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ENSEIGNATE : A. TEDJAR NIVEAU : 1 A.S.

ANNE SCOLAIRE : 2023/2024

COMPRÉHENSSION DE L’ÉCRIT

Affinity Therapy :les passions des enfants pour mieux vivre l’autisme?

L’Affinity Therapy, appelée parfois Disney Therapy, rencontre un grand succès outre-
Atlantique auprès des parents d’enfants touchés par l’autisme. Découverte par Ron Suskind,
journaliste américain et père d’Owen, diagnostiqué « autiste régressif » à trois ans, cette
méthode s’appuie sur les passions de l’enfant pour l’aider à s’ouvrir au monde. Entretien.

*Pouvez-vous nous expliquer le concept de l’Affinity Therapy ?

Ron Suskind : L’idée clé est d’apprendre le langage de l’enfant atteint d’autisme grâce à sa passion.
Disney, Star Wars, Harry Potter, l’astronomie, les trains… Quelle que soit sa passion, donc la forme
que prend son langage, il l’utilise comme un plan pour déchiffrer son être intérieur, ses émotions, son
identité et sa place dans le monde qui l’entoure. En tant que parent, lorsque vous maîtrisez et
partagez son langage, vous pouvez l’aider dans son développement et lui permettre de réussir à
sortir du silence et de l’enfermement.

*Comment vous est venue l’idée de communiquer avec votre fils grâce aux dessins animés Disney?

Ron Suskind : L’autisme d’Owen s’est déclaré tardivement. Jusqu’à environ deux ans et demi, il
s’exprimait normalement. Mais, vers trois ans, il a perdu la parole. Cette régression dramatique est
typique de « l’autisme régressif ». Il ne communiquait plus qu’avec un seul mot : « juice » (jus en
anglais). Après un an de mutisme, les dessins animés Disney, qu’il adorait regarder avec son frère
depuis tout petit, étaient son unique centre d’intérêt. Comme souvent dans les troubles autistiques,
sa motricité était atteinte et la seule chose qu’il arrivait à faire était d’appuyer sur le bouton « retour »
de la télécommande pour revoir certaines scènes. C’est alors qu’avec ma femme Cornelia, nous
l’avons vu bredouiller, marmonner. Nous ne comprenions pas, mais au moins, il produisait des sons,
un peu comme un bébé qui s’éveille au monde. Nous avons alors pris l’habitude de regarder La
Petite sirène tous ensemble, en famille.

*Quand avez-vous réalisé qu’Owen utilisait les scènes de dessin animé pour parler ?

Ron Suskind : Lorsque nous regardions La Petite sirène, il repassait toujours la scène où Ariel doit
négocier avec Ursula, la sorcière de la mer, afin de devenir humaine et retrouver son prince. C’est à
ce moment-là que la sorcière lui dit : « Cela ne te coûtera pas grand-chose, juste ta voix ». Owen
remettait sans cesse ce passage, en répétant : « juicivers » « juicivers ». Comme « juice » était le
seul mot qu’il utilisait, nous pensions alors qu’il réclamait du jus de fruit. Ma femme Cornelia lui en
servait, mais il n’en voulait pas. C’est alors qu’elle m’interpella : « Il ne dit
pas “juice“ mais “just“ ! » J’ai alors pris Owen dans mes bras et lui ai dit « Just your voice » (Juste ta
voix en anglais) il m’a alors regardé en répétant « Juicivers, juicivers ! » nous nous sommes alors
aperçus qu’il apprenait vraiment des films. Plus tard, il s’est mis à marmonner quelque chose comme
« botiwiz ». Nous avons compris qu’il disait « beauty within » (beauté intérieure en anglais) en
regardant un passage de La Belle et la bête qu’il regardait en boucle. C’est à ce moment que nous
avons eu la révélation : il fallait déchiffrer ses paroles en fonction des passages Disney qu’il se
repassait !
*Quel a été l’élément déclencheur qui vous a finalement permis de dialoguer avec lui ?

Ron Suskind : Quelques temps après, alors qu’Owen était sur son lit, en train de regard un livre
Disney, j’ai eu l’idée d’aller plus loin. Dans la pièce, il y avait la marionnette d’un personnage qu’il
adore : Iago, le perroquet de Jafar, le méchant dans Aladdin. Je me suis mis à quatre pattes et me
suis approché du lit. Je lui ai alors parlé avec la marionnette en prenant la voix de Iago : « Owen,
c’est comment d’être toi ? » Il s’est tourné vers la marionnette comme s’il parlait à un vieux copain et
il a répondu : « Ce n’est pas terrible, je me sens seul et je n’ai pas d’amis ». Ce contact a été très fort
pour moi, mais j’ai pensé que je devais rester dans la peau du personnage. Que répondrait Iago ?
J’ai alors répliqué : « Depuis quand sommes-nous de si bons amis ? ». Il a répliqué : « Quand je
regarde Aladdin, tu me fais rire ». C’était notre première conversation depuis ses deux ans, j’étais
vraiment bouleversé.

*Qu’a pensé le médecin qui suivait Owen de cet éveil à travers Dinsey ?

Ron Suskind : Au début, il était très sceptique. Il estimait que ce n’était que de l’écholalie, un
phénomène d’écho, qu’Owen ne faisait que répéter comme un perroquet ce qu’il entendait sans
vraiment comprendre. Mais alors, pourquoi choisissait-il certains mots plutôt que d’autres parmi
toutes les heures de films ? Nous avions l’intuition qu’il se passait quelque chose mais ne pouvions
en être sûrs. Puis il y a eu le déclic avec Iago. Nous avions raison ! Owen intégrait bel et bien ce qui
était dit dans les films et pouvait l’utiliser pour donner du sens à notre monde et interagir avec lui.
Pour communiquer avec lui, il fallait apprendre sa langue. A partir de ce moment, ses progrès ont été
réels : ses capacités de langage sont revenues petit à petit, il a pu apprendre à dessiner en recopiant
des images issues des films Disney, il a appris à lire grâce aux crédits à la fin des films… Nous
l’avons aidé à faire de sa passion un vrai guide de développement.

*Votre histoire est incroyable et très enthousiasmante, mais l’Affinity Therapy peut-elle
marcher pour tous les enfants atteints d’autisme ?

Ron Suskind : Je suis convaincu que l’Affinity Therapy peut aider chaque enfant atteint d’autisme à
s’ouvrir au monde grâce à sa passion ou à son centre d’intérêt spécifique. D’autant plus qu’elle peut
se combiner aux autres thérapies, puisqu’elle contribue à améliorer et aider l’accompagnement
thérapeutique dans sa globalité. En réalité, nous avons battu en brèche l’idée de Léo Kanner, le
premier médecin à avoir posé un diagnostic complet de l’autisme, dans les années 40. Pour lui, les
centres d’intérêts des enfants autistes étaient des obsessions improductives qui ne faisaient
qu’enfermer encore plus. Aujourd’hui, notre découverte empirique est validée par des
neuroscientifiques et des psychologues : quelle qu’elle soit, la passion d’un enfant autiste est un
formidable stimulant pour son éveil à la vie.

Publié par Mathieu Blard le 15/02/2017


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