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Toucan Horizon :

L’horizon se rapprochait, j’en étais certain. Il se rapprochait sans cesse, en étant


toujours aussi loin. Tant mieux, qu’il reste loin. Qu’il reste loin de moi et tout ira bien. La
reine m’a envoyé pour prouver les dires délirants de son scientifique fou nommé Karasamov.
« La Terre est ronde ! La Terre est ronde ! » s’écriait-il. Foutaises ! L’horizon face à moi est
plat, infiniment plat et toujours aussi loin.
« Le plan est simple », m’avait-il dit. « Vous prenez ce bateau et le mettez sur des
roulettes. Ensuite vous roulez, l’A4 devrait pas être trop encombrée à cette période de
l’année. En ligne droite, roulez toujours en ligne droite, c’est très important. Puis vous
arriverez vers l’océan. Là, vous roulez plus, vous flottez, pensez à enlever les roulettes. Mais
flottez en ligne droite, toujours en ligne droite. Répétez l’opération quelques fois, et selon
mes calculs, vous devriez revenir à ce point précis ! »
Alors on a roulé. Puis flotté. Encore roulé. Sur des routes, des montagnes, des
maisons, des gens, parfois, sans jamais dévier de cette satanée ligne droite. Puis encore
flotté, et là on flotte encore. Les gars me demandent souvent « quand est-ce qu’on roule ? »
Quand on roule, ils me demandent « quand est-ce qu’on flotte ? » Une bande d’enfants. Si
ce n’était pas mes propres membres d’équipage, je ne pourrais pas croire que d’aussi grands
gaillards puissent se comporter ainsi. Enfin bon, je digresse.
Alors un jour je l’ai aperçu du bout de ma longue-vue. Je ne voulais pas y croire, au
début. Enfin si, je désirait y croire, un désir brûlant qui s’emparait de tout mon être, mais
que je devais réprimer. Je me forçais à ne pas y croire, pas avant de pouvoir en être
absolument certain. Mais alors que les jours se suivaient, le fait devenait de plus en plus
irréfutable : l’horizon se rapprochait !
J’étais partagé entre la satisfaction d’avoir raison, et la peur de mourir. Une chute du
bord du monde ne pouvait évidemment pas bien se terminer d’une manière agréable. Mais
faire demi-tour revenait à désobéir aux ordres de la reine, acte qui lui aussi est puni de mort.
Alors mes gars et moi décidâmes de nous jeter corps et âme dans le piège mortel tendu par
la bêtise de Karasamov. Nous étions tous de plus en plus tendu à l’approche du bord.
L’horizon avait cessé de fuir depuis maintenant des jours. Il se dressait très distinctement
quelques dizaines de mètres devant nous. Certains priaient, d’autres regardaient des
souvenirs offert par leur famille, beaucoup faisaient les deux à la fois.
Arrivés au bord du monde, nous avions tous accepté notre destin, au moins empli de
la satisfaction d’avoir atteint des limites jamais atteintes par l’être humain ? La figure de
proue a se dressait alors au-dessus du vide. Peu de temps après, le pont était devenu un
sacré merdier. Le bateau avait commencé à basculer par-dessus le bord. Un fait surprenant,
cependant, c’est qu’après avoir basculé de 90 degrés, le navire s’est brusquement arrêté sur
un mur d’eau. Mur sur lequel nous naviguions actuellement. Tout l’équipage semblait
miraculeusement sain et sauf. Karasamov, quant à lui, ferait mieux de refaire ses calculs : la
Terre ne semble pas être une boule mais.. un cube !

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