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Dans la même collection

Des ceintures pour évaluer les compétences à l’école,


Marc Berthou et Dominique Natanson, 2014.
Jeunes en situation de handicap. De l’école vers l’emploi, 2005.
Jouer en classe, Marc Berthou et Dominique Natanson, 2012.
L’aide aux devoirs à la maison : les fausses bonnes pratiques,
Christine Henniqueau-Mary et Dominique Thouin, 2015.
La Méthode des abaques, Michel Vigier et Jean-Pierre Leclère, 2012.
Le guide de l’enseignant – Gérer sa classe de primaire,
Yann Couëdel et Jean-Yvon Lafinestre, 2011.
Les contes pédagogiques – Quand le merveilleux devient éducatif,
Yann Couëdel et Jean-Yvon Lafinestre, 2010.
Prévenir le Harcèlement – Guide de formation,
Jean-Pierre Bellon et Bertrand Gardette, 2010.
Savoir accompagner le travail scolaire – Primaire,
Christine Henniqueau-Mary et Dominique Thouin, 2007.
Savoir accompagner le travail scolaire – Collège,
Christine Henniqueau-Mary et Dominique Thouin, 2008.
Savoir accompagner le travail scolaire – Lycée,
Christine Henniqueau-Mary et Dominique Thouin, 2009.

Pour en savoir plus :


www.fabert.com

Éditions Fabert
79 avenue de Ségur – 75015 Paris – France
Tél. 33 (0)1 47 05 32 68
Mail : editions@fabert.com
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Emmanuelle Sutherland

LE POUVOIR
DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE
POURQUOI NOS ENFANTS N’Y ARRIVENT PAS,
ET COMMENT LES AIDER

Préface de Paul Landon


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Conception couverture, mise en page et numérisation : Pascal Steichen

Diffusion/Distribution
Interforum

Comptoirs de vente :
Éditions Fabert (ouvert du lundi au samedi de 9 h 30 à 18 h)
79 avenue de Ségur, 75015 Paris. Tél. : 33 (0)1 47 05 32 68
15 rue des Capucins, 69001, Lyon. Tél. : 33 (0)4 37 28 96 17

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faite sans le consentement des auteurs, ou de leurs ayants droits ou ayants cause,
est illicite (loi du 11 mars 1975, alinéa 1er de l’article 400). Cette représentation
ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon
sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

© Éditions Fabert, Paris, janvier 2019


EAN : 9782849225714
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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

Table des matières

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
I - Mon parcours. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1) Un chemin tout tracé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2) La foi du débutant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
3) L’art de positiver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
4) Un cheminement qui continue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
5) Le désir d’aller encore plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
II - Retour aux sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1) Les miracles de la nature. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2) Le stress et les difficultés scolaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3) Le cerveau et les apprentissages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
4) Une belle rencontre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
5) Le pouvoir des réflexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
III - Les réflexes à l’école. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
1) Présentation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
2) Effets possibles de réflexes non intégrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3) Cas d’élèves en consultation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
IV - Exercices pour intégrer les réflexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
1) Présentation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
2) Des activités de tous les jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
3) Des mouvements rythmés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
4) Des exercices issus du brain gym. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
5) Des jeux avec des sacs de grains de riz. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
6) Petits jeux rituels et conseils pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
7) Pour aller plus loin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

Préface

Je suis un ancien « mauvais élève », dysorthographique, dyscalculique et phobique de


l’école. Après une scolarité médiocre, j’ai quitté l’école à 16 ans après la 3e et, pour qui
sait compter, (seulement) deux redoublements. Et pourtant j’ai toujours aimé apprendre
et découvrir par moi-même et via les livres que je dévore quotidiennement depuis que je
sais lire (à 6 ans).

Lors de mon service militaire, à 18 ans, j’ai rencontré de jeunes instituteurs inexpérimen-
tés et des diplômés d’université qui m’ont convaincu que j’étais aussi intelligent qu’eux et
que je devrais réussir des études.

Sitôt mes obligations militaires terminées, je me suis dirigé à la fac pour suivre des cours
du soir. J’étais motivé et déterminé à réussir. Je souhaitais étudier la littérature qui me
passionnait (je dévorais depuis petit la littérature française). Je profitais aussi de temps
libre en journée pour suivre à la sauvette des cours de lettres modernes. Un jeune de plus
ou de moins dans un amphi ça ne se voit pas.

Mais... motivation, détermination et intelligence ne suffisent pas pour réussir. Mes dif-
ficultés étaient toujours là. Le calcul et la grammaire restaient incompréhensibles et les
tentatives d’explications des professeurs sans succès. Ne cherchez pas à m’expliquer
comment s’accorde le participe passé avec le verbe avoir, cela me procure invariablement
une crise d’angoisse et les larmes ne sont pas loin. Mon cerveau ne PEUT PAS com-
prendre, il y a un BLOCAGE.

Alors j’ai cherché des solutions pour libérer ce blocage. Le parcours classique français
avait déjà épuisé toutes ses options dans mon enfance : orthophonistes, psychologues,
professeurs de cours particuliers, pédiatres et autres spécialistes n’avaient rien pu faire.
Il m’a fallu sortir des sentiers battus et de France pour résoudre ma problématique : ostéo-
pathie, Gestion Mentale, méthode Vittoz, approche Tomatis et bien d’autres méthodes ont
apporté parfois un mieux, parfois rien, jusqu’à ce que je tombe en 1989 sur le Brain Gym.
C’est une approche qui propose des mouvements pour mieux apprendre, mise au point
par un enseignant américain, Paul Dennison.

Ces mouvements ont, paraît-il, « rebranché » mon cerveau. En tout cas, mes difficultés
n’en étaient plus et j’ai pu continuer mon chemin vers l’apprentissage. En moins de deux,
je suis devenu enseignant de Brain Gym, traducteur, et responsable francophone de cette
approche. En 1993, j’ai ouvert un cabinet de consultations dans lequel je reçois depuis
lors des enfants en difficulté d’apprentissage. Puis, en 1996, est né le Centre de Forma-
tion pour le Plaisir d’Apprendre (CFPA).

À la fin des années 90, j’ai découvert le travail sur les réflexes archaïques qui est venu
compléter l’approche de Paul Dennison. Je l’ai introduit en France et j’ai traduit des spé-
cialistes du monde entier qui travaillent autour des réflexes archaïques. Puis en 2011,
j’ai décidé de faire une synthèse de tout ce que j’avais appris durant toutes ces années.

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

L’Intégration Motrice Primordiale (IMP) est donc née en 2011 et le succès a immédia-
tement été au rendez-vous. Cette approche m’a non seulement aidé personnellement
mais elle continue également d’aider des milliers de personnes autour de moi, soit via les
séances individuelles, soit via les formations que j’anime chaque mois.

Depuis 2011, ce sont des milliers de kinésithérapeutes, ostéopathes, podologues, ortho-


phonistes, psycho-motriciens qui ont été formés et aussi, bien évidemment, quelques
enseignants. Et dans le lot des enseignants, il y a eu Emmanuelle Sutherland.

L’ancien mauvais élève que je suis se réjouit d’avoir, face à lui en formation, des ensei-
gnants de la trempe d’Emmanuelle, qui sont prêts à faire bouger le Mammouth. Quel bon-
heur de se dire que certains élèves ont face à eux une personne motivée, compréhensive
et passionnée par le désir de transmettre et de faire en sorte que chaque enfant ressorte
grandi de son expérience scolaire !

Il semblerait qu’Emmanuelle ait eu un coup de cœur pour l’IMP.

Quelle satisfaction de voir des enseignants utiliser les techniques que j’ai synthétisées
pour venir à bout de mes propres difficultés !

Son livre reflète parfaitement ma pensée. Elle a su décrire avec simplicité et pédagogie
la philosophie de l’IMP en l’adaptant à son public de predilection : les élèves. Si tous
les enseignants du monde étaient aussi motivés qu’Emmanuelle, le monde serait un lieu
merveilleux. J’espère que son livre vous apportera des outils et des idées qui, comme moi,
vous toucheront et sauront ouvrir en vous et vos proches les portes de l’apprentissage.

La vie est apprentissage !

Paul Landon
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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

Avant-propos

Maintenant que je couche avec des mots ce qu’a été ma carrière de professeur, plus de
vingt ans plus tard, et que je regarde mon chemin dans l’Éducation Nationale, je constate
que sur ma route j’ai croisé beaucoup de personnes, de pratiques et de méthodes formi-
dables et je ne suis pas surprise d’en être arrivée là où je suis.

Tout ce que je raconte dans ce livre est né de mon expérience. Mais j’ai pris le parti de ne
raconter que ce qui allait bien.

Je souhaite vous faire partager mon expérience en vous relatant en toute sincérité les
questions, les doutes mais aussi les victoires d’une enseignante ordinaire.

J’ai enseigné plus de vingt ans dans des classes de l’école primaire. J’y ai rencontré des
centaines d’enfants, de parents et d’équipes éducatives.

Mon unique désir pendant toutes ces années d’enseignement a été d’aider mes élèves.

J’ai essayé comme j’ai pu de les guider, de les soutenir, de les pousser. J’ai fait preuve
de patience et de créativité mais je me suis parfois et trop souvent heurtée à ce que nous
appelons un « échec ». Par méconnaissance, par mauvaise compréhension de leurs diffi-
cultés, et par manque d’outils, je n’ai pas su les aider comme il l’aurait fallu.

Il y a peu de temps, j’ai assisté à une formation en IMP (Intégration Motrice Primordiale)
qui est une approche qui travaille sur l’intégration des réflexes archaïques.

En quelques jours, j’ai eu des réponses à des questions que je m’étais posées pendant
toutes ces années en classe.

Depuis, je me sens le devoir de les partager.

Comme beaucoup de mes élèves, je vivais moi-même sans le savoir avec des cailloux
dans mes chaussures. Aussi petits qu’ils soient, ces cailloux nous empêchent d’avancer et
d’apprendre comme nous le souhaiterions. Nous finissons par nous faire à l’idée que nous
sommes « ainsi faits » et continuons notre route comme nous le pouvons.

Pourtant, j’ai appris aujourd’hui qu’il est possible d’ôter les cailloux qui nous font boîter et
nous empêchent de marcher correctement, de courir, de sauter, de danser.

Il est même facile de les enlever afin de nous permettre enfin de réapprendre à marcher
à notre convenance, en suivant notre rythme, nos envies, nos besoins et en choisissant la
destination vers laquelle nous voulons aller.

J’écris ce livre en pensant à tous les enseignants qui s’arrachent les cheveux et essayent,
souvent en vain, d’aider leurs élèves.

J’écris ce livre en pensant à tous les parents qui se désespèrent de ne pas voir réussir leur
enfant à l’école alors que la société leur met une pression énorme et qu’ils ne savent plus
comment l’aider.

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

J’écris ce livre, bien évidemment en pensant à tous ces élèves que j’ai connus, connais, ou
ne connaîtrai jamais, qui souffrent et subissent des violences quotidiennes sur les bancs
de l’école parce qu’ils ne réussissent pas à faire ce que le système attend d’eux.

Je dédie ce livre à tous ceux qui font de leur mieux, à tous ceux qui ne font pas exprès
d’échouer, à tous ceux à qui on dit de faire des efforts alors qu’ils sont à bout de force, à
tous ceux qui ont des cailloux dans leurs chaussures et qui souhaiteraient pourtant telle-
ment mieux marcher !

Je veux leur dire de ne jamais désespérer et de ne jamais abandonner leurs rêves : car non
seulement on peut changer mais tout est possible.
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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

I - Mon parcours

1) Un chemin tout tracé

Je suis rentrée à l’école maternelle à trois ans. J’ai toujours aimé l’école et m’y suis fait de
belles amitiés qui durent encore aujourd’hui, même à travers le monde. En effet, j’ai passé
mes années d’école élémentaire au Canada dans le « système québécois » après trois
années entières de maternelle en France. Puis je suis revenue en France pour le collège.

Je me suis soumise aux règles et aux contraintes que l’école imposait, avec joie et sans
effort. Déplaire aux professeurs était ma hantise et bien faire mon souhait le plus cher.
Je m’y suis faite des amitiés tout au long de ma scolarité et ai fait partie des filles « popu-
laires » que tout le monde aimait bien parce que j’avais les qualités requises pour plaire.
Aller à l’école pour y voir mes amis était aussi pour moi une priorité.

Mais aussi et surtout, j’aimais tout ce qu’on m’y apprenait. Et j’apprenais avec facilité.
Je suppose que les méthodes d’apprentissage choisies par mes différents enseignants me
convenaient ; je crois aussi que quelle que soit la méthode choisie, j’aurais appris. J’étais
faite pour l’école et elle me le rendait bien.
Si mes enseignants me plaisaient, je devais en retour aussi leur plaire. J’étais le type
d’élève idéale. Sage, silencieuse, respectueuse, curieuse, travailleuse, et en réussite
scolaire.

Je garde surtout de mes années à l’école primaire des souvenirs joyeux. J’ai pourtant
changé de pays, de ville, d’école ou de maison presque chaque année pendant ma sco-
larité primaire ! Qu’à cela ne tienne, je me suis adaptée à chaque fois et ai aimé tout ce
que j’y ai vécu.
Même si au collège et au lycée les notions se sont corsées, j’ai continué à réussir sans
trop fournir d’efforts car j’avais toutes les compétences pour continuer à être une « bonne
élève ». À l’université aussi, j’ai su rebondir et choisir les disciplines qui m’intéressaient,
travailler les matières selon leur degré de difficulté, choisir les bons professeurs et les bons
partenaires, m’adapter, et réussir brillamment.

Je n’ai jamais redoublé et ne me suis jamais mise en échec moi-même. Consciente de


ce que je pouvais et savais faire, je me suis dirigée vers les voies qui me convenaient et
n’ai jamais connu l’échec scolaire ni aucune difficulté liée directement ou indirectement
à l’école.

Lorsque je suis arrivée au moment de choisir ce que je voulais faire comme métier, je me
suis naturellement destinée à être « maîtresse d’école ». Je souhaitais même me spécia-
liser pour aider les élèves en difficulté.
En 1994, à ma plus grande joie, je suis devenue officiellement « professeur des écoles ».
Pour exercer le « plus beau métier du monde ».

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

J’étais naïve et pensais que tout le monde était « comme moi ». Je pensais donc que tout
le monde aimait l’école. Je pensais que j’arriverais en tout cas à la faire aimer.
Je pensais aussi que ma passion pour les complexités de la langue française, de ses mon-
tagnes et de ses chansons se transmettrait par conviction.
J’ai vite déchanté. Non seulement il ne suffisait pas d’aimer une matière pour l’enseigner,
mais les élèves que j’avais devant moi ne fonctionnaient pas du tout comme moi. Ils
avaient leur propre manière d’appréhender les apprentissages, leurs propres goûts et leurs
propres difficultés. Il me fallait donc composer avec toutes ces différences. Or, moi, je ne
connaissais pas trente-six façons d’apprendre.

L’envie de comprendre l’accord du participe passé quand le complément d’objet direct est
placé avant le verbe1 n’était donc pas innée ?
Ne suffisait-il pas de se poser des questions ?
Ne suffisait-il pas de s’asseoir à une table et d’écouter pour comprendre ?
Ne suffisait-il pas de jouer ensemble, tout simplement, pour se faire des amis ?
Ne suffisait-il pas de tout simplement faire ce qui était demandé pour y arriver ?
C’est pourtant ce que moi j’avais fait !

Ce que je ne savais pas, c’est qu’on pouvait passer une vie sans maîtriser les accords du
groupe nominal. Ce que je ne savais pas non plus, c’est que certains enfants ne pouvaient
pas comprendre encore les astuces ni la complexité de la langue parce que d’autres ap-
prentissages n’étaient pas encore intégrés. Si je savais que toute personne est différente, et
clamais le droit à la diversité, je ne savais pas comment y faire face ni comment apporter
les solutions à ceux et celles qui ne fonctionnaient pas comme le système m’avait appris
à leur apprendre. Comment est-ce que moi je fonctionnais ? Tout simplement depuis mes
trois ans, comme la parfaite élève ayant toutes les qualités scolaires pour réussir. Un vrai
exemple de réussite pour le système.

Je réalise aujourd’hui à quel point j’étais ignorante et toutes les erreurs que j’ai commises
malgré moi.
J’aime penser que j’ai fait ce que je savais faire et que moi non plus « je n’ai pas fait
exprès ». Non pas que je veuille me dédouaner de ce que j’ai (mal) fait, mais je ne pouvais
pas faire autrement avec le savoir que j’avais et la formation que j’avais eue.
Toutes ces rencontres m’ont fait cheminer. Au moins, je ne suis pas restée dans mes
(fausses) croyances et me suis remise en question. Et je peux dire avec honnêteté que j’ai
toujours fait de mon mieux.

2) La foi du débutant

Ma première expérience en classe a eu lieu dans un milieu rural de la région parisienne,


au fin fond des Yvelines ; j’avais obtenu ce poste parce que j’avais une voiture et que
j’étais célibataire et qu’au régime de l’Éducation Nationale cela égalait à obtenir un poste

1. Paul Landon, qui m’a fait le plaisir d’une préface, y donne justement cet exemple. Je le prends comme
un clin d’œil. Cette règle de grammaire, que les professeurs de CM2 redoutent tant elle semble complexe
aux élèves à qui on a dit pendant plusieurs années que « conjugué avec le verbe avoir, le participe passé ne
s’accorde pas...tout le temps », caricature ici parfaitement le duo « enseignant-mauvais élève ».

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

éloigné de chez moi. Finalement, la route était agréable ; je conduisais à travers champs
pour retrouver une école qui n’avait pas changé au fil des années. Monsieur et Madame D
y enseignaient encore. Ils avaient fait toute leur carrière là, habitaient le logement de
fonction au-dessus des classes, et partaient tous les vendredis soir de vacances dans leur
maison au bord de la mer d’où ils étaient originaires. C’est là qu’ils iraient passer leur
retraite une fois les annuités acquises. Il leur restait une bonne dizaine d’années à faire.
Je suis arrivée là comme un ouragan. J’ai poussé les tables, rangé les manuels qui racon-
taient que la France comptait cinquante millions d’habitants et que Giscard était Président
(si si, c’est véridique). Nous avons chanté « loin du cœur et loin des yeux », le tube de
1985 pour venir en aide aux Africains, et « la chanson des restos ». Et je me suis trou-
vée vieille parce que mes élèves ne connaissaient pas Coluche. 1985 était leur année de
naissance.

À défaut de pouvoir pratiquer beaucoup de sport, nous avons dansé en poussant les bancs
sous le préau, l’école étant dépourvue de tout matériel de sport digne de ce nom.
Nous avons incité les parents à venir nous voir. Le spectacle était bancal, mais il nous
tenait à cœur de le présenter.
Lorsque je suis repartie, puisque je remplaçais Monsieur D parti en formation, des parents
sont venus me remercier, me sourire. Ils n’avaient pas mis les pieds dans l’école depuis
longtemps. Je leur avais à nouveau tendu la main. Comme si une réconciliation était pos-
sible entre l’école et eux.

J’avais vingt-deux ans à ma première « vraie » rentrée. Les parents me poussaient pour
« voir la tête de la nouvelle maîtresse » en me prenant pour une grande sœur. Je regar-
dais, timide, mes collègues parler avec les parents avec assurance ; leur tête était connue
et reconnue. J’avais tellement hâte de leur ressembler !
Et puis, je me suis jetée à l’eau. Et j’ai adoré mon premier bain.

Ma collègue de CM2 venait souvent me voir pour me « donner des conseils ». Elle me
reprochait le bruit et les élèves qui se levaient dans ma classe. Comment le savait-elle ?
Parce qu’elle avait instauré une telle crainte dans sa propre classe (ce qu’elle nommait
respect), que les élèves se gardaient tout seuls pendant qu’elle pouvait aller se chercher
un café ou papoter avec un collègue aussi zélé qu’elle dans le couloir. Elle pensait avoir
raison. Elle avait de la bouteille. Des années en classe, elle en avait eu plus que je ne
comptais d’années, des élèves récalcitrants, elle en avait matés. Elle pensait surtout à la
pauvre maîtresse qui allait récupérer ses élèves quelques mois plus tard ; je « remplaçais
un congé maternité ». Dans notre jargon, on disait que j’étais BDM : Brigade Départe-
mentale Mobile. C’était peut-être là un signe pour moi que de commencer ma carrière par
la mobilité. Je ne sais même pas comment on appelle ce type de poste aujourd’hui. Les
sigles de l’Éducation Nationale changent au fil des gouvernements et des saisons mais le
travail reste le même.

Un jour, j’avais obtenu enfin assez de « points » pour participer au « mouvement » et


obtenir un poste fixe. C’est drôle. Le mouvement dans l’Éducation Nationale se résume à
un système informatisé qui gère le changement de nos postes ; soit quand on a envie de
«bouger» (entendre « changer d’école ») auquel cas on doit «participer au mouvement»
sans aucun risque de perdre sa place mais seulement la chance d’obtenir celui qu’on veut.

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Soit parce qu’on n’a pas encore eu la chance d’avoir « son » poste (celui qu’on pourrait
garder toute sa carrière et donc ne jamais bouger) et qu’on nous impose donc d’y partici-
per pour obtenir une place.

Alors je me suis « installée » dans une école à mi-chemin entre la ZEP1 et la campagne.
C’était dans une des villes nouvelles qui poussaient comme des champignons dans la
région parisienne.
Le public qu’on y accueillait était varié.
Je venais de passer plus de vingt ans à l’école dont plusieurs années en études supérieures
et la différence entre la pratique et la théorie me fouettait en plein visage. Il ne suffisait pas
d’être experte en méthodes de l’addition ; il s’agissait de l’enseigner à vingt-quatre petites
têtes dont plusieurs ne savaient pas encore qu’ils avaient dix doigts.

On m’avait enseigné que l’école était un lieu de vie et de socialisation.


On m’avait expliqué que la classe était une mini société qui nécessitait règles et discipline,
les règles étant là pour être enfreintes par les élèves et moi pour les faire respecter.
On m’avait décrit les contenus et donné des objectifs à atteindre par classe d’âge et
niveau.
On m’avait présenté le cadre, les horaires, les temps par matière à res-
pecter et le nombre de minutes maximal que devait durer une récréation.
On m’a laissée libre sur l’ordre dans lequel je souhaitais inculquer les apprentissages et
sur mon emploi du temps tant qu’il respectait le cadre fixé par les exigences institution-
nelles et locales.
On m’a laissé le choix des méthodes et des livres que j’allais utiliser tant que je respectais
les modes et les courants pédagogiques les plus écoutés du moment, ce qui était facilité
par le choix d’ouvrages proposés sur le marché.
On m’a laissée libre (et cela a été enivrant !) sur le nombre de cahiers, leur taille, et le
choix des couleurs des protège-cahiers dans la limite financière qui m’était fixée ! J’ai
même pu déterminer toute seule la liste des fournitures à distribuer aux parents !

J’ai adoré découper les étiquettes des prénoms et préparer les points où écrire la date sur
la première page des cahiers vierges.
J’ai adoré choisir la poésie de rentrée et le premier coloriage.
J’ai adoré prévoir les progressions du premier trimestre et me fixer des objectifs à atteindre
pendant une période avant des vacances.
J’ai adoré accrocher mes affichages sur des murs défraîchis et rédiger les règles de la
classe le jour de la rentrée.
J’ai adoré arranger la disposition des tables en fonction de mes objectifs et de la place du
tableau.

Pendant vingt ans, je n’ai pas pu me balader où que ce soit sans en retirer un quelconque
intérêt pédagogique. J’ai visité des musées et des monuments en réfléchissant à des
exploitations didactiques possibles. J’ai admiré des œuvres artistiques en préparant ma
prochaine séquence d’arts visuels. J’ai acheté des disques de chanteurs que je n’aimais
pas, parce que les paroles de leurs chansons collaient au thème de mon programme. Je

1. ZEP : Zone d’Éducation prioritaire.

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

n’ai pas pu rentrer dans une librairie ni dans une bibliothèque sans me diriger vers la
section enseignement pour y dévorer les derniers titres. J’ai dépensé des milliers de francs
puis d’euros en cartouches d’encre, en livres, en stylos et en récompenses diverses. J’ai
passé mes vacances à penser à l’école et aux nouveaux projets que j’allais pouvoir mettre
en place à la rentrée suivante. J’ai passé des milliers d’heures à préparer ma classe, mes
cours, mes fiches d’exercices ou d’évaluations, à trouver des idées nouvelles et ludiques
pour éveiller l’intérêt de mes élèves et parvenir à « mes objectifs ». J’ai souvent mangé
et dormi en pensant à l’école, et ai « ramené » non seulement les cahiers à corriger mais
aussi souvent les difficultés rencontrées avec mes élèves à la maison.
J’ai passé des milliers d’heures à préparer des fiches d’exercices et d’évaluation dont les
premières se reproduisaient sur stencil à l’encre violette des « machines à alcool ». J’en
ai passé des centaines à surveiller des enfants hurler et se défouler dans des cours plus
ou moins spacieuses et accueillantes, en papotant avec des collègues, un café à la main.
Je suis restée tard le soir pour corriger des cahiers truffés de fautes ou d’autres parfaits et
suis rentrée emmenant avec moi les difficultés et les soucis de mes élèves.

Je me suis toujours sentie chez moi dans « ma » classe et j’ai adoré y être parce que ma
classe était mon royaume et que je pouvais y régner.
Et comme je ne savais pas faire autrement, j’ai enseigné avec ce que j’étais.

Ma nature étant d’être « cool » et gentille, j’ai été une reine « cool et gentille ».
Je ne me suis jamais démontée, n’en déplaise à mes collègues et à celles qui ont « récu-
péré » des élèves qui avaient eu le droit de bouger et de faire du bruit.
Je n’ai jamais vraiment puni parce que je ne crois pas en une société punitive, ni en aucun
interdit parce que je ne crois pas non plus au pouvoir des interdictions.
J’ai préféré miser sur le sens de la responsabilité de mes élèves pour rédiger les règles de
ma classe et les sanctions en cas de non respect.

J’ai laissé la possibilité de bouger, de questionner, de se tromper, de ne pas y arriver.


Je ne me suis jamais focalisée sur un rang parfait ni silencieux et je n’ai jamais fait man-
quer une récréation ni une séance de sport.
Quand je manquais d’idées ou que j’en avais assez des miennes, je me suis laissée guider
par celles de mes élèves.
J’ai fait des tentatives pédagogiques infructueuses et d’autres intéressantes.
J’ai dit et écrit des énormités plus grosses que moi et ai loupé des expériences scienti-
fiques faciles mais personne ne m’a jamais contredite parce que j’étais la maîtresse.
J’ai développé chez certains des intérêts pour des sujets ou des matières disciplinaires et
découvert des talents artistiques ou sportifs.

J’ai été émue aux larmes d’entendre mes élèves chanter, danser ou de les voir réussir un
salto ou une multiplication.
Je me suis laissée déborder mille fois et me suis juré de devenir stricte et sévère. Et je ne
le suis jamais devenue.
J’ai beaucoup ri grâce à mes élèves ou avec eux, et parfois pleuré (plutôt en salle des
maîtres ou une fois chez moi).
J’ai encouragé, j’ai écouté, j’ai expliqué, j’ai démontré.
J’ai fait preuve de patience et de compassion.

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

J’ai parfois dit des gros mots parce que je perdais mon calme.
Et surtout, j’ai beaucoup répété. Répété à en devenir dingue.
Si les questions de mes premiers élèves me paraissaient toutes drôles, même si elles
étaient déconcertantes, je prenais beaucoup de plaisir à y répondre au mieux et à satis-
faire leur curiosité ou leur difficulté à faire. Mais au bout de quelques années de « maî-
tresse, je ne comprends pas », j’ai souvent senti ma patience atteindre ses limites.
Quand on a enseigné quinze ans les règles de la soustraction à retenue, corrigé des cen-
taines de calculs, qu’on s’est retrouvé face aux mêmes erreurs des dizaines de fois, on
a tout simplement l’impression que l’élève qui voit cette notion pour la première fois fait
exprès de ne pas y arriver !
Quand on s’est assuré que toutes les oreilles sont ouvertes et que tous les yeux sont fixés
sur soi, pour pouvoir au moins une fois expliquer la consigne à tous en même temps, on a
vraiment l’impression que le « maîtresse qu’est-ce qu’il faut faire ? » est là rien que pour
nous faire enrager.
Quand on a répété la consigne à cinq élèves l’un après l’autre, parce que ce jour-là on
se sentait d’attaque pour faire de l’individualisation et preuve d’une patience exemplaire,
et qu’un sixième élève s’approche avec son livre ouvert à la mauvaise page, on le trouve
juste de trop !

Je garde de ces années d’enseignement un souvenir merveilleux, parce que j’ai aussi
appris à être positive et que je ne garde que le meilleur de mes expériences passées.
Je me suis sentie à l’aise à l’école parce que c’était un lieu sécurisant pour moi et que
je m’y sentais chez moi depuis que j’étais toute petite. J’en connaissais les codes, les
valeurs, les savoirs, et j’y aimais ses jeux et ses enjeux.
J’y ai cotoyé des dizaines de collègues adorables et solidaires, dont beaucoup sont deve-
nus des amis.
J’y ai partagé des moments inoubliables avec mes élèves et je les en remercie ! Je me
souviens de dizaines de visages et j’ai gardé précieusement toutes les photos de classe.
J’ai été loin d’être parfaite et j’ai commis beaucoup d’erreurs.
Mais si on me demande comment j’ai fait pour aider mes élèves pendant toutes ces
années, je répondrai sans hésitation que je l’ai fait avec mes limites, mes erreurs et mes
dysfonctionnements mais telle que j’étais. Et la seule force qui m’a guidée tout au long de
ces années fut l’amour ! Je n’ai aucun doute que là était ma vocation.
Mon métier reste le plus beau métier du monde.

3) L’art de positiver

J’ai toujours eu l’envie de bouger et ne suis pas restée dans une même école plus de
quatre ans d’affilée.
Un jour, je suis partie au Canada. Parce que c’était le pays de mon enfance, y retourner
avait souvent été un de mes projets. J’ai obtenu un poste au lycée français d’Ottawa en
tant qu’expatriée. La chance de ma vie. Non seulement c’est moi qu’ils avaient choisie
parmi des tas de dossiers mais je partais donc dans les meilleures conditions qui soient.
J’avais beau connaître le pays, je ne connaissais pas cette ville. J’ai été accueillie, merci
Rachel, par la secrétaire du lycée en attendant de me trouver un appartement. J’ai ensuite

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

fait la connaissance de mes futurs collègues dont Myriam et Laurent avec qui je passerai
trois années mémorables en termes de travail d’équipe et d’entente.

Ce qui me revient en mémoire, c’est cette phrase de Myriam à quelques jours de la ren-
trée : « Ici, tu n’as pas intérêt à dire du mal des élèves. On est au Canada, on n’est pas
en France. Ici c’est interdit .»
En bonne « maudite Française » comme les Québécois nous appellent pour nous taquiner,
je me suis dit intérieurement : « Mais comment fait-on ? »
Parce que j’étais encore formatée et incrédule, je lui ai répondu : « Mais il faut bien dire
quand les choses ne vont pas. Sinon on ne sait pas quoi améliorer. » Et Myriam de me
répondre : « Ben non. Tu ne dis pas ce qui ne va pas, tu dis ce qui va. Même quand il n’y
a pas grand-chose qui va, tu trouves. Et c’est ça que tu dis. »
« Sinon ? »
« Sinon tu te retrouves avec un procès aux fesses. »
Au Canada, on fait de la critique positive.
Eh ben, j’étais mal barrée...

Dès les premiers jours de classe, j’ai été confrontée à des scènes assez cocasses dues
aux différences culturelles qui existaient entre mes coutumes françaises et les habitudes
de mes élèves venus des quatre coins du monde. Les repères avec lesquels j’avais vécu
et enseigné depuis plusieurs années étaient ébranlés. Là-bas, j’ai dû changer de norme
linguistique (puisque les gros mots canadiens ne sont pas ceux qui sonnent l’alerte aux
oreilles des Français) et de normes culturelles. Comme quoi tout est relatif.

Et si la plupart de mes élèves réussissaient scolairement, parlaient plusieurs langues,


avaient un talent particulier (souvent artistique, parfois sportif), certains étaient là parce
que leurs parents avaient des postes haut placés dans la diplomatie, ce qui ne garantissait
pas leur réussite scolaire. La langue française n’était pas toujours leur langue maternelle
et la rigueur du système français ne convenait pas à tous les élèves.
Par ailleurs, il nous fallait briller pour séduire. L’école française à l’étranger a un coût
financier important et les parents sont exigeants.

J’ai donc dû m’adapter à ce public si différent, extrêmement enrichissant, mais aussi très
déstabilisant.
C’est ainsi que je me suis lancée dans des projets artistiques (nous avons créé des comé-
dies musicales) qui m’ont enthousiasmée. Et en y impliquant tous mes élèves, en fonction
de leur caractère, et de leurs aptitudes, j’ai permis à chacun de montrer le meilleur de
lui-même et ainsi de faire valoir ce qu’il avait de positif.
Le sourire victorieux de Warren chantant son solo devant un public ému aux larmes me
restera à jamais gravé dans la mémoire. « Maîtresse, ça a été le plus beau jour de ma
vie » : lui qui était en échec scolaire avait une voix d’ange.

C’est au Canada que j’ai connu les élèves les plus brillants. Non pas que les Canadiens
aient des qualités supérieures aux Français, j’enseignais d’ailleurs à des enfants de toutes
nationalités. Mais je crois que l’ouverture d’esprit qu’implique le multilinguisme et les
qualités que doivent développer ces élèves pour s’adapter à un système ou à un pays qui
n’est pas le leur, leur donnent des compétences extraordinaires.

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

Beaucoup d’entre eux excellent dans ce qu’ils entreprennent. Il n’a donc pas été trop diffi-
cile de me plier à la discipline de « la critique positive ». Après quelques années passées
là-bas, je n’avais pas pris que leur accent et leurs expressions ; la « positive attitude » était
aussi devenue une de mes habitudes.

J’ai eu ensuite la chance de travailler en Angleterre. Pendant plusieurs mois, j’ai travaillé
dans la section maternelle de l’école de mon quartier. Nous y accueillions, à mi-temps, les
enfants dès leurs trois ans révolus. Outre le fait qu’il y avait dans cette section plus d’assis-
tantes éducatives (« teaching assistant ») que dans une classe en France, c’est surtout la
manière d’y enseigner qui m’a frappée. Je devrais dire, si je suis honnête, « choquée ».

En Angleterre, le « programme » est découpé en six aires d’enseignement :

• la communication, la langue et la littérature ;


• la résolution de problèmes, le raisonnement et la numération ;
• le développement de la créativité ;
• la connaissance et la compréhension du monde extérieur ;
• le développement social et émotionnel ;
• le développement physique ;

Pour que les élèves travaillent dans tous ces domaines, nous mettions en place un pro-
gramme d’activités hebdomadaire que nous définissions et installions pour la semaine
dans toutes les aires de travail possibles, aussi bien à l’intérieur des locaux qu’à l’exté-
rieur. Il y avait en effet un espace de travail prévu dehors dans lequel les élèves pouvaient
aller exercer des activités sous l’œil bienveillant d’un adulte. De même, la « récréation »
était un moment propice aux apprentissages. Nous mettions à disposition du matériel ou
des activités extérieures et laissions les enfants choisir ce qui les tentait.

Car la grande différence était là : les ateliers et activités étaient proposés et chaque enfant
libre d’y aller ou pas. Rien n’était imposé. Jamais.

Comment savait-on si un enfant progressait ? Nous étions tous responsables d’un petit
groupe d’enfants et notre rôle majeur était de les observer, parfois bien sûr de les accom-
pagner, de communiquer avec eux, d’interagir, de solliciter ou de proposer. Mais surtout
notre travail consistait à les regarder faire et à noter leurs interventions, leurs progrès,
leurs désirs, leurs aptitudes. Nous avions un dossier par enfant dans lequel nous remplis-
sions des pages de notes que nous écrivions sur des « post it ». Tout simplement. Chaque
aire de développement avait sa couleur.

Ma surprise (et mes doutes) était dans le « laisser libre ». J’avais tellement été habituée à
imposer, et à m’indigner qu’un enfant n’ait pas envie de participer à telle ou telle activité
que je trouvais incroyable de les laisser choisir. Comment allaient-ils apprendre leurs cou-
leurs si on ne leur imposait pas l’atelier « tri d’objets » ? Que j’étais ignorante !

Certains enfants participaient à tout mais ne progressaient pas rapidement. D’autres sem-
blaient ne « rien faire » mais observaient tant les autres que le jour où ils se décidaient,

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

leurs résultats étaient impressionnants. D’autres encore apprenaient dans tous les do-
maines prévus par les programmes en utilisant seulement le coin jeu ou le coin peinture
libre.

J’ai aussi enseigné aux élèves de quatre ans. Ils intègrent l’école toute la journée et à
quatre ans, apprennent déjà à lire et à calculer.
Là encore, mon ignorance m’a conduite à remettre en question (mais heureusement je le
gardais pour moi) les méthodes avec lesquelles on me demandait d’enseigner.

À quoi ressemblait la classe ? D’abord, elle était immense et agréable à vivre. Il y avait dif-
férents coins bien aménagés et clairement définis. Ensuite, il y avait un nombre incroyable
de matériels pédagogiques mis à notre disposition. Comme pour les enfants de trois ans,
on y installait des ateliers qui répondaient aux différents domaines d’apprentissage. Mais,
à la différence des trois ans, il y avait quelques activités imposées : la lecture et le calcul,
ainsi que de nombreux temps de regroupement. Leur point commun ? C’étaient des temps
très courts mais très précis et disciplinés.

Pour la lecture et l’enseignement des notions mathématiques, nous avions mis en place
des groupes de niveau et nous prenions chacun un groupe. Nous étions deux enseignantes
et deux assistantes d’éducation. Nous faisions ce qu’en France on appelle « décloison-
ner », et ce tous les jours et même plusieurs fois par jour. Nous avions donc quatre
groupes de lecture. À chacun son niveau et à chacun ses possibilités d’évoluer. Ces
séances plus directives duraient une quinzaine de minutes à la suite de quoi nous lais-
sions libres nos petits élèves de continuer ou pas ces activités. Après la récréation, nous
faisions à nouveau une séance en groupe pour les mathématiques. Les groupes de niveau
étaient alors différents de ceux du début de matinée. En séparant ainsi nos élèves, nous
étions plus proches d’eux et plus à même de les amener de manière individuelle vers de
nouvelles compétences. D’ailleurs, les groupes des bons lecteurs et des élèves plus en
difficulté étaient moins importants que les deux groupes du milieu. Pas surprenant quand
on connaît la fameuse courbe de Gauss qu’on nous enseigne en formation d’enseignant :
cette courbe représente les niveaux des élèves (ou les notes à une évaluation ou les
résultats de QI). Elle exprime que dans un groupe il y a les moins performants, les plus
performants et au milieu, entre ces extrêmes, se trouve la majorité.

Il y avait d’autres moments pendant lesquels nous prenions les élèves un par un pour
vérifier avec une grande attention les progrès qu’ils avaient faits. Ces moments pour eux
ne duraient que quelques minutes mais pour nous ils étaient extrêmement importants car
ils nous permettaient de réellement connaître leur niveau individuel. Le reste du temps,
nous étions sollicités pour observer, proposer, encourager les découvertes. Les enfants
pouvaient choisir les activités qui les intéressaient et en changer autant de fois qu’ils le
souhaitaient. Ils avaient l’habitude de ce fonctionnement. Cela était dans la continuité
de l’année précédente. Nous les observions jouer, manipuler, interagir avec les autres,
et continuions à noter leurs progrès sur des petits papiers qui remplissaient leurs carnets
individuels. Ainsi, nous avions une trace de ce qu’ils savaient déjà faire ou non. Et cette
trace, nous la fabriquions au gré des jours, en respectant le rythme et le désir de chacun
des élèves, et sans photocopie !
Les programmes étaient donc respectés et leurs objectifs clairement établis. Ce qui ne

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l’était pas, c’était la manière ou le moment que l’enfant choisirait pour entrer dans tel ou
tel apprentissage. Nous étions bien entendu dans une « pédagogie positive » et seuls les
progrès des enfants étaitent notés. D’ailleurs, pour impliquer les élèves et les motiver à
être et faire ce qui était acceptable en collectivité, un sytème de sanctions positives était
mis en place, système très au point et suivi dans toutes les classes de l’école y compris
dans les classes élémentaires.
Quand un enfant se faisait remarquer par un bon comportement ou une nouvelle acqui-
sition on lui donnait un autocollant « félicitations », « champion » ou autre distinction
qu’il portait fièrement toute la journée et montrait à ses parents l’heure venue. De même,
la classe regorgeait de tableaux divers sur lesquels nous notions les prénoms des enfants
qui s’étaient distingués. En fin de journée, nous prenions toujours le temps de féliciter ces
enfants et d’expliquer ce qui leur valait ce privilège. Que faisaient-ils ? Ils remplissaient
leur rôle d’élève et de citoyen : ils avaient aidé un camarade, avaient pris des intitiatives,
rangé le matériel, été les premiers à se mettre au travail ou en rang pour la cantine,
avaient réussi pour la première fois à enfiler leur manteau et à remonter la fermeture
éclair... Cela nous permettait non seulement de renforcer les comportements positifs mais
en plus, nous étions vraiment au plus proche de ce qu’ils savaient faire.

Au départ, je pensais que de laisser faire les enfants au gré de leurs envies était une aber-
ration et qu’ils feraient n’importe quoi. Finalement, c’est en leur imposant des activités
qu’ils n’ont pas envie de faire que nous faisons n’importe quoi !

Bien sûr, si nous mettons en place ce type de fonctionnement sans y avoir mûrement ré-
fléchi, nous risquons de nous retrouver submergés par le bruit, le bazar jusqu’au manque
même de sécurité dans nos classes. Mais un tel fonctionnement basé sur la liberté de
choisir et la possibilité d’évoluer à son rythme ne signifie pas un fonctionnement sans
règles ! Au contraire, notre rôle devient alors de garantir la sécurité et la discipline en
toute bienveillance. D’ailleurs, la première semaine, perdue par tout ce mouvement, j’ai
eu besoin de l’aide précieuse de mon assistante et de ma collègue pour remettre de l’ordre
et renforcer les règles de vie en collectivité et sévir quand il le fallait. En effet, les élèves
ayant face à eux une nouvelle maîtresse en avaient profité pour me tester. Et j’avais eu
du mal à gérer vingt-huit petits élèves de quatre ans dont certains étaient prêts à me faire
avaler des couleuvres.

De ces expériences de l’autre côté des mers, j’ai retiré de grands enseignements. Outre le
fait que j’aie bien amélioré mon niveau d’anglais, j’y ai pris de belles leçons d’humilité.
La curiosité des enfants est naturelle et incommensurable ; leur capacité à s’adapter et à
apprendre est infinie.
Leurs apprentissages ne se font pas de manière linéaire, ni uniquement avec une feuille et
un crayon, ni d’une seule manière. Ils se construisent par la répétition, des manipulations,
le jeu, et la possibilité d’expérimenter différentes manières d’apprendre. Ils se font grâce
aux encouragements des adultes et des pairs et à la confiance qu’ils mettent en eux. Ils
se font par leur volonté.
L’utilisation d’un système de pédagogie positive qui met en valeur les comportements
exemplaires, stimule l’estime de soi, accroît leurs possibilités et motive au mieux faire, est
un outil de réussite qui défie toute concurrence.

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4) Un cheminement qui continue

De retour en France, je suis revenue à mes premières amours. Malgré mes expériences
chez les plus jeunes, je n’avais pas assez de recul pour savourer les richesses et trésors
qu’on venait de m’offrir et mon désir était de retourner à l’école élémentaire enseigner les
accords des verbes, la multiplication et le Moyen Âge.

J’ai ainsi eu l’occasion non seulement d’enseigner en école élémentaire mais de devenir
directrice d’école en région parisienne. Contrairement à d’autres pays, ce métier n’est pas
particulièrement valorisé et les enseignants ne se « bagarrent » pas pour prendre la respon-
sabilité d’une direction d’école. Restant enseignant à temps partiel, voire à temps plein1,
le directeur a donc à la fois la charge d’une classe et celle de diriger une équipe, sans
compter les tâches administratives. Qu’à cela ne tienne, j’avais la confiance et le soutien
des collègues et l’envie de dynamiser une école dont l’équipe était partante. Cette année-
là, nous devions écrire le projet d’école ; il s’agissait d’un projet déterminé pour trois à
cinq ans, particulier à chaque école selon ses propres besoins, difficultés et facilités, avec
plans d’action, activités pédagogiques planifiées, objectifs détaillés dans les domaines
choisis. Forte d’une équipe solidaire et enthousiaste, nous avons travaillé ensemble pour
monter un projet qui répondrait réellement aux besoins du terrain, aux difficultés de nos
élèves, à leurs compétences, à nos objectifs.

Les deux années qui suivirent, nous avons ainsi pu tester que nous avions bien visé et
que nos élèves progressaient dans les disciplines définies, grâce aux actions innovantes,
créatives et motivantes que nous avions mises en place.
La maire de la ville dans laquelle je travaillais était enchantée : j’avais, selon elle, « re-
monté le niveau et la réputation de l’école et fait arrêter la fuite du public vers le privé ».
Pour moi, je n’avais fait que prendre les ressources là où elles étaient : celles des ensei-
gnants, en écoutant et en valorisant leurs désirs, leurs compétences, et en augmentant du
coup leur motivation, et celles des parents et partenaires que nous avions fait entrer dans
l’école, car eux aussi sont remplis de bonne volonté, de compétences, et d’envie d’aider
leurs enfants !
Mais je retiens surtout de cette expérience que le directeur d’une école, même si ses pou-
voirs sont limités, a la capacité de motiver son équipe et de fédérer des projets qui peuvent
et doivent faire évoluer le niveau des élèves. En mettant en œuvre de réelles actions, il
peut participer à des améliorations dans le comportement, la motivation et les résultats
de ses élèves. En ce sens, son rôle est essentiel.

Quelques années plus tard, après avoir eu mes propres enfants, je me suis retrouvée avec
un double niveau CE2/CM1 dans une école de la Manche en Normandie.
J’étais nouvelle dans l’école et dans la région et les parents m’attendaient au tournant.
Si je n’avais pas encore intégré (pris le recul) tout ce que mes années anglaises et cana-
diennes m’avaient fait découvrir du développement de l’enfant, j’étais devenue experte en
positivisme et dans ma classe les punitions pour cause de mauvaise conduite avaient été
remplacées par des récompenses pour cause de bon comportement.

1. À moins de diriger une école de plus de quatorze classes qui lui donne une « décharge complète » de
classe.

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LE POUVOIR DES RÉFLEXES À L’ÉCOLE

Bibliographie

• Brain Gym : Le Mouvement, clé de l’apprentissage, Paul Dennison et Gail Dennison,


Le Souffle d’Or, 2005.
• Apprendre par le mouvement, Paul Dennison, Sully, 2014.
• Brain Gym: Bouger pour apprendre, Francine Driès, Hachette Pratique, 2017.
• Braingym - le Plaisir d’Apprendre en Mouvements, Véronique Geens et Muriel Albert,
Erasme, 2014.
• Apprendre Autrement avec la Pédagogie Positive - À la maison et à l’école, (re)
donnez à vos enfants le goût d’apprendre, Audrey Akoun , Isabelle Pailleau, Éditions
Eyrolles, 2013.
• Libérez votre cerveau, Idriss Aberkane, Éditions Robert Laffont, 2016.
• Travailler en îlots bonifiés pour la réussite de tous, Marie Rivoire, éditions Généra-
tion 5, 2012.
• Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse, repenser l’éducation à la lumière
des dernières découvertes sur le cerveau, Editions Robert Laffont, 2014.
• Les lois naturelles de l’enfant, Céline Alvarez, Éditions les Arènes, 2016.
• Smart Moves (en français La gymnastique des neurones), Carla Hannaford, Great
River Books, 1997.
• Reflexes, Learning and Behaviour, Sally Goddard, Fern Ridge Press, 2005.
• Maman, papa, j’y arrive pas ! Comprendre et agir sur les causes physiologiques des
difficultés scolaires et comportementales de son enfant, Marie-Claude Maisonneuve,
Quintessence, 2008.
• C’est pas moi, c’est mon crocodile, Paul Landon et Anne Dupont, Centre de formation
Le Plaisir d’apprendre, 2015.
• Libre pour apprendre, Peter Gray (Avec la contribution de), Elsa Petit (Traduction),
Actes Sud, 2016.

107
Numérisé par
Pascal Steichen, Aubais
pour le compte des Éditions Fabert.

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