et un état des lieux de la filière
canadienne à l’issue de la période 2009-2010.

86
2.2.1 Inflation du coût des projets

Nous avons représenté sur la figure 2-5 l’évolution de l’indice de coût des projets
pétroliers et gaziers amont et aval (Capital Costs Analysis Forum for Upstream CCAF-U and
Downstream CCAF-D) publiés par le Cambridge Energy Research Associates (CERA). Ces
indices de coût fournissent un outil de « benchmark » transparent, puisqu’ils recouvrent toutes
les dépenses de construction (coût du travail de la main d’œuvre employée, coûts d’ingénierie,
coût des équipements, coût du matériel) et sont construits à partir de portefeuilles de projets.
L’indice de coût des projets en amont est construit à partir d’un portefeuille de 28 projets
géographiquement dispersés, incluant les technologies onshore, offshore, les unités GNL et
les oléoducs. L’indice de coût des projets en aval est construit à partir d’un portefeuille de
plus de 30 projets, regroupant des raffineries et usines pétrochimiques.

Après une période de stabilité entre 2000 et 2004, les indices de coût CERA amont et
aval ont fortement augmenté entre 2005 et 2008, avant de décroître légèrement en 2009. En
2005, ils ont augmenté de 24% par rapport à l’année 2000. En 2008, l’indice amont a atteint
un niveau plus de deux fois supérieur à celui observé en 2000 (+119%) tandis que l’indice
aval a augmenté de 81% par rapport à l’année 2000.

250

200

150

100

50

0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Année
Indice CERA amont Indice CERA aval

Figure 2-5 : Evolution de l’indice de coût CERA des projets pétro-gaziers amont et aval sur la
période 2000-2009 (données CERA)

La hausse du coût des projets non conventionnels semble avoir été plus importante que
celle représentée par les indices de coût CERA. La hausse du coût du travail a été significative

87
sur le marché du travail en Alberta, particulièrement tendu à cause d’une forte demande en
ouvriers qualifiés pour les phases de construction des projets géographiquement concentrés
regroupées sur une courte durée7 et (Atkins et McFadyen, 2008). Cette tendance était
exacerbée par la difficulté à attirer ces ouvriers sur des sites de production éloignés, dans des
conditions climatiques difficiles, amenant les compagnies à proposer des salaires supérieurs à
ceux des autres provinces canadiennes. L'augmentation du coût du travail est un facteur
explicatif de l'inflation des coûts de construction puisqu'il représentait 29% des dépenses
totales pour un projet minier et 26% pour un projet in situ en 2003 (CAPP, 2003). En
particulier, la filière minière intégrée, faisant appel à des technologies plus matures et plus
simples à mettre en œuvre que l'extraction in situ, avec de nombreux retours d'expérience et
une rentabilité ne cessant de s'améliorer à partir du milieu des années 2000, a attiré de
nouveaux investisseurs. De nombreux projets miniers intégrés ont donc été planifiés sur un
même intervalle de temps, créant des goulets d'étranglement dans le secteur de la
construction.

Le cours des matières premières de construction telles que l’acier ou l’aluminium


largement utilisées pour la fabrication des équipements et unités de production, a également
fortement augmenté depuis le début des années 2000, poussé par une activité économique
mondiale croissante. Par conséquent, une hausse significative du coût du capital des projets
non conventionnels a été observée depuis 2005. Nous avons représenté sur la figure 2-6
l’évolution de l’intensité en capital des projets intégrés (miniers excepté pour le projet Long
Lake d’Opti/Nexen basé sur la technologie in situ) en fonctionnement ou en construction sur
la période 2003-2012. A titre de comparaison, nous avons introduit l’intensité en capital du
projet Muskeg River d’AOSP, démarré en 2003 avant la phase d’inflation des coûts des
projets. Les données ont été adaptées de CAPP (2008) et de Reuters (2009) et sont exprimées
en dollar canadien en monnaie constante (base 100=2000). Etant donné les nombreuses ré-
estimations publiées, nous avons choisi de conserver les estimations les plus récentes
correspondant à un avancement plus important des projets, qui devraient être les plus fiables.
Toutefois, la détente des marchés des commodités et de la construction amorcée en 2009
pourrait modifier le coût réel des projets.

7
Selon Scott (2006), le marché du travail de l'Alberta manquait de 75000 à 100000 ouvriers qualifiés en
2006.

88
Figure 2-6 : Evolution de l’intensité en capital des projets miniers sur la période 2003-2012
(sources : CAPP, 2008a, Reuters, 2009)

L’intensité en capital des six projets démarrés à partir de 2006 ou en phase de


construction, comprise entre 61200 $CAN/b/j et 97900 $CAN/b/j, a augmenté de 57% (projet
Horizon de CNRL) à 151% (projet Muskeg River/Scotford de Shell) par rapport à l’intensité
en capital observée en 2003. Le coût du capital des projets in situ a également été impacté à la
hausse, mais dans une moindre mesure, puisque les installations d’extraction in situ ne sont
pas intégrées à la phase d’upgrading. L’évolution récente du coût du capital des projets non
conventionnels sera analysée plus en détails dans le paragraphe 6.1.1.

Les coûts opératoires des projets en fonctionnement ont également été impactés par la
hausse des coûts de maintenance et des prix des matières premières énergétiques (gaz naturel,
naphta et diluants). Les coûts de maintenance ont augmenté sous l’effet d’une hausse des
salaires, en particulier dans le cas des projets miniers pour lesquels le coût du travail
représenterait plus de 40% des dépenses opératoires (Timilsina et al., 2005). Les coûts de
maintenance des projets miniers ont également augmenté en raison d’incidents techniques qui
ont mené à des arrêts de production non planifiés, les coûts fixes étant alors répartis sur un
niveau de production plus faible.

Les prix du naphta, du diluant et du gaz naturel ont suivi une tendance haussière sur la
période 2004-2008 puisqu’ils sont corrélés au prix du brut. La pénurie de naphta et de diluant
sur le marché de l’Alberta liée à la multiplication des projets a engendrée une hausse
supplémentaire des prix à l’échelle locale (Roche, 2006). Toutefois, cette hausse n’a pas

89
ralenti le développement de la filière minière, puisque le coût d’acquisition des facteurs
énergétiques représente moins de 10% du coût variable total minier (8% en 2007 pour les
installations de Suncor (Suncor, 2007a)). La hausse des matières premières énergétiques a
plutôt stimulé la recherche d’une meilleure efficacité énergétique, qui a mené à l’intégration
des systèmes productifs d’extraction et de pré-traitement, au déploiement de l’hydrotransport
et à la construction de systèmes de récupération du naphta et de lignes de retour de diluant
vers les sites d’extraction.

Dans le cas des projets in situ, les coûts opératoires ont principalement été impactés
par la hausse du prix du gaz naturel, étant donné la forte proportion des coûts énergétiques
dans les coûts opératoires.

Des données de coûts opératoires sont disponibles à partir des rapports annuels publiés
par les compagnies historiques Suncor et Syncrude. Les coûts opératoires de Suncor sont
détaillés par poste de dépenses. Dans le cadre de cette analyse, nous avons défini les coûts
opératoires de Suncor comme la somme des coûts opératoires décaissables (maintenance,
logistique, main-d’œuvre, frais administratifs) et du coût du gaz naturel, hors coûts de
démarrage du projet Firebag et amortissements. Dans le cas de Syncrude, les coûts opératoires
publiés sont agrégés et correspondent uniquement à la technologie minière. Les coûts
opératoires miniers sur la période 2002-2007 des deux compagnies ont été reportés sur la
figure 2-7. Les coûts opératoires in situ de Suncor sur la période 2004-2007 ont été reportés
sur la figure 2-8. Les données sont exprimées en dollar canadien en monnaie courante.

90
Figure 2-7 : Evolution des coûts opératoires miniers de Suncor et Syncrude sur la période
2002-2007 (sources : rapports financiers annuels des compagnies ; Syncrude, 2002-2006 ;
Suncor, 2004-2007a)

Initialement à 17.1 $/b en 2002, les coûts opératoires miniers de Syncrude ont
progressivement augmenté sur la période, avec une rupture au cours de l’année 2004 et
atteignaient 26.5 $/b en 2006. Les coûts opératoires de Suncor ont également suivi une
tendance haussière, passant de 14 $/b en 2004 à 29.1 $/b en 2007, excepté une rupture sur
l’année 2006. Le léger décalage entre les coûts opératoires des deux compagnies semble
provenir des amortissements qui sont uniquement comptabilisés par Syncrude. La structure
détaillée des coûts de Suncor indique que la hausse des coûts opératoires est due
principalement à l’augmentation des coûts opératoires décaissables hors coût du gaz naturel.
Entre 2004 et 2005, les coûts opératoires hors gaz naturel sont passés de 12.9 à 21.1 $/b,
tandis que le coût du gaz naturel a évolué de 1.1 à 3.7 $/b. Ce résultat confirme le fait que la
hausse importante du prix du gaz naturel sur cette période a été peu répercutée sur les coûts
opératoires miniers, étant donné la faible proportion du coût du gaz naturel dans le coût
opératoire total. La hausse des coûts opératoires hors gaz naturel provient effectivement de
l’augmentation des coûts de maintenance, liée aux arrêts de production non planifiés et à la
hausse des salaires.

91
Figure 2-8 : Evolution des coûts opératoires in situ de Suncor sur la période 2004-2008
(sources : rapports annuels de Suncor, 2004-2008b)

Pour la technologie in situ, nous avons distingué les coûts opératoires hors gaz naturel
et le coût du gaz naturel. Sur la période 2004-2007, les coûts opératoires hors gaz naturel sont
restés stables, compris entre 8.9 et 10.9 $/b, avant d’atteindre 13 $/b en 2008. Le coût du gaz
naturel est plus variable et a suivi l’évolution du prix du gaz naturel sur le marché spot
d’Alberta. Egal à 11.2 $/b en 2004, il a atteint un pic à 13.1 $/b en 2005. Il a diminué à 8.4 $/b
en 2006, avant d’augmenter à 9.9 et 12.3 $/b en 2007 et 2008. La hausse du prix du gaz
naturel en Alberta observée entre 2004 et 2005 (de 6.7 à 8.3 $/MBtu) et entre 2007 et 2008
(de 6.4 à 7.9 $/MBtu) a significativement pesé sur les coûts opératoires in situ, étant donné la
forte proportion du coût du gaz naturel dans le coût opératoire total, entre 48 et 59% selon les
années. Une forte hausse du prix du gaz naturel avait déjà été observée entre 2002 et 2003 sur
le marché spot AECO en Alberta (de 3.9 à 6.5 $/MBtu). Cependant, nous n’avons pas pu
évaluer son impact sur les coûts opératoires in situ puisque nous ne disposons pas de données
de coûts sur les années 2002 et 2003.

2.2.2 Volatilité du prix du brut

Nous avons représenté sur la figure 2-9 l’évolution du prix et de la volatilité annuelle
du WTI (FOB spot, à Cushing, Oklahoma ; EIA, 2009a) sur la période 1980-2010. La chute
du prix du brut fin 2008 début 2009 a déstabilisé la filière non conventionnelle canadienne.
Inférieur à 60 $US/b entre novembre 2008 et mai 2009, atteignant 39.1 $US/b au plus bas en

92
février 2009, le cours du brut8 s’est maintenu pendant sept mois à un niveau inférieur au prix
seuil sous lequel le développement de nouvelles capacités de production non conventionnelle
devient non rentable (Dunbar, 2008).

Figure 2-9 : Evolution du prix et de la volatilité annuelle du WTI (FOB spot, à Cushing,
Oklahoma) sur la période 1980-2010 (source : EIA, 2009a)

La mauvaise lisibilité des conditions économiques futures semble être à l’origine de


l’inertie des plans de relance des projets non conventionnels suspendus. D’une part, malgré la
chute des cours des matières premières, les coûts des projets ne semblent pas avoir été
significativement réduits. D’autre part, la forte volatilité des prix observés sur les marchés
pétroliers après 2008 semble également avoir freiné la reprise du secteur non conventionnel
canadien. A court et moyen terme, le prix de la ressource et ses fluctuations peuvent être
anticipés à partir d'observations sur les marchés forward. Ces informations permettent aux
industriels d'utiliser des mécanismes de couverture contre la volatilité des prix pour se
prémunir contre le risque prix. Ainsi, une forte volatilité des prix n'est pas forcément
synonyme d'un risque prix plus important. En revanche, de telles informations n’existent pas à
long terme sur des périodes de 10 à 20 ans, correspondant à la durée de vie d’installations de
production pétrolière. Puisque la volatilité du prix ne peut pas être observée et anticipée sur
toute la durée de vie des projets non conventionnels, l’absence de mécanismes de couverture
expose alors les industriels à un risque prix, débouchant sur des stratégies d’investissement
plus prudentes ou conservatives.

8
A l’instar de la sous-section 2.1.3, nous considérons le prix du WTI (spot FOB, Cushing, Oklahoma)
en approximation du prix du brut synthétique canadien.

93
2.2.3 Conséquences de la crise financière de 2008

2.2.3.1 Durcissement des conditions d’emprunt

Contrairement aux grands projets conventionnels lancés par les compagnies


pétrolières, la majorité des projets non conventionnels n'a pas été financée par la technique du
project financing, c'est-à-dire avec des emprunts bancaires pour lesquels le seul recours des
prêteurs repose sur la production et les revenus engendrés par le projet (et éventuellement les
actifs du dit projet) (Babusiaux, 1990, p.464), mais sur fond propres des entreprises. Seuls
quatre projets, Aurora de Syncrude, Muskeg River d'AOSP, Long Lake d'Opti/Nexen et
Christina Lake de MEG Energy, ont été financés par la technique du project financing
(Weygandt et Zamastsyanin, 2008).

Jusqu'au milieu des années 2000, les organismes créanciers considéraient ces projets
technologiquement risqués, impliquant des risques économiques importants (dépassement des
coûts planifiés, surestimation des réserves exploitables) et demandaient des garanties plus
fortes que celles qu'ils auraient obtenu avec la technique du project financing. Des primes de
risque étaient introduites dans le calcul du taux d'intérêt et les échéances de remboursement
étaient généralement peu flexibles. En plus des risques technologiques spécifiques, la majorité
des firmes spécialisées dans le secteur était de petite taille, récente (Guiny et Sachs, 2008), ou
ne présentait pas une santé financière particulièrement solide. Elles se retrouvaient faiblement
cotées auprès des organismes créanciers et ne pouvaient accéder qu’à des conditions
d'emprunt peu favorables.

Le développement de la filière non conventionnelle a été accéléré par l'arrivée de


compagnies pétrolières capables de financer sur leurs fonds propres les projets non
conventionnels ou d'avoir accès à des conditions d'emprunt intéressantes9, et par la santé
économique des compagnies historiques du secteur capables de générer suffisamment de
cashflows pour autofinancer leurs nouveaux projets. A titre illustratif, nous présentons dans
l’annexe 2.2 à la fin de ce chapitre une schématisation des stratégies d’entrée des acteurs
internationaux dans le secteur pétrolier non conventionnel canadien.

9
Le projet Christina Lake de MEG Energy a pu être financé à hauteur de 71% par des emprunts, grâce à
la prise de participation de la compagnie nationale chinoise CNOOC qui bénéficiait de conditions d'emprunt
avantageuses (Weygandt et Zamastsyanin, 2008).

94
En parallèle, la maîtrise technologique et le retour d'expérience ont favorisé la mise en
place de conditions d'emprunt plus avantageuses, permettant à une proportion croissante du
capital d'être financée par la dette avec des taux d'intérêt limités.10 Malgré l'inflation des coûts
d'investissement, la plupart des projets ont été poursuivis jusqu'en 2008 grâce à la diminution
du coût d'accès au capital, passant de 15.2% en 1996 à 12.5% entre 1999 et 2003, jusqu'à
9.3% en 2007 en moyenne sur l'ensemble du secteur non conventionnel (Gouvernement de
l’Alberta, 2009a).

Mais suite à la crise financière de 2008 qui a ébranlé les organismes créanciers, le coût
d'accès au capital du secteur non conventionnel s'est détérioré. Touchés par de lourdes pertes
financières, les créanciers ont durci les conditions d'emprunt, se traduisant par une
augmentation des taux d'intérêt ou par un remboursement accéléré des emprunts contractés.
Les compagnies historiques de la filière non conventionnelle ont eu l'opportunité d'utiliser une
partie des profits engendrés par leurs projets en fonctionnement pour financer leurs nouveaux
projets. Suite à l'augmentation des taux d'intérêt, cette source de financement interne à
l'entreprise semblait être devenue plus avantageuse par rapport à l'endettement auprès
d'organismes externes.11 Mais certaines compagnies particulièrement exposées ont vu leur
coût d'emprunt augmenter et n'ont pas été capables d'y faire face. Début 2009, la firme Value
Creation, qui avait racheté BA Energy Inc. en 2008, stoppait son projet d'upgrader après avoir
déjà dépensé plus de 500 M$CAN, étranglée par le remboursement des coûts d'investissement
auprès de la firme Enbridge et le paiement accéléré de dettes contractées auprès du créancier
Crédit Suisse (Financial Post, 2009). Par conséquent, les difficultés de financement
auxquelles sont confrontés plusieurs acteurs du secteur non conventionnel risquent de freiner
la reprise des projets suspendus.

2.2.3.2 Contraction du potentiel d’absorption américain

Le potentiel d’accroissement des débouchés de la filière canadienne sur le marché


américain apparaît de plus en plus limité. Une diminution de la demande pétrolière américaine
a été observée sur les années 2008 et 2009. L’approvisionnement net en brut des raffineurs
américains a été réduit de 3% et 5% en 2008 et 2009 par rapport au niveau observé en 2007

10
Entre 2007 et 2008, la part du capital de la compagnie CNRL financé par emprunt est passée de 54 à
59% (CNRL, 2009) et les taux d'intérêt s'établissaient autour de 5-6% en 2008 (Suncor, 2009 ; Imperial Oil,
2009 ; Nexen, 2009 ; CNRL, 2009).
11
CNRL estime que le niveau élevé du taux de ses emprunts expliquerait une partie de l'accroissement du coût
du capital (CNRL, 2009 ; Standard and Poor’s, 2009).

95
(EIA, 2011). Cette tendance est d’autant plus nette que la qualité de l’approvisionnement
pétrolier américain moyen a diminué entre 2007 et 2008-2009 (degré API réduit de 0.21 et
0.05 respectivement) et aurait dû entraîner, de par le jeu des rendements, une augmentation de
la quantité de brut traité pour obtenir des quantités identiques en produits pétroliers.

La hausse des coûts d’ingénierie a également été répercutée sur les projets de
transport. Initialement estimé à 780000 b/j en 2007, l’accroissement des capacités de transport
entre l’Alberta et les Etats-Unis a été revu à la baisse, suite à la suspension du projet Altex
Pipeline System d'Enbridge qui prévoyait de transporter le bitume vers les raffineries du
PADD 3, et devrait atteindre 575000 b/j entre 2010 et 2015. Etant donné les contraintes
économiques actuelles et l'éloignement géographique du PADD 3, son potentiel d'absorption
de production non conventionnelle semble limité. Un constat similaire semble s'imposer pour
le PADD 1, bien que la problématique de raffinage y soit différente. Première région
consommatrice de produits pétroliers raffinés, le PADD 1 est doté d'une capacité de raffinage
ne permettant pas de satisfaire cette demande. Facilement accessible par voie maritime, le
PADD 1 ne devrait pas modifier profondément sa structure d'approvisionnement en bruts12 et
continuer à importer des produits raffinés, en provenance de l'Europe et du PADD 3,
fortement excédentaire en produits pétroliers. Par ailleurs, le PADD 4 devrait rester un
marché majeur pour la production non conventionnelle mais marginalement croissant.

Le marché pourrait potentiellement s’accroître grâce au PADD 5 et aux marchés


asiatiques. Largement approvisionné par des bruts produits en Alaska, le PADD 5 devrait être
amené à diversifier ses sources d’approvisionnement, puisque les champs de production en
Alaska sont en déclin (forte maturité des champs et surcoûts liés à des phases de maintenance
non planifiées). La production non conventionnelle canadienne pourrait émerger dans l’offre
du PADD 5, puisque plusieurs projets de construction d'unités de cokéfaction pour le
traitement du bitume et autres unités de conversion pour le brut synthétique sont en cours
d'évaluation (raffineries de ConocoPhillips et de BP situées à Puget Sound; ONE, 2006).
Cependant, l’Etat de Californie, le plus gros consommateur du PADD 5, a adopté en 2010 une
nouvelle législation visant à interdire l’approvisionnement en essence des organismes
gouvernementaux issue de filières pétrolières émettant plus de CO2 que la filière
conventionnelle (« Low Carbon Fuel Standard »), pénalisant par conséquent la filière non
12
Le PADD 1 s'approvisionne majoritairement en bruts issus des gisements offshores de l'Est canadien,
des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et en provenance de Russie et des Iles Vierges (EIA, 2010c).

96
conventionnelle canadienne. Enfin, plusieurs projets de construction d’oléoducs reliant les
sites de production en Alberta à la côte Pacifique avaient été annoncés avant 2008, dans le but
d’accéder aux nouveaux marchés de consommation en Asie. Toutefois, les investissements
proposés ont été abandonnés puisque les coûts de transport par tanker s’avèrent trop élevés
dans la pratique.

2.2.4 Suspension et report de projets

Conséquence de la dégradation des conditions économiques, le développement des


nouveaux projets non conventionnels a fortement ralenti depuis 2009, avec la suspension ou
le report de nombreux projets. Les tableaux 2-5, 2-6 et 2-7 synthétisent les projets miniers, in
situ et d’upgrading en développement ou planifiés sur la période 2010-2020 et leur statut mis
à jour.

Tableau 2-5 : Description des projets miniers en développement ou planifiés sur la période
2010-2016

Projet minier Opérateur Date démarrage Capacité Statut


kb/j
Northern Lights (phase 1) Total/SinoCanada 2010 57.25 suspendu
Jackpine 1A AOSP 2010 200 en construction
Muskeg River extension et
dégoulottage AOSP 2010 115 approuvé
North Steepbank extension Suncor 2010 180 suspendu
Voyageur South (phase 1) Suncor 2011 120 en attente d'approbation

Fort Hills Suncor-Petrocanada 2011 165 approuvé


Northern Lights (phase 2) Total/SinoCanada 2012 57.25 suspendu
Kearl (phase 1) Imperial Oil 2012 110 en construction

Kearl (phase 2) Imperial Oil 2012->2015 100 approuvé, démarrage retardé


en attente d'approbation,
Jackpine extension 1B AOSP 2012->2015 100 démarrage retardé
Mildred Lake (phase 3
dégoulottage) Syncrude 2012 46.5 annoncé
en attente d'approbation,
Joslyn North Mine (phase 1) Total 2013->2014 50 démarrage retardé
Horizon phase 2/3 CNRL 2013->à déterminer 135 approbation retardée
Equinox UTS/Teck Cominco 2014->2017 50 annoncé, démarrage retardé
Frontier UTS/Teck Cominco 2015->2018 100 annoncé, démarrage retardé
Mildred Lake (phase 4) Syncrude 2016 139.5 annoncé
Sources: Dunbar, 2009; The Oil Sands Developers Group, 2009

97
Tableau 2-6 : Description des projets in situ en développement ou planifiés sur la période
2010-2020

Projet in situ Opérateur Date démarrage Capacité Statut


kb/j
Joslyn (phase 3A) Total E&P Canada 2009->? 15 retardé
MacKay River (phase 2) Suncor-Petrocanada 2009->? 40 retardé
Oilsands Quest pilote Oilsands Quest 2009->? 10 retardé
Andora Sawn Lake Andora En. 2009->? 2 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Foster Creek (phase 1F) EnCana Corp. 2010->? 30 annoncé, démarrage retardé
Christina Lake (phase 1C) Cenovus/Conoco 2010->? 40 en construction
(FCCL)
Kai Kos Dehseh Leismer pilote Statoil 2010->? 10 en construction
Firebag (phase 4) Suncor 2009-> 2012 68 suspendu
Algar Pod Two Connacher 2010 -> 2011 10 suspendu
BlackGold (phase 1) KNOC 2010->2012 10 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Dover Central pilote AOSP 2010->? 2 en attente d'approbation,
démarrage retardé
MacKay River Tickwood pilote AOSP 2010->? 2 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Leismer commercial 1 Statoil 2010->? 20 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Caribou pilote Husky 2010->? 10 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Firebag (phase 3) Suncor 2008 -> 2011 68 suspendu (construit à 50%)
Christina Lake (phase 2B) MEG Energy 2011->2013 35 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Kirby CNRL 2011->2012 30 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Jackfish - J2 Devon 2011 35 en construction
Kirby CNRL 2011 30 en attente d'approbation
STP McKay Southern Pacific 2011 12 en attente d'approbation
Clearwater West pilote Alberta Oilsands 2011 5 en attente d'approbation
Ells River Patch 2011 10 retardé
Leismer commercial 2 Statoil 2011 20 en attente d'approbation
Firebag (phase 5) Suncor 2012 68 suspendu
Christina Lake (phase 3A) MEG Energy 2012->2014 75 en attente d'approbation,
démarrage retardé
Enerplus/Kirby Enerplus resources fund 2012 10 retardé

West Ells (phase 1) Sunshine 2012 10 annoncé


Sunrise (phase1) Husky/BP 2012 60 approuvé
Germain Pilote Laricina 2012 2 approuvé
Germain (phase 1) Laricina 2012 10 annoncé
Clearwater East end West Alberta Oilsands 2012 10 approuvé
Thornbury Statoil 2012 40 en attente d'approbation
Tamarack Ivanhoe 2013 20 en attente d'approbation
Birch Mountain (phase 1) CNRL 2013 30 annoncé
Tickwood (phase 1) Sunshine 2014 10 annoncé
Sunrise (phase 2) Husky/BP 2014 50 approuvé
MacKay River Tickwood (phase AOSP 2014 35 annoncé
1)
Birch Mountain (phase 2) CNRL 2014 30 annoncé
Surmont (phase 2) Conoco/Total 2014 83 approuvé
West Ells (phase 2) Sunshine 2015 30 annoncé
Cenovus-Borealis (phase 1) Cenovus En. 2015 35 en attente d'approbation
Ells River Chevron 2015 100 annoncé, procédure
d'approbation retardée
Tickwood (phase 2) Sunshine 2017 30 annoncé
West Ells (phase 3) Sunshine 2018 25 annoncé
Tickwood (phase 3) Sunshine 2020 25 annoncé
Sources : Dunbar, 2009 ; The Oil Sands Developers Group, 2009 ; Husky, 2010 ;
ConocoPhillips, 2010 ; Opticanada, 2010 ; Suncor, 2007b ; Companiesandmarkets.com,
2009 ; Oilsands Quest Inc., 2009 ; Encana, 2009 ; Upstream, 2009

98
Tableau 2-7 : Description des projets d’upgrading en développement ou planifiés sur la
période 2010-2016

Projet d'upgrading Opérateur Localisation Date démarrage Capacité Statut


kb/j
Value Creation BA Energy Edmonton 2008 46 suspendu
North West (phase 1) North West Edmonton 2010 -> 2013 77 en construction,
Upgrading Inc. démarrage retardé
Voyageur 3 (phase 1) Suncor sur site 2010 -> 2012 127 suspendu
Northern Lights (phase 1) Total/Sinocanada Edmonton 2010 51 suspendu

Scotford extension Albian-AOSP Edmonton 2011 91 en construction


Long Lake OPTI/Nexen sur site 2011->? 59 approuvé,
démarrage retardé
Voyageur 3 (phase 2) Suncor sur site 2012 63 approuvé
Fort Hills (phase 1) Suncor- Edmonton 2012 145 retardé
Petrocanada
Bluesky PRO Inc. zone de Peace 2012 43 annoncé
River
Horizon (phase 2/3) CNRL sur site 2013 118 approuvé
Scotford 2 (phase 1) Shell Edmonton 2013 98 annoncé
Strathcona (phase 1) Total Edmonton 2014 130 en attente
d'approbation
Fort Hills (phase 2/3) Suncor- Edmonton 2015 145 en attente
Petrocanada d'approbation
Strathcona (phase 1) Statoil/NAOSC Edmonton 2016 65 retardé
Sources : Dunbar, 2009 ; Sanière, 2007

Le développement de 295 kb/j et de 535 kb/j de capacité minière cumulée a été


respectivement suspendu et retardé. De même, 215 et 400 kb/j de capacités in situ cumulées
ont été suspendues et retardées. Sur l’ensemble des projets d’upgrading proposés, on observe
une délocalisation des sites d'upgrading vers Edmonton (9 projets sur les 14 annoncés). Cette
stratégie devait permettre de limiter l'escalade des coûts de construction en facilitant l'accès
du personnel et des équipements lourds aux sites de production. La compagnie Synenco
Energy, opératrice du projet Northern Lights avant son rachat en 2008 par Total, avait
également annoncé la construction d’unités modulaires en Asie avant de les transporter en
Alberta pour limiter l’accroissement du coût du projet (Synenco Energy, 2007).

Enfin, les estimations 2008 tablaient sur une augmentation de la capacité d'upgrading
en Alberta de 1.1 à 2.4 millions de barils par jour. Le développement des capacités
d'upgrading devait être tiré non plus par la production de bitume miné mais par la
multiplication des projets in situ. Les capacités d'upgrading proposées étaient similaires aux
capacités déjà construites pour bénéficier d'économies d'échelle, mais leur approvisionnement

99
devait être constitué de bitume provenant de plusieurs projets amont. La proportion de bitume
produit par techniques in situ et upgradé devait alors augmenter de 9% en 2006 à 43% en
2016 dans la province de l'Alberta (ERCB, 2007). Le développement des unités d’upgrading
a néanmoins été freiné, avec la suspension de 225 kb/j et le report de 345 kb/j de capacité
cumulée.

Au terme de cette seconde section, nous avons analysé les facteurs qui ont freiné le
développement de la filière non conventionnelle canadienne. En conséquence de ces facteurs,
près de 50% des projets d’extraction minier et in situ et plus de 55% des projets d’upgrading
initialement planifiés sur la période 2010-2015 ont été retardés ou suspendus.

2.3 Evolution du cadre institutionnel fiscal et


réglementaire

Le début de l’année 2011 a été marqué par le retour du cours du pétrole à des niveaux
historiques élevés. Entre janvier et mars 2011, le prix du WTI était ainsi compris entre 83 et
106 $US/b (EIA, 2011). Mais malgré la reprise économique progressive, l’inertie des plans de
relance du secteur non conventionnel reste forte. Comme nous l’avions indiqué dans le
paragraphe 2.2.2, cette inertie pourrait être en partie liée à la difficulté pour les producteurs
d’anticiper l’évolution des paramètres économiques tels que les coûts ou les prix, empreints
d’incertitude. Mais elle pourrait également être expliquée par l’évolution du cadre
institutionnel vers une politique fiscale et des réglementations environnementales plus
contraignantes pour la filière canadienne. La première partie de cette section est consacrée à la
description du nouveau système fiscal et de royalties mis en application début 2009. Dans la
seconde partie, nous présentons une synthèse du bilan environnemental de la filière
canadienne, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de consommation en eau et de
gestion des déchets liquides, ainsi que les réglementations environnementales majeures mises
en place depuis la fin des années 1990 sur le secteur pétrolier non conventionnel.

2.3.1 Adoption du régime fiscal de 2009

Le glissement progressif du système fiscal de 1997 en faveur des producteurs non


conventionnels a amené les gouvernements fédéral et d’Alberta à modifier certaines

100
réglementations fiscales, afin de rééquilibrer le partage des rentes entre producteurs et
gouvernements. Un nouveau système fiscal a ainsi été adopté en octobre 2007 et mis en
application au début de l'année 2009.

D'une part, les provisions pour l'amortissement accéléré du capital ont été éliminées
pour les activités liées à l'exploitation des sables bitumineux après l'annonce du budget fédéral
en mars 2007. Ainsi, les dépenses en capital éligibles pour les provisions ne sont plus utilisées
dans le calcul de l'impôt sur le revenu mais génèrent des abattements sur le coût du capital
selon un calendrier caractérisé par des taux de dépréciation très inférieurs à 100%, même lors
de la phase de génération de revenus positifs d'un projet.

D'autre part, le système de royalties devient flexible en fonction du prix du WTI. Le


taux de royalties brut, appliqué sur le revenu brut, varie entre 1% et 9%, tandis que le taux de
royalties net, appliqué sur les revenus nets, varie entre 25% et 40%. Pour un prix du WTI
inférieur ou égal à 55 $CAN/b, les deux taux de royalties restent à leurs valeurs minimales.
Lorsque le prix du WTI dépasse 120 $CAN/b, les taux de royalties atteignent leurs valeurs
maximales. Une interpolation linéaire permet de déterminer les taux des royalties pour les
valeurs intermédiaires de prix du brut. Ces taux sont identiques pour les projets non intégrés
et intégrés.

A l'instar du système précédent, le producteur doit payer les royalties brutes avant
récupération des coûts et le maximum entre les royalties brutes et nettes après récupération
des coûts. L'actualisation des flux de dépenses et de revenus est effectuée au nouveau taux des
obligations fédérales à long terme, entre 4 et 6% (Plourde, 2009), inférieur au taux utilisé
précédemment. La diminution du taux d'actualisation dans le calcul du payout accélère le
versement des royalties calculées sur les revenus nets et permet aux gouvernements de
capturer plus rapidement une plus grande partie de la rente.

Indépendamment du nouveau régime de royalties, de nouveaux taux gouvernementaux


d'imposition sur le revenu des entreprises ont été fixés : 20% au niveau fédéral et 10% au
niveau provincial. Enfin, le gouvernement d'Alberta a lancé en parallèle de nouvelles
négociations avec les opérateurs non conventionnels historiques afin de réduire les avantages
fiscaux contractualisés jusqu'à 2016.

101
Etant donné les différentes mesures adoptées, ce nouveau système fiscal flexible en
fonction du prix du brut s’avère moins favorable pour les producteurs de pétrole non
conventionnel que les systèmes précédents.

2.3.2 Evolution du cadre réglementaire environnemental

Le développement accru de la filière pétrolière non conventionnelle sur la période


2000-2010 a soulevé d’importantes problématiques environnementales. Les premières études
d’impact ont mis en évidence un bilan environnemental pénalisant, en termes d'émissions de
CO2 et autres polluants de type SOx ou NOx, de consommation en eau, ou de risque de
pollution des sols.

Face à la critique grandissante de l’opinion publique, les gouvernements fédéral et de


la province de l'Alberta ont commencé à mettre en place des réglementations
environnementales plus strictes concernant l’extraction du bitume. Bien qu’elles n’aient eu
jusqu’à aujourd’hui que peu d'impact sur la filière canadienne, de nouvelles réglementations
plus contraignantes sont à l’étude et pourraient être mises en application au cours de la
décennie 2010-2020. Les producteurs non conventionnels doivent ainsi tenir compte des
incertitudes sur le cadre réglementaire environnemental, en considérant un risque coût
supplémentaire dans leur processus de décision.

2.3.2.1 Synthèse du bilan environnemental

Des analyses de cycle de vie ont permis de mettre en évidence un bilan en CO2 des
filières pétrolières non conventionnelles supérieur à celui des filières pétrolières
conventionnelles, lors des étapes d’extraction et d’upgrading, avant leur arrivée en raffinerie
(analyse « puits au réservoir »). Une analyse comparative de treize analyses de cycle de vie
sur les filières minières et in situ intégrées est présentée dans Charpentier et al. (2009). Cinq
études supplémentaires ont également été incluses dans la comparaison. Le tableau 2-8
synthétise les différentes estimations du bilan en CO2.

102
Tableau 2-8 : Bilans en CO2 des filières pétrolières non conventionnelles et conventionnelles

Emissions de CO2
kg/b bitume
Publication, année Extraction Extraction in Upgrading Mine intégrée In situ intégré Production
minière situ conventionnelle
Charpentier, 2008 - - - 46-121 73-129 20-43
MIT, 2007 24 89.8 - - -
Total, 2006 (lecture graphique) 25-50 65-110 35 73 123
Flint, 2004 (gaz naturel) 35 61 38 73 99
Flint, 2004 (résidus en 45 96 80 125 176
remplacement du gaz naturel)
Furimsky, 2003 (fluid-coker) - - 51-68 - -
Furimsky, 2003 (cokéfaction - - 112-181 - -
retardée)
IFP, 2001 37 85 53.3 90 138 54
Moyenne 36 84 69 89 127 43
Moyenne extraction+upgrading 105 153
non intégré
Réduction CO2 (synergies) -15% -17%
Sources : Charpentier et al., 2009 ; Bersak et Kadak, 2007 ; Préel, 2006 ; Flint 2005 ;
Furimsky, 2003, Plouchard, 2001

Des écarts d’estimation peuvent apparaître entre les différentes publications, provenant
de l’utilisation de méthodologies distinctes selon les études (délimitation du système
productif, type d’approvisionnement (résidus versus gaz naturel ; Flint, 2005), type de
technologie (Fluid-coker versus cokéfaction retardée ; Furimsky, 2003) procédures de
comptabilisation, d’allocation et de crédit selon les produits et les co-produits) ou de
l’utilisation de différentes sources de données (données institutionnelles plus anciennes,
données industrielles souvent confidentielles, études d’impact initiales lors des phases
d’autorisation réglementaire des projets). Néanmoins, un consensus semble émerger, puisque
les filières pétrolières non conventionnelles présentent effectivement un bilan en CO2 plus
élevé que celui des filières conventionnelles lors des phases d’extraction et d’upgrading,
avant traitement en raffinerie (Charpentier et al., 2009).

Les phases d'extraction minière et in situ émettent en moyenne 36 et 84 kg de CO2 par


baril de bitume, tandis que la phase d'upgrading en émet 69 kg. Les émissions de CO2
peuvent être réduites grâce à l’intégration des phases d’extraction et d’upgrading sur un
même site, faisant apparaître des synergies énergétiques (-15/-17%). Cependant, les filières
minière et in situ intégrées émettent respectivement 2 et 3 fois plus de CO2 que les filières
pétrolières conventionnelles.

103
Le bilan en GES de la phase d'extraction minière peut être décomposé selon les
sources suivantes (Flint, 2005) :

- Production de vapeur à partir de gaz naturel pour la consommation


énergétique directe des unités d'extraction et de séparation du bitume (65%
du bilan)

- Production d'électricité à partir de gaz naturel consommé par les unités de


broyage du minerai, les convoyeurs mécaniques, les systèmes de pompage et
les unités d'extraction et de séparation du bitume (15%)

- Combustion de carburant gazole des camions utilisés pour le transport du


minerai par (10%) et émissions fugitives de méthane lors des opérations de
puits (10%).

Le CO2 émis lors de la phase d'extraction in situ SAGD provient essentiellement de la


combustion du gaz naturel pour la production de vapeur d'injection. Le bilan en CO2 unitaire
est variable en fonction de la qualité des gisements et des conditions opératoires.

Lors de la phase d'upgrading, les émissions de CO2 proviennent de la combustion du


gaz naturel pour la production de vapeur, d'électricité et d'hydrogène (unité de reformage à la
vapeur).

Une réduction marginale des émissions de CO2 pourrait être obtenue par l'intégration
des phases d'extraction du minerai et du bitume (synergie énergétique et réduction du trafic
par camions, -2/-3 kg/b selon Furimsky (2003)). De nouvelles technologies d'extraction in
situ13, qui permettraient de réduire plus significativement le bilan en GES, sont également en
cours de développement mais leur application à l'échelle industrielle reste pour le moment
incertaine. Des travaux supplémentaires doivent être entrepris pour évaluer les performances

13
Parmi ces technologies, nous pouvons citer l'extraction SAGD par injection de vapeur à faible
pression (potentiel de réduction autour de 8.5 kg de CO2/b), l'extraction in situ par injection de solvant (procédé
de type VAPEXTM avec un potentiel de réduction de 60 kg/b) ou la combustion interne de bitume (procédé de
type THAITM avec un potentiel de réduction de 30 à 60%) (Flint, 2005).

104
environnementales et techniques effectives de ces nouvelles technologies et améliorer leur
sûreté et pilotage.

A l'inverse, le bilan en GES pourrait se dégrader à moyen terme sous l'influence de


plusieurs paramètres. L'amélioration de la qualité des bruts synthétiques pour tenter de capter
le différentiel de prix brut lourd/brut léger (réduction de leur densité et teneur en soufre)
implique une consommation unitaire en hydrogène plus élevée. Environ 2.5 kg d'hydrogène
sont consommés pour la production d'un baril de brut synthétique avec un degré API moyen
de 30. Les besoins en hydrogène pourraient atteindre 4.5 kg pour produire un brut synthétique
de 39 °API, avec une teneur en soufre inférieure à 10 ppm (cf. projet in situ intégré
d'Opti/Nexen ; Alberta Chamber of Resources, 2004), impliquant une dégradation du bilan en
GES de l'ordre de 18 kg/b de brut synthétique (en considérant un facteur d'émission de 9
tCO2/tH2; Gachadouat et Hérault, 2006).

Par ailleurs, une piste de réduction des coûts opératoires (déjà suivie par Opti/Nexen)
consisterait à remplacer le gaz naturel par des résidus carbonés (préalablement gazéifiés) issus
des distillations du bitume pour jouer le rôle de combustible dans l'étape de fabrication de la
vapeur. Ce système flexible de combustible présente l'intérêt de limiter la volatilité des coûts
d'approvisionnement énergétiques mais pénalise lourdement le bilan environnemental des
filières de production non conventionnelle. L'utilisation d'un système bi-combustible gaz
naturel/résidus carbonés pour la production de vapeur pourrait détériorer le bilan en GES de
35 kg de CO2 par baril de bitume lors de l'extraction minière et de 42 kg de CO2 par baril de
bitume lors de la phase d'upgrading (Flint, 2005). Par ailleurs, le remplacement complet du
gaz naturel par du coke issu de la cokéfaction retardée pourrait émettre 67 kg de CO2
supplémentaire par baril de bitume (Sanière et Lantz, 2006).

Le second challenge environnemental de l'industrie non conventionnelle canadienne


consiste à optimiser la gestion de la ressource en eau douce, largement utilisée dans les
filières de production minière et in situ. En fonction des unités, l'eau peut jouer le rôle de
charge d'entrée dans les unités d'hydrotransport ou de séparation du bitume de la filière
minière, en étant directement mélangée avec l'hydrocarbure à extraire. Après avoir été
transformée en eau de procédé, elle est utilisée dans les chaudières pour la production de
vapeur, à basse, moyenne et haute pression, à son tour consommée dans les unités d'extraction

105
de bitume, d'upgrading, ou lors de la phase d'extraction in situ. Elle est aussi utilisée dans les
systèmes de refroidissement fonctionnant en système fermé. Enfin, elle est utilisée pour
assurer le bon fonctionnement d'équipements électriques et sur les lieux de vie des employés.

Selon les sources d'estimation, entre 2 et 4 unités nettes d'eau par unité de bitume
produit seraient consommées lors de l'extraction minière (2.5-4 m3 d'eau/m3 de bitume selon
Sanière et al., 2005; 2-3.5 m3 selon Griffiths, 2006) selon la maturité des projets, entre 0.5 et 1
unité nette d'eau par unité de bitume pour l'extraction in situ (CAPP, 2009b; Griffiths, 2006),
et 0.38 unité nette d'eau par unité de brut synthétique pour la phase d'upgrading (d'après les
données du projet Scotford Upgrading de Shell, citées par Griffiths, 2006). Ces valeurs sont
synthétisées dans le tableau 2-9.

Tableau 2-9 : Consommation unitaire nette en eau en fonction de la technologie de production

Technologie Consommation unitaire nette en eau


m3/m3 bitume
Extraction minière 2-4
Extraction in situ 0.5-1
Upgrading 0.38
Sources : Sanière et al., 2005; Griffiths, 2006 ; CAPP, 2009b

Les procédés in-situ présentent le désavantage d'enlever de manière permanente un


baril d'eau par baril de bitume produit du cycle hydrologique, puisque l'eau est utilisée pour
remplir l'espace laissé libre après l'extraction. Par ailleurs, de l'eau est également utilisée pour
la production de vapeur à son tour utilisée dans le procédé de fabrication d'hydrogène
nécessaire à la phase d'upgrading. Comme une partie de cet hydrogène se retrouve dans le
produit final, il y a également une perte nette en eau. Des pertes nettes supplémentaires en eau
sont également enregistrées par évaporation de l'eau dans les circuits de refroidissement et les
unités de chauffage à la vapeur ou par fuites dans les conduites d'hydrotransport.

La ressource en eau peut provenir de plusieurs sources : la rivière Athabasca, à côté de


laquelle sont situés les projets miniers, d'autres sources d'eau de surface comme des lacs ou
des rivières et l'eau souterraine provenant des aquifères. Certains opérateurs ont également
mis en place des systèmes de retraitement des eaux, pour limiter leurs besoins en eau douce.

106
Ainsi, l'intensité en eau et les sources d'eau utilisées par les projets diffèrent selon les
opérateurs, suivant la taille et la maturité du projet, les procédés utilisés et la qualité des
produits obtenus. Cependant, des inquiétudes sur l'existence d'impacts négatifs, notamment
sur la rivière Athabasca, au rythme actuel de production ont déjà été formulées (Griffiths,
2006). La multiplication des projets miniers et in-situ, pas tant par leur consommation d'eau
individuelle mais surtout par leur grand nombre et l'effet cumulatif qui en découle pourrait
remettre en question la soutenabilité de l'approvisionnement en eau.

Enfin, la gestion des étangs de stockage des déchets liquides issus de l’extraction
minière reste problématique en termes d’impacts écologiques. Mélanges complexes de
bitume, sable, boue, argile et eau, ces déchets contiennent entre 3 et 5 unités d'eau par unité de
bitume et sont stockés dans de larges étangs de décantation. Extrêmement lents à se
consolider, on estime que leur sédimentation peut durer entre 30 et 40 années selon les
technologies employées et la qualité du bitume (CAPP, 2009b). Ces espaces de stockage
doivent résister à l'érosion et aux fissures du sol pour éviter la migration des polluants dans les
aquifères et les fuites dans les eaux de surface environnantes. En 2007, ils s'étendaient sur 130
km2 (Gouvernement de l’Alberta, 2008).

2.3.2.2 Réglementations environnementales

Face à ces problématiques environnementales fortes, les gouvernements provincial et


fédéral ont mis en place plusieurs réglementations environnementales visant à réduire les
émissions de SO2 et de gaz à effet de serre ainsi que les consommations en eau douce, et à
accélérer la réhabilitation des sites d’extraction par techniques minières. Toutefois, elles
restent pour le moment peu contraignantes.

Une norme sur les émissions de SO2 en sortie des upgraders a incité les producteurs
non conventionnels à installer des unités de traitement des fumées soufrées, appelées unités
Claus, qui permettent de transformer entre 95 et 99% des émissions totales en soufre liquide,
vendu comme input dans le secteur des fertilisants sous forme déshydratée. L’objectif
escompté est atteint puisque l’ensemble des unités d’upgrading localisées en Alberta est
actuellement pourvu d’une unité Claus.

107
Pour l’approvisionnement en eau douce, un cadre réglementaire permet d'accorder un
droit d'usage aux acteurs individuels, municipaux, agricoles et industriels grâce à un système
d'allocations en eau, leur permettant de dévier une quantité maximale d'eau douce (provenant
des eaux de surface de type rivières et lacs). Des réglementations et législations sur l'usage de
la ressource en eau ont été établies au niveau fédéral et provincial, mais les décisions finales
pour délivrer les permis en eau sont souvent prises au niveau provincial. Les réglementations
et politiques majeures liée à la gestion de l'eau dans la province de l'Alberta proviennent du
« Water Act » instauré en 1999, remplaçant le précédent « Water Resources Act ». Elles
définissent les conditions d'utilisation des ressources en eau de surface et souterraine, ainsi
que les droits d'utilisation des usagers ayant reçu des permis en eau de surface.

Le système historique d'allocation en eau de l'Alberta est basé sur le principe du


« grandfathering », c'est-à-dire que les premiers usagers disposant de licences plus anciennes
ont priorité sur les nouveaux. Mis à part la priorité accordée aux usages ménagers, il n'y a pas
de distinction entre les différents usages qui peuvent être faits. Certaines conditions ont été
modifiées par rapport au précédent « Water Resources Act ». D'une part, les licences délivrées
ont désormais une durée de validité de 10 ans, contrairement aux licences délivrées sous les
réglementations antérieures qui n'avaient pas de date d'expiration. D’autre part, elles sont
mieux adaptées au fonctionnement en routine, et sont accompagnées de licences temporaires
pour faire face aux besoins supplémentaires en eau lors des phases de démarrage. Auparavant,
l'allocation était estimée en fonction des besoins du projet lors de sa phase de démarrage, qui
nécessite près de 30% d'eau supplémentaire par rapport aux phases suivantes, ce qui
aboutissait à une sur-allocation et permettait aux opérateurs de ne pas avoir à demander de
nouvelles licences lors des extensions de capacité.

Une flexibilité supplémentaire permet de modifier les quantités d'eau allouées (par
exemple une diminution si le bassin hydrologique d'une rivière est particulièrement asséché),
sous la condition que le nouveau plan de gestion soit autorisé par la législation. Les conditions
d'obtention de licences en eau ont également été durcies, puisque que le candidat doit fournir
une étude d'impact de l'allocation demandée sur la ressource en eau et les autres usagers
(Reason, 2004). Enfin, une redevance nominale indépendante du volume d'eau allouée est
perçue par le gouvernement provincial lorsqu'un permis est délivré, afin de couvrir une partie

108
des frais administratifs (cette dépense reste extrêmement faible puisqu'elle est de 150 $CAN
pour une allocation comprise entre 112500 et 125000 m3/an; Griffiths, 2006, p.22).

Malgré ces améliorations, le système actuel d'allocations en eau de l'Alberta n’apparaît


pas encore contraignant pour le développement de la filière. Le décalage entre les allocations
historiques obtenues sous le « Water Resources Act » (toujours en cours de validité sous le
nouveau « Water Act ») et les besoins effectifs en eau des opérateurs historiques non
conventionnels montre que le système d’allocations de l'Alberta incite peu à réduire la
consommation en eau. En 2004, les firmes Albian Sands et Syncrude avaient consommé
moins de la moitié des volumes en eau leur étant alloués (Syncrude, 2004, p. 57; Shell
Canada, 2004, p.25). La quasi-gratuité des allocations ainsi que l'absence de cadre
réglementaire pour la vente d'une partie des allocations en eau entre utilisateurs, ou pour
l'obtention de compensation financière pour les allocations non utilisées, sont également un
frein.

Par ailleurs, la multiplication des projets non conventionnels pose d’importantes


questions sur la soutenabilité du système actuel d’allocations. Ces inquiétudes ont amené le
gouvernement provincial à réfléchir à un niveau système d’allocation en eau douce, spécifique
à chaque phase planifiée, et flexible en fonction du débit de la rivière Athabasca, variable
selon les saisons (Lunn, 2008).

La province de l'Alberta est souvent considérée comme une province abondante en


eau, avec sept bassins hydrologiques majeurs la traversant. Cependant, elle ne représenterait
que 2.2% du potentiel d'eau douce du Canada, les écoulements des sept bassins atteignant
42400 millions de m3 par an. La ressource en eau n'est pas uniformément allouée sur la
province. Tous secteurs confondus, les allocations en eau les plus importantes correspondent
aux bassins hydrologiques des rivières Saskatchewan Nord et Sud, où 88% de la population
de l'Alberta est concentrée (Gouvernement de l’Alberta, 2009b). En revanche, en réduisant
cette analyse au secteur pétro-gazier, les allocations provenant de la rivière Athabasca sont
plus de dix fois supérieures aux allocations des autres bassins (Saskatchewan Nord et Sud;
Griffiths, 2006, p. 45). En 2005, les volumes en eau alloués pour les activités pétro-gazières
atteignaient 398 millions de m3 d'eau pour la rivière Athabasca, contre 31 et 25 millions de m3
d'eau pour les bassins Saskatchewan nord et sud respectivement, alors que le débit de la

109
rivière Athabasca est trois à quatre fois plus faible que celui des deux autres rivières
(Gouvernement de l’Alberta, 2009b). Par ailleurs, couverte de glace pendant cinq à six mois
de l'année, la rivière Athabasca voir son débit fortement varier selon la saison : le débit en
hiver peut être jusqu'à dix fois plus faible que celui en été (Lunn, 2008). De plus, une
accentuation de ce phénomène a pu être observée en 2002 et 2003 au centre et au sud du
bassin de l'Athabasca. Elle pourrait en partie provenir d'une mauvaise adaptation du système
actuel de gestion de la ressource en eau face au développement rapide du secteur non
conventionnel fortement concentré géographiquement, non saisonnier et disposant de leviers
limités pour réduire sa consommation en eau.

Depuis 2000, des groupes d'étude (RIWG, CEMA)14, composés de représentants


industriels, institutionnels et du gouvernement, ont été créés pour effectuer des études
d'impact et recommandations liées à la gestion de la ressource en eau en Alberta. En 2007, un
accord intermédiaire a été signé, dans le cadre d'un nouveau programme de gestion de l'eau
proposé par le Gouvernement de l’Alberta et le Department of Fisheries and Oceans Canada
(DFO).15 Cet accord s'applique sur la basse Athabasca et permet d'introduire un système
flexible de valeur plafond sur l'allocation totale en fonction des débits saisonniers de la
rivière. Trois catégories de débit sont distinguées. Au cours des semaines où le débit est le
plus élevé, la valeur plafond de l'allocation globale correspond à 15% du débit de la rivière
Athabasca. Au cours des semaines où le débit est moyen, l'allocation maximale correspond à
10% du débit historique hebdomadaire médian (fixé). Enfin, au cours des semaines où le débit
est le plus faible, cette allocation correspond à 5.2% du débit historique hebdomadaire médian
(fixé) (CAPP, 2009b). Les valeurs plafonds fixées semblent apporter d'après les premières
estimations une incitation à réduire les consommations en eau, puisque la disponibilité en eau
de surface sur les périodes de débit moyen et faible serait comprise entre 8 et 15 m3/s,
inférieure au volume d'eau alloué actuel ou estimé à moyen terme (respectivement 15 et 19
m3/s) (Lunn, 2008). En fonction des résultats obtenus, une phase d'ajustement devrait être
lancée en 2011.

Cet accord représente le premier jalon d'un processus d'adaptation du système de


gestion de l'eau en Alberta. L'instauration d'un objectif chiffré et commun aux différents

14
L'Athabasca Regional Issues Working Group (devenu le Oil Sands Developers Goup) et la
Cumulative Environmental Management Association.
15
Instream Flow Needs and Water Management System for the Lower Athabasca River, février 2007

110
acteurs du secteur non conventionnel semble pertinent pour inciter ces derniers à coopérer de
manière équitable en fonction de leurs moyens. Ce système est également suffisamment
flexible pour inciter les acteurs à innover dans un panel de technologies, en évitant le piège
d'une solution unique, ou au contraire, de coopérer pour construire par exemple une unité de
stockage commune à plusieurs opérateurs afin de bénéficier d'éventuels effets d'échelle ou de
réduction des coûts logistiques.

Néanmoins, des inégalités persistent encore dans la pratique. Ainsi, pendant les
périodes de débit faible et moyen, les deux opérateurs historiques Syncrude et Suncor sont
soumis à un quota d'eau individuel égal au maximum à leur taux d'allocation annuel moyen.
Cette mesure ne devrait donc pas les inciter à investir dans des bassins de stockage d'eau. Le
principe de priorité des usagers historiques sur les nouveaux devrait au contraire être invalidé,
afin que le rationnement des usagers industriels dans des conditions critiques soit
proportionnel à leurs allocations, quelque soit leur ordre d'application et d'arrivée. Par ailleurs,
dans le cas d'un dépassement de l'objectif global, le cadre réglementaire actuel n'indique pas
explicitement les compensations financières que devraient débourser les acteurs.

Plusieurs mesures de réduction des GES ont également été mises en application. En
1998, le gouvernement canadien s'était engagé par la signature du protocole de Kyoto à
réduire avant 2012 ses émissions de GES de 6% par rapport au niveau de 1990. Malgré cet
accord, les émissions de CO2 actuelles sont près de 25% plus élevées qu'en 1990, liées à un
accroissement de la production industrielle, en partie dans le secteur pétro-gazier. En avril
2007, le gouvernement fédéral canadien s'était fixé un nouvel objectif de réduction des
émissions de GES de 20% en 2020 par rapport au niveau de 2006. Enfin, en mars 2008, le
gouvernement fédéral votait un renforcement du cadre législatif et un nouvel objectif de
réduction des GES à long terme de 60 à 70% à horizon 2050 par rapport au niveau actuel,
obligatoire pour les secteurs industriels, électrique et pétrolier non conventionnel. L’ensemble
des mesures environnementales proposées est accessible dans le Plan Vert du Canada
(Gouvernement du Canada, 2008).

En particulier, les installations de production pétrolière non conventionnelle mise en


fonctionnement après 2012 devaient atteindre un objectif d’émissions de GES plus strict basé
sur l'utilisation du captage et du stockage du CO2 en 2018. Quatre mécanismes financiers

111
compensatoires ont été proposés en complément aux firmes : un système de crédits
compensatoires au Canada, les mécanismes de développement propre (instaurés lors du
protocole de Kyoto), un programme de crédit pour des mesures d'action précoce et le
financement d’un fonds technologique, initialement proposé par le gouvernement provincial
d’Alberta (CAPP, 2009b) et destiné à promouvoir le développement industriel de
technologies de réduction des GES à court et long terme.

Il est intéressant de noter que les conditions de financement du fonds technologique


sont basées sur l’évaluation d’un coût du CO2 égal à 15 $CAN/t entre 2010 et 2012, puis
compris entre 20 et 23 $CAN/t jusqu’en 2017. En 2010, les versements effectués par la
compagnie Suncor pour le financement de ce fonds technologique représentaient un coût
supplémentaire unitaire d'environ 0.4 $US par baril de bitume extrait. Dans la pratique, ces
mécanismes compensatoires permettent aux firmes de s’adapter progressivement aux
nouvelles réglementations en limitant le risque d’investissement, moyennant le paiement
d’une taxe CO2 générique. Toutefois, elle est actuellement trop faible pour inciter les firmes à
investir dans des unités de capture et stockage du CO2.

Enfin, les compagnies ont l’obligation de réhabiliter les sites de production en fin de
vie des projets, c’est-à-dire de remettre en état les terres exploitées et d’adopter « les mesures
correctives adéquates afin que ces terres présentent la même productivité que dans leur état
initial » (Gouvernement de l’Alberta, 2008). La réhabilitation des sites miniers de production
est la plus coûteuse, puisqu’elle implique le remblayage du site (comblement de la fosse par
les sables en surplus, les résidus miniers consolidés et les morts-terrains), son renivellement
(remodelage des morts-terrains pour favoriser l’écoulement et le drainage des eaux de surface
et réduire au minimum l’érosion puis couverture de la surface par de la terre végétale) puis sa
revégétation (graminées, arbustes et arbres indigènes). Il s’ensuit une phase de surveillance
pour vérifier les propriétés physico-chimiques des sols et la croissance de la végétation, avant
d’obtenir un certificat de remise en état.

En pratique, la réhabilitation d’un site minier démarre généralement 10 à 15 ans après


sa fermeture pour permettre la consolidation des déchets liquides. Peu d’informations
concernant le système de provisionnement des dépenses de réhabilitation des firmes sont
disponibles. De plus, ces programmes de réhabilitation restent très limités puisque seuls deux

112
sites d’extraction opérés par les compagnies historiques Suncor et Syncrude ont été réhabilités
en 2008 et 2010.

Ces programmes fortement inertiels sont inadaptés au contexte actuel, puisque la


multiplication des projets miniers observée depuis le début des années 2000 risque de
déboucher sur des dommages environnementaux cumulés à très grande échelle. Afin d’inciter
les producteurs non conventionnels à accélérer leur programme de réhabilitation, le
gouvernement d’Alberta a instauré depuis 2000 le fonds pour la réhabilitation des sols
exploités pour la production de bitume, remplacé en 2003 par le fonds de sécurité pour la
protection de l’environnement (Environmental Protection and Enhancement Act, 2010). Au
cours de l’avancement des projets, les compagnies d’exploitation de sables asphaltiques
doivent fournir des garanties financières relatives aux projets de remise en état des terres,
équivalentes aux coûts des travaux de réhabilitation (Environmental Protection Security Fund)
et proportionnelles à la superficie exploitée, qui ne pourront être récupérées qu’après
l’obtention d’un certificat de réhabilitation du site. En mars 2010, les garanties financières
versées par les compagnies s’élevaient à plus de 1.2 milliards de dollars canadiens
(Gouvernement de l’Alberta, 2010), mais pourraient se révéler insuffisantes pour couvrir les
dépenses réelles de réhabilitation (Lemphers et al., 2010). En particulier, une estimation
précise des coûts de réhabilitation s’avère difficile pour les organismes gouvernementaux,
face à retour d’expérience limité et à un manque de transparence sur les coûts effectifs
supportés par les compagnies.

A l’issue de cette section, nous avons mis en évidence une évolution du cadre
institutionnel vers un système fiscal et des réglementations environnementales plus
contraignants pour la filière canadienne. Les études d’impact ont mis en évidence un bilan
environnemental de la filière non conventionnelle dégradé par rapport à la filière
conventionnelle, en termes d'émissions de CO2 et autres polluants (SO2), de consommation en
eau, ou de risque de pollution des sols. Un quota sur les émissions de SO2 en sortie des
upgraders, un nouveau système d’allocations en eau ainsi que deux fonds financiers pour la
réhabilitation des sols et le développement de technologiques réductrices de GES, ont été
instaurés au cours de la décennie 2000. Bien que l’impact de ce nouveau cadre institutionnel
sur le développement de la filière canadienne reste limité, de nouvelles réglementations

113
environnementales sont à l’étude (Plan Vert du Canada ; Gouvernement du Canada, 2008) et
pourraient être mises en application au cours de la décennie 2010-2020.

Au terme de ce chapitre, nous avons déterminé les facteurs institutionnels et


économiques qui ont favorisé le développement des filières de production du bitume canadien
depuis le début de son industrialisation en 1967. L’instauration d’un cadre fiscal avantageux
pour les producteurs, la réduction des coûts de production grâce au progrès technique, des
prix de vente stables, et une sécurisation des débouchés ont permis de renforcer la rentabilité
économique de la filière canadienne, et de pérenniser son développement jusqu’en 2008.

Mais l’inflation du coût des projets amorcée dès 2004, la chute du prix du brut en
2008-2009 et sa forte volatilité, ainsi que les conséquences de la crise financière de 2008 ont
freiné le développement de la filière non conventionnelle, avec la suspension d’environ 50%
des investissements planifiés avant la crise. Malgré une amélioration du contexte économique,
la reprise du secteur non conventionnel reste limitée, tandis que le cadre institutionnel (fiscal
et réglementaire) s’est durci et que des incertitudes sur les futures réglementations
environnementales se profilent.

A l’heure actuelle, l’exploitation du bitume canadien présente plus que jamais un


intérêt stratégique pour les firmes pétrolières privées, leur permettant d’accéder à de larges
ressources pétrolières localisées dans un pays occidental politiquement stable. Dans un
contexte géopolitique tendu, avec la fermeture progressive des ressources pétrolières aux
compagnies internationales, la détention de participation dans les projets non conventionnels
canadiens permet d’équilibrer le risque global du portefeuille d’activités des compagnies
internationales, leur assurant un taux de retour sur investissement limité mais durable.

Cependant, face à la multiplication des incertitudes portant sur le prix du brut ou sur le
cadre réglementaire environnemental futur, les producteurs non conventionnels devraient être
incités à prendre en considération un risque prix et coût supplémentaire dans leur décision
d’investissement, pouvant mener à des stratégies de développement plus conservatives qu’en
l’absence d’incertitude. Le prochain chapitre est consacré aux apports de la théorie
économique pour évaluer l’impact de l’incertitude sur la décision d’investissement, en
présence d’irréversibilité forte liée à l’épuisabilité de la ressource et au coût du capital.

114
Annexe 2.1 : Synthèse des projets
d’exploitation de bitume canadien sur la
période 2005-2008

Projet Opérateur Date démarrage Capacité de production


kb/j de bitume
Filière minière
extension Millenium Suncor 2005 39.6
phase 3 Mildred Lake et Aurora Syncrude 2006 116.3
phase 3 Steepbank Suncor 2007 4
phase 1 Horizon CNRL 2008 135
dégoulottage Millenium Suncor 2008 23
Filière in situ
phase 1C - 1 Foster Creek EnCana Coporation 2005 10
Surmont ConocoPhillips 2006 27
phase 2 Firebag Suncor 2006 35
phase 2 Joslyn Total E&P Canada 2006 10
Primrose North CNRL 2006 30
phase 1 Tucker Husky Energy 2006 30
Great Divide POD 1 Connacher Oil and Gas 2007 10
phase 1C - 2 Foster Creek EnCana Coporation 2007 20
phase 1 Long Lake Nexen 2007 72
extension Firebag et cogénération Suncor 2007 25
Jackfish Devon Energy 2008 35
phase 1B Christina Lake EnCana Coporation 2008 8.8
phase1 Christina Lake MEG Energy 2008 3
phase 1 Orion Shell 2008 10
pilote Red Earth CSS North Peace Energy 2008 1
Sources: Dunbar, 2009 ; The Oil Sands Developers Group, 2009

115
Annexe 2.2 : Schématisation des
stratégies d’entrée des acteurs
internationaux dans le secteur non
conventionnel canadien

(Figure de l’auteur)

117
Partie 2. Modélisation de l'offre
pétrolière non conventionnelle

119
Chapitre 3 : Les apports de la
théorie économique

L’évaluation du potentiel de développement des ressources pétrolières non


conventionnelles du Canada implique de déterminer les stratégies prospectives
d’investissement qui peuvent être mises en œuvre par les firmes du secteur. La détermination
des facteurs d’impact sur la décision historique d’investissement présentés dans le chapitre
précédent, a permis de mettre en évidence l’importance des paramètres coûts de production et
prix de vente dans le processus décisionnel, qui peuvent varier en fonction du cadre
institutionnel, fiscal et réglementaire, du progrès technique ou de la conjoncture économique.

Suite à cette première analyse appliquée, la théorie économique des ressources


épuisables permet d’apporter de nouveaux éléments pour l’évaluation générale de trajectoires
optimales de production d’une ressource épuisable en fonction d’hypothèses économiques
variées. L’irréversibilité liée à l’épuisabilité de la ressource impacte la décision
d’investissement, qui repose alors sur un arbitrage entre le profit présent généré par
l’extraction immédiate de la ressource et le profit espéré lié à l’extraction future de la
ressource en terre. Une irréversibilité partielle est également introduite par les coûts
d’ajustement du capital et donne en présence d’incertitude une valeur à l’attente, qui permet
d’obtenir des informations supplémentaires. La théorie des options a permis de démontrer la
positivité de cette valeur d’attente et de montrer que la décision d’investissement devient plus
conservative en présence d’incertitude, avec un niveau d’investissement réduit. Une synthèse
des résultats théoriques pertinents pour notre problématique de thèse est présentée dans la
première section.

121
Des tests économétriques, détaillés dans la seconde section, ont permis de valider deux
résultats majeurs de la théorie économique. Une fonction en U du coût marginal d’extraction
du bitume canadien dépendante de la production cumulée a été estimée, en accord avec les
résultats obtenus par la littérature des ressources épuisables. Cette fonction de coût est
représentative d’un effet prédominant du progrès technique en première période,
contrebalancé en seconde partie par l’effet de la déplétion et la difficulté croissante
d’extraction. Une relation négative entre le niveau d’investissement dans les projets
historiques in situ et la volatilité du prix de vente a également été déterminée, validant
empiriquement le lien négatif investissement-incertitude mis en évidence par la théorie des
options.

Enfin, la dernière section de ce chapitre est consacrée à la méthodologie de


modélisation élaborée dans ce travail de thèse. L’analogie entre la problématique de cette
thèse et celle investiguée par la théorie des ressources épuisables et la théorie de la décision
d’investissement nous a amené à élaborer deux modèles de décision d’investissement
incrémental spécifiques au secteur non conventionnel canadien s’appuyant sur la structure des
modèles théoriques et permettant de tester différents scénarios économiques déterministes ou
stochastiques. Ces modèles appliqués, basés sur l’optimisation, permettent de simuler des
trajectoires optimales d’investissement et de production du bitume canadien en fonction de
scénarios. Une discussion sur les déterminants de l’investissement et les choix de
modélisation de certains paramètres économiques est également proposée pour valider notre
méthodologie de modélisation.

3.1 Théorie économique des ressources épuisables et


théorie de la décision

3.1.1 Détermination du sentier optimal de production

L’épuisabilité d’une ressource naturelle amène au constat suivant : en extrayant la


ressource aujourd’hui, le producteur bénéficie du revenu lié à la vente de la ressource, mais se
prive d’un revenu futur qui proviendrait de cette même ressource et qui pourrait être supérieur
si le prix de vente de la ressource augmentait. Le caractère épuisable d’une ressource naturelle
apporte une irréversibilité forte à la décision d’investissement, puisque le producteur n’a plus

122
la possibilité de produire à nouveau cette ressource une fois qu’elle a été extraite. Le choix
d’investissement est alors intertemporel puisqu’il repose sur un arbitrage entre le profit net
immédiat lié à l’extraction de la ressource et le profit futur qu’il pourrait tirer des ressources
en terre.

La problématique générale posée par la théorie économique des ressources épuisables


porte sur l’évaluation du sentier optimal d’extraction d’une ressource épuisable, en tenant
compte du caractère irréversible de l’extraction de ces ressources. Les travaux théoriques ont
permis de déterminer l’évolution du taux de production d’une ressource naturelle épuisable
sur la trajectoire optimale ainsi que les conditions d’arrêt de la production, qui peuvent être
modifiées selon les fonctions de coûts considérées.

L’article fondateur d’Hotelling (1931) démontre que l’évolution du prix de la


ressource en terre net du coût d’extraction croît au taux d’intérêt. Ce résultat constitue la
« règle d’Hotelling ». Hotelling est également le premier à proposer la formalisation d’une
règle optimale d’extraction d’une ressource épuisable. Il a montré que le taux de production
d’une ressource épuisable est décroissant sur le sentier optimal d’extraction, avec
l’épuisement total de la ressource à la date finale. Ces résultats ont été obtenus sous
l’hypothèse d’un coût marginal d’extraction constant au cours du temps.

En considérant un coût marginal d’extraction croissant avec la production cumulée,


Gordon (1967) et Levhari et Liviatan (1977) ont montré que la règle optimale d’extraction
d’une ressource épuisable formalisée par Hotelling peut être modifiée. Le coût d’opportunité
d’extraction d’une ressource épuisable est augmenté d’un coût supplémentaire lié au fait que
l’extraction d’une quantité de ressource aujourd’hui augmente le coût de production des
ressources qui seront extraites dans le futur. Ils démontrent ainsi que la production de la
ressource s’arrête dès que le profit net marginal s’annule, lorsque le revenu marginal et le
profit marginal s’égalisent, éventuellement avant l’épuisement total de la ressource. De plus,
si le coût marginal d'extraction croît suffisamment en fonction de la production cumulée, il est
alors possible d'obtenir un taux de production croissant sur le sentier optimal d'extraction.

Introduisons les notations suivantes :

123
t : période t
t0 : date initiale d’exploitation
T : date finale d’exploitation
S 0 : stock de ressources disponibles à la date initiale t0

X t : production cumulée à la période t

X t : niveau de production à la période t

X 't : dérivée par rapport au temps de la variable X t sur la période t

c( X t ) : coût d’extraction dépendant du niveau de production à la période t

c( X t , X t ) : coût d’extraction dépendant du niveau de production et de la production


cumulée à la période t
π ( X t ) : profit dépendant du niveau de production à la période t

π ( X t , X t ) : profit dépendant du niveau de production et de la production cumulée à la


période t
R ( X t ) : revenu brut dépendant du niveau de production à la période t

R ' ( X t ) : dérivée par rapport au temps du revenu brut dépendant du niveau de


production sur la période t
r : taux d’actualisation

Les développements analytiques présentés dans Gordon (1967) reposent sur un coût
marginal croissant indépendant de la production cumulée. La maximisation du profit de la
firme lié à l’extraction de la ressource peut s’écrire sous la forme suivante :

T
Max ³ π ( X t )e −rt dt
0
(3-1)

T
sc. X t > 0 et ³ X dt ≤ S
0
t 0 (contrainte de stock)

124
D’après la théorie classique de l’investissement, le producteur va chercher à
maximiser la valeur actuelle nette de son projet d’extraction, en respectant les contraintes
précédentes :

T
ªT  º
VAN = ³ π ( X t )e dt − λ « ³ X t dt − S 0 »
 − rt

0 ¬0 ¼
(3-2)

avec Ȝ : multiplicateur de Lagrange

Soit F ( X 't , X t , t ) une fonctionnelle. Les dérivées de cette fonctionnelle vérifient


l'égalité suivante :

dFX '
FX = (équation d'Euler)
dt
(3-3)

Sous les hypothèses considérées, le profit dépend de la production X t mais ne dépend

dX t
pas de sa dérivée , donc le terme de droite s’annule. En dérivant la VAN en fonction de la
dt
variable X t , nous pouvons écrire :

∂π ( X t ) − rt
e −λ = 0
∂X
(3-4)

∂π ( X t )
= λe rt
∂X
(3-5)

En particulier, à la date initiale t0, le profit marginal actualisé doit rester constant sur
toutes les périodes, c’est-à-dire que le profit doit croître au taux d’actualisation ou d’intérêt r.
Nous retrouvons ainsi la condition optimale d’extraction d’une ressource épuisable
d’Hotelling (1931).

125
Le développement analytique précédent considérait un coût d'extraction dépendant du
niveau de production mais indépendant de la production cumulée, avec un coût marginal
croissant en fonction du niveau de production. Cette formalisation proposée par Gordon
(1967) a ainsi permis de traiter certaines problématiques sur les différences de coûts entre
entreprises. Toutefois, un coût marginal d’extraction croissant peut apparaître dans la
pratique, étant donné qu’un même gisement de ressource épuisable présente souvent des
caractéristiques géologiques différentes, se traduisant par un différentiel de qualité sur le stock
de ressource à exploiter. Puisqu’une firme rationnelle cherchera à extraire les ressources par
qualité décroissante (Solow et Wan, 1976 ; Hanson, 1979), le coût marginal d'extraction tend
à s’accroître au cours de l'exploitation en fonction de la difficulté croissante d'extraction, et le
coût d'extraction devient alors une fonction croissante de la production cumulée. Nous
présentons ci-dessous les développements mathématiques proposés par Levhari et Liviatan
(1977).

Le profit π ( X t , X t ) et le coût d'extraction c( X t , X t ) dépendent ici de la production

cumulée X t et de la production X t . Notons également que la production peut s'écrire comme

dX t
la dérivée par rapport au temps de la production cumulée : X t = .
dt

A partir de ces nouvelles notations et en faisant l’analogie avec l’équation (3-3), nous
pouvons écrire :

d −rt ∂π ( X t , X t ) ∂π ( X t , X t )
[e ] = e −rt [ ]
dt ∂X ∂X
(3-6)

En intégrant l'équation précédente, nous obtenons :

T T
d ∂e − rsπ ( X s , X s ) ∂π ( X s , X s )
³t ds [ ∂X
]ds = ³ e − rs [
t
∂ X
]ds

(3-7)

T
∂c( X t , X t ) ∂c( X T , X T ) ∂π ( X s , X s )
e −rt [ R' ( X t ) − ] + e − rT [ R' ( X T ) − ] = ³ e −rs [ ]ds
∂X ∂XT t
∂X
(3-8)

126
T − rt
∂c( X t , X t ) − r (T −t ) ∂c( X T , X T ) 
− r ( s −t ) ∂e π ( X s , X s )

R' ( X t ) = +e 
[ R' ( X T ) − ]+ ³e [ ]ds
∂X ∂X T t
∂X
(3-9)

Le dernier terme n'apparaissait pas dans le cas précédent. Il représente la somme


actualisée du flux de profits marginaux futurs dont on se prive en exploitant une unité
supplémentaire de ressource à la période t en raison des coûts d'exploitation croissants.
L'équation (3-9) nous permet de déterminer la date finale optimale d'extraction T, en se
simplifiant comme suit : puisque l'extraction s'arrête à la date T lorsqu'il y a égalité entre le
revenu marginal et le profit marginal (et non plus forcément lorsque la ressource est épuisée),
le second terme de droite s'annule. Nous obtenons alors:

T
∂c( X t , X t ) ∂c( X s , X s )

R' ( X t ) = + ³ e − r ( s −t ) ds
∂X t
∂X
(3-10)

Toujours d'après les développements présentés dans Levhari et Liviatan (1977), nous
pouvons alors obtenir analytiquement la nouvelle règle optimale d'extraction d'une ressource
épuisable lorsque les coûts dépendent de la production cumulée.

En différenciant les deux termes de l'égalité en fonction de t, nous obtenons:

 dX ∂ 2c( X t , X t ) dX t ∂ 2c( X t , X t )  − r (T − t )


 
 ) − ∂c( X T , X T ) ] + ∂c( X t , X t )
R' ' ( X t ) = + X t + re [ R ' ( X T
dt ∂X 2 dt ∂X∂X ∂X T ∂X
T
∂c( X s , X s )
− r ³ e − r ( s −t ) ds
t
∂X
(3-11)

ou encore :

∂ 2 c( X t , X t )  2   
 )] dX t = − ∂ c( X t , X t ) X − re − r (T −t ) [ R' ( X ) − ∂c( X T , X T ) ] + ∂c( X t , X t )
[ 2
− R ' ' ( X t t T
∂X dt ∂X∂X ∂X T ∂X
T
∂c( X s , X s )
− r ³ e − r ( s −t ) ds
t
∂X
(3-12)

127
∂ 2π ( X t , X t )
En considérant un revenu marginal décroissant ( < 0) selon la condition
∂X 2
∂ 2c( X t , X t ) dX t
de Legendre, nous trouvons 2
− R' ' ( X t ) > 0 . Le signe de dépend du signe du
∂X dt
terme de droite. En utilisant l'équation (3-10), l'égalité (3-12) peut se réécrire :

∂ 2 c( X t , X t )  2   
 )] dX t = − ∂ c( X t , X t ) X − r[ R ' ( X ) − ∂c( X t , X t ) ] + ∂c( X t , X t )
[ 2
− R ' ' ( X t t t
∂X dt ∂X∂X ∂X ∂X
(3-13)

Le premier terme de droite, représentant l'évolution du coût marginal d'extraction en


fonction de la production cumulée, peut être positif ou négatif. Le second terme de droite doit
être négatif puisque le profit marginal au temps t est positif. Le dernier terme est également
positif puisque le coût d'extraction croît en fonction de la production cumulée. La règle
d'Hotelling qui stipule que le taux de production décroît en fonction du temps jusqu’à la date
finale T ou X T s'annule n'est plus forcément satisfaite. Si le coût marginal d'extraction croît

dX t
suffisamment en fonction de la production cumulée, il est alors possible d'obtenir > 0 sur
dt
le sentier optimal d'extraction, en contradiction avec la règle d'Hotelling.

3.1.2 Mise en évidence d’un prix seuil de développement

En ne considérant plus simplement une seule ressource épuisable mais plusieurs de


qualités distinctes, l’évolution du coût d’extraction joue également un rôle prédominant,
puisque la mise en exploitation optimale des différentes ressources épuisables s’effectue en
fonction des coûts marginaux d’extraction croissants (Solow et Wan, 1976). Avec un coût
marginal d’extraction supérieur à celui des ressources pétrolières conventionnelles, les
ressources de bitume canadien ont effectivement été exploitées plus tardivement, à la fin des
années 1960. Malgré le progrès technique, leur coût marginal de production est resté
nettement supérieur au coût moyen de production des pétroles conventionnels (moins de 10
$US/b au cours des années 1990 ; Babusiaux, 2001b, p.9). Avec un prix de vente similaire au
prix de marché moyen des pétroles conventionnels, la rente associée est alors inférieure à la
rente moyenne de la production pétrolière conventionnelle. Son analyse récente a permis de
déterminer un prix seuil pour l’exploitation du bitume canadien autour de 65 $US/b en 2008
(selon Total, cité dans Petrillo, 2008). Pour un prix de vente inférieur à ce prix seuil, le

128
développement de nouvelles capacités de production de bitume n’est plus rentable. Malgré
des coûts de production supérieurs au coût moyen de la production pétrolière mondiale,
l’exploitation du bitume canadien s’est accélérée au cours des années 2000 sous l’effet d’une
forte hausse du prix du brut, dépassant ainsi le prix seuil du pétrole non conventionnel et
permettant une mise en production massive des ressources canadiennes.

Le large potentiel de ressources et le mécanisme de prix seuil tendraient à définir les


ressources pétrolières non conventionnelles comme une technologie alternative limite
permettant de produire ou de substituer une ressource épuisable de manière quasi-inépuisable
à un coût unitaire élevé mais constant (Nordhaus, 1973). Des travaux récents semblent
cependant invalider cette interprétation de technologie limite au sens strict. Ainsi, selon
Atkins et McFadyen, (2008), malgré l’importance des réserves, les ressources pétrolières non
conventionnelles sont des ressources fossiles épuisables, qui risquent de voir leur coût
marginal d’extraction croître au fur et à mesure de leur épuisement et de la dégradation de la
qualité des gisements exploités.

Le niveau relativement élevé du prix seuil du bitume canadien rend son exploitation
particulièrement sensible au risque prix. Une forte volatilité des prix, à l’instar de celle
observée sur le marché mondial en 2008 et 2009, pourrait représenter un frein au
développement, avec un risque accru d’atteindre un prix de vente inférieur au prix seuil. En
faisant l’hypothèse d’un prix du brut occasionnellement inférieur au prix seuil, sur de courtes
périodes isolées, l’impact de la volatilité des prix sur le rythme de développement des
ressources non conventionnelles peut être réduit en adaptant la stratégie de production des
acteurs grâce à des flexibilités sur le stockage ou le niveau de production. En revanche, des
chutes du prix du brut répétées ou sur de plus longues périodes pourraient significativement
réduire la rentabilité des projets, faire sortir du marché la majorité des producteurs non
conventionnels et à terme ralentir le rythme de développement des ressources non
conventionnelles.

3.1.3 Décision d’investissement en présence d’incertitude

L’incertitude sur le prix futur, sur des horizons temporels équivalents à la durée de vie
des installations, de 20 à 30 ans, implique une perte de visibilité pour les producteurs et un

129
risque prix accru. Certains scénarios prospectifs de prix du brut proposés par des organismes
publics (World Energy Outlook, 2009) atteignent sur certaines périodes des valeurs
inférieures au prix seuil et risquent, s’ils sont intégrés au processus décisionnel en avenir
incertain, de pénaliser l’exploitation des ressources non conventionnelles canadiennes.

Plus généralement, le contexte économique récent a mis en évidence les nombreuses


incertitudes auxquelles est soumis le secteur non conventionnel canadien. D’une part,
l’incertitude sur le prix de vente s’est accrue sous l’effet d’une volatilité des prix plus forte
observée depuis 2004, conséquence d’une demande pétrolière mondiale en hausse et d’un
équilibre offre-demande tendu. D’autre part, les coûts de production sont soumis à une
incertitude croissante partiellement non diversifiable pour les firmes (Pindyck, 1993)
provenant d’une évolution de plus en plus incertaine du progrès technique, des coûts des
facteurs de production (corrélés aux prix de marchés des commodités et à l’activité
économique mondiale) ainsi que des réglementations environnementales. Un prix (Feick,
1983) ainsi que des coûts de production incertains représentent des facteurs d’impact majeurs
puisqu’ils affectent les revenus tirés des projets et par conséquent leur rentabilité.

Sous l’hypothèse unique que le flux de profits futurs généré par l’unité marginale de
capital est une fonction convexe de la variable stochastique, certains auteurs (Oi, 1961 ;
Hartman, 1972 ; Pindyck, 1980 ; Abel, 1983) ont démontré qu’un accroissement de
l’incertitude augmente la valeur de l’unité marginale de capital. Cette hypothèse de profit
marginal convexe est remplie lorsque les facteurs de production autre que le capital sont
flexibles, et sous des conditions très générales, en l’absence d’irréversibilité sur le coût du
capital (Bourdieu et al., 1997). Dans ce cas, un accroissement de l’incertitude crée un « effet
d’opportunité » (Mohn et Osmundsen, 2006), reliant positivement incertitude et
investissement. Pindyck (1980) a ainsi démontré que sous l’hypothèse d’un coût marginal
d’extraction convexe en fonction du niveau de production, un prix de vente de la ressource
stochastique créait une incitation à accélérer le rythme de production.16

D’après Mohn et Misund (2009), la théorie plus récente des options composées semble
également valider une relation positive entre investissement et incertitude (Kulatilaka et
Perotti, 1998 ; Sarkar, 2000). Investir consiste à « tuer » l’option d’attente mais implique aussi

16
Le développement mathématique menant à ce résultat principal est présenté en annexe 3.1.

130
une « récompense potentielle » grâce à l’acquisition d’options de développement futur. Un
accroissement de la volatilité du prix du brut augmenterait ainsi la valeur des deux types
d’options (Smit et Trigeorgis, 2004) et l’effet net de l’incertitude sur l’investissement pourrait
s’avérer positif.

En revanche, en présence d’irréversibilité, le profit marginal devient une fonction


concave de la variable sur laquelle porte l’incertitude, puisqu’il est plus difficile pour le
producteur d’ajuster ses capacités à la baisse qu’à la hausse. Cet effet de concavité ou
d’irréversibilité donne alors de la valeur à l’attente (Bourdieu et al., 1997). En considérant un
coût marginal d’extraction concave en fonction du niveau de production, Pindyck (1980) a
montré qu’un prix de vente de la ressource stochastique créait une incitation à ralentir le
rythme de production. Ce lien négatif entre incertitude et niveau de production est renforcé
par la valeur d’option des réserves, c’est-à-dire la capacité à reporter indéfiniment la
production dans le cas où le coût marginal dépasse le prix de la ressource.

L'irréversibilité dans la décision d'investissement pour permettre l'exploitation de


ressources naturelles épuisables est apportée par le fait que les producteurs doivent non
seulement acquérir du capital, mais aussi transformer ce capital « indéterminé » en un capital
spécifique, propre à leur usage (Bourdieu et al., 1997). Ce coût de spécification du capital est
particulièrement élevé pour la filière pétrolière non conventionnelle, puisque celle ci requiert
des immobilisations importantes. Il génère en plus un effet d'irréversibilité dans la décision
d'investissement qui provient d'une asymétrie entre le coût de l'investissement et du
désinvestissement. Cette asymétrie peut provenir de coûts irrécupérables (construction de
routes d’accès pour les sites miniers, préparation et réhabilitation de sites très étendus) ou de
coûts de démantèlement des équipements, qui induisent un coût fixe indépendamment du
volume du capital à installer (Bourdieu et al., 1997).

L’irréversibilité seule permet de modifier la décision d’investissement. Arrow (1968) a


montré que la trajectoire d’accumulation de capital d’une firme présente des paliers lorsqu’il
lui est impossible de désinvestir (Bourdieu et al., 1997). Gaudet (1983) et Campbell (1980)
ont montré qu’en présence d’irréversibilité, le sentier optimal d’extraction ne suit plus
forcément le profil prédit par Hotelling. Le taux optimal de production, après une période

131
d’ajustement, reste constant sur le plateau de production, avant de diminuer jusqu’à la date
d’épuisement de la ressource.

L’analyse de la décision d’investissement en présence simultanée d’irréversibilité et


d’incertitude par la théorie des options a permis de mettre en évidence une valeur d’attente
positive et un impact négatif de l’incertitude sur la décision d’investissement (Cukierman,
1980 ; Bernanke, 1983 ; Brennan et Schwartz, 1985 ; McDonald et Siegel, 1985). La théorie
des options repose sur l’analogie entre la décision d’investissement et l’exercice d’une option
financière. En considérant le capital-action d'une firme comme une option achetée aux
détenteurs de sa dette (Black et Scholes, 1973), le décideur détenteur de l’option a la
possibilité d’exercer son option, en choisissant d’investir ou non son capital dans un projet
pour maximiser son profit (Crabbé, 1986). Cette option est alors dite « réelle ». La décision
d’investir repose sur un arbitrage entre la valeur immédiate issue de l’exercice de l’option
réelle et le coût lié à la perte de l’opportunité de prendre la décision à un meilleur moment
(Bourdieu et al., 1997).

L’irréversibilité d’un investissement fournit à la firme une option réelle pour retarder
cet investissement, appelée option d’attente. Selon Pindyck (1991), l’incertitude crée un coût
d’opportunité pour investir aujourd’hui dans l’exploitation d’une ressource plutôt que
d’attendre pour bénéficier de nouvelles informations sur la profitabilité espérée d’un projet,
augmentant le coût complet d’une unité marginale de capital et réduisant par conséquent
l’investissement.

En considérant un projet d’investissement unique qui peut être mis en œuvre à


n’importe quel moment moyennant le paiement d’un coût fixe irrécupérable, McDonald et
Siegel (1986) ont également mis en évidence une valeur d’attente positive. Un accroissement
de l’incertitude future peut alors engendrer un ralentissement de l’investissement présent,
même si les gains espérés sont inchangés et si les acteurs sont neutres face au risque
(Bourdieu et al., 1997).

En considérant un modèle plus réaliste de décision d’investissement incrémental,


Pindyck (1988) a également montré qu’en présence d’incertitude, à partir d’un capital
existant, une firme préfère retarder sa décision d’investissement pour acquérir davantage

132
d’information. Selon Bourdieu et al. (1997), l’incertitude affecte simultanément la valeur du
capital installé et les opportunités futures d’investissement. A la valeur d’option de
l’investissement s’ajoute la valeur d’option du capital installé qui provient de la possibilité de
cesser d’utiliser les capacités installées puis de les réutiliser si la demande repart. Une unité
supplémentaire de capacité a donc toujours une valeur positive quel que soit le stock de
capital existant car il y a toujours une chance qu’elle soit utilisée dans l’avenir. Comme pour
un projet unique, la valeur d’option de la dernière capacité installée croît avec l’incertitude.
Mais l’incertitude augmente également la valeur d’option de la prochaine unité de capital. Les
développements théoriques ont permis de montrer que le stock optimal de capital décroît
quand l’incertitude augmente, tandis que la valeur d’attente et le seuil d’investissement
s’accroissent avec l’incertitude.

Les travaux d’Harchaoui et Lasserre (2001) ont permis de valider empiriquement


l’existence d’options d’attente sur des données d’investissement dans des mines de cuivre au
Canada. Les travaux de Leahy et Whited (1996), Carruth et al. (2000) ainsi que de Bulan
(2005) ont également démontré empiriquement l’existence d’un lien négatif entre
investissement et incertitude. Enfin, Mohn et Misund (2009) ont mis en évidence l’impact
négatif de l’incertitude macroéconomique sur l’investissement.

Au terme de cette section, nous avons présenté une revue de littérature sur la théorie
des ressources épuisables et la théorie des options réelles, ainsi que les principaux résultats
associés à cette littérature. La section suivante est consacrée à la validation empirique des
deux résultats théoriques suivants à partir d’une analyse économétrique sur des données du
secteur non conventionnel canadien : fonction de coût d’extraction en U et relation négative
entre niveau d’investissement et incertitude sur le prix de vente.

3.2 Validation économétrique des résultats


théoriques

Une première analyse économétrique a permis d’estimer, à partir de données


historiques, une fonction du coût marginal d’extraction du bitume canadien dépendante de la
production cumulée. Quelle que soit la technique considérée (minière, in situ ou
d’upgrading), la fonction de coût prend la forme d’une fonction en U en accord avec les

133
fonctions de coût d’extraction d’autres ressources épuisables obtenues par les travaux
théoriques (Slade, 1984). La forme en U provient de l’effet prédominant du progrès technique
en début de période, avec un coût marginal décroissant en fonction de la production cumulée,
suivi d’une phase de coût marginal croissant sous l’effet de la déplétion et d’une difficulté
croissante d’extraction en fin de période.

Un second test économétrique a permis de mettre en évidence un lien négatif entre


niveau d’investissement et incertitude, à partir de données historiques sur les investissements
d’exploitation par technique in situ. Nous avons considéré comme source d’incertitude la
volatilité annuelle du prix du brut WTI, calculée à partir de données hebdomadaires, après
avoir vérifié que le prix du WTI pouvait être utilisé en bonne approximation du prix du brut
synthétique (SCO). L’intérêt d’utiliser directement le prix du WTI dans cette analyse provient
du fait qu’il est plus représentatif de l’évolution des marchés pétroliers que le prix du SCO
étant donné l’importance des volumes de contrats sur le WTI échangés. Le marché spot du
SCO reste encore très limité, et la majorité des volumes de SCO sont échangés à des prix
postés.

3.2.1 Fonction empirique de coût marginal d’extraction

Trois modélisations économétriques distinctes du coût opératoire marginal ont été


effectuées pour la production minière, la production in-situ et l'upgrading. Les données de
coût et de production sont issues du Canadian Statistical Handbook 2009 publié par
l’Association Canadienne des Producteurs de Pétrole (CAPP, 2009a). Les séries statistiques
de coûts opératoires marginaux ont été élaborées à partir des différentiels annuels des coûts
opératoires et des productions cumulées. Les séries de coûts marginaux sont exprimées en
monnaie constante (base 100=2000). Nous utilisons des données annuelles sur la période
1980-2008 pour la production minière et sur la période 1998-2008 pour les productions in situ
et d’upgrading. Les variables explicatives sont les productions cumulées.

Nous utilisons les notations suivantes :

Cmt(z) : coût opératoire marginal à la période t de la technologie z, exprimé en $CAN/b


de bitume

134
z=M (production minière), S (production in situ), U (upgrading)
Xt(z) : production cumulée à la période t par la technologie z, exprimée en milliers de
barils de bitume (mb)
DUi : variable muette prenant la valeur 0 jusqu'à l'année i-1, puis 1 au delà,
Di : variable muette prenant la valeur 1 pour l'année i, 0 sinon.

Le modèle minier est estimé selon l’équation suivante :

−6 −5
Cmt ( M ) = 27.325− 22.245× DU1990 + 1.28 ×10
−7
× X t ( M ) − 2.10 × 10
−6
× X t ( M ) × (1 − DU1990 )
( 2.231) ( 2.648 ) ( 5.16×10 ) ( 3.27×10 )

(3-14)

R2=0.779
n=29
Période : 1980-2008
DW=1.71

Le modèle de coût in situ est le suivant :

−6
Cmt ( S ) = 4.269+ 4.21×10
−7
× X t ( S ) × DU 2005 − 4.587× D2007
( 0.344 ) ( 3.43×10 ) (1.067 )

(3-15)

R2=0.950
n=11
Période : 1998-2008
DW=1.39

Enfin, le modèle de coût d’upgrading est le suivant :

−7
Cmt (U ) = 0.909+ 7.83 ×10
−7
× X t (U ) × DU 2005
( 0.289 ) (1.22×10 )

(3-16)

R2=0.822
n=11
Période : 1998-2008
DW=1.19

135
Pour la technologie minière, nous observons deux périodes distinctes d'évolution du
coût marginal. Sur le début de la période d'estimation, entre 1980 et 1989, la production
cumulée a un effet réducteur sur le coût marginal, que l'on peut interpréter comme un effet
d'apprentissage, grâce à l'effort de R&D du secteur pétrolier non conventionnel dans les
années 1980 (Méjean et Hope, 2008) et à l'optimisation des procédés. A partir du début des
années 1990, le coefficient de la production cumulée devient positif. Nous pouvons alors
considérer qu'il s'agit de la partie croissante de la fonction de coût en U.

Nous obtenons un coût marginal moyen de 15.2 $/b de bitume sur la période 1979-
1989, et de 8.4 $/b de bitume sur la période 1990-2008. Sur la période 2005-2008, on observe
néanmoins une nette augmentation du coût opératoire marginal, valant en moyenne 11.5 $/b.

Pour la technologie in situ, l'échantillon est plus petit (11 observations). Sur la période
1998-2004, le coût opératoire marginal est constant, à 4.3 $/b de bitume. En revanche, sur la
période 2005-2008, le coût marginal devient croissant en fonction de la production cumulée.

Enfin, pour la technologie d’upgrading, les mêmes tendances sont observées.


Initialement constant sur la période 1998-2004, le coût marginal devient croissant en fonction
de la production cumulée sur la période 2005-2008.

3.2.2 Relation empirique investissement-incertitude

L’analyse économétrique de la relation investissement-incertitude a été effectuée en


deux étapes. La première a porté sur l’évaluation du mécanisme de formation du prix du brut
synthétique (SCO) et a permis de mettre en évidence un équilibre de long-terme entre les
logarithmes des prix du SCO et du brut marqueur WTI, avec un coefficient quasi-normé à un
(0.957). Ce résultat permet ainsi d’utiliser le prix du WTI observé sur le marché américain
comme approximation du prix du SCO dans la seconde étape du test économétrique. Ce
dernier a mis en évidence une relation négative entre le niveau d’investissement dans la filière
in situ et la volatilité du prix du brut.

D’après les observations présentées dans le paragraphe 2.1.3, la valorisation des bruts
synthétiques légers, dont les qualités se rapprochent de celles du marqueur WTI et destinés au

136
même marché, devrait dépendre du prix du WTI. Nous sommes ainsi conduits à analyser la
relation qui peut s'établir entre le prix du pétrole synthétique et le prix du pétrole brut
conventionnel sur le marché nord-américain.

La série de prix du WTI (PWTIt) correspond aux données Platt’s pour un contrat WTI à
échéance 1 mois, à Cushing (Oklahoma), tandis que la série de prix du brut synthétique
(PSCOt) correspond aux prix postés par Suncor et PetroCanada pour un brut synthétique autour
de 30 °API et 1-1.6% en soufre, publiés par Platt’s. Les deux séries de prix sont mensuelles
sur la période de janvier 2002 à mai 2008. La série de prix SCO a été convertie en dollars US
en monnaie courante, à partir d'un taux de change mensuel moyen (Fonds Monétaire
International, Banque Centrale Européenne, Banque du Canada et Banque de la Réserve
Fédérale de New York). Nous utilisons les séries sous leur forme logarithmique.

Les tests de racine unité (cf. tableau 3-1) permettent de conclure que les deux prix
PWTIt et PSCOt sont I(1).

Tableau 3-1 : Tests de racine unité des séries de prix PWTIt et PSCOt

Variables ln(PWTIt) ǻln(PWTIt) ln(PSCOt) ǻln(PSCOt)


ADF (c,t) -3.076156 -6.822521 -3.448652 -8.157962
nombre de retards 2 0 2 0
ADF (c) -2.058687 -6.814114 -2.187908 -8.172727
nombre de retards 1 0 0 0
ADF (aucun) 0.757579 -6.742052*** 0.870409 -8.134356***
nombre de retards 1 0 0 0
PP (c,t) -2.528511 -6.766377 -3.009848 -8.139051
nombre de retards 4 1 3 1
PP (c) -2.058922 -6.752858 -2.309766 -8.152085
nombre de retards 4 1 2 1
PP (aucun) 0.861293 -6.672196 0.784528 -8.11055
nombre de retards 4 1 1 1
KPSS (c,t) 0.16243 0.03141 0.144671 0.034241
nombre de retards 7 4 6 1
KPSS (c) 1.03058 0.091772 1.003783 0.081444
nombre de retards 7 4 7 1
Note: Les indices supérieurs “*” “**” “***” indiquent le niveau de significativité associés aux fractiles 10 %, 5 % et 1 %.
Source : résultats des tests économétriques

Le test de cointégration permet d'identifier une relation d'équilibre entre le prix du


WTI et le prix du brut synthétique sous leur forme logarithmique (cf. tableau 3-2).

137
Tableau 3-2 : Test de cointégration entre les séries ln(PWTIt) et ln(PSCOt)

H0 : rang = r Valeur propre Statistique Valeur Seuil du Statistique Valeur Seuil du


Test Ȝmax Test Ȝmax 5% Test Trace Test Trace 5%
r=0 0.228317 23.32632 11.22480 24.00025 12.32090
r”1 0.007460 0.673923 4.129906 0.673923 4.129906
Source : résultats des tests économétriques

En normant par rapport au prix à terme, la relation s'écrit :

ln(PSCO t ) = 0.957258 ln(PWTI t )


(0.00194)

(3-17)

(): Ecart-type
p[Normalité] = 0.069
où p[•] représente la p-value associée ici au test de normalité de Jarque-Bera.

De plus, nous ne pouvons pas rejeter l'hypothèse que la série de prix du WTI « cause
au sens de Granger » la série de prix du brut synthétique (cf. tableau 3-3).

Tableau 3-3 : Test de Causalité au sens de Granger entre les séries ln(PWTIt) et ln(PSCOt)

Hypothèse H0 F
ln(PWTIt) ne cause pas ln(PSCOt) au sens de Granger 4.87792***
ln(PSCOt) ne cause pas ln(PWTIt) au sens de Granger 2.47117*
Source : résultats des tests économétriques

Ce résultat met en évidence que le prix du WTI est « directeur » par rapport au prix du
brut synthétique, le volume des transactions sur le marché du WTI étant largement supérieur
au volume des contrats sur le brut synthétique.

Après avoir estimé le modèle de long terme, nous estimons un modèle à correction
d'erreur (MCE) entre les deux séries de prix, représentant la dynamique de court-terme autour
de l'équilibre de long terme estimé précédemment.

138
∆ln(PSCO t ) = 0.0241− 0.742× ∆ ln(PWTI t-2 ) − 0.736× ε LTt −1
( 0.0131) ( 0.413 ) ( 0.302 )

(3-18)

R2=0.165
s = 0.100
p[Normalité] = 0.357
p[AR(6)] = 0.946
p[AR(12)] = 0.983

où p[AR(n)] est la p-value du test d'autocorrélation d'ordre n avec la statistique de


Ljung-Box.

La dynamique du prix du brut synthétique dépend du différentiel de prix du WTI


observé deux mois avant. La force de rappel (-0.736) est assez élevée et indique que le prix du
brut synthétique ne s'écarte pas durablement de celui du WTI.

Une étude statistique a ensuite été menée entre les investissements canadiens non
conventionnels in situ réalisés sur la période 1995-2008 et le prix du WTI, pour estimer la
relation entre niveau d'investissement et volatilité du prix de valorisation. L'estimation porte
uniquement sur les projets in situ, pour lesquels il existe un plus grand nombre d'observations.
Une série d’investissements in situ IINSITUt a été élaborée à partir des capacités de production
installées chaque année, publiées dans les rapports annuels des compagnies non
conventionnelles (exprimées en milliers de barils de bitume par jour ; cf. figure 3-1). La série
de prix PWTIt a été élaborée à partir des prix Platt’s annuels des contrats à terme (12 mois) à
Cushing, tandis que la série de la volatilité annuelle du prix du WTI VWTIt correspond à l'écart-
type annuel des variations de prix à terme (12 mois) hebdomadaires (publiés le deuxième jour
de la semaine). Les séries annuelles de prix du WTI et de volatilité sont présentées dans la
figure 3-2.

139
140
120

kb/j de bitume
100
80
60
40
20
0
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007

Figure 3-1 : Accroissements annuels des capacités de production non conventionnelle in situ
sur la période 1995-2008 (sources : rapports annuels des compagnies)

Figure 3-2 : Séries annuelles du prix du WTI (Cushing, terme à 12 mois) et de sa volatilité sur
la période 1995-2008 (source : Platt’s)

140
Le modèle économétrique suivant a été estimé, reliant le niveau d’investissement in
situ et le prix du WTI en niveau et volatilité :

ln( PINSITU t ) = − 3.069+ 2.021× ln( PWTI t −2 ) − 1.312× ∆ ln(VWTI t −1 )


(1.187 ) ( 0.344 ) 0.352

(3-19)

R2=0.83
n=10
Période : 1985-2009
DW=1.83

Etant donné la faible taille des échantillons (10 valeurs après ajustement), la
significativité des valeurs des coefficients obtenus ne peut pas être justifiée et les coefficients
ne peuvent donc pas être réutilisés tel quels. La robustesse du modèle permet cependant de
valider les signes des coefficients, mettant en évidence un impact positif du prix du brut en
niveau observé deux années avant la mise en fonctionnement des nouvelles capacités sur
l'investissement, et un impact négatif du différentiel de volatilité du prix sur la stratégie
d'investissement observé une année avant. La relation négative entre investissement et
incertitude déterminée par notre analyse empirique est en accord avec les résultats de la
théorie économique sous l’hypothèse d’irréversibilité dans la décision d’investissement.

Dans cette section, nous avons validé empiriquement l’existence d’une fonction de
coût d’extraction en U du bitume canadien quelque soit la filière minière ou in situ considérée
et d’une relation négative entre le niveau historique d’investissement dans la filière in situ et
la volatilité du prix du WTI sous sa forme différentielle. La prochaine section est consacrée à
la description de la méthodologie de modélisation suivie au cours de ce travail de thèse.

3.3 Méthodologie de modélisation

Suite à la revue de littérature présentée en début de chapitre, nous avons choisi


d’élaborer deux modèles de décision d’investissement incrémental appliqués au secteur non
conventionnel canadien. Dans cette section, nous présentons la méthodologie de modélisation
envisagée ainsi que les difficultés de modélisation rencontrées.

141
3.3.1 Les déterminants de l’investissement

L’élaboration d’un modèle de décision d’investissement incrémental permet de


simuler le comportement d’investissement dynamique d’une firme. Sur chaque période, le
modèle laisse à la firme la possibilité d’investir dans des capacités de production
supplémentaires pour accroître sa production et son profit intertemporel. La stratégie
dynamique d’investissement est alors déterminée par l’optimisation de la fonction objectif
intertemporelle, cumulée sur l’ensemble des périodes, permettant au modèle de simuler les
trajectoires optimales d’investissement et de production en fonction des différentes
hypothèses économiques.

Deux modèles d’investissement distincts ont été élaborés au cours de cette thèse. Le
premier est un modèle d’optimisation sous contraintes en programmation linéaire dynamique.
Il permet d’effectuer une étude prospective de l’offre non conventionnelle tendancielle, à
partir de scénarios déterministes. Le second modèle, basé sur la programmation dynamique,
permet d’intégrer des fonctions non linéaires, et d’introduire plus aisément des scénarios
stochastiques sur l’évolution des paramètres pour simuler des comportements
d’investissement en présence d’incertitude. La description complète des modèles
d’investissement linéaire et en programmation dynamique, est détaillée dans les chapitres 4 et
5 respectivement.

Sous l’hypothèse de neutralité face au risque, les déterminants de l'investissement


découlent du comportement rationnel d'une firme en microéconomie, qui consiste à
maximiser son profit. Pour une firme industrielle, cela revient à maximiser ses recettes de
production nettes de ses coûts de production. Intuitivement, la création de profit nécessite des
capacités de production et des facteurs de production, qui nécessitent à leur tour un
investissement industriel. L'investissement se retrouve donc au cœur du phénomène de
croissance des théories économiques de la croissance et de la dynamique de court et de long
terme des économies (Epaulard, 2001).

A partir du modèle théorique développé par Jorgenson (1963), les travaux empiriques
ont abouti au début des années 1980 à l'élaboration du modèle « accélérateur-profit », basé sur
la croissance de la production et le taux de profit comme déterminants de l’investissement. Un
peu trop simplificateur, le modèle « accélérateur-profit » s’est amélioré en intégrant non plus

142
un taux de profit courant comme déterminant de l’investissement mais un taux différentiel
entre le taux de profit et le coût d'opportunité des fonds, évalué de manière intertemporelle à
partir des perspectives de profits futurs (Epaulard, 2001). Enfin, Epaulard (2001) propose de
considérer le profit non seulement comme la raison pour laquelle la firme investit, mais
également comme le moyen par lequel la firme peut investir. Des profits croissants permettent
à la firme de disposer de capacités d'autofinancement supplémentaires, et donc de limiter son
recours à des financements externes, comme l'endettement.

Certains auteurs ont mis en évidence une variation significative du capital à une
variation de son coût d'usage (Bua et al. (1991) sur des données françaises et Chirinko et al.
(1999) sur des données américaines, cités dans Crépon et Gianella (2001)) et plus récemment
un effet négatif du coût d'usage du capital sur la demande des facteurs de production des
sociétés françaises (Crépon et Gianella, 2001), en se limitant à une analyse de moyen terme.
D'autres auteurs se sont penchés sur l'impact de contraintes financières sur l'investissement
des firmes. Malgré les travaux théoriques de Modigliani et Miller (1958) qui concluaient à
une indifférence de la part de la firme à financer ses investissements à partir de ses fonds
propres (émissions d'actions ou rétention de profits) ou de fonds externes (endettement), la
littérature empirique tend à réfuter cette analyse (Crépon et Rosenwald, 2001; Duhautois,
2001 ; cités dans Epaulard, 2001).17 Les travaux de Fazzari et al. (1988) ont mis en évidence
l'influence des contraintes financières sur l'investissement, en obtenant un coefficient
accélérateur plus élevé pour les entreprises de petite taille. La différenciation des firmes par
leur taille est justifiée par le fait que les entreprises de petite taille sont supposées plus
contraintes financièrement que les entreprises de grande taille, car elles subiraient une plus
grande asymétrie d'information et seraient plus éloignées des marchés.

3.3.2 Irréversibilité et contraintes de modélisation

En pratique, l'hétérogénéité des situations individuelles des entreprises (taille, état des
stocks de capital effectif et désiré ; Caballero et Engel, 1998) aboutit à des stratégies
d'investissement diversifiées. Malgré l’intérêt de cette problématique, nous supposerons dans
nos modélisations que la structure de financement est identique pour toutes les compagnies du
secteur non conventionnel, puisque nous nous intéressons au comportement d’investissement
17
En particulier, les hypothèses considérées par Modigliani et Miller sur les conditions de marché
étaient restrictives, et n'ont pas été réalisées en pratique.

143
agrégé sur l’ensemble du secteur. Sur chaque période, une contrainte budgétaire
proportionnelle au profit généré lors de la période précédente sera introduite lors de la
calibration des modèles, pour représenter le potentiel d’autofinancement du secteur.

De l’irréversibilité sur le coût du capital a été introduite dans les deux modèles
d’investissement. Dans le cas du modèle d’offre tendancielle, le coût d’investissement est
comptabilisé dès la phase de construction, à partir d’un système d’amortissement en annuités
constantes proportionnel à l’investissement effectué mais indépendant du niveau de
production présent. Un coût fixe irrécupérable est également considéré en cas d’arrêt de
production non planifié. Enfin, le coût du capital est spécifique aux projets non
conventionnels, puisqu’aucune valeur de revente n’est envisagée en cas d’arrêt prématuré de
la production. Dans le modèle d’offre en programmation dynamique, un coût unitaire du
capital croissant a été introduit pour tenir compte de rendements de production décroissants.

Pour représenter au mieux les systèmes productifs existants, des contraintes sur les
capacités de production ont été introduites dans les deux modèles d’offre. Le niveau de
production peut s’accroître au cours des périodes grâce à des investissements incrémentaux. A
chaque début de période, les producteurs ont la possibilité d’investir dans de nouvelles
capacités de production, entrant en fonctionnement au début de la période suivante, pour tenir
compte du délai de construction. La flexibilité des producteurs reste toutefois limitée,
puisqu’ils ne peuvent investir que dans des capacités indivisibles de taille préalablement fixée,
avec une borne supérieure sur le nombre de projets lancés en parallèle au cours d’une même
période en raison des goulets d’étranglement.

3.3.3 Difficulté d’endogénéisation de la fonction de coût

L’analyse économétrique des coûts opératoires marginaux de la filière non


conventionnelle canadienne présentée dans la section précédente a permis de mettre en
évidence des fonctions de coût variables sur la période considérée 1980-2005. Dans l’étape de
calibration des modèles d’investissement, les coûts observés historiquement, variables sur
chaque période, vont être introduits de manière exogène aux modèles.

144
Cependant, des scénarios sur l’évolution du coût marginal d’extraction du bitume
canadien vont être nécessaires pour les simulations prospectives. Leur élaboration s’avère
délicate puisque plusieurs facteurs peuvent interagir simultanément et déboucher sur un
impact net ambigu.

Le développement de technologies réductrices de coût (Poudou, 1997) a été


particulièrement important dans l’industrie pétrolière (Bourgeois et Martin, 1991; Karnik et
Masseron, 1995; Babusiaux et Alazard-Toux, 2008), permettant à la fois de réduire
significativement les coûts de production et de mettre en exploitation des réserves plus
difficiles d’accès. Le secteur pétrolier non conventionnel a bénéficié de certaines de ces
technologies, telles que le forage horizontal utilisé pour l’extraction de bitume par techniques
in situ mais également d’améliorations technologiques issues des efforts de recherche du
secteur minier du charbon, qui utilise des équipements similaires pour l’extraction de minerai
en surface. L’apprentissage du personnel et les améliorations de gestion opérationnelle ont
également permis de réduire le coût marginal d’extraction (Suncor, 2010).

En généralisant le progrès technique à un mécanisme d’apprentissage (Arrow, 1962),


il est possible d’évaluer le taux d’apprentissage du secteur non conventionnel canadien à
partir de la courbe d’apprentissage, reliant la réduction des coûts à la production cumulée
(Berglund et Söderholm, 2006). Un taux d’apprentissage empirique du secteur non
conventionnel minier canadien a été estimé entre 20 et 42% (Méjean et Hope, 2008) à partir
de données publiques sur les coûts de production et la production cumulée annuels (AIE,
2005 ; CAPP, 2009a).

L’endogénéisation du progrès technique pour les simulations prospectives apparaît


toutefois difficile. Le progrès technique est généralement estimé à partir des dépenses de
R&D ou des activités de dépôt de brevets, mais ces mesures peuvent être biaisées puisque de
nouvelles technologies peuvent être applicables à un secteur industriel alors que les dépenses
de R&D qui ont permis ce développement peuvent provenir d'un autre secteur. L’analyse d’un
panel représentatif de technologies énergétiques a permis d’estimer une fourchette de taux
d'apprentissage moyen compris entre 1 et 37% (McDonald et Schrattenholzer, 2001, cité dans
Méjean et Hope, 2008). Le taux d’apprentissage maximum du secteur non conventionnel
minier évalué à 42% par Méjean et Hope (2008) s’avère cependant plus élevé que la borne

145
supérieure obtenue dans McDonald et Schrattenholzer (2001) et pourrait provenir d’un biais
méthodologique (Méjean et Hope, 2008 ; Cuddington et Moss, 2001), du fait qu’en pratique,
ce secteur a aussi profité des avancées technologiques du secteur charbonnier. Le taux
d’apprentissage réel est alors réduit si l’on ne tient plus compte de la production de bitume
miné seule mais plutôt de la production cumulée de charbon et de bitume miné.

Le potentiel de réduction des coûts grâce au progrès technique pourrait être limité par
l’instauration de réglementations environnementales plus contraignantes qui auraient pour
effet inverse d’augmenter les coûts de dépollution. Le coût marginal d’extraction pourrait
ainsi devenir croissant en fonction du temps sous l’effet de coûts environnementaux
supplémentaires (coût d’acquisition de l’eau non nul, hausse du coût unitaire de réhabilitation,
taxe CO2, investissement dans la capture et le stockage du CO2). Il pourrait également devenir
croissant en fonction de la production cumulée, sous l’effet de coûts environnementaux
supplémentaires marginalement croissants. De tels coûts pourraient intégrer la déséconomie
pécuniaire, propre aux ressources constituant des biens communs comme l'eau, qui apparaît
lorsque le coût d'approvisionnement d'un bien commun augmente du fait de la concurrence
existante pour son utilisation (Melton, 1982). Ils permettraient aussi d'intégrer un coût social
marginal croissant qui se justifie si l'on tient compte par exemple d'un effet cumulatif du CO2
dans l'atmosphère (Hope, 2006, cité dans Méjean et Hope, 2008).

Néanmoins, l’instauration de nouvelles réglementations environnementales pourraient


créer, au moins dans un second temps, une incitation pour les producteurs à investir dans les
activités de R&D, afin de réduire les coûts de dépollution (Aronsson, 2001). Mais
l’endogénéisation de l’évolution des coûts, par exemple en fonction de la technologie de
dépollution utilisée, s’avère une fois de plus délicate à mettre en œuvre. Toutes les dépenses
de R&D visant à mettre au point de nouvelles technologies de dépollution, ou les brevets,
n'aboutissent pas forcément au développement de ces technologies à l’échelle industrielle.
Des mesures alternatives ont été proposées, telles que les diffusions de technologies
apparaissant pour la première fois dans un usage commercial du secteur considéré, capturant
uniquement les avancées fructueuses (Cuddington et Moss, 2001). Cependant, le retour
d’expérience reste insuffisant pour la majorité des technologies de dépollution envisagées par
le secteur non conventionnel canadien. Enfin, l’estimation du taux d’apprentissage de ces

146
technologies de dépollution reste conditionnée par leur date d’apparition à l’échelle
industrielle (Mc Kinsey&Company, 2008), également source d’incertitude (Pindyck, 2003).

La dégradation de la qualité des gisements de bitume pourrait également peser


négativement sur le coût marginal d’extraction. Le constat d'un différentiel de qualité
s'applique à l'ensemble des ressources de bitume, exploitables par techniques minière ou in
situ. Le retour d'expérience lié à l'utilisation de techniques in situ a permis de mettre en
évidence un coût d'extraction qui varie selon la profondeur (augmentation des besoins
énergétiques lorsque la profondeur augmente) et la localisation géographique, même au sein
d'un seul dépôt (hétérogénéité des ressources du dépôt de Cold Lake). A l'inverse, les
ressources actuellement exploitées par techniques minières sont relativement homogènes
(saturation du minerai en bitume, profondeur) car les firmes ont privilégié le développement
des réserves de meilleure qualité. Mais l’épuisement progressif des gisements de meilleure
qualité oblige à mettre en production des gisements de moindre qualité, qui nécessitent des
quantités supplémentaires d’énergie pour un même niveau de production, augmentant à terme
le coût unitaire d’extraction (Atkins et McFadyen, 2008).

Au terme de cette analyse, l’élaboration d’une fonction prospective du coût marginal


d’extraction endogène aux modèles d’investissement se révèle difficile, puisque des
incertitudes fortes persistent sur de nombreux facteurs : qualité des gisements qui n’ont pas
encore été mis en production, rendements techniques futurs, performances et coûts des
nouvelles technologies de dépollution.

Pour contourner cette difficulté, deux types de scénarios sur l’évolution des coûts de
production vont être construits de manière exogène aux modèles pour les simulations
prospectives. Un premier type de scénario « de Référence » permettra d’intégrer une fonction
de coût évoluant progressivement sans rupture de tendance par rapport au contexte actuel et
sans évolution technologique majeure. Un second type de scénario « Environnemental »
intégrera des coûts environnementaux supplémentaires liés au durcissement des
réglementations ou à la mise en production de nouvelles technologies de dépollution. Les
coûts unitaires de dépollution seront toutefois déterminés indépendamment du modèle à partir
d’une analyse préliminaire.

147
A l’issue de ce chapitre, une revue de littérature sur la théorie des ressources
épuisables et la théorie de la décision d’investissement a été menée afin de déterminer les
facteurs théoriques d’impact sur la décision d’investissement et les stratégies optimales de
production et d’investissement en découlant. Une analyse économétrique a permis de valider
deux résultats théoriques majeurs : la détermination d’une fonction en U du coût marginal
d’extraction du bitume canadien, sous l’effet prédominant du progrès technique en début de
période et de la difficulté croissante d’extraction en fin de période, et l’estimation d’un lien
négatif entre investissement non conventionnel et incertitude sur le prix de vente de la
ressource. Une analyse critique des déterminants de l’investissement et de la méthodologie de
modélisation de certains paramètres économiques clés a permis de valider l’élaboration de
deux modèles de décision d’investissement incrémental basés sur la programmation linéaire et
dynamique et de deux types de scénarios prospectifs. Le chapitre suivant est consacrée à la
description du modèle d’investissement linéaire dynamique, ainsi qu’à sa validation par
simulations rétrospectives.

148
Annexe 3.1 : Impact de l’incertitude des
prix sur la trajectoire optimale
d’extraction d’une ressource épuisable
(démonstration)

Les notations mathématiques utilisées dans cette annexe sont issues de Pindyck
(1980). Nous considérons un prix fluctuant autour de sa trajectoire tendancielle selon un
processus stochastique avec des incréments indépendants :

dp = αpdt + σpdz = αpdt + σpε (t ) dt


(3-20)

Où İ(t) est une variable aléatoire (résidus normaux non autocorrélés), avec une
moyenne nulle et une variance unitaire (z(t) est un processus de Wiener). L’équation implique
que l’incertitude sur le prix croît en fonction du temps, et que les fluctuations de prix
apparaissent de manière continue au cours du temps.

En supposant que les producteurs sont neutres face au risque, le problème


d’optimisation dynamique s’écrit :



max E0 ³ [ p (t )q(t ) − c(q, R)]e − rt dt = E0 ³ π d (t )dt
q (t ) 0
0
(3-21)

Sous contraintes :

149
R = − q, R(0) = R0
p = αp, p (0) = p0
R(t ), q (t ) ≥ 0
(3-22)

L’approche proposée par Pindyck (1980) consiste à résoudre le problème


d’optimisation sous l’hypothèse que p0 et Į sont définis tels que q(t)>0 sur toute la durée
d’extraction (jusqu’à la date où l’égalité cq=p est satisfaite), c’est-à-dire en ignorant
l’alternative consistant à reporter la production (éventuellement indéfiniment).

La première étape consiste à trouver une solution intérieure au problème


d’optimisation. Pour ce faire, la fonction objectif optimale J est définie telle que :


J = J ( R, p, t ) = max Et ³ π d (τ )dτ
q (τ ) t

(3-23)

D’après Merton (1970), définissons la fonction φ (q, R, p, t ) telle que :

φ (q, R, p, t ) = π d (t ) + L[ J ]
(3-24)

1
Où L est l’opérateur de Dynkin, défini par : L[ J ] = Et (dJ )
dt

L’opérateur L est défini tel que :

∂ n
∂ 1 n n ∂2
L= + ¦ α i pi + ¦¦ pi p jσ ij
∂t i =1 ∂pi 2 i =1 j =1 ∂pi p j
(3-25)

Puisque J est une fonction du procédé stochastique p, l’équation fondamentale


d’optimalité peut être définie par :

­ 1 ½
max{φ (q, R, p, t )} = max ®π d (t ) + Et (dJ )¾
q (t ) q (t )
¯ dt ¿
(3-26)

150
La théorie de la programmation dynamique stochastique permet de déterminer la règle
optimale q* à partir du théorème suivant :

si le prix p(t) est généré par un fort procédé de diffusion, avec π d (t ) strictement
concave par rapport à q(t), il existe un ensemble de variables de contrôle optimal, q*,
satisfaisant :

0 = φ (q*, R, p, t ) ≥ φ (q, R, p, t ) pour t ∈ [0, T ]


(3-27)

A partir de ce théorème, nous obtenons :

0 = max{φ (q, R, p, t )}
q (t )

(3-28)

­ 1 ½
soit : 0 = max ®π d (t ) + Et (dJ )¾
q (t )
¯ dt ¿
(3-29)

­ ∂J ∂J ∂J 1 2 2 ∂ 2 J ½
où encore : 0 = max ®π d (t ) + −q + αp + σ p ¾
q (t )
¯ ∂t ∂R ∂p 2 ∂p 2 ¿
(3-30)

En maximisant par rapport à q, nous obtenons :

∂π d ∂J
=
∂q ∂R
(3-31)

C’est-à-dire que le prix dual de la ressource doit toujours être égal au profit
incrémental qui pourrait être obtenu en vendant une unité supplémentaire.

En différenciant l’équation (3-30) par rapport à R, nous obtenons :

∂π d ∂ 2 J ∂2J ∂ 2 J 1 2 2 ∂3 J
+ − q 2 + αp + σ p =0
∂R ∂R∂t ∂R ∂R∂p 2 ∂R∂p 2
(3-32)

151
L’équation (3-32), par le Lemme d’Itô, peut être réécrite :

∂π d 1 ∂J
+ Et d ( ) = 0
∂R dt ∂R
(3-33)

1
Pour éliminer J du problème, appliquons l’opérateur Et d () aux deux membres de
dt
l’équation (3-33) :

1 ∂π 1 ∂J
Et d ( d ) = Et d ( )
dt ∂q dt ∂R
(3-34)

puis combinons l’équation résultante avec l’équation (3-31) pour obtenir :

1 ∂π ∂π
Et d ( d ) = − d
dt ∂q ∂R
(3-35)

L’équation (3-35) est juste une version stochastique de l’équation d’Euler du calcul
variationnel. Sous sa forme intégrale, cette équation indique que le profit marginal provenant
de la vente d’une unité de réserves doit juste égaler la somme de toutes les augmentations de
profit espérées actualisées qui résulteraient de la conservation d’une unité de réserves en terre.

Cependant, l’objectif est d’obtenir une équation expliquant la dynamique espérée de


∂π d ∂c ∂π d ∂c − rt
production. Pour l’obtenir, nous substituons = [ p (t ) − ]e −rt et =− e dans
∂q ∂q ∂R ∂R
l’équation (3-35):

∂c 1 1 ∂c ∂c
− r[ p (t ) − ] + Et dp − Et d ( ) =
∂q dt dt ∂q ∂R
(3-36)

152
∂c
En notant que Et dp = αpdt et en décomposant d ( ) en utilisant le Lemme d’Itô :
∂q

∂c ∂ 2c ∂ 2c 1 ∂ 3c
d( ) = 2 dq + dR + 3
(dq) 2 + o(t )
∂q ∂q ∂q∂R 2 ∂q
(3-37)

Où o(t) représente les termes qui s’annulent lorsque dtĺ0. Le long de la trajectoire
optimale q=q*(R,p) tel que :

∂q 2
Et (dq ) 2 = σ 2 p 2 ( ) dt + o(t )
∂p
(3-38)

Où q est la réponse (inconnue) de production optimale à un changement de prix. En


substituant les équations (3-37) et (3-38) dans l’équation (3-36) et en réarrangeant, nous
obtenons l’équation décrivant la dynamique espérée de production :

1 1 ∂c ∂ 2 c ∂c 1 2 2 ∂q 2 ∂ 3c
Et dq = − 2 [(r − α ) p − r − q+ + σ p ( )
dt ∂ c ∂q ∂q∂R ∂R 2 ∂p ∂q 3
∂q 2
(3-39)

L’équation (3-39) indique que le taux espéré de variation de la production diffère du


∂c
cas d’étude en avenir certain lorsque le coût marginal est une fonction non linéaire du
∂q
taux de production. En particulier, lorsque la production diminue, l’incertitude sur le prix
implique que la production diminue plus rapidement (plus lentement), la production
démarrant ainsi à un niveau plus élevé (plus faible), lorsque le coût marginal est une fonction
convexe (concave) de q. Cette déviation du cas certain provient du fait que les variations
stochastiques de prix impliquent un changement dans les coûts marginaux futurs espérés si
∂ 3c ∂ 3c
≠ 0 . Pour le voir, supposons que > 0 et que des hausses et baisses aléatoires de prix
∂q 3 ∂q 3
apparaissent en laissant le prix inchangé en moyenne. Ces fluctuations vont avoir comme effet
net d’accroître le coût marginal au cours du temps, puisque les hausses correspondantes de
production optimale augmenteront plus le coût marginal que les baisses correspondantes de
production ne le diminueront. Cela implique une incitation à accélérer la production, pour

153
∂ 3c
ainsi réduire la hausse espérée de coût au cours du temps. Au contraire, si < 0 , le
∂q 3
contraire est valable, créant une incitation à ralentir la production.

Par ailleurs, l’incertitude sur le prix de la ressource implique un nouvel impact sur le
rythme de production, en tenant compte du fait que le producteur peut ne pas produire du tout.
En effet, si le prix actuel ou espéré est inférieur au coût d’extraction pour chaque unité
marginale de ressource, le producteur peut garder l’unité dans le sol indéfiniment, tout en
maintenant l’option de l’extraire sur une période future sous la condition qu’un accroissement
(aléatoire) suffisant de prix apparaisse. Alternativement, en supposant que la production d’une
unité de ressource soit tout juste rentable, sous la condition d’un prix futur suffisamment
incertain, cela crée une incitation à garder la ressource dans le sol, puisqu’en cas de réduction
de prix, la seule perte serait le profit limité (non réalisé), tandis que si le prix augmentait,
l’extraction pourrait apporter un profit relativement élevé. Cela indique que l’incertitude sur
les prix futurs crée une incitation à ralentir la production. Pour la démonstration, supposons
∂c ∂ 3 c ∂c
que (0, R) > 0 , et supposons pour simplifier que = = 0 . En considérant la valeur
∂q ∂q 3 ∂R
actuelle d’une unité marginale de réserves pouvant être extraite au temps t, en avenir certain,
cette valeur s’écrit :

­ ∂c ½
V = max ®0, ( p − )e −rt ¾
¯ ∂q ¿
(3-40)

∂c
C’est-à-dire que l’extraction de l’unité n’aura lieu que si p (t ) > . De plus, cette
∂q
dV
valeur est constante au cours du temps, c’est-à-dire que = 0 . En considérant maintenant
dt
un prix incertain, la valeur actuelle de l’unité marginale est égale à la valeur espérée du terme
de droite de l’équation (3-40). En considérant le taux de variation espéré de cette valeur,
puisque que le terme de droite de l’équation (3-40) est une fonction convexe par rapport à p,
l’inégalité de Jensen permet d’obtenir :

154
1 1 ­ ∂c ½
E0 dV = E0 max ®0, d [( p − )e − rt ]¾
dt dt ¯ ∂q ¿
1 1 ­ ∂c ½
E0 dV > max ®0, E0 d [( p − )e −rt ]¾ = 0
dt dt ¯ ∂q ¿
(3-41)

Ainsi, en présence d’incertitude, il est préférable de ne pas extraire l’unité marginale


qui aurait été extraite au temps t en avenir certain, puisque la valeur espérée de cette unité
devrait maintenant augmenter au cours du temps. Cela signifie que, quelque soit le prix actuel
(et quelque soit le taux de croissance espéré Į), la production devrait être d’autant plus faible
que l’incertitude sur le prix est élevée. Ainsi, l’incertitude du prix futur de la ressource
impacte la production actuelle de deux manières. D’une part, si le coût marginal est une
fonction non linéaire du taux de production, l’incertitude sur le prix futur crée une incitation à
accélérer ou ralentir la production selon que le coût marginal est une fonction convexe ou
concave. D’autre part, quelque soient les caractéristiques du coût marginal, le fait que chaque
unité de ressource en terre ait une valeur d’option pour l’extraction dans le futur implique que
l’incertitude sur le prix futur causera un ralentissement de la production. Ainsi, l’effet net est
ambigu lorsque le coût marginal est une fonction convexe.

155
Chapitre 4 : Modélisation de l’offre
tendancielle

Puisque notre problématique se réfère à un problème de planification d’investissement


et de production d’une ressource épuisable, en présence de contraintes techniques et de stock
de ressources disponibles, un premier modèle de décision d’investissement incrémental
déterministe a été élaboré. Ce modèle constitue un modèle d’optimisation sous contraintes en
programmation linéaire dynamique (PL), et permet de simuler les trajectoires optimales
d’extraction du pétrole non conventionnel canadien à horizon 2050 sous différents scénarios
économiques en l’absence d’incertitude.

La structure générale de ce premier modèle d’investissement est décrite dans la


première section de ce chapitre. Le développement analytique de la fonction objectif et des
contraintes générales du modèle y est présenté. La seconde section est consacrée à la
description détaillée de la fonction objectif et des contraintes spécifiques au modèle
d’investissement dans le secteur non conventionnel canadien. Les résultats des simulations
rétrospectives sont présentés dans la dernière section. Le travail de calibration du modèle
d’investissement a permis d’estimer correctement les paramètres économiques historiques
coûts et prix, et de reconstituer les trajectoires passées d’investissement et de production dans
la filière non conventionnelle canadienne, sous un comportement de maximisation de la
fonction objectif de profit. Enfin, une analyse statique à horizon 2005 de la structure
d’approvisionnement du marché nord-américain a permis de dresser un bilan de l’intégration
de la production non conventionnelle dans l’approvisionnement global du raffinage nord-
américain et de sa contribution aux émissions de CO2 du secteur aval nord-américain.

157
4.1 Structure générale du modèle d’offre linéaire

4.1.1 Fonction objectif et contraintes

La programmation linéaire est un outil de recherche opérationnelle largement utilisé


dans la modélisation de phénomènes linéaires économiques, financiers et techniques. Elle
peut être utilisée pour résoudre des problèmes d’optimisation où la fonction objectif est une
fonction monotone croissante de chaque variable considérée et les contraintes sont toutes
linéaires.

La programmation linéaire a par exemple été utilisée pour la planification de


production dans le secteur électrique (Morrison et ten Brink, 1993 ; Park et Lim, 2009) ou
l’aval pétrolier (Saint-Antonin, 1998 ; Tehrani, 2007), pour l’analyse du développement de
nouvelles filières énergétiques (Melton (1982) s’est intéressé au développement des schistes
bitumineux ; Pettersson (2007) à la production d’électricité à partir des énergies
renouvelables ; Bernard et Prieur (2007) aux biocarburants en France) ou encore pour la
planification agricole (Sourie, 2002), et permet d’analyser les effets de la rationalité
économique des agents sur les décisions d’investissement (Carles et al., 1998). Toutefois, cet
outil ne permet pas de modéliser des comportements stratégiques, puisqu’aucune incertitude
n’est considérée sur l'estimation des paramètres économiques tels que le niveau de demande,
le prix ou les coûts de production.

Notre problème est le suivant. Sous l’hypothèse de rationalité économique des


producteurs non conventionnels, ces derniers ont pour objectif de maximiser leur fonction de
profit intertemporelle, calculée sur toute la période considérée, en respectant les contraintes de
stock de ressources disponibles, techniques et budgétaires. Les variables que nous cherchons à
déterminer sont le niveau optimal de production et le taux optimal d’investissement à chaque
période.

Introduisons les notations suivantes :

t : période
T : date finale d’exploitation

158
X t : production cumulée à la période t

X t : niveau de production à la période t

K t : investissement cumulé à la période t (exprimé en capacité installée)

K t : niveau d’investissement à la période t (exprimé en capacité installée)

K Dt : capacité déclassée à la période t

S 0 : stock de ressources disponibles à la date initiale t0

π t : profit à la période t
pt : prix de la ressource à la période t

cv t : coût variable de production à la période t

c f t : coût du capital à la période t

β t : facteur d’actualisation à la période t


ȜCA : coefficient maximum d'autofinancement sur le chiffre d’affaires (revenu brut
généré à la période précédente).

Le modèle d’investissement en programmation linéaire dynamique s’écrit sous la


forme générale suivante :

­T ½
Max
 
X t , Kt
®¦
¯ t =0
π t ( pt , cv t , c f t , X t , K t )¾
¿
(4-1)

159
Sous contraintes :

­∀t ∈ [0, T ] :
°
° X t ≥ 0;
°T
°¦ X t ≤ S 0 ;
° t =0
®
° K t ≥ 0;
° t −1 t
° X t − (¦ K n − ¦ K Dn ) ≤ 0;
° n =0 n =0
°c .K ≤ λ .( p . X )
¯ ft t CA t −1 t −1

(4-2)

La fonction de profit actualisée est égale au revenu lié à la vente de la ressource net
des coûts de production, incluant les coûts opératoires variables et le coût du capital. Les
dépenses d’investissement sont déboursées par annuités constantes, pendant trois périodes
consécutives. Les paramètres économiques peuvent varier sur les périodes.

La fonction de profit introduite dans le modèle représente la fonction de profit global


du secteur pétrolier non conventionnel. En effet, nous ne cherchons pas à analyser les
décisions individuelles au niveau des firmes mais plutôt à déterminer une planification
optimale des investissements du secteur pour l’exploitation des ressources canadiennes.

Ce choix méthodologique se justifie par le fait que les paramètres économiques ne


varient pas significativement selon les compagnies. L’harmonisation de la réglementation
fiscale devrait nettement réduire les avantages de compétitivité des firmes historiques. La
multiplication des firmes présentes dans le secteur a également favorisé une large répartition
des concessions, limitant l’achat massif des ressources de meilleure qualité par les firmes
historiques. Les alternatives technologiques choisies par les acteurs non conventionnels sont
relativement similaires, et ne permettent pas d’observer de différences de coût significatives
selon les firmes. Enfin, les récentes restructurations industrielles ont permis de faire émerger
des joint-ventures ou des firmes compétitives, disposant quasiment toutes de connaissances
technologiques similaires et d’importantes capacités d’auto-financement (cf. annexe 2.2).

Les contraintes permettent de s’assurer de la non-négativité des variables de


production et d'investissement ainsi que du respect des contraintes de stock de ressources, de

160
capacités et de budget. Puisque la ressource exploitée est épuisable, la somme des productions
cumulées sur l’ensemble des périodes considérées doit être inférieure ou égale au stock de
ressources disponibles à la date initiale t0. De plus, à chaque période t, la production est
bornée par la capacité installée cumulée de t0 à t-1 diminuée des capacités de production en
fin de vie déclassées en début de période t. Les capacités de production constituent un stock
de capital qui n'est pas parfaitement variable et qui ne peut pas s'ajuster instantanément et sans
coût. Le décalage d’une période entre l’investissement et le fonctionnement effectif d’une
nouvelle capacité permet de tenir compte du délai de construction. Enfin, l'investissement à
chaque période est limité par une contrainte budgétaire fonction du chiffre d'affaires dégagé
sur la période précédente. Le montant de l'investissement effectué sur la période t est ainsi
borné par une fraction ȜCA du revenu brut obtenu à la période précédente t-1.

Une contrainte supplémentaire de positivité des royalties nettes (calculées à partir des
revenus nets des coûts de production) sur chaque période a également été introduite. En effet,
l’obtention de royalties nettes négatives sur la totalité d’une période (ici 5 années) apparaît
irréaliste, puisque le périmètre du modèle d’offre porte sur le secteur non conventionnel
global. Par ailleurs, cette contrainte de positivité est nécessaire pour nous permettre de
modéliser en pratique un système flexible de paiement entre les royalties brutes et nettes.

Notre cas d’étude s’apparente à plusieurs modèles théoriques, notamment celui


présenté dans Gaudet (1983), mais il diffère de ce dernier par l’introduction de deux
hypothèses simplificatrices. D’une part, nous supposons que la valeur résiduelle du stock de
capital à la date finale d’extraction T est nulle. D’autre part, nous nous plaçons dans le cas
limite d’absence de coûts d’ajustement du capital en considérant uniquement le prix d’achat
d’une unité de capital (qui peut être variable dans le temps). Nous pouvons ainsi nous référer
à la définition classique des annuités d’investissement en calcul économique (cf. sous-section
4.2.3; Babusiaux, 1990, p.166). L’irréversibilité est prise en compte par l’introduction d’un
coût fixe irrécupérable en cas d’arrêt de la production.

Le prix de marché de la ressource est déterminé à partir de la fonction de demande


pétrolière. Une contrainte de demande explicite n'a pas été introduite dans la modélisation,
puisque nous supposons que la décision d’investissement est prise en fonction d'un signal prix
reçu par la firme, exogène au modèle. Cette hypothèse se justifie par le comportement « price-

161
taker » des firmes non conventionnelles, étant donné que le secteur des sables asphaltiques est
suffisamment petit comparé au marché pétrolier mondial pour ne pas impacter le prix de vente
du pétrole brut (1.7% de l'offre pétrolière mondiale en 2009; BP Statistical Review of World
Energy, 2010).

4.1.2 Introduction de variables entières

Nous supposons pour une meilleure représentativité industrielle que les capacités de
production sont indivisibles. Les variables de production et d’investissement ne peuvent
prendre que des valeurs entières, proportionnellement à une capacité de référence déterminée
au préalable lors de la phase de design technico-économique. L’hypothèse de continuité des
capacités s’avère en effet trop simplificatrice et pourrait résulter sur des stratégies de
développement sur-optimales. Les producteurs ont donc la possibilité d’investir dans plusieurs
projets ayant chacun la même capacité de référence fixée préalablement, et le nombre de
projets correspond à la valeur de la variable entière d’investissement. De même, la variable
entière de production est égale au nombre de projets en fonctionnement. L’introduction de
variables entières nous a également permis de modéliser un système flexible de paiement
entre les royalties brutes et nettes en conservant l’outil de programmation linéaire plus
maniable que les codes de programmation non linéaire (Saint-Antonin, 2000).

Notre modèle devient ainsi un problème de programmation entière mixte qui nécessite
une méthode de résolution différente de celle utilisée en programmation linéaire. Nous
renvoyons le lecteur intéressé à l’annexe 4.1 en fin de chapitre, qui décrit la procédure
arborescente utilisée pour la résolution de notre modèle.

Enfin, la dynamique des investissements est simplifiée par deux hypothèses


supplémentaires. La décision d’investir ne peut être prise qu’au début de chaque période, et le
délai de construction est supposé constant sur l’ensemble des périodes considérées,
indépendamment du nombre de projets développés en parallèle (à l’inverse de Fuller et
Gerchak, 1989).

162
4.2 Structure détaillée du modèle d’offre linéaire

Après avoir exposé la structure générale du modèle d’offre linéaire, nous présentons
dans cette section sa structure détaillée.

4.2.1 Description des unités de production modélisées

La robustesse de ce premier modèle d’investissement repose sur une modélisation


technico-économique détaillée des filières de production du bitume canadien. Trois
technologies de production ont été modélisées :

- l’extraction de bitume par technologies minières


- l’extraction de bitume par technologie in situ (SAGD)
- le pré-traitement du bitume en pétrole synthétique lors de la phase d’upgrading
(technologie de cokéfaction retardée).

Chacune des trois technologies intègre plusieurs unités productives. La chaîne globale
d’extraction de bitume par technologies minières inclut :

- une unité d’extraction du minerai par des équipements miniers mobiles (camions et
pelles hydrauliques) et de concassage du minerai
- une unité d’hydrotransport du minerai
- une unité de séparation du bitume
- une unité de purification du bitume par centrifugation
- une unité de dilution pour le transport
- et une unité de stockage des déchets (étangs de décantation des déchets liquides).

La chaîne d’extraction de bitume par technologie in situ inclut :

- une unité SAGD de production du bitume par injection de vapeur

- et une unité de dilution pour le transport.

163
La technologie d’upgrading inclut :

- une unité de distillation atmosphérique pour la séparation des coupes essence,


kérozène, gasoil et résidu atmosphérique
- une unité de distillation sous vide
- une unité de cokéfaction de la coupe résidu sous vide
- deux unités d’hydrotraitement pour les coupes naphta-gasoil et distillat sous vide
respectivement
- une unité de liquéfaction de la coupe C3C4 en gaz de pétrole liquéfié
- une unité de production d’hydrogène par reformage du méthane
- une unité de traitement des fumées soufrées (Claus)
- et une unité de mélange des coupes (GPL, essence, kérosène, gasoil, distillat
hydrotraité) pour obtenir le pétrole brut synthétique.

Les unités de production des utilités ainsi que les unités annexes de traitement des
eaux (filtration et déminéralisation en amont de la production, traitement et recyclage des
eaux usées en aval de la production) ont également été modélisées pour inclure leurs coûts de
fonctionnement dans le coût opératoire complet des filières non conventionnelles.

Une unité « chaudière à gaz naturel » a été introduite pour la production combinée de
vapeur basse pression/moyenne pression (BP/MP) et d’eau chaude. La vapeur BP/MP est
utilisée dans l’unité de purification du bitume par centrifugation ainsi que dans trois unités
d’upgrading (distillation atmosphérique et sous vide, et unité Claus).

Une unité « chaudière à gaz naturel à rendement amélioré » a été modélisée pour la
production de vapeur haute pression (HP), utilisée pour l’injection de vapeur in situ et dans
les unités de cokéfaction retardée et d’hydrotraitement.

En outre, une unité « cycle combiné à gaz naturel » a été introduite pour la production
d’électricité. En pratique, l’utilisation de la cogénération pour la production associée de
vapeur et d’électricité devient de plus en plus répandue, puisqu’elle permet de réduire les
coûts opératoires et d’améliorer le bilan CO2. Cependant, cette alternative n’a pas été
considérée dans notre modélisation par manque de données techniques et économiques.

164
Enfin, trois unités de traitement des eaux ont été intégrées : une unité de filtration et
une unité de déminéralisation, pour la production d’eau de refroidissement et d’eau purifiée
pour le fonctionnement des chaudières, ainsi qu’une unité de traitement et de recyclage des
eaux usées en aval de la production.

Les unités productives modélisées par filière (extraction minière, in situ et phase
d’upgrading) sont schématisées sur la figure 4-1. Les notations des produits et des unités de
production utilisées dans le modèle d’offre linéaire sont synthétisées dans l’annexe 4.2 en fin
de chapitre.

165
Technologie d’extraction minière

Minerai Bitume+naphta Bitume Bitume dilué


Réserves de bitume
minier S01 Mine Hydrotransport Séparation du bitume Centrifugation Dilution

Stockage déchets
liquides

Technologie d’extraction in situ

Bitume Bitume dilué


Réserves de bitume
Extraction SAGD Dilution
in situ S02

Reformage
du méthane
Technologie d’upgrading
Essence H2
Kérosène
Gazole
Bitume Récupération Distillation Hydrotraitement SCO
dilué diluant atmosphérique naphta-gasoil Unités de blending
Residu Essence
atm. Gazole Essence, Kérosène,
Gazole, Distillats sous
Distillation Hydrotraitement vide
sous vide distillats sous vide
Residu C3C4
sous vide Distillat H2S GPL
Liquéfaction
Cokéfaction Unité Claus C3C4
H2S
Production des utilités C3C4

Coke
Vapeur MP/MP
Chaudière à gaz
Gaz
naturel Vapeur HP
Chaudière à gaz
rendement amélioré

Electricité
Cycle combiné à gaz

Figure 4-1 : Schéma des unités productives modélisées par filière

166
Les deux technologies d’extraction k (k=1 pour la technologie minière, k=2 pour la
technologie in situ) ne rentrent pas explicitement en compétition dans notre modélisation, car
elles permettent de produire deux stocks de ressources distincts S0k, selon la profondeur des
gisements (S01 pour une profondeur inférieure à 75 mètres ; S02 pour une profondeur
supérieure à 75 mètres). Elles peuvent être couplées à l’étape d’upgrading pour produire du
pétrole brut synthétique, ou fonctionner indépendamment auquel cas le produit fini sera du
bitume. Malgré la forte diversité des produits obtenus en pratique, en termes de composition
(mélange bitume/diluant, bitume/brut synthétique, diluant/bitume/brut synthétique ; cf.
paragraphe 2.1.4.2) ou de qualité (degré API, teneur en soufre), nous nous limiterons à la
valorisation des deux produits bitume dilué (qualité Lloyd Blend) et pétrole brut synthétique
(qualité Syncrude Sweet Blend), destinés respectivement aux raffineries lourdes dotées
d’unités de conversion profonde et aux raffineries légères ou medium.

Les quantités de charges en entrée, de produits intermédiaires et finaux, sont


déterminées à partir des équations de rendement définies pour chaque unité. Un important
travail de récupération de données sur les rendements techniques a été effectué à partir de
diverses sources. Ces données sont synthétisées dans l’annexe 4.3 en fin de chapitre. Les
équations de rendement, qui représentent des contraintes supplémentaires du modèle, sont
décrites dans la sous-section suivante. Une description plus détaillée des équations de
rendements, explicitées par unité de production, est proposée en annexe 4.4 en fin de chapitre.

4.2.2 Description des contraintes

Dans la section précédente, les quatre types suivants de contraintes avaient été
introduits dans notre modélisation :

- les contraintes de capacité, bornant le taux de production des unités

- la contrainte de stock sur la ressource exploitable, bornant la production cumulée


sur l’ensemble des périodes considérées

- la contrainte budgétaire, limitant la part d’autofinancement proportionnellement au


revenu brut généré sur la période précédente.

167
- La contrainte de positivité des royalties nettes.

Un type supplémentaire de contraintes doit être introduit sous forme d’équations de


bilan massique, pour s’assurer de la cohérence des bilans matière pour les charges et les
produits intermédiaires ou finaux, et de vérifier l’égalité entre la quantité disponible d’un
produit intermédiaire et les quantités de ce même produit consommées dans les différentes
unités. Les quantités de charges en entrée, de produits intermédiaires et finaux, sont obtenues
à partir des équations de rendement définies pour chaque unité (cf. annexe 4.4).

L’ensemble des contraintes et bilans matière du modèle, définis à partir des notations
suivantes, est synthétisé dans le tableau 4-1.

Notations :

k : indice de la technologie d’extraction (minière ou in situ)


i : indice de l’unité de transformation
j : indice du produit

Introduction de deux sous-catégories de produits :

j1 : indice du produit hors produit intermédiaire


j2 : indice du produit intermédiaire

Ip : Ensemble des unités i de production hors production d’utilités


Iu : ensemble des unités i dédiées à la production d’utilités
Ji : ensemble des produits j utilisés dans l’unité i
Ju : ensemble des utilités
S 0 k : ressource initiale en bitume, récupérable par la technologie k

xijt : variable de production du produit j en charge d’entrée de l’unité i sur la période t

x'ijt : variable de production du produit j en charge de sortie de l’unité i sur la période t

zit : variable de capacité de l’unité i sur la période t

α ij : rendement en produit j en sortie de l’unité i (constant sur les périodes)

168
Tableau 4-1 : Contraintes et équations de bilans matière du modèle d’offre linéaire

Type d'équation Domaine de définition Formulation Interprétation

La quantité de charge sortante j d’une unité i est égale au


Equation de rendement par unité de
∀ i , ∀ j , ∀ t ∈ [0, T ] x'ijt = α ij ⋅ zit produit du coefficient de rendement du produit j et de la
production (4-3)
capacité de production de l’unité i.
La capacité d’une unité de production i hors production
Equation de capacité par unité de d’utilités est égale à la somme des quantités de charges entrantes
production hors production d’utilités ∀ i ∈ I p , ∀ t ∈ [0, T ] zit = ¦x ijt ≤ ¦ x' i ' jt dans l’unité i. Elle est bornée par la somme des quantités de
j∈J i , j∈J u i '<i , j∈J i , j∉J u
(4-4) charges sortantes des unités i’ précédant l’unité i, utilisées par
l’unité i.
Equation de capacité par unité
La capacité d’une unité i dédiée à la production d’une utilité u
dédiée à la production d’utilités ∀ i ∈ I u , ∀ t ∈ [0, T ] zit = x'iut est égale à la quantité d’utilité u produite dans l’unité i.
(4-5)
Bilan matière par unité de La somme des quantités de charges sortantes j de production i
production hors production d’utilités ∀ i ∈ I p , ∀ t ∈ [0, T ] ¦x ijt ≥ ¦ x'ijt hors production d’utilités est inférieure à la somme des quantités
j j
(4-6) de charges entrantes j de l’unité i.
La quantité totale d’un produit j1 consommée sur l’ensemble des
Bilan matière par produit (hors ¦x ij1t ≥ ¦ x'ij1t
∀ j1 , ∀t ∈ [0, T ] unités i est inférieure ou égale à la quantité totale de ce produit
produits intermédiaires) (4-7) i i
j1 produite par l’ensemble des unités i.
La quantité totale d’un produit intermédiaire j2 produite par
Bilan matière par produit ¦ (x ij 2t − x'ij2t ) = 0
∀ j2 , ∀ t ∈ [0, T ] l’ensemble des unités i est égale à la quantité totale de ce
intermédiaire (4-8) i
produit j2 consommée sur l’ensemble des unités i.
Contrainte d'épuisabilité des ¦x ijt ≤ S0k La quantité extraite cumulée de la ressource (en bitume) est
ressources (4-9) i = dilution, j =bitume,t bornée par le stock de ressource existant et non renouvelable.
Contraintes budgétaires c ft .K t ≤ λCA.( pt −1.xi =blending, j =sco,t −1 ) Les dépenses d’investissement par période sont bornées par la
(4-10) ∀ t ∈ [0, T ] capacité d’autofinancement proportionnelle au profit brut généré
(4-11) c ft .K t ≤ λCA.( pt −1.xi =dilution, j =bitume,t −1 ) sur la période précédente (filière mine intégrée et in situ).
(Tableau de l’auteur)

169
4.2.3 Description de la fonction objectif

La fonction de profit π t intègre comme paramètres économiques le prix de

valorisation de la ressource pt et le coût de production. Ce dernier se compose lui-même du

coût du capital pour le développement de nouvelles capacités c f t et des coûts opératoires cv t

(incluant les royalties).

Etant donné que nous ne disposions pas de données d’investissement pour chacune des
unités de production, nous avons introduit un coût du capital global par projet de référence.
Les dépenses d’investissement sont déboursées par annuités constantes, calculées à partir des
techniques de calcul économique (Babusiaux, 1990, p.166 ; Babusiaux et Lantz, 1993). En
considérant les notations suivantes :

It : montant de l’investissement
d : durée de vie économique des unités
r : taux d’actualisation
ANt : annuité constante du coût du capital
bt : indice de la première année de la période t

nt : nombre d'années de la période t,

l’annuité constante du coût du capital déboursée dès la première année de la période t


et versée pendant d années est égale à :

It
AN t = nt
1 1
(1 + r ) bt
¦ (1 + r )
k =1
k

(4-12)

Les coûts opératoires incluent les coûts d’approvisionnement en matières premières et


énergétiques, les coûts de maintenance ainsi que les royalties. Les coûts d’approvisionnement
sont définis par unité de charge ou produit achetée, tandis que les coûts de maintenance sont
exprimés par unité de charge traitée.

170
Deux types de royalties sont évalués. Les royalties brutes sont déterminées à partir du
taux de royalties brutes et du profit brut. Les royalties nettes sont déterminées à partir du taux
de royalties nettes et du profit net des couts de production (coûts environnementaux inclus) et
des royalties brutes. La durée moyenne de récupération des coûts (payout time) est ensuite
évaluée pour sélectionner le type de royalties versées par le producteur. L’équivalent
monétaire du payout time correspond au revenu brut net des coûts d’extraction et des royalties
brutes augmenté du taux des obligations fédérales à long terme (Long Term Bond Rate).
Lorsque la valeur monétaire du payout time est négative ou nulle (avant récupération des
coûts), le producteur devra verser les royalties brutes. En revanche, lorsque cet équivalent est
strictement positif, le producteur devra alors verser les royalties nettes. Le profit net sera
calculé avant impôt sur le revenu.

A partir des quantités de charge ou de produit déterminées par les équations de


rendement, les coûts opératoires sont alors calculés en flux annuels et actualisés.

Nous supposons que les firmes productrices suivent un comportement myope et basent
leur décision d’investissement sur les prix observés. Le produit peut être valorisé au prix du
bitume s’il est vendu juste après l’étape d’extraction ou au prix du brut synthétique après
l’étape d’upgrading. En effet, la stratégie d'intégration verticale du producteur dépend d’un
arbitrage entre le différentiel de prix bitume/brut synthétique et le coût de production complet
incluant coût du capital et coûts opératoires liés à l’étape d’upgrading. Sur chaque période,
nous ferons l’hypothèse d’un prix de valorisation constant à partir du prix observé sur le
marché et lissé sur quelques années avant la prise de décision.

Les résultats des simulations rétrospectives obtenus lors de la calibration du modèle


d'offre linéaire sont présentés dans la section suivante.

4.3 Simulations rétrospectives du modèle d'offre


linéaire

L'analyse rétrospective du développement de la filière pétrolière non conventionnelle


canadienne permet de calibrer le modèle d’offre linéaire et de vérifier qu’il représente
correctement les stratégies de production et d’investissement passées. Nous présentons dans

171
un premier temps une synthèse des paramètres économiques évalués au préalable à partir de
diverses sources de publications et fixés dans la modélisation. Nous présentons ensuite les
résultats d’estimation des paramètres économiques coûts et prix obtenus lors des simulations
rétrospectives. Une analyse comparative avec des données d’observations permet de valider
leur significativité. Nous décrivons dans un second temps les trajectoires rétrospectives de
production et d’investissement simulées par notre modèle. Une analyse comparative nous
permet de conclure que les trajectoires simulées représentent correctement le comportement
d’investissement et de production passé dans le secteur non conventionnel canadien. Enfin,
une analyse statique à horizon 2005 de la structure d’approvisionnement du marché nord-
américain nous permet d’évaluer le degré d’intégration de la production non conventionnelle
dans l’approvisionnement global du raffinage nord-américain et sa contribution aux émissions
de CO2 du secteur aval nord-américain.

4.3.1 Description des paramètres économiques rétrospectifs


fixes

4.3.1.1 Système de royalties

Le versement des royalties est inclus dans le calcul du profit net. Avant récupération
des amortissements et des coûts d’exploitation, les royalties sont calculées à partir du revenu
brut, avec un taux de royalties brutes égal à 5% sur la période 1980-1999 (système fiscal fixe
appliqué de 1980 à 1996; Plourde, 2009) et à 1% sur la période 2000-2005 (système fiscal
fixe appliqué de 1997 à 2007; Plourde, 2009). Après récupération des coûts, les royalties
brutes sont déterminées comme précédemment à partir du revenu brut tandis que les royalties
nettes correspondent à 30% et 25% respectivement des revenus nets sur les périodes 1980-
1999 et 2000-2005 (Plourde, 2009). Le producteur est alors tenu de verser le montant
maximum entre les royalties brutes et nettes. Les valeurs du taux des obligations fédérales à
long terme (LTBR) utilisées pour calculer la durée de récupération des coûts sont disponibles
sur la période 1996-2009 (Gouvernement de l’Alberta, 2009a) et sont présentés dans le
tableau 4-2. Dans le modèle linéaire, nous avons choisi d'introduire deux valeurs moyennes,
égales à 7% et 4% respectivement sur les périodes 1980-1999 et 2000-2005 (hypothèse
utilisée dans Rémillard et Masson (1996) et Plourde (2009)).

172
Tableau 4-2 : Valeurs historiques du taux des obligations fédérales à long terme sur la période
1996-2009

Année 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
LTBR (%) 7.75 6.66 5.59 5.72 5.71 5.76 5.68 5.34 5.14 4.4 4.28 4.32 4.05 3.88
Source : Gouvernement de l’Alberta, 2009a

4.3.1.2 Taux d'actualisation des projets

Le taux d'actualisation est déterminé à partir de la méthode globale en calcul


économique, dans laquelle nous nous plaçons du point de vue interne de l’entreprise. Le taux
d’actualisation est alors une moyenne pondérée du coût des fonds propres et du coût de la
dette après impôt. Les autres méthodes d'estimation du taux d'actualisation et la justification
de notre choix méthodologique sont présentées dans l'annexe 4.5 en fin de chapitre.

Des données sur le coût des fonds propres sont disponibles pour l'ensemble du secteur
non conventionnel canadien (Skinner, 2005; Lacombe et Parsons, 2007) et pour les
compagnies pétrolières internationales cotées en bourse présentes dans le secteur (rapports
d’analystes financiers). Ces données sont présentées dans le tableau 4-3.

Tableau 4-3 : Coût des fonds propres du secteur non conventionnel canadien et de
compagnies pétrolières internationales sur la période 1996-2008

Coûts des fonds propres (%)


1 2 3 4 5 6 7
Année Secteur Secteur Secteur Exxon Mobil Shell Chevron Texaco Total
1996 15.2
1997 14.1
1998 13.2
1999 12.6
2000 12.9
2001 12.7
2002 12.5
2003 12.6
2004 11.4
2005 10.8 9 11.3
2006 9.8 8.6 11.1
2007 9.3 9.4 11.4 10.9 10.7 9.9
2008 9.1 10.1
Sources : 1Gouvernement de l’Alberta, 2009a; 2Skinner, 2005; 3Lacombe et Parsons, 2007;
rapports d'analystes financiers 2007: 4,6,7Citigroup, 2007a, 2007b, 5Exane BNP Paribas, 2007

173
Nous supposons que le taux d'endettement reste constant sur la période 1996-2008 à
45%, tandis que le coût de l'emprunt est égal au taux des obligations fédérales à long terme
majoré de 1% (Gouvernement de l’Alberta, 2009a). En considérant la valeur moyenne du coût
des fonds propres du secteur global, égale à 12%, et un taux d'imposition des sociétés de 45%
(16% de taxe provinciale et 29% de taxe fédérale; Plourde, 2009) nous obtenons un taux
d'actualisation à 8%, en accord avec le taux généralement utilisé pour les projets énergétiques.

4.3.1.3 Taux de change monétaire

Les valeurs du taux de change monétaire $CAN/$US par période est estimée à partir
des valeurs moyennées sur chaque période des taux annuels (Banque du Canada, 2009). Elles
sont décrites dans le tableau 4-4.

Tableau 4-4 : Valeurs du taux de change monétaire $CAN/$US sur la période 1980-2005

Période Taux de change


$CAN/$US
1980 0.78
1985 0.78
1990 0.81
1995 0.71
2000 0.69
2005 0.88
Source : Banque du Canada, 2009

4.3.1.4 Réserves récupérables de bitume

Sur les 1600 milliards de barils de bitume en place en Alberta, 178 milliards de barils
seraient récupérables à partir des technologies actuelles (The Oil Sands Developers Group,
2011). En 2009, environ 3% des réserves récupérables ont été produits depuis l'exploitation
des sables asphaltiques (ERCB, 2007, p.3). 18% des réserves récupérables seraient
exploitables par techniques minières, tandis que les 82% restants seraient exploitables par
techniques in situ (The Oil Sands Developers Group, 2011). Pour les simulations
rétrospectives, le stock de ressources disponibles pour l'extraction minière et in situ est ainsi
estimé à 32 milliards et 146 milliards de barils de bitume respectivement.

174
4.3.1.5 Coefficient d’autofinancement

Le coefficient d’autofinancement correspondant à la fraction maximale du revenu brut


généré à la période t utilisable pour investir dans de nouvelles capacités à la période suivante
t+1 est pris égal à 30%.

4.3.2 Résultats d’estimation des paramètres économiques


coûts et prix

4.3.2.1 Coût du capital

Le coût unitaire du capital pour un projet de référence permet de couvrir les dépenses
d’investissement dans les nouvelles unités ainsi que les dépenses liées aux off-sites.

Les données d’observations sur les montants d’investissement proviennent de


différentes sources de publications sur le coût du capital des projets historiques. Pour chaque
période de décision t, le coût du capital observé correspond, lorsque l'information est
disponible, à un projet historique ayant démarré quelques années après la date t pour tenir
compte du délai de construction.

Puisque nous introduisons des variables entières représentant le nombre de projets de


référence développés, nous devons au préalable déterminer la capacité de production unitaire
de ces projets de référence. Celle-ci a été fixée de manière à correspondre à une capacité
représentative de chacune des technologies, soit 50000 b/j pour l’extraction minière et in situ
(quantité extraite de bitume) et l’upgrading (charge traitée de bitume). Elle doit être
suffisamment désagrégée pour limiter les erreurs d'estimation entre production simulée et
observée, tout en assurant des temps d'exécution raisonnables.

Historiquement, les projets d’upgrading ont été développés pour améliorer la qualité et
la valorisation de la production pétrolière minière, puisque les capacités des projets in situ
historiques étaient trop faibles pour justifier économiquement la construction d’upgraders
dédiés. Entre 1980 et 2005, les projets miniers historiques ont donc été progressivement
intégrés à l’étape d’upgrading. Sur les périodes 1980 et 1990, nous ne disposons que de
montants d’investissement liés à des projets d’extraction minière non intégrés, tandis qu’à
partir de l’année 2000, les montants obtenus correspondent à des projets miniers intégrés. La

175
taille importante des projets miniers développés au début de la décennie 2000 et
l’accroissement progressif du différentiel de prix entre le bitume et le brut léger ont
probablement incité les producteurs à suivre une stratégie d'intégration verticale en
investissant dans des capacités d'upgrading. La valeur d’investissement manquante sur la
période 1985 est estimée par défaut à partir de l’investissement observé sur la période
précédente, tandis que la valeur d’investissement manquante à l’année 1995 correspond par
défaut à l’investissement observé sur la période suivante, incluant l’étape d’upgrading.

Pour la technologie d’extraction in situ, nous n’avons pas pu obtenir de données sur
les investissements effectués entre 1985 et 1995. Les projets in situ développés sur cette
période reposaient exclusivement sur la technologie « Cyclic-Steam-Stimulation » (CSS) et
nécessitaient des investissements moins importants que ceux observés pour l’extraction
minière, mais supérieurs à ceux des technologies conventionnelles. A partir de l’année 2000,
les données obtenues correspondent à des projets industriels in situ SAGD sans intégration à
l’étape d’upgrading.

Les tableaux 4-5 et 4-6 synthétisent pour chaque technologie minière et in situ et
chaque période de décision t, la description du projet (date de démarrage, investissement,
capacité) correspondant à l’investissement observé ainsi que le coût du capital observé normé
pour un projet de référence de 50000 b/j. Nous présentons également les valeurs de coût du
capital d’un projet de référence estimées par le modèle lors des simulations rétrospectives
ainsi que l’erreur relative entre valeur observée et estimée. Les coûts sont exprimés en million
de dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2000). De 1980 à 1990, les projets
miniers n’incluent que la phase d’extraction minière, tandis qu’ils sont intégrés à l’étape
d’upgrading à partir de 1995. Les projets in situ relevés n’incluent que la phase d’extraction.

176
Tableau 4-5 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des projets
miniers et miniers intégrés sur la période 1980-2005 (PL)

Période Projet; date de démarrage Investissement Capacité Coût du capital Estimation Erreur relative
observé observé modèle estimé/observé
M$CAN kb/j M$CAN /projet M$CAN /projet
de référence de référence
1980 Extension n°1 projet Base, 356 13 1369 1300 -0.050
Suncor ; 1981
1985 n.d. 1300 -0.050
1990 Extension projet North Mine, 496 21.6 1148 1200 0.045
Syncrude; 1997
1995 Phase 2 projet Aurora et 7342 216.3 1697 1700 0.002
extension upgrader 1, Syncrude ;
2006
2000 Phase 2 projet Aurora et 7342 216.3 1697 1700 0.002
extension upgrader 1, Syncrude ;
2006
2005 Phase 1 projet intégré Horizon, 8109 135 3003 3000 -0.001
CNRL ; 2008
2010 Phase 1 projet Kearl, Imperial 6688 110 3040 -0.013
Oil; 2012
Sources : Suncor, 2008a ; Humphries, 2008 (p.8-9); CNRL, 2009 ; Imperial Oil, 2009 ;
estimations des simulations rétrospectives PL

Tableau 4-6 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des projets in
situ sur la période 1985-2005 (PL)

Période Projet; date de Investissement Capacité Coût du capital Estimation Erreur relative
démarrage observé observé modèle estimé/observé
M$CAN kb/j M$CAN /projet M$CAN /projet
de référence de référence
1985 n.d. 680
1990 n.d. 680
1995 n.d. 680
2000 Phases 1 et 2 projet 961 70 686 800 0.166
MacKay River,
PetroCanada ; 2002
Phase 1 projet Firebag, 574 33 870 -0.080
Suncor ; 2004
Phase 2 projet Firebag, 482 35 689 0.161
Suncor ; 2006
2005 Projet Tucker Lake, 437 30 728 780 0.071
Husky Energy ; 2006
Great Divide Pod one, 171 10 855 -0.088
Connacher; 2007
Jackfish, Devon ; 2008 543 35 776 0.005
Estimation CERI, 2004 797 -0.021
Sources : PetroCanada, 2008 ; Suncor, 2009 ; Husky, 2009 ; Connacher, 2008 ; Devon, 2009 ;
estimations des simulations rétrospectives PL

177
Pour la technologie d’extraction minière, les estimations du coût du capital obtenues
lors des simulations rétrospectives sont comparables aux observations. L’écart relatif entre les
valeurs estimées et observées n’excède pas 5% sur la période considérée.

La diminution progressive du coût du capital minier observée entre 1980 et 1990 et


liée aux effets d’envergure et à la fonction d’apprentissage (cf. sous-section 2.1.1) est
correctement représenté par l’évolution des données estimées. A partir de 1995,
l’augmentation du coût du capital estimé permet de représenter l’intégration des projets
miniers à la phase d’upgrading, et l’inflation des coûts des projets liée à la hausse des prix des
commodités et l’apparition de goulets d’étranglement dans l’ingénierie pétrolière (quasi
doublement du coût du capital estimé entre 2000 et 2005).

De même, les estimations du coût du capital in situ sont satisfaisantes, avec des écarts
relatifs entre valeurs estimées et observées inférieurs à 9% (l’investissement lié à la phase 1
du projet Firebag de Suncor démarrée en 2004 est considéré comme l’investissement de
référence de la période 2000, puisqu’il correspond à une première phase de développement).
Les investissements in situ estimés sur les périodes 1985, 1990 et 1995 restent constants à 680
M$ entre 1985 et 1995, puis augmentent sur les périodes suivantes. Ces estimations
permettent de modéliser correctement l’évolution des investissements associée à la rupture
technologique amorcée en 2000, avec la commercialisation à l’échelle industrielle de la
technologie in situ SAGD, tout en conservant le caractère capitalistique des projets non
conventionnels (en comparaison aux technologies conventionnelles) dans un contexte de prix
du bitume déprécié.

A partir de 2000, une trajectoire précise de l’évolution des montants d’investissement


reste difficile à mettre en évidence puisqu’ils peuvent diminuer grâce aux effets d’échelle
(observés entre les phases 1 et 2 du projet Firebag de Suncor) ou au contraire augmenter sous
l’influence d’une tension accrue sur les secteurs des services et de la construction. Toutefois,
le coût estimé en 2005 est analogue aux observations.

4.3.2.2 Coûts opératoires

Les coûts opératoires intègrent les coûts fixes d’exploitation (main d’œuvre,
maintenance) et les coûts opératoires variables. Pour des raisons pratiques, les coûts fixes

178
d’exploitation ont été définis par unité de charge traitée. Les coûts opératoires variables
considérés dans l’analyse rétrospective comprennent les coûts d’approvisionnement en
matières premières et énergétiques (gaz naturel, hydrocarbures légers de dilution, carburants
diesel, catalyseurs), les coûts de traitement des eaux et les coûts de transport.

L’acquisition des coûts opératoires observés a été effectuée à partir du recoupement de


différentes sources de publications. Les séries de coûts opératoires les plus complètes
correspondent aux données agrégées publiées par l’Association Canadienne des Producteurs
de Pétrole (CAPP, 2009a). Afin d'obtenir des coûts opératoires unitaires, nous avons calculé,
pour chaque technologie, les coûts marginaux opératoires Cmt à partir des rapports des
variations annuelles des coûts opératoires moyens et des productions cumulées :

∆Ct
Cmt ( z ) = ( z ) : coût marginal opératoire (exprimé en dollar canadien par baril de
∆X t
bitume) pour la technologie z (minière, in situ et d'upgrading)

Avec :
Ct(z): coût opératoire moyen de la période t de la technologie z (en dollar canadien)
Xt(z): production cumulée de la période t de la technologie z (en barils de bitume)

Les coûts marginaux sont exprimés en dollars canadiens, en monnaie constante (base
100=2000). Les données pour la technologie minière sont disponibles sur la période 1980-
2008, tandis que les données pour les technologies in situ et d'upgrading sont disponibles sur
la période 1998-2008. Nous faisons l'hypothèse supplémentaire que les coûts opératoires sont
constants sur une période.

Sur la dernière période 2005, d’autres sources ont été consultées. Des données
industrielles ont été obtenues à partir des rapports annuels de Suncor et Syncrude (Suncor,
2003-2004 ; Syncrude, 2003-2004) tandis que des données institutionnelles ont été obtenues à
partir des publications de l’ONE (2006) et de Sanière et al. (2005, p.20). Les coûts opératoires
observés et estimés par le modèle pour les technologies minière et in situ sont présentés dans
les tableaux 4-7 et 4-8 respectivement. Nous avons choisi de reporter les données CAPP

179
moyennées sur les périodes t-1 et t pour lisser l’évolution des coûts. En 2005, le coût estimé
est directement comparé à la valeur lissée CAPP.

Tableau 4-7 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés miniers, période
1980-2005 (PL)

Coûts CAPP lissés t-1/t, Suncor, Syncrude, ONE, 2006 IFP, 2005 Estimation Erreur relative
opératoires 2009 2003-2004 2003-2004 modèle estimé/observé
$CAN/b bitume
1980 37.1 40 0.078
1985 25.7 25.7 0.000
1990 15.4 14.9 -0.032
1995 12.3 12.1 -0.016
2000 12.1 11.8 -0.025
2005 15.9 16-17 16.9-19.6 16-19.6 11.6-15.2 15.9 0.000
Sources : CAPP, 2009a ; Suncor, 2003-2004 ; Syncrude, 2003-2004 ; ONE, 2006 ; Sanière et
al., 2005 ; estimations des simulations rétrospectives PL

Tableau 4-8 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés in situ, période
1985-2005 (PL)

Coûts CAPP lissés t-1/t, Suncor, ONE, 2006 IFP, 2005 Estimation Erreur relative
opératoires 2009 2003-2004 modèle estimé/observé
$CAN/b bitume
1985 6.8
1990 5.8
1995 4.9
2000 4.8 4.8 0.000
2005 7.0 21.5-25.1 9-12.5 6.7-9.8 8.7 0.243
Sources : CAPP, 2009a ; Suncor 2003-2004 ; ONE, 2006 ; Sanière et al., 2005 ; estimations
des simulations rétrospectives PL

Dans le cas de la technologie minière, les estimations sur les coûts opératoires sont
satisfaisantes (erreurs relatives inférieures à 7.8%) sur l'ensemble des périodes. La diminution
progressive des coûts opératoires miniers estimés entre 1980 et 2000 est représentative des
effets du progrès technique (réduction des coûts de maintenance et énergétiques).

Sur la dernière période 2005, les données observées peuvent être significativement
différentes selon les sources. Ainsi, les coûts opératoires à l’année 2005 sont compris entre
11.6 et 15.9 $/b d’après la CAPP ou Sanière et al., tandis qu’ils atteignent 16 à 19.6 $/b
d’après Suncor, Syncrude ou l’ONE. Le coût opératoire estimé par le modèle est de 15.9 $/b

180
et correspond à la valeur lissée CAPP. Les différences entre les coûts publiés par les
organismes proviennent en partie de l’utilisation de règles comptables différentes
(introduction des coûts administratifs et de recherche et développement dans les coûts
opératoires publiés par Suncor). De plus, la hausse des coûts opératoires subie par les deux
firmes provient de coûts de maintenance et d’approvisionnement en gaz naturel plus élevés,
liés à de longs arrêts de production non planifiés et à la hausse du prix du gaz naturel sur le
marché canadien AECO.

Dans le cas de la technologie in situ, nous disposons d’observations uniquement sur


les deux dernières périodes 2000 et 2005. La valeur estimée à l’année 2000 est identique à la
valeur CAPP observée, tandis que la valeur estimée à l’année 2005, à 8.7 $/b, correspond à la
fourchette basse des estimations (observations institutionnelles). A l’inverse des
investissements, les coûts opératoires estimés entre 1985 et 2000 suivent une tendance
monotone décroissante, de 6.8 à 4.8 $/b, illustrant une maîtrise progressive des coûts
opératoires de la technologie CSS au fur et à mesure de son développement. Toutefois, à
l’instar de la technologie minière, les coûts opératoires in situ ont fortement augmenté après
2005, lié à la comptabilisation des coûts de démarrage et à la hausse du prix du gaz naturel sur
le marché AECO.

4.3.2.3 Trajectoires du prix de vente

Lors des tests de simulations rétrospectives, le degré d'intégration des projets a été fixé
de manière exogène au modèle à partir des observations (cf. paragraphe 4.3.2.1). L’exogénéité
des stratégies d’intégration est une des limites de notre modélisation, mais il aurait été
relativement difficile de les endogénéiser. D’une part, la structure de notre modèle est déjà
complexe dans le sens où la description du problème est dynamique avec des paramètres
économiques variables en fonction des périodes. La calibration s’est avérée délicate puisque
la variation d’un paramètre à une période t modifie la fonction de profit intertemporelle et par
conséquent la stratégie optimale globale sur l’ensemble des périodes considérées. D’autre
part, l’actualisation des flux monétaires rend l’analyse de sensibilité difficile, puisque le poids
des investissements dans la fonction de profit est différent selon la période. Ainsi, une
variation marginale du montant d’investissement en début de période impactera plus
lourdement la fonction de profit qu’une variation marginale en fin de période.

181
Enfin, les tests de calibration ont mis en évidence des valeurs de profit à l’optimum
parfois relativement similaires (<0.5%) malgré des stratégies d’investissement différentes
(>100 kb/j). La linéarité des fonctions et des contraintes nous assure l’unicité de la solution
optimale dans chaque configuration, mais nous ne pouvons pas nous affranchir d’un écart
entre la valeur du profit à l’optimum estimée par un algorithme de résolution en
programmation entière mixte et un algorithme de résolution relâché, ce qui rend le modèle un
peu plus instable qu’en programmation linéaire.

D’après les remarques présentées dans la sous-section 2.2.2, nous avons supposé que
les producteurs suivent un comportement myope et basent leur décision d’investissement sur
les prix observés, lissés sur l’année en cours et l’année précédent la prise de décision. Le
lissage des prix sur deux années nous a semblé pertinent pour s’affranchir des fluctuations de
prix pouvant apparaître entre deux années consécutives et planifier les investissements à partir
d’une tendance moyenne plus représentative. En particulier, sur les deux dernières périodes
2000 et 2005, les producteurs ont sans doute eu intérêt à planifier leurs investissements en se
basant sur un prix plus conservatif, pour limiter leur prise de risque dans un contexte moins
favorable. L’utilisation de prix observés sur les marchés à terme (contrats à 12 mois par
exemple) aurait été pertinente, puisque les prix forward sont formés à partir des anticipations
des acteurs du marché. Mais peu de données sur le prix forward du bitume étaient disponibles
et nous avons donc préféré utiliser deux séries de prix du bitume et du brut synthétique
comparables observées sur les marchés spot.

Pour les premières périodes 1980 et 1985, nous ne disposons pas de données de prix
du bitume. Celui-ci a été reconstitué à partir du prix d'un brut léger conventionnel, le Brent,
observé sur le marché (données Datastream) moyenné sur les années 1979-1980 et 1984-1985
respectivement et d'un différentiel de prix par rapport au prix du Brent lié à la qualité
(réduction de 40%, adapté de Joseph et Gunton (2010) et Lacombe et Parsons (2007, p.34)).

Sur la période 1990-2005, la série de prix du bitume observé correspond au prix spot
Lloyd Blend (EIA, 2009b). Les prix annuels ont été obtenus à partir de données
hebdomadaires moyennées par mois puis par année. Sur la période 1995-2005, nous utilisons
comme valeur d’observation du prix du pétrole brut synthétique le prix spot Syncrude Sweet

182
Blend (EIA, 2009b). Les prix annuels ont été obtenus à partir de données mensuelles
moyennées.

A partir de 1995, nous avons considéré l’hypothèse simplificatrice suivante. Les


producteurs miniers basent leur décision d’intégration verticale sur l’observation du prix du
brut synthétique et évaluent leur profit en supposant une valorisation de la totalité de leur
production au prix du brut synthétique. Cette hypothèse limite s’avère nécessaire pour éviter
d’introduire des variables entières supplémentaires et accroître la taille du modèle.

Les résultats comparatifs entre prix observés et estimés lors des simulations
rétrospectives sont présentés dans les tableaux 4-9 et 4-10. Les prix sont exprimés en dollars
US en monnaie constante (base 100=2000).

Tableau 4-9 : Comparaison des prix observés et estimés pour les technologies minière et
minière intégrée, période 1980-2005 (PL)

Période de décision Données d'observation Prix observés Prix estimés Erreur relative
estimé/observé
$US(2000)/b $US(2000)/b
1980 Brent moyenné 1979-1980 – 40% différentiel qualité 47.6 48 0.008
1985 Brent moyenné 1984-1985 – 40% différentiel qualité 26.1 26.1 0.000
1990 Canadian Lloyd Blend 1989-1990 16.6 17.3 0.042
1995 Syncrude Sweet Blend 1994-1995 22.6 22.6 0.000
2000 Syncrude Sweet Blend 1999-2000 36 35.1 -0.025
2005 Syncrude Sweet Blend 2004-2005 57.5 56.8 -0.012
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; estimations des simulations rétrospectives PL

Tableau 4-10 : Comparaison des prix observés et estimés pour la technologie in situ, période
1985-2005 (PL)

Période de décision Données d'observation Prix observés Prix estimés Erreur relative
estimé/observé
$US(2000)/b $US(2000)/b
1985 Brent moyenné 1979-1980 – 40% différentiel qualité 26.1 26.1 0.000
1990 Canadian Lloyd Blend 1989-1990 16.6 16.6 0.000
1995 Canadian Lloyd Blend 1994-1995 15.3 15.0 -0.020
2000 Canadian Lloyd Blend 1999-2000 22.9 22.9 0.000
2005 Canadian Lloyd Blend 2004-2005 26.4 26.4 0.000
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; estimations des simulations rétrospectives PL

183
L’estimation par notre modèle des prix de valorisation du bitume et du brut
synthétique est très satisfaisante. Pour les technologies minière et in situ, les prix de
valorisation estimés par le modèle sont similaires aux prix lissés observés sur les marchés
(erreur relative inférieure à 4.2% et à 2.0% respectivement).

En conclusion, les erreurs d’estimation des paramètres économiques de coût et de prix


lors de la phase de calibration s’avèrent relativement limitées par rapport aux observations,
nous permettant ainsi de valider la robustesse du modèle d’offre linéaire.

4.3.3 Analyse des résultats des simulations rétrospectives

4.3.3.1 Trajectoires de production et d’investissement

Les trajectoires de production simulées par le modèle d’offre sont représentées sur les
figures 4-2 et 4-3 pour la technologie minière et in situ respectivement. Initialement égale à
127.7 kb/j de bitume en 1980, la production minière simulée augmente progressivement à 209
kb/j en 1990 avant de s’établir à 543.7 kb/j en 2005. La production in situ simulée,
initialement égale à 44.6 kb/j de bitume en 1985, augmente à 135.4 kb/j en 1990 avant de
s’établir à 440.4 kb/j en 2005.

Les erreurs statistiques d’estimation sur les variables de production, présentées dans
les tableaux 4-11 et 4-12 pour la technologie minière et in situ respectivement, indiquent que
les stratégies historiques observées sont correctement modélisées. Les écarts relatifs entre la
production minière historique et estimée sont inférieurs à 9% en valeur absolue et atteignent
en moyenne 4.4% sur l’ensemble de la période considérée 1980-2005. Les écarts relatifs entre
production in situ historique et estimée sont inférieurs à 13.2% en valeur absolue et atteignent
en moyenne 5.0% sur l’ensemble de la période considérée 1985-2005. Les légers écarts
d’estimation proviennent de la discrétisation du modèle d’offre, les variables de production
simulées ne pouvant prendre que des valeurs entières.

184
600

Production (kb/j bitume)


500
400
300
200
100
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005

Production minière historique Production minière simulée (PL)

Figure 4-2 : Simulations rétrospectives de la production minière sur la période 1980-2005


(PL)

Tableau 4-11 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière (PL)

Période Production Production Erreur Erreur Erreur


historique simulée relative quadratique relative
kb/j kb/j
1980 127.696 127.703 0.000 0.000 0.000
1985 167.934 177.711 0.058 95.6 0.058
1990 209.000 227.718 0.090 350 0.090
1995 278.363 277.726 -0.002 0.405 0.002
2000 316.964 327.734 0.034 116 0.034
2005 543.749 500.077 -0.080 1907 0.080

Moyenne 20.3 4.4%


Source : résultats des simulations rétrospectives PL

185
600

Production (kb/j bitume)


500
400
300
200
100
0
1985 1990 1995 2000 2005

Production in situ historique Production in situ simulée (PL)

Figure 4-3 : Simulations rétrospectives de la production in situ sur la période 1985-2005 (PL)

Tableau 4-12 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ (PL)

Période Production Production Erreur Erreur Erreur relative


historique simulée relative quadratique absolue
kb/j kb/j
1985 44.616 44.606 0.000 0.000 0.000
1990 135.381 144.621 0.068 85.4 0.068
1995 150.667 144.621 -0.040 36.6 0.040
2000 281.947 244.637 -0.132 1392 0.132
2005 440.386 444.667 0.010 18.3 0.010

Moyenne 17.5 5.0%


Source : résultats des simulations rétrospectives PL

A l’issue des simulations rétrospectives, les résultats obtenus nous permettent de


conclure que les stratégies historiques de production et d’investissement dans l’extraction
minière et in situ sont bien représentées par les stratégies optimales simulées. En présence de
scénarios déterministes, le comportement optimal d’une firme est correctement approximé par
une stratégie de maximisation de la fonction de profit intertemporelle. Sur les trajectoires
optimales simulées de production des deux filières, nous pouvons alors analyser l’évolution
de la structure du coût unitaire de production simulé, les flux d’investissement et de dépenses
opératoires au cours des périodes considérées ainsi que l’évolution du profit global du secteur
non conventionnel.

186
4.3.3.2 Evolution des coûts de production

L’évolution des coûts de production obtenus sur les trajectoires simulées optimales de
production minière et in situ est représentée sur les figures 4-4 et 4-5. Les coûts de production
sont exprimés en dollars US en monnaie constante (base 100=2000).

40
Coût de production ($US/b)

3.9
30
8.7
0.3
20 4.0
28.9 0.2
20.2 2.8 9.2 15.8
10 12.1
8.6
9.4
2.4 3.4 3.9 3.4 5.5
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005

Royalties Coûts opératoires Coût du capital

Figure 4-4 : Evolution des coûts de production simulés par technologie minière sur la période
1980-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)

15
4.0
Coût de production ($US/b)

4.3
10 5.4
2.2 4.1
2.8
3.5 3.3 7.8
5 4.8
7.0
4.2 3.8
2.2 2.1
0
1985 1990 1995 2000 2005

Royalties Coûts opératoires Coût du capital

Figure 4-5 : Evolution des coûts de production simulés par technologie in situ sur la période
1985-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)

Pour les deux technologies, les coûts de production simulés évoluent selon une
tendance en U sur la trajectoire optimale d’extraction, en accord avec les résultats de la

187
théorie économique. En valeur absolue, le coût de production minier simulé, initialement à
35.2 $/b en 1980, décroît progressivement entre 1980 et 1995, sous l’effet du progrès
technique et de la fonction d’apprentissage, s’établissant alors à 15 $/b pour un prix de
valorisation du bitume relativement stable mais peu soutenu à 17-22 $/b. Il évolue ensuite à la
hausse, atteignant 22.6 $/b en 2000, sous l’effet de l’intégration des étapes d’extraction et
d’upgrading, puis 30 $/b en 2005, impacté par l’inflation des coûts d’ingénierie.

Le coût de production in situ simulé, égal à 16.4 $/b en 1985, diminue à 9.9 $/b en
1990 et 1995, sous l’effet du progrès technique et de la fonction d’apprentissage, avant de
s’établir autour de 11 $/b en 2000 puis 14 $/b en 2005, avec l’arrivée sur le marché de la
nouvelle technologie d’extraction in situ SAGD.

La structure des coûts de production simulés évolue également au cours des périodes.
La part des coûts opératoires dans le coût minier total reste majoritaire sur toute la période
mais a fortement diminué entre 1980 et 2000, représentant 82% du coût total en 1980 contre
41% en 2000. Le coût du capital a suivi une légère tendance à la hausse entre 1980 et 1995
(2.4-3.9 $/b) qui s’est accélérée en 2000, atteignant alors 9.4 $/b. Le coût du capital à l’année
2005 (5.5 $/b) intègre uniquement les dépenses d’investissement amorcées au cours de la
période précédente.

Ce biais provient des effets de transversalité propres à la logique de notre modèle. En


effet, à la date finale, le producteur n’est pas incité à effectuer un nouvel investissement,
puisque les flux de trésorerie obtenus après la date finale ne sont pas considérés dans le calcul
de la fonction de profit intertemporelle d’après les conditions aux limites de notre
modélisation. Selon le tableau 4-5 présenté dans la sous-section 4.3.1, le coût du capital aurait
poursuivi une tendance à la hausse si les nouveaux investissements effectués en 2005 avaient
été comptabilisés).

Dans le cas de la technologie in situ, les coûts opératoires simulés sont compris dans
l’intervalle 3.3-7.8 $/b sur toute la période considérée, leur part dans le coût total variant selon
les périodes : autour de 35% en 1985, 1995 et 2000, à 50% et 55% en 1990 et 2005. Le coût
du capital in situ reste également limité, inférieur à 7 $/b sur toute la période considérée.

188
On notera également avec intérêt l’évolution du coût lié au versement des royalties.
Egales à 3.9 $/b en 1980, les royalties liées à la production minière ont nettement chuté entre
1985 et 1990 à 0.2-0.3 $/b. La part marginale des royalties s’explique par les faibles revenus
nets liés au différentiel limité entre prix de valorisation et coût de production (1.3-2 $/b) et par
un système de récupération des coûts avantageux pour le secteur industriel, réduisant les taux
de royalties. A partir de 1995, les royalties augmentent progressivement, passant de 2.8 $/b en
1995 à 8.7 $/b en 2005, lié à l’accroissement du différentiel prix/coût de production. Dans le
cas de la technologie in situ, les royalties restent comprises entre 2 et 4 $/b, les coûts de
production étant moins élevés que dans le cas de l’extraction minière.

4.3.3.3 Evolution des flux de trésorerie

L’analyse des flux annuels de trésorerie simulés sur les trajectoires optimales
d’extraction minière et in situ met en évidence des résultats similaires (cf. tableaux 4-6 et
4-7). Les valeurs sont exprimées en dollars US en monnaie constante (base 100=2000).
Majoritairement composées des coûts opératoires, les dépenses annuelles simulées liées à
l’extraction minière augmentent progressivement sous l’effet de la hausse du coût du capital.
Les revenus nets, marginaux entre 1985 et 1990, s’accroissent significativement à partir de
1995 (la tendance se prolonge sur la période 2005 ; elle n’a pas été représentée sur la figure
4-6 pour des problèmes d’échelle). L’optimisation de la fonction objectif de profit permet de
déterminer un profit net intertemporel autour de 5100 M$ sur la période 1980-2005.

Dans le cas de la technologie in situ, les flux de dépenses simulés sont beaucoup plus
faibles que ceux liés à l’extraction minière. Les flux des dépenses d’investissement et
opératoires ainsi que les royalties sont comparables sur chacune des périodes. Néanmoins, sur
la dernière période 2005 (non représentée sur la figure 4-7), on observe une forte
augmentation des coûts opératoires liée à la hausse du prix du gaz naturel (trois fois plus
élevés que sur la période précédente). L’optimisation de la fonction objectif de profit in situ
permet de déterminer un profit net intertemporel autour de 4500 M$ sur la période 1985-2005.

189
2000
1719

M$US/an 1500 1349 1310


1003 956 997 977
1000 871
602
325 345 430
500 287
181 219
110
22 74 18 60
0
1980 1985 1990 1995 2000

Coût du capital Coûts opératoires Royalties Revenu net

Figure 4-6 : Evolution des flux de trésorerie liés à la production minière sur la période 1980-
2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)

1460
1500

1000
M$US/an

490
500 388 343 365
214 251 219 187 298
115 115 147 116
87 64
0
1985 1990 1995 2000

Coût du capital Coûts opératoires Royalties Revenu net

Figure 4-7 : Evolution des flux de trésorerie liés à la production in situ sur la période 1985-
2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)

En conclusion, l’amélioration de la rentabilité des filières minière in situ observée et


mise en évidence par le modèle depuis 1995 et plus particulièrement depuis 2000 a attiré de
nouveaux acteurs à entrer dans le secteur non conventionnel (cf. annexe 2.2). La plus grande
compétitivité du secteur a ainsi permis d’accélérer le rythme de développement des projets
d’extraction de bitume canadien.

190
4.3.3.4 Degré d’intégration dans l’approvisionnement nord-américain à
l’année 2005

Marginale à l’échelle de la production pétrolière mondiale, la production non


conventionnelle canadienne représente cependant un enjeu stratégique majeur dans le
processus de sécurisation des approvisionnements pétroliers nord-américains. Le niveau de la
production pétrolière canadienne a pu être maintenu grâce à une production non
conventionnelle croissante contrebalançant la baisse de production conventionnelle amorcée
dès 2003 (ONE, 2008). Le Canada étant devenu le premier exportateur de brut vers les Etats-
Unis, l'approvisionnement non conventionnel permet ainsi aux Etats-Unis de diversifier ses
sources d'approvisionnement pétrolier, provenant pour le reste en majorité de l’Arabie
Saoudite, du Venezuela et du Mexique (cf. sous-section 2.1.4).

L’intégration progressive des marchés énergétiques de la plaque nord-américaine


amène à s’interroger sur une autre problématique non moins majeure à l’heure actuelle, à
savoir l’instauration de politiques environnementales communes au Canada et aux Etats-Unis.
L’interdépendance pétrolière et gazière des deux pays, le Canada étant le premier exportateur
vers les Etats-Unis, les Etats-Unis représentant le premier marché de consommation de la
production canadienne, s’accroît également dans le secteur pétrolier non conventionnel, avec
la création de partenariats industriels entre des producteurs de bitume canadiens et des
raffineurs américains qui s’accompagnent d’un partage équivalent des actifs amont et aval
(Encana et ConoPhillips en 2006 ; Husky Energy et BP en 2007). Ces partenariats permettent
à la fois d’assurer des débouchés aux producteurs de bitume et un approvisionnement stable
aux raffineurs, grâce à un profil de production non conventionnelle constant sur une longue
période. Dans ce contexte, nous avons cherché à quantifier le degré d’intégration de la
production pétrolière non conventionnelle dans l’approvisionnement global du marché du
raffinage nord-américain. Une analyse statique de la structure de l’approvisionnement
pétrolier du raffinage nord-américain à l’année 2005 a été menée à partir du modèle de
raffinage développé par IFP Energies Nouvelles (IFPEN). En particulier, nous avons évalué la
part de la production non conventionnelle canadienne dans l’approvisionnement du raffinage
nord-américain et son impact sur le bilan CO2 global des raffineries et unités d’upgrading.
Ces premiers résultats serviront de cas de référence pour l’évaluation prospective de la
tendance d’intégration amont-aval sur le marché nord-américain, présentée dans le chapitre 7.

191
Pour un jeu donné de prix (bruts), de coûts (transport, opératoires), de demande et de
spécifications de produits pétroliers et de limitation de polluants, le modèle de raffinage
mondial multizones IFPEN permet d’optimiser par minimisation de coût pour chaque zone
l’approvisionnement en brut et autres charges, la production des raffineries, les flux
d’échange de produits, la marche des unités (investissement et taux d’utilisation), les bilans-
énergie et émissions de polluants ainsi que la formulation et les coûts marginaux des pools. Le
modèle inclut 9 zones géographiques agrégées, dont l’Amérique du Nord (Etats-Unis,
Canada, Mexique). L’approvisionnement en bruts est initialement décomposé en 9 classes,
dont une représente le brut non conventionnel, puis est réduit à 5 bruts types et un résidu
atteignant des degrés API et des teneurs en soufre spécifiques par combinaisons linéaires. Une
description détaillée du modèle de raffinage IFPEN est disponible dans Saint-Antonin (1998)
et Tehrani (2007).

La production pétrolière non conventionnelle canadienne déterminée par notre modèle


d’offre linéaire est introduite dans l’approvisionnement disponible des raffineries nord-
américaines et l’optimisation du modèle de raffinage permet de déterminer la quantité de
pétrole non conventionnel effectivement consommée par le raffinage nord-américain, ainsi
que le bilan en CO2 associé.

La représentativité du modèle de raffinage à l'année 2005 est vérifiée à partir des


bilans matière et de la structure des coûts marginaux déterminés par le modèle (Bertout,
2009). Le bilan des flux essence et diesel observés en 2005 est correctement représenté par le
modèle pour l'ensemble des zones géographiques. Les erreurs relatives d'estimation sur les
exportations d'essence de l'Europe du Nord et de l'Europe du Sud vers la zone Amérique du
Nord sont égales à 5.9% et 14.3% respectivement.

L'analyse des coûts marginaux des produits pétroliers repose sur les prix duaux des
contraintes de demande des produits les plus représentatifs de chaque coupe : l'essence
(légers), le diesel et le jet (distillats moyens) et le fuel lourd à basse teneur en soufre (lourds).
Plus précisément, ces coûts marginaux déterminés par le modèle sont comparés aux prix FOB
des produits pétroliers observés en 2005 sur les trois principaux marchés pétroliers : États-
Unis, Europe et Singapour (cf. tableau 4-13). Le pourcentage moyen d'erreur est de 16% sur
les carburants routiers essence et diesel ce qui est satisfaisant pour le calage sur l'année de

192
référence 2005. En revanche, le coût marginal des produits lourds n'est pas très bien
représenté au regard des prix FOB de 2005. Cela s'explique par le fait que le modèle
représente neuf raffineries mondiales de type hydrocracking alors que le prix des fuels lourds
est plutôt lié au coût marginal de production des raffineries moins complexes de type
hydroskimming.

Toutefois, la hiérarchie des coûts marginaux des produits essence et diesel (le produit
Jet étant considéré comme trop « simple » par rapport aux deux autres) est plus importante
pour juger de la représentativité du modèle : celle issue du calage 2005 est jugée satisfaisante
sur chacune des zones puisque conforme à celle des prix FOB observés (cf. tableau 4-14).

Tableau 4-13 : Estimation des coûts marginaux des produits pétroliers et prix FOB observés
sur les marchés Etats-Unis, Europe et Singapour

Produits Coûts marginaux Prix FOB (Source : Platt's)


$US/t $US/t
Amérique du Nord Europe du Nord Asie Pacifique Etats-Unis Europe Singapour
Essence 462 440 442 551 524 522
Diesel 273 509 432 519 527 503
Jet 361 523 590 560 555 534
Fuel lourd 3.5% S 260 351 372 231 212 264
Source : Bertout, 2009

Tableau 4-14 : Estimation des ratios coûts marginaux des produits pétroliers/prix du Brent et
ratios prix FOB/prix du Brent observés sur les marchés Etats-Unis, Europe et Singapour

Produits Coûts marginaux/Prix Brent Prix FOB/Prix Brent (Source : Platt's)


Ratio Ratio
Amérique du Nord Europe du Nord Asie Pacifique Etats-Unis Europe Singapour
Essence 1.13 1.07 1.08 1.35 1.28 1.27
Diesel 0.67 1.24 1.05 1.27 1.29 1.23
Jet 0.88 1.28 1.44 1.37 1.36 1.31
Fuel lourd 3.5% S 0.64 0.86 0.91 0.57 0.52 0.65
Source : Bertout, 2009

L'approvisionnement total de chacune des zones est composé d'un ensemble de bruts
caractérisés par leur densité et leur teneur en soufre. Nous ne disposons pas de données
suffisantes pour vérifier la robustesse des résultats par type de brut. Néanmoins, il est possible
de calculer un degré API et une teneur en soufre représentatifs d'un approvisionnement agrégé

193
sur l'ensemble des bruts pour chaque zone à partir d'une combinaison linéaire des
spécifications, qui vérifient les conditions de linéarité.

Les différentiels entre densité estimée et observée présentés dans le tableau 4-15 sont
relativement limités. Ce différentiel est égal à -1.8 °API pour la zone Amérique du Nord, et
reste inférieur à 3.6 °API pour le reste du monde. De même, les différentiels entre teneur en
soufre estimée et observée sont satisfaisants sur l’ensemble des zones, excepté un écart
significatif dans le cas de la Chine. Pour la zone Amérique du Nord, le différentiel s'établit à
0.1%.

La zone Amérique du Sud traite l'approvisionnement pétrolier le plus lourd, avec un


degré API moyen observé à 26. Cette tendance s’explique par l’entrée en charges des bruts
lourds conventionnels et non conventionnels dans les raffineries vénézuéliennes. Avec un
degré API moyen observé à 32.7, contre 34.5 °API pour le reste du monde, la zone Amérique
du Nord traite également un approvisionnement pétrolier plutôt lourd, à cause de l'intégration
de plus en plus importante des bruts lourds non conventionnels canadiens et dans une moindre
mesure vénézuéliens dans l'approvisionnement nord-américain ainsi que du traitement des
bruts lourds conventionnels issus du Mexique.

Tableau 4-15 : Comparaison des spécifications des approvisionnements pétroliers observés et


estimés agrégés par zone en 2005

Amérique Amérique Europe CEI Afrique Moyen Chine Asie Moyenne


du Nord du Sud Orient Pacifique monde
°API observé 32.7 26 35.5 33.8 36.9 34.4 33 35.5 33.5
°API estimé 30.9 29.5 34.4 33.7 39.8 31.7 30.4 36.1 33.3
différentiel °API -1.8 3.6 -1.2 -0.1 2.9 -2.6 -2.6 0.6 -0.1
estimé/observé
teneur en soufre 1.56 1.11 0.38 1.1 0.23 1.93 0.15 0.17 0.8
observée (%)
teneur en soufre estimée 1.64 1.7 0.75 1.66 0.36 2.22 2.11 0.44 1.4
(%)
différentiel %S 0.1 0.6 0.4 0.6 0.1 0.3 2 0.3 0.5
estimé/observé
Source : Bertout, 2009

Toute la production canadienne non conventionnelle disponible en 2005 (45.7 Mt/an)


est consommée par les raffineries nord-américaines. La part du brut non conventionnel
s'établit à 4.0% de l'approvisionnement total en pétrole brut à 1150 Mt/an (cf. tableau 4-16).

194
Tableau 4-16 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2005

Année 2005 Approvisionnement pétrolier Approvisionnement en brut Part de


total Amérique du Nord canadien non conventionnel l'approvisionnement non
conventionnel
Mt/an Mt/an
1150 45.7 4.0%
Source : Résultats de la simulation 2005

Le bilan CO2 global du raffinage et de l’upgrading nord-américain s’élève à 209.2


Mt/an, dont 14.3 Mt/an sont issues de l’activité d’upgrading. Les émissions de CO2 liées à
l’upgrading de la production non conventionnelle canadienne représentent ainsi 6.9% du bilan
CO2 global en 2005. Les émissions unitaires de CO2 liées à l’upgrading atteignent 0.261 t/t de
bitume traité, tandis que les émissions unitaires de CO2 liées aux unités de raffinage standards
s’élèvent en moyenne à 0.190 t/t de charge traitée. L’étape d’upgrading émet ainsi 37% de
CO2 supplémentaire par rapport à l’étape de raffinage.

Tableau 4-17 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2005

Année 2005 Bilan CO2 raffinage et Bilan CO2 Part des émissions de CO2 liées à
upgrading Amérique du Nord upgrading l’upgrading dans le bilan CO2 global
Mt/an Mt/an
209.2 14.3 6.9%
Source : Résultats de la simulation 2005

Au terme de ce chapitre, nous avons montré que le comportement d’investissement


historique dans la filière non conventionnelle canadienne peut être correctement représenté
par une stratégie de maximisation de la fonction de profit intertemporelle du secteur, en
l’absence d’incertitudes sur les paramètres économiques. Un modèle de décision
d’investissement incrémental a été élaboré sous la forme d’un modèle d’optimisation sous
contraintes en programmation linéaire, dont la structure a été présentée dans les deux
premières sections.

Un travail de calibration a ensuite été mené à partir de données historiques observées


sur la période 1980-2005. La robustesse du modèle a été validée à partir des deux résultats
suivants. D’une part, les paramètres économiques historiques coûts et prix ont été

195
correctement estimés lors des simulations rétrospectives, avec des erreurs d’estimation
inférieures à 8% et 4.2% respectivement. D’autre part, les trajectoires passées
d’investissement et de production dans la filière non conventionnelle canadienne ont été
reconstituées de manière satisfaisante, avec des erreurs d’estimation entre trajectoires
simulées et observées inférieures à 13%.

Sur les trajectoires optimales simulées, l’analyse des coûts de production par technique
minière et in situ a permis dans les deux cas de mettre en évidence une fonction de coût en U,
en accord avec la théorie économique. Cette évolution en deux temps est liée à la
prédominance du progrès technique et à l’existence d’une fonction d’apprentissage en début
de période, et au processus d’intégration des étapes d’extraction et d’upgrading ainsi qu’à
l’apparition de tensions conjoncturelles sur les marchés des commodités et de la construction
en seconde période.

Dans le cas de la technologie minière, l’analyse des flux de trésorerie simulés a mis en
avant un accroissement significatif des profits nets des coûts de production entre 1995 et 2005
grâce à une maîtrise des coûts et un prix de vente à la hausse, par rapport à des profits nets
très faibles observés entre 1985 et 1994. Ce résultat permet ainsi d’expliquer l’attractivité
récente de la filière minière et la multiplication des acteurs entrant sur le marché au début des
années 2000. Toutefois, la forte hausse du coût du capital a été largement répercutée sur les
dépenses d’investissement qui ont été multipliées par 9 entre 1980 et 2000.

Dans le cas de la technologie in situ, les revenus nets sont restés stables entre 1985 et
1999, avant de s’envoler à partir de 2000 sous l’effet d’un prix de vente en forte hausse. Les
dépenses opératoires sont également restées stables entre 1985 et 1999, avant d’augmenter
sous l’effet d’une hausse du prix du gaz naturel. L’amélioration de la rentabilité de la filière in
situ au cours du temps a également attiré de nouveaux acteurs.

Enfin, nous avons montré que la production non conventionnelle canadienne


représentait 4.5% de l’approvisionnement total du marché du raffinage nord-américain en
2005, à l’aide du modèle de raffinage multi-zones développé par IFPEN. En considérant le
secteur aval global nord-américain, intégrant le raffinage et l’upgrading, l’activité
d’upgrading représentait 6.9% du bilan CO2 du secteur aval global en 2005, émettant 14.3

196
Mt/an de CO2. Avec des émissions unitaires de CO2 atteignant 0.261 t/t de bitume traité,
l’activité d’upgrading émet ainsi 37% de CO2 supplémentaire par rapport au raffinage.

Le chapitre suivant est consacré à la description du second modèle d’offre, basé sur la
programmation dynamique.

197
Annexe 4.1 : Résolution d’un problème
en programmation entière mixte par la
procédure arborescente branch and
bound

Cette note explicative est issue de Saint-Antonin et Lantz (2009). Pour résoudre un
problème en programmation entière mixte, il existe principalement deux classes de méthodes,
les méthodes dites de troncature (ou plans de coupure) et les procédures arborescentes
(branch and bound), ces dernières étant les plus couramment utilisées par les codes
généralistes disponibles dans le commerce.

La procédure arborescente consiste à considérer et à résoudre une suite de problèmes


de programmation linéaire classique en variables continues et à affecter progressivement
(itération par itération) des valeurs entières aux variables Ii. Plus précisément, à chaque
itération de l’algorithme, on considère et résout un problème dérivé du problème initial en
fixant à 0 ou à 1 la valeur de l’une des variables Ii considérées dans le problème initial : cette
variable est alors dite variable arbitrée, comme toutes celles ayant subi la même
transformation aux itérations précédentes. Les autres variables entières sont, quant à elles,
dites variables non arbitrées et sont caractérisées par le relâchement de leur contraintes
d’intégrité, qui sont alors remplacées par des contraintes du type :

0 ≤ Ii ≤ 1

Chaque problème dérivé Pj est donc associé à un sommet de l’arborescence, noté Sj,
qui est caractérisé :

199
- avant résolution : par une suite des variables ( I 1 , I 2 , I 3 ,  , I n−1 , I n ) , où
apparaîtront les valeurs 0 ou 1 retenues pour chacune des variables arbitrées
et le symbole x pour les variables non encore arbitrées ;

- après résolution : par la valeur de la fonction objectif à optimiser, encore


appelée valeur de la fonction d’évaluation (notée Fj).

L’intérêt essentiel de cette procédure est de réduire les temps de calcul nécessaires à la
résolution du problème posé initialement, puisqu’elle évite d’envisager et donc de résoudre
l’ensemble des problèmes dérivés du problème initial18. En effet, le principe de cet algorithme
est de ne visiter que les branches de l’arborescence qui passent par les sommets associés à la
meilleure19 valeur de la fonction d’évaluation, ceux-ci (appelés sommets champions) étant
déterminés à chaque itération par comparaison des fonctions d’évaluation associées aux seuls
sommets pendants de l’arborescence.

Par sommet pendant, on entend tout sommet de l’arborescence ne disposant pas de


successeur : cela concerne naturellement les deux sommets créés à une itération donnée (par
l’arbitrage à 0 ou 1 de la valeur de la variable entière étudiée à cette itération), mais également
d’autres sommets, qui ont été écartés, à une itération précédente, de la procédure
d’arborescence au travers de l’application du critère de la meilleure fonction d’évaluation.

Dès lors, l’enchaînement d’une itération à l’autre consiste à conserver les arbitrages
retenus pour ledit sommet champion à l’itération courante et à envisager, dans le cadre de
l’itération suivante, un nouvel arbitrage en fixant à 0 ou 1 la valeur d’une variable non encore
arbitrée à ce stade de la procédure arborescente. La procédure s’arrête lorsqu’il n’est plus
possible d’effectuer un arbitrage supplémentaire c’est-à-dire lorsque le sommet champion est
un sommet terminal, i.e. un sommet associé à un problème dérivé où toutes les variables
entières sont arbitrées. A ce stade, ce sommet caractérise en effet l’optimum.

18
En effet, si le modèle considéré comportait n variables entières bivalentes, cela nécessiterait la résolution de
2n modèles, puisque chacune des variables bivalentes peut prendre les valeurs 0 ou 1.
19
i.e. la plus élevée dans le cas d’un problème de maximisation et la moins élevée dans le cas d’un problème de
minimisation.

200
Ce résultat tient au fait qu’à chaque itération, le passage d’un problème dérivé Pj aux
deux problèmes dérivés suivants Pj+1 et Pj+2 est opéré en resserrant les contraintes d’intégrité
relatives à la variable entière étudiée à l’itération considérée soit, consécutivement, en
restreignant le domaine des solutions réalisables ce qui induit forcément une dégradation (ou
une constance) de la fonction objectif à optimiser. Dès lors, la valeur de la fonction
d’évaluation associée à un sommet pendant est forcément supérieure (ou égale) à celles de
tous les sommets terminaux qui en seront issus. Or, par définition, le sommet champion
présente la meilleure valeur de la fonction d’évaluation parmi tous les sommets pendants de
l’arborescence à une itération donnée. Finalement, il apparaît que la valeur d’un sommet
terminal champion ne peut être que meilleure par rapport à celle de tous les sommets
terminaux.

201
Annexe 4.2 : Notations des produits et
unités de production du modèle d’offre
linéaire

Notation des produits :

ares : résidu de distillation atmosphérique


aw : eau douce de l’Athabasca
bit : bitume
blgasc : essence entrant dans la composition du brut synthétique
blgazoc : gazole entrant dans la composition du brut synthétique
blkeroc : kérozène entrant dans la composition du brut synthétique
c3c4 : coupe C3C4
ck : coke de pétrole
ckgas : essence de cokéfaction
ckgazo : gazole de cokéfaction
dbi : bitume dilué
die : diesel
dl : diluant (type C5+)
dll : perte de diluant
dlr : diluant récupéré
fg : fuel gas
fro : mousse de bitume
gas : essence des hydrotraitements
gazo : gazole des hydrotraitements
h2 : hydrogène
h2s : soufre hydrogéné

203
kero : kérozène des hydrotraitements
mor : minerai de bitume concassé
nap : naphta
ng : gaz naturel
nh3 : ammoniac
ore : minerai de bitume
pi370: sous-mélange des coupes essence, kérozène et gazole entrant dans la
composition du brut synthétique
sco : brut synthétique
sg : soufre gazeux
sl : soufre liquide
slu : boue minerai/bitume, eau chaude, caustiques)
srgas : essence de distillation atmosphérique
srgazo : gazole de distillation atmosphérique
srkero : kérozène de distillation atmosphérique
tai : déchet liquide
uplpg : gaz de pétrole liquéfié (entrant dans la composition du brut synthétique)
vgo : gazole de distillation sous vide
vres : résidu de distillation sous vide
vdist : distillat sous vide
vhtdist : distillat des hydrotraitements
wt : eau douce

Notations des utilités :

cw : eau froide
hw : eau chaude
prw : eau de procédé
pw : électricité
st : vapeur BP/MP
sst : vapeur MP/HP

204
Notations des unités de production :

Unités d’extraction :

MINE : extraction de minerai par techniques minières et concassage


SAG : extraction de bitume in situ
HTP : hydrotransport
EXT : extraction du bitume
CTR : centrifugation
DIL: dilution
PON : étangs de décantation

Unités de valorisation du bitume (upgrading) :

NRC : récupération de naphta


ADI : distillation atmosphérique
VDI : distillation sous vide
DCK : cokéfaction retardée
NHT : hydrotraitement coupes naphta-gasoil
VHT : hydrotraitement coupes distillats sous vide
LIQ : liquéfaction des gaz de pétrole
BLgas : blending essence
BLkero : blending kérozène
BLgazo : blending gazole
BLpi370 : blending essence, kérozène et gazole
BLsco : blending pi370, gaz de pétrole liquéfié et distillat VHT
SMR : production d’hydrogène par reformage du méthane
CLA : traitement des fumées soufrées

Unités de production des utilités :

NGB : chaudière de production de vapeur BP/MP et d’eau chaude au gaz naturel


SNGB : chaudière de production de vapeur MP/HP au gaz naturel
NGCC : cycle combiné au gaz naturel pour la production d’électricité

205
Unités de traitement de l’eau :

BUYAW : pompage et déviation d’eau de la rivière Athabasca


FIWU : filtration
DEWU : déminéralisation
YRWU : recyclage des eaux usées

206
Annexe 4.3 : Données de rendements
techniques

- Tableau des rendements massiques des unités d'extraction minière :

produit/unité MINE HTP EXT CTR DIL PON


de production
dl -0.28
ore -1
mor 1 -1
slu 1.3 -1
fro 0.15 -1
bit 0.518 -1
dbi 1.28
nap -0.008
tai 1.17 0.482 1
die -0.00093
Consommation d’utilités
st -0.04
hw -0.3 -0.32
pw -4.01 -2.93 -3 -1
Sources : Ordorica, 2007 (p.68-69); MINE et DIL : Ordorica, 2007 (p.68-69); Gachadouat et
Hérault, 2006
Hypothèse supplémentaire : perte de 2% de naphta dans unité CTR
Sources consommation d’utilités : Ordorica, 2007 (p.68-69) ; Electricité : Ordorica, 2007
(p.68-69) ; Dunbar, 2006; Bersak et Kadak, 2007

Consommation de produits : unité en tonnes


Consommation d’utilités :
st, hw : unité en tonnes
pw : unité en kWh

207
- Tableau des rendements massiques des unités d'extraction in situ :

produit/unité SAG DIL


bit 1 -1
dbi 1.28
dl -0.28
Consommation d’utilités
sst -2.4
pw -19.2
Sources : SAG : Suncor, 2010 (SOR=2.4); Ordorica, 2007 (p.68); DIL : Gachadouat et
Hérault, 2006

Consommation de produits : unité en tonnes


Consommation d’utilités :
sst : unité en tonnes
pw : unité en kWh

208
Tableau des rendements massiques des unités d’upgrading et de blending :

produit/ Unités d’upgrading Unités de blending


unité NRC ADI VDI DCK NHT VHT LIQ SMR CLA BLgas BLkero BLgazo BLpi370 BLsco
dbi -1
bit 0.78125 -1
dlr 0.21656
dll 0.00219
srgas 0.0026 -1
srkero 0.0116 -1
srgazo 0.1062 -1
ares 0.8796 -1
vgo 0.1905 -1
vres 0.8095 -1
h2s 0.0226 0.0165 0.0355 -1
uplpg 1 -1
fg 0.0329 0.0004 0.003
vdist 0.2603 -1
nh3 0.00065 0.0017
c3c4 0.0328 0.00065 0.0027 -1
ckgas 0.1256 -1
ckgazo 0.2378 -1
gas 0.2384 0.0092 -1
kero 0.1878 0.0198 -1
gazo 0.5556 0.1682 -1
blgasc 1 -1
blkeroc 1 -1
blgazoc 1 -1
pi370 1 -1
ck 0.288
h2 0.0085 0.0102 1
vhtdist 0.7599 -1
sco 1
ng 145.529
sg 0.0019
sl 0.9393
Consommation d’utilités
cw -0.71 -2.1 -0.89 -0.8 -0.63 -62.512
prw -0.066 -0.123 -0.095 -17.959 -1.252
st -0.019 -0.033 -2.192
sst -0.071 -0.083 -0.076
pw -3.7 -2.3 -6.8 -10.8 -9.7 -124
Sources : Gachadouat et Hérault, 2006; NRC: Devenny, 2009 (p.3, hypothèse: perte de 1% de
naphta dans unité NRC)
Source consommation d’utilités : Gachadouat et Hérault, 2006

Consommation de produits : unité en tonnes


Consommation d’utilités :
cw, prw, st, sst : unité en tonnes
pw : unité en kWh

209
Tableau des rendements des unités de production d'utilités :

produit/unité NGB SNGB NGCC


ng 4.83 3.41 0.00564
st 1
sst 1
hw 10.21
prw -10.23 -0.038 -0.02
pw -10 -10.2 1
Sources : NGB : Ordorica, 2007; Bersak et Kadak, 2007; Parsons et Lacombe, 2007; SNBG :
Gachadouat et Hérault, 2006; NGCC : Naini et al., 2005; Gachadouat et Hérault, 2006

Consommation de produits :
ng : unité en MBtu

Consommation d’utilités :
st, sst, hw, prw : unité en tonnes
pw : unité en kWh

Tableau des rendements des unités de traitement de l’eau :

produit/unité BUYAW FIWU DEWU YRWU


aw 1
wt 0.999 1 1 1
prw 0.999 x
cw 1 x
Source : CAPP, 2009b

Hypothèse 1: perte de 0.01% d’eau dans les unités BUYAW et DEWU.


Hypothèse 2 : le rendement x représente la quantité d’eau usée de type prw et cw recyclée
dans l’unité YRWU. Nous avons supposé qu’il évoluait en fonction des périodes pour tenir
compte d’une réglementation plus contraignante sur le recyclage des eaux usées. Pour la
filière minière, les valeurs suivantes ont été fixées : 2005 :0.75 ; 2010-2015 : 0.80 ; 2020-
2025 : 0.85 ; 2030-2045 : 0.87. Pour la filière in situ, les valeurs suivantes ont été fixées :
2005 :0.80 ; 2010-2015 : 0.85 ; 2020-2025 : 0.87 ; 2030-2045 : 0.89.

210
Annexe 4.4 : Equations de capacité par
unité de production

- Unités d’extraction minière

z MINE ,t = xMINE ,ore,t


z HTP ,t = xHTP ,mor ,t ≤ x' MINE , mor ,t
z EXT ,t = xEXT , slu ,t ≤ x'HTP , slu ,t
zCTR ,t = xCTR , fro ,t ≤ x'EXT , fro ,t
z DIL ,t = xDIL ,bit ,t ≤ x'CTR ,bit ,t
z PON ,t = xPON ,tai ,t ≤ x' EXT ,tai ,t + x'CTR ,tai ,t

- Unités d’extraction in situ

z SAG ,t = x'SAG ,bit ,t


z DIL ,t = xDIL ,bit ,t ≤ x'SAG ,bit ,t

211
- Unités d’upgrading et de blending

z NRC ,t = xNRC ,dbi ,t ≤ x' DIL ,dbi ,t


z ADI ,t = x ADI ,bit ,t ≤ x' NRC ,bit ,t
zVDI ,t = xVDI ,ares ,t ≤ x' ADI ,ares ,t
z DCK ,t = xDCK ,vres ,t ≤ x'VDI ,vres ,t
z NHT ,t = x NHT , gas ,t + x NHT ,kero,t + xNHT , gazo,t ≤ ( x' ADI , gas ,t + x' ADI ,kero,t + x' ADI , gazo ,t ) + ( x' DCK , gas ,t + x' DCK , gazo,t )
zVHT ,t = xVHT ,vdist ,t ≤ x'VDI ,vgo,t + x' DCK ,vdist ,t
z LIQ ,t = xLIQ ,lpg ,t ≤ x' DCK ,c3c4 ,t + x' NHT ,c3c4 ,t + x'VHT ,c3c4,t
z SMR ,t = x'SMR ,h2,t
zCLA,t = xCLA, h2s ,t ≤ x' DCK , h2s ,t + x' NHT ,h2s ,t + x'VHT ,h2s ,t
z BLgas ,t = xBLgas , gas ,t ≤ x' NHT , gas ,t + x'VHT , gas ,t
z BLkero ,t = xBLkero, kero ,t ≤ x' NHT ,kero,t + x'VHT ,kero ,t
z BLgazo ,t = xBLgazo , gazo,t ≤ x' NHT , gazo ,t + x'VHT , gazo ,t
z BLpi 370 ,t = xBLpi 370 , pi 370 ,t ≤ x' BLgas , gas ,t + x' BLkero ,kero,t + x' BLgazo , gazo,t
z BLsco,t = xBLsco , sco,t ≤ x'VHT ,vdist ,t + x' LIQ ,lpg ,t + x' BLpi 370 , pi 370 ,t

- Unités de production d’utilités

z NGB ,t = x' NGB , st ,t


z SNGB ,t = x'SNGB , sst ,t
z NGCC ,t = x' NGCC , pw,t

212
Annexe 4.5 : Méthodes d'estimation du
taux d'actualisation

Les explications développées dans cette annexe sont issues des ouvrages de décision
d’investissement et de calcul économique de Babusiaux (1990) et Babusiaux et Pierru (2005).
Trois méthodes d’estimation du taux d’actualisation peuvent être utilisées, selon le type de
financement considéré. Dans cette thèse, nous avons choisi d’estimer le taux d’actualisation à
partir de la méthode globale, dans laquelle nous nous plaçons du point de vue interne de
l’entreprise. Sous cette condition, le taux d’actualisation à considérer est un coût moyen
pondéré du capital (fonds propres et dettes) après impôts, où « wacc » d’après l’appellation
anglophone. Les « wacc » des entreprises cotées sont calculés à partir de données sur le coût
de la dette, l’endettement, la rentabilité des actionnaires espérée et le taux d’imposition, et
sont disponibles dans les rapports d’analystes financiers.

En introduisant les notations suivantes :

x : indice de la méthode de calcul du taux d’actualisation


rx : taux d’actualisation calculé à partir de la méthode x
Į : taux d’endettement (de l’entreprise)
tx : taux d’imposition
Cd : coût de la dette
Cp : coût des capitaux propres,

iméthode globale = « wacc » = Į (1-tx)Cd + ( 1-Į)C p

213
Lors des années d’investissement, tous les investissements sont considérés quelque
soit leur mode de financement (emprunt ou fonds propres). Cette méthode est bien adaptée au
corporate financing mais elle s’appuie sur l’hypothèse implicite que tous les projets financés
par l’entreprise ont la même structure de financement égale à la moyenne des structures de
tous les projets de l’entreprise. Cette méthode est adaptée pour des projets plutôt « petits » par
rapport à la capacité de financement de l’entreprise, pour lesquels aucun financement
particulier ne sera affecté. Elle est aussi adaptée pour de grands projets d’entreprises dont le
ratio d’endettement doit être strictement respecté. Cependant, cette méthode peut être mal
adaptée pour des entreprises très présentes à l’international dont chaque projet bénéficie d’un
taux d’imposition propre à sa localisation. Une entreprise cherchera à définir un nombre
restreint de taux d’actualisation ce qui implique une fiscalité relativement homogène pour
tous ces projets.

Dans le cas des entreprises pétrolières notamment présentes dans l’amont pétrolier,
une autre méthode s’affranchissant de cette difficulté s’est largement répandue : la méthode
d’Arditi-Lévy (dite aussi « shadow interest »). Le point de vue global des bailleurs de fonds
est conservé mais le taux d’actualisation est défini avant impôt (unique à l’échelle de
l’entreprise). Cette méthode permet de prendre en compte l’effet de levier dû à l’emprunt (les
frais financiers sont déductibles des impôts) mais elle nécessite de connaître l’échéancier de
remboursement de l’emprunt. Le taux d’actualisation calculé par cette méthode s’écrit alors :

iméthode AL = « btwacc » = ĮCd + ( 1-Į )C p

Enfin, l’introduction du point de vue de l’actionnaire (basée sur un concept de finance


classique selon lequel l’actionnaire est le propriétaire de l’entreprise) débouche sur la
méthode des fonds propres. Le taux d’actualisation est l’espérance de rendement de
l’actionnaire et l’investissement considéré est l’investissement total moins l’emprunt. Cette
méthode est adaptée pour le project financing, c’est-à-dire pour un projet géré par une filiale
créée spécialement. Cette méthode permet également de prendre en compte l’effet de levier
dû à l’emprunt. Le taux d’actualisation calculé par la méthode des fonds propres s’écrit
simplement :

214
iméthode FP = C p

Le coût de la dette propre à un projet dépend du taux d’emprunt e accordé par


l’organisme créancier. Il est déterminé de la manière suivante :

Cd = e = LIBOR + prime de risque

Le LIBOR est un taux de référence servant à la détermination des taux d’intérêt à


court-terme publié par la British Bankers Association (BAA), basé sur la compilation de
données issues d’un panel de banques. La prime de risque est spécifique à chaque banque et
dépend en général du portefeuille de celle-ci. Le risque est différent d'un pays à un autre et
d'un acteur économique à un autre. La banque utilise ce qu'on appelle le RAROC (Risk
Adjusted Return On Capital) pour déterminer la prime de risque en fonction de la notation du
pays ou de la société considérée et la rentabilité globale du portefeuille de la banque. Le
RAROC est un taux de rentabilité espérée tenant compte des pertes éventuelles
(essentiellement par le non paiement des traites de remboursement ou par un risque
opérationnel ; Holton, 2007). De plus, dans le cas du project financing, c’est-à-dire un
financement pour lequel seul le projet est garant (le créancier ne pourra pas se retourner
contre les compagnies présentes dans le projet même si les traites de remboursement ne sont
pas versées), le taux d’intérêt du prêt accordé est souvent un peu plus élevé car les risques de
non paiement sont plus élevés.

Les modèles économiques et analyses de sensibilité réalisés dans cette thèse utilisent
un taux d’actualisation estimé à partir de la méthode globale, par manque d’informations sur
la structure de financement des projets et les annuités de remboursement.

215
Chapitre 5 : Modélisation de l'offre
en présence d’incertitudes

En l’absence d’incertitude, les trajectoires historiques d’investissement et de


production dans le secteur non conventionnel canadien ont été modélisées de manière
satisfaisante à partir d’un modèle d’optimisation sous contraintes en programmation linéaire,
en considérant une stratégie rationnelle de maximisation du profit intertemporel du secteur
non conventionnel.

Toutefois, la décision d’investissement d’une firme s’inscrit en pratique dans un


contexte incertain, en particulier pour une firme industrielle dont la durée de vie des projets
peut atteindre plusieurs décennies. Sur de tels horizons temporels, les mécanismes
d’anticipation et de couverture contre les fluctuations de certains paramètres économiques
restent limités. La prise en compte des incertitudes dans le processus décisionnel permet alors
à la firme de prendre de meilleures décisions.

La prise en compte d’incertitudes par le modèle d’offre en programmation linéaire


n’est pas aisée puisqu’elle nécessite l’introduction de scénarios stochastiques qui peuvent
rapidement accroître la taille du modèle (exponentiellement en fonction du nombre de
périodes). L’introduction simultanée de paramètres stochastiques et de variables entières rend
la résolution numérique d’autant plus difficile. De plus, la méthode classique de réduction des
scénarios (Heitsch et Römisch, 2003) ne peut pas être utilisée puisque le modèle intègre des
variables discrètes.

Un second modèle d’investissement basé sur la programmation dynamique (PDYN) a


été élaboré en complément afin de modéliser le comportement d’investissement des

217
producteurs du secteur non conventionnel en présence d’incertitude. Sa description fait l'objet
de ce chapitre. Le plan est similaire à celui du chapitre précédent. La structure générale du
modèle d’offre stochastique est présentée dans la première section, tandis que sa structure
détaillée est décrite dans la seconde section. Une seule source d’incertitude portant sur le prix
de vente de la ressource a été considérée pour les développements présentés dans ce chapitre.
La dernière section est consacrée à l’analyse des résultats issus des simulations rétrospectives.

5.1 Structure générale du modèle d’offre


stochastique

5.1.1 Description du problème

La première étape méthodologique consiste à déterminer les « états » permettant de


décrire parfaitement notre problème de décision d’investissement. Nous avons choisi de
décomposer notre problème sur les deux états suivants : « production cumulée de bitume
canadien » et « capacité de production cumulée installée ». A chaque période, notre problème
est alors décrit par une combinaison unique des valeurs prises par les variables d’états
« production cumulée, capacité de production installée ». A chaque période, ces variables
d’état peuvent être modifiées par les variables d’action ou de décision « niveau de
production » et « niveau d’investissement ». Le problème de décision d’investissement revient
alors à déterminer à chaque période les valeurs prises par les variables d’état tout en
satisfaisant l’objectif de maximisation de la fonction objectif intertemporelle.

Introduisons les notations suivantes :

X t : production cumulée à la période t

K t : capacité cumulée installée à la période t

X t : niveau de production à la période t

K t : niveau d’investissement à la période t

218
Soient ȍ et A les ensembles des variables d’état et d’action respectivement. E X , EK
définissent les ensembles distincts des variables d’état « production cumulée » et « capacité
cumulée installée », tandis que DX , DK définissent les ensembles des variables de décision
« niveau de production » et « niveau d’investissement ».

Ω = E X × EK
(5-1)

A = DX × DK
(5-2)

Chaque combinaison des deux variables d’état à la période t est définie par la variable
globale d’état ωt = ( X t , K t ) :

ω t ∈ Ω, X t ∈ E X , K t ∈ E K
(5-3)

De même, chaque combinaison des deux variables d’action à la période t est définie
par la variable globale d’action at = ( X t , K t ) :

at ∈ A, X t ∈ D X , K t ∈ DK
(5-4)

La taille du modèle s’accroît exponentiellement en fonction du nombre de périodes n.


n
Sa complexité est définie par comp(n) = Ω( E ), où E > 1 est le nombre d’états possibles à

chaque période. Pour assurer la résolution numérique du modèle, il est indispensable de


limiter la dimension de l’ensemble des états (Mokrian et Moff, 2006).

Les états sont reliés de manière temporelle par les variables d’action. Chaque
combinaison at des variables d’action permet de passer d’un état Ȧt à la période t à un nouvel
état Ȧt+1 à la période t+1 par les deux équations dynamiques suivantes :

219
X t +1 = X t + X t
(5-5)

K t +1 = K t + K t
(5-6)

La production cumulée Xt+1 à la période t+1 équivaut à la production cumulée Xt à la


période t augmenté du niveau de production X t à la période t. De même, la capacité cumulée
installée Kt+1 à la période t+1 est équivalente à la capacité cumulée installée Kt à la période t
incrémentée de l’investissement K t effectué à la période t.

La description de notre problème est dynamique en temps discret. Les variables d’état
et d’action ne peuvent prendre que des valeurs entières. L'introduction de la variable d'état
« production cumulée » permet de modéliser de manière endogène un coût d'extraction non
linéaire en fonction de la production ou de la production cumulée, illustrant une difficulté
croissante d’extraction de la ressource (cf. sous-section 3.1.1). L'introduction de la variable
d'état « capacité cumulée installée » permet également d'introduire des non linéarités dans la
fonction de coût du capital. Une évolution décroissante du coût marginal en fonction des
capacités cumulées traduit ainsi des effets d'échelle ou d'envergure, tandis qu'une évolution
croissante traduit des déséconomies d'échelle ou des rendements décroissants.

Dans les simulations rétrospectives, seules les variables d’état et d’action «capacité
installée » et « niveau d’investissement » ont été considérées dans la spécification du modèle,
en raison des deux simplifications suivantes. Bien qu’une fonction de coût opératoire
d’extraction du bitume ait été estimée en fonction de la production cumulée (cf. sous-section
3.2.1), l’évolution du coût opératoire en fonction du temps est introduite de manière exogène
au modèle, comme dans le modèle d’investissement précédent. Nous supposons également
que les unités productives fonctionnent à 100% des capacités installées, et les deux variables
globales peuvent donc être confondues. La variable globale d’état se réduit alors à: ωt = K t ,

tandis que la variable globale d’action se simplifie telle que: at = K t .

220
5.1.2 Principe d’optimalité

A partir de la description dynamique discrète du problème étudié, la résolution du


modèle est effectuée par récursivité inverse. La date finale à partir de laquelle débute la
résolution reste identique à celle du modèle d’offre linéaire précédent.

Après avoir défini les conditions aux limites, les préférences des producteurs sur l’ensemble
de la période considérée peuvent être caractérisées par la fonction objectif intertemporelle
suivante :

T
FT (ω , a ) = ¦ f t (ω t , at )
t =0
(5-7)

pour tout ωt ∈ Ω, at ∈ A

Pour une stratégie et un état donné, la fonction objectif intertemporelle des


producteurs FT est égale à la somme sur l’ensemble des périodes considérées des fonctions
objectif ft actualisées obtenues sur chaque période. La fonction objectif vérifie les conditions
d’additivité et de séparabilité sur les périodes t.

Définissons ensuite la fonction V à la période finale T, telle que :

VT (ωT ) = max[ f T (ωT , aT )]


aT ∈ A

(5-8)

VT (ωT ) correspond à la valeur maximale que peut prendre la fonction objectif associée
à un état ȦT à la période finale T.

En généralisant sur les périodes t, nous obtenons :

­ T
½
Vt (ω t ) = max
at , a s ∈ A;ωt ,ω s ∈Ω ;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
®
¯
f t (ω t , a t ) + ¦
s = t +1
f s (ω s , a s )¾
¿
(5-9)

221
Il en résulte la relation de récursivité inverse suivante :

Vt (ω t ) = max
at ∈A;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
{ f t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 )}
(5-10)

La stratégie optimale a *t (ωt ) peut alors être déterminée récursivement sur chaque
période et chaque état accessible :

a *t (ω t ) = arg max [ f t (ω t , at ) + Vt +1 (ω t +1 )]
at ∈ A;ωt +1 =ωt + at ∈Ω

(5-11)

La stratégie globale optimale correspond ainsi à la séquence des stratégies optimales


locales déterminées sur chaque période (principe d’optimalité démontré par Bellman, 1955),
les états accessibles étant définis par les relations dynamiques (5-5) et (5-6).

5.2 Structure détaillée du modèle d’offre


stochastique

5.2.1 Incertitude sur le prix de vente

Le développement des ressources pétrolières non conventionnelles peut être impacté


par différents types d'incertitudes. A court et moyen terme, le prix de la ressource et ses
fluctuations peuvent être anticipés à partir d'observations sur les marchés forward. Ces
informations permettent aux industriels d'utiliser des mécanismes de couverture contre la
volatilité des prix pour se prémunir contre le risque prix. Toutefois, la trajectoire de prix reste
difficile à anticiper à long terme, sur toute la durée de vie d'un projet non conventionnel,
typiquement de l'ordre de 20 à 30 années. Les producteurs sont ainsi amenés à élaborer des
scénarios tendanciels de prix afin de tester la rentabilité économique des investissements
envisagés sous plusieurs futurs possibles.

D’autres sources d’incertitudes subsistent. L'évolution des coûts de production tout au


long d'un projet est également incertaine, puisqu'elle dépend de nombreux facteurs difficiles à
anticiper et quantifier. Les coûts de production peuvent être réduits grâce au progrès
technique, ou au contraire réévalués à la hausse en période de tension sur les marchés des

222
matières premières et commodités énergétiques (augmentation des coûts de construction ou
des coûts d'approvisionnements) ou lorsque l'analyse technico-économique d'un projet n'a pas
été effectuée correctement par manque d'expérience (technologie non mature). La rentabilité
d'un projet non conventionnel est également soumise à des incertitudes réglementaires, par
exemple fiscales ou environnementales. Malgré l’intérêt de cette problématique, nous nous
sommes limités à l’introduction d’une seule source d’incertitude portant sur le prix de vente
de la ressource dans l’analyse rétrospective.

Dans le modèle d’investissement en programmation dynamique, l'incertitude sur le


prix de vente de la ressource est modélisée en introduisant trois scénarios de prix
stochastiques par période et en leur attribuant des probabilités de réalisation associées. Les
scénarios stochastiques de prix sont élaborés à partir d’observations sur les marchés. Après
avoir vérifié que la distribution des séries de prix Ρq t ( q représentant l’indice du produit

valorisé en tant que brut synthétique ou bitume) suit une loi normale sur la période
considérée, caractérisée par une moyenne M q t et un écart-type σ q t , trois scénarios de prix

pqs t sont alors introduits :

pq1t = M q t − σ q t
(5-12)

pq 2 t = M qt
(5-13)

pq 3 t = M q t + σ q t
(5-14)

avec les probabilités associées α q s ∈ [0.16,0.68,0.16] , indépendantes des périodes considérées.

Puisque le produit valorisé est fixé de manière exogène, préalablement à la résolution


du modèle (cf. sous-section 4.3.1), nous pouvons enlever sans perte de généralité l'indice q
des scénarios stochastiques pour la suite du développement analytique. Les trois scénarios de
prix peuvent alors être réécrits sous la forme :

223
p1t = M t − σ t
(5-15)

p2 t = M t
(5-16)

p3t = M t + σ t
(5-17)

5.2.2 Description de la fonction objectif

Sur chaque période t, la fonction de profit π s t (ωt , at , ps t ) associée à un état ωt , une

stratégie at et un scénario de prix de la ressource pst, est définie telle que :

π s t (ωt , at , ps t ) = β t [( ps t − cv t ) K t − c f t ( K t + K t − K Dt )]
(5-18)

Avec :

ȕt : facteur d’actualisation sur la période t


cv t : coût opératoire variable sur la période t

c f t : coût du capital sur la période t

K Dt : capacité de production déclassée à la période t

De l’irréversibilité est introduite dans le modèle d’investissement par les coûts fixes,
fonction de la capacité cumulée installée et de l’investissement en cours de période, non nuls
même en cas d’arrêt de la production. Les coûts opératoires sont définis de la même manière
que dans le modèle d'offre linéaire, incluant les coûts d’approvisionnement en matières
premières et énergétiques, les coûts de maintenance ainsi que les royalties.

L'estimation des paramètres rétrospectifs coûts et prix sera effectuée à partir des
mêmes données d'observations que celles présentées dans la sous-section 4.3.1. Néanmoins, la
méthode de comptabilisation du coût du capital est modifiée. Le coût du capital n'est plus
introduit par annuités constantes mais par un coût unitaire exprimé par unité de capacité

224
installée. Toutefois, la prise en compte du délai de construction correspondant à une période
est respectée.

L’algorithme de résolution du modèle dynamique est composé des deux étapes


suivantes. La résolution débute à la date finale T, puis les étapes sont répétées successivement
à chaque période jusqu’à ce que la date initiale du problème t0 soit atteinte.

Etape 1 : La valeur de la fonction objectif de profit π s t (ωt , at , p s t ) est calculée pour

chaque état ωt = K t , chaque action at = K t et chaque scénario de prix de la ressource ps t .

Etape 2 : Lors de la première itération à la période finale T, la stratégie optimale a *T


associée à chaque état ωT est celle qui maximise le profit espéré.

En revanche, lors des itérations successives (pour les périodes t<T), la fonction de
profit espéré à maximiser intègre deux termes: le premier correspond au profit instantané lié à
la production au cours de la période t tandis que le second terme correspond au profit espéré
maximum associé à l’état du problème que l’on peut atteindre à la période suivante t+1:

sur la période T:

­ ½
VT (ωT ) = max {E (π s T (ωT , aT ))} = max ®¦ α s T π s T (ωT , aT )¾
aT ∈A;ωT ∈Ω aT ∈A;ωT ∈Ω
¯ s ¿
(5-19)

­ ½
a *T (ωT ) = arg max ®¦ α s T π s T (ωT , aT )¾
aT ∈A;ωT ∈Ω
¯ s ¿
(5-20)

lorsque t<T (itérations successives):

­ ½
Vt (ωt ) = max
at ∈A;ωt +1 =ω + a ∈Ω
t t
{E (π s t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 ))} = max
a ∈A;ω =ω + a ∈Ω
t t +1 t t
®¦ α s t (π s t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 ))¾
¯ s ¿
(5-21)

225
­ ½
a *t (ωt ) = arg max ®¦ α s t (π s t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 ))¾
at ∈A;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
¯ s ¿
(5-22)

L'algorithme développé permet de résoudre des « sous-problèmes » identiques à


chaque période et d'évaluer les stratégies optimales globales de production et d'investissement
en présence d'incertitude sur les prix, à partir de la séquence des stratégies optimales locales
déterminées sur chacune des périodes. Une schématisation du principe de résolution de notre
modèle d’offre en programmation dynamique est proposée dans l’annexe 5.1.

5.2.3 Dimensionnement du modèle

La taille de la matrice combinatoire Ȥ du modèle est définie à partir de la taille des


ensembles incluant les variables d'action et d'état et du nombre de scénarios stochastiques. En
reprenant les notations présentées dans la section 5.1 et en posant :

E X : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble E X

E K : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble E K

D X : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble D X

DK : nombre d'éléments contenus dans l'ensemble DK

s : nombre de scénarios stochastiques sur le prix de la ressource,

la matrice Ȥ contient alors E X × EK × DX × DK × s éléments, qui seront testés à chaque
période.

L'introduction de la variable d'état représentant la production cumulée n'est pas


nécessaire pour les simulations rétrospectives, puisque nous avons choisi d’introduire
l’évolution historique des coûts d’extraction de manière exogène au modèle (cf. section 5.1).
La variable d'action représentant le niveau de production est également retirée du modèle. La
matrice réduite ne contient plus que EK × DK × s éléments.

226
Le nombre de projets lancés en parallèle sur chaque période est également limité. A
l'instar des hypothèses présentées dans la sous-section 4.3.1, nous limiterons le nombre de
projets miniers lancés en parallèle à 6 par période (300 kb/j d’extension maximale par
période) et celui des projets in situ à 4 par période (200 kb/j) lors des simulations
rétrospectives. La planification historique de production et d'investissement minier est
effectuée sur 6 périodes (1980-2005) tandis que la planification historique in situ est effectuée
sur 5 périodes (1985-2005).

Contrairement au premier modèle en programmation linéaire, qui acceptait une valeur


de capacité de production installée à la date initiale non entière (capacité pas forcément
proportionnelle à la capacité de référence des nouveaux projets à 50 kb/j), le modèle d'offre en
programmation dynamique requiert une valeur initiale entière. La variable d'état représentant
la capacité de production installée à la date initiale est prise égale à 2 dans le cas de la
technologie minière (estimation à 100 kb/j pour une capacité observée de 127.7 kb/j en 1980)
et 1 dans le cas de la technologie in situ (estimation à 50 kb/j pour une capacité observée de
44.6 kb/j en 1985). Bornés par la valeur maximale du nombre de projets lancés en parallèle,
les ensembles EK , DK contiennent respectivement 30 et 7 éléments pour l'analyse minière et
17 et 5 éléments pour l'analyse in situ. Sur chaque période, la matrice combinatoire Ȥ contient
alors 630 éléments pour l'analyse minière et 255 éléments pour l'analyse in situ. L'algorithme
est écrit en langage Python et le problème combinatoire est résolu en quelques CPU sur un
processeur Pentium 4 avec 1 Gbit de RAM.

5.3 Simulations rétrospectives du modèle d’offre


stochastique

L'analyse rétrospective du développement de la filière pétrolière non conventionnelle


canadienne permet à nouveau de calibrer le modèle d’offre en programmation dynamique et
de vérifier la significativité des stratégies de production et d’investissement simulées. Un
premier passage, effectué en utilisant un paramétrage identique à celui obtenu avec le modèle
d’offre en programmation linéaire (excepté la comptabilisation des dépenses
d’investissement, cf. sous-section 5.2.2) et sans incertitude sur le prix de vente, met en
évidence une forte surestimation du niveau d’investissement par rapport aux observations.
Des tests comparatifs indiquent que ces écarts proviennent du système de comptabilisation

227
des dépenses d’investissements et de la modélisation des contraintes fiscales. Dans le modèle
d’offre en programmation linéaire, un coût unitaire du capital moins lissé, la saturation d’une
des contraintes fiscales, ainsi que celle d’une des contraintes budgétaires dans le cas de la
technologie in situ, tendent à dégrader la fonction objectif et par conséquent à obtenir des
stratégies de développement plus conservatives. Pour nous affranchir de ce biais, nous avons
alors introduit deux coefficients de pondération sur le coût du capital et les coûts opératoires
dans le modèle d’offre en programmation dynamique. Le premier coefficient nous permet de
limiter le biais introduit par les différences de spécification du coût du capital, tandis que le
second permet de répercuter la dégradation de la fonction objectif associée à la saturation
d’une des contraintes fiscales et budgétaires en pénalisant légèrement les coûts opératoires
(incluant les royalties).

5.3.1 Premier test de calibration et surestimation des


stratégies d’investissement

5.3.1.1 Fonction de coût initiale

En programmation dynamique, la méthode de résolution ne permet pas de


comptabiliser les dépenses d’investissement comme précédemment en annuités constantes à
verser sur trois périodes, puisqu’elle repose sur un processus markovien reliant uniquement
les états de deux périodes successives en t et t-1. Les dépenses d’investissement sont alors
comptabilisées à partir d’un coût du capital unitaire défini par unité de produit. Ces coûts ont
été calculés sur chaque période à partir des coûts estimés à l’aide du modèle de
programmation linéaire reportés dans les tableaux 4.5 et 4.6. Ils ont été calculés à partir des
montants d'investissement, rapportés à la production actualisée à un taux de 8% sur une
période de 15 années pour la technologie minière et in situ respectivement (cf. tableaux 5-1 et
5-2). Les coûts sont exprimés en dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2000).

228
Tableau 5-1 : Coût unitaire du capital minier correspondant au coût du capital estimé en PL
sur la période 1980-2005

Période Coût du capital estimé en Capex unitaire


PL correspondant
M$CAN /projet de référence $CAN/b bitume
1980 1300 7.7
1985 1300 7.7
1990 1200 7.1
1995 1700 10.1
2000 1700 10.1
2005 3000 17.8
Source : résultats des simulations rétrospectives (PL)

Tableau 5-2 : Coût unitaire du capital in situ correspondant au coût du capital estimé en PL
sur la période 1985-2005

Période Coût du capital Capex unitaire


estimé en PL correspondant
M$CAN /projet de $CAN/b bitume
référence
1985 680 4.0
1990 680 4.0
1995 680 4.0
2000 800 4.7
2005 780 4.6
Source : résultats des simulations rétrospectives (PL)

5.3.1.2 Résultats des simulations

Sous un paramétrage identique à celui du modèle d’offre en programmation linéaire


(excepté la comptabilisation des dépenses d’investissement, cf. sous-section 5.2.2), les
stratégies de production et d'investissement simulées pour les technologies minière et in situ
sont surestimées par rapport aux trajectoires observées (figures 5-3 et 5-4 ; sous le scénario de
prix de référence). Les erreurs statistiques d’estimation sont présentées dans les tableaux 5-5
et 5-6.

Dans le cas de la technologie minière, l'erreur quadratique d’estimation atteint 535.6


kb/j de bitume, relativement élevée en comparaison avec la production observée cumulée à
1.6 Mb/j, tandis que l'erreur relative en valeur absolue atteint 138.6%. A titre d'exemple, en
2000 et 2005, la production minière optimale simulée s'élève à 1.1 et 1.4 Mb/j de bitume,
largement supérieure à la production observée, respectivement autour de 320 et 550 kb/j.

229
Figure 5-1 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-2005, sous
le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)

Tableau 5-3 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière sous le
scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)

Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1980 127.7 100 -0.217 767.0 0.217
1985 167.9 300 0.786 17441.3 0.786
1990 209.0 500 1.392 84680.8 1.392
1995 278.4 800 1.874 272105.5 1.874
2000 317.0 1100 2.470 613144.9 2.470
2005 543.7 1400 1.575 733165.8 1.575

Moyenne 535.6 138.6%


Source : résultats des simulations rétrospectives (PDYN)

De même, dans le cas de la technologie in situ, l'erreur quadratique d’estimation atteint


285.0 kb/j de bitume pour une production observée cumulée de 1.0 Mb/j tandis que l'erreur
relative en valeur absolue atteint 103.8%. En 2000 et 2005, la production optimale simulée
s'élève à 650 et 850 kb/j de bitume, nettement supérieure à la production observée, à 282 et
440 kb/j respectivement.

230
Figure 5-2 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005 sous le
scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)

Tableau 5-4 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ sous le
scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)

Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1985 44.61591781 50.0 0.121 29.0 0.121
1990 135.3814795 250.0 0.847 13137.4 0.847
1995 150.6670411 450.0 1.987 89600.2 1.987
2000 281.9470959 650.0 1.305 135462.9 1.305
2005 440.3861644 850.0 0.930 167783.5 0.930

Moyenne 285.0 1.038


Source : résultats des simulations rétrospectives (PDYN)

5.3.2 Action corrective par pondération de la fonction de coût

5.3.2.1 Fonction de coût pondérée

Afin de corriger les stratégies d’investissement simulées, un processus par


tâtonnement de pondération du coût du capital et des coûts opératoires a été utilisé.

Dans le cas de la filière minière, la calibration du modèle est satisfaisante pour des
coefficients de pondération respectivement égaux à 2.27 (coût du capital) et 1.01 (coûts

231
opératoires). L’écart relatif entre les fonctions objectif déterminées sous les deux
spécifications atteint -4.6%.

Le prix de vente du brut synthétique introduit sur les périodes 1980 et 1995 a
cependant dû être légèrement réduit pour la calibration du modèle (de 48.0 à 47.5 $US/b en
1980 et de 22.2 à 18.1 $US/b en 2005, soit une réduction de 1% et 18.5% respectivement).
L’ajustement marginal sur la première période permet de réduire l’écart de paramétrage par
rapport au prix observé (à 45.6 $US/b). Le second ajustement sur la période 1995 revient à
assouplir l’hypothèse limite qui consistait dès 1995 à valoriser en totalité la production au prix
du brut synthétique, puisque l’investissement intégrait le coût du capital des unités
d’extraction minière et d’upgrading (cf. paragraphe 4.3.2.3). Un prix de vente réduit en 1995
est ainsi comparable à un prix intermédiaire entre celui du brut synthétique et du bitume,
pouvant représenter un comportement de prudence de la part des producteurs pour cette
période de transition.

Dans le cas de la filière in situ, la calibration du modèle ne permet pas de retracer


exactement la trajectoire de production déterminée par le modèle précédent. La trajectoire
optimale la plus proche est obtenue pour des coefficients de pondération respectivement
égaux à 3.78 (coût du capital) et 1.007 (coûts opératoires).

A l’optimum, l’investissement de 100 kb/j initialement effectué en 1980 est remplacé


par deux investissements consécutifs de 50 kb/j en 1985 et 1990. Ce résultat s’explique par
l’élimination des contraintes budgétaires dans la seconde spécification du modèle, qui
empêchait l’investissement en seconde période, suite à l’investissement significatif effectué
en première période qui réduisait les revenus bruts instantanés et par conséquent le montant
d’investissement autorisé sur la période suivante. Néanmoins, les erreurs statistiques
d’estimation restent acceptables puisque la trajectoire de production observée est en réalité
intermédiaire aux deux trajectoires simulées, nécessairement simplifiées par l’introduction de
variables entières d’investissement. De plus, l’écart relatif entre les fonctions objectif
déterminées sous les deux spécifications atteint -4.5%. Par conséquent, la calibration est jugée
satisfaisante.

232
5.3.2.2 Résultats des simulations

Les profils de production simulés après pondération de la fonction de coût sont


présentés sur les figures 5-3 et 5-4, tandis que les erreurs statistiques d’estimation sont
synthétisées dans les tableaux 5-5 et 5-6 pour la technologie minière et in situ respectivement.

Les écarts relatifs entre production minière historique et estimée sont inférieurs à
10.7% en valeur absolue, hormis sur la première période, et atteignent en moyenne 10% sur
l’ensemble de la période considérée 1980-2005. L'écart obtenu sur la première période
(21.7%) provient de la discrétisation en nombre entiers de la variable « capacité cumulée
installée » à l'état initial.

600
Production (kb/j bitume)

500
400
300
200
100
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005

Production minière historique Production minière simulée (PDYN)

Figure 5-3 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-2005, sous
le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)

233
Tableau 5-5 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière sous le
scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)

Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1980 127.7 100.0 -0.217 767.0 0.217
1985 167.9 150.0 -0.107 321.6 0.107
1990 209.0 200.0 -0.043 81.0 0.043
1995 278.4 250.0 -0.102 804.4 0.102
2000 317.0 300.0 -0.054 287.8 0.054
2005 543.7 500.0 -0.080 1914.0 0.080

Moyenne 26.4 0.100


Source : résultats des simulations rétrospectives (PDYN)

Dans le cas de l'extraction in situ, les écarts relatifs entre production historique et
estimée sont également acceptables, moyennés à 10.4% sur l’ensemble de la période
considérée 1985-2005, mais atteignant néanmoins un maximum à 26.1% sur la période 1990.

Figure 5-4 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005 sous le
scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)

234
Tableau 5-6 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ sous le
scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)

Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1985 44.6 50.0 0.121 29.0 0.121
1990 135.4 100.0 -0.261 1251.8 0.261
1995 150.7 150.0 -0.004 0.4 0.004
2000 281.9 250.0 -0.113 1020.6 0.113
2005 440.4 450.0 0.022 92.4 0.022

Moyenne 21.9 0.104


Source : résultats des simulations rétrospectives (PDYN)

5.3.3 Simulations en présence d’incertitudes sur les prix

Les résultats de calibration du modèle d’offre basé sur la programmation dynamique


ont permis de valider un processus de décision d’investissement historique basé sur une
maximisation de profit sous contraintes, avec des agents qui suivent un comportement myope,
sans anticipation et sans prise en compte d’incertitude sur les prix de vente.

Dans le but de compléter l’analyse rétrospective, des simulations supplémentaires ont


été effectuées en introduisant une incertitude sur les prix de vente afin de déterminer l’impact
de cette incertitude sur le comportement optimal d’investissement des producteurs non
conventionnels. Trois scénarios de prix stochastiques ont ainsi été introduits dans le processus
décisionnel basé sur une maximisation de l’espérance de profit. Les résultats rétrospectifs
obtenus ont permis de mettre en évidence des comportements d’investissement plus
conservateurs en présence d’incertitudes.

5.3.3.1 Elaboration des scénarios de prix de vente

Pour chaque produit valorisé bitume et brut synthétique, trois scénarios de prix ont été
construits à partir des prix « Lloyd Blend » et « Syncrude Sweet Blend » et de leur volatilité
observés sur les marchés. Le scénario de prix moyen correspond à la trajectoire des prix spot
estimés lors de la calibration du modèle d’offre en programmation linéaire et présentés dans le
tableau 4.9 (paragraphe 4.3.2.3), excepté sur la période 1995 (cf. paragraphe 5.3.2.1). Sur
chaque période t, ces estimations sont comparables aux prix spot annuels moyens observés
lissés sur les périodes t et t-1.

235
La volatilité correspond à l'écart-type annuel des variations de prix mensuels
moyennés (Mohn et Osmundsen, 2006). Le scénario haut correspond au prix moyen mensuel
augmenté d'un écart-type, tandis que le scénario bas équivaut au prix moyen diminué d'un
écart-type. Les probabilités associées sont estimées à partir des caractéristiques d'une loi
normale, 68% des valeurs étant comprises dans l'intervalle [M − σ , M + σ ] , 16% des valeurs
étant strictement inférieurs à M − σ et 16% des valeurs étant strictement supérieures à M + σ .
Les probabilités associées aux scénarios bas, moyen et haut sont égales à 0.16, 0.68 et 0.16
respectivement. L'intégration verticale de l'extraction minière et de l'upgrading est introduite
comme précédemment de manière exogène au modèle. Entre 1980 et 1990, le signal prix
correspond au prix de valorisation du bitume, tandis qu’à partir de l’année 2000, la décision
d’investissement repose sur le prix de valorisation du brut synthétique (avec une période de
transition entre 1995 et 1999). Les tableaux 5-7 et 5-8 synthétisent les trajectoires de prix
estimées pour la technologie minière et in situ.

Tableau 5-7 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie minière
sur la période 1980-2005

Période de Prix moyens Prix min Prix moy Prix max Erreur relative
décision observés estimés estimés estimés Prix moy est/obs
$US/b $US/b $US/b $US/b
1980 47.6 41.0 47.5 54.0 -0.002
1985 26.1 25.3 26.1 26.9 0.000
1990 16.6 15.9 17.3 18.7 0.042
1995 22.6 16.2 18.1 20.0 -0.199
2000 36.0 30.3 35.1 39.9 -0.025
2005 57.5 51.6 56.8 62.0 -0.012
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; résultats des simulations rétrospectives (PL)

Tableau 5-8 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie in situ sur
la période 1985-2005

Période de Prix Prix min Prix moy Prix max Erreur


décision moyens estimés estimés estimés relative Prix
observés moy est/obs
$US/b $US/b $US/b $US/b
1985 26.1 25.3 26.1 26.9 0.000
1990 16.6 15.9 17.3 18.7 0.042
1995 15.3 13.6 15.0 16.4 -0.020
2000 22.9 20.5 22.9 25.3 0.000
2005 26.4 22.6 26.4 30.2 0.000
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; résultats des simulations rétrospectives (PL)

236
5.3.3.2 Analyse des résultats de simulation

Le profil de production simulé pour la filière minière est présenté sur la figure 5-5
tandis que les erreurs statistiques d’estimation sont synthétisées dans le tableau 5-9.

La prise en compte d’une incertitude sur les prix de vente dans le processus
décisionnel réduit significativement le niveau optimal d’investissement minier. Sous cette
spécification, seuls deux investissements, à 50 et 150 kb/j sont effectués en 1980 et 2000
respectivement. Les écarts relatifs entre production minière historique et estimée atteignent en
moyenne 34% (en valeur absolue) sur l’ensemble de la période considérée 1980-2005. La
réduction des investissements sur les périodes 1985-2000 provient de la contrainte de
positivité des royalties nettes. Sous le scénario minimum de prix, la stratégie initiale
d’investissement ne peut plus être maintenue puisque les royalties nettes associées, alors
négatives, ne satisfont plus les contraintes de modélisation. Les dépenses d’investissement
sont alors réduites, de manière à augmenter suffisamment les royalties nettes pour les rendre
positives.

Figure 5-5 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-2005 en


présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN)

237
Tableau 5-9 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière en
présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN)

Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1980 127.7 100.0 -0.217 767.0 0.217
1985 167.9 150.0 -0.107 321.6 0.107
1990 209.0 150.0 -0.282 3481.0 0.282
1995 278.4 150.0 -0.461 16477.0 0.461
2000 317.0 150.0 -0.527 27877.1 0.527
2005 543.7 300.0 -0.448 59413.6 0.448

Moyenne 134.4 34.0%


Source : résultats des simulations rétrospectives (PDYN)

En revanche, dans le cas de la filière in situ, la trajectoire optimale d’investissement


n’est pas modifiée en présence d’incertitudes sur les prix de vente. Même sous le scénario de
prix minimum, la totalité des contraintes de modélisation restent satisfaites sous la stratégie
d’investissement initiale.

En conclusion de ce chapitre, un modèle d’offre complémentaire basé sur la


programmation dynamique, d’une spécification plus simple car n’intégrant pas toutes les
contraintes techniques du modèle d’offre en programmation linéaire, mais permettant
d’introduire aisément des scénarios de prix stochastiques, a été élaboré. Après avoir décrit sa
structure générale et détaillée, sa calibration a été effectuée en pondérant les deux termes de la
fonction de coût initiale (coût du capital et coûts opératoires), afin d’éliminer les biais
introduits par la modélisation unitaire du coût du capital et une spécification différente du
système fiscal et des contraintes budgétaires. A l’instar du modèle de programmation linéaire,
les résultats rétrospectifs obtenus ont permis de valider un comportement d’investissement
historique basé sur une maximisation de profit, sans anticipation et prise en compte
d’incertitude sur les prix de vente.

Enfin, dans le cas de la technologie minière, un dernier test a permis de mettre en


évidence un comportement optimal d’investissement plus conservatif en présence
d’incertitude sur les prix de vente, sous trois scénarios stochastiques de prix. Ce résultat
provient du fait que les dépenses élevées d’investissement pèsent fortement sur les royalties
nettes. Afin de satisfaire la contrainte de positivité des royalties nettes, le niveau
d’investissement à l’optimum, sous le scénario de prix minimum, doit alors être réduit,

238
diminuant par conséquent le niveau optimal d’investissement déterminé à partir de la
maximisation de la fonction espérée de profit sous les trois scénarios de prix stochastiques.

239
Annexe 5.1 : Schématisation du principe
de résolution du modèle d’offre
stochastique

ƚĂƚƐĨŝŶĂƵdžăd
sĂƌŝĂďůĞĚ͛ĠƚĂƚ͗ Wϭd

X it ͗ƉƌŽĚƵĐƚŝŽŶĐƵŵƵůĠĞ WƌŽĚƵĐƚŝŽŶĐƵŵƵůĠĞ WϮd


sĂƌŝĂďůĞĚ͛ĂĐƚŝŽŶ͗ yϬd
Wϯd
X jt ͗ƉƌŽĚƵĐƚŝŽŶ Fi =0, j =0, sT −1 + E * ( Fi =0,T )
­ ½
^ĐĠŶĂƌŝŽƐĚĞƉƌŝdž͗ƉƐƚ X 0,T = X 0,T −1 + X 0,T −1 X 0T −1 E * ( Fi =0,T ) = max ®¦ α sT Fi =0, jsT ¾
ĂǀĞĐůĞƐƉƌŽďĂďŝůŝƚĠƐĂƐƐŽĐŝĠĞƐɲƐƚ
X jT
¯ s ¿

X 0T −1
&ŽŶĐƚŝŽŶKďũĞĐƚŝĨ͗ Fist
DĂdžŝŵƵŵĚĞůĂ&ŽŶĐƚŝŽŶ Fi =0, j =1, sT −1 + E * ( Fi =1,T ) X 1T −1
KďũĞĐƚŝĨĞƐƉĠƌĠĞ͗ E * ( F ) X 1,T = X 0,T −1 + X 1,T −1
Ɖϭd

WƌŽĚƵĐƚŝŽŶĐƵŵƵůĠĞ ƉϮd
yϭd
E * ( Fi =1,T ) Ɖϯd

ƚĂƉĞϮ ƚĂƉĞϭ ƚĂƉĞϬ ϭ

240
Partie 3. Analyse prospective de l'offre
pétrolière non conventionnelle

241
Chapitre 6 : Paramètres
économiques de prospective et
scénarios à horizon 2050

Cette dernière partie est consacrée à l'analyse prospective de l'offre pétrolière non
conventionnelle à horizon 2050. L’analyse prospective menée repose sur les modélisations
présentées dans les chapitres 4 et 5, puisque la robustesse des deux modèles d'investissement
a été validée par les simulations rétrospectives. Des hypothèses doivent être effectuées sur les
paramètres des modèles tels que les coefficients techniques et les coûts ainsi que sur les
variables exogènes telles que le prix international du pétrole. Dès lors nous sommes conduits
à construire des scénarios regroupant les valeurs futures envisagées pour les paramètres et les
variables exogènes.

Différents scénarios sur l'évolution des coûts et des prix de la ressource sont
envisageables à l'horizon 2050 selon l’évolution de l’équilibre entre l'offre et la demande
pétrolière. Un déséquilibre pourrait faire apparaître de nouvelles tensions conjoncturelles sur
les marchés de la construction et des services parapétroliers, à l’instar de ce qui a été observé
entre 2004 et 2009 et impacter à la hausse le coût des projets non conventionnels. A l’inverse,
la diminution des tensions sur les marchés des commodités et dans le secteur des services de
construction et d’ingénierie pourrait limiter les goulets d'étranglement et la hausse des coûts
de production. L’évolution du prix du brut dépend également des hypothèses conjoncturelles
considérées.

Par ailleurs, deux évolutions structurelles majeures sur les coûts de production
pourraient également être envisagées. L'apparition d'une rupture technologique pourrait
fortement réduire les coûts de production, au niveau du coût du capital si cette rupture modifie
les équipements de production et/ou au niveau des coûts opératoires. Dans une moindre

243
mesure, le progrès technique pourrait aussi permettre de réduire les coûts de production de
manière continue. A l'inverse, les coûts de production pourraient augmenter sous l'effet de
coûts environnementaux croissants et de la déplétion des ressources rendant l'extraction plus
difficile et donc plus coûteuse.

L’analyse prospective du développement des ressources non conventionnelles


canadiennes reposera sur deux types de scénarios : des scénarios de Référence, dans lesquels
les coûts de production évoluent progressivement dans le prolongement du contexte actuel
sans rupture majeure et des scénarios Environnementaux, dans lesquels des coûts
environnementaux supplémentaires sont considérés. Une incertitude sur le cadre
réglementaire environnemental sera également intégrée dans le modèle de programmation
dynamique. Dans chacun de ces scénarios, différentes trajectoires de prix de la ressource,
tendancielles, probabilisées et volatiles, seront testées, afin d’évaluer l’impact d’une variation
de la demande pétrolière ou de l’incertitude de la demande pétrolière sur le rythme de
développement des sables asphaltiques du Canada.

Ce chapitre est consacré à la description détaillée du travail d’estimation des


paramètres et des scénarios utilisés dans les simulations prospectives. L’estimation des
paramètres et l’élaboration des scénarios ont été effectuées pour le modèle d’offre
tendancielle ainsi que pour le modèle en programmation dynamique, et sont présentées dans
les sections 7.1 et 7.2 respectivement.

6.1 Estimation des paramètres et scénarios du


modèle d’offre tendancielle

Dans cette première section, nous présentons le travail d’estimation des paramètres
coût du capital et coûts opératoires ainsi que de la variable prix de vente de la ressource
exogène au modèle de prospective de l’offre tendancielle. L’ensemble des scénarios intégrant
les différentes estimations des paramètres et des variables exogènes est déterministe, sans
prise en compte d’incertitudes. La date initiale du modèle est fixée à l’année 2005 et la
période considérée pour les simulations prospectives s’étend jusqu’à la période 2045 ou à
l’année 2049. Le pas de temps est pris égal à 5 années et les décisions d’investissement ne
peuvent être prises qu’au cours de la première année de chaque période. Les deux

244
technologies d’extraction minière et in situ sont supposées intégrées à l’étape d’upgrading. La
capacité de référence d’un projet est prise égale à 50000 b/j, quelque soit la technologie
considérée. Enfin, la borne maximale d’investissement est fixée à 6 projets de référence de 50
kb/j de capacité (soit 300 kb/j de capacité cumulée) lancés en parallèle sur chaque période.

6.1.1 Estimation du coût du capital

Dans le modèle d'offre tendancielle, le coût du capital est estimé selon une tendance de
long terme sans prise en compte d’incertitudes. Nous avions déjà précisé dans la sous-section
2.1.2 que le coût du capital peut être impacté par l'existence d'économies d'échelle ou
d'envergure, avec un coût marginal du capital décroissant en fonction de la capacité installée.
En particulier, les dépenses liées aux « off-sites » peuvent être totalement ou en partie déjà
amorties lors des phases d’extension des projets, ce qui permet de réduire le coût du capital. A
l’inverse, la planification de plusieurs projets en parallèle peut créer des goulets
d’étranglement sur le marché de la construction et des services parapétroliers et résulter sur un
coût marginal du capital croissant.

Une analyse statistique a été effectuée sur les estimations du coût du capital de projets
non conventionnels planifiés par les acteurs industriels jusqu'à horizon 2020. Pour chaque
technologie minière, in situ et d’upgrading, nous avons représenté sur les figures 6-1, 6-2 et
6-3 le coût du capital des projets planifiés normé pour la capacité de référence en fonction de
la capacité de production et de l’année de démarrage prévue afin de mettre en évidence de
potentiels effets d’échelle, d’envergure ou goulets d’étranglement. Les coûts du capital ont été
convertis en million de dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2005) à partir des
indices des prix à la consommation du Canada publiés par la Banque Mondiale (2010). A titre
de comparaison, quelques coûts historiques du capital ont également été représentés pour les
technologies d’extraction minière et in situ.

245
Figure 6-1 : Evolution du coût du capital des projets miniers en fonction de la capacité de
production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group, 2010a ;
Banque Mondiale, 2010)

Les effets d’échelle sont difficiles à mettre en évidence. Dans le cas de la technologie
d’extraction minière, nous ne disposons pas de suffisamment d’observations pour pouvoir
conclure, malgré une diminution du capital pour les deux projets de plus grande capacité, à
120000 et 155000 b/j. Le coût moyen du capital pour les projets miniers d’une capacité de
50000 b/j est de 2400 M$, mais la série est très dispersée, avec un écart-type de 1115 M$. Le
coût du capital minier est compris entre 620 et 2900 M$.

Figure 6-2 : Evolution du coût du capital des projets in situ en fonction de la capacité de
production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group, 2010b ;
Banque Mondiale, 2010)

De nombreuses données d’investissement dans les projets d’extraction in situ sont


disponibles mais restent aussi assez dispersées. Les estimations du coût du capital in situ sont
ainsi comprises entre 670 et 3050 M$ pour une capacité de 50000 b/j. Le coût moyen du
capital in situ est égal à 1550 M$ et l’écart-type de la série est de 750 M$.

246
Figure 6-3 : Evolution du coût du capital des projets d’upgrading en fonction de la capacité de
production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group, 2010c ;
Banque Mondiale, 2010)

Enfin, dans le cas de la technologie d’upgrading, nous disposons de peu de données


d’observation. Le coût du capital est compris entre 880 et 4560 M$ pour une capacité de
50000 b/j. Le coût moyen est égal à 2950 M$ et l’écart-type de la série est de 1500 M$.
L’existence d’effets d’échelle n’a pas pu être validée pour les trois technologies considérées.

La plupart des coûts reportés correspondent à la phase initiale de nouveaux projets,


mais quelques données sont représentatives de phases d’extension. Ainsi, le coût du capital de
la phase 1 des projets in situ West Ells et Tickwood annoncés par la firme Sunshine, était
estimé à 361 et 352 M$ respectivement, tandis que le coût de leur phase 2 était évalué à 194
M$. De même, le coût du capital de la phase 1 du projet d’upgrader Fort Hills Sturgeon de
Suncor-PetroCanada était estimé à 4065 M$ tandis que le coût de la phase 2 était évalué à
3490 M$. Un effet d’envergure est ainsi considéré dans l’estimation du coût de deux phases
successives d’un même projet. Néanmoins, l’hypothèse d’un effet d’envergure peut être
nuancée en constatant que l’estimation des coûts est moins précise en début qu’en fin de
construction lorsque les unités principales ont déjà été construites. Les estimations de coûts
pour les phases plus lointaines d’un projet peuvent donc être plus approximatives et ne pas
être vérifiées en pratique. En effet, les estimations de coût des phases 2 et 3 des projets in situ
West Ells et Tickwood sont identiques, alors qu’elles ne démarreront pas la même année
(2015 et 2017 pour la phase 2 et 2018 et 2020 pour la phase 3 des deux projets respectifs) et
semblent plutôt provenir d’un effet d’annonce de la part de la compagnie, à moins d’être
construites en parallèle.

247
L’impact inflationniste des goulets d’étranglement sur les coûts d'ingénierie et de
construction apparaît plus clairement. Il est possible d’observer une hausse des coûts
significative en fonction du nombre de projets planifiés sur la période critique 2010-2012, en
particulier pour les projets d’extraction in situ, suivi d’une phase de réduction des coûts (se
référer à la sous-section 2.2.1 pour une analyse détaillée des facteurs inflationnistes).

D’autres paramètres explicatifs des écarts de coûts observés pourraient inclure les
règles comptables (provisions pour les frais de siège ou administratif incluses ou exclues du
coût du capital) et les conditions de financement spécifiques à chaque entreprise (cf.
paragraphe 2.2.3.1). Ces impacts n’ont cependant pas pu être mis en évidence à partir des
données disponibles.

A partir de ces observations, nous avons estimé l’évolution du coût du capital comme
suit. Sur la période initiale 2005, le coût du capital pour un projet d'extraction minière de
référence est pris égal au coût moyen du capital des projets Voyageur South (phase 1) de
Suncor initialement prévu pour 2011 et Kearl (phase 1) d’Imperial Oil, initialement prévu
pour 2012 (délai de construction considéré de 6 années), à 2560 M$ pour une capacité de 50
kb/j. De même, le coût du capital d'un projet d'extraction in situ de référence sur la période
2005 correspond au coût moyen des projets Jackfish de Devon et Orion/Hilda Lake de Shell,
démarrés en 2008, à 990 M$ pour une capacité de 50 kb/j. Enfin, le coût du capital d'un projet
d'upgrading de référence est pris égal au coût moyen des projets North West Upgrader (phase
1) de North West Upgrading Inc., Voyageur Upgrader 3 (phase 1) de Suncor et Bluesky
Upgrader (phase 1) de P.R.O, initialement prévus pour 2010 dans le cas des deux premiers
projets et 2012, s’établissant à 2050 M$ pour une capacité de 50 kb/j.

En faisant l’hypothèse d’une réduction des goulets d'étranglement dans les secteurs de
la construction et des services parapétroliers suite à la crise financière de 2008 et à la
contraction de la demande pétrolière, le coût du capital des projets miniers et d’upgrading sur
la période 2010 est réduit de 10% par rapport aux estimations 2008. Le coût du capital d’un
projet minier est pris égal au coût moyen des projets Joslyn North Mine (phase 1) de Total,
prévu en 2013 et Equinox de UTS/Teck Cominco, prévu en 2014, réduit de 10%. Il s’établit
ainsi à 2280 M$ pour une capacité de production de 50 kb/j. De même, le coût du capital d’un
projet d’upgrading est pris égal au coût moyen des projets Scotford Upgrader 2 (phase 1) de

248
Shell, prévu pour 2013, Strathcona Upgrader (phase 1) de Total, prévu pour 2014 et Fort Hills
Sturgeon Upgrader (phase 2/3) de Suncor-PetroCanada, prévu pour 2015, réduit de 10%. Il
s’établit à 2990 M$ pour une capacité de production de 50 kb/j. Enfin, le coût du capital d’un
projet in situ est égal au coût moyen des projets West Ells (phase 1) de Sunshine et Sunrise
(phase 1) de Husky Energy et BP, planifiés pour 2012, égal à 1880 M$ pour une capacité de
production de 50 kb/j.

Enfin, à partir de la période 2015, nous supposons pour chaque type de technologie
que le coût du capital croît progressivement sur toute la période 2015-2045 à un taux annuel
de 1.5% à partir des valeurs 2010, excepté pour le coût du capital in situ sur la période 2015,
pris égal au coût moyen des projets Tickwood (phase 2) et West Ells (phase 3) prévus pour
2017 et 2018, à 1070 M$. Le coût du capital correspondant à une période t+1 augmente ainsi
de 7.5% par rapport au coût du capital considéré à la période t. L'évolution du coût du capital
des deux filières de production minière intégrée et in situ intégrée estimé pour les simulations
prospectives est synthétisée dans le tableau 6-1.

Tableau 6-1 : Coût du capital des filières de production minière et in situ intégrées estimé
pour les simulations prospectives (modèle tendanciel)

Période Coût du capital minier intégré Coût du capital in situ intégré


M$CAN(2005) M$CAN(2005)
2005 4610 3032
2010 5 267 4 940
2015 5 662 4 457
2020 6 087 4 792
2025 6 544 5 151
2030 7 034 5 537
2035 7 562 5 953
2040 8 129 6 399
2045 8 739 6 879
(Tableau de l’auteur)

6.1.2 Estimation des coûts opératoires

Dans le cadre de notre analyse prospective tendancielle, les coûts opératoires ont été
estimés de manière désagrégée à partir de différentes sources de publications dans le but
d'estimer la part des différents postes de dépenses dans le coût opératoire global. Ils sont
exprimés en dollars canadiens ou US en monnaie constante (base 100=2005).

249
- Achat des concessions :

Le coût des concessions, c'est-à-dire le coût d'acquisition du minerai exploitable, a été


déterminé à partir de données publiées dans Plourde (2009). En considérant un bonus de 1273
$CAN/ha, correspondant au prix moyen d'acquisition d'un hectare en 2006 (Gouvernement de
l’Alberta, 2007), un coût de location annuel de 3.5 $CAN/ha, et une production de 10 b/j par
hectare exploité sur la durée de vie du projet, le coût des concessions est estimé à 2129
$CAN/kt/an de bitume exploité.

- Achat des matières premières non énergétiques :

L'étape d'upgrading nécessite l'achat de deux types de catalyseurs utilisés lors de


l'hydrotraitement des coupes naphta-gazole et distillats sous vide. Les coûts des catalyseurs
d'hydrotraitement ont été estimés à 0.37 et 0.32 $US/t de charge hydrotraitée (Gachadouat et
Hérault, 2006).

- Achat des matières premières énergétiques :

Les matières premières énergétiques nécessaires au fonctionnement des unités incluent


le gaz naturel pour la production de vapeur et d'hydrogène, le carburant gazole consommé par
les camions lors de l’extraction du minerai, le naphta utilisé dans les procédés d'extraction du
bitume ou dilué au bitume lors de l'étape de transport, et un autre diluant utilisé le cas échéant
pour le transport. Des relations correspondant aux équilibres de long-terme entre les prix du
brut PWTIt et des commodités énergétiques précédentes (PGNt, PGASOILt et PNAPt) ont été
estimées à partir d’analyses économétriques, puis incluses dans la modélisation afin
d’améliorer la sensibilité du modèle tendanciel à une variation du prix de brut.

Une relation correspondant à l’équilibre de long terme entre le prix du gaz naturel et
celui du brut sur le marché américain, a été estimée à partir des tests de cointégration :

250
PGN t = 0.096 PWTI t (Gachadouat et Hérault, 2006)
( stat )

(6-1)

avec PGN t en $US/MBtu et PWTI t en $US/b

Par rapport à la situation au début de cette thèse, la problématique d’accès au gaz


naturel pour la filière non conventionnelle à des prix compétitifs pour ne pas pénaliser sa
rentabilité s’est largement atténuée grâce à la mise en production massive des gaz de schistes.
Une décorrélation progressive entre le prix du gaz naturel et du brut sur le marché américain a
donc été observée depuis la fin de la décennie 2010. Ces ruptures pourraient alors conduire à
envisager des analyses de sensibilité autour de cet équilibre.

Les équilibres de long terme entre les prix du naphta et du pétrole brut d’une part et
entre les prix du gazole et du brut d’autre part, ont été repris des analyses économétriques
présentées dans de Navacelle (2009). Les estimations ont été réalisées sur la période juin 1999
à décembre 2008, en tronquant l’intervalle sur la deuxième moitié de l’année 2008, qui
correspond à l’emballement puis à l’effondrement des marchés financiers suite à la crise
financière. Les séries de prix PWTIt, PGASOILt et PNAPt correspondent aux cotations des produits
respectifs suivants : pétrole brut WTI 39/0.32%, essence NY-Unleaded 93 0.3% et fioul
domestique NY-LS n°2, publiées par Platt’s.

Les deux relations ont été évaluées comme suit:

PGASOIL t = 1.238 PWTI t (de Navacelle, 2009)


( 0.016 )

(6-2)

PNAPt = 1.321 PWTI t (de Navacelle, 2009)


( 0.100 )

(6-3)

avec PNAP t et PGASOIL t en $US/t et PWTI t en $US/b

Enfin, le diluant (type C5+) est tendanciellement valorisé au prix du brut WTI
augmenté d’un premium de qualité de 10% (Lacombe et Parsons, 2007) :

251
PDL t = 1.1.PWTI t
(6-4)

avec PDL t et PWTI t en $US/b

- Coût de traitement des eaux :

Le traitement de l'eau inclut l'étape de filtration pour la production d'eau de


refroidissement, l'étape de déminéralisation pour la production d'eau de procédé et d'eau de
chaudière et le coût de recyclage des eaux usées. Les coûts opératoires unitaires ont été
estimés à 0.05 $US/t d'eau traitée pour le procédé de filtration, à 0.11 et 0.6 $US/t d'eau
traitée pour le procédé de déminéralisation simple et pour utilisation dans les chaudières
respectivement et à 0.8 $US/t d'eau recyclée pour le procédé de recyclage des eaux usées
(Liégeard et al., 2009).

- Coûts fixes opératoires :

Les coûts fixes opératoires incluant main d'œuvre et maintenance ont été déterminés à
l’aide de données IFPEN. A partir d'un panel d'estimations pour différents projets (cf. tableau
6-2), nous avons choisi d'utiliser la valeur médiane des coûts. Les coûts fixes opératoires liés
aux technologies d'extraction minière et in situ et à l'étape d'upgrading sont de 7.3, 3.5 et 6.4
$CAN/b de bitume.

252
Tableau 6-2 : Estimations des coûts opératoires fixes prospectifs pour les technologies
minière, in situ et d'upgrading

Description du projet (année Coût opératoire fixe


d'estimation de coût) unitaire
$CAN/b bitume
Technologie d'extraction minière
Syncrude (2005-2008) 4.9-5.6
Horizon, CNRL (2008) 9.6
Kearl, Imperial Oil (2008) 7.3
Extension Muskeg River, AOSP (2008) 5.3
Technologie d'extraction in situ
Firebag, Syncrude (2008) 2.5
Christina Lake, MEG (2008) 3.5
Foster Creek, MEG (2008) 3.5
Hangingstone, Jacos (2008) 2.5
MacKay River, Suncor-PC (2008) 4.5
Sunrise, Husky/BP (2008) 2.5
Surmont, Total/ConocoPh (2008) 4
Technologie d'upgrading
Syncrude (2005-2008) 6.1-7
Horizon, CNRL (2008) 6.4
AOSP (2008) 6.6
Source: IFPEN

- Coût de transport :

Le coût de transport des produits finis par oléoducs est également comptabilisé dans
les coûts opératoires. Dans le cas de la technologie intégrée, il inclut le coût de transport du
diluant et du bitume depuis le site d'extraction jusqu'au site d'upgrading (en général localisé à
Edmonton), et le coût de transport du pétrole brut synthétique d'Edmonton jusqu'au point
d'entrée sur le marché américain (Chicago, PADD 2). Dans le cas de la technologie non
intégrée, le coût de transport recouvre simplement le coût de transport du diluant et du bitume
depuis le site d'extraction jusqu'à Edmonton, le bitume étant alors directement valorisé au prix
du marché local d'Edmonton. Le coût de transport du bitume et du diluant entre le site
d'extraction et Edmonton est estimé à 0.78 et 0.53 $CAN/b respectivement (Sanière, 2007).
Le coût de transport du pétrole brut synthétique entre Edmonton et Chicago est estimé à 1.6
$CAN/b (Sanière, 2007).

253
- Coût de réhabilitation des sites de production :

Le retour d'expérience sur la réhabilitation des sites miniers restant très limité (seuls
deux sites exploités par Syncrude et Suncor ont été réhabilités en 2008 et 2010), le coût de
réhabilitation des sites miniers a été estimé à partir du coût correspondant à la réhabilitation
d'une partie de site du projet GateWay Hill de Syncrude publié par l’institut Pembina (Grant
et al., 2008, p.44). Avec un coût estimé à 30.5 M$CAN pour 270 hectares de terrain
réhabilités, le coût de réhabilitation de référence introduit dans la modélisation est pris égal à
114200 $CAN/ha exploité.

Nous ne disposons pas de données sur le coût de réhabilitation des sites exploités par
techniques in situ. Ce coût devrait rester nettement inférieur au coût de réhabilitation minier,
du fait de la faible empreinte géographique des projets in situ. Dans la suite de l’analyse, nous
faisons l'hypothèse que le coût de réhabilitation des sites in situ équivaut à 30% du coût de
réhabilitation des sites miniers.

Cependant, ces estimations pourraient apparaître assez conservatives. En 2010, la


compagnie minière Suncor avait mené à terme sa première campagne de réhabilitation (220
hectares) incluant un étang de décantation. Elle a cependant dû la modifier en s'apercevant
que la faune ne réinvestissait pas les lieux, ce qui a fortement pesé sur les coûts de
réhabilitation initiaux. A l'instar des politiques environnementales annoncées en 2004 pour la
décontamination des sites et le traitement des étangs liés à l'exploitation des mines de charbon
et d'acier dans les territoires canadiens du Nord Ouest, il n'est pas exclu que des politiques
similaires puissent être appliquées à la filière pétrolière non conventionnelle, en rendant
obligatoire par exemple le traitement des étangs de décantation (et non leur simple
recouvrement) beaucoup plus coûteux. En effet, dans le cas de l'exploitation des mines de
charbon, le coût de décontamination des sites et des étangs était estimé à 500 M$CAN pour
une surface réhabilitée de 30 hectares. En faisant l'analogie avec la filière minière non
conventionnelle, le coût total de décontamination d'une surface identique à celle réhabilitée
par Suncor (220 ha) pourrait alors atteindre 3500 M$CAN. Une analyse de sensibilité sur le
paramètre coût de réhabilitation sera effectuée lors des simulations prospectives, afin
d’évaluer l’impact d’une hausse de ces coûts sur la décision d’investissement.

254
6.1.3 Estimation des coûts environnementaux

- Système payant d’allocations en eau douce :

L’eau consommée par la filière d'extraction minière provient généralement de la


rivière Athabasca et d’un système permettant de recycler l’eau dite « libre » des étangs de
décantation. La quantité d’eau déviée de la rivière Athabasca est limitée pour chaque projet
par une allocation gouvernementale (système décrit dans le paragraphe 2.3.2.1). Il n’existe
pour le moment aucune réglementation obligeant les opérateurs de projets miniers à atteindre
un taux minimum de recyclage des eaux usées.

Dans le cas de la filière d'extraction par techniques in situ, l'eau provient de la rivière
Athabasca et d'aquifères salins ou non salins. La tendance actuelle suivie par les opérateurs
consiste à remplacer progressivement l'eau de la rivière par de l'eau provenant d'aquifères
salins, afin de réduire les quantités d'eau déviées de la rivière Athabasca. Selon l’institut
Pembina, en 2006, plus de 50% de la ressource en eau consommée par la filière in situ
provenait d’aquifères salins. Cependant, le taux de remplacement reste limité, car la salinité
de l'eau utilisée pour produire la vapeur d'injection ne doit pas être trop importante, ce qui
nécessite de mélanger l'eau en provenance d'aquifères salins avec de l'eau douce dans le
processus de génération de vapeur d'injection (Griffiths, 2006). Selon sa composition, l'eau
saline peut également subir un traitement préalable avant utilisation. Un taux minimum de
recyclage de l'eau est également spécifié lors de la phase réglementaire d'autorisation d'un
projet in situ.

D’importants programmes de R&D ont été lancés par certains acteurs afin de
développer et tester à l’échelle industrielle de nouvelles technologies moins consommatrices
en eau. La construction d'une unité pilote utilisant la technologie d'extraction « Bitmin »,
opérée par UTS Energy Corporation et Suncor-PetroCanada sur le site de Fort Hills, est en
phase d’autorisation. Les besoins en eau pourraient être significativement réduits grâce à la
production de déchets ayant une plus faible teneur en eau. L’injection de solvants dans les
réservoirs en remplacement de la vapeur d’eau dans les procédés in situ est testée sur des
unités pilotes opérées par Suncor-PetroCanada. Enfin, des techniques de consolidation et de
sédimentation rapide des déchets liquides sont également en cours de développement. Malgré
une politique de R&D active, il est encore difficile d’estimer les performances et les

255
rendements techniques des technologies en développement, et l’introduction du progrès
technique dans notre modélisation reposerait alors sur plusieurs hypothèses fortes. Pour
contourner cette difficulté, nous avons préféré introduire un système payant d’allocations en
eau douce plus contraignant, dans la lignée de la nouvelle réglementation actuellement en
cours de test (cf. paragraphe 2.3.2.1).

Un quota sur la quantité annuelle maximale d'eau pouvant être déviée gratuitement de
la rivière Athabasca a été estimé pour la totalité du secteur non conventionnel à partir des
données disponibles dans Lunn (2008). Ce quota a été déterminé au prorata du nombre de
semaines lors duquel le débit de la rivière Athabasca est élevé ou faible entre une allocation
maximale de 10 m3/s en période de faible débit (19 semaines par an) et une allocation
maximale de 19 m3/s en période de débit élevé (33 semaines par an) (données adaptées de
Lunn, 2008). Ainsi, pour le secteur non conventionnel global, une allocation maximale de
495500 kt/an a été estimée par cette méthode.

Au-delà de ce quota, le coût d'approvisionnement en eau douce devient non nul. Si les
besoins en eau du secteur non conventionnel dépassent le quota, les producteurs ont la
possibilité de mieux répartir les soutirages en eau, en stockant en période de débit élevé une
quantité d'eau supplémentaire. Le coût moyen de construction et d’opération d’un bassin de
stockage a été estimé à 1.8 $US/t d’eau stockée, en considérant un coût du capital 1 $US/t et
des coûts opératoires liés au fonctionnement du bassin à 0.8 $US/t (données adaptées de
Koke, 1992). Une seconde alternative consisterait à faire payer une pénalité aux opérateurs
pour chaque unité d’eau consommée au-delà du quota fixé. Une analyse de sensibilité sur la
valeur de la pénalité sur la ressource en eau sera effectuée dans les simulations prospectives,
afin d’évaluer l’évolution du comportement d’investissement en fonction du montant de la
pénalité.

- Taxe sur les émissions de CO2 :

Dans la lignée des réglementations environnementales de réduction des GES


(protocole de Kyoto, Plan Vert du Canada), un système de taxe sur les émissions de CO2 a été
modélisé. Un quota sur les émissions de CO2 a été estimé en considérant le déploiement
d’unités de capture et stockage du CO2 comme alternative au paiement de la taxe sur les

256
émissions de CO2. La technologie actuelle des procédés de captage du CO2 est justifiée
économiquement uniquement sur la capture de fumées concentrées en CO2, et ne peut pas être
envisagée pour capter de faibles émissions de CO2 peu concentrées. Dans le cas des deux
filières canadiennes de production, nous faisons ainsi l’hypothèse que seules les émissions de
CO2 issues des chaudières de production de vapeur (BP/MP et MP/HP), de l’unité de
production d’hydrogène par reformage du gaz naturel et du cycle combiné au gaz naturel pour
la production d’électricité peuvent être captées. A partir de données disponibles sur les
facteurs d’émissions (IFPEN) et le rendement des procédés de captage (90%), 63% des
émissions de CO2 totales issues des étapes d’extraction et d’upgrading peuvent être captées.
Un quota correspondant à 37% des émissions totales de CO2 sera ainsi introduit pour les deux
alternatives CO2 et les deux filières de production intégrées.

Nous avons choisi d’introduire une taxe constante pour chaque unité de CO2 émise,
contrairement à l’approche par le coût social du CO2, croissant en fonction de la production
cumulée, étant donné que les émissions de CO2 s'accumulent dans l'atmosphère sur une durée
de vie de l’ordre de 100 ans (Méjean et Hope, 2008). Différentes valeurs de taxe sur les
émissions de CO2, comprises dans l’intervalle [0, 200 $US/t] seront testées dans les
simulations prospectives. Nous supposons que les coûts associés au paiement de la taxe CO2
ne sont pas déductibles de l’assiette fiscale pour le calcul des royalties.

- Déploiement de la capture et du stockage du CO2 :

Nous avons choisi de considérer le déploiement de la capture et du stockage du CO2


(CSC) comme alternative au paiement de la taxe CO2, en accord avec les recommandations
gouvernementales (Plan Vert du Canada ; Gouvernement du Canada, 2008).

Comme indiqué précédemment, un quota correspondant à 37% des émissions totales


de CO2 est également introduit pour l’alternative « déploiement de la capture et du stockage
du CO2 », quelque soit la filière de production considérée.

Plusieurs sources de publications ont été consultées pour estimer le coût complet
d’installation et d’opération d’unités de CSC. La figure 6-4 présente une synthèse des
estimations du coût complet de CSC. Selon l’IPCC (2005, p.11), le coût de CSC est compris

257
dans l’intervalle [15, 87 $US/t de CO2]. L’importance de cet intervalle s’explique par la
diversité des unités de production sur lesquelles sont installées les procédés de captage et des
cas d’étude concernant la distance de transport ou le type de stockage du CO2. Selon Tal
(2007), le coût de CSC est compris entre 40 et 61 $US/t de CO2, analogue au coût de CSC
estimé dans McKinsey (2008) pour la phase de début de commercialisation de la technologie
(de 46 à 66 $US/t). Selon le consortium ICO2N, qui est un regroupement de firmes du secteur
non conventionnel canadien créé pour étudier la faisabilité du déploiement de la capture et du
stockage du CO2 à l’échelle industrielle, le coût de CSC serait égal à 75 $US/t (estimation
2009, p. 12). En considérant la phase de démonstration de la technologie, le coût de CSC
estimé dans McKinsey (2008) augmente entre 80 et 120 $US/t, sous l’effet d’une fonction
d’apprentissage réduite. Enfin, le coût de CSC serait compris entre 108 et 140 $US/t selon
l’IFPEN (estimation 2008). Etant donné la diversité des estimations, une analyse de sensibilité
sur le coût complet de CSC sera également effectuée dans les simulations prospectives, en le
faisant varier sur l’intervalle [40, 200 $US/t].

Figure 6-4 : Estimations du coût unitaire de capture et stockage du CO2 (sources : IPCC,
2005 ; McKinsey, 2008 ; IFPEN, 2008 ; Tal, 2007 ; ICO2N, 2009)

258
6.1.4 Estimations des trajectoires tendancielles de prix

L’analyse économétrique présentée dans la sous-section 3.2.2 a permis de mettre en


évidence une relation correspondant à l’équilibre de long terme entre le prix du WTI et du
brut synthétique, dans laquelle les deux prix considérés sous leur forme logarithmique sont
proches (coefficient égal à 0.95). De plus, nous avons montré que les deux prix ne
s’éloignaient pas durablement l’un de l’autre en cas de choc sur les marchés, étant donné
l’existence d’une force de rappel élevée. Puisque nous disposons uniquement de projections
de prix pour un brut importé de référence (non spécifié dans AIE, 2009), ces projections
seront directement considérées comme le prix de vente du brut synthétique dans notre
modélisation.

Les projections du prix du brut à horizon 2050 introduites dans le modèle d’offre
tendancielle correspondent aux estimations de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE,
2009). Les projections de prix, initialement exprimées en $US en monnaie constante (base
100=2008), ont été converties en $US (base 100=2005). Trois trajectoires tendancielles de
prix du brut sont disponibles en fonction de l’évolution de l’équilibre offre-demande
pétrolière. Dans le cas de la trajectoire de prix conservative ou minimum, élaborée en
considérant une faible croissance économique mondiale (et donc un relâchement des tensions
sur le marché international), le taux de croissance du prix du brut reste limité. Initialement
estimé à 63.3 $US/b en moyenne annuelle en 2015, le prix du brut croît modérément,
atteignant 75 $US/b en 2030 (+38.1%). Dans le cas de la trajectoire de prix de référence,
élaborée sous l’hypothèse d’une croissance économique moyenne et de tensions
intermédiaires sur l’équilibre offre-demande de pétrole, le taux de croissance du prix du brut
est plus important sur la période 2015-2030 (+62.4%). Initialement estimé à 81.3 $US/b en
2015, le prix du brut s’établit à 107.8 $US/b en 2030. Enfin, sous l’hypothèse d’une forte
croissance économique mondiale, une forte hausse du prix du brut est projetée, de 103.7
$US/b en 2015 à 140.6 $US/b en 2030 (+66.9%), constituant la trajectoire de prix maximum.

L'extrapolation des projections de prix de l’AIE sur les années manquantes 2010,
2035, 2040 et 2045 a été effectuée linéairement, en fonction des taux d'accroissement calculés
à partir des projections. Nous supposons ainsi que pour chaque trajectoire de prix, le taux
d’accroissement du prix entre la période 2010-2015 est identique à celui de la période
suivante 2015-2020. De même, le taux d’accroissement du prix entre les périodes 2030-2035,

259
2035-2040 et 2040-2045 est supposé constant et égal à celui obtenu sur la période 2025-2030.
Pour la trajectoire de prix minimum, le taux d’accroissement annuel est égal à 1.3% entre
2010 et 2020, puis à 1.1% entre 2020 et 2045. Pour la trajectoire de prix de référence, le taux
d’accroissement annuel vaut respectivement 3.1%, 1.5% et 1.4% sur les périodes 2010-2020,
2020-2025 et 2025-2045. Enfin, Pour la trajectoire de prix maximum, le taux d’accroissement
annuel s’établit à 3.5%, 1.5% et 1.4% sur les périodes 2010-2020, 2020-2025 et 2025-2045.
Les trois trajectoires tendancielles de prix du brut utilisées dans les simulations prospectives
sont présentées dans la figure 6-5.

200

161.5
150 150.7
140.6
131.3
$US(2005)/b

121.9 115.4 123.4


100 88.2 103.7 100.8 107.8
93.8
70.4 81.3 75.0 79.0 83.1
63.3 67.5 71.3
50 59.4

0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045

Scénario minimum AIE Extrapolation scénario minimum

Scénario référence AIE Extrapolation scénario référence

Scénario maximum AIE Extrapolation scénario maximum

Figure 6-5 : Scénarios prospectifs de prix du brut, période 2008-2045 (source : AIE, 2009)

6.1.5 Scénarios prospectifs

A partir du travail d’estimation des paramètres et variables exogènes du modèle


d’offre tendancielle, différents scénarios prospectifs ont été construits.

Trois scénarios prospectifs de Référence ont été élaborés, en fonction de la trajectoire


tendancielle de prix considérée, toutes choses égales par ailleurs. Ces trois scénarios
déterministes se distinguent entre eux par le prix de vente et les coûts opératoires
énergétiques, corrélés au prix de brut, et n’intègrent pas de coûts environnementaux. Ils nous
permettront d’évaluer le potentiel de développement tendanciel des ressources non
conventionnelles canadiennes dans le prolongement du contexte actuel, sans rupture sur
l’évolution des paramètres économiques.

260
Les notations suivantes sont proposées :

REF_pmin : scénario de Référence avec la trajectoire de prix minimum

REF_pref : scénario de Référence avec la trajectoire de prix de référence

REF_pmax : scénario de Référence avec la trajectoire de prix maximum

Le tableau 6-3 synthétise les trajectoires tendancielles de prix considérées dans chacun
des trois scénarios de Référence.

Tableau 6-3 : Estimations des variables prix de vente des trois scénarios de Référence
(modèle tendanciel)

Prix de vente du brut


$US(2005)/b
Période Scénario REF_pmin Scénario REF_pref Scénario REF_pmax
2005 63.7 63.7 63.7
2010 59.4 70.4 88.2
2015 63.3 81.3 103.7
2020 67.5 93.8 121.9
2025 71.3 100.8 131.3
2030 75.0 107.8 140.6
2035 79.0 115.4 150.7
2040 83.1 123.4 161.5
2045 87.5 133.0 173.0
Source : AIE, 2009

Les estimations des paramètres de coûts utilisés dans les trois scénarios de Référence
sont identiques (exceptées pour les coûts opératoires énergétiques corrélés au prix de vente du
brut) et sont résumées dans le tableau 6-4.

261
Tableau 6-4 : Estimations des paramètres de coûts des trois scénarios de Référence (modèle
tendanciel)

Coût du capital
Filière minière intégrée (M$CAN) Filière in situ intégrée (M$CAN)
2005 4610 3032
2010 5 267 4 940
2015 5 662 4 457
2020 6 087 4 792
2025 6 544 5 151
2030 7 034 5 537
2035 7 562 5 953
2040 8 129 6 399
2045 8 739 6 879
Coûts opératoires
Concessions de minerai 2129 $CAN/mt/an bitume
Catalyseurs Hydrotraitement coupe naphta-gazole : 0.37 $US/t traitée
Hydrotraitement coupe dsv : 0.32 $US/t traitée
Gaz naturel P GNt =0.096P WTIt $US/MBtu
Naphta P NAPt =1.321P WTIt $US/t
Gazole P GASOILt =1.238P WTIt $US/t
Diluant (type C5+) P DLt =1.1P WTIt $US/b
Acquisition et traitement Acquisition : 0
de l'eau Filtration : 0.05 $US/t
Déminéralisation simple: 0.11 $US/t
Déminéralisation chaudière : 0.6 $US/t
Recyclage : 1 $US/t
Coûts fixes Extraction minière: 7.3 $CAN/b bitume Extraction in situ : 3.5 $CAN/b bitume
Upgrading : 6.4 $CAN/b bitume
Transport Athabasca-Edmonton : 0.78 $CAN/b bitume; 0.53 $CAN/b diluant
Edmonton-Chicago : 1.6 $CAN/b brut synthétique
Réhabilitation des sols Extraction minière : 114200 $CAN/ha Extraction in situ : 34260 $CAN/ha
Sources : Plourde, 2009 ; Gouvernement de l’Alberta, 2007; Gachadouat et Hérault, 2006 ;
Liégeard et al., 2009; de Navacelle, 2009 ; Lacombe et Parsons, 2007 ; Sanière, 2003

Face à la problématique environnementale soulevée par l’exploitation des sables


asphaltiques du Canada, nous nous sommes dans un second temps intéressés à l’impact de
réglementations environnementales plus contraignantes sur les stratégies prospectives de
développement.

Un premier scénario Environnemental intégrant un système d’allocations en eau plus


contraignant a été élaboré, sous l’hypothèse d’une trajectoire de prix de référence. Seul le coût
d’acquisition de l’eau est alors modifié par rapport au scénario de Référence REF_pref. Il est
noté ENV_pref_qeau. Un délai réglementaire a été considéré avant la mise en application
effective du nouveau système d’allocations en eau en 2020. Dans le cas d’étude de référence,

262
le quota sur la ressource en eau est égal à 495500 kt/an. Au-delà, le coût d’acquisition de l’eau
devient non nul, atteignant 1.8 $US/t. Une analyse de sensibilité sur le montant de la pénalité
hors quota complètera les résultats. Le système d’allocations en eau correspondant au cas
d’étude de référence est conservé dans les scénarios Environnementaux suivants.

Deux scénarios Environnementaux intégrant deux systèmes distincts de


provisionnement des dépenses de réhabilitation ont été construits, en conservant l’hypothèse
d’une trajectoire de prix de référence. Ces deux scénarios seront uniquement testés pour la
filière minière intégrée, puisque les coûts de réhabilitation liés à la filière in situ sont
nettement inférieurs. Dans le premier scénario, noté ENV_pref_rehf, le paiement des coûts de
réhabilitation est effectué à la fin de vie des projets pendant 10 années (2 périodes),
proportionnellement à la surface qui a été exploitée sur la durée de vie moyenne d’un projet
minier égale à 30 années. Ce scénario est représentatif des stratégies suivies par les
industriels, qui préfèrent retarder leur programme de réhabilitation. Il ne tient cependant pas
compte du versement de garanties financières dans le fonds gouvernemental dédié à la
réhabilitation des sites miniers. Le second scénario, ENV_pref_rehc intègre un système annuel
de provisionnement des dépenses de réhabilitation en cours de production, ces provisions
étant proportionnelles à la surface exploitée pendant l’année. Ce second scénario permet de
représenter le système de versement de garanties financières au cours des phases de
production. Deux analyses de sensibilité seront menées sur le coût unitaire de réhabilitation et
sur le facteur d’actualisation appliqué aux dépenses de réhabilitation. Le système de
provisionnement en cours de production est conservé dans les scénarios Environnementaux
suivants, en introduisant l'hypothèse supplémentaire d'un accroissement des coûts de
réhabilitation de 30% par rapport à ceux estimés pour les scénarios de Référence.

Enfin, deux scénarios intégrant une pénalité CO2 ont été considérés. Dans le premier
scénario, noté ENV_pref_taxe, nous avons introduit une taxe sur les émissions de CO2 liées
aux nouvelles capacités mises en production à partir de la date d’application de la taxe, en
2020 (et donc relatives aux investissements effectués une période avant pour tenir compte du
délai de construction). L’hypothèse d’une trajectoire de prix de référence a été conservée. Une
analyse de sensibilité sur le montant de la taxe sera effectuée, sans modification de la date
d’introduction de la nouvelle réglementation. Dans le second scénario, noté ENV_pref_CSC,
nous avons considéré le déploiement d’unités de capture et stockage du CO2 comme

263
alternative au paiement d’une taxe CO2. Le processus décisionnel tient désormais compte
d’un coût supplémentaire lié à la CSC, visant à capter toutes les émissions de CO2 au-delà du
quota fixé.

Le travail d’estimation du coût de CSC a mis en évidence d’importants écarts entre les
estimations issues des publications consultées. Ces fortes incertitudes sur les coûts
proviennent du fait que la technologie de CSC est encore en phase de démonstration et donc
peu mature. Pour que les installations CSC soient fonctionnelles en 2020, les projets de
développement devraient être lancés dès 2015. Sur un horizon temporel aussi court, le retour
d’expérience et l’apprentissage risquent d’être limités et ne devraient pas permettre de réduire
significativement le coût des premières unités de CSC. D’autre part, l’efficacité énergétique
de la capture de CO2 reste encore problématique. Selon McKinsey (2008), l’installation d’une
unité de capture pénaliserait le rendement de l’unité productive, le réduisant de 7 à 12%. Par
conséquent, l’installation d’une unité de capture sur les unités de production des utilités
diminuerait la quantité produite de vapeur et d’électricité à capacité donnée.

Par ailleurs, le déploiement d’unités de capture et stockage relève d’une problématique


à grande échelle s’il est appliqué à la totalité du secteur, hypothèse retenue dans notre
modélisation. D’après les premiers résultats des simulations prospectives, la production
upgradée totale, minière et in situ, pourrait atteindre 2.3 Mb/j en 2020 et émettre plus de 35
Mt de CO2 par an (résultat obtenu sous le scénario ENV_pref_taxe, en présence d’une taxe
CO2 à 50 $US/t, présenté dans le paragraphe 7.2.3.1). Près de 40 projets de type
« Weyburn20 » devraient alors fonctionner pour capter et stocker la totalité du CO2. Le
stockage du CO2 est confronté à une difficulté supplémentaire. La récupération assistée par
injection de CO2 n’est pas une option envisageable pour la récupération de bitume par
technique in situ, car la couverture des réservoirs n’est pas d’une qualité suffisante pour
pouvoir stocker le CO2 à long terme. D’autres sites de stockage plus éloignés devraient alors
être considérés.

20
Le projet de capture et stockage du CO2 « Weyburn », seul projet actuellement en fonctionnement au
Canada et opéré par deux producteurs canadien et américain, permet de capturer le CO2 émis par une unité de
gazéification implantée au Dakota, le transporte sur 325 km avant de le stocker dans le réservoir Weyburn opéré
par Encana, en l’utilisant comme procédé de récupération assistée. La capacité actuelle de stockage atteint 1500 t
CO2/j et devrait augmenter à 2500 t CO2/j sur une durée de fonctionnement de 25 ans (IEA Greenhouse Gas
R&D Programme, 2008).

264
Enfin, le développement de la capture et du stockage de CO2 risque d’être pénalisé par
un cadre réglementaire mal défini, qui n’apporte pas suffisamment de garanties aux opérateurs
(selon ConocoPhillips, cité dans Wells, 2008). Ainsi, aucun accord n’a à ce jour été conclu
entre les opérateurs pétroliers et les gouvernements provincial et fédéral concernant le
financement d’un futur système de transport du CO2 entre les sites d’extraction et de stockage.
Ainsi, face aux incertitudes économiques mais aussi réglementaires ou législatives
(responsabilité des acteurs en cas d’accidents de stockage), la plupart des producteurs non
conventionnels ont en pratique émis des critiques à l’encontre d’une politique volontariste de
déploiement de la CSC (Suncor, 2010).

Parmi ces limites, nous avons choisi d’évaluer plus en détails le risque
d’investissement, déjà soulevé par certains opérateurs (Suncor, cité dans Wells, 2008). Le
risque d’investissement est significatif et pourrait limiter le potentiel de développement de la
capture et du stockage du CO2, puisque d’importants coûts d’investissement doivent être
supportés dès la phase de construction, avant la mise en fonctionnement des unités. Afin
d’évaluer l’impact de ce risque sur le développement de la filière non conventionnelle, les
dépenses d’investissement dans la capture et le stockage du CO2 ont été modélisées de deux
manières. Dans la première, les dépenses d’investissement de CSC sont comptabilisées de
manière unitaire, c’est-à-dire comme des coûts opératoires, par unité de CO2 capté et stocké
sur la durée de vie de l’installation. Dans la seconde, les dépenses d’investissement sont
déboursées en annuités constantes. A l’instar des unités productives non conventionnelles,
nous supposons que le versement des dépenses d’investissement débute au cours de la phase
de construction, une période avant le démarrage des unités de CSC (en 2015 dans notre cas
d’étude). La durée d’amortissement de l’investissement est égale à 15 années (3 périodes) et
le taux d’actualisation considéré est de 8%. Le coût du capital représente 70% du coût de
production complet (McKinsey, 2008). Le montant total de l’investissement a été reconstitué
à partir du coût du capital unitaire exprimé par unité de CO2 capté et stocké et amorti sur une
durée de 20 ans, correspondant à la durée de vie d’une installation de CSC au cours de la
phase de démonstration (McKinsey, 2008). Une analyse de sensibilité sur le coût complet de
CSC, comptabilisé selon les deux méthodes précédentes, sera également effectuée.
L’arbitrage entre les deux alternatives « paiement de la taxe CO2 » et « investissement dans la
capture et le stockage » sera également évalué en fonction de la pénalité CO2.

265
Les scénarios prospectifs Environnementaux sont synthétisés dans le tableau 6-5.
Seuls les paramètres de coûts environnementaux qui diffèrent de ceux estimés dans les
scénarios de Référence sont indiqués.

Tableau 6-5 : Synthèse des scénarios Environnementaux et des estimations des paramètres de
coûts environnementaux (modèle tendanciel)

Scénario Coûts environnementaux


ENV_pref_qeau Quota annuel en eau : 495°500 mt
Coût d'acquisition de l'eau : 1.8 $US/t (>Quota)

ENV_pref_rehf Coûts de réhabilitation minier : [114.2,228.4] k$CAN/ha


Paiement sur 10 ans en fin de vie des projets

ENV_pref_rehc Coûts de réhabilitation minier : [114.2,228.4] k$CAN/ha


Provisionnement en cours de production

ENV_pref_taxe Quota annuel en eau : 495°500 mt


Coût d'acquisition de l'eau : 1.8 $US/t (>Quota)
Coûts de réhabilitation minier : 148.5 k$CAN/ha
Coûts de réhabilitation in situ : 44.5 k$CAN/ha
Provisionnement en cours de production
Taxe CO2 : [0,200] $US/t CO2
Date d'introduction: 2020

ENV_pref_CSC Quota annuel en eau : 495°500 mt


Coût d'acquisition de l'eau : 1.8 $US/t (>Quota)
Coûts de réhabilitation minier : 148.5 k$CAN/ha
Coûts de réhabilitation in situ : 44.5 k$CAN/ha
Provisionnement en cours de production
Coût CSC : [40,200] $US/t CO2
Coût du capital : 70%; coûts opératoires : 30%
Date d'introduction : 2020
Coût du capital : comptabilisation "pass-through" à partir de 2020
Coût du capital : paiement en annuités constantes à partir de 2015 sur 15 ans
Sources : Plourde, 2009 ; Gouvernement de l’Alberta, 2007 ; Lunn, 2008 ; Koke, 1992 ;
McKinsey, 2008

Au terme de cette première section, nous avons estimé les paramètres de coûts et de
prix du modèle de prospective de l’offre tendancielle, et élaboré les scénarios déterministes
prospectifs qui seront testés dans notre modélisation. Les scénarios de Référence vont nous
permettre d’évaluer le potentiel de développement à long terme des ressources non
conventionnelles, en considérant une évolution tendancielle des paramètres et variables
économiques sans rupture majeure par rapport au contexte actuel. Les scénarios
Environnementaux, en intégrant des coûts environnementaux supplémentaires, vont nous

266
permettre d’évaluer l’impact d’un cadre réglementaire environnemental plus contraignant sur
le potentiel de développement des ressources canadiennes.

6.2 Estimation des paramètres et scénarios du


modèle d’offre stochastique

En pratique, le prix du brut, les coûts environnementaux ou le cadre réglementaire


futur peuvent être soumis à des incertitudes fortes. La théorie économique a démontré que le
processus décisionnel pouvait être significativement modifié en présence d’incertitudes,
tandis que la multiplication des incertitudes complexifie l’évaluation d’une règle de décision
optimale. Dans le cadre de thèse, nous nous sommes intéressés à l’impact sur le potentiel de
développement des ressources non conventionnelles canadiennes des incertitudes portant sur
les prix futurs et le cadre réglementaire environnemental. Pour répondre à cette
problématique, nous avons choisi de suivre une approche par simulation.

Cette seconde section est consacrée à l’estimation des paramètres ainsi qu’à
l’élaboration des scénarios prospectifs qui seront utilisés dans le modèle d’offre stochastique.
Les incertitudes portant sur certains paramètres seront introduites à l’aide de scénarios
probabilisés. Le plan est identique à celui de la section précédente. Nous présentons d’abord
le travail d’estimation des paramètres de coûts et de prix, avant de détailler les scénarios
stochastiques prospectifs.

6.2.1 Estimation de la fonction de coût initiale du scénario de


Référence

Suivant une méthodologie analogue à celle présentée dans le paragraphe 5.3.1.1, un


coût du capital unitaire, minier et in situ intégré, peut être estimé sur chaque période à partir
des montants d'investissement prospectifs reportés dans le tableau 6.1, rapportés à la
production actualisée à un taux de 8% sur une période de 15 années (cf. tableau 5-2). Les
coûts sont exprimés en dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2005).

267
Tableau 6-6 : Coût unitaire du capital, minier et in situ intégré, correspondant au coût du
capital estimé en PL sur la période 2005-2045

Période Coût du capital minier intégré Coût du capital in situ intégré Coût du capital minier intégré Coût du capital in situ intégré
M$CAN(2005) M$CAN(2005) $CAN(2005)/b bit $CAN(2005)/b bit
2005 4610 3032 27.3 18.0
2010 5 267 4 940 31.2 29.3
2015 5 662 4 457 33.6 26.4
2020 6 087 4 792 36.1 28.4
2025 6 544 5 151 38.8 30.5
2030 7 034 5 537 41.7 32.8
2035 7 562 5 953 44.8 35.3
2040 8 129 6 399 48.2 37.9
2045 8 739 6 879 51.8 40.8
(Tableau de l’auteur)

Toutefois, les résultats des simulations rétrospectives présentées dans la section 5.3
mettaient en évidence des stratégies de développement systématiquement surestimées sous
une comptabilisation des dépenses d’investissement lissée par unité de produit. Un coefficient
de pondération avait été appliqué pour corriger ce biais. De plus, la spécification simplifiée du
problème en programmation dynamique ne permettait pas d’intégrer toutes les contraintes du
modèle linéaire et donc de répercuter la dégradation de la fonction objectif associée à la
saturation d’une des contraintes fiscales et budgétaires. Un second coefficient pondérateur
avait alors été introduit sur les coûts opératoires.

Une méthodologie identique sera utilisée pour les simulations prospectives. Toutefois,
l’estimation des coefficients de pondération et des coûts opératoires unitaires (par baril
produit) dépendra des résultats de simulations prospectives du modèle d’offre linéaire. Les
stratégies d’investissement déterminées avec le modèle de programmation linéaire
représenteront les stratégies de référence, et la fonction de coût utilisée en programmation
dynamique sera pondérée de manière à faire coïncider les trajectoires de développement
simulées par les deux modèles. Par conséquent, la fonction de coût du scénario de Référence,
estimée pour le modèle de programmation dynamique, sera présentée ultérieurement, dans la
section 8.1 (chapitre 8).

268
6.2.2 Estimation des coûts environnementaux

Le modèle d’offre en programmation dynamique permet de déterminer si l’impact sur


les trajectoires optimales de développement d’une nouvelle réglementation environnementale
est modifié en présence de prix volatils ou incertains. Il permet également d’évaluer l’impact
d’une incertitude réglementaire (environnementale) sur la décision d’investissement, dans un
contexte de prix incertains ou volatils.

La première étape consiste à estimer le coût environnemental associé à une nouvelle


réglementation et répercuté sur le coût unitaire de production. En pratique, il sera évalué à
l’aide des deux modèles d’offre. Un premier passage permet d’évaluer la pénalité
environnementale unitaire en introduisant chacun des scénarios environnementaux considérés
dans le modèle tendanciel, et en lissant les dépenses associées en fonction des productions
optimales simulées. Des simulations sont ensuite lancées après avoir introduit les coûts
environnementaux unitaires ainsi estimés dans le modèle en programmation dynamique. Les
stratégies obtenues à partir des deux modèles sont comparées. Si elles coïncident, les coûts
environnementaux unitaires ont été correctement estimés et les résultats sont conservés. Dans
le cas contraire, une nouvelle simulation à partir du modèle tendanciel est lancée en le forçant
à suivre la trajectoire d’investissement optimale déterminée à partir du modèle en
programmation dynamique. Les coûts environnementaux unitaires correspondant sont
modifiés et réintroduits dans le modèle en programmation dynamique, cette étape étant
renouvelée jusqu’à la convergence des trajectoires simulées.

La seconde étape consiste à modéliser l’incertitude réglementaire (environnementale).


Pour ce faire, nous nous sommes limités à l’introduction de deux scénarios équiprobables,
correspondant à deux réglementations environnementales distinctes. Le processus décisionnel
est alors basé sur l’espérance mathématique de la fonction de coût.

6.2.3 Estimation des trajectoires de prix empreints


d’incertitude

L’incertitude sur les prix futurs du pétrole brut a été modélisée à partir de scénarios
tendanciels probabilisés et de scénarios déterministes volatils. Sous la première spécification,
les trois scénarios de prix tendanciels minimum, de référence et maximum, issus des

269
projections de l’AIE (AIE, 2009), sont introduits simultanément dans le modèle sous forme
probabilisée. Dans un premier cas d’étude, nous considérons que la distribution des prix du
brut suit une loi normale sur chaque période, autour d’une valeur moyenne égale au prix du
scénario de référence, et avec un écart-type égal au différentiel de prix en valeur absolue entre
le scénario de référence et les scénarios minimum ou maximum. Les probabilités associées
aux trois scénarios de prix sont alors égales à 0.16 pour les scénarios extrêmes et 0.68 pour le
scénario de référence. Dans un second cas d’étude, une pondération équiprobable des trois
scénarios est utilisée (0.33, 0.34 et 0.33 respectivement), correspondant à une incertitude sur
les prix accrue.

Sous la seconde spécification, des scénarios de prix volatils sont générés à partir d’un
processus aléatoire, suivant une tendance de long-terme. Pour ce faire, un algorithme de
tirages aléatoires de prix mensuels couvrant la période 2010-2049 a été construit. Il intègre les
étapes suivantes :

1) Tirage aléatoire d’un résidu de court-terme ѓt, selon la distribution normale de


probabilité associée à la série historique de prix du WTI PWTIt évaluée à partir de
tests de normalité (Jarque-Bera ; N(0, 0.073758)).

[ln(Pf ) − ln( P0 )]
2) Calcul de la valeur vt = ln( PWTI t −1 ) + + ε t ; où P0 représente le
T
prix initial de référence (prix mensuel du 10/2009, à 63 $US/b) et Pf le prix de

long-terme atteint à la dernière période (132 $US/b, en accord avec le scénario


tendanciel de référence de l’AIE)

3) Obtention d’un prix du brut mensuel Pt = e vt . Le tirage est cependant tronqué afin
de générer des prix compris entre 45 et 200 $US/b.

4) Ces trois étapes sont répétés 482 fois (les deux premiers tirages génèrent les prix
sur les mois 11/2009 et 12/2009, les 480 tirages suivants sur les mois 01/2010 à
12/2049) en remplaçant le prix PWTIt-1 par Pt. En milieu de période (à partir du
mois 01/2030), un accroissement de la volatilité des prix de 30% est considéré

270
(pour représenter une incertitude croissante en fonction du temps), modifiant le
tirage aléatoire (N(0, 0.095885)).

Les prix mensuels d’une même année sont ensuite triés par valeurs croissantes. Le prix
médian (6ème valeur sur 12) est alors conservé comme prix annuel. Trois exemples de
trajectoires de prix volatiles générées selon l’algorithme précédent sont présentés dans la
figure 6-6.

ϮϬϬ
ϭϴϬ
ϭϲϬ
ϭϰϬ
ϭϮϬ
ΨUS/b

ϭϬϬ
ϴϬ
ϲϬ
ϰϬ
ϮϬ
Ϭ
ϮϬϭϬ ϮϬϭϱ ϮϬϮϬ ϮϬϮϱ ϮϬϯϬ ϮϬϯϱ ϮϬϰϬ ϮϬϰϱ
^ĐĠŶĂƌŝŽƚĞŶĚĂŶĐŝĞůĚĞƌĠĨĠƌĞŶĐĞ ^ĐĠŶĂƌŝŽǀŽůĂƚŝůŶΣϭ
^ĐĠŶĂƌŝŽǀŽůĂƚŝůŶΣϮ ^ĐĠŶĂƌŝŽǀŽůĂƚŝůŶΣϯ

Figure 6-6 : Exemples de trajectoires de prix volatiles générées (processus aléatoire), période
2010-2045

6.2.4 Scénarios prospectifs

A partir du travail d’estimation des paramètres et variables exogènes du modèle


d’offre en programmation dynamique, les scénarios prospectifs suivants sont proposés :

REF_pref’: scénario de Référence avec la trajectoire de prix de référence

REF_pprob : scénario de Référence avec les trois trajectoires de prix tendanciels


probabilisés

REF_pvoln : scénario de Référence avec la nième trajectoire de prix volatils

ENVdet_pref’: scénario Environnemental déterministe avec la trajectoire de prix de


référence

271
ENVdet_pprob : scénario Environnemental déterministe avec les trois trajectoires de prix
tendanciels probabilisés

ENVprob_ pref’ : scénario Environnemental probabilisé avec la trajectoire de prix de


référence

ENVprob_pprob : scénario Environnemental probabilisé avec les trois trajectoires de prix


tendanciels probabilisés

ENVprob_pvoln : scénario Environnemental probabilisé avec la nième trajectoire de prix


volatils

Les résultats des simulations obtenus à partir de l’ensemble de ces scénarios seront
analysés dans le chapitre 8.

Au terme de cette seconde section, nous avons estimé les paramètres de coûts et de
prix du modèle d’offre en programmation dynamique, et élaboré les scénarios prospectifs
complémentaires. En particulier, ces scénarios nous permettront d’évaluer l’impact de
l’incertitude, portant sur les prix futurs et/ou les réglementations environnementales, sur le
potentiel de développement des ressources canadiennes non conventionnelles.

Au terme de ce chapitre, un travail d’estimation des paramètres prospectifs de coûts et


de prix a été mené pour les deux modèles d’offre, à partir d’hypothèses économiques
diversifiées (croissance économique mondiale, évolution de l’équilibre offre-demande de
pétrole, apparition de coûts environnementaux supplémentaires). Ces paramètres ont été
regroupés de manière à former des scénarios prospectifs pertinents à horizon 2050, afin
d’évaluer l’impact d’un cadre réglementaire environnemental plus contraignant et l’impact de
l’incertitude, portant sur les prix futurs et/ou les réglementations environnementales, sur le
potentiel de développement des ressources canadiennes non conventionnelles.

Le chapitre suivant est consacré à l’analyse des résultats prospectifs issus du modèle
d’offre tendancielle.

272
Chapitre 7 : Prospective de l’offre
tendancielle

Ce chapitre est consacré à l’analyse des résultats de projection de l’offre non


conventionnelle canadienne déterminés à partir du modèle d’offre linéaire de long terme. Pour
réaliser ces exercices prospectifs, nous avons utilisé les scénarios portant sur la demande, les
prix et les coûts décrits dans le chapitre précédent, fonction de l’équilibre offre-demande de
pétrole et des différentes hypothèses de coûts. Pour chacun des types de scénarios, de
Référence et Environnemental, nous avons été conduits à effectuer des analyses de sensibilité
sur certains paramètres, dont les changements de valeur entraînaient des basculements de
solution.

Dans un premier temps, nous présentons les stratégies optimales d’investissement et


de production minière simulées sous le scénario de Référence, en effectuant une analyse de
sensibilité sur le prix du brut sur la période 2005-2050. L’évolution de la structure des coûts
de production par technique minière est également analysée à partir d’une comparaison à
horizon 2010 et 2030. Une analyse similaire est ensuite menée pour la filière de production in
situ.

Dans un second temps, nous présentons les principaux résultats obtenus sous le
scénario Environnemental. Nous avons d’abord analysé l’impact de l’instauration du système
de quota en eau douce payant décrit dans le chapitre précédent sur les niveaux de production
et d’investissement minier et in situ. Nous avons ensuite évalué l’impact d’une hausse des
coûts de réhabilitation et d’une modification de leur système de provisionnement sur les
stratégies de développement. Enfin, nous avons analysé l’impact de deux nouvelles
réglementations pour la réduction des gaz à effet de serre (GES) : l’instauration d’une taxe sur
les émissions de CO2 et le déploiement d’unités de capture et stockage du CO2 sur les sites de
production. Une analyse de sensibilité a permis d’évaluer l’impact de différents niveaux de

273
taxe CO2 et coût de CSC sur les stratégies de production et d’investissement optimales
simulées.

7.1 Résultats prospectifs sous le scénario de


Référence

Nous présentons dans cette première section les principaux résultats du modèle primal,
pour les filières de production minière et in situ : niveau de production et d’investissement,
consommation en eau, gaz naturel et autres utilités, ainsi que les émissions de CO2 associées.
Nous présentons ensuite les résultats issus des analyses de sensibilité. Les trois trajectoires
tendancielles de prix du brut (AIE, 2009) ont été utilisées.

7.1.1 Stratégies prospectives optimales de


production

7.1.1.1 Filière de production minière intégrée

Trois stratégies optimales d’investissement dans la filière minière ont été déterminées
en fonction des trajectoires tendancielles de prix du brut sous le scénario de Référence. Pour
chaque scénario de prix du brut, le niveau optimal de production, qui tient compte des
investissements incrémentaux et du déclassement des unités en fin de vie, est reporté sur la
figure 7-1.

Sous le scénario minimum de prix du brut, à l’optimum, aucun nouvel investissement


n’est effectué au-delà de l’année 2005. La production minière atteint au maximum 0.8 Mb/j
en 2010 et 2015, avant de diminuer progressivement au rythme des déclassements des
capacités de production.

Sous le scénario de référence de prix du brut, la production minière croît sur la période
2005-2025 grâce aux investissements dans 300 kb/j de capacité effectués sur les périodes
2005, 2015 et 2020. La production atteint au maximum 1.3 Mb/j en 2025, avant de diminuer
au rythme des déclassements entre 2030 et 2045.

274
Enfin, sous le scénario maximum de prix du brut, la production minière augmente plus
rapidement sur la période 2005-2035 avec l’ajout de 300 kb/j de capacité supplémentaire sur
toutes les périodes entre 2005 et 2030. La production minière atteint au maximum 1.9 Mb/j en
2035, avant de décroître au rythme des déclassements entre 2040 et 2045. Malgré des
scénarios de prix monotones croissants en tendance, leur évolution en niveau a un impact
majeur sur les stratégies d’investissement.

2.0
1.8
1.6
1.4
Mb/j bitume

1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045

Scénario de référence AIE 2009 Scénario minimum AIE 2009

Scénario maximum AIE 2009

Figure 7-1 : Stratégies prospectives optimales de production minière en fonction des


trajectoires du prix du brut sur la période 2005-2045 sous le scénario de Référence

7.1.1.2 Filière de production in situ intégrée

Une analyse prospective similaire a été effectuée sur la filière in situ intégrée. Pour
chacune des trois trajectoires de prix du brut (AIE, 2009), le niveau optimal de production,
qui tient compte des investissements incrémentaux et du déclassement des unités en fin de vie,
est reporté sur la figure 7-2.

Sous le scénario minimum de prix du brut, à l’optimum, seul un nouvel investissement


de 300 kb/j de capacité est effectué en 2005. Atteignant au maximum 0.7 Mb/j en 2010 et
2015, la production in situ décroît ensuite progressivement au rythme des déclassements des
capacités de production.

275
Sous le scénario de référence de prix du brut, des investissements de 300 kb/j de
capacité sont effectués sur chaque période entre 2005 et 2030. La production in situ croît
rapidement sur la période 2005-2035, atteignant au maximum 1.8 Mb/j en 2035, avant de
diminuer au rythme des déclassements en 2040 et 2045.

En considérant le scénario maximum de prix du brut, des investissements de 300 kb/j


de capacité sont effectués sur chaque période entre 2005 et 2035. A l’optimum, la production
in situ croît alors au même rythme que celui déterminé sous le scénario de prix de référence
sur la période 2005-2035, mais reste stable entre 2035 et 2040 à 1.8 Mb/j grâce à un
investissement supplémentaire effectué en 2035, avant de décliner en 2045. Là encore,
l’évolution des prix de la ressource en niveau impacte significativement les stratégies
d’investissement. En particulier, le niveau optimal d’investissement est fortement pénalisé
sous le scénario de prix minimum.

2.0
1.8
1.6
1.4
Mb/j bitume

1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045

Scénario de référence AIE 2009 Scénario minimum AIE 2009


Scénario maximum AIE 2009

Figure 7-2 : Stratégies prospectives optimales de production in situ en fonction des


trajectoires du prix du brut sur la période 2005-2045 sous le scénario de Référence

L’absence d’investissement en fin de période s’explique par l’absence de condition de


transversalité. Les producteurs n’ont donc pas de raison d’investir en fin de période, puisque
les flux de revenus associés ne sont que partiellement pris en compte, voire pas du tout pour
les investissements effectués en dernière période, pour le calcul du profit intertemporel.

276
7.1.2 Consommations en eau, gaz naturel, utilités et
émissions de CO2

7.1.2.1 Consommation en eau

La filière minière intégrée consomme 13.7 unités d’eau par unité de bitume produit.
30% de l’eau est consommée comme eau de refroidissement, tandis que 70% est consommée
comme eau de procédé (dont 74% pour l’hydrotransport et l’extraction du bitume par lavages
successifs). Sous l’hypothèse d’un taux de recyclage des eaux usées croissant au cours de la
période considérée (cf. annexe 4.3, hypothèses du tableau des rendements des unités de
traitement de l’eau), entre 10.3 (en 2005) et 11.9 (à partir de 2030) unités d’eau sont recyclées
par unité de bitume produit. Par conséquent, la consommation nette unitaire d’eau douce de la
rivière Athabasca diminue progressivement de 3.4 tonnes d’eau par tonne de bitume produit
par la filière minière intégrée en 2005 à 1.8 tonne d’eau par tonne de bitume à partir de 2030.

Les valeurs obtenues entre 2005 et 2025 (3.4 t d’eau/t de bitume en 2005, 2.7 t d’eau/t
de bitume en 2010 et 2015, 2.1 t d’eau/t de bitume en 2020 et 2025) sont comparables aux
estimations fournies par Griffiths (2006) ; cf. paragraphe 2.3.2.1), comprises entre 2.4 et 3.9 t
d’eau/t de bitume. Toutefois, les valeurs obtenues entre 2030 et 2045 (1.8 t d’eau /t de bitume)
sont légèrement inférieures à la fourchette d’estimation étant donné l’hypothèse
d’amélioration du taux de recyclage.

Pour l’ensemble de la filière minière intégrée, la consommation totale d’eau douce,


égale à 101110 kt/an en 2005, atteindrait au maximum 151950 kt/an en 2025 sous la
trajectoire de prix de référence, avant de diminuer progressivement à 68530 kt/an en 2045. En
considérant la trajectoire de prix maximum, la consommation totale en eau douce pourrait
atteindre 195045 kt/an en 2035.

La filière in situ intégrée consomme 7.2 unités d’eau par unité de bitume produit. 58%
de l’eau est consommée comme eau de refroidissement, tandis que 42% est consommée
comme eau de procédé. Sous l’hypothèse d’un taux de recyclage des eaux usées croissant au
cours de la période considérée (cf. annexe 4.3, hypothèses du tableau des rendements des
unités de traitement de l’eau), entre 5.7 (en 2005) et 6.4 (à partir de 2030) unités d’eau sont
recyclées par unité de bitume produit. La consommation nette unitaire d’eau douce de la
rivière Athabasca diminue progressivement de 1.4 tonne d’eau par tonne de bitume produit

277
par la filière in situ intégrée en 2005 à 0.8 tonne d’eau par tonne de bitume à partir de 2030.
Les valeurs de consommation nette obtenues entre 2005 et 2025 (1.4 t d’eau/t de bitume en
2005, 1.08 t d’eau/t de bitume en 2010 et 2015, 0.94 t d’eau/t de bitume en 2020 et 2025) sont
comparables aux estimations fournies par Griffiths (2006) ; cf. paragraphe 2.3.2.1), comprises
entre 0.9 et 1.4 t d’eau/t de bitume. Toutefois, là encore, les valeurs obtenues entre 2030 et
2045 (0.8 t d’eau/t de bitume) sont légèrement inférieures à la fourchette d’estimation étant
donné l’hypothèse d’amélioration du taux de recyclage.

Pour l’ensemble de la filière in situ intégrée, la consommation totale d’eau douce est
comprise entre 37677 kt/an en 2005 et 84044 kt/an au maximum en 2035 sous les deux
trajectoires de prix de référence et maximum.

En considérant la production non conventionnelle minière et in situ cumulée, la


consommation totale en eau douce, égale à 174032 mt en 2010, atteindrait au maximum, sous
les trajectoires de prix de référence et maximum, respectivement 234670 mt en 2025 et
279089 mt en 2035.

L’ensemble des estimations des consommations en eau obtenues pour chacune des
filières de production est synthétisé dans le tableau 7-1.

278
Tableau 7-1: Estimations des consommations en eau des filières de production minière et in
situ intégrée sous le scénario de Référence

Estimation Unité Filière minière intégrée Filière in situ intégrée


Consommation unitaire t/t de bitume 13.7 7.2
en eau
Taux de recyclage % [0.75-0.87] [0.80-0.89]
Consommation nette t/t de bitume [1.8-3.4] [0.8-1.4]
unitaire en eau
Estimation littérature t/t de bitume [2.4-3.9] [0.9-1.4]
Consommation annuelle mt/an Scénario Prix de Scénario Prix Scénario Prix de Scénario Prix
en eau référence maximum référence maximum
2005 101110 101110 37677 37677
2010 129510 129510 44522 44522
2015 121420 169988 63602 63602
2020 121560 158028 66176 66176
2025 151950 188418 82720 82720
2030 126510 189765 79374 79374
2035 100160 195045 84044 84044
2040 68530 163412 70037 84044
2045 68530 131784 56031 70037
Sources : Griffiths, 2006 ; Résultats des simulations prospectives PL
Unité : mt/an

7.1.2.2 Consommation en gaz naturel

La consommation unitaire de gaz naturel pour la filière minière intégrée atteint 0.676
MBtu par baril de bitume, équivalent à 18.8 m3/baril de bitume, et comparable aux
estimations de la littérature. Elle ne tient toutefois pas compte d’un besoin croissant en
hydrogène pour améliorer la qualité du brut synthétique issu de l’upgrading.

Pour l’ensemble de la filière minière intégrée, la consommation totale de gaz naturel


est comprise entre 123 millions de MBtu/an en 2005 et 308 millions de MBtu/an au maximum
en 2025 en considérant la trajectoire de prix de référence, et pourrait atteindre jusqu’à 456
millions de MBtu/an en 2035 sous la trajectoire de prix maximum.

La consommation unitaire de gaz naturel pour la filière in situ intégrée atteint 1.51
MBtu par baril de bitume, équivalent à 42.1 m3/baril de bitume, soit deux fois supérieure à
celle de la filière minière intégrée, et comparable aux estimations de la littérature.

279
Pour l’ensemble de la filière in situ intégrée, la consommation totale de gaz naturel est
comprise entre 246 millions de MBtu en 2005 et 995 millions de MBtu au maximum en 2035
sous les deux trajectoires de prix de référence et maximum.

En considérant la production non conventionnelle minière et in situ cumulée, la


consommation annuelle totale en gaz naturel, égale à 584 millions de MBtu en 2010,
atteindrait au maximum, sous les trajectoires de prix de référence et maximum,
respectivement 1236 millions de MBtu en 2030 et 1452 millions de MBtu en 2035.

L’ensemble des estimations des consommations en gaz naturel obtenues pour chacune
des filières de production est synthétisé dans le tableau 7-2.

Tableau 7-2: Estimations des consommations en gaz naturel des filières de production minière
et in situ intégrée sous le scénario de Référence

Estimation Unité Filière minière intégrée Filière in situ intégrée


Consommation unitaire m3/b de bitume 18.8 42.1
en gaz naturel
Estimation littérature m3/b de bitume 20.7 41.9
Consommation annuelle MBtu/an Scénario Prix de Scénario Prix Scénario Prix de Scénario Prix
en gaz naturel référence maximum référence maximum
2005 123 123 246 246
2010 197 197 387 387
2015 185 259 553 553
2020 247 321 664 664
2025 308 382 829 829
2030 296 444 940 940
2035 234 456 995 995
2040 160 382 829 995
2045 160 308 664 829
Sources : Alberta Chamber of Resources, 2004 ; Résultats des simulations prospectives PL
Unité : MBtu/an

7.1.2.3 Consommation en utilités

Avec une consommation unitaire en vapeur BP/MP égale à 0.202 tonne par tonne de
bitume produit, les besoins cumulés en vapeur BP/MP de la filière minière sont compris entre
5.9 Mt en 2005 et 14.8 Mt au maximum en 2025, sous l’hypothèse de trajectoire de prix de
référence. La vapeur BP/MP est utilisée dans l’unité de centrifugation du bitume (38%), dans
les unités de distillation atmosphérique (9%) et sous vide (14%) ainsi que dans l’unité Claus
de traitement des fumées soufrées (38%).

280
La consommation en vapeur MP/HP est presque deux fois inférieure, puisqu’elle est
comprise entre 3.2 Mt en 2005 et 8.0 Mt au maximum en 2025, avec une consommation
unitaire égale à 0.108 tonne de vapeur MP/HP par tonne de bitume produit. Elle est utilisée
dans les unités de cokéfaction retardée (46%) et d’hydrotraitement (54%).

Enfin, les besoins en électricité sont compris entre 3.4 TWh en 2005 et 8.4 TWh au
maximum en 2025, avec une consommation unitaire égale à 114.0 kWh par tonne de bitume
produit, et comparable aux estimations de la littérature. Les unités les plus consommatrices en
électricité sont l’unité d’hydrotransport (35%) et l’unité d’extraction du bitume par lavages
successifs (33%), le reste étant destiné aux unités de centrifugation, de distillation, de
cokéfaction, d’hydrotraitement, de traitement des fumées soufrées ainsi que des unités de
production de vapeur (entre 1 et 6% des besoins cumulés).

Dans le cas de la filière in situ intégrée, avec une consommation unitaire en vapeur
BP/MP égale à 0.124 tonne par tonne de bitume produit, les besoins cumulés en vapeur
BP/MP sont compris entre 3.3 Mt en 2005 et 13.2 Mt au maximum en 2035, sous les
trajectoires de prix de référence et maximum. La vapeur BP/MP est utilisée dans les unités de
distillation atmosphérique (15%) et sous vide (23%) ainsi que dans l’unité Claus de traitement
des fumées soufrées (61%).

La consommation en vapeur MP/HP est supérieure, puisqu’elle est comprise entre


65.7 Mt en 2005 et 265.9 Mt au maximum en 2035, avec une consommation unitaire égale à
2.51 tonnes de vapeur MP/HP par tonne de bitume produit. Elle est utilisée à 96% comme
vapeur d’injection pour la récupération in situ du bitume, le reste étant destiné aux unités de
cokéfaction retardée et d’hydrotraitement.

Enfin, les besoins en électricité sont compris entre 1.8 TWh en 2005 et 7.3 TWh au
maximum en 2035, avec une consommation unitaire égale à 68.4 kWh par tonne de bitume
produit, et comparable aux estimations de la littérature. Les unités les plus consommatrices en
électricité sont l’unité de récupération in situ du bitume (28%) ainsi que l’unité de production
de vapeur MP/HP (37%), le reste étant destiné aux unités de distillation, de cokéfaction,
d’hydrotraitement, de traitement des fumées soufrées ainsi que de l’unité de production de la
vapeur BP/MP (entre 2 et 7% des besoins cumulés).

281
L’ensemble des estimations des consommations en utilités obtenues pour chacune des
filières de production, sous la trajectoire de prix de référence, est synthétisé dans le tableau
7-3.

Tableau 7-3 : Estimations des consommations en utilités des filières de production minière et
in situ intégrée sous le scénario de Référence (trajectoire de prix de référence)

Estimation Unité Filière minière intégrée Filière in situ intégrée


Consommation unitaire en t/t de bitume 0.202 0.124
vapeur BP/MP
Estimation littérature t/t de bitume
Consommation unitaire en t/t de bitume 0.108 2.5
vapeur MP/HP
Estimation littérature t/t de bitume
Consommation unitaire en kWh/t de bitume 114 68.4
électricité
Estimation littérature kWh/t de bitume [100-116] [55-67]
Consommation annuelle vapeur BP/MP vapeur MP/HP électricité vapeur BP/MP vapeur MP/HP électricité
Mt/an Mt/an MMWh/an Mt/an Mt/an MMWh/an
2005 5.9 3.2 3.3 3.3 65.7 1.8
2010 9.5 5.1 5.4 5.1 103.4 2.8
2015 8.9 4.8 5.0 7.3 147.7 4.0
2020 11.9 6.4 6.7 8.8 177.3 4.8
2025 14.8 8.0 8.4 11.0 221.6 6.0
2030 14.3 7.7 8.0 12.5 251.1 6.9
2035 11.3 6.1 6.4 13.2 265.9 7.3
2040 7.7 4.2 4.4 11.0 221.6 6.0
2045 7.7 4.2 4.4 8.8 177.3 4.8
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
Unités : Mt/an, MMWh/an

7.1.2.4 Emissions de CO2

Les émissions de CO2 associées à la filière minière intégrée sont comprises entre 14.3
Mt/an en 2005 et 35.8 Mt/an au maximum en 2025, sous l’hypothèse d’un facteur d’émissions
de CO2 égal à 79 kg/b de bitume produit (0.487 t/t de bitume produit) et sous la trajectoire de
prix de référence. Elles pourraient atteindre 53.0 Mt/an en 2035 sous la trajectoire de prix
maximum.

Sous les trajectoires de prix de référence ou maximum, les émissions de CO2 associées
à la filière in situ intégrée sont comprises entre 19.5 Mt/an en 2005 et 78.9 Mt/an au

282
maximum en 2035 sous l’hypothèse d’un facteur d’émissions de CO2 égal à 120 kg/b de
bitume produit (0.744 t/t de bitume produit).

Les émissions de CO2 associées à la production non conventionnelle minière et in situ


cumulée, égales à 54 millions de tonnes en 2010, atteindraient au maximum, sous les
trajectoires de prix de référence et maximum, 109 Mt en 2030 et 132 Mt en 2035
respectivement.

L’ensemble des estimations des émissions de CO2 associées à chacune des filières de
production est synthétisé dans le tableau 7-4.

Tableau 7-4 : Estimations des émissions de CO2 associées aux filières de production minière
et in situ intégrée sous le scénario de Référence

Estimation Unité Filière minière intégrée Filière in situ intégrée


Facteur d'émissions de CO2 kg/b de bitume 79 120
Estimations littérature kg/b de bitume [73; 90] [99; 138]
Emissions de CO2 annuelles Mt/an Scénario Prix de Scénario Prix Scénario Prix de Scénario Prix
référence maximum référence maximum
2005 14.3 14.3 19.5 19.5
2010 22.9 22.9 30.7 30.7
2015 21.5 30.1 43.8 43.8
2020 28.7 37.3 52.6 52.6
2025 35.8 44.4 65.7 65.7
2030 34.4 51.6 74.5 74.5
2035 27.2 53.0 78.9 78.9
2040 18.6 44.4 65.7 78.9
2045 18.6 35.8 52.6 65.7
Sources : Plouchard, 2001 ; Préel, 2006 ; Flint, 2005 ; Résultats des simulations prospectives
PL

7.1.3 Analyse des coûts de production

7.1.3.1 Filière de production minière intégrée

La structure des coûts de production miniers sur le sentier optimal de production


évolue au cours des périodes. Les coûts de production ont été décomposés en fonction des
postes de dépenses suivants : coûts opératoires, coût du capital et royalties, sur les années

283
2010 et 2030 en considérant le scénario de référence du prix du brut (cf. figure 7-3). Les coûts
sont exprimés en dollars US en monnaie constante (base 100=2005).

Figure 7-3 : Décomposition des coûts de production miniers, années 2010 et 2030

Egal à 58.3 $/b de bitume en 2010, le coût de production est composé en majorité du
coût du capital qui s’établit à 27.2 $/b (46.6% du coût total). Les coûts opératoires fixes et
variables atteignent 23.2 $/b, tandis que les royalties sont égales à 7.9 $/b. En 2030, le coût de
production atteint 82.5 $/b, le coût du capital s’établissant à 35.4 $/b (42.9% du coût total),
tandis que les coûts opératoires et les royalties atteignent 27 et 20.1 $/b.

Les coûts opératoires augmentent sous l’effet de la hausse des prix des commodités
énergétiques corrélés au prix du brut, tandis que la part des royalties s’accroît fortement sous
l’effet de la hausse du prix du brut, les taux de royalties étant calculés à partir d’un système
flexible en fonction du prix du brut.

Dans notre modèle de prospective, la hausse des coûts opératoires miniers entre 2010
et 2030 est uniquement liée à l’augmentation des prix des commodités énergétiques utilisées
dans la chaîne de production, telles que le gaz naturel, le carburant diesel et le naphta et autre
diluant. Ainsi, les dépenses opératoires énergétiques s’établissent à 7.5 $/b en 2010, soit
32.3% des dépenses opératoires globales et augmentent à 11.5 $/b en 2030, soit 42.5% des
dépenses opératoires (cf. figure 7-4).

284
Figure 7-4 : Décomposition des coûts opératoires miniers, années 2010 et 2030

Une hypothèse supplémentaire de croissance des coûts opératoires fixes, incluant le


coût de main d’œuvre aurait pu être proposée, à l’instar de la forte hausse des salaires
observée dans les années 2000 dans la province de l’Alberta et répercutée sur les coûts de
production (Suncor, 2010). Ainsi, en 2010, les coûts opératoires fixes s’établissent à 11.9 $/b
et représentent 51.2% des coûts opératoires. Toutefois, les dépenses de R&D sont souvent
répercutées sur les coûts opératoires fixes et diminuent progressivement dans le scénario de
Référence, lorsque la technologie devient plus mature. Pour limiter les sources de variation
des paramètres économiques, nous conservons l’hypothèse de stabilité des coûts fixes au
cours de la période considérée, en supposant un équilibrage entre les taux d’inflation des
salaires et de réduction des dépenses de R&D.

7.1.3.2 Filière de production in situ intégrée

La structure des coûts de production in situ sur le sentier optimal de production évolue
au cours des périodes de la même manière que celle des coûts de production miniers. En
utilisant la même décomposition que précédemment, les coûts de production in situ à l’année
2010 et 2030 sont représentés sur la figure 7-5. Les coûts sont exprimés en dollars US en
monnaie constante (base 100=2005).

285
Figure 7-5 : Décomposition des coûts de production in situ, années 2010 et 2030

Egal à 52.3 $/b de bitume en 2010, le coût de production in situ est composé en
majorité du coût du capital qui s’établit à 25.5 $/b (48.7% du coût total). Les coûts opératoires
fixes et variables atteignent 20.8 $/b, tandis que les royalties sont égales à 6 $/b. En 2030, le
coût de production atteint 72.1 $/b, le coût du capital s’établissant à 27.9 $/b (38.7% du coût
total), tandis que les coûts opératoires et les royalties atteignent 26.2 et 18 $/b.

Les mécanismes de hausse des coûts sont identiques au cas d’étude précédent. En
particulier, le coût du gaz naturel et les royalties augmentent nettement sous l’effet de la
hausse du prix du brut. Les dépenses opératoires énergétiques représentent ainsi 50.5% du
coût opératoire total en 2010 contre 61.3% en 2030 (cf. figure 7-6).

Figure 7-6 : Décomposition des coûts opératoires in situ, années 2010 et 2030

286
Les résultats prospectifs décrits dans cette première section constituent les cas de
référence puisqu’ils ont été obtenus sous des hypothèses économiques « classiques » sans
rupture majeure par rapport aux tendances actuelles. Les niveaux d’investissement et de
production pour les deux filières non conventionnelles minière et in situ ont été déterminés
dynamiquement sous les trois trajectoires tendancielles de prix du brut, à partir de
l’optimisation de la fonction de profit intertemporelle et de l’analyse du problème primal. De
plus, les estimations de consommation en eau, en gaz naturel et en utilités déterminées lors
des simulations sont comparables aux données publiques. Nous avons également déterminé
l’évolution des émissions de CO2 associées aux filières de production intégrées à horizon
2050.

Dans la section suivante, nous allons évaluer l’impact de la mise en place de


réglementations environnementales plus contraignantes sur les stratégies d’investissement et
de production des filières non conventionnelles, à partir de l’analyse du problème dual.

7.2 Résultats prospectifs sous le scénario


Environnemental

L’analyse du problème dual relâché en nombres réels permet d’évaluer la dégradation


de la fonction objectif liée à l’introduction de nouvelles contraintes. Les variables duales
indiquent en effet la sensibilité de la fonction objectif du problème primal aux variations des
contraintes imposées (Romerio, 1994, p.72). Les valeurs prises par les variables duales
représentent le coût d’opportunité associé à la saturation des contraintes. Trois nouvelles
réglementations environnementales sont étudiées dans cette section : l’introduction d’un
système payant de quotas d’eau douce en 2020, la hausse des coûts de réhabilitation ainsi que
l’introduction d’un nouveau système de provisionnement de ces coûts et enfin l’introduction
d’une réglementation de réduction des GES, sous la forme d’une pénalité sur les émissions de
CO2 associées aux extensions de capacités démarrées dès 202021. Puisque les inconnues de la
modélisation sont les investissements effectués sur chaque période, l’observation des valeurs
duales associées à l’équation d’investissement permettra d’évaluer l’impact des

21
Selon le Plan Vert du Canada, les installations de production pétrolière non conventionnelle mise en
fonctionnement après 2012 devaient atteindre un objectif d’émissions de GES plus strict basé sur l'utilisation du
captage et du stockage du CO2 en 2018. Pour des raisons de schématisation liées au découpage en périodes de 5
années, nous avons fait l’hypothèse dans notre modélisation d’une pénalisation des nouvelles installations de
production démarrant en 2020 ou après.

287
réglementations environnementales sur la stratégie optimale d’investissement et de déterminer
les valeurs limites de pénalité qui modifient la stratégie à l’optimum.

7.2.1 Impact du système de quota d’eau douce


payant

Selon la CAPP, les allocations en eau douce destinées au secteur pétrolier non
conventionnel atteignaient en 2008 5% des allocations totales égales à 9.6 milliards de m3 par
an, soit 480 millions de m3 par an. Environ 60% des allocations (288 Mm3/an) sont destinées
à la filière minière tandis que les 40% restants (192 Mm3/an) sont destinées à la filière in situ
(ONE, 2006). Le système actuel de quotas d’eau douce s’avère non contraignant pour le
développement du secteur non conventionnel puisque les consommations d’eau douce ont été
évaluées au maximum à 195 et 84 millions de m3 par an pour les filières minière et in situ.

Malgré une consommation en eau 30% plus élevée lors des phases de démarrage, la
maturité des technologies étudiées permet d’atteindre un taux élevé de recyclage des eaux
usées sur les phases suivantes (85% et 87% en moyenne par technique minière et in situ
respectivement), ce qui limite le recours à l’eau douce. Dans notre modèle, la consommation
en eau douce pourrait être légèrement sous-estimée puisque nous avons supposé que l’eau
douce est recyclée tout au long de la durée de vie d’un projet, alors que les cycles de
recyclage sont limités dans la pratique. Toutefois, ce biais sera négligé dans notre analyse.

Dans le cas de la filière minière, sous l’hypothèse d’un coût d’approvisionnement en


eau douce égal à 1.8 $US/t à partir de 2020 (scénario ENV_pref_qeau, cf. sous-section 6.1.3) et
sous la trajectoire de prix de référence, la stratégie d’investissement est inchangée et les
variables duales associées à l’équation d’investissement restent strictement positives lorsque
le quota est compris entre 127 et 288 Mm3/an. Cela signifie que les producteurs non
conventionnels sont prêts à payer un coût d’approvisionnement à 1.8 $US/t sous un nouveau
système qui réduirait jusqu’à 56% (à 127 Mm3/an) les allocations gratuites sans modifier leur
comportement d’investissement. Toutefois, sous un nouveau système d’allocations plus
contraignant, lorsque le quota imposé est inférieur ou égal à 126 Mm3/an, la valeur marginale
associée à l’équation d’investissement en 2020 devient négative, ce qui signifie que la
dégradation de la fonction objectif devient trop importante pour maintenir l’investissement en

288
2020. Les producteurs miniers sont alors incités à suivre une stratégie d’investissement plus
conservative, en annulant l’investissement initialement planifié en 2020.

D’autre part, en imposant un quota d’eau nul, c’est-à-dire en introduisant un coût


d’approvisionnement non nul dès la première tonne d’eau douce déviée à partir de 2020,
l’analyse de sensibilité sur le coût d’approvisionnement indique que les producteurs acceptent
de payer une pénalité inférieure ou égale à 1 $US/t d’eau déviée sans modifier leur stratégie
optimale d’investissement. Pour un coût d’approvisionnement supérieur à cette valeur limite,
la stratégie optimale d’investissement est alors modifiée, avec l’annulation de l’investissement
en 2020. L’évolution de la valeur marginale associée à l’équation d’investissement minier en
2020 en fonction du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce ainsi que les
stratégies optimales d’investissement correspondantes sont résumées dans le tableau 7-5.

Tableau 7-5 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en fonction


du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce (trajectoire de prix de référence)

Quota Coût d'approvisionnement en Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
eau douce d'investissement (2020) dans la technologie minière
Mt/an $US/t
288 1.8 8.765 2005, 2015 et 2020
127 1.8 2.659 2005, 2015 et 2020
126 1.8 -0.925 2005 et 2015
100 1.8 -3.365 2005 et 2015
0 1.8 -6.155 2005 et 2015
0 1.1 -0.353 2005 et 2015
0 1 0.476 2005, 2015 et 2020
Sources : Résultats des simulations prospectives PL

Par conséquent, selon le quota en eau douce imposé, l’introduction de mesures de


stockage de la ressource en eau pour lisser les quantités prélevées en période de faible débit
de la rivière pourrait pénaliser le développement de la filière minière.

Dans le cas de la filière in situ, sous l’hypothèse d’un coût d’approvisionnement en


eau douce égal à 1.8 $US/t à partir de 2020 et sous la trajectoire de prix de référence, la
stratégie d’investissement est inchangée et les variables duales associées à l’équation
d’investissement restent strictement positives quelque soit la valeur du quota introduit,

289
comprise entre 0 et 192 Mm3/an. Cela signifie que les producteurs non conventionnels sont
prêts à payer un coût d’approvisionnement à 1.8 $US/t dès la première tonne d’eau douce
déviée sans modifier leur comportement d’investissement.

En imposant un quota d’eau nul, l’analyse de sensibilité sur le coût


d’approvisionnement indique que les producteurs de la filière in situ acceptent de payer une
pénalité inférieure ou égale à 6 $US/t d’eau déviée sans modifier leur stratégie optimale
d’investissement. Pour un coût d’approvisionnement supérieur à cette valeur limite, la valeur
marginale associée à l’équation d’investissement en 2030 devient négative, ce qui signifie que
la stratégie optimale d’investissement est modifiée, avec l’annulation de l’investissement en
2030. L’évolution de la valeur marginale associée à l’équation d’investissement in situ en
2030 en fonction du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce ainsi que les
stratégies optimales d’investissement correspondantes sont résumées dans le tableau 7-6.

Tableau 7-6 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en fonction du


quota et du coût d’approvisionnement en eau douce (trajectoire de prix de référence)

Quota Coût d'approvisionnement en Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
eau douce d'investissement (2020) dans la technologie in situ
Mt/an $US/t
192 1.8 7.767 2005-2030
0 1.8 5.451 2005-2030
0 3 3.907 2005-2030
0 4 2.62 2005-2030
0 5 1.333 2005-2030
0 6 0.046 2005-2030
0 7 -1.240 2005-2025
Sources : Résultats des simulations prospectives PL

Par conséquent, l’introduction de mesures de stockage de la ressource en eau pour


lisser les quantités prélevées en période de faible débit de la rivière n’apparaît pas pénalisant
pour le développement de la filière in situ, tant que le coût de stockage reste inférieur ou égal
à 6 $US/t.

La plus grande sensibilité de la filière minière à l’introduction d’un nouveau système


d’allocations en eau douce plus contraignant semble pertinente, puisque la consommation

290
unitaire en eau douce de la filière minière est environ 2.5 fois plus élevée que celle de la
filière in situ.

Le système de quota d’eau douce en provenance de la rivière Athabasca décrit dans la


sous-section 6.1.3 n’apparaît pas limitant pour le développement prospectif des filières
minières et in situ. Sous les scénarios de prix de référence et maximum, la consommation
annuelle en eau douce des filières minière et in situ cumulées atteint respectivement au
maximum 2.4.105 et 2.8.105 mt pour un pic de production à 2.9 Mb/j en 2030 et 3.7 Mb/j en
2035 (1.2 et 1.7 Mb/j par technique minière et in situ respectivement sous le prix de référence
et 1.9 et 1.8 Mb/j sous le prix maximum), ne dépassant pas 48% et 57% de l’allocation
annuelle allouée gratuitement, égale à 4.9.105 mt.

7.2.2 Impact des coûts de réhabilitation et du


système de provisionnement

La multiplication des projets miniers et in-situ et l’impact environnemental cumulatif


en découlant remettent en question la soutenabilité des programmes actuels de réhabilitation
fortement inertiels (cf. paragraphe 2.3.2.2). A partir de ce constat, une mesure réglementaire
de provisionnement des coûts de réhabilitation au cours de la phase de production, qui
inciterait les producteurs à remettre plus rapidement en état les sites d’exploitation, a été
testée. Cette mesure permet d’évaluer les stratégies optimales de développement en tenant
compte du coût complet de la filière minière, qui intègre non seulement les coûts
environnementaux liés aux projets historiques démarrés avant 2005, mais aussi ceux liés aux
investissements prospectifs. L’étude d’impact repose sur les deux scénarios
Environnementaux ENV_pref_rehf, et ENV_pref_rehc, intégrant deux systèmes distincts de
provisionnement des dépenses de réhabilitation, décrits dans la sous-section 6.1.5.

Nous avons représenté sur la figure 7-7 le profit net cumulé minier simulé en fonction
du système de provisionnement des coûts de réhabilitation, sous la trajectoire de prix de
référence. Les valeurs de coûts et de profit sont exprimées en dollars US en monnaie
constante (base 100=2005). En considérant le coût de réhabilitation de référence et le
paiement des dépenses de réhabilitation en fin de projet (scénario ENV_pref_rehf), la
multiplication du coût unitaire de réhabilitation par un facteur compris dans l’intervalle [1.1;

291
2] ne modifie pas les stratégies optimales de production et d’investissement déterminées dans
le scénario de Référence. Les investissements dans 300 kb/j de capacité effectués sur les
périodes 2005, 2015 et 2020 sont conservés. Le profit net cumulé minier diminue cependant
légèrement sous l’effet de la hausse du coût unitaire de réhabilitation : il diminue ainsi de
0.4% lorsque le coût unitaire de réhabilitation double.

En considérant le provisionnement des coûts de réhabilitation au cours de la phase de


production (scénario ENV_pref_rehc), actualisés au même taux, à 8%, quelque soit la valeur
du coût unitaire de réhabilitation, le profit net cumulé minier est inférieur au profit net cumulé
obtenu sous l’hypothèse de modélisation précédente (-1.9% à -3.8% avec un facteur
multiplicatif égal à 1 et 2 respectivement). Cet écart provient d’un effet plus limité de
l’actualisation, qui ne réduit plus autant les futurs flux de dépenses de réhabilitation. De plus,
nous avons considéré dans le modèle une durée de vie des projets miniers égale à 30 ans et
une période finale à horizon 2045. Sous l’hypothèse d’un paiement des dépenses de
réhabilitation en fin de projet, seuls les coûts de réhabilitation liés aux projets déclassés et aux
investissements effectués sur les périodes 2005 et 2010 sont comptabilisés dans le calcul du
profit intertemporel. En revanche, sous l’hypothèse du provisionnement des coûts de
réhabilitation au cours de la phase de production, l’ensemble des coûts de réhabilitation liés
aux projets historiques en fonctionnement et aux nouveaux investissements est pris en compte
dans l’évaluation du profit intertemporel, ce qui le pénalise plus fortement.

Par ailleurs, la stratégie optimale de production et d’investissement sous l’hypothèse


de provisionnement en cours de production n’est modifiée que lorsque le facteur multiplicatif
de coût atteint 1.9. L’investissement initialement planifié en 2020 est annulé, ce qui permet de
réduire les dépenses de réhabilitation et d’optimiser le profit net intertemporel. L’hypothèse
d’une hausse de 30% des coûts de réhabilitation considérée dans le scénario Environnemental
(cf. sous-section 6.1.5) ne modifie donc pas la stratégie optimale déterminée dans le scénario
de Référence.

292
59.80 59.78 59.75 59.73 59.71 59.69 59.67 59.64 59.62
60.0 59.60 59.58

58.67 58.53
58.39 58.26
58.12 57.99
G$US 57.85 57.72
58.0 57.58 57.45
57.32

56.0
1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 2

Facteur multiplicatif de coût

Taux actualisation 8%, paiement en fin de projet

Taux actualisation 8%, provisionnement en cours de production

Figure 7-7 : Impact d’une hausse des coûts de réhabilitation et du système de provisionnement
sur le profit net cumulé minier sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)

La figure 7-8 présente l’évolution des dépenses annuelles et du coût unitaire de


réhabilitation des sites d’extraction minière en fonction de leur système de provisionnement,
avec un facteur multiplicatif égal à 1.9. Sous l’hypothèse d’un paiement en fin de projet, on
observe des dépenses annuelles de réhabilitation limitées entre 2015 et 2030, à 60 M$ en 2015
et 120 M$ entre 2020 et 2030, puisqu’elles correspondent aux projets historiques en cours de
déclassement (les dépenses sont nulles en 2005 et 2010 puisqu’aucun déclassement n’a été
planifié). Elles augmentent nettement en 2035 et 2040, à 340 et 290 M$ respectivement, sous
l’effet d’un déclassement massif des unités historiques (250 kb/j en 2035) et des unités
installées en 2005. Initialement égal à 0.2-0.3 $/b de bitume entre 2015 et 2030, le coût
unitaire de réhabilitation répercuté sur la production atteint 1 et 1.2 $/b en 2035 et 2040.

Sous l’hypothèse d’un provisionnement au cours de la phase de production, les


dépenses annuelles de réhabilitation sont plus élevées. Comprises entre 200 et 300 M$ entre
2005 et 2015, elles atteignent 340 à 380 M$ entre 2020 et 2030, avant de diminuer à 130 M$
entre 2040 et 2045. Toutefois, le système de provisionnement des coûts de réhabilitation au
cours de la phase de production pourrait apporter une meilleure visibilité aux producteurs,
puisque le coût unitaire de réhabilitation répercuté sur chaque unité de bitume produit est
constant sur la période considérée 2005-2045, à 1 $/b.

293
Figure 7-8 : Evolution des dépenses de réhabilitation des sites miniers en fonction du système
de provisionnement sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)

A titre comparatif, une troisième hypothèse de modélisation a été testée. Le système


de paiement des dépenses de réhabilitation en fin de projet a été conservé mais un taux
d’actualisation inférieur au taux d’actualisation des autres flux de trésorerie a été introduit
pour limiter la réduction des dépenses environnementales futures liée à l’actualisation
(Hardelin et Marical, 2011). Le nouveaux taux d’actualisation de base a été fixé à 6%,
correspondant à une réduction de deux points du taux d’actualisation du projet. Quelque soit
le facteur multiplicatif de coût considéré, les stratégies optimales de production et
d’investissement restent inchangées par rapport à celles déterminées avec le taux
d’actualisation initial. Les profits nets cumulés sont légèrement inférieurs à ceux obtenus
précédemment, mais avec un écart relatif inférieur à 1%.

Les résultats ont mis en évidence un potentiel de développement de la filière minière


identique sous les deux systèmes de provisionnement, à 1.2 Mb/j à horizon 2030, à condition
de maîtriser les coûts de réhabilitation. Une diminution des investissements prospectifs sur la
trajectoire optimale a été observée sous l’hypothèse d’un quasi-doublement des coûts de
réhabilitation (facteur multiplicatif égal à 1.9) sous le système de provisionnement en cours de
production.

294
Ce résultat provient d’une comptabilisation différente des coûts de réhabilitation selon
le système de provisionnement. En effet, sous l’hypothèse d’un paiement des dépenses de
réhabilitation en fin de projet, seuls les coûts de réhabilitation liés aux projets déclassés et aux
investissements effectués sur les périodes 2005 et 2010 sont comptabilisés. Sous l’hypothèse
du provisionnement des coûts de réhabilitation en cours de production, l’ensemble des coûts
de réhabilitation liés aux projets historiques en fonctionnement et aux nouveaux
investissements est comptabilisé.

Pour la suite de cette analyse, nous conservons le système de provisionnement au


cours de la phase de production, puisque lui seul permet d’évaluer le potentiel de
développement de la filière minière en tenant compte du coût environnemental complet lié
aux projets historiques et aux investissements prospectifs. Nous considérons également une
hausse des coûts de réhabilitation de 30% (facteur multiplicatif 1.3). Une analyse similaire n’a
pas été menée pour la filière in situ, puisque les coûts de réhabilitation sont beaucoup plus
faibles que ceux de la filière minière (-70%). Par conséquent, le développement de la filière in
situ ne devrait pas être impacté par une modification du système de provisionnement.

7.2.3 Impact des réglementations de réduction des


GES

Dans le cadre des politiques de réduction des émissions de GES, nous supposons dans
un premier temps que les producteurs de brut non conventionnel peuvent être soumis à une
taxe sur les émissions de CO2 associées aux nouveaux projets mis en production à partir de
2020. L’analyse du problème dual relâché en nombres réels a permis de mettre en évidence
des ruptures sur les stratégies optimales en fonction du niveau de taxe imposé.

Une seconde alternative consisterait à investir dans la capture et le stockage du CO2


pour s’affranchir de la taxe CO2. En imposant une contrainte de nullité sur les émissions de
CO2, l’analyse du problème dual relâché en nombres réels a permis de déterminer le coût
d’opportunité maximum qu’est prêt à payer le producteur pour installer des unités de capture
et stockage du CO2. Enfin, la dernière partie de l’analyse est consacrée à l’étude de l’arbitrage
entre les deux alternatives. Les valeurs de coûts et de profit sont exprimées en dollars US en

295
monnaie constante (base 100=2005). Les résultats présentés dans ce paragraphe ont été
obtenus sous la trajectoire de prix de référence.

7.2.3.1 Instauration d’une taxe sur les émissions de CO2

L’instauration d’une taxe sur les émissions de CO2 à horizon 2020 pourrait pénaliser le
développement des filières minière et in situ selon le niveau de taxe.

Les stratégies optimales de production minière en fonction de la taxe CO2 sont


représentées sur la figure 7-9. Pour la technologie minière, la stratégie optimale de production
et d’investissement est pénalisée par rapport à celle déterminée sous le scénario de Référence
dès que la taxe CO2 atteint 4 $/t. Dans la formulation duale du problème, la valeur marginale
associée à l’équation d’investissement à l’année 2020 devient alors négative (-0.171 pour une
taxe CO2 à 4 $/t ; cf. tableau 7-7). Pour un niveau de taxe compris entre 4 et 41 $/t, seuls les
investissements effectués en 2005 et 2015 sont maintenus. L’investissement effectué en 2020
dans le scénario de Référence est annulé dans le scénario Environnemental, ce qui permet de
limiter les pénalités CO2. La production atteint au maximum 1 Mb/j en 2020 et 2025, avant de
diminuer progressivement à 0.5 Mb/j en 2045.

Le producteur aurait aussi eu la possibilité d’anticiper et décaler son investissement


initialement planifié en 2015 sur la période précédente 2010, pour ne pas payer les pénalités
CO2 (mise en fonctionnement antérieure à 2020). Toutefois, cette stratégie s’avère sous-
optimale, car le différentiel observé sur le prix du brut (11 $/b) contrebalance largement le
coût CO2 (< 0.6 $/b de bitume), et le profit intertemporel est réduit de 1421 M$. L’analyse
duale indique que cette stratégie d’anticipation dégrade fortement la valeur de la fonction
objectif puisque la valeur marginale associée à l’équation d’investissement sur la période
2010 est largement négative (-107.6 pour une taxe CO2 à 4 $/t).

Pour une taxe CO2 supérieure ou égale à 42 $/t, l’investissement initialement planifié à
l’année 2015 est suspendu et la valeur marginale associée à l’équation d’investissement à
l’année 2015 devient négative (-2.297 pour une taxe CO2 à 42 $/t). Le producteur n’investit
pas au-delà de 2005 et la production atteint alors au maximum 0.8 Mb/j en 2010 et 2015.

296
1.4
1.2
1.0

Mb/j bitume
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045

0 ” Taxe CO2 ” 3 $US/t


4 ” Taxe CO2 ” 41 $US/t
Taxe CO2 • 42 $US/t

Figure 7-9 : Evolution des stratégies optimales de production minière en fonction de la taxe
CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)

Tableau 7-7 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en fonction


de la taxe CO2 (trajectoire de prix de référence)

Taxe CO2 Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
d'investissement (année) dans la technologie minière
$US/t
0 8.765 (2020) 2005, 2015 et 2020
4 -0.171 (2020) 2005 et 2015
4 -107.6 (2010) 2005 et 2010 (sous-optimale forcée)
42 -2.297 (2015) 2005
Sources : Résultats des simulations prospectives PL

Les stratégies optimales de production in situ en fonction de la taxe CO2 sous le


scénario de prix de référence sont représentées sur la figure 7-10. Dans le cas de la
technologie in situ, les investissements sont impactés à la baisse pour une taxe CO2 supérieure
ou égale à 7 $/t. Pour une taxe CO2 comprise entre 7 et 95 $/t, l’investissement initialement
prévu en 2030 est annulé, et la valeur marginale associée à l’équation d’investissement à
l’année 2030 devient négative (-1.107 pour une taxe CO2 à 7 $/t ; cf tableau 7-8). La
production atteint au maximum 1.7 Mb/j en 2030, puis diminue à 0.9 Mb/j en 2045. Pour une
taxe CO2 comprise entre 96 et 134 $/t, l’investissement planifié en 2025 est également annulé,
avec une valeur marginale associée à l’équation d’investissement à l’année 2025 négative (-
0.874 pour une taxe CO2 à 96 $/t). La production atteint au maximum 1.5 Mb/j en 2025, puis
diminue progressivement à 0.6 Mb/j en 2045. Pour une taxe CO2 comprise entre 135 et 148
$/t, seuls les investissements planifiés en 2010 et 2015 sont maintenus. La valeur marginale

297
associée à l’équation d’investissement à l’année 2020 devient négative (-1.560 pour une taxe
CO2 à 135 $/t). La production atteint au maximum 1.2 Mb/j en 2020, puis diminue
progressivement à 0.3 Mb/j en 2045. Enfin, pour une taxe CO2 comprise entre 149 et 200 $/t,
seul l’investissement planifié en 2010 est maintenu. La valeur marginale associée à l’équation
d’investissement à l’année 2015 devient négative (-3.306 pour une taxe CO2 à 149 $/t). La
production atteint au maximum 0.9 Mb/j en 2020 avant de s’annuler en 2045.

2.0

1.5
Mb/j bitume

1.0

0.5

0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045

0 ” Taxe CO2 ” 6 $US/t 7 ” Taxe CO2 ” 95 $US/t

96 ” Taxe CO2 ” 134 $US/t 135 ” Taxe CO2 ” 148 $US/t

149 ” Taxe CO2 ” 200 $US/t

Figure 7-10 : Evolution des stratégies optimales de production in situ en fonction de la taxe
CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)

Tableau 7-8 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en fonction de


la taxe CO2 (trajectoire de prix de référence)

Taxe CO2 Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
d'investissement (année) dans la technologie in situ
$US/t
0 7.767 (2030) 2005-2030
7 -1.107 (2030) 2005-2025
96 -0.874 (2025) 2005-2020
135 -1.560 (2020) 2005-2015
149 -3.306 (2015) 2005-2010
Sources : Résultats des simulations prospectives PL

298
7.2.3.2 Arbitrage entre les alternatives « taxe CO2 » et « capture et
stockage de CO2 »

Face à l’introduction d’une taxe sur les émissions de CO2, les producteurs non
conventionnels peuvent arbitrer entre les deux alternatives proposées et choisir d’investir dans
des unités de capture et stockage du CO2 (CSC) plutôt que de payer la taxe CO2. Pour évaluer
l’intérêt d’un tel arbitrage, l’alternative « investissement dans la capture et le stockage du CO2
(CSC)» peut être modélisée de deux manières. Dans la première, les dépenses
d’investissement sont comptabilisées comme des coûts opératoires, par unité de CO2 capté et
stocké sur la durée de vie de l’installation. Dans la seconde, les dépenses d’investissement
sont déboursées en annuités constantes sur 15 années, avec un amortissement par unité de
CO2 capté et stocké décroissant au cours du temps. Le versement débute une période (5
années) avant la mise en fonctionnement, au cours de la phase de construction, à l’instar des
investissements dans les autres unités productives. Le taux d’actualisation est identique à celui
utilisé pour le reste du projet non conventionnel, égal à 8%.

En premier lieu, une analyse comparative des stratégies d’investissement et des profits
intertemporels obtenus sous les deux alternatives «paiement d’une taxe CO2 » et
« investissement dans la capture et le stockage de CO2 » a été effectuée, en comptabilisant les
dépenses d’investissement de CSC sous la forme de coûts unitaires. Les deux alternatives ont
été envisagées simultanément, en considérant une taxe CO2 et un coût de CSC identiques.

D’après les estimations de coût de CSC synthétisées dans le paragraphe 6.1.3, nous
supposons que le coût complet de CSC est borné au minimum à 40 $/t de CO2 (valeur
inférieure publiée dans Tal, 2007 ; cf. figure 6.4).

Dans le cas de la filière minière, pour une pénalité CO2 (taxe ou coût de CSC)
comprise entre 40 et 67 $/t, on observe un arbitrage favorable pour l’alternative
« investissement dans la capture et le stockage du CO2 », sous l’hypothèse d’une
comptabilisation en coûts unitaires. La stratégie optimale consiste à investir dans 300 kb/j de
capacité supplémentaire sur la période 2015. La production atteint au maximum 1 Mb/j en
2020 et 2025, avant de diminuer progressivement à 0.4 Mb/j en 2040 et 2045. La stratégie
d’investissement dans la capture et le stockage du CO2 est avantagée fiscalement par rapport

299
au paiement d’une taxe CO2, grâce à la déduction des coûts d’investissement et des coûts
opératoires de CSC de l’assiette des royalties.

En revanche, lorsque le coût de CSC est supérieur ou égal à 68 $/t de CO2, il n’est plus
optimal d’investir dans des capacités supplémentaires sur la période 2015, et la valeur
marginale associée à l’équation d’investissement sur la période 2015 devient négative (-
0.187). Les stratégies d’investissement et de production deviennent alors identiques sous les
deux alternatives CO2, puisque les nouvelles capacités démarrées avant 2020 ne sont plus
soumises à une pénalité CO2. L’évolution à l’optimum de l’investissement cumulé dans la
filière minière sur la période 2005-2045 en fonction du coût de l’alternative CO2 est présentée
dans la figure 7-11.

Arbitrage favorable à l’alternative « investissement


dans la capture et le stockage du CO2 »

Figure 7-11 : Evolution de l’investissement cumulé optimal dans la technologie minière en


fonction de l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence)

Nous avons représenté sur la figure 7-12 le profit optimal cumulé du secteur minier
correspondant aux deux alternatives « paiement de la taxe CO2 » et « investissement dans la
capture et le stockage du CO2 » ainsi que le différentiel de profit net en fonction du coût de
l’alternative CO2 compris dans l’intervalle [40 $/t, 70 $/t]. Le profit net cumulé correspondant
à la stratégie d’investissement dans des unités de CSC est compris entre 57.3 et 57.7 milliards
de dollars. Sur tout l’intervalle considéré, il est supérieur au profit net cumulé correspondant
au paiement de la taxe CO2, égal à 57.3 milliards de dollars. Les deux profits nets cumulés

300
s’égalisent lorsque le coût du CO2 atteint 68 $/t puisque la production n’est plus soumise à
une pénalité CO2, les investissements étant antérieurs à 2015. Le différentiel de profit net
cumulé est compris entre 0.02% pour un coût du CO2 égal à 67 $/t et 0.57% pour un coût CO2
à 40 $/t.

En outre, l’arbitrage est d’autant plus favorable à la stratégie d’investissement dans la


capture et le stockage du CO2 lorsque le coût complet de CSC est faible. Les déductions
fiscales sont plus limitées mais le coût de production du brut synthétique est alors moins
impacté par le coût de l’alternative CO2. Ainsi, pour un coût de CSC à 40 $/t, le coût du CO2
répercuté sur la production est égal à 0.66 $/b de bitume en 2030 et atteint au maximum 1.70
$/b en 2040, lorsque le niveau de production est minimum. Lorsque le coût de CSC augmente
à 67 $/t, le coût du CO2 atteint 1.1 $/b de bitume en 2030 et 2.8 $/b en 2040.

57.7 0.30%
57.6 0.25%
57.5 0.20%
57.4
G$US

0.15%
57.3
57.2 0.10%
57.1 0.05%
57.0 0.00%
40 45 50 55 60 65 70
Coût de l'alternative CO2 ($US/t)

Paiement de la taxe CO2

Investissement dans la capture et le stockage du CO2

Différentiel de profit net

Figure 7-12 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur minier en fonction de


l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence)

Dans le cas de la filière in situ, un arbitrage favorable est également observé pour
l’alternative « investissement dans la capture et le stockage du CO2 », lorsque le coût de
l’alternative CO2 est compris entre 40 et 200 $/t. Cette alternative est avantagée grâce à la
déduction fiscale des coûts d’investissement et des coûts opératoires de CSC et permet
d’atteindre un niveau d’investissement cumulé plus élevé à l’optimum (entre 300 et 900 kb/j
de capacité supplémentaire par rapport à celui déterminé sous l’alternative « paiement de la
taxe CO2 »).

301
Pour un coût complet de CSC compris entre 40 et 159 $/t, les investissements à 300
kb/j de capacité sont maintenus entre 2005 et 2025. La production atteint au maximum 1.7
Mb/j en 2030, avant de diminuer progressivement à 0.9 Mb/j en 2045. Lorsque le coût de
CSC est compris entre 160 et 200 $/t, l’investissement sur la période 2025 est annulé, et la
valeur marginale associée à l’équation d’investissement sur la période 2025 devient négative
(-0.874). La production atteint au maximum 1.5 Mb/j en 2030 et diminue à 0.6 Mb/j en 2045.
L’évolution à l’optimum de l’investissement cumulé dans la filière in situ sur la période 2005-
2045 en fonction du coût de l’alternative CO2 est présentée dans la figure 7-13.

Arbitrage favorable à l’alternative « investissement


dans la capture et le stockage du CO2 »

Figure 7-13 : Evolution de l’investissement cumulé optimal dans la technologie in situ en


fonction de l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence)

Nous avons représenté sur la figure 7-14 le profit optimal cumulé in situ correspondant
aux deux alternatives étudiées « paiement de la taxe CO2 » et « investissement dans la capture
et le stockage du CO2 » ainsi que le différentiel de profit net en fonction du coût de
l’alternative CO2 compris dans l’intervalle [40 $/t, 200 $/t]. Le profit net cumulé à l’optimum
correspondant à la stratégie d’investissement dans des unités de CSC est compris entre 64.5 et
70.4 milliards de dollars. Sur l’intervalle considéré, il est supérieur au profit net cumulé
correspondant au paiement de la taxe CO2, compris entre 63.3 et 69.4 milliards de dollars. Le
différentiel de profit net cumulé est compris entre 1.5% pour un coût de l’alternative CO2 égal
à 40 $/t et 4.6% pour un coût à 140 $/t. Lorsque le coût de l’alternative CO2 est compris entre
40 et 95 $/t, les stratégies optimales de production et d’investissement sont identiques sous les

302
deux alternatives. Cependant, le différentiel de profit net cumulé suit une tendance croissante
grâce à la déduction fiscale des coûts de CSC. En revanche, lorsque le coût de l’alternative
CO2 est compris entre 96 et 140 $/t, le taux de croissance du différentiel de profit net cumulé
provient du niveau d’investissement supérieur sous l’alternative CSC, générant des revenus
supplémentaires. Enfin, lorsque le coût de l’alternative CO2 atteint 149 $/t, les investissements
sous l’alternative « paiement de la taxe CO2 » sont effectués avant 2015 et ne sont donc plus
pénalisés par un coût CO2 supplémentaire. Le profit net reste alors constant à 63.3 milliards
de dollars et on se retrouve dans un cas similaire à la technologie minière, avec un différentiel
de profit net décroissant en fonction du coût de l’alternative CO2.

70.0 5.0%

68.0 4.0%
3.0%
G$US

66.0
2.0%
64.0 1.0%
62.0 0.0%
40 60 80 100 120 140 160 180 200

Coût de l'alternative CO2 ($US/t)

Paiement de la taxe CO2


Investissement dans la capture et le stockage du CO2
Différentiel de profit net

Figure 7-14 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur in situ en fonction de l’alternative
CO2 (trajectoire de prix de référence)

7.2.3.3 Impact du risque d’investissement dans l’alternative « capture et


stockage de CO2 »

Malgré un arbitrage en faveur de l’investissement dans la capture et le stockage du


CO2 par rapport au paiement d’une taxe mis en évidence par les simulations prospectives, en
pratique, la plupart des producteurs non conventionnels ont émis des critiques à l’encontre
d’une politique volontariste de déploiement de la capture et du stockage du CO2, en raison
d’incertitudes fortes sur les coûts, de rendements énergétiques pénalisés ou d’un cadre
réglementaire mal défini n’apportant pas suffisamment de garanties aux opérateurs (cf. sous-
section 6.1.5). Parmi ces limites, nous avons choisi d’évaluer en particulier l’impact du risque
d’investissement.

303
En modifiant la spécification des coûts d’investissement de CSC sous la forme
d’annuités constantes (cf. sous-section 6.1.5), l’arbitrage en faveur du déploiement de la
capture et du stockage du CO2 dans la filière minière n’apparaît plus. Quelque soit la valeur
de la pénalité CO2 (taxe ou coût de CSC), à l’optimum, le profit est pénalisé par les dépenses
d’investissement liées à la capture et au stockage du CO2 et les producteurs ne sont plus
incités à investir dans cette alternative. Les stratégies optimales correspondent alors à celles
déterminées sous l’alternative « paiement de la taxe CO2 » (cf. paragraphe 7.2.3.1).

En introduisant une contrainte supplémentaire interdisant d’émettre le CO2 associé aux


nouvelles capacités dans l’atmosphère (fermeture de l’alternative « paiement de la taxe
CO2 »), l’analyse duale indique que les deux phases d’investissement planifiées en 2015 et
2020 sont maintenues pour un coût de CSC inférieur ou égal à 2 $/t, tandis que la seule phase
d’investissement planifiée en 2015 est maintenue pour un coût de CSC inférieur ou égal à 17
$/t, c’est-à-dire pour des coûts de CSC largement inférieurs aux estimations publiées. Les
stratégies optimales ainsi que les valeurs marginales associées à l’équation d’investissement
sur les périodes correspondantes sont synthétisées dans le tableau 7-9, en fonction du coût de
CSC.

Tableau 7-9 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en fonction


du coût de capture et stockage du CO2 (trajectoire de prix de référence)

Coût de CSC Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
d'investissement (année) dans la technologie minière
$US/t
0 8.765 (2020) 2005, 2015 et 2020
2 0.394 (2020) 2005, 2015 et 2020
3 -6.633 (2010) 2005 et 2015
17 6.392 (2015) 2005 et 2015
18 -4.123 (2015) 2005
Sources : Résultats des simulations prospectives PL

Par conséquent, en tenant compte d’un risque d’investissement, l’instauration d’une


nouvelle réglementation visant à obliger les producteurs non conventionnels à investir dans la
capture et le stockage du CO2 tend à pénaliser le développement prospectif des projets
miniers.

304
L’impact du risque d’investissement peut être évalué en comparant les profits nets
cumulés obtenus sous les deux systèmes d’amortissement du coût du capital de CSC pour une
même stratégie d’investissement et de production. Nous avons représenté sur la figure 7-15
les profits nets cumulés du secteur minier obtenus sous les deux spécifications
(comptabilisation en coûts unitaires et en annuités constantes sur 15 ans) sur la trajectoire
optimale de production et d’investissement déterminée sous une comptabilisation unitaire des
coûts d’investissement de CSC. Le profit net cumulé du secteur minier avec l’amortissement
en annuités constantes du coût du capital a donc été obtenu en forçant le modèle
d’optimisation à suivre la même trajectoire de production et d’investissement, qui est sous-
optimale dans ce cas d’étude. Des investissements dans 300 kb/j de capacité supplémentaire
sont ainsi effectués en 2005 et 2015. La comparaison est limitée à un coût de CSC compris
entre 40 et 66 $/t de CO2, valeur au-delà de laquelle l’investissement planifié en 2015 est
annulé à l’optimum sous les deux modes de comptabilisation des dépenses d’investissement
de CSC.

Figure 7-15 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le profit net
cumulé du secteur minier (trajectoire de prix de référence)

Sous le système d’amortissement sur 15 ans, le profit net cumulé du secteur minier est
légèrement inférieur à celui obtenu par comptabilisation unitaire. Il est réduit de 2.4% pour un
coût de CSC de 40 $/t à 4% pour un coût de CSC de 66 $/t, mais reste néanmoins élevé,
compris entre 55.0 et 56.3 milliards de dollars.

305
Une analyse similaire a été effectuée pour la filière de production in situ. Sous
l’hypothèse d’une comptabilisation des investissements de CSC en annuités constantes sur 15
ans, nous n’observons plus d’arbitrage favorable au déploiement de la capture et du stockage
du CO2 dans la filière in situ. De même que pour la filière minière, quelque soit la valeur de la
pénalité CO2 (taxe ou coût de CSC), à l’optimum, le profit est pénalisé par les dépenses
d’investissement liées à la capture et au stockage du CO2 et les producteurs ne sont plus
incités à investir dans cette alternative. Les stratégies optimales de production et
d’investissement in situ correspondent alors à celles déterminées sous l’alternative « paiement
de la taxe CO2 » (cf. paragraphe 7.2.3.1).

En interdisant l’alternative « paiement de la taxe CO2 », l’analyse duale indique que


les phases d’investissement planifiées entre 2005 et 2030 sont maintenues pour un coût de
CSC inférieur ou égal à 2 $/t. Pour un coût de CSC compris entre 3 et 37 $/t, l’investissement
planifié en 2030 est suspendu, puisque la valeur marginale associée à l’équation
d’investissement en 2030 est négative. Pour un coût de CSC compris entre 38 et 56 $/t,
l’investissement planifié en 2025 est également suspendu. Enfin, les investissements planifiés
en 2020 et 2015 sont progressivement annulés pour un coût de CSC compris entre 57 et 64 $/t
et entre 65 et 200 $/t respectivement. Les stratégies optimales in situ ainsi que les valeurs
marginales associées à l’équation d’investissement sur les périodes correspondantes sont
synthétisées dans le tableau 7-10, en fonction du coût de CSC.

Tableau 7-10 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en fonction


du coût de capture et stockage du CO2 (trajectoire de prix de référence)

Coût de CSC Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement dans
d'investissement (année) la technologie in situ
$US/t
0 7.767 (2030) 2005-2030
2 2.079 (2030) 2005-2030
3 -2.848 (2030) 2005-2025
37 1.673 (2025) 2005-2025
38 -5.575 (2025) 2005-2020
56 5.612 (2020) 2005-2020
57 -5.124 (2020) 2005-2015
64 0.712 (2015) 2005-2015
65 -15.352 (2015) 2005 et 2010
200 -1670.2 (2015) 2005 et 2010
Sources : Résultats des simulations prospectives PL

306
L’instauration d’une nouvelle réglementation sur la capture et le stockage du CO2
semblerait ainsi moins pénalisante pour le développement prospectif des projets in situ,
malgré un facteur unitaire d’émissions de CO2 supérieur dans le cas de l’extraction par
techniques in situ (0.483 t de CO2/ t de bitume extrait contre 0.226 t/t de bitume pour la filière
d’extraction minière). Ce résultat semble provenir des écarts observés sur le coût du capital
des deux filières de production. La filière de production minière, fortement capitalistique,
semble davantage fragilisée par une hausse supplémentaire du coût du capital, liée aux
investissements de CSC que la filière de production in situ.

Une analyse comparative des profits intertemporels du secteur in situ obtenus sous les
deux modes de comptabilisation a ensuite été menée. Les profits nets cumulés ont été obtenus
sur la trajectoire de production et d’investissement optimal correspondant à la modélisation
d’un coût du capital de CSC unitaire. Sous le système d’amortissement sur 15 ans, le profit
net cumulé du secteur in situ est réduit de 6.1% pour un coût de CSC de 40 $/t à 35% pour un
coût de CSC de 200 $/t par rapport au profit net cumulé obtenu en comptabilisation unitaire.
Le différentiel de profit net est plus élevé que dans le cas minier, puisque le développement
d’unités de CSC est plus important. Jusqu’à trois investissements de 300 kb/j peuvent être
soumis à la nouvelle réglementation de réduction des GES. Toutefois, le profit net cumulé du
secteur in situ reste élevé, compris entre 41.2 et 66.1 milliards de dollars. Les résultats sont
présentés sur la figure 7-16.

307
Figure 7-16 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le profit net
cumulé du secteur in situ (trajectoire de prix de référence)

Enfin, nous avons évalué la répercussion du coût complet de CSC sur chaque unité de
bitume produit. Nous avons reporté sur la figure 7-17 le coût du CO2 répercuté sur la
production minière, exprimé en $US/b de bitume, sous les deux modélisations du coût
d’investissement de CSC, en supposant un coût de capture et stockage de CO2 égal à 67 $/t et
une stratégie d’investissement et de production identique. En considérant l’investissement
amorti sur 15 ans, le coût du CO2 est égal à 2 $/b entre 2015 et 2025 et intègre le coût du
capital et les coûts opératoires. Sur les périodes suivantes, le coût unitaire du CO2 diminue
fortement puisque l’investissement est déjà amorti en totalité. Le coût du CO2 intègre alors
uniquement les coûts opératoires liés à la capture et au stockage du CO2. Il augmente
progressivement entre 2030 et 2045 puisque la production minière diminue au fur et à mesure
des déclassements. Il passe de 0.3 $/b en 2030 à 0.5 $/b en 2035 puis atteint 0.8 $/b en 2040 et
2045.

En considérant la comptabilisation unitaire, le coût du CO2 croît sur la période 2020-


2045, passant de 1 $/b en 2020-2030 à 2.8 $/b en 2040 et 2045. Cette tendance haussière
provient de la répercussion du coût de CSC constant sur une production minière décroissante.

308
Figure 7-17 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût CO2
répercuté sur la production minière (trajectoire de prix de référence)

Une analyse similaire a été menée sur la filière in situ et les résultats ont été reportés
sur la figure 7-18, en considérant un coût de capture et stockage du CO2 identique au cas
minier. L’interprétation des résultats est similaire au cas minier, mais avec un coût CO2
unitaire plus élevé, les réglementations de réduction des GES pénalisant une plus grande part
de la production. En considérant l’investissement amorti sur 15 ans, le coût du CO2 est de
l’ordre de 4 $/b entre 2015 et 2025, puisqu’il intègre le coût du capital et les coûts opératoires.
Sur les périodes suivantes, l’investissement est amorti en totalité et le coût unitaire du CO2
diminue, intégrant alors uniquement les coûts opératoires liés à la capture et au stockage du
CO2. Enfin, il augmente progressivement entre 2030 et 2045 puisque la production in situ
diminue au fur et à mesure des déclassements, passant de 0.8 $/b en 2030 à 1.5 $/b en 2045.

En considérant la comptabilisation unitaire, le coût du CO2 croît sur la période 2020-


2045, passant de 1.3 $/b en 2020 à 5.1 $/b en 2045. Cette tendance haussière provient de la
répercussion du coût de CSC constant sur une production in situ qui n’augmente pas aussi
rapidement que les émissions de CO2 associées aux nouveaux investissements à cause des
déclassements d’unités.

Dans les deux cas étudiés, bien que le coût du CO2 calculé avec la modélisation
unitaire sur les périodes 2030 à 2045 soit supérieur au coût du CO2 calculé avec
l’amortissement sur 15 ans, l’actualisation réduit son impact négatif sur le profit

309
intertemporel. En revanche, en considérant l’investissement CSC amorti sur 15 ans, le profit
intertemporel est pénalisé plus fortement par un coût élevé du CO2 sur les premières périodes
2015, 2020 et 2025 puisque le facteur d’actualisation est plus faible.

Figure 7-18 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût CO2
répercuté sur la production in situ (trajectoire de prix de référence)

Sous certains niveaux de taxe et coût de CSC, les trajectoires optimales simulées de
production et d’investissement apparaissent plus conservatives que celles déterminées dans le
scénario de Référence. A priori, ces résultats tendraient alors à justifier le comportement
d’opposition des producteurs non conventionnels face à une obligation réglementaire de
déploiement d’installations de CSC. Cependant, ces conclusions devraient être nuancées pour
les raisons suivantes. D’une part, la résolution du problème d’optimisation découle sur des
stratégies optimales qui peuvent être totalement différentes malgré des profits intertemporels
relativement proches. Ce résultat provient de l’introduction de variables entières de décision
dans la modélisation, qui impose une résolution par arborescence pouvant mener à un
« basculement » des stratégies optimales pour des valeurs de profit analogues. En forçant le
modèle d’optimisation à suivre la même trajectoire de production et d’investissement sous les
deux comptabilisations du coût du capital de CSC, un écart relatif limité à 2.4% a été estimé
entre les profits nets cumulés du secteur minier. Pourtant, l’optimisation libre a mis en
évidence deux trajectoires optimales de développement distinctes selon l’hypothèse de
comptabilisation.

310
Ce même résultat a également mis en évidence des valeurs élevées de profit
intertemporel (compris entre 55.0 et 56.3 milliards de dollars pour la filière minière), même
en forçant le modèle à suivre des trajectoires sous-optimales. De tels niveaux de profit
intertemporel semblent alors plutôt valider l’hypothèse d’un déploiement de la CSC
économiquement soutenable pour le secteur non conventionnel. Les faibles coûts unitaires de
CO2 estimés sous les différents scénarios, ne dépassant pas 5 $/b de bitume, offrent un
argument supplémentaire.

7.3 Intégration au marché du raffinage nord-


américain

Malgré un bilan environnemental caractérisé par des niveaux d’émissions de CO2


significatifs et des réglementations environnementales toujours incertaines, la filière non
conventionnelle canadienne répond aux attentes du marché pétrolier nord-américain,
puisqu’elle permet d’accroître l’indépendance énergétique de la plaque nord-américaine par
rapport aux pays de l’OPEP. A partir d’une méthodologie identique à celle présentée dans le
paragraphe 4.3.3.4, une analyse statique de la structure de l’approvisionnement pétrolier du
raffinage nord-américain à l’année 2030 a été menée à partir du modèle de raffinage
développé par IFPEN. Pour ce faire, la production de brut synthétique simulée par le modèle
d’offre tendancielle sous les deux scénarios de prix de référence et maximum a été introduite
en paramètre d’entrée du modèle de raffinage. En particulier, nous avons évalué la part de la
production non conventionnelle canadienne dans l’approvisionnement du raffinage nord-
américain et son impact sur le bilan CO2 global des raffineries et unités d’upgrading à
l’horizon 2030. Une taxe sur les émissions de CO2 liées aux activités de raffinage et
d’upgrading, fixée à 100 $US/t, a également été introduite.

7.3.1 Scénario de prix de référence

Dans ce premier cas d’étude, le prix de valorisation du brut conventionnel et


synthétique est égal à 107.8 $US/b et l’offre pétrolière non conventionnelle (minière et in situ)
en entrée du modèle de raffinage atteint 170.7 Mt/an. Les résultats de simulation à l’année
2030 sont présentés dans les tableaux 7-11 et 7-12 suivants.

311
A l’optimum, le marché du raffinage nord-américain utilise 93.5% de l’offre pétrolière
non conventionnelle disponible, soit 159.6 Mt/an. L’approvisionnement non conventionnel
représente alors 18.0% de l’approvisionnement pétrolier total (886.4 Mt/an).

Tableau 7-11 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans


l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2030 (scénario de prix de référence)

Offre de brut Approvisionnement pétrolier Approvisionnement en brut Part de l'approvisionnement


Année 2030 Prix du brut 2030
synthétique total Amérique du Nord canadien non conventionnel non conventionnel
$US/b Mt/an Mt/an Mt/an
107.8 170.7 886.4 159.6 18.0%
Source : Résultat de simulation 2030

Par ailleurs, le bilan CO2 global du raffinage et de l’upgrading nord-américain s’élève


à 246.2 Mt/an en 2030, dont 60.6 Mt/an sont issues de l’activité d’upgrading. Les émissions
de CO2 liées à l’upgrading de la production non conventionnelle canadienne représentent
ainsi 24.6% du bilan CO2 global.

Tableau 7-12 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix de référence)

Bilan CO2 raffinage et Part des émissions de CO2 liées à


Année 2030 Bilan CO2 upgrading
upgrading Amérique du Nord l’upgrading dans le bilan CO2 global
Mt/an Mt/an
246.2 60.6 24.6%
Source : Résultat de simulation 2030

7.3.2 Scénario de prix maximum

Dans le second cas d’étude, le prix de valorisation du brut conventionnel et


synthétique est égal à 140.6 $US/b et l’offre pétrolière non conventionnelle (minière et in situ)
en entrée du modèle de raffinage atteint 206.1 Mt/an. Les résultats de simulation à l’année
2030 sont synthétisés dans les tableaux 7-13 et 7-14.

312
A l’optimum, le marché du raffinage nord-américain consomme 192.7 Mt/an de brut
non conventionnel en provenance du Canada. L’approvisionnement non conventionnel
représente alors 21.4% de l’approvisionnement pétrolier total (901.9 Mt/an).

Tableau 7-13 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans


l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2030 (scénario de prix maximum)

Offre de brut Approvisionnement pétrolier Approvisionnement en brut Part de l'approvisionnement


Année 2030 Prix du brut 2030
synthétique total Amérique du Nord canadien non conventionnel non conventionnel
$US/b Mt/an Mt/an Mt/an
140.6 206.1 901.9 192.7 21.4%
Source : Résultat de simulation 2030

De plus, à l’année 2030, le bilan CO2 global du raffinage et de l’upgrading nord-


américain s’élève à 252.5 Mt/an, dont 73.2 Mt/an sont issues de l’activité d’upgrading. Les
émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non conventionnelle canadienne
représentent ainsi 29.0% du bilan CO2 global.

Tableau 7-14 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix maximum)

Bilan CO2 raffinage et Part des émissions de CO2 liées à


Année 2030 Bilan CO2 upgrading
upgrading Amérique du Nord l’upgrading dans le bilan CO2 global
Mt/an Mt/an
252.5 73.2 29.0%
Source : Résultat de simulation 2030

En comparaison aux résultats de l’analyse statique effectuée à l’année 2005 (cf.


paragraphe 4.3.3.4), la part de l’offre pétrolière non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement global des raffineries nord-américaine augmente fortement à l’année
2030, passant de 4.0% à plus de 20% sous les deux scénarios de prix. Elle s’accentue d’autant
plus que la consommation pétrolière nord-américaine globale diminue de plus de 20% par
rapport à 2005 (bilan en masse). Enfin, malgré la réduction de l’approvisionnement nord-
américain global, le bilan CO2 est dégradé par rapport à 2005. Les émissions liées aux
activités de raffinage et d’upgrading augmentent ainsi de 17.7% et 20.7% respectivement

313
sous les scénarios de prix de référence et maximum, conséquence d’une hausse de la
consommation du pétrole canadien non conventionnel. L’introduction d’une taxe sur les
émissions de CO2 liées aux activités de raffinage et d’upgrading n’apparaît pas être un facteur
limitant pour la consommation du pétrole non conventionnel.

Ces résultats permettent de valider une des hypothèses posées lors de l’élaboration du
modèle d’offre tendancielle. L’absence de contrats de long terme entre producteurs non
conventionnels et raffineurs nous avait amené à ne pas introduire de contrainte de demande
dans le modèle d’offre, les producteurs basant ainsi leur décision d’investissement sur le seul
signal prix. Cette hypothèse fait sens d’un point de vue économique puisque le raffineur
consomme la quasi-totalité de l’offre pétrolière non conventionnelle disponible, quelque soit
le scénario de prix du brut.

7.4 Analyse comparative avec la littérature

Des projections sur les capacités de production de la filière non conventionnelle


canadienne sont disponibles dans la littérature. Une analyse comparative des résultats des
simulations prospectives avec les estimations de la littérature est proposée dans cette dernière
section.

7.4.1 Synthèse des capacités de production estimées


par simulations prospectives

Nous avons synthétisé sur les figures 7-19 et 7-20 les capacités de production des
filières minière et in situ estimées à partir des simulations prospectives sous les différents
scénarios de Référence et Environnemental pour les années 2015, 2020 et 2030.

314
Figure 7-19 : Synthèse des estimations des capacités de production minière par simulations
prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030

Figure 7-20 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ par simulations
prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources : résultats des simulations
prospectives)

315
Nous avons d’abord estimé l’impact du prix de vente sur le développement des
filières, à partir de projections tendancielles monotones croissantes de prix (AIE, 2009) sous
le scénario de Référence. Sous le scénario minimum de prix, la production de bitume par
technique minière atteindrait 0.8, 0.7 et 0.6 Mb/j en 2015, 2020 et 2030 respectivement, tandis
que la production de bitume in situ s’élèverait à 0.7, 0.6 et 0.5 Mb/j. Sous ce scénario de prix
minimum, les filières minière et in situ s’avèrent fortement pénalisées par un prix de vente
insuffisant face à un coût du capital élevé. Sous le scénario de prix de référence, la production
minière atteindrait 0.8, 1 et 1.2 Mb/j en 2015, 2020 en 2030, tandis que la production in situ
pourrait s’élever à 1, 1.2 et 1.7 Mb/j. Enfin, sous le scénario maximum de prix, la production
minière atteindrait 1.1, 1.3 et 1.8 Mb/j en 2015, 2020 en 2030, tandis que la production in situ
s’élèverait à 1, 1.2 et 1.7 Mb/j.

L’introduction d’un système de quotas d’eau douce payant ne semble pas modifier les
stratégies d’investissement ou de production des filières minière et in situ. De même,
l’application d’un système de provisionnement des coûts de réhabilitation au cours de la phase
de production n’apparaît pas pénalisant pour le développement des filières canadiennes, à
condition de maîtriser les coûts environnementaux autour des coûts actuels. Par conséquent,
les estimations correspondantes n’ont pas été représentées sur les figures.

L’introduction d’une taxe CO2 à horizon 2020 tend à freiner les investissements dans
les deux filières minière et in situ, dès que le niveau de taxe atteint 4 et 7 $US/t
respectivement. Pour un niveau de taxe CO2 compris entre 4 et 41 $US/t et entre 7 et 95 $US/t
respectivement, les capacités de production minière et in situ devraient respectivement
atteindre 0.8 et 1 Mb/j en 2015, 1 et 1.2 Mb/j en 2020, et enfin 0.9 et 1.7 Mb/j en 2030. Pour
un niveau de taxe CO2 supérieur à 42 $US/t, les capacités de production minière devraient
atteindre 0.8 Mb/j en 2015, 0.7 Mb/j en 2020 et 0.6 Mb/j en 2030, identiques aux estimations
obtenues sous le scénario minimum de prix. Pour un niveau de taxe CO2 compris entre 96 et
134 $US/t, les capacités de production in situ devraient atteindre 1 Mb/j en 2015, 1.2 Mb/j en
2020 et 1.4 Mb/j en 2030. Enfin, pour un niveau de taxe CO2 compris entre 135 et 148 $US/t
et entre 149 et 200 $US/t respectivement, les capacités de production in situ devraient
atteindre 1 et 1 Mb/j en 2015, 1.2 et 0.9 Mb/j en 2020, et enfin 1.1 et 0.8 Mb/j en 2030.

316
Enfin, le déploiement d’unités de capture et stockage du CO2 à horizon 2020 semble
également pénaliser le développement des filières minière et in situ. En considérant une
comptabilisation unitaire des coûts d’investissement de CSC, les capacités de production
estimées sont identiques à celles estimées en présence d’une taxe CO2. Ainsi pour un coût de
CSC compris entre 40 et 67 $US/t et supérieur à 68 $US/t, les capacités de production minière
sont identiques à celles estimées sous l’hypothèse d’une taxe CO2 comprise entre 4 et 41
US$/t et supérieure à 42 $US/t respectivement. Pour un coût de CSC compris entre 40 et 159
$US/t et entre 160 et 200 $US/t, les capacités de production in situ sont identiques à celles
estimées sous l’hypothèse d’une taxe CO2 comprise entre 7 et 95 US$/t et entre 96 et 134
$US/t respectivement.

En comptabilisant les dépenses d’amortissement en annuités constantes sur 15 ans dès


la phase de construction (pour tenir compte du risque d’investissement), les capacités de
production minière estimées sont analogues à celles déterminées sous l’hypothèse maximum
de taxe CO2 (• 42 $US/t) ou sous l’hypothèse de scénario minimum de prix. Pour un coût de
CSC compris entre 40 et 64 $US/t, les capacités de production in situ estimées sont analogues
à celles déterminées sous l’hypothèse d’une taxe CO2 comprise entre 96 et 134 $US/t. Enfin,
pour un coût de CSC compris entre 65 et 200 $US/t, les capacités de production in situ
estimées pourraient atteindre 1 Mb/j en 2015, 0.9 Mb/j en 2020 et 1.1 Mb/j en 2030.

7.4.2 Analyse comparative avec les projections de la


littérature

Plusieurs sources de publications ont été consultées pour l’analyse comparative : des
organismes publics (ONE, CERI, Alberta Chamber of Resources), l’association regroupant les
producteurs canadiens CAPP, ou des articles de théorie économique (Söderbergh, 2007).

Nous avons reporté sur les figures 7-21 et 7-22 les projections obtenues à partir des
sources précédentes et des simulations prospectives avec le modèle d’offre tendancielle pour
les filières minière et in situ respectivement.

317
Figure 7-21 : Synthèse des estimations des capacités de production minière issues de sources
publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)

318
Figure 7-22 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ issues de sources
publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)

En 2015, les capacités de production minière simulées sont comprises entre 0.8 et 1.1
Mb/j en fonction des scénarios économiques. La borne inférieure est analogue à l’estimation
obtenue sous le scénario « croissance faible » de l’ONE (2006), tandis que la borne supérieure
est comparable aux estimations issus des scénarios « croissance moyenne (2008) », « de
référence (2010) » et « opération et construction (2010) » de la CAPP. Les estimations
simulées restent toutefois inférieures à la moyenne des estimations publiques, égale à 1.6
Mb/j. Cette tendance provient des hypothèses de coûts utilisées dans notre modélisation qui
tiennent compte de la forte hausse des coûts des projets observée entre 2005 et 2008. Nos
résultats sont ainsi comparables aux estimations publiques les plus récentes qui intègrent la
hausse des coûts, liée à des contraintes sur les services d’ingénierie et de construction. En
revanche, la majorité des estimations publiques datent de 2005 à 2008 et n’intègrent pas
l’inflation des coûts. Les niveaux de production sont alors systématiquement supérieurs à nos
résultats, mais pourraient être surestimés.

319
En 2020, les capacités de production minière simulées sont comprises entre 0.7 et 1.3
Mb/j. La borne supérieure est de nouveau comparable à l’estimation obtenue sous le scénario
« opération et construction (2010) » de la CAPP, mais les capacités simulées restent
inférieures à la moyenne des estimations publiques, égale à 1.9 Mb/j.

Enfin, en 2030, les capacités simulées sont comprises dans l’intervalle 0.6-1.8 Mb/j.
La borne maximale reste inférieure à la seule estimation publique disponible, à 2.3 Mb/j, issue
du scénario « Crash programme22 (2007) » de Söderbergh. Toutefois, cette estimation devrait
être largement surestimée puisqu’elle correspond à la mise en place d’un programme
d’accélération de la production des sables asphaltiques canadiens, ne tenant compte d’aucune
contrainte de développement (contraintes sur les services d’ingénierie et de construction,
contraintes de disponibilité des ressources (eau) ou des commodités énergétiques (gaz naturel,
diluant), contraintes budgétaires).

Par ailleurs, à notre connaissance, aucune des estimations publiques n’intègre un


scénario baissier sur le prix du brut. La borne minimale résultant de nos simulations
prospectives sous la trajectoire minimum de prix de la ressource n’est donc pas comparable
aux estimations publiques.

Dans le cas de la production in situ, les capacités de production simulées en 2015 sont
comprises entre 0.7 et 1 Mb/j selon les scénarios économiques considérés. La borne
supérieure est comparable à plusieurs estimations publiques (à 200 kb/j près) issues des
scénarios suivants : « croissance faible (2006) » de l’ONE, « cas de référence (2005) » du
CERI, « croissance moyenne (2008) », « de référence (2010) » et « opération et construction
(2010) » de la CAPP, et enfin « Crash programme (2007) » de Söderbergh.

En 2020, les capacités de production in situ simulées sont comprises entre 0.6 et 1.2
Mb/j. La borne supérieure est comparable à l’estimation obtenue sous le scénario « opération
et construction (2010) » du CAPP, mais les capacités simulées restent inférieures à la
moyenne des estimations publiques, égale à 1.6 Mb/j.

22
Le scénario « Crash programme » correspond à un effort d’accélération de la production des sables
asphaltiques canadiens pour compenser la baisse de production liée au Peak-oil et éviter ses effets dévastateurs
sur l’économie mondiale (Hirsch et al., 2005 ; cité dans Söderbergh, 2007).

320
Enfin, en 2030, les capacités de production in situ simulées sont comprises entre 0.5 et
1.7 Mb/j. Comme précédemment, les capacités simulées restent inférieures à la seule
estimation publique disponible, à 2.4 Mb/j, issue du scénario « Crash programme (2007) » de
Söderbergh.

Deux autres organismes (Alberta Chamber of Resources, 2004; AIE, 2009) ont publié
des estimations de capacité de production cumulée intégrant les deux filières de production
(cf. tableau 7-15). La borne maximale des capacités de production cumulée simulée par notre
modèle à horizon 2030, à 3.5 Mb/j (1.8 Mb/j par techniques minières et 1.7 Mb/j par
techniques in situ), est comparable à l’estimation de l’Alberta Chamber of Resources (2004),
égale à 3.2 Mb/j.

Tableau 7-15 : Synthèse des estimations des capacités de production cumulée de bitume
issues de sources publiques et des simulations prospectives à l’année 2030

Estimations de capacité de production Alberta Chamber of


cumulée de bitume (2030) Resources (2004) AIE (2009) Borne inf. modèle Borne sup. modèle
Mb/j
3.2 4.3 1.1 3.5
Sources : Alberta Chamber of Resources, 2004 ; AIE, 2009 ; Résultats des simulations
prospectives

Au terme de ce chapitre, différentes trajectoires optimales de développement de la


filière non conventionnelle canadienne ont été simulées sous les scénarios tendanciels de
coûts et de prix. Cette analyse prospective en tendance a permis de déterminer l’impact du
niveau du prix de vente et des coûts environnementaux sur le développement de la filière
canadienne. En particulier, le sentier optimal de production et d’investissement est sensible au
prix de vente. Ainsi, en 2030, les capacités de production minière simulées sont comprises
entre 0.6 et 1.8 Mb/j selon la trajectoire de prix minimum ou maximum, tandis que les
capacités de production in situ simulées varient entre 0.5 et 1.7 Mb/j.

Un scénario Environnemental, intégrant des coûts environnementaux supplémentaires


par rapport au scénario de Référence, a également été testé. Malgré une réduction du profit
intertemporel à l’optimum liée à la hausse des coûts de production, les trajectoires de
développement simulées restent inchangées sous l’hypothèse d’un système de quotas d’eau

321
douce payant ou d’un système de provisionnement des coûts de réhabilitation en cours de
production (à condition de maîtriser les coûts environnementaux autour des coûts actuels).

Sous certaines conditions, l’instauration de réglementations visant à réduire les


émissions de CO2 à horizon 2020 pénalise suffisamment le profit intertemporel du secteur non
conventionnelle pour rendre les trajectoires optimales de production et d’investissement plus
conservatives. Deux alternatives CO2 ont été considérées dans la modélisation : le paiement
d’une taxe sur les émissions de CO2 instaurée en 2020 et l’investissement dans des
installations de capture et stockage du CO2 pour un démarrage en 2020. En comptabilisation
unitaire des dépenses d’investissement dans la capture et stockage du CO2, cette alternative
s’avère moins pénalisante pour le développement de la filière canadienne que l’instauration
d’une taxe CO2, à coût du CO2 égal, puisque les coûts de CSC sont déduits de l’assiette
fiscale, ce qui réduit le montant des royalties, et par conséquent limite la baisse du profit net.

En revanche, en comptabilisant les dépenses d’investissement de CSC en annuités


constantes sur 15 ans à payer dès la phase de construction (introduction du risque
d’investissement), le développement de la filière non conventionnelle est pénalisé plus
fortement que sous la comptabilisation unitaire, avec un niveau d’investissement cumulé
réduit sur la période considérée.

Néanmoins, les valeurs de profit intertemporel déterminées sous les différentes


déclinaisons du scénario Environnemental restent élevées (au minimum 55 milliards de
dollars pour la filière minière et 41.2 milliards de dollars pour la filière in situ), tandis que les
coûts unitaires de CO2 estimés sous les différents scénarios ne dépassent pas 5 $/b de bitume
produit. Par conséquent, sous les trajectoires tendancielles (monotones croissantes) de prix de
vente considérées dans ce chapitre, l’impact du coût du CO2 dans le processus décisionnel ne
devrait pas remettre en cause la rentabilité future des filières non conventionnelles.

Par ailleurs, nous avons vérifié que l’offre non conventionnelle canadienne est adaptée
aux exigences du marché du raffinage nord-américain, en termes de qualité et de facteur
d’indépendance énergétique, ce qui lui assure de larges débouchés. Ainsi, à l’horizon 2030, la
production non conventionnelle canadienne pourrait représenter entre 18% et 21.4% de
l’approvisionnement pétrolier global des raffineries nord-américaines.

322
Enfin, une analyse comparative à horizon 2015, 2020 et 2030 des capacités de
production simulées avec des projections issues de diverses sources de publication a permis
de valider nos résultats. Ces résultats sont comparables aux estimations publiées les plus
conservatives (et les plus récentes), puisqu’une hausse significative des coûts de production a
été intégrée comme une des hypothèses de notre modélisation.

Le dernier chapitre est consacré à l’analyse des résultats prospectifs issus du modèle
d’offre stochastique.

323
Chapitre 8 : Prospective de l’offre
en présence d’incertitudes

Ce chapitre est consacré à l’analyse des résultats de projection de l’offre non


conventionnelle canadienne obtenus à partir du modèle d’optimisation dynamique
stochastique. Pour réaliser ces exercices prospectifs, nous nous sommes basés sur les résultats
issus du modèle linéaire. Dans un premier temps, un processus de pondération du coût du
capital et des coûts opératoires par tâtonnement a de nouveau été utilisé suivant une
méthodologie analogue à celle présentée dans le paragraphe 5.3.2.1, afin de faire coïncider les
stratégies d’investissement simulées avec les deux modèles. Néanmoins, le paramétrage d’un
coût du capital lissé par baril produit, à partir des annuités d’investissement déterminées en
programmation linéaire, n’a pas été possible dans le cas de la filière minière. En effet, à
l’optimum, la résolution du modèle d’optimisation en programmation linéaire a permis de
mettre en évidence des investissements effectués uniquement sur les périodes 2005, 2015 et
2020, et nuls ensuite. Les annuités correspondantes sont versées jusqu’en 2030, puis
deviennent nulles sur les périodes suivantes puisqu’aucun investissement supplémentaire n’est
effectué. Il n’a donc pas été possible de déterminer un coût du capital lissé au-delà de 2030,
qui permettrait de corriger correctement les stratégies simulées. Par conséquent, seule la
filière de production in situ intégrée a été analysée dans ce chapitre.

A partir de la fonction de coût pondérée, des analyses comparatives ont permis


d’évaluer l’impact de la volatilité et de l’incertitude des prix futurs sur les stratégies optimales
simulées de développement de la filière in situ, sous le scénario de Référence.

Cependant, d’autres incertitudes, sur les réglementations environnementales par


exemple, peuvent également apparaître à moyen terme et se cumuler à l’incertitude sur les
prix futurs de la ressource. Dans ce cas, l’interaction des deux incertitudes sur le
développement optimal des sables asphaltiques n’est pas connue a priori et est difficile à

325
estimer à partir d’une analyse théorique. Par ailleurs, les deux types d’incertitudes ne sont pas
forcément indépendants, et les probabilités associées peuvent être corrélées. Par exemple, un
niveau élevé du prix du brut peut inciter les gouvernements canadien fédéral et/ou provincial
à instaurer une réglementation de réduction des GES, puisque les dépenses supplémentaires
liées à une taxe sur les émissions de CO2 devraient être contrebalancées par la hausse des
profits générés par les producteurs non conventionnels. Dans cette situation, les deux
probabilités associées aux scénarios de prix et de réglementations environnementales sont
positivement corrélées. Toutefois, une hausse soutenue du prix du brut peut aussi être
accompagnée d’une réduction de la demande, pour limiter la facture énergétique. Dans cette
situation, l’instauration d’une taxe CO2 pénaliserait encore plus les producteurs non
conventionnels, déjà incités à limiter leurs investissements face à la baisse de la demande, et
pourrait les amener à réduire encore plus leurs investissements. Dans ce cas, les deux
probabilités associées aux scénarios de prix et de réglementations environnementales
apparaissent négativement corrélées. Puisque l’interdépendance des scénarios reste difficile à
évaluer et quantifier, nous supposerons dans cette thèse que les deux types d’incertitudes sont
parfaitement indépendants. Bien que cette hypothèse s’avère limite, elle permet de simplifier
l’analyse et d’obtenir des résultats quantitatifs intéressants sur l’effet cumulé des deux
incertitudes sur les prix et les réglementations environnementales.

Sous le scénario Environnemental, seul l’impact d’une taxe sur les émissions de CO2 a
été analysé dans ce chapitre, puisque les simulations présentées dans le chapitre précédent ont
mis en évidence l’impact marginal des autres mesures environnementales sur les stratégies
optimales d’investissement, intégrant un nouveau système d’allocations en eau et de
comptabilisation des coûts de réhabilitation. Une analyse de sensibilité a permis d’évaluer
l’impact de différents niveaux de taxe CO2 sur l’évolution des stratégies optimales de
développement, sous l’hypothèse de prix de vente tendanciels ou probabilisés. Enfin, une
analyse comparative supplémentaire a permis d’évaluer l’impact de l’incertitude des
réglementations environnementales futures en présence de prix tendanciels ainsi que l’impact
cumulé des deux incertitudes sur les réglementations environnementales et les prix, en
présence de prix probabilisés ou volatils.

8.1 Analyse du scénario de Référence

326
Cette première section est consacrée à l’analyse de l’impact de la volatilité et de
l’incertitude des prix futurs sur les stratégies optimales de développement de la filière in situ,
sous le scénario de Référence (scénarios REF_pref’ et REF_pprob).

8.1.1 Premier test de simulation et surestimation des


stratégies d’investissement in situ

8.1.1.1 Fonction de coût initiale

Suivant une méthodologie analogue à celle présentée dans le paragraphe 5.3.1.1, un


coût du capital in situ unitaire avait été estimé sur chaque période à partir des investissements
globaux et reporté dans le tableau 6.6.

Des coûts opératoires unitaires (par baril produit) ont également été estimés à partir
des résultats de simulations du modèle linéaire. Les coûts opératoires ont été agrégés selon les
deux catégories coûts opératoires énergétiques et coûts opératoires non énergétiques. Les
premiers ont été introduits en tant que paramètres exogènes au modèle, tandis que les seconds
sont corrélés au prix du brut, selon les relations de long terme présentées dans la sous-section
6.1.2. Les coûts opératoires non énergétiques unitaires ont été calculés à partir des dépenses
opératoires annuelles lissées sur la production annuelle. Ils sont présentés dans le tableau 8-1.

Tableau 8-1 : Coûts opératoires non énergétiques de la filière de production in situ intégrée
estimés pour les simulations prospectives (modèle de programmation dynamique)

Période Coûts opératoires non


énergétiques de la filière
in situ intégrée
$CAN(2005)/b bitume
2005 10.4
2010 10.3
2015 10.1
2020 10.1
2025 10.1
2030 10.1
2035 10.1
2040 10.1
2045 10.1
(Tableau de l’auteur)

327
8.1.1.2 Résultats des simulations

A l’instar des résultats obtenus lors de la calibration historique, la stratégie optimale de


production in situ obtenue avec une comptabilisation unitaire des coûts est légèrement
surestimée en fin de période par rapport à celle déterminée avec le modèle d’optimisation en
programmation linéaire (cf. figure 8-1 ; sous la trajectoire de prix de référence). Deux
investissements supplémentaires de 300 kb/j sont effectués en 2035 et 2040.

Figure 8-1 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045, sous le
scénario de prix de référence (premier test de simulation, PDYN)

8.1.2 Action corrective par pondération de la fonction de coût

8.1.2.1 Fonction de coût pondérée

Pour corriger le biais introduit par la spécification unitaire de la fonction de coût in


situ, et faire coïncider les stratégies d’investissement simulées par les deux modèles, le coût
du capital comptabilisé de manière unitaire a été pondéré par un coefficient égal à 1.492.

8.1.2.2 Résultats des simulations

Sous cette condition, sous la trajectoire de prix de référence, les stratégies optimales
simulées en programmation linéaire et dynamique sont quasiment identiques, excepté au
cours de la période 2010 où l’investissement initialement planifié à 300 kb/j est réduit à 250
kb/j. Toutefois, l’écart relatif entre les fonctions objectif déterminés sous les deux
modélisations est limité à -4.4% (cf. figure 8-2) et reste donc acceptable.

328
2.0
1.6

Mb/j bitume
1.2
0.8
0.4
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045

Production in situ simulée (PL) Production in situ simulée (PDYN)

Figure 8-2 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045, sous le
scénario de prix de référence (après pondération, PDYN)

En considérant les scénarios de prix minimum et maximum, les trajectoires simulées


sont identiques à celles qui avaient été déterminées avec le modèle d’optimisation en
programmation linéaire. Dans le premier cas, un seul investissement de 300 kb/j est effectué
en 2005. Dans le second, des investissements de 300 kb/j sont effectués sur chaque période
entre 2005 et 2040 (soit 2.4 Mb/j en cumulé).

8.1.3 Impact de l’incertitude des prix de vente

En introduisant les trois scénarios tendanciels de prix minimum, de référence et


maximum, avec leur probabilité associée (0.16, 0.68 et 0.16 respectivement ; cf. sous-section
6.2.2 ; scénario REF_pprob), la stratégie de développement simulée n’est pas modifiée par
rapport à celle déterminée sous le scénario de prix de référence, l’investissement cumulé
atteignant 1750 kb/j. Toutefois, le profit intertemporel est légèrement réduit de 0.48%, à
73028 M$US.

Un renforcement du degré d’incertitude, obtenu par exemple en égalisant les


probabilités pour introduire des scénarios de prix équiprobables (0.33, 0.34 et 0.33
respectivement), peut cependant pénaliser la décision d’investissement. Sous cette
spécification, l’investissement cumulé simulé est ainsi réduit de 300 kb/j, à 1450 kb/j, tandis
que le profit intertemporel diminue de 26.3%, à 50449 M$US. Ce résultat permet ainsi de
mettre en évidence un lien négatif entre niveau d’investissement et incertitude sur les prix de

329
la ressource, en accord avec la théorie économique et les résultats préliminaires issus de
l’analyse économétrique présentée au chapitre 3.

8.1.4 Impact de la volatilité des prix de vente

La volatilité du prix du brut peut également être un frein à l’investissement. Une


analyse comparative des investissements cumulés obtenus sous le scénario de prix tendanciel
de référence et sous cent scénarios de prix volatils, générés selon le processus aléatoire décrit
dans la sous-section 6.2.2, a été menée afin d’évaluer l’impact de la volatilité des prix de
vente sur le développement optimal de la filière in situ (scénarios REF_pvoln). La distribution
de probabilités des investissements cumulés in situ obtenus sous les différentes hypothèses de
prix est représentée sur la figure 8-3.

30%

25%

20%
Probabilité

15%

10%

5%

0%
800 1000 1200 1400 1600 1800 2000

Investissement cumulé (kb/j)

Figure 8-3 : Distribution de probabilités de l’investissement cumulé in situ sous l’hypothèse


de prix volatils (100 scénarios, cas de référence inclus)

Dans seulement 7% des cas, l’investissement cumulé atteint 1750 kb/j, équivalent à
celui obtenu sous le scénario de prix tendanciel de référence. En revanche, dans 70% des cas,
l’investissement cumulé en présence de prix volatils est inférieur à celui obtenu sous le
scénario de prix tendanciel (compris entre 800 et 1650 kb/j). Dans 23% des cas,
l’investissement cumulé en présence de volatilité est supérieur à l’investissement de référence

330
(compris entre 1850 et 2100 kb/j). La volatilité du prix de vente introduit un risque prix dans
le processus décisionnel, ce qui se traduit par une probabilité plus élevée d’obtenir des
stratégies d’investissement plus conservatives. Par conséquent, la volatilité des prix de vente a
un effet négatif sur le développement prospectif de la filière in situ.

8.2 Analyse du scénario Environnemental

Dans cette seconde section, nous avons dans un premier temps analysé l’impact de
nouvelles réglementations de réduction des GES sur les stratégies optimales de
développement de la filière in situ, en présence de prix de vente tendanciels ou incertains
(scénarios ENVdet_pref’ et ENVdet_pprob).

8.2.1 Absence d’incertitude sur les réglementations


environnementales

8.2.1.1 Réglementations environnementales certaines et prix de vente


certains

Sous l’hypothèse de prix de vente certains (hypothèse de prix tendanciels ; scénario


ENVdet_pref’), sous le scénario tendanciel de référence, nous avons d’abord analysé l’impact
d’une taxe CO2 introduite en 2020 avec une probabilité égale à 1. Sous cette spécification,
l’impact d’une taxe CO2 comprise entre 10 et 50 $US/t, apparaît marginal, puisque le niveau
optimal d’investissement est réduit au maximum de 150 kb/j. L’introduction d’une pénalité
dans cet intervalle ne remet donc pas en cause la soutenabilité de la filière in situ. L’impact
devient plus important pour un niveau de taxe supérieur ou égal à 60 $US/t. Le niveau optimal
d’investissement reste compris entre 1250 et 1400 kb/j pour une taxe comprise entre 60 et 130
$US/t, soit une réduction de 350 à 500 kb/j par rapport au niveau de référence. Une nette
incitation à freiner les investissements apparaît pour limiter le surcoût environnemental. Puis
une rupture de tendance plus franche apparaît pour une taxe CO2 comprise entre 130 et 140
$US/t, avec une réduction de l’investissement cumulé de 350 kb/j (cf. figure 8-4). Enfin, pour
une taxe CO2 comprise entre 140 et 200 $US/t, l’investissement cumulé est fortement réduit,
compris entre 750 et 900 kb/j.

331
Figure 8-4 : Investissement cumulé in situ en fonction de la taxe CO2 (mise en application en
2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence

Il est à noter que les niveaux optimaux d’investissement cumulé déterminés à partir du
modèle de programmation dynamique (sous le scénario de prix tendanciel) sont
systématiquement supérieurs ou égaux à ceux obtenus avec le modèle de programmation
linéaire, sous une valeur identique de taxe CO2. Cet écart provient de la comptabilisation
différente de la pénalité CO2, dans un cas calculée en fonction des investissements, dans
l’autre lissée par unité de bitume produit. Sous la seconde spécification, utilisée dans le
modèle de programmation dynamique, les stratégies d’investissement s’avèrent moins
impactées puisque la pénalité CO2 est répartie sur le niveau global de production, réduisant
progressivement le profit intertemporel. En revanche, dans le modèle de programmation
linéaire, des basculements plus nettes de solutions optimales étaient observés puisque le
montant total du coût CO2 était directement proportionnel au niveau d’investissement. Une
réduction du niveau d’investissement pouvait alors apparaître optimale puisqu’elle permettait
de réduire la pénalité CO2. La comptabilisation différenciée de la pénalité CO2 ne permet
donc pas de comparer entre eux les résultats issus des deux modèles d’offre. Dans ce chapitre,
nous nous limiterons donc uniquement à une analyse comparative des résultats obtenus à
partir du modèle de programmation dynamique.

Nous avons également relevé les profits nets cumulés à l’optimum générés sous les
différentes hypothèses de taxe CO2, afin d’évaluer la réduction de profit liée à la nouvelle
réglementation. Les résultats sont présentés dans la figure 8-5. Le profit net cumulé diminue

332
au fur et à mesure que la taxe CO2 augmente. Egal à 73381 M$US en l’absence de pénalité, il
est progressivement réduit de 3.1% pour une taxe CO2 à 50 $US/t (70791 M$US), de 6.2%
pour une taxe CO2 à 100 $US/t (68484 M$US), jusqu’à 12.7% pour une taxe CO2 à 200 $US/t
(63449 M$US). Toutefois, le profit net cumulé du secteur in situ reste largement positif
quelque soit la valeur de la taxe CO2.

Figure 8-5 : Profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2 (mise en application en
2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence

8.2.1.2 Réglementations environnementales certaines et prix de vente


incertains

En considérant des prix futurs empreints d’incertitudes (scénario ENVdet_pprob),


l’impact négatif d’une taxe CO2 sur le processus décisionnel est accentué (cf. figure 8-6). En
introduisant les trois scénarios de prix tendanciels probabilisés (avec une probabilité associée
égale à 0.68 pour le scénario de référence et 0.16 pour les deux scénarios extrêmes), la
stratégie optimale d’investissement et de production n’est pas pénalisée par rapport à celle
déterminée sous le scénario de prix déterministe pour une taxe CO2 inférieure à 60 $US/t.
L’instauration d’une politique de réduction des émissions de CO2 à ces niveaux de taxe est
donc soutenable pour la filière in situ malgré l’incertitude sur les prix futurs. En revanche,
pour une taxe CO2 supérieure ou égale à 60 $US/t, la stratégie optimale est pénalisée. Pour
une taxe CO2 égale à 60 $US/t, l’investissement optimal cumulé est réduit de 200 kb/j. L’écart

333
s’accroît ensuite pour un niveau de taxe CO2 compris entre 140 et 150 $US/t (réduction de
l’investissement cumulé de 400 et 350 kb/j respectivement). La prise en compte de prix futurs
incertains devrait donc inciter les gouvernements à mettre en place une taxe CO2 ne dépassant
pas 50 $US/t, pour ne pas pénaliser le développement de la filière in situ.

Figure 8-6 : Comparaison de l’investissement cumulé in situ en fonction de la taxe CO2 (mise
en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix tendanciels
de référence

Nous avons également relevé les profits nets cumulés à l’optimum générés sous les
différentes valeurs de taxe CO2. Les résultats sont présentés dans la figure 8-7. Le profit
intertemporel est réduit par rapport à celui déterminé sans incertitude sur les prix pour une
taxe CO2 comprise entre 0 et 150 $US/t. Toutefois, malgré des stratégies d’investissement
systématiquement plus conservatives sous l’hypothèse de prix probabilisés, le profit
intertemporel devient supérieur à celui déterminé sans incertitude sur les prix pour une taxe
CO2 comprise entre 160 et 200 $US/t.

Le profit net cumulé diminue au fur et à mesure que la taxe CO2 augmente. Egal à
73028 M$US en l’absence de pénalité, il est progressivement réduit de 3.6% pour une taxe
CO2 à 50 $US/t (70381 M$US), de 6.8% pour une taxe CO2 à 100 $US/t (68038 M$US),
jusqu’à 12.3% pour une taxe CO2 à 200 $US/t (64033 M$US).

334
Figure 8-7 : Comparaison du profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2 (mise
en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix tendanciels
de référence

8.2.2 Introduction d’incertitudes sur les réglementations


environnementales

Dans un second temps, l’impact de l’incertitude sur les réglementations


environnementales futures a été évalué en présence de prix tendanciels (scénario ENVprob_
pref’), tandis que l’impact cumulé des deux incertitudes sur la réglementation
environnementale et sur les prix a été évalué à partir des hypothèses de prix probabilisés ou
volatils (scénarios ENVprob_pprob et ENVprob_pvoln).

8.2.2.1 Réglementations environnementales incertaines et prix de vente


tendanciels certains

Une incertitude sur les réglementations environnementales a été introduite en


considérant deux scénarios équiprobables. Dans le premier, une taxe CO2 est appliquée en
2020, avec une probabilité associée de 0.5, tandis que dans le second, aucune taxe CO2 n’est
introduite.

Sous l’hypothèse d’une taxe CO2 égale à 100 $US/t, en présence d’incertitudes sur les
réglementations environnementales et de prix de vente tendanciels certains, l’investissement

335
cumulé est réduit à 1600 kb/j (-150 kb/j par rapport au cas de référence, sans réglementations
sur les GES), avec un profit intertemporel associé égal à 70649 M$US (-3.7% par rapport au
cas de référence). Afin d’évaluer l’impact de l’incertitude réglementaire, ce résultat doit être
comparé à celui obtenu en l’absence d’incertitude sur les réglementations en considérant une
taxe CO2 de 50 $US/t, soit équivalente en espérance mathématique à la taxe CO2 pondérée
correspondante au cas d’étude précédent (une taxe CO2 de 100 $US/t introduite avec une
probabilité de 0.5). En présence de prix tendanciels certains, l’incertitude réglementaire ne
conduit pas à une stratégie d’investissement plus conservative, puisque l’investissement
cumulé à l’optimum atteignait également 1600 kb/j en présence d’une taxe CO2 égale à 50
$US/t (avec une probabilité associée de 1). La prise en compte d’une incertitude
réglementaire ne réduit donc pas l’investissement cumulé. Toutefois, le profit intertemporel
en présence d’incertitudes réglementaires est légèrement réduit de 0.2%, passant de 70791 à
70649 M$US.

Ce résultat est modifié en introduisant une taxe CO2 égale à 200 $US/t, avec une
probabilité de 0.5. Sous cette spécification, l’introduction d’une incertitude réglementaire
pénalise la stratégie d’investissement. L’investissement cumulé à l’optimum atteint alors 1150
kb/j, c’est-à-dire qu’il est réduit de 350 kb/j par rapport à l’investissement cumulé obtenu en
présence d’une taxe CO2 à 100 $US/t, introduite avec une probabilité de 1), tandis que le
profit intertemporel s’élève à 67252 M$US (réduction de 1.7% par rapport à celui obtenu sans
incertitude réglementaire). L’ensemble des résultats est synthétisé dans le tableau 8-2.

336
Tableau 8-2 : Impacts de l’incertitude réglementaire sur les stratégies prospectives
d’investissement dans la filière de production in situ intégrée, en présence des prix tendanciels
de référence (modèle stochastique)

Scénarios prospectifs Investissement cumulé Profit intertemporel à l'optimum


à l'optimum
kb/j M$US
Test 1
Introduction en 2020 d'une taxe 1600 70791
CO2 à 50 $US/t (proba=1)
Introduction en 2020 d'une taxe 1600 70649
CO2 à 100 $US/t (proba=0.5)
Impact de l'incertitude Nul Réduction de 142 M$US (-0.2%)
réglementaire
Test 2
Introduction en 2020 d'une taxe 1500 68484
CO2 à 100 $US/t (proba=1)
Introduction en 2020 d'une taxe 1150 67252
CO2 à 200 $US/t (proba=0.5)
Impact de l'incertitude Réduction de 350 kb/j Réduction de 1232 M$US (-1.7%)
réglementaire
Source : Résultats des simulations prospectives PDYN

Ce premier résultat met en évidence un lien négatif entre l’investissement et


l’incertitude liée aux nouvelles politiques environnementales, sous un niveau de taxation
suffisant, en accord avec la perception des compagnies du secteur non conventionnel. Les
incertitudes liées aux réglementations environnementales représentent en effet un des
principaux sujets d’inquiétude pour ces compagnies et leurs investisseurs (Briefing des
actionnaires de Total, 2011) et pourraient représenter un frein au développement. Ces
incertitudes ont en particulier été à l’origine de la dégradation entre 2007 et 2010 du climat
d’investissement en Alberta ressenti par certaines compagnies (Global Petroleum Survey,
2011).

8.2.2.2 Réglementations environnementales incertaines et prix de vente


probabilisés

Une analyse similaire a été effectuée en présence de prix de vente incertains


probabilisés. Sous l’hypothèse d’une taxe CO2 égale à 100 $US/t, introduite avec une
probabilité de 0.5 à partir de 2020, l’investissement cumulé est réduit à 1500 kb/j (-250 kb/j
par rapport au cas de référence, sans réglementations sur les GES), avec un profit
intertemporel associé égal à 70306 M$US (-3.7% par rapport au cas de référence). De même,
afin d’évaluer l’impact de l’incertitude réglementaire, ce résultat doit être comparé à celui
obtenu en l’absence d’incertitude sur les réglementations en considérant une taxe CO2 de 50

337
$US/t. L’incertitude réglementaire conduit à une stratégie d’investissement plus conservative,
puisque l’investissement cumulé à l’optimum atteignait 1600 kb/j tandis que le profit cumulé
s’élevait à 70381 M$US en présence d’une taxe CO2 égale à 50 $US/t (avec une probabilité
associée de 1). La prise en compte d’une incertitude réglementaire a ainsi réduit
l’investissement cumulé de 100 kb/j et le profit intertemporel de -0.1%. L’impact négatif de
l’incertitude réglementaire environnementale est donc légèrement accentué par la prise en
compte de prix incertains et indique que l’interaction entre les deux types d’incertitudes est
positive.

Le constat est identique en introduisant une taxe CO2 égale à 200 $US/t, avec une
probabilité de 0.5. En présence d’une incertitude réglementaire, l’investissement cumulé à
l’optimum atteint 1150 kb/j (soit une réduction de 150 kb/j par rapport à l’investissement
cumulé obtenu en présence d’une taxe CO2 à 100 $US/t, introduite avec une probabilité de 1),
tandis que le profit intertemporel s’élève à 67560 M$US (réduit de -0.7% par rapport à celui
obtenu sans incertitude réglementaire). L’ensemble des résultats est synthétisé dans le tableau
8-3.

338
Tableau 8-3 : Impacts de l’incertitude réglementaire sur les stratégies prospectives
d’investissement dans la filière de production in situ intégrée, en présence des prix
probabilisés (modèle stochastique)

Investissement cumulé
Scénarios prospectifs à l'optimum Profit intertemporel à l'optimum
kb/j M$US
Test 1
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 50 $US/t (proba=1) 1600 70381
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 100 $US/t (proba=0.5) 1500 70306
Impact de l'incertitude
réglementaire Réduction de 100 kb/j Réduction de 75 M$US (-0.1%)
Test 2
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 100 $US/t (proba=1) 1300 68038
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 200 $US/t (proba=0.5) 1150 67560
Impact de l'incertitude
réglementaire Réduction de 150 kb/j Réduction de 478 M$US (-0.7%)
Source : Résultats des simulations prospectives PDYN

L’impact négatif de la seule incertitude réglementaire (-150 kb/j) est inférieur à celui
observé en présence de scénarios de prix déterministes (-300 kb/j). Toutefois, le niveau
optimal d’investissement était déjà pénalisé par la seule incertitude sur les prix de la ressource
(-200 kb/j). Nous ne pouvons donc pas mettre en évidence une règle d’additivité des
incertitudes, puisque l’impact d’une seule incertitude est variable en fonction de l’existence et
de l’impact d’une autre incertitude. Une approche par simulations s’avère alors adaptée pour
effectuer une analyse quantitative.

8.2.2.3 Réglementations environnementales incertaines et prix de vente


volatils

Enfin, un test similaire a également été effectué en présence de prix volatils. Dans un
premier temps, une taxe CO2 de 100 $US/t a été appliquée en 2020, avec une probabilité
associée de 0.5. L’investissement cumulé à l’optimum a ensuite été relevé sous chacun des
100 scénarios de prix volatils. Dans 80% des cas, l’investissement cumulé est inférieur à
l’investissement de référence (sans réglementation environnementale, égal à 1750 kb/j), tandis
que pour les 20% restants, l’investissement cumulé est supérieur à l’investissement de
référence. Dans un second temps, une taxe CO2 de 50 $US/t, appliquée en 2020 avec une
probabilité associée de 1, a été introduite dans la modélisation. Sur l’ensemble des 100
scénarios de prix volatils, une distribution de probabilité sur l’investissement cumulé similaire

339
au cas précédent a été mise en évidence. Ainsi, dans 80% des cas, l’investissement cumulé est
inférieur à l’investissement de référence tandis que pour les 20% restants, l’investissement
cumulé est supérieur à l’investissement de référence. Les distributions de probabilités des
investissements cumulés in situ correspondantes, déterminées sans et avec incertitude
réglementaire, ont été reportées sur la figure 8-8.

En raisonnant sur l’investissement cumulé moyen, celui-ci atteint 1418 kb/j en


présence de la taxe CO2 à 50 $US/t, introduite de manière déterministe, mais est réduit à 1402
kb/j en présence d’incertitude réglementaire, représentée par une taxe CO2 à 100 $US/t,
introduite avec une probabilité de 0.5. Ainsi, l’introduction d’une incertitude réglementaire
réduit légèrement en moyenne l’investissement cumulé, mais ne modifie pas la distribution de
probabilités des investissements plus conservatifs. L’effet cumulé de l’incertitude
réglementaire et des prix volatils ne pénalise donc qu’à la marge les stratégies
d’investissement.

Enfin, l’impact négatif sur la décision d’investissement de nouvelles réglementations


environnementales, déterministes ou probabilisées, décroît sous l’effet de prix futurs volatils.
Sous le scénario de prix tendanciel de référence, l’investissement cumulé est progressivement
réduit de 8.6% avec une taxe CO2 à 50 $US/t, introduite de manière déterministe en 2020, à
14.3% avec une taxe CO2 à 100 $US/t, introduite avec une probabilité de 0.5 en 2020. Sous
l’hypothèse de prix volatils, l’investissement cumulé moyen est réduit de 7.3% sous le
premier scénario et -8.4% sous le second scénario. Là encore, l’impact d’une seule incertitude
est variable en fonction de l’existence et de l’impact d’une autre incertitude, puisque
l’interaction des deux incertitudes n’est pas régie par une règle d’additivité.

340
35%

30%

25%
Probabilité

20%

15%

10%

5%

0%
300 500 700 900 1100 1300 1500 1700 1900 2100

Investissement cumulé (kb/j)

Taxe CO2=50 $US/t (2020, proba=1) Taxe CO2=100 $US/t (2020, proba=0.5)

Figure 8-8 : Distribution de probabilité de l’investissement cumulé in situ en présence de prix


volatils, avec et sans incertitude réglementaire environnementale

Au terme de ce chapitre, nous avons mis en évidence un impact négatif de la volatilité


des prix sur la décision d’investissement. Les stratégies d’investissement dans la filière in situ
deviennent plus conservatives par rapport à celles déterminés en présence d’un scénario de
prix tendanciel, afin de réduire le risque prix. L’incertitude sur les prix, modélisée à partir de
scénarios tendanciels probabilisés, peut également pénaliser le développement de la filière in
situ, à condition que le degré d’incertitude soit suffisamment élevé.

En l’absence d’incertitude réglementaire, l’introduction d’une taxe CO2 n’a que peu
d’impact sur les stratégies d’investissement pour des valeurs comprises entre 10 et 50 $US/b,
que ce soit en présence de scénarios de prix déterministes en probabilisés, et ne remet pas en
cause la viabilité économique de la filière in situ. D’autre part, le modèle d’offre en
programmation dynamique a permis de s’affranchir du basculement radical des solutions
observé avec le modèle de programmation linéaire, malgré les niveaux élevés du profit
intertemporel, puisque les dépenses sont lissées en fonction de la production.

Au-delà de cet intervalle de taxe CO2, la stratégie optimale d’investissement est


pénalisée. L’impact négatif d’une taxe CO2 sur le processus décisionnel est accentué en

341
présence de prix de vente incertains. Tandis que le niveau optimal d’investissement dans la
filière in situ est réduit de 250 kb/j pour une taxe CO2 égale à 100 $US/t sous le scénario de
prix tendanciel de référence (cf. figure 8.6), il est réduit de 450 kb/j lorsque les prix futurs
sont empreints d’incertitude.

Enfin, l’incertitude réglementaire pénalise encore plus fortement le niveau optimal


d’investissement, par rapport à une modification réglementaire déterministe (avec équivalence
des espérances mathématiques). Cet impact est marginal en présence de prix futurs volatils,
mais il devient significatif en présence de prix futurs tendanciels déterministes ou
probabilisés. L’impact d’une seule incertitude est ainsi variable en fonction de l’existence et
de l’impact d’une autre incertitude, puisque l’interaction des deux incertitudes n’est pas régie
par une règle d’additivité. Le niveau d’investissement optimal peut être réduit de 350 kb/j
lorsqu’une taxe CO2 de 200 $US/t est introduite avec une probabilité de 0.5 en présence de
prix tendanciels et de 150 kb/j en présence de prix probabilisés. En présence de scénarios de
prix tendanciels déterministes, le comportement d’investissement est plus fortement pénalisé
par une incertitude sur les réglementations environnementales, puisque le cas d’étude initial
correspondait à une situation idéale en présence de prix monotones croissants. La forte
aversion au risque réglementaire, premier frein évoqué par les compagnies du secteur non
conventionnel, apparaît alors justifiée, puisque l’impact de la seule incertitude réglementaire
est significatif. Il ne doit donc pas être négligé dans la préparation et l’application de
nouvelles politiques énergétiques. L’acceptation par les industriels de réglementations
environnementales plus contraignantes dépendra, au-delà du niveau de taxe fixé, de la
transparence du processus d’application et de sa planification exempte d’incertitudes.

342
Conclusion

Au terme de ce travail de thèse, une analyse prospective sur le développement des


ressources pétrolières non conventionnelles canadiennes a été menée à l’aide d’une approche
par simulations. Au préalable, une analyse économique rétrospective des filières canadiennes
de production a permis de déterminer les principaux leviers de développement de ces filières
correspondant à la période 1980-2004, ainsi que les freins apparus au cours des années 2005-
2010. L’instauration d’un cadre fiscal avantageux pour les producteurs non conventionnels, la
maîtrise progressive des coûts de production sous l’effet du progrès technique et de
l’optimisation des procédés techniques, un prix du brut relativement stable, ainsi que la
proximité des sites non conventionnels avec le marché du raffinage américain, présentant un
important potentiel d’absorption de la production non conventionnelle, sont les principaux
facteurs ayant favorisé le développement de ces filières.

En revanche, la forte hausse des coûts de développement et de production, liée aux


tensions observées sur les marchés des matières premières et des commodités énergétiques et
répercutées sur les secteurs de la construction et de l’ingénierie a fragilisé la rentabilité des
projets non conventionnels. Conséquences de la crise financière de 2008, la chute du cours du
brut fin 2008 début 2009, le durcissement des conditions d’emprunt et la contraction du
potentiel d’absorption américain, ont freiné le développement des filières non
conventionnelles canadiennes, ce qui s’est traduit par le report où la suspension de plus de
50% des projets planifiés avant la crise. De plus, la modification du système de royalties et
l’existence d’incertitudes sur le cadre réglementaire environnemental et sur les prix futurs du
brut pourraient être à l’origine de l’inertie des plans de relance.

Une revue de littérature sur la théorie des ressources épuisables et la théorie de la


décision d’investissement a permis de déterminer les facteurs théoriques d’impact sur la
décision d’investissement et les stratégies optimales de production et d’investissement en
découlant. Une analyse économétrique a permis de valider deux résultats théoriques majeurs :
la détermination d’une fonction en U du coût marginal d’extraction du bitume canadien, sous
l’effet prédominant du progrès technique en début de période et de la difficulté croissante

343
d’extraction en fin de période, et l’estimation d’un lien négatif entre investissement non
conventionnel et incertitude sur le prix de vente de la ressource.

L’analyse des déterminants de l’investissement et de la méthodologie de modélisation


de certains paramètres économiques clés a permis de valider l’élaboration de deux modèles de
décision d’investissement incrémental basés sur la programmation linéaire et dynamique et de
deux types de scénarios prospectifs. Le premier modèle a permis de modéliser l’offre
pétrolière non conventionnelle tendancielle, en prenant en compte des contraintes techniques,
de stock de ressources, fiscales et budgétaires dans la décision d’investissement. La
spécification du second modèle a été légèrement simplifiée puisqu’elle ne permet pas
d’introduire la totalité des contraintes. En revanche, ce second modèle peut intégrer des
paramètres stochastiques et simuler l’offre pétrolière non conventionnelle en présence
d’incertitudes sur les prix de vente et le cadre réglementaire environnemental.

La calibration des deux modèles d’offre à partir de simulations rétrospectives a permis


de représenter correctement les trajectoires de production et d’investissement passées, en
basant le processus décisionnel sur la maximisation du profit intertemporel du secteur non
conventionnel, sous contraintes. La fonction de coût dans le modèle en programmation
dynamique a cependant été pondérée par un coefficient multiplicateur afin de représenter la
dégradation de la fonction objectif liée à la comptabilisation par annuités constantes du coût
du capital et à la saturation d’une des contraintes budgétaires et fiscales dans le modèle en
programmation linéaire. A titre illustratif, l’introduction de scénarios rétrospectifs de prix
probabilisés a permis de mettre en évidence un impact négatif de l’incertitude sur le niveau
historique d’investissement dans la filière minière.

Une analyse statique à horizon 2005 de la structure d’approvisionnement du marché


nord-américain a montré un degré d’intégration modéré de la production non conventionnelle
dans l’approvisionnement global du raffinage nord-américain, à hauteur de 4.5%. Par ailleurs,
en considérant le secteur aval global nord-américain, intégrant le raffinage et l’upgrading,
l’activité d’upgrading représentait 6.9% du bilan CO2 du secteur aval global, émettant 14.3
Mt/an de CO2. Avec des émissions unitaires de CO2 atteignant 0.261 t/t de bitume traité,
l’activité d’upgrading émettait ainsi 37% de CO2 supplémentaire par rapport au raffinage.

344
Puisque la robustesse des deux modèles d’offre a été validée par les simulations
rétrospectives, une analyse prospective par simulations a ensuite été menée et a permis de
mettre en évidence les résultats suivants. D’une part, le niveau de prix, en tendance, a un
impact majeur sur le niveau optimal d’investissement. Egal à 2.7 Mb/j sous le scénario de prix
tendanciel maximum, le niveau optimal d’investissement cumulé dans les filières minière et in
situ est réduit à 2 Mb/j sous le scénario de prix tendanciel de référence, et à 0.6 Mb/j sous le
scénario de prix tendanciel minimum. D’autre part, l’introduction d’incertitudes sur les
scénarios de prix prospectifs a un impact négatif sur la décision d’investissement, au-delà
d’un certain degré d’incertitude. Pour la filière in situ, la seule analysée en présence
d’incertitudes, le niveau optimal d’investissement cumulé est inchangé lorsque les
probabilités des trois scénarios de prix tendanciels sont associées à une loi normale (0.68 pour
le scénario de référence et 0.16 pour les scénarios de prix minimum et maximum). En
revanche, il est réduit de 17% lorsque les scénarios de prix sont équiprobables.

Un impact négatif de la volatilité des prix sur la décision d’investissement dans la


filière in situ a également été mis en évidence. A partir de l’analyse de la distribution de
probabilité des investissements cumulés optimaux obtenus sous 100 scénarios de prix volatils,
l’investissement est réduit par rapport à celui déterminé sous le scénario de prix tendanciel de
référence dans 70% des cas.

De plus, nous avons vérifié que l’offre non conventionnelle canadienne est adaptée
aux exigences du marché du raffinage nord-américain, en termes de qualité et de facteur
d’indépendance énergétique, ce qui lui assure de larges débouchés. Ainsi, à l’horizon 2030, la
production non conventionnelle canadienne pourrait représenter entre 18% et 21.4% de
l’approvisionnement pétrolier global des raffineries nord-américaines. Le bilan CO2 apparaît
alors dégradé par rapport à 2005. Les émissions liées aux activités de raffinage et d’upgrading
augmentent ainsi de 17.7% et 20.7% respectivement sous les scénarios de prix de référence et
maximum, conséquence d’une hausse de la consommation du pétrole canadien non
conventionnel.

Par ailleurs, l’analyse des différentes déclinaisons des scénarios environnementaux a


mis en avant les résultats principaux suivants. L’instauration d’un système payant
d’allocations en eau, modélisé à partir d’hypothèses adaptées de la littérature existante, a un

345
impact marginal sur la décision d’investissement. Le quota annuel au-delà duquel les
allocations deviennent payantes s’avère suffisant pour couvrir la totalité des besoins en eau
des filières minière et in situ, quelque soit le scénario de prix tendanciel considéré, et les
trajectoires optimales de développement restent inchangées. En supposant un système
d’allocations de la ressource en eau payant dès la première unité d’eau déviée, une analyse de
sensibilité a permis de déterminer une pénalité seuil de 1.1 et 7 $US/t pour les filières minière
et in situ respectivement, à partir de laquelle le niveau optimal d’investissement est réduit.

De même, la mise en place d’un système de provisionnement des dépenses de


réhabilitation plus contraignant en cours de production n’impacte que marginalement la
trajectoire de développement simulée pour la filière minière. Une analyse de sensibilité a
permis de mettre en évidence un niveau optimal d’investissement réduit lorsque le coût
unitaire de réhabilitation est multiplié par un coefficient supérieur ou égal à 1.9 par rapport à
son niveau initial.

Une analyse de sensibilité sur la pénalité CO2 a mis en évidence une réduction du
niveau d’investissement optimal pour un niveau de taxe peu élevé, supérieur ou égal à 4 et 7
$US/t pour les filières minière et in situ respectivement, sous le scénario de prix tendanciel de
référence. Néanmoins, l’impact négatif de la pénalité CO2 peut être nuancé puisque nous
avons constaté qu’en forçant le modèle à suivre les trajectoires de développement initiales,
l’introduction d’une taxe CO2 ne réduit que marginalement le profit intertemporel sans
remettre en question la rentabilité des filières non conventionnelles. La modélisation en
programmation mixte entière est à l’origine de ce basculement de solutions, qui peut entraîner
des stratégies optimales assez différentes pour des valeurs optimales de la fonction objectif
similaires.

Sous l’hypothèse d’une comptabilisation unitaire du coût du capital des installations


de capture et stockage du CO2 (CSC) (et pour une pénalité CO2 comprise entre 40 et 200
$US/t, c’est-à-dire dans la fourchette d’estimation du coût complet de CSC), l’arbitrage taxe
CO2/déploiement de la CSC se fait en faveur de l’alternative de déploiement de la CSC,
puisque les coûts associés sont déductibles de l’assiette fiscale pour le calcul des royalties. En
revanche, si un « risque d’investissement » est pris en compte, c’est-à-dire en comptabilisant
les dépenses d’investissement en annuités constantes, l’arbitrage est en défaveur de la CSC.

346
En présence d’incertitude sur les prix, modélisée à partir des scénarios de prix
probabilisés ou de prix volatils, l’impact négatif d’une pénalité CO2 sur la décision
d’investissement dans la filière in situ est accentué. Par ailleurs, l’introduction d’une
incertitude supplémentaire sur le cadre réglementaire environnemental pénalise encore plus la
décision d’investissement. L’impact négatif des deux types d’incertitudes se cumule donc et
pénalise plus fortement le développement optimale de la filière in situ.

Enfin, une analyse comparative des résultats de simulations avec des projections issues
de la littérature, a mis en évidence des trajectoires de production et d’investissement simulées
plutôt conservatives. Mais elles restent comparables aux estimations les plus récentes, qui
tiennent compte dans leurs hypothèses d’une hausse des coûts.

L’instauration de réglementations environnementales de plus en plus contraignantes


fait débat dans de nombreux pays producteurs et consommateurs. Les résultats obtenus dans
le cadre de cette thèse mettent en évidence un impact effectif des réglementations de
réduction des émissions de CO2 sur les niveaux d’investissement dans la filière pétrolière
canadienne non conventionnelle. Toutefois, la prise en compte de considérations
géopolitiques d'indépendance énergétique de la plaque nord-américaine devrait inciter à
continuer leur développement.

347
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Le Président de l’Université Montpellier I

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