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Déborah BOUCHONNEAU
le 2 décembre 2011
JURY
3
Analyse économique du potentiel de développement
des ressources d’hydrocarbure non conventionnelles
Résumé
Les perspectives énergétiques globales soulignent une demande croissante d'énergie
sur les prochaines décennies. Le pétrole brut devrait représenter environ 35% de l'offre
d'énergie primaire à l'horizon 2030 d'après l'AIE. Parmi les sources d’approvisionnement, les
hydrocarbures "non conventionnels" devraient contribuer significativement à l'offre de
produits pétroliers, puisqu’ils présentent un intérêt stratégique en termes de réserves et
d’indépendance énergétique. L'objectif de cette thèse est l'étude du potentiel de
développement des ressources d’hydrocarbure non conventionnelles sous différents scénarios
liés au contexte économique et environnemental. Les sables asphaltiques, principalement
localisés au Canada, constituent notre cas d’application. La première partie de cette thèse a
mis en évidence deux phases de développement: la première, de 1980 à 2005, correspondant à
l’émergence de la filière grâce à des leviers réglementaires, économiques et géographiques; la
seconde, amorcée en 2005 avec la dégradation du contexte économique, pendant laquelle le
développement de la filière s’est fortement ralenti. La seconde partie de cette thèse porte sur
l’analyse prospective à horizon 2050. L’élaboration d’un premier modèle basé sur la
programmation linéaire a permis de quantifier l’offre tendancielle sous différents scénarios
déterministes de prix et de réglementations environnementales. En particulier, la décision
d’investissement apparaît significativement impactée par l’introduction d’une taxe CO2. Un
second modèle basé sur la programmation dynamique a permis d’évaluer l’offre prospective
en présence d’incertitudes. Un impact négatif de l’incertitude et de la volatilité des prix sur la
décision d’investissement a été mis en évidence, avec ou sans réglementation
environnementale. Cet impact négatif est accentué lorsqu’une incertitude supplémentaire sur
le cadre réglementaire environnemental est introduite.
4
Economic analysis of non conventional crude oil
supply
Abstract
International energy outlook emphasizes an increasing energy demand over the next
decades. Crude oil should represent about 35% of primary energy supply by 2030 according
to the IEA. Among supply sources, non conventional crude oil should contribute significantly
to the supply of petroleum products, being strategic in terms of reserves and energy
independence. This thesis aims to evaluate the development potential of non conventional
crude oil using different scenarios regarding the economic and environmental context. Oil
sands, essentially located in Canada, constitute our application. The first part of this thesis
highlights two development phases: the first one, from 1980 to 2005, corresponding to the
emergence of the oil sands sector through regulatory, economic and geographical levers; the
second one, started in 2005 with the deterioration of the economic climate, during which oil
sands development slowed down significantly. The second part of this thesis focuses on the
prospective analysis of the horizon 2050. Firstly, the development of a supply model based on
linear programming allowed us to quantify non conventional oil trend supply under
deterministic price and environmental regulation scenarios. In particular, investment decision
is significantly affected by the establishment of a CO2 tax. Secondly, the development of
another supply model based on dynamic programming allowed us to evaluate future non
conventional crude oil supply under uncertainties. A negative impact of price uncertainty and
volatility on investment decision is highlighted, under or without environmental regulation.
This negative impact is strengthened by the introduction of a supplementary uncertainty in
environmental legal framework.
5
Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de thèse Jacques Percebois pour son
aide, son soutien et pour la grande confiance qu’il m’a accordée.
Je remercie vivement Armelle Sanière, promoteur de cette thèse à l’IFPEN, pour son
expertise et sa disponibilité, qui m’ont permis d’acquérir rapidement les connaissances
nécessaires pour mener à bien mon projet de recherche.
Je tenais à remercier Mme Nathalie Alazard-Toux pour m’avoir accueillie dans son
département au sein d’IFPEN et M. Jean-François Gruson, pour m’avoir intégrée à son équipe
de recherche.
7
Ces trois années de travail (acharné!) n'auraient pas été aussi mémorables sans tous
mes amis et collègues, Mélissa, Ibrahim, Fabio, Elodie L.C., Armelle, Romain, Laure, Alban,
et mes irremplaçables co-bureaux, Elodie S.C., Vincent et Laetitia (nous avons relevé haut la
main le prix de la meilleure ambiance dans le bureau Y439!), avec lesquels j’ai partagé tant
d'excellents moments: voyages dans des contrées pétrolières lointaines, banias, missions foie
gras… Spéciale dédicace également à mes amis de Lorient, Nantes, Grenoble ou Paris, pour
toutes les soirées et escapades en leur compagnie.
Je tire également mon chapeau à mes parents, qui ont "vécu 2x3 années de thèse
presque consécutives" et qui ont été parfaits: merci pour votre écoute, votre soutien et votre
réconfort (dont leurs délicieuses crêpes). Un énorme merci (muito obrigada) à ma sœur, pour
son soutien sans faille, ses conseils d'« ancienne » (thésarde!), et les moments inoubliables
passés sur les plages de Fortaleza, dans les théâtres parisiens ou (encore sur les plages ?) de
Lorient.
Et enfin, "last but not least" je remercie Gwen pour son soutien, ses (nombreuses…)
blagues et son éternelle bonne humeur, grâce auquel j'ai découvert le bonheur de la
modélisation et de la compilation.
8
Table des matières
9
2.2.3.1 Durcissement des conditions d’emprunt .................................................. 94
2.2.3.2 Contraction du potentiel d’absorption américain..................................... 95
2.2.4 SUSPENSION ET REPORT DE PROJETS ..................................................................... 97
3.1 THEORIE ECONOMIQUE DES RESSOURCES EPUISABLES ET THEORIE DE LA DECISION ... 122
3.1.1 DETERMINATION DU SENTIER OPTIMAL DE PRODUCTION ................................... 122
3.1.2 MISE EN EVIDENCE D’UN PRIX SEUIL DE DEVELOPPEMENT ................................. 128
3.1.3 DECISION D’INVESTISSEMENT EN PRESENCE D’INCERTITUDE ............................. 129
10
4.3.2 RESULTATS D’ESTIMATION DES PARAMETRES ECONOMIQUES COUTS ET PRIX ... 175
4.3.2.1 Coût du capital ....................................................................................... 175
4.3.2.2 Coûts opératoires ................................................................................... 178
4.3.2.3 Trajectoires du prix de vente ................................................................. 181
4.3.3 ANALYSE DES RESULTATS DES SIMULATIONS RETROSPECTIVES ........................ 184
4.3.3.1 Trajectoires de production et d’investissement ..................................... 184
4.3.3.2 Evolution des coûts de production......................................................... 187
4.3.3.3 Evolution des flux de trésorerie ............................................................. 189
4.3.3.4 Degré d’intégration dans l’approvisionnement nord-américain à l’année
2005 191
Annexe 4.1 : Résolution d’un problème en programmation entière mixte par la procédure arborescente
branch and bound................................................................................................................................ 199
Annexe 4.2 : Notations des produits et unités de production du modèle d’offre linéaire ................... 203
Annexe 4.3 : Données de rendements techniques ............................................................................... 207
Annexe 4.4 : Equations de capacité par unité de production............................................................... 211
Annexe 4.5 : Méthodes d'estimation du taux d'actualisation............................................................... 213
11
6.1.3 ESTIMATION DES COUTS ENVIRONNEMENTAUX .................................................. 255
6.1.4 ESTIMATIONS DES TRAJECTOIRES TENDANCIELLES DE PRIX ............................... 259
6.1.5 SCENARIOS PROSPECTIFS ..................................................................................... 260
12
8.1.2 ACTION CORRECTIVE PAR PONDERATION DE LA FONCTION DE COUT ................. 328
8.1.2.1 Fonction de coût pondérée ..................................................................... 328
8.1.2.2 Résultats des simulations ....................................................................... 328
8.1.3 IMPACT DE L’INCERTITUDE DES PRIX DE VENTE.................................................. 329
8.1.4 IMPACT DE LA VOLATILITE DES PRIX DE VENTE .................................................. 330
13
Table des notations
Acronymes :
15
GTL : Gas To Liquids
H2S : Sulfure d’hydrogène
HP : haute pression
ICO2N : Integrated Carbon Dioxide Network
ICP : In situ Conversion Process (schistes bitumineux)
IPCC : Intergovernmental Panel of Climate Change
LTBR : taux de long terme des obligations d'Etat
MP : moyenne pression
NEB : National Energy Board
NETL : National Energy Technology Laboratory
NOx : Oxyde de Sodium
NYMEX : New York Mercantile Exchange
ONE : Office National de l’Energie (Canada)
ONGC : Oil and Natural Gas Corporation Limited
OPEP : Organisation des Pays Producteurs de Pétrole
PADD : Petroleum Administration for Defense Districts
PDVSA : Petroleos de Venezuela, S.A.
PDYN : Programmation Dynamique
PL : Programmation Linéaire
R&D : Recherche et Développement
RAM : Random Access Memory
SAGD : Steam-assisted Gravity Drainage (sables bitumineux)
SCO : Synthetic Crude Oil
SOx : Oxyde de Soufre
SO2 : Dioxyde de Soufre
VAN : Valeur Actuelle Nette
WEO : World Energy Outlook
WTI : West Texas Intermediate
16
Unités :
kg : kilogramme
Préfixe Symbole
-2
10 centi c
103 kilo k
106 mega M
109 giga G
1012 tera T
17
kWh : kilowatt-heure
MWh : megawatt-heure
°API : degré API
ha : hectare
$US : dollar US
$CAN : dollar canadien
$/b/j : dollar par baril par jour
Notations générales :
t : période t
t0 : date initiale d’exploitation
T : date finale d’exploitation
k : indice de la technologie d’extraction (1=minière, 2=in situ)
z : indice de la technologie de production (M=minière, S=in situ, U=upgrading)
S 0 : stock de ressources disponibles à la date initiale t0
18
π ( X t ) : profit dépendant du niveau de production à la période t
19
Sj : sommet de l’arborescence (procédure branch and bound)
Fj : fonction objectif ou fonction d’évaluation (procédure branch and bound)
Pj : fonction problème dérivé (procédure branch and bound)
20
Notations du modèle d’offre en programmation linéaire :
π t : profit à la période t
It : montant de l’investissement à la période t
ȜCA : coefficient maximum d'autofinancement sur le chiffre d’affaires
ANt : annuité constante du coût du capital à la période t
d : durée de vie économique des unités
bt : indice de la première année de la période t
21
DX : ensemble des variables d’action niveau de production
22
Table des tableaux
Tableau 1-1 : Tableau récapitulatif des réserves pétrolières non conventionnelles ..... 41
Tableau 1-2 : Synthèse des projets d’exploitation de pétrole extra-lourd au Venezuela
.................................................................................................................................................. 45
Tableau 1-3 : Tableau récapitulatif des projets CTL et GTL dans le monde ............... 52
Tableau 1-4 : Part de la production pétrolière non conventionnelle dans l’offre
mondiale en 2009 ..................................................................................................................... 53
Tableau 2-1 : Oléoducs actuels à l’échelle intra-Alberta ............................................. 75
Tableau 2-2 : Capacités du raffinage canadien et part des pétroles non conventionnels
dans l’approvisionnement des provinces en 2008 .................................................................... 77
Tableau 2-3 : Capacités du raffinage américain et part des pétroles non conventionnels
dans l’approvisionnement des PADD en 2005 ........................................................................ 79
Tableau 2-4 : Unités d’upgrading en opération dans la province d’Alberta ................ 84
Tableau 2-5 : Description des projets miniers en développement ou planifiés sur la
période 2010-2016 .................................................................................................................... 97
Tableau 2-6 : Description des projets in situ en développement ou planifiés sur la
période 2010-2020 .................................................................................................................... 98
Tableau 2-7 : Description des projets d’upgrading en développement ou planifiés sur
la période 2010-2016 ................................................................................................................ 99
Tableau 2-8 : Bilans en CO2 équivalent des filières pétrolières non conventionnelles et
conventionnelles ..................................................................................................................... 103
Tableau 2-9 : Consommation unitaire nette en eau en fonction de la technologie de
production............................................................................................................................... 106
Tableau 3-1 : Tests de racine unité des séries de prix PWTIt et PSCOt .......................... 137
Tableau 3-2 : Test de cointégration entre les séries ln(PWTIt) et ln(PSCOt) .................. 138
Tableau 3-3 : Test de Causalité au sens de Granger entre les séries ln(PWTIt) et
ln(PSCOt) .................................................................................................................................. 138
Tableau 4-1 : Contraintes et équations de bilans matière du modèle d’offre linéaire 169
Tableau 4-2 : Valeurs historiques du taux des obligations fédérales à long terme sur la
période 1996-2009 .................................................................................................................. 173
Tableau 4-3 : Coût des fonds propres du secteur non conventionnel canadien et de
compagnies pétrolières internationales sur la période 1996-2008 ......................................... 173
Tableau 4-4 : Valeurs du taux de change monétaire $CAN/$US sur la période 1980-
2005 ........................................................................................................................................ 174
Tableau 4-5 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des
projets miniers et miniers intégrés sur la période 1980-2005 (PL) ........................................ 177
Tableau 4-6 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des
projets in situ sur la période 1985-2005 (PL) ......................................................................... 177
Tableau 4-7 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés miniers,
période 1980-2005 (PL) ......................................................................................................... 180
Tableau 4-8 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés in situ,
période 1985-2005 (PL) ......................................................................................................... 180
Tableau 4-9 : Comparaison des prix observés et estimés pour les technologies minière
et minière intégrée, période 1980-2005 (PL) ......................................................................... 183
23
Tableau 4-10 : Comparaison des prix observés et estimés pour la technologie in situ,
période 1985-2005 (PL) ......................................................................................................... 183
Tableau 4-11 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
(PL)......................................................................................................................................... 185
Tableau 4-12 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ
(PL)......................................................................................................................................... 186
Tableau 4-13 : Estimation des coûts marginaux des produits pétroliers et prix FOB
observés sur les marchés Etats-Unis, Europe et Singapour ................................................... 193
Tableau 4-14 : Estimation des ratios coûts marginaux des produits pétroliers/prix du
Brent et ratios prix FOB/prix du Brent observés sur les marchés Etats-Unis, Europe et
Singapour ............................................................................................................................... 193
Tableau 4-15 : Comparaison des spécifications des approvisionnements pétroliers
observés et estimés agrégés par zone en 2005 ....................................................................... 194
Tableau 4-16 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2005 ................................................. 195
Tableau 4-17 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2005 195
Tableau 5-1 : Coût unitaire du capital minier correspondant au coût du capital estimé
en PL sur la période 1980-2005 ............................................................................................. 229
Tableau 5-2 : Coût unitaire du capital in situ correspondant au coût du capital estimé
en PL sur la période 1985-2005 ............................................................................................. 229
Tableau 5-3 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
sous le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN) ........................... 230
Tableau 5-4 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ
sous le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN) ........................... 231
Tableau 5-5 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ...................... 234
Tableau 5-6 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ
sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ...................... 235
Tableau 5-7 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie
minière sur la période 1980-2005........................................................................................... 236
Tableau 5-8 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie in
situ sur la période 1985-2005 ................................................................................................. 236
Tableau 5-9 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière
en présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN) ....... 238
Tableau 6-1 : Coût du capital des filières de production minière et in situ intégrées
estimé pour les simulations prospectives (modèle tendanciel) .............................................. 249
Tableau 6-2 : Estimations des coûts opératoires fixes prospectifs pour les technologies
minière, in situ et d'upgrading................................................................................................ 253
Tableau 6-3 : Estimations des variables prix de vente des trois scénarios de Référence
(modèle tendanciel) ................................................................................................................ 261
Tableau 6-4 : Estimations des paramètres de coûts des trois scénarios de Référence
(modèle tendanciel) ................................................................................................................ 262
Tableau 6-5 : Synthèse des scénarios Environnementaux et des estimations des
paramètres de coûts environnementaux (modèle tendanciel)................................................. 266
Tableau 6-6 : Coût unitaire du capital, minier et in situ intégré, correspondant au coût
du capital estimé en PL sur la période 2005-2045 ................................................................. 268
Tableau 7-1: Estimations des consommations en eau des filières de production minière
et in situ intégrée sous le scénario de Référence .................................................................... 279
24
Tableau 7-2: Estimations des consommations en gaz naturel des filières de production
minière et in situ intégrée sous le scénario de Référence ....................................................... 280
Tableau 7-3 : Estimations des consommations en utilités des filières de production
minière et in situ intégrée sous le scénario de Référence (trajectoire de prix de référence) .. 282
Tableau 7-4 : Estimations des émissions de CO2eq associées aux filières de production
minière et in situ intégrée sous le scénario de Référence ....................................................... 283
Tableau 7-5 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en
fonction du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce (trajectoire de prix de
référence) ................................................................................................................................ 289
Tableau 7-6 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en
fonction du quota et du coût d’approvisionnement en eau douce (trajectoire de prix de
référence) ................................................................................................................................ 290
Tableau 7-7 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en
fonction de la taxe CO2 (trajectoire de prix de référence)...................................................... 297
Tableau 7-8 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en
fonction de la taxe CO2 (trajectoire de prix de référence)...................................................... 298
Tableau 7-9 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie minière en
fonction du coût de capture et stockage du CO2 (trajectoire de prix de référence) ................ 304
Tableau 7-10 : Stratégies optimales d’investissement dans la technologie in situ en
fonction du coût de capture et stockage du CO2 (trajectoire de prix de référence) ................ 306
Tableau 7-11 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2030 (scénario de prix de référence) 312
Tableau 7-12 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix de référence) ............................................................................................... 312
Tableau 7-13 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2030 (scénario de prix maximum)... 313
Tableau 7-14 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix maximum) .................................................................................................. 313
Tableau 7-15 : Synthèse des estimations des capacités de production cumulée de
bitume issues de sources publiques et des simulations prospectives à l’année 2030 ............. 321
Tableau 8-1 : Coûts opératoires non énergétiques de la filière de production in situ
intégrée estimés pour les simulations prospectives (modèle de programmation dynamique) 327
Tableau 8-2 : Impacts de l’incertitude réglementaire sur les stratégies prospectives
d’investissement dans la filière de production in situ intégrée (modèle stochastique) .......... 339
25
Table des figures
26
Figure 5-3 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-
2005, sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ............ 233
Figure 5-4 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005
sous le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN) ...................... 234
Figure 5-5 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-
2005 en présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN)
................................................................................................................................................ 237
Figure 6-1 : Evolution du coût du capital des projets miniers en fonction de la capacité
de production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group,
2010a ; Banque Mondiale, 2010) ........................................................................................... 246
Figure 6-2 : Evolution du coût du capital des projets in situ en fonction de la capacité
de production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group,
2010b ; Banque Mondiale, 2010) ........................................................................................... 246
Figure 6-3 : Evolution du coût du capital des projets d’upgrading en fonction de la
capacité de production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy
Group, 2010c ; Banque Mondiale, 2010) ............................................................................... 247
Figure 6-4 : Estimations du coût unitaire de capture et stockage du CO2 (sources :
IPCC, 2005 ; McKinsey, 2008 ; IFPEN, 2008 ; Tal, 2007 ; ICO2N, 2008) .......................... 258
Figure 6-5 : Scénarios prospectifs de prix du brut, période 2008-2045 (source : WEO,
2009)....................................................................................................................................... 260
Figure 6-6 : Exemples de trajectoires de prix volatiles générées (processus aléatoire),
période 2010-2045 .................................................................................................................. 271
Figure 7-1 : Stratégies prospectives optimales de production minière en fonction des
trajectoires du prix du brut sur la période 2005-2045 sous le scénario de Référence ............ 275
Figure 7-2 : Stratégies prospectives optimales de production in situ en fonction des
trajectoires du prix du brut sur la période 2005-2045 sous le scénario de Référence ............ 276
Figure 7-3 : Décomposition des coûts de production miniers, années 2010 et 2030 . 284
Figure 7-4 : Décomposition des coûts opératoires miniers, années 2010 et 2030 ..... 285
Figure 7-5 : Décomposition des coûts de production in situ, années 2010 et 2030 ... 286
Figure 7-6 : Décomposition des coûts opératoires in situ, années 2010 et 2030........ 286
Figure 7-7 : Impact d’une hausse des coûts de réhabilitation et du système de
provisionnement sur le profit net cumulé minier sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix
de référence) ........................................................................................................................... 293
Figure 7-8 : Evolution des dépenses de réhabilitation des sites miniers en fonction du
système de provisionnement sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence) .... 294
Figure 7-9 : Evolution des stratégies optimales de production minière en fonction de la
taxe CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence).................................... 297
Figure 7-10 : Evolution des stratégies optimales de production in situ en fonction de la
taxe CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence).................................... 298
Figure 7-11 : Evolution de l’investissement cumulé optimal dans la technologie
minière en fonction de l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ........................... 300
Figure 7-12 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur minier en fonction de
l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ................................................................ 301
Figure 7-13 : Evolution de l’investissement cumulé optimal dans la technologie in situ
en fonction de l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ........................................ 302
Figure 7-14 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur in situ en fonction de
l’alternative CO2 (trajectoire de prix de référence) ................................................................ 303
Figure 7-15 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le
profit net cumulé du secteur minier (trajectoire de prix de référence) ................................... 305
27
Figure 7-16 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le
profit net cumulé du secteur in situ (trajectoire de prix de référence) ................................... 308
Figure 7-17 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût
CO2 répercuté sur la production minière (trajectoire de prix de référence) ........................... 309
Figure 7-18 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût
CO2 répercuté sur la production in situ (trajectoire de prix de référence) .............................. 310
Figure 7-19 : Synthèse des estimations des capacités de production minière par
simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 ................................................. 315
Figure 7-20 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ par
simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources : résultats des simulations
prospectives)........................................................................................................................... 315
Figure 7-21 : Synthèse des estimations des capacités de production minière issues de
sources publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)............................................................................................... 318
Figure 7-22 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ issues de
sources publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)............................................................................................... 319
Figure 8-1 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045,
sous le scénario de prix de référence (premier test de simulation, PDYN)............................ 328
Figure 8-2 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045,
sous le scénario de prix de référence (après pondération, PDYN)......................................... 329
Figure 8-3 : Distribution de probabilités de l’investissement cumulé in situ sous
l’hypothèse de prix volatils (100 scénarios, cas de référence inclus) .................................... 330
Figure 8-4 : Investissement cumulé in situ en fonction de la taxe CO2 (mise en
application en 2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence .................................. 332
Figure 8-5 : Profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2 (mise en
application en 2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence .................................. 333
Figure 8-6 : Comparaison de l’investissement cumulé in situ en fonction de la taxe
CO2 (mise en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix
tendanciel de référence ........................................................................................................... 334
Figure 8-7 : Comparaison du profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2
(mise en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix
tendanciel de référence ........................................................................................................... 335
Figure 8-8 : Distribution de probabilité de l’investissement cumulé in situ en présence
de prix volatils, avec et sans incertitude réglementaire environnementale ............................ 341
28
Introduction
29
En 2009, l’approvisionnement global en brut synthétique issu des filières de
production pétrolière non conventionnelle s’établissait à 2.8 millions de barils par jour (Mb/j),
soit 3.5% de l’approvisionnement pétrolier mondial à 79.9 Mb/j. La filière canadienne
d’extraction de bitume (minière et in situ) représentait plus de 54% de l’offre pétrolière non
conventionnelle, précédant les filières CTL et GTL (26%) et la filière d’extraction de brut
extra-lourd vénézuélien (20%). En particulier, la production de bitume par techniques
minières s’élevait à 1 Mb/j de brut synthétique, tandis que la production in situ atteignait 0.7
Mb/j de bitume.
30
brut mais avec des taux effectifs plus élevés, et un éventuel durcissement du cadre
réglementaire environnemental, pour pénaliser la filière non conventionnelle fortement
émettrice de gaz à effet de serre et consommatrice d’eau douce, pourrait également ralentir le
futur rythme de développement. L’ensemble de ces éléments d’analyse économique est
détaillé dans le chapitre 2.
31
puisqu’il permet de simuler le comportement d’investissement optimal des producteurs en
présence d’incertitude sur les prix de vente. Le chapitre 5 est consacré à sa description
mathématique détaillée et à sa calibration à partir de simulations rétrospectives.
Les trajectoires prospectives de prix du brut ont été déterminées comme suit. Trois
scénarios tendanciels, minimum, de référence et maximum, ont été élaborés à partir des
projections de l’Agence Internationale de l’Energie (World Energy Outlook, 2009). Ces
projections ont été évaluées à partir d’hypothèses macro-économiques distinctes
(respectivement croissance économique mondiale faible et contraction de la demande
32
pétrolière ; croissance économique moyenne et tensions intermédiaires sur l’équilibre offre-
demande pétrolière; forte croissance économique et fort déséquilibre offre-demande). Des
scénarios de prix volatils ont également été générés selon un processus aléatoire basé sur une
analyse économétrique, suivant une tendance de long-terme de référence.
Les simulations suivantes ont enfin été lancées. L’impact de nouvelles réglementations
environnementales déterministes sur la trajectoire prospective optimale de développement de
la filière canadienne a été déterminé à partir de plusieurs analyses comparatives. La première
a été effectuée à partir des résultats de simulation obtenus avec le modèle linéaire, sous le
scénario de Référence ou sous les différentes déclinaisons du scénario Environnemental, en
considérant les scénarios de prix tendanciels déterministes. La seconde a été menée à partir
des résultats de simulation du modèle de programmation dynamique, sous le scénario de
Référence ou Environnemental (sous une unique déclinaison réduite à l’introduction d’une
taxe CO2), en présence de prix tendanciels déterministes ou probabilisés.
L’impact de la volatilité des prix futurs a été déterminé à partir d’une analyse
comparative des résultats de simulation obtenus avec le modèle de programmation
dynamique, sous le scénario de Référence, en présence de prix tendanciels de référence ou
volatils. L’impact de l’incertitude des prix futurs a été déterminé à partir d’une analyse
comparative des résultats de simulation obtenus avec le modèle de programmation
dynamique, sous le scénario de Référence en présence de prix tendanciels de référence ou
probabilisés. Enfin, l’impact de l’incertitude des réglementations futures a été déterminé à
partir d’une analyse comparative des résultats de simulation obtenus avec le modèle de
programmation dynamique, sous des scénarios de taxe CO2 déterministes ou stochastiques, en
présence de scénarios de prix déterministes, probabilisés ou volatils. L’élaboration des
scénarios prospectifs est détaillée dans le chapitre 6. Les résultats des simulations
prospectives obtenus avec le modèle linéaire sont présentés dans le chapitre 7, tandis que les
résultats des simulations prospectives obtenus avec le modèle de programmation dynamique
font l’objet du chapitre 8.
33
Partie 1. Place des ressources non
conventionnelles dans l'équilibre
mondial offre-demande de pétrole
35
Chapitre 1 : Evolution de l’équilibre
offre-demande de pétrole
Les ressources pétrolières non conventionnelles, regroupant les pétroles lourds, les
bitumes naturels, les schistes bitumineux ainsi que les technologies Gas to Liquids (GTL) et
Coal to Liquids (CTL), prennent une place de plus en plus importante dans l’équilibre
mondial offre-demande de pétrole. Le contexte pétrolier actuel, caractérisé par une forte
concentration géographique des réserves d’hydrocarbures conventionnels, un cours du brut
soutenu et le spectre d’une pénurie de l’offre conventionnelle, a contribué au développement
récent des filières de production non conventionnelle.
36
Malgré la part marginale des ressources non conventionnelles dans l’offre pétrolière
mondiale à l’heure actuelle, cette première analyse permet de mettre en évidence le rôle
majeur qu’elles pourraient jouer dans le rééquilibrage géographique de l’offre pétrolière et des
pouvoirs de marché, face à la concentration géographique des ressources conventionnelles au
Moyen-Orient. Enfin, les résultats de ce premier chapitre permettent de valider notre choix
méthodologique, en nous limitant à un cas d’application pour répondre à la problématique de
thèse : la filière canadienne d’extraction de bitume.
Différentes catégories de pétroles lourds sont définies à partir de leur densité. Les
bruts lourds présentent un degré API1 compris entre 10 et 22. Les bruts extra-lourds
présentent un degré API inférieur à 10 et une viscosité inférieure à 10000 centipoises (cP)
dans les conditions de réservoirs. Les bitumes naturels, également appelés sables asphaltiques
ou sables bitumineux pour ceux localisés au Canada, ont un degré API inférieur à 10 et une
viscosité supérieure à 10000 cP dans les conditions de réservoirs. Un schéma des différentes
catégories de bruts lourds en fonction de la viscosité et de la densité est présenté dans la figure
1-1.
1
Le degré API est une mesure définie par l'American Petroleum Institute, inversement proportionnelle à
la densité.
37
Densité
20 °API
Bruts lourds
10 °API
Figure 1-1 : Schéma des catégories de bruts lourds en fonction de la viscosité et de la densité
Les réserves identifiées de bitume naturel sont estimées entre 2200 et 3700 milliards
de barils (Sanière et Lantz, 2007), tandis que les réserves identifiées de pétrole extra-lourd et
pétrole lourd au sens strict sont évaluées à 1350 et 1000 milliards de barils (USGS, 2003). En
revanche, l’estimation des réserves de schistes bitumineux est encore peu précise et
nécessiterait des forages exploratoires et un travail analytique plus poussés. Les réserves
identifiées de schistes bitumineux sont actuellement estimées autour de 7000 milliards de
tonnes, soit entre 2600 et 4400 milliards de barils de pétrole équivalent selon les sources
d’informations consultées (Sanière et Lantz, 2007).
Les réserves identifiées de pétrole non conventionnel hors schistes bitumineux sont
estimées en moyenne à 5000 milliards de barils, analogues aux réserves identifiées de pétrole
conventionnel restant en terre, égales à 6000 milliards de barils (Sanière et al., 2005). Les
réserves de bitume naturel, pétrole extra-lourd et pétrole lourd au sens strict représentent en
moyenne respectivement 53%, 20% et 27% des réserves non conventionnelles.
Plus de 62% des réserves identifiées de bitume naturel sont localisées au Canada, dans
la province de l’Alberta, où elles sont évaluées à 1650 milliards de barils (Sanière, 2010). Des
38
réserves de plus petites tailles ont également été identifiées dans le monde, principalement en
Asie, en Russie, au Venezuela et aux Etats-Unis.
Selon les estimations du Energy Resources Conservation Board (ERCB, 2011), les
technologies d’extraction actuelles permettraient de récupérer 175 milliards de barils de
bitume naturel, soit 10% des réserves identifiées au Canada. 18% (32 Gb) des réserves
canadiennes récupérables sont enfouies à moins de 75 mètres de profondeur et peuvent être
exploitées par des techniques minières. 82% (146 Gb) nécessitent des technologies pétrolières
d’exploitation. Ces réserves non conventionnelles sont considérables et largement supérieures
aux réserves conventionnelles récupérables en Alberta, de l'ordre de 1.6 milliards de barils
(ERCB, 2007). En considérant des technologies anticipées, près de 300 milliards de barils de
bitume naturel pourraient être ultimement récupérables au Canada. Le volume récupérable de
bitume naturel hors du Canada est estimé entre 90 et 130 milliards de barils (Sanière et Lantz,
2007).
Selon le United States Geological Survey (USGS, 2003), près de 90% des réserves
identifiées de pétrole extra-lourd sont localisées au Venezuela, dans la ceinture de
l’Orénoque, dont le potentiel est évalué à 1200 milliards de barils. De plus petits volumes de
brut extra-lourd ont également été identifiés en Equateur (5 Gb), en Iran (8 Gb), en Italie (1.5
Gb) et en Russie.
Sous les technologies et prix actuels, 3% des réserves identifiées au Venezuela (36
Gb) sont récupérables. En considérant des technologies anticipées, 20% (240 Gb) pourraient
être ultimement récupérables.
Environ 70% des réserves identifiées de schistes bitumineux sont concentrées aux
Etats-Unis et 14% en Russie. De plus petits volumes ont été localisés au Zaïre, au Brésil et en
Italie. Aucune donnée de taux de récupération de l’huile contenue dans les schistes n’est
39
disponible puis qu’il dépend de la profondeur des réservoirs et des procédés d’extraction
utilisés.
Les réserves mondiales de charbon sont très importantes et plus dispersées que les
réserves de pétrole et gaz naturel. Selon le Conseil Mondial de l’Energie, les réserves
prouvées de charbon fin 2005 étaient estimées à 909 milliards de tonnes, dont 33% sont
localisées en Asie Pacifique, 32% en Europe et ex-URSS, 28% en Amérique du Nord, 5.5%
en Afrique et Moyen-Orient et 2.2% en Amérique Centrale et du Sud. L’inquiétude
concernant la sécurité des approvisionnements en charbon est moindre que celle portant sur
l’offre pétrolière et gazière, puisque la taille des réserves de charbon n’est pas considérée
comme le facteur limitant pour continuer à satisfaire une part considérable de la demande
mondiale en énergie primaire (dont plus de 65% destiné à l’approvisionnement électrique) et
fournir une ressource de base pour la production de carburants par technologie CTL.
40
Tableau 1-1 : Tableau récapitulatif des réserves pétrolières non conventionnelles
Canada
1 650 Gb Europe
18 Gb CEI
USA > 300
75 Gb
Figure 1-2 : Distribution géographique des réserves de pétrole lourd, extra-lourd et de bitume
naturel dans le monde (source : Sanière, 2010)
Certaines filières de production non conventionnelle ont d’ors et déjà atteint le stade
de développement industriel, telles que les filières d’extraction de bitume naturel ou de brut
extra-lourd. La filière GTL a également amorcé sa phase d’industrialisation mais doit encore
prouver sa viabilité technique et économique pour des installations de grande capacité. Enfin,
41
l’extraction des schistes bitumineux et la filière CTL, excepté quelques applications CTL
industrielles en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et en Afrique du Sud sous
embargo entre 1955 et 1980, sont encore en cours de développement et démonstration. Leurs
rendements énergétiques ainsi que leurs bilans environnementaux devront être améliorés
avant d’envisager un déploiement industriel.
Le coût du capital des projets miniers a fortement augmenté au cours des années 2000
et est actuellement estimé entre 80000 et 100000 $CAN/b/j (~75000 et 94000 $US/b/j ; à
partir du taux de change annuel moyen 2008, donnée Banque du Canada). Bénéficiant d’effets
d’échelle, l’extraction minière est souvent intégrée à l’étape de transformation du bitume en
42
pétrole synthétique (upgrading) nécessitant d’importants investissements. Le brut synthétique
est généralement fabriqué à partir d’unités de cokéfaction et d’hydrotraitement et se
caractérise par une densité comprise entre 29 et 36 °API et une faible teneur en soufre,
comprise entre 0.1 et 0.2%. Il est ensuite valorisé comme charge d’entrée des raffineries
classiques. La phase d’upgrading produit également de larges quantités de coke de pétrole,
parfois difficilement valorisables selon les conditions de marché.
Les capacités de production des projets in situ sont généralement inférieures à celles
des projets miniers, rendant la construction d’unités d’upgrading dédiées économiquement
injustifiée. Dans la majorité des projets, le bitume est mélangé avec un hydrocarbure plus
léger et moins visqueux (diluant) et valorisé comme bitume dilué, avec un degré API autour
de 21 et une teneur en soufre comprise entre 2 et 4%. Deux projets in situ incluent néanmoins
une unité d’upgrading : le projet Firebag de Suncor et le projet Long Lake de Nexen/Opti.
L’intensité en capital d’un projet in situ non intégré est actuellement estimée entre 15000 et
35000 $CAN/b/j (~14100 et 33000 $US/b/j).
D’autre part, le bilan environnemental des filières d’extraction de bitume est médiocre,
en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et autres polluants, de consommation en
eau, ou de risque de contamination des sols par les eaux résiduaires usées. Les émissions de
CO2 équivalent liées à la filière minière intégrée à l’étape d’upgrading sont estimées en
moyenne à 89 kg de CO2/b de bitume extrait, tandis que celles liées à l’extraction in situ sont
estimés à 84 kg/b (estimation détaillée dans le paragraphe 2.3.2.1). Elles sont ainsi deux fois
supérieures aux émissions de CO2 liées aux filières de production conventionnelle, estimées à
43 kg/b (Plouchard, 2001 ; Charpentier, 2009).
Plus de 25 nouveaux projets miniers et in situ avaient été annoncés entre 2004 et 2008,
dans un contexte de prix du brut particulièrement soutenu et auraient eu pour effet
d’augmenter la production de brut synthétique à 2.1 Mb/j et la production de bitume dilué à
1.1 Mb/j en 2015. Cependant, la crise financière de 2008 a considérablement freiné le
développement des deux filières, avec la suspension de nombreux projets planifiés. Malgré un
relâchement des tensions sur les secteurs de l’ingénierie et de la construction, la diminution du
coût des projets n’a pas été aussi importante qu’escomptée, ne permettant pas de
43
contrebalancer la chute du cours du brut observée fin 2008 et début 2009 ainsi que la hausse
du coût des financements liée à un durcissement des conditions d’emprunt.
La totalité des projets industriels actuels de production de brut extra-lourd est localisée
dans la ceinture d’Orénoque, au Venezuela. Aucun autre projet d’exploitation n’a été signalé
dans un autre pays.
Les bruts extra-lourds sont extraits par des techniques de récupération à froid
(dépressurisation naturelle dans le réservoir) par forages horizontaux, permettant d’atteindre
des taux de récupération compris entre 5 et 10%. Ces méthodes de production non
conventionnelle sont les plus rentables actuellement et les moins polluantes, puisqu’elles ne
nécessitent pas d’eau, de gaz naturel ou autres matières premières. Les coûts opératoires de
production à froid sont estimés entre 5 et 7 $US/b (Sanière et al., 2005; Cupcic, 2003). Les
bruts extra lourds sont ensuite transformés en brut synthétique dans des unités d’upgrading,
pour améliorer leur densité et réduire leur teneur en soufre et métaux lourds, puis valorisés en
tant qu’input des raffineries lourdes ou medium. Des co-produits (soufre, coke de pétrole),
parfois difficilement valorisables selon les conditions de marché, sont également produits en
grande quantité.
La mise en place d’un système avantageux de concession et de taxe (longue durée des
contrats de développement entre 25 et 30 ans, taux de royalties à 1%) par le gouvernement
vénézuélien à la fin des années 1990 a favorisé les partenariats entre des compagnies
pétrolières internationales et la compagnie vénézuélienne nationale PDVSA, visant à
proposer, étudier puis exploiter des projets intégrés. Quatre projets industriels historiques ont
été lancés et sont toujours en fonctionnement :
44
- Le projet Petro Anzoategui (anciennement Petrozuata) est opéré et détenu à 100%
par PDVSA. L’investissement s’élève à 4.8 milliards de dollars. En
fonctionnement depuis 1998, la production s’élève à 105000 b/j.
- Le projet Petro Piar (anciennement Hamaca) est opéré par Chevron (30%) et
PDVSA (70%). L’investissement s’élève à 4.4 milliards de dollars. En
fonctionnement depuis 2001, la production s’élève à 180000 b/j.
- Enfin, le projet Petro Monagas (anciennement Cerro Negro) est une joint-venture
entre BP (16.7%) et PDVSA (83.3%). L’investissement s’élève à 1.8 milliards de
dollars. En fonctionnement depuis 2000, la production s’élève à 120000 b/j.
Tous ces projets incluent une étape d’extraction à froid, une étape de transport par
dilution dans un système d’oléoducs relié à l’upgrader San José, situé sur la côte et une étape
d’upgrading. Deux projets transforment le brut extra-lourd en un brut synthétique de 26 et
32°API (Petro Piar et Petro Cedeno), qui peut être exporté et utilisé comme charge d’entrée de
raffineries medium. Dans les deux autres projets, le brut extra-lourd n’est que partiellement
upgradé avant d’être exporté vers des raffineries américaines dotées d’unités de conversion
profonde. L’intensité en capital de ces projets varient entre 20000 et 45000 $US/b/j selon
l’option d’upgrading, soit entre 6 et 13 $US/b de produit. Le coût de production s’établit ainsi
entre 11 et 20 $US/b. Fonctionnant actuellement à pleine capacité, la production cumulée des
quatre projets atteignait 585000 b/j de brut synthétique en 2009. La description des projets
d’exploitation de pétrole extra-lourd est synthétisée dans le tableau 1-2.
Projet d'exploitation de pétrole Capacité de Date de démarrage Qualité du brut synthétique Investissement
extra-lourd (ancien nom) production
kb/j ° API M$US
Petro Cedeno (Sincor) 180 2000 32 4.2
Petro Anzoategui (Petrozuata) 105 1998 19-25 4.8
Petro Piar (Hamaca) 180 1998 26 4.4
Petro Monagas (Cerro Negro) 120 2001 16 1.8
(Tableau de l’auteur)
45
Le bilan environnemental de la filière de production à froid est similaire au bilan lié à
la production conventionnelle. Les quantités de CO2 équivalent émises lors de l’extraction et
de l’upgrading des bruts extra-lourds sont estimées à 45 kg/b (Plouchard, 2001).
Les schistes bitumineux sont extraits par techniques minières et peuvent être utilisés
directement comme combustibles pour les centrales électriques ou transformés en brut
synthétique. Par le passé de nombreux pays ont exploité les schistes bitumineux et certaines
compagnies pétrolières avaient amorcé un programme de développement industriel. Par
exemple, la compagnie américaine Exxon avait entrepris sur la période 1973-1986 un vaste
programme d’investissement de plusieurs millions de dollars, avant d’abandonner le projet
suite à la chute des prix du brut lors du contre-choc pétrolier, après avoir produit 5 millions de
barils. Mais sous la pression de compétitivité mondiale, l’extraction des schistes bitumineux a
46
cessé au Canada, en Ecosse, en Suisse, en France, en Roumanie ainsi qu’en Afrique du Sud et
n’a pas décollé aux Etats-Unis, en Biélorussie, en Jordanie ainsi qu’au Maroc.
Au début des années 2000, environ 16 millions de tonnes par an (Mt/an) de schistes
bitumineux étaient extraits dans six pays : Estonie Australie, Brésil, Chine, Allemagne et
Russie. Une faible part était transformée en brut synthétique : 8000 b/j en Estonie et 1600 b/j
en Chine. Ces volumes représentent environ 0.01% de la production mondiale de carburants
pétroliers, mais risquent de décliner en raison de problèmes environnementaux et de
rentabilité. Le projet australien Stuart, basé sur des techniques d’extraction minière et des
procédés de retorting en surface pour produire 200000 b/j sur 30 ans, a ainsi été repoussé en
2004, à cause de la médiocrité du rendement énergétique et de coûts environnementaux
conséquents, tandis que l'Estonie a l’obligation de cesser sa production de combustibles pour
le secteur électrique à partir de schistes bitumineux pour satisfaire aux critères européens.
Début 2006, l’US Mineral Management Services a attribué huit permis de recherche,
développement et démonstration, pour l’extraction de schistes bitumineux à cinq
compagnies : Chevron, EGL Resources, ExxonMobil, Oil-Tech Exploration et Shell. Parmi
ses huit projets, six sont dédiés aux technologies d’exploitation in situ. Ce programme de
recherche ne devrait pas mener à un développement industriel avant 10 ou 15 ans, avec une
47
production qui devrait démarrer dans les années 2020. L’institut américain EIA projette ainsi
une production de 2.5 Mb/j en 2040 en cas de développement à l’échelle industrielle d’une
technologie in situ.
48
faisabilité de la liquéfaction directe du charbon en une étape ont été lancées par des filiales de
ConocoPhilips (Conoco Zinc Chloride) et Exxon Mobil (Exxon Donor Solvent) sans aboutir
pour le moment à un projet commercial.
Forte de ses importantes réserves de charbon et faisant face à une demande croissante
en carburants, la Chine a amorcé un programme de développement CTL à l’échelle
industrielle, avec un objectif de production à 400000 b/j d’ici 2020 (Sanière et Lantz, 2007).
49
Une première unité de gazéification de charbon de 2000 t/j, opérée en joint-venture par
Sinopec et Shell, a démarré fin 2006. Evalué à 136 millions de dollars (McIlvainecompany),
cet investissement permet de produire du gaz synthétique utilisé en remplacement du naphta
dans la chaîne de fabrication de fertilisants. Un partenariat d’étude entre les compagnies
Shenhua Ningxia Coal Industry et Shell a également été lancé en 2006 afin d’évaluer la
faisabilité technique et économique d’un projet CTL de 70000 b/j, l’investissement étant
initialement estimé entre 5 et 6 milliards de dollars (Coal Industry Advisory Board, 2006).
De nombreux projets CTL sont également à l’étude dans d’autres pays, à l’instar des
Etats-Unis, où une unité de 18000 b/j pourrait démarrer en 2011, ou de l’Australie avec le
projet Monash. Estimé à 3.7 milliards de dollars, ce projet proposé par la compagnie Anglo
American intégrerait la technologie de gazéification du charbon et le captage et stockage du
CO2 rejeté lors de la conversion (Clark, 2006).
Premier projet commercial GTL hors unités de Sasol en Afrique du Sud, Bintulu,
d’une capacité de 12500 b/j, a démarré en 1993 en Malaisie et est opéré par Shell. La viabilité
technique et économique de la filière GTL était néanmoins difficile à valider, avec un coût du
capital prohibitif à 50000 $US/b/j (investissement de 625 M$, soit 4 à 5 fois plus élevé que
l’investissement dans une raffinerie ; Petroleum Economist, 2005) et plusieurs incidents
opérationnels.
50
- Démarrage du projet Pearl au Qatar en 2009, opéré par Shell et Qatar
Petroleum, avec une capacité de 140000 b/j en deux phases et un
investissement estimé entre 12 et 18 milliards de dollars (Evans, 2008).
Malgré une nette réduction de l’intensité en capital à 26000 $US/b/j dans le cas du
projet Oryx QGTL, l’augmentation des coûts d’ingénierie et des matériaux de construction
observée entre 2004 et 2008, liée au contexte économique et à la faible maturité des
technologies, a fortement pesé sur le coût des autres projets industriels (intensité en capital
comprise entre 50000 et 85000 $US/b/j). Dans ce contexte, certains projets ont été retardés ou
abandonnés (Petroleum Economist, 2007). Les projets GTL de la joint-venture
Marathon/Syntroleum et de la compagnie ConocoPhillips initialement prévus pour 2009,
d’une capacité de 120000 et 16000 b/j respectivement, ont été suspendus, tandis que le projet
GTL d’Exxon Mobil, d’une capacité de 154000 b/j a été abandonné en 2007. D’autres projets
GTL sont proposés au Chili, Venezuela, Etats-Unis, Australie, Egypte, Indonésie, Iran ou
encore Algérie. La compagnie nationale algérienne Sonatrach a par exemple lancé un appel
d’offre pour la construction et l’exploitation d’un projet GTL de 40000 b/j de capacité. Les
principaux projets CTL et GTL en fonctionnement ou en cours d’évaluation dans le monde
sont synthétisés dans le tableau 1-3.
51
Tableau 1-3 : Tableau récapitulatif des projets CTL et GTL dans le monde
52
Les prévisions classiques de production GTL et CTL (800000 b/j et 600000 b/j
respectivement selon Sanière et Lantz (2007)) peuvent sembler optimistes, étant donné les
difficultés opérationnelles et les dommages environnementaux mis en évidence. Toutefois, la
production GTL pourrait être soutenue par une nouvelle piste d’exploitation du gaz associé à
certains gisements pétroliers, à l’instar de l’unité pilote Ikiski opérée par BP en Alaska.
Tableau 1-4 : Part de la production pétrolière non conventionnelle dans l’offre mondiale en
2009
53
Dans ce contexte, il nous paraît difficile d’imaginer un développement rapide des
technologies CTL et d’extraction des schistes bitumineux, actuellement en phase de
démonstration technico-économique et responsables de dommages écologiques conséquents.
Le développement de la filière GTL pourrait être plus rapide grâce aux retours d’expérience
des projets industriels en fonctionnement, mais reste conditionné par le contexte économique,
en particulier par l’évolution des coûts des services d’ingénierie.
Les filières d’extraction de bitume naturel et de brut extra-lourd sont les plus avancées
industriellement et devraient poursuivre leur développement à moyen-terme. En 2008, la
récente flambée du prix du pétrole a mis en évidence une faible élasticité de la demande de
brut et fait réapparaître le spectre d’une pénurie de l’offre pétrolière conventionnelle. Celle-ci
s’est difficilement équilibrée au niveau de la demande mondiale tirée par l'Inde et la Chine, en
raison du manque d’investissement et des faibles capacités excédentaires. Par ailleurs, une
part croissante de l’offre pétrolière mondiale est assurée par l'exploitation de champs de plus
petite taille qu’auparavant, impliquant un ralentissement de la croissance de la production.
Enfin, l'activité exploratoire menée récemment a essentiellement abouti à la découverte de
petits gisements, renforçant l’inquiétude de pénurie des ressources pétrolières.
54
réglementations environnementales actuelles, il pourrait se détériorer en cas de remplacement
de la technologie de production à froid par des techniques d’injection de vapeur in situ, visant
à améliorer le taux de récupération. L’évolution de la filière du pétrole extra-lourd devrait
également être conditionnée par la création de nouveaux partenariats industriels disposant des
compétences technologiques spécifiques. Malgré l’intérêt de cette problématique, l’accès à
l’information reste difficile car peu de données sur les coûts des projets vénézuéliens sont
disponibles.
Au terme de ce premier chapitre, un état des lieux des réserves pétrolières non
conventionnelles et de leur développement industriel a été dressé. Les ressources non
conventionnelles présentent un fort potentiel de croissance lié à l’importance des réserves.
Toutefois, ce potentiel est pénalisé en pratique par des coûts de production élevés et un
mauvais bilan environnemental. En prenant en compte l’ensemble de ces facteurs, le potentiel
de développement semble particulièrement prometteur pour la filière canadienne d’extraction
de bitume. Cette dernière constituera ainsi le cas d’application de cette thèse.
55
institutionnel fiscal et réglementaire, qui pourrait représenter un facteur d’impact majeur à
moyen et long-terme.
56
Annexe 1.1 : Description des
technologies de production de bitume
naturel et de brut extra-lourd
Le bitume naturel enfoui à moins de 75 mètres est exploité par techniques minières à
partir de la surface. Le site d’exploitation est préparé en amont (travaux d’arrachage de la
végétation, assèchement des tourbières, enlèvement des couches supérieures de sable,
d’argile, de gravier) pour que le gisement de bitume affleure à la surface, créant une mine à
ciel ouvert. Le minerai, composé de bitume et de sable, est récupéré à l'aide d'équipements
mobiles lourds (camions, pelles hydrauliques), puis concassé et transporté par un système
hydraulique jusqu'au site d'extraction et de séparation du bitume. Une partie du bitume peut
déjà être grossièrement récupérée et envoyée vers l'unité de séparation.
Le minerai broyé entre dans la cellule de séparation primaire, pour subir un « lavage »
poussé en présence d’eau chaude, de vapeur et de caustiques, puis est tamisé avant d’être
envoyé dans l’unité de séparation par flottation. La mousse de bitume obtenue est diluée avec
du naphta avant d’être centrifugée pour séparer les deux phases. Le bitume récupéré peut alors
être transporté par dilution jusqu'au site d’upgrading. Enfin, les résidus (sable, eau et bitume)
en sortie des unités de séparation sont stockés dans des étangs de décantation, où l’on procède
au recyclage de l’eau après décantation des déchets consolidés. Les sédiments stockés servent
au comblement du fond de la mine en fin d’exploitation (Total, 2007). Les différentes étapes
de production du bitume par techniques minières sont schématisées dans la figure ci-dessous.
57
Naphta
Hydrotransport
eau Etangs de
décantation,
Sable (+ eau et résidus
sédimentation
de bitume)
Le bitume naturel situé à de trop grandes profondeurs pour être extrait par techniques
minières est récupérable par technologies in situ, en injectant de la vapeur dans le réservoir
pour chauffer le pétrole et réduire sa viscosité. Actuellement, la vapeur est produite à partir de
gaz naturel, produit directement au Canada. La technologie Cyclic Steam Stimulation (CSS),
plus ancienne, permet d’extraire le bitume en trois étapes. Au cours de la première étape, de la
vapeur à haute pression est injectée à travers un puits vertical creusé jusqu’au réservoir de
bitume. La seconde étape permet l’imbibation du bitume. Après plusieurs semaines, le puits
est mis en production lors de la troisième étape. En plus de l’apport de chaleur, la vapeur à
haute pression permet de fracturer la formation rocheuse et améliore la mobilité du bitume.
L’avancée dans le cycle augmente les besoins en vapeur et par conséquent les coûts
opératoires. Le puits est alors abandonné lorsque la production n’est plus rentable. Le taux de
récupération par technique CSS est estimé entre 20 et 25%.
Plus récente, la technologie in situ Steam Assisted Gravity Drainage (SAGD) permet
d’améliorer le taux de récupération du bitume, autour de 50% et de produire de façon
continue. Deux puits sont forés horizontalement, l’un au dessus de l’autre. De la vapeur à
faible pression est injectée dans le puits le plus haut, créant une chambre de vapeur qui
58
chauffe le bitume dans le réservoir et réduit sa viscosité. Le bitume coule ensuite sous l’effet
de la gravité dans le puits le plus profond et est pompé jusqu’à la surface. Un schéma complet
des installations productives par technique in situ SAGD et un schéma détaillé du système
d’injection et de récupération sont présentés ci-dessous.
Les bruts extra lourds sont localisés dans des réservoirs sableux peu consolidés enfouis
à quelques centaines de mètres de profondeur (350 à 600 m sur le site du projet Sincor ; Total,
2007). A cette profondeur, les bruts sont à une température d’environ 50°C, et sont
suffisamment mobiles pour être extraits par des techniques in situ de récupération à froid, par
dépressurisation naturelle dans le réservoir.
Les puits producteurs munis de drains horizontaux pompent directement le brut, avec
un ajout de naphta en fond de puits ou en surface pour augmenter le taux de récupération. La
production froide est moins coûteuse que les techniques in situ utilisées pour l’extraction de
bitume, car elles ne nécessitent pas de vapeur. Toutefois, elle ne permet pas d’atteindre un
taux de récupération supérieur 10% et implique l’installation de forages horizontaux. Le
mélange est ensuite acheminé vers une station de traitement, où s’opère la séparation entre le
brut, le gaz et l’eau (Total, 2007). Le brut récupéré est ensuite transporté par dilution jusqu'au
site d’upgrading. Un schéma complet des différentes étapes de production est présenté ci-
dessous.
59
Source : Total, 2007
60
Chapitre 2 : Analyse économique de
la filière pétrolière non
conventionnelle au Canada
61
Enfin, malgré la reprise progressive de l’activité économique mondiale et la hausse du
cours du brut liée aux soulèvements populaires anti-gouvernementaux dans plusieurs pays du
Moyen-Orient et à l’inquiétude sur les approvisionnements pétroliers de cette région,
l’instauration d’un cadre institutionnel plus contraignant pour la filière canadienne, à la fois
fiscal et réglementaire, pourrait expliquer l’inertie des plans de relance. D’une part, afin de
rééquilibrer le partage des rentes entre producteurs et gouvernements, un nouveau système
fiscal flexible en fonction du prix du brut, a été mis en application au début de l’année 2009 et
devrait s’avérer moins favorable pour les producteurs que les systèmes précédents. D’autre
part, en raison du mauvais bilan environnemental de la filière non conventionnelle
canadienne, de nouvelles réglementations environnementales ont été instaurées au cours de la
décennie 2000 (quotas d’émissions de SO2 en sortie des upgraders, nouveau système
d’allocations en eau, fonds financiers pour la réhabilitation des sols et le développement de
technologiques réductrices de GES). Se révélant insuffisantes pour atteindre les objectifs
environnementaux fixés, de nouvelles contraintes environnementales sont à l’étude et
pourraient, si elles étaient appliquées, représenter un risque réglementaire accru pour le
développement futur de la filière canadienne. La dernière section de ce chapitre est consacrée
à l’évolution du cadre institutionnel.
62
taxes (au niveau provincial et fédéral) et royalties (au niveau provincial). Lorsque le prix de
valorisation excède le coût d'extraction unitaire de la ressource, une rente différentielle
apparaît. Pour une entreprise privée, la rente (appelée aussi rente économique) est précisément
égale au profit net des coûts qui excède le minimum du retour sur investissement attendu par
les actionnaires pour valider la décision d'investissement (Masson et Remillard, 1996).
Lorsqu'une rente économique positive apparaît, il faut alors la répartir entre le producteur et le
propriétaire de la ressource exploitée, ici le gouvernement provincial de l'Alberta.
Jusqu'en 1997, le système de royalties de chaque projet était négocié au cas par cas
auprès du gouvernement provincial (Masson et Remillard, 1996). Entre 1967 et 1987, le
système de royalties appliqué au projet de Suncor correspondait à un pourcentage fixe de la
valeur de la production brute. Pour le projet de Syncrude, le gouvernement touchait 50% des
revenus nets des coûts de production, sans taux minimum de royalties sur la production brute.
De plus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu des entreprises, le traitement des dépenses
d'investissement déductibles pour l'amortissement accéléré était plus favorable aux projets
miniers qu'aux projets in situ (déduction de 100% des dépenses d'investissement annuelles des
projets miniers contre un taux de déduction décroissant pour les projets in situ).
63
Suite au choc pétrolier de 1973, la forte hausse du cours du brut a amené le
gouvernement fédéral canadien à mettre en application un programme énergétique national
visant à sécuriser les approvisionnements pétroliers et limiter l’augmentation de la facture
pétrolière du Canada, alors producteur et importateur de pétrole. En particulier, ce programme
visait à diminuer la dépendance énergétique du pays envers les importations des pays de
l’OPEP. Le gouvernement canadien a ainsi marqué son soutien au développement de la filière
non conventionnelle par sa prise de participation dans le projet de Syncrude. Cependant, le
gouvernement canadien avait instauré en parallèle un système de régulation du prix des bruts
produits au Canada, limitant le prix de valorisation à 85% du prix minimum des bruts
importés pour tenter de limiter la facture énergétique des consommateurs. Cette mesure a
fortement pénalisé la rentabilité des projets pétroliers canadiens et plus particulièrement des
projets non conventionnels, déjà fragilisés par leurs coûts de production élevés.
Afin de limiter les difficultés rencontrées par les producteurs non conventionnels, le
système de taxes et royalties a progressivement été allégé pour protéger les projets en
fonctionnement d'une faillite. Ainsi, les taxes spéciales, prix régulés et provisions aux
exportations avaient disparues au milieu des années 1980, certains projets bénéficiant même
d'une prise de participation directe de la part des gouvernements fédéral et provinciaux (cf.
projet Syncrude). Par ailleurs, un accord bilatéral de long terme (Crown agreement), signé
entre le gouvernement de l'Alberta et les compagnies Syncrude et Suncor, empêche
notamment la réévaluation du taux de royalties appliqué aux projets historiques jusqu'en
2016.
2
Les gouvernements provinciaux disposaient de mécanismes juridiques qui leur permettaient d’obtenir
de la part du gouvernement fédéral une compensation d’une partie des pertes des revenus pétroliers liées à la
régulation des prix.
64
A partir de 1987, le système de taxes et royalties de la compagnie Suncor a été
modifié: les royalties correspondaient alors au maximum entre 30% des revenus nets et 5% de
la valeur de la production brute et les coûts déductibles pour le calcul du revenu net
correspondaient à 101 et 110% des coûts effectifs du capital et opératoires respectivement.
Enfin, lorsque les royalties brutes excédaient les royalties nettes, la différence était déduite
des royalties à verser pendant les années où les royalties nettes étaient supérieures aux
royalties brutes (Masson et Remillard, 1996).
Contrairement aux projets miniers, un système fiscal identique avait été adopté pour
l’ensemble des projets in situ. Au démarrage des installations, les royalties étaient égales à 1%
de la valeur de la production brute, augmentant de 1% tous les 18 mois jusqu'à un seuil
maximum de 5%. Ce seuil restait stable jusqu'à ce que les revenus bruts excèdent les coûts
cumulés englobant les coûts opératoires, le coût du capital, les royalties brutes et un
abattement de 10% sur les coûts non récupérables. Au delà, les royalties correspondaient au
maximum entre 30% des revenus nets et 5% des revenus bruts. 101 et 110% des coûts
effectifs du capital et opératoires pouvaient être déduits pour le calcul des revenus nets.
Enfin, des arrangements fiscaux particuliers pouvaient également être adoptés, tel que
l’accord permettant à Suncor de ne verser qu'une partie des royalties entre janvier 1992 et
décembre 1997, afin de compenser ses dépenses supplémentaires dans un programme de
réduction des émissions de SO2 (Masson et Remillard, 1996).3
3
Le lecteur intéressé pourra se référer à l'article de Precht et al. (1995) cité dans Masson et Remillard
(1996) pour une description plus complète des systèmes de royalties spécifiques à chaque projet.
65
Un système fiscal générique, inspiré des travaux du comité consultatif, a effectivement
été adopté en 1997 (the Oil Sands Royalty Regulation, OSRR97 ; Gouvernement de l’Alberta,
2006). Le coût du capital déductible pour amortissement accéléré était désormais traité de
manière identique pour les projets miniers et in situ, faisant disparaître le « biais
technologique ». Avant l'obtention de revenus nets positifs, les producteurs miniers et in situ
avaient la possibilité de déduire avec un certain retard le coût du capital éligible pour
l'amortissement accéléré à hauteur de 25%, décroissant dans le temps. Lorsque les revenus
nets étaient positifs, le coût du capital cumulé non déduit précédemment était déductible à un
taux de 100%, jusqu'à un plafond maximum égal aux revenus totaux générés par le projet (et
non par l'entreprise). Pour le calcul des royalties, l'approche revenu/coût était maintenue mais
différenciée avant et après récupération des coûts. Avant la récupération des coûts, les
royalties s'élevaient à 1% des revenus bruts. Après récupération des coûts, c'est-à-dire lorsque
les revenus bruts excédaient la somme des coûts englobant le coût du capital, les coûts
opératoires et les royalties brutes, actualisés au taux des obligations fédérales à long terme
(autour de 7% selon Masson et Remillard, 1996), les royalties étaient égales au maximum
entre 1% des revenus bruts et 25% des revenus nets.
Le système fiscal générique de 1997 était ajusté aux risques spécifiques de la filière
non conventionnelle, puisqu'il permettait un plus grand partage des risques d'investissement
avec le gouvernement provincial, en comparaison au système fiscal appliqué sur les projets
pétro-gaziers conventionnels. En particulier, les provisions pour l'amortissement accéléré
(jusqu'à 100% des dépenses d'investissement) de la filière non conventionnelle dans le calcul
de l'impôt sur le revenu étaient nettement supérieures à celles des filières conventionnelles
pétrolières et gazières (25% des dépenses d'investissement) (Taylor, 2007). La standardisation
66
d'un système fiscal avantageux ainsi que les mesures de privatisation (arrêt des prises de
participation directe du gouvernement provincial dans les projets non conventionnels, mais
accès facilité à des bourses, prêts ou garanties de prêts) ont largement contribué à l'ouverture à
la concurrence du secteur des sables asphaltiques et par conséquent à son développement.
Entre 1997 et 2007, aucun changement significatif n'a été relevé sur le système des
royalties. Seul le traitement de l'impôt sur le revenu des compagnies a été modifié. Tous
secteurs confondus, les taux statutaires d'imposition sur le revenu des entreprises ont diminué
au niveau provincial et fédéral. Le taux d'imposition de l'Alberta est passé de 15.5% en 1997 à
10% en 2007 tandis que le taux d'imposition fédéral est passé de 29.12% en 1997 à 22.12% en
2007. De plus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, la déduction relative aux ressources
(25% des revenus nets), qui équivaut approximativement aux redevances et taxes
d’exploitation minière versées à la province a été graduellement remplacée par la déductibilité
totale des royalties versées (Plourde, 2009). Cette mesure s'est avérée en général défavorable
pour les producteurs non conventionnels avant la récupération des coûts et favorable après.
La standardisation du système fiscal n'a cependant pas été appliquée à tous les projets
non conventionnels, de par l'existence d'accords bilatéraux contractuels entre les producteurs
historiques et le gouvernement de l'Alberta. Ces accords permettaient à ces producteurs de
bénéficier d'avantages fiscaux par rapport aux nouveaux acteurs du secteur, créant des
barrières à l'entrée et une distorsion de la concurrence.
Un glissement vers une fiscalité plus favorable aux producteurs a eu lieu entre 1997 et
2007, impliquant une diminution progressive de la proportion de la rente capturée par les
gouvernements. Dans une perspective de rééquilibrage des rentes, un nouveau système fiscal
a été adopté par le gouvernement d'Alberta en octobre 2007 et mis en application au début de
l'année 2009. Nous y reviendrons dans la sous-section 2.3.1.
67
Suncor et Syncrude, les premières à développer industriellement un projet d’extraction de
bitume par techniques minières en 1967 et 1978 respectivement.
Ces projets ont nécessité des investissements importants dans des équipements lourds
pour la préparation du site, la récupération et le concassage du minerai, l’extraction et le
transport du bitume, le stockage des déchets et la production des utilités. Etant donné la faible
maturité technologique des procédés d’extraction, le coût du capital des projets de Suncor et
Syncrude a été progressivement ré-estimé au fur et à mesure de l’avancée des projets, jusqu’à
être multiplié par deux par rapport aux prévisions initiales. Les investissements avaient ainsi
augmenté de 122 à 240 millions de dollars canadiens (M$CAN)4 dans le cas du projet Suncor,
pour une capacité de 45000 b/j et de 1000 à 2300 M$CAN dans le cas du projet Syncrude
pour une capacité de 130000 b/j, correspondant à une intensité en capital de 28100 $/b/j et
40400 $/b/j respectivement en dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2000 ;
Suncor, 2008a; Humphries, 2008). Face à ces difficultés financières, le projet de Syncrude a
d’ailleurs pu être mené à terme grâce à la prise de participation du gouvernement fédéral (à
hauteur de 15%), ainsi que des gouvernements de l'Alberta (10%) et de l'Ontario (5%),
partageant ainsi le risque entre les différents acteurs.
4
En l’absence d’indication, l’investissement est exprimé en monnaie courante.
68
apparaissait sur le marché, en lançant le projet minier Muskeg River. L’intensité en capital de
ce projet intégré de 42000 b/j atteignait 39000 $CAN/b/j (CAPP, 2008a), légèrement
supérieure à celle observée pour le projet Millennium. Cet écart pourrait provenir d’un effet
d’apprentissage limité sur les activités industrielles récentes du consortium dans le secteur
non conventionnel. L’évolution de l’intensité en capital des projets miniers d’exploitation de
bitume démarrés sur la période 1967-2003 est représentée sur la figure 2-1.
Figure 2-1 : Evolution de l’intensité en capital des projets canadiens miniers sur la période
1967-2003 (sources : Suncor, 2008a ; Humphries, 2008 (p.8-9); CAPP, 2008a)
Le premier projet industriel in situ, opéré par la compagnie Imperial Oil, a démarré en
1987. Basé sur la technologie in situ Cyclic-Steam-Stimulation (CSS) et localisé dans le
gisement de Cold Lake, ce projet s’est développé en six phases successives. D'autres projets
commerciaux de plus faible capacité ont suivi : le projet Lindbergh de la firme Murphy Oil, le
projet Koch de Shell Oil (situé à Peace River), le projet Burnt Lake de Suncor en 1997, ou
encore les projets Amoco's Wolf Lake et Primrose de BP et Petro-Canada en 1999.
69
La mise au point d’une nouvelle technique d’extraction in situ par drainage
gravitationnel (SAGD) a permis d’améliorer le taux de récupération de 20% à 50% en
moyenne, de réduire la quantité de vapeur à injecter et d’obtenir un profil de production
continu. L’amélioration de l’efficacité énergétique a ainsi permis de réduire les coûts
opératoires unitaires dès le début du développement commercial de la technologie SAGD en
2001, avec le lancement de la première phase du projet SAGD Foster Creek, opéré par
Encana. En 2002, trois nouveaux projets SAGD démarraient : Christina Lake d’Encana, le
pilote Hangingstone de Japan Canada Oil Sands et MacKay River de PetroCanada. En 2003,
Encana procédait au « dégoulottage » de Foster Creek tandis qu’Imperial Oil développait les
phases 11 à 13 de son projet historique. Enfin, en 2004, Suncor et Total E&P Canada
lançaient la première phase de leur projet SAGD Firebag et Joslyn in situ.
Nous n’avons pas pu obtenir de données d’investissement pour les projets CSS in situ
démarrés avant 2000. Cependant, puisque la technologie CSS est moins « complexe » que la
technologie SAGD sur le plan technique, l’investissement lié à un projet CSS devait être
inférieur à celui lié à un projet SAGD. Cette hypothèse semble raisonnable dans la mesure où
la compagnie Imperial Oil continuait en 2003, à développer son projet CSS historique, malgré
des coûts opératoires plus élevés. Entre 2000 et 2004, l’intensité en capital des projets SAGD
était comprise entre 13700 et 17400 $CAN/b/j (Suncor, 2009).
Le coût du capital in situ n’est pas aussi élevé que celui de la filière minière intégrée.
Cet écart provient bien entendu de l’absence d’unité d’upgrading dans les projets in situ, mais
aussi de l’utilisation d’équipements productifs moins capitalistiques que les équipements
miniers. Néanmoins, l’extraction in situ nécessite des dépenses d’investissement
supplémentaires par rapport aux technologies conventionnelles d’extraction. Les puits
d’injection de vapeur et de pompage du bitume s’appuient sur des techniques de forage
déviées, plus coûteuses que les forages verticaux, mais d’un ordre de grandeur similaire car la
technologie, développée depuis les années 1980, est actuellement mature (Babusiaux, 2001a).
Néanmoins, puisque le bitume est immobile aux conditions du réservoir, l’extraction du
bitume à froid est impossible et il est nécessaire d’utiliser des moyens supplémentaires pour
réduire la viscosité du bitume. Dans les deux technologies in situ développées
commercialement, la réduction de la viscosité du bitume se fait par apport de chaleur, en
injectant de la vapeur d’eau par le puits d’injection, afin de récupérer le bitume à la surface
70
par le puits producteur. Un coût du capital supplémentaire associé à la construction des unités
de production des utilités (vapeur d’injection, électricité) est à considérer. Enfin, l’isolement
géographique des sites d’extraction in situ nécessite également d’installer des branches
d’oléoducs les reliant à la conduite principale qui permet de transporter le bitume jusqu’aux
sites de consommation (unités d’upgrading ou raffineries équipées d’une unité de conversion
profonde).
D’autre part, les coûts opératoires, intégrant les coûts fixes d’exploitation (main
d’œuvre, maintenance) et les coûts opératoires variables, ont progressivement diminué sous
l’effet du progrès technique. Dans le cas des projets miniers, le remplacement des
équipements d'excavation lourds (excavateurs à roue) par des équipements plus légers et
mobiles (camions et pelles hydrauliques) a permis de réduire considérablement les coûts
variables d'exploitation. En effet, l’augmentation des capacités unitaires a permis de réduire
les coûts de maintenance. L’utilisation d’équipements mobiles a également permis de limiter
la répercussion des coûts de maintenance sur la production totale en cas de panne, d’améliorer
la rationalisation et de sélectionner les minerais les plus riches en bitume. Enfin, l’utilisation
de techniques moins énergivores a également permis de réduire substantiellement les coûts
variables d’exploitation minière. L’utilisation de l’hydrotransport a permis de réduire les
besoins en électricité par rapport au système de transport du minerai par convoyeur
mécanique, tandis que la récupération du naphta ou autre produit diluant a été optimisée grâce
à la construction de ligne de retour vers les sites d’extraction. D’après les publications de la
CAPP (2009a), les coûts opératoires miniers ont progressivement diminué de 35.8 $CAN/b en
1980 à 13.9 $CAN/b en 2004 (en monnaie constante, base 100=2000).
Dans le cas de la technologie in situ CSS, nous ne disposons pas de données sur les
coûts opératoires. On peut cependant supposer qu’ils ont progressivement diminué sous l’effet
de l’apprentissage et du progrès technique. Par ailleurs, d’après les publications de la CAPP
(2009a), les coûts opératoires correspondant à la technologie in situ SAGD sont restés stables
entre 1997 et 2004, compris entre 3.7 et 5 $CAN/b.
Malgré le grand nombre de projets in situ, la production de bitume in situ est restée
inférieure à celle obtenue par techniques minières, comme l'illustre la figure 2-2, les projets in
situ ayant une capacité de production inférieure à celle des projets miniers et un profil de
71
production cyclique dans le cas de la technologie CSS. La production reportée pour la filière
minière est en kb/j de bitume sur la période 1980-1995 et en kb/j de brut synthétique sur la
période 1996-2004. La production in situ reportée est en kb/j de bitume sur toute la période
représentée.
700
600
500
400
kb/j
300
200
100
0
1980 1985 1990 1995 2000 Année
Production minière Production in situ
Figure 2-2 : Evolution des productions minière et in situ sur la période 1980-2004 (source :
CAPP, 2009a)
Le West Texas Intermediate (WTI) est l'un des trois marqueurs internationaux de
pétrole brut. Il est le brut marqueur le plus utilisé sur le marché nord-américain (marqueur des
contrats futures de pétrole brut sur le New York Mercantile Exchange (NYMEX)). Malgré
une production assez faible, le WTI est particulièrement bien adapté aux besoins actuels du
marché nord-américain, puisqu'il présente d'excellentes caractéristiques pour le raffinage en
termes de densité, de teneur en soufre (39.6 °API et 0.24% soufre), de rendement essence et
est également légèrement meilleur que l'approvisionnement pétrolier moyen américain (30.4
°API; EIA, 2010a). Il est par ailleurs essentiellement raffiné dans les régions du Midwest et
sur la côte du golfe du Mexique, les deux plus grands marchés du raffinage américain.
72
léger en provenance du Canada, dont les qualités se rapprochent de celles du marqueur WTI
et destiné au même marché, et le prix du WTI. Sur la période étudiée, de janvier 2002 à mai
2008, le brut synthétique est valorisé autour du prix du WTI, avec un différentiel de prix en
valeur absolue de l’ordre de 4 à 5 $US. Nous avons également démontré que le prix du WTI
est « directeur » par rapport au prix du brut synthétique, le volume des transactions liées au
WTI étant largement supérieur au volume des contrats sur le brut synthétique. Puisque nous
disposions de séries de prix WTI sur de longues périodes, le prix du WTI a été utilisé en
approximation du prix du brut synthétique.
Nous avons représenté sur la figure 2-3 l’évolution des prix du WTI sur le marché spot
(à Cushing, Oklahoma) et du bitume canadien entre 1986 et 2008 (EIA, 2009a, 2009b). Les
données sont annuelles et sont exprimées en dollars US en monnaie courante.
100
90
80
70
60
$US/b
50
40
30
20
10
0
1986 1990 1994 1998 2002 2006
Prix spot WTI FOB (Cushing, OK, $US/b) Prix bitume ($US/b)
Figure 2-3 : Evolution du prix du bitume et du prix WTI spot sur la période 1986-2008
(sources : EIA, 2009a, 2009b)
Entre 1986 et 1999, les prix du WTI et du bitume sont restés compris entre 14.4 et
24.5 $US/b et entre 7.3 et 18.8 $US/b respectivement. Malgré un niveau de prix peu soutenu,
la stabilité des prix sur cette longue période associée à la réduction des coûts grâce au progrès
technique a permis aux filières minière et in situ de valider leur rentabilité économique. A
partir de l’année 2000, les prix du WTI et du bitume ont respectivement progressé de 30.4 à
99.7 $US/b et de 27.3 à 71 US/b en 2008, excepté une chute (26 et 16.5 $US/b) en 2001. La
forte hausse du prix du WTI, tirée par la croissance de la demande pétrolière mondiale, a été
73
répercutée sur le prix du bitume canadien, accompagnée toutefois d’un accroissement du
différentiel de prix lourd/léger. La hausse des coûts des projets, elle-même corrélée à la
croissance de l’activité économique mondiale, a été compensée par l’accroissement du prix de
valorisation de la production pétrolière non conventionnelle.
74
avec une conduite dédiée. A l'échelle intra-Alberta, les oléoducs alimentent deux hubs,
Edmonton et Hardisty, où sont localisés la majorité des upgraders et d'où partent les
conduites d'exportation vers les Etats-Unis. Certains producteurs non conventionnels se sont
intégrés verticalement en prenant des participations dans des systèmes de transport. Ainsi,
Suncor et Husky Energy possèdent une conduite dédiée à leurs sites d'exploitation, tandis que
CNRL détient une participation de 15% dans l’oléoduc Cold Lake reliant son site d’extraction
aux hubs d'exportation. Néanmoins, l'investissement dans un système de transport dédié reste
fortement capitalistique et en grande partie irréversible. Par conséquent, la plupart des
producteurs non conventionnels ont privilégié les accords bilatéraux de long terme avec des
firmes présentes exclusivement dans le transport. Les oléoducs Corridor et AOSPL, opérés
par les firmes de transport Inter Pipeline Fund et Pembina Pipeline Income Fund, sont ainsi
dédiés au transport de brut provenant des exploitations d’AOSP et de Syncrude
respectivement. Le tableau 2-1 synthétise l’ensemble des oléoducs actuels à l’échelle intra-
Alberta.
Opérateur Capacité
Nom /partenaire Point Départ Destination (b/j) Commentaires
Départ dans la zone de Cold Lake
Inter Pipeline CNRL Wolf Transporte le bitume issu des 3 exploitations.
Cold Lake Fund (85%) Lake, EnCana Edmonton ou Diluant acheminé par Inter Pipeline depuis la
System CNRL (15%) Foster Creek, Hardisty 435 000 région de Strathcona.
Lloydminster puis 225 000 Transporte du bitume dilué, du brut synthétique
Husky Husky Energy Hardisty 135 000 et du diluant
Terminal Ligne isolée. Permet d'éviter le recours au
ECHO P*. CNRL Hardisty Gibson 75 000 diluant
Départ dans la zone de Fort McMurray
Athabasca
Terminal Hardisty par Cold
Athabasca Enbridge (Nord de FMM) Lake 570 000 Bitume dilué et brut synthétique
Scotford Exclusif pour le bitume dilué de Muskeg River.
Kinder Muskeg River upgrader (Shell) Bitume dilué et ligne retour pour le diluant : (92
Corridor Morgan** Mine (AOSP) puis Edmonton 280 000 780 b/j)
Pembina
AOSPL (Alberta Pipeline Income Exploitation de
Oil Sands P.) Fund Syncrude Edmonton 389 000 Exclusif pour le brut synthétique de Syncrude
Exploitations de
Oil Sands P. Suncor Suncor Edmonton 150 000 Exclusif pour le brut synthétique de Suncor
Sources : Inter Pipeline Fund, 2006 ; Zupan, 2003 ; Enbridge, 2006; Sanière, 2007
75
Caractérisé par des unités de traitement vieillissantes5 et techniquement peu
complexes, le marché du raffinage canadien reste un débouché marginal pour la production
canadienne non conventionnelle. En 2008, le marché domestique canadien comptabilisait 19
raffineries, d'une capacité de traitement totale de 2 Mb/j et fonctionnant à 90% des pleines
capacités (Ressources Naturelles Canada, 2008). L'adaptation de l’outil de raffinage canadien
au pétrole non conventionnel varie selon la situation géographique des raffineries. Dans les
provinces du Québec et Atlantique, aucune raffinerie ne traitait de brut synthétique ou de
bitume jusqu'à 2008. Dans une faible mesure, depuis 2009, du brut synthétique léger a
commencé à être introduit dans la charge d'approvisionnement de certaines raffineries (1694
b/j sur les 6 premiers mois de l’année 2009). En 2008, l'ensemble des raffineries de l'Ontario
s'approvisionnait à hauteur de 13% et de 8% de leur charge pétrolière totale en brut
synthétique léger et en bitume et cette tendance semble s'accentuer d'après les premières
statistiques de 2009. Les raffineries de l'Ouest canadien représentent actuellement le plus
important marché pour le brut synthétique qui représentait 37% de leur approvisionnement
pétrolier total en 2008. En revanche, le volume de bitume traité ne représente que 2% de la
charge totale. En effet, il n’existe pas de marché en Alberta pour le fuel lourd, largement
produit par le traitement du bitume. Le tableau 2-2 synthétise les capacités de raffinage des
provinces canadiennes et la part des pétroles non conventionnels dans leur approvisionnement
en 2008.
5
Aucune nouvelle raffinerie n'a été construite depuis 1984 au Canada (Ressources Naturelles Canada,
2008)
76
Tableau 2-2 : Capacités du raffinage canadien et part des pétroles non conventionnels dans
l’approvisionnement des provinces en 2008
Petro-Canada Products
Quebec Ltd.* Montreal 130000
Quebec Shell Canada Ltd.* Montreal 130000
Quebec Ultramar Canada Inc. St. Romuald 215000
New Brunswick Irving Oil Ltd. St. John 250000
North Atlantic Refining Come By
Newfoundland Ltd. Chance 115000
Nova Scotia Imperial Oil* Dartmouth 89000
Total Québec et
Atlantique 929000 0 0
* compagnies présentes dans l'extraction des sables asphaltiques.
77
d'exportation suivants relient les hubs canadiens Edmonton et Hardisty au nord des Etats-
Unis, correspondant aux PADD6 2 et 4 :
- L’oléoduc de Plains All American Ltd., qui est une voie d'exportation des
bruts de l'Alberta vers le Montana (PADD 2).
- Et enfin l’oléoduc Milk River de Plains All American Pipeline Ltd., petit
tronçon d'exportation vers le sud au départ de Hardisty et en direction des
raffineries du Montana (PADD 4).
Avec une capacité de raffinage de 16 Mb/j, les Etats-Unis représentent le plus grand
marché mondial du raffinage (ONE, 2006). Les capacités d'absorption de la production non
conventionnelle sont importantes mais variables selon la localisation géographique des
raffineries. Le tableau 2-3 synthétise les capacités de raffinage américain par PADD et la part
des pétroles non conventionnels dans leur approvisionnement en 2005.
6
L'acronyme PADD signifie Petroleum Administration for Defense Districts. L'ensemble des Etats-
Unis est découpé en 5 PADD. Le PADD 1 regroupe les états de la Nouvelle Angleterre et de la côte Atlantique,
le PADD 2 regroupe les états du Midwest, le PADD 3 les états du golfe du Mexique, le PADD 4 les états des
Rocheuses et le PADD 5 les états de la côte Ouest.
78
Tableau 2-3 : Capacités du raffinage américain et part des pétroles non conventionnels dans
l’approvisionnement des PADD en 2005
Brut Brut
Capacité de Quantité de Taux de synthétique synthétique Bitume % brut synthétique % bitume dans
Année 2005 raffinage brut traité fonctionnement léger traité lourd traité traité dans charge totale charge totale
kb/j kb/j kb/j kb/j kb/j
PADD 1 1551 1420 92% 13 0 5 0.9% 0.4%
PADD 2 3552 3307 93% 106 99 191 6.2% 5.8%
PADD 3 7950 7097 89% 0 1 7 0.0% 0.1%
PADD 4 565 563 100% 53 3 17 10.0% 3.1%
PADD 5 2537 2892 114% 15 10 6 0.9% 0.2%
Total 16155 15279 187 113 227 2.0% 1.5%
Source : ONE, 2006
Les PADD 2 et 4 représentent actuellement les plus grands marchés pour le brut
synthétique et le bitume. En 2005, leur approvisionnement non conventionnel représentait 12-
13% de la charge pétrolière totale traitée, mais réparti différemment entre brut synthétique et
bitume: 6.2% et 5.8% respectivement pour le PADD 2 contre 10% et 3.1% pour le PADD 4.
La capacité de raffinage du PADD 2 s'élevait à 3.5 Mb/j en 2005, soit la seconde plus
importante capacité régionale des Etats-Unis après le PADD 3. 42% du brut traité dans les
raffineries du PADD 2 était importé, dont 69% en provenance du Canada, tous types de bruts
confondus (EIA, 2010b). La complexité des raffineries du PADD 2 permet de traiter
d'importants volumes de bitume canadien, en profitant du large différentiel de prix brut
lourd/brut léger observé ces dernières années (Nakamura, 2007). Le PADD 2 bénéficie
également d'un système de transport de grande capacité dédié au brut lourd (795000 b/j en
2007 ; Anderson, 2010 ; Shamla, 2007).
79
raffineurs au profit de ces bruts domestiques immédiatement disponibles et fortement
dévalués (ONE, 2006).
Au cours des années 2000, les importations pétrolières ont représenté une part
croissante de l’approvisionnement américain, la production pétrolière des Etats-Unis ayant
progressivement diminué de 1880 Mb en 2000 à 1691 Mb en 2007. Tandis que l’offre
pétrolière domestique a augmenté de 2.9% entre 2000 et 2007, les importations ont augmenté
de 10.3% au cours de cette même période, atteignant 3661 Mb en 2007. Les importations
pétrolières proviennent majoritairement du Canada, du Venezuela et du Mexique, qui
bénéficient de coûts de transport compétitifs, ainsi que de l’Arabie Saoudite qui détient les
plus grandes réserves pétrolières mondiales, exploitables à faible coût.
80
très fort envers la propriété des ressources naturelles (Lapointe, 2002). Par conséquent, la part
des importations en provenance du Mexique dans l’approvisionnement américain a été réduite
de 14.5% en 2000 à 12.1% en 2008 (EIA, 2010b).
Dans ce contexte, le Canada est devenu depuis 2004 le premier pays exportateur de
pétrole vers les Etats-Unis. La part des importations américaines de brut provenant du Canada
est en constante progression depuis 2001. Initialement égale à 14.5% des importations
américaines totales en 2001, elle a atteint 20% des importations totales en 2008. L’émergence
de la production non conventionnelle a permis de contrebalancer le déclin de la production
conventionnelle canadienne amorcée en 2003. Tandis que la production conventionnelle
déclinait de 8% entre 1998 et 2008, la production non conventionnelle a plus que doublé sur
la même période, passant de 587 à 1200 kb/j et représentant 45% de la production canadienne
totale en 2008 (ONE, 2008).
La grande variété des degrés d’intégration des projets miniers et in situ (étape
d’extraction seule, étapes d’extraction et d’upgrading intégrées, qualité des bruts synthétiques
liée à l’option de conversion) débouche sur la fabrication de nombreux produits aux
caractéristiques physico-chimiques distinctes. On distingue quatre catégories de produits :
- Le bitume extrait peut être vendu directement sur le marché sous forme de
bitume dilué, après avoir été préalablement mélangé avec un hydrocarbure
plus léger pour le transport (DilBit)
81
- Le bitume peut être pré-traité ou upgradé en brut synthétique (SCO) et
valorisé tel quel sur le marché
- Enfin, le brut synthétique peut être valorisé en mélange avec du bitume non
traité et un autre hydrocarbure léger jouant un rôle de diluant supplémentaire
(SynDilBit).
Ces quatre catégories de produits n'ont pas les mêmes qualités et sont destinés à
différents types de raffineries. Les produits à base de bitume sont de médiocre qualité (forte
teneur en résidu de distillation et en métaux lourds, production de co-produits peu
valorisables). Ils requièrent des unités de traitement adaptées et plus coûteuses et sont donc
dévalués par rapport au prix d'un brut conventionnel. Les bruts synthétiques sont en règle
générale de meilleure qualité que les produits à base de bitume, en fonction de leur degré de
pré-traitement avant leur mise sur le marché du raffinage. Leur rendement en résidu de
distillation est quasi-nul tandis que leur rendement gazole est plus élevé que celui d'un brut
classique comme le WTI. Certains bruts synthétiques peuvent également atteindre des teneurs
en soufre particulièrement faibles. Par exemple, le brut synthétique produit par la firme
Syncrude a une teneur en soufre égale à 0.2%, plus faible que celle du brut conventionnel
Brent à 0.27% (Brierley et al., 2006). Néanmoins, ils sont caractérisés par une coupe distillat
de qualité médiocre et par une teneur élevée en aromatiques (Industrie Canada, 2010). Les
SCO sont plutôt destinés aux raffineries traitant des bruts légers tandis que les DilBits sont
destinés aux raffineries traitant des bruts lourds munies d’unités de conversion profonde
capables de traiter des charges riches en métaux lourds. Les SynBits ou SynDilBits sont
vendus aux raffineries capables de traiter des bruts légers ou medium (Brierley et al., 2006).
Initiée dès le milieu des années 1990 par les acteurs historiques, l'intégration verticale
entre les phases d’extraction minière et d’upgrading a permis aux producteurs non
conventionnels d’accéder au marché des raffineries légères et medium, de taille plus
importante que celui des raffineries lourdes et de valoriser leur production à un prix plus élevé
et moins volatil. La figure 2-4 représente le différentiel de prix mensuels entre le brut
82
synthétique et le WTI d’une part et entre le bitume et le WTI d’autre part, observé sur la
période 2002-2008 (EIA, 2009a, 2009b).
Figure 2-4 : Evolution du différentiel de prix SCO/WTI et bitume/WTI sur la période 2002-
2008 (sources : EIA, 2009a, 2009b)
Egal à 52.5 $US/b en moyenne sur la période 2002-2008, le brut synthétique était
légèrement dévalué par rapport au prix du WTI, excepté en juillet et août 2007, avec un
différentiel relativement constant, égal en moyenne à -3.7 $US/b. A l’inverse, le différentiel
de prix entre bitume et WTI était très variable puisqu’il était compris entre –7.3 et –62.9
$US/b sur la période considérée. D’après les travaux économétriques d’Attanasi (2008), les
trajectoires des prix observés fournissent une incitation à l'intégration verticale extraction-
upgrading : au cours d’une période prolongée d'offre soutenue, un déclin du prix du brut léger
peut s'accompagner d'un déclin plus important du prix du bitume, ce dernier étant plus volatil,
éventuellement jusqu'à un seuil où le prix du bitume devient inférieur à son coût de
production.
Le tableau 2-4 présente les unités d'upgrading en opération dans la province d’Alberta.
En 2010, la capacité d’upgrading cumulée atteignait 1.1 Mb/j, avec une forte prévision de
croissance à horizon 2015. Actuellement, sur les six unités d’upgrading en fonctionnement,
cinq sont dédiées à des projets spécifiques et sont localisées sur les sites de production :
Suncor, Syncrude, Albian Oil Sands Ltd. et Nexen/OPTI. Le sixième projet, opéré par Husky
83
Energy, est un upgrader marchand qui traite les productions de bitume de plusieurs sites
d'exploitation.
84
investissements des projets d’exploitation de bitume et des raffineries et permettent d’assurer
un débouché pour le bitume produit et un approvisionnement stable pour les raffineries.
Démarré en octobre 2006, le partenariat Encana/ConocoPhillips permet de traiter le bitume
produit par les projets Foster Creek et Christina Lake dans deux raffineries américaines de
ConocoPhillips (Wood River dans l’Illinois et Borger au Texas), d’une capacité totale de
400000 b/j et qui devrait atteindre 550000 b/j en 2015 (Oil and Gas Network, 2008). Lancé en
décembre 2007, un partenariat similaire entre Husky Energy et BP permet de traiter le bitume
produit par le projet Sunrise dans la raffinerie américaine Toledo (Illinois) de BP, avec une
capacité qui devrait atteindre 200000 b/j en 2015 (Oil and Gas Network, 2008 ; Petroleum
Economist, 2009).
En conclusion de cette première section, l’instauration d’un cadre fiscal favorable aux
producteurs de pétrole non conventionnel canadien, ainsi que la maîtrise progressive des coûts
de production grâce au progrès technique et à la rationalisation des procédés industriels dans
un contexte de prix du brut stable, a permis à la filière non conventionnelle canadienne
d’émerger et de prouver sa viabilité économique à l’échelle industrielle. En parallèle, la
proximité géographique des sites de production avec les Etats-Unis, le plus grand marché du
raffinage à l’échelle mondiale, s’est avérée stratégique pour assurer à la filière canadienne des
débouchés de long terme. Desservi par un large système de transport terrestre dédié, les
projets d’extraction de pétrole non conventionnel ont progressivement été intégrés aux
activités aval d’upgrading ou de raffinage dans le but de sécuriser leurs débouchés et limiter
leur exposition au risque prix.
85
2.2 Les freins au développement
86
2.2.1 Inflation du coût des projets
Nous avons représenté sur la figure 2-5 l’évolution de l’indice de coût des projets
pétroliers et gaziers amont et aval (Capital Costs Analysis Forum for Upstream CCAF-U and
Downstream CCAF-D) publiés par le Cambridge Energy Research Associates (CERA). Ces
indices de coût fournissent un outil de « benchmark » transparent, puisqu’ils recouvrent toutes
les dépenses de construction (coût du travail de la main d’œuvre employée, coûts d’ingénierie,
coût des équipements, coût du matériel) et sont construits à partir de portefeuilles de projets.
L’indice de coût des projets en amont est construit à partir d’un portefeuille de 28 projets
géographiquement dispersés, incluant les technologies onshore, offshore, les unités GNL et
les oléoducs. L’indice de coût des projets en aval est construit à partir d’un portefeuille de
plus de 30 projets, regroupant des raffineries et usines pétrochimiques.
Après une période de stabilité entre 2000 et 2004, les indices de coût CERA amont et
aval ont fortement augmenté entre 2005 et 2008, avant de décroître légèrement en 2009. En
2005, ils ont augmenté de 24% par rapport à l’année 2000. En 2008, l’indice amont a atteint
un niveau plus de deux fois supérieur à celui observé en 2000 (+119%) tandis que l’indice
aval a augmenté de 81% par rapport à l’année 2000.
250
200
150
100
50
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Année
Indice CERA amont Indice CERA aval
Figure 2-5 : Evolution de l’indice de coût CERA des projets pétro-gaziers amont et aval sur la
période 2000-2009 (données CERA)
La hausse du coût des projets non conventionnels semble avoir été plus importante que
celle représentée par les indices de coût CERA. La hausse du coût du travail a été significative
87
sur le marché du travail en Alberta, particulièrement tendu à cause d’une forte demande en
ouvriers qualifiés pour les phases de construction des projets géographiquement concentrés
regroupées sur une courte durée7 et (Atkins et McFadyen, 2008). Cette tendance était
exacerbée par la difficulté à attirer ces ouvriers sur des sites de production éloignés, dans des
conditions climatiques difficiles, amenant les compagnies à proposer des salaires supérieurs à
ceux des autres provinces canadiennes. L'augmentation du coût du travail est un facteur
explicatif de l'inflation des coûts de construction puisqu'il représentait 29% des dépenses
totales pour un projet minier et 26% pour un projet in situ en 2003 (CAPP, 2003). En
particulier, la filière minière intégrée, faisant appel à des technologies plus matures et plus
simples à mettre en œuvre que l'extraction in situ, avec de nombreux retours d'expérience et
une rentabilité ne cessant de s'améliorer à partir du milieu des années 2000, a attiré de
nouveaux investisseurs. De nombreux projets miniers intégrés ont donc été planifiés sur un
même intervalle de temps, créant des goulets d'étranglement dans le secteur de la
construction.
7
Selon Scott (2006), le marché du travail de l'Alberta manquait de 75000 à 100000 ouvriers qualifiés en
2006.
88
Figure 2-6 : Evolution de l’intensité en capital des projets miniers sur la période 2003-2012
(sources : CAPP, 2008a, Reuters, 2009)
Les coûts opératoires des projets en fonctionnement ont également été impactés par la
hausse des coûts de maintenance et des prix des matières premières énergétiques (gaz naturel,
naphta et diluants). Les coûts de maintenance ont augmenté sous l’effet d’une hausse des
salaires, en particulier dans le cas des projets miniers pour lesquels le coût du travail
représenterait plus de 40% des dépenses opératoires (Timilsina et al., 2005). Les coûts de
maintenance des projets miniers ont également augmenté en raison d’incidents techniques qui
ont mené à des arrêts de production non planifiés, les coûts fixes étant alors répartis sur un
niveau de production plus faible.
Les prix du naphta, du diluant et du gaz naturel ont suivi une tendance haussière sur la
période 2004-2008 puisqu’ils sont corrélés au prix du brut. La pénurie de naphta et de diluant
sur le marché de l’Alberta liée à la multiplication des projets a engendrée une hausse
supplémentaire des prix à l’échelle locale (Roche, 2006). Toutefois, cette hausse n’a pas
89
ralenti le développement de la filière minière, puisque le coût d’acquisition des facteurs
énergétiques représente moins de 10% du coût variable total minier (8% en 2007 pour les
installations de Suncor (Suncor, 2007a)). La hausse des matières premières énergétiques a
plutôt stimulé la recherche d’une meilleure efficacité énergétique, qui a mené à l’intégration
des systèmes productifs d’extraction et de pré-traitement, au déploiement de l’hydrotransport
et à la construction de systèmes de récupération du naphta et de lignes de retour de diluant
vers les sites d’extraction.
Dans le cas des projets in situ, les coûts opératoires ont principalement été impactés
par la hausse du prix du gaz naturel, étant donné la forte proportion des coûts énergétiques
dans les coûts opératoires.
Des données de coûts opératoires sont disponibles à partir des rapports annuels publiés
par les compagnies historiques Suncor et Syncrude. Les coûts opératoires de Suncor sont
détaillés par poste de dépenses. Dans le cadre de cette analyse, nous avons défini les coûts
opératoires de Suncor comme la somme des coûts opératoires décaissables (maintenance,
logistique, main-d’œuvre, frais administratifs) et du coût du gaz naturel, hors coûts de
démarrage du projet Firebag et amortissements. Dans le cas de Syncrude, les coûts opératoires
publiés sont agrégés et correspondent uniquement à la technologie minière. Les coûts
opératoires miniers sur la période 2002-2007 des deux compagnies ont été reportés sur la
figure 2-7. Les coûts opératoires in situ de Suncor sur la période 2004-2007 ont été reportés
sur la figure 2-8. Les données sont exprimées en dollar canadien en monnaie courante.
90
Figure 2-7 : Evolution des coûts opératoires miniers de Suncor et Syncrude sur la période
2002-2007 (sources : rapports financiers annuels des compagnies ; Syncrude, 2002-2006 ;
Suncor, 2004-2007a)
Initialement à 17.1 $/b en 2002, les coûts opératoires miniers de Syncrude ont
progressivement augmenté sur la période, avec une rupture au cours de l’année 2004 et
atteignaient 26.5 $/b en 2006. Les coûts opératoires de Suncor ont également suivi une
tendance haussière, passant de 14 $/b en 2004 à 29.1 $/b en 2007, excepté une rupture sur
l’année 2006. Le léger décalage entre les coûts opératoires des deux compagnies semble
provenir des amortissements qui sont uniquement comptabilisés par Syncrude. La structure
détaillée des coûts de Suncor indique que la hausse des coûts opératoires est due
principalement à l’augmentation des coûts opératoires décaissables hors coût du gaz naturel.
Entre 2004 et 2005, les coûts opératoires hors gaz naturel sont passés de 12.9 à 21.1 $/b,
tandis que le coût du gaz naturel a évolué de 1.1 à 3.7 $/b. Ce résultat confirme le fait que la
hausse importante du prix du gaz naturel sur cette période a été peu répercutée sur les coûts
opératoires miniers, étant donné la faible proportion du coût du gaz naturel dans le coût
opératoire total. La hausse des coûts opératoires hors gaz naturel provient effectivement de
l’augmentation des coûts de maintenance, liée aux arrêts de production non planifiés et à la
hausse des salaires.
91
Figure 2-8 : Evolution des coûts opératoires in situ de Suncor sur la période 2004-2008
(sources : rapports annuels de Suncor, 2004-2008b)
Pour la technologie in situ, nous avons distingué les coûts opératoires hors gaz naturel
et le coût du gaz naturel. Sur la période 2004-2007, les coûts opératoires hors gaz naturel sont
restés stables, compris entre 8.9 et 10.9 $/b, avant d’atteindre 13 $/b en 2008. Le coût du gaz
naturel est plus variable et a suivi l’évolution du prix du gaz naturel sur le marché spot
d’Alberta. Egal à 11.2 $/b en 2004, il a atteint un pic à 13.1 $/b en 2005. Il a diminué à 8.4 $/b
en 2006, avant d’augmenter à 9.9 et 12.3 $/b en 2007 et 2008. La hausse du prix du gaz
naturel en Alberta observée entre 2004 et 2005 (de 6.7 à 8.3 $/MBtu) et entre 2007 et 2008
(de 6.4 à 7.9 $/MBtu) a significativement pesé sur les coûts opératoires in situ, étant donné la
forte proportion du coût du gaz naturel dans le coût opératoire total, entre 48 et 59% selon les
années. Une forte hausse du prix du gaz naturel avait déjà été observée entre 2002 et 2003 sur
le marché spot AECO en Alberta (de 3.9 à 6.5 $/MBtu). Cependant, nous n’avons pas pu
évaluer son impact sur les coûts opératoires in situ puisque nous ne disposons pas de données
de coûts sur les années 2002 et 2003.
Nous avons représenté sur la figure 2-9 l’évolution du prix et de la volatilité annuelle
du WTI (FOB spot, à Cushing, Oklahoma ; EIA, 2009a) sur la période 1980-2010. La chute
du prix du brut fin 2008 début 2009 a déstabilisé la filière non conventionnelle canadienne.
Inférieur à 60 $US/b entre novembre 2008 et mai 2009, atteignant 39.1 $US/b au plus bas en
92
février 2009, le cours du brut8 s’est maintenu pendant sept mois à un niveau inférieur au prix
seuil sous lequel le développement de nouvelles capacités de production non conventionnelle
devient non rentable (Dunbar, 2008).
Figure 2-9 : Evolution du prix et de la volatilité annuelle du WTI (FOB spot, à Cushing,
Oklahoma) sur la période 1980-2010 (source : EIA, 2009a)
8
A l’instar de la sous-section 2.1.3, nous considérons le prix du WTI (spot FOB, Cushing, Oklahoma)
en approximation du prix du brut synthétique canadien.
93
2.2.3 Conséquences de la crise financière de 2008
Jusqu'au milieu des années 2000, les organismes créanciers considéraient ces projets
technologiquement risqués, impliquant des risques économiques importants (dépassement des
coûts planifiés, surestimation des réserves exploitables) et demandaient des garanties plus
fortes que celles qu'ils auraient obtenu avec la technique du project financing. Des primes de
risque étaient introduites dans le calcul du taux d'intérêt et les échéances de remboursement
étaient généralement peu flexibles. En plus des risques technologiques spécifiques, la majorité
des firmes spécialisées dans le secteur était de petite taille, récente (Guiny et Sachs, 2008), ou
ne présentait pas une santé financière particulièrement solide. Elles se retrouvaient faiblement
cotées auprès des organismes créanciers et ne pouvaient accéder qu’à des conditions
d'emprunt peu favorables.
9
Le projet Christina Lake de MEG Energy a pu être financé à hauteur de 71% par des emprunts, grâce à
la prise de participation de la compagnie nationale chinoise CNOOC qui bénéficiait de conditions d'emprunt
avantageuses (Weygandt et Zamastsyanin, 2008).
94
En parallèle, la maîtrise technologique et le retour d'expérience ont favorisé la mise en
place de conditions d'emprunt plus avantageuses, permettant à une proportion croissante du
capital d'être financée par la dette avec des taux d'intérêt limités.10 Malgré l'inflation des coûts
d'investissement, la plupart des projets ont été poursuivis jusqu'en 2008 grâce à la diminution
du coût d'accès au capital, passant de 15.2% en 1996 à 12.5% entre 1999 et 2003, jusqu'à
9.3% en 2007 en moyenne sur l'ensemble du secteur non conventionnel (Gouvernement de
l’Alberta, 2009a).
Mais suite à la crise financière de 2008 qui a ébranlé les organismes créanciers, le coût
d'accès au capital du secteur non conventionnel s'est détérioré. Touchés par de lourdes pertes
financières, les créanciers ont durci les conditions d'emprunt, se traduisant par une
augmentation des taux d'intérêt ou par un remboursement accéléré des emprunts contractés.
Les compagnies historiques de la filière non conventionnelle ont eu l'opportunité d'utiliser une
partie des profits engendrés par leurs projets en fonctionnement pour financer leurs nouveaux
projets. Suite à l'augmentation des taux d'intérêt, cette source de financement interne à
l'entreprise semblait être devenue plus avantageuse par rapport à l'endettement auprès
d'organismes externes.11 Mais certaines compagnies particulièrement exposées ont vu leur
coût d'emprunt augmenter et n'ont pas été capables d'y faire face. Début 2009, la firme Value
Creation, qui avait racheté BA Energy Inc. en 2008, stoppait son projet d'upgrader après avoir
déjà dépensé plus de 500 M$CAN, étranglée par le remboursement des coûts d'investissement
auprès de la firme Enbridge et le paiement accéléré de dettes contractées auprès du créancier
Crédit Suisse (Financial Post, 2009). Par conséquent, les difficultés de financement
auxquelles sont confrontés plusieurs acteurs du secteur non conventionnel risquent de freiner
la reprise des projets suspendus.
10
Entre 2007 et 2008, la part du capital de la compagnie CNRL financé par emprunt est passée de 54 à
59% (CNRL, 2009) et les taux d'intérêt s'établissaient autour de 5-6% en 2008 (Suncor, 2009 ; Imperial Oil,
2009 ; Nexen, 2009 ; CNRL, 2009).
11
CNRL estime que le niveau élevé du taux de ses emprunts expliquerait une partie de l'accroissement du coût
du capital (CNRL, 2009 ; Standard and Poor’s, 2009).
95
(EIA, 2011). Cette tendance est d’autant plus nette que la qualité de l’approvisionnement
pétrolier américain moyen a diminué entre 2007 et 2008-2009 (degré API réduit de 0.21 et
0.05 respectivement) et aurait dû entraîner, de par le jeu des rendements, une augmentation de
la quantité de brut traité pour obtenir des quantités identiques en produits pétroliers.
La hausse des coûts d’ingénierie a également été répercutée sur les projets de
transport. Initialement estimé à 780000 b/j en 2007, l’accroissement des capacités de transport
entre l’Alberta et les Etats-Unis a été revu à la baisse, suite à la suspension du projet Altex
Pipeline System d'Enbridge qui prévoyait de transporter le bitume vers les raffineries du
PADD 3, et devrait atteindre 575000 b/j entre 2010 et 2015. Etant donné les contraintes
économiques actuelles et l'éloignement géographique du PADD 3, son potentiel d'absorption
de production non conventionnelle semble limité. Un constat similaire semble s'imposer pour
le PADD 1, bien que la problématique de raffinage y soit différente. Première région
consommatrice de produits pétroliers raffinés, le PADD 1 est doté d'une capacité de raffinage
ne permettant pas de satisfaire cette demande. Facilement accessible par voie maritime, le
PADD 1 ne devrait pas modifier profondément sa structure d'approvisionnement en bruts12 et
continuer à importer des produits raffinés, en provenance de l'Europe et du PADD 3,
fortement excédentaire en produits pétroliers. Par ailleurs, le PADD 4 devrait rester un
marché majeur pour la production non conventionnelle mais marginalement croissant.
96
conventionnelle canadienne. Enfin, plusieurs projets de construction d’oléoducs reliant les
sites de production en Alberta à la côte Pacifique avaient été annoncés avant 2008, dans le but
d’accéder aux nouveaux marchés de consommation en Asie. Toutefois, les investissements
proposés ont été abandonnés puisque les coûts de transport par tanker s’avèrent trop élevés
dans la pratique.
Tableau 2-5 : Description des projets miniers en développement ou planifiés sur la période
2010-2016
97
Tableau 2-6 : Description des projets in situ en développement ou planifiés sur la période
2010-2020
98
Tableau 2-7 : Description des projets d’upgrading en développement ou planifiés sur la
période 2010-2016
Enfin, les estimations 2008 tablaient sur une augmentation de la capacité d'upgrading
en Alberta de 1.1 à 2.4 millions de barils par jour. Le développement des capacités
d'upgrading devait être tiré non plus par la production de bitume miné mais par la
multiplication des projets in situ. Les capacités d'upgrading proposées étaient similaires aux
capacités déjà construites pour bénéficier d'économies d'échelle, mais leur approvisionnement
99
devait être constitué de bitume provenant de plusieurs projets amont. La proportion de bitume
produit par techniques in situ et upgradé devait alors augmenter de 9% en 2006 à 43% en
2016 dans la province de l'Alberta (ERCB, 2007). Le développement des unités d’upgrading
a néanmoins été freiné, avec la suspension de 225 kb/j et le report de 345 kb/j de capacité
cumulée.
Au terme de cette seconde section, nous avons analysé les facteurs qui ont freiné le
développement de la filière non conventionnelle canadienne. En conséquence de ces facteurs,
près de 50% des projets d’extraction minier et in situ et plus de 55% des projets d’upgrading
initialement planifiés sur la période 2010-2015 ont été retardés ou suspendus.
Le début de l’année 2011 a été marqué par le retour du cours du pétrole à des niveaux
historiques élevés. Entre janvier et mars 2011, le prix du WTI était ainsi compris entre 83 et
106 $US/b (EIA, 2011). Mais malgré la reprise économique progressive, l’inertie des plans de
relance du secteur non conventionnel reste forte. Comme nous l’avions indiqué dans le
paragraphe 2.2.2, cette inertie pourrait être en partie liée à la difficulté pour les producteurs
d’anticiper l’évolution des paramètres économiques tels que les coûts ou les prix, empreints
d’incertitude. Mais elle pourrait également être expliquée par l’évolution du cadre
institutionnel vers une politique fiscale et des réglementations environnementales plus
contraignantes pour la filière canadienne. La première partie de cette section est consacrée à la
description du nouveau système fiscal et de royalties mis en application début 2009. Dans la
seconde partie, nous présentons une synthèse du bilan environnemental de la filière
canadienne, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de consommation en eau et de
gestion des déchets liquides, ainsi que les réglementations environnementales majeures mises
en place depuis la fin des années 1990 sur le secteur pétrolier non conventionnel.
100
réglementations fiscales, afin de rééquilibrer le partage des rentes entre producteurs et
gouvernements. Un nouveau système fiscal a ainsi été adopté en octobre 2007 et mis en
application au début de l'année 2009.
D'une part, les provisions pour l'amortissement accéléré du capital ont été éliminées
pour les activités liées à l'exploitation des sables bitumineux après l'annonce du budget fédéral
en mars 2007. Ainsi, les dépenses en capital éligibles pour les provisions ne sont plus utilisées
dans le calcul de l'impôt sur le revenu mais génèrent des abattements sur le coût du capital
selon un calendrier caractérisé par des taux de dépréciation très inférieurs à 100%, même lors
de la phase de génération de revenus positifs d'un projet.
A l'instar du système précédent, le producteur doit payer les royalties brutes avant
récupération des coûts et le maximum entre les royalties brutes et nettes après récupération
des coûts. L'actualisation des flux de dépenses et de revenus est effectuée au nouveau taux des
obligations fédérales à long terme, entre 4 et 6% (Plourde, 2009), inférieur au taux utilisé
précédemment. La diminution du taux d'actualisation dans le calcul du payout accélère le
versement des royalties calculées sur les revenus nets et permet aux gouvernements de
capturer plus rapidement une plus grande partie de la rente.
101
Etant donné les différentes mesures adoptées, ce nouveau système fiscal flexible en
fonction du prix du brut s’avère moins favorable pour les producteurs de pétrole non
conventionnel que les systèmes précédents.
Des analyses de cycle de vie ont permis de mettre en évidence un bilan en CO2 des
filières pétrolières non conventionnelles supérieur à celui des filières pétrolières
conventionnelles, lors des étapes d’extraction et d’upgrading, avant leur arrivée en raffinerie
(analyse « puits au réservoir »). Une analyse comparative de treize analyses de cycle de vie
sur les filières minières et in situ intégrées est présentée dans Charpentier et al. (2009). Cinq
études supplémentaires ont également été incluses dans la comparaison. Le tableau 2-8
synthétise les différentes estimations du bilan en CO2.
102
Tableau 2-8 : Bilans en CO2 des filières pétrolières non conventionnelles et conventionnelles
Emissions de CO2
kg/b bitume
Publication, année Extraction Extraction in Upgrading Mine intégrée In situ intégré Production
minière situ conventionnelle
Charpentier, 2008 - - - 46-121 73-129 20-43
MIT, 2007 24 89.8 - - -
Total, 2006 (lecture graphique) 25-50 65-110 35 73 123
Flint, 2004 (gaz naturel) 35 61 38 73 99
Flint, 2004 (résidus en 45 96 80 125 176
remplacement du gaz naturel)
Furimsky, 2003 (fluid-coker) - - 51-68 - -
Furimsky, 2003 (cokéfaction - - 112-181 - -
retardée)
IFP, 2001 37 85 53.3 90 138 54
Moyenne 36 84 69 89 127 43
Moyenne extraction+upgrading 105 153
non intégré
Réduction CO2 (synergies) -15% -17%
Sources : Charpentier et al., 2009 ; Bersak et Kadak, 2007 ; Préel, 2006 ; Flint 2005 ;
Furimsky, 2003, Plouchard, 2001
Des écarts d’estimation peuvent apparaître entre les différentes publications, provenant
de l’utilisation de méthodologies distinctes selon les études (délimitation du système
productif, type d’approvisionnement (résidus versus gaz naturel ; Flint, 2005), type de
technologie (Fluid-coker versus cokéfaction retardée ; Furimsky, 2003) procédures de
comptabilisation, d’allocation et de crédit selon les produits et les co-produits) ou de
l’utilisation de différentes sources de données (données institutionnelles plus anciennes,
données industrielles souvent confidentielles, études d’impact initiales lors des phases
d’autorisation réglementaire des projets). Néanmoins, un consensus semble émerger, puisque
les filières pétrolières non conventionnelles présentent effectivement un bilan en CO2 plus
élevé que celui des filières conventionnelles lors des phases d’extraction et d’upgrading,
avant traitement en raffinerie (Charpentier et al., 2009).
103
Le bilan en GES de la phase d'extraction minière peut être décomposé selon les
sources suivantes (Flint, 2005) :
Une réduction marginale des émissions de CO2 pourrait être obtenue par l'intégration
des phases d'extraction du minerai et du bitume (synergie énergétique et réduction du trafic
par camions, -2/-3 kg/b selon Furimsky (2003)). De nouvelles technologies d'extraction in
situ13, qui permettraient de réduire plus significativement le bilan en GES, sont également en
cours de développement mais leur application à l'échelle industrielle reste pour le moment
incertaine. Des travaux supplémentaires doivent être entrepris pour évaluer les performances
13
Parmi ces technologies, nous pouvons citer l'extraction SAGD par injection de vapeur à faible
pression (potentiel de réduction autour de 8.5 kg de CO2/b), l'extraction in situ par injection de solvant (procédé
de type VAPEXTM avec un potentiel de réduction de 60 kg/b) ou la combustion interne de bitume (procédé de
type THAITM avec un potentiel de réduction de 30 à 60%) (Flint, 2005).
104
environnementales et techniques effectives de ces nouvelles technologies et améliorer leur
sûreté et pilotage.
Par ailleurs, une piste de réduction des coûts opératoires (déjà suivie par Opti/Nexen)
consisterait à remplacer le gaz naturel par des résidus carbonés (préalablement gazéifiés) issus
des distillations du bitume pour jouer le rôle de combustible dans l'étape de fabrication de la
vapeur. Ce système flexible de combustible présente l'intérêt de limiter la volatilité des coûts
d'approvisionnement énergétiques mais pénalise lourdement le bilan environnemental des
filières de production non conventionnelle. L'utilisation d'un système bi-combustible gaz
naturel/résidus carbonés pour la production de vapeur pourrait détériorer le bilan en GES de
35 kg de CO2 par baril de bitume lors de l'extraction minière et de 42 kg de CO2 par baril de
bitume lors de la phase d'upgrading (Flint, 2005). Par ailleurs, le remplacement complet du
gaz naturel par du coke issu de la cokéfaction retardée pourrait émettre 67 kg de CO2
supplémentaire par baril de bitume (Sanière et Lantz, 2006).
105
de bitume, d'upgrading, ou lors de la phase d'extraction in situ. Elle est aussi utilisée dans les
systèmes de refroidissement fonctionnant en système fermé. Enfin, elle est utilisée pour
assurer le bon fonctionnement d'équipements électriques et sur les lieux de vie des employés.
Selon les sources d'estimation, entre 2 et 4 unités nettes d'eau par unité de bitume
produit seraient consommées lors de l'extraction minière (2.5-4 m3 d'eau/m3 de bitume selon
Sanière et al., 2005; 2-3.5 m3 selon Griffiths, 2006) selon la maturité des projets, entre 0.5 et 1
unité nette d'eau par unité de bitume pour l'extraction in situ (CAPP, 2009b; Griffiths, 2006),
et 0.38 unité nette d'eau par unité de brut synthétique pour la phase d'upgrading (d'après les
données du projet Scotford Upgrading de Shell, citées par Griffiths, 2006). Ces valeurs sont
synthétisées dans le tableau 2-9.
106
Ainsi, l'intensité en eau et les sources d'eau utilisées par les projets diffèrent selon les
opérateurs, suivant la taille et la maturité du projet, les procédés utilisés et la qualité des
produits obtenus. Cependant, des inquiétudes sur l'existence d'impacts négatifs, notamment
sur la rivière Athabasca, au rythme actuel de production ont déjà été formulées (Griffiths,
2006). La multiplication des projets miniers et in-situ, pas tant par leur consommation d'eau
individuelle mais surtout par leur grand nombre et l'effet cumulatif qui en découle pourrait
remettre en question la soutenabilité de l'approvisionnement en eau.
Enfin, la gestion des étangs de stockage des déchets liquides issus de l’extraction
minière reste problématique en termes d’impacts écologiques. Mélanges complexes de
bitume, sable, boue, argile et eau, ces déchets contiennent entre 3 et 5 unités d'eau par unité de
bitume et sont stockés dans de larges étangs de décantation. Extrêmement lents à se
consolider, on estime que leur sédimentation peut durer entre 30 et 40 années selon les
technologies employées et la qualité du bitume (CAPP, 2009b). Ces espaces de stockage
doivent résister à l'érosion et aux fissures du sol pour éviter la migration des polluants dans les
aquifères et les fuites dans les eaux de surface environnantes. En 2007, ils s'étendaient sur 130
km2 (Gouvernement de l’Alberta, 2008).
Une norme sur les émissions de SO2 en sortie des upgraders a incité les producteurs
non conventionnels à installer des unités de traitement des fumées soufrées, appelées unités
Claus, qui permettent de transformer entre 95 et 99% des émissions totales en soufre liquide,
vendu comme input dans le secteur des fertilisants sous forme déshydratée. L’objectif
escompté est atteint puisque l’ensemble des unités d’upgrading localisées en Alberta est
actuellement pourvu d’une unité Claus.
107
Pour l’approvisionnement en eau douce, un cadre réglementaire permet d'accorder un
droit d'usage aux acteurs individuels, municipaux, agricoles et industriels grâce à un système
d'allocations en eau, leur permettant de dévier une quantité maximale d'eau douce (provenant
des eaux de surface de type rivières et lacs). Des réglementations et législations sur l'usage de
la ressource en eau ont été établies au niveau fédéral et provincial, mais les décisions finales
pour délivrer les permis en eau sont souvent prises au niveau provincial. Les réglementations
et politiques majeures liée à la gestion de l'eau dans la province de l'Alberta proviennent du
« Water Act » instauré en 1999, remplaçant le précédent « Water Resources Act ». Elles
définissent les conditions d'utilisation des ressources en eau de surface et souterraine, ainsi
que les droits d'utilisation des usagers ayant reçu des permis en eau de surface.
Une flexibilité supplémentaire permet de modifier les quantités d'eau allouées (par
exemple une diminution si le bassin hydrologique d'une rivière est particulièrement asséché),
sous la condition que le nouveau plan de gestion soit autorisé par la législation. Les conditions
d'obtention de licences en eau ont également été durcies, puisque que le candidat doit fournir
une étude d'impact de l'allocation demandée sur la ressource en eau et les autres usagers
(Reason, 2004). Enfin, une redevance nominale indépendante du volume d'eau allouée est
perçue par le gouvernement provincial lorsqu'un permis est délivré, afin de couvrir une partie
108
des frais administratifs (cette dépense reste extrêmement faible puisqu'elle est de 150 $CAN
pour une allocation comprise entre 112500 et 125000 m3/an; Griffiths, 2006, p.22).
109
rivière Athabasca est trois à quatre fois plus faible que celui des deux autres rivières
(Gouvernement de l’Alberta, 2009b). Par ailleurs, couverte de glace pendant cinq à six mois
de l'année, la rivière Athabasca voir son débit fortement varier selon la saison : le débit en
hiver peut être jusqu'à dix fois plus faible que celui en été (Lunn, 2008). De plus, une
accentuation de ce phénomène a pu être observée en 2002 et 2003 au centre et au sud du
bassin de l'Athabasca. Elle pourrait en partie provenir d'une mauvaise adaptation du système
actuel de gestion de la ressource en eau face au développement rapide du secteur non
conventionnel fortement concentré géographiquement, non saisonnier et disposant de leviers
limités pour réduire sa consommation en eau.
14
L'Athabasca Regional Issues Working Group (devenu le Oil Sands Developers Goup) et la
Cumulative Environmental Management Association.
15
Instream Flow Needs and Water Management System for the Lower Athabasca River, février 2007
110
acteurs du secteur non conventionnel semble pertinent pour inciter ces derniers à coopérer de
manière équitable en fonction de leurs moyens. Ce système est également suffisamment
flexible pour inciter les acteurs à innover dans un panel de technologies, en évitant le piège
d'une solution unique, ou au contraire, de coopérer pour construire par exemple une unité de
stockage commune à plusieurs opérateurs afin de bénéficier d'éventuels effets d'échelle ou de
réduction des coûts logistiques.
Néanmoins, des inégalités persistent encore dans la pratique. Ainsi, pendant les
périodes de débit faible et moyen, les deux opérateurs historiques Syncrude et Suncor sont
soumis à un quota d'eau individuel égal au maximum à leur taux d'allocation annuel moyen.
Cette mesure ne devrait donc pas les inciter à investir dans des bassins de stockage d'eau. Le
principe de priorité des usagers historiques sur les nouveaux devrait au contraire être invalidé,
afin que le rationnement des usagers industriels dans des conditions critiques soit
proportionnel à leurs allocations, quelque soit leur ordre d'application et d'arrivée. Par ailleurs,
dans le cas d'un dépassement de l'objectif global, le cadre réglementaire actuel n'indique pas
explicitement les compensations financières que devraient débourser les acteurs.
Plusieurs mesures de réduction des GES ont également été mises en application. En
1998, le gouvernement canadien s'était engagé par la signature du protocole de Kyoto à
réduire avant 2012 ses émissions de GES de 6% par rapport au niveau de 1990. Malgré cet
accord, les émissions de CO2 actuelles sont près de 25% plus élevées qu'en 1990, liées à un
accroissement de la production industrielle, en partie dans le secteur pétro-gazier. En avril
2007, le gouvernement fédéral canadien s'était fixé un nouvel objectif de réduction des
émissions de GES de 20% en 2020 par rapport au niveau de 2006. Enfin, en mars 2008, le
gouvernement fédéral votait un renforcement du cadre législatif et un nouvel objectif de
réduction des GES à long terme de 60 à 70% à horizon 2050 par rapport au niveau actuel,
obligatoire pour les secteurs industriels, électrique et pétrolier non conventionnel. L’ensemble
des mesures environnementales proposées est accessible dans le Plan Vert du Canada
(Gouvernement du Canada, 2008).
111
compensatoires ont été proposés en complément aux firmes : un système de crédits
compensatoires au Canada, les mécanismes de développement propre (instaurés lors du
protocole de Kyoto), un programme de crédit pour des mesures d'action précoce et le
financement d’un fonds technologique, initialement proposé par le gouvernement provincial
d’Alberta (CAPP, 2009b) et destiné à promouvoir le développement industriel de
technologies de réduction des GES à court et long terme.
Enfin, les compagnies ont l’obligation de réhabiliter les sites de production en fin de
vie des projets, c’est-à-dire de remettre en état les terres exploitées et d’adopter « les mesures
correctives adéquates afin que ces terres présentent la même productivité que dans leur état
initial » (Gouvernement de l’Alberta, 2008). La réhabilitation des sites miniers de production
est la plus coûteuse, puisqu’elle implique le remblayage du site (comblement de la fosse par
les sables en surplus, les résidus miniers consolidés et les morts-terrains), son renivellement
(remodelage des morts-terrains pour favoriser l’écoulement et le drainage des eaux de surface
et réduire au minimum l’érosion puis couverture de la surface par de la terre végétale) puis sa
revégétation (graminées, arbustes et arbres indigènes). Il s’ensuit une phase de surveillance
pour vérifier les propriétés physico-chimiques des sols et la croissance de la végétation, avant
d’obtenir un certificat de remise en état.
112
sites d’extraction opérés par les compagnies historiques Suncor et Syncrude ont été réhabilités
en 2008 et 2010.
A l’issue de cette section, nous avons mis en évidence une évolution du cadre
institutionnel vers un système fiscal et des réglementations environnementales plus
contraignants pour la filière canadienne. Les études d’impact ont mis en évidence un bilan
environnemental de la filière non conventionnelle dégradé par rapport à la filière
conventionnelle, en termes d'émissions de CO2 et autres polluants (SO2), de consommation en
eau, ou de risque de pollution des sols. Un quota sur les émissions de SO2 en sortie des
upgraders, un nouveau système d’allocations en eau ainsi que deux fonds financiers pour la
réhabilitation des sols et le développement de technologiques réductrices de GES, ont été
instaurés au cours de la décennie 2000. Bien que l’impact de ce nouveau cadre institutionnel
sur le développement de la filière canadienne reste limité, de nouvelles réglementations
113
environnementales sont à l’étude (Plan Vert du Canada ; Gouvernement du Canada, 2008) et
pourraient être mises en application au cours de la décennie 2010-2020.
Mais l’inflation du coût des projets amorcée dès 2004, la chute du prix du brut en
2008-2009 et sa forte volatilité, ainsi que les conséquences de la crise financière de 2008 ont
freiné le développement de la filière non conventionnelle, avec la suspension d’environ 50%
des investissements planifiés avant la crise. Malgré une amélioration du contexte économique,
la reprise du secteur non conventionnel reste limitée, tandis que le cadre institutionnel (fiscal
et réglementaire) s’est durci et que des incertitudes sur les futures réglementations
environnementales se profilent.
Cependant, face à la multiplication des incertitudes portant sur le prix du brut ou sur le
cadre réglementaire environnemental futur, les producteurs non conventionnels devraient être
incités à prendre en considération un risque prix et coût supplémentaire dans leur décision
d’investissement, pouvant mener à des stratégies de développement plus conservatives qu’en
l’absence d’incertitude. Le prochain chapitre est consacré aux apports de la théorie
économique pour évaluer l’impact de l’incertitude sur la décision d’investissement, en
présence d’irréversibilité forte liée à l’épuisabilité de la ressource et au coût du capital.
114
Annexe 2.1 : Synthèse des projets
d’exploitation de bitume canadien sur la
période 2005-2008
115
Annexe 2.2 : Schématisation des
stratégies d’entrée des acteurs
internationaux dans le secteur non
conventionnel canadien
(Figure de l’auteur)
117
Partie 2. Modélisation de l'offre
pétrolière non conventionnelle
119
Chapitre 3 : Les apports de la
théorie économique
121
Des tests économétriques, détaillés dans la seconde section, ont permis de valider deux
résultats majeurs de la théorie économique. Une fonction en U du coût marginal d’extraction
du bitume canadien dépendante de la production cumulée a été estimée, en accord avec les
résultats obtenus par la littérature des ressources épuisables. Cette fonction de coût est
représentative d’un effet prédominant du progrès technique en première période,
contrebalancé en seconde partie par l’effet de la déplétion et la difficulté croissante
d’extraction. Une relation négative entre le niveau d’investissement dans les projets
historiques in situ et la volatilité du prix de vente a également été déterminée, validant
empiriquement le lien négatif investissement-incertitude mis en évidence par la théorie des
options.
122
la possibilité de produire à nouveau cette ressource une fois qu’elle a été extraite. Le choix
d’investissement est alors intertemporel puisqu’il repose sur un arbitrage entre le profit net
immédiat lié à l’extraction de la ressource et le profit futur qu’il pourrait tirer des ressources
en terre.
123
t : période t
t0 : date initiale d’exploitation
T : date finale d’exploitation
S 0 : stock de ressources disponibles à la date initiale t0
Les développements analytiques présentés dans Gordon (1967) reposent sur un coût
marginal croissant indépendant de la production cumulée. La maximisation du profit de la
firme lié à l’extraction de la ressource peut s’écrire sous la forme suivante :
T
Max ³ π ( X t )e −rt dt
0
(3-1)
T
sc. X t > 0 et ³ X dt ≤ S
0
t 0 (contrainte de stock)
124
D’après la théorie classique de l’investissement, le producteur va chercher à
maximiser la valeur actuelle nette de son projet d’extraction, en respectant les contraintes
précédentes :
T
ªT º
VAN = ³ π ( X t )e dt − λ « ³ X t dt − S 0 »
− rt
0 ¬0 ¼
(3-2)
dFX '
FX = (équation d'Euler)
dt
(3-3)
dX t
pas de sa dérivée , donc le terme de droite s’annule. En dérivant la VAN en fonction de la
dt
variable X t , nous pouvons écrire :
∂π ( X t ) − rt
e −λ = 0
∂X
(3-4)
∂π ( X t )
= λe rt
∂X
(3-5)
En particulier, à la date initiale t0, le profit marginal actualisé doit rester constant sur
toutes les périodes, c’est-à-dire que le profit doit croître au taux d’actualisation ou d’intérêt r.
Nous retrouvons ainsi la condition optimale d’extraction d’une ressource épuisable
d’Hotelling (1931).
125
Le développement analytique précédent considérait un coût d'extraction dépendant du
niveau de production mais indépendant de la production cumulée, avec un coût marginal
croissant en fonction du niveau de production. Cette formalisation proposée par Gordon
(1967) a ainsi permis de traiter certaines problématiques sur les différences de coûts entre
entreprises. Toutefois, un coût marginal d’extraction croissant peut apparaître dans la
pratique, étant donné qu’un même gisement de ressource épuisable présente souvent des
caractéristiques géologiques différentes, se traduisant par un différentiel de qualité sur le stock
de ressource à exploiter. Puisqu’une firme rationnelle cherchera à extraire les ressources par
qualité décroissante (Solow et Wan, 1976 ; Hanson, 1979), le coût marginal d'extraction tend
à s’accroître au cours de l'exploitation en fonction de la difficulté croissante d'extraction, et le
coût d'extraction devient alors une fonction croissante de la production cumulée. Nous
présentons ci-dessous les développements mathématiques proposés par Levhari et Liviatan
(1977).
dX t
la dérivée par rapport au temps de la production cumulée : X t = .
dt
A partir de ces nouvelles notations et en faisant l’analogie avec l’équation (3-3), nous
pouvons écrire :
d −rt ∂π ( X t , X t ) ∂π ( X t , X t )
[e ] = e −rt [ ]
dt ∂X ∂X
(3-6)
T T
d ∂e − rsπ ( X s , X s ) ∂π ( X s , X s )
³t ds [ ∂X
]ds = ³ e − rs [
t
∂ X
]ds
(3-7)
T
∂c( X t , X t ) ∂c( X T , X T ) ∂π ( X s , X s )
e −rt [ R' ( X t ) − ] + e − rT [ R' ( X T ) − ] = ³ e −rs [ ]ds
∂X ∂XT t
∂X
(3-8)
126
T − rt
∂c( X t , X t ) − r (T −t ) ∂c( X T , X T )
− r ( s −t ) ∂e π ( X s , X s )
R' ( X t ) = +e
[ R' ( X T ) − ]+ ³e [ ]ds
∂X ∂X T t
∂X
(3-9)
T
∂c( X t , X t ) ∂c( X s , X s )
R' ( X t ) = + ³ e − r ( s −t ) ds
∂X t
∂X
(3-10)
Toujours d'après les développements présentés dans Levhari et Liviatan (1977), nous
pouvons alors obtenir analytiquement la nouvelle règle optimale d'extraction d'une ressource
épuisable lorsque les coûts dépendent de la production cumulée.
ou encore :
∂ 2 c( X t , X t ) 2
)] dX t = − ∂ c( X t , X t ) X − re − r (T −t ) [ R' ( X ) − ∂c( X T , X T ) ] + ∂c( X t , X t )
[ 2
− R ' ' ( X t t T
∂X dt ∂X∂X ∂X T ∂X
T
∂c( X s , X s )
− r ³ e − r ( s −t ) ds
t
∂X
(3-12)
127
∂ 2π ( X t , X t )
En considérant un revenu marginal décroissant ( < 0) selon la condition
∂X 2
∂ 2c( X t , X t ) dX t
de Legendre, nous trouvons 2
− R' ' ( X t ) > 0 . Le signe de dépend du signe du
∂X dt
terme de droite. En utilisant l'équation (3-10), l'égalité (3-12) peut se réécrire :
∂ 2 c( X t , X t ) 2
)] dX t = − ∂ c( X t , X t ) X − r[ R ' ( X ) − ∂c( X t , X t ) ] + ∂c( X t , X t )
[ 2
− R ' ' ( X t t t
∂X dt ∂X∂X ∂X ∂X
(3-13)
dX t
suffisamment en fonction de la production cumulée, il est alors possible d'obtenir > 0 sur
dt
le sentier optimal d'extraction, en contradiction avec la règle d'Hotelling.
128
développement de nouvelles capacités de production de bitume n’est plus rentable. Malgré
des coûts de production supérieurs au coût moyen de la production pétrolière mondiale,
l’exploitation du bitume canadien s’est accélérée au cours des années 2000 sous l’effet d’une
forte hausse du prix du brut, dépassant ainsi le prix seuil du pétrole non conventionnel et
permettant une mise en production massive des ressources canadiennes.
Le niveau relativement élevé du prix seuil du bitume canadien rend son exploitation
particulièrement sensible au risque prix. Une forte volatilité des prix, à l’instar de celle
observée sur le marché mondial en 2008 et 2009, pourrait représenter un frein au
développement, avec un risque accru d’atteindre un prix de vente inférieur au prix seuil. En
faisant l’hypothèse d’un prix du brut occasionnellement inférieur au prix seuil, sur de courtes
périodes isolées, l’impact de la volatilité des prix sur le rythme de développement des
ressources non conventionnelles peut être réduit en adaptant la stratégie de production des
acteurs grâce à des flexibilités sur le stockage ou le niveau de production. En revanche, des
chutes du prix du brut répétées ou sur de plus longues périodes pourraient significativement
réduire la rentabilité des projets, faire sortir du marché la majorité des producteurs non
conventionnels et à terme ralentir le rythme de développement des ressources non
conventionnelles.
L’incertitude sur le prix futur, sur des horizons temporels équivalents à la durée de vie
des installations, de 20 à 30 ans, implique une perte de visibilité pour les producteurs et un
129
risque prix accru. Certains scénarios prospectifs de prix du brut proposés par des organismes
publics (World Energy Outlook, 2009) atteignent sur certaines périodes des valeurs
inférieures au prix seuil et risquent, s’ils sont intégrés au processus décisionnel en avenir
incertain, de pénaliser l’exploitation des ressources non conventionnelles canadiennes.
Sous l’hypothèse unique que le flux de profits futurs généré par l’unité marginale de
capital est une fonction convexe de la variable stochastique, certains auteurs (Oi, 1961 ;
Hartman, 1972 ; Pindyck, 1980 ; Abel, 1983) ont démontré qu’un accroissement de
l’incertitude augmente la valeur de l’unité marginale de capital. Cette hypothèse de profit
marginal convexe est remplie lorsque les facteurs de production autre que le capital sont
flexibles, et sous des conditions très générales, en l’absence d’irréversibilité sur le coût du
capital (Bourdieu et al., 1997). Dans ce cas, un accroissement de l’incertitude crée un « effet
d’opportunité » (Mohn et Osmundsen, 2006), reliant positivement incertitude et
investissement. Pindyck (1980) a ainsi démontré que sous l’hypothèse d’un coût marginal
d’extraction convexe en fonction du niveau de production, un prix de vente de la ressource
stochastique créait une incitation à accélérer le rythme de production.16
D’après Mohn et Misund (2009), la théorie plus récente des options composées semble
également valider une relation positive entre investissement et incertitude (Kulatilaka et
Perotti, 1998 ; Sarkar, 2000). Investir consiste à « tuer » l’option d’attente mais implique aussi
16
Le développement mathématique menant à ce résultat principal est présenté en annexe 3.1.
130
une « récompense potentielle » grâce à l’acquisition d’options de développement futur. Un
accroissement de la volatilité du prix du brut augmenterait ainsi la valeur des deux types
d’options (Smit et Trigeorgis, 2004) et l’effet net de l’incertitude sur l’investissement pourrait
s’avérer positif.
131
d’ajustement, reste constant sur le plateau de production, avant de diminuer jusqu’à la date
d’épuisement de la ressource.
L’irréversibilité d’un investissement fournit à la firme une option réelle pour retarder
cet investissement, appelée option d’attente. Selon Pindyck (1991), l’incertitude crée un coût
d’opportunité pour investir aujourd’hui dans l’exploitation d’une ressource plutôt que
d’attendre pour bénéficier de nouvelles informations sur la profitabilité espérée d’un projet,
augmentant le coût complet d’une unité marginale de capital et réduisant par conséquent
l’investissement.
132
d’information. Selon Bourdieu et al. (1997), l’incertitude affecte simultanément la valeur du
capital installé et les opportunités futures d’investissement. A la valeur d’option de
l’investissement s’ajoute la valeur d’option du capital installé qui provient de la possibilité de
cesser d’utiliser les capacités installées puis de les réutiliser si la demande repart. Une unité
supplémentaire de capacité a donc toujours une valeur positive quel que soit le stock de
capital existant car il y a toujours une chance qu’elle soit utilisée dans l’avenir. Comme pour
un projet unique, la valeur d’option de la dernière capacité installée croît avec l’incertitude.
Mais l’incertitude augmente également la valeur d’option de la prochaine unité de capital. Les
développements théoriques ont permis de montrer que le stock optimal de capital décroît
quand l’incertitude augmente, tandis que la valeur d’attente et le seuil d’investissement
s’accroissent avec l’incertitude.
Au terme de cette section, nous avons présenté une revue de littérature sur la théorie
des ressources épuisables et la théorie des options réelles, ainsi que les principaux résultats
associés à cette littérature. La section suivante est consacrée à la validation empirique des
deux résultats théoriques suivants à partir d’une analyse économétrique sur des données du
secteur non conventionnel canadien : fonction de coût d’extraction en U et relation négative
entre niveau d’investissement et incertitude sur le prix de vente.
133
fonctions de coût d’extraction d’autres ressources épuisables obtenues par les travaux
théoriques (Slade, 1984). La forme en U provient de l’effet prédominant du progrès technique
en début de période, avec un coût marginal décroissant en fonction de la production cumulée,
suivi d’une phase de coût marginal croissant sous l’effet de la déplétion et d’une difficulté
croissante d’extraction en fin de période.
134
z=M (production minière), S (production in situ), U (upgrading)
Xt(z) : production cumulée à la période t par la technologie z, exprimée en milliers de
barils de bitume (mb)
DUi : variable muette prenant la valeur 0 jusqu'à l'année i-1, puis 1 au delà,
Di : variable muette prenant la valeur 1 pour l'année i, 0 sinon.
−6 −5
Cmt ( M ) = 27.325− 22.245× DU1990 + 1.28 ×10
−7
× X t ( M ) − 2.10 × 10
−6
× X t ( M ) × (1 − DU1990 )
( 2.231) ( 2.648 ) ( 5.16×10 ) ( 3.27×10 )
(3-14)
R2=0.779
n=29
Période : 1980-2008
DW=1.71
−6
Cmt ( S ) = 4.269+ 4.21×10
−7
× X t ( S ) × DU 2005 − 4.587× D2007
( 0.344 ) ( 3.43×10 ) (1.067 )
(3-15)
R2=0.950
n=11
Période : 1998-2008
DW=1.39
−7
Cmt (U ) = 0.909+ 7.83 ×10
−7
× X t (U ) × DU 2005
( 0.289 ) (1.22×10 )
(3-16)
R2=0.822
n=11
Période : 1998-2008
DW=1.19
135
Pour la technologie minière, nous observons deux périodes distinctes d'évolution du
coût marginal. Sur le début de la période d'estimation, entre 1980 et 1989, la production
cumulée a un effet réducteur sur le coût marginal, que l'on peut interpréter comme un effet
d'apprentissage, grâce à l'effort de R&D du secteur pétrolier non conventionnel dans les
années 1980 (Méjean et Hope, 2008) et à l'optimisation des procédés. A partir du début des
années 1990, le coefficient de la production cumulée devient positif. Nous pouvons alors
considérer qu'il s'agit de la partie croissante de la fonction de coût en U.
Nous obtenons un coût marginal moyen de 15.2 $/b de bitume sur la période 1979-
1989, et de 8.4 $/b de bitume sur la période 1990-2008. Sur la période 2005-2008, on observe
néanmoins une nette augmentation du coût opératoire marginal, valant en moyenne 11.5 $/b.
Pour la technologie in situ, l'échantillon est plus petit (11 observations). Sur la période
1998-2004, le coût opératoire marginal est constant, à 4.3 $/b de bitume. En revanche, sur la
période 2005-2008, le coût marginal devient croissant en fonction de la production cumulée.
D’après les observations présentées dans le paragraphe 2.1.3, la valorisation des bruts
synthétiques légers, dont les qualités se rapprochent de celles du marqueur WTI et destinés au
136
même marché, devrait dépendre du prix du WTI. Nous sommes ainsi conduits à analyser la
relation qui peut s'établir entre le prix du pétrole synthétique et le prix du pétrole brut
conventionnel sur le marché nord-américain.
La série de prix du WTI (PWTIt) correspond aux données Platt’s pour un contrat WTI à
échéance 1 mois, à Cushing (Oklahoma), tandis que la série de prix du brut synthétique
(PSCOt) correspond aux prix postés par Suncor et PetroCanada pour un brut synthétique autour
de 30 °API et 1-1.6% en soufre, publiés par Platt’s. Les deux séries de prix sont mensuelles
sur la période de janvier 2002 à mai 2008. La série de prix SCO a été convertie en dollars US
en monnaie courante, à partir d'un taux de change mensuel moyen (Fonds Monétaire
International, Banque Centrale Européenne, Banque du Canada et Banque de la Réserve
Fédérale de New York). Nous utilisons les séries sous leur forme logarithmique.
Les tests de racine unité (cf. tableau 3-1) permettent de conclure que les deux prix
PWTIt et PSCOt sont I(1).
Tableau 3-1 : Tests de racine unité des séries de prix PWTIt et PSCOt
137
Tableau 3-2 : Test de cointégration entre les séries ln(PWTIt) et ln(PSCOt)
(3-17)
(): Ecart-type
p[Normalité] = 0.069
où p[•] représente la p-value associée ici au test de normalité de Jarque-Bera.
De plus, nous ne pouvons pas rejeter l'hypothèse que la série de prix du WTI « cause
au sens de Granger » la série de prix du brut synthétique (cf. tableau 3-3).
Tableau 3-3 : Test de Causalité au sens de Granger entre les séries ln(PWTIt) et ln(PSCOt)
Hypothèse H0 F
ln(PWTIt) ne cause pas ln(PSCOt) au sens de Granger 4.87792***
ln(PSCOt) ne cause pas ln(PWTIt) au sens de Granger 2.47117*
Source : résultats des tests économétriques
Ce résultat met en évidence que le prix du WTI est « directeur » par rapport au prix du
brut synthétique, le volume des transactions sur le marché du WTI étant largement supérieur
au volume des contrats sur le brut synthétique.
Après avoir estimé le modèle de long terme, nous estimons un modèle à correction
d'erreur (MCE) entre les deux séries de prix, représentant la dynamique de court-terme autour
de l'équilibre de long terme estimé précédemment.
138
∆ln(PSCO t ) = 0.0241− 0.742× ∆ ln(PWTI t-2 ) − 0.736× ε LTt −1
( 0.0131) ( 0.413 ) ( 0.302 )
(3-18)
R2=0.165
s = 0.100
p[Normalité] = 0.357
p[AR(6)] = 0.946
p[AR(12)] = 0.983
Une étude statistique a ensuite été menée entre les investissements canadiens non
conventionnels in situ réalisés sur la période 1995-2008 et le prix du WTI, pour estimer la
relation entre niveau d'investissement et volatilité du prix de valorisation. L'estimation porte
uniquement sur les projets in situ, pour lesquels il existe un plus grand nombre d'observations.
Une série d’investissements in situ IINSITUt a été élaborée à partir des capacités de production
installées chaque année, publiées dans les rapports annuels des compagnies non
conventionnelles (exprimées en milliers de barils de bitume par jour ; cf. figure 3-1). La série
de prix PWTIt a été élaborée à partir des prix Platt’s annuels des contrats à terme (12 mois) à
Cushing, tandis que la série de la volatilité annuelle du prix du WTI VWTIt correspond à l'écart-
type annuel des variations de prix à terme (12 mois) hebdomadaires (publiés le deuxième jour
de la semaine). Les séries annuelles de prix du WTI et de volatilité sont présentées dans la
figure 3-2.
139
140
120
kb/j de bitume
100
80
60
40
20
0
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007
Figure 3-1 : Accroissements annuels des capacités de production non conventionnelle in situ
sur la période 1995-2008 (sources : rapports annuels des compagnies)
Figure 3-2 : Séries annuelles du prix du WTI (Cushing, terme à 12 mois) et de sa volatilité sur
la période 1995-2008 (source : Platt’s)
140
Le modèle économétrique suivant a été estimé, reliant le niveau d’investissement in
situ et le prix du WTI en niveau et volatilité :
(3-19)
R2=0.83
n=10
Période : 1985-2009
DW=1.83
Etant donné la faible taille des échantillons (10 valeurs après ajustement), la
significativité des valeurs des coefficients obtenus ne peut pas être justifiée et les coefficients
ne peuvent donc pas être réutilisés tel quels. La robustesse du modèle permet cependant de
valider les signes des coefficients, mettant en évidence un impact positif du prix du brut en
niveau observé deux années avant la mise en fonctionnement des nouvelles capacités sur
l'investissement, et un impact négatif du différentiel de volatilité du prix sur la stratégie
d'investissement observé une année avant. La relation négative entre investissement et
incertitude déterminée par notre analyse empirique est en accord avec les résultats de la
théorie économique sous l’hypothèse d’irréversibilité dans la décision d’investissement.
Dans cette section, nous avons validé empiriquement l’existence d’une fonction de
coût d’extraction en U du bitume canadien quelque soit la filière minière ou in situ considérée
et d’une relation négative entre le niveau historique d’investissement dans la filière in situ et
la volatilité du prix du WTI sous sa forme différentielle. La prochaine section est consacrée à
la description de la méthodologie de modélisation suivie au cours de ce travail de thèse.
141
3.3.1 Les déterminants de l’investissement
Deux modèles d’investissement distincts ont été élaborés au cours de cette thèse. Le
premier est un modèle d’optimisation sous contraintes en programmation linéaire dynamique.
Il permet d’effectuer une étude prospective de l’offre non conventionnelle tendancielle, à
partir de scénarios déterministes. Le second modèle, basé sur la programmation dynamique,
permet d’intégrer des fonctions non linéaires, et d’introduire plus aisément des scénarios
stochastiques sur l’évolution des paramètres pour simuler des comportements
d’investissement en présence d’incertitude. La description complète des modèles
d’investissement linéaire et en programmation dynamique, est détaillée dans les chapitres 4 et
5 respectivement.
A partir du modèle théorique développé par Jorgenson (1963), les travaux empiriques
ont abouti au début des années 1980 à l'élaboration du modèle « accélérateur-profit », basé sur
la croissance de la production et le taux de profit comme déterminants de l’investissement. Un
peu trop simplificateur, le modèle « accélérateur-profit » s’est amélioré en intégrant non plus
142
un taux de profit courant comme déterminant de l’investissement mais un taux différentiel
entre le taux de profit et le coût d'opportunité des fonds, évalué de manière intertemporelle à
partir des perspectives de profits futurs (Epaulard, 2001). Enfin, Epaulard (2001) propose de
considérer le profit non seulement comme la raison pour laquelle la firme investit, mais
également comme le moyen par lequel la firme peut investir. Des profits croissants permettent
à la firme de disposer de capacités d'autofinancement supplémentaires, et donc de limiter son
recours à des financements externes, comme l'endettement.
Certains auteurs ont mis en évidence une variation significative du capital à une
variation de son coût d'usage (Bua et al. (1991) sur des données françaises et Chirinko et al.
(1999) sur des données américaines, cités dans Crépon et Gianella (2001)) et plus récemment
un effet négatif du coût d'usage du capital sur la demande des facteurs de production des
sociétés françaises (Crépon et Gianella, 2001), en se limitant à une analyse de moyen terme.
D'autres auteurs se sont penchés sur l'impact de contraintes financières sur l'investissement
des firmes. Malgré les travaux théoriques de Modigliani et Miller (1958) qui concluaient à
une indifférence de la part de la firme à financer ses investissements à partir de ses fonds
propres (émissions d'actions ou rétention de profits) ou de fonds externes (endettement), la
littérature empirique tend à réfuter cette analyse (Crépon et Rosenwald, 2001; Duhautois,
2001 ; cités dans Epaulard, 2001).17 Les travaux de Fazzari et al. (1988) ont mis en évidence
l'influence des contraintes financières sur l'investissement, en obtenant un coefficient
accélérateur plus élevé pour les entreprises de petite taille. La différenciation des firmes par
leur taille est justifiée par le fait que les entreprises de petite taille sont supposées plus
contraintes financièrement que les entreprises de grande taille, car elles subiraient une plus
grande asymétrie d'information et seraient plus éloignées des marchés.
En pratique, l'hétérogénéité des situations individuelles des entreprises (taille, état des
stocks de capital effectif et désiré ; Caballero et Engel, 1998) aboutit à des stratégies
d'investissement diversifiées. Malgré l’intérêt de cette problématique, nous supposerons dans
nos modélisations que la structure de financement est identique pour toutes les compagnies du
secteur non conventionnel, puisque nous nous intéressons au comportement d’investissement
17
En particulier, les hypothèses considérées par Modigliani et Miller sur les conditions de marché
étaient restrictives, et n'ont pas été réalisées en pratique.
143
agrégé sur l’ensemble du secteur. Sur chaque période, une contrainte budgétaire
proportionnelle au profit généré lors de la période précédente sera introduite lors de la
calibration des modèles, pour représenter le potentiel d’autofinancement du secteur.
De l’irréversibilité sur le coût du capital a été introduite dans les deux modèles
d’investissement. Dans le cas du modèle d’offre tendancielle, le coût d’investissement est
comptabilisé dès la phase de construction, à partir d’un système d’amortissement en annuités
constantes proportionnel à l’investissement effectué mais indépendant du niveau de
production présent. Un coût fixe irrécupérable est également considéré en cas d’arrêt de
production non planifié. Enfin, le coût du capital est spécifique aux projets non
conventionnels, puisqu’aucune valeur de revente n’est envisagée en cas d’arrêt prématuré de
la production. Dans le modèle d’offre en programmation dynamique, un coût unitaire du
capital croissant a été introduit pour tenir compte de rendements de production décroissants.
Pour représenter au mieux les systèmes productifs existants, des contraintes sur les
capacités de production ont été introduites dans les deux modèles d’offre. Le niveau de
production peut s’accroître au cours des périodes grâce à des investissements incrémentaux. A
chaque début de période, les producteurs ont la possibilité d’investir dans de nouvelles
capacités de production, entrant en fonctionnement au début de la période suivante, pour tenir
compte du délai de construction. La flexibilité des producteurs reste toutefois limitée,
puisqu’ils ne peuvent investir que dans des capacités indivisibles de taille préalablement fixée,
avec une borne supérieure sur le nombre de projets lancés en parallèle au cours d’une même
période en raison des goulets d’étranglement.
144
Cependant, des scénarios sur l’évolution du coût marginal d’extraction du bitume
canadien vont être nécessaires pour les simulations prospectives. Leur élaboration s’avère
délicate puisque plusieurs facteurs peuvent interagir simultanément et déboucher sur un
impact net ambigu.
145
supérieure obtenue dans McDonald et Schrattenholzer (2001) et pourrait provenir d’un biais
méthodologique (Méjean et Hope, 2008 ; Cuddington et Moss, 2001), du fait qu’en pratique,
ce secteur a aussi profité des avancées technologiques du secteur charbonnier. Le taux
d’apprentissage réel est alors réduit si l’on ne tient plus compte de la production de bitume
miné seule mais plutôt de la production cumulée de charbon et de bitume miné.
Le potentiel de réduction des coûts grâce au progrès technique pourrait être limité par
l’instauration de réglementations environnementales plus contraignantes qui auraient pour
effet inverse d’augmenter les coûts de dépollution. Le coût marginal d’extraction pourrait
ainsi devenir croissant en fonction du temps sous l’effet de coûts environnementaux
supplémentaires (coût d’acquisition de l’eau non nul, hausse du coût unitaire de réhabilitation,
taxe CO2, investissement dans la capture et le stockage du CO2). Il pourrait également devenir
croissant en fonction de la production cumulée, sous l’effet de coûts environnementaux
supplémentaires marginalement croissants. De tels coûts pourraient intégrer la déséconomie
pécuniaire, propre aux ressources constituant des biens communs comme l'eau, qui apparaît
lorsque le coût d'approvisionnement d'un bien commun augmente du fait de la concurrence
existante pour son utilisation (Melton, 1982). Ils permettraient aussi d'intégrer un coût social
marginal croissant qui se justifie si l'on tient compte par exemple d'un effet cumulatif du CO2
dans l'atmosphère (Hope, 2006, cité dans Méjean et Hope, 2008).
146
technologies de dépollution reste conditionnée par leur date d’apparition à l’échelle
industrielle (Mc Kinsey&Company, 2008), également source d’incertitude (Pindyck, 2003).
Pour contourner cette difficulté, deux types de scénarios sur l’évolution des coûts de
production vont être construits de manière exogène aux modèles pour les simulations
prospectives. Un premier type de scénario « de Référence » permettra d’intégrer une fonction
de coût évoluant progressivement sans rupture de tendance par rapport au contexte actuel et
sans évolution technologique majeure. Un second type de scénario « Environnemental »
intégrera des coûts environnementaux supplémentaires liés au durcissement des
réglementations ou à la mise en production de nouvelles technologies de dépollution. Les
coûts unitaires de dépollution seront toutefois déterminés indépendamment du modèle à partir
d’une analyse préliminaire.
147
A l’issue de ce chapitre, une revue de littérature sur la théorie des ressources
épuisables et la théorie de la décision d’investissement a été menée afin de déterminer les
facteurs théoriques d’impact sur la décision d’investissement et les stratégies optimales de
production et d’investissement en découlant. Une analyse économétrique a permis de valider
deux résultats théoriques majeurs : la détermination d’une fonction en U du coût marginal
d’extraction du bitume canadien, sous l’effet prédominant du progrès technique en début de
période et de la difficulté croissante d’extraction en fin de période, et l’estimation d’un lien
négatif entre investissement non conventionnel et incertitude sur le prix de vente de la
ressource. Une analyse critique des déterminants de l’investissement et de la méthodologie de
modélisation de certains paramètres économiques clés a permis de valider l’élaboration de
deux modèles de décision d’investissement incrémental basés sur la programmation linéaire et
dynamique et de deux types de scénarios prospectifs. Le chapitre suivant est consacrée à la
description du modèle d’investissement linéaire dynamique, ainsi qu’à sa validation par
simulations rétrospectives.
148
Annexe 3.1 : Impact de l’incertitude des
prix sur la trajectoire optimale
d’extraction d’une ressource épuisable
(démonstration)
Les notations mathématiques utilisées dans cette annexe sont issues de Pindyck
(1980). Nous considérons un prix fluctuant autour de sa trajectoire tendancielle selon un
processus stochastique avec des incréments indépendants :
Où İ(t) est une variable aléatoire (résidus normaux non autocorrélés), avec une
moyenne nulle et une variance unitaire (z(t) est un processus de Wiener). L’équation implique
que l’incertitude sur le prix croît en fonction du temps, et que les fluctuations de prix
apparaissent de manière continue au cours du temps.
∞
∞
max E0 ³ [ p (t )q(t ) − c(q, R)]e − rt dt = E0 ³ π d (t )dt
q (t ) 0
0
(3-21)
Sous contraintes :
149
R = − q, R(0) = R0
p = αp, p (0) = p0
R(t ), q (t ) ≥ 0
(3-22)
∞
J = J ( R, p, t ) = max Et ³ π d (τ )dτ
q (τ ) t
(3-23)
φ (q, R, p, t ) = π d (t ) + L[ J ]
(3-24)
1
Où L est l’opérateur de Dynkin, défini par : L[ J ] = Et (dJ )
dt
∂ n
∂ 1 n n ∂2
L= + ¦ α i pi + ¦¦ pi p jσ ij
∂t i =1 ∂pi 2 i =1 j =1 ∂pi p j
(3-25)
1 ½
max{φ (q, R, p, t )} = max ®π d (t ) + Et (dJ )¾
q (t ) q (t )
¯ dt ¿
(3-26)
150
La théorie de la programmation dynamique stochastique permet de déterminer la règle
optimale q* à partir du théorème suivant :
si le prix p(t) est généré par un fort procédé de diffusion, avec π d (t ) strictement
concave par rapport à q(t), il existe un ensemble de variables de contrôle optimal, q*,
satisfaisant :
0 = max{φ (q, R, p, t )}
q (t )
(3-28)
1 ½
soit : 0 = max ®π d (t ) + Et (dJ )¾
q (t )
¯ dt ¿
(3-29)
∂J ∂J ∂J 1 2 2 ∂ 2 J ½
où encore : 0 = max ®π d (t ) + −q + αp + σ p ¾
q (t )
¯ ∂t ∂R ∂p 2 ∂p 2 ¿
(3-30)
∂π d ∂J
=
∂q ∂R
(3-31)
C’est-à-dire que le prix dual de la ressource doit toujours être égal au profit
incrémental qui pourrait être obtenu en vendant une unité supplémentaire.
∂π d ∂ 2 J ∂2J ∂ 2 J 1 2 2 ∂3 J
+ − q 2 + αp + σ p =0
∂R ∂R∂t ∂R ∂R∂p 2 ∂R∂p 2
(3-32)
151
L’équation (3-32), par le Lemme d’Itô, peut être réécrite :
∂π d 1 ∂J
+ Et d ( ) = 0
∂R dt ∂R
(3-33)
1
Pour éliminer J du problème, appliquons l’opérateur Et d () aux deux membres de
dt
l’équation (3-33) :
1 ∂π 1 ∂J
Et d ( d ) = Et d ( )
dt ∂q dt ∂R
(3-34)
1 ∂π ∂π
Et d ( d ) = − d
dt ∂q ∂R
(3-35)
L’équation (3-35) est juste une version stochastique de l’équation d’Euler du calcul
variationnel. Sous sa forme intégrale, cette équation indique que le profit marginal provenant
de la vente d’une unité de réserves doit juste égaler la somme de toutes les augmentations de
profit espérées actualisées qui résulteraient de la conservation d’une unité de réserves en terre.
∂c 1 1 ∂c ∂c
− r[ p (t ) − ] + Et dp − Et d ( ) =
∂q dt dt ∂q ∂R
(3-36)
152
∂c
En notant que Et dp = αpdt et en décomposant d ( ) en utilisant le Lemme d’Itô :
∂q
∂c ∂ 2c ∂ 2c 1 ∂ 3c
d( ) = 2 dq + dR + 3
(dq) 2 + o(t )
∂q ∂q ∂q∂R 2 ∂q
(3-37)
Où o(t) représente les termes qui s’annulent lorsque dtĺ0. Le long de la trajectoire
optimale q=q*(R,p) tel que :
∂q 2
Et (dq ) 2 = σ 2 p 2 ( ) dt + o(t )
∂p
(3-38)
1 1 ∂c ∂ 2 c ∂c 1 2 2 ∂q 2 ∂ 3c
Et dq = − 2 [(r − α ) p − r − q+ + σ p ( )
dt ∂ c ∂q ∂q∂R ∂R 2 ∂p ∂q 3
∂q 2
(3-39)
153
∂ 3c
ainsi réduire la hausse espérée de coût au cours du temps. Au contraire, si < 0 , le
∂q 3
contraire est valable, créant une incitation à ralentir la production.
Par ailleurs, l’incertitude sur le prix de la ressource implique un nouvel impact sur le
rythme de production, en tenant compte du fait que le producteur peut ne pas produire du tout.
En effet, si le prix actuel ou espéré est inférieur au coût d’extraction pour chaque unité
marginale de ressource, le producteur peut garder l’unité dans le sol indéfiniment, tout en
maintenant l’option de l’extraire sur une période future sous la condition qu’un accroissement
(aléatoire) suffisant de prix apparaisse. Alternativement, en supposant que la production d’une
unité de ressource soit tout juste rentable, sous la condition d’un prix futur suffisamment
incertain, cela crée une incitation à garder la ressource dans le sol, puisqu’en cas de réduction
de prix, la seule perte serait le profit limité (non réalisé), tandis que si le prix augmentait,
l’extraction pourrait apporter un profit relativement élevé. Cela indique que l’incertitude sur
les prix futurs crée une incitation à ralentir la production. Pour la démonstration, supposons
∂c ∂ 3 c ∂c
que (0, R) > 0 , et supposons pour simplifier que = = 0 . En considérant la valeur
∂q ∂q 3 ∂R
actuelle d’une unité marginale de réserves pouvant être extraite au temps t, en avenir certain,
cette valeur s’écrit :
∂c ½
V = max ®0, ( p − )e −rt ¾
¯ ∂q ¿
(3-40)
∂c
C’est-à-dire que l’extraction de l’unité n’aura lieu que si p (t ) > . De plus, cette
∂q
dV
valeur est constante au cours du temps, c’est-à-dire que = 0 . En considérant maintenant
dt
un prix incertain, la valeur actuelle de l’unité marginale est égale à la valeur espérée du terme
de droite de l’équation (3-40). En considérant le taux de variation espéré de cette valeur,
puisque que le terme de droite de l’équation (3-40) est une fonction convexe par rapport à p,
l’inégalité de Jensen permet d’obtenir :
154
1 1 ∂c ½
E0 dV = E0 max ®0, d [( p − )e − rt ]¾
dt dt ¯ ∂q ¿
1 1 ∂c ½
E0 dV > max ®0, E0 d [( p − )e −rt ]¾ = 0
dt dt ¯ ∂q ¿
(3-41)
155
Chapitre 4 : Modélisation de l’offre
tendancielle
157
4.1 Structure générale du modèle d’offre linéaire
t : période
T : date finale d’exploitation
158
X t : production cumulée à la période t
π t : profit à la période t
pt : prix de la ressource à la période t
T ½
Max
X t , Kt
®¦
¯ t =0
π t ( pt , cv t , c f t , X t , K t )¾
¿
(4-1)
159
Sous contraintes :
∀t ∈ [0, T ] :
°
° X t ≥ 0;
°T
°¦ X t ≤ S 0 ;
° t =0
®
° K t ≥ 0;
° t −1 t
° X t − (¦ K n − ¦ K Dn ) ≤ 0;
° n =0 n =0
°c .K ≤ λ .( p . X )
¯ ft t CA t −1 t −1
(4-2)
La fonction de profit actualisée est égale au revenu lié à la vente de la ressource net
des coûts de production, incluant les coûts opératoires variables et le coût du capital. Les
dépenses d’investissement sont déboursées par annuités constantes, pendant trois périodes
consécutives. Les paramètres économiques peuvent varier sur les périodes.
160
capacités et de budget. Puisque la ressource exploitée est épuisable, la somme des productions
cumulées sur l’ensemble des périodes considérées doit être inférieure ou égale au stock de
ressources disponibles à la date initiale t0. De plus, à chaque période t, la production est
bornée par la capacité installée cumulée de t0 à t-1 diminuée des capacités de production en
fin de vie déclassées en début de période t. Les capacités de production constituent un stock
de capital qui n'est pas parfaitement variable et qui ne peut pas s'ajuster instantanément et sans
coût. Le décalage d’une période entre l’investissement et le fonctionnement effectif d’une
nouvelle capacité permet de tenir compte du délai de construction. Enfin, l'investissement à
chaque période est limité par une contrainte budgétaire fonction du chiffre d'affaires dégagé
sur la période précédente. Le montant de l'investissement effectué sur la période t est ainsi
borné par une fraction ȜCA du revenu brut obtenu à la période précédente t-1.
Une contrainte supplémentaire de positivité des royalties nettes (calculées à partir des
revenus nets des coûts de production) sur chaque période a également été introduite. En effet,
l’obtention de royalties nettes négatives sur la totalité d’une période (ici 5 années) apparaît
irréaliste, puisque le périmètre du modèle d’offre porte sur le secteur non conventionnel
global. Par ailleurs, cette contrainte de positivité est nécessaire pour nous permettre de
modéliser en pratique un système flexible de paiement entre les royalties brutes et nettes.
161
taker » des firmes non conventionnelles, étant donné que le secteur des sables asphaltiques est
suffisamment petit comparé au marché pétrolier mondial pour ne pas impacter le prix de vente
du pétrole brut (1.7% de l'offre pétrolière mondiale en 2009; BP Statistical Review of World
Energy, 2010).
Nous supposons pour une meilleure représentativité industrielle que les capacités de
production sont indivisibles. Les variables de production et d’investissement ne peuvent
prendre que des valeurs entières, proportionnellement à une capacité de référence déterminée
au préalable lors de la phase de design technico-économique. L’hypothèse de continuité des
capacités s’avère en effet trop simplificatrice et pourrait résulter sur des stratégies de
développement sur-optimales. Les producteurs ont donc la possibilité d’investir dans plusieurs
projets ayant chacun la même capacité de référence fixée préalablement, et le nombre de
projets correspond à la valeur de la variable entière d’investissement. De même, la variable
entière de production est égale au nombre de projets en fonctionnement. L’introduction de
variables entières nous a également permis de modéliser un système flexible de paiement
entre les royalties brutes et nettes en conservant l’outil de programmation linéaire plus
maniable que les codes de programmation non linéaire (Saint-Antonin, 2000).
Notre modèle devient ainsi un problème de programmation entière mixte qui nécessite
une méthode de résolution différente de celle utilisée en programmation linéaire. Nous
renvoyons le lecteur intéressé à l’annexe 4.1 en fin de chapitre, qui décrit la procédure
arborescente utilisée pour la résolution de notre modèle.
162
4.2 Structure détaillée du modèle d’offre linéaire
Après avoir exposé la structure générale du modèle d’offre linéaire, nous présentons
dans cette section sa structure détaillée.
Chacune des trois technologies intègre plusieurs unités productives. La chaîne globale
d’extraction de bitume par technologies minières inclut :
- une unité d’extraction du minerai par des équipements miniers mobiles (camions et
pelles hydrauliques) et de concassage du minerai
- une unité d’hydrotransport du minerai
- une unité de séparation du bitume
- une unité de purification du bitume par centrifugation
- une unité de dilution pour le transport
- et une unité de stockage des déchets (étangs de décantation des déchets liquides).
163
La technologie d’upgrading inclut :
Les unités de production des utilités ainsi que les unités annexes de traitement des
eaux (filtration et déminéralisation en amont de la production, traitement et recyclage des
eaux usées en aval de la production) ont également été modélisées pour inclure leurs coûts de
fonctionnement dans le coût opératoire complet des filières non conventionnelles.
Une unité « chaudière à gaz naturel » a été introduite pour la production combinée de
vapeur basse pression/moyenne pression (BP/MP) et d’eau chaude. La vapeur BP/MP est
utilisée dans l’unité de purification du bitume par centrifugation ainsi que dans trois unités
d’upgrading (distillation atmosphérique et sous vide, et unité Claus).
Une unité « chaudière à gaz naturel à rendement amélioré » a été modélisée pour la
production de vapeur haute pression (HP), utilisée pour l’injection de vapeur in situ et dans
les unités de cokéfaction retardée et d’hydrotraitement.
En outre, une unité « cycle combiné à gaz naturel » a été introduite pour la production
d’électricité. En pratique, l’utilisation de la cogénération pour la production associée de
vapeur et d’électricité devient de plus en plus répandue, puisqu’elle permet de réduire les
coûts opératoires et d’améliorer le bilan CO2. Cependant, cette alternative n’a pas été
considérée dans notre modélisation par manque de données techniques et économiques.
164
Enfin, trois unités de traitement des eaux ont été intégrées : une unité de filtration et
une unité de déminéralisation, pour la production d’eau de refroidissement et d’eau purifiée
pour le fonctionnement des chaudières, ainsi qu’une unité de traitement et de recyclage des
eaux usées en aval de la production.
Les unités productives modélisées par filière (extraction minière, in situ et phase
d’upgrading) sont schématisées sur la figure 4-1. Les notations des produits et des unités de
production utilisées dans le modèle d’offre linéaire sont synthétisées dans l’annexe 4.2 en fin
de chapitre.
165
Technologie d’extraction minière
Stockage déchets
liquides
Reformage
du méthane
Technologie d’upgrading
Essence H2
Kérosène
Gazole
Bitume Récupération Distillation Hydrotraitement SCO
dilué diluant atmosphérique naphta-gasoil Unités de blending
Residu Essence
atm. Gazole Essence, Kérosène,
Gazole, Distillats sous
Distillation Hydrotraitement vide
sous vide distillats sous vide
Residu C3C4
sous vide Distillat H2S GPL
Liquéfaction
Cokéfaction Unité Claus C3C4
H2S
Production des utilités C3C4
Coke
Vapeur MP/MP
Chaudière à gaz
Gaz
naturel Vapeur HP
Chaudière à gaz
rendement amélioré
Electricité
Cycle combiné à gaz
166
Les deux technologies d’extraction k (k=1 pour la technologie minière, k=2 pour la
technologie in situ) ne rentrent pas explicitement en compétition dans notre modélisation, car
elles permettent de produire deux stocks de ressources distincts S0k, selon la profondeur des
gisements (S01 pour une profondeur inférieure à 75 mètres ; S02 pour une profondeur
supérieure à 75 mètres). Elles peuvent être couplées à l’étape d’upgrading pour produire du
pétrole brut synthétique, ou fonctionner indépendamment auquel cas le produit fini sera du
bitume. Malgré la forte diversité des produits obtenus en pratique, en termes de composition
(mélange bitume/diluant, bitume/brut synthétique, diluant/bitume/brut synthétique ; cf.
paragraphe 2.1.4.2) ou de qualité (degré API, teneur en soufre), nous nous limiterons à la
valorisation des deux produits bitume dilué (qualité Lloyd Blend) et pétrole brut synthétique
(qualité Syncrude Sweet Blend), destinés respectivement aux raffineries lourdes dotées
d’unités de conversion profonde et aux raffineries légères ou medium.
Dans la section précédente, les quatre types suivants de contraintes avaient été
introduits dans notre modélisation :
167
- La contrainte de positivité des royalties nettes.
L’ensemble des contraintes et bilans matière du modèle, définis à partir des notations
suivantes, est synthétisé dans le tableau 4-1.
Notations :
168
Tableau 4-1 : Contraintes et équations de bilans matière du modèle d’offre linéaire
169
4.2.3 Description de la fonction objectif
Etant donné que nous ne disposions pas de données d’investissement pour chacune des
unités de production, nous avons introduit un coût du capital global par projet de référence.
Les dépenses d’investissement sont déboursées par annuités constantes, calculées à partir des
techniques de calcul économique (Babusiaux, 1990, p.166 ; Babusiaux et Lantz, 1993). En
considérant les notations suivantes :
It : montant de l’investissement
d : durée de vie économique des unités
r : taux d’actualisation
ANt : annuité constante du coût du capital
bt : indice de la première année de la période t
It
AN t = nt
1 1
(1 + r ) bt
¦ (1 + r )
k =1
k
(4-12)
170
Deux types de royalties sont évalués. Les royalties brutes sont déterminées à partir du
taux de royalties brutes et du profit brut. Les royalties nettes sont déterminées à partir du taux
de royalties nettes et du profit net des couts de production (coûts environnementaux inclus) et
des royalties brutes. La durée moyenne de récupération des coûts (payout time) est ensuite
évaluée pour sélectionner le type de royalties versées par le producteur. L’équivalent
monétaire du payout time correspond au revenu brut net des coûts d’extraction et des royalties
brutes augmenté du taux des obligations fédérales à long terme (Long Term Bond Rate).
Lorsque la valeur monétaire du payout time est négative ou nulle (avant récupération des
coûts), le producteur devra verser les royalties brutes. En revanche, lorsque cet équivalent est
strictement positif, le producteur devra alors verser les royalties nettes. Le profit net sera
calculé avant impôt sur le revenu.
Nous supposons que les firmes productrices suivent un comportement myope et basent
leur décision d’investissement sur les prix observés. Le produit peut être valorisé au prix du
bitume s’il est vendu juste après l’étape d’extraction ou au prix du brut synthétique après
l’étape d’upgrading. En effet, la stratégie d'intégration verticale du producteur dépend d’un
arbitrage entre le différentiel de prix bitume/brut synthétique et le coût de production complet
incluant coût du capital et coûts opératoires liés à l’étape d’upgrading. Sur chaque période,
nous ferons l’hypothèse d’un prix de valorisation constant à partir du prix observé sur le
marché et lissé sur quelques années avant la prise de décision.
171
un premier temps une synthèse des paramètres économiques évalués au préalable à partir de
diverses sources de publications et fixés dans la modélisation. Nous présentons ensuite les
résultats d’estimation des paramètres économiques coûts et prix obtenus lors des simulations
rétrospectives. Une analyse comparative avec des données d’observations permet de valider
leur significativité. Nous décrivons dans un second temps les trajectoires rétrospectives de
production et d’investissement simulées par notre modèle. Une analyse comparative nous
permet de conclure que les trajectoires simulées représentent correctement le comportement
d’investissement et de production passé dans le secteur non conventionnel canadien. Enfin,
une analyse statique à horizon 2005 de la structure d’approvisionnement du marché nord-
américain nous permet d’évaluer le degré d’intégration de la production non conventionnelle
dans l’approvisionnement global du raffinage nord-américain et sa contribution aux émissions
de CO2 du secteur aval nord-américain.
Le versement des royalties est inclus dans le calcul du profit net. Avant récupération
des amortissements et des coûts d’exploitation, les royalties sont calculées à partir du revenu
brut, avec un taux de royalties brutes égal à 5% sur la période 1980-1999 (système fiscal fixe
appliqué de 1980 à 1996; Plourde, 2009) et à 1% sur la période 2000-2005 (système fiscal
fixe appliqué de 1997 à 2007; Plourde, 2009). Après récupération des coûts, les royalties
brutes sont déterminées comme précédemment à partir du revenu brut tandis que les royalties
nettes correspondent à 30% et 25% respectivement des revenus nets sur les périodes 1980-
1999 et 2000-2005 (Plourde, 2009). Le producteur est alors tenu de verser le montant
maximum entre les royalties brutes et nettes. Les valeurs du taux des obligations fédérales à
long terme (LTBR) utilisées pour calculer la durée de récupération des coûts sont disponibles
sur la période 1996-2009 (Gouvernement de l’Alberta, 2009a) et sont présentés dans le
tableau 4-2. Dans le modèle linéaire, nous avons choisi d'introduire deux valeurs moyennes,
égales à 7% et 4% respectivement sur les périodes 1980-1999 et 2000-2005 (hypothèse
utilisée dans Rémillard et Masson (1996) et Plourde (2009)).
172
Tableau 4-2 : Valeurs historiques du taux des obligations fédérales à long terme sur la période
1996-2009
Année 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
LTBR (%) 7.75 6.66 5.59 5.72 5.71 5.76 5.68 5.34 5.14 4.4 4.28 4.32 4.05 3.88
Source : Gouvernement de l’Alberta, 2009a
Des données sur le coût des fonds propres sont disponibles pour l'ensemble du secteur
non conventionnel canadien (Skinner, 2005; Lacombe et Parsons, 2007) et pour les
compagnies pétrolières internationales cotées en bourse présentes dans le secteur (rapports
d’analystes financiers). Ces données sont présentées dans le tableau 4-3.
Tableau 4-3 : Coût des fonds propres du secteur non conventionnel canadien et de
compagnies pétrolières internationales sur la période 1996-2008
173
Nous supposons que le taux d'endettement reste constant sur la période 1996-2008 à
45%, tandis que le coût de l'emprunt est égal au taux des obligations fédérales à long terme
majoré de 1% (Gouvernement de l’Alberta, 2009a). En considérant la valeur moyenne du coût
des fonds propres du secteur global, égale à 12%, et un taux d'imposition des sociétés de 45%
(16% de taxe provinciale et 29% de taxe fédérale; Plourde, 2009) nous obtenons un taux
d'actualisation à 8%, en accord avec le taux généralement utilisé pour les projets énergétiques.
Les valeurs du taux de change monétaire $CAN/$US par période est estimée à partir
des valeurs moyennées sur chaque période des taux annuels (Banque du Canada, 2009). Elles
sont décrites dans le tableau 4-4.
Tableau 4-4 : Valeurs du taux de change monétaire $CAN/$US sur la période 1980-2005
Sur les 1600 milliards de barils de bitume en place en Alberta, 178 milliards de barils
seraient récupérables à partir des technologies actuelles (The Oil Sands Developers Group,
2011). En 2009, environ 3% des réserves récupérables ont été produits depuis l'exploitation
des sables asphaltiques (ERCB, 2007, p.3). 18% des réserves récupérables seraient
exploitables par techniques minières, tandis que les 82% restants seraient exploitables par
techniques in situ (The Oil Sands Developers Group, 2011). Pour les simulations
rétrospectives, le stock de ressources disponibles pour l'extraction minière et in situ est ainsi
estimé à 32 milliards et 146 milliards de barils de bitume respectivement.
174
4.3.1.5 Coefficient d’autofinancement
Le coût unitaire du capital pour un projet de référence permet de couvrir les dépenses
d’investissement dans les nouvelles unités ainsi que les dépenses liées aux off-sites.
Historiquement, les projets d’upgrading ont été développés pour améliorer la qualité et
la valorisation de la production pétrolière minière, puisque les capacités des projets in situ
historiques étaient trop faibles pour justifier économiquement la construction d’upgraders
dédiés. Entre 1980 et 2005, les projets miniers historiques ont donc été progressivement
intégrés à l’étape d’upgrading. Sur les périodes 1980 et 1990, nous ne disposons que de
montants d’investissement liés à des projets d’extraction minière non intégrés, tandis qu’à
partir de l’année 2000, les montants obtenus correspondent à des projets miniers intégrés. La
175
taille importante des projets miniers développés au début de la décennie 2000 et
l’accroissement progressif du différentiel de prix entre le bitume et le brut léger ont
probablement incité les producteurs à suivre une stratégie d'intégration verticale en
investissant dans des capacités d'upgrading. La valeur d’investissement manquante sur la
période 1985 est estimée par défaut à partir de l’investissement observé sur la période
précédente, tandis que la valeur d’investissement manquante à l’année 1995 correspond par
défaut à l’investissement observé sur la période suivante, incluant l’étape d’upgrading.
Pour la technologie d’extraction in situ, nous n’avons pas pu obtenir de données sur
les investissements effectués entre 1985 et 1995. Les projets in situ développés sur cette
période reposaient exclusivement sur la technologie « Cyclic-Steam-Stimulation » (CSS) et
nécessitaient des investissements moins importants que ceux observés pour l’extraction
minière, mais supérieurs à ceux des technologies conventionnelles. A partir de l’année 2000,
les données obtenues correspondent à des projets industriels in situ SAGD sans intégration à
l’étape d’upgrading.
Les tableaux 4-5 et 4-6 synthétisent pour chaque technologie minière et in situ et
chaque période de décision t, la description du projet (date de démarrage, investissement,
capacité) correspondant à l’investissement observé ainsi que le coût du capital observé normé
pour un projet de référence de 50000 b/j. Nous présentons également les valeurs de coût du
capital d’un projet de référence estimées par le modèle lors des simulations rétrospectives
ainsi que l’erreur relative entre valeur observée et estimée. Les coûts sont exprimés en million
de dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2000). De 1980 à 1990, les projets
miniers n’incluent que la phase d’extraction minière, tandis qu’ils sont intégrés à l’étape
d’upgrading à partir de 1995. Les projets in situ relevés n’incluent que la phase d’extraction.
176
Tableau 4-5 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des projets
miniers et miniers intégrés sur la période 1980-2005 (PL)
Période Projet; date de démarrage Investissement Capacité Coût du capital Estimation Erreur relative
observé observé modèle estimé/observé
M$CAN kb/j M$CAN /projet M$CAN /projet
de référence de référence
1980 Extension n°1 projet Base, 356 13 1369 1300 -0.050
Suncor ; 1981
1985 n.d. 1300 -0.050
1990 Extension projet North Mine, 496 21.6 1148 1200 0.045
Syncrude; 1997
1995 Phase 2 projet Aurora et 7342 216.3 1697 1700 0.002
extension upgrader 1, Syncrude ;
2006
2000 Phase 2 projet Aurora et 7342 216.3 1697 1700 0.002
extension upgrader 1, Syncrude ;
2006
2005 Phase 1 projet intégré Horizon, 8109 135 3003 3000 -0.001
CNRL ; 2008
2010 Phase 1 projet Kearl, Imperial 6688 110 3040 -0.013
Oil; 2012
Sources : Suncor, 2008a ; Humphries, 2008 (p.8-9); CNRL, 2009 ; Imperial Oil, 2009 ;
estimations des simulations rétrospectives PL
Tableau 4-6 : Comparaison des valeurs de coût du capital observées et estimées des projets in
situ sur la période 1985-2005 (PL)
Période Projet; date de Investissement Capacité Coût du capital Estimation Erreur relative
démarrage observé observé modèle estimé/observé
M$CAN kb/j M$CAN /projet M$CAN /projet
de référence de référence
1985 n.d. 680
1990 n.d. 680
1995 n.d. 680
2000 Phases 1 et 2 projet 961 70 686 800 0.166
MacKay River,
PetroCanada ; 2002
Phase 1 projet Firebag, 574 33 870 -0.080
Suncor ; 2004
Phase 2 projet Firebag, 482 35 689 0.161
Suncor ; 2006
2005 Projet Tucker Lake, 437 30 728 780 0.071
Husky Energy ; 2006
Great Divide Pod one, 171 10 855 -0.088
Connacher; 2007
Jackfish, Devon ; 2008 543 35 776 0.005
Estimation CERI, 2004 797 -0.021
Sources : PetroCanada, 2008 ; Suncor, 2009 ; Husky, 2009 ; Connacher, 2008 ; Devon, 2009 ;
estimations des simulations rétrospectives PL
177
Pour la technologie d’extraction minière, les estimations du coût du capital obtenues
lors des simulations rétrospectives sont comparables aux observations. L’écart relatif entre les
valeurs estimées et observées n’excède pas 5% sur la période considérée.
De même, les estimations du coût du capital in situ sont satisfaisantes, avec des écarts
relatifs entre valeurs estimées et observées inférieurs à 9% (l’investissement lié à la phase 1
du projet Firebag de Suncor démarrée en 2004 est considéré comme l’investissement de
référence de la période 2000, puisqu’il correspond à une première phase de développement).
Les investissements in situ estimés sur les périodes 1985, 1990 et 1995 restent constants à 680
M$ entre 1985 et 1995, puis augmentent sur les périodes suivantes. Ces estimations
permettent de modéliser correctement l’évolution des investissements associée à la rupture
technologique amorcée en 2000, avec la commercialisation à l’échelle industrielle de la
technologie in situ SAGD, tout en conservant le caractère capitalistique des projets non
conventionnels (en comparaison aux technologies conventionnelles) dans un contexte de prix
du bitume déprécié.
Les coûts opératoires intègrent les coûts fixes d’exploitation (main d’œuvre,
maintenance) et les coûts opératoires variables. Pour des raisons pratiques, les coûts fixes
178
d’exploitation ont été définis par unité de charge traitée. Les coûts opératoires variables
considérés dans l’analyse rétrospective comprennent les coûts d’approvisionnement en
matières premières et énergétiques (gaz naturel, hydrocarbures légers de dilution, carburants
diesel, catalyseurs), les coûts de traitement des eaux et les coûts de transport.
∆Ct
Cmt ( z ) = ( z ) : coût marginal opératoire (exprimé en dollar canadien par baril de
∆X t
bitume) pour la technologie z (minière, in situ et d'upgrading)
Avec :
Ct(z): coût opératoire moyen de la période t de la technologie z (en dollar canadien)
Xt(z): production cumulée de la période t de la technologie z (en barils de bitume)
Les coûts marginaux sont exprimés en dollars canadiens, en monnaie constante (base
100=2000). Les données pour la technologie minière sont disponibles sur la période 1980-
2008, tandis que les données pour les technologies in situ et d'upgrading sont disponibles sur
la période 1998-2008. Nous faisons l'hypothèse supplémentaire que les coûts opératoires sont
constants sur une période.
Sur la dernière période 2005, d’autres sources ont été consultées. Des données
industrielles ont été obtenues à partir des rapports annuels de Suncor et Syncrude (Suncor,
2003-2004 ; Syncrude, 2003-2004) tandis que des données institutionnelles ont été obtenues à
partir des publications de l’ONE (2006) et de Sanière et al. (2005, p.20). Les coûts opératoires
observés et estimés par le modèle pour les technologies minière et in situ sont présentés dans
les tableaux 4-7 et 4-8 respectivement. Nous avons choisi de reporter les données CAPP
179
moyennées sur les périodes t-1 et t pour lisser l’évolution des coûts. En 2005, le coût estimé
est directement comparé à la valeur lissée CAPP.
Tableau 4-7 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés miniers, période
1980-2005 (PL)
Coûts CAPP lissés t-1/t, Suncor, Syncrude, ONE, 2006 IFP, 2005 Estimation Erreur relative
opératoires 2009 2003-2004 2003-2004 modèle estimé/observé
$CAN/b bitume
1980 37.1 40 0.078
1985 25.7 25.7 0.000
1990 15.4 14.9 -0.032
1995 12.3 12.1 -0.016
2000 12.1 11.8 -0.025
2005 15.9 16-17 16.9-19.6 16-19.6 11.6-15.2 15.9 0.000
Sources : CAPP, 2009a ; Suncor, 2003-2004 ; Syncrude, 2003-2004 ; ONE, 2006 ; Sanière et
al., 2005 ; estimations des simulations rétrospectives PL
Tableau 4-8 : Comparaison des coûts opératoires agrégés observés et estimés in situ, période
1985-2005 (PL)
Coûts CAPP lissés t-1/t, Suncor, ONE, 2006 IFP, 2005 Estimation Erreur relative
opératoires 2009 2003-2004 modèle estimé/observé
$CAN/b bitume
1985 6.8
1990 5.8
1995 4.9
2000 4.8 4.8 0.000
2005 7.0 21.5-25.1 9-12.5 6.7-9.8 8.7 0.243
Sources : CAPP, 2009a ; Suncor 2003-2004 ; ONE, 2006 ; Sanière et al., 2005 ; estimations
des simulations rétrospectives PL
Dans le cas de la technologie minière, les estimations sur les coûts opératoires sont
satisfaisantes (erreurs relatives inférieures à 7.8%) sur l'ensemble des périodes. La diminution
progressive des coûts opératoires miniers estimés entre 1980 et 2000 est représentative des
effets du progrès technique (réduction des coûts de maintenance et énergétiques).
Sur la dernière période 2005, les données observées peuvent être significativement
différentes selon les sources. Ainsi, les coûts opératoires à l’année 2005 sont compris entre
11.6 et 15.9 $/b d’après la CAPP ou Sanière et al., tandis qu’ils atteignent 16 à 19.6 $/b
d’après Suncor, Syncrude ou l’ONE. Le coût opératoire estimé par le modèle est de 15.9 $/b
180
et correspond à la valeur lissée CAPP. Les différences entre les coûts publiés par les
organismes proviennent en partie de l’utilisation de règles comptables différentes
(introduction des coûts administratifs et de recherche et développement dans les coûts
opératoires publiés par Suncor). De plus, la hausse des coûts opératoires subie par les deux
firmes provient de coûts de maintenance et d’approvisionnement en gaz naturel plus élevés,
liés à de longs arrêts de production non planifiés et à la hausse du prix du gaz naturel sur le
marché canadien AECO.
Lors des tests de simulations rétrospectives, le degré d'intégration des projets a été fixé
de manière exogène au modèle à partir des observations (cf. paragraphe 4.3.2.1). L’exogénéité
des stratégies d’intégration est une des limites de notre modélisation, mais il aurait été
relativement difficile de les endogénéiser. D’une part, la structure de notre modèle est déjà
complexe dans le sens où la description du problème est dynamique avec des paramètres
économiques variables en fonction des périodes. La calibration s’est avérée délicate puisque
la variation d’un paramètre à une période t modifie la fonction de profit intertemporelle et par
conséquent la stratégie optimale globale sur l’ensemble des périodes considérées. D’autre
part, l’actualisation des flux monétaires rend l’analyse de sensibilité difficile, puisque le poids
des investissements dans la fonction de profit est différent selon la période. Ainsi, une
variation marginale du montant d’investissement en début de période impactera plus
lourdement la fonction de profit qu’une variation marginale en fin de période.
181
Enfin, les tests de calibration ont mis en évidence des valeurs de profit à l’optimum
parfois relativement similaires (<0.5%) malgré des stratégies d’investissement différentes
(>100 kb/j). La linéarité des fonctions et des contraintes nous assure l’unicité de la solution
optimale dans chaque configuration, mais nous ne pouvons pas nous affranchir d’un écart
entre la valeur du profit à l’optimum estimée par un algorithme de résolution en
programmation entière mixte et un algorithme de résolution relâché, ce qui rend le modèle un
peu plus instable qu’en programmation linéaire.
D’après les remarques présentées dans la sous-section 2.2.2, nous avons supposé que
les producteurs suivent un comportement myope et basent leur décision d’investissement sur
les prix observés, lissés sur l’année en cours et l’année précédent la prise de décision. Le
lissage des prix sur deux années nous a semblé pertinent pour s’affranchir des fluctuations de
prix pouvant apparaître entre deux années consécutives et planifier les investissements à partir
d’une tendance moyenne plus représentative. En particulier, sur les deux dernières périodes
2000 et 2005, les producteurs ont sans doute eu intérêt à planifier leurs investissements en se
basant sur un prix plus conservatif, pour limiter leur prise de risque dans un contexte moins
favorable. L’utilisation de prix observés sur les marchés à terme (contrats à 12 mois par
exemple) aurait été pertinente, puisque les prix forward sont formés à partir des anticipations
des acteurs du marché. Mais peu de données sur le prix forward du bitume étaient disponibles
et nous avons donc préféré utiliser deux séries de prix du bitume et du brut synthétique
comparables observées sur les marchés spot.
Pour les premières périodes 1980 et 1985, nous ne disposons pas de données de prix
du bitume. Celui-ci a été reconstitué à partir du prix d'un brut léger conventionnel, le Brent,
observé sur le marché (données Datastream) moyenné sur les années 1979-1980 et 1984-1985
respectivement et d'un différentiel de prix par rapport au prix du Brent lié à la qualité
(réduction de 40%, adapté de Joseph et Gunton (2010) et Lacombe et Parsons (2007, p.34)).
Sur la période 1990-2005, la série de prix du bitume observé correspond au prix spot
Lloyd Blend (EIA, 2009b). Les prix annuels ont été obtenus à partir de données
hebdomadaires moyennées par mois puis par année. Sur la période 1995-2005, nous utilisons
comme valeur d’observation du prix du pétrole brut synthétique le prix spot Syncrude Sweet
182
Blend (EIA, 2009b). Les prix annuels ont été obtenus à partir de données mensuelles
moyennées.
Les résultats comparatifs entre prix observés et estimés lors des simulations
rétrospectives sont présentés dans les tableaux 4-9 et 4-10. Les prix sont exprimés en dollars
US en monnaie constante (base 100=2000).
Tableau 4-9 : Comparaison des prix observés et estimés pour les technologies minière et
minière intégrée, période 1980-2005 (PL)
Période de décision Données d'observation Prix observés Prix estimés Erreur relative
estimé/observé
$US(2000)/b $US(2000)/b
1980 Brent moyenné 1979-1980 – 40% différentiel qualité 47.6 48 0.008
1985 Brent moyenné 1984-1985 – 40% différentiel qualité 26.1 26.1 0.000
1990 Canadian Lloyd Blend 1989-1990 16.6 17.3 0.042
1995 Syncrude Sweet Blend 1994-1995 22.6 22.6 0.000
2000 Syncrude Sweet Blend 1999-2000 36 35.1 -0.025
2005 Syncrude Sweet Blend 2004-2005 57.5 56.8 -0.012
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; estimations des simulations rétrospectives PL
Tableau 4-10 : Comparaison des prix observés et estimés pour la technologie in situ, période
1985-2005 (PL)
Période de décision Données d'observation Prix observés Prix estimés Erreur relative
estimé/observé
$US(2000)/b $US(2000)/b
1985 Brent moyenné 1979-1980 – 40% différentiel qualité 26.1 26.1 0.000
1990 Canadian Lloyd Blend 1989-1990 16.6 16.6 0.000
1995 Canadian Lloyd Blend 1994-1995 15.3 15.0 -0.020
2000 Canadian Lloyd Blend 1999-2000 22.9 22.9 0.000
2005 Canadian Lloyd Blend 2004-2005 26.4 26.4 0.000
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; estimations des simulations rétrospectives PL
183
L’estimation par notre modèle des prix de valorisation du bitume et du brut
synthétique est très satisfaisante. Pour les technologies minière et in situ, les prix de
valorisation estimés par le modèle sont similaires aux prix lissés observés sur les marchés
(erreur relative inférieure à 4.2% et à 2.0% respectivement).
Les trajectoires de production simulées par le modèle d’offre sont représentées sur les
figures 4-2 et 4-3 pour la technologie minière et in situ respectivement. Initialement égale à
127.7 kb/j de bitume en 1980, la production minière simulée augmente progressivement à 209
kb/j en 1990 avant de s’établir à 543.7 kb/j en 2005. La production in situ simulée,
initialement égale à 44.6 kb/j de bitume en 1985, augmente à 135.4 kb/j en 1990 avant de
s’établir à 440.4 kb/j en 2005.
Les erreurs statistiques d’estimation sur les variables de production, présentées dans
les tableaux 4-11 et 4-12 pour la technologie minière et in situ respectivement, indiquent que
les stratégies historiques observées sont correctement modélisées. Les écarts relatifs entre la
production minière historique et estimée sont inférieurs à 9% en valeur absolue et atteignent
en moyenne 4.4% sur l’ensemble de la période considérée 1980-2005. Les écarts relatifs entre
production in situ historique et estimée sont inférieurs à 13.2% en valeur absolue et atteignent
en moyenne 5.0% sur l’ensemble de la période considérée 1985-2005. Les légers écarts
d’estimation proviennent de la discrétisation du modèle d’offre, les variables de production
simulées ne pouvant prendre que des valeurs entières.
184
600
Tableau 4-11 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière (PL)
185
600
Figure 4-3 : Simulations rétrospectives de la production in situ sur la période 1985-2005 (PL)
Tableau 4-12 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ (PL)
186
4.3.3.2 Evolution des coûts de production
L’évolution des coûts de production obtenus sur les trajectoires simulées optimales de
production minière et in situ est représentée sur les figures 4-4 et 4-5. Les coûts de production
sont exprimés en dollars US en monnaie constante (base 100=2000).
40
Coût de production ($US/b)
3.9
30
8.7
0.3
20 4.0
28.9 0.2
20.2 2.8 9.2 15.8
10 12.1
8.6
9.4
2.4 3.4 3.9 3.4 5.5
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005
Figure 4-4 : Evolution des coûts de production simulés par technologie minière sur la période
1980-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)
15
4.0
Coût de production ($US/b)
4.3
10 5.4
2.2 4.1
2.8
3.5 3.3 7.8
5 4.8
7.0
4.2 3.8
2.2 2.1
0
1985 1990 1995 2000 2005
Figure 4-5 : Evolution des coûts de production simulés par technologie in situ sur la période
1985-2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)
Pour les deux technologies, les coûts de production simulés évoluent selon une
tendance en U sur la trajectoire optimale d’extraction, en accord avec les résultats de la
187
théorie économique. En valeur absolue, le coût de production minier simulé, initialement à
35.2 $/b en 1980, décroît progressivement entre 1980 et 1995, sous l’effet du progrès
technique et de la fonction d’apprentissage, s’établissant alors à 15 $/b pour un prix de
valorisation du bitume relativement stable mais peu soutenu à 17-22 $/b. Il évolue ensuite à la
hausse, atteignant 22.6 $/b en 2000, sous l’effet de l’intégration des étapes d’extraction et
d’upgrading, puis 30 $/b en 2005, impacté par l’inflation des coûts d’ingénierie.
Le coût de production in situ simulé, égal à 16.4 $/b en 1985, diminue à 9.9 $/b en
1990 et 1995, sous l’effet du progrès technique et de la fonction d’apprentissage, avant de
s’établir autour de 11 $/b en 2000 puis 14 $/b en 2005, avec l’arrivée sur le marché de la
nouvelle technologie d’extraction in situ SAGD.
La structure des coûts de production simulés évolue également au cours des périodes.
La part des coûts opératoires dans le coût minier total reste majoritaire sur toute la période
mais a fortement diminué entre 1980 et 2000, représentant 82% du coût total en 1980 contre
41% en 2000. Le coût du capital a suivi une légère tendance à la hausse entre 1980 et 1995
(2.4-3.9 $/b) qui s’est accélérée en 2000, atteignant alors 9.4 $/b. Le coût du capital à l’année
2005 (5.5 $/b) intègre uniquement les dépenses d’investissement amorcées au cours de la
période précédente.
Dans le cas de la technologie in situ, les coûts opératoires simulés sont compris dans
l’intervalle 3.3-7.8 $/b sur toute la période considérée, leur part dans le coût total variant selon
les périodes : autour de 35% en 1985, 1995 et 2000, à 50% et 55% en 1990 et 2005. Le coût
du capital in situ reste également limité, inférieur à 7 $/b sur toute la période considérée.
188
On notera également avec intérêt l’évolution du coût lié au versement des royalties.
Egales à 3.9 $/b en 1980, les royalties liées à la production minière ont nettement chuté entre
1985 et 1990 à 0.2-0.3 $/b. La part marginale des royalties s’explique par les faibles revenus
nets liés au différentiel limité entre prix de valorisation et coût de production (1.3-2 $/b) et par
un système de récupération des coûts avantageux pour le secteur industriel, réduisant les taux
de royalties. A partir de 1995, les royalties augmentent progressivement, passant de 2.8 $/b en
1995 à 8.7 $/b en 2005, lié à l’accroissement du différentiel prix/coût de production. Dans le
cas de la technologie in situ, les royalties restent comprises entre 2 et 4 $/b, les coûts de
production étant moins élevés que dans le cas de l’extraction minière.
L’analyse des flux annuels de trésorerie simulés sur les trajectoires optimales
d’extraction minière et in situ met en évidence des résultats similaires (cf. tableaux 4-6 et
4-7). Les valeurs sont exprimées en dollars US en monnaie constante (base 100=2000).
Majoritairement composées des coûts opératoires, les dépenses annuelles simulées liées à
l’extraction minière augmentent progressivement sous l’effet de la hausse du coût du capital.
Les revenus nets, marginaux entre 1985 et 1990, s’accroissent significativement à partir de
1995 (la tendance se prolonge sur la période 2005 ; elle n’a pas été représentée sur la figure
4-6 pour des problèmes d’échelle). L’optimisation de la fonction objectif de profit permet de
déterminer un profit net intertemporel autour de 5100 M$ sur la période 1980-2005.
Dans le cas de la technologie in situ, les flux de dépenses simulés sont beaucoup plus
faibles que ceux liés à l’extraction minière. Les flux des dépenses d’investissement et
opératoires ainsi que les royalties sont comparables sur chacune des périodes. Néanmoins, sur
la dernière période 2005 (non représentée sur la figure 4-7), on observe une forte
augmentation des coûts opératoires liée à la hausse du prix du gaz naturel (trois fois plus
élevés que sur la période précédente). L’optimisation de la fonction objectif de profit in situ
permet de déterminer un profit net intertemporel autour de 4500 M$ sur la période 1985-2005.
189
2000
1719
Figure 4-6 : Evolution des flux de trésorerie liés à la production minière sur la période 1980-
2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)
1460
1500
1000
M$US/an
490
500 388 343 365
214 251 219 187 298
115 115 147 116
87 64
0
1985 1990 1995 2000
Figure 4-7 : Evolution des flux de trésorerie liés à la production in situ sur la période 1985-
2005 (trajectoire rétrospective optimale PL)
190
4.3.3.4 Degré d’intégration dans l’approvisionnement nord-américain à
l’année 2005
191
Pour un jeu donné de prix (bruts), de coûts (transport, opératoires), de demande et de
spécifications de produits pétroliers et de limitation de polluants, le modèle de raffinage
mondial multizones IFPEN permet d’optimiser par minimisation de coût pour chaque zone
l’approvisionnement en brut et autres charges, la production des raffineries, les flux
d’échange de produits, la marche des unités (investissement et taux d’utilisation), les bilans-
énergie et émissions de polluants ainsi que la formulation et les coûts marginaux des pools. Le
modèle inclut 9 zones géographiques agrégées, dont l’Amérique du Nord (Etats-Unis,
Canada, Mexique). L’approvisionnement en bruts est initialement décomposé en 9 classes,
dont une représente le brut non conventionnel, puis est réduit à 5 bruts types et un résidu
atteignant des degrés API et des teneurs en soufre spécifiques par combinaisons linéaires. Une
description détaillée du modèle de raffinage IFPEN est disponible dans Saint-Antonin (1998)
et Tehrani (2007).
L'analyse des coûts marginaux des produits pétroliers repose sur les prix duaux des
contraintes de demande des produits les plus représentatifs de chaque coupe : l'essence
(légers), le diesel et le jet (distillats moyens) et le fuel lourd à basse teneur en soufre (lourds).
Plus précisément, ces coûts marginaux déterminés par le modèle sont comparés aux prix FOB
des produits pétroliers observés en 2005 sur les trois principaux marchés pétroliers : États-
Unis, Europe et Singapour (cf. tableau 4-13). Le pourcentage moyen d'erreur est de 16% sur
les carburants routiers essence et diesel ce qui est satisfaisant pour le calage sur l'année de
192
référence 2005. En revanche, le coût marginal des produits lourds n'est pas très bien
représenté au regard des prix FOB de 2005. Cela s'explique par le fait que le modèle
représente neuf raffineries mondiales de type hydrocracking alors que le prix des fuels lourds
est plutôt lié au coût marginal de production des raffineries moins complexes de type
hydroskimming.
Toutefois, la hiérarchie des coûts marginaux des produits essence et diesel (le produit
Jet étant considéré comme trop « simple » par rapport aux deux autres) est plus importante
pour juger de la représentativité du modèle : celle issue du calage 2005 est jugée satisfaisante
sur chacune des zones puisque conforme à celle des prix FOB observés (cf. tableau 4-14).
Tableau 4-13 : Estimation des coûts marginaux des produits pétroliers et prix FOB observés
sur les marchés Etats-Unis, Europe et Singapour
Tableau 4-14 : Estimation des ratios coûts marginaux des produits pétroliers/prix du Brent et
ratios prix FOB/prix du Brent observés sur les marchés Etats-Unis, Europe et Singapour
L'approvisionnement total de chacune des zones est composé d'un ensemble de bruts
caractérisés par leur densité et leur teneur en soufre. Nous ne disposons pas de données
suffisantes pour vérifier la robustesse des résultats par type de brut. Néanmoins, il est possible
de calculer un degré API et une teneur en soufre représentatifs d'un approvisionnement agrégé
193
sur l'ensemble des bruts pour chaque zone à partir d'une combinaison linéaire des
spécifications, qui vérifient les conditions de linéarité.
Les différentiels entre densité estimée et observée présentés dans le tableau 4-15 sont
relativement limités. Ce différentiel est égal à -1.8 °API pour la zone Amérique du Nord, et
reste inférieur à 3.6 °API pour le reste du monde. De même, les différentiels entre teneur en
soufre estimée et observée sont satisfaisants sur l’ensemble des zones, excepté un écart
significatif dans le cas de la Chine. Pour la zone Amérique du Nord, le différentiel s'établit à
0.1%.
194
Tableau 4-16 : Part de la production non conventionnelle canadienne dans
l’approvisionnement pétrolier total nord-américain en 2005
Tableau 4-17 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2005
Année 2005 Bilan CO2 raffinage et Bilan CO2 Part des émissions de CO2 liées à
upgrading Amérique du Nord upgrading l’upgrading dans le bilan CO2 global
Mt/an Mt/an
209.2 14.3 6.9%
Source : Résultats de la simulation 2005
195
correctement estimés lors des simulations rétrospectives, avec des erreurs d’estimation
inférieures à 8% et 4.2% respectivement. D’autre part, les trajectoires passées
d’investissement et de production dans la filière non conventionnelle canadienne ont été
reconstituées de manière satisfaisante, avec des erreurs d’estimation entre trajectoires
simulées et observées inférieures à 13%.
Sur les trajectoires optimales simulées, l’analyse des coûts de production par technique
minière et in situ a permis dans les deux cas de mettre en évidence une fonction de coût en U,
en accord avec la théorie économique. Cette évolution en deux temps est liée à la
prédominance du progrès technique et à l’existence d’une fonction d’apprentissage en début
de période, et au processus d’intégration des étapes d’extraction et d’upgrading ainsi qu’à
l’apparition de tensions conjoncturelles sur les marchés des commodités et de la construction
en seconde période.
Dans le cas de la technologie minière, l’analyse des flux de trésorerie simulés a mis en
avant un accroissement significatif des profits nets des coûts de production entre 1995 et 2005
grâce à une maîtrise des coûts et un prix de vente à la hausse, par rapport à des profits nets
très faibles observés entre 1985 et 1994. Ce résultat permet ainsi d’expliquer l’attractivité
récente de la filière minière et la multiplication des acteurs entrant sur le marché au début des
années 2000. Toutefois, la forte hausse du coût du capital a été largement répercutée sur les
dépenses d’investissement qui ont été multipliées par 9 entre 1980 et 2000.
Dans le cas de la technologie in situ, les revenus nets sont restés stables entre 1985 et
1999, avant de s’envoler à partir de 2000 sous l’effet d’un prix de vente en forte hausse. Les
dépenses opératoires sont également restées stables entre 1985 et 1999, avant d’augmenter
sous l’effet d’une hausse du prix du gaz naturel. L’amélioration de la rentabilité de la filière in
situ au cours du temps a également attiré de nouveaux acteurs.
196
Mt/an de CO2. Avec des émissions unitaires de CO2 atteignant 0.261 t/t de bitume traité,
l’activité d’upgrading émet ainsi 37% de CO2 supplémentaire par rapport au raffinage.
Le chapitre suivant est consacré à la description du second modèle d’offre, basé sur la
programmation dynamique.
197
Annexe 4.1 : Résolution d’un problème
en programmation entière mixte par la
procédure arborescente branch and
bound
Cette note explicative est issue de Saint-Antonin et Lantz (2009). Pour résoudre un
problème en programmation entière mixte, il existe principalement deux classes de méthodes,
les méthodes dites de troncature (ou plans de coupure) et les procédures arborescentes
(branch and bound), ces dernières étant les plus couramment utilisées par les codes
généralistes disponibles dans le commerce.
0 ≤ Ii ≤ 1
Chaque problème dérivé Pj est donc associé à un sommet de l’arborescence, noté Sj,
qui est caractérisé :
199
- avant résolution : par une suite des variables ( I 1 , I 2 , I 3 , , I n−1 , I n ) , où
apparaîtront les valeurs 0 ou 1 retenues pour chacune des variables arbitrées
et le symbole x pour les variables non encore arbitrées ;
L’intérêt essentiel de cette procédure est de réduire les temps de calcul nécessaires à la
résolution du problème posé initialement, puisqu’elle évite d’envisager et donc de résoudre
l’ensemble des problèmes dérivés du problème initial18. En effet, le principe de cet algorithme
est de ne visiter que les branches de l’arborescence qui passent par les sommets associés à la
meilleure19 valeur de la fonction d’évaluation, ceux-ci (appelés sommets champions) étant
déterminés à chaque itération par comparaison des fonctions d’évaluation associées aux seuls
sommets pendants de l’arborescence.
Dès lors, l’enchaînement d’une itération à l’autre consiste à conserver les arbitrages
retenus pour ledit sommet champion à l’itération courante et à envisager, dans le cadre de
l’itération suivante, un nouvel arbitrage en fixant à 0 ou 1 la valeur d’une variable non encore
arbitrée à ce stade de la procédure arborescente. La procédure s’arrête lorsqu’il n’est plus
possible d’effectuer un arbitrage supplémentaire c’est-à-dire lorsque le sommet champion est
un sommet terminal, i.e. un sommet associé à un problème dérivé où toutes les variables
entières sont arbitrées. A ce stade, ce sommet caractérise en effet l’optimum.
18
En effet, si le modèle considéré comportait n variables entières bivalentes, cela nécessiterait la résolution de
2n modèles, puisque chacune des variables bivalentes peut prendre les valeurs 0 ou 1.
19
i.e. la plus élevée dans le cas d’un problème de maximisation et la moins élevée dans le cas d’un problème de
minimisation.
200
Ce résultat tient au fait qu’à chaque itération, le passage d’un problème dérivé Pj aux
deux problèmes dérivés suivants Pj+1 et Pj+2 est opéré en resserrant les contraintes d’intégrité
relatives à la variable entière étudiée à l’itération considérée soit, consécutivement, en
restreignant le domaine des solutions réalisables ce qui induit forcément une dégradation (ou
une constance) de la fonction objectif à optimiser. Dès lors, la valeur de la fonction
d’évaluation associée à un sommet pendant est forcément supérieure (ou égale) à celles de
tous les sommets terminaux qui en seront issus. Or, par définition, le sommet champion
présente la meilleure valeur de la fonction d’évaluation parmi tous les sommets pendants de
l’arborescence à une itération donnée. Finalement, il apparaît que la valeur d’un sommet
terminal champion ne peut être que meilleure par rapport à celle de tous les sommets
terminaux.
201
Annexe 4.2 : Notations des produits et
unités de production du modèle d’offre
linéaire
203
kero : kérozène des hydrotraitements
mor : minerai de bitume concassé
nap : naphta
ng : gaz naturel
nh3 : ammoniac
ore : minerai de bitume
pi370: sous-mélange des coupes essence, kérozène et gazole entrant dans la
composition du brut synthétique
sco : brut synthétique
sg : soufre gazeux
sl : soufre liquide
slu : boue minerai/bitume, eau chaude, caustiques)
srgas : essence de distillation atmosphérique
srgazo : gazole de distillation atmosphérique
srkero : kérozène de distillation atmosphérique
tai : déchet liquide
uplpg : gaz de pétrole liquéfié (entrant dans la composition du brut synthétique)
vgo : gazole de distillation sous vide
vres : résidu de distillation sous vide
vdist : distillat sous vide
vhtdist : distillat des hydrotraitements
wt : eau douce
cw : eau froide
hw : eau chaude
prw : eau de procédé
pw : électricité
st : vapeur BP/MP
sst : vapeur MP/HP
204
Notations des unités de production :
Unités d’extraction :
205
Unités de traitement de l’eau :
206
Annexe 4.3 : Données de rendements
techniques
207
- Tableau des rendements massiques des unités d'extraction in situ :
208
Tableau des rendements massiques des unités d’upgrading et de blending :
209
Tableau des rendements des unités de production d'utilités :
Consommation de produits :
ng : unité en MBtu
Consommation d’utilités :
st, sst, hw, prw : unité en tonnes
pw : unité en kWh
210
Annexe 4.4 : Equations de capacité par
unité de production
211
- Unités d’upgrading et de blending
212
Annexe 4.5 : Méthodes d'estimation du
taux d'actualisation
Les explications développées dans cette annexe sont issues des ouvrages de décision
d’investissement et de calcul économique de Babusiaux (1990) et Babusiaux et Pierru (2005).
Trois méthodes d’estimation du taux d’actualisation peuvent être utilisées, selon le type de
financement considéré. Dans cette thèse, nous avons choisi d’estimer le taux d’actualisation à
partir de la méthode globale, dans laquelle nous nous plaçons du point de vue interne de
l’entreprise. Sous cette condition, le taux d’actualisation à considérer est un coût moyen
pondéré du capital (fonds propres et dettes) après impôts, où « wacc » d’après l’appellation
anglophone. Les « wacc » des entreprises cotées sont calculés à partir de données sur le coût
de la dette, l’endettement, la rentabilité des actionnaires espérée et le taux d’imposition, et
sont disponibles dans les rapports d’analystes financiers.
213
Lors des années d’investissement, tous les investissements sont considérés quelque
soit leur mode de financement (emprunt ou fonds propres). Cette méthode est bien adaptée au
corporate financing mais elle s’appuie sur l’hypothèse implicite que tous les projets financés
par l’entreprise ont la même structure de financement égale à la moyenne des structures de
tous les projets de l’entreprise. Cette méthode est adaptée pour des projets plutôt « petits » par
rapport à la capacité de financement de l’entreprise, pour lesquels aucun financement
particulier ne sera affecté. Elle est aussi adaptée pour de grands projets d’entreprises dont le
ratio d’endettement doit être strictement respecté. Cependant, cette méthode peut être mal
adaptée pour des entreprises très présentes à l’international dont chaque projet bénéficie d’un
taux d’imposition propre à sa localisation. Une entreprise cherchera à définir un nombre
restreint de taux d’actualisation ce qui implique une fiscalité relativement homogène pour
tous ces projets.
Dans le cas des entreprises pétrolières notamment présentes dans l’amont pétrolier,
une autre méthode s’affranchissant de cette difficulté s’est largement répandue : la méthode
d’Arditi-Lévy (dite aussi « shadow interest »). Le point de vue global des bailleurs de fonds
est conservé mais le taux d’actualisation est défini avant impôt (unique à l’échelle de
l’entreprise). Cette méthode permet de prendre en compte l’effet de levier dû à l’emprunt (les
frais financiers sont déductibles des impôts) mais elle nécessite de connaître l’échéancier de
remboursement de l’emprunt. Le taux d’actualisation calculé par cette méthode s’écrit alors :
214
iméthode FP = C p
Les modèles économiques et analyses de sensibilité réalisés dans cette thèse utilisent
un taux d’actualisation estimé à partir de la méthode globale, par manque d’informations sur
la structure de financement des projets et les annuités de remboursement.
215
Chapitre 5 : Modélisation de l'offre
en présence d’incertitudes
217
producteurs du secteur non conventionnel en présence d’incertitude. Sa description fait l'objet
de ce chapitre. Le plan est similaire à celui du chapitre précédent. La structure générale du
modèle d’offre stochastique est présentée dans la première section, tandis que sa structure
détaillée est décrite dans la seconde section. Une seule source d’incertitude portant sur le prix
de vente de la ressource a été considérée pour les développements présentés dans ce chapitre.
La dernière section est consacrée à l’analyse des résultats issus des simulations rétrospectives.
218
Soient ȍ et A les ensembles des variables d’état et d’action respectivement. E X , EK
définissent les ensembles distincts des variables d’état « production cumulée » et « capacité
cumulée installée », tandis que DX , DK définissent les ensembles des variables de décision
« niveau de production » et « niveau d’investissement ».
Ω = E X × EK
(5-1)
A = DX × DK
(5-2)
Chaque combinaison des deux variables d’état à la période t est définie par la variable
globale d’état ωt = ( X t , K t ) :
ω t ∈ Ω, X t ∈ E X , K t ∈ E K
(5-3)
De même, chaque combinaison des deux variables d’action à la période t est définie
par la variable globale d’action at = ( X t , K t ) :
at ∈ A, X t ∈ D X , K t ∈ DK
(5-4)
Les états sont reliés de manière temporelle par les variables d’action. Chaque
combinaison at des variables d’action permet de passer d’un état Ȧt à la période t à un nouvel
état Ȧt+1 à la période t+1 par les deux équations dynamiques suivantes :
219
X t +1 = X t + X t
(5-5)
K t +1 = K t + K t
(5-6)
La description de notre problème est dynamique en temps discret. Les variables d’état
et d’action ne peuvent prendre que des valeurs entières. L'introduction de la variable d'état
« production cumulée » permet de modéliser de manière endogène un coût d'extraction non
linéaire en fonction de la production ou de la production cumulée, illustrant une difficulté
croissante d’extraction de la ressource (cf. sous-section 3.1.1). L'introduction de la variable
d'état « capacité cumulée installée » permet également d'introduire des non linéarités dans la
fonction de coût du capital. Une évolution décroissante du coût marginal en fonction des
capacités cumulées traduit ainsi des effets d'échelle ou d'envergure, tandis qu'une évolution
croissante traduit des déséconomies d'échelle ou des rendements décroissants.
Dans les simulations rétrospectives, seules les variables d’état et d’action «capacité
installée » et « niveau d’investissement » ont été considérées dans la spécification du modèle,
en raison des deux simplifications suivantes. Bien qu’une fonction de coût opératoire
d’extraction du bitume ait été estimée en fonction de la production cumulée (cf. sous-section
3.2.1), l’évolution du coût opératoire en fonction du temps est introduite de manière exogène
au modèle, comme dans le modèle d’investissement précédent. Nous supposons également
que les unités productives fonctionnent à 100% des capacités installées, et les deux variables
globales peuvent donc être confondues. La variable globale d’état se réduit alors à: ωt = K t ,
220
5.1.2 Principe d’optimalité
Après avoir défini les conditions aux limites, les préférences des producteurs sur l’ensemble
de la période considérée peuvent être caractérisées par la fonction objectif intertemporelle
suivante :
T
FT (ω , a ) = ¦ f t (ω t , at )
t =0
(5-7)
pour tout ωt ∈ Ω, at ∈ A
(5-8)
VT (ωT ) correspond à la valeur maximale que peut prendre la fonction objectif associée
à un état ȦT à la période finale T.
T
½
Vt (ω t ) = max
at , a s ∈ A;ωt ,ω s ∈Ω ;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
®
¯
f t (ω t , a t ) + ¦
s = t +1
f s (ω s , a s )¾
¿
(5-9)
221
Il en résulte la relation de récursivité inverse suivante :
Vt (ω t ) = max
at ∈A;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
{ f t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 )}
(5-10)
La stratégie optimale a *t (ωt ) peut alors être déterminée récursivement sur chaque
période et chaque état accessible :
a *t (ω t ) = arg max [ f t (ω t , at ) + Vt +1 (ω t +1 )]
at ∈ A;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
(5-11)
222
matières premières et commodités énergétiques (augmentation des coûts de construction ou
des coûts d'approvisionnements) ou lorsque l'analyse technico-économique d'un projet n'a pas
été effectuée correctement par manque d'expérience (technologie non mature). La rentabilité
d'un projet non conventionnel est également soumise à des incertitudes réglementaires, par
exemple fiscales ou environnementales. Malgré l’intérêt de cette problématique, nous nous
sommes limités à l’introduction d’une seule source d’incertitude portant sur le prix de vente
de la ressource dans l’analyse rétrospective.
valorisé en tant que brut synthétique ou bitume) suit une loi normale sur la période
considérée, caractérisée par une moyenne M q t et un écart-type σ q t , trois scénarios de prix
pq1t = M q t − σ q t
(5-12)
pq 2 t = M qt
(5-13)
pq 3 t = M q t + σ q t
(5-14)
223
p1t = M t − σ t
(5-15)
p2 t = M t
(5-16)
p3t = M t + σ t
(5-17)
π s t (ωt , at , ps t ) = β t [( ps t − cv t ) K t − c f t ( K t + K t − K Dt )]
(5-18)
Avec :
De l’irréversibilité est introduite dans le modèle d’investissement par les coûts fixes,
fonction de la capacité cumulée installée et de l’investissement en cours de période, non nuls
même en cas d’arrêt de la production. Les coûts opératoires sont définis de la même manière
que dans le modèle d'offre linéaire, incluant les coûts d’approvisionnement en matières
premières et énergétiques, les coûts de maintenance ainsi que les royalties.
L'estimation des paramètres rétrospectifs coûts et prix sera effectuée à partir des
mêmes données d'observations que celles présentées dans la sous-section 4.3.1. Néanmoins, la
méthode de comptabilisation du coût du capital est modifiée. Le coût du capital n'est plus
introduit par annuités constantes mais par un coût unitaire exprimé par unité de capacité
224
installée. Toutefois, la prise en compte du délai de construction correspondant à une période
est respectée.
En revanche, lors des itérations successives (pour les périodes t<T), la fonction de
profit espéré à maximiser intègre deux termes: le premier correspond au profit instantané lié à
la production au cours de la période t tandis que le second terme correspond au profit espéré
maximum associé à l’état du problème que l’on peut atteindre à la période suivante t+1:
sur la période T:
½
VT (ωT ) = max {E (π s T (ωT , aT ))} = max ®¦ α s T π s T (ωT , aT )¾
aT ∈A;ωT ∈Ω aT ∈A;ωT ∈Ω
¯ s ¿
(5-19)
½
a *T (ωT ) = arg max ®¦ α s T π s T (ωT , aT )¾
aT ∈A;ωT ∈Ω
¯ s ¿
(5-20)
½
Vt (ωt ) = max
at ∈A;ωt +1 =ω + a ∈Ω
t t
{E (π s t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 ))} = max
a ∈A;ω =ω + a ∈Ω
t t +1 t t
®¦ α s t (π s t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 ))¾
¯ s ¿
(5-21)
225
½
a *t (ωt ) = arg max ®¦ α s t (π s t (ωt , at ) + Vt +1 (ωt +1 ))¾
at ∈A;ωt +1 =ωt + at ∈Ω
¯ s ¿
(5-22)
la matrice Ȥ contient alors E X × EK × DX × DK × s éléments, qui seront testés à chaque
période.
226
Le nombre de projets lancés en parallèle sur chaque période est également limité. A
l'instar des hypothèses présentées dans la sous-section 4.3.1, nous limiterons le nombre de
projets miniers lancés en parallèle à 6 par période (300 kb/j d’extension maximale par
période) et celui des projets in situ à 4 par période (200 kb/j) lors des simulations
rétrospectives. La planification historique de production et d'investissement minier est
effectuée sur 6 périodes (1980-2005) tandis que la planification historique in situ est effectuée
sur 5 périodes (1985-2005).
227
des dépenses d’investissements et de la modélisation des contraintes fiscales. Dans le modèle
d’offre en programmation linéaire, un coût unitaire du capital moins lissé, la saturation d’une
des contraintes fiscales, ainsi que celle d’une des contraintes budgétaires dans le cas de la
technologie in situ, tendent à dégrader la fonction objectif et par conséquent à obtenir des
stratégies de développement plus conservatives. Pour nous affranchir de ce biais, nous avons
alors introduit deux coefficients de pondération sur le coût du capital et les coûts opératoires
dans le modèle d’offre en programmation dynamique. Le premier coefficient nous permet de
limiter le biais introduit par les différences de spécification du coût du capital, tandis que le
second permet de répercuter la dégradation de la fonction objectif associée à la saturation
d’une des contraintes fiscales et budgétaires en pénalisant légèrement les coûts opératoires
(incluant les royalties).
228
Tableau 5-1 : Coût unitaire du capital minier correspondant au coût du capital estimé en PL
sur la période 1980-2005
Tableau 5-2 : Coût unitaire du capital in situ correspondant au coût du capital estimé en PL
sur la période 1985-2005
229
Figure 5-1 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-2005, sous
le scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)
Tableau 5-3 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière sous le
scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)
Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1980 127.7 100 -0.217 767.0 0.217
1985 167.9 300 0.786 17441.3 0.786
1990 209.0 500 1.392 84680.8 1.392
1995 278.4 800 1.874 272105.5 1.874
2000 317.0 1100 2.470 613144.9 2.470
2005 543.7 1400 1.575 733165.8 1.575
230
Figure 5-2 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005 sous le
scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)
Tableau 5-4 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ sous le
scénario de prix de référence (premier test de calibration, PDYN)
Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1985 44.61591781 50.0 0.121 29.0 0.121
1990 135.3814795 250.0 0.847 13137.4 0.847
1995 150.6670411 450.0 1.987 89600.2 1.987
2000 281.9470959 650.0 1.305 135462.9 1.305
2005 440.3861644 850.0 0.930 167783.5 0.930
Dans le cas de la filière minière, la calibration du modèle est satisfaisante pour des
coefficients de pondération respectivement égaux à 2.27 (coût du capital) et 1.01 (coûts
231
opératoires). L’écart relatif entre les fonctions objectif déterminées sous les deux
spécifications atteint -4.6%.
Le prix de vente du brut synthétique introduit sur les périodes 1980 et 1995 a
cependant dû être légèrement réduit pour la calibration du modèle (de 48.0 à 47.5 $US/b en
1980 et de 22.2 à 18.1 $US/b en 2005, soit une réduction de 1% et 18.5% respectivement).
L’ajustement marginal sur la première période permet de réduire l’écart de paramétrage par
rapport au prix observé (à 45.6 $US/b). Le second ajustement sur la période 1995 revient à
assouplir l’hypothèse limite qui consistait dès 1995 à valoriser en totalité la production au prix
du brut synthétique, puisque l’investissement intégrait le coût du capital des unités
d’extraction minière et d’upgrading (cf. paragraphe 4.3.2.3). Un prix de vente réduit en 1995
est ainsi comparable à un prix intermédiaire entre celui du brut synthétique et du bitume,
pouvant représenter un comportement de prudence de la part des producteurs pour cette
période de transition.
232
5.3.2.2 Résultats des simulations
Les écarts relatifs entre production minière historique et estimée sont inférieurs à
10.7% en valeur absolue, hormis sur la première période, et atteignent en moyenne 10% sur
l’ensemble de la période considérée 1980-2005. L'écart obtenu sur la première période
(21.7%) provient de la discrétisation en nombre entiers de la variable « capacité cumulée
installée » à l'état initial.
600
Production (kb/j bitume)
500
400
300
200
100
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005
Figure 5-3 : Simulation rétrospective de la production minière sur la période 1980-2005, sous
le scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)
233
Tableau 5-5 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière sous le
scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)
Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1980 127.7 100.0 -0.217 767.0 0.217
1985 167.9 150.0 -0.107 321.6 0.107
1990 209.0 200.0 -0.043 81.0 0.043
1995 278.4 250.0 -0.102 804.4 0.102
2000 317.0 300.0 -0.054 287.8 0.054
2005 543.7 500.0 -0.080 1914.0 0.080
Dans le cas de l'extraction in situ, les écarts relatifs entre production historique et
estimée sont également acceptables, moyennés à 10.4% sur l’ensemble de la période
considérée 1985-2005, mais atteignant néanmoins un maximum à 26.1% sur la période 1990.
Figure 5-4 : Simulation rétrospective de la production in situ sur la période 1985-2005 sous le
scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)
234
Tableau 5-6 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production in situ sous le
scénario de prix de référence (calibration après pondération, PDYN)
Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1985 44.6 50.0 0.121 29.0 0.121
1990 135.4 100.0 -0.261 1251.8 0.261
1995 150.7 150.0 -0.004 0.4 0.004
2000 281.9 250.0 -0.113 1020.6 0.113
2005 440.4 450.0 0.022 92.4 0.022
Pour chaque produit valorisé bitume et brut synthétique, trois scénarios de prix ont été
construits à partir des prix « Lloyd Blend » et « Syncrude Sweet Blend » et de leur volatilité
observés sur les marchés. Le scénario de prix moyen correspond à la trajectoire des prix spot
estimés lors de la calibration du modèle d’offre en programmation linéaire et présentés dans le
tableau 4.9 (paragraphe 4.3.2.3), excepté sur la période 1995 (cf. paragraphe 5.3.2.1). Sur
chaque période t, ces estimations sont comparables aux prix spot annuels moyens observés
lissés sur les périodes t et t-1.
235
La volatilité correspond à l'écart-type annuel des variations de prix mensuels
moyennés (Mohn et Osmundsen, 2006). Le scénario haut correspond au prix moyen mensuel
augmenté d'un écart-type, tandis que le scénario bas équivaut au prix moyen diminué d'un
écart-type. Les probabilités associées sont estimées à partir des caractéristiques d'une loi
normale, 68% des valeurs étant comprises dans l'intervalle [M − σ , M + σ ] , 16% des valeurs
étant strictement inférieurs à M − σ et 16% des valeurs étant strictement supérieures à M + σ .
Les probabilités associées aux scénarios bas, moyen et haut sont égales à 0.16, 0.68 et 0.16
respectivement. L'intégration verticale de l'extraction minière et de l'upgrading est introduite
comme précédemment de manière exogène au modèle. Entre 1980 et 1990, le signal prix
correspond au prix de valorisation du bitume, tandis qu’à partir de l’année 2000, la décision
d’investissement repose sur le prix de valorisation du brut synthétique (avec une période de
transition entre 1995 et 1999). Les tableaux 5-7 et 5-8 synthétisent les trajectoires de prix
estimées pour la technologie minière et in situ.
Tableau 5-7 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie minière
sur la période 1980-2005
Période de Prix moyens Prix min Prix moy Prix max Erreur relative
décision observés estimés estimés estimés Prix moy est/obs
$US/b $US/b $US/b $US/b
1980 47.6 41.0 47.5 54.0 -0.002
1985 26.1 25.3 26.1 26.9 0.000
1990 16.6 15.9 17.3 18.7 0.042
1995 22.6 16.2 18.1 20.0 -0.199
2000 36.0 30.3 35.1 39.9 -0.025
2005 57.5 51.6 56.8 62.0 -0.012
Sources : EIA, 2009b; données Datastream; résultats des simulations rétrospectives (PL)
Tableau 5-8 : Scénarios stochastiques de prix estimés en PDYN pour la technologie in situ sur
la période 1985-2005
236
5.3.3.2 Analyse des résultats de simulation
Le profil de production simulé pour la filière minière est présenté sur la figure 5-5
tandis que les erreurs statistiques d’estimation sont synthétisées dans le tableau 5-9.
La prise en compte d’une incertitude sur les prix de vente dans le processus
décisionnel réduit significativement le niveau optimal d’investissement minier. Sous cette
spécification, seuls deux investissements, à 50 et 150 kb/j sont effectués en 1980 et 2000
respectivement. Les écarts relatifs entre production minière historique et estimée atteignent en
moyenne 34% (en valeur absolue) sur l’ensemble de la période considérée 1980-2005. La
réduction des investissements sur les périodes 1985-2000 provient de la contrainte de
positivité des royalties nettes. Sous le scénario minimum de prix, la stratégie initiale
d’investissement ne peut plus être maintenue puisque les royalties nettes associées, alors
négatives, ne satisfont plus les contraintes de modélisation. Les dépenses d’investissement
sont alors réduites, de manière à augmenter suffisamment les royalties nettes pour les rendre
positives.
237
Tableau 5-9 : Erreurs statistiques sur les résultats simulés pour la production minière en
présence d’incertitude sur les prix de vente (calibration après pondération, PDYN)
Période Production historique Production simulée Erreur relative Erreur quadratique Erreur relative absolue
kb/j kb/j
1980 127.7 100.0 -0.217 767.0 0.217
1985 167.9 150.0 -0.107 321.6 0.107
1990 209.0 150.0 -0.282 3481.0 0.282
1995 278.4 150.0 -0.461 16477.0 0.461
2000 317.0 150.0 -0.527 27877.1 0.527
2005 543.7 300.0 -0.448 59413.6 0.448
238
diminuant par conséquent le niveau optimal d’investissement déterminé à partir de la
maximisation de la fonction espérée de profit sous les trois scénarios de prix stochastiques.
239
Annexe 5.1 : Schématisation du principe
de résolution du modèle d’offre
stochastique
ƚĂƚƐĨŝŶĂƵdžăd
sĂƌŝĂďůĞĚ͛ĠƚĂƚ͗ Wϭd
X 0T −1
&ŽŶĐƚŝŽŶKďũĞĐƚŝĨ͗ Fist
DĂdžŝŵƵŵĚĞůĂ&ŽŶĐƚŝŽŶ Fi =0, j =1, sT −1 + E * ( Fi =1,T ) X 1T −1
KďũĞĐƚŝĨĞƐƉĠƌĠĞ͗ E * ( F ) X 1,T = X 0,T −1 + X 1,T −1
Ɖϭd
WƌŽĚƵĐƚŝŽŶĐƵŵƵůĠĞ ƉϮd
yϭd
E * ( Fi =1,T ) Ɖϯd
240
Partie 3. Analyse prospective de l'offre
pétrolière non conventionnelle
241
Chapitre 6 : Paramètres
économiques de prospective et
scénarios à horizon 2050
Cette dernière partie est consacrée à l'analyse prospective de l'offre pétrolière non
conventionnelle à horizon 2050. L’analyse prospective menée repose sur les modélisations
présentées dans les chapitres 4 et 5, puisque la robustesse des deux modèles d'investissement
a été validée par les simulations rétrospectives. Des hypothèses doivent être effectuées sur les
paramètres des modèles tels que les coefficients techniques et les coûts ainsi que sur les
variables exogènes telles que le prix international du pétrole. Dès lors nous sommes conduits
à construire des scénarios regroupant les valeurs futures envisagées pour les paramètres et les
variables exogènes.
Différents scénarios sur l'évolution des coûts et des prix de la ressource sont
envisageables à l'horizon 2050 selon l’évolution de l’équilibre entre l'offre et la demande
pétrolière. Un déséquilibre pourrait faire apparaître de nouvelles tensions conjoncturelles sur
les marchés de la construction et des services parapétroliers, à l’instar de ce qui a été observé
entre 2004 et 2009 et impacter à la hausse le coût des projets non conventionnels. A l’inverse,
la diminution des tensions sur les marchés des commodités et dans le secteur des services de
construction et d’ingénierie pourrait limiter les goulets d'étranglement et la hausse des coûts
de production. L’évolution du prix du brut dépend également des hypothèses conjoncturelles
considérées.
Par ailleurs, deux évolutions structurelles majeures sur les coûts de production
pourraient également être envisagées. L'apparition d'une rupture technologique pourrait
fortement réduire les coûts de production, au niveau du coût du capital si cette rupture modifie
les équipements de production et/ou au niveau des coûts opératoires. Dans une moindre
243
mesure, le progrès technique pourrait aussi permettre de réduire les coûts de production de
manière continue. A l'inverse, les coûts de production pourraient augmenter sous l'effet de
coûts environnementaux croissants et de la déplétion des ressources rendant l'extraction plus
difficile et donc plus coûteuse.
Dans cette première section, nous présentons le travail d’estimation des paramètres
coût du capital et coûts opératoires ainsi que de la variable prix de vente de la ressource
exogène au modèle de prospective de l’offre tendancielle. L’ensemble des scénarios intégrant
les différentes estimations des paramètres et des variables exogènes est déterministe, sans
prise en compte d’incertitudes. La date initiale du modèle est fixée à l’année 2005 et la
période considérée pour les simulations prospectives s’étend jusqu’à la période 2045 ou à
l’année 2049. Le pas de temps est pris égal à 5 années et les décisions d’investissement ne
peuvent être prises qu’au cours de la première année de chaque période. Les deux
244
technologies d’extraction minière et in situ sont supposées intégrées à l’étape d’upgrading. La
capacité de référence d’un projet est prise égale à 50000 b/j, quelque soit la technologie
considérée. Enfin, la borne maximale d’investissement est fixée à 6 projets de référence de 50
kb/j de capacité (soit 300 kb/j de capacité cumulée) lancés en parallèle sur chaque période.
Dans le modèle d'offre tendancielle, le coût du capital est estimé selon une tendance de
long terme sans prise en compte d’incertitudes. Nous avions déjà précisé dans la sous-section
2.1.2 que le coût du capital peut être impacté par l'existence d'économies d'échelle ou
d'envergure, avec un coût marginal du capital décroissant en fonction de la capacité installée.
En particulier, les dépenses liées aux « off-sites » peuvent être totalement ou en partie déjà
amorties lors des phases d’extension des projets, ce qui permet de réduire le coût du capital. A
l’inverse, la planification de plusieurs projets en parallèle peut créer des goulets
d’étranglement sur le marché de la construction et des services parapétroliers et résulter sur un
coût marginal du capital croissant.
Une analyse statistique a été effectuée sur les estimations du coût du capital de projets
non conventionnels planifiés par les acteurs industriels jusqu'à horizon 2020. Pour chaque
technologie minière, in situ et d’upgrading, nous avons représenté sur les figures 6-1, 6-2 et
6-3 le coût du capital des projets planifiés normé pour la capacité de référence en fonction de
la capacité de production et de l’année de démarrage prévue afin de mettre en évidence de
potentiels effets d’échelle, d’envergure ou goulets d’étranglement. Les coûts du capital ont été
convertis en million de dollars canadiens en monnaie constante (base 100=2005) à partir des
indices des prix à la consommation du Canada publiés par la Banque Mondiale (2010). A titre
de comparaison, quelques coûts historiques du capital ont également été représentés pour les
technologies d’extraction minière et in situ.
245
Figure 6-1 : Evolution du coût du capital des projets miniers en fonction de la capacité de
production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group, 2010a ;
Banque Mondiale, 2010)
Les effets d’échelle sont difficiles à mettre en évidence. Dans le cas de la technologie
d’extraction minière, nous ne disposons pas de suffisamment d’observations pour pouvoir
conclure, malgré une diminution du capital pour les deux projets de plus grande capacité, à
120000 et 155000 b/j. Le coût moyen du capital pour les projets miniers d’une capacité de
50000 b/j est de 2400 M$, mais la série est très dispersée, avec un écart-type de 1115 M$. Le
coût du capital minier est compris entre 620 et 2900 M$.
Figure 6-2 : Evolution du coût du capital des projets in situ en fonction de la capacité de
production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group, 2010b ;
Banque Mondiale, 2010)
246
Figure 6-3 : Evolution du coût du capital des projets d’upgrading en fonction de la capacité de
production et de la date de démarrage (sources : JuneWarren-Nickle’s Energy Group, 2010c ;
Banque Mondiale, 2010)
247
L’impact inflationniste des goulets d’étranglement sur les coûts d'ingénierie et de
construction apparaît plus clairement. Il est possible d’observer une hausse des coûts
significative en fonction du nombre de projets planifiés sur la période critique 2010-2012, en
particulier pour les projets d’extraction in situ, suivi d’une phase de réduction des coûts (se
référer à la sous-section 2.2.1 pour une analyse détaillée des facteurs inflationnistes).
D’autres paramètres explicatifs des écarts de coûts observés pourraient inclure les
règles comptables (provisions pour les frais de siège ou administratif incluses ou exclues du
coût du capital) et les conditions de financement spécifiques à chaque entreprise (cf.
paragraphe 2.2.3.1). Ces impacts n’ont cependant pas pu être mis en évidence à partir des
données disponibles.
A partir de ces observations, nous avons estimé l’évolution du coût du capital comme
suit. Sur la période initiale 2005, le coût du capital pour un projet d'extraction minière de
référence est pris égal au coût moyen du capital des projets Voyageur South (phase 1) de
Suncor initialement prévu pour 2011 et Kearl (phase 1) d’Imperial Oil, initialement prévu
pour 2012 (délai de construction considéré de 6 années), à 2560 M$ pour une capacité de 50
kb/j. De même, le coût du capital d'un projet d'extraction in situ de référence sur la période
2005 correspond au coût moyen des projets Jackfish de Devon et Orion/Hilda Lake de Shell,
démarrés en 2008, à 990 M$ pour une capacité de 50 kb/j. Enfin, le coût du capital d'un projet
d'upgrading de référence est pris égal au coût moyen des projets North West Upgrader (phase
1) de North West Upgrading Inc., Voyageur Upgrader 3 (phase 1) de Suncor et Bluesky
Upgrader (phase 1) de P.R.O, initialement prévus pour 2010 dans le cas des deux premiers
projets et 2012, s’établissant à 2050 M$ pour une capacité de 50 kb/j.
En faisant l’hypothèse d’une réduction des goulets d'étranglement dans les secteurs de
la construction et des services parapétroliers suite à la crise financière de 2008 et à la
contraction de la demande pétrolière, le coût du capital des projets miniers et d’upgrading sur
la période 2010 est réduit de 10% par rapport aux estimations 2008. Le coût du capital d’un
projet minier est pris égal au coût moyen des projets Joslyn North Mine (phase 1) de Total,
prévu en 2013 et Equinox de UTS/Teck Cominco, prévu en 2014, réduit de 10%. Il s’établit
ainsi à 2280 M$ pour une capacité de production de 50 kb/j. De même, le coût du capital d’un
projet d’upgrading est pris égal au coût moyen des projets Scotford Upgrader 2 (phase 1) de
248
Shell, prévu pour 2013, Strathcona Upgrader (phase 1) de Total, prévu pour 2014 et Fort Hills
Sturgeon Upgrader (phase 2/3) de Suncor-PetroCanada, prévu pour 2015, réduit de 10%. Il
s’établit à 2990 M$ pour une capacité de production de 50 kb/j. Enfin, le coût du capital d’un
projet in situ est égal au coût moyen des projets West Ells (phase 1) de Sunshine et Sunrise
(phase 1) de Husky Energy et BP, planifiés pour 2012, égal à 1880 M$ pour une capacité de
production de 50 kb/j.
Enfin, à partir de la période 2015, nous supposons pour chaque type de technologie
que le coût du capital croît progressivement sur toute la période 2015-2045 à un taux annuel
de 1.5% à partir des valeurs 2010, excepté pour le coût du capital in situ sur la période 2015,
pris égal au coût moyen des projets Tickwood (phase 2) et West Ells (phase 3) prévus pour
2017 et 2018, à 1070 M$. Le coût du capital correspondant à une période t+1 augmente ainsi
de 7.5% par rapport au coût du capital considéré à la période t. L'évolution du coût du capital
des deux filières de production minière intégrée et in situ intégrée estimé pour les simulations
prospectives est synthétisée dans le tableau 6-1.
Tableau 6-1 : Coût du capital des filières de production minière et in situ intégrées estimé
pour les simulations prospectives (modèle tendanciel)
Dans le cadre de notre analyse prospective tendancielle, les coûts opératoires ont été
estimés de manière désagrégée à partir de différentes sources de publications dans le but
d'estimer la part des différents postes de dépenses dans le coût opératoire global. Ils sont
exprimés en dollars canadiens ou US en monnaie constante (base 100=2005).
249
- Achat des concessions :
Une relation correspondant à l’équilibre de long terme entre le prix du gaz naturel et
celui du brut sur le marché américain, a été estimée à partir des tests de cointégration :
250
PGN t = 0.096 PWTI t (Gachadouat et Hérault, 2006)
( stat )
(6-1)
Les équilibres de long terme entre les prix du naphta et du pétrole brut d’une part et
entre les prix du gazole et du brut d’autre part, ont été repris des analyses économétriques
présentées dans de Navacelle (2009). Les estimations ont été réalisées sur la période juin 1999
à décembre 2008, en tronquant l’intervalle sur la deuxième moitié de l’année 2008, qui
correspond à l’emballement puis à l’effondrement des marchés financiers suite à la crise
financière. Les séries de prix PWTIt, PGASOILt et PNAPt correspondent aux cotations des produits
respectifs suivants : pétrole brut WTI 39/0.32%, essence NY-Unleaded 93 0.3% et fioul
domestique NY-LS n°2, publiées par Platt’s.
(6-2)
(6-3)
Enfin, le diluant (type C5+) est tendanciellement valorisé au prix du brut WTI
augmenté d’un premium de qualité de 10% (Lacombe et Parsons, 2007) :
251
PDL t = 1.1.PWTI t
(6-4)
Les coûts fixes opératoires incluant main d'œuvre et maintenance ont été déterminés à
l’aide de données IFPEN. A partir d'un panel d'estimations pour différents projets (cf. tableau
6-2), nous avons choisi d'utiliser la valeur médiane des coûts. Les coûts fixes opératoires liés
aux technologies d'extraction minière et in situ et à l'étape d'upgrading sont de 7.3, 3.5 et 6.4
$CAN/b de bitume.
252
Tableau 6-2 : Estimations des coûts opératoires fixes prospectifs pour les technologies
minière, in situ et d'upgrading
- Coût de transport :
Le coût de transport des produits finis par oléoducs est également comptabilisé dans
les coûts opératoires. Dans le cas de la technologie intégrée, il inclut le coût de transport du
diluant et du bitume depuis le site d'extraction jusqu'au site d'upgrading (en général localisé à
Edmonton), et le coût de transport du pétrole brut synthétique d'Edmonton jusqu'au point
d'entrée sur le marché américain (Chicago, PADD 2). Dans le cas de la technologie non
intégrée, le coût de transport recouvre simplement le coût de transport du diluant et du bitume
depuis le site d'extraction jusqu'à Edmonton, le bitume étant alors directement valorisé au prix
du marché local d'Edmonton. Le coût de transport du bitume et du diluant entre le site
d'extraction et Edmonton est estimé à 0.78 et 0.53 $CAN/b respectivement (Sanière, 2007).
Le coût de transport du pétrole brut synthétique entre Edmonton et Chicago est estimé à 1.6
$CAN/b (Sanière, 2007).
253
- Coût de réhabilitation des sites de production :
Le retour d'expérience sur la réhabilitation des sites miniers restant très limité (seuls
deux sites exploités par Syncrude et Suncor ont été réhabilités en 2008 et 2010), le coût de
réhabilitation des sites miniers a été estimé à partir du coût correspondant à la réhabilitation
d'une partie de site du projet GateWay Hill de Syncrude publié par l’institut Pembina (Grant
et al., 2008, p.44). Avec un coût estimé à 30.5 M$CAN pour 270 hectares de terrain
réhabilités, le coût de réhabilitation de référence introduit dans la modélisation est pris égal à
114200 $CAN/ha exploité.
Nous ne disposons pas de données sur le coût de réhabilitation des sites exploités par
techniques in situ. Ce coût devrait rester nettement inférieur au coût de réhabilitation minier,
du fait de la faible empreinte géographique des projets in situ. Dans la suite de l’analyse, nous
faisons l'hypothèse que le coût de réhabilitation des sites in situ équivaut à 30% du coût de
réhabilitation des sites miniers.
254
6.1.3 Estimation des coûts environnementaux
Dans le cas de la filière d'extraction par techniques in situ, l'eau provient de la rivière
Athabasca et d'aquifères salins ou non salins. La tendance actuelle suivie par les opérateurs
consiste à remplacer progressivement l'eau de la rivière par de l'eau provenant d'aquifères
salins, afin de réduire les quantités d'eau déviées de la rivière Athabasca. Selon l’institut
Pembina, en 2006, plus de 50% de la ressource en eau consommée par la filière in situ
provenait d’aquifères salins. Cependant, le taux de remplacement reste limité, car la salinité
de l'eau utilisée pour produire la vapeur d'injection ne doit pas être trop importante, ce qui
nécessite de mélanger l'eau en provenance d'aquifères salins avec de l'eau douce dans le
processus de génération de vapeur d'injection (Griffiths, 2006). Selon sa composition, l'eau
saline peut également subir un traitement préalable avant utilisation. Un taux minimum de
recyclage de l'eau est également spécifié lors de la phase réglementaire d'autorisation d'un
projet in situ.
D’importants programmes de R&D ont été lancés par certains acteurs afin de
développer et tester à l’échelle industrielle de nouvelles technologies moins consommatrices
en eau. La construction d'une unité pilote utilisant la technologie d'extraction « Bitmin »,
opérée par UTS Energy Corporation et Suncor-PetroCanada sur le site de Fort Hills, est en
phase d’autorisation. Les besoins en eau pourraient être significativement réduits grâce à la
production de déchets ayant une plus faible teneur en eau. L’injection de solvants dans les
réservoirs en remplacement de la vapeur d’eau dans les procédés in situ est testée sur des
unités pilotes opérées par Suncor-PetroCanada. Enfin, des techniques de consolidation et de
sédimentation rapide des déchets liquides sont également en cours de développement. Malgré
une politique de R&D active, il est encore difficile d’estimer les performances et les
255
rendements techniques des technologies en développement, et l’introduction du progrès
technique dans notre modélisation reposerait alors sur plusieurs hypothèses fortes. Pour
contourner cette difficulté, nous avons préféré introduire un système payant d’allocations en
eau douce plus contraignant, dans la lignée de la nouvelle réglementation actuellement en
cours de test (cf. paragraphe 2.3.2.1).
Un quota sur la quantité annuelle maximale d'eau pouvant être déviée gratuitement de
la rivière Athabasca a été estimé pour la totalité du secteur non conventionnel à partir des
données disponibles dans Lunn (2008). Ce quota a été déterminé au prorata du nombre de
semaines lors duquel le débit de la rivière Athabasca est élevé ou faible entre une allocation
maximale de 10 m3/s en période de faible débit (19 semaines par an) et une allocation
maximale de 19 m3/s en période de débit élevé (33 semaines par an) (données adaptées de
Lunn, 2008). Ainsi, pour le secteur non conventionnel global, une allocation maximale de
495500 kt/an a été estimée par cette méthode.
Au-delà de ce quota, le coût d'approvisionnement en eau douce devient non nul. Si les
besoins en eau du secteur non conventionnel dépassent le quota, les producteurs ont la
possibilité de mieux répartir les soutirages en eau, en stockant en période de débit élevé une
quantité d'eau supplémentaire. Le coût moyen de construction et d’opération d’un bassin de
stockage a été estimé à 1.8 $US/t d’eau stockée, en considérant un coût du capital 1 $US/t et
des coûts opératoires liés au fonctionnement du bassin à 0.8 $US/t (données adaptées de
Koke, 1992). Une seconde alternative consisterait à faire payer une pénalité aux opérateurs
pour chaque unité d’eau consommée au-delà du quota fixé. Une analyse de sensibilité sur la
valeur de la pénalité sur la ressource en eau sera effectuée dans les simulations prospectives,
afin d’évaluer l’évolution du comportement d’investissement en fonction du montant de la
pénalité.
256
émissions de CO2. La technologie actuelle des procédés de captage du CO2 est justifiée
économiquement uniquement sur la capture de fumées concentrées en CO2, et ne peut pas être
envisagée pour capter de faibles émissions de CO2 peu concentrées. Dans le cas des deux
filières canadiennes de production, nous faisons ainsi l’hypothèse que seules les émissions de
CO2 issues des chaudières de production de vapeur (BP/MP et MP/HP), de l’unité de
production d’hydrogène par reformage du gaz naturel et du cycle combiné au gaz naturel pour
la production d’électricité peuvent être captées. A partir de données disponibles sur les
facteurs d’émissions (IFPEN) et le rendement des procédés de captage (90%), 63% des
émissions de CO2 totales issues des étapes d’extraction et d’upgrading peuvent être captées.
Un quota correspondant à 37% des émissions totales de CO2 sera ainsi introduit pour les deux
alternatives CO2 et les deux filières de production intégrées.
Nous avons choisi d’introduire une taxe constante pour chaque unité de CO2 émise,
contrairement à l’approche par le coût social du CO2, croissant en fonction de la production
cumulée, étant donné que les émissions de CO2 s'accumulent dans l'atmosphère sur une durée
de vie de l’ordre de 100 ans (Méjean et Hope, 2008). Différentes valeurs de taxe sur les
émissions de CO2, comprises dans l’intervalle [0, 200 $US/t] seront testées dans les
simulations prospectives. Nous supposons que les coûts associés au paiement de la taxe CO2
ne sont pas déductibles de l’assiette fiscale pour le calcul des royalties.
Plusieurs sources de publications ont été consultées pour estimer le coût complet
d’installation et d’opération d’unités de CSC. La figure 6-4 présente une synthèse des
estimations du coût complet de CSC. Selon l’IPCC (2005, p.11), le coût de CSC est compris
257
dans l’intervalle [15, 87 $US/t de CO2]. L’importance de cet intervalle s’explique par la
diversité des unités de production sur lesquelles sont installées les procédés de captage et des
cas d’étude concernant la distance de transport ou le type de stockage du CO2. Selon Tal
(2007), le coût de CSC est compris entre 40 et 61 $US/t de CO2, analogue au coût de CSC
estimé dans McKinsey (2008) pour la phase de début de commercialisation de la technologie
(de 46 à 66 $US/t). Selon le consortium ICO2N, qui est un regroupement de firmes du secteur
non conventionnel canadien créé pour étudier la faisabilité du déploiement de la capture et du
stockage du CO2 à l’échelle industrielle, le coût de CSC serait égal à 75 $US/t (estimation
2009, p. 12). En considérant la phase de démonstration de la technologie, le coût de CSC
estimé dans McKinsey (2008) augmente entre 80 et 120 $US/t, sous l’effet d’une fonction
d’apprentissage réduite. Enfin, le coût de CSC serait compris entre 108 et 140 $US/t selon
l’IFPEN (estimation 2008). Etant donné la diversité des estimations, une analyse de sensibilité
sur le coût complet de CSC sera également effectuée dans les simulations prospectives, en le
faisant varier sur l’intervalle [40, 200 $US/t].
Figure 6-4 : Estimations du coût unitaire de capture et stockage du CO2 (sources : IPCC,
2005 ; McKinsey, 2008 ; IFPEN, 2008 ; Tal, 2007 ; ICO2N, 2009)
258
6.1.4 Estimations des trajectoires tendancielles de prix
Les projections du prix du brut à horizon 2050 introduites dans le modèle d’offre
tendancielle correspondent aux estimations de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE,
2009). Les projections de prix, initialement exprimées en $US en monnaie constante (base
100=2008), ont été converties en $US (base 100=2005). Trois trajectoires tendancielles de
prix du brut sont disponibles en fonction de l’évolution de l’équilibre offre-demande
pétrolière. Dans le cas de la trajectoire de prix conservative ou minimum, élaborée en
considérant une faible croissance économique mondiale (et donc un relâchement des tensions
sur le marché international), le taux de croissance du prix du brut reste limité. Initialement
estimé à 63.3 $US/b en moyenne annuelle en 2015, le prix du brut croît modérément,
atteignant 75 $US/b en 2030 (+38.1%). Dans le cas de la trajectoire de prix de référence,
élaborée sous l’hypothèse d’une croissance économique moyenne et de tensions
intermédiaires sur l’équilibre offre-demande de pétrole, le taux de croissance du prix du brut
est plus important sur la période 2015-2030 (+62.4%). Initialement estimé à 81.3 $US/b en
2015, le prix du brut s’établit à 107.8 $US/b en 2030. Enfin, sous l’hypothèse d’une forte
croissance économique mondiale, une forte hausse du prix du brut est projetée, de 103.7
$US/b en 2015 à 140.6 $US/b en 2030 (+66.9%), constituant la trajectoire de prix maximum.
L'extrapolation des projections de prix de l’AIE sur les années manquantes 2010,
2035, 2040 et 2045 a été effectuée linéairement, en fonction des taux d'accroissement calculés
à partir des projections. Nous supposons ainsi que pour chaque trajectoire de prix, le taux
d’accroissement du prix entre la période 2010-2015 est identique à celui de la période
suivante 2015-2020. De même, le taux d’accroissement du prix entre les périodes 2030-2035,
259
2035-2040 et 2040-2045 est supposé constant et égal à celui obtenu sur la période 2025-2030.
Pour la trajectoire de prix minimum, le taux d’accroissement annuel est égal à 1.3% entre
2010 et 2020, puis à 1.1% entre 2020 et 2045. Pour la trajectoire de prix de référence, le taux
d’accroissement annuel vaut respectivement 3.1%, 1.5% et 1.4% sur les périodes 2010-2020,
2020-2025 et 2025-2045. Enfin, Pour la trajectoire de prix maximum, le taux d’accroissement
annuel s’établit à 3.5%, 1.5% et 1.4% sur les périodes 2010-2020, 2020-2025 et 2025-2045.
Les trois trajectoires tendancielles de prix du brut utilisées dans les simulations prospectives
sont présentées dans la figure 6-5.
200
161.5
150 150.7
140.6
131.3
$US(2005)/b
0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
Figure 6-5 : Scénarios prospectifs de prix du brut, période 2008-2045 (source : AIE, 2009)
260
Les notations suivantes sont proposées :
Le tableau 6-3 synthétise les trajectoires tendancielles de prix considérées dans chacun
des trois scénarios de Référence.
Tableau 6-3 : Estimations des variables prix de vente des trois scénarios de Référence
(modèle tendanciel)
Les estimations des paramètres de coûts utilisés dans les trois scénarios de Référence
sont identiques (exceptées pour les coûts opératoires énergétiques corrélés au prix de vente du
brut) et sont résumées dans le tableau 6-4.
261
Tableau 6-4 : Estimations des paramètres de coûts des trois scénarios de Référence (modèle
tendanciel)
Coût du capital
Filière minière intégrée (M$CAN) Filière in situ intégrée (M$CAN)
2005 4610 3032
2010 5 267 4 940
2015 5 662 4 457
2020 6 087 4 792
2025 6 544 5 151
2030 7 034 5 537
2035 7 562 5 953
2040 8 129 6 399
2045 8 739 6 879
Coûts opératoires
Concessions de minerai 2129 $CAN/mt/an bitume
Catalyseurs Hydrotraitement coupe naphta-gazole : 0.37 $US/t traitée
Hydrotraitement coupe dsv : 0.32 $US/t traitée
Gaz naturel P GNt =0.096P WTIt $US/MBtu
Naphta P NAPt =1.321P WTIt $US/t
Gazole P GASOILt =1.238P WTIt $US/t
Diluant (type C5+) P DLt =1.1P WTIt $US/b
Acquisition et traitement Acquisition : 0
de l'eau Filtration : 0.05 $US/t
Déminéralisation simple: 0.11 $US/t
Déminéralisation chaudière : 0.6 $US/t
Recyclage : 1 $US/t
Coûts fixes Extraction minière: 7.3 $CAN/b bitume Extraction in situ : 3.5 $CAN/b bitume
Upgrading : 6.4 $CAN/b bitume
Transport Athabasca-Edmonton : 0.78 $CAN/b bitume; 0.53 $CAN/b diluant
Edmonton-Chicago : 1.6 $CAN/b brut synthétique
Réhabilitation des sols Extraction minière : 114200 $CAN/ha Extraction in situ : 34260 $CAN/ha
Sources : Plourde, 2009 ; Gouvernement de l’Alberta, 2007; Gachadouat et Hérault, 2006 ;
Liégeard et al., 2009; de Navacelle, 2009 ; Lacombe et Parsons, 2007 ; Sanière, 2003
262
le quota sur la ressource en eau est égal à 495500 kt/an. Au-delà, le coût d’acquisition de l’eau
devient non nul, atteignant 1.8 $US/t. Une analyse de sensibilité sur le montant de la pénalité
hors quota complètera les résultats. Le système d’allocations en eau correspondant au cas
d’étude de référence est conservé dans les scénarios Environnementaux suivants.
Enfin, deux scénarios intégrant une pénalité CO2 ont été considérés. Dans le premier
scénario, noté ENV_pref_taxe, nous avons introduit une taxe sur les émissions de CO2 liées
aux nouvelles capacités mises en production à partir de la date d’application de la taxe, en
2020 (et donc relatives aux investissements effectués une période avant pour tenir compte du
délai de construction). L’hypothèse d’une trajectoire de prix de référence a été conservée. Une
analyse de sensibilité sur le montant de la taxe sera effectuée, sans modification de la date
d’introduction de la nouvelle réglementation. Dans le second scénario, noté ENV_pref_CSC,
nous avons considéré le déploiement d’unités de capture et stockage du CO2 comme
263
alternative au paiement d’une taxe CO2. Le processus décisionnel tient désormais compte
d’un coût supplémentaire lié à la CSC, visant à capter toutes les émissions de CO2 au-delà du
quota fixé.
Le travail d’estimation du coût de CSC a mis en évidence d’importants écarts entre les
estimations issues des publications consultées. Ces fortes incertitudes sur les coûts
proviennent du fait que la technologie de CSC est encore en phase de démonstration et donc
peu mature. Pour que les installations CSC soient fonctionnelles en 2020, les projets de
développement devraient être lancés dès 2015. Sur un horizon temporel aussi court, le retour
d’expérience et l’apprentissage risquent d’être limités et ne devraient pas permettre de réduire
significativement le coût des premières unités de CSC. D’autre part, l’efficacité énergétique
de la capture de CO2 reste encore problématique. Selon McKinsey (2008), l’installation d’une
unité de capture pénaliserait le rendement de l’unité productive, le réduisant de 7 à 12%. Par
conséquent, l’installation d’une unité de capture sur les unités de production des utilités
diminuerait la quantité produite de vapeur et d’électricité à capacité donnée.
20
Le projet de capture et stockage du CO2 « Weyburn », seul projet actuellement en fonctionnement au
Canada et opéré par deux producteurs canadien et américain, permet de capturer le CO2 émis par une unité de
gazéification implantée au Dakota, le transporte sur 325 km avant de le stocker dans le réservoir Weyburn opéré
par Encana, en l’utilisant comme procédé de récupération assistée. La capacité actuelle de stockage atteint 1500 t
CO2/j et devrait augmenter à 2500 t CO2/j sur une durée de fonctionnement de 25 ans (IEA Greenhouse Gas
R&D Programme, 2008).
264
Enfin, le développement de la capture et du stockage de CO2 risque d’être pénalisé par
un cadre réglementaire mal défini, qui n’apporte pas suffisamment de garanties aux opérateurs
(selon ConocoPhillips, cité dans Wells, 2008). Ainsi, aucun accord n’a à ce jour été conclu
entre les opérateurs pétroliers et les gouvernements provincial et fédéral concernant le
financement d’un futur système de transport du CO2 entre les sites d’extraction et de stockage.
Ainsi, face aux incertitudes économiques mais aussi réglementaires ou législatives
(responsabilité des acteurs en cas d’accidents de stockage), la plupart des producteurs non
conventionnels ont en pratique émis des critiques à l’encontre d’une politique volontariste de
déploiement de la CSC (Suncor, 2010).
Parmi ces limites, nous avons choisi d’évaluer plus en détails le risque
d’investissement, déjà soulevé par certains opérateurs (Suncor, cité dans Wells, 2008). Le
risque d’investissement est significatif et pourrait limiter le potentiel de développement de la
capture et du stockage du CO2, puisque d’importants coûts d’investissement doivent être
supportés dès la phase de construction, avant la mise en fonctionnement des unités. Afin
d’évaluer l’impact de ce risque sur le développement de la filière non conventionnelle, les
dépenses d’investissement dans la capture et le stockage du CO2 ont été modélisées de deux
manières. Dans la première, les dépenses d’investissement de CSC sont comptabilisées de
manière unitaire, c’est-à-dire comme des coûts opératoires, par unité de CO2 capté et stocké
sur la durée de vie de l’installation. Dans la seconde, les dépenses d’investissement sont
déboursées en annuités constantes. A l’instar des unités productives non conventionnelles,
nous supposons que le versement des dépenses d’investissement débute au cours de la phase
de construction, une période avant le démarrage des unités de CSC (en 2015 dans notre cas
d’étude). La durée d’amortissement de l’investissement est égale à 15 années (3 périodes) et
le taux d’actualisation considéré est de 8%. Le coût du capital représente 70% du coût de
production complet (McKinsey, 2008). Le montant total de l’investissement a été reconstitué
à partir du coût du capital unitaire exprimé par unité de CO2 capté et stocké et amorti sur une
durée de 20 ans, correspondant à la durée de vie d’une installation de CSC au cours de la
phase de démonstration (McKinsey, 2008). Une analyse de sensibilité sur le coût complet de
CSC, comptabilisé selon les deux méthodes précédentes, sera également effectuée.
L’arbitrage entre les deux alternatives « paiement de la taxe CO2 » et « investissement dans la
capture et le stockage » sera également évalué en fonction de la pénalité CO2.
265
Les scénarios prospectifs Environnementaux sont synthétisés dans le tableau 6-5.
Seuls les paramètres de coûts environnementaux qui diffèrent de ceux estimés dans les
scénarios de Référence sont indiqués.
Tableau 6-5 : Synthèse des scénarios Environnementaux et des estimations des paramètres de
coûts environnementaux (modèle tendanciel)
Au terme de cette première section, nous avons estimé les paramètres de coûts et de
prix du modèle de prospective de l’offre tendancielle, et élaboré les scénarios déterministes
prospectifs qui seront testés dans notre modélisation. Les scénarios de Référence vont nous
permettre d’évaluer le potentiel de développement à long terme des ressources non
conventionnelles, en considérant une évolution tendancielle des paramètres et variables
économiques sans rupture majeure par rapport au contexte actuel. Les scénarios
Environnementaux, en intégrant des coûts environnementaux supplémentaires, vont nous
266
permettre d’évaluer l’impact d’un cadre réglementaire environnemental plus contraignant sur
le potentiel de développement des ressources canadiennes.
Cette seconde section est consacrée à l’estimation des paramètres ainsi qu’à
l’élaboration des scénarios prospectifs qui seront utilisés dans le modèle d’offre stochastique.
Les incertitudes portant sur certains paramètres seront introduites à l’aide de scénarios
probabilisés. Le plan est identique à celui de la section précédente. Nous présentons d’abord
le travail d’estimation des paramètres de coûts et de prix, avant de détailler les scénarios
stochastiques prospectifs.
267
Tableau 6-6 : Coût unitaire du capital, minier et in situ intégré, correspondant au coût du
capital estimé en PL sur la période 2005-2045
Période Coût du capital minier intégré Coût du capital in situ intégré Coût du capital minier intégré Coût du capital in situ intégré
M$CAN(2005) M$CAN(2005) $CAN(2005)/b bit $CAN(2005)/b bit
2005 4610 3032 27.3 18.0
2010 5 267 4 940 31.2 29.3
2015 5 662 4 457 33.6 26.4
2020 6 087 4 792 36.1 28.4
2025 6 544 5 151 38.8 30.5
2030 7 034 5 537 41.7 32.8
2035 7 562 5 953 44.8 35.3
2040 8 129 6 399 48.2 37.9
2045 8 739 6 879 51.8 40.8
(Tableau de l’auteur)
Toutefois, les résultats des simulations rétrospectives présentées dans la section 5.3
mettaient en évidence des stratégies de développement systématiquement surestimées sous
une comptabilisation des dépenses d’investissement lissée par unité de produit. Un coefficient
de pondération avait été appliqué pour corriger ce biais. De plus, la spécification simplifiée du
problème en programmation dynamique ne permettait pas d’intégrer toutes les contraintes du
modèle linéaire et donc de répercuter la dégradation de la fonction objectif associée à la
saturation d’une des contraintes fiscales et budgétaires. Un second coefficient pondérateur
avait alors été introduit sur les coûts opératoires.
Une méthodologie identique sera utilisée pour les simulations prospectives. Toutefois,
l’estimation des coefficients de pondération et des coûts opératoires unitaires (par baril
produit) dépendra des résultats de simulations prospectives du modèle d’offre linéaire. Les
stratégies d’investissement déterminées avec le modèle de programmation linéaire
représenteront les stratégies de référence, et la fonction de coût utilisée en programmation
dynamique sera pondérée de manière à faire coïncider les trajectoires de développement
simulées par les deux modèles. Par conséquent, la fonction de coût du scénario de Référence,
estimée pour le modèle de programmation dynamique, sera présentée ultérieurement, dans la
section 8.1 (chapitre 8).
268
6.2.2 Estimation des coûts environnementaux
L’incertitude sur les prix futurs du pétrole brut a été modélisée à partir de scénarios
tendanciels probabilisés et de scénarios déterministes volatils. Sous la première spécification,
les trois scénarios de prix tendanciels minimum, de référence et maximum, issus des
269
projections de l’AIE (AIE, 2009), sont introduits simultanément dans le modèle sous forme
probabilisée. Dans un premier cas d’étude, nous considérons que la distribution des prix du
brut suit une loi normale sur chaque période, autour d’une valeur moyenne égale au prix du
scénario de référence, et avec un écart-type égal au différentiel de prix en valeur absolue entre
le scénario de référence et les scénarios minimum ou maximum. Les probabilités associées
aux trois scénarios de prix sont alors égales à 0.16 pour les scénarios extrêmes et 0.68 pour le
scénario de référence. Dans un second cas d’étude, une pondération équiprobable des trois
scénarios est utilisée (0.33, 0.34 et 0.33 respectivement), correspondant à une incertitude sur
les prix accrue.
Sous la seconde spécification, des scénarios de prix volatils sont générés à partir d’un
processus aléatoire, suivant une tendance de long-terme. Pour ce faire, un algorithme de
tirages aléatoires de prix mensuels couvrant la période 2010-2049 a été construit. Il intègre les
étapes suivantes :
[ln(Pf ) − ln( P0 )]
2) Calcul de la valeur vt = ln( PWTI t −1 ) + + ε t ; où P0 représente le
T
prix initial de référence (prix mensuel du 10/2009, à 63 $US/b) et Pf le prix de
3) Obtention d’un prix du brut mensuel Pt = e vt . Le tirage est cependant tronqué afin
de générer des prix compris entre 45 et 200 $US/b.
4) Ces trois étapes sont répétés 482 fois (les deux premiers tirages génèrent les prix
sur les mois 11/2009 et 12/2009, les 480 tirages suivants sur les mois 01/2010 à
12/2049) en remplaçant le prix PWTIt-1 par Pt. En milieu de période (à partir du
mois 01/2030), un accroissement de la volatilité des prix de 30% est considéré
270
(pour représenter une incertitude croissante en fonction du temps), modifiant le
tirage aléatoire (N(0, 0.095885)).
Les prix mensuels d’une même année sont ensuite triés par valeurs croissantes. Le prix
médian (6ème valeur sur 12) est alors conservé comme prix annuel. Trois exemples de
trajectoires de prix volatiles générées selon l’algorithme précédent sont présentés dans la
figure 6-6.
ϮϬϬ
ϭϴϬ
ϭϲϬ
ϭϰϬ
ϭϮϬ
ΨUS/b
ϭϬϬ
ϴϬ
ϲϬ
ϰϬ
ϮϬ
Ϭ
ϮϬϭϬ ϮϬϭϱ ϮϬϮϬ ϮϬϮϱ ϮϬϯϬ ϮϬϯϱ ϮϬϰϬ ϮϬϰϱ
^ĐĠŶĂƌŝŽƚĞŶĚĂŶĐŝĞůĚĞƌĠĨĠƌĞŶĐĞ ^ĐĠŶĂƌŝŽǀŽůĂƚŝůŶΣϭ
^ĐĠŶĂƌŝŽǀŽůĂƚŝůŶΣϮ ^ĐĠŶĂƌŝŽǀŽůĂƚŝůŶΣϯ
Figure 6-6 : Exemples de trajectoires de prix volatiles générées (processus aléatoire), période
2010-2045
271
ENVdet_pprob : scénario Environnemental déterministe avec les trois trajectoires de prix
tendanciels probabilisés
Les résultats des simulations obtenus à partir de l’ensemble de ces scénarios seront
analysés dans le chapitre 8.
Au terme de cette seconde section, nous avons estimé les paramètres de coûts et de
prix du modèle d’offre en programmation dynamique, et élaboré les scénarios prospectifs
complémentaires. En particulier, ces scénarios nous permettront d’évaluer l’impact de
l’incertitude, portant sur les prix futurs et/ou les réglementations environnementales, sur le
potentiel de développement des ressources canadiennes non conventionnelles.
Le chapitre suivant est consacré à l’analyse des résultats prospectifs issus du modèle
d’offre tendancielle.
272
Chapitre 7 : Prospective de l’offre
tendancielle
Dans un second temps, nous présentons les principaux résultats obtenus sous le
scénario Environnemental. Nous avons d’abord analysé l’impact de l’instauration du système
de quota en eau douce payant décrit dans le chapitre précédent sur les niveaux de production
et d’investissement minier et in situ. Nous avons ensuite évalué l’impact d’une hausse des
coûts de réhabilitation et d’une modification de leur système de provisionnement sur les
stratégies de développement. Enfin, nous avons analysé l’impact de deux nouvelles
réglementations pour la réduction des gaz à effet de serre (GES) : l’instauration d’une taxe sur
les émissions de CO2 et le déploiement d’unités de capture et stockage du CO2 sur les sites de
production. Une analyse de sensibilité a permis d’évaluer l’impact de différents niveaux de
273
taxe CO2 et coût de CSC sur les stratégies de production et d’investissement optimales
simulées.
Nous présentons dans cette première section les principaux résultats du modèle primal,
pour les filières de production minière et in situ : niveau de production et d’investissement,
consommation en eau, gaz naturel et autres utilités, ainsi que les émissions de CO2 associées.
Nous présentons ensuite les résultats issus des analyses de sensibilité. Les trois trajectoires
tendancielles de prix du brut (AIE, 2009) ont été utilisées.
Trois stratégies optimales d’investissement dans la filière minière ont été déterminées
en fonction des trajectoires tendancielles de prix du brut sous le scénario de Référence. Pour
chaque scénario de prix du brut, le niveau optimal de production, qui tient compte des
investissements incrémentaux et du déclassement des unités en fin de vie, est reporté sur la
figure 7-1.
Sous le scénario de référence de prix du brut, la production minière croît sur la période
2005-2025 grâce aux investissements dans 300 kb/j de capacité effectués sur les périodes
2005, 2015 et 2020. La production atteint au maximum 1.3 Mb/j en 2025, avant de diminuer
au rythme des déclassements entre 2030 et 2045.
274
Enfin, sous le scénario maximum de prix du brut, la production minière augmente plus
rapidement sur la période 2005-2035 avec l’ajout de 300 kb/j de capacité supplémentaire sur
toutes les périodes entre 2005 et 2030. La production minière atteint au maximum 1.9 Mb/j en
2035, avant de décroître au rythme des déclassements entre 2040 et 2045. Malgré des
scénarios de prix monotones croissants en tendance, leur évolution en niveau a un impact
majeur sur les stratégies d’investissement.
2.0
1.8
1.6
1.4
Mb/j bitume
1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
Une analyse prospective similaire a été effectuée sur la filière in situ intégrée. Pour
chacune des trois trajectoires de prix du brut (AIE, 2009), le niveau optimal de production,
qui tient compte des investissements incrémentaux et du déclassement des unités en fin de vie,
est reporté sur la figure 7-2.
275
Sous le scénario de référence de prix du brut, des investissements de 300 kb/j de
capacité sont effectués sur chaque période entre 2005 et 2030. La production in situ croît
rapidement sur la période 2005-2035, atteignant au maximum 1.8 Mb/j en 2035, avant de
diminuer au rythme des déclassements en 2040 et 2045.
2.0
1.8
1.6
1.4
Mb/j bitume
1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
276
7.1.2 Consommations en eau, gaz naturel, utilités et
émissions de CO2
La filière minière intégrée consomme 13.7 unités d’eau par unité de bitume produit.
30% de l’eau est consommée comme eau de refroidissement, tandis que 70% est consommée
comme eau de procédé (dont 74% pour l’hydrotransport et l’extraction du bitume par lavages
successifs). Sous l’hypothèse d’un taux de recyclage des eaux usées croissant au cours de la
période considérée (cf. annexe 4.3, hypothèses du tableau des rendements des unités de
traitement de l’eau), entre 10.3 (en 2005) et 11.9 (à partir de 2030) unités d’eau sont recyclées
par unité de bitume produit. Par conséquent, la consommation nette unitaire d’eau douce de la
rivière Athabasca diminue progressivement de 3.4 tonnes d’eau par tonne de bitume produit
par la filière minière intégrée en 2005 à 1.8 tonne d’eau par tonne de bitume à partir de 2030.
Les valeurs obtenues entre 2005 et 2025 (3.4 t d’eau/t de bitume en 2005, 2.7 t d’eau/t
de bitume en 2010 et 2015, 2.1 t d’eau/t de bitume en 2020 et 2025) sont comparables aux
estimations fournies par Griffiths (2006) ; cf. paragraphe 2.3.2.1), comprises entre 2.4 et 3.9 t
d’eau/t de bitume. Toutefois, les valeurs obtenues entre 2030 et 2045 (1.8 t d’eau /t de bitume)
sont légèrement inférieures à la fourchette d’estimation étant donné l’hypothèse
d’amélioration du taux de recyclage.
La filière in situ intégrée consomme 7.2 unités d’eau par unité de bitume produit. 58%
de l’eau est consommée comme eau de refroidissement, tandis que 42% est consommée
comme eau de procédé. Sous l’hypothèse d’un taux de recyclage des eaux usées croissant au
cours de la période considérée (cf. annexe 4.3, hypothèses du tableau des rendements des
unités de traitement de l’eau), entre 5.7 (en 2005) et 6.4 (à partir de 2030) unités d’eau sont
recyclées par unité de bitume produit. La consommation nette unitaire d’eau douce de la
rivière Athabasca diminue progressivement de 1.4 tonne d’eau par tonne de bitume produit
277
par la filière in situ intégrée en 2005 à 0.8 tonne d’eau par tonne de bitume à partir de 2030.
Les valeurs de consommation nette obtenues entre 2005 et 2025 (1.4 t d’eau/t de bitume en
2005, 1.08 t d’eau/t de bitume en 2010 et 2015, 0.94 t d’eau/t de bitume en 2020 et 2025) sont
comparables aux estimations fournies par Griffiths (2006) ; cf. paragraphe 2.3.2.1), comprises
entre 0.9 et 1.4 t d’eau/t de bitume. Toutefois, là encore, les valeurs obtenues entre 2030 et
2045 (0.8 t d’eau/t de bitume) sont légèrement inférieures à la fourchette d’estimation étant
donné l’hypothèse d’amélioration du taux de recyclage.
Pour l’ensemble de la filière in situ intégrée, la consommation totale d’eau douce est
comprise entre 37677 kt/an en 2005 et 84044 kt/an au maximum en 2035 sous les deux
trajectoires de prix de référence et maximum.
L’ensemble des estimations des consommations en eau obtenues pour chacune des
filières de production est synthétisé dans le tableau 7-1.
278
Tableau 7-1: Estimations des consommations en eau des filières de production minière et in
situ intégrée sous le scénario de Référence
La consommation unitaire de gaz naturel pour la filière minière intégrée atteint 0.676
MBtu par baril de bitume, équivalent à 18.8 m3/baril de bitume, et comparable aux
estimations de la littérature. Elle ne tient toutefois pas compte d’un besoin croissant en
hydrogène pour améliorer la qualité du brut synthétique issu de l’upgrading.
La consommation unitaire de gaz naturel pour la filière in situ intégrée atteint 1.51
MBtu par baril de bitume, équivalent à 42.1 m3/baril de bitume, soit deux fois supérieure à
celle de la filière minière intégrée, et comparable aux estimations de la littérature.
279
Pour l’ensemble de la filière in situ intégrée, la consommation totale de gaz naturel est
comprise entre 246 millions de MBtu en 2005 et 995 millions de MBtu au maximum en 2035
sous les deux trajectoires de prix de référence et maximum.
L’ensemble des estimations des consommations en gaz naturel obtenues pour chacune
des filières de production est synthétisé dans le tableau 7-2.
Tableau 7-2: Estimations des consommations en gaz naturel des filières de production minière
et in situ intégrée sous le scénario de Référence
Avec une consommation unitaire en vapeur BP/MP égale à 0.202 tonne par tonne de
bitume produit, les besoins cumulés en vapeur BP/MP de la filière minière sont compris entre
5.9 Mt en 2005 et 14.8 Mt au maximum en 2025, sous l’hypothèse de trajectoire de prix de
référence. La vapeur BP/MP est utilisée dans l’unité de centrifugation du bitume (38%), dans
les unités de distillation atmosphérique (9%) et sous vide (14%) ainsi que dans l’unité Claus
de traitement des fumées soufrées (38%).
280
La consommation en vapeur MP/HP est presque deux fois inférieure, puisqu’elle est
comprise entre 3.2 Mt en 2005 et 8.0 Mt au maximum en 2025, avec une consommation
unitaire égale à 0.108 tonne de vapeur MP/HP par tonne de bitume produit. Elle est utilisée
dans les unités de cokéfaction retardée (46%) et d’hydrotraitement (54%).
Enfin, les besoins en électricité sont compris entre 3.4 TWh en 2005 et 8.4 TWh au
maximum en 2025, avec une consommation unitaire égale à 114.0 kWh par tonne de bitume
produit, et comparable aux estimations de la littérature. Les unités les plus consommatrices en
électricité sont l’unité d’hydrotransport (35%) et l’unité d’extraction du bitume par lavages
successifs (33%), le reste étant destiné aux unités de centrifugation, de distillation, de
cokéfaction, d’hydrotraitement, de traitement des fumées soufrées ainsi que des unités de
production de vapeur (entre 1 et 6% des besoins cumulés).
Dans le cas de la filière in situ intégrée, avec une consommation unitaire en vapeur
BP/MP égale à 0.124 tonne par tonne de bitume produit, les besoins cumulés en vapeur
BP/MP sont compris entre 3.3 Mt en 2005 et 13.2 Mt au maximum en 2035, sous les
trajectoires de prix de référence et maximum. La vapeur BP/MP est utilisée dans les unités de
distillation atmosphérique (15%) et sous vide (23%) ainsi que dans l’unité Claus de traitement
des fumées soufrées (61%).
Enfin, les besoins en électricité sont compris entre 1.8 TWh en 2005 et 7.3 TWh au
maximum en 2035, avec une consommation unitaire égale à 68.4 kWh par tonne de bitume
produit, et comparable aux estimations de la littérature. Les unités les plus consommatrices en
électricité sont l’unité de récupération in situ du bitume (28%) ainsi que l’unité de production
de vapeur MP/HP (37%), le reste étant destiné aux unités de distillation, de cokéfaction,
d’hydrotraitement, de traitement des fumées soufrées ainsi que de l’unité de production de la
vapeur BP/MP (entre 2 et 7% des besoins cumulés).
281
L’ensemble des estimations des consommations en utilités obtenues pour chacune des
filières de production, sous la trajectoire de prix de référence, est synthétisé dans le tableau
7-3.
Tableau 7-3 : Estimations des consommations en utilités des filières de production minière et
in situ intégrée sous le scénario de Référence (trajectoire de prix de référence)
Les émissions de CO2 associées à la filière minière intégrée sont comprises entre 14.3
Mt/an en 2005 et 35.8 Mt/an au maximum en 2025, sous l’hypothèse d’un facteur d’émissions
de CO2 égal à 79 kg/b de bitume produit (0.487 t/t de bitume produit) et sous la trajectoire de
prix de référence. Elles pourraient atteindre 53.0 Mt/an en 2035 sous la trajectoire de prix
maximum.
Sous les trajectoires de prix de référence ou maximum, les émissions de CO2 associées
à la filière in situ intégrée sont comprises entre 19.5 Mt/an en 2005 et 78.9 Mt/an au
282
maximum en 2035 sous l’hypothèse d’un facteur d’émissions de CO2 égal à 120 kg/b de
bitume produit (0.744 t/t de bitume produit).
L’ensemble des estimations des émissions de CO2 associées à chacune des filières de
production est synthétisé dans le tableau 7-4.
Tableau 7-4 : Estimations des émissions de CO2 associées aux filières de production minière
et in situ intégrée sous le scénario de Référence
283
2010 et 2030 en considérant le scénario de référence du prix du brut (cf. figure 7-3). Les coûts
sont exprimés en dollars US en monnaie constante (base 100=2005).
Figure 7-3 : Décomposition des coûts de production miniers, années 2010 et 2030
Egal à 58.3 $/b de bitume en 2010, le coût de production est composé en majorité du
coût du capital qui s’établit à 27.2 $/b (46.6% du coût total). Les coûts opératoires fixes et
variables atteignent 23.2 $/b, tandis que les royalties sont égales à 7.9 $/b. En 2030, le coût de
production atteint 82.5 $/b, le coût du capital s’établissant à 35.4 $/b (42.9% du coût total),
tandis que les coûts opératoires et les royalties atteignent 27 et 20.1 $/b.
Les coûts opératoires augmentent sous l’effet de la hausse des prix des commodités
énergétiques corrélés au prix du brut, tandis que la part des royalties s’accroît fortement sous
l’effet de la hausse du prix du brut, les taux de royalties étant calculés à partir d’un système
flexible en fonction du prix du brut.
Dans notre modèle de prospective, la hausse des coûts opératoires miniers entre 2010
et 2030 est uniquement liée à l’augmentation des prix des commodités énergétiques utilisées
dans la chaîne de production, telles que le gaz naturel, le carburant diesel et le naphta et autre
diluant. Ainsi, les dépenses opératoires énergétiques s’établissent à 7.5 $/b en 2010, soit
32.3% des dépenses opératoires globales et augmentent à 11.5 $/b en 2030, soit 42.5% des
dépenses opératoires (cf. figure 7-4).
284
Figure 7-4 : Décomposition des coûts opératoires miniers, années 2010 et 2030
La structure des coûts de production in situ sur le sentier optimal de production évolue
au cours des périodes de la même manière que celle des coûts de production miniers. En
utilisant la même décomposition que précédemment, les coûts de production in situ à l’année
2010 et 2030 sont représentés sur la figure 7-5. Les coûts sont exprimés en dollars US en
monnaie constante (base 100=2005).
285
Figure 7-5 : Décomposition des coûts de production in situ, années 2010 et 2030
Egal à 52.3 $/b de bitume en 2010, le coût de production in situ est composé en
majorité du coût du capital qui s’établit à 25.5 $/b (48.7% du coût total). Les coûts opératoires
fixes et variables atteignent 20.8 $/b, tandis que les royalties sont égales à 6 $/b. En 2030, le
coût de production atteint 72.1 $/b, le coût du capital s’établissant à 27.9 $/b (38.7% du coût
total), tandis que les coûts opératoires et les royalties atteignent 26.2 et 18 $/b.
Les mécanismes de hausse des coûts sont identiques au cas d’étude précédent. En
particulier, le coût du gaz naturel et les royalties augmentent nettement sous l’effet de la
hausse du prix du brut. Les dépenses opératoires énergétiques représentent ainsi 50.5% du
coût opératoire total en 2010 contre 61.3% en 2030 (cf. figure 7-6).
Figure 7-6 : Décomposition des coûts opératoires in situ, années 2010 et 2030
286
Les résultats prospectifs décrits dans cette première section constituent les cas de
référence puisqu’ils ont été obtenus sous des hypothèses économiques « classiques » sans
rupture majeure par rapport aux tendances actuelles. Les niveaux d’investissement et de
production pour les deux filières non conventionnelles minière et in situ ont été déterminés
dynamiquement sous les trois trajectoires tendancielles de prix du brut, à partir de
l’optimisation de la fonction de profit intertemporelle et de l’analyse du problème primal. De
plus, les estimations de consommation en eau, en gaz naturel et en utilités déterminées lors
des simulations sont comparables aux données publiques. Nous avons également déterminé
l’évolution des émissions de CO2 associées aux filières de production intégrées à horizon
2050.
21
Selon le Plan Vert du Canada, les installations de production pétrolière non conventionnelle mise en
fonctionnement après 2012 devaient atteindre un objectif d’émissions de GES plus strict basé sur l'utilisation du
captage et du stockage du CO2 en 2018. Pour des raisons de schématisation liées au découpage en périodes de 5
années, nous avons fait l’hypothèse dans notre modélisation d’une pénalisation des nouvelles installations de
production démarrant en 2020 ou après.
287
réglementations environnementales sur la stratégie optimale d’investissement et de déterminer
les valeurs limites de pénalité qui modifient la stratégie à l’optimum.
Selon la CAPP, les allocations en eau douce destinées au secteur pétrolier non
conventionnel atteignaient en 2008 5% des allocations totales égales à 9.6 milliards de m3 par
an, soit 480 millions de m3 par an. Environ 60% des allocations (288 Mm3/an) sont destinées
à la filière minière tandis que les 40% restants (192 Mm3/an) sont destinées à la filière in situ
(ONE, 2006). Le système actuel de quotas d’eau douce s’avère non contraignant pour le
développement du secteur non conventionnel puisque les consommations d’eau douce ont été
évaluées au maximum à 195 et 84 millions de m3 par an pour les filières minière et in situ.
Malgré une consommation en eau 30% plus élevée lors des phases de démarrage, la
maturité des technologies étudiées permet d’atteindre un taux élevé de recyclage des eaux
usées sur les phases suivantes (85% et 87% en moyenne par technique minière et in situ
respectivement), ce qui limite le recours à l’eau douce. Dans notre modèle, la consommation
en eau douce pourrait être légèrement sous-estimée puisque nous avons supposé que l’eau
douce est recyclée tout au long de la durée de vie d’un projet, alors que les cycles de
recyclage sont limités dans la pratique. Toutefois, ce biais sera négligé dans notre analyse.
288
2020. Les producteurs miniers sont alors incités à suivre une stratégie d’investissement plus
conservative, en annulant l’investissement initialement planifié en 2020.
Quota Coût d'approvisionnement en Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
eau douce d'investissement (2020) dans la technologie minière
Mt/an $US/t
288 1.8 8.765 2005, 2015 et 2020
127 1.8 2.659 2005, 2015 et 2020
126 1.8 -0.925 2005 et 2015
100 1.8 -3.365 2005 et 2015
0 1.8 -6.155 2005 et 2015
0 1.1 -0.353 2005 et 2015
0 1 0.476 2005, 2015 et 2020
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
289
comprise entre 0 et 192 Mm3/an. Cela signifie que les producteurs non conventionnels sont
prêts à payer un coût d’approvisionnement à 1.8 $US/t dès la première tonne d’eau douce
déviée sans modifier leur comportement d’investissement.
Quota Coût d'approvisionnement en Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
eau douce d'investissement (2020) dans la technologie in situ
Mt/an $US/t
192 1.8 7.767 2005-2030
0 1.8 5.451 2005-2030
0 3 3.907 2005-2030
0 4 2.62 2005-2030
0 5 1.333 2005-2030
0 6 0.046 2005-2030
0 7 -1.240 2005-2025
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
290
unitaire en eau douce de la filière minière est environ 2.5 fois plus élevée que celle de la
filière in situ.
Nous avons représenté sur la figure 7-7 le profit net cumulé minier simulé en fonction
du système de provisionnement des coûts de réhabilitation, sous la trajectoire de prix de
référence. Les valeurs de coûts et de profit sont exprimées en dollars US en monnaie
constante (base 100=2005). En considérant le coût de réhabilitation de référence et le
paiement des dépenses de réhabilitation en fin de projet (scénario ENV_pref_rehf), la
multiplication du coût unitaire de réhabilitation par un facteur compris dans l’intervalle [1.1;
291
2] ne modifie pas les stratégies optimales de production et d’investissement déterminées dans
le scénario de Référence. Les investissements dans 300 kb/j de capacité effectués sur les
périodes 2005, 2015 et 2020 sont conservés. Le profit net cumulé minier diminue cependant
légèrement sous l’effet de la hausse du coût unitaire de réhabilitation : il diminue ainsi de
0.4% lorsque le coût unitaire de réhabilitation double.
292
59.80 59.78 59.75 59.73 59.71 59.69 59.67 59.64 59.62
60.0 59.60 59.58
58.67 58.53
58.39 58.26
58.12 57.99
G$US 57.85 57.72
58.0 57.58 57.45
57.32
56.0
1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 2
Figure 7-7 : Impact d’une hausse des coûts de réhabilitation et du système de provisionnement
sur le profit net cumulé minier sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)
293
Figure 7-8 : Evolution des dépenses de réhabilitation des sites miniers en fonction du système
de provisionnement sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)
294
Ce résultat provient d’une comptabilisation différente des coûts de réhabilitation selon
le système de provisionnement. En effet, sous l’hypothèse d’un paiement des dépenses de
réhabilitation en fin de projet, seuls les coûts de réhabilitation liés aux projets déclassés et aux
investissements effectués sur les périodes 2005 et 2010 sont comptabilisés. Sous l’hypothèse
du provisionnement des coûts de réhabilitation en cours de production, l’ensemble des coûts
de réhabilitation liés aux projets historiques en fonctionnement et aux nouveaux
investissements est comptabilisé.
Dans le cadre des politiques de réduction des émissions de GES, nous supposons dans
un premier temps que les producteurs de brut non conventionnel peuvent être soumis à une
taxe sur les émissions de CO2 associées aux nouveaux projets mis en production à partir de
2020. L’analyse du problème dual relâché en nombres réels a permis de mettre en évidence
des ruptures sur les stratégies optimales en fonction du niveau de taxe imposé.
295
monnaie constante (base 100=2005). Les résultats présentés dans ce paragraphe ont été
obtenus sous la trajectoire de prix de référence.
L’instauration d’une taxe sur les émissions de CO2 à horizon 2020 pourrait pénaliser le
développement des filières minière et in situ selon le niveau de taxe.
Pour une taxe CO2 supérieure ou égale à 42 $/t, l’investissement initialement planifié à
l’année 2015 est suspendu et la valeur marginale associée à l’équation d’investissement à
l’année 2015 devient négative (-2.297 pour une taxe CO2 à 42 $/t). Le producteur n’investit
pas au-delà de 2005 et la production atteint alors au maximum 0.8 Mb/j en 2010 et 2015.
296
1.4
1.2
1.0
Mb/j bitume
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
Figure 7-9 : Evolution des stratégies optimales de production minière en fonction de la taxe
CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)
Taxe CO2 Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
d'investissement (année) dans la technologie minière
$US/t
0 8.765 (2020) 2005, 2015 et 2020
4 -0.171 (2020) 2005 et 2015
4 -107.6 (2010) 2005 et 2010 (sous-optimale forcée)
42 -2.297 (2015) 2005
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
297
associée à l’équation d’investissement à l’année 2020 devient négative (-1.560 pour une taxe
CO2 à 135 $/t). La production atteint au maximum 1.2 Mb/j en 2020, puis diminue
progressivement à 0.3 Mb/j en 2045. Enfin, pour une taxe CO2 comprise entre 149 et 200 $/t,
seul l’investissement planifié en 2010 est maintenu. La valeur marginale associée à l’équation
d’investissement à l’année 2015 devient négative (-3.306 pour une taxe CO2 à 149 $/t). La
production atteint au maximum 0.9 Mb/j en 2020 avant de s’annuler en 2045.
2.0
1.5
Mb/j bitume
1.0
0.5
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
Figure 7-10 : Evolution des stratégies optimales de production in situ en fonction de la taxe
CO2 sur la période 2005-2045 (trajectoire de prix de référence)
Taxe CO2 Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
d'investissement (année) dans la technologie in situ
$US/t
0 7.767 (2030) 2005-2030
7 -1.107 (2030) 2005-2025
96 -0.874 (2025) 2005-2020
135 -1.560 (2020) 2005-2015
149 -3.306 (2015) 2005-2010
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
298
7.2.3.2 Arbitrage entre les alternatives « taxe CO2 » et « capture et
stockage de CO2 »
Face à l’introduction d’une taxe sur les émissions de CO2, les producteurs non
conventionnels peuvent arbitrer entre les deux alternatives proposées et choisir d’investir dans
des unités de capture et stockage du CO2 (CSC) plutôt que de payer la taxe CO2. Pour évaluer
l’intérêt d’un tel arbitrage, l’alternative « investissement dans la capture et le stockage du CO2
(CSC)» peut être modélisée de deux manières. Dans la première, les dépenses
d’investissement sont comptabilisées comme des coûts opératoires, par unité de CO2 capté et
stocké sur la durée de vie de l’installation. Dans la seconde, les dépenses d’investissement
sont déboursées en annuités constantes sur 15 années, avec un amortissement par unité de
CO2 capté et stocké décroissant au cours du temps. Le versement débute une période (5
années) avant la mise en fonctionnement, au cours de la phase de construction, à l’instar des
investissements dans les autres unités productives. Le taux d’actualisation est identique à celui
utilisé pour le reste du projet non conventionnel, égal à 8%.
En premier lieu, une analyse comparative des stratégies d’investissement et des profits
intertemporels obtenus sous les deux alternatives «paiement d’une taxe CO2 » et
« investissement dans la capture et le stockage de CO2 » a été effectuée, en comptabilisant les
dépenses d’investissement de CSC sous la forme de coûts unitaires. Les deux alternatives ont
été envisagées simultanément, en considérant une taxe CO2 et un coût de CSC identiques.
D’après les estimations de coût de CSC synthétisées dans le paragraphe 6.1.3, nous
supposons que le coût complet de CSC est borné au minimum à 40 $/t de CO2 (valeur
inférieure publiée dans Tal, 2007 ; cf. figure 6.4).
Dans le cas de la filière minière, pour une pénalité CO2 (taxe ou coût de CSC)
comprise entre 40 et 67 $/t, on observe un arbitrage favorable pour l’alternative
« investissement dans la capture et le stockage du CO2 », sous l’hypothèse d’une
comptabilisation en coûts unitaires. La stratégie optimale consiste à investir dans 300 kb/j de
capacité supplémentaire sur la période 2015. La production atteint au maximum 1 Mb/j en
2020 et 2025, avant de diminuer progressivement à 0.4 Mb/j en 2040 et 2045. La stratégie
d’investissement dans la capture et le stockage du CO2 est avantagée fiscalement par rapport
299
au paiement d’une taxe CO2, grâce à la déduction des coûts d’investissement et des coûts
opératoires de CSC de l’assiette des royalties.
En revanche, lorsque le coût de CSC est supérieur ou égal à 68 $/t de CO2, il n’est plus
optimal d’investir dans des capacités supplémentaires sur la période 2015, et la valeur
marginale associée à l’équation d’investissement sur la période 2015 devient négative (-
0.187). Les stratégies d’investissement et de production deviennent alors identiques sous les
deux alternatives CO2, puisque les nouvelles capacités démarrées avant 2020 ne sont plus
soumises à une pénalité CO2. L’évolution à l’optimum de l’investissement cumulé dans la
filière minière sur la période 2005-2045 en fonction du coût de l’alternative CO2 est présentée
dans la figure 7-11.
Nous avons représenté sur la figure 7-12 le profit optimal cumulé du secteur minier
correspondant aux deux alternatives « paiement de la taxe CO2 » et « investissement dans la
capture et le stockage du CO2 » ainsi que le différentiel de profit net en fonction du coût de
l’alternative CO2 compris dans l’intervalle [40 $/t, 70 $/t]. Le profit net cumulé correspondant
à la stratégie d’investissement dans des unités de CSC est compris entre 57.3 et 57.7 milliards
de dollars. Sur tout l’intervalle considéré, il est supérieur au profit net cumulé correspondant
au paiement de la taxe CO2, égal à 57.3 milliards de dollars. Les deux profits nets cumulés
300
s’égalisent lorsque le coût du CO2 atteint 68 $/t puisque la production n’est plus soumise à
une pénalité CO2, les investissements étant antérieurs à 2015. Le différentiel de profit net
cumulé est compris entre 0.02% pour un coût du CO2 égal à 67 $/t et 0.57% pour un coût CO2
à 40 $/t.
57.7 0.30%
57.6 0.25%
57.5 0.20%
57.4
G$US
0.15%
57.3
57.2 0.10%
57.1 0.05%
57.0 0.00%
40 45 50 55 60 65 70
Coût de l'alternative CO2 ($US/t)
Dans le cas de la filière in situ, un arbitrage favorable est également observé pour
l’alternative « investissement dans la capture et le stockage du CO2 », lorsque le coût de
l’alternative CO2 est compris entre 40 et 200 $/t. Cette alternative est avantagée grâce à la
déduction fiscale des coûts d’investissement et des coûts opératoires de CSC et permet
d’atteindre un niveau d’investissement cumulé plus élevé à l’optimum (entre 300 et 900 kb/j
de capacité supplémentaire par rapport à celui déterminé sous l’alternative « paiement de la
taxe CO2 »).
301
Pour un coût complet de CSC compris entre 40 et 159 $/t, les investissements à 300
kb/j de capacité sont maintenus entre 2005 et 2025. La production atteint au maximum 1.7
Mb/j en 2030, avant de diminuer progressivement à 0.9 Mb/j en 2045. Lorsque le coût de
CSC est compris entre 160 et 200 $/t, l’investissement sur la période 2025 est annulé, et la
valeur marginale associée à l’équation d’investissement sur la période 2025 devient négative
(-0.874). La production atteint au maximum 1.5 Mb/j en 2030 et diminue à 0.6 Mb/j en 2045.
L’évolution à l’optimum de l’investissement cumulé dans la filière in situ sur la période 2005-
2045 en fonction du coût de l’alternative CO2 est présentée dans la figure 7-13.
Nous avons représenté sur la figure 7-14 le profit optimal cumulé in situ correspondant
aux deux alternatives étudiées « paiement de la taxe CO2 » et « investissement dans la capture
et le stockage du CO2 » ainsi que le différentiel de profit net en fonction du coût de
l’alternative CO2 compris dans l’intervalle [40 $/t, 200 $/t]. Le profit net cumulé à l’optimum
correspondant à la stratégie d’investissement dans des unités de CSC est compris entre 64.5 et
70.4 milliards de dollars. Sur l’intervalle considéré, il est supérieur au profit net cumulé
correspondant au paiement de la taxe CO2, compris entre 63.3 et 69.4 milliards de dollars. Le
différentiel de profit net cumulé est compris entre 1.5% pour un coût de l’alternative CO2 égal
à 40 $/t et 4.6% pour un coût à 140 $/t. Lorsque le coût de l’alternative CO2 est compris entre
40 et 95 $/t, les stratégies optimales de production et d’investissement sont identiques sous les
302
deux alternatives. Cependant, le différentiel de profit net cumulé suit une tendance croissante
grâce à la déduction fiscale des coûts de CSC. En revanche, lorsque le coût de l’alternative
CO2 est compris entre 96 et 140 $/t, le taux de croissance du différentiel de profit net cumulé
provient du niveau d’investissement supérieur sous l’alternative CSC, générant des revenus
supplémentaires. Enfin, lorsque le coût de l’alternative CO2 atteint 149 $/t, les investissements
sous l’alternative « paiement de la taxe CO2 » sont effectués avant 2015 et ne sont donc plus
pénalisés par un coût CO2 supplémentaire. Le profit net reste alors constant à 63.3 milliards
de dollars et on se retrouve dans un cas similaire à la technologie minière, avec un différentiel
de profit net décroissant en fonction du coût de l’alternative CO2.
70.0 5.0%
68.0 4.0%
3.0%
G$US
66.0
2.0%
64.0 1.0%
62.0 0.0%
40 60 80 100 120 140 160 180 200
Figure 7-14 : Evolution du profit optimal cumulé du secteur in situ en fonction de l’alternative
CO2 (trajectoire de prix de référence)
303
En modifiant la spécification des coûts d’investissement de CSC sous la forme
d’annuités constantes (cf. sous-section 6.1.5), l’arbitrage en faveur du déploiement de la
capture et du stockage du CO2 dans la filière minière n’apparaît plus. Quelque soit la valeur
de la pénalité CO2 (taxe ou coût de CSC), à l’optimum, le profit est pénalisé par les dépenses
d’investissement liées à la capture et au stockage du CO2 et les producteurs ne sont plus
incités à investir dans cette alternative. Les stratégies optimales correspondent alors à celles
déterminées sous l’alternative « paiement de la taxe CO2 » (cf. paragraphe 7.2.3.1).
Coût de CSC Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement
d'investissement (année) dans la technologie minière
$US/t
0 8.765 (2020) 2005, 2015 et 2020
2 0.394 (2020) 2005, 2015 et 2020
3 -6.633 (2010) 2005 et 2015
17 6.392 (2015) 2005 et 2015
18 -4.123 (2015) 2005
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
304
L’impact du risque d’investissement peut être évalué en comparant les profits nets
cumulés obtenus sous les deux systèmes d’amortissement du coût du capital de CSC pour une
même stratégie d’investissement et de production. Nous avons représenté sur la figure 7-15
les profits nets cumulés du secteur minier obtenus sous les deux spécifications
(comptabilisation en coûts unitaires et en annuités constantes sur 15 ans) sur la trajectoire
optimale de production et d’investissement déterminée sous une comptabilisation unitaire des
coûts d’investissement de CSC. Le profit net cumulé du secteur minier avec l’amortissement
en annuités constantes du coût du capital a donc été obtenu en forçant le modèle
d’optimisation à suivre la même trajectoire de production et d’investissement, qui est sous-
optimale dans ce cas d’étude. Des investissements dans 300 kb/j de capacité supplémentaire
sont ainsi effectués en 2005 et 2015. La comparaison est limitée à un coût de CSC compris
entre 40 et 66 $/t de CO2, valeur au-delà de laquelle l’investissement planifié en 2015 est
annulé à l’optimum sous les deux modes de comptabilisation des dépenses d’investissement
de CSC.
Figure 7-15 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le profit net
cumulé du secteur minier (trajectoire de prix de référence)
Sous le système d’amortissement sur 15 ans, le profit net cumulé du secteur minier est
légèrement inférieur à celui obtenu par comptabilisation unitaire. Il est réduit de 2.4% pour un
coût de CSC de 40 $/t à 4% pour un coût de CSC de 66 $/t, mais reste néanmoins élevé,
compris entre 55.0 et 56.3 milliards de dollars.
305
Une analyse similaire a été effectuée pour la filière de production in situ. Sous
l’hypothèse d’une comptabilisation des investissements de CSC en annuités constantes sur 15
ans, nous n’observons plus d’arbitrage favorable au déploiement de la capture et du stockage
du CO2 dans la filière in situ. De même que pour la filière minière, quelque soit la valeur de la
pénalité CO2 (taxe ou coût de CSC), à l’optimum, le profit est pénalisé par les dépenses
d’investissement liées à la capture et au stockage du CO2 et les producteurs ne sont plus
incités à investir dans cette alternative. Les stratégies optimales de production et
d’investissement in situ correspondent alors à celles déterminées sous l’alternative « paiement
de la taxe CO2 » (cf. paragraphe 7.2.3.1).
Coût de CSC Coût réduit associé à l'équation Valeur duale Stratégie optimale d'investissement dans
d'investissement (année) la technologie in situ
$US/t
0 7.767 (2030) 2005-2030
2 2.079 (2030) 2005-2030
3 -2.848 (2030) 2005-2025
37 1.673 (2025) 2005-2025
38 -5.575 (2025) 2005-2020
56 5.612 (2020) 2005-2020
57 -5.124 (2020) 2005-2015
64 0.712 (2015) 2005-2015
65 -15.352 (2015) 2005 et 2010
200 -1670.2 (2015) 2005 et 2010
Sources : Résultats des simulations prospectives PL
306
L’instauration d’une nouvelle réglementation sur la capture et le stockage du CO2
semblerait ainsi moins pénalisante pour le développement prospectif des projets in situ,
malgré un facteur unitaire d’émissions de CO2 supérieur dans le cas de l’extraction par
techniques in situ (0.483 t de CO2/ t de bitume extrait contre 0.226 t/t de bitume pour la filière
d’extraction minière). Ce résultat semble provenir des écarts observés sur le coût du capital
des deux filières de production. La filière de production minière, fortement capitalistique,
semble davantage fragilisée par une hausse supplémentaire du coût du capital, liée aux
investissements de CSC que la filière de production in situ.
Une analyse comparative des profits intertemporels du secteur in situ obtenus sous les
deux modes de comptabilisation a ensuite été menée. Les profits nets cumulés ont été obtenus
sur la trajectoire de production et d’investissement optimal correspondant à la modélisation
d’un coût du capital de CSC unitaire. Sous le système d’amortissement sur 15 ans, le profit
net cumulé du secteur in situ est réduit de 6.1% pour un coût de CSC de 40 $/t à 35% pour un
coût de CSC de 200 $/t par rapport au profit net cumulé obtenu en comptabilisation unitaire.
Le différentiel de profit net est plus élevé que dans le cas minier, puisque le développement
d’unités de CSC est plus important. Jusqu’à trois investissements de 300 kb/j peuvent être
soumis à la nouvelle réglementation de réduction des GES. Toutefois, le profit net cumulé du
secteur in situ reste élevé, compris entre 41.2 et 66.1 milliards de dollars. Les résultats sont
présentés sur la figure 7-16.
307
Figure 7-16 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le profit net
cumulé du secteur in situ (trajectoire de prix de référence)
Enfin, nous avons évalué la répercussion du coût complet de CSC sur chaque unité de
bitume produit. Nous avons reporté sur la figure 7-17 le coût du CO2 répercuté sur la
production minière, exprimé en $US/b de bitume, sous les deux modélisations du coût
d’investissement de CSC, en supposant un coût de capture et stockage de CO2 égal à 67 $/t et
une stratégie d’investissement et de production identique. En considérant l’investissement
amorti sur 15 ans, le coût du CO2 est égal à 2 $/b entre 2015 et 2025 et intègre le coût du
capital et les coûts opératoires. Sur les périodes suivantes, le coût unitaire du CO2 diminue
fortement puisque l’investissement est déjà amorti en totalité. Le coût du CO2 intègre alors
uniquement les coûts opératoires liés à la capture et au stockage du CO2. Il augmente
progressivement entre 2030 et 2045 puisque la production minière diminue au fur et à mesure
des déclassements. Il passe de 0.3 $/b en 2030 à 0.5 $/b en 2035 puis atteint 0.8 $/b en 2040 et
2045.
308
Figure 7-17 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût CO2
répercuté sur la production minière (trajectoire de prix de référence)
Une analyse similaire a été menée sur la filière in situ et les résultats ont été reportés
sur la figure 7-18, en considérant un coût de capture et stockage du CO2 identique au cas
minier. L’interprétation des résultats est similaire au cas minier, mais avec un coût CO2
unitaire plus élevé, les réglementations de réduction des GES pénalisant une plus grande part
de la production. En considérant l’investissement amorti sur 15 ans, le coût du CO2 est de
l’ordre de 4 $/b entre 2015 et 2025, puisqu’il intègre le coût du capital et les coûts opératoires.
Sur les périodes suivantes, l’investissement est amorti en totalité et le coût unitaire du CO2
diminue, intégrant alors uniquement les coûts opératoires liés à la capture et au stockage du
CO2. Enfin, il augmente progressivement entre 2030 et 2045 puisque la production in situ
diminue au fur et à mesure des déclassements, passant de 0.8 $/b en 2030 à 1.5 $/b en 2045.
Dans les deux cas étudiés, bien que le coût du CO2 calculé avec la modélisation
unitaire sur les périodes 2030 à 2045 soit supérieur au coût du CO2 calculé avec
l’amortissement sur 15 ans, l’actualisation réduit son impact négatif sur le profit
309
intertemporel. En revanche, en considérant l’investissement CSC amorti sur 15 ans, le profit
intertemporel est pénalisé plus fortement par un coût élevé du CO2 sur les premières périodes
2015, 2020 et 2025 puisque le facteur d’actualisation est plus faible.
Figure 7-18 : Impact du système d’amortissement de l’investissement CSC sur le coût CO2
répercuté sur la production in situ (trajectoire de prix de référence)
Sous certains niveaux de taxe et coût de CSC, les trajectoires optimales simulées de
production et d’investissement apparaissent plus conservatives que celles déterminées dans le
scénario de Référence. A priori, ces résultats tendraient alors à justifier le comportement
d’opposition des producteurs non conventionnels face à une obligation réglementaire de
déploiement d’installations de CSC. Cependant, ces conclusions devraient être nuancées pour
les raisons suivantes. D’une part, la résolution du problème d’optimisation découle sur des
stratégies optimales qui peuvent être totalement différentes malgré des profits intertemporels
relativement proches. Ce résultat provient de l’introduction de variables entières de décision
dans la modélisation, qui impose une résolution par arborescence pouvant mener à un
« basculement » des stratégies optimales pour des valeurs de profit analogues. En forçant le
modèle d’optimisation à suivre la même trajectoire de production et d’investissement sous les
deux comptabilisations du coût du capital de CSC, un écart relatif limité à 2.4% a été estimé
entre les profits nets cumulés du secteur minier. Pourtant, l’optimisation libre a mis en
évidence deux trajectoires optimales de développement distinctes selon l’hypothèse de
comptabilisation.
310
Ce même résultat a également mis en évidence des valeurs élevées de profit
intertemporel (compris entre 55.0 et 56.3 milliards de dollars pour la filière minière), même
en forçant le modèle à suivre des trajectoires sous-optimales. De tels niveaux de profit
intertemporel semblent alors plutôt valider l’hypothèse d’un déploiement de la CSC
économiquement soutenable pour le secteur non conventionnel. Les faibles coûts unitaires de
CO2 estimés sous les différents scénarios, ne dépassant pas 5 $/b de bitume, offrent un
argument supplémentaire.
311
A l’optimum, le marché du raffinage nord-américain utilise 93.5% de l’offre pétrolière
non conventionnelle disponible, soit 159.6 Mt/an. L’approvisionnement non conventionnel
représente alors 18.0% de l’approvisionnement pétrolier total (886.4 Mt/an).
Tableau 7-12 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix de référence)
312
A l’optimum, le marché du raffinage nord-américain consomme 192.7 Mt/an de brut
non conventionnel en provenance du Canada. L’approvisionnement non conventionnel
représente alors 21.4% de l’approvisionnement pétrolier total (901.9 Mt/an).
Tableau 7-14 : Part des émissions de CO2 liées à l’upgrading de la production non
conventionnelle canadienne dans le bilan CO2 global du raffinage nord-américain en 2030
(scénario de prix maximum)
313
sous les scénarios de prix de référence et maximum, conséquence d’une hausse de la
consommation du pétrole canadien non conventionnel. L’introduction d’une taxe sur les
émissions de CO2 liées aux activités de raffinage et d’upgrading n’apparaît pas être un facteur
limitant pour la consommation du pétrole non conventionnel.
Ces résultats permettent de valider une des hypothèses posées lors de l’élaboration du
modèle d’offre tendancielle. L’absence de contrats de long terme entre producteurs non
conventionnels et raffineurs nous avait amené à ne pas introduire de contrainte de demande
dans le modèle d’offre, les producteurs basant ainsi leur décision d’investissement sur le seul
signal prix. Cette hypothèse fait sens d’un point de vue économique puisque le raffineur
consomme la quasi-totalité de l’offre pétrolière non conventionnelle disponible, quelque soit
le scénario de prix du brut.
Nous avons synthétisé sur les figures 7-19 et 7-20 les capacités de production des
filières minière et in situ estimées à partir des simulations prospectives sous les différents
scénarios de Référence et Environnemental pour les années 2015, 2020 et 2030.
314
Figure 7-19 : Synthèse des estimations des capacités de production minière par simulations
prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030
Figure 7-20 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ par simulations
prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources : résultats des simulations
prospectives)
315
Nous avons d’abord estimé l’impact du prix de vente sur le développement des
filières, à partir de projections tendancielles monotones croissantes de prix (AIE, 2009) sous
le scénario de Référence. Sous le scénario minimum de prix, la production de bitume par
technique minière atteindrait 0.8, 0.7 et 0.6 Mb/j en 2015, 2020 et 2030 respectivement, tandis
que la production de bitume in situ s’élèverait à 0.7, 0.6 et 0.5 Mb/j. Sous ce scénario de prix
minimum, les filières minière et in situ s’avèrent fortement pénalisées par un prix de vente
insuffisant face à un coût du capital élevé. Sous le scénario de prix de référence, la production
minière atteindrait 0.8, 1 et 1.2 Mb/j en 2015, 2020 en 2030, tandis que la production in situ
pourrait s’élever à 1, 1.2 et 1.7 Mb/j. Enfin, sous le scénario maximum de prix, la production
minière atteindrait 1.1, 1.3 et 1.8 Mb/j en 2015, 2020 en 2030, tandis que la production in situ
s’élèverait à 1, 1.2 et 1.7 Mb/j.
L’introduction d’un système de quotas d’eau douce payant ne semble pas modifier les
stratégies d’investissement ou de production des filières minière et in situ. De même,
l’application d’un système de provisionnement des coûts de réhabilitation au cours de la phase
de production n’apparaît pas pénalisant pour le développement des filières canadiennes, à
condition de maîtriser les coûts environnementaux autour des coûts actuels. Par conséquent,
les estimations correspondantes n’ont pas été représentées sur les figures.
L’introduction d’une taxe CO2 à horizon 2020 tend à freiner les investissements dans
les deux filières minière et in situ, dès que le niveau de taxe atteint 4 et 7 $US/t
respectivement. Pour un niveau de taxe CO2 compris entre 4 et 41 $US/t et entre 7 et 95 $US/t
respectivement, les capacités de production minière et in situ devraient respectivement
atteindre 0.8 et 1 Mb/j en 2015, 1 et 1.2 Mb/j en 2020, et enfin 0.9 et 1.7 Mb/j en 2030. Pour
un niveau de taxe CO2 supérieur à 42 $US/t, les capacités de production minière devraient
atteindre 0.8 Mb/j en 2015, 0.7 Mb/j en 2020 et 0.6 Mb/j en 2030, identiques aux estimations
obtenues sous le scénario minimum de prix. Pour un niveau de taxe CO2 compris entre 96 et
134 $US/t, les capacités de production in situ devraient atteindre 1 Mb/j en 2015, 1.2 Mb/j en
2020 et 1.4 Mb/j en 2030. Enfin, pour un niveau de taxe CO2 compris entre 135 et 148 $US/t
et entre 149 et 200 $US/t respectivement, les capacités de production in situ devraient
atteindre 1 et 1 Mb/j en 2015, 1.2 et 0.9 Mb/j en 2020, et enfin 1.1 et 0.8 Mb/j en 2030.
316
Enfin, le déploiement d’unités de capture et stockage du CO2 à horizon 2020 semble
également pénaliser le développement des filières minière et in situ. En considérant une
comptabilisation unitaire des coûts d’investissement de CSC, les capacités de production
estimées sont identiques à celles estimées en présence d’une taxe CO2. Ainsi pour un coût de
CSC compris entre 40 et 67 $US/t et supérieur à 68 $US/t, les capacités de production minière
sont identiques à celles estimées sous l’hypothèse d’une taxe CO2 comprise entre 4 et 41
US$/t et supérieure à 42 $US/t respectivement. Pour un coût de CSC compris entre 40 et 159
$US/t et entre 160 et 200 $US/t, les capacités de production in situ sont identiques à celles
estimées sous l’hypothèse d’une taxe CO2 comprise entre 7 et 95 US$/t et entre 96 et 134
$US/t respectivement.
Plusieurs sources de publications ont été consultées pour l’analyse comparative : des
organismes publics (ONE, CERI, Alberta Chamber of Resources), l’association regroupant les
producteurs canadiens CAPP, ou des articles de théorie économique (Söderbergh, 2007).
Nous avons reporté sur les figures 7-21 et 7-22 les projections obtenues à partir des
sources précédentes et des simulations prospectives avec le modèle d’offre tendancielle pour
les filières minière et in situ respectivement.
317
Figure 7-21 : Synthèse des estimations des capacités de production minière issues de sources
publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)
318
Figure 7-22 : Synthèse des estimations des capacités de production in situ issues de sources
publiques et des simulations prospectives sur les années 2015, 2020 et 2030 (sources :
Timilsina et al., 2005, ONE, 2006, CAPP, 2008b ; CAPP, 2010 ; Söderbergh, 2007 ; résultats
des simulations rétrospectives)
En 2015, les capacités de production minière simulées sont comprises entre 0.8 et 1.1
Mb/j en fonction des scénarios économiques. La borne inférieure est analogue à l’estimation
obtenue sous le scénario « croissance faible » de l’ONE (2006), tandis que la borne supérieure
est comparable aux estimations issus des scénarios « croissance moyenne (2008) », « de
référence (2010) » et « opération et construction (2010) » de la CAPP. Les estimations
simulées restent toutefois inférieures à la moyenne des estimations publiques, égale à 1.6
Mb/j. Cette tendance provient des hypothèses de coûts utilisées dans notre modélisation qui
tiennent compte de la forte hausse des coûts des projets observée entre 2005 et 2008. Nos
résultats sont ainsi comparables aux estimations publiques les plus récentes qui intègrent la
hausse des coûts, liée à des contraintes sur les services d’ingénierie et de construction. En
revanche, la majorité des estimations publiques datent de 2005 à 2008 et n’intègrent pas
l’inflation des coûts. Les niveaux de production sont alors systématiquement supérieurs à nos
résultats, mais pourraient être surestimés.
319
En 2020, les capacités de production minière simulées sont comprises entre 0.7 et 1.3
Mb/j. La borne supérieure est de nouveau comparable à l’estimation obtenue sous le scénario
« opération et construction (2010) » de la CAPP, mais les capacités simulées restent
inférieures à la moyenne des estimations publiques, égale à 1.9 Mb/j.
Enfin, en 2030, les capacités simulées sont comprises dans l’intervalle 0.6-1.8 Mb/j.
La borne maximale reste inférieure à la seule estimation publique disponible, à 2.3 Mb/j, issue
du scénario « Crash programme22 (2007) » de Söderbergh. Toutefois, cette estimation devrait
être largement surestimée puisqu’elle correspond à la mise en place d’un programme
d’accélération de la production des sables asphaltiques canadiens, ne tenant compte d’aucune
contrainte de développement (contraintes sur les services d’ingénierie et de construction,
contraintes de disponibilité des ressources (eau) ou des commodités énergétiques (gaz naturel,
diluant), contraintes budgétaires).
Dans le cas de la production in situ, les capacités de production simulées en 2015 sont
comprises entre 0.7 et 1 Mb/j selon les scénarios économiques considérés. La borne
supérieure est comparable à plusieurs estimations publiques (à 200 kb/j près) issues des
scénarios suivants : « croissance faible (2006) » de l’ONE, « cas de référence (2005) » du
CERI, « croissance moyenne (2008) », « de référence (2010) » et « opération et construction
(2010) » de la CAPP, et enfin « Crash programme (2007) » de Söderbergh.
En 2020, les capacités de production in situ simulées sont comprises entre 0.6 et 1.2
Mb/j. La borne supérieure est comparable à l’estimation obtenue sous le scénario « opération
et construction (2010) » du CAPP, mais les capacités simulées restent inférieures à la
moyenne des estimations publiques, égale à 1.6 Mb/j.
22
Le scénario « Crash programme » correspond à un effort d’accélération de la production des sables
asphaltiques canadiens pour compenser la baisse de production liée au Peak-oil et éviter ses effets dévastateurs
sur l’économie mondiale (Hirsch et al., 2005 ; cité dans Söderbergh, 2007).
320
Enfin, en 2030, les capacités de production in situ simulées sont comprises entre 0.5 et
1.7 Mb/j. Comme précédemment, les capacités simulées restent inférieures à la seule
estimation publique disponible, à 2.4 Mb/j, issue du scénario « Crash programme (2007) » de
Söderbergh.
Deux autres organismes (Alberta Chamber of Resources, 2004; AIE, 2009) ont publié
des estimations de capacité de production cumulée intégrant les deux filières de production
(cf. tableau 7-15). La borne maximale des capacités de production cumulée simulée par notre
modèle à horizon 2030, à 3.5 Mb/j (1.8 Mb/j par techniques minières et 1.7 Mb/j par
techniques in situ), est comparable à l’estimation de l’Alberta Chamber of Resources (2004),
égale à 3.2 Mb/j.
Tableau 7-15 : Synthèse des estimations des capacités de production cumulée de bitume
issues de sources publiques et des simulations prospectives à l’année 2030
321
douce payant ou d’un système de provisionnement des coûts de réhabilitation en cours de
production (à condition de maîtriser les coûts environnementaux autour des coûts actuels).
Par ailleurs, nous avons vérifié que l’offre non conventionnelle canadienne est adaptée
aux exigences du marché du raffinage nord-américain, en termes de qualité et de facteur
d’indépendance énergétique, ce qui lui assure de larges débouchés. Ainsi, à l’horizon 2030, la
production non conventionnelle canadienne pourrait représenter entre 18% et 21.4% de
l’approvisionnement pétrolier global des raffineries nord-américaines.
322
Enfin, une analyse comparative à horizon 2015, 2020 et 2030 des capacités de
production simulées avec des projections issues de diverses sources de publication a permis
de valider nos résultats. Ces résultats sont comparables aux estimations publiées les plus
conservatives (et les plus récentes), puisqu’une hausse significative des coûts de production a
été intégrée comme une des hypothèses de notre modélisation.
Le dernier chapitre est consacré à l’analyse des résultats prospectifs issus du modèle
d’offre stochastique.
323
Chapitre 8 : Prospective de l’offre
en présence d’incertitudes
325
estimer à partir d’une analyse théorique. Par ailleurs, les deux types d’incertitudes ne sont pas
forcément indépendants, et les probabilités associées peuvent être corrélées. Par exemple, un
niveau élevé du prix du brut peut inciter les gouvernements canadien fédéral et/ou provincial
à instaurer une réglementation de réduction des GES, puisque les dépenses supplémentaires
liées à une taxe sur les émissions de CO2 devraient être contrebalancées par la hausse des
profits générés par les producteurs non conventionnels. Dans cette situation, les deux
probabilités associées aux scénarios de prix et de réglementations environnementales sont
positivement corrélées. Toutefois, une hausse soutenue du prix du brut peut aussi être
accompagnée d’une réduction de la demande, pour limiter la facture énergétique. Dans cette
situation, l’instauration d’une taxe CO2 pénaliserait encore plus les producteurs non
conventionnels, déjà incités à limiter leurs investissements face à la baisse de la demande, et
pourrait les amener à réduire encore plus leurs investissements. Dans ce cas, les deux
probabilités associées aux scénarios de prix et de réglementations environnementales
apparaissent négativement corrélées. Puisque l’interdépendance des scénarios reste difficile à
évaluer et quantifier, nous supposerons dans cette thèse que les deux types d’incertitudes sont
parfaitement indépendants. Bien que cette hypothèse s’avère limite, elle permet de simplifier
l’analyse et d’obtenir des résultats quantitatifs intéressants sur l’effet cumulé des deux
incertitudes sur les prix et les réglementations environnementales.
Sous le scénario Environnemental, seul l’impact d’une taxe sur les émissions de CO2 a
été analysé dans ce chapitre, puisque les simulations présentées dans le chapitre précédent ont
mis en évidence l’impact marginal des autres mesures environnementales sur les stratégies
optimales d’investissement, intégrant un nouveau système d’allocations en eau et de
comptabilisation des coûts de réhabilitation. Une analyse de sensibilité a permis d’évaluer
l’impact de différents niveaux de taxe CO2 sur l’évolution des stratégies optimales de
développement, sous l’hypothèse de prix de vente tendanciels ou probabilisés. Enfin, une
analyse comparative supplémentaire a permis d’évaluer l’impact de l’incertitude des
réglementations environnementales futures en présence de prix tendanciels ainsi que l’impact
cumulé des deux incertitudes sur les réglementations environnementales et les prix, en
présence de prix probabilisés ou volatils.
326
Cette première section est consacrée à l’analyse de l’impact de la volatilité et de
l’incertitude des prix futurs sur les stratégies optimales de développement de la filière in situ,
sous le scénario de Référence (scénarios REF_pref’ et REF_pprob).
Des coûts opératoires unitaires (par baril produit) ont également été estimés à partir
des résultats de simulations du modèle linéaire. Les coûts opératoires ont été agrégés selon les
deux catégories coûts opératoires énergétiques et coûts opératoires non énergétiques. Les
premiers ont été introduits en tant que paramètres exogènes au modèle, tandis que les seconds
sont corrélés au prix du brut, selon les relations de long terme présentées dans la sous-section
6.1.2. Les coûts opératoires non énergétiques unitaires ont été calculés à partir des dépenses
opératoires annuelles lissées sur la production annuelle. Ils sont présentés dans le tableau 8-1.
Tableau 8-1 : Coûts opératoires non énergétiques de la filière de production in situ intégrée
estimés pour les simulations prospectives (modèle de programmation dynamique)
327
8.1.1.2 Résultats des simulations
Figure 8-1 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045, sous le
scénario de prix de référence (premier test de simulation, PDYN)
Sous cette condition, sous la trajectoire de prix de référence, les stratégies optimales
simulées en programmation linéaire et dynamique sont quasiment identiques, excepté au
cours de la période 2010 où l’investissement initialement planifié à 300 kb/j est réduit à 250
kb/j. Toutefois, l’écart relatif entre les fonctions objectif déterminés sous les deux
modélisations est limité à -4.4% (cf. figure 8-2) et reste donc acceptable.
328
2.0
1.6
Mb/j bitume
1.2
0.8
0.4
0.0
2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
Figure 8-2 : Simulation prospective de la production in situ sur la période 2005-2045, sous le
scénario de prix de référence (après pondération, PDYN)
329
la ressource, en accord avec la théorie économique et les résultats préliminaires issus de
l’analyse économétrique présentée au chapitre 3.
30%
25%
20%
Probabilité
15%
10%
5%
0%
800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Dans seulement 7% des cas, l’investissement cumulé atteint 1750 kb/j, équivalent à
celui obtenu sous le scénario de prix tendanciel de référence. En revanche, dans 70% des cas,
l’investissement cumulé en présence de prix volatils est inférieur à celui obtenu sous le
scénario de prix tendanciel (compris entre 800 et 1650 kb/j). Dans 23% des cas,
l’investissement cumulé en présence de volatilité est supérieur à l’investissement de référence
330
(compris entre 1850 et 2100 kb/j). La volatilité du prix de vente introduit un risque prix dans
le processus décisionnel, ce qui se traduit par une probabilité plus élevée d’obtenir des
stratégies d’investissement plus conservatives. Par conséquent, la volatilité des prix de vente a
un effet négatif sur le développement prospectif de la filière in situ.
Dans cette seconde section, nous avons dans un premier temps analysé l’impact de
nouvelles réglementations de réduction des GES sur les stratégies optimales de
développement de la filière in situ, en présence de prix de vente tendanciels ou incertains
(scénarios ENVdet_pref’ et ENVdet_pprob).
331
Figure 8-4 : Investissement cumulé in situ en fonction de la taxe CO2 (mise en application en
2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence
Il est à noter que les niveaux optimaux d’investissement cumulé déterminés à partir du
modèle de programmation dynamique (sous le scénario de prix tendanciel) sont
systématiquement supérieurs ou égaux à ceux obtenus avec le modèle de programmation
linéaire, sous une valeur identique de taxe CO2. Cet écart provient de la comptabilisation
différente de la pénalité CO2, dans un cas calculée en fonction des investissements, dans
l’autre lissée par unité de bitume produit. Sous la seconde spécification, utilisée dans le
modèle de programmation dynamique, les stratégies d’investissement s’avèrent moins
impactées puisque la pénalité CO2 est répartie sur le niveau global de production, réduisant
progressivement le profit intertemporel. En revanche, dans le modèle de programmation
linéaire, des basculements plus nettes de solutions optimales étaient observés puisque le
montant total du coût CO2 était directement proportionnel au niveau d’investissement. Une
réduction du niveau d’investissement pouvait alors apparaître optimale puisqu’elle permettait
de réduire la pénalité CO2. La comptabilisation différenciée de la pénalité CO2 ne permet
donc pas de comparer entre eux les résultats issus des deux modèles d’offre. Dans ce chapitre,
nous nous limiterons donc uniquement à une analyse comparative des résultats obtenus à
partir du modèle de programmation dynamique.
Nous avons également relevé les profits nets cumulés à l’optimum générés sous les
différentes hypothèses de taxe CO2, afin d’évaluer la réduction de profit liée à la nouvelle
réglementation. Les résultats sont présentés dans la figure 8-5. Le profit net cumulé diminue
332
au fur et à mesure que la taxe CO2 augmente. Egal à 73381 M$US en l’absence de pénalité, il
est progressivement réduit de 3.1% pour une taxe CO2 à 50 $US/t (70791 M$US), de 6.2%
pour une taxe CO2 à 100 $US/t (68484 M$US), jusqu’à 12.7% pour une taxe CO2 à 200 $US/t
(63449 M$US). Toutefois, le profit net cumulé du secteur in situ reste largement positif
quelque soit la valeur de la taxe CO2.
Figure 8-5 : Profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2 (mise en application en
2020) sous le scénario de prix tendanciel de référence
333
s’accroît ensuite pour un niveau de taxe CO2 compris entre 140 et 150 $US/t (réduction de
l’investissement cumulé de 400 et 350 kb/j respectivement). La prise en compte de prix futurs
incertains devrait donc inciter les gouvernements à mettre en place une taxe CO2 ne dépassant
pas 50 $US/t, pour ne pas pénaliser le développement de la filière in situ.
Figure 8-6 : Comparaison de l’investissement cumulé in situ en fonction de la taxe CO2 (mise
en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix tendanciels
de référence
Nous avons également relevé les profits nets cumulés à l’optimum générés sous les
différentes valeurs de taxe CO2. Les résultats sont présentés dans la figure 8-7. Le profit
intertemporel est réduit par rapport à celui déterminé sans incertitude sur les prix pour une
taxe CO2 comprise entre 0 et 150 $US/t. Toutefois, malgré des stratégies d’investissement
systématiquement plus conservatives sous l’hypothèse de prix probabilisés, le profit
intertemporel devient supérieur à celui déterminé sans incertitude sur les prix pour une taxe
CO2 comprise entre 160 et 200 $US/t.
Le profit net cumulé diminue au fur et à mesure que la taxe CO2 augmente. Egal à
73028 M$US en l’absence de pénalité, il est progressivement réduit de 3.6% pour une taxe
CO2 à 50 $US/t (70381 M$US), de 6.8% pour une taxe CO2 à 100 $US/t (68038 M$US),
jusqu’à 12.3% pour une taxe CO2 à 200 $US/t (64033 M$US).
334
Figure 8-7 : Comparaison du profit net cumulé à l’optimum en fonction de la taxe CO2 (mise
en application en 2020) sous l’hypothèse de prix incertains probabilisés et de prix tendanciels
de référence
Sous l’hypothèse d’une taxe CO2 égale à 100 $US/t, en présence d’incertitudes sur les
réglementations environnementales et de prix de vente tendanciels certains, l’investissement
335
cumulé est réduit à 1600 kb/j (-150 kb/j par rapport au cas de référence, sans réglementations
sur les GES), avec un profit intertemporel associé égal à 70649 M$US (-3.7% par rapport au
cas de référence). Afin d’évaluer l’impact de l’incertitude réglementaire, ce résultat doit être
comparé à celui obtenu en l’absence d’incertitude sur les réglementations en considérant une
taxe CO2 de 50 $US/t, soit équivalente en espérance mathématique à la taxe CO2 pondérée
correspondante au cas d’étude précédent (une taxe CO2 de 100 $US/t introduite avec une
probabilité de 0.5). En présence de prix tendanciels certains, l’incertitude réglementaire ne
conduit pas à une stratégie d’investissement plus conservative, puisque l’investissement
cumulé à l’optimum atteignait également 1600 kb/j en présence d’une taxe CO2 égale à 50
$US/t (avec une probabilité associée de 1). La prise en compte d’une incertitude
réglementaire ne réduit donc pas l’investissement cumulé. Toutefois, le profit intertemporel
en présence d’incertitudes réglementaires est légèrement réduit de 0.2%, passant de 70791 à
70649 M$US.
Ce résultat est modifié en introduisant une taxe CO2 égale à 200 $US/t, avec une
probabilité de 0.5. Sous cette spécification, l’introduction d’une incertitude réglementaire
pénalise la stratégie d’investissement. L’investissement cumulé à l’optimum atteint alors 1150
kb/j, c’est-à-dire qu’il est réduit de 350 kb/j par rapport à l’investissement cumulé obtenu en
présence d’une taxe CO2 à 100 $US/t, introduite avec une probabilité de 1), tandis que le
profit intertemporel s’élève à 67252 M$US (réduction de 1.7% par rapport à celui obtenu sans
incertitude réglementaire). L’ensemble des résultats est synthétisé dans le tableau 8-2.
336
Tableau 8-2 : Impacts de l’incertitude réglementaire sur les stratégies prospectives
d’investissement dans la filière de production in situ intégrée, en présence des prix tendanciels
de référence (modèle stochastique)
337
$US/t. L’incertitude réglementaire conduit à une stratégie d’investissement plus conservative,
puisque l’investissement cumulé à l’optimum atteignait 1600 kb/j tandis que le profit cumulé
s’élevait à 70381 M$US en présence d’une taxe CO2 égale à 50 $US/t (avec une probabilité
associée de 1). La prise en compte d’une incertitude réglementaire a ainsi réduit
l’investissement cumulé de 100 kb/j et le profit intertemporel de -0.1%. L’impact négatif de
l’incertitude réglementaire environnementale est donc légèrement accentué par la prise en
compte de prix incertains et indique que l’interaction entre les deux types d’incertitudes est
positive.
Le constat est identique en introduisant une taxe CO2 égale à 200 $US/t, avec une
probabilité de 0.5. En présence d’une incertitude réglementaire, l’investissement cumulé à
l’optimum atteint 1150 kb/j (soit une réduction de 150 kb/j par rapport à l’investissement
cumulé obtenu en présence d’une taxe CO2 à 100 $US/t, introduite avec une probabilité de 1),
tandis que le profit intertemporel s’élève à 67560 M$US (réduit de -0.7% par rapport à celui
obtenu sans incertitude réglementaire). L’ensemble des résultats est synthétisé dans le tableau
8-3.
338
Tableau 8-3 : Impacts de l’incertitude réglementaire sur les stratégies prospectives
d’investissement dans la filière de production in situ intégrée, en présence des prix
probabilisés (modèle stochastique)
Investissement cumulé
Scénarios prospectifs à l'optimum Profit intertemporel à l'optimum
kb/j M$US
Test 1
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 50 $US/t (proba=1) 1600 70381
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 100 $US/t (proba=0.5) 1500 70306
Impact de l'incertitude
réglementaire Réduction de 100 kb/j Réduction de 75 M$US (-0.1%)
Test 2
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 100 $US/t (proba=1) 1300 68038
Introduction en 2020 d'une taxe
CO2 à 200 $US/t (proba=0.5) 1150 67560
Impact de l'incertitude
réglementaire Réduction de 150 kb/j Réduction de 478 M$US (-0.7%)
Source : Résultats des simulations prospectives PDYN
L’impact négatif de la seule incertitude réglementaire (-150 kb/j) est inférieur à celui
observé en présence de scénarios de prix déterministes (-300 kb/j). Toutefois, le niveau
optimal d’investissement était déjà pénalisé par la seule incertitude sur les prix de la ressource
(-200 kb/j). Nous ne pouvons donc pas mettre en évidence une règle d’additivité des
incertitudes, puisque l’impact d’une seule incertitude est variable en fonction de l’existence et
de l’impact d’une autre incertitude. Une approche par simulations s’avère alors adaptée pour
effectuer une analyse quantitative.
Enfin, un test similaire a également été effectué en présence de prix volatils. Dans un
premier temps, une taxe CO2 de 100 $US/t a été appliquée en 2020, avec une probabilité
associée de 0.5. L’investissement cumulé à l’optimum a ensuite été relevé sous chacun des
100 scénarios de prix volatils. Dans 80% des cas, l’investissement cumulé est inférieur à
l’investissement de référence (sans réglementation environnementale, égal à 1750 kb/j), tandis
que pour les 20% restants, l’investissement cumulé est supérieur à l’investissement de
référence. Dans un second temps, une taxe CO2 de 50 $US/t, appliquée en 2020 avec une
probabilité associée de 1, a été introduite dans la modélisation. Sur l’ensemble des 100
scénarios de prix volatils, une distribution de probabilité sur l’investissement cumulé similaire
339
au cas précédent a été mise en évidence. Ainsi, dans 80% des cas, l’investissement cumulé est
inférieur à l’investissement de référence tandis que pour les 20% restants, l’investissement
cumulé est supérieur à l’investissement de référence. Les distributions de probabilités des
investissements cumulés in situ correspondantes, déterminées sans et avec incertitude
réglementaire, ont été reportées sur la figure 8-8.
340
35%
30%
25%
Probabilité
20%
15%
10%
5%
0%
300 500 700 900 1100 1300 1500 1700 1900 2100
Taxe CO2=50 $US/t (2020, proba=1) Taxe CO2=100 $US/t (2020, proba=0.5)
En l’absence d’incertitude réglementaire, l’introduction d’une taxe CO2 n’a que peu
d’impact sur les stratégies d’investissement pour des valeurs comprises entre 10 et 50 $US/b,
que ce soit en présence de scénarios de prix déterministes en probabilisés, et ne remet pas en
cause la viabilité économique de la filière in situ. D’autre part, le modèle d’offre en
programmation dynamique a permis de s’affranchir du basculement radical des solutions
observé avec le modèle de programmation linéaire, malgré les niveaux élevés du profit
intertemporel, puisque les dépenses sont lissées en fonction de la production.
341
présence de prix de vente incertains. Tandis que le niveau optimal d’investissement dans la
filière in situ est réduit de 250 kb/j pour une taxe CO2 égale à 100 $US/t sous le scénario de
prix tendanciel de référence (cf. figure 8.6), il est réduit de 450 kb/j lorsque les prix futurs
sont empreints d’incertitude.
342
Conclusion
343
d’extraction en fin de période, et l’estimation d’un lien négatif entre investissement non
conventionnel et incertitude sur le prix de vente de la ressource.
344
Puisque la robustesse des deux modèles d’offre a été validée par les simulations
rétrospectives, une analyse prospective par simulations a ensuite été menée et a permis de
mettre en évidence les résultats suivants. D’une part, le niveau de prix, en tendance, a un
impact majeur sur le niveau optimal d’investissement. Egal à 2.7 Mb/j sous le scénario de prix
tendanciel maximum, le niveau optimal d’investissement cumulé dans les filières minière et in
situ est réduit à 2 Mb/j sous le scénario de prix tendanciel de référence, et à 0.6 Mb/j sous le
scénario de prix tendanciel minimum. D’autre part, l’introduction d’incertitudes sur les
scénarios de prix prospectifs a un impact négatif sur la décision d’investissement, au-delà
d’un certain degré d’incertitude. Pour la filière in situ, la seule analysée en présence
d’incertitudes, le niveau optimal d’investissement cumulé est inchangé lorsque les
probabilités des trois scénarios de prix tendanciels sont associées à une loi normale (0.68 pour
le scénario de référence et 0.16 pour les scénarios de prix minimum et maximum). En
revanche, il est réduit de 17% lorsque les scénarios de prix sont équiprobables.
De plus, nous avons vérifié que l’offre non conventionnelle canadienne est adaptée
aux exigences du marché du raffinage nord-américain, en termes de qualité et de facteur
d’indépendance énergétique, ce qui lui assure de larges débouchés. Ainsi, à l’horizon 2030, la
production non conventionnelle canadienne pourrait représenter entre 18% et 21.4% de
l’approvisionnement pétrolier global des raffineries nord-américaines. Le bilan CO2 apparaît
alors dégradé par rapport à 2005. Les émissions liées aux activités de raffinage et d’upgrading
augmentent ainsi de 17.7% et 20.7% respectivement sous les scénarios de prix de référence et
maximum, conséquence d’une hausse de la consommation du pétrole canadien non
conventionnel.
345
impact marginal sur la décision d’investissement. Le quota annuel au-delà duquel les
allocations deviennent payantes s’avère suffisant pour couvrir la totalité des besoins en eau
des filières minière et in situ, quelque soit le scénario de prix tendanciel considéré, et les
trajectoires optimales de développement restent inchangées. En supposant un système
d’allocations de la ressource en eau payant dès la première unité d’eau déviée, une analyse de
sensibilité a permis de déterminer une pénalité seuil de 1.1 et 7 $US/t pour les filières minière
et in situ respectivement, à partir de laquelle le niveau optimal d’investissement est réduit.
Une analyse de sensibilité sur la pénalité CO2 a mis en évidence une réduction du
niveau d’investissement optimal pour un niveau de taxe peu élevé, supérieur ou égal à 4 et 7
$US/t pour les filières minière et in situ respectivement, sous le scénario de prix tendanciel de
référence. Néanmoins, l’impact négatif de la pénalité CO2 peut être nuancé puisque nous
avons constaté qu’en forçant le modèle à suivre les trajectoires de développement initiales,
l’introduction d’une taxe CO2 ne réduit que marginalement le profit intertemporel sans
remettre en question la rentabilité des filières non conventionnelles. La modélisation en
programmation mixte entière est à l’origine de ce basculement de solutions, qui peut entraîner
des stratégies optimales assez différentes pour des valeurs optimales de la fonction objectif
similaires.
346
En présence d’incertitude sur les prix, modélisée à partir des scénarios de prix
probabilisés ou de prix volatils, l’impact négatif d’une pénalité CO2 sur la décision
d’investissement dans la filière in situ est accentué. Par ailleurs, l’introduction d’une
incertitude supplémentaire sur le cadre réglementaire environnemental pénalise encore plus la
décision d’investissement. L’impact négatif des deux types d’incertitudes se cumule donc et
pénalise plus fortement le développement optimale de la filière in situ.
Enfin, une analyse comparative des résultats de simulations avec des projections issues
de la littérature, a mis en évidence des trajectoires de production et d’investissement simulées
plutôt conservatives. Mais elles restent comparables aux estimations les plus récentes, qui
tiennent compte dans leurs hypothèses d’une hausse des coûts.
347
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