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Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
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Aider et
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
accompagner
les élèves,
dans et hors
l'école
HSN n° 22 Ce hors-série numérique est placé sous le régime de licence Creative Commons avec un droit de
octobre 2010 reproduction à condition de mentionner l’auteur original (le CRAP-Cahiers pédagogiques), de n’en
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7 € - 14 € - 21 €
SOMMAIRE
Dossier coordonné par Sylvie Grau et Jean-Michel Zakhartchouk
Éditorial
Sy l vi e G ra u
2. À l'école primaire
2.1. Comment accompagner les apprentissages
dans la classe ?
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
B e n o î t B e cq u a r t
2.2. Maitre E et maitre de classe :
comment agir ensemble ?
C h a r l o tte M e n e t
2.3. Une mauvaise solution à un vrai problème
Ar m e l l e Le g a rs
2.4. Un dispositif imposé, peu efficace et finalement contreproductif
Sy l va i n G ra n d s e r re
2.5. Une occasion à saisir pour aider les élèves dans le cadre de l'école
Sy l vi e Cè be
2.6. Ne pas espérer des résultats immédiats
C h r i s ti n e Fé l i x
2.7. Une expérience positive
Is a b e l l e Va l l e
2.8. Comprendre les enjeux didactiques pour mieux aider
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Je a n - Pa u l Va u b o u rg
3. Au collège
3.1. Une organisation soignée à mettre en place
H e r vé Ja co b
3.2. Dans un collège « ambition réussite »,
une affaire collective
Cé l i n e B e nté o
3.3. Une matinée méthodo
ou l'accompagnement heure par heure
Ca ro l e G u i l l o t- Co q u i n
3.4. Vers une mutualisation des dispositifs
de l’accompagnement ?
Olivier Meunier
4. Au lycée professionnel
4.1. Conditions pour une mise en œuvre utile
K a r i n e Fo u ch e r
4.2. Nouvelles prescriptions, nouvelles pratiques
Co r i n n e M a r l o t, N athalie Yo unès, Gui llaum e S er res
4.3. À l’aide !
Sy l vi e G o nth i e r
4.4. D'un dispositif à l'autre
D o m i n i q u e L a k o my
6. Dans le supérieur
6.1. Les Entretiens de la liberté : un accompagnement
numérique encore peu attractif
An a ï s Th é v i o t
6.2. La lutte contre le décrochage à l'université
L a u re n ce Pé re n n è s
Ph i l i pp e M a s s o n
7.3. Le coaching scolaire : comment porter un autre regard sur les jeunes ?
G a ë ta n G a br i e l
Je a n - Pa u l D e l a h aye
9.4. « Aide personnalisée » au primaire : un dispositif contre-productif ?
An d ré O u zo u l i a s
9.5. L'aide en Finlande
M i n n a Pu u s ti n e n
9.6. Comment prendre en compte les élèves dits « à besoins particuliers »
Sté ph a n i e d e Va n s s ay
9.7. N'oublions pas les PPRE !
Br i gi tte Ja ff r y
9.8. Des ateliers pour structurer le temps de l'aide
C h r ys te l l e M u n i g l i a - R ay nal
9.9. Aider dans la classe : le journal des apprentissages
An n e - Cé ci l e D u f fe z
9.10. Quand la grille devient guide
M é l o d i e Pi ch o n
9.11. Du côté des familles : quelle aide aux devoirs ?
S é ve r i n e K a k po
9.12. L'accompagnement en lycée, sur le terrain
Fra n ço i s e Co l s a ë t
9.13. Accompagner en dehors de la classe
R ox a n e Cat y- Le s l é
9.14. On a pris le temps…
G e n e v i è ve Pe ze u
9.15. L'accompagnement : vecteur de transformation de l'école ?
Fra n ço i s e C l e rc
Éditorial
Sylvie Grau
sur le type de relation à mettre en place avec les élèves, et en tant que
citoyen, sur le type de société qu'il s'agit de contribuer à construire. Avec
Martine Lani-Bayle, c'est l'approche clinique qui vient en interférence
donner un rôle primordial à la relation langagière entre l'apprenant et
l'enseignant. Mais ces deux chercheuses nous disent la même chose :
accompagner, c'est prendre une posture différente de celle de surplomb
souvent attribuée à l'enseignant. Les témoignages viennent conforter ce
point de vue. Que l'accompagnement soit dans ou hors l'école, qu'il soit
fait par l'enseignant ou par un tiers, il ne semble porter ses fruits qu'à
condition que la posture de l'accompagnant soit dans le « à côté ». Il
ne s'agit pas de renoncer à enseigner, mais bien d'aider l'accompagné à
devenir autonome dans ses apprentissages.
On ne parle donc plus simplement d'aide comme on l'a fait dans le
dossier du n°436 des Cahiers pédagogiques, « Aider les élèves ? », ni de
difficulté scolaire comme dans celui du n°480 « Travailler avec les élèves
Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée à Or vault (Loire -Atlantique)
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
1. L'accompagne-
ment, une notion
utile pour l'école ?
1.1.Penser la relation
d’accompagnement :
ses enjeux dans le
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champ de l’éducation
Maëla Paul
En un temps où l’accompagnement se développe jusqu'à
devenir mode ou slogan, sans guère de repères pour en
penser la mise en œuvre, cette contribution questionne
la relation entre accompagnant et accompagné,
Sommaire
dans ses dimensions personnelle et politique.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
dit2. Car quand je dis, je dis plus que ce que je dis. La question du savoir
s’en trouve de son côté. Ce postulat le déloge d’une place d’écoutant
béat de notre savoir. Le professionnel accompagnant est écoutant et
interpelant. On ne saurait à moins être impliqué dans une relation.
Accompagner, c’est donner place à ce « savoir », non pas des
connaissances (de ceci ou de cela), mais un « dire » singulier. Il y a des
conditions nécessaires à installer pour que le « dire » puisse se dire
sans être menacé – conditions qui sont du côté de la relation et de la
Sommaire
posture : faire le deuil de détenir la solution de ce qui fait problème
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
pour l’autre. Accompagner, c’est donc prendre appui sur les lois du
langage et identifier comment je me situe dans l’interlocution.
L’objectif est donc de créer une relation comme contexte dans lequel
il est possible de vivre une expérience : expérimenter en paroles,
en sensations, en émotions, en imagination, en prise de conscience,
en expérience de choix et de prise de décision son rapport au réel.
Comment procède-t-on ? On procède au sein de la relation par un va-
et-vient entre réflexion et action qui fait que cette avancée se construit
« chemin faisant », en solidarité avec ses contextes, en réordonnant
sans arrêt les fins et les moyens à la recherche d’une logique de
projet. L’attention est disponible pour tout ce qui survient dans l’ici et
maintenant autant qu’à tout ce qui est censé advenir.
le mettre en valeur.
L’autorité dont on parle ici est donc émancipatrice : c'est une influence
positive et libératrice, une action indirecte qui vise à susciter « en »
l'autre (et non pas à agir « sur ») : ce n'est pas une volonté qui s'impose,
mais une volonté qui s'allie et éclaire une liberté qui se cherche plus
qu'elle ne la régente, une influence temporaire qui travaille à sa propre
éclipse et n'attend rien en retour pour s'exprimer et s'accomplit dans un
acte de reconnaissance mutuelle3.
n’aura pas la même teneur si elle est prise au nom des places instituées
et des rôles attribués, ou si je parle de personne à personne, de sujet à
sujet, dans une situation de dialogue instaurant de la réciprocité. Si le
professionnel est reconnu légitime pour assumer la fonction qui lui a
été attribuée, c’est en incarnant une posture en dialogue qu’il devient
accompagnant.
On mesure la portée de ce qui est en jeu au travers de l’accompagnement :
retourner le rapport en lien, autrement dit l’aliénation en émancipation.
Cette possibilité a bien sûr à voir avec l’attention, l’art de retourner
Sommaire
la connaissance de l’autre en reconnaissance. L’émancipation est un
processus collectif et se réalise « avec » les autres, car il faut au moins
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
être deux pour créer des liens. Nous ne nous émancipons pas seuls. Un
lien réciproque s’établit dès lors que l’attention, la confiance et l’écoute
partagées contrebalancent le rapport. Si l’autre refuse le lien, nous
ne pouvons rester en relation que par des rapports, des contrats, des
échanges et du respect.
Ce renversement suppose d’adosser, à la personne « juridique », la
personne « éthique », autrement dit la personne en son humanité.
Car seule l’éthique, au lieu d’interdire et de condamner, en posant
l’hypothèse d’autres manières de faire, me permet de prendre position
dans une situation, m’oriente et m’aide à décider comment agir. Il n’y
a effectivement de sujet que se constituant à travers des pratiques
d’assujettissement ou des pratiques d’émancipation.
Du côté de la clinique
1.2. Vers une « La clinique [est] une éthique de construction du savoir et de sa
clinique de l’ac-
compagnement ?
transmission. »2
Mar tine Ce terme est apparu en médecine, origine qui en perturbe toujours
Lani-Bayle l’interprétation actuelle. Il est construit en effet à partir de la racine
grecque Kline qui signifie « au chevet » et évoque l’attitude du médecin
qui a besoin, non seulement d’observer ou de palper le malade, mais
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notes de cours. Et en arrivant vers les endroits délicats pour eux, je leur
demandais de m’expliquer ce qu’ils n’avaient pas compris, de refaire
le chemin, et nous essayions ensemble de dépasser la difficulté. En
général, ils y arrivaient assez bien sans que j’aie beaucoup à intervenir,
et sans même s’en rendre compte sur le coup. Ce qui était encore plus
efficace. Ils n’étaient plus le mauvais élève, mais l’enseignant et donc,
envisageaient la question bien autrement. Et moi, moins je connaissais
tel point du programme, plus il m’interpellait : j’étais ainsi bon public
et en écho, ils se transcendaient. J’ai d’ailleurs vite réalisé que j’étais
meilleure pour accompagner ces points qui m’intéressaient-intriguaient,
parce que je les possédais mal ou pas et qu’ils attisaient ma curiosité,
que pour simplement enseigner ceux qui n’avaient plus de secrets pour
moi et à propos desquels j’avais tendance à accélérer le mouvement, à
aller trop vite et peu les écouter-impliquer, puisque j’étais déjà rendue
ailleurs que la question posée. De leur côté, j’ai réalisé combien ils
Martine Lani-Bayle
Professeure en sciences de l ’éducation
Université de Nantes
w w w. l a n i bay l e. com
devoirs pas faits et des leçons non apprises et même des compétences
1. L'accompa- non acquises. L’accompagnement éducatif joue alors le rôle d’un Zorro qui
gnement, une
notion utile évite de se poser les problèmes de l’apprentissage dans les cours, comme
pour l'école ? nous l’avons dit en introduction, et qui constitue alors une réponse facile
face aux parents désemparés : « Il n’a qu’à aller à l’accompagnement
éducatif ». Ce « scénario noir » est, hélas, trop fréquent.
1.3. Pistes pour
un accom- Mais j’évoque aussi des cas où l’accompagnement éducatif est conçu
pagnement dans le cadre d’une stratégie globale, dans un vrai projet d’établissement,
éducatif utile
avec un examen en conseil pédagogique, un regard et une évaluation du
Jean-Michel
Zakhar tchouk
travail qui se fait dans l’accompagnement éducatif.
Il est certes consternant qu’aucune évaluation autre que quantitative
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n’existe sur ce dispositif. Mais on peut malgré tout dégager les conditions
d’un accompagnement pertinent, et on sait qu’une nouvelle politique
éducative qui peut voir le jour dans un jour prochain devrait s’emparer
de la question autrement qu’en termes de déversement de moyens
financiers. Je me contenterai ici donc de dresser quelques-unes de ces
conditions, qui renvoient à de nombreux exemples qu’on trouvera aussi
dans ce hors-série.
plus appris avec deux heures de théâtre hors cours chaque semaine
que durant d’ennuyeuses heures de français de la seconde à la
terminale !
• On mène, nous l’avons dit plus haut, une « politique cohérente
d’établissement » avec une réflexion sur le travail à la maison (À
quelles conditions celui-ci est-il fructueux ? Y a-t-il une politique
commune ?) ou sur la place de la culture dans le projet (le facultatif
et l’obligatoire, etc.)
Sommaire
• On établit un « cahier des charges pour les intervenants ». Il ne semble
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
2 Le rapport indique aussi que ces dispositifs d’aide « ne peuvent en fait devenir
réellement efficaces dans la lutte contre la difficulté scolaire qu’à la condition d’une
redéfinition claire de leurs fonctions respectives, d’un pilotage académique et local
fort, de la mise à disposition d’outils efficaces de repérage de la difficulté scolaire,
d’une implication importante des corps d’inspection, ainsi que de l’instauration
d’habitudes de travail différentes entre enseignants pour parvenir à un diagnostic et
un travail communs ».
Télécharger le rapport de la Cour des Comptes
Jean-Michel Zakhartchouk
Professeur de collège à Creil
Auteur de Pour un accompagnement éducatif
efficace, CR AP- CRDP Amiens, 2009
idéale, qui fait que l'élève en échec est convaincu qu'il est responsable
1. L'accompa- de cet échec et que l'élève en réussite attribue cette réussite à ses
gnement, une
notion utile efforts. Conception qui fait que l'école reproduit les inégalités sociales
pour l'école ? tout en les justifiant.
Quelle est alors la représentation que l'enseignant doit se faire de son
métier ? La deuxième phrase le précise : il doit travailler, avoir des
1.4. Quoi
de neuf à la connaissances, être autoritaire tout en restant bienveillant. On ne précise
rentrée 2010 ? pas en quoi consiste le « travail » de l'enseignant, mais il semble qu'il
Sylvie Grau ne s'agisse que d'un travail personnel, pour accroitre ses connaissances,
dans la continuité des études jusqu'au niveau master. L'autorité apparait
comme une qualité naturelle plutôt qu'acquise par une formation
professionnelle. Par contre, le terme de « bienveillance » employé à
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ou épanouissement de l'élève ?
On peut aussi focaliser la lecture de cet extrait sur cet aspect et la
définition qui suit du rôle de l'école : l'épanouissement de l'élève par le
savoir et par la relation à autrui et à la collectivité, avec comme objectif
Sommaire
l'égalité des chances, cette fois considérée comme un principe d'équité.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Au primaire
1. L'accompa-
gnement, une Dans le primaire sont évoqués :
notion utile • L'aide personnalisée et le stage de remise à niveau : éventuellement
pour l'école ? avec les enseignants du RASED et les professeurs surnuméraires.
• Les PPRE : objectifs précis, évaluations régulières, implication élève
1.4. Quoi et famille.
de neuf à la
rentrée 2010 ? Il est précisé que la « personnalisation » n'est pas opposée aux
Sylvie Grau interactions et à la dynamique collective, ce qui laisse supposer que
l'aide personnalisée ne signifie pas une relation duelle enseignant-
élève et peut s'appuyer sur les interactions entre élèves, et peut même
s'inscrire dans le cadre du groupe classe.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Au collège
Rien de spécifique n'apparait concernant l'aide ou l'accompagnement.
Sommaire Pas de nouveautés, mais pas question non plus de renforcer les objectifs
ou de tirer des leçons de l'évaluation de dispositifs déjà mis en œuvre.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Au lycée
La réforme de la classe de seconde est précisée. Il s'agit « d'un
accompagnement personnalisé effectué par tous les enseignants »,
ce qui signifie donc interdisciplinarité, utilisation du CDI, dispositifs
de tutorat et de stages. L'accompagnement englobe du soutien dans
une ou deux disciplines, mais aussi l'orientation. Il n'est pas précisé le
rôle particulier du professeur principal, ni l'utilisation des heures de
vie de classe dont le statut n'a pas été remis en cause par la réforme.
L'horaire est fonction de ce qui reste des réductions de groupes qui,
normalement, sont possibles dans toutes les disciplines, mais doit être
au moins de deux heures par semaine pour tous les élèves, soit quatre
des temps courts et morcelés. En tout cas, il faudrait clairement dire aux
1. L'accompa- familles que l'accompagnement n'a rien de près ou de loin à voir avec
gnement, une
notion utile le « cours particulier » qui reste aux yeux des parents l'aide idéale pour
pour l'école ? leur enfant. Pour modifier cette conception, il faudrait proposer une
aide efficace dans la classe, mais ici encore efficace en terme de quoi ?
D'apprentissages ou de réussite ? D'épanouissement ou d'orientation ?
1.4. Quoi D'émancipation ou d'employabilité ? Tant que nous n'avons pas une
de neuf à la
rentrée 2010 ? politique claire sur ces principes, nous pourrons continuer à interpréter
Sylvie Grau comme bon nous semble les textes au risque d'en faire le meilleur
comme le pire.
Sylvie Grau
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Sommaire
Textes de références :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
2. À l'école primaire
2.1.Comment accompagner
les apprentissages
dans la classe ?
Benoît Becquart
Se mettre en face des élèves peut leur boucher la vue sur
l'essentiel, les apprentissages. Un outil de type « portfolio
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
par un document écrit et individuel qui doit aider les élèves à planifier
leur travail, bien sûr, mais aussi les inviter à mener une analyse réflexive
sur celui-ci. Ce document est aussi le support à l’entretien d’explicitation4
individualisé. Ces entretiens sont ritualisés, planifiés sur le calendrier de
la classe. Deux fois par période, chaque élève rencontre l’enseignant de
la classe pour parler des apprentissages. Le travail personnel en est le
terreau, le prétexte.
Sommaire Le travail personnalisé proposé à chacun des élèves répond à trois
priorités :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
article pour le journal scolaire avaient des questions, des besoins. Ils
étaient capables d’exposer des éléments de leurs démarches : réussites,
difficultés, blocages, découvertes… Par cette objectivation, une prise
de conscience naissait. Elle semblait facilitée lorsque le support de la
réflexion métacognitive portait sur un projet de travail contextualisé.
Ce constat me confortait dans l’idée que l’entretien devait s’appuyer
sur des situations complexes suffisamment porteuses de sens et
Sommaire intrinsèquement motivantes.
Nous avons donc cherché un moyen de faciliter les entretiens
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
La démarche de portfolio
Tout en conservant les atouts de l’outil « ceintures », une place plus
importante devait être donnée à l’évaluation authentique5. Nous avons
mis en place un cahier « travail personnel », embryon d’une démarche
de type portfolio6. Cet outil engage les élèves dans une analyse
5 « C’est une évaluation qui se base sur des situations signifiantes proches de la
vie courante. L’évaluation authentique accorde de l’importance au processus, soit
les stratégies, la démarche d’apprentissage, les essais et erreurs, la méthodologie
utilisée, les interactions avec les pairs ». (Louise Dore, Nathalie Michaud, Libérata
Mukarugagi, Le portfolio, évaluer pour apprendre, Chenelière/McGaw-Hill)
6 Une des définitions couramment citées est celle de Paulson et coll. qui
considèrent le portfolio comme « une collection significative des travaux de
l'élève illustrant ses efforts, ses progrès et ses réalisations, dans un ou plusieurs
domaines » (Paulson et coll., 1991, cité et traduit par Goupil, 1998).
cas, les élèves sont invités à s’entraider. Cette entraide est favorisée
et facilitée par une carte « à l’aide ». Le tableau des ceintures affiché
en classe permet aux élèves de trouver rapidement un tuteur à qui
s’adresser.
Lorsqu’un élève a réalisé un travail, qu’il l'ait ou non fait corriger par
un pair, il doit le déposer dans la boite aux lettres rouge accompagné
d’une fiche « auto-évaluation ». Ces travaux ne sont pas corrigés par
l'enseignant, mais annotés, puis placés dans la boite aux lettres blanche.
Chaque matin, le facteur commence sa journée par la distribution
du courrier. Cet outil évite les moments de classe pendant lesquels
beaucoup d’élèves sollicitent l’enseignant en même temps pour une
correction. Comme il n’est pas possible de venir voir tout le monde
en même temps, de nombreux élèves prennent l’habitude d’attendre
passivement qu’on s’occupe d’eux. Avec la boite aux lettres, personne
n’attend, dès qu'un travail est terminé, l'élève peut passer au suivant. Le
• « Moi et les autres » : les élèves placent dans cette partie les
documents utilisés ou produits pour la construction de la
connaissance de soi et des autres, les supports au développement
de l’estime de soi, les écrits liés aux débats à visée philo, etc. Il s’agit
de conserver la trace des activités qui visent à aider l’élève à mieux
se connaitre et se situer par rapport aux autres.
• la « communication avec la famille » : c’est dans cette rubrique que
l’enseignant rassemble toutes les traces ou documents supports au
Sommaire
travail réalisé en partenariat avec la famille. On y trouve les PPRE,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
des notes de ce qui s’est dit lors d’une rencontre avec les parents, un
bilan des absences, etc.
Variété et différenciation
Ainsi appliqué à l’ensemble des classes et proposé à tous les élèves
du CP au CM2, le cahier de travail personnel assure la continuité des
parcours de chacun. À l’échelle de la classe, différents temps s’articulent.
Les élèves tirent avantage d’une diversité d’organisation pédagogique :
travail individuel, groupes de besoins, groupes hétérogènes, tutorat
(chacun possède une carte-passeport qui lui permet de faire appel à
un tuteur, personne-ressource identifiée comme compétente), groupe-
classe. Afin de favoriser le travail réflexif, les élèves sont invités à ne pas
travailler seuls. L’hétérogénéité est un levier. Les interactions sociales
sont largement utilisées dans la construction des savoirs. Le statut de
l’enseignant est modifié. Il devient médiateur, celui qui s’assure que
les représentations de chacun émergent, circulent, s’affrontent pour
n’est plus moi qui veux, c’est vous qui devez vouloir, mais je vous donne ce
droit parce que vous ne pouvez pas le prendre tout seul ». Mais accepter de
ne plus considérer l’enseignant comme le seul et unique détenteur des
savoirs, comme celui qui les évalue, est aussi angoissant que d’accepter
d’en prendre la responsabilité. On ne peut dès lors faire subir aux élèves
un changement de paradigme d’une année sur l’autre. Il me semble
absolument nécessaire que l’ensemble des enseignants harmonisent
leurs outils et pratiques. Le travail d’équipe et les échanges sont d’autant
plus essentiels qu’il est nécessaire d’accompagner les enseignants
néophytes. Les besoins de formation sont grands. Par exemple, mener
des entretiens d’explicitation ne s’improvise pas. Pour autant, l’équipe
doit se donner les moyens de pérenniser leur mise en œuvre pour
garantir l’efficience et l’essence des dispositifs. Ceux-ci nécessitent de
solides habitudes de travail, de rigueur et d’esprit coopératif qui sont
si longues à installer que les effets positifs réels n’apparaissent que
veulent.
Benoît Becquart
Conseiller pédagogique
Un exemple d’élève…
Jordan : de l'aide, mais plutôt au sein de la classe…
l’automatisation du décodage.
On peut également faire vivre certains apprentissages avec le corps, par
le jeu, avoir des moments de connivence avec le plaisir pour principal
objectif (écouter un album, être ensemble, se parler…). Les élèves
peuvent avoir besoin du côté sécurisant du petit groupe pour restaurer
leur désir d’apprendre ou pour oser s’affirmer, retrouver leur « estime de
soi ».
Mais en sortant de la classe, l’enfant est privé d’un des temps
Sommaire
d’apprentissage de la classe. Se pose également le problème du transfert
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
3 FNAME (Fédération nationale des associations des maitres E), Compte rendu
des deux réunions d’échanges « Le travail en classe du maitre E », Texte AME 91.
Les liens avec la classe ne sont pas oubliés pour autant, car l’objectif
est que Maëva s'y sente mieux. Ces liens devront être reconstruits
progressivement. La collaboration avec le maitre de classe, comme le
rappelle Pascal Ourghanlian, n’est pas moins importante : « Sortir un élève
de la classe (...) n’est pas un acte anodin. Mettre en place une remédiation
sur la base d’un projet individualisé doit se faire quand les difficultés sont
installées et dans un cadre partenarial bien défini. »1
Audrey Calviac
Gwenola Lebel
Charlotte Menet
Céline Vincendon
M aitres E, R ased de Valenciennes
équipe, ou comme témoigne Isabelle Valle, ce qui s'y passe pour nourrir
l'argumentation, la réflexion sur les pratiques.
les élèves en ont besoin, c'est donc un travail qui devrait être fait en
classe… On sort des objectifs, car il ne s'agit pas d'une difficulté
ponctuelle.
Ce temps où la maitresse est plus disponible permet aussi parfois
de modifier les relations avec certains élèves : la proximité permet de
renforcer la confiance. Il faut transformer ce temps supplémentaire en
moment privilégié, avec des rituels rassurants, des moments de parole
Sommaire plus libres que dans la classe, etc. C'est particulièrement vrai avec des
enfants qui ont du mal à être élèves, mais là aussi, on sort des objectifs
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
du dispositif.
Plus généralement, que faut-il faire d'après vous pour accompagner les
élèves en primaire et de façon personnalisée ?
Un exemple qui fonctionne : le dispositif CP renforcé. Un enseignant
supplémentaire intervient à mi-temps sur l'école (et à mi-temps sur une
autre), uniquement dans le domaine de la lecture/écriture. Il intervient
principalement auprès des CP, dans des organisations répondant aux
besoins définis par chaque équipe :
• Deux classes peuvent être réparties en trois groupes hétérogènes
pour diminuer le nombre d'élèves et augmenter ainsi leur temps
d'activité réelle lors des découvertes de texte ou du travail sur les
sons ;
• On peut faire trois groupes de niveaux pour mieux respecter le
rythme de chaque enfant ;
que cela demande des temps très réguliers de concertation, qui ne sont
pas prévus dans les temps de réunion ?
Notre IEN avait l'espoir de pouvoir créer un poste similaire pour les CM2
du RAR, en transformant un poste non pourvu du Rased. Ce poste a été
supprimé, donc ce ne sera pas possible... Quant au dispositif CP renforcé,
il est également menacé. D'ailleurs, des évaluations départementales
montraient son efficacité depuis plusieurs années : elles ont été
supprimées également, désormais nous pouvons les faire passer aux
Sommaire
élèves « si nous le souhaitons »…
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Armelle Legars
Professeure des écoles à S aint-Nazaire (Loire -Atlantique)
Propos recueillis par Jean-M ichel Zak har tchouk
les moyens qui y étaient dévolus. En prétendant offrir aux parents dans
l'école publique ce qu'ils allaient chercher dans des officines privées, le
ministre a surtout renforcé le crédit de ces dernières. Bref, tout cela me
semble bien trop poli (-tique) pour être honnête !
nions pas le fait que des enfants ont pu être rassurés par cette relation
plus personnelle. Certains se sont approprié les lieux, les outils, ont
pu reprendre la parole, gagner en confiance. Des professeurs en ont
également profité pour « se lancer » en essayant des supports ou
des modalités de travail différents, plus ludiques, plus valorisants.
Tout l'intérêt est de profiter de la petitesse du groupe pour travailler
autrement, en variant la forme (jeux, défis, expression), les supports
Sommaire (informatique, peinture, théâtre) et en multipliant les échanges (plus
grande prise de parole). Il est intéressant également d'enrichir ces
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
fragiles soient les plus résistants... une hypothèse qui ne résiste pas à
2. À l'école l'observation.
primaire
L'aide Plus généralement, que faut-il faire pour accompagner les élèves en
personnalisée primaire et de façon personnalisée ?
en débats La réponse passe forcément par une réflexion sur l'organisation et
l'aménagement des apprentissages et de la classe (voire de l'école) un
2.4. Un dispositif
imposé, peu peu plus complexe que le simple exposé d'un cours depuis l'estrade.
efficace et S'il est possible de varier ponctuellement les supports de travail en les
finalement
contreproductif adaptant à l'élève, on sait très bien qu'à la longue, cela reste difficile à
Sylvain répéter. En revanche, la différenciation peut être pensée dans la quantité
Grandserre de travail, le temps accordé, les aides possibles (outils, individus dont le
maitre E, affichages, cahier aide-mémoire) ou le réaménagement d'une
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
en place des solutions concrètes pour atteindre cet objectif. Aussi les
principes sur lesquels repose le dispositif d’aide personnalisée me
paraissent-ils difficilement contestables en ce sens qu’ils offrent à tous
les enfants, quels que soient leur milieu d’origine et les revenus de leurs
parents, la possibilité de trouver, à et dans l’école, l’aide spécifique dont
ils ont besoin à un moment ou à un autre.
Je ne discuterai pas ici la réalité de leur mise en œuvre dans un contexte
sociopolitique qui risque fort de les dévoyer (diminution du temps de
classe, absence de concertation, manque de formation, restrictions
budgétaires, non respect des rythmes de l’enfant, non prise en compte
des contextes et des réalités locales, etc.). En outre, si j’adhère à ces
principes, je rappelle le danger que peut représenter l’aide personnalisée
si et quand elle conduit les enseignants, souvent à leur insu, à « rompre
le contrat éducatif » qui les lie à l’élève1. Greta Pelgrims montre en effet
2. À l'école que certains enseignants, parce qu’ils diffèrent systématiquement la
primaire
prise en charge de la difficulté scolaire au moment d’aide ou de soutien,
L'aide
personnalisée réduisent les temps d’enseignement et les possibilités d’apprendre,
en débats et privent les enfants concernés d’exercer, dans leur classe, leur rôle
d’élève. Je soutiens donc que c’est d’abord et avant tout au sein même
2.5. Une occasion de la classe qu’une large marge de manœuvre est possible dans la
à saisir pour aider
les élèves dans le prise en compte des difficultés. Je ne m’étendrai pas sur ce point qui
cadre de l'école n’est pas l’objet de cette contribution. Je renvoie le lecteur aux outils
Sylvie Cèbe pédagogiques et didactiques que nous avons construits avec Roland
Goigoux et Jean-Louis Paour qui ont tous été conçus pour être utilisés
en classe entière, leur progression reposant toujours sur les élèves qui
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
ont le plus besoin que l’école leur enseigne ce qu’elle requiert d’eux.
Mais si, en dépit de ce qui précède, je défends les principes qui sous-
tendent l’aide pédagogique, y compris le dispositif d’aide personnalisée,
c’est parce qu’ils accordent à l’école et à ses maitres la place qui leur
revient. Ils contrecarrent, en effet, une vision médicale de la prise
en charge de la difficulté scolaire, encore trop largement partagée,
qui amène à considérer toutes les difficultés comme des « maladies
Sommaire infantiles » ou les symptômes d’un « dys » quelque chose, que seuls
des spécialistes pourraient guérir : la lecture aux orthophonistes, les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
mon compte les résultats des études montrant que les élèves déclarés
en difficulté présentent une caractéristique commune, celle de ne
pas savoir tirer spontanément profit de leurs expériences et de leurs
interactions avec leur environnement physique et social pour apprendre5.
Aussi ont-ils, plus que les autres, besoin d’un enseignement explicite
(que je ne tiens pas pour un synonyme d’« enseignement directif ») qui
allie progressivité et complémentarité des tâches de découverte, de
résolution de problèmes, de conceptualisation et d’exercices, et ce quels
que soient les savoirs que l’on vise à faire construire. C’est pourquoi il me
parait intéressant de quitter la logique du « sur-mesure, haute couture »
pour lui préférer celle du « prêt-à-porter »6. Pour filer la métaphore, je
4 Sylvie Cèbe, « Pas de métacognition sans cognition : le rôle de l’explicitation
dans la construction des connaissances », in Gérard Toupiol (Éd.), Apprendre et
comprendre – Place et rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée, Retz, 2006.
5 Jean-Louis Paour, Christine Bailleux, Patrick Perret, « Pour une pratique
constructiviste de la remédiation cognitive », Développements, n° 3, 2009.
6 Roland Goigoux, « Des tâches habituelles pour un
étayage soutenu », Fenêtres sur cours, n° 325, 2009.
Sylvie Cèbe
Professeure associée de sciences de l ’éducation à l ’université de G enève
Laboratoire PAEDI, université Blaise Pascal, Cler mont-Fe r rand
côté, les critiques émises sur le nouveau rythme scolaire qu’impose par
exemple la réorganisation du temps à l’école primaire, et d’un autre côté,
la nécessité d'agir et d'utiliser à bon escient ce dispositif au cœur des
difficultés, celles des élèves et celles du métier de professeur à qui on
demande d’être davantage un « accompagnant » qu’un « enseignant ».
Le travail d’intervention-recherche mené dans cette école située dans
une zone défavorisée permet de « zoomer » sur les problèmes de la
profession.
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Dans notre école, les élèves participant à l’aide personnalisée ont été
interrogés lors d’entretiens individuels au sujet de leur expérience
scolaire pendant ce temps passé à l’école. Il s’agissait de savoir quel était
leur ressenti à propos de cette prise en charge scolaire, alors que leurs
camarades étaient rentrés à la maison.
Les résultats de ces entretiens montrent qu'ils vivent cela comme une
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Un espace protégé
L’aide personnalisée fournit un espace-classe dont les élèves disent
profiter pleinement lorsque les autres enfants sont partis. Un
Sommaire temps particulier aussi puisqu’en dehors des heures de classe, ils se
sentent débarrassés des contraintes liées au programme, au rythme
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Mais les élèves pris en charge en aide personnalisée vivent aussi une
expérience positive dans la mesure où ils nous disent avoir davantage
envie de travailler pendant ce temps d’aide. Est-ce parce qu’ils se sentent
davantage accompagnés ? Est-ce parce que la nature de leurs difficultés
est davantage prise en compte ? Parce qu’ils se sentent estimés même
dans leurs difficultés ? Les élèves interrogés nous apprennent que
parfois, cette alchimie fonctionne. Ajoutons que les activités proposées
en aide personnalisée plaisent aux élèves, qu’il s’agisse de petits jeux,
Sommaire
de reprises didactiques ou d’autres voies d’apprentissage. Elles semblent
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
essentiel que l’enseignant qui assure le soutien utilise le même que celui
2. À l'école que l’enseignant de la classe a établi. Enfin, les textes officiels des trois
primaire
cycles disent que la maitrise de la langue est la priorité de l’école :
L'aide
personnalisée • L’objectif essentiel de l’école maternelle est l’acquisition d’un langage
en débats oral riche, organisé et compréhensible par l’autre (programmes de la
maternelle) ;
2.8. Comprendre
les enjeux • L’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de la langue française, la
didactiques pour
connaissance et la compréhension des nombres, de leur écriture chiffrée
mieux aider
Jean-Paul
(numération décimale) et le calcul sur de petites quantités constituent
Vaubourg les objectifs prioritaires du CP et du CE1 (programme du cycle 2) ;
• Dans la continuité des premières années de l’école primaire, la
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
obstacles rencontrés par les élèves, celle-ci est mise aussi en œuvre
dans la construction des programmations et des progressions.
1 BO HS 3 du 19 juin 2008.
2 La réflexion sur la posture d’aide a été initiée dans le groupe DDAI (Démarches et
dispositifs d’aide individualisée) mis en place à l’IUFM de Lorraine, dont les travaux
ont été mis en ligne sur le site de l’université Henri-Poincaré. Elle a aussi été définie
dans le Dictionnaire des inégalités scolaires (Barreau J-L., dir., 2007, Paris : ESF) dans
l’article « Aide (posture d’) », page 25 (Jean-Paul Vaubourg) et dans un article du
numéro 449 des Cahiers pédagogiques, « De la posture d’aide à l’aide au quotidien ».
simplement sur le fait que certains faits de langue ne peuvent pas être
maitrisés si d’autres ne le sont pas ; par exemple, la différenciation
sujet/verbe/compléments doit précéder l’identification précise de
chacun des différents compléments. Les élèves en difficulté qui ne
maitriseront pas ces connaissances de base auront droit à une aide,
dans la classe et dans les moments d’aide personnalisée, surtout
dans les classes du cycle 3 ;
• « s’attacher à une réussite totale dans l’apprentissage de quelques
notions de base » : la notion de phrase, un très petit nombre de
natures et de fonctions (nom, adjectif, déterminant, verbe, sujet,
complément) ;
• « donc nécessairement différencier le travail pour approfondir les
notions avec certains élèves » pendant que d’autres continuent
3 Phrases extraites du Mémo du manuel Facettes, CM1, Hatier, 2010.
4 Phrases recueillies en mai 2010 dans une classe de 6e.
d’aide sur le texte qui est lu ou écrit au même moment en classe, et leur
maitrise sera évaluée en situation de lecture et d’écriture par le maitre
de la classe ; les faits de langue relevant de la description de la langue
seront travaillés dans un moment d’aide plus déconnecté des travaux
en lecture et écriture et relèveront du plaisir d’apprendre à connaitre la
langue : une sorte de jubilation du savoir, dont les élèves en difficulté
ont parfois perdu l’habitude.
Jean-Paul Vaubourg
IUFM de Nanc y
Auteur de Étudier la langue au c ycle 3, CRDP d ’Amiens, 2010.
Voir la pré s e nt at i on de l 'ouvrag e s ur l a c y b e r l i b rai r i e du S cé ré n
3. Au collège
Une organisation
3.1.
soignée à mettre en place
Hervé Jacob
Cette expérience de dispositif mobilisant des personnels
différents sur des aides dans et hors l’établissement apporte
une réflexion à la fois sur les compétences des élèves et sur
les pratiques enseignantes. L’occasion à travers une activité
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
ateliers
vendredi
scientifiques
Pratiques atelier herbier lundi
artistiques et arts plastiques lundi 16 h 30 – 18 h
culturelles cirque – danse jeudi
(annexe 3)
Hervé Jacob
Pr incipal adjoint en collège à Dijon
cahier de texte
Sait lire son cahier
de texte
Gère son petit matériel
(stylos, gomme, règle,
calculatrice…)
Signature du
Sort seul son matériel professeur
nécessaire pour travailler
en autonomie
Sait spontanément
consulter une source
d’information (
dictionnaire, livre…)
Dates
Conseils pour progresser :
Céline Bentéo
Professeure de français et professeure référent R AR
à M ontceau-les-M ines (S aône - et-Loire)
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
pas quoi dire. J’écris le début d’une phrase pour qu’il n’ait plus qu’à la
compléter. Mais pour cette fois, Baptiste n’écrit rien après mes mots.
Ce n’est pas grave, il choisit de ne pas passer sa ceinture pour ce texte.
Il faudra attendre deux ou trois autres exercices de ce type pour qu’il
fasse une phrase tout seul. Appoline, elle, est déjà très avancée dans
son texte. Elle essaie de le structurer en différentes parties autour de
deux ou trois idées principales. C’est déjà un objectif difficile à atteindre
et proche de la ceinture noire.
La ceinture de production d’écrit permet aux élèves de déterminer eux-
mêmes les objectifs qu’ils sont capables d’atteindre à un moment de
l’année. Cet outil représente donc une aide ponctuelle pour un exercice
précis, dans ce cas la rédaction d’un récit historique, et permet à l’enfant
de structurer son esprit et de transposer l’outil.
Carole Guillot-Coquin
Professeure d ’histoire - géographie en collège à B elleu (Aisne)
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
3.3. Une matinée • Pour réaliser la trace écrite après une étude de documents ;
méthodo - ou • Pour apprendre ou réviser la leçon. En utilisant cet outil, l’élève est
l'accompagne-
invité à trier et hiérarchiser les informations, ce qui donne du sens à
ment heure
l’apprentissage et lui permet de mener une réelle réflexion sur la leçon
par heure
étudiée ;
Carole
Guillot-Coquin • Pour entrainer les élèves au texte argumenté ou à la conception d’un
exposé. Dans la mesure où les idées sont hiérarchisées, elles peuvent
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Carole Guillot-Coquin
3. Au collège
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
sont exclusivement les enseignants qui encadrent les élèves pour l’aide
aux devoirs et une grande partie des activités culturelles et sportives.
L’assiduité dans l’accompagnement éducatif (et surtout dans l’aide aux
devoirs) est rendue obligatoire dans quatre établissements sur cinq, ce
qui limite les tentations consuméristes des élèves.
pas mis en place alors que les deux dispositifs peuvent être utilisés de
manière complémentaire, certains élèves préférant faire leurs devoirs
en dehors de l’école. C’est souvent lorsqu’une synergie se met en
place entre les différents acteurs de l’accompagnement de manière
égalitaire, sans que l’un soit prestataire ou commanditaire de l’autre,
et quand il existe un véritable suivi des élèves avec des remontées et
des échanges d’informations de manière transversale, que la cohérence,
la pertinence et peut-être l’efficacité de l’accompagnement des élèves
Sommaire
apparaissent clairement. Faudrait-il alors proposer des formations à
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Olivier Meunier
S ociologue au centre Alain S avar y de l ’INRP
4. Au lycée
professionnel
Conditions pour une
4.1.
mise en œuvre utile
Karine Foucher
Dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle,
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1 cf. http://www.etwinning.net/fr/pub/index.htm
Karine Foucher
Chargée de mission d ’inspec tion en anglais dans l'académie d ’Amiens
4. Au lycée Nouvelles
4.2.
professionnel
prescriptions,
nouvelles pratiques
Corinne Marlot, Nathalie
Yo u n è s , G u i l l a u m e S e r r e s
De quelles évolutions du métier enseignant l'accompagnement
personnalisé prévu en lycée professionnel est-il porteur ?
Si les conditions de sa mise en œuvre sont souvent
perçues comme problématiques par les enseignants, il
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
LP du Puy-de-Dôme.
C o r i n n e M a r l o t , N a t h a l i e Yo u n è s , G u i l l a u m e S e r r e s
Le laboratoire PAEDI (IUFM d ’Auvergne – Université Blaise -Pascal)
a été sollicité par le R ec torat de l ’académie de Cler mont-Fe r rand
pour mettre en œuvre un dispositif de for mation continue, relatif
à la mise en place de l ’accompagnement personnalisé en lycée
professionnel (LP). Cette contr ibution s’appuie sur une étude
exploratoire conduite dans plusieurs LP du Puy- de -D ôme.
4.3. À l’aide !
Sylvie Gonthier
Récit d'une heure d'aide avec quelques élèves de LP,
une parmi d'autres, avec les mêmes insatisfactions,
les interrogations récurrentes, les minuscules
satisfactions qui contribuent aux grandes réussites.
Les questions sont les mêmes depuis dix ans, quel que soit le nom
qu’on ait donné à ce dispositif : comment les aider individuellement ?
Comment percevoir la ou les difficultés « justes » de tel ou tel élève ?
Comment vraiment savoir si on est « efficient » ? Maintenant ou plus
tard ? Quelles démarches adopter ? Faut-il obliger certains à venir ou
bien aider celui qui est volontaire ? À quelle heure ? Avec combien
d’élèves ? Faut-il les aider sur un contenu disciplinaire propre à notre
formation ou apporter une aide méthodologique plus globale ? Faut-il
Sommaire
prendre appui sur les besoins qu’ils expriment, aussi divers soient-ils, ou
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Alors, oui, j’aide, bon gré mal gré. Je reste persuadée que mon travail
4. Au lycée leur apporte, même si je ne sais pas sur quel plan précis, dans quel
professionnel
domaine, et malgré les doutes et les contraintes et contingences
diverses qui nous sont imposées.
Sylvie Gonthier
4.3. À l'aide ! Professeure de lettres-histoire en lycée
professionnel à Château- Chinon (N ièvre)
Sylvie Gonthier
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Après avoir travaillé chacune de notre côté avec douze élèves pour
4. Au lycée faire le constat, nous essayons de faire quelques séances en doublettes
professionnel
en général avec sept à huit élèves. Les petits groupes permettent de
percevoir plus facilement, grâce à l’échange à l’oral, les centres d’intérêt
de chacun et d’en faire partager certains à l’ensemble du groupe, donc
de valoriser les élèves.
4.4. D'un dispo-
sitif à l'autre L’objectif des séquences change en fonction de l’avancement dans
Dominique l’année scolaire. Nous travaillons à la demande des collègues (commerce,
Lakomy mathématiques, recherche de stage, calendrier des contrôles en cours
de formation).
Le travail à deux enseignants permet de montrer aux élèves un langage
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Évolution du dispositif
À la rentrée prochaine, la donne change : de l’aide individualisée, nous
passons à l’aide personnalisée. Le fond reste identique, la forme peut
Sommaire changer. Une réunion du personnel pour la préparation de rentrée
permet de mettre à plat les impératifs :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
5. Au lycée général
et technologique
5.1.Comment aider des
lycéens à retrouver le
sens des apprentissages
scolaires ?
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Guy Sonnois
Cet article présente une expérience d'un dispositif
d’accompagnement en lycée pour travailler la quête du sens des
apprentissages, y compris dans les plus modestes des tâches
scolaires, en utilisant les apports d'Antoine de la Garanderie1.
Sommaire Comment aider des élèves à rencontrer le sens des actes nécessaires
pour la bonne intégration des contenus scolaires, leur conservation
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
La réactivation
Les professeurs procèdent au début de chaque cours à une réactivation
individuelle et silencieuse durant laquelle les élèves sont invités
explicitement à faire revenir dans leur tête ce qu’ils se rappellent du
cours précédent. Un élève est alors désigné pour dire ce dont il se
souvient. Les autres écoutent, comparent avec leurs propres souvenirs
et certains sont désignés pour compléter.
élèves de faire revenir dans leur tête ce qui vient d’être fait. L’un d’entre
eux est désigné pour le formuler à voix haute (tous sont ainsi amenés à
ce « travail » purement mental).
La prise de notes en différé
Le professeur fait des pauses durant le cours pendant lesquelles les
élèves notent ce qu’ils ont compris. Les notes sont ensuite verbalisées et
confrontées. La trace écrite doit être l’expression de la compréhension
de l’élève, et non la parole du professeur recopiée mécaniquement.
La lecture des textes et des énoncés
Il s’agit d’effectuer plusieurs lectures successives d’un même texte, avec
à chaque lecture un « projet » différent, pour conduire à une bonne
compréhension. On associe aussi souvent que possible cet exercice avec
des échanges en petits groupes pour faire émerger les différents accès
à la compréhension et ainsi augmenter le potentiel de chacun.
Se mettre en projet
Le premier stage a pour objectif, dans un premier temps, d’apprendre
aux élèves à « se mettre » dans le bon projet, à former la bonne
Sommaire
anticipation avant toute tâche scolaire, puis de prendre conscience
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Un suivi individualisé
Chaque professeur de cette classe de méthodologie est le « référent »
de quatre élèves environ. Cela nous a semblé nécessaire pour qu’à
tout moment chaque élève puisse s’adresser à un adulte, dont il sait
pour prendre des notes, coller différents documents qui seront peut-
être nécessaires durant les entretiens avec le professeur référent pour
« réactiver » certaines notions. L’élève relève dans ce cahier les notes
qu’il obtient à ses devoirs (une double page par matière), mais surtout
il recopie l’appréciation du professeur et il note dans une troisième
colonne son propre commentaire sur ce devoir. Cette confrontation
entre le commentaire du professeur et la perception de l’élève peut
servir de point de départ à une réflexion : « Que croyais-tu qu’il fallait
Sommaire
faire ? Que pourrais-tu mettre en place pour progresser ? ».
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Quel bilan ?
Dès la première année, l’équipe pédagogique a pu faire un bilan du
travail effectué dans cette classe : les élèves, à l’issue de l’année scolaire,
sont orientés comme les autres élèves de 2de. S’il n’y a pas de miracle,
il n’y a pas davantage de réorientations et de doublements que dans
les autres classes de,2de, ce qui est un bilan positif si l’on considère qu’à
l’entrée en 2de ces élèves étaient en difficulté. Les résultats au bac des
deux premières promotions, en toutes séries, sont au moins aussi bons
que pour les élèves des autres classes, dont un pourcentage notable
de mentions. Il y a même parfois des résultats surprenants : une élève
admise de justesse en 2de générale du fait d’une grosse difficulté
d’expression écrite, a eu un 18 à l’écrit de français.
Guy Sonnois
For mateur en gestion mentale
Auteur de Accompagner le travail des adolescents avec la
p édago gie des gestes mentaux, Chronique sociale, 2009.
« Grâce à cette année, j'ai bien plus confiance en moi. Je suis plus à l'aise le
matin quand je prends le chemin de l'école. Je passe plus de temps dans ma
chambre, car j'ai retrouvé le plaisir d'apprendre. Je suis plus motivée, plus
confiante en l'avenir, j'ai envie de réussir, de pouvoir continuer à être “libre”.
Je ne me sens plus moins forte, moins intelligente que les autres. Oui, j'ai
changé. Je ne pense plus que les leçons et les contrôles sont des montagnes
infranchissables. J'ai repris du plaisir à apprendre et j'ai plus confiance en
moi, en mon travail. »
Sommaire « Je comprends mieux à quoi servent ces longues heures à écouter un
professeur : y trouver un sens. »
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
5. Au lycée La solitude du
5.2.
général et
technologique grimpeur face à la paroi
Bernard Hoarau
Accompagner les élèves, c'est aussi trouver les mots, les
situations qui les poussent à aller au-delà de leurs limites, à oser
affronter les difficultés des apprentissages nouveaux, ici dans
un cycle d'EPS consacré à l'escalade en lycée professionnel.
variés ».
La réalité est bien loin de la description idéale formulée par les
programmes. Je sais pertinemment que ces élèves de bac pro font
partie des relégués de la filière générale, ceux à qui l’école a un jour fait
comprendre, avec plus ou moins de ménagement, qu’ils ne pouvaient
pas suivre et qu’ils devaient donc être « orientés ». Un passé parfois
douloureux, dont ils se sont accommodés avec le temps, tout en gardant
une certaine rancœur vis-à-vis des enseignants, qu’ils considèrent
comme responsables de leurs parcours, peut-être même de leur échec.
Ils sont certes présents en cours d’EPS, mais passivement, affalés sur
les tapis de protection du mur d’escalade, une passivité susceptible de
se transformer en agressivité redoutable à la moindre sollicitation de
mise en activité de la part de l’enseignant considéré, à tort ou à raison
comme tous les autres : « Ceux qui obligent à travailler et qui après vous
cassent avec des sales notes », me diront-ils un jour.
quand je fais des efforts et que je transpire, ça me fait des boutons, alors je
peux pas faire d’efforts. Je vous apporterai une dispense de mon médecin ».
À contrecœur, et sans doute par qu’ils ont tout tenté face à un
enseignant « droit dans ses bottes », ce premier jour, ils grimpent…
deux mètres, peut-être trois, juste de quoi atteindre la ligne rouge qui
marque la frontière entre la grimpe sans assurage et celle où l’on est
encordé pour une sécurité optimale. Ils grimpent, ou plus exactement
Sommaire vont matérialiser leur point de renoncement, celui-là même où ils
souhaiteraient qu’on leur fiche la paix. Joignant le geste à la parole,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Persévérer
C’est autour de cette question que je concentre toute mon activité. Tout
en maintenant des objectifs de travail à la portée de leurs possibilités du
moment, tout en exigeant qu’un exercice demandé soit tenté plusieurs
fois, tout en désignant rigoureusement la zone d’essai de l’exercice
que les élèves seront évalués au bac, ce qu’ils redoutent encore plus. À
5. Au lycée l’inverse de l’escalade de niveau élémentaire où le grimpeur est assuré
général et
technologique depuis le sommet du mur, et donc n’a que très peu d’amplitude de
voltige en cas de chute, le fait de grimper « en tête », exige du grimpeur
de placer régulièrement sa corde dans une dégaine fixée au mur pour
assurer sa sécurité sur les points d’ancrage prévus. Durant sa progression,
5.2. La solitude le grimpeur a régulièrement le sentiment d’être comme dans le vide,
du grimpeur face
à la paroi accroché au mur par ses seuls appuis manuels ou pédestres !
Bernard Hoarau Alors que les élèves pratiquent encore la grimpe dite « en moulinette »,
assurage par le sommet, je les invite à progresser en comptant le
nombre de dégaines. Il y en a neuf au total ! Après un premier cri
d’angoisse, « Ça va pas, je vais pas monter tout ça ! », la négociation
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
La suite, chacun la devine. Ils font une première fois trois dégaines.
La quatrième étant très proche, il leur est facile de l’atteindre, puis de
redescendre et de recommencer une fois, deux fois, totalisant jusqu’à
onze dégaines avec leur danse du haka… et un premier sourire à la clé.
« Onze dégaines, c’est plus que le mur ». À nouveau des cris : « Vous voulez
pas que je monte le mur en entier, j’ai plus de forces, non, pas aujourd’hui,
la prochaine fois ». Pour la première fois apparait un projet… de réussite,
certes différé, mais ce n’est plus un refus, tout au plus un doute, comme
dans toute période de transformation où l’on ne sait plus exactement
où l’on en est !
un message, mais elle constate après coup qu’elle n’a pas pu s’exprimer.
Du moins n’a-t-elle pas pu contrôler ses rires au téléphone pour parler
distinctement. Elle est tellement heureuse de sa réussite qu’elle en rit
aux éclats. Je crois pour ma part qu’elle a retrouvé son âme d’enfant, à
travers le désir d’apprendre et la réussite.
La séance suivante n’est pas qu’une formalité, il y a un petit doute. « Y
arriverai-je encore ? ».
Deux séances plus tard, alors que les techniques de la grimpe en
Sommaire
tête progressent, il faut prendre des photos : preuve irréfutable d’une
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Bernard Hoarau
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Souvenirs d’escalade
c'est-à-dire ceux qui s'en sortent le moins mal... Les autres, je ne les y
5. Au lycée verrai jamais ! Arrive la biologie : c'est facile, me disent-ils, il n'y a plus
général et
technologique de problèmes... et les efforts se relâchent. Les résultats aussi, qui, n'étant
déjà pas brillants, deviennent catastrophiques : 6,2 de moyenne sur
20 au devoir commun, organisé parallèlement au bac blanc alors que
l'heure de soutien a été totalement désertée.
5.3. Accompagner
les élèves : entre Cadrer le travail pour être efficace ?
guidage étroit
et construction Il me reste la moitié de l'année pour redresser la barre. J'ai pu
de l'autonomie
entretemps prendre la mesure de mon public, repérer les lacunes de la
Sylvette Rascle
langue française, le manque de rigueur du raisonnement, les difficultés
à se familiariser avec la lecture de documents complexes ; mais aussi
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
l'immense espoir investi dans leur scolarité, la certitude qu'il existe une
méthode miracle pour s'en sortir. Pour autant le découragement guette.
Il me faut des résultats, et vite. Foin des directives pédagogiques : degré
d'autonomie zéro. De la méthode, rien que de la méthode, décortiquée
autant qu'il est possible, imposée jusque dans les moindres détails.
Retour à l'étymologie d'antan, et tant pis si je n'ai jamais pratiqué les
langues anciennes : tout ce qui fait sens est utile. Schémas doublant
la trace écrite, synthèses redondantes, exercices transversaux entre
Sommaire
plusieurs chapitres pour avoir l'occasion de répéter et donc de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
visage moins rébarbatif, moins scolaire, alors que les bonnes intentions
5. Au lycée actuellement affichées dans les programmes sont contrecarrées par les
général et
technologique exigences de préparation à une épreuve écrite.
L'ouverture à des débats citoyens autour de domaines scientifiques
parfois très complexes comme les énergies, le climat, les OGM, la
procréation médicalement assistée vont dans le même sens. Qui dit
5.3. Accompagner
les élèves : entre culture générale dit vaste palette de connaissances de toute façon
guidage étroit inconciliable avec un horaire hebdomadaire modeste. Pourquoi alors le
et construction
programme ne se contenterait-il pas de fixer quelques grandes lignes
de l'autonomie
Sylvette Rascle
générales en termes de connaissances, pour être plus exigeant en termes
de compétences ? On pourrait imaginer que ces classes participent à
l'animation de la vie citoyenne à l'intérieur de l'établissement, en lien
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Sylvette Rascle
Professeure de sciences de la vie et de la ter re en lycée à D ouai (Nord)
6. Dans le supérieur
6.1.Les Entretiens
de la liberté : un
accompagnement
numérique encore
peu attractif
Anaïs Théviot
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Sommaire
Le développement rapide d’Internet (travail collaboratif, e-learning,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Anaïs Théviot
S ciences Po B ordeaux, SPIRIT, doc torante
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
de la filière dans laquelle il était initialement inscrit. Cet acte fort est
important, car il responsabilise l'étudiant quant à sa décision, le place
face à ses choix.
L’étudiant suit des enseignements de consolidation obligatoires et
optionnels qui correspondent plus étroitement à son projet d'études
au cours du deuxième semestre de l’année universitaire. Parallèlement,
l’étudiant est accompagné dans son projet de manière collective
et individuelle. Le conseiller d’orientation suit chaque étudiant
Sommaire
régulièrement sur la durée du COC et au-delà, jusqu'à la fin de l’année
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Résultats de l'étude
Une enquête a été menée auprès d'un échantillon d'une vingtaine
d'étudiants inscrits au COC. Il convient d'abord de préciser que la
majorité des étudiants interrogés ne sont pas venus par défaut à
l'université : c'est un choix délibéré pour 80 % d'entre eux. Ils précisent
cependant avoir manqué d'informations sur le déroulement des études,
notamment sur l'organisation, le contenu de l'enseignement et la
manière de l'enseigner, les débouchés possibles après la formation.
Sommaire
Pourtant l'université fait de plus en plus d'efforts pour présenter ses
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
est d'autant plus fort que nous sommes dans l'incertitude de nos
croyances ou de nos opinions.
Il est important de préciser que pour l'ensemble des étudiants
interrogés, la décision d'intégrer le dispositif leur appartient, sans
influence du milieu familial. Ce constat est d'autant plus important qu'il
constitue un premier pas vers la réussite.
Laurence Pérennès
Direc tr ice adjointe SUIO -IP, université de Bretagne Sud
avec la collaboration de M ar ie -Paule Prudhomme, enseignante.
7. Quelle place
pour les parents,
les associations ?
Ma fille a un problème
7.1.
avec les consignes…
Sylvie Grau
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
extérieure par des cours particuliers, force est de constater que je devais
7. Quelle faire avec elle. C’est ainsi que j’ai pu obtenir le bilan ci-dessus qui éclaire
place pour les
parents, les les difficultés de l’élève, puisque je sais maintenant le discours qui est
associations ? tenu autour de l’activité mathématique à l’extérieur du lycée. La famille,
qui semble plus reconnue dans son rôle et respectée dans ses choix, a
accepté que leur fille participe à un atelier méthodologique qui se passe
7.1. Ma fille a un très bien. Cet atelier aurait pu être mis en place dès la rentrée, sauf que
problème avec
les consignes… ni l’élève, ni la famille, n’y étaient prêtes.
Sylvie Grau L’accompagnement est toujours de trois ordres : l’aide au travail
(méthodologique, disciplinaire…), l’accompagnement psychologique
(estime de soi, auto-évaluation, métacognition…), la formation à
l’orientation (information, repérage de compétences, mise en place
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
ce code dans le cours ordinaire ? C’est ce qui est fait, mais au moment
7. Quelle où sont formulés ces attendus, tous les élèves ne sont pas disposés à
place pour les
parents, les les entendre, habitués à mobiliser d’autres stratégies éprouvées. Ce n’est
associations ? qu’une fois que ces stratégies ne semblent plus pertinentes qu’il devient
urgent de reformuler ce qu’on attend du lycéen.
Nous ne pouvons pas prédire quelle sera la suite de la scolarité pour
7.1. Ma fille a un
problème avec cette élève. Cet exemple nous permet seulement de dire que la difficulté
les consignes… identifiée comme venant d’une mauvaise compréhension des consignes
Sylvie Grau peut n’être que l’expression d’un conflit entre la représentation de
l’apprentissage du côté de l’enseignant, de l’élève, de sa famille, des
différents acteurs de l’accompagnement. Prendre le temps d’écouter ces
représentations est peut-être la seule façon d’aider l’élève à comprendre
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
les consignes en l’aidant à préciser son but. Car au final, on est prêt à
suivre des consignes qu’à condition de partager le même but que celui
qui nous les donne, et qu’à condition de reconnaitre celui qui nous les
donne comme légitime à nous les donner.
Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée à Or vault (Loire -Atlantique)
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
aussi comme une « école des parents », une aide leur étant proposée si
le besoin s’en fait sentir ou s’ils sont demandeurs. C’est une piste qui, au-
delà de la question des difficultés d’apprentissage, répond aux attentes
de certaines familles. À noter que les enfants ne sont pas insensibles à
l’investissement temporel de leurs parents ; cette implication exerce une
fonction positive forte.
Ils font preuve d'une grande patience pour que l’élève finisse par
comprendre. Tout se passe comme si l’intervenant ne lâchait pas prise
et tentait de trouver une nouvelle explication tant que le jeune est en
échec. Cela rappelle l’école de Yasnaya Polyana où Tolstoï demandait
aux enseignants de considérer la faute de l’élève comme une réponse
non appropriée de l’enseignant. Les petits groupes de travail (maximum
six, mais souvent trois à quatre) sont indéniablement une des clés du
Sommaire succès.
Une stratégie d’enseignement plutôt innovante : faire prendre de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Conclusion
Développée en marge de l’Éducation nationale, l’association fonctionne
comme un club sportif avec un travail accentué sur la motivation, le
coaching et l’usage de métaphores souvent empruntées au monde
du sport. Les très bons résultats sont en partie à mettre au crédit du
fondateur, animateur dans la structure, personnage incontournable
qui ne compte pas son temps et est toujours à l’écoute des parents et
des élèves. Au-delà des notes qui augmentent, ce sont des enfants qui
s’épanouissent. En fréquentant régulièrement l’association, les jeunes
Philippe Masson
M aitre de conférences à l'université Lille Nord de France
Fonctionnement
Quand un espace de non-jugement est offert, les jeunes entrent
relativement facilement dans la démarche, même si elle leur est imposée.
L’idée est que si un élève a de nombreux échecs ou un comportement
inadéquat récurrent, il est inutile, dans un premier temps, de proposer
à nouveau un renforcement des matières ou de donner une énième
sanction. La présentation ci-dessous a pour objectif de mettre en
évidence quatre tensions traitées durant les entretiens.
1re étape
Accueil – Recueil
L’élève est reçu pour un entretien au cours duquel le coach lui demande
de décrire sa perception de la situation, sa manière d’agir, de repérer ses
différents problèmes et objectifs. L’accueil et l’ambiance sont importants.
L’intervenant n’est pas là pour faire la morale, repérer ses fautes ou faire
7. Quelle pression :
place pour les
parents, les • Monsieur, j’en ai marre de l’école. Je n’apprends rien, tout le monde
associations ? m’en veut.
• Tu souhaiterais apprendre et avoir de meilleures relations dans un
cadre qui te fasse plaisir ?
7.3. Le coaching
scolaire : • Oui, mais mes notes sont nulles ; ma copine me lâche ; mes parents
comment porter
se séparent et je crois que je déprime…
un autre regard
sur les jeunes ? • Concrètement, que fais-tu pendant la journée de cours ?
Gaëtan Gabriel • Je dors, je m’absente, ou je perturbe le cours.
2e étape
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Compréhension – Confrontation
Nous acceptons ce que nous entendons et nous le contextualisons :
• Nous avons entendu tes difficultés personnelles et, en même temps,
nous constatons tes échecs et les nombreuses remarques. Comment
vois-tu la suite ? Quelles sont tes priorités ? Quels sont tes objectifs ?
• Bof, avec tous ces problèmes, on peut rien faire, à quoi cela sert ? Et
ni les profs, ni mes parents vont changer.
Sommaire
• Qu’est-ce que toi tu peux faire ?
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
• J’sais pas.
• Décris-moi comment tu te comportes en classe. Es-tu satisfait de la
manière dont cela se passe ?
3e étape
Exploration – Projection
Dégager différents scénarios possibles :
• Quels sont les choix et comportements possibles ?
• Arrêter l’école.
• Oui et quoi d’autre ?
• J’sais pas.
• Si tu avais une baguette magique… ?
• Rattraper mon retard, que mes parents s’entendent mieux, que ma
copine… quoi que…
ne les exclut pas pour les motifs que cela ne nous concerne pas, que
nous ne sommes pas habilités à travailler les problèmes personnels.
Si le jeune souhaite travailler l’aspect personnel, le coach entreprend
une démarche pour l’envoyer chez quelqu’un de compétent dans ce
domaine. De là l’importance d’avoir un réseau relais. Il devient alors clair
pour les professeurs, l’élève et sa famille que l’aspect réussite scolaire
peut devenir secondaire, il s’agit pour l’élève d’atteindre en priorité
son objectif. Si le jeune choisit de travailler sa méthode, le coach
entreprend avec lui un travail qui lui permettra de prendre conscience
des expériences où il a travaillé de manière efficace et de son profil
d’apprentissage.
De manière générale, le questionnement est là pour aider le jeune à
porter d’autres lunettes pour regarder sa situation.
Quels outils ?
7. Quelle
place pour les L’outil principal est l’écoute. Être entendu en temps que personne, non
parents, les pas en tant qu’élève seulement, être accepté comme on est et tel qu’on
associations ? nait. Permettre de faire un lien entre son objectif et la réalité. Et surtout
ne pas être évalué. L’école a une fâcheuse tendance à vouloir tout
évaluer et tout le temps.
7.3. Le coaching
scolaire : Les caractéristiques de l’écoute sont qu’elle doit :
comment porter
un autre regard • Porter à l’action et au changement. Elle doit être empathique et
sur les jeunes ?
responsabilisante : écouter la perception, la confronter à la réalité
Gaëtan Gabriel et engager l’action de changement. Il ne faut pas en rester aux
constats ;
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Cadrer l’intervention
Sommaire
L’écoute n’est pas thérapeutique. L’objectif n’est pas l’écoute de la
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Gaëtan Gabriel
S ciences de l ’éducation
Ancien direc teur adjoint d ’une école secondaire
R esponsable de Coach Al t i t u d e
Auteur de Coaching scolaire : Augmenter le p otentiel des élèves en difficulté,
Éd. D e B oeck , 2008, réédité en 2009.
ht t p: / / w w w. s k- fr- p aol a. b e / i m g / 1_ l aure at _ 2004_ fr. p d f
Et pourtant, il en faut
On le voit : si l’on n’est pas très vigilant et rigoureux, le remède peut être
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
inefficace ou pire que le mal. Mais ces constats n’ont d’intérêt que s’ils
permettent de repérer ou de proposer des types d’aides et des modes
d’intervention plus efficaces… ou de réduire ou d’éliminer les risques et
les effets pervers les plus fréquents. Sinon la réflexion – c’est le cas de
la sociologie critique – produit à son tour des effets pervers. Elle incite,
par exemple, professionnels et décideurs à « jeter le bébé avec l’eau
du bain ». C’est ainsi que les discours dénonçant « la stigmatisation-
ségrégation » servent aujourd’hui à justifier la non-intervention et
Sommaire
l’indifférence aux différences. La grande majorité des élèves qui
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Il est légitime que, dans ces conditions, l’aide soit vécue par les élèves
comme une « punition » ou comme une stigmatisation et, par les
enseignants, comme une séance de rattrapage un peu désespérante si
elle consiste en une répétition du cours. Seuls les élèves près de réussir
peuvent en tirer profit ; ceux qui sont en réelle difficulté y perdent leur
temps et ne font que constater la profondeur de leur échec. Pour essayer
de donner un peu d’efficacité à ces séances d’aide, il faut alors imaginer
d’autres approches pédagogiques – mais pourquoi ne pas les pratiquer
Sommaire
pendant les cours ? – ou s’intéresser aux raisons pour lesquelles l’élève
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Un moment indispensable
Non seulement cette aide est légitime, mais elle est nécessaire pour
répondre aux difficultés des élèves, qui sont inégales. Qu’elle ait lieu
pendant les cours ou qu’elle nécessite la mise en place d’un dispositif
supplémentaire en dehors de la classe, il faut la penser à l’intérieur
d’un ensemble de moments pédagogiques qui, plutôt que d’entrer
en contradiction ou de constituer des sortes de solutions de secours,
Sommaire
doivent rester en tension. Le but est que la distance entre le savoir,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Pierre Madiot
9. Colloque
des 25 et 26
9. Colloque des 25
octobre 2010
Ouverture et 26 octobre 2010
9.1. Des points Ouverture
d'appui pour
Les conférences
Le triomphe de la
9.2.
pédagogie de soutien :
un trompe-l'œil ?
Jean Houssaye
Le retour actuel vers la pédagogie de soutien, l'appellation
« accompagnement » recouvrant une multitude de
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
comprend tous les élèves rassemblés dans la même salle de classe, quels
que soient leur âge et leur niveau. Le maitre enseigne successivement
à chaque élève individuellement en s’adaptant au niveau de chacun ;
mais, comme pendant ce temps il laisse les autres sans occupation, de
l’avis général la méthode est lente, peu efficace et, qui plus est, utilisée
par des maitres incompétents. Il convenait donc de la réformer et
d’adopter des méthodes modernes. Qu’est-ce à dire ? Une alternative se
présente alors.
Quoique ancien, puisqu’il a été codifié en 1720 par Jean-Baptiste de
La Salle, le mode simultané est peu présent en 1815, puisqu’il reste
l’apanage des frères des écoles chrétiennes (5 % des élèves). Dans cette
configuration, trois frères se réunissent pour ouvrir une école d’une
centaine d’enfants, qu’ils répartissent en groupes de niveau. Chaque
frère enseigne simultanément la même chose au même moment à
pour tous est donnée à tous (le même savoir, les mêmes maitres), tant
et si bien que les inégalités ne relèvent pas du fonctionnement de
l’institution, mais des individus eux-mêmes dans leur investissement
scolaire. Ensuite, il a tendance à mettre en place des circuits de
distribution des élèves parallèles ou hiérarchisés (le primaire et le
secondaire, le public et le privé, le général et le technique, le général
et le professionnel, le classique et le moderne, le moderne long et le
Sommaire moderne court, les filières, les options, les langues, les cycles, les ZEP
et les SEGPA, l’intégré et l’apprentissage, les CLIS, les classes-relais, etc.).
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Bref, tout un système est mis en place qui permet de distribuer les élèves
différents dans des circuits hétérogènes entre eux, mais plus homogènes
dans chacun. Enfin, il réduit l’hétérogénéité interne de chaque classe
par un dispositif régulateur chargé d’assurer une homogénéité de
fonctionnement au nom de tous : notes, classements, redoublements,
non-présentation aux examens, etc. L’ordre du même doit l’emporter :
la même classe, le même maitre, les mêmes contenus, les mêmes
élèves. L’enseignement simultané suppose le maintien et la succession
du même dans l’ordre de l'école. Il gère les différences en renforçant
les similitudes. D’une certaine manière, il exclut le pluralisme dans la
classe pour le renvoyer sur l’organisation du système scolaire. Mais que
faire quand cette dernière, au nom par exemple de la lutte contre les
inégalités ou encore au nom de l'école unique, réduit sa gestion externe
de l’hétérogénéité et tend à la renforcer au sein de la classe elle-même,
sachant que le mode simultané est fondé sur le principe contraire ? Car
9. Colloque supposer l’homogénéité est une chose, la vivre en est une autre.
des 25 et 26
octobre 2010 L’essence de la pédagogie de soutien
Les
conférences Il arrive en effet un moment où l’enseignement simultané, qui s’est donc
imposé historiquement comme la solution pour traiter l’hétérogénéité
9.2. Le triomphe des élèves, et qui doit prendre en compte aussi bien l’hétérogénéité
de la pédagogie
de soutien : un
cognitive que l’hétérogénéité culturelle et l’hétérogénéité sociale,
trompe-l'œil ? apparait lui-même comme la cause de l’hétérogénéité dans la classe.
Jean Houssaye Le fait de dispenser le même enseignement à l’ensemble des élèves
(programmes, rythmes, âges, cursus identiques) produit à son tour de
l’échec scolaire et ne permet surtout pas de répondre à un tel échec.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
aux différents courants que nous venons de croiser, elle n’en a pas
moins une logique et une spécificité pédagogique qu’il convient de
reconnaitre.
Mais qu’en est-il dans les faits ? Il apparait qu’elle est très présente aussi
bien à l'école élémentaire qu’au collège, et maintenant au lycée et dans
le supérieur (par exemple avec la généralisation du tutorat dans le
plan réussite en licence). Prioritairement, elle permet de reprendre les
apprentissages de base à l’aide d’un surplus de temps et d’explications
destiné aux élèves en difficulté, à l’aide de la répétition des éléments du
programme jugés indispensables à acquérir, les élèves « faibles » devant
rattraper les autres pour profiter de l’enseignement collectif dispensé par
ailleurs. C’est une pédagogie du rattrapage et... de la bonne conscience.
Au fond, les enseignants aiment la pédagogie de soutien, parce qu’elle
permet de maintenir une pratique traditionnelle dans le cadre simultané,
tout en ayant fait quelque chose dont on sait que ce n’est pas suffisant
mode individuel, pour ce qui est du suivi des élèves par l’enseignant,
9. Colloque et du mode mutuel, pour ce qui est de la constitution des groupes
des 25 et 26
octobre 2010 dans la classe. Quant aux références pédagogiques, elles s’inscrivent
Les en continuité de l’Éducation nouvelle, qui avait justement fondé sa
conférences spécificité sur l’individualisation et la diversification dans la classe (on
se souviendra que c’est Adolphe Ferrière qui préface la grande thèse
9.2. Le triomphe de Henri Bouchet sur l’individualisation de l’enseignement en 19344), et
de la pédagogie
de soutien : un les pédagogies par objectifs et de maitrise, qui servaient de référence
trompe-l'œil ? opératoire et rationnelle dans la mise en place du déroulement
Jean Houssaye pédagogique (articulées à l’évaluation formative, qui nait aux États-Unis
à la fin des années soixante et arrive en France au milieu des années
soixante-dix). Un peu comme si l’Éducation nouvelle avait fourni les
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
pas possible. Pour agir, il faut choisir. La pédagogie passe par l’action. Et
l’action requiert de la cohérence. Même si toute cohérence suppose des
limites dans les facteurs pris en compte et entraine le deuil d’un certain
nombre de dimensions.
S’il faut choisir entre mode simultané et pédagogie différenciée, que
vient faire la pédagogie de soutien dans cette histoire ? Elle relève de la
stratégie d’adaptation d’un processus dominant. En effet, un processus
Sommaire se maintient si l’axe central, tout en s’imposant comme premier, laisse
suffisamment de place et de jeu aux processus exclus. Autrement dit,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Jean Houssaye
S ciences de l ’éducation, université de R ouen – CIVIIC
9. Colloque Bibliographie
des 25 et 26
octobre 2010 Linda Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud (dir.), L’Évaluation
Les formative dans un enseignement différencié, Peter Lang, 1979.
conférences
Daniel Hameline, Les Objectifs pédagogiques en formation initiale et
9.2. Le triomphe continue, ESF-EME, 1979.
de la pédagogie
de soutien : un Jean Houssaye, Les Valeurs à l'école, PUF, 1992.
trompe-l'œil ?
Louis Legrand, La Différenciation pédagogique, Scarabée, 1986.
Jean Houssaye
Louis Legrand, Les Différenciations de la pédagogie, PUF, 1995.
Philippe Meirieu et coll. Différencier la pédagogie. Pourquoi ? Comment ?,
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Eugène Brouard, Charles Defodon, Inspection des écoles primaires, Hachette, 1875, p. 85.
vocabulaire employé.
Tableau 1
Évolution du vocabulaire de l’aide dans les dix dernières circulaires de rentrée
N b d ’occur rences 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Aide 24 17 7 4 10 7 5 20 17 111
Accompagne - 13 2 2 4 6 2 2 4 16 51
ment
S outien 2 4 4 3 2 3 2 3 23
Ens. modulaire 5 3 2 1 1 1 13
R emise à niveau 1 1 1 1 1 5
Consolidation 1 1 1 3
Tutorat 2 1 3
Appronfondisse - 2 2
ment
Études dirigées 2 2
Travail dirigé 1 1
Études sur-
veillées
« L’aide » aux élèves est par contre très présente (111 occurrences en dix
ans), suivie de loin par le mot « accompagnement » (51 occurrences).
On constate deux poussées de ces mots, en 2001 et 2010, année
où « l’accompagnement » fait jeu égal avec « l’aide », mais avec une
distinction très nette : en 2010, « l’aide », qualifiée de « personnalisée »
concerne le premier degré, « l’accompagnement » qualifié lui aussi
de « personnalisé » est invoqué pour le second degré. Quant au mot
Sommaire « approfondissement », sa quasi-absence traduit bien ce que signifie
« l’aide » aux élèves dans notre système éducatif, qui est presque
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Tableau 2
Évolution des qualificatifs utilisés pour l’aide aux élèves
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
D ifférencié(e) 3 3 1 1 1 9
I ndividualisé(e) 11 4 5 3 2 3 3 3 34
Personnalisé(e) 3 3 2 3 4 4 4 14 15 52
Tableau 3
9. Colloque Vocabulaire des dispositifs d’aide dans les circulaires de rentrée entre 2001 et 2010
des 25 et 26 Accompagnement des élèves Dispositif de formation en alternance
octobre 2010 Accompagnement du travail au collège
Les personnel Dispositifs relais
conférences Accompagnement individualisé Classes relais
Accompagnement personnalisé Ateliers relais
Aide individualisée Itinéraires de découverte
9.3. Une longue
histoire Aide personnalisée Module de découverte
Aide ponctuelle professionnelle
Jean-Paul Modules de soutien
Aide la mieux adaptée aux besoins
Delahaye identifiés Parcours individualisé
Dispositifs d’aide adéquats Programme personnalisé d’aide et
Dispositif d’aide et de soutien de progrès
Dispositif d’aide et de conseil Programme personnalisé de réussite
éducative
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
élèves. Avec une nette dominante, comme cela vient d’être montré,
pour « l’aide », pour « l’accompagnement », pour les « dispositifs »
de toutes sortes, ainsi que pour « programme » et « suivi », mais
sans que soit clairement stabilisé ce qu’il faut comprendre derrière
les qualificatifs utilisés. Si l’on observe, par exemple, l’utilisation des
mots « individualisé » et « personnalisé », on ne peut que se perde en
conjecture. Une lecture attentive des circulaires montre qu’en réalité,
on utilise souvent un mot pour l’autre sans qu’on sache vraiment si cela
correspond à une réalité différente.
N’a-t-on pas, successivement, de l’accompagnement individualisé et
personnalisé, de l’aide individualisée et personnalisée, du soutien
personnalisé et individualisé, du suivi individualisé et personnalisé ?
Par exemple, dans la circulaire de rentrée 2009, le vocabulaire est pour
le moins fluctuant : « L'année scolaire 2009-2010 sera marquée par […]
l'extension des mesures d'accompagnement individualisé : consolidation de
de tous, l’aide aux élèves est aussi, de fait, une variable d’ajustement
budgétaire quand les temps sont difficiles. Je fais allusion, par exemple,
à la disparition des répétiteurs et des adjoints d’enseignement quand il a
fallu utiliser leurs supports budgétaires pour faire face à la massification
de l’enseignement secondaire dans les années 1960, au moment même
où le second degré ouvrait largement ses portes aux jeunes de milieux
populaires.
Sans prétendre ici faire une histoire exhaustive de l’aide aux élèves,
Sommaire
quelques repères historiques peuvent néanmoins être posés qu’on
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
En 1880, les élèves qui ne suivent pas sont « un embarras pour le maitre,
9. Colloque un « mauvais exemple » pour leurs camarades et un « élément de gêne »
des 25 et 26
octobre 2010 pour les classes
Les Au début de la IIIe République – rappelons qu’il n’y a à l’époque que
conférences 85 lycées et 250 collèges en France scolarisant une toute petite partie
de la population adolescente – les difficultés rencontrées par certains
9.3. Une longue
histoire élèves de l’enseignement secondaire ne sont pas de la responsabilité
Jean-Paul des enseignants. Jules Ferry publie une circulaire le 28 septembre 1880
Delahaye qui ne laisse aucun doute à ce sujet : « Les professeurs se plaignent
généralement d'avoir à subir des élèves mal préparés, hors d'état de suivre
avec fruit les exercices de la classe, et qui sont un embarras pour le maitre,
un mauvais exemple pour leurs camarades. Au moment où de sérieux efforts
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
ils stimulent les enfants ; ils dégagent les classes d'un élément de gêne et
d'affaiblissement, en dirigeant vers de nouvelles voies les esprits qu'on
aurait voulu contraindre à suivre malgré eux un enseignement qui ne leur
convient pas. »3
La séparation de l’enseignement et de l’aide aux élèves : des personnels
spéciaux pour l’aide aux élèves
Il faut tout de même s’occuper des élèves « faibles », selon la terminologie
de l’époque. Pour effectuer cette tâche, les lycées de l’époque ont à
leur disposition des personnels qui ont la charge de l’aide aux élèves
en dehors des séances ou des « classes » comme on disait alors, prises
en charge par les professeurs : il s’agit de répétiteurs, de professeurs
adjoints ou autres maitres d’études. L’article 3 du décret de 1887 décrit
le travail de ces répétiteurs : « Les répétiteurs des lycées et des collèges
9.3. Une longue C’est la circulaire relative à l’emploi du temps, à l’éducation physique et
histoire à l’hygiène dans les lycées et collèges, du 7 juillet 1890, signée de Léon
Jean-Paul Bourgeois lui-même qui tente d’engager le processus.
Delahaye
Le premier objectif est de donner des marges de manœuvre aux acteurs
locaux.
« C’est à vous qu’il appartient, Monsieur le Recteur, de déterminer, sur
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Il est utile d’insister un peu sur cette circulaire, car elle est la première à
9. Colloque aller aussi loin dans la description de ce qui est attendu des enseignants
des 25 et 26
octobre 2010 en matière d’aide à leurs élèves. Et pour tout dire, il me semble que
Les cette circulaire de Léon Bourgeois de 1890 fait définitivement le tour
conférences de la question ! On aura bien sûr compris que le terme « conférence »
signifie ici un moment de travail en petit groupe d’élèves7.
9.3. Une longue
histoire Dans le paragraphe suivant de la même circulaire, il est en effet indiqué
Jean-Paul qu’« il n’y a rien de commun entre les exercices recommandés ici et les
Delahaye conférences autrefois en usage dans les lycées. Autant ces conférences, simple
prolongation de la classe elle-même, étaient fastidieuses et stériles pour tout
le monde, autant une direction vraiment pratique du travail peut devenir
pour tous intéressante et féconde. La classe appartient à l’enseignement :
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c’est dans ces conférences d’un nouveau genre que le professeur trouvera
parfois les meilleurs moyens d’en assurer les effets. Là, en présence de
groupes d’élèves restreints et bien homogènes, il saura s’accommoder soit à
leur force, soit à leur faiblesse. Avec les uns, la conférence fournira l’occasion
de compléter, d’élever ou d’approfondir l’enseignement de la classe ; avec
les autres, elle servira de préparation, contrôle, d’application. Fort ou faible,
chacun à son tour y sera, pour quelques moments, l’objet d’une attention
Sommaire directe et personnelle. Pour beaucoup d’élèves, les progrès dateront de ces
moments-là.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Il est bien vrai que c’est déjà un bénéfice pour les faibles de recevoir des
9. Colloque forts ces leçons par l’exemple qui souvent enseignent mieux et stimulent
des 25 et 26
octobre 2010 davantage que les préceptes et les exhortations du professeur. Mais il est
Les plus vrai encore que ce bénéfice même, ils le laisseront le plus souvent
conférences échappé, s’ils ne sont pas de temps en temps mis en mesure ou, pour mieux
dire, en demeure d’en faire la preuve. Il faut donc que leur tour vienne
9.3. Une longue de payer de leur personne, de montrer ce qu’ils savent et, sous l’œil du
histoire
professeur, de faire tout ce qu’ils peuvent.
Jean-Paul
Delahaye Tel doit être précisément le principal objet de ces conférences. Pour l’élève
médiocre, la classe est souvent comme un discours en style indirect qui a
l’air de ne pas s’adresser à lui et ne réussit pas à le tirer de sa distraction
ou de son indolence. La conférence le prendra à partie personnellement et
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une des causes principales de ce surmenage dont on s’est tant plaint ces
dernières années. »10
l’année scolaire les élèves de la section "forte" étaient certains de figurer sur
9. Colloque la liste des propositions pour l’admission en 6e, tandis que ceux de la section
des 25 et 26
octobre 2010 “faible” s’en trouvaient pratiquement exclus »11.
Les Dans l’enseignement secondaire, le travail dirigé, levier pour la
conférences rénovation pédagogique
9.3. Une longue Le travail dirigé par le professeur et les méthodes actives dans les classes
histoire nouvelles
Jean-Paul
Les premières circulaires publiées après la Libération préconisent
Delahaye
clairement une pédagogie active. La circulaire du 16 novembre 1944 le
dit tout net : « Le travail dirigé par le maitre et réalisé sous ses yeux doit
devenir un élément fondamental de l’activité pédagogique. Il se substituera
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
9.3. Une longue Tout y est, cinquante ans avant l’accompagnement personnalisé
histoire d’aujourd’hui : aide méthodologique, adaptation aux besoins de chacun,
Jean-Paul même l’aide à l’orientation est prévue !
Delahaye
Jean Capelle publie, l’année suivante, une circulaire consacrée au
travail des élèves, dans laquelle il précise, pour que l’enseignement soit
efficace :
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
profondes qui existent entre les individus, dans le caractère, les intérêts, les
formes d’intelligence, les acquisitions antérieures, la résistance physique,
le rythme de travail… font apparaitre comme une gageüre la méthode
qui consiste à les négliger. Ne jamais tenir compte de ces différences, c’est
finalement enseigner pour l’élève moyen, ce qui ne satisfait ni les plus
rapides ni les moins rapides, ni les plus doués, ni les moins doués ; c’est
condamner à coup sûr à l’échec et au sentiment d’impuissance les moins
aptes et les plus lents »21.
Tableau 4
9. Colloque Le vocabulaire de l’aide aux élèves jusque 1975
des 25 et 26 Répétition Séances de direction et de contrôle
octobre 2010 Répétition particulière du travail des élèves
Les Travail dirigé Activités dirigées
conférences Travail de mise au point Individualisation des méthodes
Direction de travail Étude systématique de chaque cas
individuel
9.3. Une longue Conférences
Enseignement individualisé
histoire Direction pratique du travail
Études surveillées
Jean-Paul Direction vraiment pratique du
travail Individualisation de l’enseignement
Delahaye
Cours complémentaires
autres domaines d’activités », car « ce serait une erreur de ne tabler que sur
9. Colloque un supplément de démarches spécifiques d’apprentissage pour remédier
des 25 et 26
octobre 2010 aux lenteurs ou difficultés de certains élèves concernant les acquisitions en
Les cause » ; l’unicité du maitre qui laisse à ce dernier « la latitude d’organiser
conférences et de gérer le temps dont il dispose, dans le cadre de l’horaire officiel
avec suffisamment de souplesse pour adapter les actions de soutien aux
9.3. Une longue conditions de fonctionnement de sa classe ». L’action du GAPP est, dans ce
histoire
cadre, qualifiée de « coopération » dans la mesure où cette « institution
Jean-Paul
Delahaye doit travailler au sein de l’école en liaison permanente avec l’ensemble des
maitres, l’un des aspects les plus importants de la tâche de ses membres
étant l’observation des enfants au travail dans la classe », étant rappelé
que la circulaire fixant les missions du GAPP signale « explicitement »
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
une aide complémentaire qui leur est réservée et doit les avantager ».
Enfin, la circulaire prévoit que, dans « les mêmes disciplines de base, qui
peuvent faire l’objet de soutien, certains élèves qui manifestent au contraire
un bon niveau de réussite pourront utiliser leurs capacités à approfondir le
programme faisant l’objet du tronc commun de formation ».
Le collège unique et l’aide aux élèves après 1977
Très régulièrement depuis 1977, les textes ministériels déclarent que
tous les enseignants ont vocation à prendre en charge les élèves qui
sont en difficulté au collège. La circulaire fondatrice de 1977 est, de ce
point de vue, très claire : « D’une façon générale, il appartiendra à chaque
professeur, lorsqu’il constatera que, malgré la mise en œuvre du soutien, tel
élève a de la peine à suivre la progression prévue, de l’inviter à concentrer ses
efforts sur les éléments essentiels du programme afin de l’aider à surmonter
une matière ».
Les « détours pédagogiques »
En 1995, le ministère préconise « une diversification pédagogique par
la mise en place de parcours prenant en compte les gouts et les aptitudes
des élèves dans les enseignements qui les valorisent. Pour ne pas constituer
des pré-orientations ou des amorces de filières, ces parcours ne doivent pas
avoir de caractère permanent et ils doivent pouvoir être reconsidérés avant
l’entrée au lycée ». Cela donnera, comme on le sait, les parcours diversifiés
en 1996, les travaux croisés en 2000 et les itinéraires de découverte en
2002.
Les heures de soutien
En 1977, la dotation prévue pour chaque classe de 6e (la référence du
calcul est alors la classe de vingt-quatre élèves) prévoit une attribution
de vingt-quatre heures d’enseignement, qui se décomposent en vingt-
22 Circulaire 77-011 du 5 janvier 1977, B.O. du 27-01-1977.
par petits groupes « ne dépassant pas huit élèves afin d’assurer une
véritable prise en charge personnalisée ». Ces moyens sont en fait des
heures supplémentaires attribuées « prioritairement à des enseignants
volontaires » assistés par des « aides éducateurs pour certaines activités ».
La circulaire de la rentrée 2000 annonce que les moyens consacrés à
la remise à niveau « ont été intégrés aux dotations horaires globales des
académies et des départements ».
L’aide au travail personnel : les études surveillées et dirigées
Cette mesure est introduite en 1984 quand il est demandé que les
emplois du temps des élèves soient « conçus de telle façon qu’ils aient
la possibilité d’avoir deux à trois heures par semaine d’étude surveillée par
groupe de quinze à vingt élèves ». Il est précisé que les travaux que les
élèves réaliseront pendant ce temps seront conçus « collectivement par
les équipes éducatives ».
besoins, une plus grande latitude doit être laissée aux établissements.
On a vu que cette idée apparait très tôt, en 1890. Elle est formulée de
façon très explicite au début des années 1980 dans le cadre du grand
mouvement de décentralisation et de déconcentration engagé par le
gouvernement de l’époque.
Ainsi, la note de service du 27 juillet 1981 met une heure supplémentaire
à la disposition des établissements pour chaque classe de seconde
comportant plus de vingt-quatre élèves. « Cette mesure a pour objet
Sommaire
d’engager concrètement la lutte contre les causes de l’échec scolaire par
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Tableau 5
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Étude surveillée
Étude dirigée Aide individualisée
Aide personnalisée et approfondie Prise en charge personnalisée
dans une matière Personnalisation des parcours
Itinéraires de découvertes
Un rapport de l’IGEN montre en 1998 que « six ans après leur création,
9. Colloque les modules, dans l’immense majorité des cas, sont en fait des séances de
des 25 et 26
octobre 2010 travaux dirigés ou pratiques. On doit constater en particulier que la prise
Les en compte de la variabilité des groupes est très rarement mise en œuvre,
conférences soit parce que l’organisation de l’établissement ne le permet pas, soit parce
que les enseignants ne le jugent pas utile. […] Les pratiques majoritaires
9.3. Une longue sont celles qui respectent le cloisonnement disciplinaire, la permanence des
histoire
groupes et la stabilité des pratiques. […] La possibilité de travailler en demi-
Jean-Paul
Delahaye groupe est considérée en soi comme un progrès, quel que soit le contenu
donné à la séance. […] La définition des modules telle qu’elle ressort des
pratiques actuelles serait : travaux pratiques en demi-groupe à dominante
méthodologique, et, en première parfois, travaux en demi-groupe à
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Soit par prudence, soit par méfiance, on n’a pas su utiliser la compétence
des corps d’inspection et des formateurs qui auraient pu rapidement
éviter les premières dérives ;
• La rigidité des structures ».
La réforme de 1999 et l’aide individualisée
L’aide individualisée avait pour but de compléter l’enseignement
modulaire.
La circulaire de rentrée 2001 en dresse un bilan lucide. L’aide
individualisée est perçue par tous de manière positive, mais par
défaut de pilotage : « Le dispositif d'aide individualisée est perçu de
manière positive à la fois par les élèves, les enseignants et les proviseurs,
notamment parce qu'il contribue à améliorer de manière significative
la relation traditionnelle enseignants/élèves et répond de manière plus
étroite aux besoins spécifiques de ces derniers. Les enquêtes et observations
Mais quels que soient les noms utilisés et la langue française est à
cet égard d’une grande subtilité : conférence, travail dirigé, soutien,
remise à niveau, consolidation, aide individualisée, aide personnalisée,
accompagnement individualisé, accompagnement personnalisé, etc. –, il
s’agit bien de trouver les moyens de faire réussir tous les élèves.
Dans le second degré, le problème posé est aussi celui de la mission
des enseignants et de leurs obligations de service : faut-il un corps
spécifique pour l’aide (répétiteurs ou assistants pédagogiques) ou l’aide
fait-elle partie de la mission essentielle des enseignants ? Ce débat est
très ancien, comme j’ai essayé de le montrer.
Ce que nous apprend aussi, me semble-t-il, ce rapide survol historique,
c’est que si cette aide doit être prise en charge par les enseignants, elle
ne peut être efficace que si elle est intégrée à l’enseignement dans une
approche pédagogique globale, comme cela est très bien dit dès 1890
et rappelé avec une force jamais égalée dans les grands textes sur le
9. Colloque soutien de 1977.
des 25 et 26
octobre 2010 Pour dire les choses autrement, une aide utile à tous les élèves nécessite
Les une très haute expertise scientifique et pédagogique chez tous les
conférences enseignants. Bref, cela s’apprend.
9.3. Une longue Mais ce retour sur l’histoire des textes officiels montre aussi que sans
histoire un pilotage national et local qui intègre toutes ces dimensions, il est
Jean-Paul illusoire d’espérer installer de façon pérenne quelque dispositif que ce
Delahaye
soit. En résumé, pas d’aide aux élèves sans formation scientifique et
pédagogique de haut niveau pour les enseignants. Sinon, les dispositifs
d’aide continueront à se succéder et, surtout, ne seront que des palliatifs
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
qui ont traité des matières pédagogiques, et dont le génie didactique par
excellence a certainement contribué plus que tout autre à l’éducation de
l’esprit humain, la pédagogie a longtemps tardé à être mise en honneur »26.
Si l’on veut progresser dans l’aide aux élèves, mettons donc la pédagogie
« en honneur » !
Jean-Paul Delahaye
Professeur associé à l ’université Par is 5-R ené D escar tes
Le texte qui suit a été publié, dans une version plus courte, dans le n° 64 de
la revue Envie d’école, revue trimestrielle de la FNAREN (Fédération nationale
des associations des rééducateurs de l’Éducation nationale), paru fin octobre
2010 sur le thème de la relation d’aide. Nous remercions vivement le comité
de rédaction de la revue de nous avoir autorisés à insérer cet article dans ce
numéro hors-série des Cahiers Pédagogiques.
À la suite de son intervention au colloque du CRAP (« Aider et accompagner
les élèves dans et hors l’école »), André Ouzoulias a souhaité compléter ce
texte par un addenda intitulé : L’aide personnalisée, malgré tout ?
Sommaire
Xavier Darcos promettait monts et merveilles des
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
conserver et, dans ce cas, que faut-il modifier, peut-on produire une
9. Colloque méthodologie pour la conception des séances aux différents niveaux
des 25 et 26
octobre 2010 de la scolarité ou un ensemble de recommandations à destination
Deux des maitres et des équipes d’école, faut-il envisager des modules de
interventions formation continue sur l'aide personnalisée et comment les imaginer,
lors des tables comment articuler l'aide personnalisée aux autres dispositifs scolaires
rondes ou périscolaires qui se sont empilés au fil du temps : différenciation
au sein de la classe, décloisonnements épaulés par des enseignants en
9.4. « Aide
personnalisée » « surnombre » dans les RAR, aides spécialisées des RASED, PPRE, stages
au primaire : au CM, accompagnement éducatif, etc. ?
un dispositif
contreproductif ? Rappelons en effet que, couplées avec la réforme des programmes de
André Ouzoulias l’école primaire, le ministre attendait de ces deux heures hebdomadaires
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
des rééducateurs en maternelle. Qui peut croire que ces enfants seront
9. Colloque désormais mieux à même de réussir à l’école élémentaire ?
des 25 et 26
octobre 2010 Des bilans plutôt négatifs
Deux
interventions Il y a bien des bilans, mais ils sont le fait des organisations syndicales,
lors des tables notamment le SNUIPP qui a conduit trois enquêtes successives, la
rondes dernière au printemps 2010. D'après les données recueillies, dans leur
majorité, les enseignants expriment des doutes sérieux sur la pertinence
9.4. « Aide
personnalisée » de l'aide personnalisée, moins d’un tiers pensant qu’elle a permis aux
au primaire : élèves concernés de progresser vraiment dans les compétences pour
un dispositif
lesquelles ils ont été aidés ; ils jugent unanimement de façon négative
contreproductif ?
la diminution de deux heures des horaires de l’ensemble des élèves.
André Ouzoulias
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Sommaire Une étude dirigée par Jean-Jacques Guillarmé, de l’université Paris 5-René
Descartes, publiée à l’automne 2009, a comparé l'aide personnalisée
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Le plus souvent, ils disent aussi que les élèves concernés ne se sentent
pas stigmatisés (comme on pouvait le redouter), mais manifestent
plutôt de l’intérêt pour cette situation. Il semble en résulter une plus
grande confiance en soi et une meilleure motivation dans l’ordinaire de
la classe. Bonheur du travail en petit groupe, où l’enseignant peut établir
4 Il s’agit des cinq champs définis par l’outil d’évaluation diagnostique Le profil 125,
extrait du Livret d’évaluation et d’aide à l’élève en difficulté, conçu et expérimenté en
coopération par la FNAME et l’université René Descartes (publié aux éditions EAP).
5 Une évaluation d’un dispositif en tous points comparable, l’aide individualisée
en classe de seconde (A.I.S.), conclut qu’il ne semble pas améliorer les résultats
scolaires des élèves (Danner Magali, Duru-Bellat Marie, Le Bastard-Landrier
Séverine et Suchaut Bruno, 2001, « L'aide individualisée en seconde : Mise
en route et premiers effets d'une innovation pédagogique ». Éducation et
formations, n° 60 p. 50–65). Rappelons que, dans les études de Dominique
Glasman, les bénéfices des dispositifs d’accompagnement éducatif apparaissent
également très maigres (Glasman Dominique, 2001, L'accompagnement
scolaire, Sociologie d'une marge de l'école, PUF ; Glasman Dominique, Besson
Leslie, 2004, Le travail des élèves pour l'école en dehors de l'école. Rapport pour
le Haut conseil de l'évaluation de l'école, La documentation française).
d’améliorer ce dispositif.
6 Thomas J. Scott, « The 2008 Election in the United States : A New Direction
for Education ? », article pour le site des Cahiers Pédagogiques (2 nov. 2008).
10 D’où les principes que des équipes d’écoles et certains IEN ont
adoptés : les groupes d'aide personnalisée sont des « groupes de besoin »
(et non de niveau) ; chaque groupe fonctionne sur une des cinq périodes
scolaires ; un même élève ne peut pas être inscrit à l'aide personnalisée
plus de deux périodes ; celles-ci ne peuvent être consécutives.
12 Voir : Élisabeth Bautier & Patrick Rayou, 2010, Les Inégalités d'apprentissage, PUF.
13 Cf. Christian Baudelot et Roger Establet, 2009, L’Élitisme républicain,
l’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil.
14 Par exemple, Castles Anne et Coltheart Max, 2004, « Is there a causal link
from phonological awareness to success in learning to read ? », Cognition, n° 91.
les élèves écrire leur premier jet comme ils le peuvent à partir de leurs
seules connaissances de la graphophonologie (ce que certains maitres
appellent « écrire avec les oreilles »)18.
Dans le domaine des mathématiques, Rémi Brissiaud a pu montrer que
l’enseignement du comptage au cycle 1, plutôt que des décompositions,
retarde l’accès au nombre et au calcul, plus particulièrement pour les
enfants des milieux populaires19.
Quant au domaine si crucial du langage oral, face à la pléthore de
Sommaire
déplorations sur les incompétences des élèves les plus faibles arrivant
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
l’aurait fait depuis longtemps et ça se saurait ! […] Une chose est sure,
tous les enseignants connaissent parfaitement bien les théories qui la
sous-tendent. Or, l’observation montre que seule une minorité d’entre eux
(les maitres formateurs le plus souvent) la mettent réellement en œuvre.
Pourquoi ? Parce que cette organisation pédagogique, pour fondée qu’elle
soit, est extrêmement difficile à mettre en œuvre. » Sylvie Cèbe en conclut
que l'aide personnalisée est une solution intéressante et qui demande à
être soutenue, étudiée et améliorée.
Sommaire
Nous avons adopté ici un autre point de vue. Sans négliger les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
9. Colloque Addenda
des 25 et 26 L’aide personnalisée, malgré tout ?
octobre 2010
Deux Si on cherche à faire de l’aide personnalisée (AP) un moment utile aux
interventions élèves des écoles primaires, c’est-à-dire si l’on veut éviter d’alimenter
lors des tables les « effets paradoxaux » (cf. l’article ci-dessus), il me semble qu’il faut
rondes remplir – au moins – les quatre conditions suivantes :
9.4. « Aide 1. Un authentique pilotage local des projets des écoles. Il doit
personnalisée »
au primaire : permettre une évaluation des actions, des échanges entre les équipes
un dispositif d’écoles, la mutualisation de ressources, des moments de formation
contreproductif ?
continue sur les « causes » des difficultés dans les apprentissages,
André Ouzoulias
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
André Ouzoulias
Professeur à l ’IUFM de Versailles-Université de Cergy-Pontoise
D épar tement PEPSSE (philosophie, épistémologie,
psychologie, sociologie et sciences de l'éducation)
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Des examens réguliers sont prévus. Celui de l'âge de cinq ans est
9. Colloque particulièrement important du point de vue de la scolarisation : on s’y
des 25 et 26
octobre 2010 intéresse au développement de l’enfant d’une manière très complète
Deux (développement global, psychomoteur, langagier, cognitif ). Grâce à
interventions la collaboration avec les jardins d’enfants et les garderies, on arrive à
lors des tables atteindre la quasi-totalité des enfants de cinq ans.
rondes Si on constate que l’enfant a besoin d’un soutien ou d’un
9.5. L’aide en accompagnement renforcé, par exemple à cause de problèmes liés
Finlande au développement langagier, à l’hyperactivité, on met en place, en
Minna Puustinen collaboration avec tous les protagonistes2, la solution la plus adaptée
pour l’enfant, autant que possible dans le cadre de son système de
garde habituel. S’il est évident dès l’âge de cinq ans que l’enfant ne
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Minna Puustinen
M aitre de conférences en psychologie, IUFM Nord-Pas- de - Calais
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Vanssay
donner son sens, il faut avoir en tête une vue d’ensemble de ce qui
compose cet objet et des liens existant entre ses divers éléments.
C’est pourquoi la décomposition du complexe en éléments simples
est limitatrice et provoque une perte de ce sens. Il n’est donc pas
judicieux de simplifier pour mieux accumuler des connaissances sans
liens entre elles. La conception de l’apprentissage, selon l’équipe
ERMEL, est que l’élève a besoin d’adapter ce qu’il savait à une
Sommaire situation nouvelle ou même de restructurer, parfois radicalement,
ses savoirs antérieurs. Pour cela, il faut permettre à l’élève de faire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Vanssay
Pour des élèves de cycle 3, créer un blog est une activité d’écriture
complexe demandant de prendre en compte de nombreux facteurs,
c’est aussi une vraie situation de communication. Une façon d’organiser
cette activité est décrite sur mon blog.
Stéphanie de Vanssay
M aitre E dans la région par isienne
9. Colloque N’oublions
9.7.
des 25 et 26
octobre 2010 pas les PPRE !
Des
témoignages Brigitte Jaffry
lors des
ateliers Quel est l'intérêt des PPRE ? En quoi le recours à un dispositif
formel permet de progresser effectivement dans la prise en
charge des difficultés scolaires ? Quelques points d'appui,
présentés par la directrice d'une école parisienne.
Un cadre institutionnel
Nous mettons en œuvre les divers dispositifs d’aide et
d’accompagnement à la scolarité. Les programmes personnalisés de
réussite éducative (PPRE) n'ont pas posé de problèmes de principes,
correspondant au souci de formaliser les difficultés de certains élèves et
les efforts marqués de l’équipe pour y répondre. Les collègues les ont
facilement utilisés comme un lien d’année scolaire en année scolaire.
Plus personnels et plus ajustés que le livret scolaire, ils sont considérés
comme une meilleure indication du chemin à parcourir comme du
chemin déjà parcouru.
« Chaque élève susceptible de ne pas acquérir les compétences
attendues dans la mise en œuvre du socle commun doit bénéficier du
programme personnalisé. » Chacun d’entre nous sait que de nombreux
Brigitte Jaffry
Professeure des écoles à Par is
L’évaluation
Chaque année, l’Apféé évalue le dispositif « Coup de Pouce »
(questionnaires aux directeurs, enseignants, accompagnateurs,
parents, élèves) et l’Éducation nationale évalue les dispositifs ALEM et
AFM.6 (tableaux de départ et d’arrivée). Des visites de site sont aussi
systématiquement effectuées.
Chrystelle Muniglia-Raynal
Coordonnatr ice RRS, M ission académique à
l'éducation pr ior itaire de Par is (MAEP)
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Tous les matins, pendant une dizaine de minutes, des élèves volontaires
lisent ce qu’ils ont écrit. Leur lecture permet de créer des échanges et
de poursuivre la réflexion et la mise en mots de ce qui a été appris,
ce qui a été compris, la manière dont on s’y est pris, etc. Suite à ces
échanges, les élèves disposent de cinq minutes pour améliorer leur écrit,
si possible en utilisant un stylo d’une autre couleur, afin de distinguer ce
qui a été ajouté, supprimé, modifié de ce qui avait été écrit auparavant.
Il faut donc prévoir chaque jour trente minutes consacrées au journal
des apprentissages.
1 Quelques articles de Jacques Crinon ayant pour
sujet le journal des apprentissages :
• Jacques Crinon, Alain Maillard et Annie Cabrera, « Des élèves tiennent le journal de
leurs apprentissages », Cahiers pédagogiques n° 388-389, novembre-décembre 2000.
• Jacques Crinon, « Écrire le journal de ses apprentissages », in Jean-
Charles Chabanne et Dominique Bucheton, Parler et écrire pour penser,
apprendre et se construire : l’écrit et l’oral réflexifs, Puf, 2002.
• Jacques Crinon « Le journal des apprentissages », Échec à l’échec, 160, mars 2003.
Les écrits peuvent prendre différentes formes : texte, dessins, schémas, etc.
9. Colloque
des 25 et 26
octobre 2010
Des une écriture mathématique
témoignages
lors des un dessin
ateliers
un schéma
9.9. Aider dans
la classe : le Le rôle de l’enseignant consiste à porter un regard bienveillant sur ce qui
journal des a été écrit, poser éventuellement des questions pour aider les élèves à
apprentissages
formuler leur pensée et également répondre aux éventuelles questions.
Anne -Cécile
Duffez En revanche, comme il s’agit avant tout d’écrits personnels, j’ai fait le
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Bilan et perspectives
À la fin de l’année scolaire, la plupart des élèves ont progressé : ils ont
développé des compétences métacognitives qui les ont aidés à mieux
percevoir les compétences travaillées tout au long de l’année.
9. Colloque
des 25 et 26
octobre 2010
Des
témoignages
lors des
ateliers
9.9. Aider dans
la classe : le
journal des
apprentissages
Anne -Cécile
Duffez
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
journal des apprentissages est un travail sur les compétences qu’il peut
être aidant.
Cette année, je poursuis l’expérience avec les mêmes élèves que l’an
dernier. Plusieurs autres enseignants de la circonscription de la Goutte
d’Or où j’exerce l’ont mise en place dans leur classe. Un groupe de
travail constitué d’enseignants des premier et second degrés analyse
cette pratique et ses effets, et teste d’autres outils ayant pour but d’aider
Sommaire les élèves à donner davantage de sens à leurs apprentissages. Un des
objectifs de ce groupe de travail est d’adapter la démarche du journal
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Anne-Cécile Duffez
Professeure des écoles à Par is ( X VIII e )
Les grilles d’évaluation que j'utilise ont d’abord pour fonction d’apporter
des ébauches de réponse, des jalons, permettre à chaque élève de
s’impliquer dans sa production et dépasser le « je n’y arrive pas, je
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Cases à cocher
La première grille reprend le principe des cases à cocher et dicte les
Sommaire
gestes à accomplir. Dans le cadre d’une séquence1 en cinquième,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Tableau à compléter
De la même grille, dont j’avais oublié de titrer l’espace à cocher, un élève
a fait une grille à compléter. Cette appropriation personnelle de l’outil
permet, d’une part pour l’élève d’aller plus loin dans la réflexivité sur
1 Cf. l’article « Les compétences en classe entière : poser
des jalons », Cahiers pédagogiques HSN n°20 « Socle commun
et travail par compétences : Balises et boussoles ».
Mélodie Pichon
Professeure de français en collège à Par is.
Un grand interventionnisme
Dans la grande majorité des parents enquêtés, l’accompagnement des
devoirs prend la forme d’une intervention systématique à toutes les
heu... « on regarde ce qu’il y a à faire », vous êtes là, vous regardez avec
lui ?
Patrice : (Sur un ton catégorique, comme si la question allait de soi) Oui,
oui, ah! Oui.
Enquêtrice : D’accord. Et donc comment ça se passe après, il démarre,
vous êtes avec heu… vous êtes assis à côté de lui ou… ?
Patrice : Ben non, ben non, on le laisse faire, on le laisse faire, une fois
qu’il finit, il nous appelle et on vérifie.
Loïc : Et des fois, je t’appelle quand j’ai pas compris.
Patrice : Voilà, aussi, oui. Quand il ne comprend pas un exercice.
2 cf. Patrick Rayou, Faire ses devoirs, Enjeux cognitifs et sociaux d'une
pratique ordinaire, Presses Universitaires de Rennes, 2009.
Laurence : Si c’est bien, c’est bien, et si c’est pas bien, ben il refait.
Patrice : Bon alors voilà, s’il sait pas, à ce moment-là, on l’aide
automatiquement, hein? S’il a pas compris, on essaie de comprendre,
jusqu’à ce qu’il ait fait l’exercice de toute façon.
Laurence : On surveille ce qui a été fait.
Enquêtrice : Et à ce moment, vous vous asseyez à côté de lui ?
Sommaire Patrice : Ben oui.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Le système décrit ici est typique de celui mis en œuvre dans la grande
9. Colloque majorité des familles de notre enquête, à la différence près que, le plus
des 25 et 26
octobre 2010 souvent, les devoirs ne sont pas réalisés dans la chambre de l’enfant,
Des quand celle-ci existe, mais plutôt dans les parties communes (cuisine,
témoignages salle à manger, salon). L’ancrage des devoirs au sein des espaces
lors des collectifs n’est pas anodin, d’autant plus que nous avons pu mesurer, par
ateliers ailleurs, le soin pris par les parents pour aménager à l’intérieur de leur
foyer des espaces dédiés à la scolarité. L’ancrage des devoirs dans les
9.11. Du côté des
familles : quelle espaces collectifs du foyer rend compte de l’ampleur des mobilisations
aide aux devoirs ? familiales pour l’école en même temps qu’elle en souligne les limites,
Séverine Kakpo puisqu’elle agit comme l’indice d’une sorte de rendez-vous manqué
avec l’autonomie attendue par l’école.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
mère, et avec nous, dans l’espoir d’obtenir quelque aide pour remplir sa
fiche :
Samira : Maman, je comprends pas ! (Lisant la consigne) : « Utilise des
couleurs pour regrouper les informations de chaque ». De chaque quoi ?
De chaque homme préhistorique… ? Je ne comprends pas.
Radia l’écoute en souriant, mais n’intervient pas.
Samira : L’australopithèque, il a vécu à cette période d’années et je
comprends pas…
Radia : Mais c’est un contrôle ! On va pas tricher ! Tu relis, tu relis la
question, tu relis jusqu’à ce que…
Samira : (S’adressant à l’enquêtrice) « Homo sapiens », c’est ici… ?
passe par une certaine forme d’incertitude et que cette incertitude sert
la construction de certitudes. Tous affichent leur volonté de ne pas
perturber la distribution des rôles et des responsabilités dans le jeu
didactique construit par les enseignants. Ils sont d’ailleurs nombreux
à déplorer la faible autonomie de leurs enfants, c’est le cas de Rachida
Ouazani qui constate le net fléchissement des résultats de sa fille (6e)
depuis qu’elle est tombée malade3 et qu’elle a moins de temps et
d’énergie à consacrer au suivi de son travail :
Rachida : Pour le travail, il faut que je sois toujours derrière elle ! […] Je
dis il faut qu’elle prenne, comme on dit, sa responsabilité, quand même
un petit peu. Faut qu’elle compte sur elle, elle compte pas toujours
sur moi. Voyez l’exemple, là, les trois mois que j’étais malade, voilà les
résultats. Parce qu’avant, moi, je lui dis avant, à chaque fois qu’elle
ramène une bonne note, premier trimestre, je lui dis : « C’est moi qui ai
3 Rachida a découvert trois mois plus tôt qu’elle souffrait d’un cancer du sein.
travaillé, c’est pas toi ». Elle me dit : « Oh, arrête, arrête, maman ! C’est
9. Colloque moi que je fais ! » Alors, là, la preuve, voilà, quand j’ai pas travaillé avec
des 25 et 26
octobre 2010 elle, la preuve voilà !
Des Rachida pointe, non sans acuité, les limites de l’accompagnement qu’elle
témoignages dispense, puisqu’elle s’attribue le mérite des bonnes notes que Samira a
lors des pu récolter au premier trimestre et voit dans la chute des résultats de sa
ateliers fille aussi bien les conséquences de sa moindre disponibilité que l’indice
9.11. Du côté des de son très faible degré d’autonomie.
familles : quelle
aide aux devoirs ? Un travail « bien fait »
Séverine Kakpo
En dépit d’une relative intériorisation des attentes de l’école en matière
d’autonomie, c’est la nécessité de faire produire « bien » qui prime,
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
aux yeux des parents, plutôt que celle de faire produire « seul » les
commandes scolaires. Si cette nécessité s’impose avec autant de force,
c’est pour des raisons qui touchent aussi bien à la conception que les
parents se font des devoirs et de leur rôle, qu’aux enjeux éducatifs et
sociaux qui s’attachent à leur traitement. Si les devoirs doivent être
« bien faits », c’est d’abord parce que les parents croient en leur potentiel
d’efficacité et qu’ils se considèrent comme garants de l’appropriation
des savoirs qui circulent entre école et maison. Plus leurs enfants vont
Sommaire
rencontrer des difficultés pour faire leurs devoirs, plus ils vont donc
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
9. Colloque 9.12.L’accompagnement
des 25 et 26
octobre 2010 en lycée, sur le terrain
Des
témoignages Françoise Colsaët
lors des
ateliers L'accompagnement personnalisé désigne désormais un dispositif
institutionnel au lycée. Comment l'insérer dans l'existant, faire
avec les moyens du bord pour élaborer un fonctionnement
nouveau, imaginer d'autres possibles ? Qu'est-ce qui doit
relever de l'initiative des acteurs, d'un cadrage national ?
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Des interrogations
9. Colloque
des 25 et 26 Les textes demandent de répondre aux attentes et aux besoins de
octobre 2010 chaque élève. Dans nos pratiques actuelles, le repérage des besoins
Des est très imparfait, seulement étayé par les évaluations disciplinaires de
témoignages quelques-uns d’entre nous, et par les entretiens avec les élèves que nous
lors des faisons dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. Il ne permet
ateliers certainement pas d’identifier de façon assez fine les besoins.
9.12. L’accompa- De plus, on peut s’interroger sur les attentes des élèves : les élèves
gnement en ly-
cée, sur le terrain ne sont pas demandeurs à priori, et ces deux heures « en plus » sont
Françoise Colsaët au mieux acceptées, au pire subies... À la rentrée, les élèves, tout en
appréciant les entretiens qui leur permettent d’être pris en compte
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Françoise Colsaët
Professeure de mathématiques en lycée à Cavaillon ( Vaucluse)
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
dans le projet ;
• Un lieu d’accueil consacré à l’Espace coaching. Aujourd’hui, ce
lieu est identifié par la plupart des élèves comme un lieu refuge
chaleureux. Il est aménagé de telle sorte qu’il ne ressemble pas à
une classe : des tables et non des bureaux, rangées en rond, un
espace café, un espace ordinateur. Ceux qui y viennent relèvent
d’une sanction exclusion / inclusion temporaire, de difficultés scolaires
méthodologiques ou cognitives signalées par le professeur principal,
Sommaire
d'un absentéisme perlé ; d'autres sont en recherche d'un stage, ou
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
leurs résultats et leurs comportements ; les effets sur les élèves et les
personnels, les effets sur les parents.
Après avoir défini les critères et les indicateurs (amélioration des
résultats, de la fréquentation scolaire), l’équipe s’est attachée à faire une
enquête, à la fois quantitative par l’observation des chiffres statistiques
donnés par la CPE, et qualitative par l’écoute et l’observation informelle
des dires des enseignants, des dires des élèves et des retours des
parents.
Mais tout cela demande beaucoup de temps. Si l’équipe semble avoir
compris les bienfaits de l’évaluation sur le changement des pratiques,
elle commence, cette année seulement, l’enquête. Il leur a semblé
plus important pendant ces quatre ans de répondre aux problèmes
immédiats. Comment faire du soutien qui ne soit pas que répétition ?
Comment être à l’écoute de ces jeunes quand ils arrivent et quand ils
9. Colloque partent de l’Espace ?
des 25 et 26
octobre 2010 Évaluation de l’expérimentation en
Deux termes de « forces/faiblesses »
contributions
de Ce qui s’observe, c’est que les élèves viennent spontanément
participantes demander de l’aide pédagogique en soutien. Ils ont compris que leurs
comportements inadéquats en classe dépendent de leurs lacunes
9.13. Accompa-
scolaires, que ces lacunes ne sont pas stigmatisées et stigmatisantes,
gner en dehors
de la classe que l’Espace coaching est un lieu d’aide pour retrouver l’estime de
Roxane soi et tenter de pallier ces lacunes ou comportements inadéquats. La
Caty-Leslé qualité de l’écoute et de l’accueil détermine une posture idoine chez les
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Roxane Caty-Leslé
Accompagnatr ice en expér imentation au Pasie de l'académie de Lyon
l'Espace coaching
Logo de
« bon niveau ». L’une des deux était très participante, et pourtant elle
9. Colloque est arrivée tardivement, car les parents étaient réticents : « Pourquoi ma
des 25 et 26
octobre 2010 fille ? Elle est une bonne élève ! ».
Deux À la veille des vacances de la Toussaint, ces derniers ont été retirés du
contributions groupe, huit autres élèves de cette classe ayant été détectés par leur
de professeur comme ayant besoin d’aide, de soutien, d’accompagnement…
participantes Nous n’avions aucune possibilité de savoir quels étaient ces besoins,
9.14. On a pris quelles étaient les motivations des professeurs qui les envoyaient. Et
le temps… nous devions retravailler sur l’accueil et le sens de l’accompagnement
Geneviève Pezeu personnalisé auprès des « nouveaux élèves » avant de pouvoir répondre
aux besoins qu’ils allaient devoir exprimer eux-mêmes.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Geneviève Pezeu
Professeure d'histoire - géographie en lycée à Évr y (Essonne)
lien qu’il faut tenter de trouver le sens des évolutions en cours dans le
9. Colloque domaine de l’éducation et de la pédagogie, évolutions qui dépassent le
des 25 et 26
octobre 2010 territoire national et questionnent, bien au-delà de l’école française, la
Lecture finale plupart des pays riches ou en voie de le devenir.
du colloque De quoi s’agit-il ?
De rien moins qu’un changement de paradigme pédagogique
que certains peuvent interpréter comme une fin de la pédagogie
9.15. L’accom-
pagnement : différenciée1 – en tant que tentative pour introduire dans les pratiques
vecteur de quotidiennes des exigences liées à l’égalité des droits à l’éducation – ou
transformation
que l’on peut considérer, au contraire, comme une résurgence de cette
de l’école ?
tentative, reconfigurée dans un contexte nouveau, celui de la « société
Françoise Clerc
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
scolarité.
envies, d’un horizon des études encore flou, et donc impose la nécessité
d’une aide à la réflexion et à la prise de conscience, d’un recours pour
trouver un appui fiable en cas de désarroi, d’un regard positif pour
encourager. La logique des parcours est tout le contraire de l’approche
volontariste du projet. C’est pourquoi elle ne peut prendre sens que dans
un réaménagement des curriculums4. Ils doivent devenir plus souples
(des cycles véritables que l’on peut parcourir de façons différentes
sans avoir à redoubler, une semestrialisation et une modularisation au
lycée5), plus perméables (au lycée, des réorientations facilitées), moins
d’évaluations sommatives et plus d’évaluations capables d’aider au
pilotage des apprentissages et des actions pédagogiques, des examens
qui tiennent compte des compétences acquises, y compris lorsqu’elles
ne l’ont pas été dans les enseignements académiques (par exemple, par
4 On pourrait traduire ce mot par « parcours scolaires » (NDLR).
5 « Le Livre blanc pour le lycée de demain », Colloque 2009,
Éducation & Devenir. En vente sur le site d'Éducation & Devenir.
Même un élève en difficulté sait bien plus que ce qu’il donne à voir à
travers ses productions. Le sens de l’introduction des compétences
indique clairement qu’il convient d’être prudent quant à la valeur des
évaluations et humble quant à leur interprétation.
Troisième conséquence : la question récurrente de « l’autonomie » des
élèves peut aussi être abordée de façon différente. L’autonomie est
relative et correspond à des degrés de maitrise variés, en lien direct
avec la possibilité pour l’élève d’identifier les ressources dont il dispose
(Qu’est-ce que je sais faire à propos de cette tâche ? Quel est le problème
ou la difficulté à vaincre ?), sa capacité à piloter son activité mentale
(Comment puis-je m’y prendre ? Quels sont les moyens pertinents ?), à
contrôler ses productions (Ai-je bien accompli ce qu’on me demandait ?
Le résultat est-il conforme, juste, vérifié… ?) et à anticiper d’autres
usages (Qu’est-ce que j’ai appris ? Dans quelles situations puis-je
réinvestir ce que j’ai appris ?). Il est nécessaire d’induire et guider ce
type de réflexion chez la plupart des élèves, car ils n’ont ni les mots
9. Colloque pour désigner leurs activités mentales, ni une conscience suffisante des
des 25 et 26
octobre 2010 enjeux pour adopter spontanément une attitude métacognitive. C’est là
Lecture finale une indication majeure pour l’accompagnement.
du colloque Quatrième conséquence : il faut ouvrir un chantier didactique portant sur
le lien entre situation d’apprentissage et configuration des compétences.
Personne n’est autonome en toute circonstance. L’autonomie ne peut
9.15. L’accom- se comprendre « qu’en relation avec des classes de situations » où la
pagnement : compétence peut s’exercer. Deux remarques s’imposent à ce sujet.
vecteur de
transformation Lorsque le professeur opère ses choix pédagogiques et conçoit les
de l’école ? situations d’apprentissage, il induit un certain type de compétence.
Françoise Clerc L’évaluation mesure donc au moins autant la pertinence des choix
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
d’être développées.
dans lesquelles s’exerce le travail. S’il existe des compromis plus adaptés
9. Colloque que d’autres, des façons de faire plus souhaitables que d’autres au
des 25 et 26
octobre 2010 regard des valeurs éducatives, il n’en reste pas moins que les critères tels
Lecture finale que l’efficacité ou la pertinence par rapport aux besoins des élèves sont
du colloque difficilement objectivables et font rarement l’objet d’un accord de tous
les professionnels. Impossible donc de « démontrer » à un enseignant
qu’il a tort et qu’il doit changer. Loin de l’injonction à changer, c’est donc
dans une évolution du fonctionnement des établissements que réside
9.15. L’accom-
pagnement : le vrai levier de la transformation.
vecteur de
transformation En outre, la volonté de réformer serait mieux comprise si elle prenait
de l’école ? appui sur des évaluations des politiques éducatives donnant une
Françoise Clerc image fiable des objets sur lesquelles elles portent, pertinentes par
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
et les plus forts mesurés par PISA sont inquiétants. On peut donc penser
que les politiques antérieures (compensation, d’éducation prioritaire,
etc.) ont relativement échoué. Il est urgent de s’emparer d’une nouvelle
façon d’envisager les missions de l’école.
D’abord, il s’agit de mettre « les équipes » au centre de toute évolution
et leur donner les moyens de leur fonctionnement (un coordonnateur
déchargé, des plages de concertation). Car il n’y a pas d’accompagnement
efficace sans analyse collective des projets et des ressources des élèves,
sans un impact sur l’ensemble des pratiques pédagogiques et la vie de
l’établissement ; pas d’accompagnement réellement éducatif sans une
régulation collective des interventions de chacun. L’accompagnement
ne peut se concevoir comme l’agrégation d’initiatives individuelles, mais
bien comme une politique d’établissement, coordonnée par le conseil
pédagogique (ou le conseil d’école), figurant au projet voté par le
conseil d’administration, évaluée avec lui.
Sommaire
Françoise Clerc
Professeure émér ite en sciences de l ’éducation
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner
Aider et
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
accompagner
les élèves,
dans et hors
l'école
HSN n° 22 Ce hors-série numérique est placé sous le régime de licence Creative Commons avec un droit de
reproduction à condition de mentionner l’auteur original (le CRAP-Cahiers pédagogiques), de n’en
octobre 2010
février 2011 faire aucune utilisation commerciale et de respecter les deux premières
65e année conditions pour toute publication incluant tout ou partie de ce document.
7 € - 14 € - 21 €
Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
Sommaire
D os sier co ordonné par Sylvie Grau
Au lycée général et technologique
Comment aider les lycéens à retrouver le sens des
49
Guy Sonnois
La solitude du grimpeur face à la paroi 52
Bernard Hoarau
Accompagner les élèves : entre guidage
Éditorial de Sylvie Grau 3 étroit et construction de l’autonomie 54
Sylvette Rascle
L’accompagnement, une notion utile
pour l’école ? 4
Dans le supérieur 56
Les Entretiens de la liberté : un accompagnement
Penser la relation d’accompagnement : ses enjeux
numérique encore peu attractif 56
dans le champ de l’éducation 4 Anaïs Théviot
Maëla Paul
La lutte contre le décrochage à l’université 58
Vers une clinique de l’accompagnement ? 8 Laurence Pérennès
Martine Lani-Bayle
Pistes pour un accompagnement Quelle place pour les parents, les associations ? 60
éducatif utile 11 Ma fille a un problème avec les consignes… 60
Jean-Michel Zakhartchouk Sylvie Grau
Quoi de neuf à la rentrée 2010 ? 13 Une association efficace pour renouer
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Quelques précisions de forme en ouverture de ce hors-série de Anaïs Théviot, une organisation différente à la fois du
numérique des Cahiers pédagogiques : la version dont vous contenu et de la didactique des cours qui semble avoir
disposez est la seconde édition d’une publication parue convaincu Sylvette Rascle, Bernard Hoarau ou Jean-Paul
début octobre 2010, enrichie à la suite du colloque que le Vaubourg. L’accompagnement demande de réinterroger
CRAP-Cahiers pédagogiques a organisé les 25 et 26 octobre l’évaluation, ce que propose Benoît Becquart qui propose
2010 à Paris, sur ce même thème Aider et accompagner les des exemples de pratiques amenant l’élève à analyser son
élèves, dans et hors l’école. Nos lecteurs disposent ainsi, en parcours d’apprentissage. L’accompagnement est une
dernière partie, des textes des conférences de Jean Hous- affaire d’équipe. Charlotte Menet nous le rappelle en pré-
saye et de Jean-Paul Delahaye, des interventions lors des cisant comment l’enseignant spécialisé peut travailler dans
tables rondes d’André Ouzoulias et de Mina Puutsinen, et hors la classe en fonction des besoins de chaque élève.
de témoignages issus des ateliers et de l’intervention de Les parents ne sont pas exclus de ce chemin à parcourir
clôture de Françoise Clerc. ensemble, ce sont eux qui vont payer à prix d’or cours
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
L’accompagnement, une
notion utile pour l’école ?
« se rapprocher de, aller à la rencontre » – et non forcer les une existence. On lui accorde une évolution, mais passive.
choses à arriver. On le considère plus comme subissant que comme agis-
sant. On lui refuse une part active dans l’élaboration de son
L’accompagnement comme fruit d’une existence tout en le sommant de s’en sentir responsable.
nouvelle politique sociale On le soumet à une injonction de changement alors qu’on
C’est au cours des années 1990 que s’est propagée la notion le définit par l’immuabilité.
d’accompagnement dans tous les secteurs de la relation Autrement dit, on se trouve ici dans la tension entre deux
autrui (travail social, éducation, insertion, orientation…), conceptions anthropologiques. L’une considère que la
mais aussi dans les secteurs de la relation marchande personne est prise dans une histoire, dans « son » monde, à
comme ceux des banques qui sont « toujours là pour vous quoi elle ne cesse d’adhérer, d’où elle ne peut s’extraire et
accompagner ». C’est dans un contexte où le fait d’être où elle s’épuise. La seconde conçoit que l’existence rejaillit
fils d’agriculteur n’oblige plus à « reprendre la ferme » de tout ce qui fait rupture du sens, de toute brisure ou
et à devenir soi-même agriculteur, où nous ne sommes effondrement de la continuité, autrement dit des crises,
plus uniquement déterminés par notre naissance qu’on mais également des rencontres (qui ne sont pas de simples
a recours à l’accompagnement. Désormais chacun doit face à face où il ne se passe rien).
« faire » quelque chose de sa vie. Il en est responsable. C’est
de l’ordre du devoir. La liberté d’être capable d’infléchir le Acteurs et auteurs, l’un et l’autre
cours de sa vie est une injonction. L’accompagnement participe ainsi d’un changement de
L’accompagnement s’inscrit ainsi dans une nouvelle paradigme : déplacement « alternatif » de l’attention5 d’un
logique sociale à dimension pédagogique forte, consistant cadre de référence externe (le résultat à atteindre, le chan-
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
à agir « au plus près » de la personne, se tenir « à côté » gement visé) à un cadre de référence interne (l’apprentis-
pour cheminer « avec » elle, personnaliser les actions. Mais sage initié et les compétences développées à l’occasion du
si le mot d’ordre est de « ne pas se substituer à autrui », projet, la transformation ou l’évolution en jeu).
ces démarches n’ont pas d’autre visée que de pourvoir un Développer une compétence grâce à un projet suppose
« individu acteur », autrement dit capable de se prendre concrètement d’avancer d’abord avec ce qui est disponible,
en main, et non plus de peser sur la collectivité. S’il s’agit de vérifier « avec » la personne concernée autant de fois que
d’inciter à agir, c’est pour impliquer et responsabiliser. nécessaire les processus à nourrir, développer, susciter, de
ne pas se focaliser uniquement sur le but à atteindre pour
Entre une logique de contrat et une
développer une attention soutenue à ce qui se joue dans
logique de coopération
l’ici et maintenant de la relation.
L’accompagnement se trouve ainsi en tension entre deux
modalités interpersonnelles : entre une « logique de On peut donc reconnaitre à l’accompagnement une double
contrat » et une « logique de coopération »4. Le contrat tire visée : une visée productive qui doit produire des résultats
du côté du juridique, de la logique marchande. Il cherche et une visée constructive qui participe de la construction
la neutralité des rapports et a pour objet de garantir que de la personne. C’est à ce prix que la démarche d’accompa-
tout projet sera socialement acceptable. La coopération, gnement n’est plus celle de l’expert « supposé savoir », mais
procédant d’une logique du cheminement, de l’incertitude devient une co-création active et commune, une avancée
acceptée, de la complexité et de l’aventure partagée, est « concertée et concertante » où les deux sont acteurs dans
du côté du lien, de la co-construction, mais aussi de la l’interaction.
singularité. Puisque c’est cette capacité à être en relation avec l’autre
On a donc tout intérêt à réinterroger les principes huma- qui est première, il s’agit, pour l’accompagnant, non seu-
nistes qui seraient censés promouvoir l’accompagnement. lement de savoir instaurer, développer, clore une relation,
En effet, l’action institutionnelle qui encadre l’accom- recueillir dans tout ce qui surgit au sein de l’interaction
pagnement, désormais institué en dispositifs, se trouve ce qui enrichira le cheminement, mais également d’être en
paramétrée par une « dimension politique » à forte teneur capacité d’être là « avec » l’autre. Pour que la relation ne se
administrative, dotée de nouveaux outils que les institu- situe ni dans l’assistance, ni dans le pouvoir, autrement dit
tions doivent mettre en place (projets, évaluations, etc.) et pour être structurante et non mutilante, elle doit mobiliser
par une « dimension juridique » dans laquelle apparait la le sentiment réciproque de « pouvoir être soi-même sous le
formule de « la personne au centre ». Que peut signifier ce regard d’un autre » – et non devoir répondre à ses attentes
« centre » dans une société décentrée par excellence sinon (formulées ou attribuées) ou à s’en défendre. Seule cette
effectivement un transfert de responsabilité de la sphère présence met en chemin vers une relation dans laquelle il
collective à la sphère individuelle ? est possible de soutenir comme de confronter, de proposer
comme de s’opposer.
Quand on entend dire que celui qu’on accompagne est une
« personne », on est en droit de se demander la concep- Il revient ainsi à l’accompagnant (enseignant, formateur
tion que l’on a de cette personne tellement on l’affuble ou autre) d’être en capacité de jouer plusieurs rôles. D’un
de déficits ! Décrit en termes de dysfonctionnements ou côté, être le garant de la loi par laquelle opère ni plus ni
de conditionnements culturels ou environnementaux, on moins l’insertion de l’humain dans l’ordre de l’humain via
lui refuse en fait nombre de caractères reconnus comme une médiation institutionnelle au nom de laquelle il exerce
constitutifs de la personne. Il est certes un peu de tout cela, sa fonction ; être responsable de la mission qui lui a été
mais en occultant la dimension existentielle, c’est-à-dire la confiée et de la dimension opérationnelle de celle-ci. De
manière dont il va utiliser ces données pour faire de sa vie l’autre, être investi en tant que personne dans la relation,
partie prenante d’une aventure dans laquelle il s’engage
4 Pascal Nicolas-Le Strat, L'Implication, une nouvelle
base de l'intervention sociale, L'Harmattan, 1996. 5 Et non pas déplacement de l’un au profit de l’autre.
Reproduction autorisée. - Mention obligatoire
de l’auteur et du CRAP-Cahiers pédagogiques
Utilisation commerciale interdite. Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 5
Creative Commons
Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
totalement parce qu’il a la conviction qu’il peut se passer pagnement se constitueraient alors comme « pratiques
quelque chose sans jamais savoir si la chose se passera ni habilitantes » (Butler, 2004), c’est-à-dire des pratiques qui
où, quand et comment. Par conséquent, on doit pouvoir augmentent notre pouvoir d’agir.
rencontrer des personnes (qui cherchent, doutent et se Tout ceci ne va pas sans remaniement des modalités de
questionnent) et non des absolus abstraits ou des agents du partage des pouvoirs dans les institutions. Tout ceci ne
système, car seul cet investissement fait de la relation autre s’invente pas et ne se suffit pas de « bonnes intentions » :
chose qu’un simulacre. cela s’apprend, et surtout cela s’apprend « les uns avec les
autres », ce qui suppose aussi de contribuer à la construction
L’accompagnement comme nouvel apprentissage collectif
d’environnements porteurs et protecteurs de ces nouveaux
Tout est réuni pour que l’accompagnement participe d’une apprentissages. Car il n’y a pas d’accompagnement sans un
nouvelle violence : changement de posture, pas d’accompagnement sans un
• « Violence institutionnelle » : tant que l’institué pré- nouveau mode de relation, pas d’accompagnement sans
vaut sur l’instituant, car seul l’instituant peut offrir apprentissage du dialogue et de la coopération.
un cadre à la rencontre et à de nouvelles modalités On ne peut concevoir l’accompagnement que sur la base
relationnelles. d’une relation où aucun des acteurs n’essaie pas de dominer
• « Violence structurelle » : liée à la conception de l’ac- l’autre, de prendre la place de l’autre (même si un statut de
compagnement en dispositif. garant du projet de travail est attribué à l’un d’eux), une
• « Violence symbolique » : dès lors qu’accompagner relation de complémentarité dans laquelle la différence
s’inscrit dans des injonctions d’autonomisation et de de l’autre est perçue comme un enrichissement pour le
responsabilisation comme mécanismes de régulation travail, et sur la base d’une relation de partage : partage
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
sociale, et non plus fruit de la maturation. de la décision à prendre, partage du pouvoir, partage des
• « Violence éthique » : dès lors que cette injonction responsabilités.
fait obstacle à l’authenticité d’une posture et au lien Il revient donc « à chacun » de choisir à quel monde il
interpersonnel. souhaite contribuer, et de réfléchir « collectivement » à
À tout instant, ces dispositifs peuvent opérer comme quoi ces pratiques contribuent. Soit effectivement le
facteur d’instrumentalisation de l’engagement subjectif6. pouvoir s’avance masqué et prolifère en tant que contrôle,
Car soit ils jouent comme forme de captation de l’activité injonction, prescription sous des formes relationnelles et
subjective et constituent alors une forme renouvelée de la communicationnelles dont fait partie l’accompagnement.
domination, soit ils contribuent à construire le sens per- Soit ces nouvelles formes ont un potentiel d’engendre-
sonnel et collectif de l’activité sociale et participent alors ment d’une société se risquant à dynamiser des formes de
de l’émancipation. C’est là qu’on évalue « l’extraordinaire dialogue et de coopération. L’accompagnement s’inscrit
réversibilité des formes contemporaines du pouvoir » (id). dans un contexte de contraintes qui peut donc être source
Et c’est bien là l’enjeu principal de la posture d’accompa- d’opportunités. Personne ne peut rester à l’écart d’une telle
gnement : la reconsidération de l’autre n’est naturellement orientation. C’est tout un système qui est réinterrogé.
pas sans conséquence, puisque ces dispositifs d’accom-
Maela Paul
Formatrice – Consultante auprès des
6 Philippe Zarifian, À quoi sert le travail ?, La Dispute, 2003
professionnels de l’accompagnement de tout
secteur. Praticienne-chercheure, associée
laboratoire du CREN, université de Nantes
Accompagnement et autorité
Si nous avons quelques résistances à penser autorité et
accompagnement, c’est que nous confondons potestas
et auctoritas. Or la première renvoie au pouvoir légal
attribué par la fonction, le grade ou le statut, pouvoir
qui confère de prendre des décisions, d'exiger et d'exer-
cer cette fonction dans un cadre institutionnellement Quelle proximité entre accompagnant
défini. La seconde émane de la personne dont elle et accompagné ?
désigne l'influence, l'ascendant, le rayonnement. Elle
Toute relation comprend fondamentalement deux
correspond plus ou moins au sentiment de cohérence
éléments : le lien et le rapport. Ces deux éléments ren-
dégagé par une personne entre ce qu'elle dit, ce qu'elle
voient à deux modes de socialité. Le lien est du côté de
fait et ce qu'elle est.
la socialité primaire dont le type est le lien par voisinage,
Derrière l'idée d'auctoritas se trouve l'idée de puissance par proximité et affinités, quand le rapport renvoie à la
et d’auctor, autrement dit l'auteur1, « celui qui accroit, socialité secondaire dont le type est le mode marchand
qui fait pousser ». Aliquem augere (qui pourrait se situer
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Vers une clinique de Cette origine a donné lieu en France, à partir de 1719, au
« compagnonnage », nom donné au temps du stage profes-
sionnel d’un compagnon chez son maitre puis désignant, de
l’accompagnement ? façon plus large, un groupement d’entraide, de protection,
d’éducation, de transmission de connaissances. Le versus,
Martine Lani-Bayle en quelque sorte, de l’instruction. Le « modèle » de ce type
de compagnonnage est celui des prestigieux et toujours
actuels « Compagnons du Devoir du Tour de France ».
Par le rapprochement entre la clinique et Retrouve-t-on quelque inspiration de ces origines dans
l’accompagnement, l’auteure nous montre comment l’actuel éclatement des pratiques d’accompagnement
enseigner peut se concevoir autrement que suivant que l’on peut repérer aujourd’hui, toutes tributaires de
la représentation la plus répandue, la transmission. contextes variés, et jusqu’à parler de leur « saturation
Réinterroger la relation enseignant-enseigné serait sémantique » (Éducation permanente, 2002) ? Deviennent-
un préalable à toute mise en place de dispositifs elles, comme le suggère Gaston Pineau, des parangons de
visant à accompagner l’élève.
la formation ? Dans ce kaléidoscope, on repère les mots
de transmission, transition, validation, un renvoi pour
certain vers des valeurs éthiques ou cliniques dont nous
allons parler ensuite, mais aussi des dérives technicistes
« Quelques termes anciens comme « maitre » ou « directeur ou volontaristes, dans lesquelles l’autre, l’accompagné,
spirituel » perdurent (revisités) aux côtés de ceux de la mo- reste classiquement sommé d’appliquer ce qui lui est dit ou
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dernité : « coach, tuteur de résilience, médiateur, auditeur » montré (conseillé…) de faire, sous couvert acceptable…
(accompagnement du changement dans les organisations), Quoi qu’il en soit, ce concept qui, au sens le plus proche de
« maitre-accompagnateur » ou « expert-accompagnateur ». son étymologie, chemine bien avec celui de formation dans
Mais les termes anciens qui puisent leur légitimité dans la son aspect anthropologique, permet dès lors d’envisager
verticalité et donc la filiation, notamment celle du savoir et une vie au processus de formation des adultes, et c’est bien
de l’interdit (des pères réels ou symboliques) ont perdu en là qu’il est le plus ouvertement à l’œuvre, glissant même
force et en nombre à côté de ceux liés à « l’accompagnement depuis peu vers le monde des étudiants et à l’université.
» proche de l’horizontalité et des pairs, à peine asymétrique,
où celui qui accompagne est le plus souvent supposé être dans Mais nous ne le trouvons encore que rarement dans le
un non-savoir d’où est censé jaillir une co-création, dans monde de l’enfance ou de l’école. Dans École : changer de
l’inter-dit, plutôt que dans l’interdit ». (Marie-Françoise cap ? (2007) qui pourtant, présente des démarches inno-
Bonicel) vantes au vrai sens du terme et donc minoritaires, pour,
comme ils l’indiquent en sous-titre, contribuer à une éduca-
L’idée et la pratique d’accompagnement, ou plutôt et les tion humanisante, c’est-à-dire ne plus privilégier le produit
pratiques, plus exactement, qui font florès depuis quelques sur le processus, il n’est cité dans aucun titre de parties ni
années, surtout en formation d’adultes, et de façons très de chapitres, et rarement dans le texte. Par exemple, page
variées voire parfaitement contradictoires, ne peuvent 167, il est utilisé en tant que « demande d’accompagne-
qu’interroger. La remarque étant analogue du côté de la ment » pour enseignants en difficultés, l’accompagnateur
démarche clinique, quoique plus difficilement acceptée étant alors un tiers extérieur à l’équipe concernée.
voire reconnue, la tentation est grande de voir en quoi ces
deux termes se rapprochent voire se répondent, en tout cas Il apparait en titre d’un chapitre chez Cécile Delannoy
se touchent. Que signifie donc cette soudaine prolifération (2000) : « La qualité de la relation, l’accompagnement du
pour l’un comme pour l’autre de ces termes ? Venue du jeune dans la durée » (pages 143-156). Cette fois donc c’est
monde des adultes, a-t-elle contaminé dans la foulée le le jeune qui est visé, sous forme d’un accompagnement
monde de l’enfance et de l’enseignement ? Accompagner interne tel que l’a défini le psychanalyste Jacques Lévine
sur les chemins du savoir, plutôt que l’apporter-imposer (cf. citation en exergue de cette sous-partie).
tout fait, est-ce possible ? Comment, par quelles démar- J’ai pourtant trouvé ce terme dans une publication plus
ches ? ancienne (1998) à propos de l’adolescence (Christian Phili-
bert et Gérard Wiel), en lien cette fois avec une politique de
Du côté de l’accompagnement projet telle que la propose Jean-Pierre Boutinet. Dans un
« Je n’entends pas ici «accompagnement» au sens d’une cadre d’éducation permanente de l’adolescence au 3e âge,
présence physique […]. Je vise par là une réalité psychi- ils triangulent cette fonction en fonction enseignement, la
que. »1 mieux, sinon la seule prise en compte à l’école ; fonction
Si ces pratiques dites d’accompagnement sont récentes en formation, déjà de bien moindre considération dans la sco-
formation, l’origine de la démarche se perd dans la nuit des larité ; et fonction accompagnement dont la prise en compte
temps, née dans le monde ouvrier et artisan par la culture pourrait rééquilibrer les deux précédentes, permettant de
du geste et de l’œuvre que l’on retrouve dans les légendes respecter trois exigences de la personnalité de l’adolescent
les plus anciennes. L’ainé accompagne son disciple pour en devenir : « recevoir un enseignement, être formé et être
transmettre son art, en cela se construit l’homme articu- accompagné dans le projet de soi » (page 75). Dans ce trip-
lant le travail de la main et de la pensée, qui se développent tyque, la pratique de l’accompagnement consiste à créer
conjointement. Cette activité séculaire est nourrissante : ces « lieux de parole réservés aux adolescents, détachés de
étymologiquement, le compagnon est celui avec qui l’on leurs parents, lieux de vie où l’on s’engage dans sa parole
partage le pain. librement, où l’on ose s’exprimer verbalement, se dire pour
devenir plus vrai d’une parole parlante plus que parlée,
1 Cécile Delannoy, Élèves à problèmes, écoles à solutions ?, ESF, 2000.
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L’accompagnement, une notion utile pour l’école
responsable, qui ouvre l’avenir dans l’évènement d’un dire vigilance et contenance. C’est là que l’accompagnement au
nouveau, inhabituel » (préface de Bernard This au livre de plus proche des personnes prend toute sa valeur.
Claude Bizet, Parler pour exister, Chronique sociale 1993).
Cette autre approche de l’enseignement
L’accompagnement en ce sens accompagne peut-on
est-elle vraiment possible ?
dire l’enseignement et la formation, sans pour autant y
contribuer directement. Déjà, il s’apparente à la démarche « On mesure toute l’exigence de cette posture clinique liée
clinique en tant qu’échange de parole entre sujets. à la mise en œuvre d’un accompagnement éducatif qui ne
saurait faire l’impasse sur la dimension éthique qui fonde
Du côté de la clinique son action. » (Christophe Niewiadomski)
« La clinique [est] une éthique de construction du savoir et Lorsque j’étais en classe de 4e, à ma grande surprise un
de sa transmission. »2 enseignant a procédé à l’envers des habitudes : au lieu de
Ce terme est apparu en médecine, origine qui en perturbe faire la leçon traditionnellement, puis de demander de
toujours l’interprétation actuelle. Il est construit en effet à l’apprendre et de commencer le cours suivant en la faisant
partir de la racine grecque Kline qui signifie « au chevet » et réciter, à l’identique des phrases du cours, cet insolite
évoque l’attitude du médecin qui a besoin, non seulement enseignant nous donnait des billes à l’avance. Car le soir
d’observer ou de palper le malade, mais de l’écouter (sur chez nous, nous n’avions pas à apprendre la leçon précé-
l’origine et le ressenti des malaises, leur contexte…) et ce dente, mais à prendre connaissance de la suivante ! Aussi
afin, non pas encore de soigner, ce qui interviendra dans un arrivions-nous en cours avec des éléments en poche voire
second temps, mais de procéder en amont au diagnostic : des questions, qui nous permettaient d’entrer d’emblée
pour cela, il y a nécessité de croisement, par le biais du en voie dialoguante avec le professeur qui dès lors, n’était
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langage, entre les savoirs médicaux distanciés et les savoirs plus le seul détenteur des savoirs puisqu’il nous y avait
de vie incarnés du malade. Cette co-construction s’élabore donné accès avant. Résultat : à la fin d’une séance active
sans position surplombante des premiers sur les deuxiè- d’échanges, nous savions la leçon sans avoir eu besoin de
mes, mais avec des positions différenciées, afin de produire l’apprendre. Dire qu’il se posait ainsi en accompagnateur
une troisième sorte de savoirs qu’aucun – le malade mais de notre construction de savoirs ?
aussi le médecin – ne pourrait construire seul et sans tenir Plus tard, j’ai donné des cours particuliers de mathéma-
compte de ce que l’autre sait. C’est en tout cas la base de tiques, physique et chimie tous niveaux, soit de la 6e à la
signification retenue pour l’usage de cette démarche dialo- terminale. Autant dire que j’ai vite expérimenté le principe
guée-dialoguante, c’est-à-dire dialogique. du « maitre ignorant », sans connaitre encore Jacotot (cf.
Si nous oublions maintenant le côté médical, nous voyons Rancière 1987) : non seulement j’étais interpellée sur des
combien ce modèle s’applique à la lettre aux objectifs de points de programme choisis par les élèves en fonction de
la posture d’accompagnement présentée plus haut. Et l’on ce sur quoi ils avaient buté – et je ne le savais pas à l’avance,
voit combien il peut se prêter aux objectifs d’enseignement- donc je n’avais pas la possibilité de préparer ou réviser (ce
apprentissage, car il s’agit, à la base, d’une forme d’écoute qui les étonnait, ils pensaient qu’un professeur ne pouvait
attentive impliquée et impliquante qui vise à la formation enseigner qu’après préparation et qu’on ne pouvait le sor-
d’un savoir nouveau à la faveur d’une relation question- tir de son sujet du jour impunément) ; mais aussi, surtout
nante interactive entre deux ou plusieurs personnes. Un en mathématiques, il m’arrivait d’être sollicitée sur des
savoir issu d’un mouvement de conscientisation partagée thèmes que je n’avais jamais vus, suite aux changements
et qui serait différent dans toute autre circonstance. Un de programmes. Or je ne pouvais me permettre de laisser
savoir où chacun a besoin de l’autre pour sortir d’un état mes élèves en rade, leur faire attendre la séance suivante
d’ignorance relative, un savoir qui n’aurait pu s’élaborer pour que j’aie eu le temps d’apprendre/tester ce qu’ils me
chacun de son côté et dont la constitution est l’objectif de demandaient de leur enseigner : ils en avaient besoin tout
la mise en place de cet échange. de suite. Donc bien souvent, j’étais en situation d’ensei-
gner un programme que je ne connaissais pas, ou que je ne
En formation, la démarche clinique est intéressante dans
maitrisais pas ou mal. Beau challenge.
la mesure où elle est au plus proche du vécu des situations
étudiées (elle sert ainsi la professionnalisation) et se montre Seule méthode pour faire face : la bascule, c’est-à-dire
en soi productrice de savoirs. Elle est également adaptable demander aux élèves, qui, eux, avaient suivi le cours leur
dans l’enseignement dès les tout premiers niveaux. Il arrive ayant posé problème – même s’ils l’avaient mal saisi –, et
même qu’elle y prenne place spontanément, par moments, avaient ainsi une bonne longueur d’avance, de le reprendre
sans être toujours pensée ni nommée ainsi. Très exigeante avec moi. Je les mettais donc en situation d’enseignant :
car sensible, elle présente pourtant de nombreuses limi- ils me faisaient la leçon, suivant pour cela leur manuel et/
tes, notamment sonores, quand le groupe d’apprenants ou leurs notes de cours. Et en arrivant vers les endroits
est nombreux, son vecteur privilégié étant l’échange de délicats pour eux, je leur demandais de m’expliquer ce
paroles ; limites également du fait de son imprévisibilité qu’ils n’avaient pas compris, de refaire le chemin, et nous
(elle est la hantise de tout « plan de cours »). Par ailleurs essayions ensemble de dépasser la difficulté. En général, ils
en tant que démarche pédagogique ouverte et accueillante, y arrivaient assez bien sans que j’aie beaucoup à intervenir,
si elle a tendance à renforcer et valoriser la personne dans et sans même s’en rendre compte sur le coup. Ce qui était
son estime propre, elle peut tout autant se montrer propice encore plus efficace. Ils n’étaient plus le mauvais élève,
au réveil des failles des plus fragiles et nécessite à ce titre mais l’enseignant et donc, envisageaient la question bien
autrement. Et moi, moins je connaissais tel point du pro-
gramme, plus il m’interpellait : j’étais ainsi bon public et
en écho, ils se transcendaient. J’ai d’ailleurs vite réalisé que
2 Mireille Cifali, Mariette Théberge et Michelle Bourassa (dir.), j’étais meilleure pour accompagner ces points qui m’inté-
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
ressaient-intriguaient, parce que je les possédais mal ou leur programme. Une démarche « clinique », déjà. Un
pas et qu’ils attisaient ma curiosité, que pour simplement « accompagnement » à l’œuvre, aussi. Qui a dit que ce serait
enseigner ceux qui n’avaient plus de secrets pour moi et à compliqué voire utopique ?
propos desquels j’avais tendance à accélérer le mouvement, Cela nécessite juste de laisser l’arrogance ou la certitude
à aller trop vite et peu les écouter-impliquer, puisque j’étais de ses supposés savoirs au vestiaire et de composer, dans la
déjà rendue ailleurs que la question posée. De leur côté, j’ai dissymétrie des places, certes, mais en parité absolue avec
réalisé combien ils apprenaient mieux en enseignant qu’en les sujets-apprenants, quels que soient leur niveau et leur
rabâchant ou en ressassant – ou en faisant répéter – ce âge, fussent-ils des enfants. Pas de hiérarchie entre savants
qu’ils n’avaient pas compris. Mon levier pédagogique était et ignorants, donc, mais des échanges de savoirs de part et
ainsi de me mettre à leur écoute, d’envoyer les pré-savoirs d’autre, différenciés, dans un objectif particulier à partager.
aussi de leur côté, de maintenir l’ignorance également C’est cela, le « co- » du compagnon, l’avec de la clinique.
du mien, pour construire ensemble les savoirs requis par
Martine Lani-Bayle
Professeure en sciences de l’éducation
Université de Nantes
www.lanibayle.com
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Bi bl i o g r ap hi e
Basco L. & Cote F., Accompagner l’étudiant. De la connaissance de soi à la construction de la personne, Chro-
nique sociale 2010.
Castéra B. de, Le compagnonnage, Que sais-je n° 1203, PUF 1988 (92).
Chappaz G. (dir), Accompagnement et formation, éd. CNDP/CRDP Marseille, 1998.
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Cifali M., Giust-Desprairies F. (dir), De la clinique. Un engagement pour la formation et la recherche, De
Boeck, 2006.
Cifali M., Theberge M. & Bourassa M. (dir), Cliniques actuelles de l’accompagnement, Savoir et formation
2010.
Delannoy C., Élèves à problèmes, écoles à solutions ? ESF 2000.
Éducation per manente n° 153, « L’accompagnement dans tous ses états » ; « Pratiques d’accompagnement »
(supplément), 2002-4.
Lani-Bayle M., « Pour une pédagogie de la parole et de l’écoute », Cahiers pédagogiques n° 410, 2003.
Morin E., Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil 1999.
« métier d’élève ».
Jean Houssaye stigmatisait, déjà en 1998, « le soutien contre
• Il y a « complémentarité avec les associations d’aide
la pédagogie différenciée », tous ces dispositifs qui dispen-
ou avec l’animation culturelle locale ». On connait des
saient en fait du changement des pratiques1… Au fond,
endroits où l’accompagnement éducatif a cassé un
pourquoi devrait-on se préoccuper de méthodologie, d’at-
travail existant. L’application dogmatique du principe
tention aux élèves les plus en difficulté, d’aide permanente
que l’école doit être absolument son propre recours et
aux apprentissages, alors qu’il y a « des heures pour ça » ?
un certain scolarocentrisme font oublier tout ce que
Pourquoi différencier la pédagogie au lieu d’avancer, tous
peut avoir de positif un accompagnement extérieur à
au même rythme, tant pis pour ceux qui ne suivent pas (ou
l’école, qui ne dispense pas forcément celle-ci de sa
plutôt, ce n’est pas grave, ils auront des « remédiations »…) ?
mission et implique la société (retraités, étudiants,
Il est tentant alors de rejeter radicalement ces dispositifs, de
etc.). Il y a là un clivage fort avec certains, y compris
les qualifier de « rustines », de palliatifs trompeurs ou de
parmi des proches, qui survalorisent le rôle de l’école.
machines de guerre contre le collectif de la classe où toutes
Un autre cadre, d’autres intervenants, pourquoi pas ?
les difficultés devraient pouvoir se traiter.
Il y a de la place pour tous, non ?
Il y a des marges d’action • Une vraie réflexion existe sur « les contenus de l’ac-
Je ne puis être en accord avec des positions radicales de re- compagnement ». Là encore, il ne s’agit pas d’aider à
fus. Sur le terrain, on s’aperçoit qu’on peut utiliser malgré « faire » des devoirs, mais bien en faisant ses devoirs ou
tout ces dispositifs comme des tremplins et non comme à travers d’autres activités, de travailler les méthodes,
des palliatifs. l’attention, la mémorisation, la compréhension des
Je prendrai ici l’exemple de l’accompagnement éducatif. On consignes, etc. Il est utile de développer des moments
sait qu’il a été constitué essentiellement au départ pour « réflexifs, même si au début on peut se heurter à la
occuper » les élèves, soi-disant « orphelins de seize heures ». demande spontanée des élèves et des familles qui
J’évoque dans mon livre Pour un accompagnement éducatif espèrent une rentabilité à très court terme qui est
efficace le scénario noir où se cumulent tous les points illusoire et trompeuse.
négatifs de ce dispositif : des heures assurées par des per- • On « diversifie les formes de l’accompagnement », et
sonnels bien souvent non formés, sans vrai travail d’équipe l’expression dramatique, le jeu, l’atelier d’écriture
et de coordination avec les enseignants de la classe ; une ont alors toute leur place, non pas comme moments
organisation floue et contreproductive ; l’illusion que cela récréatifs ou de défoulement, mais comme moyens
va résoudre les problèmes des devoirs pas faits et des le- d’apprendre. L’auteur de ces lignes confesse avoir
çons non apprises et même des compétences non acquises. tellement plus appris avec deux heures de théâtre hors
L’accompagnement éducatif joue alors le rôle d’un Zorro cours chaque semaine que durant d’ennuyeuses heures
qui évite de se poser les problèmes de l’apprentissage dans de français de la seconde à la terminale !
les cours, comme nous l’avons dit en introduction, et qui • On mène, nous l’avons dit plus haut, une « politique
constitue alors une réponse facile face aux parents désem- cohérente d’établissement » avec une réflexion sur le
parés : « Il n’a qu’à aller à l’accompagnement éducatif ». Ce travail à la maison (À quelles conditions celui-ci est-il
« scénario noir » est, hélas, trop fréquent. fructueux ? Y a-t-il une politique commune ?) ou sur
Mais j’évoque aussi des cas où l’accompagnement éducatif la place de la culture dans le projet (le facultatif et
est conçu dans le cadre d’une stratégie globale, dans un l’obligatoire, etc.)
vrai projet d’établissement, avec un examen en conseil • On établit un « cahier des charges pour les interve-
nants ». Il ne semble pas scandaleux de demander par
exemple à ceux-ci un petit rapport sur leurs activités.
1 Jean Houssaye, « Le soutien va-t-il tuer la pédagogie Les projets de contenu doivent aussi être quelque
différenciée ? », in Cahiers pédagogiques n° 376-377, septembre 1999.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
part examinés en conseil pédagogique. Des réunions Même si toutes ces conditions ne sont pas réunies, l’ac-
d’harmonisation doivent avoir lieu régulièrement. compagnement éducatif peut cependant fonctionner de
• On mène une « politique forte d’incitation pour les manière intéressante : des rapports différents se nouent
élèves qui ont des difficultés ». On ne se contente pas entre enseignants et élèves, des enseignants sortent de leur
de prendre les volontaires ou de laisser partir ceux qui cadre strictement disciplinaire, des familles retrouvent de la
ne veulent plus venir en accompagnement éducatif. confiance dans l’école qui leur propose cette aide… Même
Un des gros problèmes de cet accompagnement, c’est imparfait, cet accompagnement peut avoir des retombées
qu’il ne touche pas toute une catégorie d’élèves et cela positives.
a été pointé de manière sévère (mais juste) par la Cour En revanche, si aucune de ces conditions n’est réunie, si
des comptes1 l’accompagnement éducatif est un simple moyen d’offrir
Enfin, l’accompagnement éducatif ne peut se passer d’une un complément de rémunération à de jeunes (ou moins
vraie « formation des intervenants », formation à la fois tech- jeunes) enseignants et à faire croire que là est la solution
nique (ingénierie pédagogique) et réflexive (Que veut dire aux difficultés des élèves (et le discours ministériel va bien
accompagner ? Comment relier accompagnement et travail dans ce sens), alors il s’agit d’une supercherie qu’il faut
par compétences ? Comment « aider à se passer d’aide » ? dénoncer.
Accompagner « autrement » ?). Formation diversifiée, qui Mais on peut espérer une vraie interrogation sur l’articu-
est particulièrement intéressante quand elle prend la forme lation cours-hors cours qui permettrait de se centrer sur
de journées locales, mais peut ensuite être prolongée par de un accompagnement efficace et démocratisant, ce qu’il
l’auto-formation et de la mutualisation d’expériences. est encore bien loin d’être aujourd’hui. Les nombreux
contacts que j’ai eus suite à la publication de mon livre
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des heures de vie de classe dont le statut n’a pas été remis Quelle logique d’ensemble ?
en cause par la réforme. L’horaire est fonction de ce qui Le concept d’accompagnement ne semble donc pas avoir
reste des réductions de groupes qui, normalement, sont une logique interne sur la durée de la scolarisation. Il s’ap-
possibles dans toutes les disciplines, mais doit être au puie sur les livrets de compétences jusqu’au lycée et vise
moins de deux heures par semaine pour tous les élèves, à aider les élèves en difficultés tout en favorisant l’auto-
soit quatre heures/professeurs au minimum. Les décisions nomie, le développement de compétences transversales à
se font au sein de chaque établissement et les disparités travers des projets. Le collectif est possible sans être une
sont importantes, à la fois dans la mise en œuvre, dans les obligation.
modalités de discussion et de mise en débat de la question, Au lycée, l’accompagnement s’adresse à tous et a pour
comme dans les modalités de prises de décision. Le temps objectif principal la réalisation d’un projet d’orientation.
n’a pas toujours été donné pour évaluer les dispositifs déjà Il n’est plus question de livrets de compétences, mais
mis en place, et parfois depuis de nombreuses années, plutôt de remise à niveau hors temps scolaire sans lien
pas plus que pour former les enseignants et les directions prévu entre les différents intervenants, ni évaluation des
à l’accompagnement, ni qu’à la gestion et mise en place dispositifs. L’aide individualisée qui existait jusqu’à cette
d’espaces de travail collaboratif entre collègues, entre per- rentrée se limitait à des élèves volontaires au nombre de
sonnels, entre établissements. Aucun outil n’a été donné huit maximum, l’accompagnement personnalisé n’est
pour évaluer les besoins et chaque bassin ou chaque éta- plus « individualisé » et on risque fort de mettre un en-
blissement a organisé à sa manière la rentrée de septembre. seignant devant une classe entière sur ces heures pour
Si certains enseignants ont choisi d’être acteurs de cette permettre à d’autres moments un effectif réduit sur une
réforme, l’accompagnement risque de servir d’ajustement aide plus ciblée, mais sur des temps courts et morcelés.
des services à un moment où il devient impossible de
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Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée
à Orvault (Loire-Atlantique)
Textes de références :
• Stages de remise à niveau : circulaire n° 2010-010 du 29 janvier 2010.
• Tutorat : circulaire n° 2010-011.
• Accompagnement éducatif : circulaire 2007-115 du 13 juillet 2007 ; 2008-080 et 81 du 5 juin 2008.
• Circulaire interministérielle 2008-361 25 juillet 2008 REAAP, réseau d’écoute d’appui et d’accompagnement des
parents.
• Besoins particuliers :
• Arrêté 17 aout 2006 enseignants référents.
• Circulaire 2006-126 du 17 aout 2006 pour les PPRE.
• Décret 2009-378 du 2 avril 2009 pour la scolarisation des élèves handicapés.
Au primaire
les apprentissages
sonnel de chacun, l’école s’est dotée d’un outil commun
de suivi des acquisitions. Pour chaque domaine d’activité
des piliers 1 et 3 (mathématiques), des ceintures et leurs
dans la classe ? brevets sont créés et utilisés dans les classes.
Le plan de travail est l’outil que nous utilisons pour
Benoît Becquart programmer au mieux l’individualisation des parcours
d’apprentissage. Il se matérialise par un document écrit et
individuel qui doit aider les élèves à planifier leur travail,
Se mettre en face des élèves peut leur boucher la vue bien sûr, mais aussi les inviter à mener une analyse réflexive
sur l’essentiel, les apprentissages. Un outil de type sur celui-ci. Ce document est aussi le support à l’entretien
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« portfolio d’apprentissage », dans le cadre d’une d’explicitation4 individualisé. Ces entretiens sont rituali-
classe coopérative, permet de se positionner plutôt à
sés, planifiés sur le calendrier de la classe. Deux fois par
période, chaque élève rencontre l’enseignant de la classe
leurs côtés, pour leur indiquer le chemin, les inviter à
pour parler des apprentissages. Le travail personnel en est
réfléchir sur le parcours.
le terreau, le prétexte.
Le travail personnalisé proposé à chacun des élèves répond
à trois priorités :
En 2002, dans un article1 des Cahiers pédagogiques présen-
• un entrainement sur des notions déjà mises en évi-
tant la pratique du « journal des apprentissages », Jacques
dence lors de situations d’apprentissage. Il s’agit le
Crinon affirmait que : « Les élèves en échec sont souvent ceux
plus souvent de fiches de travail reprenant les items
qui ne saisissent pas l’enjeu des tâches scolaires. L’école ne leur
des brevets, mais cela peut être des activités rituelles
apparait pas comme un lieu où ils vont comprendre le monde et
telles que jeux de cartes, lecture répétée, etc. ;
avoir prise sur lui, mais comme un lieu où on fait des exercices
et où on se situe par rapport aux désirs de l’enseignant ». Alors • une remédiation proposée à un groupe d’élèves suite
enseignant dans une école en REP, en charge d’une classe à des besoins identifiés. L’activité est guidée par l’en-
de CE1, je me posais effectivement la question du rapport seignant, contrairement à l’entrainement sur fiche, ou
de mes élèves aux apprentissages. Ceux-ci ne travaillaient- aux activités autonomes ;
ils pas surtout pour répondre aux désirs de l’enseignant ? • une situation d’apprentissage spécifique à une ceinture
Comment faire pour que les élèves aient conscience de ce en particulier, et par conséquent proposée à un groupe
qu’ils sont en train de faire ? Pour qu’ils travaillent pour restreint d’élèves. Là aussi, l’atelier est guidé par
apprendre, et pas seulement parce que l’enseignant leur l’enseignant.
a demandé ? Pour que je me situe en accompagnateur de Un bilan d’utilisation du plan de travail a confirmé la
leurs apprentissages ? pertinence de cet outil dans l’organisation du travail des
J’ai recouru aux ceintures de la pédagogie institution- élèves. Néanmoins, des améliorations devaient être appor-
nelle et à l’usage du portfolio pour tenter de répondre à ces tées. La partie réflexive était censée amener les élèves à une
questions, en offrant un accompagnement au plus proche analyse de leurs apprentissages, de manière à ce qu’ils en
des besoins individuels dans le cadre d’un enseignement deviennent acteurs, qu’ils s’approprient leur parcours et
collectif, celui de la classe, celui de l’école. puissent le matérialiser. Pourtant, lors des entretiens, j’ob-
servais peu de modifications du comportement des élèves.
La démarche des ceintures2 : du plan de Très peu d’entre eux étaient capables de verbaliser des
travail au cahier de travail personnel réussites, des besoins, des difficultés. Par contre, ceux qui
L’outil « ceintures de la pédagogie institutionnelle » m’était avaient travaillé pour la rédaction d’un article pour le jour-
en partie familier : je l’utilisais comme support à l’évalua- nal scolaire avaient des questions, des besoins. Ils étaient
tion des compétences de lecteur. Mais c’est en découvrant capables d’exposer des éléments de leurs démarches :
la démarche PIDAPI3 qu’une réflexion et un travail plus réussites, difficultés, blocages, découvertes… Par cette ob-
jectivation, une prise de conscience naissait. Elle semblait
1 Jacques Crinon, « Le journal des apprentissages », Les représentations facilitée lorsque le support de la réflexion métacognitive
mentales, Hors-série des Cahiers pédagogiques, septembre 2000.
portait sur un projet de travail contextualisé. Ce constat me
2 La démarche des ceintures est un outil issu de la pédagogie
institutionnelle imaginée par Fernand Oury. Voir l’article
confortait dans l’idée que l’entretien devait s’appuyer sur
de Sylvain Connac dans les Cahiers pédagogiques n° 438,
décembre 2005 : « Les ceintures en classe coopérative ».
3 PIDAPI : Parcours individualisé des apprentissages en pédagogie 4 cf. article de Pierre Vermersch, « L’entretien d’explicitation »,
institutionnelle, outil proposé par Sylvain Connac. Les PPRE, nouveau visage de l’aide personnalisée, Hors-série
http://pidapi.free.fr/dotclear/index.php. numérique des Cahiers pédagogiques, janvier 2007.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
des situations complexes suffisamment porteuses de sens élèves prennent l’habitude d’attendre passivement qu’on
et intrinsèquement motivantes. s’occupe d’eux. Avec la boite aux lettres, personne n’at-
Nous avons donc cherché un moyen de faciliter les entre- tend, dès qu’un travail est terminé, l’élève peut passer au
tiens d’explicitation, de favoriser l’analyse réflexive des suivant. Le retour de courrier invite l’élève à le lire. Le
élèves sur leurs réussites et sur les travaux choisis, enfin de dispositif favorise le retour réflexif sur un travail fait et an-
les engager dans l’auto et la co-évaluation. noté par l’enseignant : c’est à partir de ce retour que l’élève
sélectionne les réussites qu’il collera dans la rubrique du
La démarche de portfolio même nom du cahier. Il en est de même pour les écrits du
Tout en conservant les atouts de l’outil « ceintures », une cahier du jour.
place plus importante devait être donnée à l’évaluation • « Mes travaux personnels » : ce sont des écrits réalisés
authentique5. Nous avons mis en place un cahier « travail dans le cadre d’une tâche complexe : exposé, défi
personnel », embryon d’une démarche de type portfolio6. intellectuel, préparation d’une lecture, participation
Cet outil engage les élèves dans une analyse métacogni- à un projet, construction d’objet, recherches mathé-
tive de leur parcours d’apprentissage. Il s’accompagne matiques, etc. Il s’agit d’écrits de recherches, notes,
d’entretiens d’explicitation qui s’appuient sur des traces brouillons, documentaires, production finale. Là aussi,
d’apprentissage choisies. l’entraide et les échanges coopératifs et réflexifs sont
Ce cahier, pensé en équipe, comporte aujourd’hui six favorisés.
parties : • « Moi et les autres » : les élèves placent dans cette partie
• « Mes apprentissages » : en début d’année, l’élève est les documents utilisés ou produits pour la construction
invité à mettre en mots ce qu’il pense savoir faire, de la connaissance de soi et des autres, les supports
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connaitre… Plusieurs fois dans l’année, il renseigne le au développement de l’estime de soi, les écrits liés
document « Bilan de ce que je sais » matérialisant l’évo- aux débats à visée philo, etc. Il s’agit de conserver la
lution annuelle des progrès en coloriant les ceintures trace des activités qui visent à aider l’élève à mieux se
obtenues pour chacun des domaines. connaitre et se situer par rapport aux autres.
• « Mes plans de travail » : collés les uns après les autres, • La « communication avec la famille » : c’est dans cette
c’est le premier support des entretiens d’explicitation, rubrique que l’enseignant rassemble toutes les traces
et ils fournissent la base d’une communication école- ou documents supports au travail réalisé en partenariat
famille indispensable. Suite aux passages de brevets, avec la famille. On y trouve les PPRE, des notes de ce
l’enseignant identifie pour chaque élève sa ceinture qui s’est dit lors d’une rencontre avec les parents, un
ainsi que les priorités de travail ceinture par ceinture. bilan des absences, etc.
Les parents ont la possibilité de commenter ce plan
de travail. Variété et différenciation
Ainsi appliqué à l’ensemble des classes et proposé à tous
• « Mes réussites » : l’élève y met tous les travaux d’en-
les élèves du CP au CM2, le cahier de travail personnel
trainement aux brevets qu’il aura réussis (seul ou avec
assure la continuité des parcours de chacun. À l’échelle
de l’aide), ainsi que tous les travaux du « jour » qu’il
de la classe, différents temps s’articulent. Les élèves tirent
souhaite retenir pour matérialiser ses apprentissages et
avantage d’une diversité d’organisation pédagogique :
présenter lors des entretiens d’explicitation. Ceux-ci
travail individuel, groupes de besoins, groupes hétérogè-
sont sélectionnés parmi les activités quotidiennes.
nes, tutorat (chacun possède une carte-passeport qui lui
Dans tous les cas, les élèves sont invités à s’entraider.
permet de faire appel à un tuteur, personne-ressource
Cette entraide est favorisée et facilitée par une carte
identifiée comme compétente), groupe-classe. Afin de
« à l’aide ». Le tableau des ceintures affiché en classe
favoriser le travail réflexif, les élèves sont invités à ne pas
permet aux élèves de trouver rapidement un tuteur à
travailler seuls. L’hétérogénéité est un levier. Les interac-
qui s’adresser.
tions sociales sont largement utilisées dans la construction
Lorsqu’un élève a réalisé un travail, qu’il l’ait ou non fait des savoirs. Le statut de l’enseignant est modifié. Il devient
corriger par un pair, il doit le déposer dans la boite aux médiateur, celui qui s’assure que les représentations de
lettres rouge accompagné d’une fiche « auto-évaluation ». chacun émergent, circulent, s’affrontent pour se modifier.
Ces travaux ne sont pas corrigés par l’enseignant, mais an- À l’échelle de l’école, la mise en place des ceintures et des
notés, puis placés dans la boite aux lettres blanche. Chaque plans de travail dans chacune des classes a doté les ensei-
matin, le facteur commence sa journée par la distribution gnants et les élèves d’un langage et d’outils communs sur
du courrier. Cet outil évite les moments de classe pendant l’ensemble de la scolarité élémentaire. Il est devenu plus
lesquels beaucoup d’élèves sollicitent l’enseignant en même facile d’organiser des regroupements d’élèves sur d’autres
temps pour une correction. Comme il n’est pas possible de critères que celui de l’âge. De même, des inclusions d’élè-
venir voir tout le monde en même temps, de nombreux ves d’une classe à l’autre sont plus simples à organiser.
5 « C’est une évaluation qui se base sur des situations signifiantes
L’offre d’organisations et de dispositifs de différenciation
proches de la vie courante. L’évaluation authentique accorde de s’est accrue au bénéfice d’une capacité d’accompagnement
l’importance au processus, soit les stratégies, la démarche d’apprentissage, au plus proche des besoins et des profils de chacun. Dans
les essais et erreurs, la méthodologie utilisée, les interactions avec le cadre de l’aide personnalisée, le plan de travail donne un
les pairs ». (Louise Dore, Nathalie Michaud, Libérata Mukarugagi,
Le portfolio, évaluer pour apprendre, Chenelière/McGaw-Hill)
cadre d’intervention de la remédiation et de l’aide précis,
6 Une des définitions couramment citées est celle de Paulson
ciblé et évaluable. Il peut également devenir le support de
et coll. qui considèrent le portfolio comme « une collection ces temps d’aide institutionnalisés.
significative des travaux de l'élève illustrant ses efforts, ses Utilisés à ces trois niveaux, les ceintures, le plan de travail
progrès et ses réalisations, dans un ou plusieurs domaines »
(Paulson et coll., 1991, cité et traduit par Goupil, 1998). et les entretiens d’explicitation coordonnent les différents
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Au primaire
temps scolaires, et participent à la construction d’une savoir accepter de perdre d’abord du temps. Ce type de
vision systémique et cohérente de l’école et de ses activités. fonctionnement repose sur l’usage de la coopération,
Ils font entrer les élèves et leurs enseignants dans une l’entraide et le tutorat. Les regroupements « multi-âge »
logique de parcours. permettent de tirer partie des richesses offertes par la
classe coopérative et deviennent vite un outil pédagogique
Un travail d’équipe pour une autre organisation supplémentaire au service de l’enseignant.
L’ensemble des outils mis en œuvre engendre une évolution Comme pour de nombreux autres dispositifs, l’efficacité de
des postures de l’enseignant et autorise la dévolution que cet accompagnement repose sur une contractualisation. Si
Brousseau définit par : « Ce n’est plus moi qui veux, c’est vous certains élèves sont capables de s’engager personnellement,
qui devez vouloir, mais je vous donne ce droit parce que vous pour beaucoup le rôle des parents est indispensable. Le
ne pouvez pas le prendre tout seul ». Mais accepter de ne plus cahier de travail personnel offre cet espace de communi-
considérer l’enseignant comme le seul et unique détenteur cation avec eux. Au même titre que l’enseignant et l’élève,
des savoirs, comme celui qui les évalue, est aussi angoissant ils sont invités à exprimer leur avis à propos du travail
que d’accepter d’en prendre la responsabilité. On ne peut et des apprentissages de leur enfant à la suite de chaque
dès lors faire subir aux élèves un changement de paradigme bilan. Ce partenariat est difficile à mettre en œuvre et est
d’une année sur l’autre. Il me semble absolument néces- souvent sous-estimé par les parents. Il impose un effort de
saire que l’ensemble des enseignants harmonisent leurs communication et de présentation de la part de chacun des
outils et pratiques. Le travail d’équipe et les échanges sont enseignants.
d’autant plus essentiels qu’il est nécessaire d’accompagner
les enseignants néophytes. Les besoins de formation sont Fort de cette expérience, les élèves se questionnent, et
grands. Par exemple, mener des entretiens d’explicitation même s’il leur est évidemment difficile d’identifier l’objet
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ne s’improvise pas. Pour autant, l’équipe doit se donner de l’apprentissage, le simple fait de devoir s’arrêter et se
les moyens de pérenniser leur mise en œuvre pour garantir retourner pour regarder les traces de leurs activités d’ap-
l’efficience et l’essence des dispositifs. Ceux-ci nécessitent prentissage modifie en profondeur leur statut. Plus que la
de solides habitudes de travail, de rigueur et d’esprit coo- réponse, c’est la démarche de questionnement qui importe.
pératif qui sont si longues à installer que les effets positifs Ils ne sont plus des apprenants passifs, mais deviennent
réels n’apparaissent que lors de la deuxième année. Il faut des acteurs : ceux qui veulent.
Benoît Becquart
Conseiller pédagogique
Maitre E et maitre maitre E rencontre les parents avec le maitre de classe et ils
mettent ensemble en place un projet d’aide individualisé.
expliquerais-tu ton travail ? ensemble, se parler...). Les élèves peuvent avoir besoin du
Le maitre E est responsable de l’aide spécialisée à domi- côté sécurisant du petit groupe pour restaurer leur désir
nante pédagogique. Nous ne sommes pas dans du soutien, d’apprendre ou pour oser s’affirmer, retrouver leur « estime
mais bien dans une aide à l’apprentissage, une remédiation. de soi ».
Il s’agit d’aider l’élève à se poser des questions essentielles, Mais en sortant de la classe, l’enfant est privé d’un des
à verbaliser, expliciter, structurer sa pensée : pourquoi temps d’apprentissage de la classe. Se pose également le
apprend-il ? Comment apprend-il ? problème du transfert des compétences acquises en petit
Nous avons également un rôle de coordination des aides et groupe.
des partenaires autour de l’enfant en difficulté à l’école. Comment travailler en classe ?
Actuellement, la grande majorité des maitres E travaille Lorsque je travaille en classe, les élèves que j’aide sont réu-
essentiellement en regroupement d’adaptation : les élèves nis autour d’une table. Cette position permet de participer
sont sortis de la classe et travaillent dans le local du mai- avec les autres au lancement et à la mise en commun de
tre E. l’activité. Elle facilite les interactions et l’utilisation d’un
En quoi votre fonctionnement de Rased est-il particu- matériel propre au petit groupe, adapté aux besoins parti-
lier ? culiers, tout en veillant à garder l’identité de maitre E.
L’inspecteur de notre circonscription souhaite que son Quel est l’intérêt de rester en classe ?
équipe de maitres E intervienne prioritairement au sein Pour l’élève :
même de la classe. Nous avons donc cherché des façons de
nous positionner ainsi. • L’enfant est en situation de réussite « en présence de son
enseignant de référence et de ses pairs ; [cela permet de]
Depuis plusieurs années, les textes officiels insistent sur la changer son statut dans le groupe et [de] l’aider à sortir
collaboration entre maitres de classe et maitre E, les liens de son image d’élève en difficulté »2. Il est important de
entre la classe et le regroupement, et le transfert des com- montrer à l’enfant comme aux autres élèves qu’il peut
pétences. La circulaire de 2002 1 souligne que le fait de tra- réussir à l’intérieur de sa classe ;
vailler ensemble « favorise le perfectionnement et l’ajustement
des techniques, la pertinence de l’interprétation des faits ainsi • L’harmonisation des outils est systématique : l’enfant
que la conception d’actions pédagogiques et éducatives adaptées a à sa disposition tous les référents construits en classe
aux individus et aux groupes. Cette collaboration entraine des (sous-main, affichages, cahiers, textes vus, livres…).
modifications des attitudes individuelles et collectives devant les Pour les stratégies nécessitant le recours aux référents
difficultés des élèves, ainsi qu’une meilleure compréhension de de la classe, il est très profitable à l’enfant d’avoir tout
leur situation ». à sa disposition dans le contexte réel de ses apprentis-
sages ; le travail d’accès à l’autonomie est directement
Comment, concrètement, cela se passe-t-il ? favorisé ;
Il est possible d’aider en classe, hors classe, mais aussi • Certains trouvent les interactions d’un grand groupe
d’alterner les deux modalités. plus riches. Ces échanges peuvent se faire en début et
Le maitre de classe repère les élèves qui restent en difficulté fin de séance, mais également à un moment choisi avec
malgré la mise en place d’aides spécifiques. Il fait alors une le maitre de classe ;
demande d’aide au Rased. Un membre du Rased vient ob- • Pour les autres élèves, le fait de sortir les enfants en
server l’élève dans sa classe, s’entretenir avec l’enseignant, difficulté de la classe peut les interroger. Ne pas les
évaluer l’élève. Si l’élève a besoin d’une aide spécialisée, le faire quitter la classe permet aux « autres élèves de
1 Circulaire 2002-113 du 30 avril 2002 : « Les dispositifs de 2 Laurent Lescouarch, La nouvelle revue de l’adaptation
l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le premier degré ». et de la scolarisation, n° 38 – 2e trimestre 2007.
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Au primaire
«démystifier» ce moment particulier offert aux élèves en • Pour le maitre E, travailler au contact d’élèves « à
difficulté »3 ; niveau » lui permet de rééquilibrer son regard et de
• Le transfert des acquisitions est plus difficile à opérer mieux apprécier les difficultés des élèves qu’il suit ;
quand il y a changement de contexte ; • Intervenir ensemble donne une dynamique et permet
• Certains enfants bénéficient déjà de suivis extérieurs un enrichissement mutuel des pratiques.
multiples ; est-il judicieux de les sortir encore une
Mais alors quelles sont les difficultés à travailler en
fois ?
classe ?
Pour les enseignants :
Cette forme de travail suscite beaucoup de questionne-
• Il y a également harmonisation du discours des mai- ments et de remises en question aussi bien pour le maitre
tres : au niveau du contenu, de la méthodologie, de la E que pour le maitre de classe !
terminologie…
• De nombreux maitres E considèrent que le bruit est
• Voir l’enfant fonctionner en classe permet de mieux la première difficulté. Nous choisissons un moment
cerner la nature des obstacles qu’il rencontre. Nos de co-intervention qui tolère une certaine activité de
deux regards posés sur cet enfant enrichissent l’image classe du fait de la confrontation des productions et de
que nous avons de lui. Être ensemble au même moment la dynamique de recherche ;
offre aux deux maitres l’occasion d’un échange ;
• Tous les enseignants n’acceptent pas l’intervention
• L’enseignant peut désirer connaitre les pratiques du d’un autre adulte dans leur classe ;
maitre E. Il pourra alors mieux comprendre ce qu’est
• Le maitre de classe a des attentes légitimes, mais qui
le travail d’aide pédagogique ;
peuvent parfois être de l’ordre de la délégation : «
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1 Pascal Ourghanlian, Comment la mission de prévention confiée au maitre E peut-elle ouvrir un espace de
collaboration avec le maitre de la classe ?, Mémoire, CAAPSAIS Option E – Session de juin 2004.
• Certains élèves sont attirés par ce qui se passe dans très souple, en fonction des besoins des élèves. Un échange
l’autre groupe, et n’arrivent pas à se concentrer sur la à la fin de chaque séance donne la possibilité de moduler la
tâche qui est la leur. Je vis cela dans presque chacune suite de l’intervention.
des classes dans lesquelles j’interviens, et ce phéno- Voici un exemple. Je commence à travailler avec un groupe
mène a davantage lieu lors des premières séances ; de CP. Après une observation en classe des élèves dont je
• Le temps de concertation est la difficulté majeure : la m’occupe, j’ai souhaité les sortir pour la première séance,
grande majorité des maitres auxquels je propose de dans le but de faire connaissance avec eux, et de permettre
travailler au sein de leur classe est ouverte au travail au groupe de se constituer en tant que tel. Je souhaitais
d’équipe, mais peu entrent dans la démarche de ne pas négliger l’étape essentielle de la rencontre. Il me
concertation. Ne pas se voir entre deux portes, mais semble difficile, dans l’enceinte de la classe, de définir nos
amener l’enseignante de classe à prendre le temps de objectifs avec les élèves.
s’assoir, pour croiser les regards et définir les rôles Nous avons choisi avec l’enseignante de travailler sur un
respectifs. D’autant plus que cette concertation est projet d’écriture. La mise en route du projet se fait en
censée être très régulière pour ajuster les interven- classe. Tous les élèves sont concernés. La dynamique du
tions. Les maitres de classe manquent de temps pour groupe est telle que nous choisissons de poursuivre ensem-
se rencontrer et réfléchir ensemble ; ble la séance suivante. Nous constatons que les élèves de
• L’identité de maitre E : la remise en cause. Si le re- mon groupe ont tous de réelles difficultés avec la notion
groupement d’adaptation est un lieu qui semble plus de mot. Je choisis de les sortir la séance suivante pour
sécurisant pour l’enfant, je pense qu’il l’est également provoquer un conflit sociocognitif dans un lieu calme. Ce
pour le maitre E. Il est en effet difficile de se mettre changement de lieu peut aider l’élève à prendre du recul,
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dans une nouvelle forme de travail qui peut risquer de à se distancer mentalement pour mieux se regarder agir.
remettre en question notre identité professionnelle. Il permet également de faire le point et de se donner de
nouvelles perspectives. De retour en classe, nous faisons
Y a-t-il des conditions nécessaires au bon fonctionnement des liens, l’objectif étant le transfert des compétences, et ce
de ce travail ? éventuellement par l’explication aux autres élèves de ce qui
Oh oui ! Au sein de notre équipe Rased, nous sommes tou- a été vécu en petit groupe. On peut ainsi offrir au groupe
tes arrivées à la conclusion que, pour préserver l’identité de aidé une position valorisante. C’est une place non habituelle
chacun des maitres, il est nécessaire de se créer un espace pour eux. Ils sont « meneurs » d’activité, et informateurs du
de travail commun et contractualisé avec le collègue chez travail effectué en groupe d’aide.
qui nous intervenons. Je choisis, dans les deux contextes d’apprentissage, de faire
C’est le maitre de la classe qui connait le mieux ses élèves, produire des écrits aux élèves. Ce support est celui qui me
et j’attends de lui qu’il m’aide à mieux les connaitre. J’ap- semble être le plus aisé à mettre en œuvre pour travailler
porte un regard différent, celui du maitre spécialisé, suite au sein de la classe. C’est une activité qui permet de créer
aux observations en classe, aux entretiens avec l’élève et un espace commun de travail avec l’enseignante au sein de
aux évaluations que j’ai pu faire. Nous établissons donc en sa classe.
amont du travail avec le maitre de classe un petit contrat
qui rend explicite notre fonctionnement commun et res- Quelques mots, pour conclure ?
pectif, mais surtout le projet commun que nous avons pour Les élèves n’ont pas tous besoin du même environnement
les élèves en difficulté. Cela permet à chacun des acteurs de cognitif et affectif pour « faire leur chemin » vers les ap-
clarifier ses propres fonctions. Ces objectifs consignés sont prentissages. S’adapter à leurs besoins, n’est-ce pas entre
une base de travail fonctionnelle et cohérente, qui permet à autres être capable de les accompagner au sein même du
chacun de prolonger son travail en l’absence de l’autre tout contexte d’apprentissage qui leur sera le plus adapté ?
en restant dans une même logique d’action pour l’enfant. Avec notre équipe de Rased, nous visons essentiellement à
ne pas externaliser l’aide.
Et qu’en est-il de la combinaison des deux modalités ?
Le travail que nous faisons en classe peut porter ses fruits
Il est possible d’alterner les modalités « en classe » et « hors
à long terme, car il donne la possibilité au maitre de classe
classe » pour assurer un transfert continu et conserver des
d’observer notre travail de maitre spécialisé, et de s’appro-
liens étroits avec ce qui est fait en classe. Nous nous som-
prier des gestes et des outils nouveaux pour aider ses élèves
mes mis d’accord avec chaque enseignant de classe pour
en difficulté.
que cette façon d’intervenir puisse se réaliser de manière
Audrey Calviac
Gwenola Lebel
Charlotte Menet
Céline Vincendon
Maitres E, Rased de Valenciennes
à un vrai problème Plus généralement, que faut-il faire d’après vous pour
accompagner les élèves en primaire et de façon person-
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nalisée ?
Armelle Legars Un exemple qui fonctionne : le dispositif CP renforcé.
Un enseignant supplémentaire intervient à mi-temps sur
l’école (et à mi-temps sur une autre), uniquement dans le
Que pensez-vous globalement de ce dispositif de l’école
domaine de la lecture/écriture. Il intervient principale-
primaire ?
ment auprès des CP, dans des organisations répondant aux
Il me parait très mal pensé. besoins définis par chaque équipe :
En termes de rythmes scolaires, il n’y a aucune bonne Deux classes peuvent être réparties en trois groupes hé-
solution : le matin, le midi, le soir, cela pose toujours des térogènes pour diminuer le nombre d’élèves et augmenter
difficultés de fatigue supplémentaire pour les enfants. ainsi leur temps d’activité réelle lors des découvertes de
En termes d’organisation : c’est très compliqué pour les texte ou du travail sur les sons ;
parents, pour les enseignants, pour les mairies parfois. On peut faire trois groupes de niveaux pour mieux respec-
En termes d’objectifs : on doit viser les élèves qui ren- ter le rythme de chaque enfant ;
contrent une difficulté ponctuelle ; d’accord, mais ceux-là • L’enseignant supplémentaire peut intervenir en
sont assez faciles à aider dans le cadre de l’organisation co-animation dans une classe pendant des séances
« normale » de la classe. Donc on propose souvent le dis- de production d’écrit par exemple, pour aider plus
positif à des élèves en grande difficulté, avec le danger de particulièrement certains élèves ;
simplement en « rajouter » faute de formation spécialisée.
• Il peut prendre en charge un petit groupe d’élèves, par
Ces élèves cumulent d’ailleurs souvent une prise en charge
exemple en début d’année, des CE1 fragiles en lecture
par le Rased, et pourquoi pas un suivi au CMPP ou par
qui auront du mal à suivre le rythme du groupe ;
un orthophoniste… : comment construire une cohérence
entre toutes ces interventions ? • Il peut en fin d’année intervenir auprès des élèves de
grande section, pour un travail de renforcement du
En termes de communication : le message envoyé aux élèves
projet de lecteur par exemple.
concernés et à leurs parents, même en prenant des gants,
est négatif. Cela ajoute un stress au lieu de dédramatiser les Ce qui est intéressant dans ce dispositif, c’est la pré-
différences de rythme d’apprentissage. sence continue de l’enseignant supplémentaire, qui permet
d’adapter l’organisation tout au long de l’année en fonction
Peut-on y faire des choses intéressantes ? des besoins des élèves. Faut-il souligner que cela demande
Un temps de travail en petit groupe peut ouvrir des pistes des temps très réguliers de concertation, qui ne sont pas
intéressantes pour le travail à l’oral, par exemple, ou en prévus dans les temps de réunion ?
production d’écrit, ou encore pour travailler la méthodo- Notre IEN avait l’espoir de pouvoir créer un poste simi-
logie ou expliciter des procédures, dans des démarches de laire pour les CM2 du RAR, en transformant un poste non
métacognition. Mais, dans ce cas, à peu près tous les élèves pourvu du Rased. Ce poste a été supprimé, donc ce ne sera
en ont besoin, c’est donc un travail qui devrait être fait pas possible... Quant au dispositif CP renforcé, il est égale-
en classe... On sort des objectifs, car il ne s’agit pas d’une ment menacé. D’ailleurs, des évaluations départementales
difficulté ponctuelle. montraient son efficacité depuis plusieurs années : elles
Ce temps où la maitresse est plus disponible permet aussi ont été supprimées également, désormais nous pouvons les
parfois de modifier les relations avec certains élèves : la faire passer aux élèves « si nous le souhaitons »...
proximité permet de renforcer la confiance. Il faut trans-
Armelle Legars
former ce temps supplémentaire en moment privilégié,
avec des rituels rassurants, des moments de parole plus Professeure des écoles à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)
libres que dans la classe, etc. C’est particulièrement vrai Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk
l’aide personnalisée. délivre un cours standard, les élèves décrochés étant priés
En supprimant la classe le samedi matin, deux heures de se présenter ensuite à l’aide personnalisée ou au stage
d’enseignement ont été libérées et réaffectées à l’aide per- de remise à niveau pendant les vacances, donc en dehors de
sonnalisée en sous-entendant que cela correspondrait au l’enseignement habituel. Autant dire que cela n’encourage
travail d’aide spécialisée des Rased1. L’ancien ministre de ni l’innovation ni la différenciation pédagogique. On peut
l’Éducation nationale Luc Ferry avait déjà publiquement même se demander quel sens ce travail peut prendre pour
expliqué2 comment cette opération – qui honorait la pro- des enfants parfois très jeunes (dès la maternelle) sur un
messe de supprimer la classe du samedi – allait permettre temps où les autres camarades s’amusent ou se reposent !
de récupérer des milliers d’emplois occupés dans les Rased. Pour travailler tôt le matin, le midi ou après la classe, il
Bref, le ministre Darcos qui voulait « diviser par trois » faudrait que les élèves les plus fragiles soient les plus résis-
l’échec scolaire a surtout diminué d’autant les moyens qui tants... une hypothèse qui ne résiste pas à l’observation.
y étaient dévolus. En prétendant offrir aux parents dans
l’école publique ce qu’ils allaient chercher dans des offici- Plus généralement, que faut-il faire pour accompagner
nes privées, le ministre a surtout renforcé le crédit de ces les élèves en primaire et de façon personnalisée ?
dernières. Bref, tout cela me semble bien trop poli (-tique) La réponse passe forcément par une réflexion sur l’organi-
pour être honnête ! sation et l’aménagement des apprentissages et de la classe
(voire de l’école) un peu plus complexe que le simple ex-
Peut-on y faire des choses intéressantes ? posé d’un cours depuis l’estrade. S’il est possible de varier
Comme souvent depuis 2002, on ne prend pas en compte ponctuellement les supports de travail en les adaptant à
les constats de la recherche ni l’expression des enseignants, l’élève, on sait très bien qu’à la longue, cela reste difficile
mais on demande ensuite à ces derniers de mettre en œuvre à répéter. En revanche, la différenciation peut être pensée
les mesures non souhaitées… Car pour qu’un petit groupe dans la quantité de travail, le temps accordé, les aides pos-
d’élèves bénéficie de cette aide, il faut que tout le reste de sibles (outils, individus dont le maitre E, affichages, cahier
la classe perde vingt-quatre matinées d’école par an ! Pour aide-mémoire) ou le réaménagement d’une tâche commune
mon cours double (CM1/CM2), c’est une perte sèche de (consigne, reformulation, redécoupage, indices).
six semaines de classe sur deux ans... Quand on connait la En élémentaire, une plage horaire peut être accordée quo-
place qu’occupaient le français et les mathématiques sur ce tidiennement au « plan de travail », phase pendant laquelle
temps, on ne peut que constater une contradiction avec le chaque élève avance de manière autonome dans ce qui a été
prétendu retour aux fondamentaux. prévu, mais en choisissant l’ordre des activités : rédaction
Quant aux enseignants qui ont tenté d’utiliser autrement d’un texte, lecture, fiches de mathématiques, construction
ces heures prises au détriment de tous les autres élèves, ils géométrique, utilisation de l’ordinateur. Cela donne de la
ont parfois été lourdement sanctionnés (Alain Refalo par souplesse à la classe – les meilleurs élèves pouvant aller plus
exemple). Or il n’est pas très habile de vouloir faire l’édu- vite – et libère le maitre, non pas accaparé par les meilleurs,
cation sans les éducateurs, abandonnés du coup à l’impro- mais enfin disponible pour ceux qui en ont le plus besoin.
visation (quid de la formation à ce sujet ?). Ainsi, une étude Mais ce n’est pas non plus par un acharnement pédagogique
de Jean-Jacques Guillarmé montre que le taux d’efficacité que l’on aide le plus ces enfants. Il y a également un travail à
de l’aide personnalisée est très faible (20 %) comparé à mener sur leur statut, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, leur
celui des Rased (de l’ordre de 70 %)3. place dans le groupe (parole, initiative, responsabilités),
autant d’éléments qu’une pédagogie coopérative (entraide,
1 Confusion dénoncée par Laurent Lescouarch tutorat, travail à plusieurs, communication, socialisation
2 Sur Europe 1 le 2 septembre 2008. du travail) prend en compte. L’équipe éducative a aussi
3 La synthèse des conclusions de la recherche FNAREN/Université un rôle à jouer, notamment dans son rapport à la famille.
PARIS-DESCARTES « L’élève en difficulté scolaire : aide personnalisée N’oublions pas que l’apparente anormalité de certains
ou aides spécialisées des RASED ? » est en ligne sur le site de la FNAREN
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22 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Au primaire
comportements d’élèves se révèle être au contraire une nécessaire réflexion à mener pour une mise en œuvre d’or-
réaction naturelle et légitime face aux aléas de leur vie ganisations plus adaptées, mais également plus complexes.
(violence, misère, problèmes affectifs).
Notons tout de même que la suppression de la formation Sylvain Grandserre
professionnelle des maitres ne va pas dans le sens de la Maitre d’école en CM1/CM2
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Une occasion à saisir en effet, une vision médicale de la prise en charge de la dif-
ficulté scolaire, encore trop largement partagée, qui amène
pour aider les élèves à considérer toutes les difficultés comme des « maladies
infantiles » ou les symptômes d’un « dys » quelque chose,
que seuls des spécialistes pourraient guérir : la lecture aux
dans le cadre de l’école orthophonistes, les problèmes de comportement aux psy-
chologues ou aux pédopsychiatres, etc. Le titre d’ouvrages
Sylvie Cèbe comme ceux de Despinoy (Comprendre et soigner l’échec
scolaire) ou Revol (Même pas grave ! L’échec scolaire ça se
Que pensez-vous globalement du dispositif d’aide per- soigne) me semblent relever de cette croyance dangereuse
sonnalisée mis en place à l’école primaire ? et erronée pour différentes raisons. En premier lieu, parce
De nombreuses études ont mis en évidence que si tous les qu’elle ne fait plus de l’élève qui éprouve des difficultés
enfants naissent libres et égaux en droit, ils ne le restent qu’un enfant « malade » auquel on attribue très vite des «
pas longtemps au regard de l’accès aux savoirs scolaires. traits de personnalité » très généraux et stables en taisant
C’est pourquoi la question qui se pose aujourd’hui à l’école le fait que, dans d’autres contextes, d’autres situations ou
et à ses enseignants n’est pas de savoir s’il faut supprimer d’autres disciplines, le même enfant peut se révéler très
les différences interindividuelles – dont on s’accorde pour compétent. Ensuite parce que cette manière de voir fait
dire qu’elles sont une richesse –, mais porte sur les mesures porter à ce dernier toute la responsabilité de son échec
à prendre pour que les différences développementales (so- (c’est lui qui « est », « n’est pas », « a », « n’a pas ») quand
cioculturelles, linguistiques, cognitives, comportementales, la plupart des études menées dans le domaine ont mis en
évidence que la difficulté scolaire est toujours le résultat
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
des compétences qu’il sait critiques pour la réussite sco- dévaloriser leurs principaux outils de travail du métier
laire, compte tenu de l’âge de ses élèves et du programme qui sont, le plus souvent, des outils à usage collectif4.
à suivre. Tous les maitres savent à quel point il existe des écarts
Pour répondre à la question du comment, je dirais que de performance entre les élèves d’une même classe, mais
l’enseignant peut choisir entre deux options, que je crois tous savent aussi qu’il n’y a pas, pour autant, cinquante
également valides. Il peut proposer les mêmes tâches manières d’apprendre. Autrement dit, si tous les élèves
que celles qu’il a utilisées en classe, en modifiant ou en sont singuliers, les objectifs à atteindre, les compétences
renforçant le guidage, en étant plus attentif à la manière requises pour apprendre, elles, ne sont pas spécifiques. Sur
dont les élèves traitent les tâches et en leur enseignant les ce point, je reprends à mon compte les résultats des études
connaissances et les procédures qui sous-tendent leur réso- montrant que les élèves déclarés en difficulté présentent
lution efficace. Mais il peut aussi centrer son intervention une caractéristique commune, celle de ne pas savoir tirer
sur d’autres types de compétences qui ne sont pas ou plus spontanément profit de leurs expériences et de leurs inte-
au programme de sa classe. Il peut, par exemple, viser le ractions avec leur environnement physique et social pour
développement de compétences langagières, ou mettre apprendre5. Aussi ont-ils, plus que les autres, besoin d’un
en place un ensemble d’activités centrées sur le dévelop- enseignement explicite (que je ne tiens pas pour un syno-
pement de compétences relativement générales (la com- nyme d’« enseignement directif ») qui allie progressivité et
paraison, la catégorisation, la compréhension en lecture, complémentarité des tâches de découverte, de résolution
l’ordre, le temps) requises dans de nombreuses tâches et de problèmes, de conceptualisation et d’exercices, et ce
activités scolaires, mais qui font rarement l’objet d’un en- quels que soient les savoirs que l’on vise à faire construire.
seignement en tant que tel. Roland Goigoux3 propose sept C’est pourquoi il me parait intéressant de quitter la logique
du « sur-mesure, haute couture » pour lui préférer celle du
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Ne pas espérer des ces dispositifs, moins ils disposent de temps pour en parler.
Par exemple, le fait de placer l’aide personnalisée de 13 h
à 13 h 30 densifie le temps de travail et rend difficiles les
résultats immédiats échanges sur les gestes du métier, leur mise à l’épreuve,
etc.
Christine Félix Avez-vous noté dans vos observations, vos petites vidéos
sur lesquelles vous retravaillez ensuite, des manières de
faire différentes ?
L’auteure a suivi un groupe d’enseignants d’une Oui, c’est justement un moyen qui leur permet de débattre
école des Bouches-du-Rhône sur des temps et d’observer des clivages parfois forts. Tel enseignant
d’accompagnement personnalisé. Elle nous propose s’efforce surtout de construire un collectif, même s’il ne
dans cet interview quelques aperçus de ce travail de s’agit que de six élèves, tel autre individualise au contraire
suivi d’équipe et des débats que cela suscite, ce qui au maximum et cherche à répondre aux besoins de chacun.
n’est pas le moindre intérêt de ce dispositif. On a aussi une opposition entre une pratique directive,
fondée sur une pédagogie explicite et un guidage fort, et
une pratique plus constructiviste, qui sollicite l’estime de
soi et la mise en confiance.
Que ressort-il du suivi de cette école quant au vécu du
dispositif d’aide personnalisée ? Un autre exemple en cycle 2, où le travail est très axé sur
la lecture : on avance souvent très lentement, au besoin
Avant de répondre à cette question, je voudrais préciser au moyen de répétitions. Cette manière de faire perturbe
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
que je me place dans une problématique de l’analyse de des enseignants de cycle 3 qui se trouvent à la fois un peu
l’activité réelle des professeurs, c’est cela qui m’intéresse, décontenancés par ces avancées très limitées, mais aussi
et non les déclarations sur ce que les professeurs devraient conscients qu’eux-mêmes ne savent peut-être pas faire
faire. Ce travail auprès des enseignants de cette école est ainsi ; de la même manière que des enseignants de collège,
délibérément centré sur le développement des capacités des face à ces vidéos, trouvent parfois qu’il n’y a pas assez de
professionnels à agir dans et sur cette situation inédite de contenu, que cela n’est pas assez dense, etc., mais qui sont
travail. Alors c’est sûr que les enseignants concernés sont tout aussi démunis pour dire comment faire autrement.
partagés entre d’un côté, les critiques émises sur le nouveau Cela montre une fois de plus le caractère problématique de
rythme scolaire qu’impose par exemple la réorganisation l’enseignement de la lecture, notamment selon les spécifi-
du temps à l’école primaire, et d’un autre côté, la nécessité cités des cycles.
d’agir et d’utiliser à bon escient ce dispositif au cœur des
difficultés, celles des élèves et celles du métier de professeur En fait, à travers le travail réel des enseignants se pose la
à qui on demande d’être davantage un « accompagnant » question de l’efficacité, à laquelle on ne peut pas apporter
qu’un « enseignant ». Le travail d’intervention-recherche de réponses aisées et définitives, surtout sans prendre en
mené dans cette école située dans une zone défavorisée compte le point de vue des professionnels. Ce qui compte,
permet de « zoomer » sur les problèmes de la profession. me semble-t-il, c’est que les enseignants se réapproprient,
à travers ce type d’intervention, le sens de leur métier,
Mais l’institution ne demande-t-elle pas avant tout des en redécouvrent des dilemmes constitutifs et éprouvent
résultats ? le sentiment de faire du bon travail, d’avoir une certaine
C’est certain qu’il y a un décalage. Beaucoup voudraient efficacité dès lors que ces dilemmes sont reconnus collec-
que des maitres formateurs, comme c’est le cas ici, engagés tivement. C’est indispensable pour que les enseignants
dans ce genre d’expérimentation, produisent des outils à avancent collectivement et individuellement dans les écoles
transmettre ensuite aux nouveaux enseignants, que ce soit avec ces dispositifs. Certes, l’efficacité que se donnent les
un réservoir de « bonnes pratiques ». Alors que le travail professeurs n’est pas celle attendue par l’institution, qui a
réalisé par ces professeurs engendre des questions et des de plus en plus de mal à connaitre et reconnaitre le travail
débats professionnels qui ne peuvent pas être conduits enseignant.
ou saisis à travers les effets réellement produits. Ce
questionnement professionnel interroge le prêt-à-dire Christine Félix
ou à-penser pédagogique, sans pour autant engendrer un
Maitre de conférences à l’IUFM d’Aix-Marseille
débat professionnel. Plus les enseignants sont engagés dans et chercheuse à l’UMR ADEF (Unité mixte de
recherche : Apprentissage, Didactique, Évaluation,
Formation, université de Provence et INRP)
Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk
Une expérience positive profitent : ils osent poser des questions, se faire expliciter
la tâche, se faire aider, discuter au sujet des apprentissages,
prendre le temps de n’avoir pas compris. Les élèves appré-
Isabelle Valle cient que l’enseignant s’occupe d’eux en particulier, qu’il
ait suffisamment de temps pour eux. Ici aussi se pose la
question des dispositifs à mettre en place pour permettre
Dans notre école, les élèves participant à l’aide personnali- une même disponibilité à certains moments en classe
sée ont été interrogés lors d’entretiens individuels au sujet ordinaire.
de leur expérience scolaire pendant ce temps passé à l’école.
Il s’agissait de savoir quel était leur ressenti à propos de Redonner le gout d’apprendre
cette prise en charge scolaire, alors que leurs camarades Mais les élèves pris en charge en aide personnalisée vivent
étaient rentrés à la maison. aussi une expérience positive dans la mesure où ils nous
disent avoir davantage envie de travailler pendant ce temps
Les résultats de ces entretiens montrent qu’ils vivent cela
d’aide. Est-ce parce qu’ils se sentent davantage accompa-
comme une expérience scolaire très positive, pour deux
gnés ? Est-ce parce que la nature de leurs difficultés est
raisons : ils apprécient l’environnement de travail qu’ils
davantage prise en compte ? Parce qu’ils se sentent estimés
y trouvent, et la relation privilégiée à l’adulte dont ils
même dans leurs difficultés ? Les élèves interrogés nous ap-
peuvent profiter.
prennent que parfois, cette alchimie fonctionne. Ajoutons
Un espace protégé que les activités proposées en aide personnalisée plaisent
L’aide personnalisée fournit un espace-classe dont les aux élèves, qu’il s’agisse de petits jeux, de reprises didac-
tiques ou d’autres voies d’apprentissage. Elles semblent
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Isabelle Valle
Professeure des écoles en CE2 à Thionville (Moselle)
pour mieux aider mis en place en lien étroit avec la classe pour une meilleure
efficacité des apprentissages qui s’y effectuent.
Si l’enseignant en charge de ces heures de soutien adopte
Jean-Paul Vaubourg une posture d’aide2, une attitude bienveillante l’engageant
à essayer de vaincre les obstacles rencontrés par les élèves,
celle-ci est mise aussi en œuvre dans la construction des
Les programmes de l’école primaire, par la quantité programmations et des progressions.
de notions de langue qu’ils demandent aux élèves
de maitriser et par le métalangage qu’ils imposent, Des programmes peu précis
mettent certains élèves en difficulté : une réflexion Les programmes en vigueur ont à cet égard octroyé aux en-
précise sur ce qu’on enseigne quand on étudie la seignants de l’école une liberté très intéressante, puisqu’ils
langue est utile pour préciser les modalités d’une les laissent libres des méthodes et des démarches qu’ils
aide spécifique. utilisent ; en effet, les programmes actuels, qui datent de
juin 2008, sont moins détaillés que les précédents, datés de
2002, mais indiquent qu’il appartient à l’enseignant de les
appliquer en faisant des choix de démarches et de manuels
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nomme-t-on « conjonction, adjectif, complément • « clarifier les notions » : par exemple, réserver le terme
d’attribution »… ; le métalangage explique aussi le rôle « adjectif » pour les seuls adjectifs qualificatifs et réunir
des mots dans une phrase, qui sont comme les person- les adjectifs possessifs et démonstratifs dans la catégo-
nages irréels d’une histoire bien obscure : « L’adjectif rie des déterminants (qu’on nommera ensuite « déter-
qualificatif épithète “s’accorde” en genre et en nombre minants possessifs » et « déterminants démonstratifs »)
avec le nom qu’il qualifie, un pronom personnel complé- ou encore ne pas chercher à différencier propositions
ment “remplace” un COD, le sujet “commande” l’accord subordonnées et propositions coordonnées par la seule
du verbe dans la phrase, le complément circonstanciel présence d’une conjonction de subordination ou de
“apporte” des informations sur le lieu, les noms “varient” coordination5…
en nombre, le déterminant possessif “renvoie” à quelqu’un
ou quelque chose3… » Les mots « s’accorde, remplace, L’explicitation de l’utilité du travail sur la langue
commande, apporte, varient, renvoie » sont des verbes Avant même de considérer les difficultés d’écriture et de
d’action, ici employés dans des sens différents du sens lecture de certains élèves, il faut comprendre que le fait
commun et très abstraits. même d’étudier la langue, que par ailleurs ils maitrisent
puisqu’ils sont francophones6, peut poser des problèmes.
Il suffit de demander à des élèves ce qu’ils entendent par Il est donc nécessaire d’expliquer clairement à quoi sert
ces mots pour s’apercevoir que leurs connaissances sont l’analyse de la langue :
parfois bien floues ; on citera un seul exemple, chez ces
élèves de 6e qui disent : « Un verbe, c’est le nom qui dit le sujet • parfois, elle permettra d’écrire ou de lire mieux (accor-
» ou encore, à propos des phrases complexes, « Une propo- der un adjectif, apprendre à trouver le référent d’un
sition, c’est quand on veut faire quelque chose »4, confondant pronom…) ; l’analyse de la langue est alors au service
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ou écrit au même moment en classe, et leur maitrise sera déconnecté des travaux en lecture et écriture et relèveront
évaluée en situation de lecture et d’écriture par le maitre du plaisir d’apprendre à connaitre la langue : une sorte de
de la classe ; les faits de langue relevant de la description jubilation du savoir, dont les élèves en difficulté ont parfois
de la langue seront travaillés dans un moment d’aide plus perdu l’habitude.
Jean-Paul Vaubourg
IUFM de Nancy
Auteur de Étudier la langue au cycle 3,
CRDP d’Amiens, 2010.
Voir la présentation de l’ouvrage sur
la cyberlibrairie du Scérén
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Au collège
Une organisation Les activités proposées sont organisées selon le tableau
ci-dessous.
mardi
les compétences des élèves et sur les pratiques de l’histoire 16 h 30
Activités autres
enseignantes. L’occasion à travers une activité non anglais ludique mardi 18 h 00
scolaire, comme ici les arts du cirque, de reconsidérer
ateliers
les jugements parfois portés hâtivement sur les vendredi
scientifiques
difficultés des élèves.
atelier herbier lundi
Pratiques
16 h 30
artistiques et arts plastiques lundi
18 h
L’accompagnement éducatif a été lancé dès la rentrée 2007 culturelles
cirque – danse jeudi
de façon expérimentale dans notre collège, situé dans un
quartier qui bénéficie de la participation de la politique de
la ville dans un Programme de réussite éducative (PRE). Une liste de présence des élèves permet de suivre la régula-
rité de leur fréquentation entre le moment de l’inscription
Une organisation à penser à l’échelle de l’établissement et le déroulement scolaire. Les familles des absents sont
La démarche générale consiste à mobiliser des personnels contactées par téléphone après l’appel du soir, et doivent
différents sur un accompagnement général de l’élève, avec en justifier le motif.
deux types d’intervenants différents. Chaque élève dispose d’une fiche individuelle de compé-
Le dispositif PRE est animé par des associations qui tences (annexes 1et 2) qu’il remet à son professeur référent
recrutent des étudiants, mais également des professeurs dans l’accompagnement éducatif et qui permet, à chaque
afin d’assurer hors temps scolaire de l’aide aux devoirs ; il capacité observée, de valider son acquisition puis, lorsque
est aussi accompagné par la vie scolaire, puisque les CPE plusieurs capacités sont validées, de valider la compétence
disposent de deux heures mensuelles pour faire le lien avec attendue. Les premières fiches ne sont pas directement
le collège. Un correspondant « établissement » est chargé à liées aux apprentissages, mais peuvent être d’ordre com-
la fois de l’animation des équipes d’accueil, de la coordi- portemental ou organisationnel. Leur suivi et leur retrans-
nation avec les équipes pédagogiques, les enseignants qui cription auprès des équipes pédagogiques s’effectuent par
interviennent dans le dispositif, ainsi que du suivi de la le biais du professeur principal, et un bilan individuel fait
présence des élèves. l’objet d’une transmission lors du conseil de classe.
Un document d’inscription est proposé aux familles des Des difficultés à travailler
élèves de 6e, dès la première quinzaine de septembre, après La différence entre l’aide aux devoirs apportée dans le
les évaluations de début d’année, afin de répartir les élèves cadre de l’accompagnement éducatif et celle prodiguée par
selon les besoins de chacun : accompagnement sur des dis- les étudiants du PRE de la ville doit devenir perceptible
ciplines, sur de la méthodologie, des activités sportives ou à la fois pour les élèves et leur famille comme pour les
culturelles. La même proposition est ouverte aux élèves de enseignants. Aussi, pour donner toute l’ampleur de cet
5e et 4e dès la fin du mois de septembre, lorsque les premiers accompagnement, un groupe « cirque » et un groupe «
résultats de contrôles de connaissances sont analysés. danse contemporaine » viennent compléter le dispositif de
Fin septembre, une réunion des professeurs principaux découvertes artistiques déjà engagées avec les arts plasti-
et des professeurs inscrits dans ce dispositif permet d’éla- ques.
borer des groupes et de poser la question d’une double La réflexion sur un outil de liaison entre les intervenants
évaluation : celle de l’élève dans le dispositif, et celle du du soir et les professeurs de la classe est engagée : un cahier
dispositif lui-même (taux de fréquentation, respect des est mis à l’essai, mais son temps de rédaction et de mise à
horaires, utilisation des outils, constats sur l’attitude et la jour est un frein à son utilisation. Un deuxième outil issu
mobilisation des élèves, influence sur les résultats scolaires,
sur le respect des personnels et des locaux).
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
du cahier de textes, placé sous la responsabilité de l’élève, À la suite de cette interrogation, un barème du cahier de
ne donne pas satisfaction non plus... l’élève a été mis au point, commun à chaque discipline,
Les interrogations sur la prise de notes lors des devoirs permettant à l’élève et à sa famille de connaitre les modali-
donnés et des leçons à apprendre ne trouvent pas immé- tés de l’évaluation trimestrielle. (annexe 3)
diatement de solution. Le passage au cahier de textes nu-
Une activité particulière, l’atelier cirque
mérique en ligne sera une solution adoptée lors de l’année
scolaire 2009/2010. L’activité cirque, par l’engagement qu’il implique lors
d’une représentation devant un public, est un véritable la-
Bilan de la fréquentation du dispositif boratoire d’analyse de compétences. Jongler, évoluer sur un
accompagnement éducatif monocycle, effectuer des figures acrobatiques, demandent
Le dispositif fonctionne chaque soir de la semaine et un travail et une persévérance dans la répétition de gestes
accueille des effectifs importants d’élèves tout au long de qui induisent pour l’élève la notion d’effort. On n’obtient
l’année (voir tableau ci-dessous). pas la qualité d’une prestation fluide dans une activité de
cirque sans un entêtement à pratiquer. La répétition et
Nombre d’inscrits au dispositif pour la période comprise la révision de gestes ou de postures sont couronnées de
entre le 5 janvier 2008 et le 31 mars 2008. succès lorsque « ça passe ». Cette démarche de réussite est
Niveau Niveau Niveau Niveau Total à l’inverse de celle issue de l’imagerie des élèves sur une
6e 5e 4e 3e activité « de loisirs ». Il s’agit bien de comprendre que le «
naturel » des enchainements réalisés a demandé en amont
Lundi 25 35 9 10 79 beaucoup d’efforts et de travail, avec un espoir que ce
constat s’étende aux autres compétences scolaires…
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Mardi 23 28 5 7 63
Jeudi 29 24 5 11 69 L’engouement pour cette activité est tel qu’il nous a fallu
revoir le dispositif général d’accueil des élèves au sein de
Vendredi 13 19 5 6 43 l’accompagnement éducatif. En effet, l’accompagnement
Total 90 106 24 34 254 éducatif ne s’adresse qu’aux élèves du quartier (environ
60 % de l’effectif) ; les autres, issus de villages de la
Taux de fréquentation moyen sur la période concernée périphérie dijonnaise, ne peuvent en bénéficier, les bus
(en tenant compte des fermetures lors des conseils de classe et des mani- les reconduisant chez eux à 16 h 40. Pour leur permettre
festations en soirée, rencontres parents-profs, soirées orientation, etc.) de participer à l’atelier, une ouverture sur le temps de la
Niveau Niveau Niveau Niveau Total pause méridienne réservée à ces élèves est mise en place.
Le groupe cirque et le groupe danse se trouvent donc
6e 5e 4e 3e
renforcés d’une dizaine d’élèves chacun et les numéros
Lundi 15 17 5 8 45 proposés peuvent se diversifier.
Mardi 13 10 4 7 34 Le collège, du fait de son emplacement au cœur du quartier
Jeudi 16 18 3 10 47 et de sa volonté d’ouverture avec les partenaires locaux,
participe à la « parade métisse » du mois de juin. Il s’agit
Vendredi 10 10 4 4 28 d’un défilé thématique qui regroupe des associations, les
Total 54 55 16 29 154 écoles et les acteurs du quartier, sous la direction d’un
chorégraphe. Le groupe cirque, de même que le groupe
Du point de vue des enseignants danse, a bénéficié tout au long de l’année de l’intervention
À l’occasion de ces temps d’accompagnement, les ensei- de partenaires extérieurs (deux compagnies de cirque et
gnants impliqués peuvent mesurer la différence de point une de danse) pour préparer cette manifestation. Ils sont
de vue entre l’élève qui croit avoir appris sa leçon et le également conviés au festival national des arts du cirque
professeur qui lui a demandé de le faire, entre la consigne à Surgères (Charente-Maritime) pour y présenter leur
donnée en classe et la manière dont elle est transcrite, prestation. Cette démarche, initiée par les enseignants
puis comprise lors de l’aide du soir, de l’hétérogénéité d’EPS intervenant dans ce dispositif, permet de motiver et
des demandes et des consignes selon les disciplines et les fédérer le groupe. La participation à ce festival, qui a lieu
collègues. Un conseil pédagogique de janvier a servi de tous les deux ans, devient un but et une motivation efficace
retour d’expérience sur ce dispositif et permis d’engager pour les élèves participants. Ce dispositif s’inscrit ainsi
une réflexion sur les attentes communes des collègues pour dans la durée (deux années de préparation dans le cadre de
le même type d’exercice. l’accompagnement éducatif sont un vecteur fort de l’im-
plication et de la cohésion des élèves) et son retentissement
médiatique rejaillit sur la notoriété positive du collège.
Hervé Jacob
Principal adjoint en collège à Dijon
Se concentre Signature du
professeur
Savoir où j'en suis
Connait les notions Savoir où
qui ont été enseignées j'en suis
antérieurement
Connait son cours
(les mots importants,
Signature du
leur signification et
professeur
leur contexte)
Savoir réutiliser
Sait utiliser ses Savoir
connaissances pour réutiliser
résoudre un exercice (ou
aller chercher les outils Signature du
nécessaires dans son professeur
cahier ou son livre)
Dates
Conseils pour progresser :
Dans un collège dagogiques, autre spécificité RAR. Les élèves sont réunis
en groupes de trois ou quatre, dans des salles informatisées
« ambition réussite »,
consacrées aux séances d’accompagnement éducatif. Dans
ce lieu conçu pour le dispositif d’aide, les élèves échangent,
écoutent, pratiquent, et s’approprient les savoir-faire au
une affaire collective fur et à mesure des séances. D’une fréquence d’une à deux
heures par semaine, sur une période de sept semaines, cette
aide d’ordre organisationnel permet à l’élève d’acquérir de
Céline Bentéo véritables compétences. À la suite de cette première pé-
riode, les élèves les plus en difficultés sont donc davantage
outillés quand ils retournent en classe.
Comment des personnels comme les professeurs
référents et les assistants pédagogiques L’intervention des assistants pédagogiques
peuvent intervenir au mieux dans le cadre de La deuxième phase du dispositif est centrée sur l’appren-
l’accompagnement éducatif, en harmonisant leurs tissage des leçons en français et en mathématiques. Après
interventions avec celles des enseignants ? un premier bilan, primordial pour le bon fonctionnement
du dispositif, et réunissant professeurs principaux des
deux niveaux (6e et 5e), assistantes pédagogiques en charge
Dans notre établissement, nous avons choisi d’axer essen- des élèves en difficultés, et professeurs référents, un « état
des lieux » est effectué sur la progression des élèves. Les as-
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Une matinée méthodo réponde à un sujet précis. Leur attention est de suite attirée,
car nous faisons régulièrement cet exercice et l’enjeu est
de taille : obtenir une ceinture supplémentaire. Que c’est
ou l’accompagnement difficile d’écrire un récit historique ! Pour aider les élèves à
relever ce défi, ils ont sous les yeux les différentes étapes à
heure par heure suivre. Lorsque l’on écrit un texte, les élèves peuvent s’ils
le désirent passer une ceinture, comme pour les ceintures
de judo. Pour obtenir une ceinture supplémentaire, ils doi-
Carole Guillot-Coquin vent atteindre deux objectifs précis : l’un qui est spécifique
à l’histoire et l’autre qui relève de la maitrise de la langue.
Nous commençons notre travail. Pour écrire un récit
Aider les élèves, c’est leur donner confiance dans le historique, il faut des connaissances précises sur le sujet,
travail en classe, mais aussi dans le travail personnel. nous étudions donc trois documents de nature différente.
Plutôt qu’un cours théorique sur la façon d’apprendre J’apporte des précisions sur les documents en indiquant le
une leçon ou d’organiser un texte, il faut faire le vocabulaire spécifique de la leçon. Enfin je donne le sujet et
pari de la pédagogie active afin de mettre les élèves les élèves travaillent en autonomie. Je passe dans les rangs et
en situation de se frotter aux problèmes, et leur je vois Baptiste, un élève dyslexique, qui ne dit rien, n’écrit
proposer des dispositifs d’aide au fur et à mesure. rien et mordille son stylo en regardant sa page blanche. Je
lui demande pourquoi il n’écrit pas. Il me répond qu’il ne
comprend rien, qu’il ne sait pas quoi dire. J’écris le début
d’une phrase pour qu’il n’ait plus qu’à la compléter. Mais
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Carole Guillot-Coquin
Vers une mutualisation nous a donc semblé pertinent de circonscrire nos inves-
tigations sur les dispositifs d’accompagnement dans des
espaces délimités afin de mieux prendre en considération
des dispositifs de leurs actions, leurs interactions et leurs effets sur une
même population.
l’accompagnement ? Les dispositifs d’accompagnement ne correspondent pas
toujours aux mêmes attentes ou aux mêmes publics, cer-
Olivier Meunier tains jeunes ayant besoin ou préférant sortir du cadre de
l’école et être en interaction avec d’autres personnes que
leurs enseignants. Cependant, l’aide aux devoirs étant déjà
présente dans les deux types d’accompagnement, nous
En étudiant les effets de l’accompagnement
pouvons nous demander si l’accompagnement à la scolarité
éducatif et de l’accompagnement à la scolarité
serait susceptible de se réorienter sur ses autres missions,
sur la scolarisation des élèves et sur les pratiques
notamment les activités visant à travailler la question de
enseignantes, il apparait que les actions les la distance socioculturelle des élèves vis-à-vis de la forme
plus porteuses de réussites sont celles menées scolaire.
conjointement et à égalité entre les différents
Toutefois, la majorité des parents et des élèves minimisent
acteurs. Reste à inventer les moyens de mettre en
ou ignorent cette perspective d’un détour sociocognitif par
place une culture commune et à changer les regards
des activités non scolaires préparant aux apprentissages.
que les uns peuvent porter sur les autres pour
Les attentes relatives aux résultats semblent directement
avancer ensemble.
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liées aux effets de l’aide aux devoirs. Elles sont encore plus
importantes dans l’accompagnement éducatif, l’aide aux
devoirs étant effectuée dans un cadre scolaire par des « pro-
Les dispositifs d’accompagnement se réfèrent à des actions fessionnels de l’instruction », ce qui conforte la croyance
offrant – aux côtés ou au sein de l’école – un appui et des qu’il ne peut pas être effectué « au rabais », qu’il devrait
ressources que l’élève ne rencontre pas toujours dans son forcément favoriser la « réussite scolaire », ce qui peut
milieu socioculturel afin d’améliorer ses conditions de sco- entrainer de fortes déceptions quand les résultats ne sont
larisation et de favoriser sa réussite scolaire et son intégra- pas au rendez-vous. Cet engouement des parents et des
tion. Ils consistent le plus souvent à amener l’élève à opérer élèves à l’égard de l’aide aux devoirs limite la réorientation
un changement d’attitude concernant les apprentissages des acteurs de l’accompagnement à la scolarité vers des
et les objets culturels légitimés par la forme scolaire, en activités non scolaires. Ceux-ci tiennent à préserver leur
prenant en considération son éloignement culturel. « clientèle » en répondant à leur demande par le « produit
Dans l’accompagnement éducatif1, ce sont en principe des d’appel » que constitue l’aide aux devoirs, tout en propo-
enseignants qui encadrent le travail personnel des élèves, sant d’autres activités. Les pratiques de l’accompagnement
proposent des activités sportives et favorisent leur ouverture à la scolarité ne se sont donc pas profondément modifiées
au monde de l’art et de la culture au sein de l’établissement depuis l’avènement de l’accompagnement éducatif.
après les heures d’enseignement. Quelle mutualisation ?
Dans l’accompagnement à la scolarité2, hormis l’école La mutualisation des différents dispositifs d’un RTAP afin
ouverte, les intervenants relèvent davantage de l’animation de proposer des activités complémentaires et diversifiées,
socioculturelle et interviennent dans le cadre associatif souvent mise en avant dans les discours institutionnels,
et / ou dans les centres sociaux, souvent à l’extérieur des demeure limitée dans les pratiques quotidiennes. Assez
écoles. Les activités de soutien scolaire sont présentes, mais souvent, la pénurie des « enseignants volontaires » pour
il est également question de s’appuyer sur des « activités l’aide aux devoirs contribue au maintien de cette activité
culturelles » et une « pédagogie de détour » permettant de dans les centres sociaux ou dans les associations, mais ces
« redonner confiance », sans oublier de s’adresser également derniers ont peu de contacts avec les établissements : leurs
aux « enfants nouvellement arrivés en France ». relations sont occasionnelles4 ou inexistantes dans deux
Deux dispositifs qui s’ajoutent ou se complètent ? RTAP sur trois.
La circulaire précise toutefois que l’accompagnement De par leurs statuts, les écoles primaires sont davantage
à la scolarité doit prendre en compte l’accompagnement associées à la politique de la ville, ce qui favorise des ac-
éducatif. Qu’en est-il vraiment ? Afin de saisir les rapports tions conjointes et complémentaires entre les différents
éventuels entre ces deux types d’accompagnement, nous acteurs de l’accompagnement, notamment quand elles
utiliserons le terme de « réseau territorial de l’accompa- ont lieu au sein des écoles. Néanmoins, les actions d’ac-
gnement prioritaire » (RTAP) pour chaque ensemble école- compagnement s’effectuent souvent de manière isolée,
collège-centre social-associations relevant de l’éducation les « accompagnateurs » de l’accompagnement éducatif ne
prioritaire3. En effet, ces organisations se retrouvent dans pouvant clairement expliciter le travail de leurs collègues
un même espace où elles peuvent travailler ensemble. Il de l’accompagnement à la scolarité et réciproquement. Les
enseignants réservent assez souvent l’accompagnement
1 Circulaire du 5 juin 2008. éducatif à l’ensemble des élèves de leur classe, notamment
2 Circulaire du 6 juin 2008. les professeurs des classes d’adaptation ou d’intégration.
3 Nous avons effectué des enquêtes (entretiens, observations) Les activités culturelles et sportives relèvent davantage de
dans douze RTAP de deux académies en 2009 et 2010. Du
fait d’un effectif limité, les résultats exprimés ici doivent
être considérés seulement comme des tendances. 4 Une à deux réunions informatives annuelles.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
l’accompagnement à la scolarité et sont prises en charge répondre à la diversité culturelle, notamment par l’utilisa-
durant la pause méridienne ou après les cours par des tion de pédagogies interculturelles.
professionnels qui dépendent généralement de la munici- Nous constatons également une sous-utilisation de la com-
palité. Lorsque l’organisation est souple, les élèves ont la plémentarité et de l’articulation des dispositifs existants sur
possibilité de naviguer d’une activité à l’autre : « après les temps scolaire et propres à l’établissement. Les relations
devoirs », ils peuvent aller choisir un livre à la bibliothèque, entre les enseignants qui effectuent l’accompagnement
se rendre dans la salle informatique, dans la cour, à l’atelier éducatif et les autres sont encore limitées. Hormis un col-
de jeux, etc. lège, nous n’avons pas observé de fiches-navettes relatives
Seulement deux collèges sur douze continuent à travailler à chaque élève permettant de faire remonter ses besoins
avec le centre social de leur zone, en effectuant un suivi en compétences et de présenter le travail effectué dans le
mutuel des élèves (assiduité, comportement, travail, résul- cadre de l’accompagnement éducatif. Pourtant, quand les
tats, problèmes familiaux, problèmes d’apprentissage, etc.). enseignants se concertent et cherchent à adapter les mé-
Dans l’un d’entre eux, des enseignants volontaires (depuis thodes pédagogiques au profil singulier de chaque élève,
de nombreuses années) viennent soutenir pédagogique- les résultats escomptés (comprendre sa leçon, répondre
ment les animateurs: ce sont principalement les élèves de correctement aux questions, résoudre un problème, faire
3e et de 4e qui s’y rendent pour faire leurs devoirs ; deux un exercice, etc.) sont généralement présents en fin de
tiers d’entre eux affirment qu’ils n’iraient pas au collège séance. Le travail sur les compétences s’inscrit néanmoins
si le centre social ne proposait plus cette activité. Dans les dans une temporalité plus longue et relève, au-delà de
collèges, l’aide aux devoirs représente l’activité principale, l’accompagnement éducatif, de l’ensemble des dispositifs
tandis que les activités culturelles sont plus particuliè- et de la scolarité de chaque élève. Il impliquerait peut-
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
rement orientées avec la finalité de préparer le spectacle être l’utilisation d’un livret de compétences pour chaque
de fin d’année auquel sont conviés les parents. Celles qui élève afin de mieux connaitre ses besoins, ses attentes, son
nécessitent un talent particulier reposent sur un enseignant évolution, ses limites, ce qui favoriserait la cohérence et la
(valorisation d’une activité extrascolaire généralement) ou concertation des approches pédagogiques et didactiques à
sur un intervenant extérieur encadré pédagogiquement son égard.
par un professeur. Les activités sportives sont limitées
dans l’accompagnement éducatif, les enseignants préférant Former les acteurs à travailler ensemble
continuer à les exercer dans l’association sportive. Dans Les relations entre les établissements scolaires et les centres
un collège sur trois, l’aide aux devoirs a été confiée aux sociaux et les associations demeurent limitées alors que
assistants pédagogiques/d’éducation, les enseignants les finalités sont compatibles, souvent complémentaires,
volontaires préférant encadrer les activités culturelles. parfois identiques, d’autant plus que le financement est
Dans la moitié des collèges, elle est effectuée à la fois par public. Cette absence de concertation ou parfois de relation
les enseignants, les assistants pédagogiques et les assistants – souvent justifiée par un manque de temps ou d’intérêt – a
d’éducation. Dans un collège sur six, ce sont exclusive- tendance à donner une image confuse de dispositifs empi-
ment les enseignants qui encadrent les élèves pour l’aide lés. Il apparait pourtant qu’elle peut faciliter la cohérence
aux devoirs et une grande partie des activités culturelles et et la visibilité de l’ensemble de ces dispositifs. Lorsque
sportives. L’assiduité dans l’accompagnement éducatif (et c’est le cas, elle permet de mieux réorganiser l’emploi du
surtout dans l’aide aux devoirs) est rendue obligatoire dans temps des élèves et de mettre en place de nouvelles activi-
quatre établissements sur cinq, ce qui limite les tentations tés à partir d’une réflexion commune. En effet, si les élèves
consuméristes des élèves. ont des demandes relatives à l’accompagnement, ils ne sont
pas toujours capables d’identifier leurs besoins. De même,
Les pratiques mises en œuvre dans l’accompagnement les enseignants disposent rarement d’une vision précise
Certaines tendances générales se retrouvent de manière de leur RTAP et des actions qui sont déjà menées depuis
récurrente dans l’accompagnement éducatif. C’est notam- l’avènement de l’accompagnement éducatif, alors que les
ment le cas de la prééminence des aspects organisationnels centres sociaux et les associations y sont souvent profon-
sur les dimensions pédagogiques, et plus largement éduca- dément impliqués. Les animateurs des centres sociaux de-
tives. L’expérimentation de pédagogies assez souples pour meurent méfiants à l’égard de l’accompagnement éducatif
répondre à la diversité des élèves et à la personnalisation de quand un travail commun n’est pas mis en place alors que
leurs parcours semble difficile à mettre en place. Une partie les deux dispositifs peuvent être utilisés de manière com-
importante des enseignants ont tendance à se restreindre plémentaire, certains élèves préférant faire leurs devoirs en
à ce qu’ils savent faire, ce qui n’est pas toujours suffisant dehors de l’école. C’est souvent lorsqu’une synergie se met
pour stimuler et améliorer les capacités d’apprentissage en place entre les différents acteurs de l’accompagnement
des élèves. D’autres professeurs essaient d’expérimenter de manière égalitaire, sans que l’un soit prestataire ou com-
des manières d’apprendre et des méthodes pédagogiques manditaire de l’autre, et quand il existe un véritable suivi
différentes de celles qu’ils mettent en place en classe, ce des élèves avec des remontées et des échanges d’informa-
qui permet plus facilement de lever les blocages cognitifs tions de manière transversale, que la cohérence, la perti-
des élèves. Hormis ces problèmes cognitifs qui demeurent nence et peut-être l’efficacité de l’accompagnement des
essentiels, certains enseignants précisent que l’un des blo- élèves apparaissent clairement. Faudrait-il alors proposer
cages principaux de nombreux élèves est l’absence de leur des formations à l’accompagnement pour l’ensemble des
désir d’apprendre, d’autres qu’il s’agit d’un manque de acteurs de ces dispositifs afin de favoriser les dynamiques
confiance et d’estime en soi chez certains élèves, d’autres collectives dans les différents RTAP ?
enfin que les élèves sont trop éloignés culturellement des
enseignants qui ne savent pas ou n’ont pas été formés pour Olivier Meunier
Sociologue au centre Alain Savary de l’INRP
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40 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Au lycée professionnel
Au lycée professionnel
Conditions pour une horaire balisée pendant laquelle l’élève pourra retra-
vailler avec un professeur pour acquérir les compéten-
ces nécessaires à l’obtention du diplôme intermédiaire
mise en œuvre utile ou du baccalauréat. Dans certains établissements, un
« parrainage » d’une classe ou de plusieurs élèves par
Karine Foucher des professionnels a un impact considérable sur la
motivation des élèves : il leur permet de rencontrer
des professionnels qui effectuent déjà leur futur
Dans le cadre de la rénovation de la voie
métier. Les élèves ont la possibilité d’effectuer leurs
périodes de formation en milieu professionnel chez ce
professionnelle, un accompagnement personnalisé
« parrain », mais ils peuvent simplement découvrir ce
a été instauré. Comment en faire un dispositif utile
métier sous d’autres angles ;
pour les élèves ?
• Co-intervention de deux professeurs sur une même
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
peut travailler les matières qui lui poseront problème Afin de faciliter le travail des équipes pédagogiques, les
lors de ce changement de spécialité au sein du même professeurs peuvent en amont s’inscrire aux formations du
champ professionnel ; plan académique de formation de leur académie, afin d’éla-
• Approfondissement : donner plus à ceux qui sont borer et d’harmoniser des progressions sur trois ans, de
demandeurs afin de leur permettre par exemple une déterminer les compétences transversales qui font souvent
poursuite d’études en enseignement supérieur. Par défaut aux élèves.
exemple, l’élève peut approfondir lors de l’accompa- Une organisation souple au sein des établissements permet
gnement personnalisé ses connaissances en anglais. l’élaboration d’actions communes à plusieurs élèves, et
Il peut être préparé au TOEIC s’il continue en DUT pourquoi pas à plusieurs classes (organisation en « bar-
physique-chimie. rettes »). L’ensemble des acteurs de l’établissement doit
À la fin de chaque dispositif mis en place, il convient d’éva- s’approprier ce levier puissant de réussite qu’est l’accom-
luer la pertinence de celui-ci comme les acquis des élèves, pagnement personnalisé, afin qu’il ne soit pas seulement
puis de choisir le prochain dispositif dont l’élève a besoin. au service d’un petit groupe d’élèves, mais du plus grand
nombre.
Des points de vigilance L’équipe de direction doit mettre en place les modalités
L’équipe pédagogique doit mettre en place des dispositifs organisationnelles de l’accompagnement personnalisé après
articulés, évolutifs et complémentaires qui vont prendre en avoir défini les besoins des élèves et pris en considération
compte ce qui est fait en classe, mais également ce qui est fait les compétences des professeurs qui interviendront dans
pendant les périodes de formation en milieu professionnel ce cadre. Enfin, l’attribution de moyens doit être faite en
et dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. conséquence.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
deuxième posture assure une survie professionnelle « car Une mission d’équipe
elle permet de ne pas être envahi par les difficultés sociales des Enfin, au niveau organisationnel, le temps institutionnel
élèves » (ibid.). accordé aux personnels pour mener à bien leur mission
La mise en place de l’accompagnement personnalisé pour- d’accompagnement personnalisé reste un véritable point
rait peut-être permettre au professeur d’expérimenter une d’achoppement. Il apparait à l’issue de nos observations
« posture » intermédiaire et moins radicale, plus en prise que plus on « personnalise » l’enseignement, plus il est né-
avec la réalité des élèves de lycée professionnel. cessaire qu’existe un collectif, une équipe pédagogique en
tant qu’instance d’harmonisation. Or, en ce qui concerne la
Des modèles pédagogiques différents coordination, c’est au mieux les professeurs principaux qui
Du point de vue pédagogique, il se trouve que ces deux sont en charge de « recueillir » de manière plus ou moins
postures amènent à surinvestir des modèles pédagogiques informelle les « avis » de leurs collègues ; et c’est parfois
bien différents qui orientent les pratiques d’accompagne- le proviseur adjoint qui organise tout le suivi. Il apparait
ment. Ainsi, la tension constitutive entre les trois missions donc que pour l’instant, la dimension organisationnelle
du lycée professionnel (instruire, éduquer, socialiser) se l’emporte sur les choix pédagogiques.
retrouve exacerbée et vient alimenter les débats et contro-
verses au sein de l’équipe pédagogique, sur les cibles de Trois niveaux d’accompagnement à articuler
l’accompagnement personnalisé. Cette dernière remarque nous conduit à interroger l’arti-
Vaut-il mieux réassurer les savoirs fondamentaux, déve- culation entre ces deux dimensions : organisationnelles et
lopper l’acquisition de « méthodes » de travail, « (re) mo- pédagogiques. La gageüre de s’adresser à tous les élèves (à
tiver » les élèves, favoriser l’insertion professionnelle ou, la fois aux élèves les plus en difficulté et aux élèves les plus
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
plus en amont, l’orientation… ou bien tout cela à la fois ? en réussite comme aux intermédiaires) nécessite en effet
Pour répondre à ces formes émergentes et renouvelées un engagement collectif de l’équipe pédagogique pour
de « l’apprendre » et de « l’enseigner », les professeurs de gagner en cohérence et construire des dispositifs intégrés.
lycée professionnel doivent donc développer de nouvelles Il est très important de ne pas reléguer l’accompagnement
compétences. Parmi celles qui pourraient permettre l’ap- personnalisé seulement dans des moments dédiés séparés
propriation de ces prescriptions, nous voyons se dégager du reste de la semaine, ce qui le conduirait finalement à
surtout les compétences communicationnelles. En effet, les rester périphérique. Il est au contraire nécessaire de penser
activités liées à l’accompagnement supposent un travail en ce dispositif en lien avec les autres situations de formation.
petits groupes. Ces derniers sont le plus souvent constitués Tout l’enjeu va résider là, dans la mise en cohérence des
à partir de plusieurs classes et régulièrement réorganisés choses. Car l’articulation est centrale dans de tels dispo-
en fonction des progrès des élèves. La négociation entre le sitifs : l’articulation entre le système scolaire et les aspira-
professeur et l’élève est un autre élément récurrent observé tions de l’élève, l’articulation entre les matières et entre les
dans ces pratiques émergentes et concerne l’enjeu de la enseignants, entre le lycée et le monde professionnel ainsi
tâche, sa finalité, le sens que l’élève lui donne, ou encore qu’entre les modalités d’organisation.
le « projet » individuel. Ces formes d’échange tendent à Dans la mise en œuvre du dispositif, trois niveaux d’accom-
transformer la relation pédagogique en diminuant l’écart pagnement sont plus particulièrement à articuler, chaque
entre les deux postures enseignantes : « le sauveur » et niveau étant lui-même un lieu d’articulation de différentes
« l’indifférent ». composantes dont nous ne mentionnerons que celles qui
nous apparaissent tout particulièrement déterminantes.
Au service des élèves ?
Du point de vue de l’exercice du métier, cette survalorisa- Le niveau d’accompagnement des
tion de l’échange fait que les professeurs ont toutefois l’im- processus d’apprentissage
pression de s’éloigner de la logique de mission à dimension Agir sur les processus d’apprentissage, c’est travailler à la
collective, au profit « d’une logique de service à dimension plus fois sur la motivation et sur la structuration des apprentis-
individuelle » (ibid.). Toutefois, l’introduction de « l’accom- sages. Et ce d’autant qu’un grand nombre des élèves qui
pagner » n’implique pas d’inventer un nouveau métier ou arrivent en 2de professionnelle se trouvent dans des filières
de renoncer à son métier actuel. Il ne s’agit surtout pas qu’ils n’ont pas choisies, ou par défaut. Beaucoup peuvent
de faire de l’accompagnement un lieu de remotivation des se sentir démotivés avec le sentiment d’être relégués,
élèves totalement en dehors des apprentissages scolaires. déclassés, ignorés. Par ailleurs, la plupart ont également
Par ailleurs, l’éclatement du modèle « cellulaire » de la des lacunes importantes en ce qui concerne la maitrise des
classe et la tendance observée à aller vers des regroupe- compétences de base dans la compréhension des textes,
ments d’élèves où le professeur ne suit pas forcément « ses l’expression écrite et orale, les mathématiques. Plusieurs
» élèves représentent en eux-mêmes un véritable « renver- articulations sont ainsi particulièrement cruciales entre les
sement ». Ces pratiques fragilisent l’habituelle position « questions de confiance, de sens et d’apprentissage.
d’autorité » dont le professeur doit se détacher – tout au • Avoir confiance dans les possibilités de l’élève et sus-
moins momentanément – dans ces nouveaux espaces de citer ou restaurer cette confiance en soi est un facteur
travail. Pour autant, les gestes professionnels ne sont pas particulièrement déterminant. On connait bien l’im-
si cloisonnés qu’il semble y paraitre et il se pourrait bien pact délétère du pessimisme dans les prédictions des
que l’éclatement « localisé » de ce modèle « cellulaire » résultats des élèves.
génère des « ondes de choc » qui se propageront jusque • Travailler sur le sens des savoirs se révèle aussi
dans le collectif de la classe et contribueront efficacement particulièrement important. « À quoi ça va me servir
au renouveau des pratiques pédagogiques. de travailler sur telle ou telle matière ? » Ce type de
question revient trop souvent pour qu’on l’évacue.
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44 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Au lycée professionnel
L’accompagnement personnalisé devrait permettre ger l’élève dans son parcours de formation. Pour cela, des
d’un travail s’ouvrant à la question du sens de l’ap- entretiens individuels conduits par un professeur référent
prentissage. nous sembleraient à privilégier comme autant de moments
• Travailler à la fois sur les contenus et sur les méthodes. favorisant l’établissement d’une relation de confiance et de
Devant le constat que les élèves manquent de méthode, dialogue propice à l’ajustement de ces parcours.
il est tentant de mettre en place des accompagnements
Le niveau de l’organisation pédagogique
méthodologiques. Ce que nous soulignons ici est l’im-
portance de ne pas isoler le travail sur les méthodes en D’ores et déjà les enseignants sont amenés à prendre en
le réservant par exemple à des séances faites unique- compte la diversité des élèves dans la classe traditionnelle.
ment pour ça et uniquement là. Il nous faut nous demander, et c’est une des difficultés,
quelle est la spécificité de la personnalisation mise en œuvre
• Structurer les apprentissages. Les activités intellectuel- dans les temps réservés à l’accompagnement personnalisé,
les que sont l’attention, la mémorisation, l’association, quelles en sont les modalités d’organisation. Ceci ne peut
la structuration, la systématisation sont constitutives que conduire à envisager la différenciation mise en œuvre
des apprentissages et ne doivent pas être négligées dans les supports d’apprentissage et le choix effectué d’or-
sous prétexte de rendre les élèves actifs et d’élaborer ganiser des groupes homogènes ou hétérogènes
des projets s’appuyant sur leurs centres d’intérêt. Il
convient donc de se demander si les situations péda- À cette étape de notre étude, il nous est difficile de prendre
gogiques mises en place ne minorent pas certaines la mesure des multiples enjeux et limites liés à l’introduc-
situations fondamentales dans les apprentissages : dé- tion de l’accompagnement personnalisé dans le contexte
couverte, structuration, mémorisation, entrainement, spécifique du LP. S’il apparait que les évolutions en cours
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
démarches adopter ? Faut-il obliger certains à venir ou bien des trois derniers. Ils vont mener l’enquête. Je retourne
aider celui qui est volontaire ? À quelle heure ? Avec com- près des aidés. Je reste cinq minutes avec Amandine pour
bien d’élèves ? Faut-il les aider sur un contenu disciplinaire essayer de la redynamiser et la guider dans ses recherches.
propre à notre formation ou apporter une aide méthodolo- Élodie m’appelle pour la seconde fois. Je vais travailler
gique plus globale ? Faut-il prendre appui sur les besoins avec elle. On finalise le repérage, je l’aide à mémoriser.
qu’ils expriment, aussi divers soient-ils, ou proposer une Elle comprend de mieux en mieux comment apprendre.
démarche unique, mais transférable à tous ? Notre travail commun fonctionne… Je sais que ses notes
Tiraillée entre tout ça, en ayant le sentiment d’avoir tout ont augmenté… Ça, c’est un signe !
testé, j’y vais avec, comme toujours, un plaisir certain, 18 h : deux nouveaux membres arrivent, extirpés de leur
comme une « foi » et une certaine sensation de doute, de chambre par un aide-éducateur. Leur énergie à travailler
frustration, d’insatisfaction. est nulle, ou quasi. L’expression de leur visage me fait clai-
17 h 25 : J’en attends huit élèves, désignés et volontaires, rement comprendre que « C’est pas la peine, de toute façon,
en première année de Bac pro trois ans, Métiers de la je sais pas pourquoi je dois venir… Ça me gonfle ! »
restauration et de l’hôtellerie. En voilà déjà deux. Je leur Donc, j’abandonne Élodie, constate au passage que les
demande ce dont elles ont besoin. Élodie souhaite mon affiches de ciné avancent bien… Et j’argumente, essaie
aide pour repérer l’essentiel dans son cours de sciences d’amener les arrivants à mesurer le sens, l’intérêt de leur
appliquées, faire le lien entre les schémas et la trace écrite présence ici. Progressivement, malgré leur peu d’entrain,
qui les accompagne, et l’interroger pour l’amener à retenir, je vais leur faire accepter d’écrire un texte sur eux, ou sur
lui donner des clés, des moyens mnémotechniques pour autre chose, selon les idées qui me traversent l’esprit sur
qu’elle arrive enfin « à se rappeler ». Je sais que, quand le moment.
je peux me consacrer à ce travail avec elle, ça lui apporte 18 h 10 : L’ensemble est installé, mais on est déjà prêts de
beaucoup et elle progresse. Elle a envie… la fin… Élodie a avancé, mais n’a pas eu le temps d’appren-
Amandine a des recherches à faire sur des fruits, pour le dre complètement sa leçon pour demain. Elle est moins
cours de technologie cuisine. Pas très motivée, elle mar- angoissée, mais aurait bien aimé finir. Amandine a fait des
monne ce qu’elle a à faire, vaguement. Je l’aide à trouver un recherches… Il faudra que je voie son prof pour en savoir
site Internet qui pourrait lui apporter des éléments. un peu plus. Une affiche de ciné est terminée, l’inventeur
17 h 30, 35 : Deux autres sont arrivés, après une pause clope est ravi ! Et moi aussi. Pour le deuxième, ça reste à termi-
à la porte de l’établissement – « obligé, après huit heures de ner. « Ça m’a pris la tête, et puis, en plus, j’ai pas fini… C’est
cours ! ». Ils n’ont rien à faire… Je leur propose alors de nul ». Pour le devoir de comptabilité, les exercices ont l’air
réaliser les deux prochaines affiches des films qui seront faits, mais je n’en sais pas plus. Et les deux réticents sont
diffusés, dans le cadre de la soirée-cinéma organisée une finalement lancés à écrire, avec intérêt, semble-t-il.
fois par mois, au lycée. 18 h 15 : ça sonne ; une élève n’est pas venue. La salle se
Nous avions monté ce projet avec une collègue, en début vide, j’invite Élodie à sortir, elle serait bien restée plus
d’année, dans l’espoir de profiter du nouveau dispositif longtemps… Il aurait fallu passer tellement plus de temps
« accompagnement personnalisé de l’élève » pour trouver avec chacun d’entre eux ! C’est tellement chaotique ! Et
une autre voie, travailler autrement en aide, sous la forme difficile de stabiliser les habitués : demain, pas d’aide pour
de projets, en quelque sorte. On voulait se détacher des cause de réunion, conseil de classe ou autres. Pourtant, la
cours des élèves et travailler sur des compétences transver- plupart apprécient de venir, même désignés. Ils produisent
sales, en les amenant, tous, à créer différents documents, un engagement et un travail positifs. Malgré leur peu d’ap-
supports, relatifs à la vie du lycée. Mais il y a loin de la pétence initiale pour le travail, ils repartent bien souvent
coupe aux lèvres, et le quotidien s’acharne pour nous « confiants », comme « assurés ».
Et moi ? Il faudrait pouvoir consacrer au moins une heure à Alors, oui, j’aide, bon gré mal gré. Je reste persuadée
chacun. Il faudrait les voir plus régulièrement, modifier les que mon travail leur apporte, même si je ne sais pas sur
groupes si nécessaire, changer d’horaire. Mais comment quel plan précis, dans quel domaine, et malgré les doutes
toucher les élèves de plusieurs classes ? Pour chaque dé- et les contraintes et contingences diverses qui nous sont
cision à prendre, un empilement de conditions à remplir, imposées.
qui renforce le besoin de concertation plus régulière, en
équipe, pour échanger sur le travail attendu par chacun, Sylvie Gonthier
sur les difficultés repérées dans telle ou telle matière. Professeure de lettres-histoire en lycée
professionnel à Château-Chinon (Nièvre)
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Au lycée général et
technologique
Au cours du deuxième trimestre, nous travaillons les éta- Un cahier de bord sert de point de départ aux conversations
pes de la réflexion à mettre en place pendant un devoir : entre l’élève et son professeur référent. Il sert à l’élève
la lecture de consignes, en décomposant toutes les étapes pendant les stages pour prendre des notes, coller différents
nécessaires (lecture, évocation, analyse des termes), la for- documents qui seront peut-être nécessaires durant les
mulation de la problématique, le tri des connaissances, puis entretiens avec le professeur référent pour « réactiver »
la communication à autrui (organisation des connaissances certaines notions. L’élève relève dans ce cahier les notes
et expression). qu’il obtient à ses devoirs (une double page par matière),
La fin de l’année est consacrée à un travail sur la com- mais surtout il recopie l’appréciation du professeur et il
préhension. À travers divers concepts choisis dans des note dans une troisième colonne son propre commentaire
matières très différentes (par exemple la notion de pression sur ce devoir. Cette confrontation entre le commentaire du
en physique), les élèves sont invités à se poser les « cinq professeur et la perception de l’élève peut servir de point de
questions » pour bien comprendre : « C’est quoi ? Pour- départ à une réflexion : « Que croyais-tu qu’il fallait faire ?
quoi ? Pour quoi ? Comment ? Avec quoi ? ». Que pourrais-tu mettre en place pour progresser ? ».
Ce moment privilégié est également utilisé après les Quel bilan ?
contrôles groupés pour faire un bilan individuel sur ce que Dès la première année, l’équipe pédagogique a pu faire
chacun a réussi à mettre en place pour mieux réussir, et les un bilan du travail effectué dans cette classe : les élèves, à
difficultés encore rencontrées. l’issue de l’année scolaire, sont orientés comme les autres
Un suivi individualisé élèves de 2de. S’il n’y a pas de miracle, il n’y a pas davantage
de réorientations et de doublements que dans les autres
Chaque professeur de cette classe de méthodologie est le
classes de,2de, ce qui est un bilan positif si l’on considère
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La solitude du grimpeur peux pas faire d’efforts. Je vous apporterai une dispense de mon
médecin ».
face à la paroi À contrecœur, et sans doute par qu’ils ont tout tenté face
à un enseignant « droit dans ses bottes », ce premier jour,
ils grimpent… deux mètres, peut-être trois, juste de quoi
Bernard Hoarau atteindre la ligne rouge qui marque la frontière entre la
grimpe sans assurage et celle où l’on est encordé pour une
Accompagner les élèves, c’est aussi trouver les sécurité optimale. Ils grimpent, ou plus exactement vont
mots, les situations qui les poussent à aller au-delà matérialiser leur point de renoncement, celui-là même où
de leurs limites, à oser affronter les difficultés des ils souhaiteraient qu’on leur fiche la paix. Joignant le geste
apprentissages nouveaux, ici dans un cycle d’EPS à la parole, ils se laissent savamment tomber sur les tapis de
consacré à l’escalade en lycée professionnel. protection, ou bien redescendent plus vite qu’ils ne sont
montés, en criant « j’ai peur, non j’irai pas plus loin ! ».
Une situation qui dure plusieurs séances, pendant lesquelles
l’agressivité des uns et la passivité des autres, le bavardage
Âgés de dix-neuf à vingt ans, Méryl, Laëtitia et Hari pré- des uns et le refus des autres, le déni des uns et la mauvaise
parent un bac professionnel. Je les découvre, en ce début foi des autres disputent le premier rôle à l’obstination de
d’année scolaire, pour les préparer à l’épreuve d’escalade l’enseignant et à ses techniques qui permettent de réussir.
du bac, suite du programme d’EPS qu’ils ont suivi lors de De réussir, certes, mais de réussir quoi, peut-être même…
leur scolarité antérieure. Conformément aux programmes, pour quoi ?
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Le mur d’escalade présente la particularité d’être équipé À la descente, je vois un visage transformé, partagé entre
à intervalles réguliers de dégaines, sortes de mousquetons l’émotion et l’incroyable : « J’aurais jamais cru qu’j’y arri-
utilisés par les « bons grimpeurs » pour y fixer directement verais ». Je vois briller dans leurs yeux l’envie d’apprendre !
leur corde d’assurage au fur et à mesure de leur progres- N’est-ce pas là l’essentiel ?
sion. C’est du reste par ce modèle de progression que les L’une d’entre eux, qui me tanne depuis le début de l’année
élèves seront évalués au bac, ce qu’ils redoutent encore pour téléphoner à sa mère, qui me dira « pourquoi elle ne
plus. À l’inverse de l’escalade de niveau élémentaire où peut pas faire d’efforts, puisque ça lui donne des boutons »,
le grimpeur est assuré depuis le sommet du mur, et donc a une deuxième surprise de taille. Non seulement nous
n’a que très peu d’amplitude de voltige en cas de chute, téléphonons à sa maman à qui nous laissons un message,
le fait de grimper « en tête », exige du grimpeur de placer mais elle constate après coup qu’elle n’a pas pu s’exprimer.
régulièrement sa corde dans une dégaine fixée au mur pour Du moins n’a-t-elle pas pu contrôler ses rires au téléphone
assurer sa sécurité sur les points d’ancrage prévus. Durant pour parler distinctement. Elle est tellement heureuse de
sa progression, le grimpeur a régulièrement le sentiment sa réussite qu’elle en rit aux éclats. Je crois pour ma part
d’être comme dans le vide, accroché au mur par ses seuls qu’elle a retrouvé son âme d’enfant, à travers le désir d’ap-
appuis manuels ou pédestres ! prendre et la réussite.
Alors que les élèves pratiquent encore la grimpe dite « en La séance suivante n’est pas qu’une formalité, il y a un
moulinette », assurage par le sommet, je les invite à pro- petit doute. « Y arriverai-je encore ? ».
gresser en comptant le nombre de dégaines. Il y en a neuf
Deux séances plus tard, alors que les techniques de la
au total ! Après un premier cri d’angoisse, « Ça va pas, je
grimpe en tête progressent, il faut prendre des photos :
vais pas monter tout ça ! », la négociation reprend à l’aide
preuve irréfutable d’une réussite parfaitement maitrisée.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Souvenirs d’escalade
« Au début, l’escalade me faisait peur, je pensais être incapable de monter jusqu’en haut ; jusqu’au jour où mon professeur m’a
encouragé à monter et j’y suis arrivé et depuis l’escalade me fait plus peur. Merci Monsieur, tout ceci grâce à vous ! Mes boutons
ne sont qu’un obstacle minime. » - Laëtitia
« Au début de l’escalade, j’avais des préjugés sur mes capacités, je me suis même énervée une fois contre le prof, avec la célèbre
phrase "Je n’ai jamais vu un prof comme ça !". Mais mon prof a eu confiance en moi et il a eu raison. Dès ce moment, j’ai pris
confiance et j’ai réussi mes épreuves. Merci Monsieur. Maintenant le badminton m’attend ! » - Méryl
plutôt que dans des activités très cadrées, évaluées dans des exigeant en termes de compétences ? On pourrait imaginer
épreuves classiques de baccalauréat. que ces classes participent à l’animation de la vie citoyenne
La pédagogie de projet, déjà pratiquée par le biais des TPE, à l’intérieur de l’établissement, en lien avec le CVL ou le
se voit confirmée par la réforme en cours : enseignements CESC, avec organisation de débats, forum d’échanges,
d’exploration, aide personnalisée. On peut ainsi espérer dossiers mis en ligne sur le site de l’établissement. Tout
motiver les élèves par une certaine marge d’autonomie, cela impliquerait un travail d’acquisition de connaissances
donnant à l’indispensable culture générale un visage moins dans la phase de préparation, d’acquisition de compétences
rébarbatif, moins scolaire, alors que les bonnes intentions citoyennes, voire d’ouverture sur le monde extérieur par la
actuellement affichées dans les programmes sont contre- prise de contact et l’invitation éventuelle de partenaires.
carrées par les exigences de préparation à une épreuve Nul doute que les résultats en termes d’autonomie et
écrite. d’initiative, compétences du socle commun, seraient bien
meilleurs que dans le cadre d’une heure d’enseignement,
L’ouverture à des débats citoyens autour de domaines
et les connaissances acquises probablement mieux ancrées.
scientifiques parfois très complexes comme les énergies,
On passerait ainsi de l’élève « consommateur » souvent
le climat, les OGM, la procréation médicalement assistée
passif à un élève acteur de la vie du lycée. En se donnant
vont dans le même sens. Qui dit culture générale dit vaste
la possibilité d’évaluer des compétences plus larges, on
palette de connaissances de toute façon inconciliable avec
pourrait valoriser et motiver des élèves qui ne le sont pas
un horaire hebdomadaire modeste. Pourquoi alors le pro-
gramme ne se contenterait-il pas de fixer quelques grandes forcément dans le fonctionnement actuel.
lignes générales en termes de connaissances, pour être plus
Sylvette Rascle
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Dans le supérieur
Internet, avec toutes les facilités de communication Une collaboration active avec les
numérique, peut apparaitre comme un moyen idéal enseignants du secondaire
d’accompagnement. Une expérience conduite au Une collaboration avec les professeurs de l’enseignement
niveau post-bac montre que l’accompagnement secondaire est souhaitée par les membres de l’association
humain est tout de même indispensable, preuve et tente d’être mise en place. Le rôle du professeur est
qu’accompagner nécessite une rencontre qui s’inscrit primordial afin d’inciter l’élève à se rendre sur le site, à se
dans un lieu, un temps et un face à face. familiariser avec l’outil et à y contribuer. La participation
des lycéens appelle en effet un apprentissage des modes et
procédures de discussion en ligne pour un usage citoyen
efficace et raisonné d’Internet. « Le Forum des droits sur
Le développement rapide d’Internet (travail collaboratif, Internet » a ainsi commencé à développer une pédagogie
e-learning, enseignement à distance…) dans le milieu pour que s’élaborent méthodiquement des débats sur les
universitaire et l’enseignement secondaire vient accroitre sujets mis sur la place publique. Les citoyens « ordinaires
la diversité des possibilités de suivi de l’apprenant. Avec » tels que les lycéens doivent apprendre à valoriser leur
Internet, l’accompagnement scolaire s’affranchit des expertise particulière, à organiser leurs arguments et à
distances géographiques, voire des barrières sociales et se familiariser avec l’écrit. L’enseignant devient alors un
culturelles par l’absence de marqueurs sociaux du fait de accompagnateur qui aide l’élève dans ses premiers pas sur
l’anonymat des messages postés sur la Toile. Accompagner un site participatif, en espérant que ce dernier y retourne
un élève par le biais du numérique limite aussi les contrain- de lui-même une fois l’outil apprivoisé. Les habitudes qui
tes financières. se nouent dans la classe entre apprenants, entre apprenants
Pourtant, malgré les opportunités exceptionnelles qu’of- et enseignants sont essentielles.
frent ces nouveaux dispositifs numériques (forums, chats, Il faut souligner que le professeur n’est pas seul. Il est lui-
wikis, listes de diffusion…), leur appropriation demeure même, si l’on peut dire, « accompagné » par les membres
encore difficile. de l’association qui l’aident à mettre en place un projet
de classe incluant le dispositif participatif. Des réunions
Un accompagnement numérique ambitieux
de travail ont lieu en amont de la manifestation entre les
À Bordeaux, une expérience a été menée pour accompagner professeurs du secondaire et les membres de l’association.
les lycéens dans leur préparation au concours de Sciences Les problématiques éducatives sont très bien comprises par
Po par l’intermédiaire d’outils numériques. Il ne s’agit pas les dirigeants de l’association, étant eux-mêmes souvent
d’un travail préparant directement aux épreuves d’entrée, enseignants.
mais plus d’une initiation aux questions d’actualité politi-
Afin d’instituer des partenariats solides avec les lycéens,
que.
Les Entretiens numériques de la liberté envisage de s’associer
Dans le cadre des Entretiens de la liberté (cf. encadré 1), à l’opération « Sciences Po Bordeaux, je le peux parce que
un site participatif cherche à s’adresser particulièrement à je le veux » (encadré 2).
ces lycéens souhaitant s’orienter vers des études en scien-
ces politiques, afin de les aider à s’exprimer de manière Autour d’un projet de classe…
constructive et argumentée sur Internet tout en améliorant « Un élève ne peut souvent trouver une réelle motivation à
leur culture générale. Il s’agit de les accompagner hors travailler qu’à la condition de trouver du sens à son travail
de leur apprentissage scolaire, en leur offrant un outil
attractif et interactif permettant d’avoir un nombre de
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56 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Dans le supérieur
à long, moyen ou court terme. Une façon de donner sens à des montré l’intérêt de la démarche pour le lycéen qui souhaite
activités est de les établir dans une démarche de projet. »4 se présenter au concours d’entrée de Sciences Po ou qui a
Un projet de classe peut se construire autour de la mani- un quelconque intérêt pour le politique. Il a ainsi donné un
festation des Entretiens de la Liberté et de son site parti- sens au travail de l’élève qui se révèle au final gratifiant et
cipatif. En amont des conférences, le professeur travaille profitable. Convaincu que sa contribution au site enrichit
avec ses élèves sur la thématique du colloque, facile à relier sa réflexion personnelle et l’aide à construire ses idées, à
au programme d’histoire, de philosophie ou de sciences se familiariser avec des thématiques politiques et, de façon
économiques et sociales. Les élèves discutent en classe, réa- indirecte, à préparer le concours de l’Institut d’études
lisent des exposés et mettent en ligne leurs réflexions sur le politiques, le lycéen ne peut que (on l’espère !) s’investir
site. Ils assistent ensuite, accompagnés de leur professeur, dans ce projet et multiplier les messages postés.
aux débats du colloque. De retour en classe, les lycéens Cette nouvelle forme d’accompagnement numérique se
donnent brièvement leurs impressions sur l’évènement et révèle être à la fois une opportunité (pas de problème de
sont incités par leur enseignant à étoffer leur ressenti sur le distance, peut toucher des milliers de lycéens, limite les
site participatif en le justifiant et l’argumentant. Le travail couts financiers, gain de temps) et un défi (accroitre la
du professeur s’arrête ici (même s’il peut encore tout au participation !). Afin de relever ce défi, on ne peut se passer
long de l’année encourager ses élèves à contribuer au site). d’un accompagnement de la part de l’enseignant pour
C’est à présent au lycéen, habitué au fonctionnement du aider l’élève à prendre confiance en lui et le mener vers
site participatif et à la thématique abordée, d’apporter l’autonomie.
lui-même sa contribution. Tout au long de son travail d’ac- Pour garantir l’efficacité d’un accompagnement hors
compagnement, l’enseignant a, de manière sous-jacente, l’école, le dispositif étudié doit passer par un accompagne-
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
partant du principe qu’il relevait de la responsabilité de points essentiels du travail réalisé au cours de l’action porte
l’étudiant de s’adapter au système universitaire. Or, le sur la valorisation des compétences acquises et à acquérir
phénomène du décrochage s’est amplifié et accéléré ces par rapport au projet visé, sur la recherche d’informations,
dernières années, compte tenu de la démocratisation de sur les contacts avec les professionnels des métiers envi-
l’université, de la mise en place du LMD. sagés.
Depuis plus de dix ans, l’université de Bretagne Sud se Le travail de mémoire du parcours suivi jusqu’à présent,
préoccupe des étudiants décrocheurs en première année sa formalisation dans les choix effectués ou non, voire
de licence. Chaque année, elle met en place un dispositif imposés par le milieu familial, aide l’étudiant dans sa prise
spécifique, le Cycle d’Orientation Consolidation (COC). de recul et les choix à venir. La mise en évidence de ses
Plus de 800 étudiants ont été ainsi pris en charge. Deux centres d’intérêt, ses valeurs, ses besoins, sa personnalité
constats essentiels : un décrochage peut être l’occasion de l’aide à mieux se comprendre et se connaitre.
prendre le temps de la réflexion, de bénéficier d’un ac- Cette phase de réflexion, d’interrogation sur soi s’appuie
compagnement pour murir son projet ; les motivations de sur le e-portfolio développé à l’université de Bretagne Sud.
l’étudiant intégrant ce dispositif sont très diverses : rompre Celui-ci, envisagé d’abord comme processus réflexif et de
un isolement, trouver malgré les difficultés sa place dans le structuration de la pensée, est aussi un outil qui permet
système universitaire, combattre les idées reçues lorsqu’on de capitaliser et d’exploiter l’information collectée en la
échoue en première année à l’université, etc. structurant1. Il est basé sur une utilisation originale du
Le Cycle d’Orientation Consolidation courrier électronique qui permet de l’alimenter simple-
ment et rapidement.
Le COC est un dispositif d’accompagnement proposé aux
étudiants de 1re année qui rencontrent des difficultés ou Résultats de l’étude
qui s’interrogent sur leur choix dans le parcours d’études et Une enquête a été menée auprès d’un échantillon d’une
qui ne souhaitent pas poursuivre jusqu’à son terme l’année vingtaine d’étudiants inscrits au COC. Il convient d’abord
universitaire entamée. L’objectif est d’abord de consolider de préciser que la majorité des étudiants interrogés ne sont
leurs connaissances dans un certain nombre de disciplines pas venus par défaut à l’université : c’est un choix déli-
en vue d’un changement d’orientation à la rentrée suivante béré pour 80 % d’entre eux. Ils précisent cependant avoir
(autre licence, DUT, BTS, etc.) ; ensuite, de construire un manqué d’informations sur le déroulement des études, no-
nouveau projet professionnel avec l’aide d’un conseiller tamment sur l’organisation, le contenu de l’enseignement
d’orientation ; enfin, de valider le projet par un stage en et la manière de l’enseigner, les débouchés possibles après
entreprise. Cette formation est non diplômante, mais tout la formation. Pourtant l’université fait de plus en plus
de même évaluée. d’efforts pour présenter ses formations et ses débouchés,
L’intégration dans le dispositif est une démarche volon- à l’oral, sur papier, sur Internet. Alors, comment faire
taire de l’étudiant, suite à un entretien avec son tuteur- pour mieux se comprendre, rendre cette information plus
enseignant. S’il obtient son accord, l’étudiant s’adresse pertinente, plus efficace ? En réalité, quels que soient les
alors au SUIO-IP (Service d’information, d’orientation, et efforts produits par l’université, les étudiants décrocheurs
d’insertion professionnelle) en vue d’obtenir un rendez- reconnaissent ne pas avoir voulu entendre les recomman-
vous avec un conseiller d’orientation, qui valide ou non la dations faites et les conseils ou mises en garde apportés.
demande d’intégration sur le dispositif lors d’un entretien Car le métier d’étudiant ne s’improvise pas2.
personnalisé.
L’intégration sur le COC est exclusive de toute autre for-
mation. Une fois cette décision prise, l’étudiant renonce 1 Robert Bibeau, « Le portfolio numérique pour une pratique
à suivre les enseignements de la filière dans laquelle il réflexive en éducation », Colloque de l’APOP, Montréal, 2007.
était initialement inscrit. Cet acte fort est important, car il 2 Alain Coulon, Les étudiants et leur travail universitaire, INRP, 2005.
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L’UBS, université de proximité, se distingue par un taux Les attentes par rapport au dispositif
important de boursiers. L’étude ne fait cependant pas Le COC aura permis à la plupart des étudiants de prendre
apparaitre de lien déterminant entre l’origine sociale des le temps de retrouver confiance en eux, de réfléchir plus
étudiants interrogés et les motifs du décrochage. Seuls sereinement à une nouvelle orientation. 50 % des étu-
20 % des étudiants concernés sont boursiers. À l’exception diants interrogés insistent sur cette notion de temps. Ils
d’un étudiant, aucun n’évoque de difficultés liées aux apprécient particulièrement les conditions d’enseignement
ressources financières comme motif du décrochage. qui favorisent le travail en petit groupe, et les enseignants
Les difficultés sont centrées essentiellement sur l’absence toujours disponibles et à l’écoute.
de projet et, en conséquence, l’absence de motivation à L’accompagnement et le soutien de la part des équipes en-
poursuivre dans la voie initialement choisie. Les étudiants seignantes, manifestés par exemple dans les bilans réguliers
reconnaissent par ailleurs un manque de travail et l’ineffi- effectués individuellement par le conseiller d’orientation,
cacité de leurs méthodes de travail. sont très appréciés. Si certains y voient une assistance qui
va à l’encontre de l’autonomie de l’étudiant dans le milieu
L’entrée sur le dispositif universitaire, d’autres l’envisagent comme un encadrement
Rapidement, dès le mois de septembre pour 40 % d’entre nécessaire à un nouveau départ dans les études. 30 % des
eux, les étudiants réalisent avoir effectué un mauvais choix étudiants interrogés ont d’ailleurs poursuivi leur cursus en
et commencent à prendre des renseignements auprès du master.
SUIO-IP. La première image qu’ont les étudiants du
La maturité acquise et la motivation retrouvée leur per-
dispositif COC n’est pas positive : il les renvoie à leur
mettent de suivre leur voie sans difficulté particulière pour
situation d’échec. Lorsqu’ils comprennent les contours et
la poursuite de leurs études. Ils n’ont pas vécu d’autres
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Laurence Pérennès
Directrice adjointe SUIO-IP, université de Bretagne Sud
avec la collaboration de Marie-Paule
Prudhomme, enseignante.
parents sont des acteurs incontournables, et l’élève courtes. Marion exprime des difficultés à étudier, elle ne
peut se trouver pris en tension entre les attentes et comprend pas le sens de ce qu’elle apprend au lycée et sou-
les conceptions différentes de tous ceux qui tentent haite des enseignements plus concrets. Elle est largement
de l’aider à tout prix. mise en valeur lors d’un tournoi sportif où elle montre de
grandes compétences d’organisation, de communication et
de gestion du groupe. La famille parle de redoublement
dans un établissement plus surveillé, où leur fille sera plus
J’enseigne les mathématiques et suis professeur principal contrainte d’assister aux cours. Effectivement l’élève est
en classe de 2nde. Une élève a de grosses difficultés. Dès le régulièrement absente en cours de journée, sans motif. Elle
début de l’année elle est repérée comme absente des cours : a de plus en plus l’attitude d’une élève qui décroche.
elle est certes bien physiquement présente, mais trouve Lors d’un nouveau rendez-vous, les parents insistent sur la
toutes les stratégies possibles et imaginables pour ne rien nécessité pour leur fille d’un contact avec les enseignants,
faire. Marion passe son temps à recopier scrupuleusement sur son besoin d’être entourée, d’avoir une relation plus
les consignes après avoir cherché des crayons dans toutes affective en somme. L’équipe prend note et essaye de
les trousses, a le regard dans le vide, n’a jamais les travaux s’adresser plus directement à l’élève pendant les cours.
attendus en temps et en heure, rend des travaux à faire à la
maison visiblement très éloignés de ce qu’elle est capable Le conseil de classe du second trimestre est défavorable
de faire en classe. à un redoublement, encourageant l’élève à fournir les
efforts nécessaires pour intégrer une 1re STG. Après une
Des difficultés difficiles à cerner exploration des différentes filières, Marion a choisi ce
Les élèves étant suivis de façon hebdomadaire par un pro- baccalauréat comme étant celui qui correspondait le mieux
fesseur référent, nous apprenons très vite que cette élève à ses intérêts. Cette décision défendue devant la famille se
bénéficie de cours particuliers, de deux à trois heures par justifie par les compétences de l’élève en communication et
semaine, par une ancienne enseignante qui vient à son do- par sa motivation et ses résultats en SES. D’autre part, il
micile le mercredi après-midi. Les parents, très présents, est à craindre qu’un redoublement ne soit pas profitable au
essaient de faciliter ainsi le travail de leur fille, sans avoir vu du peu de progrès observés à la fois dans son attitude
des attentes ou des ambitions démesurées vis-à-vis de sa et dans son travail. Il ne semble pas que le problème puisse
scolarité. C’est ce qui ressort des premiers entretiens. se résoudre par un simple soutien scolaire. Or les autres
approches ayant été refusées, il n’est pas envisageable de
Marion est proposée pour un atelier motivation, où une
refaire une 2de dans les mêmes conditions. L’élève sait donc
personne extérieure à l’équipe enseignante intervient pour
que nous ferons tout pour l’aider à intégrer la 1re qu’elle a
faire dire aux jeunes leurs désirs, mettre en corrélation les
choisie, ce qui la motive à suivre les conseils donnés.
compétences développées à l’extérieur de l’établissement
avec les compétences scolaires. Cet atelier, considéré par Des aides dissonantes ?
la famille comme trop intrusif, d’orientation trop psycho- De mon côté je reste toujours perplexe vis-à-vis des cours
logisante, est refusé dès la deuxième séance. Suivent des particuliers. J’avais demandé aux parents de suspendre
ateliers avec la conseillère d’orientation psychologue afin cette aide ou au moins de la diminuer. Il n’en était pas
d’aider la jeune fille à élaborer un projet. question, la famille pensait que ce serait trop dur pour
À la fin du premier trimestre, l’élève qui avait pris comme leur fille, et la relation affective est importante avec l’in-
enseignement de détermination « initiation aux sciences de tervenante qui l’aide depuis plusieurs années. J’ai donc
l’ingénieur » décide de changer pour « sciences économi- pris le parti de me renseigner plus précisément sur le type
ques et sociales ». La famille explique que le choix de l’en- d’aide apportée. N’ayant que peu d’informations venant de
seignement de détermination avait pour seule motivation l’élève, je demande à la famille de m’envoyer un bilan établi
d’éviter à leur fille d’entrer dans un lycée qu’ils estimaient par l’intervenante.
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Quelle place pour les parents, les associations ?
Par ailleurs, les parents pensent avoir identifié la difficulté dans ses choix, a accepté que leur fille participe à un atelier
majeure de leur fille : la compréhension des consignes. méthodologique qui se passe très bien. Cet atelier aurait
Ils ont pris quelques exemples de phrases non comprises pu être mis en place dès la rentrée, sauf que ni l’élève, ni la
par Marion dans ses plus mauvais devoirs, et ils lui ont famille, n’y étaient prêtes.
demandé si l’utilisation du livre 1 000 mots pour réussir1 L’accompagnement est toujours de trois ordres : l’aide au
lui permettrait ainsi de comprendre ces consignes. Les travail (méthodologique, disciplinaire…), l’accompagne-
parents pensent qu’une partie des problèmes que rencon- ment psychologique (estime de soi, auto-évaluation, mé-
tre Marion sur les consignes est liée au vocabulaire. « Le tacognition…), la formation à l’orientation (information,
niveau de vocabulaire influe directement sur la compréhension repérage de compétences, mise en place de projets). On
des consignes données dans les devoirs », annonce l’ouvrage, voit dans cette situation que la progression de l’élève n’a
qui propose des séries d’exercices : questions à choix mul- pas pu être engagée tant que nous n’avions pas travaillé sur
tiples, exercices classés par champs lexicaux dans lesquels ces trois champs : l’accompagnement psychologique par la
il faut compléter des phrases à trous à l’aide de mots dont connaissance de l’élève, de son milieu, de sa famille, de ses
la définition vous est donnée en regard. représentations, de ses valeurs ; la formation à l’orientation
À partir de ce livre, les parents se fixent les objectifs sui- par la mise en évidence de compétences relationnelles,
vants : organisationnelles, l’information sur les filières, le change-
• Faire acquérir des mots nouveaux, dont la maitrise ment d’EDD ; l’aide au travail par l’atelier méthodologique
s’avère indispensable pour comprendre les cours, ap- et l’aide à l’extérieur mise en relation avec le travail scolaire
précier et produire des textes ; attendu.
• Rendre actif un vocabulaire que Marion possède peut- Maintenant, il peut être effectivement intéressant de
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être, mais qu’elle a emmagasiné de façon passive et comparer les représentations de l’aide suivant les différents
qu’elle n’utilise pas ou sans réelle compréhension ; lieux et personnes : les parents au sein de la famille, l’inter-
venant en cours particuliers, les enseignants au sein de la
• Corriger les erreurs dues à une assimilation hâtive
classe, l’enseignante en atelier méthodologique.
et entrainant les faux sens, faux contenus, ou tout au
moins une connaissance trop floue du sens des mots. Si les parents ont d’abord axé leur aide autour de l’estime
de soi, de la confiance et du relationnel, c’est qu’ils avaient
En parallèle je reçois le bilan de l’intervenante en cours
une représentation du lycée qui les inquiétait du fait de
particulier qui écrit : « Tout d’abord, Marion a beaucoup de
la taille (environ 1 500 élèves), de la liberté (possibilité de
mal à concrétiser les énoncés de problèmes de maths, si bien
sorties pendant les inter-cours), et peut-être de leur res-
qu’elle ne comprend pas ce qu’on lui demande. En 3e, Marion
ponsabilité en ayant choisi pour leur fille un enseignement
avait appris à surligner les mots importants des énoncés et les
de détermination qui lui évite d’être scolarisée dans son
éléments principaux des schémas. Ceci l’avait bien aidée. Il
lycée de secteur à la réputation moins établie. Une fois
faudrait lui proposer des débuts d’énoncés où le problème est
rassurés sur ces aspects, ils tournent leur aide sur le travail
exposé. Je pense surtout à des problèmes de fonctions qui font
du vocabulaire en passant par un livre-outil.
généralement référence à des situations concrètes.
Marion a également quelques difficultés pour retrouver le cha- … et même les représentations des apprentissages
pitre concerné dans l’exercice demandé. Elle n’a pas une grande Ce qui est intéressant, c’est de lire le nouvel objectif qu’ils
mémoire photographique lui permettant de se souvenir de la se fixent en écrivant que leur fille « a emmagasiné du vo-
position des formules sur la feuille de cours. Si le contrôle porte cabulaire de façon passive qu’elle n’utilise pas ou sans réelle
sur un unique chapitre, il lui sera plus facile de s’y retrouver. compréhension ». Leur représentation de l’apprentissage
Étudier plusieurs chapitres simultanément la perturbe. » est donc bien ancrée dans la compréhension. Alors que
du côté du cours particulier on note « qu’elle n’a pas une
Harmoniser les formes d’accompagnement… grande mémoire photographique lui permettant de se souvenir
Si nous partons du principe que chacun, à son niveau, de la position des formules sur la feuille de cours », cette fois
cherche à faire de son mieux pour aider l’élève à progresser l’apprentissage est réduit à une mémorisation de formules.
et réussir, l’analyse des écarts ou des points communs entre Ces deux conceptions s’opposent en ce sens que l’élève ne
les différents intervenants devrait permettre de mieux peut à la fois se dire qu’il suffit de mémoriser pour savoir
comprendre en quoi l’aide est ou non efficace. et qu’il faut comprendre pour savoir-faire. Le processus
Un aspect essentiel est que l’aide ne peut être efficace que d’apprentissage est beaucoup plus complexe et le lien entre
si elle est acceptée, ou mieux, si elle est demandée, et si les compréhension et mémorisation n’est pas linéaire. On ne
différents intervenants coopèrent. Une aide qui viendrait comprend pas toujours ce qu’on peut mémoriser, on ne
contre une autre ne peut que déstabiliser l’individu, que ce mémorise pas toujours ce qu’on comprend. Il est fort à
soit contre l’enseignant, contre la famille, contre l’aidant… parier que prise entre ces deux représentations, l’élève ne
Ici, du moment où l’aide a été acceptée par tous, il est peut se faire sa propre représentation de l’apprentissage.
devenu possible de travailler dessus. Alors que je refusais Trop habituée à ce que les autres identifient et travaillent
l’aide extérieure par des cours particuliers, force est de autour de sa difficulté, elle ne sait pas l’analyser seule et ne
constater que je devais faire avec elle. C’est ainsi que j’ai peut prendre à sa charge son apprentissage. J’ai presque
pu obtenir le bilan ci-dessus qui éclaire les difficultés de envie de dire que trop d’aides ne l’aident pas.
l’élève, puisque je sais maintenant le discours qui est tenu Le dernier échange avec la famille atteste que l’atelier
autour de l’activité mathématique à l’extérieur du lycée. La méthodologique semble porter ses fruits, peut-être
famille, qui semble plus reconnue dans son rôle et respectée simplement que son contenu a été élaboré en équipe et
que les enseignants de la classe suivent les principes qui
1 1000 mots pour réussir (26 titres différents/ niveau/ matière),
Belin BAC 2nde – Term, Belin, Paris. sont travaillés dans cet atelier. Le code qui permet de
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
comprendre le sens du travail demandé en fonction des ne sont pas disposés à les entendre, habitués à mobiliser
habitus de la classe va être explicitement formulé et de d’autres stratégies éprouvées. Ce n’est qu’une fois que ces
façon transversale, c’est-à-dire pas uniquement en lien stratégies ne semblent plus pertinentes qu’il devient urgent
avec une discipline, mais dans une approche globale. Les de reformuler ce qu’on attend du lycéen.
consignes par exemple seront étudiées dans leur polysémie Nous ne pouvons pas prédire quelle sera la suite de la
liée aux situations : argumenter en mathématiques n’est scolarité pour cette élève. Cet exemple nous permet
pas argumenter en français ou en ECJS, on ne vote pas seulement de dire que la difficulté identifiée comme
à main levée la validité d’un théorème. Ainsi les parents, venant d’une mauvaise compréhension des consignes peut
l’atelier et les enseignants de la classe sont sur les mêmes n’être que l’expression d’un conflit entre la représentation
représentations de l’apprentissage. L’élève va pouvoir de l’apprentissage du côté de l’enseignant, de l’élève, de
prendre de l’autonomie dans un cadre clairement établi. sa famille, des différents acteurs de l’accompagnement.
Il y a donc de fortes chances que les questions qui vont Prendre le temps d’écouter ces représentations est
être posées par l’élève en cours particulier vont changer de peut-être la seule façon d’aider l’élève à comprendre les
nature et davantage relever de la compréhension, alors que consignes en l’aidant à préciser son but. Car au final, on est
jusqu’à présent il s’agissait juste d’avoir des stratégies pour prêt à suivre des consignes qu’à condition de partager le
obtenir la moyenne. Mais alors, pourquoi ne pas expliciter même but que celui qui nous les donne, et qu’à condition
ce code dans le cours ordinaire ? C’est ce qui est fait, mais de reconnaitre celui qui nous les donne comme légitime à
au moment où sont formulés ces attendus, tous les élèves nous les donner.
Sylvie Grau
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ses effets.
temps en classe » ; « À la première réunion, un bilan a été fait
sur son travail et l’entretien a mis en évidence des points précis
de son manque de confiance ».
L’association Scolidaire, active depuis janvier 2007, pro- En fréquentant régulièrement les cours (ou coaching) de
pose « une approche du soutien scolaire en s’appuyant sur une l’association, les jeunes reprennent confiance en eux, avec
prise en charge complète de l’élève »1. Un premier regard des répercussions dans les notes, mais aussi dans la vie
rapide pouvait laisser penser qu’il s’agissait d’une énième quotidienne. « Il a tellement confiance en lui qu’il apprend à
structure dans un marché de plus en plus florissant. L’ana- nager » ; « Il a pris beaucoup de confiance en lui, il ose écrire
lyse montre en fait un positionnement particulier avec une même s’il sait qu’il y a des fautes ». Les jeunes interviewés
réponse nouvelle à la prévention de l’échec scolaire. ont en commun d’avoir des capacités ou une passion. Ils
L’établissement des droits d’inscriptions en fonction du sont tous motivés par un but, mais qui n’est pas forcément
quotient familial favorise une mixité sociale importante des le même que celui de l’école, ou bien pas au même mo-
inscrits. Collégiens et lycéens en représentent respective- ment. L’inadéquation de buts entraine ces jeunes vers un
ment 42 % et 46,5 %. Les établissements publics et privés décrochage à un moment donné de leur histoire. La non-
de la ville sont également représentés. prise en compte de l’individu, de sa forme préférentielle
Les parents des élèves concernés suivent avec attention la d’apprentissage générèrent aussi de l’échec. « En primaire,
scolarité de leur enfant, souhaitent l’aider de leur mieux. je lui faisais apprendre les poésies en marchant, il a une très
Mais les mauvais résultats, en particulier perçus par les bonne mémoire visuelle ».
mauvaises notes, provoquent de la souffrance, une culpabi-
lisation des enfants et des parents. Même si, dans nombre Des intervenants atypiques
de cas, les remédiations proposées par l’école fonctionnent Les intervenants respectent une attitude positive et non
bien, les parents cherchent des solutions à l’extérieur de critique vis-à-vis des enseignants des établissements
l’école lorsque les difficultés persistent. fréquentés par les élèves. Ceci peut paraitre trivial, mais
ce n’est pas toujours le cas dans les structures de soutien
Le parcours du jeune au sein de l’association scolaire où l’on dénigre souvent les enseignants. On
Lors d’un premier contact, un entretien est réalisé par imagine les conséquences pour les élèves ! L’ensemble des
l’animateur de l’association et les parents. Puis une rencon- intervenants de la structure a un niveau de connaissances
tre avec le jeune seul est l’occasion de prendre en compte académique à bac + 4 minimum ; nous pensons, au regard
l’ensemble des problèmes de l’enfant ou de l’adolescent. de l’observation effectuée, que c’est un atout important
Le repérage des difficultés permet de proposer, en accord au regard des stratégies d’enseignement utilisées, permet-
avec le jeune, le type d’aide approprié (séance de coaching, tant une grande flexibilité et une réponse au pied levé à
cours). la demande des élèves. Il se trouve que le parcours des
Les séances de coaching sont des temps de remotivation ou intervenants est atypique (scolarité, insertion profession-
de mise au point d’une méthode d’apprentissage adaptée. nelle), marqués par divers accrocs (redoublement, reprise
« Un moment, je n’avais plus envie de travailler, il m’a pris d’études). On peut supposer qu’ils comprennent ainsi
dans son bureau on a parlé et puis c’est reparti, il m’a remotivé, mieux les comportements et problèmes des jeunes. Ils ont
il m’a donné des méthodes. J’ai essayé le lendemain et j’ai des qualités personnelles indéniables : sens du contact,
eu 18 en allemand alors que j’avais 3 ou 4 normalement ». charisme important, humour. Ils ne se considèrent pas
Les différents intervenants s’adressent à l’enfant en tant comme enseignants, terme qui, pour eux, est réservé à
qu’être unique et non pas à l’élève considéré comme iden- l’école. Ils ont le sentiment de faire un autre métier devant
un public beaucoup plus restreint (au plus six jeunes) où
1 Extrait du document informatif de l’on reformule différemment ce qui a été déjà vu en classe.
l’association, http://www.scolidaire.com Au-delà de la fonction, c’est une image des rapports ensei-
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
Philippe Masson
Maitre de conférences à l’université Lille Nord de France
interroger. qui ont une incidence sur son parcours d’étude, ou à déve-
lopper des compétences déjà présentes.
Ses domaines majeurs sont :
C’est en assistant en tant que directeur adjoint à un conseil
• la motivation : en s’appuyant sur les dimensions qui
de classe, où plus de 80 % des élèves d’une section de 4e
dépendent de lui, le jeune voit sur quoi il a prise et sur
se retrouvaient avec plus de six échecs, que la question
quoi il n’a pas prise ;
de l’accompagnement fut mise en évidence. Fallait-il
se décourager, dire que c’était la faute aux élèves, aux • l’orientation : en construisant un projet, le parcours
professeurs, aux programmes, ajouter des cours de mise devient choisi plutôt que subi (parfois en quittant les
à niveau ? L’équipe pédagogique a décidé de se centrer sentiers battus et l’école traditionnelle) ;
sur le futur et de se focaliser sur les jeunes plutôt que sur • le comportement : en apprenant à s’observer, le jeune
les élèves. Quelles sont leurs difficultés ? L’orientation, le contrôle ses agissements avant que l’école ne le fasse
sens de l’école, les relations, la méthode, le bienêtre ? Nous elle-même ;
émettons quelques hypothèses que nous soumettons aux • la méthode : en découvrant ses stratégies « naturelles »,
jeunes. le travail devient plus efficace et plus « plaisant ».
Ils se rendent compte que nous ne les jugeons pas, ni ne Les demandes concrètes sont diverses : gérer le temps,
les évaluons, mais que nous leur tendons la main. À partir améliorer la méthode de travail, adapter son comporte-
de ce lien instauré, des ateliers sont organisés autour de ment en classe, trouver sa place dans une nouvelle école,
différentes questions : motivation, projet, stress, bienêtre, maitriser le stress, choisir une orientation, développer une
méthode, mise à niveau, écoute, etc. Ces ateliers, au départ communication efficace, organiser les différentes activités
ponctuels pour une classe, se sont généralisés pour les élè- extrascolaires et les études, améliorer les relations, etc.
ves de 4e et 3e et ils ont été inscrits dans la grille horaire des
Le coach scolaire ne dit pas comment il faut étudier, ni
élèves. Le mardi, de 14 h à 16 h, les cours étaient suspendus
quelle est la bonne orientation, ou quels sont les bons ou
et les jeunes en difficulté se regroupaient dans des ateliers
mauvais comportements, il cherche à amener le jeune à
en fonction de leur demande ou bénéficiaient d’une écoute
découvrir qui il est pour ajuster son comportement à ses
en tête à tête.
objectifs. Le coach « ne fait que » lui rendre ce qui lui
L’ouverture d’un espace de parole pour les élèves a appartient déjà…
engendré une grande demande pour parler de soi dans le
Ainsi, pour coacher, il ne faut pas uniquement conseiller,
cadre scolaire. Nous avions ouvert une porte, il s’agissait
superviser ou accompagner, car dans ce cas nous ferions
de construire la maison derrière celle-ci… Une réflexion
appel à des conseillers, superviseurs ou accompagnateurs.
autour de l’accompagnement est ainsi née, et le projet de
De même, coacher n’est pas seulement assister psychologi-
coaching a pris forme.
quement, ou pédagogiquement, ou socialement, car, dans
Qu’est-ce que le coaching ? ce cas, nous ferions appel à des psychologues, pédagogues
Au niveau historique, Timothy Galleway, capitaine de ou travailleurs sociaux. Le coach amène le jeune à se regar-
l’équipe de tennis de l’université de Harvard dans les an- der fonctionner pour qu’il puisse se conseiller lui-même.
nées 60, donna ses lettres de noblesse à cette approche en Fonctionnement
« inventant » la méthode « du jeu intérieur », dans les années Quand un espace de non-jugement est offert, les jeunes
70. En tant qu’entraineur, il propose une démarche pour entrent relativement facilement dans la démarche, même si
que les joueurs « apprennent à apprendre ». Cette approche elle leur est imposée. L’idée est que si un élève a de nom-
est basée sur trois principes : breux échecs ou un comportement inadéquat récurrent, il
est inutile, dans un premier temps, de proposer à nouveau
coaching doivent être acceptés, visibles, accessibles ; lui donner cette responsabilité, il faut l’accompagner pour
3. Que le projet s’essouffle et ne devienne qu’une struc- qu’il puisse l’assumer. Il devient ainsi le bâtisseur de sa
ture administrative par manque de remise en question vie.
et de formation continuée. Cette dernière est primor-
diale pour se ressourcer et s’outiller ; Gaëtan Gabriel
Sciences de l’éducation
Ancien directeur adjoint d’une école secondaire
Responsable de CoachAltitude
Auteur de Coaching scolaire : Augmenter le potentiel des
élèves en difficulté, Éd. De Boeck, 2008,
réédité en 2009.
http://www.sk-fr-paola.be/img/1_laureat_2004_fr.pdf
pédagogiques s’interrogeaient sur la pertinence d’insti- Faut-il alors rejeter tous les dispositifs d’aide au motif qu’ils
tutionnaliser un moment aussi particulier de la relation ont été conçus à l’intérieur d’un système qui privilégie une
pédagogique : pédagogie magistrale et élitiste ? La position adéquate,
« Dans la plupart des cas, soumise à l’emprise des matières, en effet, semblerait être de substituer à la pédagogie de la
l’aide individualisée fonctionne comme une sorte de remédiation réponse, qui induit le besoin d’une aide destinée à mettre
qui consiste à prescrire des traitements d’urgence à des élèves l’élève sur la voie, une pédagogie du questionnement dont
déficients. Cela ressemble à un aveu d’impuissance, puisque l’ambition est de fournir les éléments qui permettront à
alors il s’agit non seulement de rattraper en dehors du cours l’élève de construire son savoir. Plutôt qu’un dispositif
ce que le cours n’a pas réussi à faire, mais surtout de renoncer d’aide qui va se situer à côté du cours, il faudrait prati-
à mettre en place dans la classe une pédagogie qui prenne en quer une « pédagogie aidante ». Et tous les moyens mis
compte les difficultés des élèves. »1 en œuvre pendant le cours pour que l’élève s’empare du
Ces lignes écrites en juin 2000 à propos de l’aide indivi- savoir seraient alors considérés comme autant d’aides à
dualisée en seconde peuvent s’appliquer aujourd’hui aux l’apprentissage…
mesures d’aide que François Fillon veut généraliser et
qui prendront « la forme d’un horaire spécifique en groupes Plusieurs niveaux d’intervention
restreints. Le temps de travail des élèves sera aménagé de façon C’est, me semble-t-il, évacuer un peu vite la notion d’aide
à leur permettre à la fois de progresser dans les matières où en la diluant à l’excès. Quand le professeur réussit à mettre
ils rencontrent des difficultés, et de retrouver confiance en eux les élèves en mesure de s’approprier le savoir, il n’a pas,
en développant leurs aptitudes dans une matière où ils sont en en soi, pratiqué de « l’aide », il a tout simplement fait son
situation de réussite. Les itinéraires de découverte peuvent s’in- travail de pédagogue.
tégrer à ce dispositif ». Pour décrypter cet extrait du Rapport Par contre, il faut considérer que la complexité de sa tâche
annexé au Projet de loi d’orientation pour l’avenir de l’école, requiert des niveaux d’intervention qui ne peuvent se
il faut garder en mémoire les recommandations faites aux confondre. D’un côté, en tant que responsable du dispositif
enseignants de recourir aux méthodes traditionnelles qui, pédagogique, référent du savoir et représentant de l’auto-
puisqu’elles sont « éprouvées », sont incontestables. Si rité institutionnelle, l’enseignant s’adressera au groupe
l’élève ne réussit pas, c’est donc qu’il y met de la mauvaise dans son ensemble pour exposer un point de connaissance,
volonté ou qu’il a besoin d’une dose supplémentaire de ce expliquer une consigne, mettre en place une séquence
qui, en toute logique, n’a aucune raison de ne pas donner de travail. D’un autre côté, il créera des situations où les
de résultat. Le rattachement des itinéraires de découverte élèves se mettront en activité seuls ou en groupes et où il
à la notion d’aide en dit alors autant sur la représentation aura la possibilité de s’adresser à des individus particuliers
que le ministre et ses conseilleurs se font des dispositifs pour élucider un point, relancer une question, préciser une
porteurs de pédagogies actives, que sur leurs intentions de consigne, voire débloquer une difficulté.
les détourner. Du même coup, on voit aussi à quel point ces Il y a une différence de fond entre, d’une part, le moment
séances d’aide qui viendront se rajouter à l’horaire normal où l’élève, ne se distinguant pas du groupe, doit accepter
ne sont conçues que comme des annexes, à la périphérie de la distance qui le sépare du savoir à acquérir et de la tâche
la leçon magistrale où se transmet « le » savoir… à accomplir, d’autre part, le moment où il travaillera « seul
et sans aide », et enfin le moment où il entrera dans une
Moments d’aide ou pédagogie « aidante » ?
relation individualisée avec ses pairs ou avec le professeur
Il est légitime que, dans ces conditions, l’aide soit vécue pour confronter ses solutions et faire état de ses difficultés.
par les élèves comme une « punition » ou comme une stig- Ces différentes situations ont leurs spécificités et chacune
matisation et, par les enseignants, comme une séance de
1 Cahiers pédagogiques n° 385 « Comment faire avec les 2 Cahiers pédagogiques n° 385 « Comment faire avec les
réformes ? » ; « L’aide individualisée a-t-elle un sens ? ». réformes ? » ; « L’aide individualisée a-t-elle un sens ? ».
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70 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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d’elles peut faire l’objet de procédures systématisées. La complet de l’Aide au travail personnel (ATP), et prendre
dernière se distingue de la première par le type de relation connaissance de diverses approches utilisables.
que l’élève entretien avec le savoir, avec ses pairs et avec le
maitre : de collective, anonyme et distanciée, cette relation Un moment indispensable
devient individualisée, personnalisée et de proximité. On Non seulement cette aide est légitime, mais elle est néces-
parlera de « pédagogie différenciée » lorsqu’on prendra saire pour répondre aux difficultés des élèves, qui sont iné-
en compte les rythmes et les démarches particulières. On gales. Qu’elle ait lieu pendant les cours ou qu’elle nécessite
parlera d’« aide » quand il faudra l’intervention des pairs ou la mise en place d’un dispositif supplémentaire en dehors
celle du maitre pour (r) apporter un élément supplémen- de la classe, il faut la penser à l’intérieur d’un ensemble de
taire aux moyens et aux connaissances qui étaient censés moments pédagogiques qui, plutôt que d’entrer en contra-
suffire à chacun pour effectuer sa tâche. diction ou de constituer des sortes de solutions de secours,
Cette aide-là constitue un moment différent des autres doivent rester en tension. Le but est que la distance entre
phases de la situation pédagogique. Elle suppose un le savoir, le maitre et l’élève ne soit jamais ni trop grande ni
positionnement et un point de vue dont il faut prendre trop réduite pour amener chacun à adopter une posture de
conscience, des stratégies particulières, des outils spéci- recherche dynamique et autonome.
fiques et beaucoup de précautions. En plus des articles Dans ce cadre, l’aide individualisée, renforcée ou légère et
qui composent le présent dossier, il suffit par exemple passagère, prendra un tout autre sens que celle dont le but
de se reporter au précédent numéro paru en 1995, Aider est de rassoir l’autorité du maitre et de l’école en rejetant la
à travailler, aider à apprendre, pour avoir un aperçu assez raison des échecs sur les insuffisances ou sur la négligence
des élèves.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
Pierre Madiot
Des points d'appui Nous voudrions ici plutôt donner un écho de l’ultime table
ronde au caractère plus « politique » qui a réuni un pédago-
gue du CRAP, un associatif engagé, une syndicaliste et une
pour avancer élue, représentant la mairie du XXe arrondissement qui a si
bien accueilli ce colloque organisé en partenariat avec elle.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
moments, ou bien sûr de mieux former les enseignants à L’accompagnement peut bien être ce pansement qui aide à
cet accompagnement bel et bien indispensable. mieux supporter l’échec d’un trop grand nombre d’élèves
Patrice Bride, pour le CRAP, souligne combien tout ce qui (après tout, on a fait ce qu’on a pu !) ; il peut servir d’alibi au
est « soutien scolaire » interpelle l’école qui, certes, doit conservatisme pédagogique en donnant bonne conscience.
être son propre recours, mais ne doit pas prétendre tout Il peut être aussi un levier de changement, un aiguillon
régenter, tout s’approprier. On n’apprend pas qu’à l’école : qui nous aide à sortir de l’hypocrisie scolaire qui laisse
comment alors prendre en compte ces autres savoirs ? de côté tant d’élèves tout en laissant l’impression que « le
Comment faire de la réussite scolaire (et l’entrée dans programme a été fait » et que les plus faibles ont été aidés
la citoyenneté) l’affaire de tous ? Cela implique bien des (s’ils ont bien voulu l’être). L’accompagnement, nouvelle
transformations de l’école et un élargissement de la notion posture pour les acteurs de l’école, peut alors être orienté
de « compétences » : quelle maitrise donne-t-elle sur des vers une autre voie pour notre système éducatif en proie à
pratiques de la vie et pas seulement sur des connaissances la perte de sens et à l’accroissement des inégalités.
scolaires ?
Jean-Michel Zakhartchouk
Les conférences
l'école la grande révolution de 1789, la théorie de l’élitisme travaux de Wittmann3, nous attribuerons la naissance ins-
républicain et la conjonction de la prééminence de la rela- titutionnelle de cette pédagogie à la loi du 11 juillet 1975
tion du savoir et du maitre. On comprend d’autant mieux qui voit le ministre Haby instaurer le collège unique. On
la force et la symbolique du mode simultané. N’oublions peut penser que la pédagogie de soutien est l’innovation
pas que dans son fonctionnement, il semble rejoindre la pédagogique qui a et qui a eu le plus de succès (au niveau
pédagogie des lycées qui, sous l’influence des jésuites puis des pratiques) tant à l'école qu’au collège ; elle est devenue
de Napoléon, est déjà organisée en classes simultanées. aujourd’hui officialisée dans les lycées par l’introduction
Autrement dit, le primaire rejoint la pédagogie du secon- de deux heures intégrées d’aide aux élèves.
daire. De quoi s’agit-il ? Dans un système simultané régi par
Mais comment l’enseignement simultané gère-t-il les l’homogénéité et qui requiert cette dernière pour pouvoir
différences ou l’hétérogénéité ? D’abord il les justifie par fonctionner, quand la population d’élèves de chaque classe
l’égalité des chances : l'école pour tous est donnée à tous (le apparait hétérogène, ce qui est d’autant plus logique que
même savoir, les mêmes maitres), tant et si bien que les iné- l’hétérogénéité est devenue la règle de constitution des
galités ne relèvent pas du fonctionnement de l’institution, classes, il devient indispensable de prendre en compte et
mais des individus eux-mêmes dans leur investissement de traiter ces hétérogénéités au sein de la classe elle-même,
scolaire. Ensuite, il a tendance à mettre en place des cir- afin de rétablir l’homogénéité indispensable à l’ordre pé-
cuits de distribution des élèves parallèles ou hiérarchisés dagogique « normal ». Haby supprime les filières au sein
(le primaire et le secondaire, le public et le privé, le général du collège, introduit l’hétérogénéité des élèves au sein de
et le technique, le général et le professionnel, le classique chaque classe tout en maintenant un mode simultané qui
et le moderne, le moderne long et le moderne court, les suppose l’homogénéité, et impose un dispositif de réduc-
filières, les options, les langues, les cycles, les ZEP et les tion et de traitement de cette hétérogénéité des publics par
SEGPA, l’intégré et l’apprentissage, les CLIS, les classes- l’intermédiaire de la pédagogie de soutien.
relais, etc.). Bref, tout un système est mis en place qui Si l’on suit les divers textes ministériels qui se réfèrent au
permet de distribuer les élèves différents dans des circuits soutien, on voit se dessiner une carte de cette pédagogie. Le
hétérogènes entre eux, mais plus homogènes dans chacun. public ? Les élèves en difficulté, « lents », d’origine socio-
Enfin, il réduit l’hétérogénéité interne de chaque classe par culturelle défavorisée. Les finalités ? L’égalité des chances,
un dispositif régulateur chargé d’assurer une homogénéité la lutte contre l’échec et le redoublement, la compensation
de fonctionnement au nom de tous : notes, classements, re- de tout « handicap », l’atteinte des objectifs pour tous. Les
doublements, non-présentation aux examens, etc. L’ordre moyens ? La reprise des apprentissages de base en français
du même doit l’emporter : la même classe, le même maitre, et en mathématiques, en petit groupe ou en aide indivi-
les mêmes contenus, les mêmes élèves. L’enseignement dualisée, didactique et méthodologique, l’organisation de
simultané suppose le maintien et la succession du même groupes de niveau. L’initiateur ? L’enseignant. L’effectif ?
dans l’ordre de l'école. Il gère les différences en renforçant Un groupe restreint. Le temps ? L’aménagement de
les similitudes. D’une certaine manière, il exclut le plu- moments particuliers pendant ou en dehors de l’horaire
ralisme dans la classe pour le renvoyer sur l’organisation scolaire habituel.
du système scolaire. Mais que faire quand cette dernière,
au nom par exemple de la lutte contre les inégalités ou En fait, cette même pédagogie de soutien s’inscrit dans un
encore au nom de l'école unique, réduit sa gestion externe ensemble de dispositifs d’aides mis en place en faveur des
de l’hétérogénéité et tend à la renforcer au sein de la classe enfants en difficulté scolaire, dispositifs qui, tous, utilisent
elle-même, sachant que le mode simultané est fondé sur le la notion de soutien. Il peut s’agir d’aides apportées au sein
principe contraire ? Car supposer l’homogénéité est une de la classe « normale » (continuité pédagogique, projet
chose, la vivre en est une autre.
3 Hélène Wittmann , « La Pédagogie de soutien vingt ans après ».
2 Christian Nique, Comment l'école devint une affaire d’État, Nathan,1990. Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, CERSE, 1, 1987.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
d’action éducative, projet d’école, cycles pédagogiques), à un très grand avenir : « La pédagogie de soutien est une
d’aides dispensées dans des structures particulières pédagogie réparatrice d’une pédagogie traditionnelle qui
(classes expérimentales, classes de perfectionnement, propose une aide ponctuelle à ceux qui éprouvent des
zones d’éducation prioritaire), d’aides complémentaires de difficultés, susceptible d’améliorer leurs résultats scolaires.
l’enseignement (études du soir, groupes d’aide psychopé- Elle est aussi une pédagogie de la compensation, car elle
dagogique), de projets de restructuration de l’organisation s’adresse à un public "défavorisé", veut pallier tous les
scolaire (aménagement des rythmes scolaires, projets "handicaps" et réduire les inégalités grâce à la remédiation.
d’école, décentralisation, évaluations nationales à certains Pour les praticiens, la pédagogie de soutien constitue la
niveaux pour favoriser les activités de remédiation). seule pédagogie praticable et pratiquée en classe dans le
De même, la pédagogie de soutien croise de nombreuses domaine de l’aide aux élèves, même si l’efficacité relative
autres formes pédagogiques et semble souvent cheminer et partielle n’échappe pas à l’initiateur de ces actions qui,
de concert avec elles. Mais elle a bel et bien une spécificité, pourtant, n’envisage pas un système d’intervention ». Dit
ne serait-ce que par ce qui la différencie de chacune d’elles. brutalement : la pédagogie de soutien a comme fonction
Elle va beaucoup moins loin que l’Éducation nouvelle première de soutenir la pédagogie traditionnelle dans le
par la place accordée à l’enfant à l’intérieur du système cadre du mode simultané. C’est là son charisme.
scolaire : pour elle, l’enseignant repère les difficultés, pré-
La fin de la pédagogie différenciée, le
voit les séances, organise les contenus et évalue ; pour
retour de la pédagogie de soutien
l'école active, c’est l’enfant qui construit ses connaissances.
Contrairement à la pédagogie par objectifs, elle ne possède Ce n’est pas dire que la pédagogie de soutien ne fait rien ni
pas un dispositif précis et conserve un certain flou quant n’a aucun effet. Faisant appel à des compétences certaines,
elle entraine le praticien dans une démarche de recherche
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appelle à conjuguer démocratisation et différenciation (en par nature, trouveront la solution dans la pluralité : plura-
donnant plus à ceux qui ont moins). lité des maitres, des rythmes, des groupements, des formes
Ce n’est pas pour rien non plus que cette pédagogie dif- d’évaluation. La différenciation pédagogique vise l’amélio-
férenciée s’adresse en priorité au secondaire. Elle relaie la ration de l’élève et amène l’adulte à gérer les apprentissages
volonté idéologique et politique de l'école unique, qui s’est en fonction de la singularité des apprenants. Elle prend en
d’abord adressée à l'école primaire et qui est maintenant compte les acquis réels des élèves, leur fonctionnement,
le fait du secondaire à travers le collège (cf. le débat sur adapte les temps d’assimilation et les contenus. L’homogé-
la culture commune), devenu la structure essentielle et néisation des structures scolaires tend à rendre nécessaire la
problématique de la démocratisation de l’enseignement différenciation des stratégies, afin de gérer l’hétérogénéité
(« Est-il possible d’enseigner dans un même établissement, des situations de la classe simultanée.
dans les mêmes classes, des élèves ayant des niveaux intel- Et pourtant, la pédagogie différenciée, modèle de réno-
lectuels et affectifs différents ? Est-il possible de mélanger vation pédagogique dominant des années 80-90, n’a pas
sur les mêmes bancs — comme on disait au début de l'école réussi à s’imposer et ne réussit toujours pas à le faire. Elle
publique — les enfants des prolétaires et les enfants des se heurte à plusieurs obstacles qui font que, au besoin sous
bourgeois ? »5). Ce qui signifie que la gestion externe de couvert de pédagogie différenciée ou à tout le moins sous
l’hétérogénéité des élèves, tant par l’institution que par couvert de prise en compte des différences, c’est la péda-
l’organisation scolaires, se réduit très sensiblement, rendant gogie de soutien qui s’impose une nouvelle fois et entre
plus visible et plus difficile l’hétérogénéité dans la classe. Or, en œuvre. Le premier de ces obstacles tient à la pédagogie
le mode simultané régit le secondaire : tous les élèves d’une différenciée elle-même : elle apparait particulièrement
même classe se voient proposer au même rythme le même complexe et a tendance à décourager tout nouvel adepte par
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contenu découpé en disciplines assurées, chacune, par un le nombre de facteurs à prendre en compte ; elle apparait
enseignant. Il est donc stipulé que l’apprentissage doit se comme nécessairement technique et ne semble pas sup-
dérouler à l’identique pour tous dans toutes les disciplines, porter l’improvisation ; elle apparait comme dépendante
au même moment. Seulement, les régulations internes ne d’outils appropriés qui ne sont pas vraiment disponibles ou
semblent plus suffire (notes, classements, redoublements) accessibles. Ce qui signifie que souvent les intentions et les
et l’échec scolaire d’un bon nombre d’élèves devient telle- intuitions n’ont pas été relayées par une instrumentation
ment patent au sein des classes que l’objectif lui-même de adéquate et maniable. Sans parler du fait que, parfois, elle a
la même école pour tous ne semble plus tenir. débouché sur une batterie de moyens pédagogiques dont le
La pédagogie différenciée, prenant en compte les diffé- mode d’emploi était propice à décourager le non-spécialis-
rences entre les élèves d’une même classe, se propose de te. La tendance sera la même pour l’évaluation formative :
reconnaitre ces différences, de les estimer légitimes, de notion séduisante, concept introuvable, elle se révèlera très
se fonder sur elles pour assurer l’ordre de l’apprentissage difficile à pratiquer, car elle décuple le temps de travail
dans la classe. Il ne s’agit donc plus de réduire l’hétérogé- pour un résultat trop souvent décevant. Tant et si bien que,
néité, mais de l’agir par la pédagogie. Nous sommes bel dans bien des cas, l’enseignement général s’est rétracté et
et bien à l’opposé des principes du mode simultané. La qu’il a laissé la formation professionnelle et l’enseignement
différenciation prendra ainsi des formes différentes, mais technique poursuivre la démarche d’élaboration, de recon-
complémentaires : différenciation des processus d’appren- naissance et de justification de cette pédagogie.
tissage d’abord (styles cognitifs, ancrages cognitifs diffé- Le second obstacle relève de la force de la tradition éduca-
rents, outils et démarches d’apprentissage et de guidage), tive. Cette conjonction historique, que nous avons repérée
différenciation des contenus d’apprentissage ensuite (types entre la forme scolaire et le mode simultané, s’est effacée
d’objectifs, programmes noyaux, activités transversales), au profit d’une « évidence » d’un ordre scolaire naturel,
différenciation des structures enfin (groupes de niveau- normal, logique. Qui plus est, cette normalité pédagogique
matière, groupes de besoin, cycles pédagogiques). De s’est agrégé un ensemble de justifications idéologiques qui
façon perspicace, Meirieu a bien vu que l’obstacle à lever vont s’enraciner dans les Lumières, la révolution de 1789
tenait au mode simultané : « En ce sens, et pour plagier et l’instauration triomphante de la IIIe République. On
une formule célèbre, on pourrait définir l'école à construire conviendra qu’un tel poids est de nature à provoquer une
comme l’association d’ateliers diversifiés et du tutorat sys- naturalisation d’une méthode d’enseignement qui la donne
tématique : des ateliers diversifiés utilisant tous les outils facilement comme éternelle et juste. Toujours est-il que
dont nous disposons, toutes les richesses de l’équipe en- l’ancrage dans le processus « enseigner » traverse le champ
seignante, mais aussi de l’environnement scolaire et social ; de l'école de façon privilégiée… et discutable7.
et du tutorat systématique pour que chaque élève puisse Le troisième obstacle tient à la nature du changement re-
identifier son niveau, se fixer des objectifs, réfléchir à ses quis par la pédagogie différenciée : elle suppose un passage
méthodologies, évaluer ses acquisitions »6. du processus « enseigner » au processus « apprendre ». Ce
Il faut donc renoncer au mode simultané. La pédagogie qui relève d’une modification du paradigme de référence.
différenciée globalise l’approche de l’hétérogénéité dans la Le mode simultané est basé sur une pédagogie de l’ensei-
classe et, en même temps, en fait une valeur au lieu d’y gnement. Le rapport « maitre-savoir » est premier et l’ap-
voir une réalité à réduire. Face à l’hétérogénéité du public propriation du savoir par l’élève dépend directement de ce
scolarisé, la pédagogie différenciée promeut avant tout le rapport. L’identité du savoir maitre ou du maitre-savoir
respect des différences et la possibilité pour chacun de fait que les élèves sont traités de manière identique, hors de
recourir à des stratégies personnelles. Les élèves, différents toute différence, et que leur acquisition du savoir ne peut
dépendre que de la conduite similaire pour tous du maitre
5 Louis Legrand, L'École unique : à quelles conditions ?, Scarabée, 1981. 7 Jean Houssaye (dir.), La Pédagogie : une
6 Philippe Meirieu, Apprendre... oui, mais comment ?, ESF 1987. encyclopédie pour aujourd’hui, ESF, 1993.
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détenteur. Les élèves étant censés équivalents et le savoir d’éducabilité et tentent de favoriser une intervention en
étant identique sous le traitement commun du maitre, faveur de tous, aux dépens de la fatalité de l’échec. Les
on ne voit pas pourquoi la différenciation serait légitime, deux pédagogies s’accordent également sur un possible
puisque l’ordre scolaire semble tout faire pour l’exclure. Le recours à d’autres pédagogies, avec l’idée que les pédago-
processus « enseigner » prétend rendre anormal tout écart. gies se complètent et qu’il est indispensable d’intégrer des
À l’inverse, le processus « apprendre » considère que le méthodes diverses et variées pour faire progresser tous les
rapport élève-savoir est premier et qu’il est par définition enseignés. Mais, comme nous l’avons vu, un tel accord sur
propre et problématique. Ce n’est donc pas le maitre qui les intentions et sur certaines modalités d’action ne peut
fait apprendre, c’est le maitre qui doit permettre à l’élève cacher le fossé fondamental entre elles : pour la pédagogie
d’apprendre. Appuyées d’abord sur la psychologie du dé- de soutien, la remédiation a pour but d’amener les élèves
veloppement, ensuite sur la psychologie de l’apprentissage, à un niveau qui leur permette de suivre l’enseignement
enfin sur la psychologie cognitive, les pédagogies de ce type collectif avec profit ; pour la pédagogie différenciée, l’hété-
fondent l’ordre scolaire sur l’apprentissage différencié ou rogénéité est préalable, normale et pédagogiquement apte
individualisé des élèves. L’Éducation nouvelle, l'école à combattre l’échec scolaire.
moderne, la pédagogie de maitrise, le travail autonome, la
Changer pour ne pas changer
pédagogie différenciée appartiennent à ce paradigme. C’est
là une véritable révolution pédagogique qui brise les canons Et c’est ainsi que la pédagogie de soutien, jouant de ses
du mode simultané. On passe d’un processus qui érige le ressemblances avec la pédagogie différenciée, est ac-
rapport maitre-savoir au centre du système éducatif à un ceptable comme mode de régulation du mode simultané
processus qui lui substitue le rapport élève-savoir. de l’ordre scolaire. Ce dernier prouve ainsi qu’il évolue,
qu’il innove, qu’il répond à ses difficultés, qu’il cherche
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Sur ces bases, en prenant en compte cette identification à résoudre ses contradictions, sans avoir à se remettre en
historique du mode simultané et du processus d’enseigne- cause radicalement. Le mode simultané fait la loi à l'école,
ment, on peut comprendre que tout changement radical fait la loi de l'école. La pédagogie de soutien lui sert d’aide
de processus pédagogique se heurte à des obstacles, à des et de justification, elle apparait comme la solution dans
intérêts et à des justifications toutes prêtes et toutes faites. l’innovation, elle se donne comme la forme du changement
Ce qui signifie que, devant les difficultés, autant l’aména- acceptable. Elle se nourrit même des solutions radicales qui
gement est tolérable, autant la mutation ne l’est pas. Or, remettent en cause la pédagogie de l’enseignement. Grâce
la modification ne peut être progressive ou rampante, elle à elle, la pédagogie différenciée, alors qu’elle s’était posée et
ne peut être que radicale ou manifeste. Une fois installé développée comme une tentative de renversement au nom
dans un processus, on ne peut en sortir de l’intérieur ; on d’une pédagogie de l’apprentissage, en arrive à entretenir
reste toujours tributaire de sa logique ; le changement ne la domination du seul mode simultané. L’institutionnalisa-
peut s’opérer qu’en s’établissant d’emblée dans un autre tion du soutien signe la mort de la pédagogie différenciée.
processus : les logiques des processus sont ainsi exclusives Elle est le signe de l’échec de cette dernière à s’imposer
et non complémentaires. Ce qui signifie qu’il est illusoire comme ordre scolaire. Les réformateurs pédagogiques,
de croire pouvoir implanter la pédagogie différenciée dans promoteurs et partisans de la pédagogie différenciée,
le processus d’enseignement, c’est-à-dire dans le mode se retrouvent réduits à adapter le mode simultané en lui
simultané. Les principes de base sont opposés et la intégrant la pédagogie de soutien. Ce qui n’a pas empêché
conciliation n’est pas possible. Pour agir, il faut choisir. qu’ils subissent de très nombreuses attaques d’une violence
La pédagogie passe par l’action. Et l’action requiert de la qui ne cesse d’étonner... Décidément, si éduquer est déjà
cohérence. Même si toute cohérence suppose des limites un métier impossible, changer l’éducation relève du tour
dans les facteurs pris en compte et entraine le deuil d’un de force. Grande est la vertu de ceux qui s’y attachent.
certain nombre de dimensions.
S’il faut choisir entre mode simultané et pédagogie
Jean Houssaye
différenciée, que vient faire la pédagogie de soutien dans
Sciences de l’éducation, université de Rouen – CIVIIC
cette histoire ? Elle relève de la stratégie d’adaptation d’un
processus dominant. En effet, un processus se maintient
si l’axe central, tout en s’imposant comme premier, Bibliographie
laisse suffisamment de place et de jeu aux processus exclus.
Autrement dit, le processus « enseigner », pour se maintenir, Linda Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud
continuer à dominer et se donner comme satisfaisant, doit (dir.), L’Évaluation formative dans un enseignement différen-
tolérer en son sein certains aspects du processus « appren- cié, Peter Lang, 1979.
dre » et se régénérer par lui. C’est pourquoi le mode simul- Daniel Hameline, Les Objectifs pédagogiques en formation
tané, pour résoudre ses contradictions (et on a vu qu’elles initiale et continue, ESF-EME, 1979.
sont de plus en plus flagrantes du fait de la diminution de Jean Houssaye, Les Valeurs à l'école, PUF, 1992.
l’hétérogénéité institutionnelle et organisationnelle), doit
inclure certains éléments du processus « apprendre » en les Louis Legrand, La Différenciation pédagogique, Scarabée,
mettant à son service, sans les laisser devenir dominants et 1986.
contradictoires. La pédagogie de soutien est là pour inté- Louis Legrand, Les Différenciations de la pédagogie, PUF,
grer au mode simultané certaines vertus de la pédagogie 1995.
différenciée, sans lui permettre d’opérer le renversement Philippe Meirieu et coll. Différencier la pédagogie. Pour-
radical qu’elle suppose. quoi ? Comment ?, CRDP Lyon, 1985.
Les actions mises en place tant pour la pédagogie de soutien André de Peretti, Pour une école plurielle, Larousse,
que pour la pédagogie différenciée s’attachent au principe 1987.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010
Tableau 1
Évolution du vocabulaire de l’aide dans les dix dernières circulaires de rentrée
Nb d’occur rences 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Aide 24 17 7 4 10 7 5 20 17 111
Accompagne- 13 2 2 4 6 2 2 4 16 51
ment
Soutien 2 4 4 3 2 3 2 3 23
Ens. modulaire 5 3 2 1 1 1 13
Remise à niveau 1 1 1 1 1 5
Consolidation 1 1 1 3
Tutorat 2 1 3
Appronfondisse- 2 2
ment
Études dirigées 2 2
Travail di rigé 1 1
Études sur-
veillées
Tableau 2
Évolution des qualificatifs utilisés pour l’aide aux élèves
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Différencié(e) 3 3 1 1 1 9
Individualisé(e) 11 4 5 3 2 3 3 3 34
Per sonnalisé(e) 3 3 2 3 4 4 4 14 15 52
Si l’on observe à présent (tableau 2) les qualificatifs utilisés mot pour l’autre sans qu’on sache vraiment si cela corres-
pour caractériser la démarche d’aide aux élèves, on ne peut pond à une réalité différente.
qu’observer que la différenciation pédagogique au sein des N’a-t-on pas, successivement, de l’accompagnement
classes est très peu présente dans les récentes circulaires de individualisé et personnalisé, de l’aide individualisée et
rentrée, et que le terme « personnalisé » prend le dessus sur personnalisée, du soutien personnalisé et individualisé, du
le mot « individualisé ». suivi individualisé et personnalisé ? Par exemple, dans la
circulaire de rentrée 2009, le vocabulaire est pour le moins
Tableau 3 fluctuant : « L'année scolaire 2009-2010 sera marquée par
Vocabulaire des dispositifs d’aide dans les circulaires […] l'extension des mesures d'accompagnement individualisé :
de rentrée entre 2001 et 2010
consolidation de l'aide personnalisée à l'école, de l'accompa-
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1. Le temps de la « conférence » au XIXe Compayré2, « toutes sortes de raisons s’opposent à ce que, dans
siècle et au début du XXe siècle les écoles primaires, on use beaucoup des devoirs à préparer en
À l’école primaire : une aide aux élèves par le maitre dans dehors des heures de classe ». D’abord la longue durée des
la classe classes, « qui retiennent l’enfant à l’école pendant six heures »,
L’accent est mis sur la réussite de tous dès les années ensuite le jeune âge des écoliers du primaire « qui les ex-
1880 pose plus que d’autres au surmenage intellectuel ». Mais il y
a aussi « la condition sociale de la plupart des enfants qui
Je vais très peu aborder la question de l’aide dans l’ensei- fréquentent l’école primaire », car il est évident que, outre
gnement primaire, car, du fait de l’unicité et de la polyva- le fait qu’une fois rentrés chez eux beaucoup d’enfants
lence du maitre d’école, la question de l’aide s’y pose en des sont occupés à divers travaux, « des enfants d’ouvriers ou
termes différents de ceux de l’enseignement secondaire. À de paysans ne trouvent pas, dans les locaux incommodes et les
partir du moment en effet où la IIIe République demande habitations étroites de leurs familles, des conditions favorables
aux maitres de l’enseignement primaire de « s’assurer pério- pour le travail ».
diquement si la classe tout entière, et non pas seulement l’élite
de la classe, suit bien le programme et profite bien des leçons Ces arguments n’ont pas beaucoup vieilli. Dit en langage
dans toutes les parties de l’enseignement »1, la question des d’aujourd’hui, l’école doit être son propre recours.
méthodes pédagogiques les plus efficaces pour mettre en Dans l’enseignement secondaire, les professeurs ne sont
œuvre ce projet politique se pose nécessairement. pas naturellement en charge de l’aide aux élèves
Les instructions du 27 juillet 1882 insistent en ce sens : En 1880, les élèves qui ne suivent pas sont « un embarras
dans l’école primaire publique, « L'enseignement […] est pour le maitre, un « mauvais exemple » pour leurs cama-
nécessairement collectif et simultané ; le maitre ne peut se rades et un « élément de gêne » pour les classes
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donner à quelques-uns, il se doit à tous ; c'est par les résultats Au début de la IIIe République – rappelons qu’il n’y a à
obtenus sur l’ensemble de sa classe et non pas sur une élite l’époque que 85 lycées et 250 collèges en France scolarisant
seulement que son œuvre pédagogique doit être appréciée. » Il y une toute petite partie de la population adolescente – les
a bien là une obligation de résultat pour tous les élèves. Les difficultés rencontrées par certains élèves de l’enseignement
instructions de 1882 l’expriment avec netteté : « Quelles que secondaire ne sont pas de la responsabilité des enseignants.
soient les inégalités d’intelligence que présentent ses élèves, il est Jules Ferry publie une circulaire le 28 septembre 1880
un minimum de connaissances et d’aptitudes que l’enseignement qui ne laisse aucun doute à ce sujet : « Les professeurs se
primaire doit communiquer, sauf des exceptions très rares, à plaignent généralement d'avoir à subir des élèves mal préparés,
tous les élèves : ce niveau sera très facilement dépassé par hors d'état de suivre avec fruit les exercices de la classe, et qui
quelques-uns, mais, le fût-il, s'il n’est pas atteint par tout le sont un embarras pour le maitre, un mauvais exemple pour
reste de la classe, le maitre n'a pas bien compris sa tâche ou ne leurs camarades. Au moment où de sérieux efforts sont tentés
l'a pas entièrement remplie ». pour coordonner et restaurer l'enseignement classique, il est
Les instructions du 20 juin 1923 : alléger les programmes plus nécessaire que jamais que les familles soient exactement
et varier l’enseignement pour aider en individualisant renseignées sur les véritables intérêts de leurs enfants. Les
Ces instructions, relatives au nouveau plan d’études des examens de passage devront avoir lieu dans la semaine qui
écoles primaires élémentaires (suite à l’arrêté du 23 fé- suivra la rentrée ; tous les élèves y seront soumis. Le proviseur
vrier 1923) préconisent déjà, sans le dire évidemment avec décidera de l'admission ou du rejet d'après l'ensemble des notes.
les mots d’aujourd’hui, d’aller à l’essentiel au moyen d’une Sous aucun prétexte, il ne devra consentir à placer l'élève dans
pédagogie active et différenciée : « Les nouveaux program- un cours dont il ne tirerait aucun profit et où il ne pourrait
mes sont deux fois plus courts que les anciens. […] De cette qu'entraver la marche régulière de l'enseignement. Les examens
simplification résultera pour le maitre une plus grande liberté. de passage, sérieusement pratiqués, rendent de réels services à
Nous ne guidons point chacun de ses pas. Nous lui faisons l'enseignement des lycées et collèges ; ils stimulent les enfants ;
confiance. Suivant le niveau de sa classe, il pourra aborder ils dégagent les classes d'un élément de gêne et d'affaiblissement,
ou écarter telle ou telle question, exposer ou ajourner tel ou en dirigeant vers de nouvelles voies les esprits qu'on aurait
tel détail. Il pourra, d’autre part – et même il devra – varier voulu contraindre à suivre malgré eux un enseignement qui ne
son enseignement selon les besoins de ses élèves, l’adapter aux leur convient pas. »3
conditions de la vie locale… » La séparation de l’enseignement et de l’aide aux élèves :
« Pour bien enseigner aux enfants “ce qu’il n’est pas permis des personnels spéciaux pour l’aide aux élèves
d’ignorer”, il faut savoir choisir et doser, suivant leur âge, les Il faut tout de même s’occuper des élèves « faibles », selon
connaissances qu’ils auront à assimiler. L’enseignement doit la terminologie de l’époque. Pour effectuer cette tâche, les
être gradué. […] Mieux vaut laisser l’enfant dans l’ignorance lycées de l’époque ont à leur disposition des personnels qui
que de lui imposer un enseignement prématuré ». ont la charge de l’aide aux élèves en dehors des séances
L’école primaire doit aider l’élève au sein de l’école et lui ou des « classes » comme on disait alors, prises en charge
apprendre à se passer des devoirs à la maison par les professeurs : il s’agit de répétiteurs, de professeurs
adjoints ou autres maitres d’études. L’article 3 du décret
La question du prolongement du travail de la classe par de 1887 décrit le travail de ces répétiteurs : « Les répétiteurs
des devoirs à la maison se pose très tôt à l’école primaire des lycées et des collèges sont chargés de la surveillance ; ils
en des termes qui n’ont pas beaucoup vieilli. Le recteur
Compayré résume bien la pensée ministérielle de l’époque :
2 Gabriel Compayré, Organisation pédagogique et législation des
on ne peut renoncer à l’usage des devoirs à la maison, mais écoles primaires, Paris, Librairie classique Paul Delaplane, 1892.
il faut donner ces devoirs avec une infinie prudence. Pour
3 Circulaire citée dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie
et d’instruction primaire, sous la direction de Ferdinand
1 Circulaire du 25 aout 1884. Buisson, édition 1911, article « lycées et collèges ».
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veillent à la discipline et concourent à l’enseignement. Dans limites, suivant les climats et les régions, les habitudes locales,
les salles d’étude, ils dirigent le travail des élèves ; ils s’assurent suivant les besoins et les ressources des divers établissements ».
du soin avec lequel les devoirs sont faits et les leçons apprises. La réforme vise également à réduire la durée du « travail
Ils transmettent régulièrement leurs notes aux professeurs par sédentaire » des élèves. Dans un paragraphe intitulé « Exer-
l’intermédiaire du censeur ou du principal dans les classes, ils cices pratiques rendus possibles par la réduction de la durée des
remplacent les professeurs empêchés »4. classes » (les classes passent en effet de deux heures à une
En 1909, on précise les missions des répétiteurs des lycées heure et demie ou une heure), il est dit que la « partie du
et collèges et des professeurs adjoints : « D’abord, les sup- temps ainsi économisée sur la classe régulière sera restituée par
pléances ; puis les heures d’enseignement régulier ; enfin, les les professeurs aux divers enseignements, sous forme de confé-
conférences complémentaires aux élèves faibles sous la direction rences, d’interrogations, de direction pratique du travail ».
du professeur de la classe [qui] constituent un excellent moyen Quelle utilisation va-t-on faire de ce temps ainsi dégagé ?
de relever le niveau des études dans les classes composées d’élé- Le projet est de mettre en place des temps de « conférence »
ments de force inégale ; et elles sont une partie essentielle de pris en charge par les enseignants pour venir en aide aux
la fonction de professeur adjoint. J’appelle sur ce point, votre élèves. On dirait aujourd’hui : pour mettre en place de
attention d’une manière toute spéciale »5. l’accompagnement personnalisé, pour soutenir les faibles
Cette séparation des tâches entre répétiteurs et professeurs et approfondir avec les autres, pour regrouper temporaire-
est néanmoins régulièrement remise en cause dès cette ment les élèves en groupes de niveau, etc. En langage de
période. 1890, la question décapante posée par le courageux Léon
Si l’on prend, par exemple, les déclarations de Léon Bourgeois est : et si les enseignants eux-mêmes devenaient
Bourgeois devant la commission Ribot de la fin du siècle, les répétiteurs de leurs propres élèves ?
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telles qu’elles sont rapportées dans le Nouveau dictionnaire Il est utile d’insister un peu sur cette circulaire, car elle est
de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson, la première à aller aussi loin dans la description de ce qui
on voit que certains responsables voudraient que les ensei- est attendu des enseignants en matière d’aide à leurs élèves.
gnants prennent davantage de responsabilités dans l’aide Et pour tout dire, il me semble que cette circulaire de Léon
aux élèves : « Nous avons mis en deux catégories distinctes Bourgeois de 1890 fait définitivement le tour de la ques-
le professeur et le répétiteur. Chacun d'eux, précisément à tion ! On aura bien sûr compris que le terme « conférence »
cause de cette séparation règlementaire, considère l'autre, je signifie ici un moment de travail en petit groupe d’élèves7.
me garderai bien de dire comme un ennemi, mais comme une Dans le paragraphe suivant de la même circulaire, il est en
personne inconnue, étrangère, n'ayant rien à faire dans son effet indiqué qu’« il n’y a rien de commun entre les exercices
service à lui. Ne devraient-ils pas, au contraire, se considérer recommandés ici et les conférences autrefois en usage dans les
comme des collègues étroitement associés pour l'éducation des lycées. Autant ces conférences, simple prolongation de la classe
enfants ? J'admettrais que le professeur pût et dût même, dans elle-même, étaient fastidieuses et stériles pour tout le monde,
certains cas, prendre des enfants en dehors de la classe et les autant une direction vraiment pratique du travail peut deve-
faire travailler »6. nir pour tous intéressante et féconde. La classe appartient à
La réforme de 1890 et la première tentative pour faire l’enseignement : c’est dans ces conférences d’un nouveau genre
prendre en charge par les enseignants l’aide aux élèves que le professeur trouvera parfois les meilleurs moyens d’en
de façon plus individualisée assurer les effets. Là, en présence de groupes d’élèves restreints
Un peu avant, sous le ministère de Léon Bourgeois, on avait et bien homogènes, il saura s’accommoder soit à leur force, soit
essayé de libérer du temps d’enseignement pour permettre à leur faiblesse. Avec les uns, la conférence fournira l’occasion
aux enseignants de prendre toute leur part dans l’aide aux de compléter, d’élever ou d’approfondir l’enseignement de la
élèves. classe ; avec les autres, elle servira de préparation, contrôle,
d’application. Fort ou faible, chacun à son tour y sera, pour
C’est la circulaire relative à l’emploi du temps, à l’édu-
quelques moments, l’objet d’une attention directe et personnelle.
cation physique et à l’hygiène dans les lycées et collèges,
Pour beaucoup d’élèves, les progrès dateront de ces moments-
du 7 juillet 1890, signée de Léon Bourgeois lui-même qui
là.
tente d’engager le processus.
Certaines familles s’imaginent que dans les lycées on
Le premier objectif est de donner des marges de manœuvre
sacrifie la masse à l’élite. Il importe au plus haut point de
aux acteurs locaux.
ne laisser ni raison ni prétexte à cette opinion susceptible
« C’est à vous qu’il appartient, Monsieur le Recteur, de de porter à nos établissements un si grave préjudice. Il
déterminer, sur proposition des chefs d’établissement et après faut établir l’opinion contraire que, dans un lycée, aucun
l’avis de l’assemblée des professeurs, la distribution des heures élève ne coure le risque d’être sacrifié ou négligé. La classe
de classe, d’étude et de récréation. Le conseil supérieur n’a pas à elle seule, surtout dans les grands établissements, n’en
voulu la fixer lui-même. Il a admis que le principe d’uniformité fournirait pas toujours bien aisément les moyens.
absolue dans le régime de tous les lycées et collèges ne répondait
Quoi qu’on fasse, le rôle le plus actif y appartient à ceux
à aucune nécessité ; que la règle pouvait varier, entre certaines
qui savent le prendre et, si l’on n’y mettait ordre, les autres
n’y assisteraient qu’en qualité de témoins. Or, il n’est pas
4 Décret sur les maitres répétiteurs des lycées et des collèges, admissible qu’un élève quelconque n’ait que de loin en loin
8 janvier 1887, BAMIP, n° 734, 8-25 janvier 1887, p. 11, signé Berthelot.
l’occasion de répondre à une question, de lire un de ses
5 Circulaire relative aux répétiteurs des lycées et
collèges et aux professeurs adjoints du 13 septembre 1909, 7 Selon le dictionnaire de Littré, une conférence est à
BAMIP n° 1896, 15 septembre 1909, p. 799-800. l’époque une « action de traiter d'un objet quelconque entre
6 Léon Bourgeois, cité dans le Nouveau dictionnaire de deux ou plusieurs personnes », ou « une réunion où les jeunes
pédagogie et d’instruction primaire, sous la direction de Ferdinand étudiants s'exercent à la discussion » ou encore une « sorte
Buisson, édition 1911, article « lycées et collèges ». de leçons familières que donne un professeur ».
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devoirs, d’expliquer un texte, etc., et par suite d’obtenir du d’admettre que, de la part des professeurs, elles n’auront que des
maitre les conseils, les corrections et les encouragements inconvénients »8.
précis et particuliers qui lui conviennent. Il est bien vrai On sait ce qu’il est advenu de cette première tentative
que c’est déjà un bénéfice pour les faibles de recevoir des d’associer les enseignants à l’aide aux élèves dans le second
forts ces leçons par l’exemple qui souvent enseignent mieux degré. Les professeurs ont résisté, les répétiteurs et les
et stimulent davantage que les préceptes et les exhortations professeurs adjoints ont, de leur côté, défendu leurs pos-
du professeur. Mais il est plus vrai encore que ce bénéfice tes, et, en tout état de cause, l’allègement horaire nécessaire
même, ils le laisseront le plus souvent échappé, s’ils ne pour dégager les temps nécessaires de « conférences » n’a
sont pas de temps en temps mis en mesure ou, pour mieux jamais pu être réalisé, au contraire, comme chacun sait.
dire, en demeure d’en faire la preuve. Il faut donc que leur
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé à nouveau.
tour vienne de payer de leur personne, de montrer ce qu’ils
savent et, sous l’œil du professeur, de faire tout ce qu’ils Ainsi, en 1923, la « conférence » qui s’appelle alors « di-
peuvent. rection de travail » s’inscrit dans une journée de « cours et
d’enseignement » qui ne devrait comporter que cinq heures
Tel doit être précisément le principal objet de ces conférences.
pour les élèves de 6e.
Pour l’élève médiocre, la classe est souvent comme un discours
en style indirect qui a l’air de ne pas s’adresser à lui et ne « Art 4. Chaque semaine, dans la classe de 6e, deux heures et
réussit pas à le tirer de sa distraction ou de son indolence. La demie sont consacrées à des séances de direction et de contrôle
conférence le prendra à partie personnellement et directement du travail des élèves, d’après l’horaire suivant : lettres, une
et ne lui permettra plus de se dérober. On peut assurer que, si heure ; langue vivante : une heure ; sciences naturelles, une
la conférence est bien comprise et faite avec le même zèle qu’on demi-heure. Les élèves sont réunis tous ensemble ou distribués
par groupes suivant l’effectif de la classe. Dans les classes
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Il s’agissait notamment d’aider par ce moyen les enseignants Le mot « accompagnement » est utilisé pour la première
du primaire à travailler avec des élèves de niveau différent. fois avec le sens qu’il a aujourd’hui à propos du travail des
Manifestement, l’hétérogénéité est difficile à gérer pour professeurs adjoints dans les nouvelles 6es : « Le professeur
certains d’entre eux. En témoigne cette circulaire de 1959 adjoint… participe le plus complètement possible aux divers
adressée aux inspecteurs d’académie : « Il m’a été signalé exercices de la classe… Il est très important qu’il ne soit pas
que dans certaines écoles primaires où l’effectif des élèves de cantonné dans les seules fonctions de surveillance, de secréta-
cours moyen 2e année exigeait la création de classes parallèles, riat, d’accompagnement, mais qu’il prenne part effectivement
on organisait parfois un CM2 fort et un CM2 faible. En sorte à toutes les activités de la classe »14.
qu’à la fin de l’année scolaire les élèves de la section "forte" Dans les 4es nouvelles, le « travail dirigé » se réalise par
étaient certains de figurer sur la liste des propositions pour « groupes de moins de quinze élèves. Il ne s’agit pas seulement
l’admission en 6e, tandis que ceux de la section “faible” s’en d’initier au travail personnel ; il faut aussi contrôler l’assi-
trouvaient pratiquement exclus »11. milation, vérifier l’acquis, grouper parfois les retardataires,
Dans l’enseignement secondaire, le travail dirigé, levier encourager les lectures et les recherches des élèves les plus
pour la rénovation pédagogique avancés ; c’est un travail de mise au point pour l’élève et pour
Le travail dirigé par le professeur et les méthodes actives la classe. Ces heures de travail dirigé sont mises à la disposition
dans les classes nouvelles du maitre qui peut y convoquer les élèves ou les en dispenser
selon qu’il le juge nécessaire »15. En mathématiques, par
Les premières circulaires publiées après la Libération
exemple, « la séance de travail dirigé donnera au maitre de
préconisent clairement une pédagogie active. La circulaire
grandes facultés pour organiser et pour réaliser effectivement
du 16 novembre 1944 le dit tout net : « Le travail dirigé
l’apprentissage du travail intellectuel qui reste l’essentiel de
par le maitre et réalisé sous ses yeux doit devenir un élément
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d’aujourd’hui. Le verbe « aider » est d’ailleurs utilisé dans chose aisée, puisque l’effectif est d’environ quinze élèves : une
son acception actuelle. Il s’agit de « favoriser l’action pé- bonne disposition matérielle de ceux-ci, devant soi ou autour de
dagogique en vue d’aider [l’enfant] à surmonter ses faiblesses, soi, différente de la disposition habituelle de la classe, permettra
de favoriser l’observation de ses aptitudes. En aucun cas, ces le dialogue confidentiel où le maitre, saisissant les difficultés que
séances ne seront transformées en classes supplémentaires… [ni chacun rencontre, aide à les surmonter »20.
en] simple étude surveillée. Le maitre y tiendra un rôle actif. À Le travail dirigé est relancé une nouvelle fois en 1969
l'affut de toute défaillance, il interviendra immédiatement pour : « Le travail dirigé, du fait de l’effectif réduit des groupes,
fournir l’indication qui donnera un nouvel élan à sa recherche. donne au maitre une connaissance plus complète de l’élève et
Il parait acquis que nombre d’échecs scolaires sont imputables à facilité ainsi l’adaptation pédagogique de son enseignement aux
une mauvaise méthode de travail. […] Le petit nombre d’élèves individualités. Surtout, il permet au maitre, qui dirige avec
permettra en outre au maitre d’individualiser son enseignement, attention et précaution le travail de ses élèves, de développer
de contrôler les connaissances acquises, de proposer des exercices en chacun d’eux des attitudes et des méthodes ; il conduit, peu
différents selon les besoins de chacun, d’adapter sa méthode aux à peu, chaque élève à l’acquisition de méthodes personnelles
démarches des divers esprits, de susciter des questions. de travail ; là est sans doute le but essentiel du travail dirigé
Les travaux dirigés sont en outre irremplaçables pour l’obser- tel que nous le concevons. […] Les différences profondes qui
vation de l’enfant… On voit l’importance de la contribution existent entre les individus, dans le caractère, les intérêts, les
que les travaux dirigés peuvent apporter à l’orientation ». formes d’intelligence, les acquisitions antérieures, la résistance
Tout y est, cinquante ans avant l’accompagnement person- physique, le rythme de travail… font apparaitre comme une
nalisé d’aujourd’hui : aide méthodologique, adaptation aux gageüre la méthode qui consiste à les négliger. Ne jamais tenir
besoins de chacun, même l’aide à l’orientation est prévue ! compte de ces différences, c’est finalement enseigner pour l’élève
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heures d’approfondissement concernent les mêmes disci- prise en charge du soutien pouvant alors être effectuée par
plines. un autre maitre.
À l’école primaire Quatrième type, l’organisation de groupes de niveau selon
À l’école primaire, la circulaire du 28 mars 1977 précise les disciplines dans le cas où le groupe d’élèves en difficulté
que la pédagogie de soutien concerne les élèves « qui ont est plus important. Ce dispositif permet « d’organiser la
leur place dans une classe normale, mais à l’égard desquels il y a classe en groupes distincts pour lesquels les démarches d’ap-
lieu de recourir, dans le cadre des activités de cette classe, soit de prentissage sont conduites de façon différente quant aux types
façon suivie, soit temporairement, à des pratiques scolaires qui d’activités proposées, aux modalités d’approche et aux degrés
visent plus particulièrement à les aider à surmonter les obstacles d’élaboration des notions étudiées, aux rythmes de réalisation
auxquels ils se heurtent ». La circulaire indique les « traits des acquisitions ».
caractéristiques de la pédagogie de soutien à l’école primaire : Enfin, parce que, dit la circulaire, « on ne saurait sous-es-
l’importance des apprentissages instrumentaux, l’interférence timer les problèmes et les difficultés de divers ordres liés à une
avec les autres domaines d’activités », car « ce serait une erreur généralisation plus marquée de telles actions », les inspecteurs
de ne tabler que sur un supplément de démarches spécifiques sont invités « à s’intéresser, tout spécialement au cours de
d’apprentissage pour remédier aux lenteurs ou difficultés de leurs visites dans les écoles, aux conditions dans lesquelles se
certains élèves concernant les acquisitions en cause » ; l’unicité pratiquent les actions de soutien, et à formuler à ce sujet les
du maitre qui laisse à ce dernier « la latitude d’organiser et de recommandations et les conseils qu’ils estimeront utiles. » Il y
gérer le temps dont il dispose, dans le cadre de l’horaire officiel a également, et c’est la première fois que cela est dit, « lieu
avec suffisamment de souplesse pour adapter les actions de sou- de prévoir que plusieurs des actions de formation continue à
tien aux conditions de fonctionnement de sa classe ». L’action l’intention des instituteurs soient consacrées à la pédagogie de
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pourront utiliser leurs capacités à approfondir le programme La remise à niveau dans une ou plusieurs disciplines
faisant l’objet du tronc commun de formation ». Lors de l’expérimentation du « nouveau contrat pour
Le collège unique et l’aide aux élèves après 1977 l’école » en 1994, il est mis en place un « dispositif de
Très régulièrement depuis 1977, les textes ministériels consolidation », qui s’adresse « aux élèves en difficulté à
déclarent que tous les enseignants ont vocation à prendre l’entrée en 6e ». On préconise « pour ces élèves une remise à
en charge les élèves qui sont en difficulté au collège. La niveau individualisée dans les apprentissages fondamentaux
circulaire fondatrice de 1977 est, de ce point de vue, très afin qu’ils rejoignent le plus tôt possible la voie générale. Il doit
claire : « D’une façon générale, il appartiendra à chaque donc être souple, perméable et temporaire ».
professeur, lorsqu’il constatera que, malgré la mise en œuvre du Dans le cadre du « collège des années 2000 », la « remise à
soutien, tel élève a de la peine à suivre la progression prévue, niveau » concerne les élèves de 6e qui peuvent bénéficier
de l’inviter à concentrer ses efforts sur les éléments essentiels jusqu’à « un maximum de six heures » par semaine, et « trois
du programme afin de l’aider à surmonter ses difficultés ; il heures d’aide individualisée en 5e ». Dans les deux cas, il
s’agit, on le voit, d’aménagements pédagogiques qui seront donc s’agit de prendre en charge les élèves par petits groupes
intégrés dans l’action et la pratique de l’enseignant »22. « ne dépassant pas huit élèves afin d’assurer une véritable
Depuis 1977, l’aide aux élèves de collège revêt plusieurs prise en charge personnalisée ». Ces moyens sont en fait des
formes, qui ont pu évoluer dans le temps. heures supplémentaires attribuées « prioritairement à des
enseignants volontaires » assistés par des « aides éducateurs
La pédagogie différenciée
pour certaines activités ». La circulaire de la rentrée 2000
L’expression « pédagogie différenciée » est utilisée en 1979 à annonce que les moyens consacrés à la remise à niveau « ont
propos de la mise en place progressive du tronc commun été intégrés aux dotations horaires globales des académies et des
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en classe de 4e. Il est dit alors que les actions de soutien départements ».
prévues en français, mathématiques et langue vivante se-
L’aide au travail personnel : les études surveillées et dirigées
ront intégrées à l’horaire de la classe et « s’exerceront sous la
forme d’une pédagogie différenciée ». Cette mesure est confir- Cette mesure est introduite en 1984 quand il est demandé
mée dans la circulaire de la rentrée 1981, puis dans celle que les emplois du temps des élèves soient « conçus de telle
de 1982 qui recommande « la constitution de classes ouvertes façon qu’ils aient la possibilité d’avoir deux à trois heures par
à une pédagogie différenciée » pour assurer aux élèves « une semaine d’étude surveillée par groupe de quinze à vingt élè-
prise en charge souple et progressive ». En 1985, on associe ves ». Il est précisé que les travaux que les élèves réaliseront
explicitement « la pédagogie différenciée et la prise en charge pendant ce temps seront conçus « collectivement par les
des élèves en grande difficulté ». La tonalité générale du texte équipes éducatives ».
est claire : seule la pédagogie différenciée, « vecteur essentiel Pour financer ces études, la circulaire de rentrée 1985 indi-
de la transformation du collège », permettra d’intégrer tous que « qu’il appartient aux chefs d’établissement de dégager les
les élèves au sein du collège et de faire en sorte que les moyens nécessaires sur leur dotation, mais aussi de rechercher
« structures particulières » restent provisoires. L’aide « au auprès des municipalités si des aides financières peuvent leur
travail personnel » fait l’objet d’une attention particulière, être apportées ». Il sera dit exactement la même chose en
car elle peut prendre la forme « d’une aide personnalisée et 1993-1994.
approfondie dans une matière ». Le tutorat
Les « détours pédagogiques » À la suite du rapport Legrand, le ministère encourage le
En 1995, le ministère préconise « une diversification péda- tutorat à partir de 1983. Il s’agit par ce moyen de favori-
gogique par la mise en place de parcours prenant en compte ser le suivi individualisé d’un ou plusieurs élèves par un
les gouts et les aptitudes des élèves dans les enseignements qui adulte de l’établissement, le plus souvent un professeur.
les valorisent. Pour ne pas constituer des pré-orientations ou Les premiers bénéficiaires du tutorat ainsi conçu sont les
des amorces de filières, ces parcours ne doivent pas avoir de élèves qui n’ont pas la possibilité d’être encadrés en dehors
caractère permanent et ils doivent pouvoir être reconsidérés du collège et qui vont trouver, en la personne de leur
avant l’entrée au lycée ». Cela donnera, comme on le sait, tuteur de l’établissement, un adulte attentif qui surveillera
les parcours diversifiés en 1996, les travaux croisés en 2000 les devoirs, l’apprentissage des leçons, l’organisation du
et les itinéraires de découverte en 2002. cartable et qui pourra assurer la liaison entre l’élève et les
Les heures de soutien professeurs en cas de difficulté. Le ministre Savary le pré-
cise dans son discours sur le collège de 1983, la première
En 1977, la dotation prévue pour chaque classe de 6e
raison d’être du tutorat « est pédagogique : il doit permettre
(la référence du calcul est alors la classe de vingt-quatre
de suivre de façon individuelle l’évolution de chaque élève dans
élèves) prévoit une attribution de vingt-quatre heures
un système éducatif centré sur l’enfant et sur l’adolescent ». Le
d’enseignement, qui se décomposent en vingt-et-une
ministre poursuit en indiquant que « le travail collectif des
heures obligatoires et trois heures de soutien (soit 12,5 %
enseignants et l’exercice du tutorat pourraient avoir des effets
de la dotation). Cette dotation concerne aussi la classe de
importants sur la démocratisation des collèges »23. En 2000, le
5e. En 1979, le ministère précise que ces heures doivent
rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale
être inscrites à l’emploi du temps et qu’elles concernent le
constate que « le plus souvent, les professeurs sont assez peu
français, les mathématiques et la langue vivante.
impliqués dans un processus qui, à leurs yeux, relève de la vie
En 1994, les trois heures qu’on appelle alors les heures scolaire, de l’infirmière ou de l’assistance sociale. Dans certains
« libres » sont utilisées sous une autre forme dans le cadre établissements, des réactions très négatives ont été observées ».
du « nouveau contrat pour l’école ». Ces heures globalisées
seront utilisées en 1996 pour les parcours diversifiés.
23 Déclaration du ministre de l’Éducation
22 Circulaire 77-011 du 5 janvier 1977, B.O. du 27-01-1977. nationale sur les collèges, 1er février 1983.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
La modulation de la taille des groupes Là encore, on retrouve dans un texte relativement ancien
Très tôt, le ministère de l'Éducation nationale préconise (trente ans) des préconisations qui sont des préoccupations
une grande souplesse dans la constitution des groupes d’aujourd’hui.
d’élèves, la classe de base traditionnelle n’étant qu’une des
Tableau 5
formules possibles. Dès l’origine en effet, il est indiqué
Le vocabulaire de l’aide aux élèves dans le collège
que les établissements pourront constituer des « groupes de
unique depuis 1975
taille inégale » pour tenir compte « des besoins pédagogiques ».24
En 1978, il est indiqué que les collèges peuvent utiliser leur Aménagements pédagogi- Mesure compensatoire
marge de manœuvre pour « améliorer les conditions d’ensei- ques Enseignements à effectifs
gnement » en formant « dans telle ou telle matière […] trois Heures de soutien réduits
(ou quatre) groupes à partir de deux (ou trois) classes ».
Groupes « de taille inégale » Remise à niveau
Cette souplesse laissée dans l’organisation des groupe-
Soutien Solutions individualisées
ments d’élèves n’est sans doute pas bien comprise, car la
circulaire de 1984 dit qu’il « faudra cependant veiller à ce que Pédagogie différenciée Dispositif de consolidation
ces nouveaux modes de groupements ne recréent pas les filières Tutorat Groupes de niveau, de
anciennes qui sont à l’opposé de l’objectif recherché ». La cir- Aide au travail personnel besoin ou de rythme
culaire de 1986 est encore plus nette : « Si le dispositif se fige, Parcours diversifiés
Aide complémentaire
les écarts entre les élèves se creusent de manière irréversible ».
Groupes de niveau-matière Travaux croisés
L’aide aux élèves et l’autonomie des établissements
Étude surveillée Aide individualisée
S’il s’agit d‘aider les élèves en prenant en compte leurs dif-
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les plus traditionnelles et les plus routinières. […] Soit vidualisé, accompagnement personnalisé, etc. –, il s’agit
par prudence, soit par méfiance, on n’a pas su utiliser la bien de trouver les moyens de faire réussir tous les élèves.
compétence des corps d’inspection et des formateurs qui Dans le second degré, le problème posé est aussi celui
auraient pu rapidement éviter les premières dérives ; de la mission des enseignants et de leurs obligations de
• La rigidité des structures ». service : faut-il un corps spécifique pour l’aide (répétiteurs
La réforme de 1999 et l’aide individualisée ou assistants pédagogiques) ou l’aide fait-elle partie de
la mission essentielle des enseignants ? Ce débat est très
L’aide individualisée avait pour but de compléter l’ensei-
ancien, comme j’ai essayé de le montrer.
gnement modulaire.
Ce que nous apprend aussi, me semble-t-il, ce rapide survol
La circulaire de rentrée 2001 en dresse un bilan lucide.
historique, c’est que si cette aide doit être prise en charge
L’aide individualisée est perçue par tous de manière po-
par les enseignants, elle ne peut être efficace que si elle est
sitive, mais par défaut de pilotage : « Le dispositif d'aide
intégrée à l’enseignement dans une approche pédagogique
individualisée est perçu de manière positive à la fois par les
globale, comme cela est très bien dit dès 1890 et rappelé
élèves, les enseignants et les proviseurs, notamment parce qu'il
avec une force jamais égalée dans les grands textes sur le
contribue à améliorer de manière significative la relation tra-
soutien de 1977.
ditionnelle enseignants/élèves et répond de manière plus étroite
aux besoins spécifiques de ces derniers. Les enquêtes et obser- Pour dire les choses autrement, une aide utile à tous les
vations réalisées dans plusieurs établissements durant l'année élèves nécessite une très haute expertise scientifique et pé-
scolaire 1999-2000 font toutefois apparaitre que ce dispositif dagogique chez tous les enseignants. Bref, cela s’apprend.
reste encore insuffisamment différencié : Mais ce retour sur l’histoire des textes officiels montre aussi
que sans un pilotage national et local qui intègre toutes ces
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Jean-Paul Delahaye
Professeur associé à l’université Paris 5-René Descartes
Il y a bien eu un rapport de l’Inspection générale de Selon les enquêtes syndicales, les enseignants disent avoir
l’éducation nationale (IGEN)2, mais c’était en juillet 2009. observé des progrès sensibles pour une petite proportion
D’une part, il titrait « Bilan positif : le succès de la formule » d’élèves, ceux dont les difficultés sont momentanées ou
et, d’autre part, il expliquait que « les inconvénients se confir- localisées.
ment » sur « la fatigue des élèves et des enseignants », « le temps Le plus souvent, ils disent aussi que les élèves concernés ne
de dialogue avec les parents » qui est réduit, sur « la qualité se sentent pas stigmatisés (comme on pouvait le redouter),
(voire la réalité) des concertations qui ont lieu le vendredi soir mais manifestent plutôt de l’intérêt pour cette situation. Il
à la fin d’une semaine chargée. » semble en résulter une plus grande confiance en soi et une
Une étude dirigée par Jean-Jacques Guillarmé, de l’uni- meilleure motivation dans l’ordinaire de la classe. Bonheur
versité Paris 5-René Descartes, publiée à l’automne 2009, du travail en petit groupe, où l’enseignant peut établir
a comparé l'aide personnalisée et les aides spécialisées une relation plus attentive à la personne de chaque élève,
du RASED (aides à dominante rééducative)3. D'après bonheur de réussites plus faciles à susciter en petit groupe,
le compte rendu mis en ligne par la FNAREN, cette par exemple dans des situations de production de textes.
étude concluait que seulement « 20 % des élèves ayant suivi Selon le témoignage de plusieurs enseignants, ce moment
30 heures d’aide personnalisée font effectivement des pro- de travail en petit groupe peut également être formateur
grès dans les acquisitions scolaires, exclusivement. » Par pour eux-mêmes. Leur observation des élèves est alors
comparaison, les deux tiers des enfants bénéficiant d’une plus fine, et cela seul peut les amener à porter un regard
aide spécialisée rééducative de même durée ont progressé plus positif sur les élèves concernés et à mieux comprendre
dans leurs compétences sociales (70 %), relationnelles leurs difficultés.
(60 %), cognitives (68 %)… et scolaires (65 %). Plus par-
Enfin, il y a des écoles qui ont su tirer un meilleur parti
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par la communauté des chercheurs en Europe sur la base Ici, c’est bien le même enseignant qui encadre ses élèves
d’études récentes.8 en classe, et dans l'aide personnalisée et il n’y a donc pas
Effets paradoxaux, c’est aussi le cas d’un dispositif d’aide d’externalisation de droit. Mais si le maitre compte plus
mis en place en 2003 dans les écoles britanniques, les qu’auparavant sur l'aide personnalisée pour aider les élèves
Teaching Assistants (TA). Il s’agit de personnels non les plus faibles, insensiblement et inconsciemment, il peut
enseignants recrutés pour soutenir le travail des équipes prendre de plus en plus de risques à leur endroit dans les
d’écoles dans les quartiers populaires, sur le modèle des vingt-quatre heures de classe. De fait, il externalise alors
assistants d’éducation déployés dans les écoles françaises progressivement le traitement des difficultés d'apprentis-
entre 1997 et 2002. Mais, outre des tâches techniques, sage.
administratives et de surveillance, les TA interviennent Dans un tel processus, il est vraisemblable qu’à mesure que
aussi auprès des élèves : études dirigées, soutien et prises les mois passent, les difficultés des élèves les plus fragiles
en charge individuelles ou de petits groupes d’élèves dans s’aggravent. Un cercle vicieux peut se mettre en route :
le cadre d’actions de différenciation pédagogique (c’est plus la progression de la classe s’accélère, plus le retard des
l’enseignant qui donne le plan de travail). élèves faibles se creuse, plus se justifie le recours à l'aide
Des chercheurs de l’Institute of Education de l’université personnalisée et plus, au bout du compte, ces élèves sont
de Londres9 ont évalué auprès de 20 000 enseignants l’im- relégués.10
pact de ces TA sur le développement des compétences À cette étape de notre réflexion, il faut aussi envisager un
des élèves. Leur étude publiée l’an dernier montre avec cercle vertueux : dans l'aide personnalisée, l’enseignant
netteté qu’à profil comparable, les élèves aidés par les TA comprend mieux les difficultés des élèves concernés et cela
progressent moins que ceux qui ne prennent pas part à ce l’amène à ajuster son enseignement pour le rendre plus pro-
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dispositif. Certes, la présence des TA a amélioré le climat pice aux apprentissages pour ces enfants. Aussi faudrait-il
dans les classes, mais de façon surprenante pour les cher- que les responsables du système éducatif encouragent cette
cheurs anglais, elle a été contreproductive sur le plan des sorte de rétroaction en aidant les équipes d’enseignants à
apprentissages. analyser et comprendre les difficultés des élèves et à penser
Sommairement, l’explication de cet effet paradoxal est la leur action bien plus en termes de prévention que de remé-
suivante : le traitement de la difficulté scolaire est externa- diation. Nous reviendrons plus loin sur ce point.
lisé, mais les TA étant moins formés que les enseignants,
« Élèves en difficulté » : catégorie
leur intervention ne peut pas être aussi efficace ; les élèves
objective ou catégorie statistique ?
les plus fragiles étant retirés très souvent de leur classe, les
enseignants sont conduits à pousser la cadence ; l’écart se Un des risques de l'aide personnalisée, c’est aussi une perte
creuse entre les élèves aidés par les TA et les autres, plus de lucidité sur les disparités de profils regroupés dans la
stimulés. Les résultats des plus fragiles sont moins bons catégorie « élèves en difficulté ». En effet, comme l'aide per-
que s’ils restaient en classe avec le groupe. Mais les signaux sonnalisée est mise en place obligatoirement dans toutes les
d’alerte sont faibles, car les résultats moyens demeurent écoles selon les mêmes règles, il est obligatoire de recenser
stables ou progressent légèrement. On a là l’exemple d’un des élèves en difficulté dans toutes les écoles, quelle que
dispositif qui se veut égalitaire et qui aggrave les inégali- soit leur sociologie, que celles-ci recrutent des enfants des
tés. classes moyennes supérieures (passant tous les paliers du
socle commun avant l’heure) ou qu’elles scolarisent des
Un risque d’externalisation de fait enfants de familles très populaires. Il est alors évident que
Certes, en France, les élèves inscrits à l'aide personnalisée l’expression « élèves en difficulté » désigne une catégorie
sont encadrés par un enseignant – de surcroit, c’est le leur – statistique parfaitement relative : les élèves en difficulté
et ils font partie du groupe classe durant les vingt-quatre repérés pour l'aide personnalisée ici feraient figure de très
heures de l’emploi du temps de base. Pourtant, il n’est pas bons élèves ailleurs. Avec cette définition statistique, il y
sûr que cela nous mette complètement à l’abri des effets a ainsi 15 à 20 % d’élèves en difficulté en maths spé et en
paradoxaux constatés par les chercheurs de l’Institute of khâgne ! Et, dans ce cas, en RAR, 80 % des élèves sont en
Education. Comment exclure en effet que, devant les diffi- réussite !
cultés de quelques élèves de leur classe, certains enseignants Le dispositif de l'aide personnalisée fait exister les « Élèves
se disent parfois : « Ce n’est pas si grave, on pourra y revenir en difficulté » dans la communication du ministère, dans
au moment de l'aide personnalisée » ? Alors qu’auparavant, le langage administratif, dans les échanges professionnels,
pour déterminer le rythme des progressions, ces maitres par conséquent, dans les représentations banales des ac-
tenaient largement compte des difficultés des uns et des teurs. Est-on alors conscient de transformer une catégorie
autres, ils peuvent maintenant être tentés de pousser la ca- statistique en catégorie objective ?
dence… quitte à distancer les élèves les plus faibles. L'aide Cette transformation ne serait peut-être pas si gênante
personnalisée a le pouvoir de rassurer les enseignants sur si l’on ne confondait pas ainsi des profils très différents,
les apprentissages de ces élèves. C’est un vrai danger ! depuis l’élève qui n’a pas bien compris la notion que le
maitre vient de lui enseigner (dans les écoles des quartiers
favorisés, c’est le profil très majoritaire des élèves mobili-
8 Voir le rapport de Nathalie Mons pour la Commission
européenne et l’agence Eurydice, 2009, « Les effets théoriques et sés dans l'aide personnalisée, profil pour lequel, du reste,
réels de l’évaluation standardisée » : http://eacea.ec.europa.eu/
education/eurydice/documents/thematic_reports/111FR.pdf 10 D’où les principes que des équipes d’écoles et certains IEN ont
9 Cette étude a été publiée l’an dernier. Résumé en anglais : http://www. adoptés : les groupes d'aide personnalisée sont des « groupes de besoin »
ioe.ac.uk/newsEvents/31191.html. Le Café pédagogique en a fait état dans (et non de niveau) ; chaque groupe fonctionne sur une des cinq périodes
l’Expresso du 7 septembre 2009, sous le titre : « Quand l’aide se retourne scolaires ; un même élève ne peut pas être inscrit à l'aide personnalisée
contre les élèves en difficulté : l’exemple éclatant des Teaching Assistants ». plus de deux périodes ; celles-ci ne peuvent être consécutives.
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92 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, février 2011 Utilisation commerciale interdite.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010
l'aide personnalisée est la plus efficace) jusqu’aux enfants élitiste13. Plutôt que de courir de dispositifs de remédiation
qui ont « peur d'apprendre »11 et ne donnent pas – ou pas improvisés en modalités de soutien plus ou moins extérieu-
encore – sens à l’école. Il y a là un paradoxe qui ne semble res à la classe, il est urgent de mieux comprendre la genèse
pas avoir été suffisamment souligné : le dispositif de l'aide des difficultés scolaires. On ne peut pas alors faire l’éco-
personnalisée, qui se présente comme une modalité de nomie d’un questionnement sur les choix pédagogiques et
différenciation pédagogique et comme une action personna- didactiques, tout particulièrement de la petite section au
lisée, est curieusement très imprécis dans la définition des CE1 : les pratiques des maitres sont-elles judicieuses pour
besoins des élèves et dans celle des différentes formes de la aider tous les enfants à franchir les obstacles que la psycho-
difficulté scolaire… logie a pu repérer dans les apprentissages, notamment pour
ceux de la lecture-écriture et des mathématiques ?
La difficulté scolaire : l’école hors de cause ?
Ainsi, dans le domaine de la lecture, des travaux récents
On vient de le dire, le dispositif de l'aide personnalisée plaident pour réinterpréter les recherches des vingt derniè-
invite à admettre qu’il existe obligatoirement des élèves res années sur le rôle de la conscience phonologique dans
en difficulté. Avec cette conclusion implicite, la difficulté la réussite en lecture14. D’un point de vue didactique, on
scolaire apparait du même coup comme une réalité exté- peut en conclure qu’il convient de mieux lier la conscience
rieure à l’enseignement, à ses programmes et progressions, phonologique à un travail sur l’écrit et de prendre en
à ses démarches, méthodes et procédés, indépendante du considération le saut qui existe entre la conscience de la
fonctionnement de l’école. Si des élèves sont en difficulté syllabe (très facile) et la conscience des phonèmes (bien
scolaire, ce n’est ainsi pas, ou pas essentiellement, en raison plus abstraits)15.
de choix pédagogiques ou didactiques inadaptés. C’est plu-
tôt la conséquence normale et naturelle de caractéristiques Une bonne connaissance des pratiques des enseignants
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individuelles de ces enfants, caractéristiques de nature amène aussi à observer que ceux qui font écrire fréquem-
physiologique (« fatigabilité »), psychologique (« immatu- ment de petits textes à leurs élèves dès la grande section
rité », « lenteur », « manque d’attention », « dispersion », mettent en œuvre un travail très efficace de prévention des
« inappétence », quand ce n’est pas « défaut d’intelligence ») difficultés16.
voire de pathologies de la cognition (« dyslexie », « dyscalcu- Concernant l’orthographe, dont la connaissance com-
lie », « dysgraphie »…). Quand un tel enfant fragile devient mande l’accès à une lecture habile et à la voie directe, la
élève, il est normal qu’il manifeste ces mêmes faiblesses baisse générale des compétences observée par Danièle
dans les tâches exigeantes que lui demande l’école. C’est Manesse et Danièle Cogis17 (moins deux années en dix
du reste pourquoi il faut lui donner plus de temps… ans !) doit amener à une réévaluation des pratiques. Il
Cette vision fait retour à la pseudothéorie des dons que les conviendrait certainement d’interroger le geste pédagogi-
opposants à la démocratisation de l’enseignement avaient que qui consiste à laisser les élèves écrire leur premier jet
mise en selle au début des années 60 pour expliquer l’échec comme ils le peuvent à partir de leurs seules connaissances
scolaire : les différences de réussite révèlent la répartition de la graphophonologie (ce que certains maitres appellent
inégale de « dons » (tout le monde ne peut pas être Mo- « écrire avec les oreilles »)18.
zart ou Einstein). Dans ce scénario, la difficulté scolaire Dans le domaine des mathématiques, Rémi Brissiaud a
et, pour finir, l’échec scolaire sont ainsi la malheureuse pu montrer que l’enseignement du comptage au cycle 1,
conséquence du fait que tous les enfants ne sont pas égaux plutôt que des décompositions, retarde l’accès au nombre
devant l’école. Si l’on admet que les fragilités personnelles et au calcul, plus particulièrement pour les enfants des
de l’enfant aient une histoire, c’est pour en situer l’origine milieux populaires19.
dans sa famille ou son milieu social (pseudothéorie du Quant au domaine si crucial du langage oral, face à la plé-
handicap socioculturel). thore de déplorations sur les incompétences des élèves les
Pas davantage que dans les années 60, on ne voit en quoi plus faibles arrivant au CP, la rareté des études du dévelop-
l’enseignement délivré serait une source effective de la
difficulté scolaire. Celle-ci n’est pas alors conçue comme 13 Cf. Christian Baudelot et Roger Establet, 2009, L’Élitisme républicain,
une construction sociale et scolaire, une réalité évolutive au l’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil.
croisement des enfants tels qu’ils sont et de l’enseignement 14 Par exemple, Castles Anne et Coltheart Max, 2004,
« Is there a causal link from phonological awareness to
tel qu’il est, mais sous la forme d’un donné, déjà là avant success in learning to read ? », Cognition, n° 91.
tout enseignement. Rien dans ce discours officiel sur la
15 Sur ce point, Gérard Toupiol et moi avons coordonné une recherche
difficulté scolaire n’attire l’attention sur le rôle de l’école et menée avec le concours de la FNAME (Fédération nationale des
des choix didactiques dans la construction des « malenten- associations de maitres E) et avec la collaboration de Jean-Paul Fischer,
dus scolaires » ou des « inégalités d'apprentissage ».12 professeur de psychologie à l’université de Nancy-2. Cette recherche
vient de s’achever et donnera lieu à de prochaines communications.
Interroger les choix pédagogiques et didactiques 16 Un ensemble de pratiques alternatives à la pédagogie la plus
répandue sont décrites et justifiées dans la mallette Prévelire
Pourtant, on ne peut pas expliquer de la sorte pourquoi, avec (André Ouzoulias, 2009, Retz), notamment dans les pages PDF
les enfants des milieux populaires, l’école française réussit « Compléments pratiques » à télécharger à partir du CD-ROM. Cet
nettement moins bien que beaucoup de pays comparables, outillage est présenté dans un entretien lisible ici : http://www.
editionsretz.com/docnotices/notice1_1391_interview_avec_andre_
pourquoi, par-delà les professions de foi démocratique, ouzoulias_sur_la_mallette_prevelire_-_version_integrale.pdf
elle est si peu une « école du peuple », pourquoi elle est si 17 Danièle Manesse et Danièle Cogis, 2007,
Orthographe, à qui la faute ? ESF.
18 Voir André Ouzoulias, 2009, « La mémorisation de
11 cf. Serge Boimare, L’enfant et la peur d'apprendre, Dunod, 2004. l’orthographe lexicale, un enjeu décisif », Cahiers pédagogiques
12 Voir : Élisabeth Bautier & Patrick Rayou, n° 474, sur le thème « Aider à mémoriser ».
2010, Les Inégalités d'apprentissage, PUF. 19 Rémi Brissiaud, 2007, Premiers pas vers les maths, Retz.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
pement du langage de l’enfant et des pratiques scolaires en non pas seulement à partir de théories générales sur
maternelle est vraiment affligeante. Encore plus rares sont la motivation, la concentration ou la mémoire, mais
les recherches-actions sur ce sujet (mais la recherche péda- en fonction d’objectifs précis d'apprentissage de telle
gogique, singulièrement en maternelle, semble devenue un compétence ou de telle connaissance.
luxe). Corrélativement, la formation initiale et continue des Par-delà une plus grande efficacité du dispositif d'aide
enseignants dans ce domaine est quasi inexistante. Tout se personnalisée, les animateurs de ce pilotage devraient
passe comme si allait de soi l’idée selon laquelle la pratique constamment viser les rétroactions sur la classe au
du « mot du jour » assortie de la lecture à haute voix de quotidien : comment prévenir ces difficultés en
textes littéraires – indispensable au demeurant – suffit aux amont, que peut-on modifier et que faut-il modifier
enfants pour construire leurs compétences orales20. dans l’enseignement ordinaire (les vingt-quatre heures
pour tous) pour favoriser une plus large réussite ? De
Vers une pédagogie à visée préventive
la sorte, on peut espérer que l'aide personnalisée soit
Face à la difficulté scolaire, dans les années 90, les maitres l’occasion pour les maitres de mieux comprendre les
ont été très fortement incités à différencier leur enseigne- difficultés de leurs élèves, d’ajuster leur enseignement
ment. Mais cela passait (et passe encore) par un discours à leurs besoins et de mieux les prendre en compte dès
sans recul sur les groupes de niveaux, pourtant réputés la conception de leur enseignement.
pour aggraver les différences ou sur des dispositifs tout
aussi peu contrôlés et parfois très compliqués. Comme le dit 2. Une organisation rigoureuse du dispositif. Il s’agit
Sylvie Cèbe dans un entretien stimulant à propos de l'aide tout à la fois de se prémunir contre l’étiquetage et de
personnalisée, « si la pédagogie différenciée avait dû faire la rendre le dispositif le plus efficace possible. Pour cela,
preuve de son efficacité, elle l’aurait fait depuis longtemps et on peut suivre quelques précautions, comme celles qui
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ça se saurait ! […] Une chose est sure, tous les enseignants sont citées ci-dessus (note 10) et que nous précisons
connaissent parfaitement bien les théories qui la sous-tendent. ici :
Or, l’observation montre que seule une minorité d’entre eux (les a. Les groupes d'aide personnalisée sont des groupes
maitres formateurs le plus souvent) la mettent réellement en de besoin et non des groupes de niveau ; ils sont donc
œuvre. Pourquoi ? Parce que cette organisation pédagogique, centrés sur l’acquisition d’une compétence cruciale
pour fondée qu’elle soit, est extrêmement difficile à mettre en pour la dynamique globale d'apprentissage dans le
œuvre. » Sylvie Cèbe en conclut que l'aide personnalisée est domaine (lecture, maths, etc. ?) et au moment (cycle
une solution intéressante et qui demande à être soutenue, 2, cycle 3, etc. ?) concernés. Par exemple, on vise le
étudiée et améliorée. développement de l’oral ou la capacité à écrire en
cursive au début du CP, la lecture orthographique ou
Nous avons adopté ici un autre point de vue. Sans négliger la numération décimale au CE1, la lecture par grou-
les opportunités d’améliorer l'aide personnalisée (qui ne pes de mots au CE2, l’investigation de la psychologie
peut viser le même public que les aides spécialisées), nous des personnages dans les textes littéraires au CM…
avons surtout voulu pointer les effets paradoxaux que b. Chaque groupe de besoin a une durée de vie limitée,
ce dispositif pourrait entrainer sur l’efficacité globale de par exemple d’une période scolaire (entre deux pé-
l’école dans les apprentissages, notamment pour les élèves riodes de congés scolaires), soit cinq à sept semaines.
des milieux populaires. Ces effets paradoxaux nous sem- Ce faisant, les maitres se donnent des contraintes de
blent malheureusement difficiles à éviter dans un contexte temps qui obligent à « cibler » un objectif mesuré (et
où l’on ne cherche guère à comprendre la genèse des évaluable). C’est aussi la condition pour que, entre le
difficultés scolaires et où les choix pédagogiques et didac- début et la fin de ce « module », l’élève puisse se voir
tiques les plus répandus ne sont absolument pas évalués « bouger ».
sous cet angle. En consacrant en quelque sorte la fatalité c. Un même élève ne participe pas à plus de deux grou-
des difficultés scolaires, en ne donnant pas la priorité à la pes dans l’année (soit trente heures au maximum).
prévention des difficultés dans le quotidien de la classe et S’il participe à deux groupes, ceux-ci ne sont pas
en écartant à priori la possibilité de progrès pédagogiques successifs. On vise ici à éviter la stigmatisation (et
et didactiques pour y parvenir, un tel dispositif pourrait la fatigue !).
bien se révéler contreproductif.
3. Des activités stimulantes, jouables en petits groupes.
Addenda Comme il s’agit d’un moment de travail en petit
groupe, on peut chercher à mettre en œuvre des si-
L’aide personnalisée, malgré tout ? tuations réputées stimulantes, mais difficiles à animer
Si on cherche à faire de l’aide personnalisée (AP) un mo- en grand groupe. Ainsi, le petit groupe d'aide person-
ment utile aux élèves des écoles primaires, c’est-à-dire si nalisée se prête bien à un travail intense sur l’oral avec
l’on veut éviter d’alimenter les « effets paradoxaux » (cf. les élèves les moins avancés, qui n’est guère possible
l’article ci-dessus), il me semble qu’il faut remplir – au en classe ordinaire. De même, il serait dommage de
moins – les quatre conditions suivantes : ne pas profiter de cette situation pour faire produire
de courts textes aux élèves qui ont le plus besoin de
1. Un authentique pilotage local des projets des écoles. développer leur familiarité avec la langue écrite, alors
Il doit permettre une évaluation des actions, des que l’animation de cette tâche avec la classe entière est
échanges entre les équipes d’écoles, la mutualisation loin d’être simple. C’est encore le cas de l’expression
de ressources, des moments de formation continue sur théâtrale qui peut aider des élèves à surmonter une
les « causes » des difficultés dans les apprentissages, timidité, à développer leur aisance à l’oral et, si l’on
transpose des textes littéraires, à mieux saisir la psy-
20 Des pratiques alternatives sont décrites dans Philippe Boisseau, 2005,
Enseigner la langue orale en maternelle, coédition Retz-CRDP de Versailles.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010
chologie des personnages et, plus généralement, à lire exigerait un minimum d’investissement public dans
plus en profondeur, au-delà de l’explicite… la recherche en éducation. Cela demanderait aussi la
Une aide au diagnostic. Pour aider les enseignants à mise au point d’outils diagnostiques, la désignation
aider leurs élèves, à éviter les difficultés qu’un en- de personnes (ou d’équipes) ressources, une vraie
seignement inapproprié peut engendrer ou figer et, politique de formation continue…
plus encore, à prévenir ces difficultés, il faut les aider Un ministère soucieux du perfectionnement de l’école
à affiner leur observation des élèves (par exemple en s’engagerait dans le suivi de cette politique avec constance.
travaillant sur des études de cas), à porter un regard Il s’emploierait notamment à évaluer la diversité des formes
plus analytique sur leurs difficultés, à hiérarchiser les d'aide personnalisée pour permettre aux équipes d’école
compétences… de naviguer dans des mers moins embrumées et dont les
4. Tout cela exige une bonne connaissance, dans le écueils et les chenaux sont bien repérés.
domaine concerné, des processus d'apprentissage et
des obstacles que les élèves doivent franchir. On ne André Ouzoulias
peut faire l’économie de cette instance théorique. Elle Professeur à l’IUFM de Versailles-
Université de Cergy-Pontoise
Département PEPSSE (philosophie, épistémologie,
psychologie, sociologie et sciences de l'éducation)
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
L’accompagnement des élèves en Les enseignants sont aidés dans leurs démarches de
difficulté à l’école fondamentale différenciation. On considère que la collaboration entre
Le principe de base est de proposer de manière prioritaire enseignants dans la planification et la réalisation des
l’aide dans le cadre de l’enseignement ordinaire. On fait mesures de soutien est une forme de travail importante,
donc le maximum, avec l’aide des enseignants spécialisés, et il y a du temps réservé pour ça dans l’emploi du temps
pour permettre à l’enfant de rester dans son contexte habi- hebdomadaire des enseignants.
tuel, dans sa classe ou du moins son école habituelle. À Jyväskylä, toutes les écoles fondamentales ont au moins
Si l’aide fournie de cette manière s’avère insuffisante, si on un enseignant spécialisé (de l'ordre d'un pour 200 élèves).
estime que, malgré les mesures de soutien et d’accompa- Depuis les réformes qui ont diminué fortement le nombre
gnement, l’élève ne pourra pas atteindre les objectifs de d’établissements spécialisés, les enseignants spécialisés
l’enseignement ordinaire, on a la possibilité de le transférer sont affectés dans les écoles ordinaires. Ils aident donc les
dans l’enseignement spécialisé. Même dans ce cas-là, enseignants ordinaires à mettre en place de la pédagogie
l’élève restera le plus souvent au sein de sa classe ou en différenciée.
tout cas au sein de son école. Les établissements spécialisés L'intervention des enseignants spécialisés
sont rares, et le redoublement est exceptionnel. Ils peuvent proposer, lorsque c’est adapté aux difficultés de
Les dispositifs d'aide à Jyväskylä l’élève, de l’enseignement spécialisé à temps partiel, soit en
simultané dans la classe ordinaire, soit en petits groupes de
Les mesures de soutien et d’accompagnement varient dix à quinze élèves.
d’une ville, voire d’une école à l’autre : le système éducatif
finlandais est très décentralisé et il existe beaucoup de Des cours de rattrapage
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
souplesse et de liberté de choix au niveau local. J’ai choisi Les élèves ayant un retard temporaire dans leurs études, ou
de présenter le cas d’une ville, Jyväskylä, située dans la qui ont besoin d’un soutien particulier peuvent bénéficier
Finlande centrale. Il s’agit d’une ville universitaire de taille des cours de rattrapage.
moyenne : 80 000 habitants, 7 000 élèves à l’école fonda- Une aide dans la classe
mentale. Enfin, un auxiliaire de vie scolaire peut épauler l’enseignant
Dans un premier temps, l’objectif est de permettre à l’élève dans son travail au sein de la classe. Il est aussi possible de
d’être aidé dans le cadre de l’enseignement ordinaire. Pour demander à des enseignants ou des enseignants spécialisés
cela, à Jyväskylä, on a prévu une grande panoplie de mé- qui sont libres de seconder l’enseignant : dans ce cas, plu-
thodes. sieurs enseignants enseignent au sein de la même classe.
La différenciation des enseignements, ou la pédagogie différen- Des modalités variées de regroupement
ciée On peut organiser des cours qui regroupent plusieurs clas-
C'est-à-dire toutes les mesures par lesquelles on modifie ou ses à la fois, dans le but d’avoir plus de ressources, c’est-à-
on fait varier les manières d’enseigner d’une matière. Par dire plus d’enseignants pour les cours de rattrapage.
exemple, un élève qui a du mal à lire un document écrit en
tout petit pourra avoir le même texte écrit en plus grand et
Minna Puustinen
avec une mise en page adaptée.
Maitre de conférences en psychologie,
IUFM Nord-Pas-de-Calais
ments simples est limitatrice et provoque une perte de Il me semble aussi essentiel de faire vivre à ces élèves de
ce sens. Il n’est donc pas judicieux de simplifier pour vraies situations, car apprendre « pour plus tard » en « fai-
mieux accumuler des connaissances sans liens entre sant semblant » n’est pas une évidence pour les élèves en
elles. La conception de l’apprentissage, selon l’équipe difficulté, et que vivre des expériences permet de travailler
ERMEL, est que l’élève a besoin d’adapter ce qu’il sa- à la fois sur le « désir d’apprendre » et sur l’acquisition ou
vait à une situation nouvelle ou même de restructurer, l’utilisation de compétences en situation réelle. Je crois que
parfois radicalement, ses savoirs antérieurs. Pour cela, cela permet d’impulser une dynamique et de faire évoluer
il faut permettre à l’élève de faire un saut, de franchir leur rapport au savoir, mais trouver de « vraies situations »,
un obstacle en lui proposant des activités qu’il ne sait les moins artificielles possible, n’est pas toujours aisé…
pas réaliser seul d'emblée, mais qu’il peut s’approprier
avec l’aide de l’enseignant et de ses pairs et qui suscite Des exemples concrets
chez lui de l’intérêt.4 Il convient donc de choisir ou de Ces situations peuvent tout à fait être proposées en classe
construire une situation mettant en jeu les compéten- entière, pour le plus grand bénéfice de tous les élèves. En
ces visées dans un contexte contenant les paramètres effet, les élèves plus performants seront plus intéressés et
entourant la notion à acquérir. Il ne viendrait à l’idée motivés, et les élèves en difficulté ne seront pas les seuls
de personne, pour apprendre à conduire à quelqu’un, à ne pas tout de suite comprendre la situation. Quand la
de l’entrainer d’abord longuement à changer les vites- situation est complexe, même le « meilleur élève » de la
ses à l’arrêt. Pour savoir conduire, le futur conducteur classe n’a pas immédiatement accès à la solution et des
devra apprendre à maitriser ce geste en situation réelle élèves plus en difficulté peuvent très bien percevoir un
en fonction de nombreux paramètres (vitesse, autres point important et faire ainsi progresser toute la classe vers
véhicules, code de la route, état de la chaussée…), et la résolution, j’en ai observé de nombreux exemples.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
4 ERMEL, Apprentissages numériques et résolution de problè- 6 Article de Françoise Paletou, IMF dans le Journal
mes – CE1, Hatier, 1993. des Instituteurs n° 9, Mai-juin 1987, Nathan.
5 Edgar Morin , La Tête bien faite – Repenser la réforme,
réformer la pensée, Seuil, L’histoire immédiate, 1999, page 23.
Des ateliers pour parlent de leur journée à l'école, de ce qu'ils ont appris,
de leurs satisfactions. Syntaxe, découverte du vocabulaire,
convivialité, écoute sont au rendez-vous.
structurer le Les devoirs donnés par l’enseignant
temps de l'aide Puis l'accompagnateur les aide à faire leur travail de lecture
ou leurs devoirs selon la demande de l’enseignant (quinze
minutes pour les « Coup de Pouce », vingt-cinq minutes
Chrystelle Muniglia-Raynal pour les ALEM et les AFM.6). Les parents sont informés
qu’il ne s’agit pas d’une étude et que tous les devoirs en
sixième ne seront pas forcément terminés : apprendre à
Proposer à des élèves ciblés des ateliers très lire une consigne, à relier ses connaissances, à s’organiser,
structurés inscrits dans une perspective de parcours à s’avancer dans ses devoirs, autant d’outils visant à l’auto-
individualisés réfléchis en équipe pédagogique peut nomie à terme.
contribuer à ce que l’efficacité des aides périscolaires
ou de l’accompagnement éducatif à l’école prenne Les activités spécifiques séquencées
toute sa valeur. Se succèdent ensuite des séquences de jeux et d'exercices,
de trente à quarante minutes, qui familiarisent l'enfant avec
la lecture et l'écriture ou les mathématiques : mise systé-
matique en situation de réussite et félicitations. L'objectif
Il existe à Paris trois dispositifs périscolaires spécifiques est de faire de l'apprentissage un plaisir. L'enfant prend
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
d’aide aux élèves : ainsi confiance en lui grâce à des jeux sur le son, la lecture,
• les ateliers « Coup de Pouce Clé » (club de lecture et l'écriture, la production collective de petits textes, des jeux
d’écriture) qui s’adressent à cinq élèves d’une même mathématiques, y compris sur Internet, des projets sur
classe de CP, quatre fois une heure trente par semaine, plusieurs séances. Dans le « Coup de Pouce Clé », la séance
après la classe, en partenariat avec la Direction des s'achève par le moment le plus attendu : la belle histoire,
affaires scolaires de la mairie de Paris (Dasco), l’Apfée1 lue par l'accompagnateur de manière à faire partager aux
et l’Éducation nationale ; enfants le plaisir de se retrouver autour d'une fiction et à
• les ALEM (ateliers lecture-expression-mathémati- les amener à comprendre le bénéfice qu'ils auront à savoir
ques) qui s’adressent à huit élèves de CM2, soit en lire.
français soit en mathématiques, deux fois une heure
trente par semaine, après la classe, en partenariat avec Au final, les enfants concernés bénéficient du « coup de
la Dasco et l’Éducation nationale ; pouce » dont bénéficient tous les enfants dont les parents
• les AFM.6 (ateliers français-mathématiques en sixiè- peuvent suivre la scolarité. Quid des élèves très faibles, ou
me) qui s’adressent à huit élèves de sixième, soit en perturbateurs ? Il convient de leur apporter une réponse
français, soit en mathématiques, deux fois une heure plus individualisée, via notamment le PPRE (Programme
trente par semaine (dispositif Éducation nationale personnalisé de réussite éducative).
intégré à l’accompagnement éducatif en 2009-2010). Financement
Il s’agit, grâce à ces ateliers, d’aider des enfants ciblés Ces dispositifs partenariaux sont co-financés :
(moyens-faibles, mais sérieux) dans des classes charnières • La Dasco finance le matériel pour les « Coup de Pouce »
qui risqueraient d’échouer à l’école faute d’aide appro- et ALEM (mallettes et magazines) et rémunère les ac-
priée à la maison. Ces ateliers leur apportent le soutien, compagnateurs (enseignants du premier ou du second
la méthodologie, la confiance en soi nécessaires à une degré, ou animateurs recrutés par la ville de Paris),
scolarité réussie. Outre le fait que ces dispositifs sont ainsi que les deux formatrices ALEM ;
proposés gratuitement dans des établissements scolaires • L’Apféé rémunère ses formateurs et fournit du maté-
situés en éducation prioritaire, ils obéissent tous les trois à riel pédagogique aux nouveaux accompagnateurs;
un protocole très strict : • L’Éducation nationale subventionne chaque établis-
• nombre d’élèves restreint ; sement bénéficiant d’un AFM.6 d’une dotation de
• élèves ciblés ; 150 heures supplémentaires pour la rémunération des
• implication de l’ensemble de l’équipe pédagogique et accompagnateurs, des enseignants du second degré,
des parents (invités à assister à des séances, à prendre assistants d'éducation ou intervenants extérieurs,
le relai à la maison) ; et600 euros de crédits pédagogiques (achat de matériel,
• évaluations systématiques ; abonnements).
• trois temps à respecter (gouter, devoirs, activités
ludiques). L’évaluation
Chaque année, l’Apféé évalue le dispositif « Coup de
Le gouter
Pouce » (questionnaires aux directeurs, enseignants, ac-
Un accompagnateur accueille à la sortie de la classe les compagnateurs, parents, élèves) et l’Éducation nationale
cinq ou huit enfants de son club. En partageant avec eux le évalue les dispositifs ALEM et AFM.6 (tableaux de départ
gouter, il organise un moment de détente et de discussion, et d’arrivée). Des visites de site sont aussi systématique-
« comme à la maison ». Pendant quinze à vingt-cinq minu- ment effectuées.
tes, loin de l'excitation des cours de récréation, les enfants
Chrystelle Muniglia-Raynal
1 Association pour favoriser l’égalité des chances Coordonnatrice RRS, Mission académique à
à l’école - http://www.apfee.asso.fr/ l'éducation prioritaire de Paris (MAEP)
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école
Aider dans la classe : et a été mise en place par l’équipe de Jacques Crinon1 dans
l’académie de Créteil.
Le rôle de l’enseignant consiste à porter un regard bien- Outil de mémorisation des compétences
veillant sur ce qui a été écrit, poser éventuellement des C’est en procédant à cette réflexion métacognitive que non
questions pour aider les élèves à formuler leur pensée et seulement les élèves vont prendre conscience de ce qu’ils
également répondre aux éventuelles questions. En revan- ont appris, mais vont également mieux mémoriser les
che, comme il s’agit avant tout d’écrits personnels, j’ai fait procédures mises en œuvre pour réussir.
le choix de ne pas corriger les erreurs d’orthographe ou de
syntaxe.
Anne-Cécile Duffez
Professeure des écoles à Paris (XVIIIe)
Du côté des scolaire qui vient d’entrer en sixième, est typique de cette
forme d’engagement parental maximal, qui n’est pas, pour
autant, un déni complet de l’autonomie cognitive de l’en-
familles : quelle fant :
Patrice : On vérifie d’abord. Loïc, quand on arrive le soir,
aide aux devoirs ? sort déjà son cahier de correspondance et son cahier de
textes, voilà, pour voir ce qu’il y a à faire, et à partir de là,
Séverine Kakpo ben il se met sur les devoirs qu’il a à faire.
Enquêtrice : Il les fait où les devoirs ?
Patrice : Dans sa chambre.
Contrairement à ce que l’on pense trop souvent, les Enquêtrice : Et vous, quand vous dites « on sort le cahier de
familles populaires s’impliquent, surtout dans les textes », heu... « on regarde ce qu’il y a à faire », vous êtes là,
petites classes, dans le travail à la maison. Mais le vous regardez avec lui ?
font-elles de manière pertinente ? Beaucoup d'enjeux Patrice : (Sur un ton catégorique, comme si la question
en tout cas, et de malentendus autour du « travail allait de soi) Oui, oui, ah! Oui.
bien fait ».
Enquêtrice : D’accord. Et donc comment ça se passe après,
il démarre, vous êtes avec heu… vous êtes assis à côté de
lui ou… ?
Alors que beaucoup d’enseignants voient dans la pres- Patrice : Ben non, ben non, on le laisse faire, on le laisse
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
cription du travail hors la classe l’occasion de favoriser le faire, une fois qu’il finit, il nous appelle et on vérifie.
développement, chez les élèves, de dispositions organisa-
tionnelles et d’une autonomie cognitive, qui fait désormais Loïc : Et des fois, je t’appelle quand j’ai pas compris.
partie des compétences transversales attendues par l’école Patrice : Voilà, aussi, oui. Quand il ne comprend pas un
(savoir faire un exercice tout seul, sans l’aide du maitre, exercice.
sans poser de questions, avec les seules consignes écrites Enquêtrice : Donc il y a deux choses, il vous appelle parfois
indiquées, etc.), il semble aller de soi, pour les parents des pour une aide… pour pouvoir continuer le travail… et
vingt familles auprès desquels nous avons enquêté1, d’être après systématiquement, il vous appelle pour vérifier ?
pleinement engagés dans la production des devoirs de leurs Patrice : Ah, oui ! Oui, tout à fait.
enfants. L’intensité de cet encadrement varie cependant
d’une famille à l’autre, notamment en fonction du niveau Loïc : Et s’il voit une faute : il dit pas, faut que je trouve
scolaire des enfants : plus ces derniers rencontrent des moi-même la faute.
difficultés scolaires, passagères ou structurelles, plus les Enquêtrice : D’accord. (À Loïc) Mais est-ce que tu es obligé
parents fournissent un encadrement étroit et plus l’aide à la de montrer les devoirs en fait ? (À Patrice)Est-ce que vous
réalisation est systématique. Nos parents – qui n’ignorent l’exigez ?
pas complètement les attendus scolaires en matière d’auto- Patrice : (Sur le ton de l’évidence) Ben oui. Pour voir s’il a
nomie – tentent de ménager des formes d’autonomie, mais bien fait. Une fois que c’est bon, après, on passe à un autre
il s’agit de formes très limitées parce qu’ils ont, au fond, exercice, suivant ce qu’il a à faire.
profondément intégré l’idée qu’il est de leur ressort d’aider Laurence : Si c’est bien, c’est bien, et si c’est pas bien, ben
à la production d’un travail « bien fait ». il refait.
Un grand interventionnisme Patrice : Bon alors voilà, s’il sait pas, à ce moment-là, on
Dans la grande majorité des parents enquêtés, l’accom- l’aide automatiquement, hein? S’il a pas compris, on essaie
pagnement des devoirs prend la forme d’une intervention de comprendre, jusqu’à ce qu’il ait fait l’exercice de toute
systématique à toutes les étapes de la production du travail façon.
scolaire : réception de la commande et lancement de la Laurence : On surveille ce qui a été fait.
production, aide à la production, contrôle qualité et aide Enquêtrice : Et à ce moment, vous vous asseyez à côté de
à la retouche en cas de malfaçon. La distinction entre lui ?
chargé d’instruction et chargé d’éducation, sur laquelle Patrice : Ben oui.
s’appuient souvent les enseignants pour légitimer leurs
prescriptions2, est tout simplement étrangère aux logiques À toutes les étapes de la production
d’accompagnement qui prévalent dans ces familles. Plus les Nous avons représenté ci-dessous cette première modalité
enfants rencontrent des difficultés scolaires, passagères ou d’encadrement sous la forme d’un schéma qui se décom-
structurelles, plus l’accompagnement dont ils bénéficient pose en quatre étapes de production et dont le code couleur
est intense et plus les parents ont tendance à prendre le fait clairement apparaitre la prédominance du contrôle et
rôle d’instructeur. La description du rituel des devoirs que de l’action des accompagnants au regard des charges qui
fait Patrice Rouquette, père d’un élève en grande difficulté incombent effectivement à l’enfant. La réception des
commandes scolaires et la mise en route de la production
1 Thèse de doctorat, Travailler à la maison pour et contre l’école. Les
paradoxes de la mobilisation des familles populaires autour des devoirs,
constituent une première étape qui engage pleinement le
Université Paris 8, CIRCEFT-ESCOL, 2010. L’enquête de terrain a porté parent, comme en témoigne, dans le discours de Patrice
sur le suivi d’élèves principalement scolarisés en CM2, 6e et 5e. Nous avons Rouquette, la récurrence du pronom personnel « on ». Les
systématiquement rebaptisé les enquêtés cités pour des raisons d’anonymat. commandes sont traitées les unes à la suite des autres,
2 cf. Patrick Rayou, Faire ses devoirs, Enjeux cognitifs et sociaux chacune relevant d’un circuit de production spécifique.
d'une pratique ordinaire, Presses Universitaires de Rennes, 2009.
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106 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, février 2011 Utilisation commerciale interdite.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010
La production du travail est tout d’abord prise en charge limites, puisqu’elle agit comme l’indice d’une sorte de ren-
exclusivement par l’enfant : « on le laisse faire, on le laisse dez-vous manqué avec l’autonomie attendue par l’école.
faire ». Mais les marges d’autonomie que ménage ce sys- L’engagement systématique des parents dans la produc-
tème sont en fait extrêmement faibles puisque, dès qu’il en tion des devoirs relève d’une telle évidence pour la grande
ressent le besoin, il peut faire à appel à son accompagnant majorité de nos parents qu’il n’y a guère qu’une situation
pour bénéficier d’un bref dépannage ou d’une remédiation exceptionnelle qui puisse les en empêcher. C’est le cas de
en plus. En outre, c’est l’accompagnant qui contrôle, en la séance de travail que nous avons observée dans la famille
dernier, mais aussi très probablement en premier ressort, la Ustafi, puisque le maitre de Samira (CE2), la plus jeune
qualité du travail accompli (« on vérifie », « on voit s’il a bien de ses filles, avait, ce jour-là, explicitement demandé à la
fait »), délivrant des certificats de conformité (« si c’est bien, maman, Radia, de ne pas prendre part à la production des
c’est bien ») ou renvoyant la production en retouche (« si devoirs de sa fille, qui avait un contrôle d’histoire à rattra-
c’est pas bien, ben il refait »). La retouche implique deux per. À peine installée sur la table basse du salon devant ses
types d’aides différenciées : soit l’avis de non-conformité cahiers, Samira s’est aussitôt mise à interagir avec sa mère,
est simplement délivré et l’enfant est invité à débusquer et avec nous, dans l’espoir d’obtenir quelque aide pour
par lui-même ses erreurs ou à réapprendre sa leçon s’il ne remplir sa fiche :
la connait pas bien, soit l’avis ne suffit pas ; une remédiation
Samira : Maman, je comprends pas ! (Lisant la consigne) :
est alors « automatiquement » proposée. C’est donc, au final
« Utilise des couleurs pour regrouper les informations de
et dans tous les cas, une production conforme, du moins
chaque ». De chaque quoi ? De chaque homme préhistori-
jugée comme telle, qui est renvoyée aux commanditaires.
que… ? Je ne comprends pas.
Radia l’écoute en souriant, mais n’intervient pas.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
moins de temps et d’énergie à consacrer au suivi de son considèrent comme garants de l’appropriation des savoirs
travail : qui circulent entre école et maison. Plus leurs enfants vont
Rachida : Pour le travail, il faut que je sois toujours derrière rencontrer des difficultés pour faire leurs devoirs, plus
elle ! […] Je dis il faut qu’elle prenne, comme on dit, sa res- ils vont donc endosser le rôle d’instructeur, en procédant
ponsabilité, quand même un petit peu. Faut qu’elle compte à des remédiations plus ou moins approfondies. Si les
sur elle, elle compte pas toujours sur moi. Voyez l’exemple, devoirs doivent être « bien faits », c’est aussi parce que
là, les trois mois que j’étais malade, voilà les résultats. Parce les parents trouvent, dans le traitement du travail hors
qu’avant, moi, je lui dis avant, à chaque fois qu’elle ramène la classe, l’occasion d’inculquer des valeurs de persévé-
une bonne note, premier trimestre, je lui dis : « C’est moi rance et d’ascétisme à leurs enfants. Il ne saurait donc
qui ai travaillé, c’est pas toi ». Elle me dit : « Oh, arrête, être question de réponses fausses et de travail inachevé.
arrête, maman ! C’est moi que je fais ! » Alors, là, la preuve, Ils y trouvent aussi le moyen de rassurer leurs enfants et
voilà, quand j’ai pas travaillé avec elle, la preuve voilà ! de les encourager. Enfin, à travers les devoirs, c’est leur
propre image d’éducateur qui est en jeu et qui se trouve
Rachida pointe, non sans acuité, les limites de l’accompa-
soumise au regard des enseignants, au sein d’un système
gnement qu’elle dispense, puisqu’elle s’attribue le mérite
fait d’interdépendance, mais aussi de domination et qui
des bonnes notes que Samira a pu récolter au premier tri-
expose toujours l’individu au risque d’une stigmatisation.
mestre et voit dans la chute des résultats de sa fille aussi bien
Renvoyer des devoirs « bien faits » à l’école, c’est s’assurer
les conséquences de sa moindre disponibilité que l’indice
une bonne presse auprès d’enseignants toujours enclins à
de son très faible degré d’autonomie.
considérer comme « démissionnaires » les familles des ca-
Un travail « bien fait » tégories populaires. Le renvoi d’une production conforme,
ou jugée comme telle, participe donc d’une véritable
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gnement personnalisé incluses dans l’horaire élève ». Nos projets précédents avaient développé des pratiques
Dans l’histoire de mon établissement, une expérience de que nous transposons en accompagnement personnalisé,
classe innovante1 (2de Cirse, supprimée du fait de l’arrivée dans les trois classes où une équipe existe :
la réforme…) avait diffusé dans d’autres classes des prati- • des pratiques d’aide méthodologique systématique,
ques d’aide, de concertation, dont certaines ressemblent à pour tous, ou quand le besoin apparait : organiser son
ce qui est demandé pour l’accompagnement personnalisé : travail personnel, « apprendre sa leçon », réviser un
suivi, aide à l’orientation, aide méthodologique. DS, lire un énoncé, etc. ;
• du tutorat systématique : en Cirse, c’était un tuteur
Les choix : la mise en place par « l’équipe éducative »
pour sept élèves, entretiens réguliers sur tous les
Les enseignants qui adhéraient à ces projets passés ont sujets;
souhaité réinvestir leurs compétences acquises, et consti-
tuer des équipes d’accompagnement personnalisé dans • des activités de type projet interdisciplinaire, avec des
quelques-unes des onze classes de seconde. D’autre part, objectifs de mise en valeur de compétences marginales
le chef d’établissement, sincèrement convaincu, mais dans les autres cours (oral, recherche documentaire,
conscient des oppositions prévisibles d’une bonne partie etc.).
des enseignants assez « réactifs », n’a pas voulu jeter de Mais les pratiques de ce type dans le cadre de l’accompa-
l’huile sur le feu : il a donc proposé des choix assez neu- gnement personnalisé nous posent quelques problèmes.
tres (par exemple, une reconduction des dédoublements • L’aide méthodologique n’a de sens que si les méthodes
à l’identique de ce qui existait, pour les matières « tronc ainsi construites (par exemple pour « apprendre »)
commun »), mais essayé de créer des conditions favorables sont cohérentes avec les attentes des enseignants non
(trois profs pour deux classes en LV, avec ou sans travail impliqués dans l’accompagnement personnalisé ;
en groupes de compétences). Pour l’accompagnement • Le tutorat ne peut pas être réalisé avec la même in-
personnalisé, il a mis en place quatre heures profs pour tensité avec les moyens en temps d'enseignement que
deux heures élèves, en prenant sur les moyens de dédou- nous avons ;
blement ; il a donné son accord aux équipes volontaires,
et compte sur leur exemple et leur capacité de conviction • La mise en place de l’accompagnement personnalisé
pour entrainer les autres. a fait disparaitre les heures d’aide individualisée qui
étaient un moyen souple de différenciation. Au-delà
Mais on ne peut pas parler d’équipe pédagogique au niveau des réactions comme « on nous a piqué notre heure
de l’établissement. Le conseil pédagogique a été réuni for- d’aide individualisée », cette heure était utile. L’accom-
mellement, mais n’a pas décidé d’une uniformisation des pagnement personnalisé est moins souple, comment la
pratiques dans toutes les classes : ceux qui veulent font, concevoir pour qu’elle permette aussi ce type d’aide,
les autres, du moment qu’on leur fiche la paix, ne disent utile à certains élèves ?
trop rien.
• Les textes officiels sur l’accompagnement personna-
Cette année, donc, trois équipes (de trois à cinq personnes) lisé parlent d’aide à l’orientation : ce problème-là est
réinvestissent des pratiques qu’elles développaient déjà très compliqué (en seconde). Si le rôle de l’accompa-
auparavant. La principale difficulté pour elles est, pour gnement personnalisé est de donner du temps pour
l’instant, la concertation au sein de chaque équipe, qui ne la recherche d’informations pour l’ouverture sur
dispose pas de temps spécifique. Elles bricolent en utilisant des possibles, pourquoi pas. Mais ce type d’apports
des échanges par mail ou des réunions fréquentes « hors » suppose une compétence qui reste à construire pour
temps de travail. beaucoup des enseignants. Par ailleurs, le rôle du
professeur principal est alors amené à changer. Nous
1 cf. Françoise Colsaët – « "Doubler autrement", dix
ans plus tard », « Quelles alternatives au redoublement tâtonnons sur ces aspects, même si dans les trois classes
? », HSN des Cahiers pédagogiques n°19.
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concernées, le professeur principal est partie prenante sous-tendent toutes ces pratiques. Ces choix doivent-ils
de l’accompagnement personnalisé. être encadrés par les textes nationaux ? Relèvent-ils de
l’autonomie des établissements dans le cadre du conseil
Des interrogations pédagogique et du CA ? Relèvent-ils même de la « liberté
Les textes demandent de répondre aux attentes et aux pédagogique » de chaque enseignant, comme l’entendent
besoins de chaque élève. Dans nos pratiques actuelles, le certains ? Ces questions seront posées à nouveau, et plus
repérage des besoins est très imparfait, seulement étayé encore, par l‘introduction de l’accompagnement personna-
par les évaluations disciplinaires de quelques-uns d’entre lisé en première et terminale.
nous, et par les entretiens avec les élèves que nous faisons La mise en place de l’accompagnement personnalisé, dans
dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. Il ne mon lycée, se fera progressivement. Les lacunes du fonc-
permet certainement pas d’identifier de façon assez fine les tionnement actuel me semblent souligner le rôle essentiel
besoins. que devrait avoir une organisation collective qui ne peut
De plus, on peut s’interroger sur les attentes des élèves : les naitre qu’avec l’impulsion forte d’une équipe de direction
élèves ne sont pas demandeurs à priori, et ces deux heures qui écoute et recherche le consensus, en apportant des
« en plus » sont au mieux acceptées, au pire subies... À la réponses aux problèmes, et des choix d’organisation sim-
rentrée, les élèves, tout en appréciant les entretiens qui ples et qui prennent en compte le temps de concertation.
leur permettent d’être pris en compte individuellement, Certaines contraintes ne dépendent pas du niveau de
souhaitent avant tout ne pas être « positionnés » et ne pas décision des établissements, et il faudrait qu’un pilotage de
mentionner de demandes particulières. la réforme au niveau national permette de les ajuster.
Nous avons choisi que l’accompagnement personnalisé soit L’accompagnement personnalisé, si on veut le prendre au
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fait, dans chaque classe, par des enseignants de la classe. sérieux et éviter qu’il ne soit dénaturé comme l’ont été tant
Nous pensons aussi qu’il est nécessaire de connaitre les élè- d’innovations, demande un changement profond du rôle
ves pour travailler sur le projet d’orientation en particulier. des enseignants : cela ne peut venir qu’à long terme et cela
Les discussions auxquelles j’ai participé dans l’atelier sur doit être pris en compte dans la réflexion sur une nouvelle
l’accompagnement en lycée lors du colloque du CRAP ont façon de définir le service des enseignants. Malgré tout
fait apparaitre des choix très différents : accompagnement cela, l’introduction de l’accompagnement personnalisé,
personnalisé utilisé pour faire des « ateliers », déconnectés comme des enseignements d’exploration bi- ou multidisci-
des autres matières, permettant par exemple de motiver plinaires, est, à mes yeux, la seule « chance » de faire évoluer
ou remotiver des élèves, de créer une ouverture culturelle, le métier en lycée.
etc. Je pense qu’il faut s’interroger sur les conceptions très
différentes du rôle de l’accompagnement personnalisé qui Françoise Colsaët
Professeure de mathématiques en
lycée à Cavaillon (Vaucluse)
Deux contributions
de participantes
Becquerel a initié depuis 2006 une classe sanction exclusion / inclusion temporaire, de difficultés
« Procédure alternative à la suspension scolaire » scolaires méthodologiques ou cognitives signalées par le
(Pass). Bel acronyme ! Mais aussi euphémisme pour professeur principal, d'un absentéisme perlé ; d'autres
« prévention et lutte contre le décrochage » à travers sont en recherche d'un stage, ou encore volontaires au
un accompagnement et un suivi diversifiés des élèves. soutien scolaire ;
• Une cellule de veille est devenue un dispositif de repérage
indispensable dans la lutte contre le décrochage scolaire.
C’est une réunion mensuelle où chaque enseignant ou
En 2006, un diagnostic fait pendant un audit d’établisse- personnel d’encadrement donne son avis et propose des
ment révèle, par des chiffres, de nombreux décrochages, solutions pour les élèves en difficultés cognitives, sociales
un absentéisme important. Évelyne, une professeure de ou comportementales qu’ils ont repérées dans leur classe.
français, invite dans l’établissement une équipe innovante Ce dispositif permet l’enrôlement des professeurs prin-
de l’académie de Rouen. En s’inspirant de leurs récits et cipaux dans le traitement des élèves, et ainsi la fédération
soutenue par l’équipe de direction, elle impulse la Pass. Le des enseignants autour du problème de décrochage. Il
projet s'inscrit dans le cadre de l'article 341 de la loi d'orien- permet aussi de faire connaitre plus avant les objectifs et
tation de 2005, et c'est en ma qualité d'accompagnatrice de le fonctionnement de l’Espace coaching ;
Pasie2 que j'y suis associée.
• Des outils d’observation et de suivi des élèves, destinés
Depuis, la classe Pass a changé de nom ; elle est devenue aux professeurs principaux, aux élèves ; des fiches de
« Espace coaching », avec un logo, pour signifier que ce n’est motivation inventées, réinventées, régulées par les as-
pas une classe, mais un espace, un lieu spécifique, avec un sistants pédagogiques ; des plannings ; des documents
personnel pour le prendre en charge. d’évaluation et des réunions hebdomadaires pour trans-
Les points forts mettre l’information et faire le point : ce sont des outils
de communication entre adultes, et aussi d’information,
• Une professeure, cinq assistants pédagogiques qui se
diffusés dans le lycée, appelés à évoluer et parfois à être
consacrent exclusivement à la classe Pass, l’équipe de
abandonnés parce que trop sophistiqués ou inutilisables.
direction, particulièrement la proviseure adjointe, le
professeur principal de chaque équipe pédagogique, la Les effets attendus et leur évaluation
CPE, l’infirmière, l’assistante sociale, la documentaliste : Les assistants pédagogiques restent en moyenne deux
tous, à des degrés divers, avec une régularité et une ans, mais, chose étonnante, les personnes restent toujours
motivation variables, conjuguent leurs compétences et aussi mobilisées. Peut-être est-ce dû à la personnalité de
leurs actions ; l’enseignante à l'origine du projet ?
• Le groupe de pilotage a la fonction essentielle de recher- Très souvent, les équipes « montent » un projet sans savoir
cher des moyens humains et financiers, de dresser des mettre en mots les objectifs ou ce qu’elles attendent. Elles
bilans, de réunir l’équipe, d’assister aux rencontres avec travaillent d'abord surtout par intuition. Lors des rencon-
tres entre l'équipe et le Pasie, trois ou quatre fois par an,
1 Extrait de cet article 34 : « Sous réserve de l'autorisation préalable des nous avons recherché ces effets attendus, confondus avec
autorités académiques, le projet d'école ou d'établissement peut prévoir la les objectifs à atteindre.
réalisation d'expérimentations, portant sur l'enseignement des disciplines,
l'interdisciplinarité, l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de Ils sont tout à fait banaux et en même temps très circons-
l'établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les tanciés au contexte du lycée : retrouver le gout d’appren-
échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d'enseignement
scolaire. Ces expérimentations font l'objet d'une évaluation annuelle. » dre, l’estime de soi, améliorer le climat dans la classe au
2 Pôle académique de soutien à l'innovation et à l'expérimentation de
retour des élèves, permettre aux élèves et aux professeurs
l'académie de Lyon. Le Pasie a créé de nombreux outils d’évaluation de travailler dans de bonnes conditions en accueillant dans
d’actions, mis à disposition sur son site www.pasie-lyon.org.
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la classe Pass les élèves perturbateurs du cours, d’accueillir ching est un lieu d’aide pour retrouver l’estime de soi et
les élèves exclus en temporisant leurs émotions, et enfin tenter de pallier ces lacunes ou comportements inadéquats.
permettre un soutien scolaire temporaire. La qualité de l’écoute et de l’accueil détermine une posture
Nous avons ensuite déterminé les domaines à observer : les idoine chez les assistants, qui ont suivi une formation à
élèves, leurs résultats et leurs comportements ; les effets l’écoute active.
sur les élèves et les personnels, les effets sur les parents. Par ailleurs, l’enseignement sous forme de soutien n’est
Après avoir défini les critères et les indicateurs (amélio- dispensé que par des assistants pédagogiques. Ce qui peut
ration des résultats, de la fréquentation scolaire), l’équipe paraitre comme faiblesse peut se transformer en force. Au
s’est attachée à faire une enquête, à la fois quantitative par risque de dépossession des enseignants, c'est un atout en ce
l’observation des chiffres statistiques donnés par la CPE, sens qu’il peut réconcilier l’élève avec les savoirs scolaires.
et qualitative par l’écoute et l’observation informelle des La faiblesse du dispositif, c’est qu’il ne résout, auprès des
dires des enseignants, des dires des élèves et des retours élèves, que des problèmes ponctuels et à court terme :
des parents. l’accueil et le maintien au lycée.
Mais tout cela demande beaucoup de temps. Si l’équipe Il reste à répondre à d’autres questions. Comment aider
semble avoir compris les bienfaits de l’évaluation sur le les élèves Pass à réintégrer le cours ? Et comment aider
changement des pratiques, elle commence, cette année les enseignants à savoir accueillir l’élève au sortir de
seulement, l’enquête. Il leur a semblé plus important pen- l’Espace coaching ? Comment continuer à faire du lien
dant ces quatre ans de répondre aux problèmes immédiats. entre la classe habituelle et l’Espace coaching ? L’équipe a
Comment faire du soutien qui ne soit pas que répétition ? quelques réponses, le renseignement systématique par les
Comment être à l’écoute de ces jeunes quand ils arrivent professeurs principaux des fiches de suivi. Sur ce point, il
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et quand ils partent de l’Espace ? reste à inventer des outils plus pertinents. Tout ne marche
pas comme on voudrait.
Évaluation de l’expérimentation en
Tout n’est pas gagné, même si et surtout parce que je me
termes de « forces/faiblesses »
suis laissé dire que certains élèves agissaient volontaire-
Ce qui s’observe, c’est que les élèves viennent spontané- ment en classe pour se faire exclure et aller dans l’Espace
ment demander de l’aide pédagogique en soutien. Ils ont coaching !
compris que leurs comportements inadéquats en classe
dépendent de leurs lacunes scolaires, que ces lacunes ne
sont pas stigmatisées et stigmatisantes, que l’Espace coa- Roxane Caty-Leslé
Accompagnatrice en expérimentation
au Pasie de l'académie de Lyon
Logo de
l' Espac e
c oac hing
On a pris le temps… des collèges du bassin avait envoyé tous ses élèves en besoin
d’aide, ce qui nous a donné deux élèves de « bon niveau ».
L’une des deux était très participante, et pourtant elle
Geneviève Pezeu est arrivée tardivement, car les parents étaient réticents :
« Pourquoi ma fille ? Elle est une bonne élève ! ».
À la veille des vacances de la Toussaint, ces derniers ont été
Des débuts de l’accompagnement personnalisé retirés du groupe, huit autres élèves de cette classe ayant
en lycée, bien compliqués... Il faut de l’inventivité été détectés par leur professeur comme ayant besoin d’aide,
pour faire face à divers problèmes d'organisation, de soutien, d’accompagnement… Nous n’avions aucune
en particulier dans la communication entre les possibilité de savoir quels étaient ces besoins, quelles
personnes impliquées. étaient les motivations des professeurs qui les envoyaient.
Et nous devions retravailler sur l’accueil et le sens de l’ac-
compagnement personnalisé auprès des « nouveaux élèves »
avant de pouvoir répondre aux besoins qu’ils allaient devoir
La mise en œuvre de la réforme du lycée ne fut pas bien exprimer eux-mêmes.
accueillie dans mon établissement. Le conseil pédagogique
n’était que formel et la direction préféra proposer, ou Mon premier diagnostic au contact de ce nouveau groupe :
imposer (comme on l’entend...) un calendrier qui orga- leur difficulté à se projeter dans leur apprentissage. Ils
nise l’accompagnement personnalisé en quatre temps sur n’avaient pas de stratégies pour organiser leur travail per-
l’année. La première période, correspondant au premier sonnel. Communiquer entre eux, à cinq élèves, sur ce que
trimestre, a pour objectif d’aider l’intégration des élèves leurs professeurs leur avaient donné comme travail person-
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repérés par leur collège d’origine comme en difficultés ou nel pour la semaine à venir, a pris vingt minutes. On peut
fragiles. alors s’inquiéter et se donner, en tant qu’accompagnatrice,
l’objectif de le leur faire faire systématiquement.
Dès la deuxième semaine de la rentrée, j’ai accueilli six
élèves d'une classe de seconde pour une heure d’accom- Il faut aussi réussir à comprendre leurs besoins. Est-ce des
pagnement personnalisé, alors qu’une autre collègue était difficultés d’organisation méthodique ? Des lacunes dans
chargée de la deuxième heure.. Ni l’une ni l’autre n'étions une ou des matières ?
les enseignantes de cette classe. Nous ne nous connaissions Comment satisfaire les attentes de ces douze « nouveaux »
pas non plus ! Heureusement, notre rencontre pour nous élèves ? Pour l’instant, j’imagine les regrouper selon leurs
organiser fut fructueuse, agréable, nous nous sommes besoins pour stimuler une réflexion coopérative et de
retrouvées sur la même longueur d’onde. Nous étions l’entraide en ayant le rôle de régulatrice. Je voudrais qu’ils
volontaires pour intervenir en accompagnement personna- ressentent la nécessité de leur autonomie en se prenant en
lisé, même s’il n’était pas individualisé comme nous l’avait charge. Même si l’autre jour je me suis remise à l’anglais,
fait croire notre ministre. même s’ils doivent au retour des vacances me monter qu’ils
Qu’allions-nous faire ? Commencer par de l’accueil en ont bien appris la tirade du « nez » de Cyrano , même si je
donnant du temps aux quelques élèves pour se présenter, vais devoir relire des consignes de mathématiques, même
visiter le lycée comme un jeu de piste, réfléchir, dans le si… ? Comment évaluer la pertinence de mon accompa-
cadre d'une animation collective, à « Qu’est-ce qu’appren- gnement ?
dre ? ». Ensuite, on a pris le temps de donner un sens à leur De toute façon, à partir de janvier, c’est une nouvelle pé-
position dans le lycée : « Pourquoi j’y suis ? Qu’est-ce que riode. Nous accueillerons tous les élèves de la classe pour
j’attends de ma scolarité ? » travailler (en demi-groupe) sur leur orientation scolaire et
Bref, nous avions des idées, et elles ont bien fonctionné professionnelle.
jusqu’à maintenant. Nous avions la chance de n’avoir que
six élèves qui, en fait, étaient très complémentaires, car un Geneviève Pezeu
Professeure d'histoire-géographie
en lycée à Évry (Essonne)
vecteur de
avec ses paradoxes et ses apories2. L’enjeu est donc de
taille : préparer les élèves à faire face à une organisation
sociale qui porte à la soumission aux contraintes économi-
transformation ques, apprendre à surmonter les paradoxes et à contourner
les apories, construire des outils mentaux pour analyser,
de l’école ? comprendre, prendre une distance critique et agir dans un
monde mouvant et complexe.
Françoise Clerc L’accompagnement ne se laisse réduire à
aucune des pratiques qui le composent
Françoise Clerc a bien voulu conclure notre Il ne se réduit pas à la « remédiation » réservée aux élèves
colloque, en replaçant magistralement la notion en difficulté. En raison de sa dimension temporelle liée aux
d'accompagnement dans les évolutions de fond de parcours tout au long de leur scolarité et de leur ouverture
l'école.
vers leur devenir post-scolaire (enseignement supérieur,
formation tout au long de la vie), il concerne tous les élèves,
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collective et dans la conduite des apprentissages doit être • changement de paradigme dans « l’organisation pé-
reconnue, pas pour « les mettre face à leurs responsabilités » dagogique » des établissements par ce qu’il suppose
– en réalité, les « coincer » et les culpabiliser –, mais pour d’assouplissement de l’emploi du temps, de réorga-
leur faire apprendre par l’expérience les règles de la vie nisation des groupes d’élèves, de diversification des
en société, reconnaitre la valeur des initiatives, se donner interventions des enseignants à l’intérieur de leurs
une chance de recueillir leur adhésion et adapter le travail missions traditionnelles ;
pédagogique aux réalités de l’enfance et l’adolescence. • changement de paradigme concernant « la conception
Si, comme le tutorat, l’accompagnement requiert une pos- des curriculums » pour dépasser les rigidités actuelles
ture professionnelle particulière – le « côte à côte », selon le et les compromis mal assurés entre une logique fondée
mot de Philippe Meirieu –, il ne se réduit pas à l’interaction sur la primauté des contenus d’enseignements et une
entre un adulte et un élève ou plutôt il étend la relation logique orientée vers la prise en compte des proces-
d’étayage au groupe d’enfants capables de s’entraider, de se sus de construction des compétences, logique plus
stimuler mutuellement. Logiquement, l’accompagnement exigeante, mais aussi plus proche des représentations
entraine aussi un partage des valeurs dans la vie quoti- actuelles du fonctionnement cognitif.
dienne et ne peut se satisfaire d’injonctions verbales qui
sont souvent interprétées comme : « Fais ce que je te dis, Ces changements sont-ils souhaitables ?
mais ne fais pas ce que je fais », maxime aux effets dévasta- Une forte résistance à ces changements s’est déclarée dès
teurs dans la relation éducative. Il entraine également une l’origine : mots vides de sens, renoncement à la valeur du
réévaluation des formes de l’autorité et la mise en place de savoir au profit d’incertaines compétences, « marchandisa-
structures d’écoute où s’impliquent non seulement l’adulte tion » de l’école… Les critiques ne manquent pas. Ainsi
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référent, mais l’ensemble de la communauté éducative. réduit à une mode passagère, il est parfois recommandé
Enfin, en raison de la nouvelle conception des parcours d’attendre la prochaine réforme pour décider s’il faut
– qui doit être prise au sérieux dès lors qu’on se réfère ou non s’y engager. Indiscutablement l’empilement des
à la construction des compétences pour décrire à la fois textes, notamment ceux qui encadrent l’accompagnement
l’activité mentale des élèves quand ils apprennent et les éducatif à l’école et au collège, la différence de philosophie
finalités de leur éducation – il faut entrer dans une nouvelle entre l’accompagnement éducatif et l’accompagnement
problématique de l’orientation. Il s’agit d’abord de sortir personnalisé dans les trois voies du lycée, donnent une
de la croyance au « projet d’orientation » qui postule qu’un apparence de non-maitrise par les promoteurs des textes
adolescent jouit d’une liberté de choix et planifie sa vie et donc d’une visée à courte échéance peu compatible
scolaire en fonction d’une finalité susceptible d’être cla- avec l’ampleur des changements de représentations et de
rifiée ici et maintenant. L’accompagnement, au contraire, pratiques qui en découleraient.
intègre l’idée de l’incertitude, de la fluctuation des gouts, Première conséquence : il faut « un rééquilibrage » entre
des envies, d’un horizon des études encore flou, et donc l’attention quasi exclusive accordée aux résultats et les pré-
impose la nécessité d’une aide à la réflexion et à la prise occupations liées au devenir des élèves, aux processus de
de conscience, d’un recours pour trouver un appui fiable construction de leur personnalité et à l’évolution de leurs
en cas de désarroi, d’un regard positif pour encourager. compétences. Entrer dans la pédagogie par les compétences
La logique des parcours est tout le contraire de l’approche amène à être attentif au fait que les « compétences prescri-
volontariste du projet. C’est pourquoi elle ne peut prendre tes » – celles du socle ou celles des référentiels – sont des
sens que dans un réaménagement des curriculums4. Ils constructions sociales qui, à proprement parler, n’existent
doivent devenir plus souples (des cycles véritables que l’on pas : même un sujet jugé compétent ne dispose jamais tout
peut parcourir de façons différentes sans avoir à redoubler, à fait des ressources telles que le prescripteur les décrit et
une semestrialisation et une modularisation au lycée5), il les mobilise d’une façon originale tout en faisant face aux
plus perméables (au lycée, des réorientations facilitées), exigences de la tâche qui lui est demandée (« compétence
moins d’évaluations sommatives et plus d’évaluations effective »). En d’autres termes, les compétences prescrites
capables d’aider au pilotage des apprentissages et des ac- sont une façon commode de définir des finalités pour
tions pédagogiques, des examens qui tiennent compte des guider l’apprentissage et une référence commune pour le
compétences acquises, y compris lorsqu’elles ne l’ont pas dialogue entre les enseignants, les élèves et les familles.
été dans les enseignements académiques (par exemple, par Rien de plus.
l’intégration à côté des épreuves finales d’une dose accrue Deuxième conséquence : il en découle que les compétences
de contrôle en cours de formation et des portefeuilles de ne peuvent être connues directement. Elles sont « inférées »
compétences). à partir des productions des élèves : le professeur suppose,
L’accompagnement, qu’il soit qualifié d’éducatif ou de sans aucune certitude, que l’élève a utilisé telles connaissan-
personnalisé, s’inscrit donc dans un triple changement de ces pour comprendre, telles ressources pour organiser son
paradigme : activité, contrôler ses résultats, etc. Mais rien ne permet
• changement de paradigme « pédagogique » par ce qu’il de l’affirmer tant les fonctionnements mentaux sont com-
implique dans la conception des situations d’ensei- plexes et conditionnés par les situations dans lesquelles ils
gnement et dans la prise en charge des apprentissages se développent. Même un élève en difficulté sait bien plus
par la communauté éducative (professionnels, parents, que ce qu’il donne à voir à travers ses productions. Le sens
élèves) ; de l’introduction des compétences indique clairement qu’il
convient d’être prudent quant à la valeur des évaluations et
humble quant à leur interprétation.
4 On pourrait traduire ce mot par « parcours scolaires » (NDLR).
Troisième conséquence : la question récurrente de « l’auto-
5 « Le Livre blanc pour le lycée de demain », Colloque 2009, Éducation
& Devenir. Disponible sur http://www.educationetdevenir.fr nomie » des élèves peut aussi être abordée de façon diffé-
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rente. L’autonomie est relative et correspond à des degrés un état des savoirs qui n’ont plus grand-chose à voir avec
de maitrise variés, en lien direct avec la possibilité pour l’actualité. Il faut donc faire l’inventaire de l’héritage.
l’élève d’identifier les ressources dont il dispose (Qu’est-ce La question du « rapport des élèves au savoir » reste cen-
que je sais faire à propos de cette tâche ? Quel est le pro- trale. Il faut en retrouver le sens originel. Ce rapport ne
blème ou la difficulté à vaincre ?), sa capacité à piloter son doit pas être compris comme un avatar de la psychologie,
activité mentale (Comment puis-je m’y prendre ? Quels un phénomène intime et privé, mais bien comme un
sont les moyens pertinents ?), à contrôler ses productions rapport traversé par des déterminations sociales. Diffé-
(Ai-je bien accompli ce qu’on me demandait ? Le résultat rencier ne consiste pas simplement à varier les méthodes
est-il conforme, juste, vérifié… ?) et à anticiper d’autres et les situations. Les pédagogies progressistes (pédagogies
usages (Qu’est-ce que j’ai appris ? Dans quelles situations actives, pédagogie institutionnelle ou coopérative) l’avaient
puis-je réinvestir ce que j’ai appris ?). Il est nécessaire déjà fait avec succès. Les variations prennent sens à partir
d’induire et guider ce type de réflexion chez la plupart des de l’analyse du fonctionnement de l’école comme un des
élèves, car ils n’ont ni les mots pour désigner leurs activités éléments du fonctionnement social. Les pratiques pédago-
mentales, ni une conscience suffisante des enjeux pour giques, notamment l’évaluation, ne sont pas neutres : elles
adopter spontanément une attitude métacognitive. C’est là convertissent les différences en inégalités, parce qu’elles
une indication majeure pour l’accompagnement. traduisent un rapport de forces social6 et l’imposition d’une
Quatrième conséquence : il faut ouvrir un chantier didac- norme vis-à-vis de laquelle les enfants sont fondamentale-
tique portant sur le lien entre situation d’apprentissage et ment inégaux. Ce n’est pas tant, d’ailleurs, en raison de
configuration des compétences. Personne n’est autonome leur appartenance sociale qu’en raison de mécanismes plus
en toute circonstance. L’autonomie ne peut se compren- fins dus à leur plus ou moins grande capacité à développer
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
dre « qu’en relation avec des classes de situations » où la des stratégies efficaces face aux exigences scolaires. Plus
compétence peut s’exercer. Deux remarques s’imposent à les pratiques culturelles familiales sont éloignées de celles
ce sujet. Lorsque le professeur opère ses choix pédagogi- que l’école préconise et plus ils ont du mal à exercer leur
ques et conçoit les situations d’apprentissage, il induit un « métier d’écolier ».
certain type de compétence. L’évaluation mesure donc au La pédagogie différenciée nous a enseigné que, bien loin
moins autant la pertinence des choix pédagogiques que d’être un obstacle, l’hétérogénéité est la norme et, pourvu
les compétences des élèves. Il est également nécessaire de qu’elle soit maitrisée, une richesse. Il est donc nécessaire de
s’interroger sur la valeur de la forme scolaire telle qu’elle relativiser les effets de la « distinction », de favoriser le dé-
s’est stabilisée au cours de l’histoire de l’école. Une ré- cryptage des conditions d’exercice du métier, d’apprendre
flexion didactique en amont des programmes mérite d’être à connaitre ses ressources (autrement dit ses compétences),
menée pour réactualiser les situations dans lesquelles les à en estimer la valeur et à les faire reconnaitre socialement.
apprentissages se réalisent. Il n’est pas sûr que toutes les C’est pourquoi il ne faut pas tomber dans le discours et
possibilités de l’environnement scolaire soient utilisées de les pratiques compassionnelles à propos des enfants des
façon judicieuse et pour organiser les situations les plus classes populaires : ni handicap, ni destin, leurs cultures
proches des conditions réelles de réutilisation des compé- doivent être considérées comme des ressources, pourvu
tences construites à l’école. qu’elles soient travaillées dans ce sens, réélaborées pour
Cinquième conséquence : si les apprentissages sont sociaux, leur donner les clés du monde dans lequel ils vivent et,
les parcours sont individuels. Accompagner des parcours, par extension et comparaison, pour le monde tout court.
c’est accepter d’entrer dans une problématique « d’histoire L’accompagnement doit et peut contribuer à cette rééla-
de vie », d’aider les enfants, quelles que soient leurs ori- boration.
gines et leur culture, à mettre en récit leur expérience, à
s’approprier leur devenir afin d’assurer les fondements de La différenciation pédagogique peut-elle exister ?
leur personnalité et de prendre conscience de leur valeur. Si l’esprit de la pédagogie différenciée introduit une vision
L’accompagnement, c’est, selon le mot de Jerome Bruner, originale des enjeux de l’école et du sens des apprentissages,
« faire entrer dans la culture » en acceptant les différences, elle s’est nourrie d’emprunts à d’autres pédagogies. Mais
non pas comme un mal nécessaire, mais bien comme une elle a probablement chuté sur l’obstacle de l’organisation
richesse. Il s’agit d’élaborer des manières de traduire les scolaire : impossible de différencier toutes choses égales
cultures pour les comprendre, mais aussi de construire des par ailleurs, sans changer la gestion du temps, des groupes
valeurs pour se repérer et guider son action. Faute de quoi, d’élèves, l’organisation du travail des enseignants. Cin-
toujours selon Jerome Bruner, l’école se révélant incapable quante ans plus tard, nous en sommes encore à constater
de permettre à chacun de trouver une place et d’élaborer que l’organisation sur la base de la classe comme unité de
une estime de soi suffisante, les jeunes rejetés risquent de temps et de groupe pour les élèves, comme référence à un
se précipiter dans les bras des contrecultures. niveau de programme et comme base pour la comptabili-
sation du service enseignant constitue un obstacle majeur à
La pédagogie différenciée est morte l’évolution du système.
Vive la différenciation pédagogique Définir les bonnes pratiques constitue un rêve tenace. Or,
Jean Houssaye, en introduction de ce colloque, a proclamé celles-ci n’existent nulle part : chaque établissement, dans
l’acte de décès de la pédagogie différenciée. Je ne sais s’il a le cadre d’une politique nationale et locale, dispose d’une
raison, mais ce constat ne doit pas nous attrister, car si elle marge pour ajuster son projet et son fonctionnement aux
est morte, elle nous a laissé un héritage. Le CRAP en est l’un
des témoins. La pédagogie différenciée doit être comprise 6 Philippe Perrenoud, « Des différences culturelles aux inégalités scolaires.
en relation avec un moment de l’histoire de l’école, dans un L'évaluation et la norme dans un enseignement indifférencié » in Linda
contexte social et politique particulier et en référence avec Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud (dir.) L'évaluation formative
dans un enseignement différencié, Peter Lang, 1979, sixième édition, 1991.
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116 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, février 2011 Utilisation commerciale interdite.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010
besoins de ses élèves. Assurer l’égalité des droits à l’éduca- objectivables et font rarement l’objet d’un accord de tous
tion, c’est accepter des variations dans les manières de faire, les professionnels. Impossible donc de « démontrer » à
adaptées aux contextes locaux pour atteindre des objectifs un enseignant qu’il a tort et qu’il doit changer. Loin de
communs. La différenciation pédagogique ne constitue ni l’injonction à changer, c’est donc dans une évolution du
un corps de doctrines, ni un réservoir de pratiques. Elle fonctionnement des établissements que réside le vrai levier
donne des principes pour fonder des stratégies et piloter de la transformation.
des processus d’apprentissage/enseignement. L’un de ces En outre, la volonté de réformer serait mieux comprise si
principes est de se fonder sur une appréciation, la plus fia- elle prenait appui sur des évaluations des politiques éduca-
ble possible, des « besoins des élèves ». L’accompagnement tives donnant une image fiable des objets sur lesquelles elles
est le lieu privilégié de cette analyse, l’occasion pour les portent, pertinentes par rapport aux nécessités du pilotage,
équipes de mutualiser leurs informations et de mener une cohérentes par rapport aux valeurs de la démocratie. L’ac-
interprétation collective des données recueillies. L’accom- compagnement s’inscrit dans un paysage où la politique
pagnement est la colonne vertébrale de la différenciation. éducative nationale est doublement remise en cause : par
Quelques exemples à l’étranger peuvent permettre d’ap- la diversification des initiatives locales et par les comparai-
profondir le rôle de l’accompagnement. En Angleterre sons internationales. Les collectivités territoriales, au nom
existe le pastoral care7 – pratiqué à l’origine dans un contexte d’une connaissance du terrain, interviennent pour infléchir
religieux – qui prend en considération l’ensemble de la les effets des injonctions ministérielles. S’il est contestable
personne de l’élève. Il est la source de détermination de de juger une politique sur les seuls résultats des élèves, il
l’ensemble des besoins éducatifs. Au Québec, « l’école com- n’en demeure pas moins que l’évolution des performances
munautaire »8, place les établissements au cœur du dévelop- et le creusement des écarts entre les élèves les plus faibles et
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE
pement culturel des communautés où ils sont implantés. les plus forts mesurés par PISA sont inquiétants. On peut
Les familles sont associées au suivi des élèves de façon très donc penser que les politiques antérieures (compensation,
étroite. Plus près de nous, les établissements expérimen- d’éducation prioritaire, etc.) ont relativement échoué. Il est
taux considèrent que l’accompagnement concerne la vie urgent de s’emparer d’une nouvelle façon d’envisager les
de classe, le fonctionnement de l’établissement dans son missions de l’école.
ensemble et contribue à réguler l’interface entre le travail D’abord, il s’agit de mettre « les équipes » au centre de toute
scolaire de l’élève et le travail pédagogique du professeur. évolution et leur donner les moyens de leur fonctionnement
Toutes ces dimensions méritent d’être développées. (un coordonnateur déchargé, des plages de concertation).
Car il n’y a pas d’accompagnement efficace sans analyse
Changement, rupture, réforme,
collective des projets et des ressources des élèves, sans un
transformation : comment procéder ?
impact sur l’ensemble des pratiques pédagogiques et la
En France, la manie des réformes est bien ancrée dans vie de l’établissement ; pas d’accompagnement réellement
les pratiques politiques : chaque ministre veut la sienne, éducatif sans une régulation collective des interventions de
censée marquer de façon indélébile son passage au gou- chacun. L’accompagnement ne peut se concevoir comme
vernement. Il en résulte une fatigue due à l’abondance des l’agrégation d’initiatives individuelles, mais bien comme
injonctions et à leur caractère discontinu et surtout un dé- une politique d’établissement, coordonnée par le conseil
sordre, car chaque ministre oublie d’assumer l’héritage de pédagogique (ou le conseil d’école), figurant au projet voté
son prédécesseur. Les mesures se superposent parfois dans par le conseil d’administration, évaluée avec lui.
une contradiction flagrante, parfois dans la redondance.
Mais comme le temps de l’éducation n’est pas celui de la Une redéfinition des articulations entre les politiques
politique, il est rare qu’une réforme, même bien pensée, nationales et les politiques locales est nécessaire pour
parvienne à son terme. redonner de la cohérence à l’accompagnement éducatif.
Les écoles et les collèges doivent recevoir une commande
Si la rupture dans les représentations est un des aspects de claire, avec des indicateurs pour le pilotage et le contrôle
l’apprentissage et du progrès dans les savoirs, les pratiques, de leurs actions.
elles, s’accommodent mal de la rupture. Aucune pratique
n’est en soi absurde, car chacune, à sa façon, constitue un Les contributions des différentes professions au sein des
compromis entre les prescriptions et les conditions dans établissements doivent être clarifiées afin de mieux coor-
lesquelles s’exerce le travail. S’il existe des compromis plus donner les interventions auprès des élèves et des familles
adaptés que d’autres, des façons de faire plus souhaitables et assurer la prise en charge de toutes les dimensions de
que d’autres au regard des valeurs éducatives, il n’en reste l’accompagnement (aide aux apprentissages, écoute, suivi
pas moins que les critères tels que l’efficacité ou la perti- des parcours et de l’orientation, socialisation…).
nence par rapport aux besoins des élèves sont difficilement Enfin – et dans le contexte actuel, ce n’est pas la moin-
dre des difficultés –, la formation initiale doit préparer
7 « Pastoral care is a term generally applied to the practice of les enseignants, la formation continue les soutenir dans
looking after the personal and social well-being of children under the ces nouvelles interventions : en assumer la charge par le
care of a teacher. It can encompass a wide variety of issues including renforcement des compétences d’analyse et de diagnostic,
health, social and moral education, behaviour management and
emotional support. » (consulter : WhatIsPastoralCare.doc)
l’apprentissage de l’attitude d’écoute, l’appropriation
8 Il faut entendre ici « communautaire » dans un sens un peu différent
d’outils conceptuels nécessaires à la maitrise des probléma-
de celui qu’il a fini par prendre en France ; il s’agit de l’implication de ce tiques induites par l’accompagnement et par une réflexion
que nous appelons « collectivité locale » dans la conduite pédagogique des sur l’engagement éducatif auprès des familles.
enseignements et dans la vie des écoles. « Le concept d'école communautaire
n'est pas nouveau et il est vécu à divers niveaux au Québec ainsi que dans Françoise Clerc
plusieurs pays du monde. Ce concept repose sur une ouverture de l'école et de la Professeure émérite en sciences de l’éducation
communauté pour travailler ensemble au développement social et culturel de la
communauté. » (source : Fédération des Commissions scolaires du Québec) Éducation & Devenir
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N° 474 - juin 2009 - 64e année- 7,50 Il y a trente ans dans les Cahiers :
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