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Sestina

Lagrime d’amante al sepolcro d’amata


Scipione Agnelli

La sextine «Larmes d’amoureux sur le tombeau de l’aimée» a été écrite en mémoire de la jeune cantatrice Caterina Martinelli
(Rome, 1590 – Mantoue, 1608). Venue à la cour de Mantoue à 13 ans, elle y avait été l’élève de Monteverdi. Elle mourut de la petite
vérole alors qu’elle se préparait à interpréter l'opéra l’Ariana. Le berger Glaucus pourrait représenter le duc Vincent Gonzague, qui
fit installer la pierre tombale de la défunte dans l’église del Carmine à Mantoue.

1.Incenerite spoglie, avara tomba Restes réduits en cendres, tombe avare


Fatta del mio bel Sol terreno Cielo, Devenue le Ciel terrestre de mon beau Soleil,
Ahi lasso ! I' vegno ad inchinarvi in terra. Hélas ! Je m’incline à terre devant vous.
Con voi chius'è 'l mio cor a marmi in seno, Mon cœur est enfermé avec vous au sein du marbre
E notte e giorno vive in foco, in pianto, Et nuit et jour, Glaucus tourmenté
In duolo, in ira, il tormentato Glauco. Vit dans le feu, dans les larmes, le deuil, la colère.

2.Ditelo, o fiumi, e voi ch'udiste Glauco Dites-le, ô fleuves, et vous qui avez entendu Glaucus
L'aria ferir dì grida in su la tomba, Frapper de ses cris l’air au dessus de la tombe,
Erme campagne - e'l san le Ninfe e 'l Cielo: Campagnes désertes – et les nymphes et le Ciel le savent:
A me fu cibo il duol, bevanda il pianto, Le deuil fut mon aliment, les larmes ma boisson;
- Letto, o sasso felice, il tuo bel seno - Mon lit, bienheureuse pierre, fut ton beau sein,
Poi ch'il mio ben coprì gelida terra. Puisque la terre glacée recouvre ma bien aimée.

3.Darà la notte il sol lume alla terra, Le soleil donnera la nuit sa lumière à la terre,
Splenderà Cintia il di, prima che Glauco Cynthie resplendira de jour, avant que Glaucus
Di baciar, d'honorar lasci quel seno Cesse d’honorer, de baiser ce sein
Che fu nido d'Amor, che dura tomba Qui fut nid d’amour, qu’écrase une rude tombe;
Preme; né sol d'alti sospir, di pianto, Et les bêtes sauvages, et le Ciel, ne seront pas seuls
Prodighe a lui saran le fere e 'l Cielo. À lui prodiguer profonds soupirs et larmes.

4.Ma te raccoglie, O Ninfa, in grembo 'l Cielo, Mais le Ciel, ô nymphe ! t’accueille en son sein,
Io per te miro vedova la terra, Et je vois la terre, par ton départ, devenue veuve,
Deserti i boschi e correr fium'il pianto. Je vois les bois déserts, les larmes coulant en fleuves.
E Driade e Napee del mesto Glauco Dryades et Napées redisent
Ridicono i lamenti, e su la tomba Les lamentations du triste Glaucus, et sur la tombe
Cantano i pregi dell'amato seno. Chantent les qualités de ce sein aimé.

5.O chiome d'or, neve gentil del seno, Ô cheveux d’or, gente neige du sein,
O gigli della man, ch'invido il cielo Ô lis de la main, que le ciel jaloux
Ne rapì, quando chiuse in cieca tomba, Nous a ravis, quand il l’enferma dans une tombe aveugle,
Chi vi nasconde ? Ohimè ! Povera terra Qui vous cache ? Hélas ! Une pauvre terre
II fior d'ogni bellezza, il Sol di Glauco Cache la fleur de toute beauté, le soleil de Glaucus !
Nasconde ! Ah ! Muse ! Qui sgorgate il pianto ! Ah, Muses ! Laissez couler vos larmes !

6.Dunque, amate reliquie, un mar di pianto Donc, reliques aimées, mes yeux
Non daran questi lumi al nobil seno Ne donneront pas une mer de larmes au noble sein
D'un freddo sasso? Ecco l'afflitto Glauco D’un froid rocher ? Voici que le dolent Glaucus
Fa rissonar »Corinna« il mare e 'l Cielo, Fait retentir de «Corinne !» la mer et le ciel.
Dicano i venti ogn'or, dica la terra: Que les vents disent sans cesse, que la terre dise:
«Ahi Corinna! Ahi Morte! Ahi tomba!» «Ah ! Corinne ! Ah ! mort ! Ah ! tombe !»

Cedano al pianto i detti ! Amato seno, Que les paroles laissent la place aux larmes ! Sein chéri,
A te dia pace il Cielo; pac’ a te, Glauco, Que le Ciel te donne la paix; paix à toi, Glaucus,
Prega honorata tomba e sacra terra. Prie la tombe honorée et la terre sacrée.
La Sestina
La Sestina

Claudio Monteverdi

Genre Canzone de deuil


Musique Claudio Monteverdi
Texte Scipione Agnelli
Langue originale italien
Dates de composition 1610
Commanditaire Vincent Ier de Mantoue (Vincenzo Gonzaga)
La Sestina est une canzone de deuil composée en 1610 par Claudio Monteverdi et publiée en
16141.

Historique
En 1608, Claudio Monteverdi, maître de chapelle de cour ducale de Mantoue, compose L'Arianna,
tragédie en musique (sur un livret d'Ottavio Rinuccini) à l'occasion du mariage de François
Gonzague, héritier du duc Vincent Ier de Mantoue (Vincenzo Gonzaga), avec l'infante Marguerite
de Savoie1.
Il en réserve le rôle-titre à son élève, la jeune cantatrice prodige Caterina Martinelli2 mais celle-ci
est emportée par la variole3 le 7 mars 1608, à l'âge de 18 ans, peu de temps avant la création de
L'Arianna, le 26 mai 1608.
Pour commémorer le souvenir de Caterina, le duc Vincenzo commande une canzone de deuil à
l'écrivain de cour Scipione Agnelli une canzone de deuil intitulée Lagrime d'amante al sepolcro
dell'amata (« Larmes de l'amant sur la tombe de l'aimée ») que Monteverdi compose en 1610 et
publie en 1614 sous le nom de Sestina dans son sixième livre de madrigaux1.

Forme
La canzone prend la forme d'une sestina, ou sestine, une forme poétique complexe qui consiste en
« une canzone bâtie sur six mots-rimes qui se succèdent selon une technique de combinaisons
sophistiquées »1.

Structure
• Prima parte : Incenerite spoglie
• Seconda parte : Ditelo voi
• Terza parte : Darà la notte il sol
• Quarta parte : Ma te raccoglie
• Quinta parte : O chiome d'or
• Sesta et ultima parte : Dunque amata reliquie

La forme Poétique :
La sestina, ou sestine, est une forme de la versification italienne.
La sestina est, au sens rigoureux, une sorte de chanson composée de six stances, dont chacune est
formée de six vers, ordinairement hendécasyllabes. Les rimes reviennent dans un ordre déterminé,
comme dans le rondeau. La sestina ainsi réglée avait beaucoup de ressemblance avec la sextine (ou
sixtine) des troubadours, qui, par l’agencement sextuple des rimes dans les six couplets et leur
répétition dans l’envois, était, selon Ginguené, la plus recherchée des formes provençales.
On appelle aussi sestine la simple strophe de six vers, qui sert dans le genre héroï-comique, dans la
satire, dans l’épigramme. La Secchia rapita, de Tassoni, est écrite en sestines.

Autre explication Selon le « Traité de la poésie italienne Par Antonio Scoppa (fin XVIIIe)

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