Vous êtes sur la page 1sur 198

THÈSE DE DOCTORAT

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres


PSL Research University

Préparée à l’École Supérieure de Physique


et de Chimie de la Ville de Paris

Contrôle et manipulation d’ondes hydroélastiques

Ecole doctorale n°564


École Doctorale Physique en Île-de-France

Spécialité PHYSIQUE

COMPOSITION DU JURY :

Mme. CHARLAIX Élisabeth


Université de Grenoble Présidente du jury

Soutenue par Lucie DOMINO Mme. BIANCE Anne-Laure


le 6 novembre 2018 ENS Lyon Rapportrice
h
M. EDDI Antonin
ESPCI Paris Co-directeur de thèse
Dirigée par Antonin EDDI
et Marc FERMIGIER M. ENOCH Stefan
Université Aix-Marseille Rapporteur

M. FERMIGIER Marc
ESPCI Paris Directeur de thèse

M. MOISY Frédéric
Université Paris-Sud Examinateur

M. SALEZ Thomas
Université de Bordeaux Examinateur
Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Anne-Laure Biance et Stefan Enoch d’avoir accepté
d’être rapporteurs de cette thèse, et Elisabeth Charlaix, Thomas Salez et Frédéric Moisy qui
m’ont fait l’honneur de l’examiner. Leurs commentaires ont largement amélioré ce manuscrit,
et je leur en suis grandement reconnaissante.

Ces trois dernières années sous la direction d’Antonin Eddi ont été un réel plaisir. Le bon-
heur que j’ai eu chaque jour à travailler au laboratoire lui est grandement dû. Par sa présence
quotidienne au laboratoire, Antonin a su m’apprendre quantité de choses, scientifiques mais
aussi humaines, et m’insuffler son enthousiasme. Nous nous sommes lancés dans une aventure
inédite pour nous deux, et j’espère qu’en tant que première thésarde je lui ai donné envie d’en
encadrer plein d’autres dans le futur, autant qu’il m’a donné envie de continuer la recherche.

Marc Fermigier nous a épaulés pendant trois ans, s’est pris au jeu de nos idées folles et
a finalement rendu possible ce projet. Enseigner à ses côtés a été très inspirant, et j’espère
continuer nos échanges scientifiques, et qui sait, peut-être que ce sera dans la Rade de Brest.

En travaillant avec l’équipe d’Emmanuel Fort j’ai découvert que la recherche peut être
électrique même sans électricité, tant Emmanuel regorge d’idées, d’énergie et de volonté. Il
rend toutes les idées possibles, le squeezing, le cryptage quantique, le nouvel état de la matière,
l’ordinateur avec des gouttes ! J’ai également eu le plaisir d’interagir avec Yves Couder lors de
ses passages au laboratoire, et j’ai pu profiter de ses précieux conseils. Guillaume d’Hardemare
a partagé les déboires et les réussites des expériences plus ou moins aisées de cette thèse, et
j’ai pu bénéficier de son extraordinaire débordement d’énergie et de sa joie de vivre constante.
J’ai en outre eu le plaisir de travailler près de Sander Wildeman, dont j’ai pu apprécier la
rigueur, la bonne humeur flegmatique, mais surtout la redoutable efficacité scientifique dont
il m’a fait profiter. Surabhi KS a rejoint notre folle équipe, nous l’espérons pour longtemps,
car sa gaité très communicative et sa curiosité scientifique en font une collègue inoubliable
(not to mention the Stick God !).

Une partie cachée de cette thèse a été de travailler sur un projet annexe avec Pierre Chan-
telot et Martin Coux. Lorsqu’ils m’ont invitée à prendre part à leur projet de trampoline à
gouttes ( !), nous ne pensions pas que tout cela nous mènerait si loin. Je leur dois beaucoup,

3
4

leur gentillesse, leur entrain (“Les Blagueurs”) et leur capacité à supporter la mauvaise hu-
meur de “Mamie Lucette” en font des collègues rêvés, qui me manquent (Martin) et vont me
manquer (Pedro).

Cette thèse n’aurait pu être réalisée ailleurs qu’au laboratoire PMMH, où coexistent une
extraordinaire variété de sujets de recherche, une très grande cohésion des équipes et surtout
une organisation “fully democratic”. Je remercie très chaleureusement son directeur, Philippe
Petitjeans et ses deux gestionnaires, Fred et Claudette, sans qui le PMMH s’effondrerait sous
son propre poids. Au cours de cette thèse nous avons rejoint les locaux de l’Institut Langevin,
qui nous a accueillis pour deux ans. Je remercie vivement l’ensemble du laboratoire et en
particulier son directeur, Arnaud Tourin, pour leur accueil chaleureux.

Je remercie également Naı̈ma Lebal, de la SATT LUTECH, de nous épauler dans la


vaste entreprise qu’est la valorisation et la maturation de notre (embryon d’)idée. L’ensemble
des élèves de CPES ont rendu le difficile exercice de l’enseignement très agréable, je les en
remercie. Enfin, dans le désordre, un grand nombre de collègues ont participé à l’avancée
scientifique de cette thèse et de son auteure, j’aimerais donc remercier : DucMinh Ta, Simon
Yves, Vincent Bacot, Emmanuel Sieffert, Manon L’estimé, Ambre Bouillant, Joachim De-
lannoy, Joachim Trosseille, Gabriel Dumy, Fabrice Lemoult, Marine Daı̈eff, Sylvain Patinet,
Édouard Civel, Félix Esclangon, les petits dej des doctorants, Étienne Guyon, Emmanuel
Labbey, et toutes les personnes que j’oublie ici.

Enfin, plus personnellement, j’adresse toute ma gratitude à mes proches, qui me sou-
tiennent inconditionnellement depuis bien avant cette thèse. Ma famille et mes amis ne savent
sans doute pas tout ce que je leur dois.

Et pour finir, je remercie H et H d’avoir été là, pour leur contribution scientifique à cette
thèse, et bien sûr pour tout le reste.
Table des matières

Introduction 11

1 Les ondes hydroélastiques 17

1.1 Relation de dispersion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

1.1.1 Dérivation en loi d’échelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

1.1.2 Calcul complet : 1) Mécanique des plaques, équation de Föppl-Von


Kármán . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

1.1.3 Calcul complet : 2) Écoulement hydrodynamique potentiel . . . . . . . 23

1.2 Les différents régimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1.2.1 Influence de la profondeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1.2.2 Trois régimes de propagation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1.2.3 Les longueurs caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

1.3 Dispositif expérimental & méthodes d’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

1.3.1 Dispositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

1.3.2 Algorithmes d’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

1.3.3 Films élastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

1.4 Analyses des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

1.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

6
TABLE DES MATIÈRES 7

2 Contrôle spatial : réfraction et focalisation d’ondes hydroélastiques 42

2.1 Relation de dispersion : résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . 42

2.2 Réfraction et loi de Snell-Descartes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

2.2.1 Définition d’un indice de réfraction effectif . . . . . . . . . . . . . . . . 44

2.2.2 Loi de Snell-Descartes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

2.2.3 Réfraction d’ondes hydroélastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

2.2.4 Réflexion totale interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

2.2.5 Coefficients de réflexion et de transmission . . . . . . . . . . . . . . . 50

2.2.6 Catadioptre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

2.3 Focalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

2.3.1 Lentilles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

2.3.2 Lentilles hydroélastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

2.3.3 Tache focale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

2.4 Contrôle sub-longueur d’onde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

2.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

3 Cristaux artificiels et cristaux de résonateurs 62

3.1 Milieux structurés périodiquement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

3.1.1 À une dimension : le miroir de Bragg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

3.1.2 À deux dimensions : le cristal carré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

3.2 Cristal artificiel de piliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

3.2.1 Cristal carré de cylindres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

3.3 Modes propres d’un cavité circulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

3.3.1 Calcul théorique des modes propres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

3.3.2 Résultats expérimentaux sur une cavité circulaire unique . . . . . . . . 71

3.4 Résonateur unique : approche analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73


8 TABLE DES MATIÈRES

3.4.1 Réponse fréquentielle d’un résonateur ponctuel . . . . . . . . . . . . . 73

3.4.2 Résonance de Fano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

3.5 Chaine 1D de résonateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

3.5.1 Onde non dispersive et résonance simple . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

3.5.2 Onde dispersive et plusieurs fréquences de résonance . . . . . . . . . . 79

3.6 Réalisation de cristaux hydroélastiques carrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

3.6.1 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

3.6.2 Réfraction dans un cristal carré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

3.6.3 Influence du paramètre de maille et de la taille du résonateur . . . . . 85

3.6.4 Comparaison avec le modèle qualitatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

3.7 Cristaux hydroélastiques hexagonaux et en nid d’abeille . . . . . . . . . . . . 88

3.7.1 Quelques éléments théoriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

3.7.2 Résultats expérimentaux : cristal hexagonal . . . . . . . . . . . . . . . 91

3.7.3 Résultats expérimentaux : cristal en nid d’abeille . . . . . . . . . . . . 94

3.8 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

4 Expériences en rotation 98

4.1 Motivation : les états topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

4.1.1 ...Et pour les ondes hydroélastiques ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

4.2 Résultats expérimentaux en rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

4.2.1 La force de Coriolis en mécanique des fluides . . . . . . . . . . . . . . 102

4.2.2 Relation de dispersion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

4.2.3 Structure de bande de cristaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

4.3 Forme de la surface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

4.3.1 Présentation du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

4.3.2 Estimation en loi d’échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

4.3.3 Plis radiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

4.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117


TABLE DES MATIÈRES 9

5 Instabilité de Faraday et élasticité 120

5.1 Instabilité de Faraday dans un liquide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

5.1.1 Présentation de l’instabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

5.1.2 Équation de Matthieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

5.1.3 Seuils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

5.1.4 Instabilité secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

5.2 Instabilité de Faraday pour les ondes hydroélastiques . . . . . . . . . . . . . . 126

5.2.1 Détails expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

5.2.2 Relation de dispersion et motifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

5.2.3 Seuils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

5.3 Ondes dans un hydrogel et instabilité de Faraday . . . . . . . . . . . . . . . . 131

5.3.1 Ondes propagatives : avec un point source . . . . . . . . . . . . . . . . 132

5.3.2 Instabilité de Faraday . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

5.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

6 Conclusion 141

Annexe A - Articles publiés 150

Annexe B - Note sur le régime de tension et la réfraction négative 167

Annexe C - Résolution d’une équation différentielle d’ordre 4 en symétrie


cylindrique avec bvp4c 171

Annexe D - Relation de dispersion des ondes hydroélastiques en rotation 177

Annexe E - Proposition de calcul de la relation de dispersion des ondes dans


un hydrogel 181
10
Introduction

Le concept d’onde est universel en physique ; il regroupe un ensemble très épars de phé-
nomènes allant des phonons à l’échelle des atomes, jusqu’à la propagation de la lumière,
des séismes, d’ultrasons pour l’échographie ou encore d’ondes gravitationnelles dans l’espace-
temps. Les ondes sont aussi au coeur d’enjeux actuels majeurs, par exemple pour les télé-
communications et l’imagerie de milieux inaccessibles (que ce soient nos organes ou le centre
de la Terre), ou encore pour la production d’énergie plus “propres”. En dépit de ces grandes
disparités d’échelles et de milieu de propagation, les ondes obéissent toutes à la même loi, qui
régit leur propagation : l’équation de d’Alembert [1]

1 ∂2Φ
∆Φ − = 0. (1)
c2 ∂t2
Introduite au XVIIIème siècle par Jean le Rond d’Alembert pour décrire les vibrations
d’une corde tendue, elle traduit le couplage entre les propriétés spatiales (à travers l’opérateur
laplacien ∆) et temporelles (à travers la dérivée seconde ∂ 2 /∂t2 ) de la variable Φ, appelée
champ d’onde. Cette variable peut être à valeurs vectorielles (électrique E, magnétique B...)
ou scalaires (pression, densité ou encore déformation locale). L’universalité de cette équation
encourage les analogies entre les différents domaines cités, et ce sont certaines de ces analogies
que nous allons évoquer au cours cette thèse.

La première expérience que l’on présente pour illustrer ce concept pour le moins abstrait
est en général celle d’ondes se propageant à la surface d’un bain d’eau. En observant les
vagues par ombroscopie au fond d’une cuve on peut effectivement appréhender cette notion
de perturbation d’un milieu se propageant sans déplacement de matière. Un autre exemple
très courant est celui de la diffraction d’ondes par une fente, observable en mer au niveau
d’un port ou d’un estuaire par exemple ; nous pouvons l’observer dans le cliché aérien de la
ville espagnole de San Sebastián présenté dans la figure 1(a). Les ondes à la surface d’un
liquide sont donc un bon système modèle pour étudier la physique des ondes : elles sont
macroscopiques, faciles à observer et à comprendre. Avec un tel système, peut-on mettre en
évidence des principes suffisamment généraux pour qu’ils soient vérifiables pour toutes les
ondes ? Est-il finalement si judicieux d’étudier ces ondes de surface, dont Feynman disaient
dans son cours de physique qu’elles sont “le pire exemple possible car elles présentent toutes

11
12 TABLE DES MATIÈRES

Figure 1 – (a) Diffraction de vagues au niveau de la baie de San Sebastián (Espagne, Océan Atlan-
tique). (b) Goutte rebondissante sur un bain vibré. On observe le champ d’onde créé par la goutte (de
diamètre millimétrique). (c) Aéroport flottant MegaFloat dans la baie de Tokyo.

les complications imaginables pour une onde” [2] ? Jusqu’où pourrons-nous pousser l’analogie
avec les autres ondes ?

Nous pouvons d’ores et déjà nous appuyer sur des études passées utilisant les ondes
capillaires à la surface d’un liquide. Celles-ci ont démontré la validité des ondes de surface
pour concevoir des expériences présentant des analogies très fortes avec d’autres domaines
de la physique. Ainsi, l’analogue hydrodynamique de l’effet Aharonov-Bohm a été observé
en couplant des ondes de surface à un écoulement rotationnel (un vortex), ce dernier faisant
office de champ magnétique [3]. En observant l’interaction entre une goutte rebondissant
sur un bain vibré et le champ d’onde qu’elle crée (illustrés dans la figure 1(b)), Couder et
al. ont avancé l’hypothèse d’une dualité onde-particule à l’échelle macroscopique [4, 5]. Il est
également possible d’obtenir des propriétés effectives inédites, par exemple au moyen de piliers
immergés pour réaliser une “cape d’invisibilité” (cloaking) [6], dévier des fronts d’ondes [7] ou
les focaliser [8] ; il s’agit de métamatériaux, c’est à dire des matériaux structurés à l’échelle
sub-longueur d’onde pour obtenir des propriétés globales nouvelles, notamment anisotropes
ou négatives. En utilisant des obstacles immergés, soit naturels (bancs de sables [9]) soit
artificiels (pilliers [10,11], trous [12], variations de la profondeur [13]) il est possible d’observer
des effets de Bragg dus à la périodicité, ou encore la localisation d’Anderson dans un milieu
désordonné [14].

À travers ces quelques exemples, nous voyons la grande richesse des systèmes expérimen-
taux utilisant les ondes se propageant à la surface d’un liquide. Toutes les expériences que
nous avons citées tirent profit du fait que les vagues à la surface d’un liquide sont macro-
scopiques et donc faciles à observer. En changeant la profondeur d’eau ou en ajoutant des
obstacles dans le bain il est possible de modifier délibérément la propagation des ondes. Il
existe toutefois plusieurs limitations expérimentales qui réduisent l’utilisation de ces ondes.
Elles présentent en effet une forte atténuation en raison d’effets de tension de surface (ondes
de Marangoni) ou de dissipation visqueuse, notamment lorsque la profondeur de liquide est de
l’ordre de la longueur d’onde. Ces effets sont conséquents, et restreignent grandement les expé-
riences possibles. Les expérimentateurs sont alors contraints d’utiliser des fluides particuliers,
TABLE DES MATIÈRES 13

notamment les fluides fluorés tels que le méthoxynonafluorobutane [6], le trichlorotrifluoroé-


thane [8], ou encore le mercure. En outre, le seul moyen de modifier localement la vitesse
de propagation des ondes est de modifier la profondeur du bain, ce qui limite la gamme des
fréquences de travail pour un système expérimental donné. Pour pallier ces deux problèmes
nous nous proposons dans cette thèse d’utiliser un système modèle dans lequel la surface du
liquide est recouverte d’une membrane élastique ; les ondes se propageant dans un tel système
sont des ondes hydroélastiques.

Ce type d’onde a déjà fait l’objet de nombreuses études, les plus importantes concernent
les vagues océaniques dans la banquise [15, 16]. En effet, la glace est un matériau élastique,
certes très rigide, mais néanmoins déformable par une onde océanique. On trouve dès le
début du XXème siècle des études expérimentales sur la propagation d’ondes de surface dans
des lacs gelés [17,18] ou dans la mer [19]. Ces études in situ s’intéressent particulièrement aux
contraintes dans la glace. On peut par exemple citer les travaux de Squire et al. [20] qui ont
cherché à déterminer si un véhicule pouvait se déplacer sur la glace sans la briser. Ils ont pour
cela mené d’impressionnantes campagnes de mesures des contraintes dans la glace antarctique
de McMurdo lors de l’atterrissage d’un avion de 50 tonnes. Il existe également une littérature
fournie sur la propagation de vagues en présence de glace discontinue, par exemple pour la
glace fragmentée en floes [21], la glace dite en pancake [22,23]. Les expériences en laboratoires
utilisant la glace sont évidemment délicates, même s’il existe quelques tentatives dans des
bains réfrigérés [24]. Les systèmes étudiés utilisent donc très souvent des films élastiques
flottants pour modéliser la glace, par exemple pour étudier l’interactions de plaques élastiques
circulaires disjointes [25,26], la turbulence d’ondes [27,28] ou le phénomène de sillage [29,30].

D’autres applications importantes concernent les structures flottantes (Very Large Floa-
ting Structures ou VLFS) [31], développées par exemple pour les aéroports en mer (projet
MegaFloat au Japon, montré dans le cliché de la figure 1(c)) ou les plateformes off-shore.
Les ondes hydroélastiques interviennent également pour des systèmes de récupération d’éner-
gie [32, 33] ou de nettoyage des océans [34]. Citons enfin les ondes de flexion observées dans
des radeaux granulaires [35], où l’élasticité de la couche en surface est due aux propriétés de
mouillage des grains et de leur diamètre [36, 37].

Au cours de cette thèse nous nous sommes intéressés à la propagation d’ondes dans le
système hydroélastique couplé d’un bain liquide couvert d’une membrane élastique. L’intérêt
d’un tel système est d’obtenir un moyen de contrôle des ondes au travers de la membrane ; en
jouant sur ses propriétés élastiques nous pourrons modifier la propagation des ondes. Avec
ce nouveau système modèle nous tenterons d’illustrer des phénomènes physiques connus mais
également d’aborder des problématiques actuelles de la recherche en physique.

Plan de la thèse

Cette thèse est divisée en cinq parties.


14 TABLE DES MATIÈRES

Le premier chapitre établit les bases théoriques pour l’étude des ondes hydroélastiques.
Nous y introduirons notamment leur relation de dispersion, dans un premier temps à l’aide
d’arguments en lois d’échelle, et de manière plus rigoureuse ensuite. Nous présenterons les
différents régimes de propagation existants ainsi que les longueurs caractéristiques qui les
séparent. Nous présenterons également les caractéristiques des expériences réalisées, notam-
ment les propriétés physiques des films élastiques que nous avons choisis et les techniques de
mesures utilisées. Enfin, nous y expliquons quelques aspects des algorithmes développés pour
analyser ces différentes données de mesure.

Nous présenterons dans le deuxième chapitre les résultats d’expériences mettant en évi-
dence les différents comportements prédits au chapitre 1. Nous mesurerons notamment la
relation de dispersion des ondes pour plusieurs épaisseurs de films élastiques. Nous introdui-
rons ensuite des différences d’épaisseurs dans le film flottant à la surface de l’eau afin de
modifier la vitesse de propagation des ondes. Ces sur-épaisseurs correspondent à des varia-
tions d’indice dont nous nous servirons pour observer la réfraction d’ondes planes, obéissant
à la loi de Snell-Descartes. Toujours au moyen de ces sur-épaisseurs nous montrerons deux
exemples de focalisation des ondes, grâce à des lentilles sphériques dans un premier temps
puis avec des nanojets, permettant la focalisation sub-longueur d’onde.

Dans le troisième chapitre nous aborderons la physique des milieux structurés périodi-
quement : les cristaux artificiels. En utilisant soit des piliers soit des perforations sur une
membrane flottante nous verrons qu’il est possible d’observer des effets liés à la périodicité
et/ou à la nature des objets formant le réseau régulier. En effet, les relations de dispersion
que nous mesurerons présentent une ou plusieurs bandes interdites de propagation, dont
nous pourrons prédire la position en fréquence. Nous étudierons des cristaux artificiels carrés,
hexagonaux et en nid d’abeille pour montrer comment la propagation est influencée par la
périodicité du milieu.

Nous nous intéressons dans le quatrième chapitre à la propagation d’ondes dans un milieu
périodique (un cristal artificiel) en présence d’une rotation. Nous espérons ainsi créer une
brisure de symétrie dans le matériau, conduisant à des effets topologiques, encore très peu
observés pour des ondes se propageant à la surface d’un liquide. En réalisant l’expérience en
rotation nous avons fait face à plusieurs effets parasites. En effet, nous verrons que des plis
radiaux apparaissent au bord de la membrane flottante lorsque l’ensemble de l’expérience est
mise en rotation. Nous ne donnerons donc que des résultats préliminaires sur la propaga-
tion d’ondes en milieu périodique et en présence de rotation. Nous présenterons également
l’instabilité de flambage que nous avons observée, ainsi que quelques éléments de réponse
permettant de comprendre son apparition.

Le cinquième et dernier chapitre traitera d’une instabilité hydrodynamique appelée insta-


bilité de Faraday. Elle apparait à la surface d’un bain liquide vibré. Nous l’étudierons dans
un premier temps en présence d’une membrane élastique flottant à la surface de l’eau, en
TABLE DES MATIÈRES 15

explorant le motif d’ondes stationnaires se formant dans la membrane ainsi que le seuil d’ap-
parition de l’instabilité. Nous aborderons également la propagation d’ondes dans un hydrogel
mou, d’abord en utilisant un point source, puis au moyen de l’instabilité de Faraday.

Enfin, nous reviendrons sur l’ensemble des résultats présentés, en détaillant pour chacune
des parties les futures pistes de recherche que nous souhaitons explorer, et plus généralement
les perspectives envisageables.
16
Chapitre 1

Les ondes hydroélastiques

Dans ce chapitre nous présenterons les ondes hydroélastiques d’un point de vue théorique
et expérimental. Nous commencerons par détailler les calculs permettant d’établir leur relation
de dispersion, et les différents régimes et leurs limites sont présentés. Nous présenterons aussi
le montage expérimental utilisé et les méthodes de mesure et d’analyse mises en place durant
cette thèse.

1.1 Relation de dispersion

Le calcul de la relation de dispersion des ondes hydro-élastiques requiert d’écrire l’équation


de Föppl-Von Kármán (qui décrit la mécanique des plaques minces) et celle de Navier-Stokes
(qui décrit la mécanique des fluides) afin de comprendre le comportement de ce système
couplé. Ces calculs sont détaillés dans les parties 1.1.2 et 1.1.3 ci-dessous. Nous commencerons
cependant avec des arguments en lois d’échelle, qui nous permettront d’appréhender le sens
physique des différents termes et d’en dégager les aspects les plus importants.

1.1.1 Dérivation en loi d’échelles

Quels sont les coûts énergétiques liés à la propagation d’une onde hydroélastique ? Écri-
vons en lois d’échelle l’énergie cinétique de l’onde d’une part et les énergies de rappel
liées à la déformation de l’interface d’autre part. On suppose pour cela une forme d’onde
unidimensionnelle harmonique (montrée dans la figure 1.1(a)) :

ζ(x) = ζ0 . cos(ωt − kx),

où ζ est la déformation de l’interface, k = 2π/λ est le nombre d’onde et ω sa pulsation.

17
18 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

Figure 1.1 – (a) Schéma d’une onde hydroélastique se propageant dans une profondeur d’eau H, la
déformation ζ de l’interface recouverte d’une membrane élastique de module d’Young E et d’épaisseur
e. (b) Schéma de la déflexion de l’interface.

L’énergie cinétique

L’énergie cinétique de l’onde s’écrit en fonction de sa vitesse ωζ0 et de la masse de fluide


déplacé M = ρV . Le volume V à considérer tient compte du fait que l’onde déplace le fluide
jusqu’à une profondeur λ (et non ζ0 ) : l’onde de surface n’est pas purement unidimensionnelle,
et est ressentie jusqu’à une profondeur λ. À deux dimensions, le volume est réduit à une
surface, et la surface approchée à prendre en compte s’écrit λ2 . L’énergie cinétique par unité
de longueur selon y (et par longueur d’onde selon x) s’écrit donc

EC ∼ ρλ2 .(ωζ0 )2
ρ(ωζ0 )2
EC ∼
k2

L’énergie élastique de la plaque se décompose en :

• L’énergie d’étirement

Dans le cas d’ondes planes, l’énergie d’étirement liée à la flexion est nulle si l’on considère
que la plaque ne change pas de longueur. Dans le cas d’ondes non planes, la courbure de
Gauss est modifiée : elle est nulle quand l’interface est plate, et a priori non nulle si la plaque
est déformée dans les deux dimensions. Elle sera négligée ici, car les matériaux utilisés dans
nos expériences sont suffisamment fins [38] 1 . L’énergie d’étirement (ou de compression) de la
plaque est donc a priori nulle, sauf si la plaque est contrainte extérieurement, par exemple
si la membrane est pré-étirée. Dans ce cas, on calcule l’énergie volumique de déformation
élastique en fonction de la contrainte associée σ et de la déformation ε :
1. Nous reviendrons sur cette approximation dans la suite de ce chapitre, voir partie 1.1.2.
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 19

Eel = σε

La contrainte σ s’exprime en fonction de la tension mécanique appliquée T : σ = T /e, où e


est l’épaisseur de la membrane. On peut trouver une expression approchée de la déformation
ε de la membrane en utilisant le théorème de Pythagore sur le schéma de la figure 1.1(b) :

p
L−λ λ 1 + ζ02 /λ2 − λ ζ2
ε∼ ∼ ∼ 02
λ λ λ
On peut alors écrire l’énergie d’étirement (par unité de longueur selon y et par période) :

ζ02
ET ∼ σε.λe ∼ T λ.
λ2
soit ET ∼ T kζ0 2 .

• L’énergie de flexion de la plaque

La propagation de l’onde nécessite de courber la membrane sur une distance λ avec une
amplitude ζ0 . L’énergie de flexion surfacique est égale au module de flexion D multiplié par
Ee3
le carré de la courbure locale. Le module de flexion s’exprime selon D = 12(1−ν 2 ) [39], où
E est le module d’Young de la membrane, e son épaisseur et ν son module de Poisson. On
peut écrire l’expression approchée de l’énergie de flexion (par unité de longueur selon y et
par période) :

 2
∂2ζ
EB ∼ λ.D
∂x2
soit EB ∼ Dk 3 ζ0 2

L’énergie potentielle de gravité

Pour que l’onde se propage il faut soulever une certaine masse d’eau M 0 = ρV 0 sur une
hauteur ζ0 . Le volume V 0 s’écrira ici comme la surface approchée λζ0 (on fait un bilan par
unité de longueur selon y). L’énergie potentielle de gravité Eg par unité de longueur selon y
s’écrit donc :

Eg ∼ ρg.(λζ0 ).ζ0
ρgζ0 2
Eg ∼
k
20 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

Nous pouvons à partir des expressions de ces énergies distinguer trois cas :

(i) Si l’énergie potentielle de pesanteur domine (Eg  {EB , ET }), l’énergie cinétique est
contrebalancée par le poids, et on a :

EC ∼ Eg
ρ(ωζ0 )2 ρgζ02

k2 k
ω 2 ∼gk
C’est le régime gravitaire, qui existe également pour les ondes gravito-capillaires (sur-
face libre). C’est le régime que l’on attend pour les plus grandes longueurs d’onde, par exemple
pour les vagues océaniques.

(ii) Si l’énergie d’étirement domine (ET  {EB , Eg }), de la même manière que précédem-
ment on peut écrire :

EC ∼ ET
ρ(ωζ0 )2
∼ T kζ02
k2
T
ω2 ∼ k3
ρ
C’est le régime de tension, qui est analogue au régime capillaire des ondes gravito-
capillaires, pour lequel ω 2 ∼ γρ k 3 , où γ est la tension de surface air-liquide.

(iii) Si l’énergie de flexion domine (EB  {ET , Eg }), on peut écrire :

EC ∼ EB
ρ(ωζ0 )2
∼ Dk 3 ζ0 2
k2
D
ω2 ∼ k5
ρ
Nous verrons que cela correspond aux longueurs d’ondes les plus courtes, pour lesquelles
il est très couteux en énergie de fléchir la membrane. C’est le régime de flexion, spécifique
aux ondes hydroélastiques, sur lequel nous porterons une attention particulière dans cette
thèse.

Pour dériver la relation de manière plus rigoureuse nous étudierons dans un premier temps
la membrane élastique en utilisant le formalisme de la mécanique des plaques minces (partie
1.1.2), puis nous écrirons les équations hydrodynamiques régissant l’écoulement du fluide sous
la membrane (partie 1.1.3). C’est la solution généralement adoptée pour calculer la relation
de dispersion des ondes hydroélastiques [40–42].
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 21

1.1.2 Calcul complet : 1) Mécanique des plaques, équation de Föppl-Von


Kármán

Nous nous intéressons ici à une plaque mince (son épaisseur e est négligeable devant les
autres dimensions de la plaque) ; nous cherchons à écrire la déflexion ζ de la plaque en fonction
des forces extérieures auxquelles la plaque est soumise. Pour ce faire il faut écrire d’une part
l’équilibre des contraintes dans le plan, ainsi que l’équilibre des moments [39]. En utilisant
les relations de Hooke (reliant la contrainte à la déformation) on obtient alors un couple
d’équations appelées équations de Föppl-Von Kármán, qui s’écrivent dans le cas général (en
coordonnées cartésiennes) [39, 43–45] :

 
2 ∂ ∂ζ
D∆ ζ − e σα,β =P
∂xβ ∂xα
(1.1)
∂σα,β
= 0,
∂xβ

3
Ee
où D = 12(1−ν 2 ) est le module de flexion de la plaque, α et β sont les deux directions

(orthogonales) du plan, σα,β la contrainte selon la direction xα s’exerçant sur la face de


normale xβ et P la force extérieure appliquée par unité de surface (homogène à une pression).
La première égalité correspond à l’équilibre des moments, tandis que l’équilibre dans le plan
de la plaque correspond à la deuxième égalité. La première équation peut se comprendre
comme la combinaison de deux théories [46]. Celle de Kirchhoff-Love [47] d’une part, qui
décrit la flexion pure d’une plaque, on a alors D∆2 ζ = P . Et celle de Föppl [48] d’autre part
qui décrit des plaques dans la limite de très faible épaisseur (on parle alors  de membranes),

∂ ∂ζ
pour laquelle la flexion est négligée, et les équations réduisent alors à e ∂xβ σα,β ∂x α
+P = 0.

Intéressons-nous à la première équation ; le premier terme D∆2 ζ correspond à l’énergie


 de

∂ ∂ζ
flexion, brièvement mentionnée dans la partie précédente. Le deuxième terme e ∂xβ σα,β ∂xα
correspond à l’énergie d’étirement de la plaque dû à la déformation. Ces deux quantités
sont en fait liées, ainsi que l’énonce le Theorema Egregium de Carl Friedrich Gauss ; ce
“théorème remarquable” stipule que la courbure de Gauss d’une surface est invariante par
transformation isométrique (ie. une transformation ne modifiant pas les distances). Il est plus
courant de trouver la contraposée de ce théorème : modifier la courbure de Gauss d’une plaque
élastique nécessite de l’étirer ou la comprimer localement. Dans certains cas, nous pourrons
cependant négliger les contraintes générées par les effets de courbure et simplifier l’expression
des équations de Föppl-Von Kármán. Comparons en ce sens les énergies surfaciques de flexion
et d’étirement pour une déflexion d’amplitude ζ étendue sur une longueur caractéristique λ.
 2  2 2
Nous avions Ef lexion = D λζ2 et Eetirement = Ee2 = Ee λζ 2 . Pour pouvoir négliger
l’étirement créé par la flexion de la plaque nous voulons que
22 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

Eetirement  Ef lexion ,
 2 2  2
ζ ζ
soit Ee  D .
λ2 λ2

En se souvenant que D ∝ Ee3 il vient

ζ4 3ζ
2
Ee  Ee ,
λ4 λ4
d’où ζe.

Ce résultat signifie que si la déflexion de la plaque élastique (ici l’amplitude des ondes)
est négligeable devant son épaisseur nous pourrons ne considérer que l’énergie de flexion. Si
ce n’est pas le cas des contraintes planaires apparaitront dans la membrane, et des plis sont
susceptibles de se former [38, 44]. On comprend d’ores et déjà que ceci nous empêchera de
travailler avec des membranes trop fines, sous peine de devoir trop réduire l’amplitude des
ondes. Sauf mention contraire, nous veillerons tout au long de cette thèse à toujours nous
placer dans la situation où l’amplitude des déformations considérées est très petite devant
l’épaisseur de la membrane.

Que se passe-t-il maintenant si la membrane est soumise à une précontrainte avant sa


déformation ? Considérons par exemple une membrane pré-étirée, c’est-à-dire soumise à une
tension mécanique T appliquée le long de sa circonférence (T est homogène à une force par
unité de longueur). Nous pouvons directement exprimer les contraintes σα,β avec l’égalité

eσα,β = T δα,β ,

où δα,β est le symbole de Kronecker. On a donc σαα = σββ = T /e. Les équations de
Föppl-von Kármán se simplifient alors sous la forme [39, 43, 45] :

D∆2 ζ− T ∆ζ = P. (1.2)

On remarque que la tension mécanique multipliée par la courbure locale est homogène à
une pression, à l’image de la tension de surface γ qui crée une surpression lorsqu’une interface
est courbée (pression de Laplace). C’est cette expression de l’équation des plaques que nous
réutiliserons par la suite pour obtenir la relation de dispersion.

Mentionnons rapidement que dans le bilan des forces transverses (première égalité des
équations 1.1) nous avons négligé l’inertie de la membrane, c’est-à-dire sa masse. Cette hy-
pothèse est valable pour des membranes fines devant la longueur d’onde, mais dans le cas
contraire la première égalité des équations de Föppl-von Kármán s’écrit [40] :
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 23

 
∂2ζ ∂ ∂ζ
D∆2 ζ + ρp e −e σα,β = P,
∂t2 ∂xβ ∂xα (1.3)

où le terme inertiel correctif dépend de la densité de la membrane ρp et de l’accélération


2
de la surface ∂∂t2ζ . On trouve donc parfois dans la littérature des expressions différentes pour
la relation de dispersion (voir par exemple [41]), et nous discuterons un peu plus loin des
conditions à respecter pour pouvoir effectivement négliger ce terme.

1.1.3 Calcul complet : 2) Écoulement hydrodynamique potentiel

Intéressons-nous maintenant à l’écoulement sous la membrane. Cet écoulement est initia-


lement irrotationnel (au repos), nous pouvons donc faire l’hypothèse 2 que rotv = 0. Dans ce
cas l’écoulement est potentiel, c’est-à-dire que l’on peut définir un potentiel des vitesses φ,
tel que v = ∇φ. Le fluide peut être considéré comme incompressible (∇.v = 0), le potentiel
des vitesses φ obéit donc à l’équation de Laplace : ∆φ = 0.

On suppose une forme d’onde harmonique se propageant dans le sens des x croissants :

φ(x, z, t) = ϕ(z). cos(ωt − kx).

L’équation de Laplace ∆φ = 0 conduit à

ϕ(z) = Aekz + Be−kz .

Deux conditions aux limites sont nécessaires pour trouver A et B. La première est en
z = −H (figure 1.1(a)), où vz = ∂φ
∂z = 0, soit :

kAe−kH − kBekH = 0,
A = Be2kH

On a donc  
k(z+2H) −kz
φ(x, z, t) = B. e +e . cos(ωt − kx). (1.4)

La seconde condition aux limites est à l’interface, en z = ζ, où il faut écrire la condition
cinématique (voir schéma 1.2) :
2. Cette approximation correspond en réalité à négliger la génération de vorticité par dissipation visqueuse.
Le temps caractéristique d’advection sur une distance λ s’écrit en fonction de la viscosité cinématique du fluide
2
ν : τ ∼ λν . Pour des longueurs d’onde centimétriques dans l’eau (ν = 10−6 m2 /s et f ∼ 100 Hz) ce temps
vaut environ 102 s, ce qui est quatre ordres de grandeur plus grand que la période des ondes. Nous pourrons
donc bien négliger la création de vorticité.
24 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

Figure 1.2 – Déformation de l’interface à deux instants t et t + δt pour la condition cinématique à


l’interface

ζ(x + vx δt, t + δt) = ζ(x, t) + vz δt


∂ζ ∂ζ
soit vz = vx . + .
∂x ∂t
En négligeant le terme d’ordre 2 (hypothèse de faibles amplitudes), il reste :
∂φ ∂ζ
vz = = (1.5)
∂z z=ζ ∂t

Nous avons donc obtenu un système de trois équations [1.2, 1.4, 1.5] :

(i) l’expression du potentiel des vitesses φ d’une part (pour lequel il nous reste à
trouver la constante B) (équation 1.4)

(ii) la condition cinématique à l’interface (équation 1.5)

(iii) l’équation de Föppl-von Kármán (équation 1.2)

L’écoulement du fluide lié à la propagation de l’onde est décrit par l’équation de Navier-
Stokes [49] :

∂v
ρ + ρ(v.∇)v = −∇P + η∆v + ρg (1.6)
∂t
En négligeant la viscosité et en utilisant le fait que l’écoulement est incompressible et
irrotationnel on peut utiliser l’équation de Bernoulli :

∂φ v2
ρ + ρ + P + ρgz = C,
∂t 2
où C est une constante. On s’intéresse à la limite des faibles amplitudes (ζ0  λ), on
pourra donc négliger le terme en v2 . On se place maintenant juste sous l’interface ; par
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 25

continuité des contraintes le terme de pression P à considérer est donc celui de l’équation 1.2,
liée à la plaque, de sorte que l’équation de Bernoulli s’écrit :

∂φ
ρ + D∆2 ζ − T ∆ζ + ρgζ = C. (1.7)
∂t
On dérive alors cette équation par rapport à t et on y injecte l’expression 1.5 :

∂2φ ∂φ ∂φ ∂φ
ρ + D∆2 − T∆ + ρg = 0. (1.8)
∂t2 ∂z ∂z ∂z
On réutilise ensuite l’expression de φ (equation 1.4) à la surface, que l’on approche par
l’expression en z = 0 (grâce à l’hypothèse d’ondes de faibles amplitudes), soit :

φ(x, z = ζ, t) ∼ φ(x, z = 0, t)
 
= B. e 2kH + 1 . cos(ωt − kx).

Ici, à une dimension, ∆2 = ∂ 4 /∂x4 = k 4 et ∆ = ∂ 2 /∂x2 = −k 2 . Avec ces expressions de


φ, ∆ et ∆2 , on trouve

  h i  
−ρω 2 e2kH + 1 cos(ωt − kx) + Dk 4 + T k 2 + ρg .k e2kH − 1 cos(ωt − kx) = 0.

Soit après simplification

 
D 5 T 3
ω2 = k + k + gk tanh kH (1.9)
ρ ρ
C’est la relation de dispersion des ondes hydroélastiques, où l’on retrouve les trois termes
dérivés par l’analyse dimensionnelle sur les énergies (partie 1.1.1). Nous la réutiliserons très
largement au cours de cette thèse.

Rappelons que nous avons supposé l’inertie de la plaque négligeable devant celle de la
masse d’eau déplacée. Si nous ne sommes pas dans ce cas, il faut utiliser l’équation des
plaques 1.3. On peut montrer dans ce cas que la relation de dispersion devient [42] :

Dk 5 /ρ + T k 3 /ρ + gk
ω2 = . (1.10)
ekρ/ρp + coth kH

Nous pouvons donc préciser notre approximation précédente : l’équation 1.9 est valable
ρ
si ek ρ  coth kH. Comme la fonction coth est toujours supérieure à 1, cette condition sera
p
ρ ρ λ
toujours vérifiée tant que ek ρ  1, soit e  ρp 2π . Pour des densités proches, nous retrouvons
p
la limite annoncée de e  λ.
26 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

1.2 Les différents régimes

1.2.1 Influence de la profondeur

La relation de dispersion 1.9 trouvée ci-dessus comporte trois termes, multipliés par le
terme tanh(kH). Ce dernier facteur donne la limite entre deux régimes :

Le régime d’eau peu profonde (λ  H)

On a alors tanh kH ' kH, et la relation de dispersion s’écrit


 
2 D 6 T 4 2
ω =H k + k + gk
ρ ρ

Le régime d’eau profonde (λ  H)

Dans cette limite tanh kH ' 1, et la relation de dispersion devient


 
2 D 5 T 3
ω = k + k + gk (1.11)
ρ ρ

Sauf mention contraire, nous nous placerons toujours dans ce régime pour les expériences
de cette thèse.

Remarquons également que dans le régime d’eau profonde l’équation 1.10 (relation de
dispersion prenant en compte l’inertie de la membrane) s’écrit

Dk 5 /ρ + T k 3 /ρ + gk
ω2 = .
ekρ/ρp + 1

ρ
Nous retrouvons que l’équation 1.11 est valable tant que ek ρ  1.
p

1.2.2 Trois régimes de propagation

La figure 1.3 représente l’allure de la relation de dispersion en échelle log-log. Nous pouvons
y distinguer trois pentes : −1/2 pour les plus grandes longueurs d’onde, −5/2 pour les plus
courtes et −3/2 entre les deux. Ces trois pentes correspondent à trois régimes, liés soit à la
gravité, à la flexion de la membrane, ou à la tension mécanique.
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 27

Figure 1.3 – Schéma de la relation de dispersion des ondes hydroélastiques en échelle logarithmique.

Le régime gravitaire

Dans la limite de très grandes longueurs d’ondes, le terme gk devient dominant dans la
relation de dispersion 1.11. On peut alors approcher cette dernière par ω 2 ∼ gk , d’où une
pente 1/2 attendue à grande longueur d’onde et basse fréquence. Il s’agit du même régime
gravitaire qui existe pour les ondes gravito-capillaires (surface libre).

Le régime de flexion

D 5
Pour les longueurs d’ondes les plus courtes, le terme ρk prédomine dans la relation de
D 5
dispersion 1.11. Nous pouvons alors écrire ω 2 ∼ k , d’où une pente 5/2 attendue à petite
ρ
longueur d’onde et haute fréquence.

Dans ce régime il est possible de modifier directement la relation de dispersion en chan-


geant les propriétés de la membrane (le coefficient de flexion D), c’est donc à ce régime que
nous allons nous intéresser dans la suite.

Le régime de tension

Pour les longueurs d’ondes intermédiaires (pente −3/2 dans la figure 1.3), la relation de
T
dispersion peut s’approcher par ω 2 ∼ k 3 , d’où une pente 3/2 attendue pour ce régime.
ρ

Dans nos expériences nous aurons souvent des films flottant librement à la surface de
l’eau, auquel cas la seule force tirant sur la membrane est la tension de surface de eau-air γ.
On retrouve alors le régime capillaire des ondes gravito-capillaires : ω 2 ∼ γρ k 3 . On peut choisir
à l’inverse de travailler dans le régime de tension en étirant volontairement la membrane. En
variant la valeur de la tension mécanique T , par exemple en fixant la membrane aux bords
de la cuve, on peut contrôler la dispersion des ondes hydroélastiques dans ce régime [27].
28 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

1.2.3 Les longueurs caractéristiques

Les trois régimes que nous venons d’évoquer dans la partie ci-dessus sont séparés par
des longueurs d’ondes caractéristiques, reportées sur la figure 1.3. Pour obtenir ces longueurs
nous comparons les différents termes de la relation de dispersion :

Longueur tenso-gravitaire λgT

En comparant les énergies de gravité et de tension : Tρ k 3 ∼ gk on trouve une expression


de la longueur d’onde de coupure entre les deux régimes :

s
T
λgT = 2π (1.12)
ρg
q
γ
Si la tension dans nos films vaut la tension de surface de l’eau γ, λgT devient ρg = lc ,
aussi appelée longueur capillaire, qui compare les effets capillaires et gravitaires.

Longueur tenso-élastique λT D

En comparant les énergies de flexion et de tension : D 5 ∼ T 3


ρk ρ k on trouve une expression
de la longueur d’onde de coupure entre les deux régimes :

r
D
λT D = 2π (1.13)
T

Longueur élasto-gravitaire λDg

Dans le cas où la tension T dans le matériau est nulle ou même très faible (comparée à
une valeur critique Tc que l’on précisera par la suite), on peut négliger le terme de tension
dans la relation de dispersion. Celle-ci devient alors ω 2 ∼ D 5
ρ k + gk. En comparant l’énergie
de flexion et l’énergie de gravité, on obtient

D 5
k ∼ gk
ρ
s (1.14)
4 D
soit λDg = 2π
ρg

Pour des tensions suffisamment grandes, cette longueur de coupure est comprise entre les
deux longueurs trouvées ci-dessus, comme illustré dans la figure 1.3, de sorte que λT D < λDg <
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 29

Figure 1.4 – (a) Schéma du montage expérimental utilisant un pot vibrant comme point source. (b)
Schéma montrant l’aimant et l’électroaimant utilisés pour générer des ondes.


λgT . Ces deux inégalités donnent l’une comme l’autre T > Tc = Dρg. Si cette inégalité est
bien respectée, c’est à dire si la tension est très faible voire nulle ou si le module de flexion de
la membrane est grand, alors le régime de tension est négligeable et la longueur de coupure à
prendre en compte est λDg ; ce sera notamment le cas pour certaines des expériences réalisées
au cours de cette thèse, pour lesquelles aucune tension autre que la tension de surface n’est
appliquée à la membrane.

Notons que cette longueur caractéristique est importante dans tous les problèmes faisant
intervenir un film élastique flottant. Ainsi, des rides formées à la surface d’un tel système
auront une longueur d’onde proportionnelle à cette grandeur [50–52]. Nous reviendrons sur
ces phénomènes de plis dans le chapitre 4.

1.3 Dispositif expérimental & méthodes d’analyse

Nous décrivons ici en détail les techniques expérimentales et d’analyse utilisées au cours
de cette thèse. Nous avons en effet développé plusieurs méthodes nécessaires aux expériences
que nous souhaitions réaliser. Cette section portera donc sur la génération des ondes, leur
observation et les mesures quantitatives de champs d’onde. Nous expliquons aussi le type de
film que nous avons choisi, et en dernier lieu les techniques d’analyses mises en place pour
extraire l’information des séquences de champs d’onde.

1.3.1 Dispositif

Nous utilisons une cuve en verre rectangulaire (80cm × 40cm × 20cm) remplie d’une
hauteur d’eau h0 . Les grandes dimensions de cette cuve nous permettent d’étudier à la fois
30 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

les ondes à basses fréquences (longueurs d’onde supérieures à ∼ 10 cm) et en eau profonde
(h0 > λ).

Deux types de points sources permettent de générer des ondes :

• Vibreur :

Nous utilisons soit un haut parleur, soit un pot vibrant (Bruel et Kjaer 4809) selon la
puissance et le déplacement requis. L’un comme l’autre sont commandés par un générateur
de fonctions (GBF), ou de manière équivalente la sortie audio d’un ordinateur, dont le signal
est amplifié grâce à un amplificateur (Bruel et Kjaer 2718 pour le pot vibrant ou un simple
amplificateur audio pour le haut-parleur). Le vibreur est ensuite directement placé au-dessus
de la surface (figure 1.4(a)), et appuie légèrement sur cette dernière.

• Électroaimant :

Nous utilisons également un électroaimant pour générer un champ magnétique oscillant


(figure 1.4(b)). Cet électroaimant est contrôlé au moyen d’un GBF et d’un amplificateur
adapté, et est placé sous la cuve ou au dessus de la surface, selon les configurations. Un
aimant permanent (au néodyme) placé dans ce champ va donc osciller à la fréquence de
forçage de l’électroaimant. En plaçant cet aimant à la surface du milieu à exciter, soit sur un
flotteur (sur l’eau) soit directement sur la surface (pour une membrane ou pour un hydrogel),
il agit comme un point source permettant d’exciter ponctuellement le milieu.

Les vibreurs permettent en général d’atteindre les fréquences les plus élevées (f > 200 Hz)
et les fréquences les plus basses (f < 5 Hz) et des déplacements importants. Les électroaimants
sont moins puissants (il sont adaptés à la génération de son), mais ils sont plus rapides à mettre
en place, et permettent de solliciter le milieu de différentes manières en orientant le champ,
par exemple parallèlement à la surface.

L’expérience est filmée vue du dessus au moyen de caméras CCD (Basler, 2048 × 2048
pixels) permettant des fréquences d’acquisition (FPS) assez grandes (jusqu’à une centaine de
Hertz) pour obtenir si besoin plusieurs images par période. Les images obtenues sont ensuite
analysées au moyen des routines décrites dans les sections suivantes.

1.3.2 Algorithmes d’analyse

Nous plaçons sous la cuve en verre un motif que l’on filme vu du dessus. Celui-ci peut-
être soit un motif aléatoire de points noirs sur fond blanc (méthode Free-Surface Synthetic
Schlieren, FS-SS [53]) soit un damier régulier noir et blanc (méthode Fast Checkerboard De-
modulation, FCD [54]). Ces deux techniques, que nous allons détailler dans ce qui suit, tirent
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 31

i+θ
^
n

H
i θ

n I
θ

n'
θ i' B"
^
s
A K I0

Figure 1.5 – Réfraction d’un rayon lumineux à la surface. On mesure la pente locale θ de l’interface
en mesurant le déplacement apparent δr. D’après [53].

parti de la réfraction des rayons lumineux à l’interface eau-air : en mesurant le déplacement


apparent du motif lié à cette réfraction on peut obtenir la pente locale de l’interface, et donc
reconstruire le champ d’onde. La différence entre les deux méthodes décrites ci-dessous réside
dans la façon dont ce déplacement est mesuré, soit par analyse de Fourier (FCD), soit par
mesure de corrélation (FS-SS).

Free-Surface Synthetic Schlieren

Cette méthode, introduite en 2009 par Moisy et al. [53], permet de mesurer quantitative-
ment la déformation d’une interface entre deux milieux, en analysant le déplacement apparent
d’un motif aléatoire de points (figure 1.6 (a)). En se plaçant dans le régime approprié (faibles
pentes), ce déplacement est directement proportionnel à la pente locale de l’interface, avec
un facteur de proportionnalité qui dépend de la distance h0 entre le motif et la surface, et
des différents indices optiques des milieux traversés, nous prendrons ici nair et neau . Plusieurs
approximations sont nécessaires pour garantir cette proportionnalité : l’approximation pa-
raxiale (la distance H entre le motif et la caméra est très grande devant la taille du champ
mesuré), l’approximation des faibles pentes (l’amplitude des ondes est faible devant leur
longueur d’onde λ, c’est le régime linéaire des ondes de surface dans lequel nous nous pla-
cerons dans toute cette thèse), l’approximation des faibles amplitudes (l’amplitude des
ondes est faible devant la profondeur d’eau h0 ). Ces critères restent valables pour la technique
FCD, et seront, sauf mention contraire, toujours vérifiés pour les expériences présentées dans
cette thèse.

Nous représentons dans la figure 1.5 une construction géométrique montrant la réfraction
d’un rayon à l’interface entre deux milieux. Nous cherchons ici à mesurer la pente locale
32 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

0.1

0.08

0.06

0.04

0.02

0.06 0.08 0.1 0.12

Figure 1.6 – Exemple d’analyse par algorithme Free-Surface Synthetic Schlieren. (a) Image brute
(' 500 × 700 pixels). (b) Résultat de la corrélation d’image entre (a) et l’image de référence ('
30 × 45 vecteurs de déplacement). (c) Champ de hauteur obtenu après intégration 2D du champ de
déplacement (b) (' 30 × 45 points).

θ = ∇ζ0 de la surface. Dans le cadre des approximations évoquées, les lois de l’optique
géométrique permettent d’exprimer directement la pente locale θ en fonction du vecteur de
déplacement apparent au niveau de la caméra δr = M M 0 , où M (resp. M’) est le point
apparent du motif lorsque la surface est plane (resp. déformée d’une hauteur ζ0 ). On peut
alors montrer [53] que

δr 1 1 1
∇ζ0 = − , où = nair − (1.15)
h∗ h ∗ (1 − neau ).h0 H

Arrêtons-nous un instant sur cette équation : il est important de noter que le déplacement
apparent δr est d’autant plus important que la hauteur d’eau h0 est grande. La sensibilité
de cette méthode n’est cependant pas infinie. En effet, même si l’on augmente indéfiniment
la profondeur d’eau nous serons limités par le fait que, pour des pentes trop grandes, les
rayons lumineux peuvent se croiser (caustique) [53], ce qui rend l’analyse impossible. Pour
de très grandes pentes (ménisques, ondes de forte amplitude...), il faut réduire la profondeur
d’eau h0 pour que l’analyse soit possible. En d’autres termes, il est possible de mesurer une
certaine gamme de déflexions ; en optimisant les paramètres, il nous est possible de mesurer
des amplitudes micrométriques, mais pas plus d’une centaine de micromètres.

Pour mesurer le déplacement δr, ~ on réalise un calcul de corrélation standard (Digital Image
Correlation, DIC), traditionnellement utilisé pour la Particle Image Velocimetry (PIV). Il
s’agit de comparer chaque image à une image de référence (pour laquelle l’interface est plate) ;
pour ce faire, on découpe l’image en sous-unités, sur lesquelles le calcul de corrélation est
effectué. La corrélation est fiable si certains critères sont respectés, notamment sur la taille des
points (qui ne doivent pas excéder quelques pixels) et leur densité (quelques points par sous-
unité de l’image). Ces mesures de corrélation sont effectuées avec la routine Matlab PIVlab
(en libre accès) [55,56]. On obtient alors un vecteur de déplacement moyen pour chaque sous-
unité. Ceci donne une matrice de déplacements (figure 1.6(b)) dont les dimensions dépendent
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 33

du nombre de ces sous-unités. On reconstruit ensuite la forme de l’interface (figure 1.6(c)) en


intégrant le gradient local ∇ζ0 dans les deux dimensions. Cette inversion étant sensible au
bruit, il est souvent nécessaire de filtrer à la fois les hautes et les basses fréquences. Toutes
ces étapes sont réalisées avec les algorithmes pivmat (en libre accès [57]).

Fast Checkerboard Demodulation

Cette méthode a été développée par Sander Wildeman dans le cadre de son post-doctorat
au laboratoire. Elle s’inspire directement de la méthode décrite ci-dessus, mais a été adaptée
pour contourner les limitations que nous avons rencontrées au fil de nos expériences. Cette
technique a donc eu une importance considérable dans cette thèse (et connaı̂tra sans aucun
doute un très large succès).

On remplace le motif aléatoire par un motif en damier [54] (figure 1.7(a)). Mathématique-
ment, la déformation du motif liée à la réfraction à l’interface est en fait une modulation du
motif en damier, à l’image d’une modulation en fréquence (FM) d’une porteuse (de fréquence
élevée) par un signal (de fréquence plus faible). Dans ce cadre, le signal de la porteuse est
celui du damier, régulier, de nombre d’onde k0 , et le signal d’intérêt est celui du déplacement
apparent δr, de même périodicité que l’onde. Schématiquement, si la fréquence spatiale de la
porteuse est k0 , le signal de référence f0 s’écrit :

f0 = ejk0 .r .

Il s’agit simplement d’un signal périodique de période spatiale 2π/k0 . Le signal modulé
par un déplacement δr s’écrit à partir de f0 :

f = ejk0 .(r−δr) .

Nous pouvons ensuite exprimer le déplacement δr à partir des expression de f0 et f [54] :

k0 .δr = −Im(ln (f.f0∗ )). (1.16)

Concrètement, pour chaque image I on isole la composante à la fréquence porteuse k0


au moyen d’une transformée de Fourier discrète (FFT) spatiale (figure 1.7 (b)), où k0 =
k1 + k2 (k1 et k2 sont les directions principales du damier, voir figure 1.7(b)). On réalise
cette transformée de Fourier sur l’image de référence ainsi que sur l’image déformée. Nous
multiplions la FFT Iˆ de l’image déformée au complexe conjugué de la FFT de l’image de
référence Iˆ0 . Nous en prenons ensuite le logarithme, puis la partie imaginaire, nous obtenons
alors les deux composantes du déplacement δr selon k1 et k2 . Nous obtenons après toutes
ces étapes le champ de déplacement δr, proportionnel à la pente locale de l’interface. Pour
34 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

Figure 1.7 – (a) Damier modulé par une onde circulaire. (b) Transformée de Fourier de l’image
modulée. Ici k0 = k1 + k2 . (c) Champ de déplacement |δr| reconstruit à partir (b). Images tirées
de [54].

calculer le champ de hauteur ζ0 (r) nous intégrons ce déplacement dans les deux dimensions, de
manière analogue à l’intégration de la méthode FS-SS, mentionnée dans la partie précédente.
À noter que Sander Wildeman propose également une méthode alternative pour l’intégration
bidimensionnelle du gradient, elle aussi basée sur une analyse en Fourier, qui est donc plus
rapide et tout aussi précise [54]. Toutes ces étapes sont réalisées avec les algorithmes FCD
(en libre accès [58]).

Comparaison des deux méthodes

Pour la méthode utilisant la corrélation d’images (Free-Surface Synthetic Schlieren), les


dimensions du champ obtenu dépendent de la taille de la fenêtre d’interrogation (typiquement
8 × 8 pixels). On obtient donc 64 fois moins de points que de pixels dans l’image initiale. En
outre, les calculs de corrélation sont très longs, et rendent les analyses très fastidieuses. Ces
deux aspects sont les principales limitations de la technique FS-SS.

À l’inverse, pour la méthode utilisant un damier, le résultat obtenu a intrinsèquement les


mêmes dimensions que l’image brute (pas de calcul de corrélation). D’autre part, toutes les
analyses étant basées sur des FFT, les analyses sont considérablement plus rapides que les
corrélations. Ce sont les principaux atouts de la technique Fast Checkerboard Demodulation
qui en font une alternative avantageuse à la technique FS-SS. À titre d’exemple, l’analyse d’un
même film est environ 100 fois plus rapide avec le calcul de FCD qu’avec la reconstruction
par PIV [54], cette dernière permettant d’analyser plusieurs dizaines d’images par seconde.

La sensibilité en hauteur des deux méthodes est identique, elle repose en effet sur les
mêmes lois d’optique géométrique. La précision horizontale est en revanche bien meilleure
pour la technique FCD puisqu’on obtient un vecteur déplacement par pixel. En outre, les
méthodes FFT étant des calculs globaux, cette technique est plus robuste à la présence de
défauts ou de zones masquées [54].
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 35

Figure 1.8 – Test en traction : mesure de la contrainte en fonction de la déformation pour un


échantillon de polymère de silicone de 298 µm utilisé pour nos expériences. La pente mesurée est le
module d’Young E.

Quelques détails informatiques

Nous avons détaillé dans la partie précédente les algorithmes d’analyse, en comparant la
rapidité de calcul des deux techniques présentées. Utiliser une méthode plus rapide est un
aspect crucial dans l’analyse d’images, car celles-ci mesurent 2048 × 2048 pixels, et nous
enregistrons des films pouvant faire plusieurs milliers d’images. Cela représente plusieurs
giga-octets par film, ce qui, après trois ans, s’additionne à près de 15 tera-octets de données...
L’analyse d’un tel volume de données nécessite donc un équipement informatique suffisam-
ment puissant. Nous avons utilisé successivement deux ordinateurs, avec 32 GB de RAM et
16 coeurs, puis avec 128 GB de RAM et 20 coeurs. Avec cet équipement, et en parallélisant les
calculs, l’analyse de séquences d’images prend typiquement entre quelques heures (méthode
FS-SS) et quelques minutes (méthode FCD).

1.3.3 Films élastiques

Dans la plupart des expériences réalisées dans cette thèse, la surface du liquide est re-
couverte d’un mince film élastique. Le choix de cette membrane s’est avéré être une étape
cruciale dans l’élaboration de nos expériences. Rappelons les différentes contraintes que nous
devons respecter :

• Transparence optique, pour pouvoir utiliser les techniques d’analyse décrites ci-
dessus.
36 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

• Flottabilité, afin que le film reste à la surface de l’eau, soit ρp < ρ.

• Valeur de D, pour observer le régime de flexion des ondes hydroélastiques à des


longueurs d’onde au maximum centimétriques (en l’absence de tension mécanique
q autre que
4 D
la tension de surface), il faut que la longueur élasto-gravitaire λDg = 2π ρg soit de l’ordre
du centimètre. Soit une valeur du module de flexion D ∼ 10−7 Pa.m3 .

• Amplitude des ondes négligeable devant l’épaisseur de la membrane, soit e 


ζ0 , afin d’être dans le régime où nous pouvons négliger les contraintes élastiques liées à la
propagation d’une onde non plane (étirement et compression locaux), condition que nous
avons détaillée dans la section 1.1.2.

ρ
• ek ρ  coth kH, approximation qui nous permet de négliger l’inertie de la membrane.
p
En pratique nous serons la plupart du temps en eau profonde, ce qui nous permet de simplifier
ρ
cette condition en ek ρ  1.
p

Nous pouvons par exemple utiliser des membranes de Mylar (plastique PET), transpa-
rents, et dont l’épaisseur (pour les feuillets commercialisés) peut descendre jusqu’au dixième
de millimètre. Leur module d’Young est de quelques GP a, il faut donc une épaisseur d’une
dizaine de micromètres pour obtenir un module de flexion de l’ordre de 10−7 P a.m3 . Les
expériences préliminaires menées avec ce type de films ont montré qu’il était impossible de
générer des ondes circulaires sans former de plis : ces films sont trop fins (voir condition
e  ζ0 ). Pour gagner un facteur 10 sur l’épaisseur, il nous faut gagner un facteur 10−3 sur le
module d’Young. Nous cherchons donc un matériau assez mou (de module d’Young quelques
M P a), d’épaisseur quelques centaines de micromètres, peu dense et transparent.

Nous avons rapidement opté pour des polymères de silicone ; ces polymères sont large-
ment disponibles dans les laboratoires, notamment sous la forme de polydiméthilsiloxane,
plus connu sous le nom de PDMS. Ils sont faciles à manipuler : après mélange du monomère
à l’agent réticulant, une polymérisation de quelques heures à chaud suffit pour obtenir un
polymère de la forme désirée. Les films que nous voulons réaliser sont toutefois assez grands,
tout en étant très fins (idéalement une centaine de micromètres), et après de nombreuses ten-
tatives infructueuses de fabrication de fines membranes de PDMS au laboratoire, nous avons
opté pour des feuilles de polymère de silicone commercialisées par l’entreprise Silex (films
Superclear et Ultrathin [59]), dont les propriétés sont très bien contrôlées. En particulier, leur
épaisseur nominale varie entre 20 µm et 800 µm, leur module d’Young vaut quelques M P a et
leur masse volumique ρp ∼ 965 kg/m3 . Ils sont en outre tout à fait transparents optiquement.

Compte-tenu de leur densité, la flottabilité est garantie. Leur épaisseur e ∼ 10−4 m nous
permet de travailler avec des amplitudes d’onde ζ0 de l’ordre de 10−5 m, ce qui est tout
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 37

Figure 1.9 – (a) Représentation 3D dans l’espace (ω, k1 , k2 ). Les couleurs servent juste à la visua-
lisation ici. (b) Relation de dispersion dans la direction r, soit une coupe dans le plan (ω, kr ). (c)
Surface des lenteurs (ou isofréquence), soit une coupe à ω = ω0 . (d) Exemple de deux paquets d’onde
unidimensionnels illustrant : à gauche, la réfraction positive (vϕ et vg sont de même signe), et à droite
la réfraction négative (vϕ et vg sont de signe opposé).

à fait acceptable avec nos techniques de mesure. Leur module de flexion D vaut en ordre
de grandeur D ∼ 10−7 P a.m3 , ce qui correspond à la gamme recherchée. Enfin, la dernière
ρ
condition à remplir est ek ρ  1, ce qui sera toujours vérifié puisque ρ ∼ ρp et que nous
p
travaillerons avec des longueurs d’ondes centimétriques.

Nous avons mesuré l’épaisseur des différents films utilisés au moyen d’un profilomètre en
salle blanche. Les membranes les plus utilisées au cours de cette thèse mesurent respectivement
298 µm et 502 µm d’épaisseur.

Nous avons également réalisé des tests standards dans une machine de traction, dont le
résultat est présenté dans la figure 1.8. Le module d’Young mesuré vaut 1.6 MPa.

1.4 Analyses des données

La plupart des expériences réalisées dans cette thèse visent à comprendre la propagation
des ondes en détail, au travers notamment d’analyses spatio-temporelles. Quelques aspects
de ces analyses sont décrits ici.

Par souci de simplicité, nous ne nous intéresserons qu’à des ondes monochromatiques,
dont l’amplitude peut s’écrire ζ(t, r) = ζ0 cos(ωt − k.r), où ω = 2πf est la pulsation de l’onde
38 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

et k le vecteur d’onde associé. Ces deux grandeurs sont reliées de manière univoque par la
relation de dispersion. Cette équation est l’outil de base du physicien des ondes, quel que
soit le type d’onde étudié. Notons que les relations de dispersion que nous avons calculées
précédemment (équations 1.9, 1.11) font intervenir k qui est en fait la norme du vecteur
d’onde k = k1 + k2 , où k1 et k2 sont les vecteurs d’onde dans les deux directions principales.
Pour pouvoir être visualisée complètement, la relation de dispersion doit se représenter dans
l’espace (ω, k1 , k2 ). Pour un milieu homogène k a la même valeur dans toutes les dimensions.
La relation de dispersion prend alors la forme d’un “bol” comme montré dans la figure 1.9(a).
Si l’onde n’est pas dispersive, la fonction ω(k) est une droite, et la relation de dispersion prend
alors la forme d’un cône (d’où l’expression cône de lumière que l’on retrouve en optique).

On peut définir deux vitesses pour une onde : la vitesse de phase vϕ et la vitesse de
groupe vg . La vitesse de phase s’exprime comme le rapport entre ω et k : vϕ = ω/k. On peut
la mesurer directement sur la courbe de la relation de dispersion. Elle correspond à la vitesse
de propagation des fronts d’onde pour une fréquence donnée. La vitesse de groupe vg = ∇k ω
s’interprète ici comme la pente locale de la relation de dispersion tridimensionnelle (c’est
la pente locale du ’bol’ de la figure 1.9(a)). À une dimension cela s’écrit plus simplement
vg = ∂ω
∂k . Elle correspond à la vitesse de propagation de l’énergie, qui peut être de sens opposé
à la vitesse de propagation des fronts d’ondes.

Si ces deux vitesses sont colinéaires (i.e. de même signe à 1D), on parle d’indice positif ;
c’est le cas de figure le plus courant en physique des ondes, que nous avons illustré dans
la figure 1.9(d) (courbe de gauche). Si vϕ et vg sont de signes opposés, on parle d’indice
négatif. C’est un cas particulier relativement rare, qui nécessite des conditions particulières.
Le lecteur intéressé pourra se référer à l’annexe B, où nous expliquons comment obtenir un
indice négatif en comprimant une membrane flottante. D’autre part, distinguer la vitesse de
groupe de la vitesse de phase est essentiel pour comprendre la propagation de paquets d’ondes
polychromatiques : la vitesse de groupe est la vitesse de propagation de l’enveloppe, comme
illustré dans la figure 1.9(d).

On s’intéresse en général à la relation de dispersion dans une direction donnée r ; on


représente alors ω en fonction de la projection kr de k dans cette direction. On obtient
alors une courbe comme celle représentée dans la figure 1.9(b). Nous représentons souvent la
relation de dispersion de cette manière, plus lisible qu’une surface tridimensionelle. Notons
que nous tracerons très souvent f en fonction de λ (plutôt que ω et k), afin de travailler
avec des grandeurs plus tangibles. Lorsque l’on excite une onde, on peut le faire de manière
monochromatique, à une fréquence donnée ω0 . On n’excite alors qu’un ’anneau’ de la relation
de dispersion, comme celui représenté dans la figure 1.9(c), il est alors très facile d’isoler
l’onde générée en filtrant en temps et/ou en espace. Il est également possible d’exciter l’onde
de manière polychromatique, en réalisant notamment des balayages en fréquence (ou sweep).
Si ce balayage en fréquence est suffisamment lent devant les fréquences d’excitation, on peut
découper le film mesuré en séquences et les analyser comme si le signal était monochromatique.
CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES 39

Figure 1.10 – Exemple de signal de sweep en fréquence. En découpant le signal nous pouvons faire
l’approximation que chaque partie est monochromatique.

L’idée générale de cette méthode d’analyse est présentée dans la figure 1.10. En d’autres
termes, on procède comme si le signal était monochromatique par blocs. Cette méthode
oblige à enregistrer des films assez longs, dont l’analyse peut s’avérer fastidieuse, mais elle
permet d’explorer toute la relation de dispersion en une seule expérience.

Mentionnons une subtilité expérimentale pour ces balayages ; la fréquence d’un signal
s’exprime à partir de la dérivée temporelle du signal périodique. Prenons un signal mono-
chromatique générique d’amplitude a et de pulsation ω0 :

y(t) = a.ejω0 t .

Lorsque nous dérivons cette expression par rapport au temps, nous trouvons :

y 0 (t) = ajω0 .ejω0 t ,

|y 0 (t)|
de sorte que la fréquence du signal s’exprime ω0 = |y(t)| .

Dans un balayage en fréquence la pulsation devient une fonction du temps, par exemple

ω1 −ω0
ω(t) = ω0 + τ t
= ω0 + αt,

ce qui correspond à une augmentation linéaire de ω0 à ω1 en un temps τ . Le signal temporel


et sa dérivée s’écrivent alors
40 CHAPITRE 1. LES ONDES HYDROÉLASTIQUES

y(t) = a.ejω(t)t = a.ej(ω0 +αt)t


y 0 (t) = aj.(ω0 + 2αt).ejω(t)t
|y 0 (t)|
et = ω0 + 2αt.
|y(t)|

Ceci signifie que la fréquence effective du signal à l’instant t = τ vaut ω0 + 2(ω1 − ω0 ), et


non ω. Pour réaliser un balayage en fréquence linéaire de ω0 à ω1 en un temps τ , l’expression
de ω doit être

ω1 −ω0
ω(t) = ω0 + 2τ t.

C’est ce que nous ferons pour tous les balayages en fréquence réalisés dans les expériences
que nous présenterons.

1.5 Conclusion

Dans ce chapitre nous avons consigné les bases théoriques permettant de comprendre la
propagation des ondes hydroélastiques. Nous avons détaillé les calculs permettant d’obtenir
leur relation de dispersion, après en avoir donné une version en loi d’échelle, plus intuitive.
Cette équation particulière sera très largement utilisée dans tous les chapitres suivants. À
partir de cette relation de dispersion nous avons explicité les trois régimes de propagation
de ces ondes : gravitaire, de tension et de flexion. Nous avons également mis en évidence les
différentes longueurs caractéristiques délimitant ces régimes. Nous nous sommes appuyés sur
ces calculs théoriques pour concevoir un système expérimental adapté, notamment concernant
le choix des films élastiques. Enfin, nous avons présenté quelques aspects élémentaires des
algorithmes d’analyse que nous utiliserons dans tous les chapitres suivants, en particulier
en ce qui concerne l’analyse de Fourier de signaux périodiques. L’ensemble de ce chapitre
constitue donc une entrée en matière qui nous servira de base pour aborder les chapitres
suivants.
41
Chapitre 2

Contrôle spatial : réfraction et


focalisation d’ondes hydroélastiques

Comment contrôler spatialement les ondes hydroélastiques ? À l’instar des ondes optiques,
peut-on les dévier, les focaliser ou les réfléchir ? En travaillant sur des membranes de différentes
épaisseurs nous établirons la relation de dispersion expérimentale des ondes hydroélastiques et
la comparerons à l’expression théorique. Nous utiliserons ensuite cette relation pour contrôler
spatialement les ondes, au moyen de différences d’épaisseur produisant des différences de
vitesse de propagation des ondes.

2.1 Relation de dispersion : résultats expérimentaux

Nous commençons par vérifier expérimentalement la relation de dispersion établie théo-


riquement (équation 1.9). Pour ce faire nous réalisons l’expérience schématisée dans la figure
2.1(a), consistant à recouvrir la surface de l’eau d’un film élastique fin. Nous utilisons une
cuve de dimensions assez grandes (80 cm × 40 cm × 20 cm) de manière à toujours se placer
dans la limite d’eau profonde (λ  H) et à pouvoir explorer les grandes longueurs d’onde
(aux basses fréquences). Le film élastique utilisé est une membrane de silicone transparente
disponible commercialement (Silex [59])) et dont les épaisseurs varient de 20 µm à 800 µm. La
plaque flotte librement à la surface de l’eau afin de ne pas y introduire de tension mécanique
autre que la tension de surface du liquide. Nous générons des ondes circulaires entre 3 Hz et
250 Hz au moyen d’un point source. Après analyse des images brutes au moyen de la tech-
nique de Schlieren synthétique (présentée au chapitre précédent, partie 1.3.2), nous obtenons
des champs d’onde comme celui présenté dans la figure 2.1(b). Pour isoler la longueur d’onde
correspondant à la fréquence de forçage nous filtrons le film obtenu au moyen de transformées
de Fourier temporelles. Nous analysons ensuite chaque champ d’onde filtré par transformée de

42
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 43

Figure 2.1 – (a) Schéma du montage expérimental, montrant la membrane, le système d’excitation
et le système d’observation. (b) Exemple de champ d’onde circulaire obtenu à 50 Hz.

Fourier spatiale pour en tirer le nombre d’onde (voir section 1.4). En répétant cette expérience
à diverses fréquences on pouvons reconstruire la relation de dispersion ω = f (k).

La figure 2.2 présente les résultats obtenus en échelle logarithmique pour quatre mem-
branes différentes : 20 µm, 300 µm, 500 µm et 800 µm. Cette dernière épaisseur est composée
de deux membranes d’épaisseurs 500 µm et 300 µm superposées, l’autoadhésion du polymère
suffisant à maintenir le contact entre les deux couches. Sur cette figure on représente égale-
ment les courbes théoriques pour ces quatre épaisseurs (équation 1.9) ainsi que la relation de
dispersion des ondes gravito-capillaires (sans membrane à la surface de l’eau).

À basse fréquence (f < 5Hz), pour toutes les courbes on observe le début du régime
gravitaire pour lequel la pente de la courbe de f en fonction de λ vaut −1/2. À plus grande
fréquence plusieurs pentes sont observées. Pour la surface libre (courbe rouge en traits pleins)
et pour la membrane la plus fine, de 20 µm (en noir sur la figure 2.2), la pente mesurée vaut
−3/2 et la longueur d’onde de transition entre ces deux régimes vaut environ 1.1 cm ici. Nous
avons vu au chapitre précédent (équation 1.12) que cette longueur de coupure λgT entre les
régimes gravitaire et de tension est égale à la longueur gravito-capillaire
q lc qui dépend de g,
1 γ
de la densité de l’eau ρ et de sa tension de surface γ : lc = 2π ρg = 1.42 cm. Ce résultat
est cohérent avec l’observation expérimentale. Notons que nous n’observons pas le régime de
flexion pour la membrane de 20 µm : entre 5 Hz et 50 Hz la membrane est suffisamment facile
à déformer pour que l’onde ne “ressente” pas la membrane.

Pour les membranes plus épaisses (en rouge, bleu et vert), la pente observée est plus
grande et vaut −5/2 : c’est le régime de flexion qu’on attend aux hautes fréquences, à des
longueurs d’ondes λ supérieures à λDg . L’expression théorique de cette longueur de coupure
λDg (équation 1.14) donne 3.8 cm (e = 300 µm), 5.6 cm (e = 500 µm) et 8.0 cm (e = 800 µm).
C’est bien vers ces valeurs que nous observons une brisure de pente pour les trois membranes
les plus épaisses. Nous remarquons en outre que la pente obtenue pour le film composé
1. Nous prenons ici γ = 50 mN/m, ce qui correspond à la tension de surface de l’eau polluée.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
44 HYDROÉLASTIQUES

Figure 2.2 – Relation de dispersion mesurée pour 4 épaisseurs de membranes : e = 20 µm (carrés),


300 µm (cercles), 500 µm (losanges) et 800 µm (triangles). Pour chaque épaisseur la ligne en pointillés
est la relation de dispersion théorique, la courbe rouge en traits pleins est la relation de dispersion des
ondes gravito-capillaires.

de deux membranes superposées (800 µm) respecte bien la relation de dispersion attendue,
correspondant à l’épaisseur totale des deux films. Ceci signifie que les ondes hydroélastiques
se propageant dans un milieu composé d’épaisseurs de membranes “empilées” se comportent
comme si le film était homogène en épaisseur.

Cette expérience nous montre ainsi que nous pouvons prédire parfaitement la propagation
des ondes hydroélastiques pour une membrane élastique homogène. L’expression que nous
avons établie au chapitre précédent (équation 1.9) décrit parfaitement la relation de dispersion
mesurée, et ce sans paramètre ajustable.

Enfin, il reste un point que nous n’avons pas encore mentionné : nous remarquons que
dans le régime de flexion (où la pente de la courbe vaut -5/2), plus la membrane est épaisse
et plus la longueur d’onde est grande. Nous pouvons donc contrôler la relation de dispersion
des ondes hydroélastiques en changeant l’épaisseur de la membrane. Nous tirerons parti de
ce résultat dans les parties suivantes, en explicitant dans un premier temps les lois d’échelles
donnant la longueur d’onde en fonction de l’épaisseur. Nous en déduirons notamment une
expression de l’indice de réfraction effectif, lequel dépendra de l’épaisseur du film élastique.

2.2 Réfraction et loi de Snell-Descartes

2.2.1 Définition d’un indice de réfraction effectif

Pour les trois membranes les plus épaisses de la figure 2.2, et plus généralement dans le
régime de flexion, la relation de dispersion dépend directement du module de flexion D. Dans
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 45

ce régime la relation de dispersion se simplifie en

D 5
ω2 ∼ k .
ρ
En modifiant localement D on change la relation de dispersion, et donc la vitesse de phase
vϕ = ωk et la vitesse de groupe vg = ∂ω
∂k de l’onde :

s
ω D 3
vϕ = ∼ k
k ρ
s
∂ω 5 Dk 3
et vg = ∼ .
∂k 2 ρ

À l’image de l’indice de réfraction optique n = vc (où c est la vitesse de la lumière dans


ϕ
le vide), on peut donc définir un équivalent d’indice nef f qui est inversement proportionnel
à la vitesse de phase des ondes hydroélastiques. On alors nef f ∝ 1/vϕ . Considérons deux
membranes de module d’Young E, d’épaisseurs e1 et e2 , correspondant aux indices n1 et n2 ;
pour une même fréquence de propagation ω nous allons montrer que le rapport des indices
n1 /n2 ne dépend que des propriétés de la membrane. Le rapport des indices s’écrit :

n2 ω/k1 k2
= =
n1 ω/k2 k1

Exprimons ensuite le rapport des nombres d’onde. En se rappelant que ω 2 ∼ D 5


ρ k , il
vient :

 5 ω2 ρ
k2 D2 D1 e3
= ω2 ρ
= = 31 (2.1)
k1 D2 e2
D1

Finalement

 3/5
n2 e1
= . (2.2)
n1 e2

Ainsi, même si les ondes sont très dispersives (la vitesse de phase dépend de la fréquence),
les rapports d’indices ne dépendent pas de la fréquence, de sorte que l’effet d’une structure
composée de membranes d’épaisseurs différentes sera le même quelle que soit la fréquence.
Ceci s’illustre sur les courbes expérimentales de la figure 2.2 où l’on voit qu’à haute fréquence,
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
46 HYDROÉLASTIQUES

pour les courbes pour les membranes les plus épaisses (300 µm, 500 µm et 800 µm), la distance
horizontale entre chacune de ces courbes (en rouge, vert et bleu) est la même quelle que soit
la fréquence.

Cette expression (2.2) semble très prometteuse : en utilisant simplement différentes épais-
seurs on peut obtenir des structures de différents indices. Notre système étant macroscopique
(les longueurs d’ondes sont centimétriques), nous pouvons facilement construire des struc-
tures plus ou moins complexes (notamment de taille inférieure à la longueur d’onde), et dont
les indices peuvent être très contrastés (un rapport d’épaisseur de 3 donne par exemple un
rapport d’indice de 2). Ce sont toutes ces possibilités que nous allons considérer dans les
parties qui suivent.

2.2.2 Loi de Snell-Descartes

À l’image des ondes électromagnétiques, nous pouvons jouer sur l’indice de réfraction des
ondes pour les contrôler dans l’espace. Nous tenterons dans un premier temps de retrouver
la loi de Snell-Descartes, afin de mettre en évidence la forte analogie existant avec l’optique
géométrique.

Considérons une interface P entre deux milieux d’indices ni et nr sur lesquels nous en-
voyons une onde plane de fréquence ω et de nombre d’onde ki (figure 2.3(a)).

Le vecteur d’onde de l’onde incidente ki se décompose en deux parties, kik parallèle à P


et ki⊥ qui lui est orthogonal. En introduisant l’angle d’incidence θi on peut écrire

ki = ki sin θi ek + ki cos θi e⊥ .

De la même manière pour l’onde transmise (ω, kt ), on peut décomposer le vecteur d’onde :

kt = kt sin θt ek + kt cos θt e⊥ .

Par continuité de la déformation au niveau de l’interface P , les deux composantes des


vecteurs d’onde selon ek doivent être égales, de sorte que

ki sin θi ek = kt sin θt ek ,
soit kt sin θt = ki sin θi .
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 47

Figure 2.3 – (a) Schéma de la réfraction à l’interface montrant les deux vecteurs d’onde ki et kr . (b)
Surface des lenteurs (ou isofréquence) illustrant la conservation du vecteur d’onde selon la verticale.

C’est la loi de Snell-Descartes, qui décrit la réfraction de rayons lumineux à l’interface


entre deux milieux d’indices différents. sin θt étant forcément compris entre 0 et 1, on peut
introduire l’angle critique θc = arcsin kkt , au-delà duquel l’onde est intégralement réfléchie,
i
et il n’y a pas d’onde transmise.

Une façon d’illustrer cette loi est d’utiliser la surface des lenteurs, ou isofréquence (figure
2.3(b)) : pour une fréquence donnée on représente la relation de dispersion dans l’espace des k.
Les deux milieux étant homogènes et isotropes, mais ayant des indices différents, on obtient
deux cercles dont le rayon vaut le nombre d’onde (respectivement ki et kt ). On dessine le
vecteur d’onde incident (qui est donc inscrit sur le cercle de rayon ki ) ; sa projection sur l’axe
kk (ici l’axe vertical) doit être égale à la projection du vecteur d’onde transmis, comme illustré
sur la figure 2.3(b). L’angle critique se comprend alors plus géométriquement en constatant
que si l’angle d’incidence est trop grand on ne pourra pas trouver de projection du vecteur
d’onde incident sur le cercle (plus petit) correspondant au second milieu.

2.2.3 Réfraction d’ondes hydroélastiques

Nous n’avons pas spécifié le type d’onde dans le calcul de la loi de Snell-Descartes, elle
est donc valide, entre autres, pour les ondes hydroélastiques. Un dioptre pour ces ondes est
l’interface entre deux membranes d’épaisseurs différentes, et nous avons vu au début de ce
chapitre que nous pouvions exprimer le rapport des deux indices en fonction des épaisseurs
 3/5
k ni et
(équation 2.2) : ki
t
= nt = ei , où ei et et sont les épaisseurs des membranes. Ainsi,
seules les épaisseurs des membranes régissent la réfraction à l’interface, et ce indépendamment
de la fréquence (dans le régime de flexion) :

 3/5
ki et
sin θt = sin θi = sin θi .
kt ei
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
48 HYDROÉLASTIQUES

Figure 2.4 – (a) Exemple de champ d’onde obtenu à 50 Hz avec une marche d’épaisseur de 500µm.
L’onde se propage de gauche à droite. (b) Spectre 2D du champ d’onde (a) filtré à la fréquence de
forçage. (c) Résultats obtenus pour les expériences de réfraction à 50Hz (losanges rouge), 100Hz
(cercles bleu) et 200Hz (carrés noir). Prédiction théorique en pointillés, correspondant à la pente
attendue de (et /ei )3/5 = 1.93.

Pour vérifier expérimentalement cette loi nous créons une interface entre deux membranes
d’épaisseurs différentes. Pour ce faire nous déposons une membrane de 500 µm sur une mem-
brane d’épaisseur 300 µm de manière à avoir une épaisseur de 300 µm à “gauche” du dioptre
et de 800 µm à “droite”. On envoie sur ce dioptre une onde plane à 50 Hz, 100 Hz ou 150
Hz tout en faisant varier l’angle d’incidence entre 0◦ et 40◦ . La figure 2.4(a) présente un
champ d’onde expérimental typique, obtenu à 50 Hz. Qualitativement, nous distinguons un
changement de longueur d’onde après de dioptre : λ est plus grand dans la surépaisseur. De
plus, l’angle réfracté θt et l’angle d’incidence θi sont clairement différents. De manière plus
quantitative, nous mesurons l’angle d’incidence et de réfraction au moyen d’une transformée
de Fourier spatiale du champ d’onde (filtré à la fréquence de forçage) : un tel spectre 2D,
représenté dans la figure 2.4(b), met en évidence la loi de réfraction expliquée avec la surface
des lenteurs comme illustré dans la figure 2.3(b). Nous mesurons sur ce spectre l’angle de
réfraction pour différents angles d’incidence ; on peut alors tracer son sinus en fonction de
celui de l’angle d’incidence (figure 2.4(c)). Les résultats obtenus à trois fréquences différentes
s’alignent tous selon une droite dont la pente 1.83 ± 0.11 est en très bon accord avec la valeur
 3/5
e
théorique de et = 1.93.
i

2.2.4 Réflexion totale interne

Lorsque l’angle d’incidence est plus grand que l’angle critique θc = arcsin kkt , on ne peut
i
pas définir d’angle transmis : l’onde est totalement réfléchie et aucune onde ne se propage
après le dioptre. C’est la réflexion totale interne, illustrée dans la figure 2.5(a). Derrière le
dioptre se forme une onde évanescente, dont l’amplitude décroı̂t exponentiellement avec la
distance au dioptre, sur une distance typique δ, que l’on appelle épaisseur de peau. Lorsque
θi > θc , d’après la loi de Snell-Descartes on a
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 49

x
Figure 2.5 – (a) Schéma de principe illustrant la réflexion totale interne. (b) Champ d’onde obtenu
pour un angle d’incidence de 40◦ . La barre d’échelle représente 5cm. (c) Mesure de l’amplitude de
l’onde évanescente en fonction de la distance au dioptre (cercles bleu) et fit exponentiel (courbe rouge).

  
ki
cos θt = cos arcsin sin θi
kt
s   
2 ki
= 1 − sin arcsin sin θi
kt
s  2
ki
= 1− sin θi
kt
s 2
ki kt
=i sin θi − 1 puisque sin θi >
kt ki

L’amplitude de l’onde transmise est proportionnelle à :

ei(ωt−kt .r) = ei(ωt−kt sin θt y) e−x/δ


s 2
ni (2.3)
où 1/δ = kt sin θi −1
nt

Dans le cas des membranes décrites ci-dessus, d’épaisseurs 300 µm et 800 µm, l’angle
critique θc = arcsin kkri vaut 31.2◦ . Nous envoyons une onde plane sur le dioptre avec un
angle d’incidence de 40◦ ; le champ d’onde obtenu est montré dans la figure 2.5(b). Nos
méthodes d’analyse sont suffisamment précises pour nous permettre de mesurer directement
l’amplitude de l’onde évanescente derrière le dioptre. Nous représentons dans la figure 2.5(c)
cette amplitude en fonction de la distance au dioptre (illustrée par la ligne en pointillés dans
la figure 2.5(b)). Un fit exponentiel nous donne une distance caractéristique de décroissance
de δexp /λt = (2.1±0.5)×10−1 , en très bon accord avec la valeur théorique δth /λt = 2.6×10−1 ,
obtenue avec l’équation 2.3.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
50 HYDROÉLASTIQUES

Figure 2.6 – Coefficient de transmission (triangles bleus) en fonction de l’angle d’incidence. La partie
grisée représente les angles pour lesquels θ > θc = 31.2◦ .

2.2.5 Coefficients de réflexion et de transmission

En plus de la direction de propagation des ondes, on peut s’intéresser à leur amplitude


de part et d’autre du dioptre afin d’en tirer les coefficients de réflexion et de transmission
de l’onde (en énergie). Sur la figure 2.4(a) nous voyons que l’amplitude de l’onde est plus
importante pour l’onde incidente (à gauche du dioptre) que pour l’onde transmise. Dans le
régime de flexion, l’énergie à prendre en compte est l’énergie de flexion liée à la propagation
de l’onde, proportionnelle au coefficient de flexion D et au carré de la courbure (a/λ2 )2 . Il faut
donc comparer les quantités Di (ai /λ2i )2 et Dt (at /λ2t )2 . Comme nous utilisons des membranes
du même matériau (même E), nous pouvons directement comparer e3i a2i /λ4i et e3t a2t /λ4t . Nous
obtenons donc les expressions des coefficients de transmission T et de réflexion R en énergie
en calculant :

e3r a2r λ4i a2r


R= . =
e3i a2i λ4r a2i
e3 a2 λ4
T = 3t 2t . 4i
ei ai λt

 3/5
λ ei
D’après l’équation 2.1, λi
t
= et , d’où

 3/5
a2t et
T = . .
a2i ei

Pour obtenir les coefficients de réflexion et transmission nous comparons le carré des
 3/5
amplitudes respectives ai , at , et ar , en corrigeant le résultat obtenu par eet lorsque les
i
épaisseurs des films sont différentes. Nous mesurons l’amplitude des pics dans l’espace de
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 51

Fourier (voir figure 2.4(b)) pour différents angles d’incidence. Pour le coefficient de trans-
 3/5
mission nous multiplions le résultat par 800300 ∼ 1.8. Nous présentons dans la figure 2.6
le coefficient de transmission ainsi obtenu. Qualitativement nous observons que le coefficient
de transmission décroı̂t quand l’angle d’incidence augmente : la transmission est maximale
en incidence normale, et chute lorsque l’on se rapproche de l’angle critique. Ce résultat est
conforme à ce que l’on attend pour la transmission d’ondes au niveau d’un dioptre. En re-
vanche nous ne sommes pas en mesure de mesurer le coefficient de réflexion sur nos champs
expérimentaux. En effet, nous voyons sur la figure 2.5 que l’amplitude du faisceau incident
n’est pas homogène, et que contrairement à l’onde incidente, l’onde réfléchie n’occupe pas
l’ensemble du milieu à gauche du dioptre. En mesurant l’amplitude du pic de Fourier (par
exemple sur la figure 2.4(b)) nous obtenons donc une valeur erronée du coefficient R. D’autres
expériences sont donc nécessaires pour mesurer correctement le coefficient R.

Pour calculer l’expression théorique de ces coefficients il faut prendre en compte la conti-
nuité des déformations et des contraintes dans la membrane, mais également celle du po-
tentiel des vitesses dans le fluide 2 . Le calcul complet est particulièrement ardu (voir par
exemple [60–62] et la revue [16]), et nous n’avons pas pu l’adapter à notre système.

2.2.6 Catadioptre

Il est possible d’utiliser la réflexion totale interne pour obtenir un miroir ; en optique, en
plaçant trois miroirs en “coin de cube” on fabrique un catadioptre, objet qui a la propriété
de réfléchir un rayon lumineux selon exactement la même direction mais dans le sens opposé.
Dans le cas des ondes hydroélastiques, bidimensionnelles, le catadioptre sera donc un “coin
de carré”, formé par deux dioptres en angle droit, comme illustré dans la figure 2.7(a).

Si l’incidence est comme représenté dans cette figure, l’angle d’incidence sur chacun des
deux dioptres vaut 45◦ . Il faut donc que l’angle critique soit inférieur à 45◦ pour obtenir
la réflexion totale interne. Les ondes d’angle d’incidence inférieur à l’angle critique seront
partiellement transmises, et on perd l’effet “miroir”. En d’autres termes, plus l’angle critique
est petit, c’est à dire plus le rapport d’indice est grand, et plus le catadioptre est efficace pour
de nombreux angles d’incidence.

Expérimentalement, les membranes utilisées dans l’expérience ont une épaisseur de 300 µm
et 800 µm, donnent un angle critique de θc ∼ 31◦ , qui suffit pour réaliser l’expérience sché-
matisée dans la figure 2.7(a). Nous envoyons donc une onde plane à 80 Hz sur un catadioptre
formé avec ces membranes. Nous représentons dans la figure 2.7 deux des champs d’ondes
obtenus, mesurés à 60 ms d’intervalle. Sur le premier nous observons sur la gauche de l’image
2. Nous avons considéré jusqu’à présent que la réfraction était uniquement régie par les propriétés de la
membrane, sans prendre en compte l’éventuel effet de l’écoulement de fluide sous cette dernière.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
52 HYDROÉLASTIQUES

Figure 2.7 – (a) Schéma montrant le principe d’un catadioptre optique en “coin de cube”, et un
catadioptre 2D pour les ondes hydroélastiques. (b) Champ d’onde dans le catadioptre au début de la
propagation : on ne voit que l’onde plane incidente. (c) Après 60 ms, l’onde est réfléchie sur les deux
dioptres et forme un motif d’ondes carré. La barre d’échelle mesure 5 cm.

l’onde plane incidente, qui se propage de la gauche vers la droite. Le second, pris 60 ms plus
tard, montre que l’onde est réfléchie par les dioptres. Nous observons un motif carré à l’in-
térieur du dioptre, résultant des interférences entre l’onde incidente, dont le vecteur d’onde
est horizontal, et l’onde réfléchie, dont le vecteur d’onde est vertical. Après deux réflexions,
l’onde incidente est entièrement réfléchie, et se propage de la droite vers la gauche. Du fait de
la réflexion totale interne, aucune onde n’est transmise derrière le catadioptre. Ceci permet
de construire un miroir efficace pour réfléchir complètement les ondes hydroélastiques.

2.3 Focalisation

Comment pouvons-nous focaliser les ondes hydroélastiques ? Nous avons vu dans la partie
précédente que nous pouvions vérifier la loi de Snell-Descartes pour les ondes hydroélastiques.
Nous pouvons aller plus loin, et tirer profit du phénomène de réfraction en utilisant deux
dioptres courbés.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 53

Figure 2.8 – (a) Schéma d’une lentille de rayons de courbures RC1 et RC1 , et d’indice n2 dans un
milieu n1 . L’axe en traits hachurés (– — – —) représente l’axe optique. (b) Schéma de deux lentilles
convergentes équivalentes, l’une biconvexe (d’indice n2 plus élevé que le milieu extérieur n1 ) et l’autre
biconcave (d’indice plus faible).

2.3.1 Lentilles

Nous nous intéressons maintenant à un objet qui permet de focaliser les ondes : en utili-
sant deux dioptres sphériques successifs, de manière à réfracter deux fois les ondes, on peut
fabriquer une lentille. Une lentille est définie avec les rayons de courbure de ses deux interfaces
RC1 et RC2 , son épaisseur d et sa largeur L (figure 2.8(a)). Lorsqu’une onde plane traverse la
lentille, elle est focalisée en un point du plan focal image. À l’inverse, un point source placé
au plan focal objet sera focalisé à l’infini après la lentille (onde plane). Ces deux plans sont
situés à une distance F de part et d’autre de la lentille, où F est la distance focale de la
lentille.

Dans l’approximation de Gauss, on considère que les rayons optiques sont paraxiaux :
l’angle que forme le vecteur d’onde avec l’axe optique est très faible. Dans cette limite, nous
pouvons exprimer la distance focale F :

  
1 n2 1 1 (n2 − n1 )2 d
= −1 + + . (2.4)
F n1 RC1 RC2 n1 n2 RC1 RC2

Soit, dans le cas de rayons de courbure identiques RC1 = RC2 = RC :

  
1 n2 2 (n2 − n1 )2 d
= −1 + . (2.5)
F n1 RC n1 n2 RC 2
Cette distance focale caractérise la lentille, et permet de relier la distance S1 entre un
objet et la lentille à la distance S2 entre la lentille et l’image au moyen de la relation de
conjugaison de Descartes (les distances sont algébriques) :

1 1 1
− = (2.6)
S2 S1 F
Voyons maintenant comment nous pouvons construire une lentille hydroélastique.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
54 HYDROÉLASTIQUES

2.3.2 Lentilles hydroélastiques

Nous cherchons à construire une lentille hydroélastique convergente ; il s’agira donc d’une
différence d’épaisseur dans le film formant deux dioptres sphériques. Le plus simple expéri-
mentalement est de former une surépaisseur plutôt que d’extruder l’élastomère ; on produit
alors un indice localement plus bas. Pour réaliser une lentille convergente il nous faudra donc
utiliser une forme biconcave, comme illustré dans la figure 2.8(b). Notons qu’en optique les
lentilles convergentes ont une forme biconvexe, car nverre > nair . Par souci de simplicité, nous
étudierons toujours des lentilles présentant deux mêmes rayons de courbure RC1 = RC2 = RC .

Nous construisons six lentilles, de rayons de courbure respectifs 2.5 cm, 5 cm, 7.5 cm, 10
cm, 12.3 cm et 14.7 cm. Toutes sont réalisées dans un film de 500 µm d’épaisseur déposé
sur un film de 300 µm, de sorte que le rapport d’indice est le même que précédemment, et
vaut n1 /n2 = 1.93. Un exemple du champ d’onde obtenu avec la plus petite lentille pour une
fréquence de forçage de f = 75 Hz est présenté dans la figure 2.9. On superpose au champ
d’onde la forme de la lentille (traits pleins) ainsi que la position de son plan focal (traits
pointillés). Le point source à gauche de la lentille émet une onde circulaire qui se propage à
travers la surépaisseur, est déviée et se focalise ensuite derrière la lentille.

Pour déterminer la distance focale F de chaque lentille avec la relation de Descartes


(équation 2.6) nous avons besoin de connaı̂tre la distance S1 entre le point source et la
lentille, ainsi que la distance S2 entre la lentille et le point focal. La distance S1 étant fixée
par l’expérimentateur, il nous reste à mesurer la distance S2 entre le point source et le point

Figure 2.9 – Champ d’onde obtenu à 75 Hz avec une lentille de rayons de courbure RC = 2.5 cm.
La position et la forme de la lentille sont représentées en traits plein ; la ligne en pointillés correspond
au plan focal image de la lentille.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 55

focal 3 . Pour ce faire nous mesurons l’amplitude de l’onde le long de l’axe optique : elle est
maximale au niveau du plan focal (symbolisé par le trait en pointillés dans la figure 2.9).
Connaissant ces deux grandeurs, nous pouvons calculer la distance focale de chacune des
lentilles (équation 2.6).

Nous représentons dans la figure 2.10(a) la distance focale F mesurée pour les six lentilles
en fonction de leur rayon de courbure RC . Nous reportons les résultats obtenus à cinq fré-
quences différentes (50 Hz, 75 Hz, 100 Hz, 125 Hz et 150 Hz). Nous constatons que pour un
rayon de courbure donné, tous les symboles se superposent, autrement dit la distance focale
ne dépend pas de la fréquence. Ce résultat est attendu puisque le rapport d’indices ne dépend
pas de la fréquence.

Nous pouvons en outre prédire la distance focale théorique grâce à l’équation des lentilles
(équation 2.4). Nous représentons cette prédiction sur la figure 2.10(a), en traits pleins. Pour
une lentille mince, d  RC1,2 , le dernier terme de l’équation 2.4 peut être négligé, ce qui donne
la prédiction en tirets. Quelle que soit l’équation considérée, les résultats expérimentaux sont
parfaitement prédits et on retrouve la loi linéaire attendue : F = R2C n2n−n 1
1
.

À ce point, il est important de rappeler qu’au début de cette partie nous avions utilisé
l’approximation de Gauss (rayons paraxiaux) pour trouver l’expression de la longueur focale
F. En regardant la figure 2.9 il apparaı̂t d’emblée que cette approximation n’est pas vérifiée :
l’angle d’incidence des rayons extérieurs est de près de 45◦ . Ceci tient au fait que la taille
de la lentille L est comparable au rayon de courbure RC (elle vaut en fait précisément le
double : L = 2RC ). Pour les expériences avec les lentilles les plus grandes, la taille L est
inférieure à 2RC , ce qui fait que les fronts d’onde sont moins courbés à l’incidence avec la
lentille. Malgré ces manquements aux hypothèses de départ, qui font de l’optique géométrique
un piètre modèle a priori, la prédiction obtenue est tout à fait satisfaisante.

2.3.3 Tache focale

Nous pouvons nous intéresser plus précisément à la focalisation par la lentille, en étudiant
la structure spatiale de l’onde au point focal. Nous mesurons l’intensité de l’onde (le carré de
son amplitude) en fonction de la distance y (c’est-à-dire selon la ligne en pointillés de la figure
2.9). Nous représentons ce profil (normalisé par sa valeur maximale) dans la figure 2.10(b).
Nous observons sur ce profil la présence de pics secondaires qui sont caractéristiques des effets
ondulatoires. En effet, une onde, quelle que soit sa nature, est diffractée par tout objet de
taille finie qu’elle rencontre. Le résultat de notre expérience de focalisation n’est donc pas un
point focal mais une tache focale appelée tache d’Airy [63].
3. Le choix de la distance S1 correspond à un montage dit “montage à 4f”; il permet d’avoir la distance
la plus courte entre le point source et le point focal, ce qui facilite grandement l’analyse des champs d’onde
expérimentaux. Ce montage consiste à placer un point source sur l’axe optique à une distance 2F de la lentille ;
d’après la relation de conjugaison de Descartes, le point image obtenu est à distance 2F de la lentille. Nous
utilisons la valeur théorique de F (équation 2.4) pour placer le point source.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
56 HYDROÉLASTIQUES

Figure 2.10 – (a) Distance focale F en fonction du rayon de courbure RC pour 6 lentilles et 5
fréquences : 50 Hz (carrés), 75 Hz (losanges), 100 Hz (triangles hauts), 125 Hz (triangles bas) et 150
Hz (cercles). Prédiction théorique pour une lentille épaisse (trait plein) et pour une lentille mince
(tirets). (b) Intensité de la tache focale dans la direction transverse pour la lentille montrée dans la
figure 2.9.

La largeur à mi-hauteur de cette tache focale dépend de la longueur d’onde λ et du nombre


d’ouverture N de notre système. Le nombre d’ouverture dépend de la distance focale F du
système optique considéré et de la taille du diaphragme traversé. Dans notre cas il n’y a
pas de diaphragme à proprement parler, mais la lentille présente une taille donnée L qui
agit comme tel. Ainsi, le nombre d’ouverture de notre système s’écrit N = F/L, et vaut 0.53
(pour la lentille de la figure 2.9). La largeur à mi-hauteur (FWHM) de la tache focale obtenue
s’exprime

lF W HM = 1.029λN.

La largeur à mi-hauteur théorique est de 0.55λ, tandis que l’expérience donne lF W HM =


0.64λ. Nous obtenons donc un résultat en bon accord avec l’expression théorique.

2.4 Contrôle sub-longueur d’onde

Les réalisations expérimentales que nous avons montrées jusqu’à présent tirent profit du
contraste d’indice créé par un changement d’épaisseur. Ce que nous avons fait s’apparente
en quelque sorte à l’optique géométrique rapportée aux ondes à la surface de l’eau. Pour
montrer que les ondes hydroélastiques permettent également de concevoir des analogues à
des avancées bien plus récentes en optique ondulatoire, nous chercherons dans cette dernière
partie à réaliser un contrôle sub-longueur d’onde des ondes hydroélastiques.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 57

Figure 2.11 – (a) Observation expérimentale d’une caustique dans un cylindre de verre de rayon
7.5 mm, illuminé avec une longueur d’onde 632 nm. (b) Simulation Finite-Difference Time-Domain
(FDTD) d’un cylindre diélectrique de diamètre 5 µm et d’indice optique n = 1.7 dans le vide. La lon-
gueur d’onde vaut ici λ = 500 nm. Image tirée de [64]. (c) Expérience de nanojet avec une microsphère
de latex de 5 µm et d’indice optique 1.6. La longueur d’onde vaut 520 nm.

Découverts il y a une vingtaine d’année, les nanojets sont un phénomène optique corres-
pondant à la focalisation sub-longueur d’onde par une microstructure diélectrique (d’indice de
réfraction élevé) dans un milieu d’indice faible (typiquement l’air ou le vide). Ces structures
peuvent être cylindriques [64], sphériques [65] ou même carrées [66].

État de l’art

L’optique géométrique permet de reconstruire le trajet de rayons lumineux dans un cy-


lindre d’indice plus élevé que le milieu extérieur [67]. On peut montrer que dans certains cas
il se forme une ou plusieurs caustiques à l’intérieur ou à l’extérieur d’un cylindre [67], comme
représenté sur la figure 2.11(a) (dans cette expérience, tirée d’un article de 1997, le cylindre
est en plexiglas). En d’autres termes, tous les rayons lumineux convergent en un ou plusieurs
points, ce qui forme une singularité.

En résolvant numériquement les équations de Maxwell dans un cylindre diélectrique, Chen


et al. [64] ont montré en 2004 qu’en illuminant des microcylindres diélectriques avec une onde
plane on pouvait obtenir à l’extérieur du diélectrique des formes très particulières, qu’ils ont
baptisées nanojets photoniques. Ces structures, montrées dans la figure 2.11(b), présentent
la particularité d’avoir une largeur typique inférieure à la limite de diffraction, tout en se
propageant sur plusieurs longueurs d’onde sans atténuation et sans diverger. En 2010, des
calculs similaires résolus dans le cadre de la théorie de Mie donnent des résultats tout aussi
convaincants, mais en simulant cette fois-ci une gouttelette d’eau et non un cylindre [65].

La première observation expérimentale d’un nanojet optique est rapportée en 2008 par
Ferrand et al. [68], qui utilisent des microsphères de latex de 5 µm de diamètre pour focaliser
une onde plane de longueur d’onde 520 nm. Leurs expériences permettent de voir l’intensité
lumineuse dans la sphère et à l’extérieur, et mettent en évidence l’existence d’un nanojet,
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
58 HYDROÉLASTIQUES

Figure 2.12 – (a) Schéma de principe montrant le disque d’épaisseur e2 et le sens de propagation de
l’onde. (b) Champ d’intensité d’une onde plane se propageant à fréquence 150Hz à travers un disque
de rayon d. Sa position est symbolisée par la ligne noire hachurée. L’épaisseur de la membrane vaut
300 µm à l’intérieur du disque, et 800 µm en dehors. (c) Profil d’intensité le long de la ligne rouge
hachurée. La ligne entre les points sert juste de guide ici.

montré dans la figure 2.11(c). À son point d’intensité maximale la largeur à mi-hauteur du
nanojet est bien inférieure à la longueur d’onde.

Si de nombreuses références dans la littérature portent sur les nanojets [69], il n’existe pas
à l’heure actuelle d’explication claire du phénomène. Nous pouvons cependant dégager des
différentes publications les ingrédients nécessaires à l’obtention d’un nanojet. Il faut utiliser
un cylindre ou une sphère d’indice élevé (comparé à l’indice du milieu extérieur) et y faire se
propager une onde plane monochromatique. La taille de l’objet a une importance cruciale :
si la sphère est trop grande, nous exciterons surtout les résonances de ce résonateur de Mie,
appelées Whispering Gallery Modes [70,71]. Ces modes, localisées à la périphérie de la sphère,
sont piégés par réflexion totale interne à l’interface 4 .

Nanojet hydroélastique

Nous adaptons le concept de microsphère diélectrique à une membrane flottante afin de


réaliser une expérience de nanojet avec les ondes hydroélastiques. En créant localement dans
une membrane une zone d’épaisseur plus faible nous obtenons un indice plus élevé. Cette zone
a la forme d’un disque de diamètre 32 mm et est illustrée dans la figure 2.12(a) ; l’épaisseur
vaut 300 µm dans le disque, et 800 µm à l’extérieur. Nous excitons ce système avec une
onde plane se propageant à 150 Hz, de manière à reproduire approximativement les rapports
d’aspects λ/d de la littérature. Le champ d’onde obtenu avec ce système est présenté dans la
figure 2.12(b) ; l’onde se propage de la gauche vers la droite, et nous avons filtré à la fréquence
de forçage par transformée de Fourier. Le cercle en tirets représente la position du disque de
4. Malgré plusieurs tentatives, les expériences visant à réaliser des Whispering Gallery Modes hydroélas-
tiques ce sont avérées infructueuses jusqu’à présent.
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
HYDROÉLASTIQUES 59

faible épaisseur. À l’intérieur du disque, où la membrane est plus fine, la longueur d’onde vaut
λ2 =1.0 cm, et λ1 = 1.8 cm en-dehors. Lorsqu’elle traverse le disque, l’onde est réfractée :
les fronts d’onde se courbent. L’onde se focalise ensuite du coté opposé au point d’incidence,
dans le milieu d’indice plus faible. Nous constatons que c’est à ce point de focalisation que
l’intensité de l’onde est la plus élevée. La tache focale n’est pas très étendue dans la direction
x, mais des formes similaires ont été observées pour des nanojets en optique [64, 68]. Nous
représentons dans la figure 2.12(c) l’intensité de l’onde dans la direction y (transverse à celle
de la propagation). Nous constatons que le signal est très piqué, le pic obtenu présente une
largeur à mi-hauteur de 0.33λ, qui est inférieure à la limite de diffraction de 0.5λ.

Nous avons donc réussi à focaliser l’onde au delà de la limite de diffraction, ce qui confirme
que nous avons reproduit le phénomène des nanojets pour les ondes hydroélastiques.

2.5 Conclusion

Nous avons présenté dans ce chapitre différents résultats expérimentaux sur les ondes
hydroélastiques. Nous avons dans un premier temps mesuré la relation de dispersion, parfai-
tement décrite par l’expression théorique 1.9 du chapitre 1. Nous avons défini un indice de
réfraction effectif, que nous avons utilisé de la même manière qu’un indice optique pour les
ondes lumineuses ; nous avons ainsi pu revisiter l’optique géométrique dans notre système.
Ce dernier permet d’observer et de contrôler la propagation des ondes avec une très grande
précision, à la fois en temps et en espace. Nous avons pu par exemple mesurer la décroissance
exponentielle d’une onde évanescente ou observer les ondes à l’intérieur d’une lentille.

Ces premières réalisations présentent un intérêt scientifique fondamental, elles nous per-
mettent de comprendre le comportement des ondes hydroélastiques dans différents milieux.
C’est en quelque sorte l’étape essentielle dans l’étude d’une onde, et nous servira de base pour
les chapitres qui suivent. Au-delà de cet aspect, il est possible d’envisager les résultats de ce
chapitre d’une autre manière, et de les valoriser pour des applications concrètes utilisant les
ondes hydroélastiques. La possibilité de focaliser, dévier et réfléchir ces ondes nous a semblé
être une perspective tout à fait intéressante pour le domaine des énergies marines. Ainsi,
pouvoir focaliser les ondes océaniques (énergie houlomotrice) en un point y rendrait toute
récupération d’énergie beaucoup plus efficace que si l’énergie était récupérée directement. En
discutant avec divers acteurs du milieu de l’énergie marine, nous nous sommes également
rendus compte que réfléchir les vagues était un problème encore plus intéressant, par exemple
pour la protection des côtes mais aussi pour la stabilité des infrastructures marines et pour
leur installation. Nous avons donc fait appel à une Société d’Accélération de Transfert Tech-
nologique (la SATT LUTECH), avec qui nous avons pu lancer un projet de maturation du
CHAPITRE 2. CONTRÔLE SPATIAL : RÉFRACTION ET FOCALISATION D’ONDES
60 HYDROÉLASTIQUES

projet, en collaboration avec l’IFREMER. Ce projet commencera par des expériences dans
un des bassins d’essai de l’IFREMER (20 m × 50 m), afin de valider les concepts physiques
à échelle intermédiaire. Si cette première étape est un succès, nous pourrons envisager à plus
long terme des essais en mer.

Dans toute la première partie de ce chapitre, nous n’avons considéré que des applications
basées sur la réfraction et sur la théorie de l’optique géométrique, qui considère que l’on peut
décrire les ondes optiques au moyen de rayons lumineux. Cette approche date de plus de 3
siècles : Ibn Sahl étudie les lentilles à la cour de Bagdad vers 984 [72], Snell et Descartes la
re-découvrent au début du XVIIème siècle, et la première lentille optique connue à ce jour,
la lentille de Nimrud, leur est même antérieure (elle a été datée a 800 ans avant notre ère).
Cette théorie nous a permis de concevoir des expériences tout à fait pertinentes, et permettra
peut-être des applications concrètes des ondes hydroélastiques. Les ondes hydroélastiques
sont toutefois suffisamment versatiles pour qu’il soit possible d’envisager des analogies tout
aussi fortes avec des découvertes bien plus récentes. Ainsi, nous avons réussi à reproduire la
focalisation sub-longueur d’onde d’une vague hydroélastique sous la forme d’un nanojet. Cette
focalisation particulière a été découverte il y a moins de 20 ans. Nous allons nous intéresser
dans le chapitre suivant à des découvertes tout aussi récentes en physique des ondes, qui
tirent parti des possibilités fournies par les milieux structurés.
61
Chapitre 3

Cristaux artificiels et cristaux de


résonateurs

Nous avons vu dans le chapitre précédent que nous pouvions structurer une membrane
flottante afin de contrôler la propagation d’ondes hydroélastiques. Nous nous proposons dans
ce chapitre d’utiliser des structures périodiques afin de manipuler les ondes de manière encore
plus poussée.

Les milieux périodiques existant dans la nature présentent parfois des couleurs étonnantes.
Les ailes d’un papillon, la nacre d’un coquillage ou encore les plumes de certains oiseaux sont
autant d’exemples facilement observables d’iridescence : leur couleur varie selon l’angle sous
lequel on les regarde. Cette propriété remarquable est due au fait qu’ils présentent tous
un arrangement complexe mais régulier à l’échelle sub-micrométrique. Certaines longueurs
d’ondes sont complètement réfléchies par l’objet du fait de la périodicité de ces structures, et
c’est cette longueur d’onde qui donne la couleur observée. En modifiant un milieu à l’échelle
de la longueur d’onde il est donc possible de créer de nouvelles propriétés qui permettent de
contrôler très finement la propagation des ondes, comme par exemple créer un objet iridescent.

Un cristal photonique est l’équivalent artificiel de ces exemples naturels : il s’agit d’un
matériau dont l’indice optique varie spatialement à l’échelle de la longueur d’onde. Fabriquer
de telles structures à l’échelle nanométrique permet de retrouver certaines des propriétés
des cristaux de la nature [73, 74]. Leurs multiples applications en optique, par exemple pour
fabriquer des guides d’ondes [75] ou des cavités laser [76], en font un sujet d’étude très en
vogue à l’heure actuelle.

Ces objets ne se limitent pas à l’optique, et des structures similaires existent pour les
ondes acoustiques ; on parle alors de cristal phononique [77]. C’est la densité ou la rigidité du
matériau qui est modulée à l’échelle de la longueur d’onde considérée, au moyen par exemple
d’inserts rigides dans un matériau plus mou. On peut alors obtenir des propriétés effectives

62
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 63

similaires, c’est-à-dire des fréquences qui ne peuvent pas se propager dans le matériau ainsi
construit.

De la même manière, il est possible de réaliser un cristal artificiel pour contrôler les ondes
se propageant à la surface d’un bain liquide. Pour réaliser un contraste d’indice la solution
communément adoptée consiste à modifier localement la bathymétrie du fluide. Ainsi, en
plaçant une série de piliers immergés arrangés régulièrement dans l’espace, il est possible
d’observer une réflexion quasi totale de certaines longueurs d’onde [9, 10, 78], ou encore de
focaliser les ondes au moyen d’une lentille constituée de piliers [11, 79].

Il existe un autre type de matériaux permettant d’obtenir des propriétés effectives inédites
pour des ondes, appelés métamatériaux [77]. Leurs propriétés proviennent cette fois d’effets
de résonance de chacun de leurs composants, lesquels ont des échelles bien plus petites que la
longueur d’onde considérée. Les propriétés macroscopiques d’un tel ensemble de résonateurs
peuvent prendre des valeurs très particulières, telles que des indices ou des densités effectives
négatives. Si les objets résonants sont arrangés régulièrement dans l’espace, il est possible
d’associer au métamatériau des effets cristallins [80–82]. Nous tenterons dans ce chapitre de
mettre en évidence ces deux effets, au travers d’expériences sur des milieux composés d’objets
régulièrement disposés dans l’espace et/ou résonants.

Nous introduirons dans un premier temps les outils nécessaires à l’étude des cristaux au
travers d’exemples simples de cristaux uni- et bi-dimensionnels modèles. Nous réaliserons
ensuite un premier cristal artificiel pour les ondes hydroélastiques, composé de piliers collés
sur la membrane flottante, et dont nous analyserons le comportement. Il nous permettra de
mettre en évidence les phénomènes cristallins les plus importants, que nous retrouverons tout
au long du chapitre.

Nous présenterons ensuite un exemple de résonateur pour les ondes hydroélastiques : une
cavité circulaire découpée dans la membrane. Nous étudierons cet exemple expérimentale-
ment, et nous confronterons les résultats obtenus à la théorie, que nous détaillerons.

Puis nous introduirons un modèle analytique pour expliquer le comportement d’un ré-
sonateur ponctuel et générique, dont nous considérerons ensuite un arrangement régulier,
de manière à créer un cristal artificiel. Nous réaliserons ensuite plusieurs cristaux artificiels
hydroélastiques composés de perforations dans une membrane. Pour chacun des cristaux
nous étudierons en détail la propagation des ondes, en mettant en évidence des fréquences
interdites mentionnées précédemment, des phénomènes de réfraction négative ou encore de
discrétisation des modes de propagation.
64 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.1 – (a) Miroir de Bragg, constitué d’un empilement régulier de couches d’indices n1 et n2 .
(b) Relation de dispersion obtenue pour un miroir de Bragg.

3.1 Milieux structurés périodiquement

3.1.1 À une dimension : le miroir de Bragg

Nous commençons cette partie avec un matériau structuré périodiquement dans une seule
dimension. Il s’agit de l’empilement de couches de matériaux diélectriques d’épaisseurs e1 et e2
et d’indices n1 et n2 , appelé miroir de Bragg (figure 3.1(a)). La première explication du fonc-
tionnement de ce système est due à Lord Rayleigh [83], qui a considéré le déphasage de l’onde
lorsqu’elle traverse chaque couche. C’est l’approche adoptée en général pour comprendre la
propagation d’une onde dans un tel milieu. Pour une longueur d’onde λ = 2m(e1 +e2 ) = 2ma,
où m est un entier, ce déphasage vaut π. Dans ce cas les ondes ayant subi une ou plusieurs
réflexions sur les couches d’épaisseur a interfèrent destructivement avec l’onde directe, et
aucune onde n’est transmise, l’intégralité de l’intensité reçue est réfléchie (en l’absence de
dissipation). C’est la condition de Bragg. En d’autres termes, à la fréquence correspondante
c
f0 = 2a aucune onde ne se propage dans le matériau, excepté une onde évanescente au niveau
des premières couches. Ceci constitue donc un miroir parfait pour les ondes à cette fréquence.

Une autre approche consiste à utiliser le formalisme de Bloch pour trouver l’expression
de la relation de dispersion [84]. L’empilement présentant une invariance par translation
d’une distance a selon l’axe de propagation, la solution des équations d’ondes doit vérifier
le théorème de Bloch [85] ; la solution trouvée est une onde plane ejkx x (solution en milieu
homogène) modulée par une enveloppe ukx respectant la périodicité du réseau, de sorte que
ukx (x + ma) = ukx (x). Comme ukx est une fonction périodique dans l’espace réel, sa transfor-
mée de Fourier est également périodique, de sorte qu’il n’existe plus un unique nombre d’onde
solution des équations de propagation, mais une multitude. En d’autres termes une onde de
Bloch est la superposition d’ondes planes dont les nombres d’ondes respectent la périodicité
du réseau réciproque. À une dimension, cela signifie que les fréquences ω(kx ) et ω(kx + m 2π
a )
sont égales. En se limitant à la partie de la relation de dispersion comprise entre k = −π/a
et k = π/a nous obtenons donc toute l’information, le reste du spectre étant redondant.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 65

Figure 3.2 – (a) Cristal carré de paramètre a. (b) Cristal réciproque, où l’on dénote la maille
irréductible ΓXM et la première zone de Brillouin (zone grisée). (c) Isofréquences attendues pour un
cristal carré. La fréquence augmente de gauche à droite. Pour le spectre le plus à droite la propagation
est interdite dans la direction x et dans la direction y, à cause de la bande interdite de Bragg.

Cette partie s’appelle la première zone de Brillouin, et l’on montre souvent les relations de
dispersion tronquées sur cette portion du spectre. Nous représentons dans la figure 3.1(b)
l’allure de la relation de dispersion obtenue pour un miroir de Bragg ; en physique du solide,
on appelle cette représentation la structure de bande du matériau. La zone ombrée en bleu
représente la première zone de Brillouin, où l’on observe deux branches, séparées par une
zone sans solution réelle, appelée bande interdite. En optique, sa largeur dépend du rapport
des indices n 1
n2 [84]. La très grande réflectivité du miroir de Bragg autour de la fréquence f0
se comprend alors en constatant qu’à ces fréquences il n’existe aucune solution propagative
aux équations d’ondes. Comme elles ne peuvent pas se propager dans le cristal, les ondes sont
réfléchies, d’où l’appellation de miroir.

3.1.2 À deux dimensions : le cristal carré

Réseau réciproque

Nous représentons dans la figure 3.2(a) un exemple de cristal bidimensionnel carré. L’ob-
jet placé au centre de chaque maille élémentaire (ici colorée en gris) peut être par exemple
un atome, ou un objet diffusant ou résonant. La longueur a désigne le paramètre de maille
du réseau, soit la longueur du côté du carré. Nous reportons dans la figure 3.2(b) le réseau
réciproque du cristal. Il s’agit également d’un réseau carré, de paramètre 2π/a. La première
zone de Brillouin est obtenue en traçant les médiatrices avec les plus proches voisins du point
66 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

choisi comme origine (lignes en tirets), nous obtenons alors une première zone de Brillouin
carrée (ombrée de gris) de côté 2π/a. On trouve souvent dans la littérature les points parti-
culiers Γ, X et M , qui définissent la maille irréductible du réseau réciproque. Les directions
ΓX et ΓM correspondent en fait aux directions principales du réseau. Les coordonnées de ces
points dans l’espace (kx , ky ) sont :

! ! !
π
0 a π/a
Γ= ,X = ,M = (3.1)
0 0 π/a

Du fait des symétries du cristal, toute l’information est contenue dans cette maille ir-
réductible ΓXM (si l’élément de base possède les mêmes symétries que le cristal). Il suffit
en effet de la recopier plusieurs fois pour obtenir l’ensemble de l’information contenue dans
l’espace des k. Il est d’usage de représenter les relations de dispersion dans l’espace (k, ω), où
k parcourt le bord de la maille irréductible Γ → X → M . On ne représente qu’une partie de
l’information mais il a été montré que ces points délimitaient les bandes propagatives [84].
On peut de cette manière représenter à l’aide d’une courbe en deux dimensions l’information
tridimensionnelle.

Approche géométrique : isofréquences

Nous pouvons comprendre qualitativement les mécanismes mis en jeu lors de la propaga-
tion d’onde dans un cristal carré en utilisant les isofréquences (ou surface des lenteurs). Si
nous représentons le spectre spatial d’une onde se propageant à une fréquence donnée ω dans
un milieu homogène isotrope, nous obtenons un cercle de rayon k satisfaisant la relation de
dispersion ω(k) (nous l’avions mentionné dans la partie 1.4, figure 1.9(c)). Si maintenant le
milieu est périodique, la solution est une onde de Bloch, périodique dans l’espace des k. Ce
cercle est donc répété avec la géométrie du motif : si le motif est carré de période a, quatre
cercles apparaissent dans le diagramme d’isofréquence à une distance 2π/a autour du centre.
On dit que le spectre est replié. Nous représentons schématiquement cette construction dans
la figure 3.2(c), où nous représentons seulement 5 cercles ; il y en a en réalité une infinité pour
un cristal infini. Plus la fréquence augmente, plus le rayon des cercles augmente, jusqu’au
moment où leur rayon atteint π/a. À ce moment deux ondes contrapropagatives de nombre
d’onde k = π/a interfèrent destructivement dans la direction kx : la propagation dans le
cristal est impossible, une bande interdite s’ouvre. Il est important de comprendre que cette
bande ne s’ouvre que pour une direction : dans la direction x + y par exemple, à 45◦ , des
ondes peuvent se propager dans le milieu. On dit que la bande interdite s’ouvre au bord de
la première zone de Brillouin (ici de forme carrée, représentée en pointillés rouges).

Les cristaux ont donc des propriétés particulières, liées à leur structure. Comment pouvons-
nous observer ces phénomènes avec les ondes hydroélastiques ? Il faut pour cela structurer pé-
riodiquement la membrane, au moyen d’objets susceptibles de ré-émettre une onde incidente.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 67

Nous cherchons donc un diffuseur de taille inférieure à la longueur d’onde (ici centimétrique),
que nous pourrons placer sur la membrane flottante.

3.2 Cristal artificiel de piliers

3.2.1 Cristal carré de cylindres

La première expérience que nous avons réalisée est de coller sur la membrane des cy-
lindres découpés dans du polymère assez épais. La différence d’épaisseur produit un contraste
d’indice, lequel devrait permettre d’obtenir la réflexion (partielle) des ondes. L’élastomère
est le même que celui constituant la plaque, l’auto-adhésion assure donc le contact. Nous
choisissons des cylindres de diamètre 4 mm et de hauteur 1 mm, que nous plaçons selon un
motif carré sur une membrane de 300 µm. Nous savons que la première zone de Brillouin
est comprise entre kF BZ = −π/a et kF BZ = π/a. Connaissant également la relation de dis-
persion des ondes hydroélastiques, nous savons que dans qle régime de flexion la fréquence f
correspondant à ces nombres d’onde vaut ω = 2πf = D/ρkF5 BZ . Pour que le bord de la
première zone de Brillouin tombe vers 30 Hz il faut donc un espacement centimétrique entre
les cylindres. Nous fixons la distance entre les plots à 1 cm (voir cliché de la figure 3.3(a)), et
nous en plaçons 10 × 20, que nous avons découpés et placés à la main.

Nous envoyons une onde plane à travers le cristal selon une de ses directions principales
(x, voir schéma 3.3(b)), et nous mesurons le champ d’onde à l’intérieur de celui-ci. Nous
utilisons pour cela la méthode de Schlieren Synthetique présentée dans la partie 1.3.2. Nous
réalisons des balayages en fréquence entre 20 Hz et 150 Hz, que nous filtrons ensuite au moyen
de plusieurs FFT. Nous isolons ainsi pour chaque fréquence de forçage le spectre spatial de
l’onde se propageant à l’intérieur du cristal.

Nous représentons dans un premier temps l’amplitude de l’onde en fonction de la fréquence


dans la figure 3.3(c). Nous observons un signal assez bruité où nous devinons une très légère
chute de l’amplitude vers 30 Hz (flèche rouge). Pour confirmer l’origine de cette baisse de
l’amplitude, nous reconstruisons la relation de dispersion. Pour ce faire nous ne conservons
que les nombres d’onde selon la direction x dans les spectres spatiaux obtenus pour chaque
fréquence. La carte de relation de dispersion ainsi mesurée est montrée dans la figure 3.3(d).
Nous lui superposons la relation de dispersion théorique en milieu homogène (courbe rouge
en tirets) calculée à l’aide de l’équation 1.9. Nous ajoutons également la même relation de
dispersion repliée avec la symétrie du réseau, c’est à dire symétrisée par rapport au nombre
d’onde 2π/a. La relation de dispersion théorique ainsi repliée décrit très bien nos données, et
nous observons sur la relation de dispersion expérimentale le croisement des deux branches
correspondant au bord de la première zone de Brillouin. Ceci signifie que l’onde incidente est
diffusée par chacun des cylindres, produisant la structure de bande d’un matériau cristallisé
68 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.3 – (a) Cliché d’un cristal carré composé de plots d’élastomère déposé à la surface de la
membrane. La barre d’échelle représente 5 cm. (b) Schéma de l’expérience, montrant la membrane
flottante et les plots. (c) Amplitude mesurée dans le cristal en fonction de la fréquence de forçage. (d)
Relation de dispersion mesurée dans une des directions principales (x). L’information est représentée
en niveau de gris et en échelle log. Courbe en rouge (tirets) : relation de dispersion théorique, repliée
avec la symétrie du réseau à k = 2π/a

avec notamment la présence de la périodicité dans l’espace réciproque. La présence d’une


bande interdite reste toutefois difficilement détectable.

En effet, la bande interdite de Bragg est très étroite et la chute d’amplitude très peu mar-
quée. Ceci indique que les plots interagissent très peu avec l’onde incidente. Pour construire
un cristal plus “efficace” il nous faut donc trouver un objet capable de mieux diffuser une
onde hydroélastique incidente. Parmi toutes les possibilités envisagées, nous avons opté pour
des perforations circulaires dans la membrane, laissant apparaı̂tre la surface libre de l’eau.
Nous nous sommes rapidement rendus compte que la particularité de cet objet est qu’il s’agit
en fait d’une cavité circulaire présentant plusieurs modes propres, c’est-à-dire que pour cer-
taines fréquences l’amplitude de l’onde à l’intérieur du trou est très élevée ; il s’agit d’un
phénomène de résonance. Avant de présenter les résultats obtenus avec ces perforations, nous
allons calculer les modes propres d’une cavité circulaire, et détailler comment nous obtenons
les valeurs des fréquences propres pour notre système. Nous leur comparerons ensuite les
résultats expérimentaux obtenus pour un résonateur unique.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 69

3.3 Modes propres d’un cavité circulaire

3.3.1 Calcul théorique des modes propres

Cas général

Considérons une cavité circulaire de rayon R dans laquelle une onde peut se propager. On
appelle u(r, t) l’amplitude de cette onde (quelle que soit sa nature) et on note vϕ sa vitesse
de propagation ; u est régi par l’équation d’onde de d’Alembert (équation 1) :

∂2u
= vϕ2 ∆u.
∂t2

Dans le cas de murs rigides, les conditions de


 Dirichlet s’appliquentau bord, c’est-à-dire
2 1 ∂u 1 ∂2u
u = 0 1 . En coordonnées sphériques, on a ∆u = ∂∂ru2 + r ∂r + r2 ∂θ2
.

On résout cette équation en séparant les variables : on suppose une solution de la forme
u(r, θ, t) = u0 R(r)Θ(θ)T (t). L’équation devient alors :

1 T 00 (t) R00 (r) 1 R0 (r) 1 Θ00 (θ)


= + + = −k 2 .
vϕ 2 T (t) R(r) r R(r) r2 Θ(θ)

La première équation différentielle sur T (t) se résout immédiatement en :

T (t) = Aeivϕ kt .

La solution sera donc une fonction périodique du temps, de pulsation vϕ k. La deuxième


équation différentielle se résout en séparant les variables :

R00 (r) R0 (r) Θ00 (θ)


r2 +r + r2 k2 = − = m2 .
R(r) R(r) Θ(θ)

On obtient directement Θ(θ) = A1 cos mθ + B1 sin mθ. Θ doit être périodique de période
2π donc m doit être un entier.

Pour l’équation sur R on reconnait la forme canonique de l’équation différentielle de


Bessel :
1. Dans notre cas les conditions aux limites ne sont pas rigoureusement celles de Dirichlet, et nous revien-
drons sur les conséquences de cette approximation dans la partie 3.3.2.
70 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Mode 01 Mode 11 Mode 21

Figure 3.4 – Les trois premiers modes de la fonction de Bessel Jm pour m = 0, 1, 2.

R00 (r) R0 (r)


r2 +r + r2 k 2 = m2
R(r) R(r)
r2 R00 (kr) + rR0 (kr) + (k 2 r2 − m2 )R(kr) = 0,

dont la solution est une somme de fonctions de Bessel de première espèce Jm (kr) et de
deuxième espèce Ym (kr) :

R(r) = A2 Jm (kr) + B2 Ym (kr)

Les fonctions Ym divergent en r = 0, ce qui impose B2 = 0. Comme u(r = R) = 0 il


faut que r = R soit une racine de Jm . Ces racines sont notées αmn , de sorte que α01 est la
première racine de la fonction de Bessel J0 d’ordre 0, α22 la deuxième de J2 , etc... On a donc
kmn R = αmn , soit kmn = αmn /R.

Finalement :
α  vϕ αmn t
r . (A1 cos mθ + B1 sin mθ) .Aei R .
mn
u(r, θ, t) = A2 Jm (3.2)
R

vϕ αmn
Le résultat est donc une fonction de Bessel Jm qui oscille à la pulsation ω = vϕ kmn = R .
Les solutions pour m = 0 sont axisymétriques.

Les valeurs de αmn sont connues, et seront nécessaires pour prédire la fréquence propre
de la cavité. Les 9 premières sont consignées dans le tableau ci-dessous :

m=0 m=1 m=2


n=1 α01 = 2.40 α11 = 3.83 α21 = 5.14
n=2 α02 = 5.52 α12 = 7.02 α22 = 8.42
n=3 α03 = 8.65 α13 = 10.17 α23 = 11.62

Table 3.1 – Valeurs des 9 premières racines αmn de Jm


CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 71

Pour les ondes hydroélastiques

La cavité circulaire qui nous intéresse pour ce chapitre est une perforation dans une
membrane flottante. Celle-ci laisse apparaitre la surface de l’eau : le relation de dispersion
dans la cavité est donc celle des ondes gravito-capillaires. La longueur d’onde dans la cavité
vaut λmn = 2π/kmn = 2παmn /R. Connaissant cette valeur, on trouve ensuite la fréquence
d’oscillation en utilisant la relation de dispersion des ondes gravito-capillaires : ω 2 = σρ k 3 +gk.
On utilise une valeur approchée de σ ∼ 50 mN/m, qui correspond au fait que la surface de
l’eau est polluée. On consigne dans le tableau ci-après les fréquences obtenues pour différents
diamètres, en ne conservant que les trois premiers modes.

Mode 01 Mode 11 Mode 21


 = 2 mm 135 Hz 269 Hz 416 Hz
 = 4 mm 50 Hz 97 Hz 149 Hz
 = 5 mm 37 Hz 70 Hz 107 Hz
 = 7 mm 24 Hz 44 Hz 66 Hz
 = 10 mm 16 Hz 28 Hz 40 Hz

Table 3.2 – Valeurs des fréquences propres pour quelques diamètres de perforations.

3.3.2 Résultats expérimentaux sur une cavité circulaire unique

Pour vérifier expérimentalement ces prédictions théoriques nous réalisons des expériences
sur une perforation unique. Une onde plane est envoyée sur la perforation de diamètre 1 cm,
dans une membrane d’épaisseur e = 300 µm. Nous réalisons un balayage en fréquence pour
sonder la réponse spectrale de la cavité, et mettre en évidence les éventuelles résonances.

Nous représentons dans la figure 3.5(a) un exemple de champ de hauteur obtenu à f = 15


Hz. À cette fréquence, la longueur d’onde en dehors de la cavité vaut environ 2.7 cm. Comme
attendu, l’amplitude dans la cavité est plus importante qu’à l’extérieur (dans le film). Nous
mesurons l’amplitude dans la cavité, moyenée sur toute la surface de la perforation, que nous
traçons en fonction de la fréquence dans la figure 3.5(b). Le signal obtenu est assez bruité, et
aucun pic de résonance ne semble prédominer. Cependant, en regardant les champs obtenus
pour chaque fréquence nous pouvons isoler celles correspondant à un mode propre de la
cavité. Nous en trouvons 5, dénotées par une flèche dans la figure 3.5(b), et dont les champs
associés sont représentés dans la figure 3.5(c) (cadre du haut). Qualitativement, les champs
obtenus sont très proches des modes propres théoriques (cadre du bas de la même figure). Les
fréquences prédites sont satisfaisantes pour les premiers modes, mais sont surestimées pour
les suivants : environ 25 Hz de différence pour le mode (1,2) (le plus à droite). Ceci peut
s’expliquer de plusieurs manières :
72 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.5 – (a) Exemple de champ d’onde instantané, mesuré pour un forçage à 45 Hz, montrant
l’amplitude à l’intérieur de la cavité circulaire. (b) Spectre de l’amplitude mesurée dans la cavité.
Les flèches dénotent les pics correspondants aux champs montrés dans la figure (c). (c) Haut : modes
et fréquences propres d’une cavité circulaire, mesurés expérimentalement. Bas : modes et fréquences
propres théoriques pour les modes (m,n) = (0,1), (1,1), (2,1), (0,2) et (1,2), obtenus avec l’équation
3.2.

• La tension de surface de l’eau est un paramètre important pour prédire les fréquences
de résonance. Nous travaillons avec une surface libre très probablement polluée, sa tension
de surface est donc susceptible d’évoluer d’une expérience à l’autre. Notons cependant que la
différence entre la fréquence prédite pour σ = 50 mN/m et celle prédite pour la tension de
surface théorique σ = 72 mN/m est inférieure à 20% pour les modes considérés.

• Le calcul théorique ne prend pas en compte l’élasticité de la membrane. Le bord r = R


est déformé par le passage de l’onde, ce qui modifie la condition au bord. L’hypothèse de
conditions aux limites de Dirichlet faite précédemment n’est donc pas valide. Nous n’avons
pas adapté de calcul des modes de la cavité circulaire pour un milieu élastique.

• Le mouillage au niveau du bord de la perforation n’est pas pris en compte, on suppose


ici que la ligne de contact ne bouge pas au niveau de la membrane élastique. On observe en
réalité de nombreux points d’accroche sur le film : la ligne triple n’est pas toujours à la même
hauteur sur le bord du film.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 73

Figure 3.6 – Module |A(ω)| de la fonction de transfert (en bleu) et sa phase (en rouge).

Malgré cet écart observé pour la fréquence, nous pouvons raisonnablement prédire le
comportement des résonateurs que nous avons fabriqués. En jouant sur le diamètre des perfo-
rations nous contrôlons les fréquences propres de ces résonateurs. Nous allons donc à présent
étudier des cristaux de résonateurs, c’est-à-dire placer plusieurs centaines de perforations,
toujours percées à la main et régulièrement espacées sur une membrane flottante, et observer
leur influence sur la propagation des ondes.

Avant de présenter les résultats expérimentaux obtenus, il convient de décrire théorique-


ment le comportement d’un ensemble périodique de résonateurs. Pour ce faire, nous aurons
besoin dans un premier temps de comprendre l’interaction d’un résonateur unique avec une
onde. C’est donc ce que nous présentons dans les parties qui suivent.

3.4 Résonateur unique : approche analytique

Nous avons décrit dans ce qui précède le comportement d’une cavité circulaire en fonction
de la fréquence d’excitation. Pour comprendre plus précisément comment un tel objet est
susceptible d’interagir avec une onde incidente, il nous faut décrire analytiquement la réponse
d’un résonateur unique.

3.4.1 Réponse fréquentielle d’un résonateur ponctuel

À une dimension nous pouvons modéliser le comportement d’un résonateur ponctuel de


fréquence propre f0 = ω0 /2π au moyen de la fonction de transfert A [86, 87] :
74 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.7 – (a) Schéma de la résonance de Fano montrant l’onde incidente (en noir) interférant
avec l’onde rayonnée t par le résonateur (en bleu) pour donner l’onde transmise (en vert). Adapté
de [87, 88]. (b) Module |t(ω)| de l’onde rayonnée par le résonateur (en bleu) et sa phase (en rouge).
(c) Intensité de l’onde transmise en champ lointain.

2jω/c
A(ω) = , (3.3)
1 + 2jQ(1 − ω/ω0 )

où c est la vitesse des ondes 2 et Q est le facteur de qualité du résonateur, qui traduit
sa largeur spectrale (plus le résonateur présente un couplage fort avec l’onde incidente, plus
ce facteur de qualité est faible). Nous représentons le module |A(ω)| et la phase ϕA de cette
fonction dans la figure 3.6. Nous reconnaissons pour l’amplitude la forme d’une Lorentzienne,
courbe caractéristique des résonances, quel que soit leur type et l’onde considérée. La phase
ϕA présente un saut de π à la résonance, comportement encore une fois typique de la plupart
des phénomènes de résonance. Cette fonction A(ω) représente en fait la réponse fréquentielle
du résonateur : elle décrit l’amplitude et la phase de l’onde au niveau du résonateur lui-même.
Lorsque le résonateur est excité au moyen d’une onde incidente, un phénomène de résonance
apparaı̂t entre l’onde émise par le résonateur et l’onde incidente.

3.4.2 Résonance de Fano

La résonance de Fano est un phénomène d’interférence quantique entre un continuum


d’énergie et des états d’énergie discrets. Elle a été introduite par Ugo Fano en 1961 [89]
2. Dans le cas où les ondes sont dispersives (comme les ondes hydroélastiques), c dépend de la fréquence :
c = c(ω).
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 75

pour expliquer théoriquement l’asymétrie de pics d’absorption de gaz nobles. Nous pouvons
transposer ce phénomène à la physique classique dès lors que deux ondes cohérentes coexistent
[87,88,90], l’une étant délocalisée (par exemple pour une onde incidente) et l’autre fortement
localisée et correspondant à des niveaux d’énergies discrets (par exemple ré-émise par un
résonateur). Ceci n’est donc valable que si le résonateur présente des dimensions très petites
devant la longueur d’onde incidente.

Nous montrons dans la figure 3.7(a) un schéma illustrant ce phénomène : nous représentons
l’onde incidente (en noir) et l’onde t rayonnée par le résonateur ponctuel de fréquence f0 (en
bleu). Ces deux ondes interfèrent pour donner l’onde transmise T (en vert). L’onde t s’exprime
jc
en fonction de la réponse A du résonateur [86,87] t(ω) = 2ω A(ω). Nous traçons dans la figure
3.7(b) l’amplitude |t| et la phase ϕt de cette fonction. L’onde T transmise en champ lointain
s’exprime alors directement comme T = 1 + t, où le terme 1 représente l’onde incidente. Nous
représentons l’allure de l’amplitude |T | de cette onde dans la figure 3.7(c).

Avant la résonance, l’onde ré-émise t est en quadrature de phase de l’onde incidente


(ϕt = π/2), les interférences sont donc globalement constructives et la transmission vaut
pratiquement 1. C’est bien ce que nous observons à basse fréquence pour T . À la résonance la
phase ϕa de A vaut π/2, et le couplage avec l’onde incidente induit un déphasage de π/2, le
déphasage total vaut donc π. Les interférences deviennent donc destructives et le coefficient de
transmission chute. Après la résonance, l’amplitude de l’onde ré-émise |t| vaut pratiquement
0, l’amplitude de l’onde transmise T tend donc vers 1.

Plus qualitativement, nous pouvons considérer qu’à la résonance toute l’énergie incidente
est captée par le résonateur, au sein duquel l’amplitude de l’onde est très importante. En
conséquence, l’onde transmise est pratiquement nulle. Nous allons tirer parti de cet effet
majeur lié à la résonance en plaçant plusieurs résonateurs arrangés périodiquement dans
l’espace. Nous étudions donc dans la section qui suit une ligne de résonateurs.

3.5 Chaine 1D de résonateurs

3.5.1 Onde non dispersive et résonance simple

Considérons un arrangement régulier, unidimensionnel et infini de résonateurs ponctuels,


espacés d’une distance a. Il s’agit donc d’un cristal 1D de résonateurs. Nous pouvons définir
la cellule unité de cet arrangement comme une cellule de longueur a au centre de laquelle
nous plaçons un résonateur f0 . Nous représentons ce système dans la figure 3.8.
76 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

a
Figure 3.8 – Schéma représentant une chaı̂ne de résonateurs de fréquence f0 espacés d’une distance
a. On cherche à exprimer An , Bn , An+1 et Bn+1 en fonction de la matrice de transfert M .

Matrice de transfert

Pour comprendre le fonctionnement d’une maille unique nous pouvons utiliser le matrice
de transfert M permettant de passer de la maille n à la maille n + 1 (voir figure 3.8) :

! !
An+1 An
=M .
Bn+1 Bn

Nous pouvons exprimer M à partir de la matrice de transfert du résonateur seul M0 et


de deux matrices Pa/2 correspondant à la propagation de l’onde sans pertes sur une distance
a/2 :

M = Pa/2 × M0 × Pa/2 .

Les matrices Pa/2 introduisent un déphasage ωc a2 , où c = vϕ est la vitesse de propagation


des ondes :

ω a !
ej c 2 0
Pa/2 = ω a .
0 ej c2

La matrice M0 correspond elle à l’onde transmise par le résonateur, issue de l’interférence


entre l’onde rayonnée et l’onde incidente (que nous avons détaillée précédemment). Elle s’ex-
prime en fonction de R et T (respectivement R0 et T 0 ), les coefficients de transmission et de
réflexion du résonateur excité de la gauche vers la droite (respectivement de la droite vers la
gauche) dans le schéma représenté dans la figure 3.8. M0 est solution des deux équations :
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 77

! ! ! !
T 1 T0 1
= M0 et = M0 .
0 R 0 R0

Plusieurs contraintes nous permettent de résoudre ce système : M est hermitienne (car


les symétries par renversement du temps et par parité sont conservées, voir chapitre 4) et
|R|2 + |T |2 = 1 (par conservation de l’énergie). On peut alors montrer que

 
1 ∗
 T∗ −R
T∗ 
M0 =   
,
1
−R
T T

où “ * ” désigne le complexe conjugué. La matrice de transfert M s’écrit donc :

 
1 jωa
T∗e c − R∗
T∗ 
M =  
.
1 j ωc a
−R
T Te

Relation de dipsersion

La physique du solide nous enseigne que les solutions de propagation dans un milieu
périodique sont des ondes de Bloch, c’est à dire que An+1 = ejka An et Bn+1 = ejka Bn . Pour
trouver les nombres d’onde de Bloch k il faut donc résoudre det(M − ejka I) = 0. On obtient
alors la relation de dispersion suivante :

 
1 −j ω a
cos ka = Re e c . (3.4)
T

On voit dans cette équation que plusieurs effets interviennent : la résonance d’une part,
avec la réponse T du résonateur, et les effets de périodicité d’autre part, avec les termes
dépendant de a. On s’attend donc à retrouver des effets de type Bragg, liés aux interférences
entre les ondes incidentes et réfléchies, ainsi que des effets Fano liés à la résonance de chaque
objet. Pour obtenir la relation de dispersion dans l’espace (ω, k) il suffit alors de résoudre
cette équation, soit en utilisant l’expression analytique de T écrite précédemment (équation
3.3), soit en utilisant la réponse expérimentale ou simulée d’un résonateur unique.

Nous explorons les différents comportements possibles en combinant les équations 3.3
(résonateur seul) et 3.4 (chaı̂ne de résonateurs). Deux fréquences caractéristiques existent
78 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.9 – Structures de bande théoriques dans l’espace (ω, k) pour trois cas particuliers. (a)
ω0 < ωa (b) ω0 > ωa (c) ω0 ' ωa . La courbe en rouge représente la relation de dispersion en milieu
homogène.

pour notre système : la fréquence de résonance du résonateur unique ω0 , et la fréquence de


Bragg ωa = πc a due à la périodicité de la chaı̂ne. Si ω0 < ωa la structure de bande fera d’abord
apparaı̂tre les effets de résonance aux basses fréquences. Si ωa < ω0 , nous verrons d’abord des
effets de type Bragg, comme ceux observés pour une chaine masse-ressort ou pour les miroirs
de Bragg. Dans la figure 3.9 nous représentons trois structures de bandes obtenus en jouant
sur les paramètres ω0 et ωa . Dans les trois cas le facteur de qualité Q vaut 5, et nous prenons
volontairement une onde non dispersive par souci de simplicité (c = constante).

Cas ω0  ωa

Dans la figure de gauche (3.9(a)) nous représentons la structure de bande obtenue pour
ω0  ωa pour mettre en valeur les effets Fano. Nous constatons qu’il y a toute une gamme de
fréquence, représentée par la zone grisée, pour lesquelles il n’existe aucun nombre d’onde solu-
tion de l’équation 3.4. C’est la bande interdite due aux interférences de Fano destructives. Ces
bandes interdites sont communément appelées bandes interdites d’hybridation, puisqu’elles
résultent des interférences entre l’onde incidente et l’onde rayonnée par le résonateur.

Cas ω0  ωa

La figure du milieu (figure 3.9(b)) présente la structure de bande obtenue pour ω0  ωa .


Nous observons également des bandes interdites, autour de ωa et 2ωa , mais leur largeur spec-
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 79

trale est beaucoup plus réduite. Il s’agit des bandes interdites de Bragg, dues aux interférences
destructives entre l’onde incidente et les ondes réfléchies par chaque objet. On constate éga-
lement qu’à basse fréquence la courbe est très proche de la relation de dispersion dans un
milieu homogène.

Cas ω0 ∼ ωa

Dans la figure la plus à droite nous représentons une situation où ω0 < ωa = 1.5 ω0 .
Nous observons plusieurs bandes interdites, certaines dues aux interférences Fano (celle à
plus basse fréquence), les autres dues à des effets de type Bragg. Pour identifier la nature des
bandes interdites on peut d’une part considérer leur largeur spectrale, qui est plus importante
pour un gap d’hybridation. On peut également s’intéresser à la courbure des bandes. Pour
les courbes de part et d’autre du gap si leurs dérivées sont de même signe (elles “pointent”
W V
dans la même direction, schématiquement W ou V), il s’agit d’un gap d’hybridation. Dans le
W V
cas contraire ( V ou W), il s’agit d’un gap de Bragg. Nous pouvons ainsi déterminer le type

de chacune des bandes interdites. Nous sommes ici dans le cas où les fréquences de ces deux
types de bandes sont proches, ces effets peuvent même s’accumuler pour obtenir des bandes
interdites à la fois dues à Bragg et à l’hybridation [80].

Il existe plusieurs limitations à cette approche. La première est que nous faisons l’hypo-
thèse d’un résonateur ponctuel, qui peut être valide pour des résonateurs très petits devant
la longueur d’onde. Dans notre cas, nous verrons que les résonateurs seront petits devant la
longueur d’onde mais jamais quasi-ponctuels. La deuxième est que cette approche ne prend
pas en compte la dispersion (c est une constante) ni les multiples résonances possibles pour les
résonateurs. Dans la partie qui suit nous allons adapter les équations 3.3 et 3.4 pour prendre
en compte ces deux derniers aspects.

3.5.2 Onde dispersive et plusieurs fréquences de résonance

Nous avons jusqu’à présent considéré exclusivement des ondes non dispersives (c = c0 ) et
un résonateur ne présentant qu’une seule fréquence de résonance. Or nous avons montré dans
les chapitres 1 et 2 que les ondes hydroélastiques sont très dispersives. En outre, une cavité
circulaire présente plusieurs fréquences de résonance, liées aux zéros successifs de la fonction
de Bessel, comme nous l’avons détaillé dans la partie 3.3.1 de ce chapitre. Pour prendre en
compte ces deux effets, il faut adapter la description précédente. Pour cela nous pouvons
écrire la réponse t comme la somme des réponses de différents résonateurs uniques tω0 et tω1 ,
80 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

où ω0 et ω1 sont les fréquences de résonances successives d’une cavité donnée ; cette approche
est valide si nous pouvons négliger les effets interférentiels entre chaque résonance [86]. Notons
que cette expression de t reste une approximation car elle ne respecte pas rigoureusement le
théorème optique, c’est-à-dire la conservation d’énergie [86]. Nous avons alors :

T (ω) = 1 + tω0 (ω) + tω1 (ω) (3.5)

Nous illustrons la réponse A(ω) = Aω0 (ω) + Aω1 (ω) d’un tel résonateur dans la figure
3.10(a), pour laquelle nous avons choisi arbitrairement f0 = 50 Hz, f1 = 100 Hz et Q = 10.
En amplitude, nous observons deux réponses Lorentziennes successives aux fréquences f0 et
f1 . Nous représentons dans la figure 3.10(b) la réponse en champ lointain T , où nous observons
pour les deux fréquences de résonance une chute brutale de la transmission. Nous résolvons
ensuite l’équation 3.4 avec cette expression de T , en prenant pour c l’expression de la vitesse
des ondes hydroélastiques pour une membrane de 300 µm (voir chapitre 2) et un espacement
de 1 cm entre les résonateurs. La structure de bande obtenue est représentée dans la figure
W V
3.10(b). Nous y reconnaissons les bandes interdites de Bragg (de forme V ou W) autour de 30

Hz et 190 Hz : elles sont dues à la périodicité du cristal 1D que l’on considère. Deux autres
bandes interdites s’ouvrent autour de 50 Hz et 97 Hz, ce sont les bandes d’hybridation liées
W V
aux fréquences de résonance (de forme W ou V).

Nous sommes donc en mesure de prévoir qualitativement la forme des bandes de pro-
pagation dans un milieu périodique et résonant, que nous pourrons comparer aux résultats
expérimentaux.

3.6 Réalisation de cristaux hydroélastiques carrés

Nous nous intéressons maintenant à des cristaux artificiels hydroélastiques bidimension-


nels : les perforations que nous avons présentées dans la partie 3.3.2 sont placées selon un
motif régulier dans le plan. Nous réalisons dans un premier temps des expériences avec un
cristal carré.

3.6.1 Résultats expérimentaux

Nous réalisons plusieurs expériences sur des cristaux artificiels carrés. Pour les fabriquer
nous perforons une membrane élastique au moyen d’un emporte pièce circulaire, nous ob-
tenons un cristal artificiel schématiquement représenté sur la figure 3.11(a). Nous réalisons
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 81

Figure 3.10 – Réponse fréquentielle d’un résonateur présentant plusieurs résonances successives. On
prend ici f0 = 50 Hz et f1 = 97 Hz.

plusieurs centaines de perforations, de manière à obtenir un cristal d’une dizaine de centi-


mètres de coté. Nous envoyons une onde plane à travers le cristal selon une de ses directions
principales (x), et nous mesurons ensuite le champ d’onde à l’intérieur de celui-ci. Le cristal
que nous étudions est composé de perforations de diamètre 4 mm espacées de 1 cm. Nous
nous attendons donc à observer une bande interdite de Bragg autour de 30 Hz (voir partie
3.2.1) et les effets de résonance au-delà de 50 Hz (voir tableau 3.2).

Nous représentons dans la figure 3.11(b) un exemple de champ d’onde obtenu à 60 Hz pour
un cristal de 10 × 20 perforations, excité au moyen d’une onde quasi-plane. Nous observons
à l’extérieur du cristal une longueur d’onde assez courte (∼ 1.2 cm) se propageant de la
gauche vers la droite. Elle correspond à la relation de dispersion des ondes hydroélastiques en
milieu homogène. À l’intérieur du cristal plusieurs modes existent, et l’on observe notamment
une longueur d’onde environ quatre fois plus grande que la première, qui se propage vers la
gauche. Nous pouvons analyser à chaque fréquence l’amplitude des ondes dans le cristal et leur
spectre spatial. Nous présentons dans la figure 3.11(b) la réponse fréquentielle à l’intérieur du
cristal, c’est-à-dire l’amplitude des ondes en fonction de la fréquence de forçage, moyennée sur
l’ensemble du cristal. Nous remarquons plusieurs bandes interdites pour lesquelles l’amplitude
chute brutalement (dénotées par des flèches), autour de 22 Hz, 42 Hz, 70 Hz et 110 Hz.
Compte-tenu de la largeur spectrale réduite de la bande interdite à 22 Hz nous pouvons
82 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.11 – (a) Schéma de principe montrant les perforations circulaires arrangées selon un cristal
carré. (b) Exemple de champ d’onde obtenu à 60 Hz. Le cristal carré se situe dans la zone délimitée
par le rectangle en tirets, il est composé de 10 × 20 résonateurs. Les ondes se propagent de la gauche
vers la droite, sauf dans le cristal où la plus grande longueur d’onde que l’on observe de propage de
la droite vers la gauche. La barre d’échelle mesure 5 cm. (c) Amplitude mesurée dans le cristal en
fonction de la fréquence de forçage. (d) Carte de la relation de dispersion mesurée dans le cristal.
L’information est codée en niveaux de gris : plus un pixel est foncé plus le signal est fort.

d’ores et déjà prédire qu’il s’agit de la bande interdite de Bragg, les autres étant des bandes
d’hybridation. À ces fréquences aucune onde ne se propage dans le milieu. Nous sommes donc
dans la configuration où la fréquence de Bragg ωa est inférieure à la fréquence d’hybridation
ω0 (voir figure 3.10(c)).

En analysant par transformée de Fourier spatiale les champs d’onde mesurés à chaque
fréquence nous pouvons reconstruire la structure de bande du matériau dans la direction de
l’excitation, que nous représentons dans la figure 3.11(d). Seuls les modes à vitesse de groupe
positive peuvent apparaı̂tre, nous ne voyons donc que les branches dont la pente est positive
(les branches à pente négative que l’on distingue notamment à basse fréquence sont dues au
réflexions au niveau des bords de la cuve). Nous retrouvons bien les bandes interdites aux
fréquences précédentes. Nous pouvons en outre confirmer la nature de ces bandes interdites
W W
en observant l’allure des courbes : forme V à 22 Hz et W pour 42 Hz et 70 Hz.

Nous pouvons alors utiliser cette structure de bande pour comprendre le sens de propa-
gation du mode à grande longueur d’onde observé à l’intérieur du cristal. Dans la première
zone de Brillouin (entre les deux premières lignes en tirets de la figure 3.11(d)), à 60 Hz, il
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 83

Figure 3.12 – (a) Schéma de principe de l’expérience montrant le cristal de résonateurs et l’onde
plane incidente. (b) Champ d’onde mesuré (filtré à la fréquence de forçage f = 60 Hz. (c) Spectre
2D spatial du champ d’onde dans le cristal. L’information est codée en niveau de gris (plus un pixel
est foncé plus l’intensité du signal est importante), et en échelle logarithmique. Nous superposons
également en blanc les cercles correspondants à la relation de dispersion théorique (voir figure (b)).
On observe les deux pics correspondant aux deux ondes transmises, l’une vers la droite et l’autre (de
plus petit nombre d’onde) vers la gauche. Les deux vecteurs d’onde sont dénotés par des flèches bleues.
(d) Spectre isofréquence en milieu homogène montrant les directions de propagation autorisées. La
flèche verte représente le vecteur d’onde incident. (e) Spectre isofréquence dans le cristal. Les nombres
d’ondes respectant la loi de Snell-Descartes sont ceux correspondant aux intersections avec la ligne en
pointillés. Nous en dénotons deux avec les flèches bleues.

existe une branche de pente positivesituée à gauche de l’axe k = 0 rad.m−1 . Elle corres-
k
pond à un nombre d’onde plus court π/a < 1 que le nombre d’onde en milieu homogène
 
k
π/a ∼ 1.5 . La pente de cette branche est positive, la vitesse de groupe vg de l’onde est
donc positive. En revanche sa vitesse de phase vϕ est négative puisque k est négatif. La vitesse
de phase vϕ et de groupe vg étant de signes opposés, cette onde se propage comme si l’indice
était négatif [91, 92], comme nous l’avons détaillé dans le chapitre 1. C’est donc ce mode que
nous observons se propager de la droite vers la gauche dans le cristal.

3.6.2 Réfraction dans un cristal carré

Pour illustrer ce phénomène d’indice négatif apparent nous réalisons une expérience de
réfraction similaire à celle réalisée au chapitre 2 (figure 2.4). Pour cela nous envoyons une
84 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

onde plane avec un angle d’incidence θi non nul sur l’interface entre un milieu homogène et
un cristal carré, comme illustré sur la figure 3.12(a). Nous réalisons cette expérience avec
un cristal carré de perforations de diamètre 4 mm espacées de 1 cm, avec une onde plane
de fréquence f = 60 Hz. À l’aide d’une transformée de Fourier temporelle nous isolons la
fréquence de forçage et nous représentons dans la figure 3.12(b) le champ d’onde obtenu. Nous
constatons que les ondes à gauche et à droite du dioptre (dénoté par le trait en pointillés)
semblent avoir la même longueur d’onde, comme si les deux milieux étaient identiques. À
l’aide d’une transformée de Fourier spatiale nous en tirons le spectre d’isofréquence présenté
dans la figure 3.12(c) (en échelle logarithmique). Contrairement à ce que nous attendions
avec le champ d’onde, ce spectre montre plusieurs pics correspondant à différents nombres
d’ondes.

Pour comprendre leur origine nous pouvons réaliser la même construction de surface des
lenteurs que dans la figure 2.3. Nous représentons schématiquement dans la figure 3.12(d)
le spectre isofréquence en milieu homogène (soit le milieu d’incidence), et dans la figure
3.12(e) celui correspondant au cristal. Nous devons cependant prendre en compte le sens de
propagation autorisé dans le cristal : la vitesse de groupe doit être positive (une onde ne peut
que s’éloigner du point source). Dans le cas d’une onde plane nous sommes donc restreints à
un demi espace, les seules ondes qui peuvent exister à droite du dioptre sont celles dont la
vitesse de groupe est positive selon x. Dans la figure 3.12(e) qui correspond au cristal, seule
la moitié de chaque cercle de la relation de dispersion correspond donc à une onde autorisée
(en bleu foncé). Les autres (en bleu pâle) ne pourront pas être observées.

Nous constatons alors qu’il n’existe que certains modes permettant de respecter la loi
de Snell-Descartes, autrement dit de conserver la composante du vecteur d’onde parallèle
à l’interface (ici selon ky ). Comme dans la figure 2.4(b), nous repérerons cette composante
par un trait en pointillés dont l’intersection avec chacun des cercles donne le vecteur d’onde
transmis. Le première onde (celle pour laquelle kx et ky sont positifs) correspond à la réfraction
’positive’, plutôt intuitive, l’angle de réfraction est sensiblement égal à l’angle d’incidence et
l’onde transmise a alors presque la même longueur d’onde que l’onde incidente 3 . L’autre
vecteur d’onde, que nous dénotons également par une flèche bleue dans la figure 3.12(e),
possède lui une composante négative selon kx . L’onde se propage avec un nombre d’onde plus
petit, dans le sens opposé, et l’angle de réfraction est négatif : le vecteur d’onde est du même
coté de la normale à l’interface que celui de l’onde incidente. Cette onde possède une vitesse
de groupe vg positive mais une vitesse de phase vϕ négative, ce qui correspond à un indice
négatif, comme nous l’avons mentionné au chapitre 1.

3. La dispersion dans le cristal (plaque perforée) n’est pas exactement la même que dans le milieu homogène
(plaque simple). En d’autres termes, le diamètre du cercle central dans l’isofréquence n’est pas tout à fait la
valeur de k obtenue avec la relation de dispersion constitutive des ondes hydroélastiques. Les propriétés du
milieu deviennent en effet des paramètres effectifs qui peuvent être évalués au moyen de théories d’homogé-
néisation [93–95]. Nous les négligeons ici car l’indice effectif homogénéisé est suffisamment proche de l’indice
en milieu homogène.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 85

Figure 3.13 – Champs d’ondes filtrés et normalisés pour isoler artificiellement les deux ondes trans-
mises. Les vecteurs d’onde sont représentés au niveau de l’interface. La barre d’échelle mesure 5 cm.

Nous pouvons maintenant comprendre l’allure du spectre d’isofréquence présenté dans la


figure 3.12(c). Nous lui superposons cinq cercles (en blanc) à partir desquels nous pouvons
tracer les deux flèches correspondant aux deux plus petits nombres d’ondes observés dans le
cristal. Ce sont les mêmes que ceux représentés dans la figure 3.12(e). Nous décidons de filtrer
les champs d’onde de manière à isoler ces deux ondes. Nous appliquons pour cela un filtre
(dans l’espace de Fourier) sur la partie droite de l’image, et la partie à gauche du dioptre
n’est pas filtrée. Nous renormalisons l’amplitude (très atténuée du fait du filtrage), afin de
permettre la visualisation de l’onde. Les deux champs reconstruits sont présentés dans la figure
3.13. Sur le premier champ (figure 3.13(a)) nous observons la réfraction positive, la longueur
d’onde à droite du dioptre est sensiblement la même qu’à gauche. Sur le deuxième champ
(figure 3.13(b)) nous voyons que la longueur d’onde est plus grande et le vecteur d’onde pointe
vers la gauche. Sur les films expérimentaux nous observons qu’à droite du dioptre les ondes
se propagent vers la gauche et semblent rentrer dans l’interface, comme elles le feraient pour
un indice négatif. Notons que ce procédé de filtrage des deux ondes permet de les visualiser
facilement afin de comprendre le phénomène, mais qu’elles ne peuvent en aucun cas exister
l’une sans l’autre dans le cristal : du fait de la symétrie du cristal les cinq cercles de la figure
3.2(c) coexistent forcément.

3.6.3 Influence du paramètre de maille et de la taille du résonateur

Pour étudier l’influence des différents paramètres sur la structure de bande du cristal
nous comparons les relations de dispersion de trois cristaux différents. Nous faisons varier le
diamètre des perforations d et leur espacement a. Nous représentons dans la figure 3.14 trois
structures de bandes obtenues pour : (i) a = 1 cm, d = 4 mm, (ii) a = 1 cm, d = 3 mm et (iii)
a = 8.25 mm, d = 4 mm. Nous dénotons sur chaque figure les bandes interdites d’hybridation
au moyen de flèches en traits pleins, et les bandes interdites de Bragg au moyen de flèches en
traits pointillés.
86 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.14 – Structures de bande obtenues pour trois cristaux carrés différents. (a) a = 1 cm, d =
4 mm. (b) a = 1 cm, d = 3 mm. (c) a = 8.25 mm, d = 4 mm.

Pour les figures 3.14(a) et (b), l’espacement est le même entre les résonateurs, donc les
bandes interdites de Bragg, dénotées par les flèches en pointillés, se situent à la même fré-
quence, aux environs de 30 Hz. Les bandes d’hybridation s’ouvrent autour de 55 Hz et 80
Hz pour les perforations de diamètre 4 mm (spectre (a)), et autour de 65 Hz et 90 Hz pour
les perforations de 3 mm (spectre b). Ces bandes interdites dépendent de la taille du résona-
teur : plus son diamètre est petit, plus sa fréquence propre est élevée. En utilisant les zéros
des fonctions de Bessel (équation 3.2) nous avions prédit les deux premières fréquences de
résonance pour une cavité de 4 mm de diamètre à 50 Hz et 97 Hz, et à 74 Hz et 140 Hz
pour une cavité de 3 mm. Nous n’obtenons encore une fois qu’un accord qualitatif avec les
prédictions théoriques.

Pour les figures 3.14(a) et (c), l’espacement entre les résonateurs passe de 1 cm à 0.825
mm, tandis que le diamètre des résonateurs reste inchangé (4 mm). Nous constatons que la
bande interdite de Bragg (flèche en pointillés) s’ouvre comme attendu à une fréquence plus
élevée (∼ 45 Hz) pour le spectre (c), pour lequel la distance entre les résonateurs est la plus
petite. Nous remarquons cependant que les bandes d’hybridation (flèches en traits pleins)
ne tombent pas à la même fréquence pour les deux spectres, alors que les résonateurs sont
bien identiques. Ces bandes interdites sont effectivement situées vers 55 Hz et 80 Hz pour le
cristal dont l’espacement vaut 1 cm (a) alors qu’elles sont situées vers 70 Hz et 95 Hz pour
le cristal dont l’espacement vaut 0.825 cm (b).

Ceci est probablement dû à des effets de couplage entre les résonateurs : la fréquence
de résonance est influencée par la présence d’autres perforations à proximité. En effet, nous
pouvons supposer que l’écoulement hydrodynamique sous la membrane est ’ressenti’ par le
fluide sur une distance de l’ordre du diamètre de la perforation. En changeant la distance
entre deux de ces cavités circulaires on en modifie donc les fréquences de résonance.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 87

Figure 3.15 – Mêmes structures de bande que pour la figure 3.14, avec la prédiction théorique
obtenue avec les paramètres précisés dans le tableau 3.3. (a) a = 1 cm, d = 4 mm. (b) a = 1 cm, d =
3 mm. (c) a = 8.25 mm, d = 4 mm.

3.6.4 Comparaison avec le modèle qualitatif

Nous avons étudié un cristal bidimensionnel, mais selon une direction principale du cristal.
Nous pouvons donc raisonnablement considérer que son comportement sera proche de celui
d’un cristal unidimensionnel constitué des mêmes résonateurs. Nous nous proposons donc de
comparer la structure de bande mesurée expérimentalement à celle obtenue analytiquement
pour une chaı̂ne de résonateurs. Comme nous ne pouvons pas prédire la fréquence de réso-
nance de nos résonateurs (notamment du fait du couplage en champ proche), nous utilisons
l’équation 3.3 avec les valeurs de fréquence et de facteur de qualité mesurées expérimentale-
ment. Les valeurs utilisées sont consignées ci-dessous :

Cristal a d ω0 Q0 ω1 Q1
(a) 1 cm 4 mm 55 Hz 10 80 Hz 20
(b) 1 cm 3 mm 70 Hz 10 110 Hz 10
(c) 0.825 cm 4 mm 65 Hz 10 95 Hz 20

Table 3.3 – Valeurs des fréquences et facteurs de qualité utilisés.

Nous utilisons ces valeurs dans l’équation 3.3 (résonateur seul), que nous injectons ensuite
dans l’expression 3.5 (résonances multiples) et enfin nous résolvons l’équation 3.4 (chaı̂ne de
résonateurs). Les structures de bande obtenues sont superposées aux relations de disper-
sion expérimentales dans la figure 3.15. Notre modèle décrit relativement bien les données
expérimentales, confirmant le rôle des résonances (bandes interdites d’hybridation) et le com-
portement cristallin (bandes interdites de Bragg) de la structure que nous avons construite.
Conformément à notre hypothèse, nous observons également que le comportement d’un cristal
carré observé selon l’une de ses directions principales est tout à fait analogue au comportement
d’un cristal unidimensionnel.
88 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Les cristaux carrés permettent d’obtenir des propriétés effectives remarquables, allant de
l’anisotropie de la propagation (certaines directions sont interdites) à des propriétés effectives
contre-intuitives (indice négatif). Nous pouvons également étudier des cristaux de symétrie
C6, autrement dit des cristaux hexagonaux et en nid d’abeille. Ces cristaux présentent des
propriétés encore plus riches que nous allons détailler dans la suite.

3.7 Cristaux hydroélastiques hexagonaux et en nid d’abeille

3.7.1 Quelques éléments théoriques

Réseau réciproque et zone de Brillouin

Nous nous intéressons maintenant à des cristaux artificiels hydroélastiques hexagonaux et


en nid d’abeille. Nous représentons dans la figure 3.16(a) un exemple de cristal bidimensionnel
hexagonal. La maille élémentaire est ici un losange de coté a, qui est le paramètre de maille
du réseau. Son réseau réciproque est représenté dans la figure 3.16(b) ; c’est également un
réseau hexagonal. La première zone de Brillouin (grisée) est un hexagone de côté 4π 3a . On
définit de la même manière que pour le cristal carré des points particuliers, ici Γ, M et K, de
coordonnées dans l’espace (kx , ky ) :

Figure 3.16 – (a) Cristal hexagonal et (c) cristal en nid d’abeille. (b) Leur réseau réciproque, où la
première zone de Brillouin est un hexagone, ici coloré en gris. On note aussi les trois points particuliers
Γ, M et K. (d) Isofréquences attendues pour un cristal triangulaire ou un cristal en nid d’abeille. On
dénote par des astérisques la position des 6 points K.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 89

     
2π 2π
0 √  √ 
Γ =   , M =  3a  , K =  3a  (3.6)

0 0 3a

Nous représentons dans la figure 3.16(c) un exemple de cristal en nid d’abeille. Ce cristal
peut se déduire du cristal hexagonal en ajoutant un atome dans la maille élémentaire : le

cristal devient bi-périodique. Les deux atomes sont situés à distance a/ 3 et sont centrés
dans la cellule unité. Leur réseau de Bravais étant le même (i.e. la maille élémentaire), le
réseau réciproque est également un réseau hexagonal, avec les mêmes points Γ, M et K de la
maille irréductible.

Approche géométrique : les isofréquences

Comme pour le réseau carré, nous pouvons dessiner l’allure des isofréquences pour com-
prendre qualitativement la propagation des ondes dans ces deux types de cristaux ; c’est ce
que nous présentons dans la figure 3.16(d). Comme précédemment, le cercle central est en-

touré de cercles de même diamètre, à distance 4π/ 3a du centre. Il y en a six cette fois-ci,
pour respecter la symétrie C6 du réseau. Lorsque la fréquence augmente, le rayon des cercles
augmente et l’on voit émerger au bord de la première zone de Brillouin 6 points particuliers,
dénotés par un astérisque dans la figure 3.16(d). Ces points particuliers, les points K men-
tionnés ci-dessus, sont situés à distance 4π3a du centre (voir équation 3.6), sont des points de
dégénérescence triple : trois cercles s’y rencontrent.

Pour un cristal hexagonal

La structure de bande d’un cristal hexagonal (parfois appelé cristal triangulaire) composé
d’objets d’indice n0 dans un milieu d’indice n a été obtenue pour des ondes électromagnétiques
en résolvant les équations de Maxwell en milieu périodique [96, 97]. L’allure de la relation de
dispersion obtenue dépend du rapport d’indice n/n0 . Si le milieu environnant a un indice plus
faible que celui des objets, le cristal peut présenter une bande interdite de propagation au bord
de la première zone de Brillouin, au point K. C’est l’exemple présenté dans la figure 3.17(a),
tiré de la littérature [96]. Les auteurs calculent la structure de bande d’un cristal photonique
composé de piliers diélectriques dans l’air. On observe une bande interdite (zone hachurée)
autour d’une fréquence donnée (ici ω0 a/2πc ∼ 0.45). En d’autres termes, il n’existe aucune
solution aux équations de propagation correspondant à cette fréquence. On parle dans ce cas
de bande interdite complète puisqu’elle existe dans toutes les directions. À l’inverse, si l’indice
du milieu environnant est plus élevé (piliers d’air dans un milieu diélectrique), deux bandes
se croisent aux points K, et il n’y a pas de bande interdite à cette fréquence [96, 97]. C’est ce
90 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.17 – Exemple de structure de bande tiré de la littérature pour des ondes électromagnétiques
polarisées TE. (a) Pour un cristal hexagonal de piliers d’indice n0 < n (densité des piliers 0.8). Il y a
une bande interdite de propagation vers ω0 a/2πc ∼ 0.45. (b) Structure de bande d’un cristal hexagonal
de piliers d’indice n0 > n (densité des piliers 0.169). La flèche rouge pointe le point de croisement de
deux bandes au point K (ici appelé J).¯ D’après [96].

qui est représenté dans la figure 3.17(b), où le point K est dénoté par une flèche. Ces deux
exemples nous montrent que l’allure des structures de bandes est un problème complexe, et
que la présence ou non de bande interdite peut être grandement influencée par les propriétés
physiques des objets constituant le cristal artificiel.

Pour un cristal en nid d’abeille

La propagation d’ondes dans un cristal en nid d’abeille est un sujet d’étude très en vogue
à l’heure actuelle, ce qui est principalement dû à l’engouement suscité par les extraordi-
naires propriétés du graphène [98]. Le graphène (figure 3.18(a)) est un cristal bidimensionnel
d’atomes de carbone arrangés selon un motif en nid d’abeille, ce qui correspond à la maille

d’un réseau triangulaire dans laquelle sont placés deux atomes de carbones espacés de a/ 3.
Chaque atome est relié à trois voisins, ce qui laisse un électron non apparié dans la couche de
valence du carbone (qui en comporte 4). Ce sont ces électrons libres qui confèrent au graphène
ses remarquables propriétés de conduction.

Son réseau réciproque est le même que celui d’un cristal triangulaire, nous pouvons donc
utiliser la même construction en isofréquences que celle présentée dans la figure 3.16(d). La
structure de bande électronique du graphène, partiellement représentée dans la figure 3.18(b),
présente une caractéristique remarquable, qui est la présence de 6 cônes de Dirac, centrés sur
le point K ; le sommet de ce cône est appelé point de Dirac. À ce niveau, il n’existe que 6 modes
pouvant se propager dans le cristal (dans la première zone de Brillouin). Cette structure de
bande est donc continue en fréquence : il n’existe pas de bande interdite de propagation.
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 91

Figure 3.18 – (a) Vue d’artiste d’une feuille de graphène : chaque sphère noire représente un atome
de carbone, et chaque trait une liaison covalente. Source Internet. (b) Structure de bande du graphène
obtenue théoriquement. Image tirée de [98].

3.7.2 Résultats expérimentaux : cristal hexagonal

Nous nous intéressons maintenant à un cristal hexagonal (aussi appelé triangulaire), com-
posé des mêmes perforations circulaires que précédemment. Les résonateurs sont cette fois
disposés selon un réseau de Bravais hexagonal, c’est-à-dire qu’ils sont placés aux noeuds d’une
maille triangulaire.

Pour mesurer expérimentalement la structure de bande d’un cristal triangulaire nous per-
forons une membrane de plusieurs centaines de trous arrangés selon un motif triangulaire,
comme représenté sur les figures 3.19(a-b). Nous utilisons une membrane de 300 µm et des
perforations de 4 mm espacés de 1.1 cm. Ce choix du paramètre de maille devrait en effet
nous permettre d’observer la propagation au point K (bord de la première zone de Brillouin)
vers 30 Hz, ce qui est en dessous de la première résonance d’une cavité de 4 mm. La source est
cette fois-ci placée juste au bord du cristal de manière à exciter toutes les directions de propa-
gation. Comme précédemment, nous réalisons un balayage en fréquence afin de reconstruire
entièrement la relation de dispersion.

Trois champs d’onde sont présentés dans les figures 3.19(c-e), ils correspondent aux fré-
quences 21 Hz (c), 30 Hz (d) et 43 Hz (e), que nous avons isolées par transformée de Fourier
temporelle. Nous distinguons clairement une diminution de la longueur d’onde à mesure que
la fréquence augmente, mais surtout l’apparition de directions interdites, notamment dans
la figure (e). En réalisant une transformée de Fourier spatiale de ces champs nous en tirons
les spectres 2D pour chaque fréquence. Ces spectres sont symétrisés afin d’en extraire toute
l’information : nous opérons une rotation d’angle 60◦ et 120◦ que nous sommons au spectre
brut. Cette opération respecte les symétries du cristal et améliore le rapport signal sur bruit.
Nous représentons dans les figures 3.19(f-h) le résultat obtenu en échelle logarithmique. L’in-
formation est codée en niveaux de gris : plus un pixel est foncé et plus le signal est fort.

La propagation à basse fréquence semble plutôt isotrope (spectre (f)), et la forme obser-
vée dans l’isofréquence s’approche d’un disque, voire d’un hexagone. Lorsque la fréquence
92 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

Figure 3.19 – (a) Schéma de principe montrant les perforations arrangées selon un cristal triangulaire.
(b) Schéma de l’expérience (vue de dessus) montrant le point source et l’onde circulaire dans le cristal.
(c-e) Champs d’onde (c-e) obtenus expérimentalement pour a = 1.14 cm et d = 4 mm à 21 Hz (c),
30 Hz (d) et 39 Hz (e). La barre d’échelle représente 5 cm. (f-h) Spectres spatiaux correspondant
aux champs d’ondes ci-dessus, autrement dit isofréquences à 21 Hz (f), 30 Hz (g) et 39 Hz(h). Les
spectres ont été symétrisés (rotation d’un angle de 60◦ et 120◦ ), normalisés et sont représentés en
échelle logarithmique. (h).

augmente, le milieu n’apparaı̂t plus du tout isotrope et seuls 6 modes sont permis : ce sont les
6 points de dégénérescence mentionnés précédemment (partie 3.7.1). À plus haute fréquence
6 cercles s’ouvrent au-dessus de ces points. Le spectre de bande ne présente pas de bande
interdite de Bragg. Notons que nous sommes dans le cas de la figure 3.17(a), pour laquelle
Plihal et al. [96] prédisent une bande interdite au bord de la première zone de Brillouin, et
non un cône.

Pour mieux visualiser cette structure de bande nous pouvons reconstruire la relation de
dispersion en trois dimensions en ’empilant’ verticalement les différentes isofréquences obte-
nues. Nous ne gardons que les points de plus grande amplitude de chaque isofréquence (les
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 93

Frequency [Hz]

Figure 3.20 – Relation de dispersion d’un cristal triangulaire reconstruite en 3 dimensions, montrant
la structure de bande en cône de Dirac. Les couleurs servent juste à la visualisation. Trois spectres
isofréquences sont également présentés, les flèches indiquent leur position dans la structure de bande
tridimensionnelle.

pixels les plus sombres dans les spectres des figures 3.19(f-h)) et nous les “empilons” verticale-
ment en fonction de la fréquence de forçage. Une telle construction est présentée dans la figure
3.20 (où nous colorons artificiellement les différents points pour en faciliter la visualisation).
Cette structure de bande présente une forme continue pour les fréquences inférieures à 30
Hz (en bleu), cela correspond à une propagation presque isotrope. En analysant les isofré-
quences en détail, nous pouvons en fait observer que le spectre est circulaire à basse fréquence
(f < 10 Hz) et s’approche de plus en plus d’une forme hexagonale lorsque la fréquence aug-
mente (f > 10 Hz). Ceci vient de plusieurs effets qui s’ajoutent. D’une part à faible fréquence
(et donc grande longueur d’onde) l’onde ne “ressent” pas la présence des perforations, qui
sont trop petites, la propagation semble donc isotrope. D’autre part, la différence d’indice
entre la membrane et la cavité (surface libre) augmente avec la fréquence : dans la figure 2.2
la distance entre la relation de dispersion des ondes gravito-capillaires (courbe rouge en traits
pleins) et celle des ondes hydroélastiques (courbes en tirets) augmente au fur et à mesure
que la fréquence augmente. Plus le contraste d’indice est grand entre les deux matériaux du
cristal et plus la forme de l’isofréquence s’approche de celle du bord de la première zone de
Brillouin [99].

Lorsque la fréquence s’approche de 30 Hz le spectre devient discret : seuls 6 modes sont


94 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

permis. Pour les fréquences supérieures à 30 Hz (en rouge dans la figure 3.20) nous observons
6 cônes inversés. Ceci rappelle la forme d’un cône de Dirac que nous avons présentée au
début de cette partie (voir figure 3.18(b)) : au bord de la première zone de Brillouin seuls
six modes sont possibles, au niveau des points K, et à mesure que la fréquence augmente six
cônes “s’ouvrent” au-dessus des ces six points.

Si l’origine physique de cette structure en cône pour notre cristal hexagonal reste à élu-
cider, nous pouvons d’ores et déjà observer la complexité de la structure de bande du cristal
hexagonal. Toute la zone continue sous le “point de Dirac” (fréquences < 30 Hz en bleu)
s’explique par la théorie des milieux homogénéisés : le “bol” obtenu est très proche de la rela-
tion de dispersion en milieu homogène. À 30.1 Hz la structure de bande devient subitement
discrète, et très anisotrope. Le nombre d’onde correspondant à ce point est k = 4π 3a = 367.4

m 1, soit une longueur d’onde de 1.71 cm.

Nous souhaitons à présent confirmer la présence ou non de ces cônes pour un cristal en
nid d’abeille, auquel nous nous intéresserons donc dans la partie suivante.

3.7.3 Résultats expérimentaux : cristal en nid d’abeille

Nous cherchons maintenant à mesurer la structure de bande d’un cristal fabriqué en


perforant une membrane de trous circulaires arrangés selon un motif en nid d’abeille, que
nous montrons dans le cliché de la figure 3.21(a). En effet, la structure de bande du graphène,
que nous avions représentée dans la figure 3.18(b) au début de cette partie, présente six cônes
de Dirac centrés sur les points K. Un “graphène artificiel” hydroélastique présente-t-il les
mêmes caractéristiques de propagation ?

Nous réalisons un cristal en nid d’abeille en perforant une membrane de trous circulaires
arrangés selon un motif triangulaire avec deux perforations par cellule élémentaire (figure
3.21(a)). Les perforations font 4 mm de diamètre, et le paramètre de maille a vaut 1.4 cm.
Nous suivons le même protocole que pour le cristal triangulaire : nous réalisons un balayage
en fréquence, puis nous filtrons les champs à chaque fréquence par transformée de Fourier
temporelle. Après une seconde transformée de Fourier 2D (spatiale cette fois) nous obtenons
une série d’isofréquences, que nous symétrisons et que nous “empilons” verticalement comme
précédemment afin d’obtenir la structure de bande tridimensionnelle. Nous la représentons
dans la figure 3.21. La structure de bande est tout à fait différente de celle obtenue pour le
cristal triangulaire : nous ne distinguons aucun cône pour la gamme de fréquences explorée,
et surtout aucune fréquence pour laquelle le spectre ne devient discret (comme dans la figure
3.19(g)). La relation de dispersion n’est toutefois pas complètement continue : nous observons
que certaines directions sont interdites pour des bandes de fréquences supérieures à 15 Hz, ce
qui crée des “trous” dans la structure de bande. Nous remarquons également que la pente locale
CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS 95

Figure 3.21 – (a) Photographie d’un graphène artificiel réalisé avec des perforations circulaires de
diamètre 4 mm dans une membrane de silicone de 300 µm et espacées de 1.1 cm. (b) Structure de
bande obtenue expérimentalement pour le graphène artificiel montré en (a). Les couleurs servent ici
juste à la visualisation.

de la relation de dispersion diminue vers 38 Hz, comme si la structure de bande “s’aplatissait”


à cette fréquence. Cela peut être le signe d’une bande interdite qui s’ouvre au-dessus de cette
fréquence. Nous ne sommes pas en mesure d’expliquer l’allure de cette relation de dispersion.
En effet, pour un cristal en nid d’abeille nous nous attendons plutôt à observer un cône
au point K, comme nous l’observons dans le cristal triangulaire. Des éléments de réponse
pourraient être obtenus en menant des expériences complémentaires, en perforant d’autres
cristaux ou en étudiant notamment la propagation à plus haute fréquence. Par exemple nous
voyons dans la figure 3.17(a) qu’il est possible d’observer des cônes au point K, même s’il y
a une bande interdite au bord de la première zone de Brillouin. Il est donc possible que le
graphène artificiel que nous avons étudié présente bel et bien un cône au point K, mais à plus
haute fréquence (> 40 Hz).

3.8 Conclusion

Les matériaux cristallins permettent une très grande variété de phénomènes liés à la pro-
pagation des ondes. En analysant la structure de bande de milieux bidimensionnels organisés,
nous avons vu que certaines fréquences peuvent devenir interdites (aucun onde ne se propage
dans le milieu), ou encore que certains spectres spatiaux deviennent discrets (cône et point
de Dirac). Nous avons ensuite montré qu’il est possible de réaliser des cristaux artificiels
pour les ondes hydroélastiques. Nous avons dû pour cela introduire la notion de résonateur
et d’ensemble de résonateurs. Ces objets fortement non linéaires rendent la physique de ces
milieux encore plus remarquable et riche. Nous avons ainsi introduit un phénomène inter-
férentiel pour expliquer nos expériences : l’interférence de Fano. L’avantage d’avoir recours
aux matériaux organisés plutôt qu’aux techniques présentées au chapitre précédent 2 (où
96 CHAPITRE 3. CRISTAUX ARTIFICIELS ET CRISTAUX DE RÉSONATEURS

nous utilisons exclusivement des différences d’épaisseurs) est que ces propriétés peuvent être
sélectives en fréquence (ou de manière identique en longueur d’onde). Ainsi, un cristal peut
réfléchir certaines fréquences et en laisser passer d’autres.

Grâce aux diverses expériences présentées nous avons mis en évidence les différents com-
portements des ondes dans un cristal carré ou hexagonal. En particulier, nous avons mesuré
et analysé leurs relations de dispersion, et nous avons montré que nous étions capables d’en
modifier la structure de bande. Nous avons également observé des structures de bande pré-
sentant des formes similaires à des cônes de Dirac, ce qui, bien que nous ne parvenions pas
à expliquer leur présence, est une propriété particulièrement intéressante de la propagation
des ondes hydroélastiques dans un milieu structuré périodiquement.

Tout ceci représente un ensemble de résultats importants, mais il démontre avant tout
la grande versatilité des ondes hydroélastiques. L’ensemble des mesures effectuées aurait été
beaucoup plus difficile à obtenir avec un autre système physique, par exemple optique ou
acoustique, la grande précision des analyses effectuées venant pour grande partie de leur
caractère macroscopique et des techniques de mesure mises en place. Il nous semble donc que
de nombreux phénomènes ondulatoires peuvent être observés avec ce sytème expérimental. En
particulier, ces effets nous ont incités à nous intéresser au domaine des isolants topologiques,
que nous aborderons dans le chapitre suivant.
97
Chapitre 4

Expériences en rotation

Dans ce chapitre nous présenterons plusieurs résultats expérimentaux obtenus en utili-


sant une expérience en rotation. La motivation première de cette expérience est d’étudier
des effets topologiques, c’est-à-dire d’introduire une brisure de symétrie dans notre système.
Nous expliquerons dans un premier temps quelques uns de ces aspects théoriques, dont nous
nous sommes servis pour concevoir les expériences en rotation que nous avons menées. Nous
avons étudié la propagation d’ondes hydroélastiques pour une membrane homogène et pour
une membrane structurée par un motif régulier (autrement dit un cristal artificiel). Nous
présenterons les pré-résultats obtenus avec cette expérience. Nos conclusions ne sont en ef-
fet restées qu’à l’état préliminaire car, comme nous le montrerons dans la deuxième partie
de ce chapitre, nous avons rencontré plusieurs difficultés expérimentales. Plus précisément,
nous détaillerons et expliquerons l’apparition d’une instabilité de flambage à la surface de la
membrane.

4.1 Motivation : les états topologiques

Nous avons décrit au chapitre précédent la propagation d’ondes dans des milieux cristal-
lins. La présence d’un cône de Dirac pour le graphène (ou pour un cristal hexagonal dans le
cas des ondes hydroélastique) nous a rapidement conduits à nous intéresser au domaine des
isolants topologiques. Ces matériaux très particuliers ont été mis à l’honneur (entre autres)
par le prix Nobel de Physique 2016, attribué à D. Thouless, F. Haldane et J. Kosterlitz. La
théorie de cette “nouvelle phase de la matière” est particulièrement complexe, il ne s’agira donc
pas dans les pages qui suivent d’en donner une description exhaustive ni même de détailler
son comportement physique. Nous tenterons simplement d’expliquer les idées générales que
nous avons retenues de notre étude, et de décrire comment nous cherchons à les interpréter
pour les ondes hydroélastiques.

98
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 99

B B
+ + + + +
E

- - - - -

Figure 4.1 – (a) Effet Hall Classique (b) Effet Hall quantique (c) Structure de bande d’un matériau
soumis à l’effet Hall quantique. D’après [100–102].

Effet Hall quantique

L’idée générale sous-jacente aux phénomènes topologiques est de briser une des symétries
CPT. Les symétrie CPT désignent en mécanique quantique trois symétries qui doivent être
respectées par tout système physique ; il s’agit de la symétrie de charge C, de la symétrie parité
P et de la symétrie par renversement du temps T. La première désigne la transformation d’une
particule en son antiparticule, la seconde à transformer le vecteur position (x, y, z) en son
opposé (−x, −y, −z). La dernière, celle qui nous intéressera ici, consiste à changer la variable
du temps t en −t. Si les phénomènes physiques restent identiques après cette transformation,
on dit qu’il respectent la symétrie par renversement du temps. Notons que dans des systèmes
réels, ça n’est jamais le cas en raison des pertes liées à la dissipation d’énergie (viscosité,
friction).

Nous pouvons comprendre l’effet d’une brisure de la symétrie par renversement du temps
en étudiant l’effet hall quantique [100, 101], découvert en 1980 par Klaus von Klitzing (prix
Nobel 1985). Comme pour l’effet Hall classique, il s’agit de modifier la résistance d’un ma-
tériau conducteur au moyen d’un fort champ magnétique B. Dans l’effet Hall classique on
considère un matériau conducteur soumis à l’action d’un champ électrique E et d’un champ
magnétique B perpendiculaires l’un à l’autre (schématiquement représentés dans la figure
4.1(a). Dans ce cas, les électrons sont accélérés par le champ électrique et déviés par le
champ, en raison de la force de Lorentz F = qE + qv ∧ B. Ceci donne lieu à l’apparition d’une
tension fixe dans la direction transverse au champ (voir schéma). En d’autres termes on fait
apparaı̂tre une résistance transverse RH , appelée résistance de Hall, dont la valeur dépend
de la densité d’électrons dans le matériau. On peut alors comprendre la brisure de symétrie
par renversement du temps du fait de la présence du champ magnétique en constatant que
changer t en −t ne change pas le signe de la tension de Hall créée dans la direction normale
aux champs E et B. Notons que l’effet Hall est utilisé encore aujourd’hui dans les laboratoires
pour mesurer la densité d’électrons dans un conducteur.

L’effet Hall quantique nécessite également un conducteur placé dans un champ magné-
tique, mais à de très basses températures et pour des champs magnétiques très intenses. Sous
ces conditions la résistance de Hall prend des valeurs discrètes RH = neh2 , où h est la constante
100 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

Figure 4.2 – (a) Modes de bord dans un cristal photonique pour des micro-ondes en présence
d’un champ magnétique (obtenus par simulation dans COMSOL). Adapté de [103]. (b)Mode de bord
observé dans un cristal en nid d’abeille composé de gyroscopes. Adapté de [104]. (c) Un cristal de
masses reliées par des ressorts formant un motif en nid d’abeille et mis en rotation est soumis à la
force de Coriolis, il peut présenter des modes de bord topologiquement protégés. Tiré de [105].

de Planck et e la charge élémentaire des électrons. En effet, à basse température les électrons
n’ont accès qu’à un nombre fini d’orbitales discrètes (les niveaux de Landau [100]), dont le
rayon dépend de la valeur de B (schéma (b) de la figure 4.1). Du point de vue de la théorie
des bandes, les niveaux d’énergies ainsi remplis forment la bande de valence, tandis que les
niveaux libres forment la bande de conduction ; ces deux bandes sont séparées par le niveau de
Fermi. Comme ces électrons ne se propagent pas (leur trajectoire est fermée) le matériau est
globalement isolant. Considérons maintenant les électrons situés au bord du matériau ; du fait
de la présence du mur, leur trajectoire est tout à fait différente : leur orbite est ouverte, tout
se passe comme s’ils “rebondissaient” sur la surface. Ces électrons se propagent donc à une
dimension, sans quantification d’énergie. En d’autres termes, ces électrons peuvent conduire
l’électricité. Nous avons donc un matériau qui est isolant en volume (bande interdite de pro-
pagation), mais conducteur au bord. La structure de bande d’un tel matériau, représentée
schématiquement dans la figure 4.1(c), présente donc une bande interdite de propagation en
volume dans laquelle existe un mode de bord. L’aspect le plus intéressant de cet effet, outre
la différence fondamentale de propriétés entre le volume du matériau et sa surface, est que
le mode en surface correspondent à une propagation parfaite sans rétrodiffusion, même en
présence de défauts. On parle de modes topologiquement protégés, la conduction est donc
parfaite, puisque sans pertes. Ceci provient de la quantification des orbites, le rayon étant
prescrit à des valeurs données multiples de h, les électrons ne peuvent être déviés par des
défauts.

De manière plus générale, un état topologique est donc un état de la matière pour lequel
les propriétés en volume et en surface sont différentes, ces dernières étant topologiquement
protégées.
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 101

4.1.1 ...Et pour les ondes hydroélastiques ?

On peut se demander si l’effet Hall quantique que nous avons décrit possède des analogues
classiques. En effet, l’effet du champ magnétique est principalement de briser une symétrie
en ajoutant une force qui s’écrit comme un produit vectoriel [106], laquelle implique une
rotation (ici pour l’électron). Si nous pouvons trouver un système physique classique soumis
à une force similaire, c’est-à-dire ayant la forme d’un pseudovecteur, nous pourrions en théorie
y observer des effets topologiques.

De tels analogues ont été prédits pour des cristaux photoniques micro-ondes [106], et
réalisés par Wang et al. au moyen d’un cristal 2D de barreaux de ferrite gyromagnétique
placés dans un champ magnétique [103]. Nous représentons dans la figure 4.2(a) les résultats
qu’ils ont obtenus par simulation (COMSOL) ; l’onde générée au point A se propage le long
du bord dans le sens horaire, et parvient même à passer autour d’un obstacle (figure du bas).
Ces résultats montrent qu’il est possible d’obtenir un analogue macroscopique de l’Effet Hall
Quantique en électromagnétique [107].

Pour les systèmes macroscopiques non-électromagnétiques, une solution souvent adoptée


pour réaliser des analogues d’un champ magnétique est d’utiliser une rotation de fluide. En
observant l’effet d’un vortex local sur des ondes se propageant à la surface de l’eau, Berry et
al. [3] ont montré des analogies fortes avec l’effet Aharonov-Bohm [108]. Un autre exemple
est celui des gouttes rebondissantes se déplaçant à la surface d’un bain liquide à la fois
vibré et mis en rotation, étudiées par Fort et al. [109]. Du fait de la rotation et de leur
interaction avec l’onde qu’elles créent à la surface du bain, les gouttes peuvent prendre des
orbites quantifiées. Plus récemment, en ajoutant une circulation d’air (au moyen d’un simple
ventilateur) à un cristal artificiel acoustique, Fleury et al. [110] ont mis en évidence la brisure
de symétrie par retournement du temps induite par l’écoulement, et s’en sont servi pour
créer un isolant topologique [111], où les ondes ne se propagent qu’en surface. Une alternative
pour des ondes mécaniques consiste à utiliser un système masse-ressort où les masses sont
remplacées par des gyroscopes [104, 112] afin d’obtenir des modes de bord protégés dans des
cristaux hexagonaux, mais également pour des milieux amorphes [113]. Nous représentons
dans la figure 4.2(b) quatre clichés tirés de [104] d’un cristal en nid d’abeille composé de
gyroscopes connectés par des ressorts. Leur mouvement est schématisé par un disque dessiné
sur chaque gyroscope, dont la taille est proportionnelle à l’amplitude du mouvement et dont
la couleur correspond à la phase. On observe que seuls les gyroscopes du bord du cristal
oscillent, et que l’onde mécanique ne se propage que dans le sens horaire.

Une autre option consiste à tirer parti de la force de Coriolis pour créer une asymétrie
dans la propagation d’ondes mécaniques. Ainsi, Wang et al. [105] ont montré théoriquement
en 2015 qu’il était possible d’observer des effets topologiques dans un cristal en nid d’abeille,
composé de masses reliées par des ressorts, et mis en rotation (voir figure 4.2(c)). Les auteurs
ont en effet reporté l’apparition de bandes interdites au niveau des cônes de Dirac du cristal
102 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

(dans ce cas on parle “d’ouverture” du cône). Pour ces fréquences aucune onde ne se propage
à l’intérieur du cristal, et des modes de bord apparaissent à la périphérie du cristal. C’est cet
effet de la force de Coriolis que nous allons chercher à utiliser dans les parties qui suivent. Plus
précisément nous choisissons de faire tourner l’ensemble de notre expérience à des fréquences
de l’ordre du Hertz et d’en étudier l’effet sur la propagation des ondes hydroélastiques.

4.2 Résultats expérimentaux en rotation

4.2.1 La force de Coriolis en mécanique des fluides

L’étude de l’effet Coriolis est un domaine très vaste en mécanique des fluides. Du fait de
la rotation de la Terre, cette force fictive est toujours présente à sa surface. On la retrouve
notamment dans le phénomène de déviation vers l’Est, c’est-à-dire qu’un objet en chute
libre aura toujours un mouvement très légèrement dévié vers l’Est. En effet, l’expression
de la force de Coriolis par unité de masse est F = − 2Ω ∧ u ; pour une vitesse u dirigée
vers le centre de la Terre et un vecteur rotation Ω orienté (approximativement) du pôle
Sud au pôle Nord nous obtenons donc une force F orientée selon la direction ouest-est.
Cette force est très importante lorsque l’on s’intéresse à des écoulements géophysiques, tels
que les ondes océaniques [114–116], les ondes internes [117, 118] ou encore les écoulements
atmosphériques [119].

Relation de dispersion des ondes de surface avec Coriolis

Pour comprendre l’influence d’une rotation sur la propagation d’ondes de surface il faut
résoudre l’équation de Navier-Stokes 1.6 en y ajoutant la force (volumique) de Coriolis
F = 2Ω ∧ v :

∂v
ρ + ρ(v.∇).v = −∇P + η∆v + ρg − 2ρΩ ∧ v. (4.1)
∂t

Pour les ondes internes et les ondes



de surface, les résolutions classiques de la littérature
gH
font apparaı̂tre le paramètre ρR = 2Ω , appelé rayon de Rossby [118]. Ce rayon est à com-
parer à la longueur d’onde considérée pour évaluer l’influence de la rotation sur la fréquence
de propagation des ondes.
Dans le cas d’ondes de surface [114, 115, 120], on peut trouver l’expression de la relation de
dispersion en résolvant l’équation d’Euler linéaire, c’est-à-dire en utilisant les mêmes approxi-
mations que dans la partie 1.1.3. En eau peu profonde, dans le régime gravitaire, une solution
proposée par Sir Thomson (alias Lord Kelvin) en 1880 donne la relation de dispersion :
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 103

ω 2 + 4Ω2
k2 = , (4.2)
gH
où H est la profondeur d’eau. C’est la relation de dispersion des ondes de Kelvin, qu’il
utilise pour montrer l’effet de la force de Coriolis sur les ondes de marée dans la Manche. Ces
dernières étant soumises à la force de Coriolis et se propageant de l’Ouest vers l’Est, elles
sont déviées vers la droite dans le sens de propagation, c’est à dire vers le Sud. L’amplitude
des marées (le marnage) est donc plus importante en France qu’en Angleterre.

Dans notre cas, on peut montrer (voir annexe équation D.12) que la relation de dispersion
en présence de rotation s’écrit

gk + Tρ k 3 + D
ρk
5
kH
ω2 = q  tanh q  (4.3)
2 2Ω 2
1 − 2Ω ω 1 − ω

On voit directement que si la fréquence de rotation Ω est négligeable devant celle des
ondes, l’effet de la force de Coriolis pourra être négligé. Pour nos expériences les rotations
auront une fréquence maximale de 1.8 rad.sec−1 pour des fréquences de travail de l’ordre de 30
Hz. Nous pourrons alors négliger l’effet Coriolis sur la propagation des ondes hydroélastiques
en milieu homogène. Cette conclusion ne remet pas en question la possibilité d’observer des
effets topologiques dans notre système, mais signifie simplement que la relation de dispersion
des ondes ne devrait pas être altérée par la rotation.

4.2.2 Relation de dispersion

Pour vérifier cette hypothèse nous concevons une nouvelle expérience afin de mettre en
rotation l’ensemble de notre système.

Dispositif expérimental

Cette nouvelle expérience est schématiquement représentée dans la figure 4.3. Nous utili-
sons une cuve circulaire de 85 cm de diamètre et 30 cm de hauteur montée sur un moteur.
Nous pouvons contrôler la vitesse du moteur au moyen d’un variateur jusqu’à environ 0.3
tr/sec. Le reste de l’expérience est embarqué et fixé à la structure tournante : le vibreur
pour générer les vagues, la caméra et l’ordinateur pour l’enregistrement des images, le tout
alimenté par batterie. L’expérience est mise en rotation pendant une vingtaine de minutes
(ou jusqu’à ce qu’aucun mouvement du fluide ne soit détectable à la caméra), avant de lancer
l’acquisition par wifi depuis un autre ordinateur.

Nous observons dans un premier temps l’effet de la rotation sur la relation de dispersion
en milieu homogène, en analysant la propagation d’une onde circulaire dans une membrane
104 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

Figure 4.3 – (a) Schéma de l’expérience hydroélastique en rotation, montrant la cuve, la membrane
et le cristal, le système de génération d’ondes (vibreur), la caméra et l’ordinateur. (b) Cliché de
l’expérience. La cuve mesure 85 cm de diamètre environ.

homogène. Nous plaçons à la surface de l’eau une membrane élastique d’épaisseur 300 µm et
de diamètre 80 cm. Pour éviter que le film élastique ne se déplace lors de la mise en rotation,
nous le maintenons au bord de la cuve à l’aide de ruban adhésif. Nous veillons à ce que ce
ruban adhésif introduise le moins de contraintes possible dans la membrane.

Nous plaçons un motif en damier (en bâche plastique imperméable) au fond de la cuve et
nous utilisons la technique de mesure Fast Checkerboard Demodulation (FCD) présentée au
chapitre 1 pour mesurer les champs de hauteur. Nous utilisons comme image de référence la
surface déformée par la rotation mais sans onde. L’expérience étant plus limitée en hauteur
(toute l’expérience étant en rotation), le champ de vision est diminué (moins de la moitié par
rapport aux expériences des chapitres précédents).

Relation de dispersion

Nous mettons l’expérience en rotation à 1.1 rad/s pendant une vingtaine de minutes avant
de démarrer l’expérience. Nous générons des ondes à l’aide d’un balayage en fréquence entre
10 Hz et 100 Hz, et nous enregistrons des séquences d’images à 100 Hz. Nous analysons les
films obtenus au moyen de transformées de Fourier, en temps pour isoler chaque fréquence de
forçage, puis en espace pour détecter le nombre d’onde associé. Nous reconstruisons de cette
manière la relation de dispersion des ondes hydroélastiques, sans rotation (figure 4.4(a)) puis
avec rotation (figure 4.4(b)). Nous superposons sur ces deux figures la relation de dispersion
théorique obtenue avec l’équation 1.9. Nous constatons pour les deux figures que la relation
de dispersion théorique décrit bien nos données expérimentales, même pour l’expérience en
rotation. Ceci confirme que la rotation à cette vitesse ne modifie pas la dispersion des ondes.
Nous remarquons en revanche que le signal est beaucoup plus bruité sur les spectres en
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 105

Figure 4.4 – (a) Relation de dispersion mesurée expérimentalement (sans rotation). Courbe rouge :
relation de dispersion théorique (équation 1.9). (b) Relation de dispersion mesurée expérimentalement,
avec rotation à 1.1 rad/s. Courbe rouge : relation de dispersion théorique. (c) Spectre normalisé du
bruit créé par la cuve pour une rotation à 1.1 rad/s.

rotation. Ceci provient en grande partie du fait que le moteur vibre lorsqu’il fonctionne, ce qui
génère beaucoup d’ondes indésirables par vibration des bords de la cuve. Nous représentons
dans la figure 4.4(c) le spectre obtenu en mesurant les déformations de la surface dues aux
vibrations de la cuve. L’amplitude des ondes est particulièrement importante à basse fréquence
(< 20Hz), ce qui explique l’allure de la relation de dispersion (figure 4.4(b)) très bruitée. Les
ondes parasites masquent en effet une partie de l’information qui nous intéresse ici.

4.2.3 Structure de bande de cristaux

Nous nous intéressons maintenant à la propagation d’ondes hydroélastiques dans un cristal


artificiel (comme ceux présentés au chapitre précédent) en présence ou non de rotation. Nous
étudions un cristal triangulaire de perforations de diamètre d = 4 mm espacées d’une distance
a = 1.3 cm. Nous étudions dans un premier temps ce cristal sans la rotation puis avec une
rotation de l’ensemble de l’expérience. Nous utilisons comme précédemment des balayages en
fréquence, ici entre 3 Hz et 43 Hz, au moyen d’un point source (pot vibrant). Nous enregistrons
plusieurs séquences d’images de 800 × 800 pixels à 100 Hz. Nous analysons chacune des
séquences d’images enregistrées au moyen de transformées de Fourier temporelles (voir section
1.4).

Sans rotation

Nous représentons dans la figure 4.5(a) l’amplitude moyenne des ondes se propageant
à l’intérieur du cristal en fonction de leur fréquence. Nous ne distinguons pas de bande
106 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

Figure 4.5 – (a) Amplitude mesurée à l’intérieur du cristal sans rotation et moyennée sur l’en-
semble du cristal. Les spectres isofréquence pour quelques fréquences sont montrés. Ils ont été isolés
par transformée de Fourier, symétrisés (rotation de 60◦ et 120◦ ) et nous les représentons en échelle
logarithmique. (b) Même chose avec la rotation à 1.1 rad/s.

interdite de propagation (chute d’amplitude), mais il est important de noter que ce spectre
est anormalement bruité. Nous isolons pour quelques fréquences (12.6 Hz, 20 Hz, 27 Hz,
31 Hz et 42 Hz) le spectre isofréquence, obtenu grâce à une transformée de Fourier spatiale
bidimensionelle. Nous retrouvons comme détaillé précédemment sept cercles à basse fréquence
(12.6 Hz), comme attendu pour un cristal en nid d’abeille. Nous remarquons six points d’assez
forte amplitude (ici en noir) dans le spectre à 27 Hz, ce qui rappelle la structure de cône de
Dirac (voir chapitre 3). La structure à haute fréquence est moins facilement reconnaissable,
nous devinons cependant les six cercles mentionnés précédemment (31 Hz).
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 107

Avec rotation

Nous réalisons à présent exactement la même expérience en ajoutant la rotation à 1.1


rad/s. Nous présentons dans la figure 4.5(b) l’amplitude moyenne des ondes se propageant à
l’intérieur du cristal en fonction de leur fréquence. Le spectre étant encore plus bruité que le
précédent (figure 4.5(a)), nous ne pouvons rien déduire de ce spectre (on n’y distingue pas de
bande interdite). En effet, la rotation engendre beaucoup de vibrations dans la cuve, ce qui
perturbe la mesure. Nous reportons comme précédemment quelques spectres spatiaux, à 12.6
Hz, 20 Hz, 27 Hz, 31 Hz et 42 Hz. L’allure de ces spectres est très proche de l’allure observée
sans rotation ; nous obtenons sept cercles à basse fréquence correspondant à la seconde zone
de Brillouin, puis un spectre plutôt discret à 31 Hz. À plus haute fréquence (42 Hz) le spectre
devient continu, ce qui tranche avec les observations précédentes.

Ces quelques observations ne suffisent pas pour conclure sur la présence ou non d’un état
topologique. En effet, l’absence de bande interdite de propagation peut être due au rapport
signal sur bruit, trop faible ici en raison des vibrations de la cuve en rotation. D’autre part,
dans la plupart des observations expérimentales reportées dans la littérature, les auteurs
présentent un champ d’onde montrant une onde de bord protégée. Celle-ci est visible si le
milieu environnant le matériau topologique est isolant, c’est-à-dire si l’onde ne peut pas se
propager à l’extérieur du cristal. Ce n’est pas le cas ici, puisque l’onde que nous générons
“fuite” hors du cristal dans la zone où le film élastique est homogène.

Il est également possible que la rotation ne soit pas assez rapide pour que ces effets se
voient dans nos expériences. Pour tenter d’observer des effets de la rotation sur le système
nous décidons d’augmenter la vitesse de rotation. Ce faisant, nous avons dû faire face à
des difficultés expérimentales qui nous ont empêchés de conclure sur la question des effets
topologiques, sujet qui reste ouvert à ce jour. Toutefois, les phénomènes parasites que nous
avons rencontrés soulèvent de nouvelles questions physiques, qui nous ont semblé tout à fait
pertinentes dans cette étude. C’est le sujet de la deuxième partie de ce chapitre.

4.3 Forme de la surface

4.3.1 Présentation du problème

Lorsque nous utilisons une méthode de Schlieren synthétique pour mesurer la forme de
l’interface (l’une des deux techniques présentées dans la partie 1.3.2) nous avons besoin de
connaı̂tre la forme de référence (l’interface sans onde) pour pouvoir reconstruire la hauteur
d’eau. En effet, dans l’équation 1.15 (page 32), qui donne l’expression de la pente locale de
l’interface en fonction du déplacement apparent du motif, on voit que le facteur correctif (le
“h∗”) dépend de la hauteur d’eau initiale h0 . Dans toutes les expériences précédentes cette
108 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

Figure 4.6 – Formes erronées mesurées pour une surface libre (en bleu) et avec une membrane
d’épaisseur 300 µm (rouge) pour une rotation de 1.1 rad/s. La courbe en tirets représente la parabole
2
théorique pour la surface libre ζ = Ω2g r2 .

hauteur était constante et fixée au début de l’expérience. Dans notre cas la hauteur d’eau
correspondant à l’image de référence n’est pas uniforme, puisque la surface de l’eau se creuse
lorsque la rotation est démarrée. Nous n’avons pas mentionné ce problème dans le début
de ce chapitre car ce facteur correctif n’influence que la valeur de l’amplitude des vagues
mesurées, et non leur longueur d’onde. En d’autres termes, cela ne modifie pas les relations
de dispersion mesurées, mais cela change le niveau de gris des pixels des images des figures
4.4 et 4.5. Cela peut aussi expliquer le signal très bruité des spectres de la figure 4.5. Pour
reconstruire correctement l’interface il faut utiliser la valeur de h0 correspondant à la surface
déformée ; la forme de cette surface est une parabole dans le cas d’une surface libre, mais
quelle est-elle pour une surface recouverte d’une membrane hydroélastique ?

Lorsque nous augmentons la vitesse de rotation, la surface du liquide se creuse d’avantage.


Pour mesurer la hauteur d’eau en utilisant les techniques de Schlieren synthétique, il faudrait
que nous connaissions déjà la hauteur d’eau (puisqu’elle intervient dans l’expression du dé-
placement apparent, voir équation 1.15). Il s’agit donc d’un problème implicite, qui nécessite
de calculer l’expression du déplacement apparent du motif placé sous la cuve en fonction de
la hauteur. Nous travaillons actuellement à la résolution de ce problème.

Nous pouvons toutefois analyser qualitativement les résultats obtenus pour une surface
libre et pour une surface couverte d’une membrane. La forme mesurée sera fausse, mais nous
pourrons comparer entre elles les formes obtenues. C’est ce que nous présentons dans la figure
4.6 pour la même vitesse de rotation et une membrane de 300 µm d’épaisseur ; nous traçons
également la courbe théorique prédite pour une surface libre à titre indicatif. Nous observons
qu’à vitesse de rotation égale, la surface est plus creusée pour la surface libre que pour une
surface recouverte d’une membrane élastique. Ceci indique que la forme de l’interface est
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 109

Figure 4.7 – (a) Schéma d’ensemble du système considéré (b) Schéma illustrant la compression
orthoradiale. On dénote r la coordonnée radiale du point de la membrane initialement en Lζ(r) . ur
est le déplacement dans le plan (voir partie 4.3.3). (c) Comparaison des ordres de grandeur pour ζg
et pour ζcomp .

elle-même fixée par la présence de la membrane. Nous tenterons donc dans cette partie de
prédire la forme de l’interface au moyen d’arguments énergétiques, comme nous l’avons fait
au début du chapitre 1.

4.3.2 Estimation en loi d’échelle

Le système que nous considérons est celui d’une cuve cylindrique remplie d’une hau-
teur d’eau h0 . La surface est recouverte d’une membrane élastique d’épaisseur e, de module
d’Young E et de rayon L. La cuve est mise en rotation à une fréquence angulaire de Ω
[rad.s−1 ]. Nous représentons schématiquement ce système physique dans la figure 4.7(a).
Nous cherchons à calculer la forme ζ de l’interface.

Écrivons l’énergie du système en loi d’échelle afin de comprendre les mécanismes physiques
mis en jeu. Nous avons a priori quatre énergies à prendre en compte : l’énergie potentielle de
gravité Eg , l’énergie potentielle due à la rotation EΩ , l’énergie de flexion de la membrane ED
et l’énergie Ecomp due à la compression du film dans la direction orthoradiale. Nous négligeons
ici l’extension de la membrane dans la direction radiale.

1/ Gravité

L’énergie potentielle de gravité s’écrit :

Eg = ρ × volume × g × hauteur

Nous négligeons la masse du film déplacé car h  ζ. Le volume d’eau à prendre en compte
ici est ζR2 et la hauteur de cette masse est ζ.
110 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

Eg = ρgζ 2 R2

2/ Rotation

L’énergie potentielle liée à la rotation s’écrit :

EΩ = ρ × volume × Ω2 R × longueur

Le volume est ici encore ζR2 , mais la longueur que nous devons prendre en compte est R,
car le vecteur r est colinéaire à l’orientation de l’accélération.

EΩ = ρΩ2 R4 ζ

3/ Flexion

L’énergie surfacique de flexion s’écrit comme le module de flexion D multiplié par le carré
de la courbure locale, l’énergie de flexion s’écrit donc :

 2
ζ
EB = B × surf ace
R2

En ordre de grandeur, la surface de la membrane est R2 , d’où

ζ2
EB = B .
R2

4/ Compression

La rotation change la courbure de Gauss de la membrane, nous forçons donc cette der-
nière à se déformer soit en s’étirant soit en se comprimant. Comme nous l’avons mentionné
ci-dessus, nous négligeons l’étirement dans la direction radiale pour ne considérer que la com-
pression orthoradiale. Nous partons d’une longueur initiale r que nous “enveloppons” sur la
forme ζ(r). En notant ε la déformation liée à ce changement, nous pouvons écrire l’éner-
gie volumique élastique E × ε2 , où E est le module d’Young. Pour évaluer ε nous utilisons
la figure 4.7(b), où sont représentées schématiquement la membrane au repos et la mem-
L −r
brane déformée. La déformation s’exprime alors ε = ζ(r) r , où Lζ(r) est la longueur de
l’arc déformé (son abscisse curviligne). Nous pouvons faire l’approximation que r ∼ R and
p 2
Lζ(R) ∼ R2 + ζ 2 ∼ R(1 + 12 Rζ 2 ) ; de sorte que
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 111

ζ2
ε∼ .
R2
Pour obtenir l’énergie de compression nous multiplions l’énergie volumique par le volume
h × R2 , où h est l’épaisseur du film. Finalement :

 2
ζ2 Ehζ 4
Ecomp ∼ E hR2 ∼
R2 R2

Comparaison terme à terme

Pour comprendre le sens physique des différentes énergies, nous pouvons comparer les
termes deux par deux. De cette manière nous pourrons déterminer quels sont les termes
dominants et quels termes pourront être négligés.

Gravité vs. Rotation

Lorsque nous comparons l’énergie liée à la rotation (motrice) et celle liée à la gravité (qui
tend à maintenir la surface plate), nous ne prenons pas en compte la membrane. En d’autres
termes, il s’agit de l’estimation en loi d’échelle qui devrait nous permettre de trouver la forme
obtenue pour une surface libre, dont nous savons qu’il s’agit d’une parabole. Nous avons :

Eg ∼ EΩ
soit ρgζ 2 R2 ∼ ρΩ2 R4 ζ
Ω2 2
et ζ∼ R .
g

Nous obtenons bien la forme attendue, puisque ζ ∝ R2 .

Flexion vs. Rotation

Nous comparons ici l’énergie liée à la rotation (motrice) et celle liée à la flexion (qui tend
à maintenir la surface plate) :

EB ∼ EΩ
ζ2
B ∼ ρΩ2 R4 ζ
R2
ρΩ2 6
ζ∼ R
B
112 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

En prenant Ω ∼ 1 rad/s, ρ = 103 kg/m, B ∼ 10−5 Pa.m3 et R ∼ 10 cm, nous obtenons


ζ ∼ 102 m. Cette estimation, quatre ordres de grandeur au-dessus de ce que nous observons,
signifie que l’énergie de flexion n’est pas la plus coûteuse, et pourra éventuellement être
négligée. Nous savons en effet que pour les membranes fines il est beaucoup plus facile de les
fléchir que de les comprimer ou les étirer (voir chapitre 1).

Compression vs. Rotation

Nous comparons ici l’énergie liée à la rotation (motrice) et celle liée à la compression :

Ecomp ∼ EΩ
Ehζ 4
soit ∼ ρΩ2 R4 ζ
R2
ρΩ2 6
ζ3 ∼ R
Eh
 2 1/3
ρΩ
ζ∼ R2
Eh

Avec les mêmes valeurs que ci-dessus et E ∼ 106 Pa et h ∼ 10−4 m, nous obtenons
ζ ∼ 4.6 cm. Ce résultat est plus raisonnable, et semble indiquer que l’énergie de compression
orthoradiale de la membrane régira la forme de l’interface.

Il est important de noter qu’ici nous obtenons une parabole (ζ ∝ R2 ), comme dans le
cas de la surface libre. Nous pouvons donc comparer les deux préfacteurs obtenus afin de
prévoir quel terme sera dominant. Nous représentons dans la figure 4.7(c) l’allure des courbes
de la déflexion ζ en fonction de la vitesse de rotation Ω. Nous obtenons une dépendance en
Ω2/3 lorsque nous comparons l’énergie de compression à l’énergie de rotation (nous notons
la déflexion obtenue ζcomp ), contre une dépendance en Ω2 lorsque nous comparons l’énergie
de gravité à celle de rotation (nous notons ζg la déflexion dans ce cas). Nous observons
sur la figure 4.7(c) que ζg est inférieur à ζcomp pour des vitesses de rotation inférieures à
une valeur critique que nous appelons Ωc . Ceci signifie que déplacer la masse d’eau est bien
plus couteux énergétiquement que de comprimer orthoradialement la membrane. Pour ces
vitesses de rotation, nous nous attendons donc à avoir un comportement régi par la gravité,
c’est-à-dire à observer une forme parabolique avec un préfacteur en Ω2 . Au-dessus de Ωc ,
nous nous attendons plutôt à un comportement régi par la compression orthoradiale, auquel
cas nous obtiendrons également une parabole, avec cette fois un préfacteur en Ω2/3 . Nous
ρ 
pouvons estimer la valeur de Ωc en égalant : ζg ∼ ζcomp , soit Ωc 4 ∼ g 3 Eh . Avec les
valeurs données précédemment, nous trouvons Ωc ∼ 6.7 rad/s. Étant données les vitesses
avec lesquelles nous avons travaillé (Ω < 2 rad/s), nous nous attendons à toujours observer
2
une forme régie par la gravité, c’est à dire une parabole ζ ∼ Ωg R2 . Ce résultat est contraire
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 113

10 -4
2

-1

-2

Figure 4.8 – Quatre champs de hauteur mesurés à quatre vitesses de rotation 1.1 rad/s (a), 1.3 rad/s
(b), 1.5 rad/s (c) et 1.7 rad/s (d). La barre d’échelle mesure 20 cm. La surface est corrigée par la
déformation moyenne de l’interface de manière à apparaı̂tre presque plate ici. Les rides ondulées qui
apparaissent en bas de chaque image sont un défaut de fabrication dans le film et ne doivent pas être
prises en compte.

aux observations expérimentales, car nous observons des interfaces de formes différentes pour
une surface libre et pour une surface couverte d’une membrane élastique. Ceci signifie que
l’argument en loi d’échelle ne suffit pas, et qu’il faut dériver plus rigoureusement l’équation
différentielle décrivant le système.

Pour trouver la forme exacte, nous pouvons écrire l’énergie complète du système sous la
forme d’un lagrangien. Nous espérons de cette manière trouver une solution grâce à un calcul
variationnel, en minimisant l’énergie. Malheureusement, l’énergie de compression orthoradiale
(point 4/ dans notre estimation en loi d’échelle) nous donne un terme intégral complexe, qui
rend la résolution de l’équation différentielle impossible. Nous présentons tout de même en
annexe C la solution que nous trouvons en négligeant ce terme (c’est-a-dire en ne conservant
que les énergies liées à la gravité, la rotation et la flexion pure). Le lecteur pourra y trouver
le calcul donnant l’équation différentielle complète obtenue, ainsi que la résolution proposée
pour sa forme simplifiée. Nous utilisons la routine de calcul Matlab bvp4c que nous avons
adaptée pour trouver une solution malgré les singularités de l’équation (voir annexe). Comme
attendu, en négligeant l’énergie de compression la solution de l’équation différentielle donne
une forme de l’interface qui très proche d’une parabole (moins de 1% de différence, voir
annexe).

4.3.3 Plis radiaux

Le theorema egregium de Gauss, que nous avons déjà cité au chapitre 1, énonce qu’une
transformation isométrique d’une surface ne change pas sa courbure locale. En d’autres termes
si nous changeons la courbure gaussienne κ d’un objet nous y introduisons forcément des
contraintes, soit d’extension soit de compression. Ici nous forçons une feuille initialement
plate (κ = 0) à adopter une forme de courbure positive : κ > 0. La rotation introduit donc
des contraintes compressives dans la direction orthoradiale. Lorsque la contrainte compressive
114 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

h E, ν
L

Figure 4.9 – (a) Cliché montrant les plis radiaux se formant lorsqu’une plaque est écrasée par une
coque. Tiré de [121]. (b) Schéma de l’expérience. Adapté de [122]. (c) Plis radiaux formés dans une
membrane déposée sur une goutte d’eau. Tiré de [45].

générée est supérieure au seuil de flambage, des plis se forment. Ces plis seront perpendicu-
laires à la contrainte compressive générée, ils seront donc radiaux.

Nous mesurons la forme prise par l’interface pour quatre vitesses de rotation croissantes.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, la hauteur d’eau mesurée sera erronée, par
contre la position et la longueur d’onde des plis sera juste. Nous reportons dans la figure 4.8
quatre champs de hauteur mesurés aux vitesses de rotation 1.1 rad/s (a), 1.3 rad/s (b), 1.5
rad/s (c) et 1.7 rad/s (d). Nous retranchons la forme moyenne de l’interface afin de mieux
visualiser les plis, la surface apparaı̂t donc pratiquement plate ici. Dans la première expérience
(figure 4.8(a)) la vitesse de rotation est relativement faible, 1.1 rad/s, de sorte qu’aucun pli
n’est visible. Lorsque l’on augmente la vitesse à 1.3 rad/s (figure 4.8(b)) on devine l’apparition
de plis radiaux sur la partie la plus externe du film. Pour des vitesses de rotation encore plus
élevées (1.5 rad/s et 1.7 rad/s), ces plis progressent vers l’intérieur du film sans que leur
longueur d’onde ne semble changer. En effet, plus la vitesse de rotation augmente et plus les
contraintes compressives sont importantes dans la direction orthoradiale. La contrainte seuil
est donc atteinte pour un plus petit rayon : la membrane flambe et forme des plis. La longueur
d’onde de ces plis provient de la compétition entre d’un côté l’élasticité de la membrane, qui
favorise de grandes longueurs d’ondes pour limiter la courbure, et de l’autre le poids de l’eau,
qui tend à former de très petites longueurs d’ondes. Ainsi que nous l’avions mentionné dans le
chapitreq1, la longueur d’onde obtenue est donc proportionnelle à la distance caractéristique
D
λDg ∼ 4 ρg (voir équation 1.14 page 28), qui vaut ici 3.6 cm pour une membrane de 300 µm.
Nous mesurons une longueur d’onde de 3.2 cm, indépendante de la vitesse de rotation et en
très bon accord avec la valeur théorique.

En s’inspirant de travaux sur l’enveloppage d’une sphère par une feuille élastique [121,
122] (voir figure 4.9(a-b)) et sur l’apparition de plis dans une membrane déposée sur une
goutte d’eau [45] (voir figure 4.9(c)) nous cherchons maintenant à prédire la position de
ces plis, c’est-à-dire à partir de quel rayon ils apparaissent. Il faut pour cela calculer la
contrainte orthoradiale dans la membrane en fonction du rayon, et la comparer à la contrainte
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 115

seuil. Cette contrainte seuil peut être calculée soit à partir de la relation de dispersion des
ondes hydroélastiques [42] (équation 1.9) soit en comparant l’énergie de flexion à l’énergie de
compression d’une membrane flambée. Nous montrons dans l’annexe B que cette contrainte

seuil vaut σc = 2 Dρg.

Nous cherchons à exprimer la contrainte orthoradiale σθθ dans la plaque élastique. En


suivant les notations usuelles nous appelons ur le déplacement radial de la membrane, uθ
son déplacement orthoradial et ζ(r) son déplacement selon la verticale. Les déformations
s’expriment alors [45, 123] :

1
εrr = ∂r ur + (∂r ζ)2
2 (4.4)
1 1 1
εθθ = ∂θ uθ + ur + 2 (∂θ ζ)2 .
r r 2r

La forme de l’interface étant axisymétrique, tous les termes en θ sont nuls, ainsi que
la déformation εrθ = εrθ . L’expression des déformations se simplifient alors en εθ = ur , et
εr = u0 + 12 (∂r ζ)2 . Les contraintes s’obtiennent à partir des relations de Hooke [45] :

Eh
σrr = (εrr + νεθθ )
1 − ν2
(4.5)
Eh
σθθ = (εθθ + νεrr ).
1 − ν2

Pour trouver l’expression du déplacement radial ur nous devons résoudre l’équation d’équi-
libre des moments dans la plaque. En nous aidant du schéma (b) de la figure 4.10 :

σr (r + dr).(r + dr).dθ − σr (r).r.dθ = σθ .dr.dθ


∂(rσr )
soit = σθ .
∂r

Cette équation se trouve aussi sous la forme suivante, souvent appelée équation de Lamé :

∂σr σθ − σr
= . (4.6)
∂r r

En résolvant cette équation nous obtenons une équation différentielle dépendant de ζ et


de u. Si nous connaissons la forme de l’interface ζ, nous pouvons trouver l’expression de u en
résolvant l’équation différentielle. Nous considérons dans un premier

temps que la forme de
α 2
la surface est celle d’une parabole, nous prenons donc ζ(r) = 2 r , où α est une constante.

En combinant les équations 4.4, 4.5 et 4.6 nous obtenons l’équation différentielle :
116 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

Figure 4.10 – (a) Que se passe-t-il maintenant si la forme de la surface ζ(r) n’est pas fixe, mais est
régie par la présence de la membrane elle-même ? Peut-on prévoir sa forme et la localisation des plis ?
(b) Schéma explicitant l’équilibre des contraintes planaires dans la plaque.

Figure 4.11 – Contraintes radiales σr (en traits pointillés) et orthoradiales σθ (en traits pleins), pour
les vitesses de rotation 0.9 rad/s, 1.1 rad/s, 1.3 rad/s, 1.5 rad/s et 1.7 rad/s (du plus clair au plus
foncé). La ligne horizontale rouge démarque la contrainte limite de flambement, qui vaut -0.64 N/m
ici.

u0 u ν−3
u00 + − 2 − αr = 0. (4.7)
r r 2

Cette équation se résout analytiquement en [122–124] :

ν−3 3
u(r) = Ar + B/r + α r . (4.8)
16
En utilisant comme conditions aux limites σr = 0 en r = L et que le déplacement u est
nul en r = 0, on trouve finalement :

 
L2 α ν 2 − 32 ν−3 3
u(r) = −r 1+ +α r . (4.9)
1+ν 2 8 16
En réinjectant cette expression dans les équations 4.4 et 4.5 nous trouvons l’expression
de la contrainte en fonction de r et du paramètre de la parabole α. Nous traçons dans
CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION 117

la figure 4.11 l’allure des contraintes radiales et orthoradiales en fonction du rayon ; pour
4
cette estimation nous avons pris α = Ωg2 , c’est-à-dire la forme parabolique obtenue pour
une surface libre. Nous constatons que la contrainte radiale (en traits pointillés) est toujours
positive, et décroı̂t à mesure que le rayon augmente. À l’inverse, la contrainte orthoradiale
(en traits pleins) change de signe pour r/L ∼ 0.6, et devient négative. Ceci signifie que la
membrane est étirée orthoradialement sur la partie centrale du film, et comprimée sur la partie
externe. Nous remarquons en outre que cette contrainte devient supérieure à la contrainte
seuil d’apparition des plis pour les deux vitesses de rotation les plus importantes, 1.5 rad/s et
1.7 rad/s. Nous nous attendons donc à observer des plis sur la partie extérieure des films pour
ces deux vitesses, respectivement à 34 cm et à 30 cm du centre de la membrane. Ce résultat
est bien conforme à ce que nous observons sur la figure 4.8(c-d), où les plis apparaissent
respectivement à environ 29 cm et 24 cm du centre.

Nous sommes donc en mesure de prédire qualitativement l’apparition des plis radiaux dus
à la déformation de la membrane selon un paraboloı̈de de révolution.

4.4 Conclusion

En faisant tourner un cristal dans lequel se propagent des ondes, nous devrions voir
apparaı̂tre des effets topologiques qui modifient radicalement le comportement des ondes dans
ce cristal. À l’image de l’effet Hall quantique en électromagnétique, où le champ magnétique
brise la symétrie par renversement du temps, nous espérons en faisant tourner la cuve de
notre expérience créer des modes de bord conducteurs dans un matériau isolant en volume.
Les expériences que nous avons menées ne permettent pas de conclure quant à la présence
ou non d’effets topologiques pour l’expérience en rotation. D’autres expériences seront donc
nécessaires, notamment pour tenter de diminuer le niveau de bruit, encore trop important à
ce stade.

D’autre part, nous avons vu qu’il était primordial de connaı̂tre la forme de l’interface pour
pouvoir réaliser des mesures quantitatives fiables. Pour mesurer cette dernière nous devons
modifier notre expérience, en réalisant par exemple des mesures au moyen d’un vibromètre
laser, ou bien en adaptant l’algorithme d’analyse des techniques de Schlieren synthétiques à
des surfaces très déformées.

En augmentant la vitesse de rotation de la cuve nous avons observé un effet parasite


au sujet initial : des plis radiaux sont apparus, empêchant la visualisation des ondes. Outre
l’excellent exemple de sérendipité que ce phénomène incarne, il nous semble être un sujet très
riche, qui pour être tout à fait compris requiert de développer une théorie avancée de méca-
nique des plaques. Nous pouvons avec des lois d’échelle donner une estimation de ce qui nous
semblent être les ingrédients principaux à ce problème. Ils nous permettent de comprendre
l’origine physique de l’apparition des plis, dont nous pouvons prédire qualitativement le rayon
118 CHAPITRE 4. EXPÉRIENCES EN ROTATION

d’apparition. Pour la suite, une collaboration est en cours avec l’équipe du Professeur Do-
minic Vella du Mathematical Institute d’Oxford, qui s’intéresse précisément à ces problèmes
mécaniques d’un point de vue théorique.
119
Chapitre 5

Instabilité de Faraday et élasticité

Avec Malo Tarpin, Duc Minh Ta et Pierre Chantelot

Nous nous intéressons dans ce chapitre à une instabilité hydrodynamique appelée insta-
bilité de Faraday. Elle apparaı̂t lorsque l’on vibre verticalement un bain de liquide au moyen
d’une accélération périodique. Cette instabilité, découverte en 1831 par Faraday, a été étudiée
en détail, à la fois expérimentalement et théoriquement. Si de nombreuses études portent sur
l’instabilité de Faraday dans des liquides divers, à notre connaissance il n’en existe aucune
mentionnant l’existence de cette instabilité pour des milieux solides, ou pour un système
couplé comme celui d’une membrane flottante.

Nous commencerons par présenter l’instabilité de Faraday telle qu’elle est connue pour
les liquides, à la fois d’un point de vue expérimental et théorique. Nous présenterons ensuite
les résultats que nous avons obtenus pour les ondes hydroélastiques, ainsi qu’une proposition
de modèle théorique. Enfin, nous évoquerons plus brièvement les expériences menées sur
l’instabilité de Faraday dans un hydrogel.

5.1 Instabilité de Faraday dans un liquide

5.1.1 Présentation de l’instabilité

La première observation de cette instabilité est due à Michael Faraday, qui observe le
miroitement à la surface d’un bain de mercure vibré [125]. Ce miroitement est la conséquence
d’un motif d’ondes stationnaires qui apparaissent à la surface du liquide. Nous représentons
dans la figure 5.1 un schéma de l’expérience typique permettant d’observer l’instabilité, ainsi
qu’une vue de côté de l’instabilité obtenue dans un bain d’huile de silicone. Le motif d’ondes

120
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 121

Figure 5.1 – (a) Schéma de l’expérience, montrant le vibreur et le bain liquide. (b) Vue de côté de
l’instabilité de Faraday dans de l’huile de silicone. La ligne représente une longueur d’onde, soit 5.1
mm. D’après [132].

stationnaires observé ici est un motif carré, mais il en existe beaucoup d’autres selon le type de
forçage vertical utilisé [126], notamment hexagonal, en lignes, avec une superstructure [127]
ou encore des motifs quasicristaux [128].

La littérature portant sur cette instabilité est particulièrement fournie [129], mais la pre-
mière description théorique date seulement de 1954, avec l’article de référence de Benjamin
et Ursell [130], qui utilisent l’équation de Matthieu pour expliquer le caractère subharmo-
nique de l’instabilité (en milieu non visqueux) et obtenir l’expression de la longueur d’onde
en fonction de la fréquence de forçage. Il faut ensuite attendre 1994 et les calculs de Kumar
et Tuckerman [131] pour prendre en compte la viscosité et en déduire l’expression théorique
du seuil d’apparition de l’instabilité.

5.1.2 Équation de Matthieu

Nous détaillons dans cette partie le calcul théorique permettant de comprendre le caractère
subharmonique de l’instabilité, ainsi que la longueur d’onde obtenue. Ce qui suit est très
largement inspiré de l’article de Benjamin et Ursell [130], qui introduit le formalisme de
l’équation de Matthieu pour l’instabilité de Faraday.

Considérons un volume de fluide vibré verticalement comme illustré dans la figure 5.1(a).
Nous plaçons les axes (x, y, z) (montrés dans la figure 5.1(a)) de manière à ce que z = 0
à la surface du fluide au repos (surface plane) et z = −h à la base du bain (h est donc la
profondeur d’eau). Du fait de la vibration verticale d’amplitude a et de fréquence 2ω0 , nous
pouvons écrire l’accélération effective ressentie par le fluide : gbain = g(1 + ε cos 2ω0 t). Nous
dénotons u la vitesse du fluide vibré, et (u, v, w) sont les composantes du vecteur vitesse dans
les 3 directions. L’équation de Navier-Stokes s’écrit [49] :

∂v
ρ + ρ(v.∇).v = −∇P + η∆v + ρgbain
∂t
En négligeant dans un premier temps la viscosité, nous pouvons utiliser l’équation de
Bernoulli ; nous considérons en outre que l’écoulement est incompressible et irrotationnel ;
122 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

∂φ v2
ρ + ρ + P + ρgz = 0, (5.1)
∂t 2
où φ est le potentiel des vitesses (variable déjà introduit au chapitre 1). Nous dénotons la
déformation de l’interface par la fonction ξ, soit zsurface = ξ(x, y, t). Nous pouvons exprimer
l’expression de la pression sous l’interface au moyen de la loi de Laplace :

P = γ∆ξ,

où γ est la tension de surface du liquide, et ∆ξ est une expression approchée de la courbure
dans les deux directions. En se plaçant en z = zsurface dans l’équation 5.1, nous obtenons :

∂φ γ 1
+ ∆ξ + (u2 + v 2 + w2 ) − ξg(1 + ε cos(2ω0 t)) = 0 (5.2)
∂t ρ 2
Comme au chapitre 1 où nous avions mené un calcul similaire, nous négligeons le terme
d’ordre 2 (grâce à l’hypothèse des faibles amplitudes), et nous exprimons φ en fonction de ξ
∂ξ ∂φ
grâce à la condition cinématique à l’interface : ∂t ' ∂z . Nous imposons des conditions de
Dirichlet au fond et aux bords de la cuve (vitesse et déformation nulles), nous pouvons donc
développer φ et ξ sur la base de fonctions propres Sm (x, y). Ces fonctions Sm sont solutions
de

2
(∆ + km )Sm (x, y) = 0,

où km désigne le nombre d’onde du mode m. Nous pouvons écrire ξ comme la somme


X
ξ(x, y, t) = am (t)Sm (x, y),
m=1

où les coefficients am (t) désignent la contribution de chaque mode m. En utilisant les
conditions aux limites en z = 0 et en z = −h et en faisant intervenir le nombre d’onde km
nous obtenons l’équation suivante

 
d2 am 2 γ
km
+ km tanh km h + g(1 + ε cos 2ω0 t) am = 0 (5.3)
dt2 ρ

Nous introduisons les notations :




 ε0 =
ε
γ2
1+ ρg km


 T =ω t
0
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 123

Figure 5.2 – Séquence de schémas représentant la déformation de la surface du liquide et expliquant


l’oscillation à fréquence moitié de la fréquence de forçage. Adapté de [134].

de sorte que nous pouvons réécrire l’équation 5.3 sous la forme :

d2 am
+ (1 + ε0 cos 2T )am = 0, (5.4)
dT 2
où nous reconnaissons la forme canonique des équations de Mathieu [130, 133]. Le coef-
ficient ε0 est donc l’amplitude de la vibration verticale normalisée, et nous constatons que
l’effet de la vibration d’amplitude ε est d’autant plus faible que ω est grand. Le deuxième
terme étant une fonction périodique du temps, il faut utiliser le théorème de Floquet pour
résoudre cette équation, et l’on trouve alors que la solution la plus basse en fréquence est
une fonction périodique du temps mais de fréquence moitié de la fréquence de forçage. La
fréquence de Faraday ainsi obtenue ωF permet de retrouver la longueur d’onde du motif sta-
tionnaire qui apparaı̂t à la surface du bain en utilisant la relation de dispersion des ondes
gravito-capillaires.

Une façon plus intuitive de comprendre ce doublement de période est de raisonner en


prenant en compte l’inertie du fluide, introduit par Douady [134] et illustré dans la figure
5.2. Lorsque la cuve est en position haute, la gravité effective ressentie tend à maintenir
la surface plane (schémas du haut dans la figure 5.2). Lorsque la cuve redescend, comme
l’accélération effective diminue les déformations de la surface sont amplifiées (schémas du
bas). L’écoulement dans le fluide favorise les ondes en opposition de phase par rapport à
celles de la période du bain précédente.

5.1.3 Seuils

Tous ces calculs ont été menés pour des fluides parfait, c’est-à-dire sans viscosité. En
l’absence de cette source de dissipation, il n’existe théoriquement pas de seuil d’apparition de
l’instabilité, la surface se déforme dès que l’accélération verticale est non nulle et l’amplitude
des ondes est susceptible d’augmenter indéfiniment. En pratique, tous les fluides étant vis-
queux, il existe un seuil d’apparition de l’instabilité : en desous d’une certaine amplitude de
124 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

14
-3
μ= 100.10 Pa.s
12
μ= 50.10-3Pa.s
10

μ= 20.10-3Pa.s 8

μ= 10.10-3Pa.s 4

0
0 2 4 6 8 10 12 14

Figure 5.3 – (a) Mesures de seuils dans des huiles de silicone de viscosité croissante en fonction de
la fréquence. (b) Mêmes mesures représentées en fonction de ω 5/3 . D’après [135]

vibration, la surface reste plane. Nous présentons dans la figure 5.3(a) les résultats de mesures
expérimentales du seuil d’apparition de l’instabilité pour des huiles de silicone de différentes
viscosités (résultats obtenus par Suzie Protière au cours de sa thèse [135]). Nous constatons
que le seuil augmente avec la fréquence et avec la viscosité du fluide. Pour comprendre l’exis-
tence de ce seuil, il est d’usage [131,134] d’introduire empiriquement un terme dissipatif dans
l’équation de Mathieu. Ainsi, en ajoutant à l’équation 5.4 le terme

∂am νk 2 ∂am
β =2 m ,
∂t ω0 ∂T

où β est le coefficient de dissipation et ν la viscosité cinématique du fluide vibré, on peut


montrer [134] que la valeur critique de l’accélération vaut ε0c = 2 ωβ0 , soit :

2 
νkm 
γ 2
εc = 4 1+ ρg km (5.5)
ω0

En utilisant la relation de dispersion dans le régime capillaire, cette expression se simplifie


en :

 1/3
ν ρ
εc = 4 ω 5/3 .
g γ

Tous les autres termes étant constants, on attend donc une loi de puissance en εc ∝ ω 5/3 .
Nous représentons dans la figure 5.3(b) le seuil d’apparition de l’instabilité de Faraday en
fonction de ω 5/3 (tiré de [135]) ; les courbes obtenues sont effectivement des droites, ce qui
confirme le choix du terme dissipatif.
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 125

Figure 5.4 – (a) Amplitude des ondes stationnaires pour l’instabilité de Faraday pour les fréquences
d’excitation 31 Hz, 32 Hz et 33 Hz. Adapté de [134]. (b-c) Vue de dessus du motif carré de l’instabilité
obtenu dans de l’huile de silicone 5 mPa.s à 120 Hz. (b) L’amplitude de vibration est proche du seuil.
Le trait blanc représente une longueur d’onde de Faraday λF = 5.1 mm. (c) L’amplitude du forçage
est fortement augmentée. Motif déstabilisé par une oscillation de plus grande longueur d’onde (λ =
20.4 mm, représenté par le trait blanc). Tiré de [132].

Notons cependant que d’autres sources de dissipation peuvent être envisagées ; ainsi, Abe
et al. [136] ont étudié en 2007 l’instabilité de Faraday dans un superfluide (donc non visqueux),
et ont montré l’existence d’un seuil en accélération. Ils l’ont attribué à une dissipation au
niveau des ménisques aux bords de la cuve.

5.1.4 Instabilité secondaire

Si l’on mesure l’amplitude des ondes stationnaires de Faraday en fonction de l’ampli-


tude de forçage, on retrouve l’évolution caractéristique d’une bifurcation supercritique. Nous
traçons dans la figure 5.4(a) l’allure ainsi obtenue (les données sont tirées de [134]) ; nous
observons une augmentation rapide juste après le seuil d’apparition de l’instabilité (situé à
environ 9.04 m/s2 pour 31 Hz, 9.22 m/s2 pour 32 Hz et 9.68 m/s2 pour 33 Hz), suivie d’un
ralentissement voire d’un plateau. Ceci signifie que l’énergie fournie au système augmente
sans que l’amplitude des ondes n’augmente en conséquence. Une partie est dissipée par le
système, notamment par friction visqueuse, mais qui ne suffit pas à expliquer l’allure obser-
vée. Plusieurs études se sont penchées sur cette question ; la plupart rapportent l’apparition
de désordre et de défauts dans le motif, qui évoluent vers un mouvement chaotique des ondes
dans le plan de la surface [137–140]. On peut cependant relever que dans certains de ces
articles il est mentionné qu’avant de se déstabiliser complètement le motif pouvait osciller
au cours du temps, et que lorsque l’amplitude de cette oscillation était trop importante des
défauts apparaissaient, et le mouvement devenait chaotique [139, 140].

Pour comprendre plus précisément ce phénomène des expériences ont été menées par Malo
Tarpin au cours de son stage au laboratoire, avant le début de cette thèse et du stage de master
qui lui a précédé. Il a étudié la déstabilisation d’un motif carré de Faraday en augmentant
très (très) précautionneusement l’amplitude du forçage. Le motif carré qu’il a étudié est
représenté dans la figure 5.4(b) ; il s’agit d’une vue de dessus de l’expérience, où chaque point
126 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

brillant représente un extrema de l’interface (voir description de la méthode expérimentale


dans la section 5.2.1 page 126). Moyennant une horizontalité et un équilibrage de la cuve
particulièrement poussés, il a pu observer une oscillation spontanée du motif carré, qui oscille
à quelques hertz avec une périodicité spatiale égale à quatre fois la longueur d’onde de Faraday
(voir figure 5.4(c)). En réalisant une seconde expérience où nous forçons la vibration du motif
d’ondes, nous avons pu montrer que cette oscillation dans le plan de l’interface correspond
à une onde élastique de cisaillement. Ce caractère élastique de la surface, a priori inexistant
pour un fluide newtonien, provient ici de la combinaison d’une déformation de la surface et
de l’existence d’une tension de surface. Nous choisissons de ne pas présenter ces résultats en
détail ici, et nous renvoyons le lecteur curieux à l’article que nous avons publié à ce sujet [132]
(consigné dans l’annexe A), qui démontre que la surface déformée par l’instabilité de Faraday
peut être vue comme un métamatériau élastique.

5.2 Instabilité de Faraday pour les ondes hydroélastiques

Nous cherchons à présent à étudier l’instabilité de Faraday dans le cas d’ondes hydroé-
lastiques, c’est-à-dire lorsque la surface de l’eau est recouverte d’une membrane élastique.
Beaucoup des résultats présentés dans cette partie sont issus du travail de DucMinh Ta, qui
a réalisé son projet de recherche de 3ème année de l’ESPCI au laboratoire.

5.2.1 Détails expérimentaux

Nous déposons à la surface d’un bain d’eau une membrane élastique circulaire. Cette mem-
brane flotte librement sur l’eau, et nous plaçons l’ensemble de l’expérience sur un pot vibrant
dont nous contrôlons la fréquence et l’amplitude de vibration. Nous mesurons l’accélération
verticale du bain au moyen d’un accéléromètre. Un schéma de l’expérience est représenté dans
la figure 5.5(a). L’expérience peut être observée de deux manières :

(1) Au moyen d’une lame semi-réfléchissante placée à 45◦ au-dessus du bain. Cette lame
nous permet simultanément d’éclairer et d’observer la cuve du dessus. Les images obtenues
sont alors semblables à celle présentée dans la figure 5.5(b), obtenue en vibrant un mélange
eau-glycérol à 100 Hz. Sur cette figure on observe des taches claires qui correspondent aux
extrema de l’interface (la lumière est réfléchie là où la surface est plate). Nous pouvons donc
observer le motif d’ondes créé et mesurer la longueur d’onde. Il s’agit ici d’un motif carré de
longueur d’onde 4.3 mm.

(2) Grâce à la technique de Schlieren FCD introduite au chapitre 1. Nous plaçons pour
cela un motif en damier sous le fond de la cuve (transparente), et nous mesurons directement
le champ de hauteur dans la cuve. Cette méthode est plus précise, mais aussi très sensible aux
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 127

CCD

Figure 5.5 – (a) Schéma de l’expérience de Faraday avec une membrane flottante. (b) Vue de dessus
d’une expérience de Faraday pour un mélange eau-glycérol de viscosité 8 mPa.s. La surface est libre
(sans membrane).

fortes pentes, nous ne pouvons donc mesurer que des champs d’onde pour des accélérations
très proches du seuil de l’instabilité. En effet, l’instabilité étant supercritique, l’amplitude des
ondes croı̂t rapidement avec l’amplitude de forçage lorsque l’on est proche du seuil. Cela en
fait donc une excellente méthode de mesure du seuil d’apparition de l’instabilité, bien plus
précise que les méthodes précédentes uniquement basées sur la visualisation directe décrite
ci-dessus.

Les membranes utilisées sont fabriquées au laboratoire par enduction centrifuge (ou “spin-
coating”). Nous mélangeons du monomère de PDMS au réticulant, que nous déposons en
faible quantité sur un disque de plexigas. Ce disque est ensuite mis en rotation afin d’étaler
le polymère. En augmentant la vitesse de rotation nous amincissons film, nous avons ainsi pu
fabriquer des membranes dont l’épaisseur varie entre h =100 µm et h = 300 µm. Un test en
traction donne par ailleurs une valeur du module d’Young de E = 1.05 MPa.

Les pré-expériences montrent plusieurs phénomènes importants. Tout d’abord, il est pos-
sible de forcer paramétriquement les ondes hydroélastiques à la surface d’un fluide couvert par
une membrane élastique en le vibrant verticalement, autrement dit, l’instabilité de Faraday
existe même lorsque le fluide est recouvert d’une membrane élastique. Nous constatons aussi
que le seuil d’apparition de l’instabilité est plus élevé que pour la surface libre, et qu’il est
possible d’obtenir des motifs relativement stables, mais pas toujours réguliers. Ce sont ces
différents résultats que nous présenterons dans les parties qui suivent.

5.2.2 Relation de dispersion et motifs

Pour chaque épaisseur nous mesurons les champs d’ondes pour différentes fréquences.
Nous représentons dans la figure 5.6 deux exemples de champs d’onde obtenus à 100 Hz pour
128 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

Figure 5.6 – (a-b) Champs d’onde obtenus à une fréquence de forçage de 100 Hz pour (a) une
membrane de PDMS de 130 µm d’épaisseur (b) une membrane de 220 µm d’épaisseur. Nous dénotons
dans la figure (a) les positions de six extrema formant un motif hexagonal. La cuve carrée mesure
12 cm de côté et le disque de PDMS mesure 8 cm de diamètre. (c) Relation de dispersion des ondes
hydroélastiques obtenue avec l’instabilité de Faraday. Nous représentons les données expérimentales
par des symboles et les courbes théoriques par des traits pleins : en noir la surface libre ( ), en bleu
la membrane de 130 µm (4), en rouge celle de 160 µm (5) et en vert 220 µm (). L’erreur sur la
mesure est inférieure à 10%.

deux membranes d’épaisseur 130 µm (a) et 220 µm (b). Ces champs sont à comparer à celui
présenté dans la figure 5.5(b), pour le mélange eau-glycérol sans membrane. Nous observons
pour cette surface libre un motif carré très bien défini, de longueur d’onde assez courte
(5.9 mm). C’est la même longueur d’onde que nous observons à l’extérieur des disques de
polymère dans les figures 5.6. Nous observons dans ces mêmes figures que la longueur d’onde
dans le disque est plus grande que pour la surface libre, mais également qu’elle augmente avec
l’épaisseur du film, ce qui est cohérent avec la relation de dispersion mesurée dans le chapitre
2 (figure 2.2, page 44). D’autre part, les motifs d’ondes dans les disques sont assez irréguliers,
nous pouvons cependant remarquer dans la figure (a) quelques cellules hexagonales, nous en
indiquons une sur la figure (a). Pour le film plus épais (figure 5.6(b)), l’amplitude des ondes
est trop faible pour que nous puissions analyser le motif d’ondes.

Pour chaque film enregistré nous isolons le spectre spatial à la fréquence de Faraday
(fréquence moitié de la fréquence de forçage) et nous en tirons la valeur de la longueur d’onde.
Nous consignons dans la figure 5.6 les valeurs obtenues. Pour ces mesures, nous n’utilisons pas
de l’eau pure mais un mélange eau-glycérol, proportionné de manière à obtenir une viscosité de
8 mPa.s (soit huit fois la viscosité de l’eau). Augmenter la viscosité de l’eau permet d’obtenir
des motifs plus stables, qui sont donc plus faciles à observer et analyser. Nous présentons les
résultats obtenus pour la surface libre (cercles noirs) et pour trois membranes d’épaisseurs
respectives h =130 µm, 160 µm et 220 µm. Nous traçons la fréquence (qui est la moitié de la
fréquence de forçage) en fonction de la longueur d’onde mesurée. Nous reportons également
les courbes obtenues avec la relation théorique (équation 1.9). Pour la relation de dispersion
des ondes pour la surface libre nous ajustons la valeur de la tension de surface à γ = 40
mN/m de manière à décrire au mieux les résultas expérimentaux. La pente obtenue à haute
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 129

Figure 5.7 – Accélération mesurée en-dessous du seuil (4) et au-dessus (5). (a) La ligne en traits
pleins correspond à un fit en ω 5/3 . (b) Même chose en échelle logarithmique. Nous ajoutons trois
courbes de pente 5/3 pour comparer aux données. (c) Seuil en accélération (moyenne du point haut
et du point bas des graphes (a) et (b)) en fonction de l’épaisseur de la membrane. En échelle logarith-
mique, nous trouvons une pente moyenne de 0.4125, correspondant aux deux lignes en tirets.

fréquence (> 10 Hz) est bien de -3/2 pour la surface libre, et nous mesurons une pente de
-5/2 pour les ondes hydroélastiques.

5.2.3 Seuils

Mesures expérimentales

Une autre information très importante dans l’étude de l’instabilité de Faraday est l’accé-
lération seuil au-delà de laquelle le motif d’ondes apparait. C’est une valeur assez délicate à
mesurer, car le temps de croissance des ondes croı̂t fortement lorsque l’on se rapproche du
seuil ; il est même théoriquement infini lorsque l’on est exactement au seuil. Il est alors d’usage
de représenter pour chaque mesure deux points, l’un correspond à une accélération sous le
seuil, et l’autre à une accélération au-dessus. Nous prenons ici comme critère que l’instabilité
doit apparaı̂tre après environ une minute de vibration pour considérer que l’accélération est
au dessus du seuil. Nous mesurons de cette manière les seuils d’apparition des ondes pour
quatre membranes d’épaisseurs h = 50 µm, 100 µm, 200 µm et 500 µm. Les expériences sont
cette fois-ci réalisées avec de l’eau, sans glycérol. La cuve mesure 14.5 cm de côté, et nous la
remplissons d’une profondeur d’eau de 1cm. Les résultats des mesures de seuil sont présentés
dans la figure 5.7(a). Les mesures sont suffisamment précises pour que les symboles soient
confondus pour certaines fréquences.

Nous observons que le seuil augmente bien avec la fréquence de forçage. Le seuil mesuré
pour la surface libre est raisonnablement bien décrit par une loi de puissance en ω 5/3 : la
courbe en trait plein noir correspond bien aux point expérimentaux (notons que nous ajustons
le préfacteur ici, et que nous ne vérifions la loi de puissance que sur une décade). Pour les
membranes nous observons en outre que le seuil augmente avec l’épaisseur de la membrane.
130 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

De manière encore plus frappante, nous notons la présence de deux points d’inflexion pour
les courbes de seuil, dénotées par deux flèches sur la courbe correspondant à la membrane de
500 µm (en vert). Nous retrouvons ces deux points d’inflexion pour toutes les courbes, à peu
près à la même fréquence. Plusieurs phénomènes peuvent expliquer ces différences, on peut
par exemple penser à un effet de profondeur, lorsque l’on passe du régime d’eau profonde au
régime d’eau peu profonde le seuil augmente du fait de la dissipation visqueuse au fond de la
cuve. La présence de deux seuils semble écarter cette hypothèse, et la même mesure réalisée
dans une profondeur d’eau double (non représentée ici) donne la même valeur de seuil. Nous
pouvons également penser au changement de régime que nous avons détaillé au chapitre 1 :
lorsque l’on passe du régime de tension au régime de flexion la valeur du seuil est susceptible
de changer. Nous observons sur la figure 2.2 du chapitre 2 que les fréquences de coupure
de ces différentes transitions sont bien plus basses que les fréquences présentées ici (∼ 5 Hz
contre 50 Hz et 70 Hz). La dernière hypothèse est que la cuve utilisée présente des fréquences
de résonance, qui faussent la mesure de l’accélération. Nous pouvons malgré cela mettre en
évidence la dépendance en fréquence en traçant l’évolution du seuil d’accélération en fonction
de la fréquence de forçage en échelle logarithmique (figure 5.7(b)). Nous observons sur cette
figure que l’ensemble des mesures de seuils semblent bien correspondre à une loi de puissance,
et que la pente théorique de 5/3 est bien parallèle à nos données (à part pour les deux points
d’inflexion mentionnés ci-dessus). Nous traçons également dans la figure 5.7(c) la valeur du
seuil en fonction de l’épaisseur pour quelques fréquences. En prenant grossièrement la pente
moyenne de toutes les courbes tracées, nous trouvons une valeur proche de 0.4, qui indique
une dépendance assez faible en épaisseur de la membrane.

Loi d’échelle

Nous pouvons adapter la description détaillée dans la partie 5.1.1 aux ondes hydroélas-
tiques. En effet, nous avons écrit l’équation de Matthieu en y faisant apparaitre la relation
de dispersion. Nous pouvons notamment ré-écrire l’équation 5.3 pour prendre en compte la
présence de la membrane :

 
d2 am 4 D
km 2 γ
km
+ km tanh km h + + g(1 + ε cos 2ω0 t) am = 0 (5.6)
dt2 ρ ρ
Comme précédemment, nous introduisons les notations :



 0 ε
 ε = γ 2 D 4
1+ ρg km + ρg km ,


 T =ω t
0

2
et la dissipation avec le terme β ∂a∂tm = 2 νk m ∂am
ω0 ∂T . Comme précédemment, le seuil vaut
ε0c = 2 ωβ0 , soit dans le régime de flexion :
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 131

2 
νkm 
γ
εc = 4 1 + ρg km 2 + D
ρg km
4
ω0
4ν  ρ 1/5 7/5 (5.7)
= ω0
g D
soit εc ∝ ω0 7/5 .h−3/5

Nous trouvons donc une dépendance en ω0 proche de nos observations expérimentales


(5/3 ∼ 1.67 et 7/5 = 1.4). En revanche la dépendance avec l’épaisseur est totalement erronée :
l’exposant n’a pas le bon signe. Nous devons donc envisager d’autres sources de dissipation,
liées probablement au caractère visco-élastique du matériau constituant la membrane ou à la
couche limite sous la membrane.

5.3 Ondes dans un hydrogel et instabilité de Faraday

Ce projet a été commencé à l’initiative de Pierre Chantelot, en thèse au laboratoire


PMMH. Nous cherchions à étudier le rebond d’une goutte sur un substrat solide déformable,
dans la lignée de ses travaux de thèse [141]. En vibrant les gels mous fabriqués nous avons
observé les déformations de l’interface et nous nous sommes donc interrogés sur le type d’onde
se propageant dans un hydrogel. Nous avons étudié ces ondes d’une part en générant des
ondes propagatives dans un bloc de gel de profondeur variable, et d’autre part en réalisant
l’instabilité de Faraday dans un bain de gel polymérisé. Les résultats que nous présentons
dans cette section sont en majeure partie le travail de Pierre Chantelot, nous maintiendrons
donc volontairement cette partie succincte : outre le fait qu’il s’agit d’un travail en cours, il
figurera très certainement dans son manuscrit de thèse.

104

103

102

101

100
10-2 10-1 100 101 102 103

Figure 5.8 – Rhéologie d’hydrogels d’agar pour des concentrations 2 g/L (rouge), 3 g/L (bleu) et 5
g/L (noir).
132 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

CCD

POT
z VIBRANT

CCD

Figure 5.9 – Schéma des expériences selon la méthode d’analyse (a) Observation de la déformation
de l’interface avec la méthode de Schlieren (b) Observation des mouvements internes par PIV.

5.3.1 Ondes propagatives : avec un point source

Hydrogels et dispositif expérimental

Nous commençons par étudier les ondes créées par un point source placé à une extrémité
d’un hydrogel. Nous fabriquons divers échantillons d’hydrogel d’agar coulés dans une cuve de
8.5 cm × 26 cm de coté, et de profondeur 6 cm. Le gel d’agar est synthétisé de la manière
suivante : nous mélangeons de la poudre d’agar (Sigma A4550) à un volume d’eau déminé-
ralisée, que nous chauffons jusqu’à ∼ 90◦ C. Nous la versons ensuite dans la cuve et nous
attendons 3h afin que le gel soit complètement refroidi et donc polymérisé. La proportion
d’agar varie entre 2 g/L et 5 g/L de manière à obtenir différents modules d’Young. Nous
mesurons les propriétés rhéologiques de ces gels dans un rhéomètre plan-plan. Nous coulons
le gel non polymérisé et chaud dans l’entrefer, et nous attendons ensuite 5h afin que le gel soit
complètement refroidi et polymérisé. Nous travaillons à déformation imposée pour mesurer
les modules de conservation G0 et de perte G00 . G0 est directement proportionnel au module
d’Young du gel et G00 caractérise les pertes dans le milieu. Lorsque G0  G00 on considère que
l’échantillon est solide. Nous représentons les résultats expérimentaux obtenus dans la figure
5.8 pour des gels de 0.2 %, 0.3 % et 0.5 % (soit respectivement 2 g/L, 3 g/L et 5 g/L). Pour
les trois gels nous constatons que G0 > G00 , nous avons donc bien un solide. Les valeurs de
G0 varient entre 95 Pa, 380 Pa et 1 kPa, tandis que le module de perte G00 est à chaque fois
près de 2 ordres de grandeur plus faible. Nous constatons également que la valeur du module
d’Young E = 2(1 + ν)G0 reste stable sur une très large gamme de fréquences (entre 10−1 s−1
et 102 s−1 environ). Pour les trois gels nous observons vers 102 s−1 une chute de G0 et une
augmentation soudaine de G00 . Nous attribuons ce comportement à un artefact de mesure, il
est possible que le gel se soit décollé des plateaux. La mesure n’est donc plus valable.

Relation de dispersion

Nous mesurons dans un premier temps le champ d’onde à la surface du gel, nous plaçons
pour cela un damier sous la cuve. De la même manière que précédemment, si une onde
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 133

Figure 5.10 – Relation de dispersion des ondes mesurées à la surface de gels d’agar. Le nombre
d’onde est pris dans la direction x (voir figure 5.9). L’information est codée en niveaux de gris : plus
un pixel est foncé et plus le signal est important. (a) µ = 380 Pa et h = 3 cm. (b) µ = 380 Pa et
h = 1 cm (c) µ = 95 Pa et h = 1 cm. Sur la figure (c) nous superposons les résultats obtenus avec
l’instabilité de Faraday (voir section 5.3.2). (d) Schéma expliquant les différents kz possibles, avec un
noeud de déplacement au fond de la cuve et un ventre de déplacement en surface.

perturbe la surface du gel (lequel est transparent) le motif en damier apparaı̂tra déformé par
réfraction à la surface. Nous pouvons ainsi reconstruire les champs de hauteur obtenus grâce à
l’algorithme Fast Checkerboard Demodulation, présenté au chapitre 1. Pour générer les ondes
nous utilisons un aimant posé sur la surface du gel, que nous plaçons dans le champ d’un
électroaimant (voir schéma (a) de la figure 5.9). L’électroaimant est controlé par ordinateur
pour produire un champ magnétique oscillant de fréquence et d’amplitude données. Pour les
expériences présentées ici, l’aimant est collé sur un barreau de plastique (de dimensions ∼8
cm dans la direction y et 1 cm dans la direction x) afin de générer des ondes planes et non
circulaires. Nous excitons le gel au moyen de balayages en fréquence, que nous analysons
134 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

ensuite par transformées de Fourier fréquentielles et spatiales. Nous en tirons pour chaque
fréquence le spectre spatial. En normalisant ce dernier par son amplitude maximale et en ne
conservant que l’information dans la direction de propagation, nous pouvons tracer la relation
de dispersion du gel. Nous présentons dans la figure 5.10(b) la carte de relation de dispersion
ainsi obtenue pour un gel de module de cisaillement G0 = µ = 380 Pa et de profondeur
1 cm. Nous observons plusieurs branches apparaissant au fur et à mesure que la fréquence
augmente. La première branche observée (à plus basse fréquence), semble commencer vers 30
Hz. Les suivantes se forment à plus haute fréquence, mais la partie à bas nombre d’onde est
difficile à distinguer. Pour certaines fréquences nous constatons que plusieurs nombres d’ondes
coexistent. Nous conjecturons que ces différents modes viennent d’une composante verticale
du vecteur d’onde : les ondes se propageant dans le gel ne sont pas purement des ondes de
surface. En d’autres termes il faut écrire le vecteur d’onde comme la somme d’un vecteur selon
z et d’un vecteur selon x : k = kx ex +kz ez . Comme le système est confiné dans la direction z le
nombre d’onde kz ne peut prendre que des valeurs discrètes ; le déplacement est nul en z = 0,
ce qui correspond à un noeud de déplacement, tandis que la surface (z = h) est un ventre
de déplacement (cette hypothèse sera discutée dans la partie suivante). La longueur d’onde
4
selon z s’exprime alors λz = 2n+1 h, avec n = 0, 1, 2, 3... (voir schéma (d) de la figure 5.10).
r  
p (2n+1) 2
Dans ce cas le nombre d’onde selon x s’exprime kx,n = k − kz = k 2 − 2π
2 2
h 4 ,
où k est le nombre d’onde “global”, solution de la relation de dispersion. Il y a donc une
infinité de branches possibles, puisque n peut en théorie prendre une infinité de valeurs.
En pratique, nous n’en observons que quatre dans la figure 5.10(b). Pour confirmer cette
hypothèse nous réalisons la même expérience en augmentant la profondeur du gel à 3 cm. Le
résultat obtenu est montré dans la figure 5.10(a). Nous observons que le nombre de branches
que nous mesurons augmente, et qu’elles sont plus rapprochées. Ceci va dans le sens de
l’expression de kx que nous avons écrite : à fréquence fixée, plus h est grand plus kx,n est
petit, autrement dit nous obtenons plus de branches dans un intervalle donné.

Nous étudions ensuite l’influence du module d’Young sur la relation de dispersion. Nous
réalisons pour cela un gel à 2 g/L (module de cisaillement G0 = 95 Pa) de profondeur 1 cm.
La relation de dispersion obtenue est représentée dans la figure 5.10(c). Nous constatons que
plusieurs branches sont là encore présentes, et qu’à fréquence égale, le nombre d’onde mesuré
est près de deux fois plus grand pour le gel plus mou r quepour le gel plus rigide (a). En
(2n+1) 2
effet, dans l’expression écrite précédemment, kx,n = k 2 − 2π h 4 , le nombre d’onde
k dépend de la fréquence et des propriétés mécaniques du gel.

Pour comprendre plus en détail les relations de dispersion mesurées nous cherchons à
observer le mouvement à l’intérieur du gel, pour observer cet éventuel mouvement vertical.
Nous réalisons pour cela des expériences de Vélocimétrie par Image de Particules (Particle
Image Velocimetry), ou PIV.
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 135

x
Figure 5.11 – Champ de déplacement obtenu par PIV pour un gel de module de cisaillement G0 = 2gL
Pa, d’épaisseur 1 cm et excité à 80 Hz.

PIV

Pour observer le mouvement à l’intérieur du gel nous utilisons une technique expérimentale
classique en hydrodynamique : la Particle Image Velocimetry (PIV) (brièvement introduite au
chapitre 1 page 32). Il s’agit de suivre le mouvement d’un fluide en l’ensemençant de particules
dont on peut facilement observer le mouvement. Idéalement, ces particules doivent être de
même densité que le fluide et de taille petite devant la taille caractéristique de l’écoulement,
afin de ne pas perturber ce dernier. Nous ajoutons les particules avant de verser le liquide
dans la cuve, de sorte que les particules sont “immobilisées” lorsque le gel polymérise : elle ne
peuvent pas sédimenter. Les particules que nous utilisons sont des sphères de verre creuses
de densité 1.1 et de diamètre 11.7 µm. Nous illuminons une tranche du gel parallèle au
sens de propagation de l’onde (voir schéma (b) de la figure 5.9) ; chaque particule diffuse
la lumière et apparaı̂t comme un point brillant à la caméra (nous utilisons ici une caméra
rapide filmant à 250 Hz). Nous analysons ensuite le mouvement des particules en réalisant
des calculs de corrélation entre chaque image et une image de référence (prise en l’absence
d’onde). L’algorithme de PIV utilisé est le module matlab ncorr [142]. Nous pouvons mesurer
des déplacements de l’ordre d’une dizaine de micromètres dans le gel. Un exemple de champ
de déplacement obtenu est présenté dans la figure 5.11. Il s’agit d’un gel à 2g/L (module
de cisaillement G0 ∼ 95 Pa) et de profondeur h =1 cm excité par une onde plane à 80 Hz
générée au moyen d’un pot vibrant (voir figure 5.9(b)). La source est située au niveau du coin
supérieur gauche de l’image, juste à l’extérieure de celle-ci. L’amplitude du déplacement est
représentée en niveaux de gris : plus un pixel est foncé plus le déplacement est important.
136 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

Nous superposons à cette image les flèches indiquant le sens et l’amplitude du déplacement.
Nous constatons sur cette figure que le vecteur d’onde forme un angle de près de 45◦ avec
la surface. Les ondes planes se propagent en déformant la surface avec un vecteur d’onde kx
qui est la projection du vecteur d’onde k sur la direction x. Au fond de la cuve (en z = 0)
l’onde est réfléchie, et forme donc un motif carré par interférence avec l’onde incidente. En
outre, nous observons le déplacement en z = 0 est essentiellement horizontal, ce qui confirme
l’hypothèse de noeud de déplacement que nous avons faite précédemment.

Proposition de calcul théorique de la relation de dispersion

Pour expliquer nos résultats nous avons dérivé la relation de dispersion des ondes élas-
tiques se propageant dans un solide en présence de capillarité à sa surface. Pour ce faire nous
avons écrit la relation de dispersion des ondes dans les plaques, appelées ondes de Lamb [143],
que nous avons adaptée pour y faire figurer la tension de surface. Nous présentons dans l’an-
nexe E ces étapes de calcul. La relation de dispersion obtenue est particulièrement complexe :

 
tan βh 4jβk 3 γk 2 tan βh 2ik 3
+ 2 + −ik + = 0, (5.8)
tan ikh (k − β 2 )2 µ(k 2 − β 2 ) k2 − β 2
q 2
E
où β = ωc2 − k 2 , ct étant la vitesse de propagation des ondes transverses, µ = 2(1+ν) le
t
coefficient de Lamé du matériau et γ sa tension de surface. Les résultats obtenus avec cette
approche, présentés dans l’annexe D, montrent bien plusieurs branches comme dans la figure
5.10. En revanche, les courbes obtenues décrivent très mal nos données. Nous pensons néan-
moins que cette approche combinant élasticité et tension de surface est pertinente, et permet
de dégager les effets les plus importants : existence des multiples branches, des fréquences de
coupure, rôle de la rigidité du gel (module d’Young).

5.3.2 Instabilité de Faraday

Nous nous intéressons dans cette dernière partie à une autre manière de générer des ondes
dans le gel : l’instabilité paramétrique de Faraday.

Résultats expérimentaux

Étudier une instabilité hydrodynamique en utilisant un gel mou plutôt qu’un liquide n’est
pas une idée neuve. Ainsi l’instabilité de Rayleigh-Taylor a été observée dans un échantillon
d’hydrogel retourné et soumis à la gravité [144]. De même, l’instabilité de Rayleigh-Plateau
a été reportée dans de minces cylindres de gels d’agar, qui se déstabilisent en “perles” [145].
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 137

Figure 5.12 – Vue de dessus de l’instabilité de Faraday obtenue dans deux gels d’agar de concentra-
tions différentes. (a) 2.5 g/L et 2 cm de profondeur pour 40 Hz, 60 Hz et 90 Hz. (b) 2g/L et 2 cm de
profondeur pour 40 Hz, 60 Hz, 100 Hz.

Encore plus récemment, l’instabilité de Faraday a été observée entre 30 Hz et 100 Hz dans
des gels d’agar de modules de cisaillement compris entre 1 Pa et 260 Pa [146].

Nous étudions l’instabilité de Faraday en réalisant des expériences pour lesquelles nous
coulons le gel dans une cuve carrée fixée sur un pot vibrant (Brüel et Kjær). La cuve est
ensuite vibrée verticalement à une fréquence donnée, et nous observons la surface du gel, soit
directement par réflexion (comme pour les clichés des figures 5.4(b-c), 5.5(b) et 5.6(a-b)) soit
en utilisant un damier et la technique de Schlieren synthétique présentée au chapitre 1.

Nous représentons dans la figure 5.12 six clichés choisis montrant les motifs obtenus à
différentes fréquences pour deux gels de concentrations respectives 2 g/L et 2.5 g/L. Les
expériences avec les gels de 3g/L n’ont montré aucune déformation de la surface du gel : ce
dernier est trop rigide, le seuil d’apparition de l’instabilité est trop élevé pour notre système
expérimental. Pour les deux gels étudiés, nous observons un motif carré pour chacun des
clichés présentés. Leur orientation peut être de 0◦ ou 45◦ , comme reporté pour les liquides
[126]. Pour les deux gels, la longueur d’onde diminue avec la fréquence. Nous remarquons en
outre qu’à fréquence donnée la longueur d’onde est plus courte lorsque le gel est plus mou,
autrement dit la vitesse de propagation des ondes ω/k est d’autant plus importante que le
module d’Young est grand. Si nous diminuons d’avantage la fréquence (<40 Hz pour le gel
de 2.5 g/L ou <20Hz pour le gel de 2 g/L) la longueur d’onde est trop grande pour la cuve,
et nous n’observons pas de déformation périodique de l’interface. À trop grande fréquence
le seuil devient trop important et nous n’arrivons pas à déclencher l’instabilité de Faraday.
Combinés, ces deux effets rendent la plage d’étude assez réduite : moins d’une décade en
fréquence.
138 CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ

Pour mesurer plus précisément la longueur d’onde obtenue nous réalisons la même expé-
rience avec un damier au fond de la cuve afin de construire pour chaque fréquence les champs
de hauteur (non présentés ici). Notons que la technique de Schlieren synthétique utilisée est
suffisamment précise pour pouvoir travailler à faible amplitude de forçage, et donc à faibles
pentes. Cette hypothèse n’est pas du tout vérifiée dans les expériences présentées ci-dessus
(figure 5.12), où l’amplitude est suffisamment importante pour pouvoir observer l’instabilité
dans toute la cuve. Ceci implique notamment que nous sortons tout à fait de l’approximation
linéaire : les déformations ne sont plus négligeables devant la longueur d’onde.

Nous pouvons mesurer la longueur d’onde pour des fréquences d’excitation entre 20 Hz
et 200 Hz, soit une oscillation sous-harmonique du gel entre 10 Hz et 100 Hz. Pour chaque
fréquence d’excitation nous enregistrons une séquence d’images dont nous tirons les champs
de hauteur. Une transformée de Fourier temporelle nous permet d’isoler la fréquence de
Faraday (moitié de la fréquence de forçage), puis une transformée de Fourier spatiale nous
permet d’extraire le nombre d’onde correspondant au motif de Faraday. Nous superposons les
résultats obtenus à la relation de dispersion mesurée dans le même gel sur la figure 5.10(c) (où
la relation de dispersion a été mesurée avec un point source). Nous constatons un excellent
accord entre les deux séries de données expérimentales, ce qui confirme que les ondes que
nous générons avec l’instabilité de Faraday (en vibrant verticalement la cuve) sont les mêmes
que celles envoyées avec un point source.

5.4 Conclusion

L’instabilité de Faraday apparait à la surface d’un bain liquide vibré verticalement. Au-
delà d’un certain seuil de l’amplitude de vibration, un motif stationnaire d’ondes de surface
se forme. En présence d’une membrane élastique flottant à la surface de l’eau, nous avons
montré qu’il était possible d’obtenir la même instabilité : la membrane se déforme et oscille
à la fréquence moitié de la fréquence de forçage. Bien que les motifs obtenus ne soient pas
bien réguliers, la longueur d’onde mesurée correspond bien à la relation de dispersion des
ondes hydroélastiques. En étudiant le seuil d’apparition des ondes nous avons montré qu’il
dépendait de l’épaisseur de la membrane. Cela signifie qu’il existe une source de dissipation
différente des pertes dues à la viscosité du fluide. Pour comprendre la valeur du seuil que
nous mesurons il faut donc comparer les différentes sources de dissipation envisageables.

Dans la deuxième partie de ce chapitre, nous nous sommes intéressés à la propagation


d’ondes dans un hydrogel. Nous avons réalisé d’une part des expériences avec un point source
vibrant à la surface du gel, et d’autre part des expériences en vibration, pour étudier l’in-
stabilité de Faraday dans un hydrogel. Nous avons montré que les ondes que nous générons
sont des ondes de cisaillement qui déforment la surface du gel. Bien que nous ne puissions pas
prédire la relation de dispersion à ce stade, nous comprenons l’origine des multiples branches
CHAPITRE 5. INSTABILITÉ DE FARADAY ET ÉLASTICITÉ 139

que nous observons. Nous pensons que la théorie des ondes de Lamb en présence de tension
de surface est une bonne approche pour comprendre nos observations expérimentales.

En vibrant verticalement une mince couche d’hydrogel nous avons montré que l’interface
pouvait se déformer selon des motifs carrés, plus ou moins réguliers. L’instabilité de Faraday
étant une instabilité paramétrique, on peut comprendre l’apparition du motif d’ondes de sur-
face en partant de leur relation de dispersion. Si l’un des termes est périodique en fonction du
temps, une instabilité paramétrique est susceptible d’apparaı̂tre. Dans le cas de l’instabilité
de Faraday “classique”, c’est la gravité qui est modulée dans le temps dans la relation de
dispersion des ondes gravito-capillaires. Il est également possible d’observer l’instabilité avec
d’autres formes de forçages, par exemple avec un champ magnétique oscillant dans un ferro-
fluide [147] ou avec un champ électrique [148]. Dans le cas des ondes se propageant dans un
gel, la gravité n’apparaı̂t a priori pas dans la relation de dispersion (voir équation E.8 page
183), pourtant nous pouvons forcer l’instabilité de Faraday en vibrant le gel, c’est à dire en
modulant la gravité. Pour comprendre l’existence de l’instabilité, nous pouvons alors considé-
rer qu’en vibrant le gel nous le comprimons périodiquement, c’est à dire que sa densité ρ est
modulée au cours du temps 1 . Pour confirmer cette hypothèse, il convient de mener une étude
de stabilité pour déterminer les langues de stabilité de cette instabilité paramétrique [131].
De plus, nous avons vu que la présence d’un seuil d’apparition de l’instabilité renseigne sur
la dissipation dans le matériau considéré. En étudiant ce seuil expérimentalement et théori-
quement pour un hydrogel nous pensons qu’il sera possible d’en déduire le module de perte
G00 (ou une grandeur équivalente).

1. Notons que si ρ n’est plus constant nous contredisons l’hypothèse d’incompressibilité faite précédemment.
140
Chapitre 6

Conclusion

Dans cette thèse nous avons présenté plusieurs aspects expérimentaux sur les ondes se
propageant à la surface d’un liquide. Nous avons cherché à les contrôler dans l’espace et
dans le temps et nous avons mis en évidence différents phénomènes physiques expliquant nos
observations expérimentales. De nombreuses questions restent encore ouvertes, la plupart ont
été détaillées au fil du texte, et nous les consignons dans ce qui suit.

Sur la théorie des ondes hydroélastiques

Nous avons établi la relation de dispersion des ondes hydroélastiques ; cela nécessite de
combiner des calculs hydrodynamiques (équation de Navier-Stokes) et élastiques (équation
de Föppl-von Kàrmàn). Nous avons détaillé les différents régimes de propagation, ainsi que
les longueurs caractéristiques à considérer pour dimensionner un système expérimental hy-
droélastique. Nous avons présenté les montages expérimentaux que nous avons utilisés, no-
tamment les techniques d’analyse utilisées. Celles-ci jouent un rôle crucial pour les études
présentées, car elles ont permis des mesures extrêmement précises, qui font entre autres l’in-
térêt des résultats que nous avons obtenus. Nous avons également expliqué les algorithmes
de post-traitement que nous avons développés.

Dans toute l’approche que nous avons développée nous n’avons pas mentionné les pro-
blèmes de dissipation. Ceux-ci sont bien moins importants que pour une surface libre, puisqu’il
n’existe pas d’écoulement de Marangoni à la surface. Une conséquence en est que les ondes
hydroélastiques s’atténuent sur une longueur caractéristique plus longue que pour les ondes
gravito-capillaires. Nous introduisons par contre une couche limite sous la surface (condition
de non-glissement au niveau de la membrane), où il existe une dissipation d’origine visqueuse.
Il existe également une dissipation interne au film, en raison de son caractère visco-élastique.
Ces deux aspects restent encore à aborder, notamment pour établir l’expression du seuil de
l’instabilité de Faraday, dont nous avons parlé au chapitre 5.

141
142 CHAPITRE 6. CONCLUSION

Un autre aspect à améliorer concerne le régime non linéaire de fortes amplitudes. Dans
ce cas nous ne pouvons plus négliger les contraintes créées par le changement de courbure
de Gauss, et l’expression de la relation de dispersion s’en trouve modifiée. Plus précisément,
il nous faudra dans ce cas réécrire l’équation de Föppl-von Kàrmàn en prenant l’expression
complète des contraintes : dans ce cas dans l’équation 1.1 les contraintes σαβ dépendent de
l’amplitude de la déformation ζ. Décrire la mécanique de la plaque élastique dans ce régime
nous permettra d’adapter les résultats que nous avons obtenus aux situations de grandes
amplitudes, par exemple pour les vagues océaniques ou pour l’instabilité de Faraday (voir
chapitre 5).

Sur la réfraction et la focalisation

Nous avons vérifié expérimentalement la relation de dispersion établie au chapitre pré-


cédent pour plusieurs membranes. Nous avons ensuite tiré parti des résultats obtenus pour
définir un indice de réfraction effectif, basé sur le contraste de vitesse de propagation entre
deux membranes différentes. Cela nous a servi pour réaliser une expérience de réfraction,
dans laquelle nous pouvons directement observer les ondes incidentes et transmises. En va-
riant l’angle d’incidence nous avons pu mesurer qualitativement l’évolution du coefficient
de transmission T , qui décroit comme attendu avec l’angle d’incidence. Les expériences que
nous avons menées ne nous ont pas permis de mesurer le coefficient de réflexion R, dont nous
voyons qu’il est proche de un dans le cas de la réflexion totale interne (voir figure 2.5(b)). De
nouvelles expériences sont donc nécessaires pour déterminer le coefficient de réflexion R, en
parallèle à une approche théorique pour prédire ces coefficients. Nous pouvons notamment
chercher à adapter à notre système les calculs de la littérature pour la banquise [60–62].

En nous appuyant sur ces résultats sur la réfraction nous avons conçu et réalisé des
lentilles hydroélastiques permettant de focaliser l’énergie des ondes. Les résultats que nous

Figure 6.1 – Cliché d’un des bassins d’essais de l’Ifremer, à Brest, pris lors de notre visite sur place.
CHAPITRE 6. CONCLUSION 143

Figure 6.2 – (a) Schéma montrant le principe d’une lentille à gradient d’indice. (b) Profil parabolique
pour le rapport des indices n0 /n. (c) Profil en x−10/3 pour le rapport des épaisseurs h0 /h .

avons obtenus étant très prometteurs, nous avons voulu les valoriser en faisant appel à la
Société d’Accélération de Transfert Technologique SATT-Lutech. L’idée serait à terme de
permettre de focaliser l’énergie de la houle océanique afin de pouvoir récupérer l’énergie
houlomotrice plus efficacement. Nous avons pu breveter cette invention, et le projet est en
cours de maturation avec notamment une collaboration avec l’IFREMER pour réaliser un
prototype moyenne échelle et le tester dans l’un de leurs bassins brestois (voir cliché dans la
figure 6.1) dans le cadre d’un post-doctorat prévu pour 2019-2020.

Dans la dernière partie de ce chapitre nous avons réalisé expérimentalement un nanojet


hydroélastique en propageant une onde plane à travers un disque de polymère plus fin que le
milieu extérieur. Nous obtenons alors une focalisation sub-longueur d’onde derrière le disque,
analogue aux résultats observés en optique.

Notons qu’il est possible de réaliser une lentille avec des dioptres droits en réalisant une
lentille à gradient d’indice (GRIN lens en anglais). De telles lentilles ont déjà été réalisées
pour les ondes gravito-capillaires en 2014, par Wang et al. [8]. Une membrane dont l’épaisseur
varie continûment sur une largeur donnée devrait permettre de focaliser un front d’onde plan
en un point donné, comme illustré sur le schéma (a) de la figure 6.2. L’un des profils les
plus utilisés est un profil parabolique x2 , où x est la distance perpendiculaire à l’axe optique
(figure 6.2(b)). L’indice vaut n à l’extérieur de la lentille, et n0 à sa valeur la plus importante.
Cela conduit, d’après l’équation 2.2, à un profil d’épaisseur h0 /h en x−10/3 , représenté dans
la figure 6.2(c).

De manière plus générale, varier continûment l’indice de réfraction permet de réaliser des
structures aux propriétés intéressantes, comme par exemple les lentilles de Luneberg [149] ou
de Maxwell [150].

Sur les cristaux artificiels

Dans le troisième chapitre nous avons étudié la propagation d’ondes hydroélastiques en


milieu périodique, c’est à dire dans des cristaux artificiels. Nous avons pour cela structuré
144 CHAPITRE 6. CONCLUSION

la membrane au moyen de piliers posés sur la surface ou de perforations dans la membrane.


Avec ces dernières nous avons montré la coexistence d’effets de Bragg (liés à la périodicité
du réseau de perforations) et d’effets d’hybridation (liés aux fréquences propres de chaque
perforation). Pour des réseaux carrés, nous sommes en mesure de prédire qualitativement
l’allure des structures de bandes mesurées selon une des directions principales du cristal,
en combinant une approche de matrice de transfert et la théorie de la résonance de Fano.
Nous avons également mis en évidence l’existence d’un “cône de Dirac” dans la structure de
bande d’un cristal hydroélastique triangulaire. Cette forme particulière est particulièrement
remarquable, et ouvre la voie à d’autres pistes de recherche, notamment les effets topologiques,
que nous avons évoqués au chapitre 4.

Le comportement hydrodynamique des perforations dans la membrane est encore mal


compris. Nous pensons qu’il serait intéressant de l’étudier à la fois expérimentalement (par
exemple en réalisant des expériences de PIV sous la membrane perforée) et théoriquement.
Ceci devrait nous permettre de prédire précisément les fréquences propres d’une cavité circu-
laire dans la membrane, mais également le type d’interaction entre deux perforations proches
l’une de l’autre. Plus généralement, une modélisation plus poussée, prenant en compte no-
tamment les conditions au bord et les pertes, devrait permettre de décrire quantitativement
la plupart des phénomènes observés. De la même manière, les nombreux outils de simulation
numérique à destination de la mécanique des fluides devraient nous permettre de comprendre
la propagation d’ondes de surface dans un milieu périodique tel que celui d’un cristal artificiel
hydroélastique.

Une autre piste de recherche concerne le phénomène de “cloaking”, c’est-à-dire une cape
d’invisibilité pour les ondes. Pendry et al. et Leonhardt ont introduit en 2006 une nouvelle
méthode de contrôle des ondes électromagnétiques, basée sur l’optique transformationnelle
[151, 152]. Cette approche consiste à utiliser des transformations conformes de l’espace pour
projeter une forme sur une autre, par exemple un disque (resp. une sphère à 3D) sur un disque
creux (resp. une sphère creuse). Si un objet est placé à l’intérieur de cette structure creuse,
aucun observateur extérieur ne pourra le détecter car les fronts d’onde seront déviés de part
et d’autre de la zone centrale. Ces transformations conformes produisent la plupart du temps
des propriétés anisotropes du milieu, en optique il s’agira de la permittivité diélectrique  et
de la perméabilité magnétique µ. Des expériences de cloaking ont été réalisées dans d’autres
systèmes physiques, l’anisotropie concerne alors la conductivité électrique ou thermique [153],
le module de flexion pour une plaque [154] ou encore pour les ondes à la surface d’un liquide
la viscosité effective du milieu [6] ou la profondeur d’eau [155].

Dans notre cas, les métamatériaux que nous avons présentés dans ce chapitre devraient
nous permettre d’envisager de réaliser des expériences de cloaking. En effet, si nous parvenons
à obtenir des modules de flexion radiaux et orthoradiaux différents pour notre membrane
flottante, nous pourrions obtenir un effet de cloaking [156].
CHAPITRE 6. CONCLUSION 145

Sur les effets topologiques

Dans le quatrième chapitre nous avons envisagé la présence d’effets topologiques pour
les ondes hydroélastiques. Pour cela nous avons reproduit l’expérience de cristaux artificiels
sur une cuve tournante, afin d’explorer l’effet d’une rotation solide de tout le fluide sur
la propagation des ondes. Ces expériences n’ont pas été concluantes, en raison de plusieurs
problèmes expérimentaux. En effet, le moteur de la cuve en rotation vibre lorsqu’il fonctionne,
de sorte que des ondes parasites sont générées par les bords de la cuve. En outre, nous avons
fabriqué le cristal artificiel triangulaire au milieu d’une membrane homogène, dans laquelle les
ondes peuvent se propager. Cette configuration n’est pas idéale, en général on choisit plutôt
de placer le cristal dans un milieu isolant pour mettre en évidence les effets de bord. En
rendant la zone extérieure isolante, par exemple au moyen de perforations dont la fréquence
propre se situe à la fréquence d’intérêt (nous utiliserions alors la bande d’hybridation, voir
chapitre 3), nous pourrions observer les éventuels effets de bords liés à la rotation.

Une autre stratégie utilisée pour observer des effets topologiques est de réaliser des isolants
topologiques dont les propriétés proviennent de la géométrie du cristal lui-même et plus d’un
champ magnétique (ou rotation) extérieur. Lu et al. [157] ont par exemple utilisé des diffuseurs
triangulaires plutôt que circulaires dans un cristal hexagonal (voir figure 6.3(a)). Ils ont ainsi
montré que le cône de Dirac (en noir dans la figure 6.3(b)) s’ouvre pour donner une bande
interdite lorsque les triangles sont tournés d’un angle α (voir figure 6.3(a)). Les champs
d’ondes obtenus (montrés dans la figure 6.3(b) pour α = 10◦ ) ne sont pas les mêmes selon le
signe de α : les modes ne sont pas identiques pour α et −α. En étudiant la frontière entre deux
cristaux, l’un avec α > 0 et l’autre avec α < 0, les auteurs ont mis en évidence l’existence
d’un mode de bord topologiquement protégé. En perforant des cavités triangulaires arrangées
selon un motif hexagonal nous pourrions donc observer des effets topologiques pour les ondes
hydroélastiques, sans avoir besoin de faire tourner l’ensemble de l’expérience.

Sur les expériences en rotation

L’un des principaux problèmes que nous avons rencontrés dans cette expérience en rotation
est de prévoir la forme de l’interface afin de pouvoir obtenir des résultats quantitatifs sur
l’amplitude des ondes. C’est ce que nous décrivons dans la deuxième partie du chapitre 4. Nous
avons montré que cette forme est proche de la parabole obtenue pour une surface libre. Pour
la déterminer exactement nous pouvons d’une part mesurer cette forme expérimentalement
(par exemple avec un vibromètre laser), et d’autre part poursuivre le travail théorique pour
prédire la forme attendue. Notamment, les calculs de la littérature [44, 45] partent plutôt de
l’équation de Föppl-Von Kármán (équation 1.1) pour établir la forme d’une membrane et la
présence éventuelle de plis.
146 CHAPITRE 6. CONCLUSION

7
a2
6
p
q

Frequency (kHz)
5
q+
α a1 4
p−
3

2
M
1 Γ K

0
Γ K M

Figure 6.3 – (a) Exemple de cristal phononique hexagonal réalisé avec des diffuseurs triangulaires.
Les diffuseurs sont orientés d’un angle α par rapport à la direction principale du cristal a1 . (b) Trois
premières bandes de la relation de dispersion pour α = 0 (courbe noire en traits pleins) et pour α = 10◦
(courbes en tirets). Les deux champs d’ondes correspondant aux modes au point K sont également
montrés. Adapté de [157] .

Nous avons également rapporté l’existence d’une instabilité de flambage sur le bord ex-
terne de la membrane : des plis radiaux apparaissent. À mesure que la vitesse de rotation
augmente ces plis progressent vers l’intérieur de la membrane. Nous avons pu expliquer quali-
tativement l’apparition de ces plis en invoquant le theorema egregium de Gauss, c’est-à-dire la
création de contraintes orthoradiales du fait du changement de courbure gaussienne. Il reste
cependant à comprendre exactement leur longueur d’onde, et le rôle des différents paramètres
sur leur nombre et leur position dans la membrane.

Sur l’instabilité de Faraday

Dans le dernier chapitre nous avons présenté l’instabilité de Faraday dans les liquides,
en donnant les quelques éléments théoriques nécessaires à sa compréhension. Il s’agit d’une
instabilité sub-harmonique apparaissant à la surface d’un bain liquide vibré, au-delà d’un
certain seuil de vibration verticale. La valeur de ce seuil peut être estimée en compensant
l’énergie due au forçage par l’énergie dissipée par viscosité dans le liquide. Le seuil dépend
notamment de la viscosité du liquide, de sa tension de surface et de la profondeur du bain.

Nous avons ensuite étudié l’instabilité de Faraday en présence d’une membrane élastique
flottant à la surface de l’eau. Nous avons montré qu’à la surface de la membrane apparaissait
un motif d’ondes stationnaires, oscillant à la fréquence moitié de la fréquence de forçage. Les
motifs que nous avons obtenus avec notre expérience ne sont pas réguliers, mais la longueur
d’onde mesurée correspond bien à la relation de dispersion des ondes hydroélastiques. En
étudiant le seuil d’apparition de l’instabilité en fonction de la fréquence de forçage nous
avons montré qu’il dépendait de l’épaisseur de la membrane, selon une loi de puissance que
CHAPITRE 6. CONCLUSION 147

nous ne parvenons pas à expliquer avec l’approche communément adoptée jusqu’à présent
(considérant la viscosité en volume comme seule source de dissipation).

L’une des pistes que nous souhaiterions explorer concerne l’instabilité de Faraday en pré-
sence d’un cristal artificiel tel que ceux présentés dans le chapitre 3. Imaginons une membrane
perforée régulièrement de cavités circulaires, de sorte qu’une bande interdite de propagation
existe à la fréquence f0 . Si ce cristal artificiel est maintenant placé dans une cuve vibrée à la
fréquence 2f0 , que va-t-il se passer ? La vibration tend à former un motif stationnaire d’ondes
de surface, lesquelles sont interdites par le cristal. Cette frustration changera l’instabilité ob-
tenue, qui pourrait par exemple devenir harmonique (et non sub-harmonique) ou apparaı̂tre
à un seuil d’accélération beaucoup plus élevé.

Nous avons ensuite étudié les ondes se propageant dans un gel d’agarose de deux manières
différentes, d’abord avec un point source puis au moyen de l’instabilité de Faraday. Dans ce
premier cas, nous avons excité ponctuellement la surface d’un hydrogel de profondeur connue
et observé les déformations de l’interface. Les relations de dispersion mesurées montrent plu-
sieurs branches, qui sont un effet de la profondeur du gel. Les fréquences de coupure observées
correspondent aux modes verticaux autorisés, respectant un nœud de déformation au fond
de la cuve et un ventre à la surface. Nous avons confirmé l’existence de cette composante
verticale grâce à des expérience de PIV, qui nous ont permis d’observer la déformation au
sein du gel. Pour prédire la relation de dispersion nous proposons une approche basée sur les
ondes élastiques se propageant dans une plaque, en prenant en compte la tension de surface à
l’interface gel-air. La prédiction trouvée n’est pas conforme aux observations expérimentales,
mais nous semble tout de même pertinente car elle permet de mettre en évidence le rôle des
différents paramètres (notamment l’épaisseur du gel et son module d’Young).

L’un des avantages de travailler avec des ondes tridimensionnelles est de permettre l’étude
de milieux structurés en trois dimensions. En plaçant des diffuseurs dans le volume du gel
(par exemple des inclusions rigides), nous pourrions étudier la propagation dans un cristal 3D,
et éventuellement observer des bandes interdites ou des anisotropies de propagation comme
celles présentées dans le chapitre 3. Les hydrogels sont d’excellents candidats pour réaliser ce
type d’expérience, car il est relativement facile de visualiser les ondes à l’intérieur du cristal
(par exemple par PIV).

Dans la dernière partie de ce chapitre nous avons présenté l’instabilité de Faraday dans un
hydrogel. Nous avons pu observer les déformations de l’interface, qui oscille bien à la fréquence
moitié de la fréquence de forçage. Les motifs obtenus sont assez réguliers, et correspondent à
la relation de dispersion mesurée avec un point source. Plusieurs aspects restent à comprendre
concernant l’apparition de cette instabilité ; en particulier, l’approche adoptée en général pour
expliquer l’apparition du motif d’ondes stationnaires est de montrer que l’un des termes de
la relation de dispersion est modulé dans le temps. C’est la gravité dans le cas de l’instabilité
de Faraday “classique”. Pour des ondes élastiques la gravité n’apparaı̂t pas dans la relation
de dispersion, nous ne pouvons pas écrire l’équation de Mathieu sous une forme similaire
148 CHAPITRE 6. CONCLUSION

à celle obtenue pour un liquide. On peut toutefois considérer qu’en vibrant le gel on le
comprime légèrement périodiquement. Il nous semble que réaliser l’étude de stabilité avec cette
hypothèse pourrait donner des résultats intéressant quant à l’existence du motif stationnaire.
Le seuil d’apparition des ondes dépendant de la dissipation dans le milieu, l’instabilité de
Faraday dans un gel pourrait s’avérer être une méthode intéressante pour caractériser la
rhéologie d’un gel de manière non destructive.
149
Annexe A - Articles publiés

Nous consignons ici les différents articles publiés au cours de la thèse.

Article A

Cet article correspond aux travaux menés en projet de master 2 sous la direction d’Anto-
nin Eddi et en collaboration avec Sylvain Patinet. Ils reprennent aussi pour partie les travaux
de Malo Tarpin. Nous nous intéressons à une instabilité secondaire de l’instabilité de Faraday.
Nous montrons que les mouvements du motif observés correspondent à une onde de cisaille-
ment élastique bidimensionnelle à la surface du liquide. Ces propriétés élastiques proviennent
de la combinaison entre la structure de l’interface et la tension de surface du liquide. Nous
montrons dans cet article que cela signifie que l’instabilité de Faraday est un métamatériau
élastique 2D.

FARADAY WAVE LATTICE AS AN ELASTIC METAMATERIAL

L. Domino, M. Tarpin, S. Patinet et A. Eddi

Physical Review E 93 (2016)

150
A - Articles publiés 151

RAPID COMMUNICATIONS

PHYSICAL REVIEW E 93, 050202(R) (2016)

Faraday wave lattice as an elastic metamaterial

L. Domino, M. Tarpin, S. Patinet, and A. Eddi


Laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH), UMR CNRS 7636, PSL-ESPCI,
10 rue Vauquelin, 75005 Paris, France
and Sorbonne Université–UPMC, Université Paris 06, 75005 Paris, France
(Received 25 January 2016; published 19 May 2016)
Metamaterials enable the emergence of novel physical properties due to the existence of an underlying
subwavelength structure. Here, we use the Faraday instability to shape the fluid-air interface with a regular
pattern. This pattern undergoes an oscillating secondary instability and exhibits spontaneous vibrations that are
analogous to transverse elastic waves. By locally forcing these waves, we fully characterize their dispersion
relation and show that a Faraday pattern presents an effective shear elasticity. We propose a physical mechanism
combining surface tension with the Faraday structured interface that quantitatively predicts the elastic wave phase
speed, revealing that the liquid interface behaves as an elastic metamaterial.

DOI: 10.1103/PhysRevE.93.050202

Introduction. An artificial material made of organized sub- upon increasing the driving amplitude, and leads to a chaotic
wavelength functional building blocks is called a metamaterial state [18] called “defect-mediated turbulence” [19,20]. For
[1,2] when it exhibits properties that differ greatly from that of the Faraday instability the mechanism of transition to chaos
the unit cell. These new physical properties are intrinsic of the has been studied in [21]. It is found to be achieved by
presence of an underlying structure. Although metamaterials a phase instability called oscillatory transition phase. This
are still strongly associated with negative index materials oscillatory regime exhibits transverse waves with properties
in optics [3], they also refer to structures with mechanical reminiscent to that of waves in an elastic crystalline solid [21].
[4], acoustic [5], or even thermodynamic properties [6]. By The same analogy was developed for a square pattern in a
engineering building blocks from micro to metric scale, several vertically oscillating granular layer where phonons have been
new mechanical properties emerge in metamaterials, such as evidenced [22].
cloaking in elastic plates [7], auxetic behavior [8,9], ultralight Similar oscillatory motions were observed and character-
materials [10], or seismic wave control [11]. So far the main ized in one-dimensional systems such as Faraday instability
challenge has been to design appropriate unit cells to obtain in an annular cell [23], Taylor-Couette [24], falling liquid
efficient metamaterial constructions. Here, we propose an columns [25], Rayleigh-Bénard convection rolls [26], and
approach that uses stationary waves to produce the underlying viscous fingering [27]. Very few two-dimensional (2D) sys-
structure of a macroscopic metamaterial. tems exhibit this kind of secondary oscillatory modes: liquid
Spatial patterns arising in systems driven away from columns [28], bouncing droplets crystalline aggregates [29],
equilibrium have been extensively studied over the last two and vibrated granular materials [22].
decades [12]. The Faraday instability is often used as a In this Rapid Communication, we first characterize the
model system in nonlinear physics and the patterns emerging spontaneous in-plane transverse waves that the Faraday struc-
from a vertically vibrated fluid layer are well documented ture exhibits. We study their propagation in the 2D structure
[13–17]. This hydrodynamic instability appears at the interface and link their existence to the emergence of an effective elastic
between two fluids subjected to a vertical oscillation. Above shear modulus of the fluid-air interface confirming previous
a certain threshold of acceleration ac , the surface shows a hypotheses [20,27]. We furthermore propose a physical in-
stationary deformation that oscillates at half the excitation terpretation that quantifies the appearance of this effective
frequency. This pattern is both stable in time and regular in mechanical property revealing that a Faraday wave lattice
space, with a Faraday wavelength λF defined by the inviscid behaves as an elastic metamaterial.
gravity-capillary wave dispersion relation Experimental setup. Our experimental setup consists of
a square vessel (13 cm × 13 cm) filled with a thin layer of
! " silicone oil (viscosity η = 5 mPa s, density ρ = 0.965 kg L−1 ,
σ
ωF2 = gkF + kF3 tanh(kF h), (1) and surface tension σ = 20.9 mN m−1 ) of thickness
ρ h = 3–5 mm. The vessel is mounted on a vibration exciter
(Brüel & Kjær), driven with a computer-controlled amplifier.
where kF = 2π/λF is the Faraday wave number, g = The acceleration delivered by the vibration exciter is moni-
9.81 m s−2 is the acceleration of gravity, σ is the surface tension tored using a calibrated accelerometer. The bath acceleration
of the fluid, h the fluid depth, and ρ its density. For specific a cos 2πf0 t is sinusoidal, with frequency f0 ranging from
experimental conditions, one can achieve the formation of well 72 to 120 Hz. Above a given threshold acceleration ac , the
structured and stable patterns (squares, hexagons, triangles... liquid interface spontaneously destabilizes and presents a
[15]). Although the pattern selection of this instability is regular square pattern of standing waves [see Fig. 1(a)] with
quite complex, for a square vessel it is most often a square Faraday frequency fF = f0 /2. The size of the pattern is
pattern that is obtained, with its two main directions aligned about 25 × 25 Faraday wavelengths. We define the normalized
with the sides of the container. The pattern becomes unstable control parameter as ε = (a − ac )/ac .

2470-0045/2016/93(5)/050202(5) 050202-1 ©2016 American Physical Society


152 A - Articles publiés

RAPID COMMUNICATIONS

L. DOMINO, M. TARPIN, S. PATINET, AND A. EDDI PHYSICAL REVIEW E 93, 050202(R) (2016)

(a) (b)
(a) (c)

(b) (d) (c)

CCD

FIG. 1. (a) Side view of the standing Faraday instability wave


pattern obtained for ε > 0 at f0 = 72 Hz. The length of the white
segment represents the Faraday wavelength (here λF = 5.1 mm).
(b) Sketch of the experimental setup. (c) Top view of the stable
square pattern. The white segment has a length equal to λF = 5.1 mm. FIG. 2. The forcing frequency is f0 = 72 Hz for this figure.
(d) Top view of the oscillating Faraday pattern. The white segment (a) Typical Fourier spectrum x̃mn (ω) of the peak (18,18) in the
has a length equal to 4λF = 20.4 mm, which is the wavelength of the center of the pattern. (b) Modulus of spatial Fourier 2D spectrum
spontaneous oscillations. |ŷ(kx ,ky ,f )| for ε = 0.976, averaged for f = 1.52 ± 0.1 Hz. Open
diamonds show the position of the Fourier peaks for a stable pattern
[Fig. 1(c)]. (c) Amplitude of the spontaneous vibration as a function
The setup and its imaging system are schematically shown of the normalized control parameter, averaged over all the antinodes
in Fig. 1(b). Diffused white light is shone on the container of the lattice. The up (red) and down (blue) triangles correspond to
with a uniform square light-emitting diode light and a beam |ỹ| and |x̃|, respectively. Dashed line is a square root fit. Gray shades
splitter inclined at 45◦ enables us to image the vessel from the denote (from left to right) stable pattern, spontaneous vibrations of
top, using a 2048 × 2048 pixels CCD camera. This imaging the lattice, and chaotic behavior.
technique is the same as presented in [16]. An example of the
stable pattern obtained is shown in Fig. 1(c), where only a
few wavelengths are represented. This image is obtained by carrying out two Fourier analyses, first in time and then in
strobing the motion at an appropriate frequency, i.e., 18 Hz space. The spatial spectrum of the pattern is then computed for
when the forcing frequency f0 is 72 Hz and 30 Hz when the each strobed frequency. In Fig. 2(b) we show a typical spatial
forcing frequency f0 is 120 Hz. Each white dot corresponds to 2D spectrum obtained at 1.52 ± 0.1 Hz. The Fourier peaks
a horizontal slope of the fluid interface, whether a maximum, corresponding to the stable Faraday pattern (open diamonds)
a minimum, or a saddle point [16]. There are four white spots are split into two symmetric subpeaks indicating the standing
per Faraday unit cell [Fig. 1(c)]. Though it does not provide nature of the pattern oscillations. These subpeaks are located
any quantitative information about the wave amplitude in the at a distance kf /4 from the original one, confirming the
z direction, we obtain quantitative information about the in- wavelength selection observed in Fig. 1(d). The peak in the
plane location of all the local extrema of the wave pattern. kx direction (respectively, ky ) is split in the ky direction
Spontaneous secondary instability. Upon increasing the (respectively, kx ) revealing that the spontaneous oscillations
driving amplitude to about twice the threshold value, spon- correspond to the propagation of a standing transverse wave
taneous oscillations of the square lattice appear [Fig. 1(d) and in the initial Faraday square lattice. These spontaneous
Supplemental Material movies 1 and 2 [30]]. These oscilla- oscillations of the pattern correspond to a Hopf bifurcation
tions are in-plane modulations of the pattern along its two [21] that takes place close to the threshold of transition to
main directions. They exhibit a spatial periodicity λ = 4λF , chaos. This is confirmed when measuring their amplitude at
corresponding to the white segment presented in this figure. the vibration frequency as a function of the control parameter
We label each bright spot with indices (m,n) and we detect ε, where we observe the supercritical nature of this bifurcation
their in-plane position [xmn (t),ymn (t)] using a standard custom [Fig. 2(c)]. This figure also shows that the amplitude of the
MATLAB algorithm. A typical spectrum corresponding to the vibrations is the same for both directions. At ε ≃ 1, the pattern
parameters of Fig. 1(d) is presented in Fig. 2(a). The measured becomes unstable and we observe the formation of defects. We
frequency is f = 1.52 Hz with an amplitude of 0.07λF . To note that this threshold value is different from what was found
analyze in more detail the spatial structure of the lattice elsewhere [18,21] as it depends on the depth of the liquid layer,
dynamics, we perform spatiotemporal Fourier transforms by the fluid viscosity, and the forcing frequency.

050202-2
A - Articles publiés 153

RAPID COMMUNICATIONS

FARADAY WAVE LATTICE AS AN ELASTIC METAMATERIAL PHYSICAL REVIEW E 93, 050202(R) (2016)

Here, we want to point out that the spontaneous oscillations tude of the forcing sinusoidal motion is set to half the Faraday
occur at a frequency f much lower than the Faraday frequency wavelength. This allows us to generate a sinusoidal oscillation
fF , whereas their spatial wavelength λ = 2 ± 0.0012 cm of the line of Faraday peaks located below the forcing comb.
is four times larger than λF . In our experimental conditions We observe a transversal wave that propagates away from
and at this frequency f , the gravity-capillary dispersion the forcing device at the forcing frequency f . We detect
relation [Eq. (1)] gives a wavelength of λgc = 23.26 cm much the position [xmn (t),ymn (t)] of each bright spot and perform
larger than λ. This means that the transverse standing wave a temporal Fourier transform to obtain [x̃mn (f ),ỹmn (f )].
responsible for the pattern oscillations is governed by a Figure 3(b) displays Re[ỹ(f )] for the excitation frequency
different physical mechanism. f = 3.7 Hz. We observe a periodic pattern that decays along
Forced vibrations. We now investigate the characteristics the x direction (indexed as m) away from the forcing device.
of these oscillating modes of the Faraday wave pattern by This corresponds to the propagation of a transverse wave in the
forcing the vibrations of stable square patterns. We set the x direction at the forcing frequency f (the motion is along y).
Faraday vertical forcing frequency to f0 = 120 Hz (resulting The vibration due to this wave is y(x,t) = y0 cos (φy + i2πf t)
in λF = 3.5 mm), the liquid depth to h = 3 mm, and the and we define the spatial phase φy of the pattern vibration by
forcing acceleration to ε = 0.81 in order to get a stable and φy (x) = φ0 exp[(−α + ikT )x] where 1/α is the decay length
larger initial Faraday square pattern (its size is now 35 × 35 of the oscillation and kT its wave number. From the experi-
Faraday wavelengths). We add to the vessel a custom-made mental data we extract α and kT for each value of f . The decay
forcing device consisting of a comb dipping into the liquid to length 1/α does not depend significantly on f and its typical
a small depth [Fig. 3(a)]. It is mounted so that it is aligned value is 1/α ≃ 11.5λF , whereas the value of kT depends on f .
with one side of the container, and it vibrates vertically along Due to the imperfections of the forcing device, we also notice
with it. The comb is set in motion by a second vibration exciter the presence of a periodicity in the y direction (indexed as
(Brüel & Kjær) to oscillate horizontally in the reference frame n), corresponding to a longitudinal wave propagating in the y
of the container at frequencies ranging from 0.5 to 10 Hz. The direction with wave number kL that we extract from Fig. 3(b).
distance between the comb teeth is set to 2λF , and the ampli- We perform the same analysis on Re(x̃), for which we have
similar maps as Fig. 3(b). Altogether, we report the existence
of transverse waves along both the x and y directions, as
well as longitudinal waves. Figure 3(c) presents the dispersion
(a) (b) relations f (kT ) (blue and red triangles) and f (kL ) (open
circles) that we obtain for f ranging from 0.5 to 10 Hz.
We first notice that f (kL ) obeys the standard surface waves
dispersion relation predicted by Eq. (1) (dashed line). This
means that the forcing device induces gravity-capillary waves.
Their dispersion relation appears quite linear in Fig. 3(c) since
the shallow water approximation applies (kF h ≪ 1). On the
(c) other hand, the dispersion relation for transverse waves f (kT )
is markedly different. We observe a linear increase of f with
kT with a much lower slope. A linear fit gives the phase speed
of the transverse waves cT = 4.60 cm s−1 .
Physical interpretation. These experimental results show
that there exists a new type of wave propagating at the fluid-air
interface. They are transverse waves associated to the presence
of a preexisting Faraday wave pattern and reminiscent of
2D shear waves that propagate in elastic media. Here we
present a quasi-2D model in which we identify the Faraday
cellular pattern to a 2D metamaterial with solidlike properties.
Indeed, transverse waves in an elastic material propagate with
constant phase velocity cT that only depends on the elastic
shear modulus µ. We use the structure of the Faraday wave
FIG. 3. (a) Device used to force the vibrations of the Faraday
lattice and the fluid properties to derive an effective elastic
pattern. The black arrow shows the vertical motion of the whole
shear modulus and quantitatively predict the transverse waves
vessel, and the dotted white arrow shows the direction of the comb
vibration. The width of the vessel is 12 cm. (b) Map of the real part properties.
of the fast Fourier transform peak Re(ỹ) for a forcing frequency of We consider a reference state for the interface defined as
3.7 Hz and a vertical parametric forcing at f0 = 120 Hz. The forcing ! " ! "
x+y x−y
device is on the left; each pixel represents a bright point of our z0 (x,y,t) = A(t) cos π cos π , (2)
images. (c) Dispersion relation f (kT ) and f (kL ). Blue down triangles: λF λF
transversal waves in the y direction. Red up triangles: transversal
waves in the x direction. Open circles: longitudinal waves in the y with A(t) = A0 cos(2πfF t) the amplitude of the stationary
direction. Solid black line: linear fit. Dashed line: gravity-capillary wave. Measurements [e.g., in Fig. 1(a)] give A0 /λF =
wave dispersion relation. Dotted line and gray background: prediction 13.5% ± 3.5%. This 2D function gives a succession of peaks
from Eq. (4) and its associated uncertainty. and crests arranged in a square pattern, as represented in

050202-3
154 A - Articles publiés

RAPID COMMUNICATIONS

L. DOMINO, M. TARPIN, S. PATINET, AND A. EDDI PHYSICAL REVIEW E 93, 050202(R) (2016)

Using Eqs. (2) and (3), the velocity we obtain is cT =


4.84 ± 0.63 cm s−1 , which is in excellent agreement with the
experimental result of 4.60 cm s−1 . We represent in Fig. 3(c)
the estimated dispersion relation (dotted line), with the gray
background representing the uncertainty.
Conclusion. We have characterized a secondary instability
that arises in 2D Faraday patterns close to the transition to-
wards chaos. This instability leads to vibrations of the Faraday
pattern similar to a 2D transverse elastic wave which confirms
previous observations [21,22]. We established the dispersion
relation for these waves and showed that it differs markedly
from the standard gravity-capillary waves that propagate at
the liquid-air interface. We propose a physical mechanism that
combines the surface tension with the preexisting Faraday
wave structure at the interface. We are able to derive an
FIG. 4. Open circles: evolution of S(γ ) with γ computed numer- effective shear modulus µS for the Faraday wave pattern that
ically for λF = 3.5 mm and A0 /λF = 13.5%. Dark line: theoretical quantitatively agrees with the experimental observations.
prediction from Eq. (3). Inset (left): reference surface. Inset (right): In this work, we observe the emergence of a new physical
sheared surface, with tan θ = γ . property, namely, an effective 2D shear elasticity, at the
liquid-air interface. This effective elasticity was identified with
Fig. 4 (inset on the left). We apply a shear strain γ = tan θ to granular materials [22] and with liquids [21] submitted to
this elementary cell [Fig. 4 (inset on the right)] and calculate vertical vibrations. In all cases common features can be found
analytically its surface area S(γ ): such as the emergence of transverse modes, decoupling in
! λF ! λF +γ y time (between forcing frequency f0 and vibration frequency
S(γ ) = dy dx f ) and in space (between lattice wavelength λF and vibration
0 γy wavelength λ), and many quantitative observations are about
" # $2 # $2 %1/2 the same order of magnitude. Nevertheless, some important
∂z0 ∂z0 ∂z0 differences should be noted: in [22], the dispersion branch flat-
× 1+ + −γ . (3)
∂x ∂y ∂x tens close to the edge of the first Brillouin zone and the trans-
verse modes appear along the (1,1) direction of the 2D lattice,
As f ≪ fF we average S(γ ) in time which corresponds to whereas here and in [21] the (1,0) mode is excited. In [21], the
replacing A(t) with A = A0 2/π . Figure 4 shows the numerical authors observe a single mode, whereas we are able to establish
evaluation of S(γ ) for A0 /λF = 13.5%. the entire dispersion relation thanks to our forcing device.
As S(γ ) is an even function (γ and −γ give the same We also present a model based on surface tension that
area), ∂γ
∂S
|γ =0 = 0. For a nonzero amplitude of the Faraday accounts for our experimental observations. Our description
wave, the shearing deformation leads to a surface excess &S = using surface tension is not applicable to granular materials
S(γ ) − S(0) that we can approximate for small deformations used in [22] and the two systems should be compared with cau-
& tion. We believe our description of the pattern as a metamaterial
1 ∂ 2 S && 1
&S = γ 2 = Sγ γ γ 2 . could apply to the data from [21]. Our interpretation reveals
2 ∂γ &γ =0
2 2 that the effective elasticity is intimately related to the existence
For our experimental parameters (λF = 3.5 mm and of a periodic pattern imprinted on the liquid interface. From
A0 /λF = 13.5%) we obtain Sγ γ ≃ 4.13 × 10−7 mm2 . this perspective, the Faraday wave pattern creates a mechanical
Due to surface tension there is an energy cost that depends metamaterial at macroscopic scale.
on the applied shear deformation &E(γ ) = σ &S(γ ). We then In the future, we would like to investigate in more detail
define the effective elastic energy density per unit area WS = the limit k/kF = 1/2 corresponding to the edge of the first
σ &S/λ2F (in J m−2 ) and introduce the effective shear modulus Brillouin zone in a crystalline material. Another line of future
µS of the Faraday wave pattern: WS = 2µS ϵxy 2
where ϵxy = research is to understand if there exists a second elastic
1
γ . Following standard elasticity theory [31] the transverse constant for the medium as in usual elastic solids. More
2 generally, wave-based metamaterials offer unique possibilities
elastic wave phase velocity cT in a 2D elastic medium is written
( as wavelengths and patterns can be dynamically tuned.
'
µS σ Sγ γ Acknowledgments. The authors would like to thank E.
cT = = , (4) Fort and Y. Couder for fruitful discussions as well as X.
ρS ρS λ2F
Benoit-Gonin and A. Fourgeaud for their help in setting up
with ρS the density per unit area, defined as ρS = ρA. the experiments.

[1] J. B. Pendry, D. Schurig, and D. R. Smith, Science 312, 1780 [2] M. Kadic, T. Bückmann, R. Schittny, and M. Wegener,
(2006). Rep. Prog. Phys. 76, 126501 (2013).

050202-4
A - Articles publiés 155

RAPID COMMUNICATIONS

FARADAY WAVE LATTICE AS AN ELASTIC METAMATERIAL PHYSICAL REVIEW E 93, 050202(R) (2016)

[3] J. B. Pendry, Phys. Rev. Lett. 85, 3966 (2000). [19] I. Rehberg, S. Rasenat, and V. Steinberg, Phys. Rev. Lett. 62,
[4] B. Florijn, C. Coulais, and M. van Hecke, Phys. Rev. Lett. 113, 756 (1989).
175503 (2014). [20] P. Coullet, L. Gil, and J. Lega, Phys. Rev. Lett. 62, 1619 (1989).
[5] F. Lemoult, N. Kaina, M. Fink, and G. Lerosey, Nat. Phys. 9, 55 [21] I. Shani, G. Cohen, and J. Fineberg, Phys. Rev. Lett. 104, 184507
(2013). (2010).
[6] R. Schittny, M. Kadic, S. Guenneau, and M. Wegener, Phys. [22] D. I. Goldman, M. D. Shattuck, S. J. Moon, J. B. Swift, and
Rev. Lett. 110, 195901 (2013). H. L. Swinney, Phys. Rev. Lett. 90, 104302 (2003).
[7] N. Stenger, M. Wilhelm, and M. Wegener, Phys. Rev. Lett. 108, [23] S. Douady, S. Fauve, and O. Thual, Europhys. Lett. 10, 309
014301 (2012). (1989).
[8] T. Bückmann, R. Schittny, M. Thiel, M. Kadic, G. W. Milton, [24] C. D. Andereck, S. S. Liu, and H. L. Swinney, J. Fluid Mech.
and M. Wegener, New J. Phys. 16, 033032 (2014). 164, 155 (1986).
[9] T. Bückmann, N. Stenger, M. Kadic, J. Kaschke, A. Frölich, [25] F. Giorgiutti, A. Bleton, L. Limat, and J. E. Wesfreid, Phys. Rev.
T. Kennerknecht, C. Eberl, M. Thiel, and M. Wegener, Adv. Lett. 74, 538 (1995).
Mater. 24, 2710 (2012). [26] M. Dubois, R. Da Silva, F. Daviaud, P. Berge, and A. Petrov,
[10] T. A. Schaedler, A. J. Jacobsen, A. Torrents, A. E. Sorensen, Europhys. Lett. 8, 135 (1989).
J. Lian, J. R. Greer, L. Valdevit, and W. B. Carter, Science 334, [27] L. Bellon, L. Fourtune, V. T. Minassian, and M. Rabaud, Phys.
962 (2011). Rev. E 58, 565 (1998).
[11] S. Brûlé, E. H. Javelaud, S. Enoch, and S. Guenneau, Phys. Rev. [28] C. Pirat, C. Mathis, P. Maı̈ssa, and L. Gil, Phys. Rev. Lett. 92,
Lett. 112, 133901 (2014). 104501 (2004).
[12] M. C. Cross and P. C. Hohenberg, Rev. Mod. Phys. 65, 851 [29] A. Eddi, A. Boudaoud, and Y. Couder, Europhys. Lett. 94, 20004
(1993). (2011).
[13] M. Faraday, Philos. Trans. R. Soc. London 121, 299 (1831). [30] See Supplemental Material at http://link.aps.org/supplemental/
[14] T. B. Benjamin and F. Ursell, Proc. R. Soc. London, Ser. A 225, 10.1103/PhysRevE.93.050202 for movies of the spontaneous
505 (1954). instability. Supplementary movie 1: Stroboscopic side view of
[15] S. Douady and S. Fauve, Europhys. Lett. 6, 221 (1988). the spontaneous secondary instability. Supplementary movie 2:
[16] S. Douady, J. Fluid Mech. 221, 383 (1990). Stroboscopic top view of the spontaneous secondary instability.
[17] K. Kumar and L. S. Tuckerman, J. Fluid Mech. 279, 49 (1994). Spatial scales are indicated in the movie.
[18] N. B. Tufillaro, R. Ramshankar, and J. P. Gollub, Phys. Rev. [31] L. D. Landau and E. M. Lifshitz, Theory of Elasticity, 3rd ed.
Lett. 62, 422 (1989). (Butterworth-Heinemann, Oxford, 1986), pp. 87–107.

050202-5
156 A - Articles publiés

Article B

Cet article expose les résultats du chapitre 2.

DISPERSION FREE CONTROL OF HYDROELASTIC WAVES DOWN TO


SUB-WAVELENGTH SCALE

L. Domino, M. Fermigier, E. Fort et A. Eddi

EuroPhysics Letters (2018)


A - Articles publiés 157

January 2018
EPL, 121 (2018) 14001 www.epljournal.org
doi: 10.1209/0295-5075/121/14001

Dispersion-free control of hydroelastic waves down


to sub-wavelength scale
L. Domino1 , M. Fermigier1 , E. Fort2 and A. Eddi1
1
Laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH), CNRS, ESPCI Paris,
PSL Research University, Sorbonne Université, Univ. Paris Diderot - Paris, France
2
Institut Langevin, ESPCI, CNRS, PSL Research University - 1 rue Jussieu, 75005 Paris, France

received 13 September 2017; accepted in final form 16 February 2018


published online 6 March 2018

PACS 46.40.Jj – Aeroelasticity and hydroelasticity


PACS 42.15.-i – Geometrical optics
PACS 47.35.-i – Hydrodynamic waves

Abstract – Hydroelastic surface waves propagate at the surface of water covered by a thin elas-
tic sheet and can be directly measured with accurate space and time resolution. We present an
experimental approach using hydroelastic waves that allows us to control waves down to the sub-
wavelength scale. We tune the wave dispersion relation by varying locally the properties of the
elastic cover and we introduce a local index contrast. This index contrast is independent of the
frequency leading to a dispersion-free Snell-Descartes law for hydroelastic waves. We then show
experimental evidence of broadband focusing, reflection and refraction of the waves. We also in-
vestigate the limits of diffraction through the example of a macroscopic analog to optical nanojets,
revealing that any sub-wavelength configuration gives access to new features for surface waves.

c EPLA, 2018
Copyright ⃝

Gravity-capillary waves have been extensively used as their dispersion relation writes
model waves to tackle the issue of wave control at macro- ! "
scopic scale. Contrary to optics and acoustics, their T D
ω 2 = gk + k 3 + k 5 tanh kh0 , (1)
temporal and spatial typical scales allow for direct and ac- ρ ρ
curate observation of wave propagation inside the medium.
The design and fabrication of media with given proper- where ω = 2πf is the pulsation, k = 2π/λ is the wave
ties is generally obtained by tuning the local bathymetry, number, g = 9.81 m s−2 is the acceleration of gravity, T is
which modifies the wave phase velocity [1]. Immersed the mechanical tension in the elastic sheet, ρ is the fluid
structures have been used to obtain Anderson localiza- density, D is the flexural modulus of the elastic sheet and
Ee3
tion [2] or to create macroscopic metamaterials for wave h0 the fluid depth. The flexural modulus D = 12(1−ν 2 ) de-

focusing [3–6] and cloaking [7,8]. Wave control is achieved pends on Young’s modulus E of the material, its Poisson
for waves with wavelength larger or comparable to the liq- modulus ν and its thickness e. Equation (1) exhibits three
uid depth (shallow water approximation). In this regime, distinct regimes depending on the material properties and
damping becomes a major issue in laboratory experiments the wave pulsation ω: gravity waves, tension waves and
as viscous friction at the bottom dissipates most of the me- flexural waves. So far, very few experiments at the lab-
chanical wave energy. These two limitations narrow the oratory scale highlighted the flexural regime using either
effective bandwidth of the devices created with gravity- thin elastic polymer sheets [16,17] or granular rafts [18].
capillary waves. Here, we propose to achieve the spatial control of the
Here, we propose a novel approach based on hydroe- propagation of hydroelastic waves by modifying the dis-
lastic waves, i.e. waves that propagate at the surface of persion relation (eq. (1)) through local variations of the
water covered with an elastic sheet. These waves were sheet’s flexural modulus D. We first describe our exper-
initially introduced to describe motion in ice sheets lo- imental set-up and verify quantitatively the prediction
cated in the marginal ice zone [9–12] and later to study from eq. (1). We introduce a local index contrast using the
floating structures [13], wakes in the lubrication approxi- local phase velocity. This index contrast is independent of
mation [14] or cloaking [15]. In the limit of thin membranes the frequency, which allows us to define a dispersion-free

14001-p1
158 A - Articles publiés

L. Domino et al.

membrane limit we check that ρs eω 2 ≪ {Dk 4 , T k 2 , ρg},


so that eq. (1) is valid.
To analyze quantitatively the wave field we use the free-
surface synthetic Schlieren optical technique [19] based on
the apparent displacement of a random dot pattern due
to the local slope of the interface. The pattern is located
underneath the tank and we observe it from the top using
a CCD camera located at H ≃ 2 m from the fluid sur-
face (fig. 1(a)). The sampling frequency of the camera is
set to obtain stroboscopic images of the wave propagation
with at least 12 images per period. The area we observe
with our camera is about 20 cm × 20 cm wide (2048 × 2048
pixels). A Digital Image Correlation (DIC) algorithm
(PIVlab [20,21]) is used to compute the displacement
field between each recorded image and the reference im-
age. After reconstruction, we obtain 2D elevation fields
(255 × 255 points) and we are able to measure amplitudes
down to ζ = 1 µm. An example of the obtained circu-
lar height field generated by a point source is shown in
fig. 1(b) (inset).
Dispersion relation. – We first probe the validity of
the theoretical dispersion relation predicted by eq. (1).
We measure the wave field for circular waves at various
frequencies in the range f = 2–200 Hz obtained with a
point source vibrating on elastic films with thicknesses
e = 20–800 µm. For each field, we perform 2D spatial
Fig. 1: (Colour online) (a) Sketch of the experimental set- Fourier transforms to determine the wave number k asso-
up showing the container filled with water and covered with ciated to each frequency. We plot in fig. 1(b) the forcing
an elastic sheet, the wave generation device and the imag- frequency f against the measured wavelength λ on a log-
ing system. (b) Measured dispersion relation for 4 different
log scale. Our measurements show that the wavelength
film thicknesses e = 20 µm (squares), 300 µm (circles), 500 µm
decreases with the forcing frequency f , typically rang-
(diamonds) and 800 µm (triangles). For each thickness, the
dashed line is the theoretical dispersion relations obtained us- ing from λ = 20 cm to λ = 0.5 cm. For low frequencies
ing eq. (1). The plain red line shows the theoretical gravity- (f < 5 Hz) we observe a slope of −1/2 revealing that the
capillary dispersion relation for water waves. Inset: typical gravity term ω 2 ≃ gk in eq. (1) is dominant. For larger
wave field measured for a point source vibrating at 100 Hz. frequencies, two regimes can be observed. For thin elas-
The wave travels from left to right. tic sheets (e = 20 µm) we observe a slope of −3/2 which
corresponds to the tension term T /ρ k 3 = σ/ρ k 3 . This
experimental dispersion relation is in perfect agreement
Snell-Descartes law for hydroelastic waves. To show the with theory. The transition between ! the gravity and the
versatility of the system we then implement more complex tension regime occurs for λ = 2π T /ρg = 1.4 10−2 m.
structures to focus wave energy and probe wave effects due This part of the dispersion relation corresponds to stan-
to the finite size of the system. dard water waves, confirming that tension in the film is
Experimental set-up. – We use a glass tank (80 cm× solely due to the liquid surface tension. For thicker films
40 cm × 20 cm) filled to a depth h0 = 16.5 cm of water. the behavior is markedly different. The measured slope
We cover its surface with a 75 cm × 35 cm wide elastic is −5/2 showing that the flexural term D/ρ k 5 is leading.
sheet of thickness e = 20–800 µm made of an optically This is confirmed by the theoretical dispersion relation
transparent silicone rubber sheet with Young’s modulus that is in excellent agreement with our experimental
! data.
E = 1.47 ± 0.09 MPa, density ρs = 970 kg/m3 and Pois- This! flexural regime is reached when k ≥ 4 ρg/D and
son’s ratio ν = 0.5. This elastic film floats freely at the k ≥ T /D. In the following we will only consider waves
surface of water so that the mechanical tension T inside re- in the flexural regime, i.e. hydroelastic waves.
duces to the water surface tension T = σ = 50 mN/m. The Effective index and broadband refraction. – In
waves are generated with a vibration exciter powered with this regime the dispersion relation (eq. (1)) in the deep
an amplifier controlled with a waveform generator. We water approximation can be simplified as
work with frequencies ranging from 2 to 200 Hz and with
amplitudes ζ ≪ λ to ensure the waves are in the linear D
regime. In addition, to guarantee that we are in the thin ω2 ≃ k5 . (2)
ρ

14001-p2
A - Articles publiés 159

Dispersion-free control of hydroelastic waves down to sub-wavelength scale

Fig. 2: (Colour online) (a) Wave field showing refraction at the interface between two media, with e1 = 300 µm (left) and
e2 = 800 µm (right). The wave travels from the left to the right. The scale bar represents 5 cm. (b) Sinus of the measured
refracted angle θt as a function of the sinus of the incident angle θi for 3 different frequencies. The dashed line corresponds to
Snell’s law prediction with n1 /n2 = 1.81. Inset: schematic drawing of the experiment, showing the wave vectors and the angles
of the incident wave θi and of the transmitted wave θt . (c) Wave field showing the total reflection at the interface between the
two media previously described. The wave travels from the left to the right. The scale bar represents 5 cm. (d) Blue circles:
normalized profile of the intensity of the evanescent wave taken along the dashed line shown in (c). Red line: exponential fit.

!
The phase velocity vϕ = ωk = D/ρ k 3/2 then only As expected, the wave undergoes a Total Internal Re-
depends on the film properties and the wave number k. flection (TIR) with the presence of an evanescent wave
From this phase velocity we can define a relative effective in medium 2. No energy is transmitted through the in-
refractive index n(D, k) ∝ v1ϕ . n is spatially tunable by terface but this evanescent wave can be observed: the
varying locally the value of the flexural coefficient D. This height of the wave decreases rapidly away from the in-
can be achieved by changing locally Young’s modulus E or terface. We can directly measure the amplitude of these
the film thickness e. For two domains covered with elastic waves on our fields, and we represent the profile obtained
films with different thicknesses e1 and e2 and same Young’s in the inset of fig. 2(d). The amplitude of these waves
modulus E, the ratio of their refractive indices n1 and n2 decreases exponentially, with a typical penetration length
writes δ ≃ (2.1 ± 0.5) 10−1 × λt . This penetration length is in
" #1/5 " #3/5 ! of δth = 1/κ =
good agreement with the expected value
n1 vϕ2 k2 D2 e2 2.6 10−1 × λt obtained with κ = ω/c (n1 sin θi )2 − n22 .
= = = = . (3)
n2 vϕ1 k1 D1 e1
Lenses, focalisation. – Fine sub-wavelength wave
Thicker regions (respectively, thinner) thus correspond to control can be achieved easily by designing engineered
smaller (respectively, higher) refractive indices. In the hy- shapes to focus and guide waves. Here, as an example, we
droelastic regime the index ratio is given by the local val- design 2D lenses by cutting out symmetric circular arcs
ues of the film thickness e and does not depend on k nor ω. in the silicon polymer. The obtained shapes (fig. 3) are
We perform experiments to test eq. (3) through the defined by their radius of curvature RC . We then deposit
Snell-Descartes law using the refraction of a plane wave at them on the first membrane to locally increase the thick-
an interface between two media. The interface is obtained ness. Note that this shape should create a convergent lens
using two thicknesses (e1 = 300 µm and e2 = 800 µm, re- as thicker regions have a lower refractive index n2 < n1 .
spectively) (fig. 2(a)), and the frequency f ranges from We excite the system using a point source located on the
50–200 Hz. The incident (respectively, transmitted) waves left of the lens. Figure 3(a) presents a typical wave field
have a wave vector k⃗i (respectively, k⃗t ) that forms an angle for a lens with RC = 2.5 cm excited with f = 75 Hz and
θi (respectively, θt ) with the interface normal (fig. 2(b)). shows a focal spot on the right side of the lens (see also the
We measure these angles by means of spatial Fourier trans- supplementary videos Movie1.mov and Movie2.mov given
forms for varying incidence angle, ranging from 0◦ to 40◦ . as Supplementary Material (SM)). Using the location of
We plot in fig. 2(b) sin θt against sin θi for three differ- this focal spot and that of the source we define the focal
ent frequencies. The result is linear which means that length Lf as 1/Lf = 1/s + 1/s′ , where s (respectively, s′ )
hydroelastic waves obey the Snell-Descartes law of refrac- is the distance between the lens and the source (respec-
tion: n1 sin θi = n2 sin θt . This result based on translation tively, the image). Figure 3(b) shows the measured Lf as
invariance holds whatever the frequency. The expected a function of RC for 5 different frequencies ranging from
slope given by the refractive index ratio nn12 ≃ 1.81 is in 50 Hz to 150 Hz. We observe that Lf increases linearly
excellent agreement with our experimental data. with RC while being independent of f as the refractive
We also study the situation where the angle of incidence index ratio only depends on the film thickness ratio in the
is larger than the critical angle, here arcsin(1/1.8) ≃ 33.7◦ . flexural regime. Here the typical size L of the lens com-
Such a wave field is presented in fig. 2(c) where θi ≃ 40◦ . pares with λ and the paraxial approximation is clearly not

14001-p3
160 A - Articles publiés

L. Domino et al.

Fig. 4: (Colour online) (a) Intensity profile for a plane wave


propagating at 150 Hz through a thin disk of diameter d, here
denoted with the dark dashed line. The film is 300 µm thick
inside the circle, and 800 µm thick elsewhere. We take an in-
tensity profile along the red vertical dashed line. (b) Intensity
profile taken along the red dashed line plotted in (a).

evanescent and propagating waves in the shadow side of


the sphere.
Fig. 3: (Colour online) (a) Wave field for a lens with a radius of We transpose this object to 2D hydroelastic waves by
curvature of 2.5 cm. Circular waves traveling at f = 75 Hz from creating a thinner circular area with diameter d in the
the left to the right. The plain red line denotes the shape of the elastic sheet (fig. 4(a)). As for classical microspheres in
lens, the dashed line denotes its focal plane. (b) Measurement optics, the refractive index n2 in this region is higher than
of Lf as a function of RC for various lenses and 5 different n1 in the outside medium. Figure 4(a) shows the measured
frequencies: 50 Hz (squares), 75 Hz (diamonds), 100 Hz (up tri-
intensity field inside and outside the disk for an incident
angles), 125 Hz (down triangles) and 150 Hz (circles). The error
on the measure is lower than 1% and is much smaller than the
wave with f = 150 Hz and d = 32 mm (see also the SM).
marker size. Plain line denotes the theoretical focal length for The wave propagates from the left to the right, and the
a thin lens (see text). (c) Profile of the intensity field along the thinner region is denoted with the dark dashed circle. We
focal plane for a lens with radius 13.7 cm and for f = 50 Hz. observe that the circular patch distorts the incoming plane
wave and that a strong focal spot emerges out of the cir-
cular area. We show in fig. 4(b) the lateral intensity pro-
satisfied. This makes ray optics a poor candidate to model file of this focal spot that presents a very narrow peak
RC
our results. However, its prediction Lf = 2(1− n2
)
agrees as well as small side lobes on both sides. The FWHM of
n1

surprisingly well with our experimental data (fig. 3(b)). this focal spot is 0.33λ, which is smaller than the classical
We now characterize the profile of the wave field at the diffraction limit at 0.5λ, confirming that sub-wavelength
focus. Figure 3(c) presents the lateral normalized intensity focusing can be achieved using this simple design at the
profile of the focal spot obtained for a lens with a curva- wavelength scale.
ture radius of RC = 13.7 cm at f = 50 Hz. The profile ex-
Conclusion. – We have achieved control of hydroelas-
hibits a central peak with a Full Width at Half-Maximum
tic waves propagation in a model experiment. We first con-
(FWHM) of 0.63λ, and 2 side lobes. The presence of these
firmed that the waves can be accurately described by the
secondary peaks is the signature of diffraction: as both the
dispersion relation (eq. (1)) at the laboratory scale, and
typical width of the focal spot and the typical size of the
that the elastic sheet’s properties have a crucial incidence
lens L compare with λ, wave propagation should be de-
on the wave propagation in the flexural waves regime. In-
scribed at the wavelength scale.
deed, the flexion modulus D can be tuned spatially by
Sub-wavelength focusing. – To further show the locally modifying the elastic film’s thickness. We build a
versatility of the hydroelastic wave to control waves at local index contrast that only depends on the film’s flexion
the sub-wavelength scale, we use a geometry known in modulus D and is therefore dispersion free despite the dis-
optics as “nanojet”. Nanojets were first introduced in persive nature of the waves. Using this we first show that
optics using small cylindrical (or spherical) structures the Fermat principle applies for hydroelastic waves, as re-
(L ∼ 10λ) with a strong index contrast [22–24]. These fraction of an incident plane wave on a straigth interface
structures are traditionally manufactured or simulated us- obeys the Snell-Descartes law independently of the inci-
ing a dielectric sphere that has a higher refractive in- dent wave frequency. With this feature we implement
dex than the surrounding medium, like glass, water or lenses with tunable focalisation properties. Nevertheless,
latex. The focal spot is created by the combination of the index variations occur on a typical scale that compares

14001-p4
A - Articles publiés 161

Dispersion-free control of hydroelastic waves down to sub-wavelength scale

with the hydroelastic wavelength leading to subtle wave [15] Zareei A. and Alam R., Cloaking by a floating thin plate,
effects. This is particularly revealed by the construction in Proceedings of the 31st International Workshop on Wa-
of a macroscopic equivalent of nanojets. These simple cir- ter Waves and Floating Bodies, Michigan, USA, 2016,
cular structures allow to overcome the diffraction limit pp. 197–200.
leading to a focal spot as small as λ/3. [16] Deike L., Bacri J.-C. and Falcon E., J. Fluid Mech.,
733 (2013) 394.
We believe our macroscopic experiment can be used as a
[17] Montiel F., Bonnefoy F., Ferrant P., Bennetts
model experiment to study the physics of waves with new
L. G., Squire V. A. and Marsault P., J. Fluid Mech.,
features so far unachieved. Direct observation of the waves 723 (2013) 604.
combined with the ability to tune the medium’s proper- [18] Planchette C., Lorenceau E. and Biance A.-L., Soft
ties down to sub-wavelength scale opens promising per- Matter, 8 (2012) 2444.
spectives to probe wave propagation in structured [25–28] [19] Moisy F., Rabaud M. and Salsac K., Exp. Fluids, 46
or random media [29–31]. In particular this system allows (2009) 1021.
for a precise spatio-temporal control of wave sources as [20] Thielicke W., The Flapping Flight of Birds: Analysis
well as a precise monitoring of dynamical effects. Inspired and Application (University of Groningen) 2014.
by a recent work on the time-reversal of gravito-capillary [21] Thielicke W. and Stamhuis E., J. Open Res. Softw., 2
waves [32], we now aim to implement macroscopic dynam- (2014) e30.
ical spatial structures [33–35]. [22] Chen Z., Taflove A. and Backman V., Opt. Express,
12 (2004) 1214.
[23] Ferrand P., Wenger J., Devilez A., Pianta M.,
REFERENCES Stout B., Bonod N., Popov E. and Rigneault H.,
Opt. Express, 16 (2008) 6930.
[1] Lighthill J., Waves in Fluids (Cambridge University [24] Geints Y., Panina E. and Zemlyanov A., Opt. Com-
Press) 1978. mun., 283 (2010) 4775.
[2] Belzons M., Guazzelli E. and Parodi O., J. Fluid [25] Krauss T. F., Richard M. and Brand S., Nature, 383
Mech., 186 (1988) 539. (1996) 699.
[3] Hu X. and Chan C., Phys. Rev. Lett., 95 (2005) 154501. [26] Vasseur J., Deymier P. A., Chenni B., Djafari-
[4] Hu X., Yang J., Zi J., Chan C. T. and Ho K.-M., Sci. Rouhani B., Dobrzynski L. and Prevost D., Phys.
Rep., 3 (2013) 1916. Rev. Lett., 86 (2001) 3012.
[5] Wang Z., Zhang P., Nie X. and Zhang Y., EPL, 108 [27] Pendry J. B., Schurig D. and Smith D. R., Science,
(2014) 24003. 312 (2006) 1780.
[6] Bobinski T., Eddi A., Petitjeans P., Maurel A. and [28] Brûlé S., Javelaud E. H., Enoch S. and Guenneau
Pagneux V., Appl. Phys. Lett., 107 (2015) 014101. S., Phys. Rev. Lett., 112 (2014) 133901.
[7] Farhat M., Enoch S., Guenneau S. and Movchan A., [29] Duvall T. jr., Jefferies S., Harvey J. and Pomer-
Phys. Rev. Lett., 101 (2008) 134501. antz M., Nature, 362 (1993) 430.
[8] Berraquero C., Maurel A., Petitjeans P. and Pag- [30] Vellekoop I., Lagendijk A. and Mosk A., Nat. Pho-
neux V., Phys. Rev. E, 88 (2013) 051002. ton., 4 (2010) 320.
[9] Greenhill A., Am. J. Math. (1887) 97. [31] Mosk A. P., Lagendijk A., Lerosey G. and Fink M.,
[10] Davys J., Hosking R. and Sneyd A., J. Fluid Mech., Nat. Photon., 6 (2012) 283.
158 (1985) 269. [32] Bacot V., Labousse M., Eddi A., Fink M. and Fort
[11] Schulkes R. M. S. M., Hosking R. J. and Sneyd E., Nat. Phys., 12 (2016) 972.
A. D., J. Fluid Mech., 180 (1987) 297. [33] Chumak A. V., Tiberkevich V. S., Karenowska
[12] Squire V. A., Robinson W. H., Langhorne P. J. and A. D., Serga A. A., Gregg J. F., Slavin A. N. and
Haskell T. G., Nature, 333 (1988) 159. Hillebrands B., Nat. Commun., 1 (2010) 141.
[13] Watanabe E., Utsunomiya T. and Wang C., Eng. [34] Sivan Y. and Pendry J. B., Opt. Express, 19 (2011)
Struct., 26 (2004) 245. 14502.
[14] Arutkin M., Ledesma-Alonso R., Salez T. and [35] Yuan L., Xiao M. and Fan S., Phys. Rev. B, 94 (2016)
Raphaël É., J. Fluid Mech., 829 (2017) 538. 140303.

14001-p5
162 A - Articles publiés

Article C

Ce projet est a été initié par Pierre Chantelot et Martin Coux, également en thèse au
laboratoire PMMH. Parti d’une simple requête matérielle, il a rapidement évolué pour devenir
un projet commun, de plus en plus fourni et intéressant. Il s’agit d’un projet annexe à mon
sujet de thèse, mais qui mérite pleinement d’être mentionné. Nous ne présentons ici qu’un
article très court publié à l’occasion de la Gallery of Fluid Motion 2017. Le lecteur curieux
pourra se référer aux thèses de Martin Coux (Matériaux texturés activables) et de Pierre
Chantelot, où la physique des gouttes frappées est présentée en détail.

KICKED DROPS

P. Chantelot, M. Coux, L. Domino, B. Pype, C. Clanet, A. Eddi et D. Quéré

Phys. Rev. F 2018 (accepted)


A - Articles publiés 163

PHYSICAL REVIEW FLUIDS 3, 100503 (2018)


Gallery of Fluid Motion

Kicked drops

Pierre Chantelot,1,2 Martin Coux,1,2 Lucie Domino,1 Benoît Pype,1,3 Christophe Clanet,1,2
Antonin Eddi,1 and David Quéré1,2
1
Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes, UMR 7636 du CNRS, ESPCI, 75005 Paris, France
2
LadHyX, UMR 7646 du CNRS, École polytechnique, 91128 Palaiseau, France
3
PSL-SACRe, EA 7410, EnsadLab, 75005 Paris, France

(Received 2 February 2018; published 17 October 2018)

This paper is associated with a video winner of a 2017 APS/DFD Milton van Dyke Award
for work presented at the DFD Gallery of Fluid Motion. The original video is available from
the Gallery of Fluid Motion, https://doi.org/10.1103/APS.DFD.2017.GFM.V0080

DOI: 10.1103/PhysRevFluids.3.100503

Vibrating their substrate is an efficient way to manipulate drops and even to sculpt them, as
recently discussed in the literature: (1) drops on a shaken inclined plate can surprisingly climb the
slope [1]; (2) a puddle on a horizontal vibrating material deforms with asymmetric shapes [2]; (3)
an impulsive motion of the substrate generates superpropulsion, that is, an enhanced takeoff of the
deposited liquid [3]. Here we report the striking shapes obtained when subjecting water pearls to a
strong, quick, vertical impulse.
Figure 1 shows the evolution of a water puddle (volume of about 200 µl) accelerated by ∼100 g
(g being the acceleration of gravity), with a corresponding upward displacement of ∼10 mm. In this
experiment, we first deposit dyed water on a superhydrophobic substrate itself placed on a shaker.
We use the two rows of Fig. 1 to decompose the main steps of the drop behavior: (1) as the plate
moves up, the globular puddle first spreads out to form a disk whose edges take off as the substrate
decelerates; (2) water then adopts the shape of a conical cavity whose base contacts the substrate.
This cavity is subjected to surface tension and inertia, which makes its shape evolve and eventually
collapse, leading to the eruption of a jet and to the formation of numerous satellite droplets.
These liquid vases can be sculpted by playing on the substrate nature and on the number of drops
initially placed on the device. Contrasting with our usual way of looking at the simplest possible
device to make generic behaviors emerge, we considered here complex substrates, so as to generate
unique water shapes. To that end, we use a pedestal heightened by a thin fraction of solid tube where
water is placed. The choice of a tube allows us to mix effects of solid curvature to that generated by the
nonaxisymmetry of the device: the liquid is guided by the tube walls but it can leak from the tube ends.
The different pieces are eventually attached to the shaker, glued together and made superhydrophobic,
and we show in Fig. 2 three examples of the ephemeral water sculptures arising from these complex
substrates. From left to right, we increase the number of deposited drops from one [Fig. 2(a)] to
two [Fig. 2(b)] and then four [Fig. 2(c)]; multiple drops are separated by a superhydrophobic wire,
which can be seen in photographs (b) and (c). We impose an upward impulsive motion (acceleration
comparable to that in Fig. 1) and capture the transient shapes adopted by water in both the spreading
stage (top row) and in the takeoff stage (bottom row). These pictures highlight the extreme variety

Published by the American Physical Society under the terms of the Creative Commons Attribution 4.0
International license. Further distribution of this work must maintain attribution to the author(s) and the
published article’s title, journal citation, and DOI.

2469-990X/2018/3(10)/100503(3) 100503-1 Published by the American Physical Society


164 A - Articles publiés

PIERRE CHANTELOT et al.

FIG. 1. Chronophotography of a small water puddle deposited on a superhydrophobic plate subjected


to an impulse. As the plate is accelerated upward, water spreads in a disk whose edges take off.
Then, the liquid drop forms a truncated cone that eventually collapses, leading to the creation of a jet
and satellite droplets. The scale bar is 5 mm. The video associated with these images is available at
https://doi.org/10.1103/APS.DFD.2017.GFM.V0080

(a) (b) (c)

FIG. 2. Transient shapes captured during the spreading (top row) and takeoff (bottom row) of water drops
deposited on superhydrophobic curved pedestals. Increasingly complex shapes are created by depositing one
drop (a), two drops separated by a repellent wire (b), and four drops, two on each side of the wire (c).

100503-2
A - Articles publiés 165

KICKED DROPS

of shapes we can design, some of them being even vaguely anthropomorphic. In the physics of
droplet impact, the interplay between moving liquids and their substrate leads to elegant structures
via complex dynamics. Here we amplify these phenomena by using specifically designed substrates
and a water-repellent coating to obtain richer and more intricate shapes.

We thank Direction Générale de l’Armement (DGA) for financial support.

[1] P. Brunet, J. Eggers, and R. D. Deegan, Vibration-Induced Climbing of Drops, Phys. Rev. Lett. 99, 144501
(2007).
[2] X. Noblin, A. Buguin, and F. Brochard-Wyart, Triplon Modes of Puddles, Phys. Rev. Lett. 94, 166102
(2005).
[3] C. Raufaste, G. R. Chagas, T. Darmanin, C. Claudet, F. Guittard, and F. Celestini, Superpropulsion of
Droplets and Soft Elastic Solids, Phys. Rev. Lett. 119, 108001 (2017).

100503-3
166
Annexe B - Note sur le régime de
tension et la réfraction négative

Lorsque nous avons établi la relation de dispersion des ondes hydroélastiques nous n’avons
considéré que des contraintes d’extension dans le plan, c’est à dire que T > 0. Si la membrane
n’est plus pré-étirée mais comprimée, la contrainte devient compressive et T < 0. Le terme
de tension devenant négatif, on voit tout de suite que pour des valeurs de T assez grandes,
l’expression de ω 2 peut devenir négative, ce qui correspond à des valeurs complexes pour
ω [41, 42]. Ceci traduit l’apparition d’une instabilité spontanée, l’instabilité de flambement
qui fait intervenir une longueur d’onde leg , appelée longueur élasto-gravitaire, et qui résulte
de la compétition entre la flexion de la membrane et le poids de l’eau, et qui s’exprime en
ordre de grandeur [158] :

q
4 D
leg = ρg . (B.1)

Écrivons la relation de dispersion avec un terme de tension négative −T (dans le régime


d’eau profonde) :

 
2 D 5 T 3
ω = k − k + gk (B.2)
ρ ρ

Nous cherchons la limite de flambement, c’est à dire la valeur critique TC1 qui va annuler
ω.On a alors :

Dk 4 − T k 2 + ρg = 0 (B.3)

On obtient une équation du deuxième degré en k 2 , dont le discrimant vaut : ∆ = T 2 −


4Dρg. Si ∆ est négatif, il n’y a pas de racine réelle, et ω ne s’annule jamais. C’est le cas si la

contrainte est positive (étirement), et tant que T < TC1 = 2 Dρg. C’est la valeur limite de
flambement (qui annule ∆) au-delà de laquelle la surface se déstabilise spontanément et des
rides se forment à la longueur d’onde λ ∝ 1/k, où k est solution de :

167
168 B - Note sur le régime de tension et la réfraction négative

Figure B.1 – Relation de dispersion des ondes hydroélastiques avec un terme de tension positive
pour la ligne noire en tirets, et négative (compression) pour les lignes pleines. La variation de tension
entre chaque ligne est identique, et les deux lignes extrêmes correspondent aux limites de flambement
(T ∼ TC1 ) et d’apparition de la vitesse de groupe négative (T = TC2 ). Pour chacune de ces courbes,
la zone de pente positive, en noir, est délimitée par deux points rouges. La zone grisée est la zone où
la vitesse de groupe est négative. Les caractéristiques de la membrane sont celles des films de silicone
utilisés pour les expériences.

TC1
k2 =
r√ 2D
r (B.4)
Dρg ρg 2π
soit k = = 4 = .
D D leg
On retrouve bien l’expression de la longueur élasto-gravitaire (équation B.1). Il est im-
portant de noter que dès lors que l’instabilité apparaı̂t l’équation B.3 n’est plus valable, les
déformations sont trop importantes et l’équation des plaques n’est plus valable. Ainsi, si l’on
continuait de comprimer un film sur lequel des rides étaient déjà formées, leur longueur d’onde
ne changerait pas, seule leur amplitude serait modifiée [52, 158].

En réalité, l’instabilité de flambement, bien qu’étant un phénomène très riche, n’est pas
ce qui nous intéresse ici, et cette valeur critique TC1 est en fait une limite haute que nous
veillerons à ne pas dépasser. Il en existe une autre, limite basse cette fois-ci, qui traduit
l’apparition d’une pente négative dans notre relation de dispersion. Une pente négative signifie
une vitesse de groupe vg = ∂ω ∂k négative, de signe opposé à la vitesse de phase vϕ . Ceci
correspond à ce qu’on appelle un indice négatif, et conduit à un phénomène de réfraction
négative, sujet très en vogue actuellement dans la communauté des ondes. La vitesse de
groupe des ondes hydroélastiques se calcule :
B - Note sur le régime de tension et la réfraction négative 169

s
D 5 T 3
ω= k − k + gk
ρ ρ
(B.5)
∂ω 1 5Dk 4 − 3T k 2 + ρg
vg = = q =0
∂k 2ρ D k 5 − T k 3 + gk
ρ ρ

Le dénominateur ne peut s’annuler, ce qui correspond à TC2 < TC1 , la limite de flambe-
ment trouvée précédemment. Pour que la vitesse de groupe s’annule il faut donc :

5Dk 4 − 3T k 2 + ρg = 0 (B.6)

On obtient comme ci-dessus une équation du deuxième degré en k 2 , et dont le discrimant


est ∆ = 9T 2 − 4 × 5Dρg. La tension limite TC2 au-delà
q de laquelle la vitesse de groupe
20 √
devient négative est telle que ∆ = 0, soit TC2 = 9 Dρg ∼ 1.5 Dρg < TC1 . Lorsque
T = TC2 , ∆ = 0 et on obtient :

r
4 20 2π
k= (B.7)
9 leg

On représente dans la figure B.1 plusieurs relations de dispersions dans le plan (λ, f ).
Comme vu précédemment, dans cette représentation la pente des courbes doit être négative :
c’est la courbe noire, en tirets, pour laquelle T = σ (comme dans nos expériences). Lorsque
T devient négatif, la pente diminue puis un point d’inflexion apparaı̂t quand T = TC2 . Plus
T augmente plus la zone pour laquelle vg est négative est grande (zone grisée). Lorsque
T → TC1 , ω → 0 et l’instabilité apparaı̂t.

Ainsi, en comprimant la membrane suffisamment tout en restant sous le seuil de flambe-


ment, il est théoriquement possible de créer un milieu d’indice négatif pour les ondes [159].
En pratique, comprimer un matériau aussi souple et fin est presque impossible, et il flambe
aussitôt qu’il est contraint. À titre d’exemple, pour un film de 300 µm d’épaisseur, TC1 = 420
mN/m et TC2 = 310 mN/m. Pour un film de 20 cm de large, il faut donc appliquer une
différence de force de 20 mN, ce qui est très difficile expérimentalement.
170
Annexe C - Résolution d’une
équation différentielle d’ordre 4 en
symétrie cylindrique avec bvp4c

Cette annexe est la suite du calcul en ordre de grandeur mené au chapitre 4 (section
4.3.2 page 109). Nous détaillerons dans un premier temps les calculs permettant d’écrire le
lagrangien du système expérimental en rotation, et dans un deuxième temps nous présenterons
la méthode de résolution adoptée, qui utilise la routine Matlab bvp4c.

Calcul du Lagrangien

Nous écrivons les différentes contributions énergétiques évoquées au chapitre 4. Nous les
écrivons sous leur forme exacte, c’est-à-dire en écrivant leur expression pour un élément de
volume, dv = 2πr.dr.dz, que nous intégrons ensuite pour r entre 0 et R et pour z entre 0 et ζ.
R R p 
La grandeur R est telle que 0 dr 1 + ζ 02 = L, où L est le rayon initial de la membrane
(plate et non déformée). Comme précédemment nous avons :

1/ L’énergie potentielle de gravité :

Z RZ ζ Z R
Ug = 2πrdrdz. ρgz = π dr.ρgrζ 2 (r).
0 0 0

2/ L’énergie liée à la rotation :

Z RZ ζ Z R
−1 2 2
UΩ = 2πrdrdz. ρΩ r = −π dr. ρΩ2 r3 ζ(r).
0 0 2 0

3/ L’énergie de flexion de la membrane, qui s’écrit [39, 45] :

171
172 C - Résolution d’une équation différentielle d’ordre 4 en symétrie cylindrique avec bvp4c

Z R  
1 02 002
UB = 4πB dr. ζ (r) + rζ (r) où ν = 1/2
0 r

4/ L’énergie de compression dans la direction orthoradiale s’exprime comme précédem-


ment en fonction de la déformation εθθ (ζ, r), dont l’expression est

 Rrp 
2π 1 + ζ 0 (r 0 )2 dr 0 − 2πr
0
εθθ (ζ, r) = (C.1)
2πr
D’où l’expression de l’énergie de compression :

 R r p  2
Z R 1 + ζ 0 (r 0 )2 dr 0 − r
0
Ucomp = E.h.2πr.dr.   (C.2)
0 r

L’énergie totale de notre système tel que nous l’avons défini est donc

U = Ug + UΩ + UB + Ucomp
 R r p  2
Z R   1 + ζ 0 (r 0 )2 dr 0 − r
1 02 0
=π ρgrζ 2 (r) − ρΩ2 r3 ζ(r) + 4B ζ (r) + rζ 002 (r) + 2Ehr.  
0 r r
(C.3)

Le dernier terme dans l’équation C.3 est un terme intégral que nous pourrons difficilement
linéariser. Nous choisissons de le négliger dans un premier temps, et de résoudre l’équation
différentielle ainsi obtenue. Rappelons que, d’un point de vue physique, négliger ce terme
revient à négliger les contraintes orthoradiales dans la membrane, et à ne prendre en compte
que l’énergie liée à la flexion pure pour la membrane. En ne conservant que les premiers termes
de l’équation C.3 nous obtenons une fonctionnelle, que nous allons minimiser par rapport à ζ.
Nous écrivons pour cela une perturbation de la solution ζ0 sous la forme ζ(r) = ζ0 (r) + (r).
Pour les énergies de gravité et de rotation, l’expression est obtenue directement, et on trouve :
Z R
Ug (ζ0 + ) − Ug (ζ0 ) =∼ 2π dr.ρgrζ0 (r)(r)
0
Z R
UΩ (ζ0 + ) − UΩ (ζ0 ) = −π dr. ρΩ2 r3 (r)
0

Pour l’énergie de flexion nous trouvons


Z R  
1 0 0
UB (ζ0 + ) − UB (ζ0 ) = 8πB dr. ζ  + rζ000 00
0 r 0
C - Résolution d’une équation différentielle d’ordre 4 en symétrie cylindrique avec bvp4c 173

Nous devons intégrer cette expression par parties plusieurs fois. Après quelques étapes de
calcul (non montrées ici par souci de concision), nous trouvons

 
UB (ζ0 + ) − UB (ζ0 ) 1 0 R  00 0 R  00 R  000 R
= .ζ0 . + rζ0  0 − ζ0  0 − rζ0  0
8πB r 0
Z R  0  Z R Z R
 ζ0 00 (4)
+ . − ζ0 + rζ0  + 2 ζ0000 
0 r r 0 0

Les termes entre crochets donnent les conditions aux limites ‘naturelles’ que nous utilise-
rons pour résoudre l’équation différentielle obtenue. Pour les termes dans les intégrales nous
reconnaissons l’expression du bi-laplacien en coordonnées cylindriques.

Finalement, en regroupant tous les termes nous trouvons l’expression suivante pour la
variation de la fonctionnelle :

δU = U (ζ0 + ) − U (ζ0 )
= δUg + δUΩ + δUB
Z R

=π  2ρgrζ0 (r) − ρΩ2 r3 + 8B.r.∆∆ζ0
0

ρg ρΩ2
L’équation différentielle à résoudre est donc ∆∆ζ0 + 4B ζ0 (r) − 8B r2 = 0 .

En minimisant l’intégrale nous avons intégré par parties, ce qui nous fournit deux condi-
tions au bord :

1 0
(1) .ζ − ζ000 − rζ0000 =0
r 0 0
1 0
(2) .ζ − ζ000 − rζ0000 =0
r 0 R

Il nous en faut deux autres pour pouvoir résoudre le système d’ordre 4 :

(3) ζ0 (r = 0) = 0 (par conservation du volume, nous prenons arbitrairement 0)


1
(4) ζ000 + ν ζ00 = 0 (pas de couple exercé au bord de la membrane [160])
r R
174 C - Résolution d’une équation différentielle d’ordre 4 en symétrie cylindrique avec bvp4c

Routine bvp4c

Pour résoudre ce système nous utilisons le programme Matlab bvp4c. Cet algorithme
permet de résoudre des équations différentielles sous la forme Y 0 = dr d
(Y ), où Y est un
vecteur de même taille que l’ordre de l’équation différentielle. Notre équation

(4) ζ0000 ζ000 ζ00 ρg ρΩ2 2


ζ0 = −2 r + r2
− r3
− 4B ζ0 (r) + 8B r

 
y1
 
y2 
est d’ordre 4, Y s’écrit donc Y =  
y . Pour définir astucieusement Y nous ré-écrivons
 3
y4
l’équation différentielle en faisant apparaı̂tre l’expression du bi-laplacien :

   
∂ ∂ 1 ∂ ∂ ρg ρΩ2 3
r r ζ0 = − rζ0 (r) + r . (C.4)
∂r ∂r r ∂r ∂r 4B 8B

Puis

 

 


 y1 = ζ0 
 dy1
= 1r y2

 
 dr

 


 


  


 y2 = r dy 1
= r ∂
.ζ0

 dy2
= ry3
dr ∂r dr
⇐⇒

 1 ∂  


 1 dy2 
 dy3

 y 3 = r dr = r ∂r r ∂
∂r .ζ0 
 dr = 1r y4

 


 


   


 y4 = r dy3 = r ∂ 1 ∂ r ∂ .ζ0 
 dy4 ρg
= − 4B r.y1 + ρΩ2 3
dr ∂r r ∂r ∂r dr 8B r

Défini de cette manière, il nous ‘suffit’ de résoudre Y 0 = dr


d
(Y ). Nous voyons cependant
que le système, ainsi défini, présente deux singularités en 0 (termes en 1/r). Nous écrivons
notre équation différentielle sous
  forme vectorielle : y0 = S.y/r + f (y, r), où S est une matrice
y2
r
y 0
de 0 et de 1 telle que S r =  
 y3 , soit :
r
0

 
0 1 0 0
 
0 0 0 0
S=
0
.
 0 1 0

0 0 0 0
C - Résolution d’une équation différentielle d’ordre 4 en symétrie cylindrique avec bvp4c 175

14 0.02

0.01
12
0
10
-0.01

8 -0.02

6 -0.03

-0.04
4
-0.05
2
-0.06

0 -0.07
-0.5 0 0.5 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5

Figure C.1 – Left : Red : free-surface parabola. Dashed line : Covered surface (pure bending). Right :
Comparison with free-surface parabola, always  1%.

Écrite sous cette forme et avec les conditions aux limites que nous avons établies, l’équation
est solvable en utilisant l’option SingularTerm de Matlab. La forme ainsi obtenue est présentée
dans la figure C.1, où nous traçons en (a) l’élévation zeta en fonction du rayon r (ligne en
tirets noir) que nous comparons à la parabole obtenue pour une surface libre (ligne rouge en
traits pleins), et en (b) la différence en % entre les deux formes. Comme attendu d’après nos
estimations en ordre de grandeur, la forme obtenue est très proche d’une parabole, nous ne
prenons en compte ici que l’énergie de flexion de la membrane, et pas l’énergie de compression.
La seule différence observée (de moins de 1%) est au bord, liée au fait que nous imposons une
condition de couple nul en r = R.
176
Annexe D - Relation de dispersion
des ondes hydroélastiques en
rotation

Nous cherchons à calculer la relation de dispersion d’ondes se propageant à la surface


d’un liquide en présence d’une force de Coriolis, c’est-à-dire en présence de rotation. Comme
précédemment et dans toute cette annexe, nous négligerons la viscosité (hypothèse courante
pour les ondes de surface) et nous nous restreindrons à des ondes de faibles amplitudes
(ζ0  λ). L’équation de Navier-Stokes (équation 1.6 page 24) se simplifie alors en l’équation
d’Euler linéarisée :

∂v
= −∇p/ρ + g − 2Ω ∧ v,
∂t (D.1)
∇ · v = 0,

où v = vx ex + vy ey + vz ez . Les conditions au bord sont, comme précédemment (voir


chapitre 1) :

au fond vz (z = −H) = 0,
∂ζ
à la surface (condition cinématique) vz (z = ζ) = , (D.2)
∂t
à la surface (condition dynamique) p(z = ζ) = pF vK = D∆2 ζ − T ∆ζ,

où ζ est la déformation de l’interface. On tire parti de l’approximation des faibles ampli-
tudes en approchant les conditions aux limites à l’interface par leur valeur en ζ = 0, de sorte
que les trois conditions aux limites que nous allons utiliser sont (voir chapitre 1 page 25) :

vz (z = −H) = 0,
∂ζ
vz (z = 0) = , (D.3)
∂t
p(z = 0) = pF vK = D∆2 ζ − T ∆ζ.

177
178 D - Relation de dispersion des ondes hydroélastiques en rotation

Pour résoudre cette équation afin de faire apparaı̂tre la relation de dispersion, nous écri-
vons dans un premier temps l’équation régissant la pression. Pour cela, nous introduisons
la pression hydrostatique ρgz de manière à écrire P = p/ρ + gz. Nous détaillons ensuite
l’équation d’Euler selon les trois directions :

∂vx ∂P
=− + 2Ωvy (D.4a)
∂t ∂x
∂vy ∂P
=− − 2Ωvx (D.4b)
∂t ∂y
∂vz ∂P
=− (D.4c)
∂t ∂z
∂vx ∂vy ∂vz
+ + = 0. (D.4d)
∂t ∂t ∂t
En dérivant les équations D.4a et D.4b par rapport à y et x, respectivement, et en les
ajoutant l’une à l’autre, nous obtenons

   
∂ ∂vx ∂vy ∂vx ∂vy
− = 2Ω + (D.5)
∂t ∂y ∂x ∂x ∂y
En prenant la divergence de l’équation d’Euler et en utilisant l’équation de conservation
de la quantité de mouvement ∇ · v, nous obtenons

 
∂vx ∂vy
∇2 P = −2Ω − , (D.6)
∂y ∂x
où nous reconnaissons le terme de gauche de l’équation D.5. Nous cherchons à présent
à exprimer le terme de droite de cette même équation en fonction de la pression P , nous
utilisons pour cela les équations D.4c et D.4d :

 
∂ ∂vx ∂vy ∂ ∂vz ∂ ∂vz ∂2P
+ =− =− = . (D.7)
∂t ∂x ∂y ∂t ∂z ∂z ∂t ∂z 2
En dérivant l’équation D.5 par rapport au temps nous pouvons y ré-introduire l’équation
D.7, et nous obtenons :

 
∂ 2 ∇2 P ∂2P
− 2 = 2Ω 2
∂t 2Ω ∂z
∂ 2 2
2 2 ∂ P (D.8)
soit ∇ P = − (2Ω) .
∂t2 ∂z 2

Pour résoudre cette équation, nous utilisons un Ansatz pour la déformation de l’interface :
ζ(x, y, t) = ζ0 ej(kx x+ky y−ωt) . En utilisant la condition dynamique à la surface (équation D.2),
nous pouvons écrire l’Ansatz pour la pression :
D - Relation de dispersion des ondes hydroélastiques en rotation 179


p(x, y, z, t) = D/ρk 4 + T /ρk 2 + g ζ(x, y, t)f (z), (D.9)

p p
où k = kx + ky . Nous introduisons la fréquence ω0 = (D/ρk 5 + T /ρk 3 + gk), de sorte
ω2
que P (x, y, z, t) = k0 ζ(x, y, t)f (z). La fonction f (z) doit vérifier f (0) = 1 afin de satisfaire
les conditions aux limites. Pour trouver l’expression de f (z) nous réintroduisons l’expression
de P dans l’équation D.8, ce qui donne :

−ω 2 (−k 2 f + f 00 ) = −(2Ω)2 f 00
k2 (D.10)
f 00 = 2
 f =κ f
2Ω 2
1− ω

cosh(κ(z+H))
Les conditions aux limites permettent de résoudre cette équation différentielle : f (z) = cosh(κH) .
Pour trouver la relation de dispersion, nous utilisons la condition aux limites dynamique
(équation D.2) ainsi que l’équation D.4c, ce qui donne

∂P ∂2ζ
− = 2
∂z ∂t (D.11)
2
ω0 κ tanh κH
soit = ω2
k

Finalement, on trouve

D/ρk 5 + T /ρk 3 + gk kH
ω2 = q  tanh q  . (D.12)
2Ω 2 2Ω 2
1− ω 1− ω

Si Ω = 0, on retrouve la relation de dispersion des ondes hydroélastiques sans rotation :


ω2 = D/ρk 5 + T /ρk 3 + gk tanh kH (voir équation 1.9 page 25).
180
Annexe E - Proposition de calcul de
la relation de dispersion des ondes
dans un hydrogel

Pour expliquer nos résultats sur les hydrogels nous nous proposons de calculer la relation
de dispersion d’ondes élastiques en présence de capillarité à sa surface. Pour ce faire nous
dérivons la relation de dispersion des ondes de plaques, appelées ondes de Lamb [143], que
nous adaptons pour y faire figurer la tension de surface. Les calculs présentés ici sont très
largement inspirés d’ouvrages de référence [143, 161], et ont été adaptés et résolus par Pierre
Chantelot.

-h
x

Les vitesses de propagation des ondes élastiques transverses (de cisaillement) et longi-
E
tudinales (de compression) s’expriment en fonction des coefficients de Lamé µ = 2(1+ν) et

λ = (1+ν)(1−2ν) et de la densité du matériau élastique [162]. Elles s’expriment respectivement
q q
µ λ+2µ
ct = ρ et cl = ρ . Pour calculer la relation de dispersion des ondes de Lamb nous
décrivons les déplacements longitudinaux ul et transverses ut au moyen de deux potentiels Φ
et Ψ, de sorte que ul = ∇Φ et ut = ∇ × Ψ. Les deux potentiels Φ et Ψ vérifient l’équation
de d’Alembert :

1 ∂2φ
∇2 Φ − =0
c2l ∂t2
(E.1)
2 1 ∂2Ψ
∇ Ψ − 2 2 = 0.
ct ∂t

181
182 E - Proposition de calcul de la relation de dispersion des ondes dans un hydrogel

Nous cherchons des solutions sous la forme d’ondes propagatives en x, de sorte que nous
prenons Φ et Ψ de la forme :

Φ = f (y)ei(kx−ωt)
(E.2)
Ψ = ih(y)ei(kx−ωt) .

On trouve alors

∂2f
+ α2 f = 0
∂y 2
(E.3)
∂2h
+ β 2 h = 0,
∂y 2

2 2
où α2 = ωc2 − k 2 et β 2 = ωc2 − k 2 . L’équation E.3 se résout en :
l t

f = A sin αy + B cos αy
(E.4)
h = C sin βy + D cos βy,

et les déplacements selon x et y s’expriment alors :

ux = i [k(A sin αy + B cos αy) + β(C cos βy − D sin βy)] ei(kx−ωt)


(E.5)
uy = [α(A cos αy − B sin αy) + k(C sin βy + D cos βy)]ei(kx−ωt) .

Nous pouvons alors exprimer les contraintes σxy et σyy en fonction des déplacements [162] :

 
∂ux ∂uy
σxy = ρc2t +
∂y ∂x
(E.6)
∂uy ∂ux
σyy = ρc2l + ρ(c2l − 2c2t ) .
∂y ∂x

En y = 0 la contrainte tangentielle σxy est nulle et la contrainte normale est reliée à la


∂2u
tension de surface et à la gravité par σyy (y − h) = γ ∂x2y −ρguy .

En y = −h le déplacement est nul de sorte que : ux (y = −h) = uy (y = −h) = 0.

Ceci nous donne quatre équations qui nous permettent de trouver les constantes A, B, CetD ;
nous écrivons ces quatre équations sous forme matricielle :
E - Proposition de calcul de la relation de dispersion des ondes dans un hydrogel 183

Figure E.1 – Relation de dispersion des ondes mesurées à la surface de gels d’agar. (a) µ = 380 Pa
et h = 3 cm. (b) µ = 380 Pa et h = 1 cm (c) µ = 95 Pa et h = 1 cm. Nous superposons en rouge les
résultats obtenus avec la relation de dispersion E.8.

  
−k sin αh k cos αh β cos βh β sin βh A
  
 α cos αh α sin αh −k sin βh  
k cos βh  B 
 
 2kα 0 0 k2 − β 2    = 0. (E.7)
  C 
k 2 α(γ + ρg/k 2 ) ρc2t (k 2 − β 2 ) 2ρc2t kβ k 3 (γ + ρg/k 2 ) D

Pour obtenir la relation de dispersion nous prenons le déterminant de cette matrice, et


nous trouvons :

 
4αβk 2 (k 2 − β 2 ) + k 2 sin αh sin βh (k 2 − β 2 )2 − α2 β 2 − αβ cos αh cos βh 4k 4 + (k 2 − β 2 )2
γ ρg 1
−( + )αk 2 (k 2 + β 2 )(k 2 cos αh sin βh + αβ cos βh sin αh) = 0 (E.8)
µ µ k2

Nous introduisons les variables k ∗ = kh et ω ∗ = ωh/ct pour adimensionnaliser la relation


de dispersion. Ceci fait apparaitre deux longueurs caractéristiques, à comparer à l’épaisseur
h du gel : la longueur élasto-capillaire γ/µ et la longueur élasto-gravitaire µ/ρg.

Nous résolvons numériquement cette équation et nous superposons dans la figure E.1 les
relations de dispersion ainsi obtenues aux mesures expérimentales. Les valeurs des modules
de cisaillement utilisées sont µ = 380 Pa pour les gels de 3 g/L (figures E.1(a) et (b)) et
184 E - Proposition de calcul de la relation de dispersion des ondes dans un hydrogel

Figure E.2 – Relation de dispersion des ondes mesurées à la surface d’un gel d’agar de module de
cisaillement µ = 95 Pa et d’épaisseur h = 2.3 mm. Nous superposons en rouge les résultats obtenus
avec la relation de dispersion E.8, obtenue pour µ = 140 Pa, h = 2.5 mm et γ = 70 mN/m (traits
pleins) ou γ = 0 mN/m (tirets).

µ = 95 Pa pour le gel de 2 g/L. Les profondeurs utilisées sont respectivement 3 cm, 8.5
mm et 1 cm pour les figures E.1(a), (b) et (c). Les courbes théoriques ne décrivent pas les
données expérimentales de manière satisfaisante. Nous retrouvons cependant la présence de
plusieurs branches, et leur nombre est raisonnablement bien prédit. Il est probable qu’il faille
ajuster plus précisément les valeurs du module de cisaillement µ et de la profondeur du gel
h, auxquelles l’allure des courbes obtenues est très sensible. En particulier, les fréquences de
coupure, c’est-à-dire les fréquences pour lesquelles kx = 0, sont grandement modifiées par un
changement de µ et h.

Pour illustrer le rôle joué par la capillarité, nous étudions un gel mou (µ = 95 Pa) et fin
γ
(h = 2.3 mm d’épaisseur), de sorte que le paramètre µh est grand. Nous nous attendons alors
à avoir une influence forte de la capillarité. La relation de dispersion obtenue est représentée
dans la figure , où nous superposons également la prédiction théorique obtenue avec l’équa-
tion E.8. Cette prédiction est représentée soit avec la capillarité (ligne en traits pleins), soit
sans capillarité (ligne en traits pointillés), et nous remarquons que l’accord avec les résultats
expérimentaux est bien meilleur lorsque la tension de surface est prise en compte.

Ces résultats indiquent que les ondes de Lamb calculées en présence d’une tension de
surface sont de bonnes candidates pour décrire les ondes que nous observons, même si la
relation de dispersion reste encore éloignée de nos résultats expérimentaux si nous n’ajustons
pas µ, h et γ. En approfondissant cette théorie nous devrions pouvoir déterminer la nature
des ondes se propageant dans un hydrogel.
Bibliographie

[1] d’Alembert, J.l.R., 1747. “Recherches sur la courbe que forme une corde tendue
mise en vibration”. Histoire de l’académie royale des sciences et belles lettres de Berlin.
Cité p. 11.
[2] Feynman, R.P., Leighton, R.B., and Sands, M., The Feynman Lectures on Phy-
sics : Mainly Mechanics, Radiation, and Heat.-1963, (Addison-Wesley1963). Cité p. 12.
[3] Berry, M., Chambers, R., Large, M., Upstill, C., and Walmsley, J., 1980.
“Wavefront dislocations in the Aharonov-Bohm effect and its water wave analogue”.
European Journal of Physics, vol. 1, no. 3, p. 154. Cité pp. 12 and 101.
[4] Couder, Y. and Fort, E., 2006. “Single-particle diffraction and interference at a
macroscopic scale”. Physical review letters, vol. 97, no. 15, p. 154101. Cité p. 12.
[5] Eddi, A., Fort, E., Moisy, F., and Couder, Y., 2009. “Unpredictable tunneling of
a classical wave-particle association”. Physical review letters, vol. 102, no. 24, p. 240401.
Cité p. 12.
[6] Farhat, M., Enoch, S., Guenneau, S., and Movchan, A., 2008. “Broadband
cylindrical acoustic cloak for linear surface waves in a fluid”. Physical review letters,
vol. 101, no. 13, p. 134501. Cité pp. 12, 13, and 144.
[7] Berraquero, C., Maurel, A., Petitjeans, P., and Pagneux, V., 2013. “Expe-
rimental realization of a water-wave metamaterial shifter”. Physical review E, vol. 88,
no. 5, p. 051002. Cité p. 12.
[8] Wang, Z., Zhang, P., Nie, X., and Zhang, Y., 2014. “Focusing of liquid surface
waves by gradient index lens”. EPL (Europhysics Letters), vol. 108, no. 2, p. 24003.
Cité pp. 12, 13, and 143.
[9] Elgar, S., Raubenheimer, B., and Herbers, T., 2003. “Bragg reflection of ocean
waves from sandbars”. Geophysical research letters, vol. 30, no. 1. Cité pp. 12 and 63.
[10] Hu, X., Shen, Y., Liu, X., Fu, R., Zi, J., Jiang, X., and Feng, S., 2003. “Band
structures and band gaps of liquid surface waves propagating through an infinite array
of cylinders”. Physical Review E, vol. 68, no. 3, p. 037301. Cité pp. 12 and 63.
[11] Hu, X. and Chan, C., 2005. “Refraction of water waves by periodic cylinder arrays”.
Physical review letters, vol. 95, no. 15, p. 154501. Cité pp. 12 and 63.

186
BIBLIOGRAPHIE 187

[12] Torres, M., Adrados, J., de Espinosa, F.M., Garcia-Pablos, D., and Fayos,
J., 2000. “Parametric Bragg resonances in waves on a shallow fluid over a periodically
drilled bottom”. Physical Review E, vol. 63, no. 1, p. 011204. Cité p. 12.
[13] Elandt, R.B., Shakeri, M., and Alam, M.R., 2014. “Surface gravity-wave lensing”.
Physical Review E, vol. 89, no. 2, p. 023012. Cité p. 12.
[14] Belzons, M., Guazzelli, E., and Parodi, O., 1988. “Gravity waves on a rough
bottom : experimental evidence of one-dimensional localization”. Journal of Fluid Me-
chanics, vol. 186, pp. 539–558. Cité p. 12.
[15] Squire, V.A., Dugan, J.P., Wadhams, P., Rottier, P.J., and Liu, A.K., 1995.
“Of ocean waves and sea ice”. Annual Review of Fluid Mechanics, vol. 27, no. 1, pp.
115–168. Cité p. 13.
[16] Squire, V., 2007. “Of ocean waves and sea-ice revisited”. Cold Regions Science and
Technology, vol. 49, no. 2, pp. 110–133. Cité pp. 13 and 51.
[17] Ewing, M. and Crary, A., 1934. “Propagation of elastic waves in ice. Part II”.
Physics, vol. 5, no. 7, pp. 181–184. Cité p. 13.
[18] Ewing, M., Crary, A., and Thorne Jr, A., 1934. “Propagation of elastic waves in
ice. Part I”. Physics, vol. 5, no. 6, pp. 165–168. Cité p. 13.
[19] Martin, S. and Becker, P., 1987. “High-frequency ice floe collisions in the Greenland
Sea During the 1984 Marginal Ice Zone Experiment”. Journal of Geophysical Research :
Oceans, vol. 92, no. C7, pp. 7071–7084. Cité p. 13.
[20] Squire, V., Robinson, W., Langhorne, P., and Haskell, T., 1988. “Vehicles and
aircraft on floating ice”. Nature, vol. 333, no. 6169, p. 159. Cité p. 13.
[21] Meylan, M. and Squire, V.A., 1994. “The response of ice floes to ocean waves”.
Journal of Geophysical Research : Oceans, vol. 99, no. C1, pp. 891–900. Cité p. 13.
[22] Shen, H.H. and Squire, V.A., 1998. “Wave damping in compact pancake ice fields
due to interactions between pancakes”. Antarctic Sea Ice : Physical Processes, Interac-
tions and Variability, pp. 325–341. Cité p. 13.
[23] Chou, T., 1998. “Band structure of surface flexural–gravity waves along periodic
interfaces”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 369, pp. 333–350. Cité p. 13.
[24] Wang, R. and Shen, H.H., 2010. “Experimental study on surface wave propagating
through a grease–pancake ice mixture”. Cold Regions Science and Technology, vol. 61,
no. 2-3, pp. 90–96. Cité p. 13.
[25] Montiel, F., Bonnefoy, F., Ferrant, P., Bennetts, L., Squire, V., and Mar-
sault, P., 2013. “Hydroelastic response of floating elastic discs to regular waves. Part
1. Wave basin experiments”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 723, pp. 604–628. Cité
p. 13.
[26] Montiel, F., Bennetts, L., Squire, V., Bonnefoy, F., and Ferrant, P., 2013.
“Hydroelastic response of floating elastic discs to regular waves. Part 2. Modal analysis”.
Journal of Fluid Mechanics, vol. 723, pp. 629–652. Cité p. 13.
188 BIBLIOGRAPHIE

[27] Deike, L., Bacri, J.C., and Falcon, E., 2013. “Nonlinear waves on the surface of
a fluid covered by an elastic sheet”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 733, pp. 394–413.
Cité pp. 13 and 27.

[28] Deike, L., 2013. Etudes expérimentales et numériques de la turbulence d’ondes de


surface. Ph.D. thesis, Paris 7. Cité p. 13.
[29] Arutkin, M., Ledesma-Alonso, R., Salez, T., and Raphaël, É., 2017. “Elas-
tohydrodynamic wake and wave resistance”. Journal of fluid mechanics, vol. 829, pp.
538–550. Cité p. 13.
[30] Ono-dit Biot, J.C., Trejo, M., Loukiantcheko, E., Lauch, M., Raphaël, E.,
Dalnoki-Veress, K., and Salez, T., 2018. “Hydroelastic wake on a thin elastic
sheet floating on water”. arXiv preprint arXiv :1806.07472. Cité p. 13.
[31] Watanabe, E., Utsunomiya, T., and Wang, C., 2004. “Hydroelastic analysis of
pontoon-type VLFS : a literature survey”. Engineering Structures, vol. 26, no. 2, pp.
245 – 256. Cité p. 13.
[32] Desmars, N., Tchoufag, J., Younesian, D., and Alam, M.R., 2018. “Interaction
of surface waves with an actuated submerged flexible plate : Optimization for wave
energy extraction”. Journal of Fluids and Structures, vol. 81, pp. 673–692. Cité p. 13.
[33] Alamian, R., Shafaghat, R., Miri, S.J., Yazdanshenas, N., and Shakeri, M.,
2014. “Evaluation of technologies for harvesting wave energy in Caspian Sea”. Rene-
wable and Sustainable Energy Reviews, vol. 32, pp. 468–476. Cité p. 13.
[34] Brambini, R., Dommergues, B., Maral, H., and Sainte-Rose, B., “Hydrody-
namics and Capture Efficiency of Plastic Cleanup Booms : Part I—Experiments and
Dynamic Analysis”. In ASME 2017 36th International Conference on Ocean, Offshore
and Arctic Engineering, pp. V001T01A052–V001T01A052, (American Society of Me-
chanical Engineers2017). Cité p. 13.
[35] Planchette, C., Lorenceau, E., and Biance, A.L., 2012. “Surface wave on a
particle raft”. Soft Matter, vol. 8, no. 8, pp. 2444–2451. Cité p. 13.
[36] Petit, P., Biance, A.L., Lorenceau, E., and Planchette, C., 2016. “Bending
modulus of bidisperse particle rafts : Local and collective contributions”. Phys. Rev. E,
vol. 93, p. 042802. Cité p. 13.
[37] Vella, D., Aussillous, P., and Mahadevan, L., 2004. “Elasticity of an interfacial
particle raft”. EPL (Europhysics Letters), vol. 68, no. 2, p. 212. Cité p. 13.
[38] Audoly, B. and Pomeau, Y., Elasticity and geometry : from hair curls to the non-
linear response of shells, (Oxford University Press2010). Cité pp. 18 and 22.
[39] Landau, L.D. and Lifshitz, E.M., Theory of Elasticity (Third Edition), pp. 58–61,
(Butterworth-Heinemann, Oxford1986). Cité pp. 19, 21, 22, and 171.
[40] Greenhill, A., 1887. “Wave Motion in Hydrodynamics”. American Journal of Ma-
thematics, vol. 9, no. 1, pp. 97–112. Cité pp. 20 and 22.
BIBLIOGRAPHIE 189

[41] Davys, J., Hosking, R., and Sneyd, A., 1985. “Waves due to a steadily moving
source on a floating ice plate”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 158, pp. 269–287. Cité
pp. 20, 23, and 167.

[42] Schulkes, R.M.S.M., Hosking, R., and Sneyd, A., 1987. “Waves due to a steadily
moving source on a floating ice plate. Part 2”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 180,
pp. 297–318. Cité pp. 20, 25, 115, and 167.
[43] Vella, D., Adda-Bedia, M., and Cerda, E., 2010. “Capillary wrinkling of elastic
membranes”. Soft Matter, vol. 6, no. 22, pp. 5778–5782. Cité pp. 21 and 22.
[44] Box, F., Vella, D., Style, R.W., and Neufeld, J.A., 2017. “Indentation of
a floating elastic sheet : geometry versus applied tension”. Proceedings of the Royal
Society of London A : Mathematical, Physical and Engineering Sciences, vol. 473, no.
2206. Cité pp. 21, 22, and 145.
[45] King, H., Schroll, R.D., Davidovitch, B., and Menon, N., 2012. “Elastic sheet
on a liquid drop reveals wrinkling and crumpling as distinct symmetry-breaking instabi-
lities”. Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 109, no. 25, pp. 9716–9720.
Cité pp. 21, 22, 114, 115, 145, and 171.

[46] Von Kármán, T., Festigkeitsprobleme im maschinenbau, (Teubner1910). Cité p. 21.


[47] Love, A.E.H., 1888. “The small free vibrations and deformation of a thin elastic shell”.
Philosophical Transactions of the Royal Society of London. A, vol. 179, pp. 491–546.
Cité p. 21.

[48] Foppl, A., 1909. “Vorlesungen uber technische Mechanik”. Cité p. 21.
[49] Guyon, É., Hulin, J.P., and Petit, L., Hydrodynamique physique 3e édition (2012),
(EDP sciences2012). Cité pp. 24 and 121.
[50] Cerda, E. and Mahadevan, L., 2003. “Geometry and Physics of Wrinkling”. Phys.
Rev. Lett., vol. 90, p. 074302. Cité p. 29.
[51] Huang, J., Davidovitch, B., Santangelo, C.D., Russell, T.P., and Menon,
N., 2010. “Smooth cascade of wrinkles at the edge of a floating elastic film”. Physical
review letters, vol. 105, no. 3, p. 038302. Cité p. 29.
[52] Pocivavsek, L., Dellsy, R., Kern, A., Johnson, S., Lin, B., Lee, K.Y.C., and
Cerda, E., 2008. “Stress and Fold Localization in Thin Elastic Membranes”. Science,
vol. 320, no. 5878, pp. 912–916. Cité pp. 29 and 168.
[53] Moisy, F., Rabaud, M., and Salsac, K., 2009. “A synthetic Schlieren method for
the measurement of the topography of a liquid interface”. Experiments in Fluids, vol. 46,
no. 6, pp. 1021–1036. Cité pp. 30, 31, and 32.
[54] Wildeman, S., 2018. “Real-time quantitative Schlieren imaging by fast Fourier de-
modulation of a checkered backdrop”. Experiments in Fluids, vol. 59, no. 6, p. 97. Cité
pp. 30, 33, and 34.
190 BIBLIOGRAPHIE

[55] Thielicke, W. and Stamhuis, E., 2014. “PIVlab–towards user-friendly, affordable


and accurate digital particle image velocimetry in MATLAB”. Journal of Open Research
Software, vol. 2, no. 1. Cité p. 32.
[56] Thielicke, W., Stamhuis, E., Thielicke, W., and Stamhuis, E. “PIVlab–Time-
Resolved Digital Particle Image Velocimetry Tool for MATLAB, version : 1.32, 2014”.
DOI, vol. 10, p. m9. Cité p. 32.
[57] “http ://www.fast.u-psud.fr/pivmat/”. Cité p. 33.
[58] “https ://github.com/swildeman/fcd”. Cité p. 34.
[59] “http ://www.silex.co.uk”. Cité pp. 36 and 42.
[60] Tkacheva, L., 2001. “Scattering of surface waves by the edge of a floating elastic
plate”. Journal of Applied Mechanics and Technical Physics, vol. 42, no. 4, pp. 638–
646. Cité pp. 51 and 142.
[61] Fox, C. and Squire, V.A., 1994. “On the oblique reflexion and transmission of
ocean waves at shore fast sea ice”. Phil. Trans. R. Soc. Lond. A, vol. 347, no. 1682, pp.
185–218. Cité pp. 51 and 142.
[62] Squire, V. and Williams, T., 2008. “Wave propagation across sea-ice thickness
changes”. Ocean Modelling, vol. 21, no. 1-2, pp. 1–11. Cité pp. 51 and 142.
[63] Jackson, J.D., Classical electrodynamics, (Wiley1999). Cité p. 55.
[64] Chen, Z., Taflove, A., and Backman, V., 2004. “Photonic nanojet enhancement of
backscattering of light by nanoparticles : a potential novel visible-light ultramicroscopy
technique”. Opt. Express, vol. 12, no. 7, pp. 1214–1220. Cité pp. 57 and 59.
[65] Geints, Y., Panina, E., and Zemlyanov, A., 2010. “Control over parameters of
photonic nanojets of dielectric microspheres”. Optics Communications, vol. 283, no. 23,
pp. 4775 – 4781. Cité p. 57.
[66] Kotlyar, V.V., Stafeev, S.S., and Feldman, A., 2014. “Photonic nanojets gene-
rated using square-profile microsteps”. Applied optics, vol. 53, no. 24, pp. 5322–5329.
Cité p. 57.
[67] Adler, C.L., Lock, J.A., Stone, B.R., and Garcia, C.J., 1997. “High-order
interior caustics produced in scattering of a diagonally incident plane wave by a circular
cylinder”. J. Opt. Soc. Am. A, vol. 14, no. 6, pp. 1305–1315. Cité p. 57.
[68] Ferrand, P., Wenger, J., Devilez, A., Pianta, M., Stout, B., Bonod, N.,
Popov, E., and Rigneault, H., 2008. “Direct imaging of photonic nanojets”. Opt.
Express, vol. 16, no. 10, pp. 6930–6940. Cité pp. 57 and 59.
[69] Heifetz, A., Kong, S.C., Sahakian, A.V., Taflove, A., and Backman, V., 2009.
“Photonic nanojets”. Journal of computational and theoretical nanoscience, vol. 6, no. 9,
pp. 1979–1992. Cité p. 58.
[70] Matsko, A., Iltchenko, V., Strekalov, D., Savchenkov, A., and Maleki, L.,
2008. “Delaying Trains of Short Light Pulses in WGM Resonators”. Cité p. 58.
BIBLIOGRAPHIE 191

[71] Zhao, J., Liu, X., Qiu, W., Ma, Y., Huang, Y., Wang, J.X., Qiang, K., and
Pan, J.Q., 2014. “Surface-plasmon-polariton whispering-gallery mode analysis of the
graphene monolayer coated InGaAs nanowire cavity”. Opt. Express, vol. 22, no. 5, pp.
5754–5761. Cité p. 58.
[72] Rashed, R., 1990. “A Pioneer in Anaclastics : Ibn Sahl on Burning Mirrors and
Lenses”. Isis, vol. 81, no. 3, pp. 464–491. Cité p. 60.
[73] Yablonovitch, E., 1987. “Inhibited spontaneous emission in solid-state physics and
electronics”. Physical review letters, vol. 58, no. 20, p. 2059. Cité p. 62.
[74] John, S., 1987. “Strong localization of photons in certain disordered dielectric super-
lattices”. Physical review letters, vol. 58, no. 23, p. 2486. Cité p. 62.
[75] Meade, R.D., Devenyi, A., Joannopoulos, J., Alerhand, O., Smith, D., and
Kash, K., 1994. “Novel applications of photonic band gap materials : Low-loss bends
and high Q cavities”. Journal of applied physics, vol. 75, no. 9, pp. 4753–4755. Cité
p. 62.
[76] Painter, O., Lee, R., Scherer, A., Yariv, A., O’brien, J., Dapkus, P., and Kim,
I., 1999. “Two-dimensional photonic band-gap defect mode laser”. Science, vol. 284,
no. 5421, pp. 1819–1821. Cité p. 62.
[77] Deymier, P.A., Acoustic metamaterials and phononic crystals, vol. 173, (Springer
Science & Business Media2013). Cité pp. 62 and 63.
[78] Wang, Z., Zhang, P., Zhang, Y., and Nie, X., 2013. “Experimental verification
of directional liquid surface wave emission at band edge frequencies”. Physica B :
Condensed Matter, vol. 431, pp. 75–79. Cité p. 63.
[79] Yang, J., Tang, Y., Ouyang, C., Liu, X., Hu, X., and Zi, J., 2009. “Observation of
the focusing of liquid surface waves”. Applied Physics Letters, vol. 95, no. 9, p. 094106.
Cité p. 63.
[80] Kaina, N., Fink, M., and Lerosey, G., 2013. “Composite media mixing Bragg and
local resonances for highly attenuating and broad bandgaps”. Scientific reports, vol. 3,
p. 3240. Cité pp. 63 and 79.
[81] Lemoult, F., Kaina, N., Fink, M., and Lerosey, G., 2016. “Soda cans metama-
terial : a subwavelength-scaled phononic crystal”. Crystals, vol. 6, no. 7, p. 82. Cité
p. 63.
[82] Yves, S., Fleury, R., Berthelot, T., Fink, M., Lemoult, F., and Lerosey, G.,
2017. “Crystalline metamaterials for topological properties at subwavelength scales”.
Nature communications, vol. 8, p. 16023. Cité p. 63.
[83] Lord Rayleigh, O. et al., 1917. “On the reflection of light from a regularly stratified
medium”. Proc. R. Soc. Lond. A, vol. 93, no. 655, pp. 565–577. Cité p. 64.
[84] Joannopoulos, J.D., Johnson, S.G., Winn, J.N., and Meade, R.D., Photonic
crystals : molding the flow of light, (Princeton university press2011). Cité pp. 64, 65,
and 66.
192 BIBLIOGRAPHIE

[85] Bloch, F., 1929. “Über die quantenmechanik der elektronen in kristallgittern”. Zeit-
schrift für physik, vol. 52, no. 7-8, pp. 555–600. Cité p. 64.
[86] de Vries, P., van Coevorden, D.V., and Lagendijk, A., 1998. “Point scatterers
for classical waves”. Rev. Mod. Phys., vol. 70, pp. 447–466. Cité pp. 73, 75, and 80.
[87] Kaina, N., 2016. Métamatériaux localement résonants : cristaux photoniques et pho-
noniques sub-longueur d’onde. Ph.D. thesis, Université Paris 7. Cité pp. 73, 74, and 75.
[88] Lemoult, F., 2011. Focalisation et contrôle des ondes en milieux complexes et locale-
ment résonants. Ph.D. thesis, Paris 7. Cité pp. 74 and 75.
[89] Fano, U., 1961. “Effects of Configuration Interaction on Intensities and Phase Shifts”.
Phys. Rev., vol. 124, pp. 1866–1878. Cité p. 74.
[90] Joe, Y.S., Satanin, A.M., and Kim, C.S., 2006. “Classical analogy of Fano reso-
nances”. Physica Scripta, vol. 74, no. 2, p. 259. Cité p. 75.
[91] Veselago, V.G., 1968. “The electrodynamics of substances with simultaneously ne-
gative values of and µ”. Soviet physics uspekhi, vol. 10, no. 4, p. 509. Cité p. 83.
[92] Smith, D.R., Pendry, J.B., and Wiltshire, M.C., 2004. “Metamaterials and ne-
gative refractive index”. Science, vol. 305, no. 5685, pp. 788–792. Cité p. 83.
[93] Garnett, J.M., 1906. “VII. Colours in metal glasses, in metallic films, and in metallic
solutions.—II”. Phil. Trans. R. Soc. Lond. A, vol. 205, no. 387-401, pp. 237–288. Cité
p. 84.

[94] Foldy, L.L., 1945. “The Multiple Scattering of Waves. I. General Theory of Isotropic
Scattering by Randomly Distributed Scatterers”. Phys. Rev., vol. 67, pp. 107–119. Cité
p. 84.

[95] Lax, M., 1952. “Multiple Scattering of Waves. II. The Effective Field in Dense Sys-
tems”. Phys. Rev., vol. 85, pp. 621–629. Cité p. 84.
[96] Plihal, M. and Maradudin, A., 1991. “Photonic band structure of two-dimensional
systems : The triangular lattice”. Physical Review B, vol. 44, no. 16, p. 8565. Cité pp.
89, 90, and 92.

[97] Villeneuve, P.R. and Piche, M., 1992. “Photonic band gaps in two-dimensional
square and hexagonal lattices”. Physical Review B, vol. 46, no. 8, p. 4969. Cité p. 89.
[98] Castro Neto, A.H., Guinea, F., Peres, N.M.R., Novoselov, K.S., and Geim,
A.K., 2009. “The electronic properties of graphene”. Rev. Mod. Phys., vol. 81, pp.
109–162. Cité pp. 90 and 91.
[99] Notomi, M., 2000. “Theory of light propagation in strongly modulated photonic
crystals : Refractionlike behavior in the vicinity of the photonic band gap”. Physical
Review B, vol. 62, no. 16, p. 10696. Cité p. 93.
[100] Stormer, H. and Tsui, D., 1983. “The quantized Hall effect”. Science, vol. 220, no.
4603, pp. 1241–1246. Cité pp. 99 and 100.
BIBLIOGRAPHIE 193

[101] Von Klitzing, K., 1986. “The quantized Hall effect”. Reviews of Modern Physics,
vol. 58, no. 3, p. 519. Cité p. 99.
[102] Kane, C. and Moore, J., 2011. “Topological insulators”. Physics World, vol. 24,
no. 02, p. 32. Cité p. 99.
[103] Wang, Z., Chong, Y., Joannopoulos, J.D., and Soljačić, M., 2009. “Observation
of unidirectional backscattering-immune topological electromagnetic states”. Nature,
vol. 461, no. 7265, p. 772. Cité pp. 100 and 101.
[104] Nash, L.M., Kleckner, D., Read, A., Vitelli, V., Turner, A.M., and Irvine,
W.T., 2015. “Topological mechanics of gyroscopic metamaterials”. Proceedings of the
National Academy of Sciences, vol. 112, no. 47, pp. 14495–14500. Cité pp. 100 and 101.
[105] Wang, Y.T., Luan, P.G., and Zhang, S., 2015. “Coriolis force induced topological
order for classical mechanical vibrations”. New Journal of Physics, vol. 17, no. 7, p.
073031. Cité pp. 100 and 101.
[106] Raghu, S. and Haldane, F., 2008. “Analogs of quantum-Hall-effect edge states in
photonic crystals”. Physical Review A, vol. 78, no. 3, p. 033834. Cité p. 101.
[107] Lu, L., Joannopoulos, J.D., and Soljačić, M., 2014. “Topological photonics”.
Nature Photonics, vol. 8, no. 11, p. 821. Cité p. 101.
[108] Aharonov, Y. and Bohm, D., 1959. “Significance of electromagnetic potentials in
the quantum theory”. Physical Review, vol. 115, no. 3, p. 485. Cité p. 101.
[109] Fort, E., Eddi, A., Boudaoud, A., Moukhtar, J., and Couder, Y., 2010. “Path-
memory induced quantization of classical orbits”. Proceedings of the National Academy
of Sciences, vol. 107, no. 41, pp. 17515–17520. Cité p. 101.
[110] Fleury, R., Sounas, D.L., Sieck, C.F., Haberman, M.R., and Alù, A., 2014.
“Sound isolation and giant linear nonreciprocity in a compact acoustic circulator”.
Science, vol. 343, no. 6170, pp. 516–519. Cité p. 101.
[111] Khanikaev, A.B., Fleury, R., Mousavi, S.H., and Alù, A., 2015. “Topologically
robust sound propagation in an angular-momentum-biased graphene-like resonator lat-
tice”. Nature communications, vol. 6, p. 8260. Cité p. 101.
[112] Wang, P., Lu, L., and Bertoldi, K., 2015. “Topological phononic crystals with
one-way elastic edge waves”. Physical review letters, vol. 115, no. 10, p. 104302. Cité
p. 101.
[113] Mitchell, N.P., Nash, L.M., Hexner, D., Turner, A.M., and Irvine, W.T.,
2018. “Amorphous topological insulators constructed from random point sets”. Nature
Physics, p. 1. Cité p. 101.
[114] Thomson, W., 1880. “On gravitational oscillations of rotating water”. Proceedings of
the Royal Society of Edinburgh, vol. 10, pp. 92–100. Cité p. 102.
[115] Ursell, F. and Deacon, G., 1950. “On the theoretical form of ocean swell. On a
rotating earth”. Geophysical Journal International, vol. 6, pp. 1–8. Cité p. 102.
194 BIBLIOGRAPHIE

[116] Gill, A.E., Atmosphere—ocean dynamics, (Elsevier2016). Cité p. 102.


[117] Messio, L., Morize, C., Rabaud, M., and Moisy, F., 2008. “Experimental observa-
tion using particle image velocimetry of inertial waves in a rotating fluid”. Experiments
in Fluids, vol. 44, no. 4, pp. 519–528. Cité p. 102.
[118] Rossby, C.G., 1945. “On the propagation of frequencies and energy in certain types
of oceanic and atmospheric waves”. Journal of Meteorology, vol. 2, no. 4, pp. 187–204.
Cité p. 102.
[119] Karoly, D.J., 1983. “Rossby wave propagation in a barotropic atmosphere”. Dyna-
mics of Atmospheres and Oceans, vol. 7, no. 2, pp. 111–125. Cité p. 102.
[120] Pollard, R.T., 1970. “Surface waves with rotation : An exact solution”. Journal of
Geophysical Research, vol. 75, no. 30, pp. 5895–5898. Cité p. 102.
[121] Hure, J., Roman, B., and Bico, J., 2011. “Wrapping an adhesive sphere with an
elastic sheet”. Physical review letters, vol. 106, no. 17, p. 174301. Cité p. 114.
[122] Hure, J., Roman, B., and Bico, J., 2012. “Stamping and wrinkling of elastic plates”.
Physical review letters, vol. 109, no. 5, p. 054302. Cité pp. 114 and 116.
[123] Hure, J., 2012. Adhésion, délamination et compaction de plaques minces. Ph.D.
thesis, Université Paris-Diderot-Paris VII. Cité pp. 115 and 116.
[124] Bense, H., 2017. CROISSANCE, COMPACTION ET ADHESION DE PLAQUES
MINCES. Ph.D. thesis, Sorbonne Paris Cité. Cité p. 116.
[125] Faraday, M., 1831. “On a Peculiar Class of Acoustical Figures ; and on Certain Forms
Assumed by Groups of Particles upon Vibrating Elastic Surfaces”. Phil. Trans. R. Soc.
London, vol. 121, pp. 299–340. Cité p. 120.
[126] Douady, S. and Fauve, S., 1988. “Pattern selection in Faraday instability”. EPL
(Europhysics Letters), vol. 6, no. 3, p. 221. Cité pp. 121 and 137.
[127] Arbell, H. and Fineberg, J., 2002. “Pattern formation in two-frequency forced
parametric waves”. Physical Review E, vol. 65, no. 3, p. 036224. Cité p. 121.
[128] Edwards, W.S. and Fauve, S., 1994. “Patterns and quasi-patterns in the Faraday
experiment”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 278, pp. 123–148. Cité p. 121.
[129] Miles, J. and Henderson, D., 1990. “Parametrically Forced Surface Waves”. Annual
Review of Fluid Mechanics, vol. 22, no. 1, pp. 143–165. Cité p. 121.
[130] Benjamin, T.B. and Ursell, F., 1954. “The Stability of the Plane Free Surface of
a Liquid in Vertical Periodic Motion”. Proceedings of the Royal Society of London A :
Mathematical, Physical and Engineering Sciences, vol. 225, no. 1163, pp. 505–515. Cité
pp. 121 and 123.
[131] Kumar, K. and Tuckerman, L.S., 1994. “Parametric instability of the interface
between two fluids”. J. Fluid Mech., vol. 279, pp. 49–68. Cité pp. 121, 124, and 139.
[132] Domino, L., Tarpin, M., Patinet, S., and Eddi, A., 2016. “Faraday wave lattice
as an elastic metamaterial”. Physical Review E, vol. 93, no. 5, p. 050202. Cité pp. 121,
125, and 126.
BIBLIOGRAPHIE 195

[133] McLachlan, N., 1947. “Theory and applications of Mathieu equations”. Clarendon,
Oxford. Cité p. 123.
[134] Douady, S., 1990. “Experimental study of the Faraday instability”. J. Fluid Mech.,
vol. 221, pp. 383–409. Cité pp. 123, 124, and 125.
[135] Protiere, S., 2007. Gouttes rebondissantes : une association onde-particule à échelle
macroscopique. Ph.D. thesis, Université Paris-Diderot-Paris VII. Cité p. 124.
[136] Abe, H., Ueda, T., Morikawa, M., Saitoh, Y., Nomura, R., and Okuda, Y.,
2007. “Faraday instability of superfluid surface”. Physical Review E, vol. 76, no. 4, p.
046305. Cité p. 125.
[137] Ciliberto, S., Douady, S., and Fauve, S., 1991. “Investigating space-time chaos
in Faraday instability by means of the fluctuations of the driving acceleration”. EPL
(Europhysics Letters), vol. 15, no. 1, p. 23. Cité p. 125.
[138] Tufillaro, N.B., Ramshankar, R., and Gollub, J.P., 1989. “Order-Disorder
Transition in Capillary Ripples”. Phys. Rev. Lett., vol. 62, no. 4, pp. 422–425. Cité
p. 125.
[139] Shani, I., Cohen, G., and Fineberg, J., 2010. “Localized Instability on the Route
to Disorder in Faraday Waves”. Phys. Rev. Lett., vol. 104, no. 18, pp. 184507–. Cité
p. 125.
[140] Kudrolli, A. and Gollub, J.P., 1996. “Patterns and spatiotemporal chaos in pa-
rametrically forced surface waves : a systematic survey at large aspect ratio”. Physica
D : Nonlinear Phenomena, vol. 97, no. 1-3, pp. 133–154. Cité p. 125.
[141] Chantelot, P., Coux, M., Clanet, C., and Quéré, D., 2018. “Drop trampoline”.
EPL (Europhysics Letters), vol. 124, no. 2, p. 24003. Cité p. 131.
[142] Blaber, J., Adair, B., and Antoniou, A., 2015. “Ncorr : open-source 2D digital
image correlation matlab software”. Experimental Mechanics, vol. 55, no. 6, pp. 1105–
1122. Cité p. 135.
[143] Royer, D. and Dieulesaint, E., Ondes élastiques dans les solides : propagation libre
et guidée, (Masson1996). Cité pp. 136 and 181.
[144] Mora, S., Phou, T., Fromental, J.M., and Pomeau, Y., 2014. “Gravity driven
instability in elastic solid layers”. Physical review letters, vol. 113, no. 17, p. 178301.
Cité p. 136.
[145] Mora, S., Phou, T., Fromental, J.M., Pismen, L.M., and Pomeau, Y., 2010.
“Capillarity driven instability of a soft solid”. Physical review letters, vol. 105, no. 21,
p. 214301. Cité p. 136.
[146] Shao, X., Saylor, J., and Bostwick, J.B., 2018. “Extracting the surface tension
of soft gels from elastocapillary wave behavior”. Soft Matter. Cité p. 137.
[147] Okubo, M., Ishibashi, Y., Oshima, S., Katakura, H., and Yamane, R., 1990.
“Interfacial waves of the magnetic fluid in vertical alternating magnetic fields”. Journal
of Magnetism and Magnetic Materials, vol. 85, no. 1-3, pp. 163–166. Cité p. 139.
196 BIBLIOGRAPHIE

[148] Smart, Ú. and Earnshaw, J.C., 1991. “Electrocapillary parametric forcing of in-
terfacial waves”. Review of Scientific Instruments, vol. 62, no. 6, pp. 1633–1639. Cité
p. 139.
[149] Luneberg, R., 1944. “Mathematical Theory of Optics, Providence”. Cité p. 143.
[150] Maxwell, J.C., 1854. “Solutions of problems”. Camb. Dublin Math. J., vol. 8, no.
188, p. (the solution to problem 2). Cité p. 143.
[151] Pendry, J.B., Schurig, D., and Smith, D.R., 2006. “Controlling electromagnetic
fields”. science, vol. 312, no. 5781, pp. 1780–1782. Cité p. 144.
[152] Leonhardt, U., 2006. “Optical conformal mapping”. Science, vol. 312, no. 5781, pp.
1777–1780. Cité p. 144.
[153] Kadic, M., Bückmann, T., Schittny, R., and Wegener, M., 2013. “Metama-
terials beyond electromagnetism”. Reports on Progress in Physics, vol. 76, no. 12, p.
126501. Cité p. 144.
[154] Zareei, A. and Alam, M.R., 2017. “Broadband cloaking of flexural waves”. Physical
Review E, vol. 95, no. 6, p. 063002. Cité p. 144.
[155] Zareei, A. and Alam, M.R., 2015. “Cloaking in shallow-water waves via nonlinear
medium transformation”. Journal of Fluid Mechanics, vol. 778, pp. 273–287. Cité p. 144.
[156] Zareei, A. and Alam, R., “Cloaking by a floating thin plate”. In Proc. 31st Int.
Workshop on Water Waves and Floating Bodies, Michigan, USA, pp. 197–200 (2016).
Cité p. 144.
[157] Lu, J., Qiu, C., Ye, L., Fan, X., Ke, M., Zhang, F., and Liu, Z., 2017. “Observation
of topological valley transport of sound in sonic crystals”. Nature Physics, vol. 13, no. 4,
p. 369. Cité pp. 145 and 146.
[158] Pineirua, M., Tanaka, N., Roman, B., and Bico, J., 2013. “Capillary buckling of
a floating annulus”. Soft Matter, vol. 9, pp. 10985–10992. Cité pp. 167 and 168.
[159] Das, S., Sahoo, T., and Meylan, M., 2018. “Dynamics of flexural gravity waves :
from sea ice to Hawking radiation and analogue gravity”. Proc. R. Soc. A, vol. 474, no.
2209, p. 20170223. Cité p. 169.
[160] Kelly, P. “Piaras Kelly’s lecture notes on mechanics : http ://home-
pages.engineering.auckland.ac.nz/ pkel015/SolidMechanicsBooks/index.html”. Cité
p. 173.
[161] Graff, K.F., Wave motion in elastic solids, (Courier Corporation2012). Cité p. 181.
[162] Landau, L.D. and Lifshitz, E.M., Theory of Elasticity (Third Edition), p. 102,
(Butterworth-Heinemann, Oxford1986). Cité pp. 181 and 182.
Résumé Abstract

Cette thèse porte sur la physique des ondes, This thesis deals with waves at the surface of
dans le but de contrôler leur propagation. a liquid, and aims at controlling their
Nous cherchons à mettre en évidence des propagation. We want to show universal
phénomènes communs à toutes les ondes results, valid for all waves, using model
grâce à un système expérimental modèle experiments. We work with hydroelastic
utilisant les ondes à la surface d’un liquide.
waves, obtained with an elastic membrane
Plus précisément, nous choisissons de
that covers the liquid surface. The elastic
travailler avec des ondes hydroélastiques en
deformation of this membrane couples with
couvrant la surface du liquide avec un film
the motion of the fluid, so that we can change
élastique. Les déformations élastiques de
cette membrane sont couplées aux the propagation of the waves by modifying
mouvements du fluide, de sorte qu’en the properties of the elastic cover. We show
modifiant les propriétés de la membrane nous that if we locally change the thickness of the
pouvons agir sur la propagation des ondes. elastic cover, we can deviate, reflect or focus
Ainsi, en changeant localement l’épaisseur the waves. We then periodically structure the
du film élastique nous montrons qu’il est membrane and thus unveil effects due to he
possible de dévier, réfléchir ou encore periodicity and/or the nature of the objects
focaliser les ondes. Ensuite, en structurant that form the regular array. We use an
périodiquement la membrane nous mettons
ensemble of circular perforations of which we
en évidence des effets liés à la périodicité et/
vary the diameter, the spacing and the
ou à la nature des objets formant le réseau
pattern, in order to accurately control the
régulier. Nous utilisons des perforations
propagation of the waves in this artificial
circulaires dont nous varions le diamètre,
l’espacement et l’arrangement dans l’espace, crystal. In particular, we show that there exist
ce qui nous permet de contrôler très finement band gaps for the waves. Lastly, we re-visit
le comportement des ondes dans le cristal t h e F a r a d a y i n s t a b i l i t y, k n o w n i n
artificiel ainsi formé. Nous mettons hydrodynamics, by vertically vibrating a fluid
notamment en évidence l’existence de layer covered with an elastic membrane, and
bandes interdites de propagation. Enfin, nous we show that this instability also exist for
re-visitons l’instabilité de Faraday, connue en hydroelastic waves.
hydrodynamique, en vibrant verticalement un
bain liquide recouvert d’une membrane
élastique, et nous montrons que cette
instabilité existe également pour les ondes
hydroélastiques.

Mots Clés Keywords

Ondes, Hydrodynamique, Élasticité, Cristaux Waves, Hydrodynamics, Elasticity, Artificial


Artificiels, Membranes, Hydroélasticité Crystals, Membranes, Hydroelastic, Non-
Physique Non-Linéaire, Instabilité de Faraday Linear Physics, Faraday Instability

Vous aimerez peut-être aussi