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Aider et accompagner

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• sans simplismes, parce que les raccourcis sur le niveau qui monte ou
qui baisse, ou sur l’école d’antan n’ont jamais fait avancer d’un iota les
pratiques enseignantes ;
• sans tabous, parce qu’on doit pouvoir discuter sans réserves de tout ce
qui pose problème dans le champ professionnel, des réformes en cours,
du fonctionnement de l’école dans toutes ses dimensions ;
• sans dogmatisme, car c’est le croisement des réflexions et des pratiques
de chacun, chercheurs, formateurs, enseignants du secondaire et du
primaire, éducateurs, qui peut être utile à chacun ;
• sans déférence, car c’est le partage des expériences des uns et des
autres, quelle que soit son ancienneté, dans le respect des points de
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vue, qui ouvre à d’autres possibles, qui fait progresser.

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également ceux du Cercle de recherche et d’action pédagogiques (Crap),
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aussi participer, par des rencontres, des échanges par une liste de diffusion
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évoluer leurs pratiques, de réfléchir sur les problèmes de l’école pour mieux
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

la faire progresser. Rejoignez-nous !


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Aider et
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accompagner
les élèves,
dans et hors
l'école
HSN n° 22 Ce hors-série numérique est placé sous le régime de licence Creative Commons avec un droit de
octobre 2010 reproduction à condition de mentionner l’auteur original (le CRAP-Cahiers pédagogiques), de n’en
février 2011 faire aucune utilisation commerciale et de respecter les deux premières
2e édition conditions pour toute publication incluant tout ou partie de ce document.
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SOMMAIRE
Dossier coordonné par Sylvie Grau et Jean-Michel Zakhartchouk

Éditorial
Sy l vi e G ra u

1. L'accompagnement, une notion utile pour l'école ?


1.1. Penser la relation d’accompagnement : ses
enjeux dans le champ de l’éducation
M a ë l a Pa u l
1.2. Vers une clinique de l’accompagnement ?
M a r ti n e L a n i - Bay l e
1.3. Pistes pour un accompagnement éducatif utile
Je a n - M i ch e l Z a k h a r tc ho uk
1.4. Quoi de neuf à la rentrée 2010 ?
Sy l vi e G ra u

2. À l'école primaire
2.1. Comment accompagner les apprentissages
dans la classe ?
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B e n o î t B e cq u a r t
2.2. Maitre E et maitre de classe :
comment agir ensemble ?
C h a r l o tte M e n e t
2.3. Une mauvaise solution à un vrai problème
Ar m e l l e Le g a rs
2.4. Un dispositif imposé, peu efficace et finalement contreproductif
Sy l va i n G ra n d s e r re
2.5. Une occasion à saisir pour aider les élèves dans le cadre de l'école
Sy l vi e Cè be
2.6. Ne pas espérer des résultats immédiats
C h r i s ti n e Fé l i x
2.7. Une expérience positive
Is a b e l l e Va l l e
2.8. Comprendre les enjeux didactiques pour mieux aider
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Je a n - Pa u l Va u b o u rg

3. Au collège
3.1. Une organisation soignée à mettre en place
H e r vé Ja co b
3.2. Dans un collège « ambition réussite »,
une affaire collective
Cé l i n e B e nté o
3.3. Une matinée méthodo
ou l'accompagnement heure par heure
Ca ro l e G u i l l o t- Co q u i n
3.4. Vers une mutualisation des dispositifs
de l’accompagnement ?
Olivier Meunier

4. Au lycée professionnel
4.1. Conditions pour une mise en œuvre utile
K a r i n e Fo u ch e r
4.2. Nouvelles prescriptions, nouvelles pratiques
Co r i n n e M a r l o t, N athalie Yo unès, Gui llaum e S er res
4.3. À l’aide !
Sy l vi e G o nth i e r
4.4. D'un dispositif à l'autre
D o m i n i q u e L a k o my

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5. Au lycée général et technologique
5.1. Comment aider des lycéens à retrouver le
sens des apprentissages scolaires ?
Guy Sonnois
5.2. La solitude du grimpeur face à la paroie
B e r n a rd H o a ra u
5.3. Accompagner les élèves : entre guidage
étroit et construction de l'autonomie
Sy l ve tte R a s cl e

6. Dans le supérieur
6.1. Les Entretiens de la liberté : un accompagnement
numérique encore peu attractif
An a ï s Th é v i o t
6.2. La lutte contre le décrochage à l'université
L a u re n ce Pé re n n è s

7. Quelle place pour les parents, les associations ?


7.1. Ma fille a un problème avec les consignes…
Sy l vi e G ra u
7.2. Une association efficace pour renouer les liens entre école et familles
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Ph i l i pp e M a s s o n
7.3. Le coaching scolaire : comment porter un autre regard sur les jeunes ?
G a ë ta n G a br i e l

8. Dans notre collection


8.1. Dix risques majeurs
G é ra rd C h a u ve a u
8.2. L’aide individualisée a-t-elle une légitimité ?
Pi e r re M a d i o t

9. Colloque des 25 et 26 octobre 2010


9.1. Des points d'appui pour avancer
Je a n - M i ch e l Z a k h a r tcho uk
9.2. Le triompe de la pédagogie de soutien : un trompe-l'œil ?
Je a n H o u s s aye
les élèves, dans et hors l'école

9.3. Une longue histoire


Aider et accompagner

Je a n - Pa u l D e l a h aye
9.4. « Aide personnalisée » au primaire : un dispositif contre-productif ?
An d ré O u zo u l i a s
9.5. L'aide en Finlande
M i n n a Pu u s ti n e n
9.6. Comment prendre en compte les élèves dits « à besoins particuliers »
Sté ph a n i e d e Va n s s ay
9.7. N'oublions pas les PPRE !
Br i gi tte Ja ff r y
9.8. Des ateliers pour structurer le temps de l'aide
C h r ys te l l e M u n i g l i a - R ay nal
9.9. Aider dans la classe : le journal des apprentissages
An n e - Cé ci l e D u f fe z
9.10. Quand la grille devient guide
M é l o d i e Pi ch o n
9.11. Du côté des familles : quelle aide aux devoirs ?
S é ve r i n e K a k po
9.12. L'accompagnement en lycée, sur le terrain
Fra n ço i s e Co l s a ë t
9.13. Accompagner en dehors de la classe
R ox a n e Cat y- Le s l é
9.14. On a pris le temps…
G e n e v i è ve Pe ze u
9.15. L'accompagnement : vecteur de transformation de l'école ?
Fra n ço i s e C l e rc

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page de 1
l'édito

Éditorial
Sylvie Grau

Quelques précisions de forme en ouverture de ce hors-série numérique


des Cahiers pédagogiques : la version dont vous disposez est la seconde
édition d'une publication parue début octobre 2010, enrichie à la
suite du colloque que le CRAP-Cahiers pédagogiques a organisé les 25
et 26 octobre 2010 à Paris, sur ce même thème Aider et accompagner
les élèves, dans et hors l'école. Nos lecteurs disposent ainsi, en dernière
partie, des textes des conférences de Jean Houssaye et de Jean-Paul
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Delahaye, des interventions lors des tables rondes d'André Ouzoulias et


de Mina Puutsinen, de témoignages issus des ateliers et de l'intervention
de clôture de Françoise Clerc.
Si la question de l'aide a déjà été beaucoup travaillée, l'utilisation du
mot « accompagnement », très à la mode, demande à être précisée.
De quoi parle-t-on exactement ? Maëla Paul explique en quoi ce
mot désigne beaucoup plus qu'une simple aide ou une assistance :
l'accompagnement implique de se positionner en tant que professionnel
Sommaire
dans ses postures et ses intentions, de se questionner en tant qu'individu
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

sur le type de relation à mettre en place avec les élèves, et en tant que
citoyen, sur le type de société qu'il s'agit de contribuer à construire. Avec
Martine Lani-Bayle, c'est l'approche clinique qui vient en interférence
donner un rôle primordial à la relation langagière entre l'apprenant et
l'enseignant. Mais ces deux chercheuses nous disent la même chose :
accompagner, c'est prendre une posture différente de celle de surplomb
souvent attribuée à l'enseignant. Les témoignages viennent conforter ce
point de vue. Que l'accompagnement soit dans ou hors l'école, qu'il soit
fait par l'enseignant ou par un tiers, il ne semble porter ses fruits qu'à
condition que la posture de l'accompagnant soit dans le « à côté ». Il
ne s'agit pas de renoncer à enseigner, mais bien d'aider l'accompagné à
devenir autonome dans ses apprentissages.
On ne parle donc plus simplement d'aide comme on l'a fait dans le
dossier du n°436 des Cahiers pédagogiques, « Aider les élèves ? », ni de
difficulté scolaire comme dans celui du n°480 « Travailler avec les élèves

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page de 2
l'édito

en difficulté » : l'accompagnement s'adresse à tous les élèves. Il vient à


la fois aider, soutenir, ouvrir, motiver, émanciper, et se traduit par des
approches très variées : des activités non scolaires visant à motiver le
travail scolaire comme le montre Hervé Jacob et son atelier cirque au
collège, des temps de travail par une prise en charge extérieure comme
en témoigne Isabelle Valle au premier degré, ou Philippe Masson à
travers l'étude du fonctionnement d'une association périscolaire, ou
encore l'utilisation de forum Internet comme le propose l'article de
Anaïs Théviot, une organisation différente à la fois du contenu et de
la didactique des cours qui semble avoir convaincu Sylvette Rascle,
Bernard Hoarau ou Jean-Paul Vaubourg. L'accompagnement demande
de réinterroger l'évaluation, ce que propose Benoît Becquart qui propose
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des exemples de pratiques amenant l'élève à analyser son parcours


d'apprentissage. L'accompagnement est une affaire d'équipe. Charlotte
Menet nous le rappelle en précisant comment l'enseignant spécialisé
peut travailler dans et hors la classe en fonction des besoins de chaque
élève. Les parents ne sont pas exclus de ce chemin à parcourir ensemble,
ce sont eux qui vont payer à prix d'or cours particuliers et coaching.
Que cache cette demande ? Une inquiétude face à l'aspect sélectif
Sommaire qu'est notre système scolaire ou une façon de se décharger d'un
accompagnement dont ils ne se sentent soit pas capables, soit pas
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

autorisés ? J'en parle dans un témoignage sur l'accompagnement d'une


élève de seconde. Mais toutes ces approches visent bien à donner du
sens aux apprentissages, comme le dit Guy Sonnois.
Ce qui est nouveau, c'est l'idée qu'il ne s'agit plus uniquement d'aider
des élèves en difficulté, qu'il s'agit d'aider chaque élève à se construire
non seulement en tant qu'apprenant sur toute sa vie, mais aussi
en tant qu'individu se projetant dans une société qu'il contribue à
construire. L'accompagnement ainsi entendu devrait alors amener
à concevoir une école plus humaine, plus respectueuse des projets
individuels et du relationnel, ce qui ne signifie pas que les savoirs ou les
connaissances passent en second plan. Au contraire, cette conception
de l'enseignement peut permettre une approche plus motivée et
plus construite des savoirs considérés non pas comme des objets de
transmissions, mais bien des objets qui se construisent et s’approprient
dans un contexte particulier et selon la subjectivité de chacun. L'article

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page de 3
l'édito

de Karine Foucher sur l'accompagnement en lycée professionnel


montre bien comment l'accompagnement doit tenir compte du projet
de l'élève tout comme celui de Laurence Perennes sur la lutte contre le
décrochage à l'université.
Accompagner demande donc un travail important sur soi, une
formation, des moyens, un travail d'équipe. Accompagner ne peut se
faire qu'en réinterrogeant notre posture d'enseignant. C'est ce que nous
vous invitons à faire à travers ce dossier.

Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée à Or vault (Loire -Atlantique)
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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1. L'accompagne-
ment, une notion
utile pour l'école ?
1.1.Penser la relation
d’accompagnement :
ses enjeux dans le
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champ de l’éducation
Maëla Paul
En un temps où l’accompagnement se développe jusqu'à
devenir mode ou slogan, sans guère de repères pour en
penser la mise en œuvre, cette contribution questionne
la relation entre accompagnant et accompagné,
Sommaire
dans ses dimensions personnelle et politique.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

L’accompagnement, c’est « être avec » et « aller vers » dans une visée


de partage (ac – cum – pagnis)1. La définition du verbe « accompagner »
affine cette compréhension : « se joindre à quelqu'un » (dimension
relationnelle), « pour aller où il va » (dimension temporelle incluant un
déplacement), « en même temps que lui » (à minima à son rythme).
Tel est le principe éthique : l'action se règle sur autrui. La dimension
relationnelle est première : de la mise en relation dépend la mise en
chemin. Construire une relation de confiance permet d’envisager de
travailler ensemble et travailler ensemble renforce la confiance. La
dimension relationnelle s’inscrit dans le temps : celui de l’apprentissage
de la présence à autrui et de la confiance.

1 Voir l’étude sémantique du mot « accompagnement »


et du verbe « accompagner » (Paul 2004). Ce travail a
été développé dans la revue Autour des mots.

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cet article

La place de chacun dans l’interlocution


1. L'accompa-
gnement, une Ce qui est ici déterminant, c’est la place de chacun dans l’interlocution.
notion utile Or il n’y a que deux places : la place de « celui qui parle » et la place
pour l'école ? de « celui qui écoute ». Si j’occupe la place de « celui qui parle » au
sens de faire circuler dans la parole des savoirs, des informations, des
interprétations, des évaluations, l’accompagné ne peut être à la place
1.1. Penser la
relation d'ac- de celui qui a quelque chose à dire sur la situation qui est en cause.
compagnement
ses enjeux dans
Pour que l’accompagné soit à la place de « celui qui parle », il faut que je
le champ de soutienne la place de « celui qui écoute ». Dans cette position, je ne fais
l'éducation
pas rien : en reformulant ou en questionnant, je lui donne à entendre
Maëla Paul
ce qu’il dit. Donner à entendre, c’est interpeler sur l’énigme de ce qu’il
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dit2. Car quand je dis, je dis plus que ce que je dis. La question du savoir
s’en trouve de son côté. Ce postulat le déloge d’une place d’écoutant
béat de notre savoir. Le professionnel accompagnant est écoutant et
interpelant. On ne saurait à moins être impliqué dans une relation.
Accompagner, c’est donner place à ce « savoir », non pas des
connaissances (de ceci ou de cela), mais un « dire » singulier. Il y a des
conditions nécessaires à installer pour que le « dire » puisse se dire
sans être menacé – conditions qui sont du côté de la relation et de la
Sommaire
posture : faire le deuil de détenir la solution de ce qui fait problème
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pour l’autre. Accompagner, c’est donc prendre appui sur les lois du
langage et identifier comment je me situe dans l’interlocution.
L’objectif est donc de créer une relation comme contexte dans lequel
il est possible de vivre une expérience : expérimenter en paroles,
en sensations, en émotions, en imagination, en prise de conscience,
en expérience de choix et de prise de décision son rapport au réel.
Comment procède-t-on ? On procède au sein de la relation par un va-
et-vient entre réflexion et action qui fait que cette avancée se construit
« chemin faisant », en solidarité avec ses contextes, en réordonnant
sans arrêt les fins et les moyens à la recherche d’une logique de
projet. L’attention est disponible pour tout ce qui survient dans l’ici et
maintenant autant qu’à tout ce qui est censé advenir.

2 Pour mettre ce qu’il dit au travail, il faut qu’il y ait une


énigme ressentie. Par exemple, en l’interpelant : « Vous dites
ça, mais quand vous dites ça, vous dites quoi ? ».

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Là où certains travaillent sur le passé ou recherchent des solutions, la


1. L'accompa- démarche d’accompagnement propose l’expérimentation : notamment
gnement, une
notion utile de l’autonomie dans la réflexion et la décision. Cette expérimentation
pour l'école ? doit ménager le droit à l'erreur, le droit au tâtonnement, le droit de
changer d'avis, de se contredire, de créer sa propre approche. Car
l'expérimentation est la source du changement.
1.1. Penser la
relation d'ac- Cette stratégie « chemin faisant »3 conjugue à la fois la réalisation des
compagnement intentions, autrement dit une action de changement délibéré, des
ses enjeux dans
le champ de
actions schématisées et conçues intentionnellement à l’avance des
l'éducation situations auxquelles elle s’applique, avec l’accueil et l’intégration
Maëla Paul d’actions imprévues, actions que l’on ne peut identifier qu'à postériori.
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La dimension opérationnelle qui balise l’avancée n’est donc pas de l’ordre


de la balistique et de la trajectoire : elle ne suit pas la ligne décrite par
un projectile censé atteindre une cible. Elle réfère à un cheminement,
à une marche progressive, à une approche, à une sorte d’« itinéraire
protégé ». Avancer « vers » décrit un mouvement qui consiste à « se
rapprocher de, aller à la rencontre » – et non forcer les choses à arriver.

L’accompagnement comme fruit d’une nouvelle politique sociale


Sommaire C’est au cours des années 1990 que s’est propagée la notion
d’accompagnement dans tous les secteurs de la relation autrui (travail
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

social, éducation, insertion, orientation…), mais aussi dans les secteurs


de la relation marchande comme ceux des banques qui sont « toujours
là pour vous accompagner ». C’est dans un contexte où le fait d'être
fils d'agriculteur n'oblige plus à « reprendre la ferme » et à devenir soi-
même agriculteur, où nous ne sommes plus uniquement déterminés
par notre naissance qu’on a recours à l’accompagnement. Désormais
chacun doit « faire » quelque chose de sa vie. Il en est responsable. C’est
de l’ordre du devoir. La liberté d’être capable d’infléchir le cours de sa
vie est une injonction.
L’accompagnement s’inscrit ainsi dans une nouvelle logique sociale à
dimension pédagogique forte, consistant à agir « au plus près » de la
personne, se tenir « à côté » pour cheminer « avec » elle, personnaliser
les actions. Mais si le mot d’ordre est de « ne pas se substituer à autrui »,
ces démarches n’ont pas d’autre visée que de pourvoir un « individu
3 Marie-José Avenier, La stratégie « chemin faisant », Economica, 1997.

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acteur », autrement dit capable de se prendre en main, et non plus de


1. L'accompa- peser sur la collectivité. S’il s’agit d’inciter à agir, c’est pour impliquer et
gnement, une
notion utile responsabiliser.
pour l'école ? Entre une logique de contrat et une logique de coopération
L’accompagnement se trouve ainsi en tension entre deux modalités
1.1. Penser la interpersonnelles : entre une « logique de contrat » et une « logique
relation d'ac-
compagnement
de coopération »4. Le contrat tire du côté du juridique, de la logique
ses enjeux dans marchande. Il cherche la neutralité des rapports et a pour objet de
le champ de
garantir que tout projet sera socialement acceptable. La coopération,
l'éducation
procédant d’une logique du cheminement, de l’incertitude acceptée, de
Maëla Paul
la complexité et de l’aventure partagée, est du côté du lien, de la co-
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construction, mais aussi de la singularité.


On a donc tout intérêt à réinterroger les principes humanistes qui
seraient censés promouvoir l’accompagnement. En effet, l’action
institutionnelle qui encadre l’accompagnement, désormais institué
en dispositifs, se trouve paramétrée par une « dimension politique »
à forte teneur administrative, dotée de nouveaux outils que les
institutions doivent mettre en place (projets, évaluations, etc.) et par
une « dimension juridique » dans laquelle apparait la formule de
Sommaire
« la personne au centre ». Que peut signifier ce « centre » dans une
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

société décentrée par excellence sinon effectivement un transfert de


responsabilité de la sphère collective à la sphère individuelle ?
Quand on entend dire que celui qu’on accompagne est une
« personne », on est en droit de se demander la conception que l’on
a de cette personne tellement on l’affuble de déficits ! Décrit en
termes de dysfonctionnements ou de conditionnements culturels ou
environnementaux, on lui refuse en fait nombre de caractères reconnus
comme constitutifs de la personne. Il est certes un peu de tout cela, mais
en occultant la dimension existentielle, c’est-à-dire la manière dont il va
utiliser ces données pour faire de sa vie une existence. On lui accorde
une évolution, mais passive. On le considère plus comme subissant que
comme agissant. On lui refuse une part active dans l’élaboration de son

4 Pascal Nicolas-Le Strat, L'Implication, une nouvelle base


de l'intervention sociale, L'Harmattan, 1996.

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existence tout en le sommant de s’en sentir responsable. On le soumet


1. L'accompa- à une injonction de changement alors qu’on le définit par l’immuabilité.
gnement, une
notion utile Autrement dit, on se trouve ici dans la tension entre deux conceptions
pour l'école ? anthropologiques. L’une considère que la personne est prise dans une
histoire, dans « son » monde, à quoi elle ne cesse d’adhérer, d’où elle
ne peut s’extraire et où elle s’épuise. La seconde conçoit que l’existence
1.1. Penser la
relation d'ac- rejaillit de tout ce qui fait rupture du sens, de toute brisure ou
compagnement effondrement de la continuité, autrement dit des crises, mais également
ses enjeux dans
des rencontres (qui ne sont pas de simples face à face où il ne se passe
le champ de
l'éducation rien).
Maëla Paul
Acteurs et auteurs, l’un et l’autre
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L’accompagnement participe ainsi d’un changement de paradigme :


déplacement « alternatif » de l’attention5 d’un cadre de référence
externe (le résultat à atteindre, le changement visé) à un cadre de
référence interne (l’apprentissage initié et les compétences développées
à l’occasion du projet, la transformation ou l’évolution en jeu).
Développer une compétence grâce à un projet suppose concrètement
d’avancer d’abord avec ce qui est disponible, de vérifier « avec » la
Sommaire personne concernée autant de fois que nécessaire les processus à
nourrir, développer, susciter, de ne pas se focaliser uniquement sur le
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

but à atteindre pour développer une attention soutenue à ce qui se


joue dans l’ici et maintenant de la relation.
On peut donc reconnaitre à l’accompagnement une double visée : une
visée productive qui doit produire des résultats et une visée constructive
qui participe de la construction de la personne. C’est à ce prix que la
démarche d’accompagnement n’est plus celle de l’expert « supposé
savoir », mais devient une co-création active et commune, une avancée
« concertée et concertante » où les deux sont acteurs dans l’interaction.
Puisque c'est cette capacité à être en relation avec l'autre qui est
première, il s'agit, pour l’accompagnant, non seulement de savoir
instaurer, développer, clore une relation, recueillir dans tout ce qui
surgit au sein de l'interaction ce qui enrichira le cheminement, mais
également d'être en capacité d’être là « avec » l'autre. Pour que la
relation ne se situe ni dans l'assistance, ni dans le pouvoir, autrement dit
5 Et non pas déplacement de l’un au profit de l’autre.

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pour être structurante et non mutilante, elle doit mobiliser le sentiment


1. L'accompa- réciproque de « pouvoir être soi-même sous le regard d'un autre » – et
gnement, une
notion utile non devoir répondre à ses attentes (formulées ou attribuées) ou à s'en
pour l'école ? défendre. Seule cette présence met en chemin vers une relation dans
laquelle il est possible de soutenir comme de confronter, de proposer
comme de s'opposer.
1.1. Penser la
relation d'ac- Il revient ainsi à l’accompagnant (enseignant, formateur ou autre) d'être
compagnement en capacité de jouer plusieurs rôles. D'un côté, être le garant de la loi
ses enjeux dans
par laquelle opère ni plus ni moins l'insertion de l'humain dans l'ordre
le champ de
l'éducation de l'humain via une médiation institutionnelle au nom de laquelle il
Maëla Paul exerce sa fonction ; être responsable de la mission qui lui a été confiée
et de la dimension opérationnelle de celle-ci. De l'autre, être investi
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en tant que personne dans la relation, partie prenante d'une aventure


dans laquelle il s'engage totalement parce qu'il a la conviction qu'il
peut se passer quelque chose sans jamais savoir si la chose se passera
ni où, quand et comment. Par conséquent, on doit pouvoir rencontrer
des personnes (qui cherchent, doutent et se questionnent) et non des
absolus abstraits ou des agents du système, car seul cet investissement
fait de la relation autre chose qu'un simulacre.
Sommaire
L’accompagnement comme nouvel apprentissage collectif
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Tout est réuni pour que l’accompagnement participe d’une nouvelle


violence :
• « Violence institutionnelle » : tant que l’institué prévaut sur
l’instituant, car seul l’instituant peut offrir un cadre à la rencontre et
à de nouvelles modalités relationnelles.
• « Violence structurelle » : liée à la conception de l’accompagnement
en dispositif.
• « Violence symbolique » : dès lors qu’accompagner s’inscrit dans
des injonctions d’autonomisation et de responsabilisation comme
mécanismes de régulation sociale, et non plus fruit de la maturation.
• « Violence éthique » : dès lors que cette injonction fait obstacle à
l’authenticité d’une posture et au lien interpersonnel.

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À tout instant, ces dispositifs peuvent opérer comme facteur


1. L'accompa- d’instrumentalisation de l’engagement subjectif6. Car soit ils jouent
gnement, une
notion utile comme forme de captation de l’activité subjective et constituent alors
pour l'école ? une forme renouvelée de la domination, soit ils contribuent à construire
le sens personnel et collectif de l’activité sociale et participent alors
de l'émancipation. C’est là qu’on évalue « l’extraordinaire réversibilité
1.1. Penser la des formes contemporaines du pouvoir » (id). Et c’est bien là l’enjeu
relation d'ac-
compagnement principal de la posture d’accompagnement : la reconsidération de
ses enjeux dans l’autre n’est naturellement pas sans conséquence, puisque ces dispositifs
le champ de
l'éducation
d’accompagnement se constitueraient alors comme « pratiques
Maëla Paul habilitantes » (Butler, 2004), c’est-à-dire des pratiques qui augmentent
notre pouvoir d’agir.
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Tout ceci ne va pas sans remaniement des modalités de partage des


pouvoirs dans les institutions. Tout ceci ne s’invente pas et ne se suffit
pas de « bonnes intentions » : cela s’apprend, et surtout cela s’apprend
« les uns avec les autres », ce qui suppose aussi de contribuer à la
construction d’environnements porteurs et protecteurs de ces nouveaux
apprentissages. Car il n’y a pas d’accompagnement sans un changement
de posture, pas d’accompagnement sans un nouveau mode de relation,
Sommaire pas d’accompagnement sans apprentissage du dialogue et de la
coopération.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

On ne peut concevoir l’accompagnement que sur la base d’une relation


où aucun des acteurs n’essaie pas de dominer l’autre, de prendre la
place de l’autre (même si un statut de garant du projet de travail est
attribué à l’un d’eux), une relation de complémentarité dans laquelle
la différence de l’autre est perçue comme un enrichissement pour le
travail, et sur la base d’une relation de partage : partage de la décision
à prendre, partage du pouvoir, partage des responsabilités.
Il revient donc « à chacun » de choisir à quel monde il souhaite contribuer,
et de réfléchir « collectivement » à quoi ces pratiques contribuent.
Soit effectivement le pouvoir s’avance masqué et prolifère en tant
que contrôle, injonction, prescription sous des formes relationnelles
et communicationnelles dont fait partie l’accompagnement. Soit ces
nouvelles formes ont un potentiel d’engendrement d’une société
se risquant à dynamiser des formes de dialogue et de coopération.
6 Philippe Zarifian, À quoi sert le travail ?, La Dispute, 2003

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L’accompagnement s’inscrit dans un contexte de contraintes qui peut


1. L'accompa- donc être source d’opportunités. Personne ne peut rester à l’écart d’une
gnement, une
notion utile telle orientation. C’est tout un système qui est réinterrogé.
pour l'école ?
Maela Paul
For matr ice – Consultante auprès des professionnels de
l ’accompagnement de tout sec teur. Praticienne - chercheure,
1.1. Penser la
associée laboratoire du CREN, université de Nantes
relation d'ac-
compagnement
ses enjeux dans
le champ de
l'éducation Publications de l’auteure où se trouve développé le concept d’accompagnement :
Maëla Paul • « D’un dispositif social à une pratique relationnelle spécifique », in :
Encyclopédie de la formation, dir. Barbier J-M., Bourgeois E., Chapelle G.,
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Ruano-Borbalan J-C., Paris : PUF, chapitre 19, p. 613-646, 2009.


• « Autour des mots : ce qu’accompagner veut dire », Revue Recherche et
formation, INRP, n° 62/2009.
• « Accompagnement : état des lieux », Revue internationale Savoirs,
L’Harmattan, 2009/2, n° 20, p. 11-63.
• « L’Accompagnement ou la traversée des paradoxes », p. 251-274, in :
Penser l’accompagnement des adultes – Ruptures, transitions, rebonds,
Boutinet Jean-Pierre, dir., Paris : PUF, 2007.
Sommaire
• L'accompagnement : une posture professionnelle spécifique, L'Harmattan,
2004.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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1. L'accompa- Accompagnement et autorité


gnement, une Si nous avons quelques résistances à penser autorité et accompagnement,
notion utile c’est que nous confondons potestas et auctoritas. Or la première renvoie
pour l'école ? au pouvoir légal attribué par la fonction, le grade ou le statut, pouvoir
qui confère de prendre des décisions, d'exiger et d'exercer cette fonction
dans un cadre institutionnellement défini. La seconde émane de la
1.1. Penser la personne dont elle désigne l'influence, l'ascendant, le rayonnement. Elle
relation d'ac- correspond plus ou moins au sentiment de cohérence dégagé par une
compagnement personne entre ce qu'elle dit, ce qu'elle fait et ce qu'elle est.
ses enjeux dans
le champ de Derrière l'idée d'auctoritas se trouve l'idée de puissance et d’auctor,
l'éducation autrement dit l'auteur1, « celui qui accroit, qui fait pousser ». Aliquem
Maëla Paul augere (qui pourrait se situer en principe d'accompagnement) désigne
la tâche et le souci éthique de rehausser quelqu'un, de le faire croitre, de
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le mettre en valeur.

La définition que donne l'Encyclopédie Universalis2 de l'autorité


souligne l'élément relationnel (ou intersubjectif ). La dimension de la
reconnaissance, sans être explicite, y est présupposée, puisqu'il n'est
pas nécessaire de recourir à la force. Dit autrement, l'autorité est un fait
relationnel tout en supposant un rapport intime de chacun avec ce qui
le fonde : elle nait « du dedans » et augmente, accroit dans l'interaction
de soi avec soi et avec ce qui est autre que soi. Ainsi peut-on décrire
Sommaire l'autorité comme une puissance de dépli procédant au déploiement de
soi. C'est en ce sens qu'elle est l'essence même du changement.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

L’autorité dont on parle ici est donc émancipatrice : c'est une influence
positive et libératrice, une action indirecte qui vise à susciter « en »
l'autre (et non pas à agir « sur ») : ce n'est pas une volonté qui s'impose,
mais une volonté qui s'allie et éclaire une liberté qui se cherche plus
qu'elle ne la régente, une influence temporaire qui travaille à sa propre
éclipse et n'attend rien en retour pour s'exprimer et s'accomplit dans un
acte de reconnaissance mutuelle3.

1 Alors que le terme « acteur » est issu d'agere


« pousser devant soi », « conduire », « agir ».
2 « L'autorité est le pouvoir d'obtenir, sans recours à la contrainte physique,
un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis ».
3 Eirick Prairat, Autorité et respect en éducation, Le
portique.revues.org, Consultation 2006.

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1. L'accompa- Quelle proximité entre accompagnant et accompagné ?


gnement, une Toute relation comprend fondamentalement deux éléments : le
notion utile lien et le rapport. Ces deux éléments renvoient à deux modes de
pour l'école ? socialité. Le lien est du côté de la socialité primaire dont le type est
le lien par voisinage, par proximité et affinités, quand le rapport
renvoie à la socialité secondaire dont le type est le mode marchand
1.1. Penser la qui suppose la distanciation. Le rapport est du côté de l’institué, et
relation d'ac- donc des rôles : médecin/patient, vendeur / client, professeur / élève,
compagnement professionnel / bénéficiaire. Le lien est du côté de l’instituant dynamisé
ses enjeux dans
au travers de modalités de dialogue « de personne à personne ».
le champ de
l'éducation Ces deux éléments sont toujours mêlés, l’un constitue le contrefort de
Maëla Paul l’autre. Cela suppose donc, comme accompagnant, de bien identifier
au nom de quoi je me situe dans la proximité d’un autre. Car ma parole
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n’aura pas la même teneur si elle est prise au nom des places instituées
et des rôles attribués, ou si je parle de personne à personne, de sujet à
sujet, dans une situation de dialogue instaurant de la réciprocité. Si le
professionnel est reconnu légitime pour assumer la fonction qui lui a
été attribuée, c’est en incarnant une posture en dialogue qu’il devient
accompagnant.
On mesure la portée de ce qui est en jeu au travers de l’accompagnement :
retourner le rapport en lien, autrement dit l’aliénation en émancipation.
Cette possibilité a bien sûr à voir avec l’attention, l’art de retourner
Sommaire
la connaissance de l’autre en reconnaissance. L’émancipation est un
processus collectif et se réalise « avec » les autres, car il faut au moins
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

être deux pour créer des liens. Nous ne nous émancipons pas seuls. Un
lien réciproque s’établit dès lors que l’attention, la confiance et l’écoute
partagées contrebalancent le rapport. Si l’autre refuse le lien, nous
ne pouvons rester en relation que par des rapports, des contrats, des
échanges et du respect.
Ce renversement suppose d’adosser, à la personne « juridique », la
personne « éthique », autrement dit la personne en son humanité.
Car seule l’éthique, au lieu d’interdire et de condamner, en posant
l’hypothèse d’autres manières de faire, me permet de prendre position
dans une situation, m’oriente et m’aide à décider comment agir. Il n’y
a effectivement de sujet que se constituant à travers des pratiques
d’assujettissement ou des pratiques d’émancipation.

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1. L'accompa- 1.2.Vers une clinique de


gnement, une
notion utile l’accompagnement ?
pour l'école ?
Martine Lani-Bayle
Par le rapprochement entre la clinique et l’accompagnement,
l’auteure nous montre comment enseigner peut se
concevoir autrement que suivant la représentation la
plus répandue, la transmission. Réinterroger la relation
enseignant-enseigné serait un préalable à toute mise en
place de dispositifs visant à accompagner l’élève.
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« Quelques termes anciens comme « maitre » ou « directeur spirituel »


perdurent (revisités) aux côtés de ceux de la modernité : « coach, tuteur
de résilience, médiateur, auditeur » (accompagnement du changement
dans les organisations), « maitre-accompagnateur » ou « expert-
accompagnateur ». Mais les termes anciens qui puisent leur légitimité
dans la verticalité et donc la filiation, notamment celle du savoir et de
l’interdit (des pères réels ou symboliques) ont perdu en force et en nombre
Sommaire
à côté de ceux liés à « l’accompagnement » proche de l’horizontalité
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

et des pairs, à peine asymétrique, où celui qui accompagne est le plus


souvent supposé être dans un non-savoir d’où est censé jaillir une co-
création, dans l’inter-dit, plutôt que dans l’interdit ». (Marie-Françoise
Bonicel)
L’idée et la pratique d’accompagnement, ou plutôt et les pratiques,
plus exactement, qui font florès depuis quelques années, surtout
en formation d’adultes, et de façons très variées voire parfaitement
contradictoires, ne peuvent qu’interroger. La remarque étant analogue
du côté de la démarche clinique, quoique plus difficilement acceptée
voire reconnue, la tentation est grande de voir en quoi ces deux termes
se rapprochent voire se répondent, en tout cas se touchent. Que signifie
donc cette soudaine prolifération pour l’un comme pour l’autre de
ces termes ? Venue du monde des adultes, a-t-elle contaminé dans la
foulée le monde de l’enfance et de l’enseignement ? Accompagner sur

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les chemins du savoir, plutôt que l’apporter-imposer tout fait, est-ce


1. L'accompa- possible ? Comment, par quelles démarches ?
gnement, une
notion utile Du côté de l’accompagnement
pour l'école ?
« Je n’entends pas ici "accompagnement" au sens d’une présence
physique […]. Je vise par là une réalité psychique. »1
1.2. Vers une
Si ces pratiques dites d’accompagnement sont récentes en formation,
clinique de l’ac-
compagnement ? l’origine de la démarche se perd dans la nuit des temps, née dans le
Mar tine monde ouvrier et artisan par la culture du geste et de l’œuvre que l’on
Lani-Bayle retrouve dans les légendes les plus anciennes. L’ainé accompagne son
disciple pour transmettre son art, en cela se construit l’homme articulant
le travail de la main et de la pensée, qui se développent conjointement.
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Cette activité séculaire est nourrissante : étymologiquement, le


compagnon est celui avec qui l’on partage le pain.
Cette origine a donné lieu en France, à partir de 1719, au
« compagnonnage », nom donné au temps du stage professionnel
d’un compagnon chez son maitre puis désignant, de façon plus large,
un groupement d’entraide, de protection, d’éducation, de transmission
de connaissances. Le versus, en quelque sorte, de l’instruction. Le
Sommaire « modèle » de ce type de compagnonnage est celui des prestigieux et
toujours actuels « Compagnons du Devoir du Tour de France ».
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Retrouve-t-on quelque inspiration de ces origines dans l’actuel


éclatement des pratiques d’accompagnement que l’on peut repérer
aujourd’hui, toutes tributaires de contextes variés, et jusqu’à parler
de leur « saturation sémantique » (Éducation permanente, 2002) ?
Deviennent-elles, comme le suggère Gaston Pineau, des parangons de
la formation ? Dans ce kaléidoscope, on repère les mots de transmission,
transition, validation, un renvoi pour certain vers des valeurs éthiques
ou cliniques dont nous allons parler ensuite, mais aussi des dérives
technicistes ou volontaristes, dans lesquelles l’autre, l’accompagné,
reste classiquement sommé d’appliquer ce qui lui est dit ou montré
(conseillé…) de faire, sous couvert acceptable…
Quoi qu'il en soit, ce concept qui, au sens le plus proche de son
étymologie, chemine bien avec celui de formation dans son aspect
anthropologique, permet dès lors d’envisager une vie au processus de
1 Cécile Delannoy, Élèves à problèmes, écoles à solutions ?, ESF, 2000.

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formation des adultes, et c’est bien là qu’il est le plus ouvertement à


1. L'accompa- l’œuvre, glissant même depuis peu vers le monde des étudiants et à
gnement, une
notion utile l’université.
pour l'école ? Mais nous ne le trouvons encore que rarement dans le monde de
l’enfance ou de l’école. Dans École : changer de cap ? (2007) qui pourtant,
présente des démarches innovantes au vrai sens du terme et donc
1.2. Vers une
clinique de l’ac- minoritaires, pour, comme ils l’indiquent en sous-titre, contribuer à une
compagnement ? éducation humanisante, c’est-à-dire ne plus privilégier le produit sur
Mar tine le processus, il n’est cité dans aucun titre de parties ni de chapitres,
Lani-Bayle
et rarement dans le texte. Par exemple, page 167, il est utilisé en tant
que « demande d’accompagnement » pour enseignants en difficultés,
l’accompagnateur étant alors un tiers extérieur à l’équipe concernée.
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Il apparait en titre d’un chapitre chez Cécile Delannoy (2000) : « La


qualité de la relation, l’accompagnement du jeune dans la durée »
(pages 143-156). Cette fois donc c’est le jeune qui est visé, sous forme
d’un accompagnement interne tel que l’a défini le psychanalyste
Jacques Lévine (cf. citation en exergue de cette sous-partie).
J’ai pourtant trouvé ce terme dans une publication plus ancienne (1998)
à propos de l’adolescence (Christian Philibert et Gérard Wiel), en lien
Sommaire
cette fois avec une politique de projet telle que la propose Jean-Pierre
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Boutinet. Dans un cadre d’éducation permanente de l’adolescence


au 3e âge, ils triangulent cette fonction en fonction enseignement, la
mieux, sinon la seule prise en compte à l’école ; fonction formation,
déjà de bien moindre considération dans la scolarité ; et fonction
accompagnement dont la prise en compte pourrait rééquilibrer les deux
précédentes, permettant de respecter trois exigences de la personnalité
de l’adolescent en devenir : « recevoir un enseignement, être formé et
être accompagné dans le projet de soi » (page 75). Dans ce triptyque,
la pratique de l’accompagnement consiste à créer ces « lieux de parole
réservés aux adolescents, détachés de leurs parents, lieux de vie où l’on
s’engage dans sa parole librement, où l’on ose s’exprimer verbalement,
se dire pour devenir plus vrai d’une parole parlante plus que parlée,
responsable, qui ouvre l’avenir dans l’évènement d’un dire nouveau,
inhabituel » (préface de Bernard This au livre de Claude Bizet, Parler pour
exister, Chronique sociale 1993).

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L’accompagnement en ce sens accompagne peut-on dire l’enseignement


1. L'accompa- et la formation, sans pour autant y contribuer directement. Déjà, il
gnement, une
notion utile s’apparente à la démarche clinique en tant qu’échange de parole entre
pour l'école ? sujets.

Du côté de la clinique
1.2. Vers une « La clinique [est] une éthique de construction du savoir et de sa
clinique de l’ac-
compagnement ?
transmission. »2
Mar tine Ce terme est apparu en médecine, origine qui en perturbe toujours
Lani-Bayle l’interprétation actuelle. Il est construit en effet à partir de la racine
grecque Kline qui signifie « au chevet » et évoque l’attitude du médecin
qui a besoin, non seulement d’observer ou de palper le malade, mais
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

de l’écouter (sur l’origine et le ressenti des malaises, leur contexte…)


et ce afin, non pas encore de soigner, ce qui interviendra dans un
second temps, mais de procéder en amont au diagnostic : pour cela, il
y a nécessité de croisement, par le biais du langage, entre les savoirs
médicaux distanciés et les savoirs de vie incarnés du malade. Cette co-
construction s’élabore sans position surplombante des premiers sur les
deuxièmes, mais avec des positions différenciées, afin de produire une
troisième sorte de savoirs qu’aucun – le malade mais aussi le médecin
Sommaire
– ne pourrait construire seul et sans tenir compte de ce que l’autre sait.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

C’est en tout cas la base de signification retenue pour l’usage de cette


démarche dialoguée-dialoguante, c’est-à-dire dialogique.
Si nous oublions maintenant le côté médical, nous voyons combien
ce modèle s’applique à la lettre aux objectifs de la posture
d’accompagnement présentée plus haut. Et l’on voit combien il peut se
prêter aux objectifs d’enseignement-apprentissage, car il s’agit, à la base,
d’une forme d’écoute attentive impliquée et impliquante qui vise à la
formation d’un savoir nouveau à la faveur d’une relation questionnante
interactive entre deux ou plusieurs personnes. Un savoir issu d’un
mouvement de conscientisation partagée et qui serait différent dans
toute autre circonstance. Un savoir où chacun a besoin de l’autre pour
sortir d’un état d’ignorance relative, un savoir qui n’aurait pu s’élaborer

2 Mireille Cifali, Mariette Théberge et Michelle Bourassa (dir.), Cliniques


actuelles de l’accompagnement, Savoir et formation, 2010.

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chacun de son côté et dont la constitution est l’objectif de la mise en


1. L'accompa- place de cet échange.
gnement, une
notion utile En formation, la démarche clinique est intéressante dans la mesure où
pour l'école ? elle est au plus proche du vécu des situations étudiées (elle sert ainsi
la professionnalisation) et se montre en soi productrice de savoirs. Elle
est également adaptable dans l’enseignement dès les tout premiers
1.2. Vers une
clinique de l’ac- niveaux. Il arrive même qu’elle y prenne place spontanément, par
compagnement ? moments, sans être toujours pensée ni nommée ainsi. Très exigeante
Mar tine car sensible, elle présente pourtant de nombreuses limites, notamment
Lani-Bayle
sonores, quand le groupe d’apprenants est nombreux, son vecteur
privilégié étant l’échange de paroles ; limites également du fait de son
imprévisibilité (elle est la hantise de tout « plan de cours »). Par ailleurs
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en tant que démarche pédagogique ouverte et accueillante, si elle a


tendance à renforcer et valoriser la personne dans son estime propre,
elle peut tout autant se montrer propice au réveil des failles des plus
fragiles et nécessite à ce titre vigilance et contenance. C’est là que
l’accompagnement au plus proche des personnes prend toute sa valeur.

Cette autre approche de l’enseignement


est-elle vraiment possible ?
Sommaire
« On mesure toute l’exigence de cette posture clinique liée à la mise en
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

œuvre d’un accompagnement éducatif qui ne saurait faire l’impasse sur la


dimension éthique qui fonde son action. » (Christophe Niewiadomski)
Lorsque j’étais en classe de 4e, à ma grande surprise un enseignant
a procédé à l’envers des habitudes : au lieu de faire la leçon
traditionnellement, puis de demander de l’apprendre et de commencer
le cours suivant en la faisant réciter, à l’identique des phrases du cours,
cet insolite enseignant nous donnait des billes à l’avance. Car le soir
chez nous, nous n’avions pas à apprendre la leçon précédente, mais à
prendre connaissance de la suivante ! Aussi arrivions-nous en cours
avec des éléments en poche voire des questions, qui nous permettaient
d’entrer d’emblée en voie dialoguante avec le professeur qui dès lors,
n’était plus le seul détenteur des savoirs puisqu’il nous y avait donné
accès avant. Résultat : à la fin d’une séance active d’échanges, nous
savions la leçon sans avoir eu besoin de l’apprendre. Dire qu’il se posait
ainsi en accompagnateur de notre construction de savoirs ?

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Plus tard, j’ai donné des cours particuliers de mathématiques, physique


1. L'accompa- et chimie tous niveaux, soit de la 6e à la terminale. Autant dire que
gnement, une
notion utile j’ai vite expérimenté le principe du « maitre ignorant », sans connaitre
pour l'école ? encore Jacotot (cf. Rancière 1987) : non seulement j’étais interpellée sur
des points de programme choisis par les élèves en fonction de ce sur
quoi ils avaient buté – et je ne le savais pas à l’avance, donc je n’avais
1.2. Vers une pas la possibilité de préparer ou réviser (ce qui les étonnait, ils pensaient
clinique de l’ac-
compagnement ? qu’un professeur ne pouvait enseigner qu’après préparation et qu’on ne
Mar tine pouvait le sortir de son sujet du jour impunément) ; mais aussi, surtout
Lani-Bayle en mathématiques, il m’arrivait d’être sollicitée sur des thèmes que je
n’avais jamais vus, suite aux changements de programmes. Or je ne
pouvais me permettre de laisser mes élèves en rade, leur faire attendre
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la séance suivante pour que j’aie eu le temps d’apprendre/tester ce qu’ils


me demandaient de leur enseigner : ils en avaient besoin tout de suite.
Donc bien souvent, j’étais en situation d’enseigner un programme que je
ne connaissais pas, ou que je ne maitrisais pas ou mal. Beau challenge.
Seule méthode pour faire face : la bascule, c’est-à-dire demander aux
élèves, qui, eux, avaient suivi le cours leur ayant posé problème – même
s’ils l’avaient mal saisi –, et avaient ainsi une bonne longueur d’avance,
Sommaire de le reprendre avec moi. Je les mettais donc en situation d’enseignant :
ils me faisaient la leçon, suivant pour cela leur manuel et/ou leurs
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

notes de cours. Et en arrivant vers les endroits délicats pour eux, je leur
demandais de m’expliquer ce qu’ils n’avaient pas compris, de refaire
le chemin, et nous essayions ensemble de dépasser la difficulté. En
général, ils y arrivaient assez bien sans que j’aie beaucoup à intervenir,
et sans même s’en rendre compte sur le coup. Ce qui était encore plus
efficace. Ils n’étaient plus le mauvais élève, mais l’enseignant et donc,
envisageaient la question bien autrement. Et moi, moins je connaissais
tel point du programme, plus il m’interpellait : j’étais ainsi bon public
et en écho, ils se transcendaient. J’ai d’ailleurs vite réalisé que j’étais
meilleure pour accompagner ces points qui m’intéressaient-intriguaient,
parce que je les possédais mal ou pas et qu’ils attisaient ma curiosité,
que pour simplement enseigner ceux qui n’avaient plus de secrets pour
moi et à propos desquels j’avais tendance à accélérer le mouvement, à
aller trop vite et peu les écouter-impliquer, puisque j’étais déjà rendue
ailleurs que la question posée. De leur côté, j’ai réalisé combien ils

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apprenaient mieux en enseignant qu’en rabâchant ou en ressassant


1. L'accompa- – ou en faisant répéter – ce qu’ils n’avaient pas compris. Mon levier
gnement, une
notion utile pédagogique était ainsi de me mettre à leur écoute, d’envoyer les pré-
pour l'école ? savoirs aussi de leur côté, de maintenir l’ignorance également du mien,
pour construire ensemble les savoirs requis par leur programme. Une
démarche « clinique », déjà. Un « accompagnement » à l’œuvre, aussi.
1.2. Vers une Qui a dit que ce serait compliqué voire utopique ?
clinique de l’ac-
compagnement ? Cela nécessite juste de laisser l’arrogance ou la certitude de ses supposés
Mar tine savoirs au vestiaire et de composer, dans la dissymétrie des places,
Lani-Bayle
certes, mais en parité absolue avec les sujets-apprenants, quels que
soient leur niveau et leur âge, fussent-ils des enfants. Pas de hiérarchie
entre savants et ignorants, donc, mais des échanges de savoirs de part
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et d'autre, différenciés, dans un objectif particulier à partager. C’est cela,


le « co- » du compagnon, l’avec de la clinique.

Martine Lani-Bayle
Professeure en sciences de l ’éducation
Université de Nantes

w w w. l a n i bay l e. com

Sommaire B ib lio grap hie


les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Basco L. & Cote F., Accompagner l’étudiant. De la connaissance de soi à la


construction de la personne, Chronique sociale 2010.
Castéra B. de, Le compagnonnage, Que sais-je n° 1203, PUF 1988 (92).
Chappaz G. (dir), Accompagnement et formation, éd. CNDP/CRDP Marseille,
1998.
Chemins de formation n° 10-11, « La démarche clinique en formation et
recherche », Téraèdre, 2007.
Cifali M., Giust-Desprairies F. (dir), De la clinique. Un engagement pour la
formation et la recherche, De Boeck, 2006.
Cifali M., Theberge M. & Bourassa M. (dir), Cliniques actuelles de
l’accompagnement, Savoir et formation 2010.
Delannoy C., Élèves à problèmes, écoles à solutions ? ESF 2000.
Éducation permanente n° 153, « L’accompagnement dans tous ses états » ;
« Pratiques d’accompagnement » (supplément), 2002-4.
Lani-Bayle M., « Pour une pédagogie de la parole et de l’écoute », Cahiers
pédagogiques n° 410, 2003.
Morin E., Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil 1999.

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1. L'accompa- Pistes pour un accom-


1.3.
gnement, une
notion utile pagnement éducatif utile
pour l'école ?
Jean-Michel Zakhartchouk
PPRE, accompagnement éducatif, aide personnalisée :
quel rôle jouent ces dispositifs dans le cadre d’un véritable
accompagnement des élèves ? Sont-ils des moyens d’échapper à
l’accompagnement dans la classe et à la nécessaire différenciation
de la pédagogie ? À quelles conditions peuvent-ils être efficaces ?

Jean Houssaye stigmatisait, déjà en 1998, « le soutien contre la


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pédagogie différenciée », tous ces dispositifs qui dispensaient en fait


du changement des pratiques1… Au fond, pourquoi devrait-on se
préoccuper de méthodologie, d’attention aux élèves les plus en difficulté,
d’aide permanente aux apprentissages, alors qu’il y a « des heures pour
ça » ? Pourquoi différencier la pédagogie au lieu d’avancer, tous au même
rythme, tant pis pour ceux qui ne suivent pas (ou plutôt, ce n’est pas
grave, ils auront des « remédiations »…) ? Il est tentant alors de rejeter
radicalement ces dispositifs, de les qualifier de « rustines », de palliatifs
Sommaire
trompeurs ou de machines de guerre contre le collectif de la classe où
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

toutes les difficultés devraient pouvoir se traiter.

Il y a des marges d’action


Je ne puis être en accord avec des positions radicales de refus. Sur
le terrain, on s’aperçoit qu’on peut utiliser malgré tout ces dispositifs
comme des tremplins et non comme des palliatifs.
Je prendrai ici l’exemple de l’accompagnement éducatif. On sait qu’il a
été constitué essentiellement au départ pour « occuper » les élèves,
soi-disant « orphelins de seize heures ». J’évoque dans mon livre Pour
un accompagnement éducatif efficace le scénario noir où se cumulent
tous les points négatifs de ce dispositif : des heures assurées par des
personnels bien souvent non formés, sans vrai travail d’équipe et de
coordination avec les enseignants de la classe ; une organisation floue
et contreproductive ; l’illusion que cela va résoudre les problèmes des

1 Jean Houssaye, « Le soutien va-t-il tuer la pédagogie différenciée ? »,


in Cahiers pédagogiques n° 376-377, septembre 1999.

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devoirs pas faits et des leçons non apprises et même des compétences
1. L'accompa- non acquises. L’accompagnement éducatif joue alors le rôle d’un Zorro qui
gnement, une
notion utile évite de se poser les problèmes de l’apprentissage dans les cours, comme
pour l'école ? nous l’avons dit en introduction, et qui constitue alors une réponse facile
face aux parents désemparés : « Il n’a qu’à aller à l’accompagnement
éducatif ». Ce « scénario noir » est, hélas, trop fréquent.
1.3. Pistes pour
un accom- Mais j’évoque aussi des cas où l’accompagnement éducatif est conçu
pagnement dans le cadre d’une stratégie globale, dans un vrai projet d’établissement,
éducatif utile
avec un examen en conseil pédagogique, un regard et une évaluation du
Jean-Michel
Zakhar tchouk
travail qui se fait dans l’accompagnement éducatif.
Il est certes consternant qu’aucune évaluation autre que quantitative
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n’existe sur ce dispositif. Mais on peut malgré tout dégager les conditions
d’un accompagnement pertinent, et on sait qu’une nouvelle politique
éducative qui peut voir le jour dans un jour prochain devrait s’emparer
de la question autrement qu’en termes de déversement de moyens
financiers. Je me contenterai ici donc de dresser quelques-unes de ces
conditions, qui renvoient à de nombreux exemples qu’on trouvera aussi
dans ce hors-série.

L’accompagnement éducatif après le cours peut être positif si :


Sommaire
• Il intervient en « complément du cours », avec suivi, aller-retour
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

avec les professeurs de la classe, et en particulier s’il s’intègre à un


travail par compétences. Il peut être un lieu de validation de ces
compétences, de travail ciblé sur certaines d’entre elles. On n’est plus
dans le simple accomplissement « taylorien » du « métier d’élève ».
• Il y a « complémentarité avec les associations d’aide ou avec
l’animation culturelle locale ». On connait des endroits où
l’accompagnement éducatif a cassé un travail existant. L’application
dogmatique du principe que l’école doit être absolument son propre
recours et un certain scolarocentrisme font oublier tout ce que
peut avoir de positif un accompagnement extérieur à l’école, qui ne
dispense pas forcément celle-ci de sa mission et implique la société
(retraités, étudiants, etc.). Il y a là un clivage fort avec certains, y
compris parmi des proches, qui survalorisent le rôle de l’école. Un
autre cadre, d’autres intervenants, pourquoi pas ? Il y a de la place
pour tous, non ?

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• Une vraie réflexion existe sur « les contenus de l’accompagnement ».


1. L'accompa- Là encore, il ne s’agit pas d’aider à « faire » des devoirs, mais bien
gnement, une
notion utile en faisant ses devoirs ou à travers d’autres activités, de travailler
pour l'école ? les méthodes, l’attention, la mémorisation, la compréhension des
consignes, etc. Il est utile de développer des moments réflexifs, même
si au début on peut se heurter à la demande spontanée des élèves
1.3. Pistes pour et des familles qui espèrent une rentabilité à très court terme qui est
un accom-
pagnement illusoire et trompeuse.
éducatif utile • On « diversifie les formes de l’accompagnement », et l’expression
Jean-Michel dramatique, le jeu, l’atelier d’écriture ont alors toute leur place, non
Zakhar tchouk
pas comme moments récréatifs ou de défoulement, mais comme
moyens d’apprendre. L’auteur de ces lignes confesse avoir tellement
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plus appris avec deux heures de théâtre hors cours chaque semaine
que durant d’ennuyeuses heures de français de la seconde à la
terminale !
• On mène, nous l’avons dit plus haut, une « politique cohérente
d’établissement » avec une réflexion sur le travail à la maison (À
quelles conditions celui-ci est-il fructueux ? Y a-t-il une politique
commune ?) ou sur la place de la culture dans le projet (le facultatif
et l’obligatoire, etc.)
Sommaire
• On établit un « cahier des charges pour les intervenants ». Il ne semble
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pas scandaleux de demander par exemple à ceux-ci un petit rapport


sur leurs activités. Les projets de contenu doivent aussi être quelque
part examinés en conseil pédagogique. Des réunions d’harmonisation
doivent avoir lieu régulièrement.
• On mène une « politique forte d’incitation pour les élèves qui ont
des difficultés ». On ne se contente pas de prendre les volontaires ou
de laisser partir ceux qui ne veulent plus venir en accompagnement
éducatif. Un des gros problèmes de cet accompagnement, c’est qu’il
ne touche pas toute une catégorie d’élèves et cela a été pointé de
manière sévère (mais juste) par la Cour des comptes2

2 Le rapport indique aussi que ces dispositifs d’aide « ne peuvent en fait devenir
réellement efficaces dans la lutte contre la difficulté scolaire qu’à la condition d’une
redéfinition claire de leurs fonctions respectives, d’un pilotage académique et local
fort, de la mise à disposition d’outils efficaces de repérage de la difficulté scolaire,
d’une implication importante des corps d’inspection, ainsi que de l’instauration
d’habitudes de travail différentes entre enseignants pour parvenir à un diagnostic et
un travail communs ».
Télécharger le rapport de la Cour des Comptes

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Enfin, l’accompagnement éducatif ne peut se passer d’une vraie


1. L'accompa- « formation des intervenants », formation à la fois technique (ingénierie
gnement, une
notion utile pédagogique) et réflexive (Que veut dire accompagner ? Comment relier
pour l'école ? accompagnement et travail par compétences ? Comment « aider à se
passer d’aide » ? Accompagner « autrement » ?). Formation diversifiée,
qui est particulièrement intéressante quand elle prend la forme de
1.3. Pistes pour journées locales, mais peut ensuite être prolongée par de l’auto-
un accom-
pagnement formation et de la mutualisation d’expériences.
éducatif utile
Même si toutes ces conditions ne sont pas réunies, l’accompagnement
Jean-Michel
Zakhar tchouk
éducatif peut cependant fonctionner de manière intéressante :
des rapports différents se nouent entre enseignants et élèves, des
enseignants sortent de leur cadre strictement disciplinaire, des familles
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retrouvent de la confiance dans l’école qui leur propose cette aide…


Même imparfait, cet accompagnement peut avoir des retombées
positives.
En revanche, si aucune de ces conditions n’est réunie, si
l’accompagnement éducatif est un simple moyen d’offrir un complément
de rémunération à de jeunes (ou moins jeunes) enseignants et à faire
croire que là est la solution aux difficultés des élèves (et le discours
Sommaire ministériel va bien dans ce sens), alors il s’agit d’une supercherie qu’il
faut dénoncer.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Mais on peut espérer une vraie interrogation sur l’articulation cours-hors


cours qui permettrait de se centrer sur un accompagnement efficace
et démocratisant, ce qu’il est encore bien loin d’être aujourd’hui. Les
nombreux contacts que j’ai eus suite à la publication de mon livre à
travers interventions et conférences montrent que la perplexité coexiste
avec la volonté d’avancer, les deux étant absolument nécessaires dans
le contexte difficile que nous connaissons !

Jean-Michel Zakhartchouk
Professeur de collège à Creil
Auteur de Pour un accompagnement éducatif
efficace, CR AP- CRDP Amiens, 2009

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1. L'accompa- 1.4.Quoi de neuf à


gnement, une
notion utile la rentrée 2010 ?
pour l'école ?
Sylvie Grau
La réforme du lycée se met en place à la rentrée 2010 avec
l'arrivée de l'accompagnement personnalisé en seconde
générale. S'agit-il d'un dispositif isolé ou d'une politique
générale ? À partir de la circulaire de rentrée 2010 et quelques
textes officiels, nous allons voir comment la question de
l'accompagnement et de l'aide apparait aux différents niveaux
de la scolarité. Cette lecture interprétée n'a que la prétention
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de vous faire réagir et mettre en écho votre propre lecture.

« La transmission des savoirs est la mission fondamentale de l'Éducation


nationale. Elle se réalise grâce au travail du professeur, à ses connaissances,
à son autorité bienveillante. L'institution vient en soutien de ce travail par
des politiques publiques qui visent à l'épanouissement de l'élève par le
savoir et par la relation à autrui et à la collectivité. L'objectif de réalisation
Sommaire de l'égalité des chances est le premier apport de l'école à l'accomplissement
des idéaux de la République. »1
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Transmission de haut en bas…


Ce qui est pratique avec les textes officiels, c'est qu'on peut y lire ce
qu'on a envie de lire. Dans cet extrait on peut mettre l'accent sur la
première phrase et en conclure que la transmission des savoirs est
prioritaire sur tout autre objectif. C'est alors le savoir qui est au cœur
de l'apprentissage et non plus l'élève, transmettre ne suppose pas que
l'Éducation nationale ait à prendre en charge l'apprentissage. Dans cette
perspective il n'est pas question d'aider ou d'accompagner, on donne
et chacun est responsable de prendre ou non. L'égalité des chances est
bien une valeur prise en compte puisqu'on prendra la précaution de
donner la même chose à tous. L'élève a au départ les mêmes chances.
S'il ne saisit pas cette chance, par manque de travail ou d'efforts, il ne
sera pas méritant et passera à côté d'études prestigieuses. Conception

1 Voir la circulaire de préparation de rentrée 2010

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idéale, qui fait que l'élève en échec est convaincu qu'il est responsable
1. L'accompa- de cet échec et que l'élève en réussite attribue cette réussite à ses
gnement, une
notion utile efforts. Conception qui fait que l'école reproduit les inégalités sociales
pour l'école ? tout en les justifiant.
Quelle est alors la représentation que l'enseignant doit se faire de son
métier ? La deuxième phrase le précise : il doit travailler, avoir des
1.4. Quoi
de neuf à la connaissances, être autoritaire tout en restant bienveillant. On ne précise
rentrée 2010 ? pas en quoi consiste le « travail » de l'enseignant, mais il semble qu'il
Sylvie Grau ne s'agisse que d'un travail personnel, pour accroitre ses connaissances,
dans la continuité des études jusqu'au niveau master. L'autorité apparait
comme une qualité naturelle plutôt qu'acquise par une formation
professionnelle. Par contre, le terme de « bienveillance » employé à
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propos des attitudes du « bon enseignant » est plutôt nouveau. Il


introduit celui d'accompagnement, c'est-à-dire qu'il nie le surplomb et
le jugement pour basculer dans la compréhension, la relation.

ou épanouissement de l'élève ?
On peut aussi focaliser la lecture de cet extrait sur cet aspect et la
définition qui suit du rôle de l'école : l'épanouissement de l'élève par le
savoir et par la relation à autrui et à la collectivité, avec comme objectif
Sommaire
l'égalité des chances, cette fois considérée comme un principe d'équité.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Sauf que l'objectif d'émancipation n'apparait pas dans le texte comme


celui de l'enseignant dans sa classe, mais comme celui de l'institution,
de l'école au sens large. Ce qui peut aussi se lire de deux façons : soit
l'enseignant est acteur de cet épanouissement, soit son rôle se réduit
à transmettre le savoir. Qui alors dans l'institution est chargé de cet
objectif ? Les directeurs, proviseurs, principaux, inspecteurs, c'est-à-dire
des personnes intervenant localement ? Le ministre par l'intermédiaire
des moyens, des réformes, des programmes ? Que faut-il entendre
par « politiques publiques » ? Une politique globale venant des
représentants de l'État ou des politiques locales fruits de l'autonomie
donnée aux établissements ? En fait, ce passage peut servir à justifier
les objectifs de l'État dans la mise en place des réformes du moment
ou à donner le cap des décisions locales que les établissements devront
prendre.

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Au primaire
1. L'accompa-
gnement, une Dans le primaire sont évoqués :
notion utile • L'aide personnalisée et le stage de remise à niveau : éventuellement
pour l'école ? avec les enseignants du RASED et les professeurs surnuméraires.
• Les PPRE : objectifs précis, évaluations régulières, implication élève
1.4. Quoi et famille.
de neuf à la
rentrée 2010 ? Il est précisé que la « personnalisation » n'est pas opposée aux
Sylvie Grau interactions et à la dynamique collective, ce qui laisse supposer que
l'aide personnalisée ne signifie pas une relation duelle enseignant-
élève et peut s'appuyer sur les interactions entre élèves, et peut même
s'inscrire dans le cadre du groupe classe.
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L'accompagnement éducatif apparait dans le cadre de l'éducation


prioritaire et suppose « une articulation entre aide sur le temps scolaire
et accompagnement hors temps scolaire ».
On rappelle le rôle du livret de compétences.

Au collège
Rien de spécifique n'apparait concernant l'aide ou l'accompagnement.
Sommaire Pas de nouveautés, mais pas question non plus de renforcer les objectifs
ou de tirer des leçons de l'évaluation de dispositifs déjà mis en œuvre.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

La circulaire de rentrée ne parle pas de l'accompagnement scolaire


au collège qui consiste en deux heures proposées quatre jours par
semaine.

Au lycée
La réforme de la classe de seconde est précisée. Il s'agit « d'un
accompagnement personnalisé effectué par tous les enseignants »,
ce qui signifie donc interdisciplinarité, utilisation du CDI, dispositifs
de tutorat et de stages. L'accompagnement englobe du soutien dans
une ou deux disciplines, mais aussi l'orientation. Il n'est pas précisé le
rôle particulier du professeur principal, ni l'utilisation des heures de
vie de classe dont le statut n'a pas été remis en cause par la réforme.
L'horaire est fonction de ce qui reste des réductions de groupes qui,
normalement, sont possibles dans toutes les disciplines, mais doit être
au moins de deux heures par semaine pour tous les élèves, soit quatre

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heures / professeurs au minimum. Les décisions se font au sein de


1. L'accompa- chaque établissement et les disparités sont importantes, à la fois dans
gnement, une
notion utile la mise en œuvre, dans les modalités de discussion et de mise en débat
pour l'école ? de la question, comme dans les modalités de prises de décision. Le
temps n'a pas toujours été donné pour évaluer les dispositifs déjà mis
en place, et parfois depuis de nombreuses années, pas plus que pour
1.4. Quoi former les enseignants et les directions à l'accompagnement, ni qu'à la
de neuf à la
rentrée 2010 ? gestion et mise en place d'espaces de travail collaboratif entre collègues,
Sylvie Grau entre personnels, entre établissements. Aucun outil n'a été donné
pour évaluer les besoins et chaque bassin ou chaque établissement a
organisé à sa manière la rentrée de septembre. Si certains enseignants
ont choisi d'être acteurs de cette réforme, l'accompagnement risque de
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servir d'ajustement des services à un moment où il devient impossible


de concevoir des collègues en sous-service. Encore une fois ce sont les
interventions qui demandent le plus de formation professionnelle, de
travail d'équipe, de connaissances à la fois disciplinaires, didactiques,
des textes, des dispositifs institutionnels, des parcours d'orientation, de
la gestion des entretiens, des partenaires extérieurs, etc. qui risquent
d'être confiés aux collègues les moins impliqués ou les moins formés.

Sommaire Quelle logique d'ensemble ?


les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Le concept d'accompagnement ne semble donc pas avoir une logique


interne sur la durée de la scolarisation. Il s'appuie sur les livrets de
compétences jusqu'au lycée et vise à aider les élèves en difficultés
tout en favorisant l'autonomie, le développement de compétences
transversales à travers des projets. Le collectif est possible sans être une
obligation.
Au lycée, l'accompagnement s'adresse à tous et a pour objectif principal
la réalisation d'un projet d'orientation. Il n'est plus question de livrets de
compétences, mais plutôt de remise à niveau hors temps scolaire sans
lien prévu entre les différents intervenants, ni évaluation des dispositifs.
L'aide individualisée qui existait jusqu'à cette rentrée se limitait à des
élèves volontaires au nombre de huit maximum, l'accompagnement
personnalisé n'est plus « individualisé » et on risque fort de mettre un
enseignant devant une classe entière sur ces heures pour permettre à
d'autres moments un effectif réduit sur une aide plus ciblée, mais sur

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des temps courts et morcelés. En tout cas, il faudrait clairement dire aux
1. L'accompa- familles que l'accompagnement n'a rien de près ou de loin à voir avec
gnement, une
notion utile le « cours particulier » qui reste aux yeux des parents l'aide idéale pour
pour l'école ? leur enfant. Pour modifier cette conception, il faudrait proposer une
aide efficace dans la classe, mais ici encore efficace en terme de quoi ?
D'apprentissages ou de réussite ? D'épanouissement ou d'orientation ?
1.4. Quoi D'émancipation ou d'employabilité ? Tant que nous n'avons pas une
de neuf à la
rentrée 2010 ? politique claire sur ces principes, nous pourrons continuer à interpréter
Sylvie Grau comme bon nous semble les textes au risque d'en faire le meilleur
comme le pire.

Sylvie Grau
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Professeure de mathématiques en lycée à Or vault (Loire -Atlantique)

Sommaire
Textes de références :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• Stages de remise à niveau : circulaire n° 2010-010 du 29 janvier 2010.


• Tutorat : circulaire n° 2010-011.
• Accompagnement éducatif : circulaire 2007-115 du 13 juillet 2007 ;
2008-080 et 81 du 5 juin 2008.
• Circulaire interministérielle 2008-361 25 juillet 2008 REAAP, réseau
d'écoute d'appui et d'accompagnement des parents.
• Besoins particuliers :
• Arrêté 17 aout 2006 enseignants référents.
• Circulaire 2006-126 du 17 aout 2006 pour les PPRE.
• Décret 2009-378 du 2 avril 2009 pour la scolarisation des élèves
handicapés.

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2. À l'école primaire
2.1.Comment accompagner
les apprentissages
dans la classe ?
Benoît Becquart
Se mettre en face des élèves peut leur boucher la vue sur
l'essentiel, les apprentissages. Un outil de type « portfolio
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d’apprentissage », dans le cadre d’une classe coopérative,


permet de se positionner plutôt à leurs côtés, pour leur
indiquer le chemin, les inviter à réfléchir sur le parcours.

En 2002, dans un article1 des Cahiers pédagogiques présentant la pratique


du « journal des apprentissages », Jacques Crinon affirmait que : « Les
élèves en échec sont souvent ceux qui ne saisissent pas l’enjeu des tâches
scolaires. L’école ne leur apparait pas comme un lieu où ils vont comprendre
Sommaire
le monde et avoir prise sur lui, mais comme un lieu où on fait des exercices
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

et où on se situe par rapport aux désirs de l’enseignant ». Alors enseignant


dans une école en REP, en charge d’une classe de CE1, je me posais
effectivement la question du rapport de mes élèves aux apprentissages.
Ceux-ci ne travaillaient-ils pas surtout pour répondre aux désirs de
l’enseignant ? Comment faire pour que les élèves aient conscience de
ce qu’ils sont en train de faire ? Pour qu'ils travaillent pour apprendre, et
pas seulement parce que l’enseignant leur a demandé ? Pour que je me
situe en accompagnateur de leurs apprentissages ?
J'ai recouru aux ceintures de la pédagogie institutionnelle et à l’usage
du portfolio pour tenter de répondre à ces questions, en offrant un
accompagnement au plus proche des besoins individuels dans le cadre
d’un enseignement collectif, celui de la classe, celui de l’école.

1 Jacques Crinon, « Le journal des apprentissages », Les représentations


mentales, Hors-série des Cahiers pédagogiques, septembre 2000.

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La démarche des ceintures2 : du plan de


2. À l'école travail au cahier de travail personnel
primaire
L’outil « ceintures de la pédagogie institutionnelle » m’était en partie
familier : je l’utilisais comme support à l’évaluation des compétences de
lecteur. Mais c’est en découvrant la démarche PIDAPI3 qu’une réflexion et
un travail plus important se sont mis en place. D’échanges en échanges,
2.1. Comment
accompagner les
sur le temps de concertation, mais aussi sur le temps personnel de
apprentissages chacun, l’école s’est dotée d’un outil commun de suivi des acquisitions.
dans la classe ?
Pour chaque domaine d’activité des piliers 1 et 3 (mathématiques), des
Benoît Becquar t
ceintures et leurs brevets sont créés et utilisés dans les classes.
Le plan de travail est l’outil que nous utilisons pour programmer au
mieux l’individualisation des parcours d’apprentissage. Il se matérialise
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par un document écrit et individuel qui doit aider les élèves à planifier
leur travail, bien sûr, mais aussi les inviter à mener une analyse réflexive
sur celui-ci. Ce document est aussi le support à l’entretien d’explicitation4
individualisé. Ces entretiens sont ritualisés, planifiés sur le calendrier de
la classe. Deux fois par période, chaque élève rencontre l’enseignant de
la classe pour parler des apprentissages. Le travail personnel en est le
terreau, le prétexte.
Sommaire Le travail personnalisé proposé à chacun des élèves répond à trois
priorités :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• un entrainement sur des notions déjà mises en évidence lors de


situations d’apprentissage. Il s’agit le plus souvent de fiches de travail
reprenant les items des brevets, mais cela peut être des activités
rituelles telles que jeux de cartes, lecture répétée, etc. ;
• une remédiation proposée à un groupe d’élèves suite à des besoins
identifiés. L’activité est guidée par l’enseignant, contrairement à
l’entrainement sur fiche, ou aux activités autonomes ;

2 La démarche des ceintures est un outil issu de la pédagogie institutionnelle


imaginée par Fernand Oury. Voir l’article de Sylvain Connac dans les Cahiers
pédagogiques n° 438, décembre 2005 : « Les ceintures en classe coopérative ».
3 PIDAPI : Parcours individualisé des apprentissages en pédagogie institutionnelle,
outil proposé par Sylvain Connac. http://pidapi.free.fr/dotclear/index.php.
4 cf. article de Pierre Vermersch, « L’entretien d’explicitation »,
Les PPRE, nouveau visage de l’aide personnalisée, Hors-série
numérique des Cahiers pédagogiques, janvier 2007.

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• une situation d’apprentissage spécifique à une ceinture en particulier,


2. À l'école et par conséquent proposée à un groupe restreint d’élèves. Là aussi,
primaire
l’atelier est guidé par l’enseignant.
Un bilan d’utilisation du plan de travail a confirmé la pertinence de
cet outil dans l’organisation du travail des élèves. Néanmoins, des
améliorations devaient être apportées. La partie réflexive était censée
2.1. Comment
accompagner les amener les élèves à une analyse de leurs apprentissages, de manière
apprentissages à ce qu’ils en deviennent acteurs, qu’ils s’approprient leur parcours
dans la classe ?
et puissent le matérialiser. Pourtant, lors des entretiens, j’observais
Benoît Becquar t
peu de modifications du comportement des élèves. Très peu d’entre
eux étaient capables de verbaliser des réussites, des besoins, des
difficultés. Par contre, ceux qui avaient travaillé pour la rédaction d’un
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article pour le journal scolaire avaient des questions, des besoins. Ils
étaient capables d’exposer des éléments de leurs démarches : réussites,
difficultés, blocages, découvertes… Par cette objectivation, une prise
de conscience naissait. Elle semblait facilitée lorsque le support de la
réflexion métacognitive portait sur un projet de travail contextualisé.
Ce constat me confortait dans l’idée que l’entretien devait s’appuyer
sur des situations complexes suffisamment porteuses de sens et
Sommaire intrinsèquement motivantes.
Nous avons donc cherché un moyen de faciliter les entretiens
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

d’explicitation, de favoriser l’analyse réflexive des élèves sur leurs


réussites et sur les travaux choisis, enfin de les engager dans l’auto et la
co-évaluation.

La démarche de portfolio
Tout en conservant les atouts de l’outil « ceintures », une place plus
importante devait être donnée à l’évaluation authentique5. Nous avons
mis en place un cahier « travail personnel », embryon d’une démarche
de type portfolio6. Cet outil engage les élèves dans une analyse

5 « C’est une évaluation qui se base sur des situations signifiantes proches de la
vie courante. L’évaluation authentique accorde de l’importance au processus, soit
les stratégies, la démarche d’apprentissage, les essais et erreurs, la méthodologie
utilisée, les interactions avec les pairs ». (Louise Dore, Nathalie Michaud, Libérata
Mukarugagi, Le portfolio, évaluer pour apprendre, Chenelière/McGaw-Hill)
6 Une des définitions couramment citées est celle de Paulson et coll. qui
considèrent le portfolio comme « une collection significative des travaux de
l'élève illustrant ses efforts, ses progrès et ses réalisations, dans un ou plusieurs
domaines » (Paulson et coll., 1991, cité et traduit par Goupil, 1998).

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métacognitive de leur parcours d’apprentissage. Il s’accompagne


2. À l'école d’entretiens d’explicitation qui s’appuient sur des traces d’apprentissage
primaire
choisies.
Ce cahier, pensé en équipe, comporte aujourd’hui six parties :
• « Mes apprentissages » : en début d’année, l’élève est invité à
2.1. Comment mettre en mots ce qu’il pense savoir faire, connaitre… Plusieurs
accompagner les fois dans l’année, il renseigne le document « Bilan de ce que je
apprentissages
sais » matérialisant l’évolution annuelle des progrès en coloriant les
dans la classe ?
Benoît Becquar t
ceintures obtenues pour chacun des domaines.
• « Mes plans de travail » : collés les uns après les autres, c'est le
premier support des entretiens d’explicitation, et ils fournissent la
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base d’une communication école-famille indispensable. Suite aux


passages de brevets, l’enseignant identifie pour chaque élève sa
ceinture ainsi que les priorités de travail ceinture par ceinture. Les
parents ont la possibilité de commenter ce plan de travail.
• « Mes réussites » : l’élève y met tous les travaux d’entrainement
aux brevets qu’il aura réussis (seul ou avec de l’aide), ainsi que tous
les travaux du « jour » qu’il souhaite retenir pour matérialiser ses
apprentissages et présenter lors des entretiens d’explicitation. Ceux-
Sommaire
ci sont sélectionnés parmi les activités quotidiennes. Dans tous les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

cas, les élèves sont invités à s’entraider. Cette entraide est favorisée
et facilitée par une carte « à l’aide ». Le tableau des ceintures affiché
en classe permet aux élèves de trouver rapidement un tuteur à qui
s’adresser.
Lorsqu’un élève a réalisé un travail, qu’il l'ait ou non fait corriger par
un pair, il doit le déposer dans la boite aux lettres rouge accompagné
d’une fiche « auto-évaluation ». Ces travaux ne sont pas corrigés par
l'enseignant, mais annotés, puis placés dans la boite aux lettres blanche.
Chaque matin, le facteur commence sa journée par la distribution
du courrier. Cet outil évite les moments de classe pendant lesquels
beaucoup d’élèves sollicitent l’enseignant en même temps pour une
correction. Comme il n’est pas possible de venir voir tout le monde
en même temps, de nombreux élèves prennent l’habitude d’attendre
passivement qu’on s’occupe d’eux. Avec la boite aux lettres, personne
n’attend, dès qu'un travail est terminé, l'élève peut passer au suivant. Le

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retour de courrier invite l'élève à le lire. Le dispositif favorise le retour


2. À l'école réflexif sur un travail fait et annoté par l’enseignant : c'est à partir de ce
primaire
retour que l'élève sélectionne les réussites qu’il collera dans la rubrique
du même nom du cahier. Il en est de même pour les écrits du cahier du
jour.
• « Mes travaux personnels » : ce sont des écrits réalisés dans le cadre
2.1. Comment
accompagner les d’une tâche complexe : exposé, défi intellectuel, préparation d’une
apprentissages lecture, participation à un projet, construction d’objet, recherches
dans la classe ?
mathématiques, etc. Il s'agit d'écrits de recherches, notes, brouillons,
Benoît Becquar t
documentaires, production finale. Là aussi, l’entraide et les échanges
coopératifs et réflexifs sont favorisés.
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• « Moi et les autres » : les élèves placent dans cette partie les
documents utilisés ou produits pour la construction de la
connaissance de soi et des autres, les supports au développement
de l’estime de soi, les écrits liés aux débats à visée philo, etc. Il s’agit
de conserver la trace des activités qui visent à aider l’élève à mieux
se connaitre et se situer par rapport aux autres.
• la « communication avec la famille » : c’est dans cette rubrique que
l’enseignant rassemble toutes les traces ou documents supports au
Sommaire
travail réalisé en partenariat avec la famille. On y trouve les PPRE,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

des notes de ce qui s’est dit lors d’une rencontre avec les parents, un
bilan des absences, etc.

Variété et différenciation
Ainsi appliqué à l’ensemble des classes et proposé à tous les élèves
du CP au CM2, le cahier de travail personnel assure la continuité des
parcours de chacun. À l’échelle de la classe, différents temps s’articulent.
Les élèves tirent avantage d’une diversité d’organisation pédagogique :
travail individuel, groupes de besoins, groupes hétérogènes, tutorat
(chacun possède une carte-passeport qui lui permet de faire appel à
un tuteur, personne-ressource identifiée comme compétente), groupe-
classe. Afin de favoriser le travail réflexif, les élèves sont invités à ne pas
travailler seuls. L’hétérogénéité est un levier. Les interactions sociales
sont largement utilisées dans la construction des savoirs. Le statut de
l’enseignant est modifié. Il devient médiateur, celui qui s’assure que
les représentations de chacun émergent, circulent, s’affrontent pour

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se modifier. À l’échelle de l’école, la mise en place des ceintures et des


2. À l'école plans de travail dans chacune des classes a doté les enseignants et les
primaire
élèves d’un langage et d’outils communs sur l’ensemble de la scolarité
élémentaire. Il est devenu plus facile d’organiser des regroupements
d’élèves sur d’autres critères que celui de l’âge. De même, des inclusions
d’élèves d’une classe à l’autre sont plus simples à organiser. L’offre
2.1. Comment d’organisations et de dispositifs de différenciation s’est accrue au
accompagner les
apprentissages bénéfice d’une capacité d’accompagnement au plus proche des besoins
dans la classe ? et des profils de chacun. Dans le cadre de l’aide personnalisée, le plan
Benoît Becquar t de travail donne un cadre d’intervention de la remédiation et de l’aide
précis, ciblé et évaluable. Il peut également devenir le support de ces
temps d’aide institutionnalisés.
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Utilisés à ces trois niveaux, les ceintures, le plan de travail et les


entretiens d’explicitation coordonnent les différents temps scolaires, et
participent à la construction d’une vision systémique et cohérente de
l’école et de ses activités. Ils font entrer les élèves et leurs enseignants
dans une logique de parcours.

Un travail d’équipe pour une autre organisation


L’ensemble des outils mis en œuvre engendre une évolution des postures
Sommaire
de l’enseignant et autorise la dévolution que Brousseau définit par : « Ce
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

n’est plus moi qui veux, c’est vous qui devez vouloir, mais je vous donne ce
droit parce que vous ne pouvez pas le prendre tout seul ». Mais accepter de
ne plus considérer l’enseignant comme le seul et unique détenteur des
savoirs, comme celui qui les évalue, est aussi angoissant que d’accepter
d’en prendre la responsabilité. On ne peut dès lors faire subir aux élèves
un changement de paradigme d’une année sur l’autre. Il me semble
absolument nécessaire que l’ensemble des enseignants harmonisent
leurs outils et pratiques. Le travail d’équipe et les échanges sont d’autant
plus essentiels qu’il est nécessaire d’accompagner les enseignants
néophytes. Les besoins de formation sont grands. Par exemple, mener
des entretiens d’explicitation ne s’improvise pas. Pour autant, l’équipe
doit se donner les moyens de pérenniser leur mise en œuvre pour
garantir l’efficience et l’essence des dispositifs. Ceux-ci nécessitent de
solides habitudes de travail, de rigueur et d’esprit coopératif qui sont
si longues à installer que les effets positifs réels n’apparaissent que

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lors de la deuxième année. Il faut savoir accepter de perdre d’abord du


2. À l'école temps. Ce type de fonctionnement repose sur l’usage de la coopération,
primaire
l’entraide et le tutorat. Les regroupements « multi-âge » permettent de
tirer partie des richesses offertes par la classe coopérative et deviennent
vite un outil pédagogique supplémentaire au service de l’enseignant.
Comme pour de nombreux autres dispositifs, l’efficacité de cet
2.1. Comment
accompagner les accompagnement repose sur une contractualisation. Si certains élèves
apprentissages sont capables de s’engager personnellement, pour beaucoup le rôle
dans la classe ?
des parents est indispensable. Le cahier de travail personnel offre cet
Benoît Becquar t
espace de communication avec eux. Au même titre que l’enseignant
et l’élève, ils sont invités à exprimer leur avis à propos du travail et des
apprentissages de leur enfant à la suite de chaque bilan. Ce partenariat
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est difficile à mettre en œuvre et est souvent sous-estimé par les


parents. Il impose un effort de communication et de présentation de la
part de chacun des enseignants.
Fort de cette expérience, les élèves se questionnent, et même s'il leur
est évidemment difficile d’identifier l’objet de l’apprentissage, le simple
fait de devoir s’arrêter et se retourner pour regarder les traces de leurs
activités d’apprentissage modifie en profondeur leur statut. Plus que la
Sommaire réponse, c’est la démarche de questionnement qui importe. Ils ne sont
plus des apprenants passifs, mais deviennent des acteurs : ceux qui
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

veulent.

Benoît Becquart
Conseiller pédagogique

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2. À l'école Maitre E et maitre


2.2.
primaire
de classe : comment
agir ensemble ?
Audrey Calviac, Gwenola Lebel,
Charlotte Menet, Céline Vincendon
Pas de solution magique dans la collaboration entre
l'enseignant de la classe et l'enseignant spécialisé, pas
de solution unique non plus : il faut tisser les temps,
les activités, au plus près des besoins des élèves.
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Tu es maitre E, tu fais partie d’un Rased, comment expliquerais-tu ton


travail ?
Le maitre E est responsable de l’aide spécialisée à dominante
pédagogique. Nous ne sommes pas dans du soutien, mais bien dans
une aide à l’apprentissage, une remédiation. Il s'agit d'aider l’élève à
se poser des questions essentielles, à verbaliser, expliciter, structurer sa
Sommaire
pensée : pourquoi apprend-il ? Comment apprend-il ?
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Nous avons également un rôle de coordination des aides et des


partenaires autour de l’enfant en difficulté à l’école.
Actuellement, la grande majorité des maitres E travaille essentiellement
en regroupement d’adaptation : les élèves sont sortis de la classe et
travaillent dans le local du maitre E.

En quoi votre fonctionnement de Rased est-il particulier ?


L’inspecteur de notre circonscription souhaite que son équipe de maitres
E intervienne prioritairement au sein même de la classe. Nous avons
donc cherché des façons de nous positionner ainsi.
Depuis plusieurs années, les textes officiels insistent sur la collaboration
entre maitres de classe et maitre E, les liens entre la classe et le
regroupement, et le transfert des compétences. La circulaire de 20021

1 Circulaire 2002-113 du 30 avril 2002 : « Les dispositifs de


l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le premier degré ».

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souligne que le fait de travailler ensemble « favorise le perfectionnement


2. À l'école et l'ajustement des techniques, la pertinence de l'interprétation des faits
primaire
ainsi que la conception d'actions pédagogiques et éducatives adaptées aux
individus et aux groupes. Cette collaboration entraine des modifications des
attitudes individuelles et collectives devant les difficultés des élèves, ainsi
qu'une meilleure compréhension de leur situation ».
2.2. Maitre E et
maitre de classe : Comment, concrètement, cela se passe-t-il ?
comment agir
ensemble ? Il est possible d’aider en classe, hors classe, mais aussi d’alterner les
Audrey Calviac deux modalités.
Gwenola Lebel
Charlotte Menet Le maitre de classe repère les élèves qui restent en difficulté malgré
Céline Vincendon la mise en place d’aides spécifiques. Il fait alors une demande d’aide
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

au Rased. Un membre du Rased vient observer l’élève dans sa classe,


s’entretenir avec l’enseignant, évaluer l’élève. Si l’élève a besoin d’une
aide spécialisée, le maitre E rencontre les parents avec le maitre de
classe et ils mettent ensemble en place un projet d’aide individualisé.

Un exemple d’élève…
Jordan : de l'aide, mais plutôt au sein de la classe…

Sommaire Lors de l’entretien-rencontre avec Jordan, il m’avait répondu par la négative


lorsque je lui ai demandé s’il était d’accord pour que je l’aide à progresser
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

en sortant de la classe avec d’autres élèves. Assez déroutée par cette


réponse inhabituelle, j’en ai discuté avec sa maitresse, mais l’ai sorti quand
même avec le groupe. Jordan est alors très agité. Il se laisse facilement
distraire, a beaucoup de mal à écouter les consignes jusqu’au bout et
n’accepte pas de se tromper. Il ne se concentre que très peu de temps, et
son extrême tonicité empêche les autres élèves du groupe de travailler.
Lorsque j’interviens en classe lors d’une activité globale d’écriture et sous le
regard de sa maitresse, Jordan sait se maitriser. Il se concentre davantage.
La réalisation de l’intention induite par le projet d’écriture est un moteur
pour lui. Il fait preuve de progrès notables. Il rentre dans la conception
alphabétique, et malgré de nombreuses lacunes en connaissance du
code, il semble éprouver beaucoup de plaisir à jouer avec l’assemblage
des phonèmes à l’oral comme des graphèmes à l’écrit. Comme il me
l’avait exprimé à sa façon, le contexte socio-affectif et cognitif de la
classe me parait convenir mieux à Jordan que le travail en regroupement
d’adaptation.

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Comment fonctionne le maitre E hors classe ?


2. À l'école
primaire Généralement, le maitre E a un local où il se rend avec son groupe
d’élèves pour une séance de quarante-cinq minutes à une heure trente.
Il travaille avec eux par pédagogie de détour. Il a à la fois un projet
de groupe et un projet individuel pour chaque élève, projet construit
en concertation avec le maitre de classe. On peut choisir de se situer
2.2. Maitre E et
maitre de classe : en rupture avec les apprentissages de la classe pour amener l’élève à
comment agir prendre du recul sur certaines notions, procédures ou stratégies.
ensemble ?
Audrey Calviac
Certaines habiletés doivent être isolées pour y porter davantage
Gwenola Lebel d’attention, avant d’être recontextualisées : je pense aux activités
Charlotte Menet systématiques, comme la mémorisation du lexique initial ou
Céline Vincendon
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

l’automatisation du décodage.
On peut également faire vivre certains apprentissages avec le corps, par
le jeu, avoir des moments de connivence avec le plaisir pour principal
objectif (écouter un album, être ensemble, se parler…). Les élèves
peuvent avoir besoin du côté sécurisant du petit groupe pour restaurer
leur désir d’apprendre ou pour oser s’affirmer, retrouver leur « estime de
soi ».
Mais en sortant de la classe, l’enfant est privé d’un des temps
Sommaire
d’apprentissage de la classe. Se pose également le problème du transfert
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

des compétences acquises en petit groupe.

Comment travailler en classe ?


Lorsque je travaille en classe, les élèves que j’aide sont réunis autour
d’une table. Cette position permet de participer avec les autres
au lancement et à la mise en commun de l’activité. Elle facilite les
interactions et l’utilisation d’un matériel propre au petit groupe, adapté
aux besoins particuliers, tout en veillant à garder l’identité de maitre E.

Quel est l’intérêt de rester en classe ?


Pour l’élève :
• L’enfant est en situation de réussite « en présence de son enseignant
de référence et de ses pairs ; [cela permet de] changer son statut dans le
groupe et [de] l’aider à sortir de son image d’élève en difficulté »2. Il est
2 Laurent Lescouarch, La nouvelle revue de l’adaptation
et de la scolarisation, n° 38 – 2e trimestre 2007.

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important de montrer à l’enfant comme aux autres élèves qu’il peut


2. À l'école réussir à l’intérieur de sa classe ;
primaire
• L’harmonisation des outils est systématique : l’enfant a à sa disposition
tous les référents construits en classe (sous-main, affichages, cahiers,
textes vus, livres…). Pour les stratégies nécessitant le recours aux
référents de la classe, il est très profitable à l’enfant d’avoir tout à
2.2. Maitre E et
maitre de classe : sa disposition dans le contexte réel de ses apprentissages ; le travail
comment agir d’accès à l’autonomie est directement favorisé ;
ensemble ?
Audrey Calviac
• Certains trouvent les interactions d’un grand groupe plus riches. Ces
Gwenola Lebel échanges peuvent se faire en début et fin de séance, mais également
Charlotte Menet à un moment choisi avec le maitre de classe ;
Céline Vincendon
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• Pour les autres élèves, le fait de sortir les enfants en difficulté de la


classe peut les interroger. Ne pas les faire quitter la classe permet
aux « autres élèves de "démystifier" ce moment particulier offert aux
élèves en difficulté »3 ;
• Le transfert des acquisitions est plus difficile à opérer quand il y a
changement de contexte ;
• Certains enfants bénéficient déjà de suivis extérieurs multiples ; est-il
Sommaire judicieux de les sortir encore une fois ?
Pour les enseignants :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• Il y a également harmonisation du discours des maitres : au niveau


du contenu, de la méthodologie, de la terminologie…
• Voir l’enfant fonctionner en classe permet de mieux cerner la nature
des obstacles qu’il rencontre. Nos deux regards posés sur cet enfant
enrichissent l’image que nous avons de lui. Être ensemble au même
moment offre aux deux maitres l’occasion d’un échange ;
• L’enseignant peut désirer connaitre les pratiques du maitre E. Il pourra
alors mieux comprendre ce qu’est le travail d’aide pédagogique ;
• Pour le maitre E, travailler au contact d’élèves « à niveau » lui permet
de rééquilibrer son regard et de mieux apprécier les difficultés des
élèves qu’il suit ;

3 FNAME (Fédération nationale des associations des maitres E), Compte rendu
des deux réunions d’échanges « Le travail en classe du maitre E », Texte AME 91.

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• Intervenir ensemble donne une dynamique et permet un


2. À l'école enrichissement mutuel des pratiques.
primaire
Mais alors quelles sont les difficultés à travailler en classe ?
Cette forme de travail suscite beaucoup de questionnements et de
remises en question aussi bien pour le maitre E que pour le maitre de
2.2. Maitre E et classe !
maitre de classe :
comment agir • De nombreux maitres E considèrent que le bruit est la première
ensemble ? difficulté. Nous choisissons un moment de co-intervention qui
Audrey Calviac tolère une certaine activité de classe du fait de la confrontation des
Gwenola Lebel
Charlotte Menet productions et de la dynamique de recherche ;
Céline Vincendon
• Tous les enseignants n’acceptent pas l’intervention d’un autre adulte
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

dans leur classe ;


• Le maitre de classe a des attentes légitimes, mais qui peuvent parfois
être de l’ordre de la délégation : « Prends-le. Moi je n’y arrive plus. C’est
ton travail, les élèves en difficulté ». Pas toujours évident de concevoir
que c’est ensemble que nous allons travailler, pour son élève…
• Certains élèves sont attirés par ce qui se passe dans l’autre groupe,
et n’arrivent pas à se concentrer sur la tâche qui est la leur. Je vis
Sommaire
cela dans presque chacune des classes dans lesquelles j’interviens, et
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ce phénomène a davantage lieu lors des premières séances ;


• Le temps de concertation est la difficulté majeure : la grande
majorité des maitres auxquels je propose de travailler au sein de
leur classe est ouverte au travail d’équipe, mais peu entrent dans
la démarche de concertation. Ne pas se voir entre deux portes,
mais amener l’enseignante de classe à prendre le temps de s’assoir,
pour croiser les regards et définir les rôles respectifs. D’autant plus
que cette concertation est censée être très régulière pour ajuster
les interventions. Les maitres de classe manquent de temps pour se
rencontrer et réfléchir ensemble ;
• L’identité de maitre E : la remise en cause. Si le regroupement
d’adaptation est un lieu qui semble plus sécurisant pour l’enfant, je
pense qu’il l’est également pour le maitre E. Il est en effet difficile
de se mettre dans une nouvelle forme de travail qui peut risquer de
remettre en question notre identité professionnelle.

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2. À l'école Un exemple d'élève…


primaire Maëva : des bienfaits du petit groupe
Maëva ne veut pas grandir. Elle nous le dit lors d’un entretien avec ses
parents, alors que nous nous inquiétons de son manque d’implication
dans les apprentissages. « Je veux retourner en grande section », « C’est
trop dur ». Le message est explicite, d’autant plus que Maëva parle très
2.2. Maitre E et
maitre de classe : peu d’habitude... Elle avait commencé par vouloir aller jouer dans un coin
comment agir pendant que nous parlions, puis après avoir accepté de revenir s’assoir,
ensemble ? avait gardé la tête baissée tout le long de l’entretien.
Audrey Calviac Maëva aurait sans doute besoin de l’aide d’un maitre G pour l’aider
Gwenola Lebel
à devenir élève, à restaurer l’image qu’elle a d’elle-même et son désir
Charlotte Menet
Céline Vincendon d’apprendre. Cependant, je pense que n’ayant pas de maitre G, son
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

intégration dans un petit groupe d’élèves en difficulté relevant de E peut


lui être bénéfique. En effet, les quelques séances que j’ai eues avec Maëva
ont fait apparaitre un plaisir évident à venir dans le groupe hors classe.
Elle semble se trouver en sécurité et ose davantage s'exprimer. Le temps
de mon intervention en classe n’a pas le même impact. Le contexte de la
classe semble l’enfermer dans le regard que les autres ont d’elle, et dans
celui qu’elle a d’elle-même : l’échec. Elle est sans cesse renvoyée à des
situations douloureuses d’apprentissage. Elle se montre passive, n’osant pas
s’exprimer. Le petit groupe lui permet également de changer le regard que
Sommaire les autres avaient posé sur elle. Maëva s’est fait une amie dans le groupe et
ne reste plus seule dans la cour.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Les liens avec la classe ne sont pas oubliés pour autant, car l’objectif
est que Maëva s'y sente mieux. Ces liens devront être reconstruits
progressivement. La collaboration avec le maitre de classe, comme le
rappelle Pascal Ourghanlian, n’est pas moins importante : « Sortir un élève
de la classe (...) n’est pas un acte anodin. Mettre en place une remédiation
sur la base d’un projet individualisé doit se faire quand les difficultés sont
installées et dans un cadre partenarial bien défini. »1

1 Pascal Ourghanlian, Comment la mission de prévention confiée au


maitre E peut-elle ouvrir un espace de collaboration avec le maitre de la
classe ?, Mémoire, CAAPSAIS Option E – Session de juin 2004.
Lire le mémoire en ligne

Y a-t-il des conditions nécessaires au bon fonctionnement de ce travail ?


Oh oui ! Au sein de notre équipe Rased, nous sommes toutes arrivées à
la conclusion que, pour préserver l’identité de chacun des maitres, il est
nécessaire de se créer un espace de travail commun et contractualisé
avec le collègue chez qui nous intervenons.

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C’est le maitre de la classe qui connait le mieux ses élèves, et j’attends de


2. À l'école lui qu’il m’aide à mieux les connaitre. J’apporte un regard différent, celui
primaire
du maitre spécialisé, suite aux observations en classe, aux entretiens
avec l’élève et aux évaluations que j’ai pu faire. Nous établissons donc
en amont du travail avec le maitre de classe un petit contrat qui rend
explicite notre fonctionnement commun et respectif, mais surtout
2.2. Maitre E et le projet commun que nous avons pour les élèves en difficulté. Cela
maitre de classe :
comment agir permet à chacun des acteurs de clarifier ses propres fonctions. Ces
ensemble ? objectifs consignés sont une base de travail fonctionnelle et cohérente,
Audrey Calviac qui permet à chacun de prolonger son travail en l’absence de l’autre
Gwenola Lebel
Charlotte Menet tout en restant dans une même logique d’action pour l’enfant.
Céline Vincendon Et qu’en est-il de la combinaison des deux modalités ?
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Il est possible d’alterner les modalités « en classe » et « hors classe »


pour assurer un transfert continu et conserver des liens étroits avec
ce qui est fait en classe. Nous nous sommes mis d’accord avec chaque
enseignant de classe pour que cette façon d’intervenir puisse se réaliser
de manière très souple, en fonction des besoins des élèves. Un échange
à la fin de chaque séance donne la possibilité de moduler la suite de
l’intervention.
Sommaire
Voici un exemple. Je commence à travailler avec un groupe de CP. Après
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

une observation en classe des élèves dont je m’occupe, j’ai souhaité


les sortir pour la première séance, dans le but de faire connaissance
avec eux, et de permettre au groupe de se constituer en tant que tel.
Je souhaitais ne pas négliger l’étape essentielle de la rencontre. Il me
semble difficile, dans l’enceinte de la classe, de définir nos objectifs avec
les élèves.
Nous avons choisi avec l’enseignante de travailler sur un projet
d’écriture. La mise en route du projet se fait en classe. Tous les élèves
sont concernés. La dynamique du groupe est telle que nous choisissons
de poursuivre ensemble la séance suivante. Nous constatons que les
élèves de mon groupe ont tous de réelles difficultés avec la notion
de mot. Je choisis de les sortir la séance suivante pour provoquer un
conflit sociocognitif dans un lieu calme. Ce changement de lieu peut
aider l’élève à prendre du recul, à se distancer mentalement pour mieux
se regarder agir. Il permet également de faire le point et de se donner

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de nouvelles perspectives. De retour en classe, nous faisons des liens,


2. À l'école l’objectif étant le transfert des compétences, et ce éventuellement par
primaire
l’explication aux autres élèves de ce qui a été vécu en petit groupe. On
peut ainsi offrir au groupe aidé une position valorisante. C’est une place
non habituelle pour eux. Ils sont « meneurs » d’activité, et informateurs
du travail effectué en groupe d’aide.
2.2. Maitre E et
maitre de classe : Je choisis, dans les deux contextes d’apprentissage, de faire produire des
comment agir écrits aux élèves. Ce support est celui qui me semble être le plus aisé à
ensemble ?
mettre en œuvre pour travailler au sein de la classe. C’est une activité
Audrey Calviac
Gwenola Lebel
qui permet de créer un espace commun de travail avec l’enseignante au
Charlotte Menet sein de sa classe.
Céline Vincendon
Quelques mots, pour conclure ?
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Les élèves n’ont pas tous besoin du même environnement cognitif et


affectif pour « faire leur chemin » vers les apprentissages. S’adapter à
leurs besoins, n’est-ce pas entre autres être capable de les accompagner
au sein même du contexte d’apprentissage qui leur sera le plus
adapté ?
Avec notre équipe de Rased, nous visons essentiellement à ne pas
externaliser l’aide.
Sommaire
Le travail que nous faisons en classe peut porter ses fruits à long terme,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

car il donne la possibilité au maitre de classe d’observer notre travail de


maitre spécialisé, et de s’approprier des gestes et des outils nouveaux
pour aider ses élèves en difficulté.

Audrey Calviac
Gwenola Lebel
Charlotte Menet
Céline Vincendon
M aitres E, R ased de Valenciennes

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2. À l'école L'aide personnalisée en débats


primaire Le dispositif de l'aide personnalisée mis en place par le ministère en
2008 en même temps que la suppression des cours le samedi matin est
L'aide
personnalisée fortement controversé, jusqu'au refus de nombre d'enseignants de le
en débats mettre en place, quitte à s'exposer à des sanctions de l'administration.
Bien des raisons, que rappellent ici Armelle Legars et Sylvain Grandserre,
viennent à l'appui de ces réticences : « aide personnalisée » est, certes, une
belle expression, mais qui ne suffit pas en soi à en faire un dispositif utile
pour les élèves à qui il est destiné !
Maintenant, comme bien des mesures qui touchent au fonctionnement de
l'école, les pédagogues n'ont guère le choix que de faire avec, de rechercher
les marges de manoeuvre, dans l'intérêt des élèves, et elles existent. À nous
également d'observer avec lucidité, comme le font Christine Félix et son
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

équipe, ou comme témoigne Isabelle Valle, ce qui s'y passe pour nourrir
l'argumentation, la réflexion sur les pratiques.

Une mauvaise solution


2.3.
à un vrai problème
Armelle Legars
Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Que pensez-vous globalement de ce dispositif de l’école primaire ?


Il me parait très mal pensé.
En termes de rythmes scolaires, il n'y a aucune bonne solution : le
matin, le midi, le soir, cela pose toujours des difficultés de fatigue
supplémentaire pour les enfants.
En termes d'organisation : c'est très compliqué pour les parents, pour
les enseignants, pour les mairies parfois.
En termes d'objectifs : on doit viser les élèves qui rencontrent une
difficulté ponctuelle ; d'accord, mais ceux-là sont assez faciles à aider
dans le cadre de l'organisation « normale » de la classe. Donc on
propose souvent le dispositif à des élèves en grande difficulté, avec le
danger de simplement en « rajouter » faute de formation spécialisée. Ces
élèves cumulent d'ailleurs souvent une prise en charge par le Rased, et

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pourquoi pas un suivi au CMPP ou par un orthophoniste… : comment


2. À l'école construire une cohérence entre toutes ces interventions ?
primaire
L'aide En termes de communication : le message envoyé aux élèves concernés
personnalisée et à leurs parents, même en prenant des gants, est négatif. Cela
en débats ajoute un stress au lieu de dédramatiser les différences de rythme
d'apprentissage.
2.3. Une mauvaise
solution à un
Peut-on y faire des choses intéressantes ?
vrai problème
Armelle Legars Un temps de travail en petit groupe peut ouvrir des pistes intéressantes
pour le travail à l'oral, par exemple, ou en production d'écrit, ou encore
pour travailler la méthodologie ou expliciter des procédures, dans
des démarches de métacognition. Mais, dans ce cas, à peu près tous
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les élèves en ont besoin, c'est donc un travail qui devrait être fait en
classe… On sort des objectifs, car il ne s'agit pas d'une difficulté
ponctuelle.
Ce temps où la maitresse est plus disponible permet aussi parfois
de modifier les relations avec certains élèves : la proximité permet de
renforcer la confiance. Il faut transformer ce temps supplémentaire en
moment privilégié, avec des rituels rassurants, des moments de parole
Sommaire plus libres que dans la classe, etc. C'est particulièrement vrai avec des
enfants qui ont du mal à être élèves, mais là aussi, on sort des objectifs
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

du dispositif.
Plus généralement, que faut-il faire d'après vous pour accompagner les
élèves en primaire et de façon personnalisée ?
Un exemple qui fonctionne : le dispositif CP renforcé. Un enseignant
supplémentaire intervient à mi-temps sur l'école (et à mi-temps sur une
autre), uniquement dans le domaine de la lecture/écriture. Il intervient
principalement auprès des CP, dans des organisations répondant aux
besoins définis par chaque équipe :
• Deux classes peuvent être réparties en trois groupes hétérogènes
pour diminuer le nombre d'élèves et augmenter ainsi leur temps
d'activité réelle lors des découvertes de texte ou du travail sur les
sons ;
• On peut faire trois groupes de niveaux pour mieux respecter le
rythme de chaque enfant ;

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• L'enseignant supplémentaire peut intervenir en co-animation dans


2. À l'école une classe pendant des séances de production d'écrit par exemple,
primaire
pour aider plus particulièrement certains élèves ;
L'aide
personnalisée • Il peut prendre en charge un petit groupe d'élèves, par exemple en
en débats début d'année, des CE1 fragiles en lecture qui auront du mal à suivre
le rythme du groupe ;
2.3. Une mauvaise
solution à un • Il peut en fin d'année intervenir auprès des élèves de grande section,
vrai problème
pour un travail de renforcement du projet de lecteur par exemple.
Armelle Legars
Ce qui est intéressant dans ce dispositif, c'est la présence continue de
l'enseignant supplémentaire, qui permet d'adapter l'organisation tout
au long de l'année en fonction des besoins des élèves. Faut-il souligner
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que cela demande des temps très réguliers de concertation, qui ne sont
pas prévus dans les temps de réunion ?
Notre IEN avait l'espoir de pouvoir créer un poste similaire pour les CM2
du RAR, en transformant un poste non pourvu du Rased. Ce poste a été
supprimé, donc ce ne sera pas possible... Quant au dispositif CP renforcé,
il est également menacé. D'ailleurs, des évaluations départementales
montraient son efficacité depuis plusieurs années : elles ont été
supprimées également, désormais nous pouvons les faire passer aux
Sommaire
élèves « si nous le souhaitons »…
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Armelle Legars
Professeure des écoles à S aint-Nazaire (Loire -Atlantique)
Propos recueillis par Jean-M ichel Zak har tchouk

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2. À l'école Un dispositif imposé,


2.4.
primaire
L'aide peu efficace et finalement
personnalisée
en débats
contreproductif
Sylvain Grandserre
Que pensez-vous globalement de ce dispositif de l’école primaire ?
Être pédagogue impose de chercher des réponses aux problèmes
rencontrés à l'école. Pour autant, cela ne dispense pas de dénoncer
les solutions hasardeuses qui sont imposées avec des arrière-pensées
économiques et idéologiques telles que celles qui ont prévalu lors de la
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mise en place de l'aide personnalisée.


En supprimant la classe le samedi matin, deux heures d'enseignement
ont été libérées et réaffectées à l'aide personnalisée en sous-entendant
que cela correspondrait au travail d'aide spécialisée des Rased1. L'ancien
ministre de l'Éducation nationale Luc Ferry avait déjà publiquement
expliqué2 comment cette opération – qui honorait la promesse de
supprimer la classe du samedi – allait permettre de récupérer des
Sommaire milliers d'emplois occupés dans les Rased. Bref, le ministre Darcos qui
voulait « diviser par trois » l'échec scolaire a surtout diminué d'autant
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

les moyens qui y étaient dévolus. En prétendant offrir aux parents dans
l'école publique ce qu'ils allaient chercher dans des officines privées, le
ministre a surtout renforcé le crédit de ces dernières. Bref, tout cela me
semble bien trop poli (-tique) pour être honnête !

Peut-on y faire des choses intéressantes ?


Comme souvent depuis 2002, on ne prend pas en compte les constats de
la recherche ni l'expression des enseignants, mais on demande ensuite
à ces derniers de mettre en œuvre les mesures non souhaitées… Car
pour qu'un petit groupe d'élèves bénéficie de cette aide, il faut que tout
le reste de la classe perde vingt-quatre matinées d'école par an ! Pour
mon cours double (CM1/CM2), c'est une perte sèche de six semaines
de classe sur deux ans… Quand on connait la place qu'occupaient le

1 Confusion dénoncée par Laurent Lescouarch :


http://www.meirieu.com/FORUM/lescouarch_rased.pdf
2 Sur Europe 1 le 2 septembre 2008.

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français et les mathématiques sur ce temps, on ne peut que constater


2. À l'école une contradiction avec le prétendu retour aux fondamentaux.
primaire
Quant aux enseignants qui ont tenté d'utiliser autrement ces heures
L'aide
personnalisée prises au détriment de tous les autres élèves, ils ont parfois été
en débats lourdement sanctionnés (Alain Refalo par exemple). Or il n'est pas très
habile de vouloir faire l'éducation sans les éducateurs, abandonnés du
2.4. Un dispositif
coup à l'improvisation (quid de la formation à ce sujet ?). Ainsi, une
imposé, peu
efficace et étude de Jean-Jacques Guillarmé montre que le taux d'efficacité de
finalement l'aide personnalisée est très faible (20 %) comparé à celui des Rased (de
contreproductif
l'ordre de 70 %)3.
Sylvain
Grandserre Pourtant, il serait dangereux d'affirmer qu'un enseignant au travail
avec un petit groupe de ses élèves est totalement impuissant ! Ne
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nions pas le fait que des enfants ont pu être rassurés par cette relation
plus personnelle. Certains se sont approprié les lieux, les outils, ont
pu reprendre la parole, gagner en confiance. Des professeurs en ont
également profité pour « se lancer » en essayant des supports ou
des modalités de travail différents, plus ludiques, plus valorisants.
Tout l'intérêt est de profiter de la petitesse du groupe pour travailler
autrement, en variant la forme (jeux, défis, expression), les supports
Sommaire (informatique, peinture, théâtre) et en multipliant les échanges (plus
grande prise de parole). Il est intéressant également d'enrichir ces
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

groupes en prenant d'autres élèves capables de dynamiser l'ensemble.


Or, il ressort de certains témoignages (notamment d'IEN) que trop
souvent ce dispositif a été utilisé pour faire du soutien sous la forme la
plus classique qui soit, c'est-à-dire celle de la reprise à l'identique d'un
travail de classe. On peut dès lors craindre que la classe soit le lieu où
l'on délivre un cours standard, les élèves décrochés étant priés de se
présenter ensuite à l'aide personnalisée ou au stage de remise à niveau
pendant les vacances, donc en dehors de l'enseignement habituel.
Autant dire que cela n'encourage ni l'innovation ni la différenciation
pédagogique. On peut même se demander quel sens ce travail peut
prendre pour des enfants parfois très jeunes (dès la maternelle) sur un
temps où les autres camarades s'amusent ou se reposent ! Pour travailler
tôt le matin, le midi ou après la classe, il faudrait que les élèves les plus
3 Télécharger la synthèse des conclusions de la recherche FNAREN/
Université PARIS-DESCARTES « L’élève en difficulté scolaire :
aide personnalisée ou aides spécialisées des RASED ? »

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fragiles soient les plus résistants... une hypothèse qui ne résiste pas à
2. À l'école l'observation.
primaire
L'aide Plus généralement, que faut-il faire pour accompagner les élèves en
personnalisée primaire et de façon personnalisée ?
en débats La réponse passe forcément par une réflexion sur l'organisation et
l'aménagement des apprentissages et de la classe (voire de l'école) un
2.4. Un dispositif
imposé, peu peu plus complexe que le simple exposé d'un cours depuis l'estrade.
efficace et S'il est possible de varier ponctuellement les supports de travail en les
finalement
contreproductif adaptant à l'élève, on sait très bien qu'à la longue, cela reste difficile à
Sylvain répéter. En revanche, la différenciation peut être pensée dans la quantité
Grandserre de travail, le temps accordé, les aides possibles (outils, individus dont le
maitre E, affichages, cahier aide-mémoire) ou le réaménagement d'une
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tâche commune (consigne, reformulation, redécoupage, indices).


En élémentaire, une plage horaire peut être accordée quotidiennement
au « plan de travail », phase pendant laquelle chaque élève avance de
manière autonome dans ce qui a été prévu, mais en choisissant l'ordre
des activités : rédaction d'un texte, lecture, fiches de mathématiques,
construction géométrique, utilisation de l'ordinateur. Cela donne de la
souplesse à la classe – les meilleurs élèves pouvant aller plus vite – et
Sommaire libère le maitre, non pas accaparé par les meilleurs, mais enfin disponible
pour ceux qui en ont le plus besoin.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Mais ce n'est pas non plus par un acharnement pédagogique que


l'on aide le plus ces enfants. Il y a également un travail à mener sur
leur statut, l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, leur place dans le groupe
(parole, initiative, responsabilités), autant d'éléments qu'une pédagogie
coopérative (entraide, tutorat, travail à plusieurs, communication,
socialisation du travail) prend en compte. L'équipe éducative a aussi
un rôle à jouer, notamment dans son rapport à la famille. N'oublions
pas que l'apparente anormalité de certains comportements d'élèves se
révèle être au contraire une réaction naturelle et légitime face aux aléas
de leur vie (violence, misère, problèmes affectifs).
Notons tout de même que la suppression de la formation professionnelle
des maitres ne va pas dans le sens de la nécessaire réflexion à mener
pour une mise en œuvre d'organisations plus adaptées, mais également
plus complexes.
Sylvain Grandserre
M aitre d'école en CM1/CM2

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2. À l'école Une occasion à saisir


2.5.
primaire
L'aide pour aider les élèves
personnalisée
en débats
dans le cadre de l'école
Sylvie Cèbe

Que pensez-vous globalement du dispositif d'aide personnalisée mis en


place à l’école primaire ?
De nombreuses études ont mis en évidence que si tous les enfants
naissent libres et égaux en droit, ils ne le restent pas longtemps au
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regard de l’accès aux savoirs scolaires. C’est pourquoi la question qui


se pose aujourd’hui à l’école et à ses enseignants n’est pas de savoir
s’il faut supprimer les différences interindividuelles – dont on s’accorde
pour dire qu’elles sont une richesse –, mais porte sur les mesures à
prendre pour que les différences développementales (socioculturelles,
linguistiques, cognitives, comportementales, affectives…) ne se
transforment inexorablement en difficultés scolaires. Et si l’on admet
que la mission première de l’école est de garantir à tous les moyens
Sommaire
d’apprendre, alors c’est à l’intérieur de celle-ci qu’il convient de mettre
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

en place des solutions concrètes pour atteindre cet objectif. Aussi les
principes sur lesquels repose le dispositif d’aide personnalisée me
paraissent-ils difficilement contestables en ce sens qu’ils offrent à tous
les enfants, quels que soient leur milieu d’origine et les revenus de leurs
parents, la possibilité de trouver, à et dans l’école, l’aide spécifique dont
ils ont besoin à un moment ou à un autre.
Je ne discuterai pas ici la réalité de leur mise en œuvre dans un contexte
sociopolitique qui risque fort de les dévoyer (diminution du temps de
classe, absence de concertation, manque de formation, restrictions
budgétaires, non respect des rythmes de l’enfant, non prise en compte
des contextes et des réalités locales, etc.). En outre, si j’adhère à ces
principes, je rappelle le danger que peut représenter l’aide personnalisée
si et quand elle conduit les enseignants, souvent à leur insu, à « rompre

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le contrat éducatif » qui les lie à l’élève1. Greta Pelgrims montre en effet
2. À l'école que certains enseignants, parce qu’ils diffèrent systématiquement la
primaire
prise en charge de la difficulté scolaire au moment d’aide ou de soutien,
L'aide
personnalisée réduisent les temps d’enseignement et les possibilités d’apprendre,
en débats et privent les enfants concernés d’exercer, dans leur classe, leur rôle
d’élève. Je soutiens donc que c’est d’abord et avant tout au sein même
2.5. Une occasion de la classe qu’une large marge de manœuvre est possible dans la
à saisir pour aider
les élèves dans le prise en compte des difficultés. Je ne m’étendrai pas sur ce point qui
cadre de l'école n’est pas l’objet de cette contribution. Je renvoie le lecteur aux outils
Sylvie Cèbe pédagogiques et didactiques que nous avons construits avec Roland
Goigoux et Jean-Louis Paour qui ont tous été conçus pour être utilisés
en classe entière, leur progression reposant toujours sur les élèves qui
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ont le plus besoin que l’école leur enseigne ce qu’elle requiert d’eux.
Mais si, en dépit de ce qui précède, je défends les principes qui sous-
tendent l’aide pédagogique, y compris le dispositif d’aide personnalisée,
c’est parce qu’ils accordent à l’école et à ses maitres la place qui leur
revient. Ils contrecarrent, en effet, une vision médicale de la prise
en charge de la difficulté scolaire, encore trop largement partagée,
qui amène à considérer toutes les difficultés comme des « maladies
Sommaire infantiles » ou les symptômes d’un « dys » quelque chose, que seuls
des spécialistes pourraient guérir : la lecture aux orthophonistes, les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

problèmes de comportement aux psychologues ou aux pédopsychiatres,


etc. Le titre d’ouvrages comme ceux de Despinoy (Comprendre et soigner
l’échec scolaire) ou Revol (Même pas grave ! L’échec scolaire ça se soigne)
me semblent relever de cette croyance dangereuse et erronée pour
différentes raisons. En premier lieu, parce qu’elle ne fait plus de l’élève
qui éprouve des difficultés qu’un enfant « malade » auquel on attribue
très vite des « traits de personnalité » très généraux et stables en taisant
le fait que, dans d’autres contextes, d’autres situations ou d’autres
disciplines, le même enfant peut se révéler très compétent. Ensuite parce
que cette manière de voir fait porter à ce dernier toute la responsabilité
de son échec (c’est lui qui « est », « n’est pas », « a », « n’a pas ») quand
la plupart des études menées dans le domaine ont mis en évidence que
la difficulté scolaire est toujours le résultat d’une interaction entre les

1 Greta Pelgrims Ducrey, « Comparaison des processus d’enseignement


et conditions d’apprentissage en classes ordinaire et spécialisée : des
prévisions aux contraintes », Revue française de pédagogie, n° 134, 2001

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facteurs personnels de l’enfant et les facteurs environnementaux (par


2. À l'école exemple les pratiques éducatives et d’enseignement). Si tel élève ne
primaire
parvient pas à apprendre dans les mêmes conditions que ses camarades,
L'aide
personnalisée alors il convient d’agir sur les deux dimensions à la fois. Autrement dit,
en débats la prise en charge de la difficulté scolaire ordinaire2 ne peut être que
l’apanage des véritables spécialistes que sont les enseignants, ordinaires
2.5. Une occasion et spécialisés, qui travaillent en lien étroit avec le cœur même de ce qui
à saisir pour aider
les élèves dans le se fait en classe.
cadre de l'école
Sylvie Cèbe
Peut-on y faire des choses intéressantes ? Si oui, quoi et comment ?
La mise en place de ce dispositif par l’enseignant de la classe, avec des
horaires protégés et la possibilité de travailler de façon régulière avec
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un même petit groupe, peut permettre de changer la nature même


des aides et la manière dont elles sont données, notamment par les
enseignants débutants qui n’ont pas encore l’expertise professionnelle
des maitres chevronnés. En classe entière, ces aides surviennent le plus
souvent « à chaud », en réponse à une demande pressante d’un élève ou
à partir du constat – fait par l’enseignant – d’une incompréhension, d’un
blocage, d’un abandon, d’un manque d’attention... Ni programmées, ni
progressives, ni hiérarchisées, elles sont souvent centrées sur le « faire »,
Sommaire
le résultat et la réponse attendue. Elles portent donc rarement sur les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

connaissances, les compétences ou les procédures requises par la tâche


ou l’activité que l’élève ne maitrise pas. Certes, elles permettent bien de
le garder attentif et « au travail » avec le reste du groupe-classe, mais
elles ne répondent que très partiellement à ses problèmes. Dès lors, on
comprend pourquoi ce sont toujours les mêmes qui appellent le maitre
à leur secours, y compris quand la tâche proposée est similaire à celle
qu’ils ont eue à résoudre précédemment. Sur ce point, le dispositif d’aide
me parait donc capable de permettre à l’enseignant de planifier les
« aides » à apporter sur un temps relativement long et de hiérarchiser
ses priorités en se centrant sur l’enseignement des compétences qu’il
sait critiques pour la réussite scolaire, compte tenu de l’âge de ses
élèves et du programme à suivre.

2 Je tiens à préciser que je distingue clairement les difficultés ordinaires de


celles que présentent les élèves à besoins éducatifs particuliers et qui, selon moi,
ont besoin de pratiques d’enseignement elles aussi très particulières que seuls
les membres du Rased peuvent leur offrir. J’ajoute que la collaboration entre les
enseignants spécialisés et les enseignants chargés de classe est une nécessité.

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Pour répondre à la question du comment, je dirais que l’enseignant


2. À l'école peut choisir entre deux options, que je crois également valides. Il
primaire
peut proposer les mêmes tâches que celles qu’il a utilisées en classe,
L'aide
personnalisée en modifiant ou en renforçant le guidage, en étant plus attentif à
en débats la manière dont les élèves traitent les tâches et en leur enseignant
les connaissances et les procédures qui sous-tendent leur résolution
2.5. Une occasion efficace. Mais il peut aussi centrer son intervention sur d’autres
à saisir pour aider
les élèves dans le types de compétences qui ne sont pas ou plus au programme de sa
cadre de l'école classe. Il peut, par exemple, viser le développement de compétences
Sylvie Cèbe langagières, ou mettre en place un ensemble d’activités centrées
sur le développement de compétences relativement générales (la
comparaison, la catégorisation, la compréhension en lecture, l’ordre,
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le temps) requises dans de nombreuses tâches et activités scolaires,


mais qui font rarement l’objet d’un enseignement en tant que tel.
Roland Goigoux3 propose sept familles de tâches d’enseignement
qui se prêtent bien à cet étayage soutenu : 1. Exercer (entrainer,
systématiser, automatiser) ; 2. Réviser (synthétiser, préparer une
évaluation commune) ; 3. Soutenir (observer / accompagner l’élève au
travail, soutenir sa réalisation, verbaliser les objectifs et les contenus,
expliciter les procédures) ; 4. Anticiper (préparer, réunir les conditions
Sommaire
de la compréhension d’une future séance menée en collectif : c’est une
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

différenciation en amont) ; 5. Revenir en arrière (reprendre les bases,


combler des « lacunes ») ; 6. Compenser (enseigner des connaissances
et des compétences requises par les tâches scolaires habituelles, mais
peu ou non enseignées) ; 7. Faire autrement (enseigner la même chose
autrement ou la faire enseigner par quelqu’un d’autre).
On m’objectera, et on aura raison, que ce type de pratiques
professionnelles suppose des savoirs et des savoir-faire experts et
donc une formation (initiale et continue) conséquente et adaptée aux
besoins des enseignants. Cela requiert aussi que l’équipe pédagogique
puisse bénéficier d’un temps de concertation et d’un accompagnement
important pour analyser le résultat de leur travail et le modifier en
conséquence, en collaboration étroite avec les membres du Rased.
Autant de paramètres qui font, à l’heure actuelle, cruellement défaut au
dispositif d’aide personnalisée et qui risquent fort d’en compromettre
3 Roland Goigoux, « Des tâches habituelles pour un
étayage soutenu », Fenêtres sur cours, n° 325, 2009.

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les résultats, avec des enseignants de plus en plus en tension, ne serait-


2. À l'école ce que pour faire tout ce qu’ils ont à faire dans un temps contracté qui
primaire
laisse de moins en moins d’espace pour le travail collectif des maitres.
L'aide
personnalisée Plus généralement, que faut-il faire pour accompagner les élèves en
en débats
primaire et de façon personnalisée ?
2.5. Une occasion Paradoxalement, compte tenu de ce que j’ai dit plus haut, je ne crois
à saisir pour aider
pas qu’il faille trop personnaliser cette aide. S’il parait de bon sens de
les élèves dans le
cadre de l'école sortir d’une culture de l’« indifférence aux différences », l’efficacité
Sylvie Cèbe d’une trop grande personnalisation doit être remise en cause si elle
amène à réduire le temps d’enseignement accordé à chacun et à vouer
toute entreprise collective (même en petit groupe) à l’échec. Enfin, il
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me parait contreproductif de demander aux enseignants ordinaires


de personnaliser l’aide, parce que c’est les renvoyer, par avance, à leur
impuissance, et dévaloriser leurs principaux outils de travail du métier
qui sont, le plus souvent, des outils à usage collectif4. Tous les maitres
savent à quel point il existe des écarts de performance entre les élèves
d’une même classe, mais tous savent aussi qu’il n’y a pas, pour autant,
cinquante manières d’apprendre. Autrement dit, si tous les élèves sont
singuliers, les objectifs à atteindre, les compétences requises pour
Sommaire
apprendre, elles, ne sont pas spécifiques. Sur ce point, je reprends à
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

mon compte les résultats des études montrant que les élèves déclarés
en difficulté présentent une caractéristique commune, celle de ne
pas savoir tirer spontanément profit de leurs expériences et de leurs
interactions avec leur environnement physique et social pour apprendre5.
Aussi ont-ils, plus que les autres, besoin d’un enseignement explicite
(que je ne tiens pas pour un synonyme d’« enseignement directif ») qui
allie progressivité et complémentarité des tâches de découverte, de
résolution de problèmes, de conceptualisation et d’exercices, et ce quels
que soient les savoirs que l’on vise à faire construire. C’est pourquoi il me
parait intéressant de quitter la logique du « sur-mesure, haute couture »
pour lui préférer celle du « prêt-à-porter »6. Pour filer la métaphore, je
4 Sylvie Cèbe, « Pas de métacognition sans cognition : le rôle de l’explicitation
dans la construction des connaissances », in Gérard Toupiol (Éd.), Apprendre et
comprendre – Place et rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée, Retz, 2006.
5 Jean-Louis Paour, Christine Bailleux, Patrick Perret, « Pour une pratique
constructiviste de la remédiation cognitive », Développements, n° 3, 2009.
6 Roland Goigoux, « Des tâches habituelles pour un
étayage soutenu », Fenêtres sur cours, n° 325, 2009.

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dirais que, dans le domaine de la conception vestimentaire, le « prêt-


2. À l'école à-porter » commence par la collecte des caractéristiques communes
primaire
d’une population donnée pour ensuite tailler des vêtements adaptés à
L'aide
personnalisée la taille, à la corpulence et au gout des personnes. Certes, ils ne sont
en débats jamais parfaitement ajustés, mais tout le monde peut néanmoins
les porter. Parfois, il faut faire un ourlet ou des pinces, parfois il faut
2.5. Une occasion mettre une ceinture, mais pas plus. Je crois donc plus utile d’aider les
à saisir pour aider
les élèves dans le maitres à analyser les acquisitions de leurs élèves confrontés aux tâches
cadre de l'école scolaires habituelles et à organiser leur enseignement à partir d’elles,
Sylvie Cèbe plutôt que de leur vanter les vertus d’hypothétiques bilans médicaux
et/ou psychologiques qui déboucheraient sur des remédiations ciblées7.
Autrement dit, il me semble que c’est plutôt sur la base de ce qui est
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« régulier », requis et déterminant pour la suite des apprentissages


prévus en classe entière que le maitre peut planifier son activité en petit
groupe, la guider et la réguler de manière efficace. C’est aussi sur cette
base qu’il peut organiser un enseignement collectif en petit groupe en
n’évacuant ni les savoirs ni la singularité de chacun. La connaissance
de ces régularités lui permet de porter une réelle attention aux enfants
comme personnes singulières, si l’on admet que régularité n’est pas
synonyme d’uniformité : et c’est bien parce qu’il sait identifier ce que
Sommaire
les élèves ont en commun que l’enseignant peut cerner leur part de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

singularité (et leurs difficultés spécifiques), s’y intéresser et intervenir


dans le dispositif d’aide, certes, mais aussi et surtout dans l’ordinaire de
la classe.

Sylvie Cèbe
Professeure associée de sciences de l ’éducation à l ’université de G enève
Laboratoire PAEDI, université Blaise Pascal, Cler mont-Fe r rand

7 Sylvie Cèbe, « Besoins de pratiques d’enseignement


particulières », L’Éducateur, numéro spécial, 2010.

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2. À l'école Ne pas espérer des


2.6.
primaire
L'aide résultats immédiats
personnalisée
en débats Christine Félix
L'auteure a suivi un groupe d’enseignants d’une école des
Bouches-du-Rhône sur des temps d’accompagnement
personnalisé. Elle nous propose dans cet interview quelques
aperçus de ce travail de suivi d’équipe et des débats que cela
suscite, ce qui n'est pas le moindre intérêt de ce dispositif.
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Que ressort-il du suivi de cette école quant au vécu du dispositif d’aide


personnalisée ?
Avant de répondre à cette question, je voudrais préciser que je me
place dans une problématique de l’analyse de l’activité réelle des
professeurs, c’est cela qui m’intéresse, et non les déclarations sur ce
que les professeurs devraient faire. Ce travail auprès des enseignants de
cette école est délibérément centré sur le développement des capacités
Sommaire des professionnels à agir dans et sur cette situation inédite de travail.
Alors c’est sûr que les enseignants concernés sont partagés entre d’un
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

côté, les critiques émises sur le nouveau rythme scolaire qu’impose par
exemple la réorganisation du temps à l’école primaire, et d’un autre côté,
la nécessité d'agir et d'utiliser à bon escient ce dispositif au cœur des
difficultés, celles des élèves et celles du métier de professeur à qui on
demande d’être davantage un « accompagnant » qu’un « enseignant ».
Le travail d’intervention-recherche mené dans cette école située dans
une zone défavorisée permet de « zoomer » sur les problèmes de la
profession.

Mais l’institution ne demande-t-elle pas avant tout des résultats ?


C’est certain qu’il y a un décalage. Beaucoup voudraient que des
maitres formateurs, comme c’est le cas ici, engagés dans ce genre
d’expérimentation, produisent des outils à transmettre ensuite aux
nouveaux enseignants, que ce soit un réservoir de « bonnes pratiques ».
Alors que le travail réalisé par ces professeurs engendre des questions et

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des débats professionnels qui ne peuvent pas être conduits ou saisis à


2. À l'école travers les effets réellement produits. Ce questionnement professionnel
primaire
interroge le prêt-à-dire ou à-penser pédagogique, sans pour autant
L'aide
personnalisée engendrer un débat professionnel. Plus les enseignants sont engagés
en débats dans ces dispositifs, moins ils disposent de temps pour en parler. Par
exemple, le fait de placer l’aide personnalisée de 13 h à 13 h 30 densifie
2.6. Ne pas espé- le temps de travail et rend difficiles les échanges sur les gestes du
rer des résultats
immédiats métier, leur mise à l’épreuve, etc.
Christine Félix
Avez-vous noté dans vos observations, vos petites vidéos sur lesquelles
vous retravaillez ensuite, des manières de faire différentes ?
Oui, c’est justement un moyen qui leur permet de débattre et d’observer
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des clivages parfois forts. Tel enseignant s’efforce surtout de construire


un collectif, même s’il ne s’agit que de six élèves, tel autre individualise
au contraire au maximum et cherche à répondre aux besoins de
chacun. On a aussi une opposition entre une pratique directive, fondée
sur une pédagogie explicite et un guidage fort, et une pratique plus
constructiviste, qui sollicite l’estime de soi et la mise en confiance.
Un autre exemple en cycle 2, où le travail est très axé sur la lecture :
on avance souvent très lentement, au besoin au moyen de répétitions.
Sommaire
Cette manière de faire perturbe des enseignants de cycle 3 qui se
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

trouvent à la fois un peu décontenancés par ces avancées très limitées,


mais aussi conscients qu’eux-mêmes ne savent peut-être pas faire ainsi ;
de la même manière que des enseignants de collège, face à ces vidéos,
trouvent parfois qu’il n’y a pas assez de contenu, que cela n’est pas assez
dense, etc., mais qui sont tout aussi démunis pour dire comment faire
autrement. Cela montre une fois de plus le caractère problématique
de l’enseignement de la lecture, notamment selon les spécificités des
cycles.
En fait, à travers le travail réel des enseignants se pose la question
de l’efficacité, à laquelle on ne peut pas apporter de réponses aisées
et définitives, surtout sans prendre en compte le point de vue des
professionnels. Ce qui compte, me semble-t-il, c’est que les enseignants
se réapproprient, à travers ce type d’intervention, le sens de leur métier,
en redécouvrent des dilemmes constitutifs et éprouvent le sentiment
de faire du bon travail, d’avoir une certaine efficacité dès lors que ces

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dilemmes sont reconnus collectivement. C’est indispensable pour que


2. À l'école les enseignants avancent collectivement et individuellement dans
primaire
les écoles avec ces dispositifs. Certes, l’efficacité que se donnent les
L'aide
personnalisée professeurs n’est pas celle attendue par l’institution, qui a de plus en
en débats plus de mal à connaitre et reconnaitre le travail enseignant.

2.6. Ne pas espé-


rer des résultats Christine Félix
M aitre de conférences à l ’IUFM d ’Aix-M arseille et cherche use à
immédiats
l ’UMR ADEF (Unité mix te de recherche : Apprentissage, Didac tique,
Christine Félix Évaluation, For mation, université de Provence et INRP)
Propos recueillis par Jean-M ichel Zak har tchouk
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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2. À l'école Une expérience


2.7.
primaire
L'aide positive
personnalisée
en débats Isabelle Valle

Dans notre école, les élèves participant à l’aide personnalisée ont été
interrogés lors d’entretiens individuels au sujet de leur expérience
scolaire pendant ce temps passé à l’école. Il s’agissait de savoir quel était
leur ressenti à propos de cette prise en charge scolaire, alors que leurs
camarades étaient rentrés à la maison.
Les résultats de ces entretiens montrent qu'ils vivent cela comme une
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expérience scolaire très positive, pour deux raisons : ils apprécient


l’environnement de travail qu’ils y trouvent, et la relation privilégiée à
l’adulte dont ils peuvent profiter.

Un espace protégé
L’aide personnalisée fournit un espace-classe dont les élèves disent
profiter pleinement lorsque les autres enfants sont partis. Un
Sommaire temps particulier aussi puisqu’en dehors des heures de classe, ils se
sentent débarrassés des contraintes liées au programme, au rythme
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

d’apprentissage de la classe, au bruit et à l’agitation des autres élèves.


Mais encore faut-il que les horaires de l’école permettent de dispenser
cette aide en respectant les rythmes chronobiologiques de l’enfant.
C’est ce que nous avons essayé, nos horaires (8 h 20 – 11 h 50 et
13 h 20 – 15 h 50) permettant de placer ce temps de 15 h 50 à 16 h 30,
soit quarante minutes, trois fois par semaine. Ainsi, l’aide personnalisée
arrive à un moment propice aux apprentissages et ne surcharge pas la
demi-journée par rapport à la matinée.
Les élèves ont déclaré lors des entretiens qu’ils avaient plus le temps
de travailler et réfléchir pendant l’aide personnalisée, mais surtout qu’ils
avaient davantage la possibilité de se concentrer, car ils pouvaient profiter
du calme du moment sans être constamment gênés par l’agitation des
autres. On sait à quel point les problèmes de concentration peuvent
nuire aux apprentissages. Encore faudrait-il s’interroger sur ce ressenti.

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De quelle agitation s’agit-il ? Comment fournir à ces élèves un cadre de


2. À l'école travail plus propice aux apprentissages en classe ordinaire ?
primaire
L'aide Les élèves ont tous remarqué que leur enseignant est plus disponible
personnalisée pendant le temps d’aide personnalisée et ils en profitent : ils osent
en débats poser des questions, se faire expliciter la tâche, se faire aider, discuter
au sujet des apprentissages, prendre le temps de n’avoir pas compris.
2.7. Une
expérience Les élèves apprécient que l’enseignant s’occupe d’eux en particulier, qu’il
positive ait suffisamment de temps pour eux. Ici aussi se pose la question des
Isabelle Valle dispositifs à mettre en place pour permettre une même disponibilité à
certains moments en classe ordinaire.

Redonner le gout d’apprendre


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Mais les élèves pris en charge en aide personnalisée vivent aussi une
expérience positive dans la mesure où ils nous disent avoir davantage
envie de travailler pendant ce temps d’aide. Est-ce parce qu’ils se sentent
davantage accompagnés ? Est-ce parce que la nature de leurs difficultés
est davantage prise en compte ? Parce qu’ils se sentent estimés même
dans leurs difficultés ? Les élèves interrogés nous apprennent que
parfois, cette alchimie fonctionne. Ajoutons que les activités proposées
en aide personnalisée plaisent aux élèves, qu’il s’agisse de petits jeux,
Sommaire
de reprises didactiques ou d’autres voies d’apprentissage. Elles semblent
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

mieux adaptées à chacun, ce qui met à l’aise et renforce probablement


la confiance des élèves en leurs capacités d’apprentissage.
Il ressort de ces entretiens que les élèves viennent volontiers en aide
personnalisée. Ils ont conscience de leurs difficultés et souhaitent
trouver une solution pour les surmonter. Ce dispositif proposé par
leur enseignant leur semble être une opportunité supplémentaire,
une solution apportée à chacun en particulier pour répondre à des
besoins clairement identifiés. Les élèves font confiance aux enseignants,
les conditions de travail sont favorables aux apprentissages, autant
d’ingrédients qui semblent propices à la réussite du dispositif. Ce n’est
pas toujours le cas pour de multiples raisons. Ici, les conditions semblent
à la fois liées aux horaires, aux efforts de l’enseignant pour adapter les
situations aux difficultés des élèves et à la relation privilégiée qui s’est
établie.

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Mais pour être complète, l’évaluation devrait prendre en compte


2. À l'école l’évolution des apprentissages de ces élèves. Or, rien ne peut permettre
primaire
pour l’instant de comparer cette évolution à ce qu’elle aurait été sans
L'aide
personnalisée l’aide personnalisée. Leur ressenti est donc le seul indice mesurable
en débats des effets du dispositif, ressenti qu’il faudra suivre sur plusieurs années,
comme la suite de leur parcours scolaire.
2.7. Une
expérience
positive Isabelle Valle
Professeure des écoles en CE2 à Thionville (M oselle)
Isabelle Valle
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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2. À l'école Comprendre les


2.8.
primaire
L'aide enjeux didactiques
personnalisée
en débats
pour mieux aider
Jean-Paul Vaubourg
Les programmes de l’école primaire, par la quantité
de notions de langue qu’ils demandent aux élèves de
maitriser et par le métalangage qu’ils imposent, mettent
certains élèves en difficulté : une réflexion précise sur
ce qu'on enseigne quand on étudie la langue est utile
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pour préciser les modalités d'une aide spécifique.

À l’école primaire, l’organisation de moments d’aide, identifiés dans


l’emploi du temps, mais tout de même extraits des horaires de la
journée, a permis la mise en place d’une aide spécifique à certains
élèves. Lorsque la classe du samedi matin a été supprimée en primaire,
les écoles ont dû organiser des heures d’aide personnalisée ; elles
Sommaire faisaient partie de l’emploi du temps (heures que les enseignants
doivent assurer et dont certains élèves doivent bénéficier), mais elles
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

se sont ajoutées aux journées de classe : les élèves bénéficient, avec


ces heures, d’un soutien après les heures de la matinée, avant celles de
l’après-midi ou après celles du soir, et selon des formules très variables.

Des moments d’aide personnalisée


Le risque bien connu de cette organisation est la mise à la marge des
difficultés de ces élèves, en dehors du cadre où elles se manifestent : la
journée de classe. Les difficultés se posent en classe et les repousser à
la marge de la classe pour les traiter ne peut pas suffire.
Dans le domaine de la langue, l’articulation entre l’aide personnalisée
et le reste de la semaine est particulièrement importante : en effet,
les difficultés dans ce domaine sont lourdes de conséquences et
gênent à la fois les apprentissages en français et le travail dans les
autres disciplines ; de plus, le domaine de la maitrise de la langue voit
s’installer en classe un métalangage difficile pour les élèves et il est

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essentiel que l’enseignant qui assure le soutien utilise le même que celui
2. À l'école que l’enseignant de la classe a établi. Enfin, les textes officiels des trois
primaire
cycles disent que la maitrise de la langue est la priorité de l’école :
L'aide
personnalisée • L’objectif essentiel de l’école maternelle est l’acquisition d’un langage
en débats oral riche, organisé et compréhensible par l’autre (programmes de la
maternelle) ;
2.8. Comprendre
les enjeux • L’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de la langue française, la
didactiques pour
connaissance et la compréhension des nombres, de leur écriture chiffrée
mieux aider
Jean-Paul
(numération décimale) et le calcul sur de petites quantités constituent
Vaubourg les objectifs prioritaires du CP et du CE1 (programme du cycle 2) ;
• Dans la continuité des premières années de l’école primaire, la
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maitrise de la langue française ainsi que celle des principaux éléments


de mathématiques sont les objectifs prioritaires du CE2 et du CM
(programme du cycle 3).1
Il est donc particulièrement important que les moments d’aide
personnalisée aux élèves soient, dans ce domaine, mis en place en lien
étroit avec la classe pour une meilleure efficacité des apprentissages qui
s'y effectuent.

Sommaire Si l’enseignant en charge de ces heures de soutien adopte une posture


d’aide2, une attitude bienveillante l’engageant à essayer de vaincre les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

obstacles rencontrés par les élèves, celle-ci est mise aussi en œuvre
dans la construction des programmations et des progressions.

Des programmes peu précis


Les programmes en vigueur ont à cet égard octroyé aux enseignants
de l’école une liberté très intéressante, puisqu’ils les laissent libres des
méthodes et des démarches qu’ils utilisent ; en effet, les programmes
actuels, qui datent de juin 2008, sont moins détaillés que les précédents,
datés de 2002, mais indiquent qu’il appartient à l’enseignant de les
appliquer en faisant des choix de démarches et de manuels efficaces.

1 BO HS 3 du 19 juin 2008.
2 La réflexion sur la posture d’aide a été initiée dans le groupe DDAI (Démarches et
dispositifs d’aide individualisée) mis en place à l’IUFM de Lorraine, dont les travaux
ont été mis en ligne sur le site de l’université Henri-Poincaré. Elle a aussi été définie
dans le Dictionnaire des inégalités scolaires (Barreau J-L., dir., 2007, Paris : ESF) dans
l’article « Aide (posture d’) », page 25 (Jean-Paul Vaubourg) et dans un article du
numéro 449 des Cahiers pédagogiques, « De la posture d’aide à l’aide au quotidien ».

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L’application de cette liberté passe nécessairement, à mon avis, par


2. À l'école une réflexion sur les progressions qui, dans le texte officiel daté du 3
primaire
juin 2008, sont placées après les programmes : en effet, le texte officiel
L'aide
personnalisée donne un programme pour chaque cycle, sans différencier le CP du CE1
en débats pour le cycle 2, ni le CE2 du CM1 et du CM2 pour le cycle 3 ; ensuite,
une proposition de répartition est donnée, qui différencie cette fois
2.8. Comprendre CP/CE1 et CE2/CM1/CM2. Ces progressions, on le sait, indiquent, pour
les enjeux
didactiques pour chacune des années des cycles 2 et 3, des notions pour les domaines
mieux aider des mathématiques et du français, regroupées par sous-domaines (par
Jean-Paul exemple pour le français, « lecture, écriture, grammaire »…). Il est indiqué
Vaubourg
que ces progressions donnent des « repères aux équipes pédagogiques
pour organiser la progressivité des apprentissages ». Malheureusement, les
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propositions faites dans ces colonnes ne sont pas du tout hiérarchisées


et les enseignants ont souvent le plus grand mal à définir l’importance
de chacune de ces notions à travailler.

Aider à réfléchir sur la langue


Certains élèves sont en difficulté avec la langue française : ils ont
du mal à la prendre comme objet d’observation, de réflexion et de
connaissance : la métaréflexion, qui est une réflexion portée non sur ce
Sommaire
que dit la langue, mais sur la langue elle-même, leur échappe :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• d’une part parce qu’elle semble détachée de toute utilité puisque, de


cette façon, on ne s’intéresse pas au message véhiculé par les mots
ou les phrases analysés ;
• d’autre part parce qu’elle s’appuie nécessairement sur un
métalangage particulier ; celui-ci sert tout à la fois à créer des
catégories dans lesquelles ranger les mots et à qualifier ces mots ;
ainsi voit-on dans les progressions officielles les natures et les
fonctions des mots et les nomme-t-on « conjonction, adjectif,
complément d’attribution »… ; le métalangage explique aussi le rôle
des mots dans une phrase, qui sont comme les personnages irréels
d’une histoire bien obscure : « L’adjectif qualificatif épithète "s’accorde"
en genre et en nombre avec le nom qu’il qualifie, un pronom personnel
complément "remplace" un COD, le sujet "commande" l’accord du verbe
dans la phrase, le complément circonstanciel "apporte" des informations
sur le lieu, les noms "varient" en nombre, le déterminant possessif

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"renvoie" à quelqu’un ou quelque chose3… » Les mots « s’accorde,


2. À l'école remplace, commande, apporte, varient, renvoie » sont des verbes
primaire
d’action, ici employés dans des sens différents du sens commun et
L'aide
personnalisée très abstraits.
en débats Il suffit de demander à des élèves ce qu’ils entendent par ces mots pour
s’apercevoir que leurs connaissances sont parfois bien floues ; on citera
2.8. Comprendre
les enjeux un seul exemple, chez ces élèves de 6e qui disent : « Un verbe, c’est le
didactiques pour nom qui dit le sujet » ou encore, à propos des phrases complexes, « Une
mieux aider
proposition, c’est quand on veut faire quelque chose »4, confondant le sens
Jean-Paul
Vaubourg
commun du mot « proposition » (offre) et le sens grammatical !

Une nécessaire hiérarchisation des notions à travailler


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Aussi nous proposons une hiérarchisation et une clarification dans le


domaine grammatical :
• « hiérarchiser les notions à travailler et affirmer qu’il est
indispensable de maitriser les notions de base pour construire les
savoirs grammaticaux » : je définis comme compétence de base le
fait de savoir repérer les différents groupes constituant une phrase,
oralement, par un appui sur la conscience de la langue, et de savoir
Sommaire repérer dans ces groupes le sujet, le verbe et tous les compléments,
sans encore les identifier. Cette idée de « notions de base » s’appuie
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

simplement sur le fait que certains faits de langue ne peuvent pas être
maitrisés si d’autres ne le sont pas ; par exemple, la différenciation
sujet/verbe/compléments doit précéder l’identification précise de
chacun des différents compléments. Les élèves en difficulté qui ne
maitriseront pas ces connaissances de base auront droit à une aide,
dans la classe et dans les moments d’aide personnalisée, surtout
dans les classes du cycle 3 ;
• « s’attacher à une réussite totale dans l’apprentissage de quelques
notions de base » : la notion de phrase, un très petit nombre de
natures et de fonctions (nom, adjectif, déterminant, verbe, sujet,
complément) ;
• « donc nécessairement différencier le travail pour approfondir les
notions avec certains élèves » pendant que d’autres continuent
3 Phrases extraites du Mémo du manuel Facettes, CM1, Hatier, 2010.
4 Phrases recueillies en mai 2010 dans une classe de 6e.

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d’apprendre à maitriser ces bases : approfondir, cela ne veut pas dire


2. À l'école creuser des écarts, mais par exemple différencier COD et COI avec
primaire
certains pendant que d’autres continueront d’apprendre à repérer
L'aide
personnalisée sujet, verbe et compléments dans des phrases diverses ; dans cet
en débats exemple, tous les élèves travaillent sur la même compétence de
maitrise des compléments, mais à un degré d’approfondissement
2.8. Comprendre différent ;
les enjeux
didactiques pour • « clarifier les notions » : par exemple, réserver le terme « adjectif »
mieux aider
pour les seuls adjectifs qualificatifs et réunir les adjectifs possessifs et
Jean-Paul
Vaubourg
démonstratifs dans la catégorie des déterminants (qu'on nommera
ensuite « déterminants possessifs » et « déterminants démonstratifs »)
ou encore ne pas chercher à différencier propositions subordonnées
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et propositions coordonnées par la seule présence d’une conjonction


de subordination ou de coordination5…

L’explicitation de l’utilité du travail sur la langue


Avant même de considérer les difficultés d’écriture et de lecture de
certains élèves, il faut comprendre que le fait même d’étudier la langue,
que par ailleurs ils maitrisent puisqu’ils sont francophones6, peut poser
des problèmes. Il est donc nécessaire d’expliquer clairement à quoi sert
Sommaire
l’analyse de la langue :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• parfois, elle permettra d’écrire ou de lire mieux (accorder un adjectif,


apprendre à trouver le référent d’un pronom…) ; l’analyse de la
langue est alors au service de la lecture et de l’écriture ;
• parfois elle permettra d’avoir une meilleure connaissance de la
langue, de façon presque scientifique et en tout cas descriptive, sans
objectif de rentabilité immédiate en production ou en réception ;
l’analyse de la langue est alors au service de la capacité à décrire la
langue qu’on utilise.
5 Comment faire comprendre, et dans quel but, que « le bébé pleure car il
a faim » indique une coordination là où « le bébé pleure parce qu’il a faim »
indique une subordination alors que les deux phrases ont le même sens ?
6 Le cas des élèves non francophones, notamment « nouvellement arrivés
en France », est un peu différent, parce qu’ils sont souvent alphabétisés
dans leur langue maternelle et sont parfois déjà engagés dans une
métaréflexion sur la langue, conduite lorsqu’ils étaient scolarisés dans leur
pays. En ce cas, il est nécessaire de trouver le moyen de faire un point
dans cette langue maternelle, comme je l’expliquais dans l’article « Penser,
classer, comparer : faire de la grammaire », paru dans le dossier « Enfants
d’ailleurs, élèves en France » (Cahiers pédagogiques n° 473, mai 2009).

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Ce double objectif détermine les notions que l’on travaille ; il détermine


2. À l'école aussi la façon de les enseigner : les notions qui aident tout de suite
primaire
à mieux lire et écrire sont liées à la lecture et à l’écriture dès qu’elles
L'aide
personnalisée sont enseignées dans les leçons d’étude de la langue ; en revanche, les
en débats notions qui servent à décrire la langue peuvent en être déconnectées.
Ne pas expliquer cela aux élèves fragiles, c’est les laisser chercher eux-
2.8. Comprendre
les enjeux mêmes une éventuelle utilité immédiate des notions qu’ils doivent
didactiques pour apprendre, et ils ne sauront pas seuls les hiérarchiser.
mieux aider
Jean-Paul
C’est sans doute ici que le lien entre l’aide personnalisée et la classe
Vaubourg même peut trouver son application la plus forte ; par exemple, il est
possible d’utiliser la classification qui vient d’être exposée (faits de
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langue liés à la lecture et l’écriture vs faits de langue pour la description


de la langue) pour identifier les activités de français en classe et pendant
l’aide : le maitre de la classe indique aux élèves que telle activité qu’ils
vont revoir en atelier d’aide sera utile dans l’écriture du petit texte qu’ils
sont en train de travailler ; ou bien que telle autre activité n’aura pas
d’utilité immédiate, mais servira à mieux connaitre et comprendre la
langue qu’ils utilisent.
Ceci peut avoir une conséquence sur le réinvestissement et l’évaluation :
Sommaire
les faits de langue liés à la lecture et l’écriture seront travaillés en ateliers
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

d’aide sur le texte qui est lu ou écrit au même moment en classe, et leur
maitrise sera évaluée en situation de lecture et d’écriture par le maitre
de la classe ; les faits de langue relevant de la description de la langue
seront travaillés dans un moment d’aide plus déconnecté des travaux
en lecture et écriture et relèveront du plaisir d’apprendre à connaitre la
langue : une sorte de jubilation du savoir, dont les élèves en difficulté
ont parfois perdu l’habitude.

Jean-Paul Vaubourg
IUFM de Nanc y
Auteur de Étudier la langue au c ycle 3, CRDP d ’Amiens, 2010.
Voir la pré s e nt at i on de l 'ouvrag e s ur l a c y b e r l i b rai r i e du S cé ré n

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3. Au collège
Une organisation
3.1.
soignée à mettre en place
Hervé Jacob
Cette expérience de dispositif mobilisant des personnels
différents sur des aides dans et hors l’établissement apporte
une réflexion à la fois sur les compétences des élèves et sur
les pratiques enseignantes. L’occasion à travers une activité
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non scolaire, comme ici les arts du cirque, de reconsidérer les


jugements parfois portés hâtivement sur les difficultés des élèves.

L’accompagnement éducatif a été lancé dès la rentrée 2007 de façon


expérimentale dans notre collège, situé dans un quartier qui bénéficie
de la participation de la politique de la ville dans un Programme de
réussite éducative (PRE).
Sommaire
Une organisation à penser à l'échelle de l'établissement
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

La démarche générale consiste à mobiliser des personnels différents sur


un accompagnement général de l’élève, avec deux types d’intervenants
différents.
Le dispositif PRE est animé par des associations qui recrutent des
étudiants, mais également des professeurs afin d’assurer hors temps
scolaire de l’aide aux devoirs ; il est aussi accompagné par la vie scolaire,
puisque les CPE disposent de deux heures mensuelles pour faire le lien
avec le collège. Un correspondant « établissement » est chargé à la fois
de l’animation des équipes d’accueil, de la coordination avec les équipes
pédagogiques, les enseignants qui interviennent dans le dispositif, ainsi
que du suivi de la présence des élèves.
Un document d’inscription est proposé aux familles des élèves de
6e, dès la première quinzaine de septembre, après les évaluations de
début d’année, afin de répartir les élèves selon les besoins de chacun :

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accompagnement sur des disciplines, sur de la méthodologie, des


3. Au collège activités sportives ou culturelles. La même proposition est ouverte aux
élèves de 5e et 4e dès la fin du mois de septembre, lorsque les premiers
résultats de contrôles de connaissances sont analysés.
Fin septembre, une réunion des professeurs principaux et des professeurs
inscrits dans ce dispositif permet d’élaborer des groupes et de poser la
3.1. Une organi-
sation soignée à question d’une double évaluation : celle de l’élève dans le dispositif, et
mettre en place celle du dispositif lui-même (taux de fréquentation, respect des horaires,
Her vé Jacob utilisation des outils, constats sur l’attitude et la mobilisation des élèves,
influence sur les résultats scolaires, sur le respect des personnels et des
locaux).
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Les activités proposées sont organisées selon le tableau ci-dessous :

Domaine Nature des


Jours Horaires
éducatif activités
maths lundi,
méthodologie mardi,
Aide aux devoirs 16 h -18 h 00
jeudi,
français vendredi
maths et TICE jeudi
découverte
mardi
de l’histoire
Sommaire Activités autres 16 h 30 -18 h 00
anglais ludique mardi
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ateliers
vendredi
scientifiques
Pratiques atelier herbier lundi
artistiques et arts plastiques lundi 16 h 30 – 18 h
culturelles cirque – danse jeudi

Une liste de présence des élèves permet de suivre la régularité de


leur fréquentation entre le moment de l’inscription et le déroulement
scolaire. Les familles des absents sont contactées par téléphone après
l’appel du soir, et doivent en justifier le motif.
Chaque élève dispose d’une fiche individuelle de compétences (annexes
1 et 2) qu’il remet à son professeur référent dans l'accompagnement
éducatif et qui permet, à chaque capacité observée, de valider son
acquisition puis, lorsque plusieurs capacités sont validées, de valider la
compétence attendue. Les premières fiches ne sont pas directement
liées aux apprentissages, mais peuvent être d’ordre comportemental

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ou organisationnel. Leur suivi et leur retranscription auprès des équipes


3. Au collège pédagogiques s’effectuent par le biais du professeur principal, et un
bilan individuel fait l’objet d’une transmission lors du conseil de classe.

Des difficultés à travailler


La différence entre l’aide aux devoirs apportée dans le cadre de
3.1. Une organi- l’accompagnement éducatif et celle prodiguée par les étudiants du
sation soignée à
mettre en place
PRE de la ville doit devenir perceptible à la fois pour les élèves et leur
Her vé Jacob famille comme pour les enseignants. Aussi, pour donner toute l’ampleur
de cet accompagnement, un groupe « cirque » et un groupe « danse
contemporaine » viennent compléter le dispositif de découvertes
artistiques déjà engagées avec les arts plastiques.
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La réflexion sur un outil de liaison entre les intervenants du soir et les


professeurs de la classe est engagée : un cahier est mis à l’essai, mais
son temps de rédaction et de mise à jour est un frein à son utilisation.
Un deuxième outil issu du cahier de textes, placé sous la responsabilité
de l’élève, ne donne pas satisfaction non plus…
Les interrogations sur la prise de notes lors des devoirs donnés et des
leçons à apprendre ne trouvent pas immédiatement de solution. Le
Sommaire passage au cahier de textes numérique en ligne sera une solution
adoptée lors de l’année scolaire 2009 / 2010.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Bilan de la fréquentation du dispositif accompagnement éducatif


Le dispositif fonctionne chaque soir de la semaine et accueille des
effectifs importants d’élèves tout au long de l’année (voir tableau ci-
dessous).

Nombre d'inscrits au dispositif pour la période comprise


entre le 5 janvier 2008 et le 31 mars 2008.
Niveau 6e Niveau 5e Niveau 4e Niveau 3e Total
Lundi 25 35 9 10 79
Mardi 23 28 5 7 63
Jeudi 29 24 5 11 69
Vendredi 13 19 5 6 43
Total 90 106 24 34 254

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Taux de fréquentation moyen sur la période concernée


3. Au collège (en tenant compte des fermetures lors des conseils de classe et des manifestations en soirée, ren-
contres parents-profs, soirées orientation, etc.)
Niveau 6e Niveau 5e Niveau 4e Niveau 3e Total
Lundi 15 17 5 8 45
Mardi 13 10 4 7 34
Jeudi 16 18 3 10 47
Vendredi 10 10 4 4 28
3.1. Une organi-
Total 54 55 16 29 154
sation soignée à
mettre en place
Du point de vue des enseignants
Her vé Jacob
À l'occasion de ces temps d'accompagnement, les enseignants impliqués
peuvent mesurer la différence de point de vue entre l’élève qui croit
avoir appris sa leçon et le professeur qui lui a demandé de le faire, entre
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

la consigne donnée en classe et la manière dont elle est transcrite, puis


comprise lors de l’aide du soir, de l’hétérogénéité des demandes et des
consignes selon les disciplines et les collègues. Un conseil pédagogique
de janvier a servi de retour d’expérience sur ce dispositif et permis
d'engager une réflexion sur les attentes communes des collègues pour
le même type d’exercice.
À la suite de cette interrogation, un barème du cahier de l’élève a été
mis au point, commun à chaque discipline, permettant à l’élève et
Sommaire
à sa famille de connaitre les modalités de l’évaluation trimestrielle.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

(annexe 3)

Une activité particulière, l’atelier cirque


L’activité cirque, par l'engagement qu'il implique lors d’une
représentation devant un public, est un véritable laboratoire d’analyse
de compétences. Jongler, évoluer sur un monocycle, effectuer des
figures acrobatiques, demandent un travail et une persévérance dans
la répétition de gestes qui induisent pour l’élève la notion d’effort. On
n’obtient pas la qualité d’une prestation fluide dans une activité de
cirque sans un entêtement à pratiquer. La répétition et la révision de
gestes ou de postures sont couronnées de succès lorsque « ça passe ».
Cette démarche de réussite est à l’inverse de celle issue de l’imagerie
des élèves sur une activité « de loisirs ». Il s’agit bien de comprendre
que le « naturel » des enchainements réalisés a demandé en amont

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beaucoup d’efforts et de travail, avec un espoir que ce constat s’étende


3. Au collège aux autres compétences scolaires…
L’engouement pour cette activité est tel qu’il nous a fallu revoir le
dispositif général d’accueil des élèves au sein de l’accompagnement
éducatif. En effet, l’accompagnement éducatif ne s’adresse qu’aux élèves
du quartier (environ 60 % de l'effectif ) ; les autres, issus de villages de la
3.1. Une organi-
sation soignée à périphérie dijonnaise, ne peuvent en bénéficier, les bus les reconduisant
mettre en place chez eux à 16 h 40. Pour leur permettre de participer à l'atelier, une
Her vé Jacob ouverture sur le temps de la pause méridienne réservée à ces élèves
est mise en place. Le groupe cirque et le groupe danse se trouvent
donc renforcés d’une dizaine d’élèves chacun et les numéros proposés
peuvent se diversifier.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Le collège, du fait de son emplacement au cœur du quartier et de sa


volonté d’ouverture avec les partenaires locaux, participe à la « parade
métisse » du mois de juin. Il s’agit d’un défilé thématique qui regroupe
des associations, les écoles et les acteurs du quartier, sous la direction
d’un chorégraphe. Le groupe cirque, de même que le groupe danse,
a bénéficié tout au long de l’année de l’intervention de partenaires
extérieurs (deux compagnies de cirque et une de danse) pour préparer
Sommaire cette manifestation. Ils sont également conviés au festival national
des arts du cirque à Surgères (Charente-Maritime) pour y présenter
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

leur prestation. Cette démarche, initiée par les enseignants d’EPS


intervenant dans ce dispositif, permet de motiver et fédérer le groupe.
La participation à ce festival, qui a lieu tous les deux ans, devient un
but et une motivation efficace pour les élèves participants. Ce dispositif
s’inscrit ainsi dans la durée (deux années de préparation dans le cadre
de l’accompagnement éducatif sont un vecteur fort de l’implication et
de la cohésion des élèves) et son retentissement médiatique rejaillit sur
la notoriété positive du collège.

Hervé Jacob
Pr incipal adjoint en collège à Dijon

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Annexe 1 : exemple de fiche transversale


3. Au collège
Livret d’évaluation de l’élève en accompagnement éducatif Savoir être

Nom : Capacité Capacité Capacité Capacité


Prénom : observée observée observée observée
Rouge/ Rouge/ Rouge/ Rouge/ Acquisition
Classe : Orange/ Orange/ Orange/ Orange/ de la
Présent le L M J V Vert Vert Vert Vert compétence
3.1. Une organi- Savoir être
sation soignée à
Est sérieux et attentif Savoir être
mettre en place
dans le groupe
Her vé Jacob Respecte le climat
du groupe
Respecte les règles
de vie du groupe
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

(Attend son tour, Signature du


lève la main…) professeur
Respecte le règlement
du collège
Se concentre
Savoir s’organiser
Sait s’installer rapidement Savoir
Sait limiter ses s'organiser
déplacements
Sait organiser son cartable
Sommaire (feuilles, livres, cahiers…)
Sait remplir son
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

cahier de texte
Sait lire son cahier
de texte
Gère son petit matériel
(stylos, gomme, règle,
calculatrice…)
Signature du
Sort seul son matériel professeur
nécessaire pour travailler
en autonomie
Sait spontanément
consulter une source
d’information (
dictionnaire, livre…)
Dates
Conseils pour progresser :

Signature des parents Signature de l'élève

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Annexe 2 : exemple de fiche disciplinaire


3. Au collège
Livret d’évaluation de l’élève en accompagnement éducatif Savoir être

Nom : Capacité Capacité Capacité Capacité


Prénom : observée observée observée observée
(date) (date) (date) (date) Acquisition
Classe : OUI/NON OUI/NON OUI/NON OUI/NON de la
Présent le L M J V compétence
3.1. Une organi- Compréhension
sation soignée à
Sait lire un énoncé Compré-
mettre en place
(repérer les mots hension
Her vé Jacob importants)
Comprend l’énoncé
(quelles sont les
données ?)
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Comprend les consignes Signature du


(que faut-il chercher ?) professeur
Se concentre
Savoir où j'en suis
Connait les notions Savoir où
qui ont été enseignées j'en suis
antérieurement
Connait son cours
(les mots importants,
Signature du
leur signification et
professeur
Sommaire leur contexte)
Savoir réutiliser
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Sait utiliser ses Savoir


connaissances pour réutiliser
résoudre un exercice
(ou aller chercher les Signature du
outils nécessaires dans professeur
son cahier ou son livre)
Dates
Conseils pour progresser :

Signature des parents Signature de l'élève

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Annexe 3 : évaluation des cahiers au sein du collège


3. Au collège
Barème pour la tenue de mon cahier
1- Mon cahier est propre
Il est couvert, sans taches ni ratures /1
Mes pages de présentation de chaque partie /1
sont soignées et propres, sans fautes
3.1. Une organi- Chaque chapitre commence sur une nouvelle page /1
sation soignée à
mettre en place Les titres des chapitres sont terminés et mis en /1
valeur selon l’exigence du professeur
Her vé Jacob
Les titres des parties sont mis en valeur /1
selon les exigences du professeur
2- Mon cahier m’aide à apprendre ma leçon
Mes leçons sont complètes /2
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Les exercices sont complets et corrigés avec une autre couleur /2


Les définitions ou points à retenir sont mis en évidence /2
Lorsqu’une autre personne lit mon cahier, elle peut /2
comprendre le sens des phrases écrites
Je m’efforce, lorsque je relis ou j’apprends ma /2
leçon, de corriger les fautes d’orthographe
3- Mon cahier contient des documents
Les documents distribués en classe sont soigneusement découpés /1
Sommaire
Les documents distribués en classe sont soigneusement collés /1
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Ils sont collés au bon endroit /1


J’ai fait un effort d’illustration et de documentation personnelle /2
NOTE OBTENUE : /20
Appréciation

Signature des parents Signature de l’élève

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3. Au collège Dans un collège


3.2.
« ambition réussite »,
une affaire collective
Céline Bentéo
Comment des personnels comme les professeurs référents
et les assistants pédagogiques peuvent intervenir au mieux
dans le cadre de l'accompagnement éducatif, en harmonisant
leurs interventions avec celles des enseignants ?
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Dans notre établissement, nous avons choisi d'axer essentiellement


notre travail sur la méthodologie, en septembre et octobre, puis sur
l'apprentissage des leçons le reste de l'année, dans l'idée d'être utiles
aux nombreux élèves qui ne peuvent pas bénéficier d'un véritable suivi
en dehors de la classe. Parallèlement à ces deux actions, nous avons
constitué un groupe de lecture pour venir en aide aux élèves présentant
des difficultés dans ce domaine.
Sommaire
L'année précédente, en liaison avec le médecin scolaire du pôle langage
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

de Saint-Vallier et l'infirmière du collège, un certain nombre d'élèves


avaient été diagnostiqués dyslexiques. Il a été alors convenu avec le
médecin scolaire et les orthophonistes qu'il fallait renforcer le travail
de lecture à haute voix afin d'améliorer les compétences en lecture
de nos élèves dyslexiques de 6e et de 5e. Afin de favoriser l'intégration
des élèves entrant en 6e et de remédier également à des difficultés
spécifiques, nous avons décidé de rencontrer les partenaires des écoles
du premier degré, charge qui incombe au professeur référent. Nous
nous sommes renseignés, au plus juste, sur la nature des difficultés des
élèves de CM2 (troubles du langage, situation familiale...) pour que les
assistantes pédagogiques, principales actrices de notre dispositif, soient
à même de travailler sur les carences touchant nos futurs élèves de
sixième, dès la rentrée scolaire.
Le professeur référent a notamment pour fonction d'établir un lien
entre les partenaires des écoles et le collège, en recensant les difficultés

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des élèves de CM2, pour que l'accompagnement soit le plus efficace


3. Au collège possible. Il joue le rôle d'intermédiaire entre les différents protagonistes
de l'accompagnement, avec un travail engagé pour aider les élèves à
s’organiser, y compris dans les tâches les plus modestes comme « faire
son sac »…
C'est donc là qu'intervient le travail de nos assistantes pédagogiques,
3.2. Dans un col-
lège « ambition autre spécificité RAR. Les élèves sont réunis en groupes de trois
réussite », une ou quatre, dans des salles informatisées consacrées aux séances
affaire collective
d'accompagnement éducatif. Dans ce lieu conçu pour le dispositif
Céline Bentéo
d'aide, les élèves échangent, écoutent, pratiquent, et s'approprient
les savoir-faire au fur et à mesure des séances. D'une fréquence d'une
à deux heures par semaine, sur une période de sept semaines, cette
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

aide d'ordre organisationnel permet à l'élève d'acquérir de véritables


compétences. À la suite de cette première période, les élèves les plus en
difficultés sont donc davantage outillés quand ils retournent en classe.

L’intervention des assistants pédagogiques


La deuxième phase du dispositif est centrée sur l'apprentissage des
leçons en français et en mathématiques. Après un premier bilan,
primordial pour le bon fonctionnement du dispositif, et réunissant
Sommaire
professeurs principaux des deux niveaux (6e et 5e), assistantes
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pédagogiques en charge des élèves en difficultés, et professeurs


référents, un « état des lieux » est effectué sur la progression des élèves.
Les assistantes pédagogiques transmettent aux professeurs principaux
des classes les difficultés que rencontrent les élèves, ainsi que les
actions et travaux menés. L'objectif durant l'année scolaire n'est pas
de faire « faire les devoirs » aux élèves, mais de leur faire acquérir des
savoir-faire destinés à apprendre efficacement une leçon. Nous avons
également travaillé avec les assistantes pédagogiques sur les consignes,
en particulier la polysémie de certains mots rencontrés, le vocabulaire
rencontré en français et en maths, etc.
La communication entre les différents acteurs du dispositif d'aide est
donc essentielle. Ces temps consacrés à la concertation permettent aux
professeurs de mieux connaitre les élèves et donc de mieux comprendre
leur façon d'appréhender les apprentissages et leur façon d'opérer face
à une tâche donnée. De cette manière, le professeur peut, à son tour,

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retravailler sur sa propre pratique en mettant en place, par exemple, des


3. Au collège séances de remédiation par un travail différencié au sein de sa classe.
À la suite de ces deux années travaillées avec les assistantes
pédagogiques et les professeurs des disciplines concernées, nous avons
constaté que l'accompagnement éducatif se révèle être un dispositif
indispensable pour nos élèves. Qu'ils soient volontaires pour intégrer
3.2. Dans un col-
lège « ambition « l'aide » ou incités à pallier leurs difficultés, nombreux sont ceux qui
réussite », une trouvent durant ces temps d'apprentissage un moyen de faire voir, de
affaire collective
faire comprendre la nature des difficultés rencontrées. Et c'est sur la
Céline Bentéo
nature, mais aussi et surtout sur l'origine de ces difficultés, que nous
travaillons pour faire évoluer le dispositif.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Céline Bentéo
Professeure de français et professeure référent R AR
à M ontceau-les-M ines (S aône - et-Loire)

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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3. Collège Une matinée méthodo


3.3.
ou l'accompagnement
heure par heure
Carole Guillot-Coquin
Aider les élèves, c’est leur donner confiance dans le travail en
classe, mais aussi dans le travail personnel. Plutôt qu'un cours
théorique sur la façon d'apprendre une leçon ou d'organiser
un texte, il faut faire le pari de la pédagogie active afin de
mettre les élèves en situation de se frotter aux problèmes,
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et leur proposer des dispositifs d'aide au fur et à mesure.

8 h : Les élèves de 3e sont devant moi, nous terminons une leçon


comportant de nombreuses dates et définitions à retenir par cœur. Au
moment où nous programmons la date du devoir- bilan, je décide de
faire un point sur cet apprentissage particulier. Nous sommes en début
d’année et c’est le moment approprié ! En annonçant aux élèves que l’on
Sommaire va revoir comment apprendre par cœur, ils ne s’attendent pas à ce que
je leur demande de découper des feuilles blanches pour en faire des
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

petites cartes. Ils se plient évidemment avec plaisir à l’atelier découpage.


Je leur demande de placer sur une première carte une date ou une
définition, et sur la deuxième l’évènement ou le mot qui correspond, et
ce pour l’ensemble des notions à connaitre par cœur. Je n’en donne pas
la liste aux élèves qui doivent chercher activement dans leur cahier ce
qu’ils jugent devoir connaitre par cœur. Ensuite, ils retournent les cartes
devant eux, dans l’ordre (ils peuvent numéroter le dos de la carte), et
commencent à retourner une à une les cartes en lisant tout haut. Ils
peuvent répéter, recommencer tout, avancer par étape… bref, trouver
la méthode qui leur convient le mieux pour utiliser ce petit outil simple
à mettre en œuvre.
Pendant plus d’une demi-heure, ils ont cherché dans le cahier en
hiérarchisant les informations, les ont copiées, puis lues en les
manipulant. Les élèves ont donc commencé à apprendre par cœur, et
également fait l’expérience d’une technique transposable chez eux, dans

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toutes les disciplines. D’ailleurs certains ne manqueront pas de me dire


3. Au collège pour les leçons suivantes qu’ils ont « fait leurs cartes » pour le prochain
devoir, sans que je le leur demande.
9 h : Les 6e C entrent en classe. La classe est agitée, comme bien souvent.
Je leur annonce l'objectif : écrire un texte qui réponde à un sujet précis.
Leur attention est de suite attirée, car nous faisons régulièrement cet
3.3. Une matinée
méthodo - ou exercice et l’enjeu est de taille : obtenir une ceinture supplémentaire.
l'accompagne- Que c’est difficile d’écrire un récit historique ! Pour aider les élèves
ment heure
à relever ce défi, ils ont sous les yeux les différentes étapes à suivre.
par heure
Carole
Lorsque l’on écrit un texte, les élèves peuvent s’ils le désirent passer
Guillot-Coquin une ceinture, comme pour les ceintures de judo. Pour obtenir une
ceinture supplémentaire, ils doivent atteindre deux objectifs précis : l’un
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qui est spécifique à l’histoire et l’autre qui relève de la maitrise de la


langue. Nous commençons notre travail. Pour écrire un récit historique,
il faut des connaissances précises sur le sujet, nous étudions donc
trois documents de nature différente. J’apporte des précisions sur les
documents en indiquant le vocabulaire spécifique de la leçon. Enfin
je donne le sujet et les élèves travaillent en autonomie. Je passe dans
les rangs et je vois Baptiste, un élève dyslexique, qui ne dit rien, n’écrit
Sommaire rien et mordille son stylo en regardant sa page blanche. Je lui demande
pourquoi il n’écrit pas. Il me répond qu’il ne comprend rien, qu’il ne sait
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pas quoi dire. J’écris le début d’une phrase pour qu’il n’ait plus qu’à la
compléter. Mais pour cette fois, Baptiste n’écrit rien après mes mots.
Ce n’est pas grave, il choisit de ne pas passer sa ceinture pour ce texte.
Il faudra attendre deux ou trois autres exercices de ce type pour qu’il
fasse une phrase tout seul. Appoline, elle, est déjà très avancée dans
son texte. Elle essaie de le structurer en différentes parties autour de
deux ou trois idées principales. C’est déjà un objectif difficile à atteindre
et proche de la ceinture noire.
La ceinture de production d’écrit permet aux élèves de déterminer eux-
mêmes les objectifs qu’ils sont capables d’atteindre à un moment de
l’année. Cet outil représente donc une aide ponctuelle pour un exercice
précis, dans ce cas la rédaction d’un récit historique, et permet à l’enfant
de structurer son esprit et de transposer l’outil.

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10 h 15 : une classe de 4e qui part à la découverte de l’art baroque. Je


3. Au collège demande aux élèves de se mettre par quatre, puis je distribue une
enveloppe par groupe. À l’intérieur, ils trouvent des représentations
d’œuvres classiques et baroques. Après avoir replacé chaque œuvre dans
la bonne catégorie (baroque ou classique), ils doivent classer autour
des différentes représentations des termes qui caractérisent les deux
3.3. Une matinée courants. Les élèves ont accès au dictionnaire et au manuel. Je distribue
méthodo - ou
l'accompagne- à chaque groupe une carte joker qui leur permettra de demander une
ment heure aide au professeur, mais une seule ! Cette carte devient très importante
par heure
aux yeux des élèves qui ne veulent pas l’utiliser n’importe comment ;
Carole
Guillot-Coquin mais même s’ils la conservent, elle les aide à devenir autonomes, à
écouter les arguments des camarades sans se tourner à la première
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difficulté vers le professeur, à prendre confiance.

Carole Guillot-Coquin
Professeure d ’histoire - géographie en collège à B elleu (Aisne)

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les élèves, dans et hors l'école
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3. Au collège Un outil : les cartes heuristiques


Les cartes heuristiques consistent à consigner sous forme hiérarchisée
des idées dans des cercles, des nuages, et d’établir des liens entre elles à
l’aide de flèches. Elles restent une aide facile à mettre en œuvre en classe,
transposable dans plusieurs disciplines, et surtout utilisable par les élèves
de manière autonome :

3.3. Une matinée • Pour réaliser la trace écrite après une étude de documents ;
méthodo - ou • Pour apprendre ou réviser la leçon. En utilisant cet outil, l’élève est
l'accompagne-
invité à trier et hiérarchiser les informations, ce qui donne du sens à
ment heure
l’apprentissage et lui permet de mener une réelle réflexion sur la leçon
par heure
étudiée ;
Carole
Guillot-Coquin • Pour entrainer les élèves au texte argumenté ou à la conception d’un
exposé. Dans la mesure où les idées sont hiérarchisées, elles peuvent
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être organisées, structurées pour élaborer un plan.


Lorsque l’on demande aux élèves de faire une carte heuristique pour faire
le bilan d’une séquence en vue d’une évaluation finale, les comportements
sont très différents : certains se servent du cahier, d’autres le ferment
et cherchent à retrouver de mémoire les grandes idées, d’autres encore
utilisent la couleur, des dessins ou des symboles pour mieux retenir. En
utilisant de manière régulière les cartes heuristiques, les élèves progressent,
font davantage de liens entre les idées.
Il faut aider les élèves à comprendre le fonctionnement, la construction et
Sommaire l’intérêt des cartes heuristiques, en appliquant une méthode progressive :
on peut construire au tableau la base de la carte, les idées principales, et
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

les laisser terminer. Il faut également faire le deuil de la carte heuristique


parfaite reprenant la totalité du cours, et donc accepter d’inscrire des
idées voisines sans qu’elles aient de rapport direct avec la leçon. Ainsi j’ai
demandé à des élèves de 6e lors d’une séance d’ATP de faire une carte
heuristique pour réviser leur leçon sur la division. Les enfants ont pour la
plupart placé les noms des autres opérations qu’ils connaissent, même si
elles n’étaient pas mentionnées dans la leçon, avant de pouvoir penser à
écrire autre chose. Et alors ? L’important n’est-il pas de « penser à écrire
autre chose » ?
La carte heuristique permet aussi d’observer nos élèves en train
d’apprendre. On s’aperçoit que les liens qui nous paraissent évidents ne le
sont pas pour eux, occasion de discussions riches avec l’élève à propos de
son expérience d’apprentissage.
Des exemples de logiciels gratuits à télécharger pour faire des cartes
heuristiques sur l’ordinateur comme Freemind.

Carole Guillot-Coquin

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3. Au collège

3.3. Une matinée


méthodo - ou
l'accompagne-
ment heure
par heure
Carole
Guillot-Coquin
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Sommaire
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3. Au collège 3.4.Vers une mutualisation


des dispositifs de
l’accompagnement ?
Olivier Meunier
En étudiant les effets de l'accompagnement éducatif et de
l’accompagnement à la scolarité sur la scolarisation des élèves
et sur les pratiques enseignantes, il apparait que les actions les
plus porteuses de réussites sont celles menées conjointement et
à égalité entre les différents acteurs. Reste à inventer les moyens
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de mettre en place une culture commune et à changer les regards


que les uns peuvent porter sur les autres pour avancer ensemble.

Les dispositifs d’accompagnement se réfèrent à des actions offrant – aux


côtés ou au sein de l’école – un appui et des ressources que l’élève ne
rencontre pas toujours dans son milieu socioculturel afin d’améliorer
ses conditions de scolarisation et de favoriser sa réussite scolaire et
Sommaire son intégration. Ils consistent le plus souvent à amener l’élève à opérer
un changement d’attitude concernant les apprentissages et les objets
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

culturels légitimés par la forme scolaire, en prenant en considération


son éloignement culturel.
Dans l’accompagnement éducatif1, ce sont en principe des enseignants
qui encadrent le travail personnel des élèves, proposent des activités
sportives et favorisent leur ouverture au monde de l’art et de la culture
au sein de l’établissement après les heures d’enseignement.
Dans l’accompagnement à la scolarité2, hormis l’école ouverte, les
intervenants relèvent davantage de l’animation socioculturelle et
interviennent dans le cadre associatif et/ou dans les centres sociaux,
souvent à l’extérieur des écoles. Les activités de soutien scolaire
sont présentes, mais il est également question de s’appuyer sur des
« activités culturelles » et une « pédagogie de détour » permettant

1 Circulaire du 5 juin 2008.


2 Circulaire du 6 juin 2008.

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de « redonner confiance », sans oublier de s’adresser également aux


3. Au collège « enfants nouvellement arrivés en France ».

Deux dispositifs qui s’ajoutent ou se complètent ?


La circulaire précise toutefois que l’accompagnement à la scolarité
doit prendre en compte l’accompagnement éducatif. Qu’en est-il
3.4. Vers une vraiment ? Afin de saisir les rapports éventuels entre ces deux types
mutualisation des
dispositifs de l’ac-
d’accompagnement, nous utiliserons le terme de « réseau territorial de
compagnement ? l’accompagnement prioritaire » (RTAP) pour chaque ensemble école-
Olivier Meunier collège-centre social-associations relevant de l’éducation prioritaire3.
En effet, ces organisations se retrouvent dans un même espace où
elles peuvent travailler ensemble. Il nous a donc semblé pertinent de
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circonscrire nos investigations sur les dispositifs d’accompagnement


dans des espaces délimités afin de mieux prendre en considération leurs
actions, leurs interactions et leurs effets sur une même population.
Les dispositifs d’accompagnement ne correspondent pas toujours aux
mêmes attentes ou aux mêmes publics, certains jeunes ayant besoin ou
préférant sortir du cadre de l’école et être en interaction avec d’autres
personnes que leurs enseignants. Cependant, l’aide aux devoirs étant
déjà présente dans les deux types d’accompagnement, nous pouvons
Sommaire
nous demander si l'accompagnement à la scolarité serait susceptible de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

se réorienter sur ses autres missions, notamment les activités visant à


travailler la question de la distance socioculturelle des élèves vis-à-vis
de la forme scolaire.
Toutefois, la majorité des parents et des élèves minimisent ou ignorent
cette perspective d’un détour sociocognitif par des activités non
scolaires préparant aux apprentissages. Les attentes relatives aux
résultats semblent directement liées aux effets de l’aide aux devoirs.
Elles sont encore plus importantes dans l’accompagnement éducatif,
l’aide aux devoirs étant effectuée dans un cadre scolaire par des
« professionnels de l’instruction », ce qui conforte la croyance qu’il ne
peut pas être effectué « au rabais », qu’il devrait forcément favoriser la
« réussite scolaire », ce qui peut entrainer de fortes déceptions quand
les résultats ne sont pas au rendez-vous. Cet engouement des parents
3 Nous avons effectué des enquêtes (entretiens, observations) dans douze
RTAP de deux académies en 2009 et 2010. Du fait d’un effectif limité, les résultats
exprimés ici doivent être considérés seulement comme des tendances.

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et des élèves à l’égard de l’aide aux devoirs limite la réorientation des


3. Au collège acteurs de l'accompagnement à la scolarité vers des activités non
scolaires. Ceux-ci tiennent à préserver leur « clientèle » en répondant à
leur demande par le « produit d’appel » que constitue l’aide aux devoirs,
tout en proposant d’autres activités. Les pratiques de l'accompagnement
à la scolarité ne se sont donc pas profondément modifiées depuis
3.4. Vers une l’avènement de l’accompagnement éducatif.
mutualisation des
dispositifs de l’ac-
compagnement ?
Quelle mutualisation ?
Olivier Meunier La mutualisation des différents dispositifs d’un RTAP afin de proposer
des activités complémentaires et diversifiées, souvent mise en avant
dans les discours institutionnels, demeure limitée dans les pratiques
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quotidiennes. Assez souvent, la pénurie des « enseignants volontaires »


pour l’aide aux devoirs contribue au maintien de cette activité dans les
centres sociaux ou dans les associations, mais ces derniers ont peu de
contacts avec les établissements : leurs relations sont occasionnelles4 ou
inexistantes dans deux RTAP sur trois.
De par leurs statuts, les écoles primaires sont davantage associées
à la politique de la ville, ce qui favorise des actions conjointes et
complémentaires entre les différents acteurs de l’accompagnement,
Sommaire
notamment quand elles ont lieu au sein des écoles. Néanmoins, les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

actions d’accompagnement s’effectuent souvent de manière isolée,


les « accompagnateurs » de l’accompagnement éducatif ne pouvant
clairement expliciter le travail de leurs collègues de l’accompagnement
à la scolarité et réciproquement. Les enseignants réservent assez
souvent l’accompagnement éducatif à l’ensemble des élèves de
leur classe, notamment les professeurs des classes d’adaptation ou
d’intégration. Les activités culturelles et sportives relèvent davantage de
l'accompagnement à la scolarité et sont prises en charge durant la pause
méridienne ou après les cours par des professionnels qui dépendent
généralement de la municipalité. Lorsque l’organisation est souple, les
élèves ont la possibilité de naviguer d’une activité à l’autre : « après les
devoirs », ils peuvent aller choisir un livre à la bibliothèque, se rendre
dans la salle informatique, dans la cour, à l’atelier de jeux, etc.

4 Une à deux réunions informatives annuelles.

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Seulement deux collèges sur douze continuent à travailler avec le centre


3. Au collège social de leur zone, en effectuant un suivi mutuel des élèves (assiduité,
comportement, travail, résultats, problèmes familiaux, problèmes
d’apprentissage, etc.). Dans l’un d’entre eux, des enseignants volontaires
(depuis de nombreuses années) viennent soutenir pédagogiquement
les animateurs: ce sont principalement les élèves de 3e et de 4e qui s’y
3.4. Vers une rendent pour faire leurs devoirs ; deux tiers d’entre eux affirment qu’ils
mutualisation des
dispositifs de l’ac- n’iraient pas au collège si le centre social ne proposait plus cette activité.
compagnement ? Dans les collèges, l’aide aux devoirs représente l’activité principale, tandis
Olivier Meunier que les activités culturelles sont plus particulièrement orientées avec
la finalité de préparer le spectacle de fin d’année auquel sont conviés
les parents. Celles qui nécessitent un talent particulier reposent sur
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un enseignant (valorisation d’une activité extrascolaire généralement)


ou sur un intervenant extérieur encadré pédagogiquement par un
professeur. Les activités sportives sont limitées dans l’accompagnement
éducatif, les enseignants préférant continuer à les exercer dans
l’association sportive. Dans un collège sur trois, l’aide aux devoirs a
été confiée aux assistants pédagogiques/d’éducation, les enseignants
volontaires préférant encadrer les activités culturelles. Dans la moitié
des collèges, elle est effectuée à la fois par les enseignants, les assistants
Sommaire
pédagogiques et les assistants d’éducation. Dans un collège sur six, ce
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

sont exclusivement les enseignants qui encadrent les élèves pour l’aide
aux devoirs et une grande partie des activités culturelles et sportives.
L’assiduité dans l’accompagnement éducatif (et surtout dans l’aide aux
devoirs) est rendue obligatoire dans quatre établissements sur cinq, ce
qui limite les tentations consuméristes des élèves.

Les pratiques mises en œuvre dans l’accompagnement


Certaines tendances générales se retrouvent de manière récurrente dans
l’accompagnement éducatif. C’est notamment le cas de la prééminence
des aspects organisationnels sur les dimensions pédagogiques, et plus
largement éducatives. L’expérimentation de pédagogies assez souples
pour répondre à la diversité des élèves et à la personnalisation de leurs
parcours semble difficile à mettre en place. Une partie importante des
enseignants ont tendance à se restreindre à ce qu’ils savent faire, ce
qui n’est pas toujours suffisant pour stimuler et améliorer les capacités
d’apprentissage des élèves. D’autres professeurs essaient d’expérimenter

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des manières d’apprendre et des méthodes pédagogiques différentes de


3. Au collège celles qu’ils mettent en place en classe, ce qui permet plus facilement
de lever les blocages cognitifs des élèves. Hormis ces problèmes
cognitifs qui demeurent essentiels, certains enseignants précisent que
l’un des blocages principaux de nombreux élèves est l’absence de leur
désir d’apprendre, d’autres qu’il s’agit d’un manque de confiance et
3.4. Vers une d’estime en soi chez certains élèves, d’autres enfin que les élèves sont
mutualisation des
dispositifs de l’ac- trop éloignés culturellement des enseignants qui ne savent pas ou n’ont
compagnement ? pas été formés pour répondre à la diversité culturelle, notamment par
Olivier Meunier l’utilisation de pédagogies interculturelles.
Nous constatons également une sous-utilisation de la complémentarité
et de l’articulation des dispositifs existants sur temps scolaire et propres
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à l’établissement. Les relations entre les enseignants qui effectuent


l’accompagnement éducatif et les autres sont encore limitées. Hormis
un collège, nous n’avons pas observé de fiches-navettes relatives à
chaque élève permettant de faire remonter ses besoins en compétences
et de présenter le travail effectué dans le cadre de l’accompagnement
éducatif. Pourtant, quand les enseignants se concertent et cherchent à
adapter les méthodes pédagogiques au profil singulier de chaque élève,
Sommaire les résultats escomptés (comprendre sa leçon, répondre correctement
aux questions, résoudre un problème, faire un exercice, etc.) sont
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

généralement présents en fin de séance. Le travail sur les compétences


s’inscrit néanmoins dans une temporalité plus longue et relève, au-delà
de l’accompagnement éducatif, de l’ensemble des dispositifs et de la
scolarité de chaque élève. Il impliquerait peut-être l’utilisation d’un livret
de compétences pour chaque élève afin de mieux connaitre ses besoins,
ses attentes, son évolution, ses limites, ce qui favoriserait la cohérence
et la concertation des approches pédagogiques et didactiques à son
égard.

Former les acteurs à travailler ensemble


Les relations entre les établissements scolaires et les centres sociaux
et les associations demeurent limitées alors que les finalités sont
compatibles, souvent complémentaires, parfois identiques, d’autant plus
que le financement est public. Cette absence de concertation ou parfois
de relation – souvent justifiée par un manque de temps ou d’intérêt – a

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tendance à donner une image confuse de dispositifs empilés. Il apparait


3. Au collège pourtant qu’elle peut faciliter la cohérence et la visibilité de l’ensemble
de ces dispositifs. Lorsque c’est le cas, elle permet de mieux réorganiser
l’emploi du temps des élèves et de mettre en place de nouvelles
activités à partir d’une réflexion commune. En effet, si les élèves ont
des demandes relatives à l’accompagnement, ils ne sont pas toujours
3.4. Vers une capables d’identifier leurs besoins. De même, les enseignants disposent
mutualisation des
dispositifs de l’ac- rarement d’une vision précise de leur RTAP et des actions qui sont déjà
compagnement ? menées depuis l’avènement de l’accompagnement éducatif, alors que
Olivier Meunier les centres sociaux et les associations y sont souvent profondément
impliqués. Les animateurs des centres sociaux demeurent méfiants à
l’égard de l’accompagnement éducatif quand un travail commun n’est
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pas mis en place alors que les deux dispositifs peuvent être utilisés de
manière complémentaire, certains élèves préférant faire leurs devoirs
en dehors de l’école. C’est souvent lorsqu’une synergie se met en
place entre les différents acteurs de l’accompagnement de manière
égalitaire, sans que l’un soit prestataire ou commanditaire de l’autre,
et quand il existe un véritable suivi des élèves avec des remontées et
des échanges d’informations de manière transversale, que la cohérence,
la pertinence et peut-être l’efficacité de l’accompagnement des élèves
Sommaire
apparaissent clairement. Faudrait-il alors proposer des formations à
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’accompagnement pour l’ensemble des acteurs de ces dispositifs afin


de favoriser les dynamiques collectives dans les différents RTAP ?

Olivier Meunier
S ociologue au centre Alain S avar y de l ’INRP

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4. Au lycée
professionnel
Conditions pour une
4.1.
mise en œuvre utile
Karine Foucher
Dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle,
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un accompagnement personnalisé a été instauré.


Comment en faire un dispositif utile pour les élèves ?

Les élèves inscrits en baccalauréat professionnel bénéficient ainsi d’un


accompagnement personnalisé de 210 heures sur le cycle des trois ans.
Ces heures figurent sur les grilles horaires des élèves au même titre que
les enseignements obligatoires.

Sommaire Des dispositifs spécifiques, évolutifs et variés


les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

L'accompagnement personnalisé peut se décliner en dispositifs divers


selon les besoins des élèves, leurs projets à des périodes bien définies
dans leur parcours scolaire, l'essentiel étant l'individualisation des
parcours pour favoriser la réussite de chaque élève :
• Une différenciation pédagogique des enseignements disciplinaires
au sein d’une même classe. Par exemple, une fiche individuelle
de positionnement pour les contrôles en cours de formation
(CCF) peut être proposée aux élèves dans le cadre des heures
d’accompagnement personnalisé. Le professeur de menuiserie peut
ainsi décider avec l’élève des CCF en fonction des compétences
acquises ou non par celui-ci. L’équipe de professeurs peut répartir les
CCF des différentes matières sur différentes périodes de l’année, afin
d’éviter qu’un élève en difficulté n’ait à passer un trop grand nombre
de CCF pendant une même période ;

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• S’appuyer sur l’émulation pour créer une dynamique de réussite. Dans


4. Au lycée le cadre de l’accompagnement personnalisé, des thèmes généraux
professionnel
peuvent être proposés aux élèves leur permettant un travail collectif
et interdisciplinaire. Par exemple, la mise en place d’un projet
e-twinning1 sur le thème de l’éducation au développement durable
permet aux élèves d’endosser diverses responsabilités et de prouver
4.1. Conditions à leurs camarades qu’ils sont capables de mener à bien des projets ;
pour une mise
en œuvre utile • Privilégier la professionnalisation pour susciter l’intérêt des élèves.
Karine Foucher Une fiche d’auto-évaluation des activités professionnelles peut être
proposée aux élèves afin qu’ils puissent évaluer les compétences
acquises ou celles en cours d’acquisition. L’accompagnement
personnalisé peut être le moment propice pour remplir ce type de
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fiche, mais donne également une plage horaire balisée pendant


laquelle l’élève pourra retravailler avec un professeur pour acquérir
les compétences nécessaires à l’obtention du diplôme intermédiaire
ou du baccalauréat. Dans certains établissements, un « parrainage »
d’une classe ou de plusieurs élèves par des professionnels a un
impact considérable sur la motivation des élèves : il leur permet de
rencontrer des professionnels qui effectuent déjà leur futur métier.
Sommaire Les élèves ont la possibilité d’effectuer leurs périodes de formation en
milieu professionnel chez ce « parrain », mais ils peuvent simplement
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

découvrir ce métier sous d’autres angles ;


• Co-intervention de deux professeurs sur une même heure
d’accompagnement personnalisé pour mettre en évidence
l’importance de l’interdisciplinarité. On peut ainsi montrer par
exemple l'importance des mathématiques pour les élèves de
spécialité « menuiserie », en abordant certaines notions abstraites
du programme par le biais de situations professionnelles
concrètes. Cette co-intervention demande évidemment un
temps de concertation entre les enseignants. La co-intervention
d’un professeur d’enseignement général et d’un professeur
d’enseignement professionnel est une « combinaison » dont les
impacts sont remarquables : elle permet aux élèves les plus en
difficultés de prendre appui sur le domaine qu’ils préfèrent (le
domaine professionnel) pour progresser en enseignement général ;

1 cf. http://www.etwinning.net/fr/pub/index.htm

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• Une fiche de synthèse sur les périodes de formation en milieu


4. Au lycée professionnel peut être travaillée avec le professeur de lettres et
professionnel
d’enseignement professionnel afin d’aider l’élève à rédiger son
rapport de stage et de réfléchir aux progrès effectués ou non
pendant la période de formation en entreprise.

4.1. Conditions Différentes étapes de mise en œuvre


pour une mise
en œuvre utile
Une évaluation diagnostique est nécessaire. Elle est le point d’appui
Karine Foucher qui permet de donner tout son sens à l’expression « accompagnement
personnalisé ». On peut mener également un entretien en début
d’année avec chaque élève, pour envisager un des dispositifs suivants à
un moment de sa scolarité :
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• Remédiation pour les élèves en difficulté : par exemple des cours


de français langue seconde pour les élèves ayant des difficultés en
langue française ;
• Tutorat professeur/élève, mais aussi élève/élève au travers d’entretiens
réguliers prenant appui sur un livret de suivi et d’orientation. Ces
moments de dialogue privilégié permettent une réflexion quant aux
différentes passerelles d’orientations possibles ;
Sommaire • Aide individualisée ;
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• Consolidation des acquis en vue d’une orientation nécessitant des


qualifications particulières, ou de l’insertion professionnelle de
l’élève. Un élève en fin de 2nde professionnelle « vente » désirant
changer d’orientation et se diriger vers un bac pro « commerce »
peut travailler les matières qui lui poseront problème lors de ce
changement de spécialité au sein du même champ professionnel ;
• Approfondissement : donner plus à ceux qui sont demandeurs
afin de leur permettre par exemple une poursuite d’études en
enseignement supérieur. Par exemple, l’élève peut approfondir lors
de l’accompagnement personnalisé ses connaissances en anglais. Il
peut être préparé au TOEIC s’il continue en DUT physique-chimie.
À la fin de chaque dispositif mis en place, il convient d’évaluer la
pertinence de celui-ci comme les acquis des élèves, puis de choisir le
prochain dispositif dont l’élève a besoin.

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Des points de vigilance


4. Au lycée
professionnel L’équipe pédagogique doit mettre en place des dispositifs articulés,
évolutifs et complémentaires qui vont prendre en compte ce qui est
fait en classe, mais également ce qui est fait pendant les périodes de
formation en milieu professionnel et dans le cadre de l’accompagnement
personnalisé.
4.1. Conditions
pour une mise Le choix du dispositif doit viser à responsabiliser l’élève. Il pourra lui-
en œuvre utile
même choisir ce qui lui convient le mieux en fonction de ses besoins
Karine Foucher
et non en fonction des affinités avec tels camarades de classe ou tel
enseignant : une phase de tutorat ou une phase de soutien ou encore
une phase de réflexion quant à sa poursuite d’études.
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Afin de faciliter le travail des équipes pédagogiques, les professeurs


peuvent en amont s’inscrire aux formations du plan académique
de formation de leur académie, afin d'élaborer et d’harmoniser des
progressions sur trois ans, de déterminer les compétences transversales
qui font souvent défaut aux élèves.
Une organisation souple au sein des établissements permet l’élaboration
d’actions communes à plusieurs élèves, et pourquoi pas à plusieurs
classes (organisation en « barrettes »). L’ensemble des acteurs de
Sommaire
l’établissement doit s’approprier ce levier puissant de réussite qu’est
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’accompagnement personnalisé, afin qu’il ne soit pas seulement au


service d’un petit groupe d’élèves, mais du plus grand nombre.
L’équipe de direction doit mettre en place les modalités
organisationnelles de l’accompagnement personnalisé après avoir
défini les besoins des élèves et pris en considération les compétences
des professeurs qui interviendront dans ce cadre. Enfin, l’attribution de
moyens doit être faite en conséquence.

Karine Foucher
Chargée de mission d ’inspec tion en anglais dans l'académie d ’Amiens

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4. Au lycée Nouvelles
4.2.
professionnel
prescriptions,
nouvelles pratiques
Corinne Marlot, Nathalie
Yo u n è s , G u i l l a u m e S e r r e s
De quelles évolutions du métier enseignant l'accompagnement
personnalisé prévu en lycée professionnel est-il porteur ?
Si les conditions de sa mise en œuvre sont souvent
perçues comme problématiques par les enseignants, il
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est l'occasion de reconsidérer, entre autres, la gestion de


l'hétérogénéité des élèves, des équilibres entre approches
collective et individualisée des apprentissages.

Le laboratoire PAEDI (IUFM d’Auvergne – Université Blaise-Pascal) a été


sollicité par le Rectorat de l’académie de Clermont-Ferrand pour mettre
en œuvre un dispositif de formation continue, relatif à la mise en place
Sommaire de l’accompagnement personnalisé en lycée professionnel (LP). Cette
contribution s’appuie sur une étude exploratoire conduite dans plusieurs
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

LP du Puy-de-Dôme.

L’accompagnement à tous les étages


L’introduction de l’accompagnement personnalisé, élément majeur
de cette réforme, est perçue par les enseignants comme une nouvelle
atteinte portée à leur contexte de travail (densité des programmes,
contraintes du contrôle en cours de formation, effectifs des classes en
progression, difficultés scolaires importantes des élèves, etc.). Ils ont
alors à composer avec ce que l’ergonomie du travail enseignant nomme
une surprescription des objectifs et une sous-prescription des moyens :
un écart conséquent est observé entre une multiplication des tâches
de plus en plus diversifiées demandées aux enseignants, et la nécessité
d’invention de moyens qui repose entièrement sur ces derniers.

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En effectuant une recherche par mots clés sur le catalogue en


4. Au lycée ligne d’une grande librairie, Françoise Carraud1 recense un nombre
professionnel
vertigineux d’ouvrages référencés sur le thème de l'accompagnement,
dans des domaines très divers. On se propose d’accompagner « le
vieillissement », « le grand âge », « les personnes âgées fragiles », « la
personne gravement handicapée », ou bien « l'élève gaucher », « les
4.2. Nouvelles enfants en difficulté scolaire » et même « son animal vieillissant » ! Au-
prescriptions,
nouvelles delà du caractère amusant de cet exercice, on peut se demander s’il
pratiques s’agit d’un simple effet de mode ou d’une évolution majeure de notre
Corinne Marlot société.
Nathalie Younès
Guillaume Serres Malgré un apparent consensus social, la notion n’est pas stabilisée dans
ses significations et n’est pas délimitée dans ses usages. En même temps
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que la plasticité de ce concept est séduisante dans la mesure où elle


semble permettre une appropriation spécifique, un risque majeur est
de tout nommer accompagnement et d’écraser les différentes formes
que ce dernier peut prendre (aide, soutien, orientation, etc.). Trois
dimensions stables peuvent être repérées2 :
• Une dimension relationnelle forte. En ce sens, accompagner c’est
« être avec », c’est « être dans le pas de », avec l’idée d’une régularité
Sommaire des interactions, d’un suivi pas à pas favorable à une réaction
rapide ;
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• Une dimension temporelle, une direction, une orientation.


L’accompagnement s’inscrit dans une durée plus ou moins
importante, selon qu’il s’agit d’accompagner : une difficulté jugée
passagère (aide, soutien, etc.), un cheminement dans un parcours
scolaire (orientation) ou une transition (insertion professionnelle).
En ce sens, accompagner, c’est « aller vers », avec l’idée que
l’accompagnement a un début, un développement, et une fin qui
mérite d’être anticipée pour que la forte relation de « dépendance »
puisse être dépassée une fois la proximité de la relation terminée ;
• Une dimension d’ajustement de l’accompagnateur à l’accompagné.
Cette dimension traduit une volonté d’adopter le rythme de

1 Françoise Carraud, « Faut-il être accompagné pour apprendre à enseigner ?


Débats et controverses », in Recherche et Formation n° 63, 2010.
2 Maëla Paul, « Autour des mots », Recherche et Formation, n° 62, 2009.

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l’accompagné, de se mettre à la mesure de l’accompagné, à la portée


4. Au lycée de l’accompagné.
professionnel
À nos yeux, deux points de vigilance peuvent être pointés :
• L’accompagnement est, historiquement, associé à une relation duelle,
on peut penser qu’une condition de son introduction en LP sera son
4.2. Nouvelles adaptation à une forme collective ;
prescriptions,
• L’accompagnement repose sur une responsabilisation des individus :
nouvelles
pratiques « Si l’idée [d’accompagnement] n’est pas neuve [en éducation], elle
Corinne Marlot tend à devenir une nouvelle normativité […]. Ainsi le développement
Nathalie Younès des pratiques et des injonctions à l’accompagnement participerait des
Guillaume Serres
nouveaux modes de gouvernance déployés autour des individus et de
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leur responsabilisation »3.


Si les démarches d’accompagnement ouvrent de nouveaux leviers pour
l’enseignement, il est essentiel d’anticiper les possibles difficultés de
cette introduction dans le contexte spécifique du lycée professionnel.

L’accompagnement personnalisé : vers un


renouvèlement des pratiques
La culture du professeur de lycée professionnel, de par sa formation
Sommaire
universitaire, est de plus en plus éloignée de celle des élèves. Mais dans
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

le même temps, on assiste à une certaine « homologie de condition »4


dans la mesure où ces professeurs se sentent dévalorisés par rapport à
leurs collègues de l’enseignement général. Ce ressenti pourrait conduire
les professeurs à adopter deux types de posture.
L’une, la posture de « sauveur », plus répandue, consisterait à voir le
métier comme un « défi » permettant de « sauver » les élèves, « le lycée
professionnel devenant alors une école de la deuxième chance » (ibid.),
ce qui se manifeste par la mise en œuvre de pratiques pédagogiques
« différentes ».
L’autre posture consisterait à se tenir à distance des élèves, dans une
certaine indifférence, de crainte d’être assimilé à ce public considéré

3 Françoise Carraud, « Faut-il être accompagné pour apprendre à enseigner ?


Débats et controverses », in Recherche et Formation n° 63, 2010.
4 Aziz Jellab, « Les enseignants de lycée professionnel et leurs
pratiques pédagogiques : entre lutte contre l'échec scolaire et
mobilisation des élèves », Revue française de sociologie, 2005.

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comme en échec. Bien souvent, cette deuxième posture assure une


4. Au lycée survie professionnelle « car elle permet de ne pas être envahi par les
professionnel
difficultés sociales des élèves » (ibid.).
La mise en place de l’accompagnement personnalisé pourrait peut-être
permettre au professeur d’expérimenter une « posture » intermédiaire
et moins radicale, plus en prise avec la réalité des élèves de lycée
4.2. Nouvelles
prescriptions, professionnel.
nouvelles
pratiques Des modèles pédagogiques différents
Corinne Marlot Du point de vue pédagogique, il se trouve que ces deux postures
Nathalie Younès
Guillaume Serres amènent à surinvestir des modèles pédagogiques bien différents
qui orientent les pratiques d’accompagnement. Ainsi, la tension
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constitutive entre les trois missions du lycée professionnel (instruire,


éduquer, socialiser) se retrouve exacerbée et vient alimenter les débats
et controverses au sein de l’équipe pédagogique, sur les cibles de
l’accompagnement personnalisé.
Vaut-il mieux réassurer les savoirs fondamentaux, développer
l’acquisition de « méthodes » de travail, « (re) motiver » les élèves,
favoriser l’insertion professionnelle ou, plus en amont, l’orientation…
Sommaire ou bien tout cela à la fois ? Pour répondre à ces formes émergentes et
renouvelées de « l’apprendre » et de « l’enseigner », les professeurs de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

lycée professionnel doivent donc développer de nouvelles compétences.


Parmi celles qui pourraient permettre l’appropriation de ces prescriptions,
nous voyons se dégager surtout les compétences communicationnelles.
En effet, les activités liées à l’accompagnement supposent un travail en
petits groupes. Ces derniers sont le plus souvent constitués à partir de
plusieurs classes et régulièrement réorganisés en fonction des progrès
des élèves. La négociation entre le professeur et l’élève est un autre
élément récurrent observé dans ces pratiques émergentes et concerne
l’enjeu de la tâche, sa finalité, le sens que l’élève lui donne, ou encore
le « projet » individuel. Ces formes d’échange tendent à transformer
la relation pédagogique en diminuant l’écart entre les deux postures
enseignantes : « le sauveur » et « l’indifférent ».

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Au service des élèves ?


4. Au lycée
professionnel Du point de vue de l’exercice du métier, cette survalorisation de
l’échange fait que les professeurs ont toutefois l’impression de s’éloigner
de la logique de mission à dimension collective, au profit « d’une logique
de service à dimension plus individuelle » (ibid.). Toutefois, l’introduction
de « l’accompagner » n’implique pas d’inventer un nouveau métier ou
4.2. Nouvelles
prescriptions, de renoncer à son métier actuel. Il ne s’agit surtout pas de faire de
nouvelles l’accompagnement un lieu de remotivation des élèves totalement en
pratiques
dehors des apprentissages scolaires.
Corinne Marlot
Nathalie Younès Par ailleurs, l’éclatement du modèle « cellulaire » de la classe et la
Guillaume Serres
tendance observée à aller vers des regroupements d’élèves où le
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

professeur ne suit pas forcément « ses » élèves représentent en


eux-mêmes un véritable « renversement ». Ces pratiques fragilisent
l’habituelle position « d’autorité » dont le professeur doit se détacher –
tout au moins momentanément – dans ces nouveaux espaces de travail.
Pour autant, les gestes professionnels ne sont pas si cloisonnés qu’il
semble y paraitre et il se pourrait bien que l’éclatement « localisé » de ce
modèle « cellulaire » génère des « ondes de choc » qui se propageront
jusque dans le collectif de la classe et contribueront efficacement au
Sommaire renouveau des pratiques pédagogiques.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Une mission d'équipe


Enfin, au niveau organisationnel, le temps institutionnel accordé
aux personnels pour mener à bien leur mission d’accompagnement
personnalisé reste un véritable point d’achoppement. Il apparait à l’issue
de nos observations que plus on « personnalise » l’enseignement, plus
il est nécessaire qu’existe un collectif, une équipe pédagogique en tant
qu’instance d’harmonisation. Or, en ce qui concerne la coordination, c’est
au mieux les professeurs principaux qui sont en charge de « recueillir »
de manière plus ou moins informelle les « avis » de leurs collègues ; et
c’est parfois le proviseur adjoint qui organise tout le suivi. Il apparait
donc que pour l’instant, la dimension organisationnelle l’emporte sur les
choix pédagogiques.

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Trois niveaux d’accompagnement à articuler


4. Au lycée
professionnel Cette dernière remarque nous conduit à interroger l’articulation entre
ces deux dimensions : organisationnelles et pédagogiques. La gageüre
de s’adresser à tous les élèves (à la fois aux élèves les plus en difficulté
et aux élèves les plus en réussite comme aux intermédiaires) nécessite
en effet un engagement collectif de l’équipe pédagogique pour gagner
4.2. Nouvelles
prescriptions, en cohérence et construire des dispositifs intégrés. Il est très important
nouvelles de ne pas reléguer l’accompagnement personnalisé seulement dans des
pratiques
moments dédiés séparés du reste de la semaine, ce qui le conduirait
Corinne Marlot
Nathalie Younès finalement à rester périphérique. Il est au contraire nécessaire de penser
Guillaume Serres ce dispositif en lien avec les autres situations de formation. Tout l’enjeu
va résider là, dans la mise en cohérence des choses. Car l’articulation est
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

centrale dans de tels dispositifs : l’articulation entre le système scolaire


et les aspirations de l’élève, l’articulation entre les matières et entre les
enseignants, entre le lycée et le monde professionnel ainsi qu’entre les
modalités d’organisation.
Dans la mise en œuvre du dispositif, trois niveaux d’accompagnement
sont plus particulièrement à articuler, chaque niveau étant lui-même
un lieu d’articulation de différentes composantes dont nous ne
Sommaire mentionnerons que celles qui nous apparaissent tout particulièrement
déterminantes.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Le niveau d’accompagnement des processus d’apprentissage


Agir sur les processus d’apprentissage, c’est travailler à la fois sur la
motivation et sur la structuration des apprentissages. Et ce d’autant
qu’un grand nombre des élèves qui arrivent en 2de professionnelle
se trouvent dans des filières qu’ils n’ont pas choisies, ou par défaut.
Beaucoup peuvent se sentir démotivés avec le sentiment d’être
relégués, déclassés, ignorés. Par ailleurs, la plupart ont également des
lacunes importantes en ce qui concerne la maitrise des compétences
de base dans la compréhension des textes, l’expression écrite et orale,
les mathématiques. Plusieurs articulations sont ainsi particulièrement
cruciales entre les questions de confiance, de sens et d’apprentissage.
• Avoir confiance dans les possibilités de l’élève et susciter ou restaurer
cette confiance en soi est un facteur particulièrement déterminant.

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On connait bien l’impact délétère du pessimisme dans les prédictions


4. Au lycée des résultats des élèves.
professionnel
• Travailler sur le sens des savoirs se révèle aussi particulièrement
important. « À quoi ça va me servir de travailler sur telle ou telle
matière ? » Ce type de question revient trop souvent pour qu’on
l’évacue. L’accompagnement personnalisé devrait permettre d’un
4.2. Nouvelles
prescriptions, travail s’ouvrant à la question du sens de l’apprentissage.
nouvelles
• Travailler à la fois sur les contenus et sur les méthodes. Devant
pratiques
Corinne Marlot
le constat que les élèves manquent de méthode, il est tentant
Nathalie Younès de mettre en place des accompagnements méthodologiques. Ce
Guillaume Serres que nous soulignons ici est l’importance de ne pas isoler le travail
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

sur les méthodes en le réservant par exemple à des séances faites


uniquement pour ça et uniquement là.
• Structurer les apprentissages. Les activités intellectuelles que
sont l’attention, la mémorisation, l’association, la structuration,
la systématisation sont constitutives des apprentissages et ne
doivent pas être négligées sous prétexte de rendre les élèves actifs
et d’élaborer des projets s’appuyant sur leurs centres d’intérêt.
Il convient donc de se demander si les situations pédagogiques
Sommaire
mises en place ne minorent pas certaines situations fondamentales
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

dans les apprentissages : découverte, structuration, mémorisation,


entrainement, approfondissement, réinvestissement.

Le niveau d’accompagnement des parcours de formation


Un travail sur les parcours de formation semble également un levier
essentiel dans l’implication et la réussite scolaires. L’accompagnement
personnalisé devrait favoriser une meilleure connaissance des acquis et
des besoins des élèves pour mieux leur permettre d’ajuster pas à pas
leur parcours de formation. Cet ajustement passe notamment par la
mise en synergie de l’accompagnement personnalisé avec les dispositifs
d’évaluation. Les équipes pédagogiques disposent d’un certain nombre
d’outils pour faire l’état des lieux de la situation scolaire des élèves
sur le plan des apprentissages et sur le plan motivationnel. Il est donc
primordial d’engager l’élève dans son parcours de formation. Pour
cela, des entretiens individuels conduits par un professeur référent
nous sembleraient à privilégier comme autant de moments favorisant

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l’établissement d’une relation de confiance et de dialogue propice à


4. Au lycée l’ajustement de ces parcours.
professionnel
Le niveau de l’organisation pédagogique
D’ores et déjà les enseignants sont amenés à prendre en compte
la diversité des élèves dans la classe traditionnelle. Il nous faut
4.2. Nouvelles nous demander, et c’est une des difficultés, quelle est la spécificité
prescriptions,
nouvelles
de la personnalisation mise en œuvre dans les temps réservés à
pratiques l’accompagnement personnalisé, quelles en sont les modalités
Corinne Marlot d’organisation. Ceci ne peut que conduire à envisager la différenciation
Nathalie Younès mise en œuvre dans les supports d’apprentissage et le choix effectué
Guillaume Serres
d’organiser des groupes homogènes ou hétérogènes
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

À cette étape de notre étude, il nous est difficile de prendre la mesure


des multiples enjeux et limites liés à l’introduction de l’accompagnement
personnalisé dans le contexte spécifique du LP. S’il apparait que les
évolutions en cours renouvèlent des tensions au sein de la profession,
leur dépassement nous semble porteur d’une attention plus grande
portée aux trajectoires scolaires des élèves et à leur suivi pas à pas.
À notre sens, et en accord avec les travaux de Lantheaume5, ces
« zones de turbulence » témoignent plutôt d’un présent agité, plein
Sommaire
de ses tentatives d’ajustements et d’intégration, tout à l’honneur de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’ingéniosité des équipes en place.

C o r i n n e M a r l o t , N a t h a l i e Yo u n è s , G u i l l a u m e S e r r e s
Le laboratoire PAEDI (IUFM d ’Auvergne – Université Blaise -Pascal)
a été sollicité par le R ec torat de l ’académie de Cler mont-Fe r rand
pour mettre en œuvre un dispositif de for mation continue, relatif
à la mise en place de l ’accompagnement personnalisé en lycée
professionnel (LP). Cette contr ibution s’appuie sur une étude
exploratoire conduite dans plusieurs LP du Puy- de -D ôme.

5 Françoise Lantheaume, Les enseignants de lycée professionnel face


aux réformes : Tensions et ajustements dans le travail, INRP, 2008.

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4.3. À l’aide !
Sylvie Gonthier
Récit d'une heure d'aide avec quelques élèves de LP,
une parmi d'autres, avec les mêmes insatisfactions,
les interrogations récurrentes, les minuscules
satisfactions qui contribuent aux grandes réussites.

17 h 20 : « C’est l’heure de l’aide ! » L’heure de l’aide individualisée, de


l’accompagnement personnalisé de l’élève, du soutien…
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Les questions sont les mêmes depuis dix ans, quel que soit le nom
qu’on ait donné à ce dispositif : comment les aider individuellement ?
Comment percevoir la ou les difficultés « justes » de tel ou tel élève ?
Comment vraiment savoir si on est « efficient » ? Maintenant ou plus
tard ? Quelles démarches adopter ? Faut-il obliger certains à venir ou
bien aider celui qui est volontaire ? À quelle heure ? Avec combien
d’élèves ? Faut-il les aider sur un contenu disciplinaire propre à notre
formation ou apporter une aide méthodologique plus globale ? Faut-il
Sommaire
prendre appui sur les besoins qu’ils expriment, aussi divers soient-ils, ou
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

proposer une démarche unique, mais transférable à tous ?


Tiraillée entre tout ça, en ayant le sentiment d’avoir tout testé, j’y vais
avec, comme toujours, un plaisir certain, comme une « foi » et une
certaine sensation de doute, de frustration, d’insatisfaction.
17 h 25 : J’en attends huit élèves, désignés et volontaires, en première
année de Bac pro trois ans, Métiers de la restauration et de l’hôtellerie.
En voilà déjà deux. Je leur demande ce dont elles ont besoin. Élodie
souhaite mon aide pour repérer l’essentiel dans son cours de sciences
appliquées, faire le lien entre les schémas et la trace écrite qui les
accompagne, et l’interroger pour l’amener à retenir, lui donner des clés,
des moyens mnémotechniques pour qu’elle arrive enfin « à se rappeler ».
Je sais que, quand je peux me consacrer à ce travail avec elle, ça lui
apporte beaucoup et elle progresse. Elle a envie…
Amandine a des recherches à faire sur des fruits, pour le cours de
technologie cuisine. Pas très motivée, elle marmonne ce qu’elle a à faire,

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vaguement. Je l’aide à trouver un site Internet qui pourrait lui apporter


4. Au lycée des éléments.
professionnel
17 h 30, 35 : Deux autres sont arrivés, après une pause clope à la porte
de l’établissement – « obligé, après huit heures de cours ! ». Ils n’ont rien à
faire… Je leur propose alors de réaliser les deux prochaines affiches des
films qui seront diffusés, dans le cadre de la soirée-cinéma organisée
4.3. À l'aide !
une fois par mois, au lycée.
Sylvie Gonthier
Nous avions monté ce projet avec une collègue, en début d’année, dans
l’espoir de profiter du nouveau dispositif « accompagnement personnalisé
de l’élève » pour trouver une autre voie, travailler autrement en aide,
sous la forme de projets, en quelque sorte. On voulait se détacher des
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

cours des élèves et travailler sur des compétences transversales, en les


amenant, tous, à créer différents documents, supports, relatifs à la vie
du lycée. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et le quotidien s’acharne
pour nous inviter à y renoncer : en accompagnement personnalisé, il
faut bien répondre aux demandes explicites des élèves : ils veulent de
l’aide pour comprendre ce qu’ils ont à faire, apprendre tel ou tel cours,
comprendre tel ou tel exercice. Pour les autres, ceux qui n’ont « rien à
faire », on peut trouver un espace pour s’y essayer, puisqu’ils n’ont pas
Sommaire le choix d’être ailleurs... Je tente de les convaincre de s’investir dans la
réalisation des affiches. Le projet revient, sur le fil du rasoir.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

17 h 45 : Les deux nouveaux membres se lancent, entre conviction et


apathie. Je passe voir Élodie et Amandine, les deux premières. Élodie
peine à y voir clair, si je ne la guide pas dans les détails de ce qu’il y a à
faire. Amandine fait vaguement des recherches. Quatre élèves manquent
toujours à l’appel.
… et puis, un nouvel arrivant… Il a des exercices de comptabilité à faire,
mais me tient à distance : « Je n’ai pas besoin de vous pour l’instant ».
Comme une impression de ne servir à rien…
17 h 50 : Je vais jusqu’à la vie scolaire, et signale l’absence des trois
derniers. Ils vont mener l’enquête. Je retourne près des aidés. Je reste
cinq minutes avec Amandine pour essayer de la redynamiser et la guider
dans ses recherches.
Élodie m’appelle pour la seconde fois. Je vais travailler avec elle. On
finalise le repérage, je l’aide à mémoriser. Elle comprend de mieux en

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mieux comment apprendre. Notre travail commun fonctionne… Je sais


4. Au lycée que ses notes ont augmenté… Ça, c’est un signe !
professionnel
18 h : deux nouveaux membres arrivent, extirpés de leur chambre par un
aide-éducateur. Leur énergie à travailler est nulle, ou quasi. L’expression
de leur visage me fait clairement comprendre que « C’est pas la peine, de
toute façon, je sais pas pourquoi je dois venir… Ça me gonfle ! »
4.3. À l'aide !
Sylvie Gonthier Donc, j’abandonne Élodie, constate au passage que les affiches de ciné
avancent bien… Et j’argumente, essaie d’amener les arrivants à mesurer
le sens, l’intérêt de leur présence ici. Progressivement, malgré leur peu
d’entrain, je vais leur faire accepter d’écrire un texte sur eux, ou sur autre
chose, selon les idées qui me traversent l’esprit sur le moment.
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18 h 10 : L’ensemble est installé, mais on est déjà prêts de la fin…


Élodie a avancé, mais n’a pas eu le temps d’apprendre complètement sa
leçon pour demain. Elle est moins angoissée, mais aurait bien aimé finir.
Amandine a fait des recherches… Il faudra que je voie son prof pour en
savoir un peu plus. Une affiche de ciné est terminée, l’inventeur est ravi !
Et moi aussi. Pour le deuxième, ça reste à terminer. « Ça m’a pris la tête,
et puis, en plus, j’ai pas fini… C’est nul ». Pour le devoir de comptabilité,
les exercices ont l’air faits, mais je n’en sais pas plus. Et les deux réticents
Sommaire
sont finalement lancés à écrire, avec intérêt, semble-t-il.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

18 h 15 : ça sonne ; une élève n’est pas venue. La salle se vide, j’invite


Élodie à sortir, elle serait bien restée plus longtemps… Il aurait fallu
passer tellement plus de temps avec chacun d’entre eux ! C’est tellement
chaotique ! Et difficile de stabiliser les habitués : demain, pas d’aide
pour cause de réunion, conseil de classe ou autres. Pourtant, la plupart
apprécient de venir, même désignés. Ils produisent un engagement et
un travail positifs. Malgré leur peu d’appétence initiale pour le travail, ils
repartent bien souvent « confiants », comme « assurés ».
Et moi ? Il faudrait pouvoir consacrer au moins une heure à chacun. Il
faudrait les voir plus régulièrement, modifier les groupes si nécessaire,
changer d’horaire. Mais comment toucher les élèves de plusieurs
classes ? Pour chaque décision à prendre, un empilement de conditions
à remplir, qui renforce le besoin de concertation plus régulière, en
équipe, pour échanger sur le travail attendu par chacun, sur les
difficultés repérées dans telle ou telle matière.

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Alors, oui, j’aide, bon gré mal gré. Je reste persuadée que mon travail
4. Au lycée leur apporte, même si je ne sais pas sur quel plan précis, dans quel
professionnel
domaine, et malgré les doutes et les contraintes et contingences
diverses qui nous sont imposées.

Sylvie Gonthier
4.3. À l'aide ! Professeure de lettres-histoire en lycée
professionnel à Château- Chinon (N ièvre)
Sylvie Gonthier
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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4.4. D'un dispositif à l'autre


Dominique Lakomy
Avec les dispositifs qui s'empilent, ainsi de l'aide individualisée
remplacée désormais par l'aide personnalisée en lycée
professionnel, c'est aussi l'expérience qui s'accumule, et qui
permet de monter des fonctionnements utiles aux élèves.

Dans un lycée professionnel à taille humaine (environ 200 élèves),


nous accueillons des élèves de Commerce, Service Accueil, Électricité
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

et Mécanique moto. Les projets et les idées ne manquent pas.


Cependant, l’objectif de réussite scolaire et personnelle de l’élève est
quelquefois difficile à atteindre. Après dix ans de pratique des projets
pluridisciplinaires à caractère professionnel (PPCP) qui ont favorisé
le travail en équipe, l’année 2009 nous a apporté dans le cadre de la
rénovation de la voie professionnelle et du bac pro trois ans l’aide
individualisée : une heure semaine pour une classe de vingt-quatre
élèves de 2nde bac pro Commerce, heure confiée à deux enseignantes,
Sommaire un professeur de mathématiques (qui a la classe dans cette matière)
et un professeur de commerce (qui n’a pas la classe en dehors de ce
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

créneau). Cette expérimentation doit préfigurer le contenu de la réforme


des lycées.
Après concertation, il a été décidé que la priorité serait mise sur deux
aspects :
• Le choix de la formation et de l’orientation faite par l’élève, en
fonction de son profil en rapport avec le métier envisagé et avec ses
motivations. Il s’avère qu’une fois les constats effectués, la difficulté
réside dans la mise en place des stratégies de remédiation. Un élève
qui choisit une formation par défaut a besoin de beaucoup de
temps pour l’accepter et construire son projet, et il faut trouver les
arguments, les situations qui vont le faire réfléchir ;
• Les difficultés d’apprentissage : les élèves en difficulté sont souvent
les mêmes dans tous les domaines et sont sollicités à chaque
séquence.

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Après avoir travaillé chacune de notre côté avec douze élèves pour
4. Au lycée faire le constat, nous essayons de faire quelques séances en doublettes
professionnel
en général avec sept à huit élèves. Les petits groupes permettent de
percevoir plus facilement, grâce à l’échange à l’oral, les centres d’intérêt
de chacun et d’en faire partager certains à l’ensemble du groupe, donc
de valoriser les élèves.
4.4. D'un dispo-
sitif à l'autre L’objectif des séquences change en fonction de l’avancement dans
Dominique l’année scolaire. Nous travaillons à la demande des collègues (commerce,
Lakomy mathématiques, recherche de stage, calendrier des contrôles en cours
de formation).
Le travail à deux enseignants permet de montrer aux élèves un langage
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

et un objectif communs. Chaque élève s’adresse à l’une ou à l’autre


enseignante en fonction de son besoin. Cela permet à la collègue de
Vente de faire des mathématiques, avec « matempoche » par exemple,
et à la collègue de mathématiques de faire des calculs commerciaux,
des entretiens téléphoniques, présenter des factures d’avoir ou de faire
de la recherche de stage. La double approche des calculs commerciaux
permet de concrétiser des connaissances quelquefois difficiles à acquérir
par les élèves.
Sommaire
Deux types d’élèves
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

On voit apparaitre deux profils d’élèves :


• Celui qui a des difficultés, mais est intéressé. On constate des
progrès bien souvent ;
• Celui qui a des difficultés et n’arrive pas à se motiver. La tâche est
ardue pour les faire s’impliquer dans l’activité. Mais les élèves les plus
motivés viennent volontairement en plus de ceux désignés pour le
soutien.
Nous partons du principe que les activités ne sont pas évaluées, car le
travail effectué le sera dans les évaluations par matière.
Les points forts pour cette année :
• Certains élèves ont pu progresser dans leurs résultats scolaires ;
• Les élèves présents ont bien participé ;

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• Le travail pluridisciplinaire est vraiment un plus pour l’élève et


4. Au lycée l’enseignant ; les thèmes abordés se complètent et donnent
professionnel
des appuis pour les acquisitions en enseignement général et
enseignement professionnel ;
• La possibilité de travailler en petits groupes.

4.4. D'un dispo- Du côté moins positif de notre bilan :


sitif à l'autre
• L’absence de certains élèves ;
Dominique
Lakomy • L’horaire (bien en fin de matinée, mais pas un mercredi matin, car
certains préféraient partir avant le repas) ;
• Le ressenti d’une « corvée » pour certains, dans la mesure où ce
n'était pas une obligation pour tous ;
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• Le besoin de concertation avec l’ensemble de l’équipe pédagogique


n’a pas toujours été simple à gérer, il a fallu inventer des façons de
communiquer.

Évolution du dispositif
À la rentrée prochaine, la donne change : de l’aide individualisée, nous
passons à l’aide personnalisée. Le fond reste identique, la forme peut
Sommaire changer. Une réunion du personnel pour la préparation de rentrée
permet de mettre à plat les impératifs :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• Obligation d’un temps de 2 h 30 par élève chaque semaine ;


• Obligation pour chaque élève de suivre ces plages horaires ;
• Une organisation à mettre en place au niveau de l'établissement et
des équipes pédagogiques.
Les équipes décident pratiquement unanimement de travailler en
doublette sur des projets plus ou moins longs en conservant le capital
acquis lors des PPCP, la démarche de projet reste dominante. Certaines
équipes décident de mélanger des classes de spécialité identique.
Les thèmes sont déjà définis par les équipes, l’été va permettre d’affiner
la réflexion en tenant compte de nos objectifs et de notre projet
d’établissement :
• Amener chaque élève à la réussite scolaire ;
• Prévenir le décrochage scolaire ;

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• Favoriser l’insertion professionnelle ;


4. Au lycée
professionnel • Favoriser les projets européens ;
• Préparer les élèves à l’après-bac, à la poursuite d’études ;
• Ouvrir les élèves aux arts et à la culture ;
• Amener tous les élèves au B2i collège et B2i lycée.
4.4. D'un dispo-
sitif à l'autre
Dominique Dominique Lakomy
Lakomy Professeure de vente en lycée professionnel à Paimboeuf (Loire -Atlantique)
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5. Au lycée général
et technologique
5.1.Comment aider des
lycéens à retrouver le
sens des apprentissages
scolaires ?
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Guy Sonnois
Cet article présente une expérience d'un dispositif
d’accompagnement en lycée pour travailler la quête du sens des
apprentissages, y compris dans les plus modestes des tâches
scolaires, en utilisant les apports d'Antoine de la Garanderie1.

Sommaire Comment aider des élèves à rencontrer le sens des actes nécessaires
pour la bonne intégration des contenus scolaires, leur conservation
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

dans la durée et leur réutilisation pertinente dans des résolutions de


problèmes ? Dans l’acquisition des différentes compétences qui sont
l'enjeu de leur formation intellectuelle, y compris les moyens de la
communication avec leurs semblables2 ? Problèmes ressentis comme
particulièrement aigus pour certains élèves de ce lycée, amenant la
proviseure à favoriser une formation en gestion mentale des enseignants
dans la durée, et spécialement autour d'une classe de 2de dite « de
méthodologie ».

Le projet de la classe de seconde méthodologique


J’ai d’abord accompagné une équipe de professeurs qui se sont
familiarisés avec les principes de la gestion mentale, ont découvert leur
1 Guy Sonnois a écrit sur notre site un point de vue sur La
Garanderie, suite à un billet sur sa disparition en juin dernier.
2 J’ai eu l’occasion de développer cet aspect « cognitif » de
l’accompagnement dans une conférence donnée en janvier
2010 au CRDP de Rouen, dont une vidéo est en ligne.

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propre fonctionnement mental, ont modifié leur perception de leurs


5. Au lycée élèves ainsi que leurs pratiques d’enseignement. Le projet est né autour
général et
technologique de sept professeurs, volontaires pour prendre en charge une classe
de 2de vers laquelle ont été orientés des élèves au cours d’entretiens
d’inscription. Les objectifs à atteindre : aider les élèves à reprendre
confiance, à retrouver le gout d’apprendre, à développer leur autonomie,
5.1. Comment notamment par une efficacité accrue dans leur travail.
aider des lycéens
à retrouver Le contenu des enseignements et les exigences finales sont les mêmes
le sens des
apprentissages
que pour les autres 2des. Les élèves s’engagent en début d’année à
scolaires ? mettre en pratique les outils méthodologiques proposés.
Guy Sonnois
Des méthodes de travail communes
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La réactivation
Les professeurs procèdent au début de chaque cours à une réactivation
individuelle et silencieuse durant laquelle les élèves sont invités
explicitement à faire revenir dans leur tête ce qu’ils se rappellent du
cours précédent. Un élève est alors désigné pour dire ce dont il se
souvient. Les autres écoutent, comparent avec leurs propres souvenirs
et certains sont désignés pour compléter.

Sommaire Des pauses évocatives durant le cours


Les cours sont ponctués de pauses durant lesquelles on demande aux
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

élèves de faire revenir dans leur tête ce qui vient d’être fait. L’un d’entre
eux est désigné pour le formuler à voix haute (tous sont ainsi amenés à
ce « travail » purement mental).
La prise de notes en différé
Le professeur fait des pauses durant le cours pendant lesquelles les
élèves notent ce qu’ils ont compris. Les notes sont ensuite verbalisées et
confrontées. La trace écrite doit être l’expression de la compréhension
de l’élève, et non la parole du professeur recopiée mécaniquement.
La lecture des textes et des énoncés
Il s’agit d’effectuer plusieurs lectures successives d’un même texte, avec
à chaque lecture un « projet » différent, pour conduire à une bonne
compréhension. On associe aussi souvent que possible cet exercice avec
des échanges en petits groupes pour faire émerger les différents accès
à la compréhension et ainsi augmenter le potentiel de chacun.

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Des évaluations différenciées


5. Au lycée
général et Suivant les étapes de l’apprentissage, l’évaluation (formative ou
technologique sommative) est traduite pour les élèves par un code de couleurs :
notes vertes pour la simple mémorisation des connaissances (prime au
travail…), notes noires pour l’évaluation progressive des compétences
à acquérir, et notes rouges pour l’évaluation des acquis en fin
5.1. Comment
d’apprentissage. Des coefficients différents sont appliqués pour chaque
aider des lycéens
à retrouver catégorie de notes.
le sens des
apprentissages Les stages pour la classe
scolaires ?
Guy Sonnois Organisés trois fois dans l’année (septembre, décembre, février), sur
huit jours en tout, avec bilan en fin d’année, ils sont animés dans un
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lieu extérieur au lycée par le formateur en gestion mentale, avec les


professeurs de la classe appelés à reprendre les thèmes du stage, à la
fois dans leur pratique, mais aussi pendant l’heure hebdomadaire d’aide
méthodologique.

Se mettre en projet
Le premier stage a pour objectif, dans un premier temps, d’apprendre
aux élèves à « se mettre » dans le bon projet, à former la bonne
Sommaire
anticipation avant toute tâche scolaire, puis de prendre conscience
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

des représentations qu’ils ont de l’école, de leur travail, des méthodes


qu’ils utilisent et qui orientent inconsciemment leur activité mentale.
Ces représentations sont discutées en petits groupes. Cela permet de
favoriser les modifications nécessaires dans ces anticipations, imprécises
ou fausses le plus souvent, pour les ajuster au mieux aux véritables
attentes du lycée qui leur sont dévoilées progressivement au cours de
l’année.
Puis des exercices permettent aux élèves de prendre conscience
des évocations nécessaires à tout travail intellectuel. Ils réalisent par
exemple qu’ils utilisent des images, qu’ils se parlent ou entendent des
mots, qu’ils « miment » mentalement des mouvements, que leur cerveau
a un « langage », et que chacun d’entre eux a sa propre spécificité, ses
propres fonctionnements et donc ses propres méthodes de travail.
Les élèves découvrent également comment être attentifs (geste mental
d’attention), en donnant véritablement « un ordre » à leur cerveau,

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en lui donnant pour but de faire des évocations. Dans ce premier


5. Au lycée stage, on n’insiste pas trop sur la compréhension, mais on travaille la
général et
technologique nécessaire transformation des contenus en « objets mentaux » qui en
est la première étape incontournable. Les élèves utilisent donc pour le
moment leurs « projets de sens » spontanés qui seront complétés par la
suite.
5.1. Comment
aider des lycéens Ils découvrent également la meilleure façon pour eux de conserver le
à retrouver produit de leur attention-compréhension (geste de mémorisation) :
le sens des
en faisant des évocations propres à chacun, bien sûr, mais surtout en
apprentissages
scolaires ? prenant conscience de la nécessité, pour mémoriser, de se projeter
Guy Sonnois dans l’avenir, de s’imaginer dans le futur, en train de réutiliser leurs
connaissances.
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Le geste mental de réflexion


Le deuxième stage, après la réactivation nécessaire de ce qui a été fait
en septembre et un premier bilan de ce que les élèves ont tenté de
changer dans leur façon de travailler, a pour thème le geste mental de
réflexion. On peut apprendre à réfléchir. Les élèves sont donc amenés,
à travers divers exercices, à décomposer l’activité de réflexion, afin de
prendre conscience de toutes les étapes à franchir. L’attention des élèves
Sommaire
est également attirée sur le risque, inhérent à toute activité de réflexion,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

et donc sur le droit à l’erreur que cette activité comporte nécessairement


(c’est le souci de l’équipe enseignante de matérialiser ce droit à l’erreur
par la pratique de l’évaluation formative).
À l’issue de ce stage, les élèves réalisent également qu’il ne peut y
avoir de réflexion à l’école s’ils n’ont pas auparavant mémorisé les
connaissances nécessaires à cette réflexion. Ils retrouvent ainsi un intérêt
au travail de mémorisation, qui prend tout son sens, et n’est plus vécu
comme une simple contrainte scolaire, mais comme un outil qui prend
sa place dans le schéma plus large de l’activité de réflexion.
À ce moment du stage, les élèves sont très sensibles, et réagissent de
façon très positive à l'idée que le travail scolaire, loin de se réduire à une
seule contrainte dénuée de sens (apprendre pour apprendre ou pour
« restituer » ce qui est appris au professeur), est en réalité un moyen de
développer leur capacité à réfléchir et donc à appréhender le monde, à
exercer leur liberté.

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Enfin, tout travail de réflexion, de compréhension, n’a de sens


5. Au lycée (scolairement) que dans la nécessaire communication à autrui. Là
général et
technologique encore, il s’agit de changer la conception qu’ont les élèves de ce que
représente un devoir (écrit ou oral) : non plus comme un exercice qui
s’adresse au seul professeur, dans lequel on veut montrer que l’on a
appris et « recraché » des connaissances, mais comme la transmission
5.1. Comment organisée et clairement exprimée du fruit de sa réflexion à d’autres que
aider des lycéens
à retrouver soi-même à propos d’un problème qui a été posé dans l’énoncé.
le sens des
apprentissages Le geste mental de compréhension
scolaires ?
Le troisième stage, qui prolonge l’idée de la nécessité d’apprendre en
Guy Sonnois
se plaçant dans un projet de sens, a pour thème le geste mental de
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compréhension. Comprendre, en se posant à propos de tout concept


« les cinq questions » : « c’est quoi ? Pourquoi ? Pour quoi ? Avec
quoi ? Comment ? », cinq questions en apparence simples, mais qui
permettent aux élèves de s’interroger sur la formulation d’un concept,
son origine ou son explication, sa finalisation, la mise en relation avec
d’autres connaissances, et les applications possibles. Ainsi est revalorisé
le plaisir, parfois perdu, de poser (et de se poser) des questions.
Le dernier jour de l’année scolaire est consacré au bilan de cette année
Sommaire
de travail, personnel puis collectif. On constate bien des changements :
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

chaque élève a pris conscience que c’est à lui de trouver la façon de


travailler qui lui convient, que bien souvent son échec n’est pas dû à
un manque d’intelligence (comme souvent il s’en était convaincu), mais
plutôt à un manque de méthode. Surtout, beaucoup ont compris que le
but de l’enseignement dispensé au lycée n’est pas de remplir sa tête de
connaissances qu’il s’agit de « recracher » à la demande, mais que celles-
ci sont au service d’une réflexion construite qu’il faudra communiquer
à autrui de façon claire, et que cette capacité de réflexion et de
communication leur servira dans leur vie professionnelle et personnelle.

Le temps d’aide méthodologique


Les trois stages représentent un bouleversement pour certains élèves :
la remise en question de mauvaises habitudes acquises depuis des
années. Mais les stages seuls ne suffisent pas : devant la difficulté et la
peur de ne pas réussir, bien des élèves peuvent revenir à des habitudes

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anciennes, plus rassurantes. Il faut une pratique active et régulière des


5. Au lycée méthodes de gestion mentale pour qu’elles deviennent habituelles, un
général et
technologique peu comme un sportif s’entraine inlassablement à un geste physique.
C'est dans ce but que le chef d’établissement a mis en place une heure
hebdomadaire « d’aide méthodologique ». On y reprend et travaille à
l’aide d’exercices ponctuels les notions abordées durant les stages.
5.1. Comment Chaque séance est encadrée par plusieurs professeurs de la classe, qui
aider des lycéens
à retrouver interviennent ensemble, et peuvent au besoin travailler avec les élèves
le sens des sur une consigne ou un thème de réflexion qui ne concerne pas leur
apprentissages
scolaires ?
matière.
Guy Sonnois En début d’année, nos efforts se portent surtout sur la lecture et la
compréhension d’un texte lu : traduction de ce que je lis en évocations,
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lectures successives et comparatives pour affiner ma compréhension,


confrontation avec les camarades, choix de mots clés, traduction en un
schéma, et enfin compte rendu oral de ce que j’ai compris.
Au cours du deuxième trimestre, nous travaillons les étapes de
la réflexion à mettre en place pendant un devoir : la lecture de
consignes, en décomposant toutes les étapes nécessaires (lecture,
évocation, analyse des termes), la formulation de la problématique, le
Sommaire tri des connaissances, puis la communication à autrui (organisation des
connaissances et expression).
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

La fin de l’année est consacrée à un travail sur la compréhension. À


travers divers concepts choisis dans des matières très différentes (par
exemple la notion de pression en physique), les élèves sont invités à
se poser les « cinq questions » pour bien comprendre : « C’est quoi ?
Pourquoi ? Pour quoi ? Comment ? Avec quoi ? ».
Ce moment privilégié est également utilisé après les contrôles groupés
pour faire un bilan individuel sur ce que chacun a réussi à mettre en
place pour mieux réussir, et les difficultés encore rencontrées.

Un suivi individualisé
Chaque professeur de cette classe de méthodologie est le « référent »
de quatre élèves environ. Cela nous a semblé nécessaire pour qu’à
tout moment chaque élève puisse s’adresser à un adulte, dont il sait

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qu’il est prêt à l’écouter sur n’importe quel problème, pédagogique ou


5. Au lycée personnel. Certains rendez-vous sont programmés :
général et
technologique • en début d’année pour une « prise de contact » (pourquoi as-tu
choisi la classe de méthodologie ?) ;
• avant les conseils de classe, pour que le référent puisse être porte-
5.1. Comment parole de l’élève (en plus, bien sûr, des élèves délégués) pour
aider des lycéens évoquer des difficultés, son ressenti ;
à retrouver
le sens des • avant ou après les contrôles communs pour faire en tête-à-tête un
apprentissages bilan des progrès réalisés et des problèmes encore rencontrés.
scolaires ?
Guy Sonnois Un cahier de bord sert de point de départ aux conversations entre
l’élève et son professeur référent. Il sert à l’élève pendant les stages
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pour prendre des notes, coller différents documents qui seront peut-
être nécessaires durant les entretiens avec le professeur référent pour
« réactiver » certaines notions. L’élève relève dans ce cahier les notes
qu’il obtient à ses devoirs (une double page par matière), mais surtout
il recopie l’appréciation du professeur et il note dans une troisième
colonne son propre commentaire sur ce devoir. Cette confrontation
entre le commentaire du professeur et la perception de l’élève peut
servir de point de départ à une réflexion : « Que croyais-tu qu’il fallait
Sommaire
faire ? Que pourrais-tu mettre en place pour progresser ? ».
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Quel bilan ?
Dès la première année, l’équipe pédagogique a pu faire un bilan du
travail effectué dans cette classe : les élèves, à l’issue de l’année scolaire,
sont orientés comme les autres élèves de 2de. S’il n’y a pas de miracle,
il n’y a pas davantage de réorientations et de doublements que dans
les autres classes de,2de, ce qui est un bilan positif si l’on considère qu’à
l’entrée en 2de ces élèves étaient en difficulté. Les résultats au bac des
deux premières promotions, en toutes séries, sont au moins aussi bons
que pour les élèves des autres classes, dont un pourcentage notable
de mentions. Il y a même parfois des résultats surprenants : une élève
admise de justesse en 2de générale du fait d’une grosse difficulté
d’expression écrite, a eu un 18 à l’écrit de français.
Guy Sonnois
For mateur en gestion mentale
Auteur de Accompagner le travail des adolescents avec la
p édago gie des gestes mentaux, Chronique sociale, 2009.

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À signaler : il est possible d'échanger avec l'auteur sur des pratiques


5. Au lycée ou demander des précisions sur le modèle « Pégase » sur le blog
général et
technologique http://aidautravailavecpegase.blogspot.com/

Témoignages d’élèves au bilan de fin d’année


5.1. Comment (parmi une centaine d’autres de la même veine)
aider des lycéens
à retrouver « Je suis contente d'avoir appris tout ça, et de mon grand changement.
le sens des Ces stages m'ont permis de comprendre beaucoup de choses sur moi, de
apprentissages reprendre confiance et de retrouver la motivation pour la suite de mes
scolaires ? études et de ma vie. Ma vision du lycée a changé. Je pensais ne pas être
Guy Sonnois capable de réussir et que je n'étais pas intelligente, et j'ai compris que je
n’avais juste pas les bonnes méthodes d'apprentissage. »
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« Grâce à cette année, j'ai bien plus confiance en moi. Je suis plus à l'aise le
matin quand je prends le chemin de l'école. Je passe plus de temps dans ma
chambre, car j'ai retrouvé le plaisir d'apprendre. Je suis plus motivée, plus
confiante en l'avenir, j'ai envie de réussir, de pouvoir continuer à être “libre”.
Je ne me sens plus moins forte, moins intelligente que les autres. Oui, j'ai
changé. Je ne pense plus que les leçons et les contrôles sont des montagnes
infranchissables. J'ai repris du plaisir à apprendre et j'ai plus confiance en
moi, en mon travail. »
Sommaire « Je comprends mieux à quoi servent ces longues heures à écouter un
professeur : y trouver un sens. »
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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5. Au lycée La solitude du
5.2.
général et
technologique grimpeur face à la paroi
Bernard Hoarau
Accompagner les élèves, c'est aussi trouver les mots, les
situations qui les poussent à aller au-delà de leurs limites, à oser
affronter les difficultés des apprentissages nouveaux, ici dans
un cycle d'EPS consacré à l'escalade en lycée professionnel.

Âgés de dix-neuf à vingt ans, Méryl, Laëtitia et Hari préparent un bac


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professionnel. Je les découvre, en ce début d’année scolaire, pour


les préparer à l’épreuve d’escalade du bac, suite du programme d’EPS
qu’ils ont suivi lors de leur scolarité antérieure. Conformément aux
programmes, ils doivent développer plusieurs compétences, à la fois
méthodologiques et culturelles, telles que « s’engager avec lucidité dans
l’activité », « concevoir des projets d’acquisition et d’entrainement »,
« apprécier les effets de l’activité sportive », ou encore, « se confronter à
la vie collective ». De la même façon, sur le plan moteur, ils apprennent
Sommaire
à « adapter leurs déplacements à des environnements multiples et
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

variés ».
La réalité est bien loin de la description idéale formulée par les
programmes. Je sais pertinemment que ces élèves de bac pro font
partie des relégués de la filière générale, ceux à qui l’école a un jour fait
comprendre, avec plus ou moins de ménagement, qu’ils ne pouvaient
pas suivre et qu’ils devaient donc être « orientés ». Un passé parfois
douloureux, dont ils se sont accommodés avec le temps, tout en gardant
une certaine rancœur vis-à-vis des enseignants, qu’ils considèrent
comme responsables de leurs parcours, peut-être même de leur échec.
Ils sont certes présents en cours d’EPS, mais passivement, affalés sur
les tapis de protection du mur d’escalade, une passivité susceptible de
se transformer en agressivité redoutable à la moindre sollicitation de
mise en activité de la part de l’enseignant considéré, à tort ou à raison
comme tous les autres : « Ceux qui obligent à travailler et qui après vous
cassent avec des sales notes », me diront-ils un jour.

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Le vertige devant l'obstacle


5. Au lycée
général et On peut sans peine imaginer leurs réactions lors de la présentation de
technologique ce qui est prévu, le programme, comme on l’appelle, lors de la première
séance : un mélange de contestations, de rouspétances, avec une pointe
d’agressivité et un refus quasi définitif de toute activité. On a beau alors
penser que c’est le premier jour, qu’ils veulent tester l’enseignant, que
5.2. La solitude
du grimpeur face quelques heures auparavant ils étaient en vacances, libres en apparence
à la paroi de toute contrainte, ou bien que l’escalade, « de toute façon ça sert à rien
Bernard Hoarau pour un bac pro logistique », la situation d’enseignement prend vite le
chemin de la contestation et de l’affrontement, structuré autour du déni.
« S’il croit que j’vais monter là-haut, i rêve le prof… » ; « de toute façon j’ai
le vertige et l’année dernière j’ai jamais grimpé » ; « Moi, j’ai un problème :
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

quand je fais des efforts et que je transpire, ça me fait des boutons, alors je
peux pas faire d’efforts. Je vous apporterai une dispense de mon médecin ».
À contrecœur, et sans doute par qu’ils ont tout tenté face à un
enseignant « droit dans ses bottes », ce premier jour, ils grimpent…
deux mètres, peut-être trois, juste de quoi atteindre la ligne rouge qui
marque la frontière entre la grimpe sans assurage et celle où l’on est
encordé pour une sécurité optimale. Ils grimpent, ou plus exactement
Sommaire vont matérialiser leur point de renoncement, celui-là même où ils
souhaiteraient qu’on leur fiche la paix. Joignant le geste à la parole,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ils se laissent savamment tomber sur les tapis de protection, ou bien


redescendent plus vite qu’ils ne sont montés, en criant « j’ai peur, non
j’irai pas plus loin ! ».
Une situation qui dure plusieurs séances, pendant lesquelles l’agressivité
des uns et la passivité des autres, le bavardage des uns et le refus des
autres, le déni des uns et la mauvaise foi des autres disputent le premier
rôle à l’obstination de l’enseignant et à ses techniques qui permettent
de réussir. De réussir, certes, mais de réussir quoi, peut-être même…
pour quoi ?

Persévérer
C’est autour de cette question que je concentre toute mon activité. Tout
en maintenant des objectifs de travail à la portée de leurs possibilités du
moment, tout en exigeant qu’un exercice demandé soit tenté plusieurs
fois, tout en désignant rigoureusement la zone d’essai de l’exercice

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demandé, tout en dirigeant fermement les déplacements d’une zone à


5. Au lycée l’autre, je passe de longues minutes, séance après séance, à expliquer
général et
technologique à chacun de ces élèves la raison de la présence d’un enseignant dans
une classe. Procédure certes difficile et éprouvante, mais ô combien
importante à mes yeux, pour débloquer les situations en mettant les
élèves face à des contradictions qu’ils se refusent à analyser.
5.2. La solitude
du grimpeur face Je leur pose une question simple, au moins en apparence : « À quoi ça
à la paroi sert un enseignant ? ». Réponse classique, « À faire travailler ! », et difficile
Bernard Hoarau d’aller au-delà. « Oui, mais encore ? — Ben je sais pas moi ! — Je sais que
vous avez peur, mais vous devez savoir vous aussi que l’enseignant est
avant tout quelqu’un qui est là pour faire réussir les élèves dans ce qui est
difficile ».
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Certains jours, mon insistance provoque des coups de colère : « J’ai


jamais vu un prof comme ça », dit l’une d’eux ; « Non j’le f’rai pas », dit
le second élève ; « J’vous ai dit non, je peux pas, je vous dis que je peux
pas ! », hurle la troisième.

Technique et confiance vont de pair


La négociation est loin d’être gagnée. Plusieurs déclics vont pourtant se
Sommaire produire.
En premier lieu, ils acceptent tout de même de modifier ce que, dans
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

notre jargon, nous appelons les postures de grimpeur. D’une posture


ordinaire de terrien debout sur ses pieds et en réaction modérée à
l’action de la pesanteur, ils acceptent de passer en posture de haka, à
l’image des rugbymans néozélandais : posture permettant de construire
un équilibre dynamique au niveau des bras et des jambes, que l’on
peut reproduire facilement sur un mur d’escalade compte tenu de
l’orientation particulière des pieds et des mains. Et dans un second
temps, il leur est demandé d’aller « danser le haka » sur le mur, l’objectif
étant de maitriser le risque de déséquilibre vers l’arrière, tant redouté
par des élèves se réfugiant derrière la peur du vertige.
Le mur d’escalade présente la particularité d’être équipé à intervalles
réguliers de dégaines, sortes de mousquetons utilisés par les « bons
grimpeurs » pour y fixer directement leur corde d’assurage au fur et à
mesure de leur progression. C’est du reste par ce modèle de progression

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que les élèves seront évalués au bac, ce qu’ils redoutent encore plus. À
5. Au lycée l’inverse de l’escalade de niveau élémentaire où le grimpeur est assuré
général et
technologique depuis le sommet du mur, et donc n’a que très peu d’amplitude de
voltige en cas de chute, le fait de grimper « en tête », exige du grimpeur
de placer régulièrement sa corde dans une dégaine fixée au mur pour
assurer sa sécurité sur les points d’ancrage prévus. Durant sa progression,
5.2. La solitude le grimpeur a régulièrement le sentiment d’être comme dans le vide,
du grimpeur face
à la paroi accroché au mur par ses seuls appuis manuels ou pédestres !
Bernard Hoarau Alors que les élèves pratiquent encore la grimpe dite « en moulinette »,
assurage par le sommet, je les invite à progresser en comptant le
nombre de dégaines. Il y en a neuf au total ! Après un premier cri
d’angoisse, « Ça va pas, je vais pas monter tout ça ! », la négociation
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reprend à l’aide d’un subterfuge banal, pour ne pas dire démagogique :


« Il y a neuf dégaines à atteindre (neuf jalons à franchir) pour pouvoir
dire qu’on a grimpé tout le mur. Moi ça m’est égal, tu en grimpes trois, tu
redescends, sans poser le pied au sol, et tu remontes aussitôt pour en refaire
trois (les mêmes), et tu recommences une dernière fois : on pourra dire que
tu en as fait neuf ! ».
À ce moment-là je vois dans leurs yeux briller quelque chose ! Mais que
Sommaire celui qui n’a jamais « menti » pour le Père Noël me jette la première
pierre.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

La suite, chacun la devine. Ils font une première fois trois dégaines.
La quatrième étant très proche, il leur est facile de l’atteindre, puis de
redescendre et de recommencer une fois, deux fois, totalisant jusqu’à
onze dégaines avec leur danse du haka… et un premier sourire à la clé.
« Onze dégaines, c’est plus que le mur ». À nouveau des cris : « Vous voulez
pas que je monte le mur en entier, j’ai plus de forces, non, pas aujourd’hui,
la prochaine fois ». Pour la première fois apparait un projet… de réussite,
certes différé, mais ce n’est plus un refus, tout au plus un doute, comme
dans toute période de transformation où l’on ne sait plus exactement
où l’on en est !

Le plaisir de la difficulté surmontée


Chacun devine la suite. J’insiste pour qu’ils grimpent neuf dégaines le
jour même. Bien sûr, c’est encore l’enseignant qui, depuis le sol, leur dit
exactement sur quelles prises il faut poser ses pieds, placer ses mains.

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Bien sûr, c’est encore l’enseignant qui guide et accompagne à distance


5. Au lycée l’élève dans le doute, tiraillé entre l’envie de réussir et la tentation de
général et
technologique décrocher ou renoncer. Mais c’est bel et bien l’élève qui atteint le
sommet !
À la descente, je vois un visage transformé, partagé entre l’émotion et
l’incroyable : « J’aurais jamais cru qu’j’y arriverais ». Je vois briller dans
5.2. La solitude
du grimpeur face leurs yeux l'envie d'apprendre ! N’est-ce pas là l’essentiel ?
à la paroi
L’une d’entre eux, qui me tanne depuis le début de l’année pour
Bernard Hoarau
téléphoner à sa mère, qui me dira « pourquoi elle ne peut pas faire
d’efforts, puisque ça lui donne des boutons », a une deuxième surprise de
taille. Non seulement nous téléphonons à sa maman à qui nous laissons
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un message, mais elle constate après coup qu’elle n’a pas pu s’exprimer.
Du moins n’a-t-elle pas pu contrôler ses rires au téléphone pour parler
distinctement. Elle est tellement heureuse de sa réussite qu’elle en rit
aux éclats. Je crois pour ma part qu’elle a retrouvé son âme d’enfant, à
travers le désir d’apprendre et la réussite.
La séance suivante n’est pas qu’une formalité, il y a un petit doute. « Y
arriverai-je encore ? ».
Deux séances plus tard, alors que les techniques de la grimpe en
Sommaire
tête progressent, il faut prendre des photos : preuve irréfutable d’une
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

réussite parfaitement maitrisée.

Au pied du mur, l'accompagnement


Cette forme d’accompagnement a pris une tournure très particulière.
Celle en premier lieu de dédramatiser la relation prof/élève : « Oui je
sais que tu as peur, et que depuis que tu es à l’école on ne t’a pas toujours
encouragé. Mais je sais aussi que tu as des capacités et que tu peux retrouver
ta fierté, là où justement tu n’as confiance en personne et pas même en
toi » ; celle ensuite de la franchise, en lieu et place de la séduction : «
Non je ne te promets pas la facilité, mais je resterai disponible et à l’écoute
pour guider ton cheminement à travers les obstacles » ; celle enfin de la
confiance retrouvée où l’on comprend ce que peut aussi vouloir dire,
« je n’ai jamais vu un prof comme ça », un prof qui ne se résigne pas à
mettre zéro alors qu’il en a le pouvoir, et qui place l’accompagnement
au cœur de l’acte d’enseignement !

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Deux moments forts viennent conclure le cycle de seize séances : une


5. Au lycée séance d’évaluation officielle pour le contrôle en cours de formation du
général et
technologique bac, puis une remise de diplôme à laquelle je tiens particulièrement.
À l’image des brevets sportifs, je remets à chaque élève un diplôme
attestant l’exploit réalisé. Diplôme sans note, indiquant précisément la
voie parcourue et la difficulté surmontée, et signé par l’enseignant. Dans
5.2. La solitude leurs yeux, je vois briller comme une petite flamme ! Une prochaine
du grimpeur face
à la paroi fois, je leur parlerai d’André Malraux, qui parlait de « donner conscience
Bernard Hoarau aux hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux ». N’est-ce pas là une
superbe définition de l’accompagnement ?

Bernard Hoarau
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Professeur d ’EPS en lycée à S aint- Chamond (Loire)


Cor respondant E&D de l'académie de Lyon

Souvenirs d’escalade

« Au début, l’escalade me faisait peur, je pensais être incapable de monter


Sommaire jusqu’en haut ; jusqu’au jour où mon professeur m’a encouragé à monter et
j’y suis arrivé et depuis l’escalade me fait plus peur. Merci Monsieur, tout ceci
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

grâce à vous ! Mes boutons ne sont qu’un obstacle minime. »


Laëtitia

« Au début de l’escalade, j’avais des préjugés sur mes capacités, je me suis


même énervée une fois contre le prof, avec la célèbre phrase "Je n’ai jamais
vu un prof comme ça !". Mais mon prof a eu confiance en moi et il a eu
raison. Dès ce moment, j’ai pris confiance et j’ai réussi mes épreuves. Merci
Monsieur. Maintenant le badminton m’attend ! »
Méryl

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5. Au lycée 5.3.Accompagner les


général et
technologique élèves : entre guidage
étroit et construction
de l'autonomie
Sylvette Rascle
Accompagner nécessite de prendre en compte l'autre :
ses motivations, ses projets, ses difficultés et ses
réussites. Sylvette Rascle témoigne de cette adaptation
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

lors d'un changement d'établissement et présente ses


efforts pour aider vraiment les élèves, sans trop en
faire, en recherchant les chemins de l'autonomie.

Nouvelle année, nouveau départ : à la rentrée 2009, me voilà de retour


dans l'enseignement au lycée, après dix années en collège. Dans le
même temps, je passe d'un petit établissement au fonctionnement quasi
familial, dans une zone à fort isolement géographique de l'académie
Sommaire
de Grenoble, pour un gros lycée recrutant assez largement dans des
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

catégories socioprofessionnelles défavorisées de l'académie de Lille. J'ai


presque l'impression de repartir à zéro et, rapidement, les difficultés
s'accumulent.
J'ai beau avoir été prévenue par mes collègues « qu'en dix ans le niveau
a considérablement baissé », que dans l'académie de Lille c'est, d'après
eux, « une zone sinistrée en termes de résultats scolaires », je trouve les
connaissances comme les capacités de rédaction de mes impétrants
de 1re S pour le moins limitées. Je ne cède pourtant pas facilement à la
sinistrose, mais là, je me demande comment je vais parvenir à amener
ces élèves à un niveau convenable pour un passage en terminale S.
Nous commençons par la géologie, partie la plus difficile du programme.
Ce choix, fait par les collègues, a pour but de leur montrer dès le
départ la difficulté de la tâche, ce qui est censé les inciter à se mettre
sérieusement au travail. Et de fait ils s'accrochent, non sans peine, me
demandent une heure de soutien à laquelle viennent les volontaires,

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c'est-à-dire ceux qui s'en sortent le moins mal... Les autres, je ne les y
5. Au lycée verrai jamais ! Arrive la biologie : c'est facile, me disent-ils, il n'y a plus
général et
technologique de problèmes... et les efforts se relâchent. Les résultats aussi, qui, n'étant
déjà pas brillants, deviennent catastrophiques : 6,2 de moyenne sur
20 au devoir commun, organisé parallèlement au bac blanc alors que
l'heure de soutien a été totalement désertée.
5.3. Accompagner
les élèves : entre Cadrer le travail pour être efficace ?
guidage étroit
et construction Il me reste la moitié de l'année pour redresser la barre. J'ai pu
de l'autonomie
entretemps prendre la mesure de mon public, repérer les lacunes de la
Sylvette Rascle
langue française, le manque de rigueur du raisonnement, les difficultés
à se familiariser avec la lecture de documents complexes ; mais aussi
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l'immense espoir investi dans leur scolarité, la certitude qu'il existe une
méthode miracle pour s'en sortir. Pour autant le découragement guette.
Il me faut des résultats, et vite. Foin des directives pédagogiques : degré
d'autonomie zéro. De la méthode, rien que de la méthode, décortiquée
autant qu'il est possible, imposée jusque dans les moindres détails.
Retour à l'étymologie d'antan, et tant pis si je n'ai jamais pratiqué les
langues anciennes : tout ce qui fait sens est utile. Schémas doublant
la trace écrite, synthèses redondantes, exercices transversaux entre
Sommaire
plusieurs chapitres pour avoir l'occasion de répéter et donc de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

mémoriser davantage sur le long terme, mais aussi de réinvestir dans


des contextes différents. Et prière de ne pas oublier, au passage, de
tancer les dilettantes, souligner les réussites, materner les découragés.
Au final, devoir surveillé sensiblement équivalent au devoir commun :
quatre points de plus sur la moyenne. Pari gagné : je suis fière d'eux !

Les limites de l'aide en soutien


La non-fréquentation de l'heure de soutien par les élèves les plus en
difficulté, l'abandon progressif de ce dispositif pourtant réclamé par
les élèves eux-mêmes remet en cause bien des idées reçues. L'horaire
d'enseignement hebdomadaire déjà lourd constitue un premier
handicap. Participer à ce type d'aide est aussi un aveu de faiblesse,
ce qui est probablement difficile à vivre par des élèves qui se sentent
en échec. Enfin, pour le profil d'élèves des établissements à public
défavorisé, il faudrait quasiment une heure de soutien par matière, ce
qui devient carrément ubuesque !

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Les limites du guidage en classe


5. Au lycée
général et Par contre, des aménagements simples peuvent leur faciliter la vie et
technologique gagner du temps : distribution d'une correction détaillée, ce qui permet
à l'élève d'individualiser sa correction en lui montrant où et pourquoi
il a perdu des points ; cours mis en ligne, pour que les trop nombreux
absentéistes se mettent à jour. Ne pas hésiter à expliquer et réexpliquer
5.3. Accompagner
les élèves : entre le vocabulaire, c'est une barrière importante à la compréhension. Bref,
guidage étroit rien de révolutionnaire dans tout cela.
et construction
de l'autonomie Cependant la réussite par un guidage précis de l'élève, tel qu'il s'est
Sylvette Rascle imposé à moi pour sortir ma classe de l'échec, se fait au prix d'une
perte d'autonomie de l'élève. Cela a contribué à démotiver certains,
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pour lesquels le manque de travail était plus à incriminer que le


manque de méthode. L'initiative est bridée et les résultats parfois
surfaits, en ce sens que tous ne sont pas encore capables de s'affranchir
de consignes strictes. Par exemple un élève capable d'appliquer un
protocole d'expérience, puis d'en faire l'analyse des résultats pour
aboutir à la conclusion recherchée, ne sera pas forcément capable de
concevoir ce protocole – ou un autre tout aussi valable – pour tester
une hypothèse. De la même manière, l'analyse d'un document peut
Sommaire être réussie si j'impose de rédiger d'abord une lecture des faits relatés,
et ensuite seulement leur interprétation ; elle peut devenir rapidement
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

très incomplète, voire fausse, lorsque cette contrainte méthodologique


disparait. La réussite dans l'enseignement supérieur est donc obérée,
sauf à y introduire un dispositif d'accompagnement pour ce profil
d'élèves.

Des pistes pour l'autonomie


Pour la filière ES, les projets de programmes invitent à contribuer à
construire des compétences sociales et civiques, ou autour de la maitrise
des TIC : on est alors beaucoup plus dans des démarches autonomes
des élèves plutôt que dans des activités très cadrées, évaluées dans des
épreuves classiques de baccalauréat.
La pédagogie de projet, déjà pratiquée par le biais des TPE, se voit
confirmée par la réforme en cours : enseignements d'exploration, aide
personnalisée. On peut ainsi espérer motiver les élèves par une certaine
marge d'autonomie, donnant à l'indispensable culture générale un

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visage moins rébarbatif, moins scolaire, alors que les bonnes intentions
5. Au lycée actuellement affichées dans les programmes sont contrecarrées par les
général et
technologique exigences de préparation à une épreuve écrite.
L'ouverture à des débats citoyens autour de domaines scientifiques
parfois très complexes comme les énergies, le climat, les OGM, la
procréation médicalement assistée vont dans le même sens. Qui dit
5.3. Accompagner
les élèves : entre culture générale dit vaste palette de connaissances de toute façon
guidage étroit inconciliable avec un horaire hebdomadaire modeste. Pourquoi alors le
et construction
programme ne se contenterait-il pas de fixer quelques grandes lignes
de l'autonomie
Sylvette Rascle
générales en termes de connaissances, pour être plus exigeant en termes
de compétences ? On pourrait imaginer que ces classes participent à
l'animation de la vie citoyenne à l'intérieur de l'établissement, en lien
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avec le CVL ou le CESC, avec organisation de débats, forum d'échanges,


dossiers mis en ligne sur le site de l'établissement. Tout cela impliquerait
un travail d'acquisition de connaissances dans la phase de préparation,
d'acquisition de compétences citoyennes, voire d'ouverture sur le
monde extérieur par la prise de contact et l'invitation éventuelle de
partenaires. Nul doute que les résultats en termes d'autonomie et
d'initiative, compétences du socle commun, seraient bien meilleurs
Sommaire que dans le cadre d'une heure d'enseignement, et les connaissances
acquises probablement mieux ancrées. On passerait ainsi de l'élève
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

« consommateur » souvent passif à un élève acteur de la vie du lycée.


En se donnant la possibilité d'évaluer des compétences plus larges, on
pourrait valoriser et motiver des élèves qui ne le sont pas forcément
dans le fonctionnement actuel.

Sylvette Rascle
Professeure de sciences de la vie et de la ter re en lycée à D ouai (Nord)

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6. Dans le supérieur
6.1.Les Entretiens
de la liberté : un
accompagnement
numérique encore
peu attractif
Anaïs Théviot
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Internet, avec toutes les facilités de communication numérique,


peut apparaitre comme un moyen idéal d'accompagnement.
Une expérience conduite au niveau post-bac montre que
l'accompagnement humain est tout de même indispensable,
preuve qu'accompagner nécessite une rencontre qui
s'inscrit dans un lieu, un temps et un face à face.

Sommaire
Le développement rapide d’Internet (travail collaboratif, e-learning,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

enseignement à distance…) dans le milieu universitaire et


l’enseignement secondaire vient accroitre la diversité des possibilités
de suivi de l’apprenant. Avec Internet, l’accompagnement scolaire
s'affranchit des distances géographiques, voire des barrières sociales et
culturelles par l'absence de marqueurs sociaux du fait de l'anonymat
des messages postés sur la Toile. Accompagner un élève par le biais du
numérique limite aussi les contraintes financières.
Pourtant, malgré les opportunités exceptionnelles qu’offrent ces
nouveaux dispositifs numériques (forums, chats, wikis, listes de
diffusion…), leur appropriation demeure encore difficile.

Un accompagnement numérique ambitieux


À Bordeaux, une expérience a été menée pour accompagner les lycéens
dans leur préparation au concours de Sciences Po par l'intermédiaire
d'outils numériques. Il ne s’agit pas d’un travail préparant directement

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aux épreuves d’entrée, mais plus d’une initiation aux questions


6. Dans le d’actualité politique.
supérieur
Dans le cadre des Entretiens de la liberté (cf. encadré 1), un site participatif
cherche à s'adresser particulièrement à ces lycéens souhaitant s’orienter
vers des études en sciences politiques, afin de les aider à s’exprimer de
manière constructive et argumentée sur Internet tout en améliorant leur
6.1. Les Entretiens
de la liberté : un culture générale. Il s'agit de les accompagner hors de leur apprentissage
accompagnement scolaire, en leur offrant un outil attractif et interactif permettant d’avoir
numérique en-
un nombre de lecteurs potentiellement illimité. Leur contribution au
core peu attractif
Anaïs Théviot
site Internet est considérée comme une forme d’entrainement à la
dissertation de culture générale. Ils peuvent poster un commentaire afin
de réagir à la communication d’un intervenant ou apporter leur propre
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

argumentaire en rédigeant un message long.


Pourtant, lors de la première édition, le site Les Entretiens de la liberté
n’a enregistré que neuf commentaires : les débuts de ce système
d’accompagnement du lycéen par le biais de l’outil numérique sont
difficiles... Les membres de l’association ne se sont pas découragés
devant la faible participation et ont tenté de donner un nouveau souffle
à leur démarche. Comment inciter les lycéens à participer davantage ?
Sommaire
Une collaboration active avec les enseignants du secondaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Une collaboration avec les professeurs de l’enseignement secondaire est


souhaitée par les membres de l'association et tente d'être mise en place.
Le rôle du professeur est primordial afin d’inciter l’élève à se rendre sur
le site, à se familiariser avec l’outil et à y contribuer. La participation des
lycéens appelle en effet un apprentissage des modes et procédures de
discussion en ligne pour un usage citoyen efficace et raisonné d’Internet.
« Le Forum des droits sur Internet » a ainsi commencé à développer
une pédagogie pour que s’élaborent méthodiquement des débats sur
les sujets mis sur la place publique. Les citoyens « ordinaires » tels que
les lycéens doivent apprendre à valoriser leur expertise particulière, à
organiser leurs arguments et à se familiariser avec l’écrit. L’enseignant
devient alors un accompagnateur qui aide l’élève dans ses premiers
pas sur un site participatif, en espérant que ce dernier y retourne
de lui-même une fois l’outil apprivoisé. Les habitudes qui se nouent

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dans la classe entre apprenants, entre apprenants et enseignants sont


6. Dans le essentielles.
supérieur
Il faut souligner que le professeur n’est pas seul. Il est lui-même, si l’on
peut dire, « accompagné » par les membres de l’association qui l’aident
à mettre en place un projet de classe incluant le dispositif participatif.
Des réunions de travail ont lieu en amont de la manifestation entre
6.1. Les Entretiens
de la liberté : un les professeurs du secondaire et les membres de l’association. Les
accompagnement problématiques éducatives sont très bien comprises par les dirigeants
numérique en-
de l’association, étant eux-mêmes souvent enseignants.
core peu attractif
Anaïs Théviot Afin d’instituer des partenariats solides avec les lycéens, Les Entretiens
numériques de la liberté envisage de s’associer à l’opération « Sciences
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Po Bordeaux, je le peux parce que je le veux » (encadré 2).

Autour d’un projet de classe…


« Un élève ne peut souvent trouver une réelle motivation à travailler qu’à
la condition de trouver du sens à son travail à long, moyen ou court
terme. Une façon de donner sens à des activités est de les établir dans une
démarche de projet. »1
Un projet de classe peut se construire autour de la manifestation
Sommaire des Entretiens de la Liberté et de son site participatif. En amont des
conférences, le professeur travaille avec ses élèves sur la thématique
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

du colloque, facile à relier au programme d’histoire, de philosophie ou


de sciences économiques et sociales. Les élèves discutent en classe,
réalisent des exposés et mettent en ligne leurs réflexions sur le site.
Ils assistent ensuite, accompagnés de leur professeur, aux débats du
colloque. De retour en classe, les lycéens donnent brièvement leurs
impressions sur l’évènement et sont incités par leur enseignant à étoffer
leur ressenti sur le site participatif en le justifiant et l’argumentant. Le
travail du professeur s’arrête ici (même s’il peut encore tout au long
de l’année encourager ses élèves à contribuer au site). C’est à présent
au lycéen, habitué au fonctionnement du site participatif et à la
thématique abordée, d’apporter lui-même sa contribution. Tout au long
de son travail d’accompagnement, l’enseignant a, de manière sous-
jacente, montré l’intérêt de la démarche pour le lycéen qui souhaite se

1 "L'aide individualisée en classe de seconde", mémoire professionnel,


IUFM du Limousin, 2003. Télécharger le mémoire.

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présenter au concours d’entrée de Sciences Po ou qui a un quelconque


6. Dans le intérêt pour le politique. Il a ainsi donné un sens au travail de l’élève qui
supérieur
se révèle au final gratifiant et profitable. Convaincu que sa contribution
au site enrichit sa réflexion personnelle et l’aide à construire ses idées, à
se familiariser avec des thématiques politiques et, de façon indirecte, à
préparer le concours de l’Institut d’études politiques, le lycéen ne peut
6.1. Les Entretiens que (on l’espère !) s’investir dans ce projet et multiplier les messages
de la liberté : un
accompagnement postés.
numérique en-
Cette nouvelle forme d’accompagnement numérique se révèle être à la
core peu attractif
Anaïs Théviot
fois une opportunité (pas de problème de distance, peut toucher des
milliers de lycéens, limite les couts financiers, gain de temps) et un défi
(accroitre la participation !). Afin de relever ce défi, on ne peut se passer
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

d’un accompagnement de la part de l’enseignant pour aider l’élève à


prendre confiance en lui et le mener vers l’autonomie.
Pour garantir l’efficacité d’un accompagnement hors l’école, le dispositif
étudié doit passer par un accompagnement dans l’école.

Anaïs Théviot
S ciences Po B ordeaux, SPIRIT, doc torante

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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6. Dans le L’association Montesquieu, l'esprit du politique à l’origine de ce projet s’est


supérieur donné pour objectif de créer un nouvel espace public pour penser le
politique. Construit par Jean-Noël Jeanneney, Olivier Duhamel et Pierre
Sadran, ce projet s’organise autour des « Entretiens de la liberté » qui se
déroulent chaque automne à La Brède avec des conférences publiques.
L’édition 2009 a accueilli 700 participants, dont de nombreux lycéens,
6.1. Les Entretiens accompagnés de leurs professeurs. Inscrits sous la question centrale
de la liberté : un de la liberté, ces « Entretiens » interrogent des thèmes tels que « la
accompagnement représentation de la liberté aujourd’hui », « les nouveaux pouvoirs et les
numérique en-
core peu attractif
formes nouvelles de leur séparation », « la séparation des pouvoirs et
les médias »… En 2010, c’est la thématique de la « peur » (principe de
Anaïs Théviot
précaution, progrès technologique, terrorisme…) qui a été choisie. Mais
l’ambition portée par l'association est d’aller au-delà de ces rencontres
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

ponctuelles en offrant la possibilité aux citoyens de débattre tout au


long de l’année à travers son site participatif : les Entretiens numériques
de la liberté. Ce site s’efforce de naviguer à contrecourant. Alors que
l’immédiat et l’instantané prévalent sur la Toile, ce lieu de rencontres
et de débats a pris le parti d’aller au fond des choses, de prendre à
contrepied l’image que l’on a trop souvent des échanges sur la Toile :
production de messages courts, pas toujours bien argumentés, agressifs.
Ce site participatif vise également à faire œuvre de vulgarisation, sans
céder sur les exigences de contenu, en permettant au plus grand nombre
Sommaire de pouvoir accéder à des débats et réflexions de qualité.

Visiter le site des Entretiens de la Liberté


les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

L’édition 2010, « La peur, la liberté, la démocratie » se tiendra le 8


octobre 2010 à Sciences Po Bordeaux et le 9 octobre 2010 au château
de La Brède (entrée gratuite).

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6. Dans le « Sciences Po Bordeaux, je le peux parce que je le veux »


supérieur L’opération « je le peux parce que je le veux » a été lancée en 2004
auprès de treize lycées en Aquitaine. Elle correspond, dans son esprit, à
la démarche contenue dans l’action « Une grande école : pourquoi pas
moi », initiée par l’ESSEC et confirmée par la Charte pour l’égalité des
chances dans l’accès aux formations d’excellence, signée le 17 janvier
6.1. Les Entretiens 2005 par les ministres de l’Éducation nationale, de l’Emploi et de la
de la liberté : un
Cohésion sociale et à l’Intégration et l’Égalité des chances, ainsi que
accompagnement
numérique en- par les présidents de la Conférence des présidents d’université et de la
core peu attractif Conférence des grandes écoles. Elle permet d’ouvrir l’Institut d’études
Anaïs Théviot politiques de Bordeaux à une population lycéenne aquitaine qui n’a pas,
socialement et géographiquement, coutume d’accéder à une formation
de ce type.
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Dans un premier temps, l’Institut organise une campagne de


sensibilisation et d’information auprès des lycéens qui souvent ne
connaissent pas l’existence de cette grande école à Bordeaux ou croient,
à tort, que l’on n’y forme que des hommes politiques. Des cours gratuits
de préparation aux concours sont ensuite proposés aux élèves intéressés.
L’Institut organise également des conférences sur des sujets d’actualité
ou de société. Cette opération ne s’inscrit pas dans une démarche
de discrimination positive, puisque les conditions d’entrée restent
inchangées. Il s’agit plutôt d’informer et d’accompagner les lycéens. Une
Sommaire
quinzaine de lycées aquitains bénéficient actuellement de cette mesure.
les élèves, dans et hors l'école
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6. Dans le La lutte contre le


6.2.
supérieur
décrochage à l'université
Laurence Pérennès
L’accompagnement peut amener à l’autonomie. Un dispositif
mis en place à l'université de Bretagne Sud pour aider
les étudiants en échec est l’occasion pour ces jeunes de
reconstruire avec les autres un nouveau projet de vie.

Il n'était pas dans les missions de l'université encore récemment de


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se préoccuper de la problématique de l'échec, partant du principe


qu'il relevait de la responsabilité de l'étudiant de s'adapter au système
universitaire. Or, le phénomène du décrochage s'est amplifié et accéléré
ces dernières années, compte tenu de la démocratisation de l'université,
de la mise en place du LMD.
Depuis plus de dix ans, l'université de Bretagne Sud se préoccupe
des étudiants décrocheurs en première année de licence. Chaque
Sommaire année, elle met en place un dispositif spécifique, le Cycle d'Orientation
Consolidation (COC). Plus de 800 étudiants ont été ainsi pris en charge.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Deux constats essentiels : un décrochage peut être l'occasion de prendre


le temps de la réflexion, de bénéficier d'un accompagnement pour
murir son projet ; les motivations de l'étudiant intégrant ce dispositif
sont très diverses : rompre un isolement, trouver malgré les difficultés sa
place dans le système universitaire, combattre les idées reçues lorsqu'on
échoue en première année à l'université, etc.

Le Cycle d’Orientation Consolidation


Le COC est un dispositif d’accompagnement proposé aux étudiants de
1re année qui rencontrent des difficultés ou qui s'interrogent sur leur
choix dans le parcours d'études et qui ne souhaitent pas poursuivre
jusqu'à son terme l'année universitaire entamée. L'objectif est d'abord de
consolider leurs connaissances dans un certain nombre de disciplines en
vue d'un changement d'orientation à la rentrée suivante (autre licence,
DUT, BTS, etc.) ; ensuite, de construire un nouveau projet professionnel

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avec l'aide d'un conseiller d'orientation ; enfin, de valider le projet par


6. Dans le un stage en entreprise. Cette formation est non diplômante, mais tout
supérieur
de même évaluée.
L’intégration dans le dispositif est une démarche volontaire de l’étudiant,
suite à un entretien avec son tuteur-enseignant. S’il obtient son accord,
l’étudiant s’adresse alors au SUIO-IP (Service d’information, d’orientation,
6.2. La lutte
contre le et d’insertion professionnelle) en vue d’obtenir un rendez-vous avec un
décrochage à conseiller d’orientation, qui valide ou non la demande d’intégration sur
l'universitéf
le dispositif lors d’un entretien personnalisé.
Laurence
Pérennès L'intégration sur le COC est exclusive de toute autre formation. Une
fois cette décision prise, l'étudiant renonce à suivre les enseignements
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

de la filière dans laquelle il était initialement inscrit. Cet acte fort est
important, car il responsabilise l'étudiant quant à sa décision, le place
face à ses choix.
L’étudiant suit des enseignements de consolidation obligatoires et
optionnels qui correspondent plus étroitement à son projet d'études
au cours du deuxième semestre de l’année universitaire. Parallèlement,
l’étudiant est accompagné dans son projet de manière collective
et individuelle. Le conseiller d’orientation suit chaque étudiant
Sommaire
régulièrement sur la durée du COC et au-delà, jusqu'à la fin de l’année
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

universitaire, il s’assure que tous les étudiants ont pu intégrer la


formation de leur choix en adéquation avec le projet défini.
Dans le cas contraire, des entretiens de remédiation peuvent avoir lieu
pour travailler sur une solution de repli. Chaque année, 80 à 90 % des
étudiants obtiennent la formation de leur choix, en adéquation avec
leurs premiers vœux.

Le projet personnel et professionnel : évaluation


des compétences et e-portfolio
Sans tomber dans le piège de la dictature du projet, un des points
essentiels du travail réalisé au cours de l'action porte sur la valorisation
des compétences acquises et à acquérir par rapport au projet visé, sur
la recherche d'informations, sur les contacts avec les professionnels des
métiers envisagés.

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Le travail de mémoire du parcours suivi jusqu'à présent, sa formalisation


6. Dans le dans les choix effectués ou non, voire imposés par le milieu familial, aide
supérieur
l'étudiant dans sa prise de recul et les choix à venir. La mise en évidence
de ses centres d'intérêt, ses valeurs, ses besoins, sa personnalité l'aide à
mieux se comprendre et se connaitre.
Cette phase de réflexion, d'interrogation sur soi s'appuie sur le e-portfolio
6.2. La lutte
contre le développé à l'université de Bretagne Sud. Celui-ci, envisagé d’abord
décrochage à comme processus réflexif et de structuration de la pensée, est aussi
l'universitéf
un outil qui permet de capitaliser et d'exploiter l’information collectée
Laurence
Pérennès
en la structurant1. Il est basé sur une utilisation originale du courrier
électronique qui permet de l’alimenter simplement et rapidement.
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Résultats de l'étude
Une enquête a été menée auprès d'un échantillon d'une vingtaine
d'étudiants inscrits au COC. Il convient d'abord de préciser que la
majorité des étudiants interrogés ne sont pas venus par défaut à
l'université : c'est un choix délibéré pour 80 % d'entre eux. Ils précisent
cependant avoir manqué d'informations sur le déroulement des études,
notamment sur l'organisation, le contenu de l'enseignement et la
manière de l'enseigner, les débouchés possibles après la formation.
Sommaire
Pourtant l'université fait de plus en plus d'efforts pour présenter ses
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

formations et ses débouchés, à l'oral, sur papier, sur Internet. Alors,


comment faire pour mieux se comprendre, rendre cette information
plus pertinente, plus efficace ? En réalité, quels que soient les efforts
produits par l'université, les étudiants décrocheurs reconnaissent ne
pas avoir voulu entendre les recommandations faites et les conseils ou
mises en garde apportés. Car le métier d'étudiant ne s'improvise pas2.
L'UBS, université de proximité, se distingue par un taux important de
boursiers. L'étude ne fait cependant pas apparaitre de lien déterminant
entre l'origine sociale des étudiants interrogés et les motifs du
décrochage. Seuls 20 % des étudiants concernés sont boursiers. À
l'exception d'un étudiant, aucun n'évoque de difficultés liées aux
ressources financières comme motif du décrochage.

1 Robert Bibeau, « Le portfolio numérique pour une pratique


réflexive en éducation », Colloque de l’APOP, Montréal, 2007.
2 Alain Coulon, Les étudiants et leur travail universitaire, INRP, 2005.

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Les difficultés sont centrées essentiellement sur l'absence de projet


6. Dans le et, en conséquence, l'absence de motivation à poursuivre dans la voie
supérieur
initialement choisie. Les étudiants reconnaissent par ailleurs un manque
de travail et l'inefficacité de leurs méthodes de travail.

L'entrée sur le dispositif


6.2. La lutte Rapidement, dès le mois de septembre pour 40 % d'entre eux, les
contre le
décrochage à
étudiants réalisent avoir effectué un mauvais choix et commencent
l'universitéf à prendre des renseignements auprès du SUIO-IP. La première image
Laurence qu'ont les étudiants du dispositif COC n'est pas positive : il les renvoie à
Pérennès
leur situation d'échec. Lorsqu'ils comprennent les contours et contenus
de l'action, ils le considèrent comme un moyen de rompre leur
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isolement et de se faire accompagner dans des démarches auxquelles


ils n'auraient pas forcément pensé. Certains précisent qu'il leur a permis
de se déculpabiliser face à ce qu'ils considèrent comme un échec.
La dynamique apportée par le groupe les aide à se remobiliser et
positiver leur situation. Le sentiment de partager un point de vue avec
d'autres, d'avoir vécu une expérience similaire rend les individus plus
confiants et plus forts. La théorie de l'évaluation de soi insiste sur le
besoin que nous ressentons d'utiliser les autres comme sources de
Sommaire
comparaison afin d'évaluer nos propres attitudes et capacités. Ce besoin
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

est d'autant plus fort que nous sommes dans l'incertitude de nos
croyances ou de nos opinions.
Il est important de préciser que pour l'ensemble des étudiants
interrogés, la décision d'intégrer le dispositif leur appartient, sans
influence du milieu familial. Ce constat est d'autant plus important qu'il
constitue un premier pas vers la réussite.

Les attentes par rapport au dispositif


Le COC aura permis à la plupart des étudiants de prendre le temps de
retrouver confiance en eux, de réfléchir plus sereinement à une nouvelle
orientation. 50 % des étudiants interrogés insistent sur cette notion de
temps. Ils apprécient particulièrement les conditions d'enseignement
qui favorisent le travail en petit groupe, et les enseignants toujours
disponibles et à l'écoute.

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L'accompagnement et le soutien de la part des équipes enseignantes,


6. Dans le manifestés par exemple dans les bilans réguliers effectués
supérieur
individuellement par le conseiller d'orientation, sont très appréciés. Si
certains y voient une assistance qui va à l'encontre de l'autonomie de
l'étudiant dans le milieu universitaire, d'autres l'envisagent comme un
encadrement nécessaire à un nouveau départ dans les études. 30 % des
6.2. La lutte étudiants interrogés ont d'ailleurs poursuivi leur cursus en master.
contre le
décrochage à La maturité acquise et la motivation retrouvée leur permettent de suivre
l'universitéf
leur voie sans difficulté particulière pour la poursuite de leurs études. Ils
Laurence
Pérennès
n'ont pas vécu d'autres échecs.
Au fil des ans, le dispositif s'est enrichi et a évolué dans ses contenus.
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Actuellement, les étudiants ont l'obligation d'effectuer un stage


de découverte et d'observation. Particulièrement convaincus par
l'expérience vécue, ils ont pu se réaliser à travers ce stage, démontrer
leur potentiel. Certains d'entre eux se voient ainsi proposer un travail
saisonnier compte tenu de la satisfaction qu'ils ont donnée.
Vivement critiqué lors de sa mise en place, le COC a largement contribué
à la réussite d'étudiants dits décrocheurs. On peut dès lors s'interroger
sur la notion d'échec : celui-ci n'est-il pas parfois un mal nécessaire
Sommaire
qui participe pour certains de la construction de la personnalité et de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l'apprentissage d'un parcours de vie ?


Ce dispositif démontre en tout état de cause que l'attention qu'on peut
accorder à ces étudiants à un moment donné de leur parcours, aussi
critiquable soit-elle par rapport à l'autonomie et la responsabilisation de
l'étudiant, contribue à leur donner ou redonner confiance et envie de
poursuivre leurs études et à les réussir.

Laurence Pérennès
Direc tr ice adjointe SUIO -IP, université de Bretagne Sud
avec la collaboration de M ar ie -Paule Prudhomme, enseignante.

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7. Quelle place
pour les parents,
les associations ?
Ma fille a un problème
7.1.
avec les consignes…
Sylvie Grau
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L’enseignant n’est pas seul à accompagner l’élève : les


parents sont des acteurs incontournables, et l’élève peut se
trouver pris en tension entre les attentes et les conceptions
différentes de tous ceux qui tentent de l’aider à tout prix.

J’enseigne les mathématiques et suis professeur principal en classe de


Sommaire 2nde. Une élève a de grosses difficultés. Dès le début de l’année elle est
repérée comme absente des cours : elle est certes bien physiquement
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

présente, mais trouve toutes les stratégies possibles et imaginables


pour ne rien faire. Marion passe son temps à recopier scrupuleusement
les consignes après avoir cherché des crayons dans toutes les trousses,
a le regard dans le vide, n’a jamais les travaux attendus en temps et en
heure, rend des travaux à faire à la maison visiblement très éloignés de
ce qu'elle est capable de faire en classe.

Des difficultés difficiles à cerner


Les élèves étant suivis de façon hebdomadaire par un professeur
référent, nous apprenons très vite que cette élève bénéficie de cours
particuliers, de deux à trois heures par semaine, par une ancienne
enseignante qui vient à son domicile le mercredi après-midi. Les parents,
très présents, essaient de faciliter ainsi le travail de leur fille, sans avoir
des attentes ou des ambitions démesurées vis-à-vis de sa scolarité. C’est
ce qui ressort des premiers entretiens.

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Marion est proposée pour un atelier motivation, où une personne


7. Quelle extérieure à l’équipe enseignante intervient pour faire dire aux jeunes
place pour les
parents, les leurs désirs, mettre en corrélation les compétences développées à
associations ? l’extérieur de l’établissement avec les compétences scolaires. Cet
atelier, considéré par la famille comme trop intrusif, d’orientation trop
psychologisante, est refusé dès la deuxième séance. Suivent des ateliers
7.1. Ma fille a un avec la conseillère d’orientation psychologue afin d’aider la jeune fille à
problème avec
les consignes… élaborer un projet.
Sylvie Grau À la fin du premier trimestre, l’élève qui avait pris comme enseignement
de détermination « initiation aux sciences de l’ingénieur » décide de
changer pour « sciences économiques et sociales ». La famille explique
que le choix de l’enseignement de détermination avait pour seule
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motivation d’éviter à leur fille d’entrer dans un lycée qu’ils estimaient


de mauvaise réputation. Le projet de Marion est toujours assez flou,
mais elle abandonne son idée première d’école de design qui n’était
pas réellement fondée, si ce n’est par l’intérêt porté à la décoration
de sa chambre. Elle espère mieux réussir en SES pour éventuellement
s’orienter en 1re ES : elle est dans une logique de résultats.
Mi-janvier les notes ont légèrement progressé, mais restent insuffisantes,
Sommaire et l’attitude en cours est à peu près la même. Il est alors question de
filières technologiques, plus courtes. Marion exprime des difficultés à
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

étudier, elle ne comprend pas le sens de ce qu’elle apprend au lycée et


souhaite des enseignements plus concrets. Elle est largement mise en
valeur lors d’un tournoi sportif où elle montre de grandes compétences
d’organisation, de communication et de gestion du groupe. La famille
parle de redoublement dans un établissement plus surveillé, où leur
fille sera plus contrainte d’assister aux cours. Effectivement l’élève est
régulièrement absente en cours de journée, sans motif. Elle a de plus en
plus l’attitude d’une élève qui décroche.
Lors d’un nouveau rendez-vous, les parents insistent sur la nécessité
pour leur fille d’un contact avec les enseignants, sur son besoin d’être
entourée, d’avoir une relation plus affective en somme. L’équipe prend
note et essaye de s’adresser plus directement à l’élève pendant les
cours.

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Le conseil de classe du second trimestre est défavorable à un


7. Quelle redoublement, encourageant l’élève à fournir les efforts nécessaires
place pour les
parents, les pour intégrer une 1re STG. Après une exploration des différentes filières,
associations ? Marion a choisi ce baccalauréat comme étant celui qui correspondait le
mieux à ses intérêts. Cette décision défendue devant la famille se justifie
par les compétences de l’élève en communication et par sa motivation
7.1. Ma fille a un et ses résultats en SES. D’autre part, il est à craindre qu’un redoublement
problème avec
les consignes… ne soit pas profitable au vu du peu de progrès observés à la fois dans
Sylvie Grau son attitude et dans son travail. Il ne semble pas que le problème puisse
se résoudre par un simple soutien scolaire. Or les autres approches ayant
été refusées, il n’est pas envisageable de refaire une 2de dans les mêmes
conditions. L’élève sait donc que nous ferons tout pour l’aider à intégrer
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la 1re qu’elle a choisie, ce qui la motive à suivre les conseils donnés.

Des aides dissonantes ?


De mon côté je reste toujours perplexe vis-à-vis des cours particuliers.
J’avais demandé aux parents de suspendre cette aide ou au moins de
la diminuer. Il n’en était pas question, la famille pensait que ce serait
trop dur pour leur fille, et la relation affective est importante avec
l’intervenante qui l’aide depuis plusieurs années. J’ai donc pris le parti
Sommaire
de me renseigner plus précisément sur le type d’aide apportée. N’ayant
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

que peu d’informations venant de l’élève, je demande à la famille de


m’envoyer un bilan établi par l’intervenante.
Par ailleurs, les parents pensent avoir identifié la difficulté majeure
de leur fille : la compréhension des consignes. Ils ont pris quelques
exemples de phrases non comprises par Marion dans ses plus mauvais
devoirs, et ils lui ont demandé si l'utilisation du livre 1 000 mots pour
réussir1 lui permettrait ainsi de comprendre ces consignes. Les parents
pensent qu'une partie des problèmes que rencontre Marion sur les
consignes est liée au vocabulaire. « Le niveau de vocabulaire influe
directement sur la compréhension des consignes données dans les devoirs »,
annonce l’ouvrage, qui propose des séries d'exercices : questions à choix
multiples, exercices classés par champs lexicaux dans lesquels il faut
compléter des phrases à trous à l'aide de mots dont la définition vous
est donnée en regard.
1 1000 mots pour réussir (26 titres différents/  niveau/  matière),
Belin BAC 2nde – Term, Belin, Paris.

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À partir de ce livre, les parents se fixent les objectifs suivants :


7. Quelle
place pour les • Faire acquérir des mots nouveaux, dont la maitrise s'avère
parents, les indispensable pour comprendre les cours, apprécier et produire des
associations ? textes ;
• Rendre actif un vocabulaire que Marion possède peut-être, mais
7.1. Ma fille a un qu'elle a emmagasiné de façon passive et qu'elle n'utilise pas ou
problème avec sans réelle compréhension ;
les consignes…
• Corriger les erreurs dues à une assimilation hâtive et entrainant les
Sylvie Grau
faux sens, faux contenus, ou tout au moins une connaissance trop
floue du sens des mots.
En parallèle je reçois le bilan de l’intervenante en cours particulier
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qui écrit : « Tout d’abord, Marion a beaucoup de mal à concrétiser les


énoncés de problèmes de maths, si bien qu’elle ne comprend pas ce qu’on
lui demande. En 3e, Marion avait appris à surligner les mots importants des
énoncés et les éléments principaux des schémas. Ceci l’avait bien aidée. Il
faudrait lui proposer des débuts d’énoncés où le problème est exposé. Je
pense surtout à des problèmes de fonctions qui font généralement référence
à des situations concrètes.

Sommaire Marion a également quelques difficultés pour retrouver le chapitre concerné


dans l’exercice demandé. Elle n’a pas une grande mémoire photographique
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

lui permettant de se souvenir de la position des formules sur la feuille de


cours. Si le contrôle porte sur un unique chapitre, il lui sera plus facile de s’y
retrouver. Étudier plusieurs chapitres simultanément la perturbe. »

Harmoniser les formes d'accompagnement…


Si nous partons du principe que chacun, à son niveau, cherche à faire
de son mieux pour aider l’élève à progresser et réussir, l’analyse des
écarts ou des points communs entre les différents intervenants devrait
permettre de mieux comprendre en quoi l’aide est ou non efficace.
Un aspect essentiel est que l’aide ne peut être efficace que si elle est
acceptée, ou mieux, si elle est demandée, et si les différents intervenants
coopèrent. Une aide qui viendrait contre une autre ne peut que
déstabiliser l’individu, que ce soit contre l’enseignant, contre la famille,
contre l’aidant… Ici, du moment où l’aide a été acceptée par tous, il
est devenu possible de travailler dessus. Alors que je refusais l’aide

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extérieure par des cours particuliers, force est de constater que je devais
7. Quelle faire avec elle. C’est ainsi que j’ai pu obtenir le bilan ci-dessus qui éclaire
place pour les
parents, les les difficultés de l’élève, puisque je sais maintenant le discours qui est
associations ? tenu autour de l’activité mathématique à l’extérieur du lycée. La famille,
qui semble plus reconnue dans son rôle et respectée dans ses choix, a
accepté que leur fille participe à un atelier méthodologique qui se passe
7.1. Ma fille a un très bien. Cet atelier aurait pu être mis en place dès la rentrée, sauf que
problème avec
les consignes… ni l’élève, ni la famille, n’y étaient prêtes.
Sylvie Grau L’accompagnement est toujours de trois ordres : l’aide au travail
(méthodologique, disciplinaire…), l’accompagnement psychologique
(estime de soi, auto-évaluation, métacognition…), la formation à
l’orientation (information, repérage de compétences, mise en place
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de projets). On voit dans cette situation que la progression de l’élève


n’a pas pu être engagée tant que nous n’avions pas travaillé sur ces
trois champs : l’accompagnement psychologique par la connaissance
de l’élève, de son milieu, de sa famille, de ses représentations, de
ses valeurs ; la formation à l’orientation par la mise en évidence
de compétences relationnelles, organisationnelles, l’information
sur les filières, le changement d’EDD ; l’aide au travail par l’atelier
Sommaire méthodologique et l’aide à l’extérieur mise en relation avec le travail
scolaire attendu.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Maintenant, il peut être effectivement intéressant de comparer les


représentations de l’aide suivant les différents lieux et personnes :
les parents au sein de la famille, l’intervenant en cours particuliers,
les enseignants au sein de la classe, l’enseignante en atelier
méthodologique.
Si les parents ont d’abord axé leur aide autour de l’estime de soi, de la
confiance et du relationnel, c’est qu’ils avaient une représentation du
lycée qui les inquiétait du fait de la taille (environ 1 500 élèves), de la
liberté (possibilité de sorties pendant les inter-cours), et peut-être de
leur responsabilité en ayant choisi pour leur fille un enseignement de
détermination qui lui évite d'être scolarisée dans son lycée de secteur à
la réputation moins établie. Une fois rassurés sur ces aspects, ils tournent
leur aide sur le travail du vocabulaire en passant par un livre-outil.

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… et même les représentations des apprentissages


7. Quelle
place pour les Ce qui est intéressant, c’est de lire le nouvel objectif qu’ils se fixent en
parents, les écrivant que leur fille « a emmagasiné du vocabulaire de façon passive
associations ? qu'elle n'utilise pas ou sans réelle compréhension ». Leur représentation
de l’apprentissage est donc bien ancrée dans la compréhension. Alors
que du côté du cours particulier on note « qu’elle n’a pas une grande
7.1. Ma fille a un
problème avec mémoire photographique lui permettant de se souvenir de la position des
les consignes… formules sur la feuille de cours », cette fois l’apprentissage est réduit à une
Sylvie Grau mémorisation de formules. Ces deux conceptions s’opposent en ce sens
que l’élève ne peut à la fois se dire qu’il suffit de mémoriser pour savoir
et qu’il faut comprendre pour savoir-faire. Le processus d’apprentissage
est beaucoup plus complexe et le lien entre compréhension et
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mémorisation n’est pas linéaire. On ne comprend pas toujours ce qu’on


peut mémoriser, on ne mémorise pas toujours ce qu’on comprend. Il est
fort à parier que prise entre ces deux représentations, l’élève ne peut se
faire sa propre représentation de l’apprentissage. Trop habituée à ce que
les autres identifient et travaillent autour de sa difficulté, elle ne sait pas
l’analyser seule et ne peut prendre à sa charge son apprentissage. J’ai
presque envie de dire que trop d’aides ne l’aident pas.
Sommaire Le dernier échange avec la famille atteste que l’atelier méthodologique
semble porter ses fruits, peut-être simplement que son contenu a
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

été élaboré en équipe et que les enseignants de la classe suivent les


principes qui sont travaillés dans cet atelier. Le code qui permet de
comprendre le sens du travail demandé en fonction des habitus de la
classe va être explicitement formulé et de façon transversale, c’est-à-dire
pas uniquement en lien avec une discipline, mais dans une approche
globale. Les consignes par exemple seront étudiées dans leur polysémie
liée aux situations : argumenter en mathématiques n’est pas argumenter
en français ou en ECJS, on ne vote pas à main levée la validité d’un
théorème. Ainsi les parents, l’atelier et les enseignants de la classe sont
sur les mêmes représentations de l’apprentissage. L’élève va pouvoir
prendre de l’autonomie dans un cadre clairement établi. Il y a donc
de fortes chances que les questions qui vont être posées par l’élève
en cours particulier vont changer de nature et davantage relever de la
compréhension, alors que jusqu’à présent il s’agissait juste d’avoir des
stratégies pour obtenir la moyenne. Mais alors, pourquoi ne pas expliciter

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ce code dans le cours ordinaire ? C’est ce qui est fait, mais au moment
7. Quelle où sont formulés ces attendus, tous les élèves ne sont pas disposés à
place pour les
parents, les les entendre, habitués à mobiliser d’autres stratégies éprouvées. Ce n’est
associations ? qu’une fois que ces stratégies ne semblent plus pertinentes qu’il devient
urgent de reformuler ce qu’on attend du lycéen.
Nous ne pouvons pas prédire quelle sera la suite de la scolarité pour
7.1. Ma fille a un
problème avec cette élève. Cet exemple nous permet seulement de dire que la difficulté
les consignes… identifiée comme venant d’une mauvaise compréhension des consignes
Sylvie Grau peut n’être que l’expression d’un conflit entre la représentation de
l’apprentissage du côté de l’enseignant, de l’élève, de sa famille, des
différents acteurs de l’accompagnement. Prendre le temps d’écouter ces
représentations est peut-être la seule façon d’aider l’élève à comprendre
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les consignes en l’aidant à préciser son but. Car au final, on est prêt à
suivre des consignes qu’à condition de partager le même but que celui
qui nous les donne, et qu’à condition de reconnaitre celui qui nous les
donne comme légitime à nous les donner.

Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée à Or vault (Loire -Atlantique)

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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7. Quelle 7.2.Une association


place pour les
parents, les efficace pour renouer
associations ? les liens entre école
et familles
Philippe Masson
L’association Scolidaire veut proposer une aide adaptée aux
besoins des élèves, quel que soit leur milieu social, quel que
soit leur niveau, quel que soit leur projet. Interface entre l’école,
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la famille et l’élève, elle cherche avant tout l’épanouissement


de l’élève, jugé indispensable à sa réussite scolaire. Philippe
Masson a conduit une étude de cette expérience et de ses effets.

L’association Scolidaire, active depuis janvier 2007, propose « une


approche du soutien scolaire en s’appuyant sur une prise en charge
complète de l’élève »1. Un premier regard rapide pouvait laisser penser
qu’il s’agissait d’une énième structure dans un marché de plus en plus
Sommaire
florissant. L’analyse montre en fait un positionnement particulier avec
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

une réponse nouvelle à la prévention de l’échec scolaire.


L'établissement des droits d’inscriptions en fonction du quotient familial
favorise une mixité sociale importante des inscrits. Collégiens et lycéens
en représentent respectivement 42 % et 46,5 %. Les établissements
publics et privés de la ville sont également représentés.
Les parents des élèves concernés suivent avec attention la scolarité
de leur enfant, souhaitent l'aider de leur mieux. Mais les mauvais
résultats, en particulier perçus par les mauvaises notes, provoquent de
la souffrance, une culpabilisation des enfants et des parents. Même si,
dans nombre de cas, les remédiations proposées par l’école fonctionnent
bien, les parents cherchent des solutions à l’extérieur de l’école lorsque
les difficultés persistent.

1 Extrait du document informatif de l’association, http://www.scolidaire.com

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Le parcours du jeune au sein de l’association


7. Quelle
place pour les Lors d’un premier contact, un entretien est réalisé par l'animateur de
parents, les l’association et les parents. Puis une rencontre avec le jeune seul est
associations ? l’occasion de prendre en compte l'ensemble des problèmes de l’enfant
ou de l’adolescent. Le repérage des difficultés permet de proposer, en
accord avec le jeune, le type d’aide approprié (séance de coaching,
7.2. Une asso-
ciation efficace cours).
pour renouer
les liens entre
Les séances de coaching sont des temps de remotivation ou de mise
école et familles au point d’une méthode d’apprentissage adaptée. « Un moment, je
Philippe Masson n’avais plus envie de travailler, il m’a pris dans son bureau on a parlé et
puis c’est reparti, il m’a remotivé, il m’a donné des méthodes. J’ai essayé le
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

lendemain et j’ai eu 18 en allemand alors que j’avais 3 ou 4 normalement ».


Les différents intervenants s’adressent à l’enfant en tant qu’être unique
et non pas à l’élève considéré comme identique à son voisin. Au travers
de l’entretien et des séances de coaching si nécessaire, on s’adresse
à l’individu dans sa globalité et non pas seulement à l’élève qui a de
mauvaises notes. Cet échec peut entrainer une dégradation de son
investissement et de son image de soi. Les séances de coaching sont
la clé de voute de la « méthode Scolidaire », car elles vont permettre
Sommaire l’identification de ce qui fait obstacle à la réussite scolaire (motivation,
problème d’apprentissage, difficulté passagère). L’association fonctionne
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

aussi comme une « école des parents », une aide leur étant proposée si
le besoin s’en fait sentir ou s’ils sont demandeurs. C’est une piste qui, au-
delà de la question des difficultés d’apprentissage, répond aux attentes
de certaines familles. À noter que les enfants ne sont pas insensibles à
l’investissement temporel de leurs parents ; cette implication exerce une
fonction positive forte.

Typologie des jeunes rencontrés


Le manque de confiance en soi se retrouve dans la plupart des
entretiens : « Son gros problème est la confiance en lui. Au boulot, il
m’envoyait des SMS, il pleurait, il m’appelait tout le temps en classe » ; « À
la première réunion, un bilan a été fait sur son travail et l’entretien a mis en
évidence des points précis de son manque de confiance ».
En fréquentant régulièrement les cours (ou coaching) de l’association,
les jeunes reprennent confiance en eux, avec des répercussions dans

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les notes, mais aussi dans la vie quotidienne. « Il a tellement confiance en


7. Quelle lui qu’il apprend à nager » ; « Il a pris beaucoup de confiance en lui, il ose
place pour les
parents, les écrire même s’il sait qu’il y a des fautes ». Les jeunes interviewés ont en
associations ? commun d’avoir des capacités ou une passion. Ils sont tous motivés par
un but, mais qui n’est pas forcément le même que celui de l’école, ou
bien pas au même moment. L’inadéquation de buts entraine ces jeunes
7.2. Une asso- vers un décrochage à un moment donné de leur histoire. La non-prise
ciation efficace
pour renouer en compte de l’individu, de sa forme préférentielle d’apprentissage
les liens entre générèrent aussi de l’échec. « En primaire, je lui faisais apprendre les
école et familles
poésies en marchant, il a une très bonne mémoire visuelle ».
Philippe Masson
Des intervenants atypiques
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Les intervenants respectent une attitude positive et non critique vis-à-


vis des enseignants des établissements fréquentés par les élèves. Ceci
peut paraitre trivial, mais ce n’est pas toujours le cas dans les structures
de soutien scolaire où l’on dénigre souvent les enseignants. On imagine
les conséquences pour les élèves ! L’ensemble des intervenants de
la structure a un niveau de connaissances académique à bac + 4
minimum ; nous pensons, au regard de l’observation effectuée, que
c'est un atout important au regard des stratégies d’enseignement
Sommaire
utilisées, permettant une grande flexibilité et une réponse au pied levé
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

à la demande des élèves. Il se trouve que le parcours des intervenants


est atypique (scolarité, insertion professionnelle), marqués par divers
accrocs (redoublement, reprise d’études). On peut supposer qu'ils
comprennent ainsi mieux les comportements et problèmes des jeunes.
Ils ont des qualités personnelles indéniables : sens du contact, charisme
important, humour. Ils ne se considèrent pas comme enseignants, terme
qui, pour eux, est réservé à l’école. Ils ont le sentiment de faire un autre
métier devant un public beaucoup plus restreint (au plus six jeunes)
où l’on reformule différemment ce qui a été déjà vu en classe. Au-delà
de la fonction, c’est une image des rapports enseignants-élèves, des
formes de cours que cela évoque qu’ils récusent. Le tutoiement est de
mise, tout est fait pour mettre en confiance le jeune, pour que le moins
possible d’éléments lui rappellent l’image de la classe où il est en échec.

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Stratégie d’enseignement et processus didactique mis en jeu


7. Quelle
place pour les Nous observons principalement de l’aide individualisée, qui est bien sûr
parents, les en rapport direct avec la mission de l’association, et rendue possible par
associations ? les petits groupes d’élèves. Le cas échéant, les intervenants n’hésitent
pas à utiliser la répétition d’un point de cours en respectant la forme
utilisée par l’enseignant de l’élève. Une simplification des points traités
7.2. Une asso-
ciation efficace avec des reformulations variées est au cœur des techniques employées.
pour renouer Puis cette phase de compréhension théorique est toujours suivie
les liens entre
école et familles
d’une mise en application appropriée et diversifiée. Le principe de
Philippe Masson fonctionnement est basé sur la réponse aux attentes des élèves. Il n’y
a donc pas de cours établi, ce qui demande une grande disponibilité et
une bonne connaissance des programmes de la part des intervenants.
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Ils font preuve d'une grande patience pour que l’élève finisse par
comprendre. Tout se passe comme si l’intervenant ne lâchait pas prise
et tentait de trouver une nouvelle explication tant que le jeune est en
échec. Cela rappelle l’école de Yasnaya Polyana où Tolstoï demandait
aux enseignants de considérer la faute de l’élève comme une réponse
non appropriée de l’enseignant. Les petits groupes de travail (maximum
six, mais souvent trois à quatre) sont indéniablement une des clés du
Sommaire succès.
Une stratégie d’enseignement plutôt innovante : faire prendre de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’avance à l’élève en vérifiant les pré-requis constitutifs des notions


à aborder, de façon à « débroussailler » le chapitre étudié ensuite en
classe. Ce dernier point a un double effet qu’il faudrait mesurer : mettre
l’élève en confiance et peut-être, du point de vue de l’enseignant de la
classe, agir comme un effet Pygmalion.

Conclusion
Développée en marge de l’Éducation nationale, l’association fonctionne
comme un club sportif avec un travail accentué sur la motivation, le
coaching et l’usage de métaphores souvent empruntées au monde
du sport. Les très bons résultats sont en partie à mettre au crédit du
fondateur, animateur dans la structure, personnage incontournable
qui ne compte pas son temps et est toujours à l’écoute des parents et
des élèves. Au-delà des notes qui augmentent, ce sont des enfants qui
s’épanouissent. En fréquentant régulièrement l’association, les jeunes

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reprennent confiance en eux, avec des répercussions sur les résultats


7. Quelle scolaires, mais aussi dans la vie quotidienne. L’objectif du fondateur
place pour les
parents, les n’est pas de couper le jeune de la réalité scolaire, mais de trouver avec
associations ? lui des méthodes adaptées tout en amenant les parents à mieux aider
leur enfant.
On sait bien que des parents éloignés de l’école peuvent avoir bien du
7.2. Une asso-
ciation efficace mal à se repérer dans le dédale des réformes, passerelles et décisions
pour renouer à prendre. Disposer d’une personne en dehors de l’enceinte de l’école
les liens entre
peut apporter une aide précieuse à la compréhension des différents
école et familles
Philippe Masson
mécanismes.
Le programme est ambitieux, mais couronné de succès. L’association
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a dépassé les 400 adhérents en moins de trois ans, et il n’est pas


rare d’y rencontrer des enfants d’enseignants. Si un bilan quantitatif
est difficile à réaliser sur le seul critère de l’augmentation des
notes compte tenu des nombreuses formules proposées (stages de
vacances, soutien scolaire…), l’analyse des fiches d’inscription montre
que l’adhésion est majoritairement réalisée par le truchement d’un
adhérent qui recommande l’association. L’analyse des entretiens
réalisés avec les parents (membres de l’association depuis plus d’un
Sommaire an) montre qu’ils sont très satisfaits, mais il est à noter que l’ensemble
des parents, indépendamment du niveau d’étude et de la classe
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

sociale d’appartenance, ont toujours eu confiance dans leurs capacités.


L’association fonctionne alors comme une communauté éducative où
les parents ont une place réelle.

Philippe Masson
M aitre de conférences à l'université Lille Nord de France

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7. Quelle Le coaching scolaire :


7.3.
place pour les
parents, les comment porter un autre
associations ? regard sur les jeunes ?
Gaëtan Gabriel
Présenter une expérience de coaching dans le cadre scolaire,
ici menée en Belgique, demande quelques précisions et
précautions : précisions, parce que le coaching est une démarche
polymorphe, dont il faut dessiner les contours ; précautions,
parce que le coaching est tout autant vilipendé qu’encensé, à
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partir de caricatures et de stéréotypes, toujours à interroger.

C’est en assistant en tant que directeur adjoint à un conseil de classe,


où plus de 80 % des élèves d’une section de 4e se retrouvaient avec
plus de six échecs, que la question de l’accompagnement fut mise en
évidence. Fallait-il se décourager, dire que c’était la faute aux élèves,
aux professeurs, aux programmes, ajouter des cours de mise à niveau ?
Sommaire L’équipe pédagogique a décidé de se centrer sur le futur et de se
focaliser sur les jeunes plutôt que sur les élèves. Quelles sont leurs
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

difficultés ? L’orientation, le sens de l’école, les relations, la méthode, le


bienêtre ? Nous émettons quelques hypothèses que nous soumettons
aux jeunes.
Ils se rendent compte que nous ne les jugeons pas, ni ne les évaluons,
mais que nous leur tendons la main. À partir de ce lien instauré, des
ateliers sont organisés autour de différentes questions : motivation,
projet, stress, bienêtre, méthode, mise à niveau, écoute, etc. Ces ateliers,
au départ ponctuels pour une classe, se sont généralisés pour les
élèves de 4e et 3e et ils ont été inscrits dans la grille horaire des élèves.
Le mardi, de 14 h à 16 h, les cours étaient suspendus et les jeunes en
difficulté se regroupaient dans des ateliers en fonction de leur demande
ou bénéficiaient d’une écoute en tête à tête.
L’ouverture d’un espace de parole pour les élèves a engendré une
grande demande pour parler de soi dans le cadre scolaire. Nous avions
ouvert une porte, il s’agissait de construire la maison derrière celle-ci…

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Une réflexion autour de l’accompagnement est ainsi née, et le projet de


7. Quelle coaching a pris forme.
place pour les
parents, les Qu’est-ce que le coaching ?
associations ?
Au niveau historique, Timothy Galleway, capitaine de l’équipe de
tennis de l’université de Harvard dans les années 60, donna ses lettres
7.3. Le coaching de noblesse à cette approche en « inventant » la méthode « du jeu
scolaire :
comment porter
intérieur », dans les années 70. En tant qu’entraineur, il propose une
un autre regard démarche pour que les joueurs « apprennent à apprendre ». Cette
sur les jeunes ?
approche est basée sur trois principes :
Gaëtan Gabriel
• Pouvoir de la conscience neutre : s’observer sans jugement de valeur
et regarder la situation telle qu’elle est ;
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• Faire confiance à son MOI 2 : le MOI 1 a tendance à critiquer, regarder


ce qui ne va pas, alors que le MOI 2 repère les qualités, capacités et
augmente la confiance ;
• Liberté : c’est la personne coachée qui choisit ce qu’elle a envie de
travailler et d’améliorer.
Dans cette perspective, l’accompagnateur, ou coach, est un révélateur. Il
est là pour écouter, interroger, clarifier les objectifs et encourager plutôt
Sommaire que de proposer des réponses, corriger, rectifier. Il donne des outils pour
que la personne puisse résoudre ses problèmes.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Que fait-on dans le coaching scolaire ?


Le coaching scolaire s’occupe plus du jeune que de l’étudiant ou
de l’élève. En fait, il consiste à accompagner un jeune à se regarder
travailler et fonctionner, à s’appuyer sur ses compétences pour trouver
des réponses à des questions qui ont une incidence sur son parcours
d’étude, ou à développer des compétences déjà présentes.

Ses domaines majeurs sont :


• la motivation : en s’appuyant sur les dimensions qui dépendent de
lui, le jeune voit sur quoi il a prise et sur quoi il n’a pas prise ;
• l’orientation : en construisant un projet, le parcours devient choisi
plutôt que subi (parfois en quittant les sentiers battus et l’école
traditionnelle) ;

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• le comportement : en apprenant à s’observer, le jeune contrôle ses


7. Quelle agissements avant que l’école ne le fasse elle-même ;
place pour les
parents, les • la méthode : en découvrant ses stratégies « naturelles », le travail
associations ? devient plus efficace et plus « plaisant ».
Les demandes concrètes sont diverses : gérer le temps, améliorer la
méthode de travail, adapter son comportement en classe, trouver sa
7.3. Le coaching
scolaire : place dans une nouvelle école, maitriser le stress, choisir une orientation,
comment porter développer une communication efficace, organiser les différentes
un autre regard
sur les jeunes ? activités extrascolaires et les études, améliorer les relations, etc.
Gaëtan Gabriel Le coach scolaire ne dit pas comment il faut étudier, ni quelle est la
bonne orientation, ou quels sont les bons ou mauvais comportements,
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il cherche à amener le jeune à découvrir qui il est pour ajuster son


comportement à ses objectifs. Le coach « ne fait que » lui rendre ce qui
lui appartient déjà…
Ainsi, pour coacher, il ne faut pas uniquement conseiller, superviser
ou accompagner, car dans ce cas nous ferions appel à des conseillers,
superviseurs ou accompagnateurs. De même, coacher n’est pas
seulement assister psychologiquement, ou pédagogiquement, ou
socialement, car, dans ce cas, nous ferions appel à des psychologues,
Sommaire
pédagogues ou travailleurs sociaux. Le coach amène le jeune à se
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

regarder fonctionner pour qu’il puisse se conseiller lui-même.

Fonctionnement
Quand un espace de non-jugement est offert, les jeunes entrent
relativement facilement dans la démarche, même si elle leur est imposée.
L’idée est que si un élève a de nombreux échecs ou un comportement
inadéquat récurrent, il est inutile, dans un premier temps, de proposer
à nouveau un renforcement des matières ou de donner une énième
sanction. La présentation ci-dessous a pour objectif de mettre en
évidence quatre tensions traitées durant les entretiens.

1re étape
Accueil – Recueil
L’élève est reçu pour un entretien au cours duquel le coach lui demande
de décrire sa perception de la situation, sa manière d’agir, de repérer ses
différents problèmes et objectifs. L’accueil et l’ambiance sont importants.

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L’intervenant n’est pas là pour faire la morale, repérer ses fautes ou faire
7. Quelle pression :
place pour les
parents, les • Monsieur, j’en ai marre de l’école. Je n’apprends rien, tout le monde
associations ? m’en veut.
• Tu souhaiterais apprendre et avoir de meilleures relations dans un
cadre qui te fasse plaisir ?
7.3. Le coaching
scolaire : • Oui, mais mes notes sont nulles ; ma copine me lâche ; mes parents
comment porter
se séparent et je crois que je déprime…
un autre regard
sur les jeunes ? • Concrètement, que fais-tu pendant la journée de cours ?
Gaëtan Gabriel • Je dors, je m’absente, ou je perturbe le cours.

2e étape
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Compréhension – Confrontation
Nous acceptons ce que nous entendons et nous le contextualisons :
• Nous avons entendu tes difficultés personnelles et, en même temps,
nous constatons tes échecs et les nombreuses remarques. Comment
vois-tu la suite ? Quelles sont tes priorités ? Quels sont tes objectifs ?
• Bof, avec tous ces problèmes, on peut rien faire, à quoi cela sert ? Et
ni les profs, ni mes parents vont changer.
Sommaire
• Qu’est-ce que toi tu peux faire ?
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• J’sais pas.
• Décris-moi comment tu te comportes en classe. Es-tu satisfait de la
manière dont cela se passe ?

3e étape
Exploration – Projection
Dégager différents scénarios possibles :
• Quels sont les choix et comportements possibles ?
• Arrêter l’école.
• Oui et quoi d’autre ?
• J’sais pas.
• Si tu avais une baguette magique… ?
• Rattraper mon retard, que mes parents s’entendent mieux, que ma
copine… quoi que…

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• Tu as trois sacs à dos : tes problèmes personnels, tes résultats,


7. Quelle changer les autres. Sur quoi as-tu prise ?
place pour les
parents, les • Arrêter l’école, rattraper les retards, et que je me sente mieux.
associations ? • Qu’est-ce que tu gagnes et qu’est-ce que tu perds à arrêter l’école ?
• Idem pour rattraper tes retards ? Qu’est-ce que tu peux faire pour te
sentir mieux ?
7.3. Le coaching
scolaire :
comment porter 4e étape
un autre regard Choix – Engagement
sur les jeunes ?
Gaëtan Gabriel
Sceller les points et entreprendre une démarche en fonction du projet :
• Quelles sont tes priorités ?
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• Rattraper mes retards.


• De quoi as-tu besoin ?
• D’une bonne méthode de travail et de remettre mes cours en ordre.
• Pour la remise en ordre de tes notes, quand, avec qui et comment
organises-tu cela ? Pour la méthode de travail, nous pouvons
engager un travail avec toi pour faire le point sur une méthode qui
te convienne ; cela t’intéresse-t-il ?

Sommaire Cet exemple souligne que même pour un problème de méthode, la


démarche de coaching est capable d’entendre d’autres difficultés et
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ne les exclut pas pour les motifs que cela ne nous concerne pas, que
nous ne sommes pas habilités à travailler les problèmes personnels.
Si le jeune souhaite travailler l’aspect personnel, le coach entreprend
une démarche pour l’envoyer chez quelqu’un de compétent dans ce
domaine. De là l’importance d’avoir un réseau relais. Il devient alors clair
pour les professeurs, l’élève et sa famille que l’aspect réussite scolaire
peut devenir secondaire, il s’agit pour l’élève d’atteindre en priorité
son objectif. Si le jeune choisit de travailler sa méthode, le coach
entreprend avec lui un travail qui lui permettra de prendre conscience
des expériences où il a travaillé de manière efficace et de son profil
d’apprentissage.
De manière générale, le questionnement est là pour aider le jeune à
porter d’autres lunettes pour regarder sa situation.

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Quels outils ?
7. Quelle
place pour les L’outil principal est l’écoute. Être entendu en temps que personne, non
parents, les pas en tant qu’élève seulement, être accepté comme on est et tel qu’on
associations ? nait. Permettre de faire un lien entre son objectif et la réalité. Et surtout
ne pas être évalué. L’école a une fâcheuse tendance à vouloir tout
évaluer et tout le temps.
7.3. Le coaching
scolaire : Les caractéristiques de l’écoute sont qu’elle doit :
comment porter
un autre regard • Porter à l’action et au changement. Elle doit être empathique et
sur les jeunes ?
responsabilisante : écouter la perception, la confronter à la réalité
Gaëtan Gabriel et engager l’action de changement. Il ne faut pas en rester aux
constats ;
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• Responsabiliser. Les autres ne peuvent pas être changés, qu’est-ce


que le jeune peut changer chez lui ?
• Aider à penser. Olivier Devillard, coach reconnu, dit : « Le coach est
une sorte d’accompagnateur de l’innovation personnelle (…) Avec un
coach on débat sur soi-même en évoquant des questions pour lesquelles
on est habituellement seul ».

Cadrer l’intervention
Sommaire
L’écoute n’est pas thérapeutique. L’objectif n’est pas l’écoute de la
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

souffrance, mais l’action qui permet de dépasser un obstacle. Il est à


noter que l’on peut allez chez un coach même quand tout va bien, par
exemple pour développer une compétence.
Les autres outils sont des aides à l’écoute :
• Des grilles qui permettent de mettre en évidence des profils
d’apprentissage ou de fonctionnement (profils jungiens, intelligences
multiples, gestion mentale, etc.) ;
• Le réseau. En tant que coach, on n’est pas seul et certains domaines
doivent être remis entre les mains de personnes compétentes. Un
coach en sport est entouré de soigneurs, préparateurs physiques,
kinés, diététiciens, etc. ;
• Le temps. Le travail doit se définir à partir d’objectifs concrets et
opérationnels. Le temps doit donc être limité (moyenne de quatre
à cinq séances par objectif ). Parfois des séances de mise au point à
échéances régulières sont proposées.

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Quels risques et contraintes ?


7. Quelle
place pour les 1. Il s’agit de garder sa place, de n’être ni thérapeute, ni gourou, ni
parents, les contrôleur. Le coach est à la lisière du social, du psychologique et du
associations ? pédagogique. Il accompagne une réflexion ;
2. Que la structure scolaire permette ce type de démarche (personnes,
lieux, temps). Le coach et les moments de coaching doivent être
7.3. Le coaching
scolaire : acceptés, visibles, accessibles ;
comment porter
3. Que le projet s’essouffle et ne devienne qu’une structure
un autre regard
sur les jeunes ? administrative par manque de remise en question et de formation
Gaëtan Gabriel continuée. Cette dernière est primordiale pour se ressourcer et
s’outiller ;
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4. Que le dispositif se retourne contre le jeune comme moyen de


pression ou de sanction. La démarche suit le rythme du jeune, même
si le coach fait prendre conscience au jeune qu’il est inscrit dans un
temps scolaire ;
5. Que d’une part, les stéréotypes sur le coaching soient laissés de côté
et d’autre part, qu’une démarche de clarification soit entreprise sur
ce qu’il est. Le créneau est porteur. De plus, le coaching scolaire et le
coaching d’entreprise sont des démarches différentes. Pour faire une
Sommaire
comparaison, nous pratiquons tous les deux de l’athlétisme, mais
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

courir un cent mètres ou le marathon n’est pas la même discipline.


Le coaching scolaire est une démarche résolument positive. Il
accompagne le jeune à mieux se connaitre et mieux connaitre son
environnement et s’appuie sur ses atouts et ses ressources pour qu’il
atteigne ses objectifs dans un temps limité.
Aborder l’école ainsi, c’est également donner au jeune la responsabilité
de ses choix. Mais il ne faut pas uniquement lui donner cette
responsabilité, il faut l’accompagner pour qu’il puisse l’assumer. Il
devient ainsi le bâtisseur de sa vie.

Gaëtan Gabriel
S ciences de l ’éducation
Ancien direc teur adjoint d ’une école secondaire
R esponsable de Coach Al t i t u d e
Auteur de Coaching scolaire : Augmenter le p otentiel des élèves en difficulté,
Éd. D e B oeck , 2008, réédité en 2009.
ht t p: / / w w w. s k- fr- p aol a. b e / i m g / 1_ l aure at _ 2004_ fr. p d f

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8. Dans notre collection


8.1. Dix risques majeurs
Gérard Chauveau
Pavée de bonnes intentions, l’aide institutionnelle peut
pourtant être néfaste. Faut-il alors tout abandonner ?
Pourtant non, mais un effort de lucidité est indispensable.

Pour beaucoup, la notion d’aide est à priori associée au bien et au


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progrès, et les destinataires en sont forcément des bénéficiaires. Nous


disposons pourtant de nombreuses données, par exemple dans le
domaine de l’adaptation et intégration scolaire (AIS) qui montrent qu’en
réalité, dans bien des cas, en voulant le bien nous réalisons le mal. C’est
la nature même de certaines aides accordées à des sujets « à problème »
ou en « difficulté » qui entrave leur succès ou qui, plus grave encore,
peut générer de l’échec ou aggraver la situation.
Sommaire Dix façons de ne pas aider
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

1. Le saupoudrage : l’aide se limite fréquemment à une intervention


fragmentée, émiettée, épisodique. Son impact est alors superficiel,
voire insignifiant. Par exemple, l’aidant prend en charge un élève
une fois (une heure) par semaine alors que celui-ci aurait besoin
qu’on concentre les forces et les efforts ou qu’on lui apporte un
soutien intense et continu. Selon cette conception, le meilleur
professionnel de l’aide est celui qui « papillonne » ou « s’éparpille » :
on apprécie son travail au nombre d’enfants « suivis » et au nombre
d’écoles « couvertes » (ou visitées) ;
2. La substitution : l’aide se situe souvent à la place d’une séquence
pédagogique. Alors que les élèves aidés sont en difficulté en
lecture-écriture et/ou en mathématiques, on remplace certaines
activités scolaires de lecture-écriture ou de mathématiques par
des aides dans d’autres domaines : comportement, socialisation,
psychomotricité…

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3. La diversion : on détourne l’attention du problème qu’on prétend


8. Dans notre traiter (conduite d’évitement), on distrait. Par exemple, on va offrir
collection
à un élève en difficulté en lecture-écriture toutes sortes d’activités
éloignées de la langue écrite, ou bien on va axer les aides sur
l’ambiance (ou le climat, le relationnel) alors qu’on annonçait vouloir
améliorer les apprentissages scolaires ;
8.1. Dix risques
4. La sous-stimulation. Certaines aides relèvent des pédagogies
majeurs
« d’attente » ou des enseignements « allégés ». Elles sont fondées
Gérard Chauveau
sur l’idée que « ces enfants-là » – les élèves à risques, à problèmes,
en difficulté – ne peuvent pas recevoir autant de stimulations ou
de prestations intellectuelles que les sujets dits normaux. En guise
du « plus » annoncé (une aide psychologique, un soutien, une
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rééducation, un enseignement mieux adapté), on donne « moins »


à ceux qui ont moins : moins d’enseignement, moins d’activités
cognitives, moins d’ambition pédagogique, moins d’occasions
d’apprendre et de résoudre des situations-problèmes (voir aussi les
risques 2 et 3 ci-dessus) ;
5. La dépendance. La personne s’accoutume à l’aide qu’elle reçoit et
ne peut plus « s’en passer ». À moins que ce ne soit l’aidant qui ne
Sommaire puisse interrompre sa relation d’aide ! On voulait aider le sujet à
devenir plus autonome et on produit un « assisté », un individu un
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

peu plus dépendant et déresponsabilisé ;


6. Le désengagement. La déresponsabilisation peut également
« toucher » les autres intervenants ou professionnels concernés.
Par exemple, des parents ou des enseignants ont tendance à se
décharger du problème (ou de l’enfant-problème) sur les spécialistes
ou sur le service spécialisé (RASED1, CMPP2…). Quelques-uns, qui
avaient su faire face jusqu’à l’arrivée des professionnels de l’aide
spécialisée, se retirent ou se démobilisent ;
7. La ségrégation. On a souvent tendance à mettre à part ou à l’écart
la personne en difficulté (ou « à problème ») avant ou afin de lui
apporter l’aide jugée indispensable. On commence par séparer
et marginaliser l’aidé en le plaçant dans une structure « spéciale »
et peu valorisée. Dès le départ, l’aidant est en pleine ambigüité

1 Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté


2 Centre médico-psychopédagogique

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ou en plein dilemme : son action va-t-elle favoriser la réussite et


8. Dans notre l’intégration du sujet aidé ou entériner sa relégation (par exemple
collection
dans une filière de l’éducation spécialisée ou d’une structure perçue,
à tort ou à raison, comme « voie de garage », « classe ghetto »,
etc.) ? Ces procédures « ségrégatives » sont étroitement liées aux
logiques différentialistes (celles qui se focalisent sur « la différence »,
8.1. Dix risques la particularité ou la spécificité de celui qu’on veut aider). Elles
majeurs
reposent sur un postulat : le destinataire de l’aide se caractérise
Gérard Chauveau
essentiellement par des traits et des besoins spécifiques, il nécessite
donc des mesures complètement spécifiques ou particularistes (un
« traitement » à part) ;
8. La stigmatisation. À partir du moment où, dans une population
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tout venant, on isole un sujet particulier (repéré et choisi à partir


de ses difficultés, ses problèmes…) pour lui donner une aide
particulière avec un spécialiste, on risque de faire deux choses
opposées en même temps. Ainsi, dans nombre de prises en
charge psychopédagogiques classiques, on mêle le traitement et
le signalement ; celui-ci « montre du doigt », officialise et légitime
la catégorisation négative de la personne aidée (« handicapé »,
« inadapté », « inapte »…). On apporte à la fois un plus (une aide,
Sommaire
un soutien) et un moins (l’étiquetage négatif, la dévalorisation) ;
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

on enclenche deux processus contradictoires qui s’annulent ou


s’annihilent ;
9. La pathologisation. Il n’est pas rare que les aides et les aidants
polarisent uniquement sur les déficiences, les déficits, les « défauts »
(défaillances, défectuosités) du sujet à aider. En négligeant les
potentiels, les ressources, les acquis, voire les atouts de l’aidé,
l’approche déficitariste (ou défectologique) rend difficile le
déclenchement d’une dynamique positive. Celle-ci suppose qu’on
prenne appui sur les points forts de celui qu’on aide. Si l’on ne prend
en compte, pour le définir et pour l’aider, que ses manques et ses
carences, on se contentera le plus souvent de « gérer l’échec » au
lieu de générer la réussite ; et l’on sera tenté de « renvoyer » l’aide
aux élèves en difficulté aux intervenants du secteur psychomédical
ou de l’enseignement spécialisé ;

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10. L’ambivalence. Certains enseignants sont à la fois très demandeurs


8. Dans notre d’aides (et d’aidants) aux élèves en difficulté et très durs, parfois
collection
à la limite de la violence et du rejet, dans la présentation de ces
derniers. Les élèves aidés ont alors l’impression d’entendre un
double langage, de recevoir deux messages simultanés et opposés :
« Viens, on va t’aider, tu vas y arriver, tu dois y arriver » et « Tu es
8.1. Dix risques incapable d’y arriver, tu as trop de handicaps, trop de défauts ». Ils
majeurs
sont pris au piège de l’injonction paradoxale : « Il faut de l’aide, c’est
Gérard Chauveau
indispensable, voire urgent »… et « Ça ne servira à rien ».

Et pourtant, il en faut
On le voit : si l’on n’est pas très vigilant et rigoureux, le remède peut être
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inefficace ou pire que le mal. Mais ces constats n’ont d’intérêt que s’ils
permettent de repérer ou de proposer des types d’aides et des modes
d’intervention plus efficaces… ou de réduire ou d’éliminer les risques et
les effets pervers les plus fréquents. Sinon la réflexion – c’est le cas de
la sociologie critique – produit à son tour des effets pervers. Elle incite,
par exemple, professionnels et décideurs à « jeter le bébé avec l’eau
du bain ». C’est ainsi que les discours dénonçant « la stigmatisation-
ségrégation » servent aujourd’hui à justifier la non-intervention et
Sommaire
l’indifférence aux différences. La grande majorité des élèves qui
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

relevaient hier des classes d’adaptation et de perfectionnement ne


reçoivent plus (ou quasiment plus) d’aides actuellement, et celui qui
propose des aides intenses ou une structure d’aide pour les élèves en
grande difficulté de l’école primaire et du collège se voit aussitôt accusé
d’être « un agent de la stigmatisation-ségrégation » et un partisan du
retour aux « filières de relégation ».
Les élèves en grande difficulté « ont besoin » d’aides spécialisées
supplémentaires et de mesures spécifiques : c’est ce qui manque
généralement, en élémentaire et au collège, aux 15 % d’élèves qui
passent en 6e sans maitriser les compétences de base de la lecture. Les
aides spécialisées peuvent, certes, être inopérantes ou contreproductives,
mais leur effet pervers n’est pas une fatalité : le déterminisme n’existe
pas plus dans l’échec de certains élèves que dans l’échec de certains
types d’aides.
Gérard Chauveau
Chercheur associé à l ’INRP et au laboratoire ER TE, Par is V

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8. Dans notre 8.2.L’aide individualisée


collection
a-t-elle une légitimité ?
Pierre Madiot
S’opposer à une conception de l’aide comme un palliatif qui
permet de ne pas toucher aux pratiques frontales traditionnelles,
ce n’est pas pour autant refuser qu’il y ait des temps d’aide. Mais
quelle est leur place à côté des autres moments d’apprentissage ?

Instaurés par les gouvernements de gauche, les dispositifs d’aide


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individualisée ont été accueillis avec autant d’intérêt que de scepticisme.


Dès leur mise en œuvre, les Cahiers pédagogiques s’interrogeaient sur la
pertinence d’institutionnaliser un moment aussi particulier de la relation
pédagogique :
« Dans la plupart des cas, soumise à l’emprise des matières, l’aide
individualisée fonctionne comme une sorte de remédiation qui consiste à
prescrire des traitements d’urgence à des élèves déficients. Cela ressemble
Sommaire à un aveu d’impuissance, puisque alors il s’agit non seulement de rattraper
en dehors du cours ce que le cours n’a pas réussi à faire, mais surtout de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

renoncer à mettre en place dans la classe une pédagogie qui prenne en


compte les difficultés des élèves. »1
Ces lignes écrites en juin 2000 à propos de l’aide individualisée en
seconde peuvent s’appliquer aujourd’hui aux mesures d’aide que
François Fillon veut généraliser et qui prendront « la forme d’un horaire
spécifique en groupes restreints. Le temps de travail des élèves sera aménagé
de façon à leur permettre à la fois de progresser dans les matières où ils
rencontrent des difficultés, et de retrouver confiance en eux en développant
leurs aptitudes dans une matière où ils sont en situation de réussite. Les
itinéraires de découverte peuvent s’intégrer à ce dispositif ». Pour décrypter
cet extrait du Rapport annexé au Projet de loi d’orientation pour l’avenir
de l’école, il faut garder en mémoire les recommandations faites aux
enseignants de recourir aux méthodes traditionnelles qui, puisqu’elles

1 Cahiers pédagogiques n° 385 « Comment faire avec les


réformes ? » ; « L’aide individualisée a-t-elle un sens ? ».

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sont « éprouvées », sont incontestables. Si l’élève ne réussit pas, c’est


8. Dans notre donc qu’il y met de la mauvaise volonté ou qu’il a besoin d’une dose
collection
supplémentaire de ce qui, en toute logique, n’a aucune raison de ne pas
donner de résultat. Le rattachement des itinéraires de découverte à la
notion d’aide en dit alors autant sur la représentation que le ministre et
ses conseilleurs se font des dispositifs porteurs de pédagogies actives,
8.2. L’aide indivi- que sur leurs intentions de les détourner. Du même coup, on voit aussi
dualisée a-t-elle
une légitimité ? à quel point ces séances d’aide qui viendront se rajouter à l’horaire
Pierre Madiot normal ne sont conçues que comme des annexes, à la périphérie de la
leçon magistrale où se transmet « le » savoir…

Moments d’aide ou pédagogie « aidante » ?


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Il est légitime que, dans ces conditions, l’aide soit vécue par les élèves
comme une « punition » ou comme une stigmatisation et, par les
enseignants, comme une séance de rattrapage un peu désespérante si
elle consiste en une répétition du cours. Seuls les élèves près de réussir
peuvent en tirer profit ; ceux qui sont en réelle difficulté y perdent leur
temps et ne font que constater la profondeur de leur échec. Pour essayer
de donner un peu d’efficacité à ces séances d’aide, il faut alors imaginer
d’autres approches pédagogiques – mais pourquoi ne pas les pratiquer
Sommaire
pendant les cours ? – ou s’intéresser aux raisons pour lesquelles l’élève
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

n’entre pas dans l’apprentissage, au risque de « transgresser ce lien


éducatif que, dans sa classe, le professeur a établi quand il s’est adressé
au groupe entier plutôt qu’à chaque élève en particulier. La tentation est
grande pour l’élève, comme pour le maitre, de substituer à la douloureuse
confrontation au savoir le réconfort d’une attention singulière qui se centre
sur l’individu plutôt que sur la tâche à accomplir ».2
Voilà donc bien des raisons de contester la validité de l’aide : peu
efficace, stigmatisante, ambigüe, contradictoire, et pour finir, régressive
dans la mesure où elle dispense de mettre en place des méthodes
pédagogiques qui visent la réussite de tous.
Faut-il alors rejeter tous les dispositifs d’aide au motif qu’ils ont
été conçus à l’intérieur d’un système qui privilégie une pédagogie
magistrale et élitiste ? La position adéquate, en effet, semblerait être de

2 Cahiers pédagogiques n° 385 « Comment faire avec les


réformes ? » ; « L’aide individualisée a-t-elle un sens ? ».

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substituer à la pédagogie de la réponse, qui induit le besoin d’une aide


8. Dans notre destinée à mettre l’élève sur la voie, une pédagogie du questionnement
collection
dont l’ambition est de fournir les éléments qui permettront à l’élève
de construire son savoir. Plutôt qu’un dispositif d’aide qui va se situer
à côté du cours, il faudrait pratiquer une « pédagogie aidante ». Et
tous les moyens mis en œuvre pendant le cours pour que l’élève
8.2. L’aide indivi- s’empare du savoir seraient alors considérés comme autant d’aides à
dualisée a-t-elle
une légitimité ? l’apprentissage…
Pierre Madiot
Plusieurs niveaux d’intervention
C’est, me semble-t-il, évacuer un peu vite la notion d’aide en la diluant
à l’excès. Quand le professeur réussit à mettre les élèves en mesure de
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s’approprier le savoir, il n’a pas, en soi, pratiqué de « l’aide », il a tout


simplement fait son travail de pédagogue.
Par contre, il faut considérer que la complexité de sa tâche requiert
des niveaux d’intervention qui ne peuvent se confondre. D’un côté, en
tant que responsable du dispositif pédagogique, référent du savoir et
représentant de l’autorité institutionnelle, l’enseignant s’adressera au
groupe dans son ensemble pour exposer un point de connaissance,
expliquer une consigne, mettre en place une séquence de travail.
Sommaire
D’un autre côté, il créera des situations où les élèves se mettront en
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

activité seuls ou en groupes et où il aura la possibilité de s’adresser à


des individus particuliers pour élucider un point, relancer une question,
préciser une consigne, voire débloquer une difficulté.
Il y a une différence de fond entre, d’une part, le moment où l’élève, ne
se distinguant pas du groupe, doit accepter la distance qui le sépare du
savoir à acquérir et de la tâche à accomplir, d’autre part, le moment où
il travaillera « seul et sans aide », et enfin le moment où il entrera dans
une relation individualisée avec ses pairs ou avec le professeur pour
confronter ses solutions et faire état de ses difficultés. Ces différentes
situations ont leurs spécificités et chacune d’elles peut faire l’objet de
procédures systématisées. La dernière se distingue de la première par
le type de relation que l’élève entretien avec le savoir, avec ses pairs
et avec le maitre : de collective, anonyme et distanciée, cette relation
devient individualisée, personnalisée et de proximité. On parlera de
« pédagogie différenciée » lorsqu’on prendra en compte les rythmes

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et les démarches particulières. On parlera d’« aide » quand il faudra


8. Dans notre l’intervention des pairs ou celle du maitre pour (r) apporter un élément
collection
supplémentaire aux moyens et aux connaissances qui étaient censés
suffire à chacun pour effectuer sa tâche.
Cette aide-là constitue un moment différent des autres phases de la
situation pédagogique. Elle suppose un positionnement et un point
8.2. L’aide indivi-
dualisée a-t-elle de vue dont il faut prendre conscience, des stratégies particulières,
une légitimité ? des outils spécifiques et beaucoup de précautions. En plus des articles
Pierre Madiot qui composent le présent dossier, il suffit par exemple de se reporter
au précédent numéro paru en 1995, Aider à travailler, aider à apprendre,
pour avoir un aperçu assez complet de l’Aide au travail personnel (ATP),
et prendre connaissance de diverses approches utilisables.
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Un moment indispensable
Non seulement cette aide est légitime, mais elle est nécessaire pour
répondre aux difficultés des élèves, qui sont inégales. Qu’elle ait lieu
pendant les cours ou qu’elle nécessite la mise en place d’un dispositif
supplémentaire en dehors de la classe, il faut la penser à l’intérieur
d’un ensemble de moments pédagogiques qui, plutôt que d’entrer
en contradiction ou de constituer des sortes de solutions de secours,
Sommaire
doivent rester en tension. Le but est que la distance entre le savoir,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

le maitre et l’élève ne soit jamais ni trop grande ni trop réduite pour


amener chacun à adopter une posture de recherche dynamique et
autonome.
Dans ce cadre, l’aide individualisée, renforcée ou légère et passagère,
prendra un tout autre sens que celle dont le but est de rassoir
l’autorité du maitre et de l’école en rejetant la raison des échecs sur les
insuffisances ou sur la négligence des élèves.

Pierre Madiot

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9. Colloque
des 25 et 26
9. Colloque des 25
octobre 2010
Ouverture et 26 octobre 2010
9.1. Des points Ouverture
d'appui pour

9.1. Des points d'appui


avancer
Jean-Michel
Zakhar tchouk
pour avancer
Jean-Michel Zakhartchouk
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Le colloque organisé par le CRAP-Cahiers pédagogiques les 25 et


26 octobre a été un franc succès. Plus de deux-cents participants,
et une grande diversité de regards et de témoignages autour de
l’aide et l’accompagnement, thèmes centraux de ces deux jours.

Une situation lourde d'inquiétudes…


On pourra lire dans les textes qui suivent, reprenant les interventions
Sommaire
du colloque, bien des motifs de se désoler de la situation actuelle : les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

critiques acerbes de l’aide personnalisée mise en place au primaire, par


André Ouzoulias, le long et passionnant historique de l’aide à travers
plus de cent ans de circulaires qui donnent parfois l’impression d’être les
Sisyphes de l’éternel recommencement, l’amer constat de Jean Houssaye
selon qui « la pédagogie de soutien » a tué la « pédagogie différenciée »,
la mesure de la distance qui nous sépare de la Finlande et de son école
si préoccupée de prendre en charge très tôt les difficultés des élèves et
n’oppose pas qualité de l’enseignement et démocratisation.

…des pratiques innovantes malgré tout


On pourra aussi y retrouver tous les motifs d’espérer, à travers les
témoignages positifs : le journal des apprentissages qui accompagne
les jeunes écoliers d’un des quartiers les plus populaires de Paris,
l’engagement d’un lycée professionnel autour de l’accompagnement
personnalisé ou encore ce que peut être un vrai travail d’équipe dans
un collège autour des PPRE ou du socle commun. Et on retrouvera la

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brillante « relecture » du colloque par notre amie Françoise Clerc pour


9. Colloque qui l’accompagnement est peut-être un bel héritier de la tradition de
des 25 et 26
octobre 2010 la pédagogie différenciée et pour qui il y a là un nouveau paradigme
Ouverture à développer, en lien avec la notion de compétence bien comprise et
celle de parcours.
Nous voudrions ici plutôt donner un écho de l’ultime table ronde au
9.1. Des points
d'appui pour caractère plus « politique » qui a réuni un pédagogue du CRAP, un
avancer associatif engagé, une syndicaliste et une élue, représentant la mairie
Jean-Michel du XXe arrondissement qui a si bien accueilli ce colloque organisé en
Zakhar tchouk
partenariat avec elle.

L'accompagnement, l'affaire de tous…


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Christophe Paris, responsable de l’AFEV, cette association qui mobilise


7 000 étudiants pour un accompagnement individualisé à de jeunes
élèves dans toute la France, a vigoureusement dénoncé le marché de
l’angoisse qui pousse tant de parents, y compris peu fortunés, à se
tourner vers les officines privées, en utilisant d’ailleurs l’argent des
contribuables puisque les heures payées permettent une réduction
d’impôts. Pour l’AFEV, il ne s’agit surement pas d’être concurrent de
l’école, puisque les élèves accompagnés sont repérés par les enseignants
Sommaire et que le principal objectif des accompagnants est d’aider ces jeunes à
retrouver cette confiance en soi si souvent perdue. On ne fait pas mieux
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

apprendre que l’enseignant, mais on peut redonner un peu d’envie


d’apprendre…
Anne-Charlotte Keller, maire-adjointe du XXe arrondissement, plaide pour
une plus grande ouverture de l’école, et pour un véritable partenariat
entre celle-ci et les collectivités territoriales. C’est en travaillant ensemble
qu’on pourra mieux aider à la réussite des plus en difficultés. C’est ce
qui est fait dans l'arrondissement, comme en ont témoigné des acteurs
locaux dans les ateliers de la veille (accompagnement à la scolarité,
aide à la parentalité) Il est important de montrer les enjeux politiques
de ces questions d’accompagnement, qui doivent faire partie des
débats à venir pour les échéances électorales. Il s’agira de combattre la
toute puissante idéologie libérale méritocratique, de promouvoir une
modification des rythmes scolaires et d’être à l’écoute de ce que nous
disent les recherches, trop souvent méprisées par les politiques.

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Quelles conditions de la réussite ? À voir sur notre site


9. Colloque
des 25 et 26 Michelle Olivier, du SNUipp, doute de L'article de Jean-Michel
Zakhartchouk suivi de quatre
octobre 2010 l’efficacité du dispositif d’aide personnalisée vidéos :
Ouverture dans le primaire tel qu’il a été mis en • l'intervention d'ouverture
place, notamment dans le cadre de la de Anne-Charlotte Keller,
adjointe au maire du XXe ;
semaine de quatre jours. Elle s’indigne
9.1. Des points • la conférence de Jean
de ce que le ministère ait déclaré qu’avec Houssaye ;
d'appui pour
avancer l’accompagnement, il s’agit de faire de • la conférence de Jean-Paul
Jean-Michel « l’Acadomia » pour les pauvres. L'essentiel Delahaye ;
Zakhar tchouk aujourd'hui serait d’abord de faire évoluer • la conférence de Françoise
Clerc.
les pratiques dans la classe, de donner
Un florilège de quelques
des moyens pour la création de postes
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propos tenus lors du


surnuméraires qui permettraient d’intervenir colloque.
à deux à certains moments, ou bien sûr
de mieux former les enseignants à cet accompagnement bel et bien
indispensable.
Patrice Bride, pour le CRAP, souligne combien tout ce qui est « soutien
scolaire » interpelle l’école qui, certes, doit être son propre recours, mais
ne doit pas prétendre tout régenter, tout s’approprier. On n’apprend
Sommaire pas qu’à l’école : comment alors prendre en compte ces autres savoirs ?
Comment faire de la réussite scolaire (et l’entrée dans la citoyenneté)
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’affaire de tous ? Cela implique bien des transformations de l’école et un


élargissement de la notion de « compétences » : quelle maitrise donne-
t-elle sur des pratiques de la vie et pas seulement sur des connaissances
scolaires ?
L’accompagnement peut bien être ce pansement qui aide à mieux
supporter l’échec d’un trop grand nombre d’élèves (après tout, on a fait
ce qu’on a pu !) ; il peut servir d’alibi au conservatisme pédagogique en
donnant bonne conscience. Il peut être aussi un levier de changement,
un aiguillon qui nous aide à sortir de l’hypocrisie scolaire qui laisse de
côté tant d’élèves tout en laissant l’impression que « le programme a
été fait » et que les plus faibles ont été aidés (s’ils ont bien voulu l’être).
L’accompagnement, nouvelle posture pour les acteurs de l’école, peut
alors être orienté vers une autre voie pour notre système éducatif en
proie à la perte de sens et à l’accroissement des inégalités.
Jean-Michel Zakhartchouk

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Les conférences
Le triomphe de la
9.2.
pédagogie de soutien :
un trompe-l'œil ?
Jean Houssaye
Le retour actuel vers la pédagogie de soutien, l'appellation
« accompagnement » recouvrant une multitude de
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dispositifs signe-t-il l'échec de la pédagogie différenciée, et


la suprématie de l'enseignement simultané traditionnel ?

Ce qui caractérise aujourd’hui la sphère pédagogique telle que


les décisions politiques la dessinent, c’est l’empilement et le
foisonnement des dispositifs. On peut y rencontrer l’aide individualisée,
l’accompagnement éducatif, l’accompagnement à la scolarité, les

Sommaire programmes personnalisés de réussite éducative, les programmes de


réussite éducative, les études surveillées, l’aide aux devoirs, le soutien,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

les stages de remise à niveau pendant les vacances, l’accompagnement


individualisé, etc. Comment se reconnaitre dans cette exubérance
pédagogique ? En saisissant les principes de ces dispositifs. Or, il s’agit
de ne pas se tromper : l’essentiel est ailleurs et se nomme enseignement
simultané.
Dans le même temps, curieusement, la notion de différenciation,
omniprésente dans les discours pédagogiques récents, apparait de moins
en moins. On peut toujours, dans ce cas, faire l’hypothèse qu’on assiste
à une simple substitution de termes, sans modification en profondeur
du champ de références pédagogiques, dans un mouvement de
continuité qui exige que se consument les termes pour que l’innovation
perdure et soit acceptée. Nous ferons plutôt l’hypothèse suivante :
nous assistons au grand retour de la pédagogie de soutien dans un
mouvement qui signe la mort de la pédagogie différenciée en tant que
référence dominante. Voilà ce que nous voudrions établir, d’abord en

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rappelant l’évolution historique de la gestion de l’hétérogénéité, ensuite


9. Colloque en définissant la nature de la pédagogie de soutien, enfin en analysant
des 25 et 26
octobre 2010 le sens de son retour actuel.
Les Survol pédagogique de la gestion de l’hétérogénéité
conférences
Le fait que tous les élèves ne soient pas au même niveau n’entraine
9.2. Le triomphe pas que des élèves ne soient pas au niveau, ni même que l’on crée
de la pédagogie
de soutien : un
des niveaux dans la structure scolaire. Dit autrement, la question des
trompe-l'œil ? différences entre les élèves a toujours été un fait : l’hétérogénéité
Jean Houssaye cognitive n’a cessé de s’imposer dans les classes, même si l’hétérogénéité
sociale et l’hétérogénéité culturelle, elles, ont eu des statuts variables
à l'école. Mais ce fait a été géré de manières très différentes. Nous
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éviterons de remonter jusqu’à l’Antiquité ou même au Moyen-Âge sur


ce point, même si chacun se souvient qu’à l’université les étudiants
qui écoutaient les mêmes maitres avaient des âges très différents et
venaient de cursus pour le moins diversifiés.
Nous partirons plutôt des années 1830 qui signent la véritable
organisation de l'école actuelle, particulièrement au niveau du primaire1.
Trois modes rentrent alors en concurrence, chacun à sa manière
résolvant la réalité hétérogène des élèves. Le mode dominant, classique,
Sommaire
traditionnel, est nommé individuel. Il tient du préceptorat, mais
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

comprend tous les élèves rassemblés dans la même salle de classe, quels
que soient leur âge et leur niveau. Le maitre enseigne successivement
à chaque élève individuellement en s’adaptant au niveau de chacun ;
mais, comme pendant ce temps il laisse les autres sans occupation, de
l’avis général la méthode est lente, peu efficace et, qui plus est, utilisée
par des maitres incompétents. Il convenait donc de la réformer et
d’adopter des méthodes modernes. Qu’est-ce à dire ? Une alternative se
présente alors.
Quoique ancien, puisqu’il a été codifié en 1720 par Jean-Baptiste de
La Salle, le mode simultané est peu présent en 1815, puisqu’il reste
l’apanage des frères des écoles chrétiennes (5 % des élèves). Dans cette
configuration, trois frères se réunissent pour ouvrir une école d’une
centaine d’enfants, qu’ils répartissent en groupes de niveau. Chaque
frère enseigne simultanément la même chose au même moment à

1 Claude Lelièvre, Histoire des institutions scolaires, 1789-1989, Nathan, 1990.

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l’ensemble des enfants de sa classe ; les élèves sont donc constamment


9. Colloque occupés à la même chose selon la seule ordonnance du maitre et les
des 25 et 26
octobre 2010 résultats s’en ressentent.
Les Mais voici qu’importé d’Angleterre et introduit en 1815, le mode mutuel
conférences séduit la France, ne serait-ce que parce qu’il semble adapté à la triste
situation de manque d’enseignants compétents. Il consiste à regrouper
9.2. Le triomphe
de la pédagogie plusieurs dizaines ou centaines d’enfants dans une seule grande salle, à
de soutien : un les diviser en groupes de niveaux-matières (de telle sorte que chaque
trompe-l'œil ?
enfant peut être dans un groupe différent selon qu’il s’agit de lecture,
Jean Houssaye
d’écriture, de calcul, etc.), à confier chaque groupe à un moniteur (un
enfant plus avancé et instruit préalablement par l’enseignant), à installer
le maitre sur une estrade et à lui faire transmettre des ordres aux élèves
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par le relai des moniteurs.


Comme l’explique très bien Christian Nique, dans la conjoncture
politique de l’époque qui visait à substituer l’État à l'église dans le
secteur de l’éducation, l’enseignement mutuel aurait dû l’emporter. Or
il n’en fut rien : à partir de 1830, Guizot, ministre de l’Éducation, fit le
choix du mode simultané et eut ainsi une influence décisive, notamment
en imposant des manuels et en créant un corps d’inspecteurs d’État :
Sommaire « Loin d’être un accident de l’histoire, le dispositif scolaire mis en place
pour la généralisation de l’instruction primaire en France en ce début
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

du XIXe siècle est en réalité l’application d’un programme politique qui


vise à mettre l'école au service de l’État, et qui convient si bien, semble-
t-il, à nos choix politiques fondamentaux qu’il sera adopté sans subir de
modification majeure par tous les régimes qui se sont succédé jusqu’à
aujourd’hui : la monarchie constitutionnelle, l’empire et la république »2.
Certes le coup d’arrêt donné à l’enseignement mutuel ne fut pas général
ni immédiat, mais, peu à peu, le mode simultané en vint à devenir la
référence.
Jules Ferry ne fit que se servir en le magnifiant de l’outil scolaire
qu’avait élaboré Guizot cinquante ans plus tôt et que Duruy et Gréard
avaient maintenu et développé. Le mode simultané échappa aux frères
des écoles chrétiennes et devint républicain. L'école primaire a trois
niveaux : cours élémentaire, cours moyen, cours supérieur (le cours
préparatoire sera officialisé en 1923 par Paul Lapie et n’aura auparavant
2 Christian Nique, Comment l'école devint une affaire d’État, Nathan,1990.

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qu’une existence officieuse, soit à l'école primaire, soit à l'école


9. Colloque maternelle). Qui plus est, les grandes lois scolaires de 1870 réintégrèrent
des 25 et 26
octobre 2010 dans la justification de l'école la grande révolution de 1789, la théorie
Les de l’élitisme républicain et la conjonction de la prééminence de la
conférences relation du savoir et du maitre. On comprend d’autant mieux la force
et la symbolique du mode simultané. N’oublions pas que dans son
9.2. Le triomphe fonctionnement, il semble rejoindre la pédagogie des lycées qui,
de la pédagogie
de soutien : un sous l’influence des jésuites puis de Napoléon, est déjà organisée en
trompe-l'œil ? classes simultanées. Autrement dit, le primaire rejoint la pédagogie du
Jean Houssaye secondaire.
Mais comment l’enseignement simultané gère-t-il les différences ou
l’hétérogénéité ? D’abord il les justifie par l’égalité des chances : l'école
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pour tous est donnée à tous (le même savoir, les mêmes maitres), tant
et si bien que les inégalités ne relèvent pas du fonctionnement de
l’institution, mais des individus eux-mêmes dans leur investissement
scolaire. Ensuite, il a tendance à mettre en place des circuits de
distribution des élèves parallèles ou hiérarchisés (le primaire et le
secondaire, le public et le privé, le général et le technique, le général
et le professionnel, le classique et le moderne, le moderne long et le
Sommaire moderne court, les filières, les options, les langues, les cycles, les ZEP
et les SEGPA, l’intégré et l’apprentissage, les CLIS, les classes-relais, etc.).
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Bref, tout un système est mis en place qui permet de distribuer les élèves
différents dans des circuits hétérogènes entre eux, mais plus homogènes
dans chacun. Enfin, il réduit l’hétérogénéité interne de chaque classe
par un dispositif régulateur chargé d’assurer une homogénéité de
fonctionnement au nom de tous : notes, classements, redoublements,
non-présentation aux examens, etc. L’ordre du même doit l’emporter :
la même classe, le même maitre, les mêmes contenus, les mêmes
élèves. L’enseignement simultané suppose le maintien et la succession
du même dans l’ordre de l'école. Il gère les différences en renforçant
les similitudes. D’une certaine manière, il exclut le pluralisme dans la
classe pour le renvoyer sur l’organisation du système scolaire. Mais que
faire quand cette dernière, au nom par exemple de la lutte contre les
inégalités ou encore au nom de l'école unique, réduit sa gestion externe
de l’hétérogénéité et tend à la renforcer au sein de la classe elle-même,

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sachant que le mode simultané est fondé sur le principe contraire ? Car
9. Colloque supposer l’homogénéité est une chose, la vivre en est une autre.
des 25 et 26
octobre 2010 L’essence de la pédagogie de soutien
Les
conférences Il arrive en effet un moment où l’enseignement simultané, qui s’est donc
imposé historiquement comme la solution pour traiter l’hétérogénéité
9.2. Le triomphe des élèves, et qui doit prendre en compte aussi bien l’hétérogénéité
de la pédagogie
de soutien : un
cognitive que l’hétérogénéité culturelle et l’hétérogénéité sociale,
trompe-l'œil ? apparait lui-même comme la cause de l’hétérogénéité dans la classe.
Jean Houssaye Le fait de dispenser le même enseignement à l’ensemble des élèves
(programmes, rythmes, âges, cursus identiques) produit à son tour de
l’échec scolaire et ne permet surtout pas de répondre à un tel échec.
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Il devient ainsi indispensable, pédagogiquement, d’introduire de


l’hétérogénéité au sein des pratiques de chaque classe. La pédagogie
de soutien est chargée d’y répondre.
Il est important de remarquer que cette pédagogie va devenir centrale,
sur la scène pédagogique, quand l’Éducation nouvelle et la pédagogie
non-directive vont refluer, et sur la scène de l’institution scolaire, quand
les différences institutionnelles et organisationnelles du système scolaire
vont se réduire singulièrement. Suivant ici fidèlement les travaux de
Sommaire
Wittmann3, nous attribuerons la naissance institutionnelle de cette
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pédagogie à la loi du 11 juillet 1975 qui voit le ministre Haby instaurer


le collège unique. On peut penser que la pédagogie de soutien est
l’innovation pédagogique qui a et qui a eu le plus de succès (au niveau
des pratiques) tant à l'école qu’au collège ; elle est devenue aujourd’hui
officialisée dans les lycées par l’introduction de deux heures intégrées
d’aide aux élèves.
De quoi s’agit-il ? Dans un système simultané régi par l’homogénéité
et qui requiert cette dernière pour pouvoir fonctionner, quand la
population d’élèves de chaque classe apparait hétérogène, ce qui
est d’autant plus logique que l’hétérogénéité est devenue la règle de
constitution des classes, il devient indispensable de prendre en compte
et de traiter ces hétérogénéités au sein de la classe elle-même, afin de
rétablir l’homogénéité indispensable à l’ordre pédagogique « normal ».

3 Hélène Wittmann , « La Pédagogie de soutien vingt ans après ».


Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, CERSE, 1, 1987.

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Haby supprime les filières au sein du collège, introduit l’hétérogénéité


9. Colloque des élèves au sein de chaque classe tout en maintenant un mode
des 25 et 26
octobre 2010 simultané qui suppose l’homogénéité, et impose un dispositif de
Les réduction et de traitement de cette hétérogénéité des publics par
conférences l’intermédiaire de la pédagogie de soutien.
Si l’on suit les divers textes ministériels qui se réfèrent au soutien, on
9.2. Le triomphe
de la pédagogie voit se dessiner une carte de cette pédagogie. Le public ? Les élèves en
de soutien : un difficulté, « lents », d’origine socioculturelle défavorisée. Les finalités ?
trompe-l'œil ?
L’égalité des chances, la lutte contre l’échec et le redoublement, la
Jean Houssaye
compensation de tout « handicap », l’atteinte des objectifs pour tous.
Les moyens ? La reprise des apprentissages de base en français et en
mathématiques, en petit groupe ou en aide individualisée, didactique
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et méthodologique, l’organisation de groupes de niveau. L’initiateur ?


L’enseignant. L’effectif ? Un groupe restreint. Le temps ? L’aménagement
de moments particuliers pendant ou en dehors de l’horaire scolaire
habituel.
En fait, cette même pédagogie de soutien s’inscrit dans un ensemble
de dispositifs d’aides mis en place en faveur des enfants en difficulté
scolaire, dispositifs qui, tous, utilisent la notion de soutien. Il peut
Sommaire s’agir d’aides apportées au sein de la classe « normale » (continuité
pédagogique, projet d’action éducative, projet d’école, cycles
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pédagogiques), d’aides dispensées dans des structures particulières


(classes expérimentales, classes de perfectionnement, zones d’éducation
prioritaire), d’aides complémentaires de l’enseignement (études du soir,
groupes d’aide psychopédagogique), de projets de restructuration de
l’organisation scolaire (aménagement des rythmes scolaires, projets
d’école, décentralisation, évaluations nationales à certains niveaux pour
favoriser les activités de remédiation).
De même, la pédagogie de soutien croise de nombreuses autres formes
pédagogiques et semble souvent cheminer de concert avec elles. Mais
elle a bel et bien une spécificité, ne serait-ce que par ce qui la différencie
de chacune d’elles. Elle va beaucoup moins loin que l’Éducation nouvelle
par la place accordée à l’enfant à l’intérieur du système scolaire : pour
elle, l’enseignant repère les difficultés, prévoit les séances, organise
les contenus et évalue ; pour l'école active, c’est l’enfant qui construit
ses connaissances. Contrairement à la pédagogie par objectifs, elle ne

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possède pas un dispositif précis et conserve un certain flou quant aux


9. Colloque moyens à envisager. En désaccord avec la pédagogie différenciée, la
des 25 et 26
octobre 2010 remédiation de la pédagogie de soutien a pour but d’amener l’élève
Les à un niveau qui lui permette de suivre de nouveau l’enseignement
conférences collectif avec profit.
Face à la pédagogie traditionnelle, la pédagogie de soutien prône
9.2. Le triomphe
de la pédagogie l’égalité des individus sans se contenter de l’égalité des chances,
de soutien : un la réussite de tous et non pas seulement celle des meilleurs, la
trompe-l'œil ?
compensation et non exclusivement l’élitisme. Alors que le courant non-
Jean Houssaye
directif s’attache à la personne et à la relation, recherche la croissance
optimale et veut améliorer les capacités individuelles et sociales, la
pédagogie de soutien (au moins dans ce qu’elle annonce) se focalise
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sur les performances scolaires et adopte plutôt un comportement de


didacticien dont le principal souci consiste à améliorer l’efficacité des
apprentissages cognitifs. Enfin, même si les intentions pédagogiques
semblent identiques, la pédagogie de soutien ne fait pas les mêmes
choix que la pédagogie de maitrise : elle reste liée à l’égalité des chances
plus qu’à l’égalité des résultats, et elle n’incorpore pas une démarche
rigoureuse et opérationnelle soucieuse de rationalisation (pré-requis,
Sommaire critères, évaluation, remédiation). Autrement dit, même si la pédagogie
de soutien se présente comme un vaste ensemble de pratiques puisant
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

aux différents courants que nous venons de croiser, elle n’en a pas
moins une logique et une spécificité pédagogique qu’il convient de
reconnaitre.
Mais qu’en est-il dans les faits ? Il apparait qu’elle est très présente aussi
bien à l'école élémentaire qu’au collège, et maintenant au lycée et dans
le supérieur (par exemple avec la généralisation du tutorat dans le
plan réussite en licence). Prioritairement, elle permet de reprendre les
apprentissages de base à l’aide d’un surplus de temps et d’explications
destiné aux élèves en difficulté, à l’aide de la répétition des éléments du
programme jugés indispensables à acquérir, les élèves « faibles » devant
rattraper les autres pour profiter de l’enseignement collectif dispensé par
ailleurs. C’est une pédagogie du rattrapage et... de la bonne conscience.
Au fond, les enseignants aiment la pédagogie de soutien, parce qu’elle
permet de maintenir une pratique traditionnelle dans le cadre simultané,
tout en ayant fait quelque chose dont on sait que ce n’est pas suffisant

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quant aux résultats, mais que c’est satisfaisant en termes de couts et


9. Colloque d’intentions. À ce titre, elle est promise à un très grand avenir : « La
des 25 et 26
octobre 2010 pédagogie de soutien est une pédagogie réparatrice d’une pédagogie
Les traditionnelle qui propose une aide ponctuelle à ceux qui éprouvent
conférences des difficultés, susceptible d’améliorer leurs résultats scolaires. Elle est
aussi une pédagogie de la compensation, car elle s’adresse à un public
9.2. Le triomphe "défavorisé", veut pallier tous les "handicaps" et réduire les inégalités
de la pédagogie
de soutien : un grâce à la remédiation. Pour les praticiens, la pédagogie de soutien
trompe-l'œil ? constitue la seule pédagogie praticable et pratiquée en classe dans le
Jean Houssaye domaine de l’aide aux élèves, même si l’efficacité relative et partielle
n’échappe pas à l’initiateur de ces actions qui, pourtant, n’envisage pas
un système d’intervention ». Dit brutalement : la pédagogie de soutien a
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comme fonction première de soutenir la pédagogie traditionnelle dans


le cadre du mode simultané. C’est là son charisme.

La fin de la pédagogie différenciée, le


retour de la pédagogie de soutien
Ce n’est pas dire que la pédagogie de soutien ne fait rien ni n’a aucun
effet. Faisant appel à des compétences certaines, elle entraine le
praticien dans une démarche de recherche de solutions, témoin de la
Sommaire bonne volonté de l’adulte, sans toutefois bouleverser le fonctionnement
en place (les programmes, la prédominance du cognitif, le rôle central du
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

maitre). Elle se présente comme réparatrice des perturbations apportées


au mode simultané et permet à ce dernier de rester le cadre dominant
de l’ordre scolaire. C’est justement ce que mettait en cause la pédagogie
différenciée, qui veut mettre l’élève au centre (et non plus la classe). Il
est tout de même étonnant que ceux que l’on peut considérer comme
les grands réformateurs du système scolaire secondaire des années 80-
90, à savoir Legrand sous Savary (on pourrait lui adjoindre de Peretti) et
Meirieu sous Allègre, se trouvent être les principaux représentants de la
pédagogie différenciée et que, alors qu’ils proposent des modifications
référées à la différenciation pédagogique, ce qu’ils récoltent, au mieux,
c’est une mise en œuvre et une reconnaissance de la pédagogie de
soutien.
La pédagogie différenciée est bel et bien une remise en cause et
une subversion du mode simultané. Elle est plutôt au croisement du

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mode individuel, pour ce qui est du suivi des élèves par l’enseignant,
9. Colloque et du mode mutuel, pour ce qui est de la constitution des groupes
des 25 et 26
octobre 2010 dans la classe. Quant aux références pédagogiques, elles s’inscrivent
Les en continuité de l’Éducation nouvelle, qui avait justement fondé sa
conférences spécificité sur l’individualisation et la diversification dans la classe (on
se souviendra que c’est Adolphe Ferrière qui préface la grande thèse
9.2. Le triomphe de Henri Bouchet sur l’individualisation de l’enseignement en 19344), et
de la pédagogie
de soutien : un les pédagogies par objectifs et de maitrise, qui servaient de référence
trompe-l'œil ? opératoire et rationnelle dans la mise en place du déroulement
Jean Houssaye pédagogique (articulées à l’évaluation formative, qui nait aux États-Unis
à la fin des années soixante et arrive en France au milieu des années
soixante-dix). Un peu comme si l’Éducation nouvelle avait fourni les
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intuitions, mais en était restée à des pratiques un peu brouillonnes,


tandis que la pédagogie de maitrise fournissait une méthodologie
pédagogique assurée au service de la réussite de tous; lee tout semblant
s’inscrire dans la tendance socialiste volontariste de l'école unique et
du plan Langevin-Wallon et faire écho aux revendications d’un GFEN
par exemple qui, dans les années cinquante, appelle à conjuguer
démocratisation et différenciation (en donnant plus à ceux qui ont
moins).
Sommaire
Ce n’est pas pour rien non plus que cette pédagogie différenciée
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

s’adresse en priorité au secondaire. Elle relaie la volonté idéologique et


politique de l'école unique, qui s’est d’abord adressée à l'école primaire
et qui est maintenant le fait du secondaire à travers le collège (cf.
le débat sur la culture commune), devenu la structure essentielle et
problématique de la démocratisation de l’enseignement (« Est-il possible
d’enseigner dans un même établissement, dans les mêmes classes,
des élèves ayant des niveaux intellectuels et affectifs différents ? Est-il
possible de mélanger sur les mêmes bancs — comme on disait au début
de l'école publique — les enfants des prolétaires et les enfants des
bourgeois ? »5). Ce qui signifie que la gestion externe de l’hétérogénéité
des élèves, tant par l’institution que par l’organisation scolaires, se réduit
très sensiblement, rendant plus visible et plus difficile l’hétérogénéité
dans la classe. Or, le mode simultané régit le secondaire : tous les élèves
4 Henri Bouchet, L’Individualisation de l’enseignement : l’individualité
des enfants et son rôle dans l’éducation, Alcan, 1934.
5 Louis Legrand, L'École unique : à quelles conditions ?, Scarabée, 1981.

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d’une même classe se voient proposer au même rythme le même


9. Colloque contenu découpé en disciplines assurées, chacune, par un enseignant.
des 25 et 26
octobre 2010 Il est donc stipulé que l’apprentissage doit se dérouler à l’identique
Les pour tous dans toutes les disciplines, au même moment. Seulement,
conférences les régulations internes ne semblent plus suffire (notes, classements,
redoublements) et l’échec scolaire d’un bon nombre d’élèves devient
9.2. Le triomphe tellement patent au sein des classes que l’objectif lui-même de la même
de la pédagogie
de soutien : un école pour tous ne semble plus tenir.
trompe-l'œil ?
La pédagogie différenciée, prenant en compte les différences entre les
Jean Houssaye
élèves d’une même classe, se propose de reconnaitre ces différences,
de les estimer légitimes, de se fonder sur elles pour assurer l’ordre
de l’apprentissage dans la classe. Il ne s’agit donc plus de réduire
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l’hétérogénéité, mais de l’agir par la pédagogie. Nous sommes bel et


bien à l’opposé des principes du mode simultané. La différenciation
prendra ainsi des formes différentes, mais complémentaires :
différenciation des processus d’apprentissage d’abord (styles cognitifs,
ancrages cognitifs différents, outils et démarches d’apprentissage et de
guidage), différenciation des contenus d’apprentissage ensuite (types
d’objectifs, programmes noyaux, activités transversales), différenciation
Sommaire des structures enfin (groupes de niveau-matière, groupes de besoin,
cycles pédagogiques). De façon perspicace, Meirieu a bien vu que
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’obstacle à lever tenait au mode simultané : « En ce sens, et pour plagier


une formule célèbre, on pourrait définir l'école à construire comme
l’association d’ateliers diversifiés et du tutorat systématique : des ateliers
diversifiés utilisant tous les outils dont nous disposons, toutes les
richesses de l’équipe enseignante, mais aussi de l’environnement scolaire
et social ; et du tutorat systématique pour que chaque élève puisse
identifier son niveau, se fixer des objectifs, réfléchir à ses méthodologies,
évaluer ses acquisitions »6.
Il faut donc renoncer au mode simultané. La pédagogie différenciée
globalise l’approche de l’hétérogénéité dans la classe et, en même
temps, en fait une valeur au lieu d’y voir une réalité à réduire. Face à
l’hétérogénéité du public scolarisé, la pédagogie différenciée promeut
avant tout le respect des différences et la possibilité pour chacun de
recourir à des stratégies personnelles. Les élèves, différents par nature,

6 Philippe Meirieu, Apprendre... oui, mais comment ?, ESF 1987.

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trouveront la solution dans la pluralité : pluralité des maitres, des


9. Colloque rythmes, des groupements, des formes d’évaluation. La différenciation
des 25 et 26
octobre 2010 pédagogique vise l’amélioration de l’élève et amène l’adulte à gérer les
Les apprentissages en fonction de la singularité des apprenants. Elle prend
conférences en compte les acquis réels des élèves, leur fonctionnement, adapte les
temps d’assimilation et les contenus. L’homogénéisation des structures
9.2. Le triomphe scolaires tend à rendre nécessaire la différenciation des stratégies, afin
de la pédagogie
de soutien : un de gérer l’hétérogénéité des situations de la classe simultanée.
trompe-l'œil ?
Et pourtant, la pédagogie différenciée, modèle de rénovation
Jean Houssaye
pédagogique dominant des années 80-90, n’a pas réussi à s’imposer
et ne réussit toujours pas à le faire. Elle se heurte à plusieurs obstacles
qui font que, au besoin sous couvert de pédagogie différenciée ou à
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tout le moins sous couvert de prise en compte des différences, c’est


la pédagogie de soutien qui s’impose une nouvelle fois et entre en
œuvre. Le premier de ces obstacles tient à la pédagogie différenciée
elle-même : elle apparait particulièrement complexe et a tendance à
décourager tout nouvel adepte par le nombre de facteurs à prendre en
compte ; elle apparait comme nécessairement technique et ne semble
pas supporter l’improvisation ; elle apparait comme dépendante d’outils
Sommaire appropriés qui ne sont pas vraiment disponibles ou accessibles. Ce qui
signifie que souvent les intentions et les intuitions n’ont pas été relayées
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

par une instrumentation adéquate et maniable. Sans parler du fait que,


parfois, elle a débouché sur une batterie de moyens pédagogiques
dont le mode d’emploi était propice à décourager le non-spécialiste. La
tendance sera la même pour l’évaluation formative : notion séduisante,
concept introuvable, elle se révèlera très difficile à pratiquer, car elle
décuple le temps de travail pour un résultat trop souvent décevant.
Tant et si bien que, dans bien des cas, l’enseignement général s’est
rétracté et qu’il a laissé la formation professionnelle et l’enseignement
technique poursuivre la démarche d’élaboration, de reconnaissance et
de justification de cette pédagogie.
Le second obstacle relève de la force de la tradition éducative. Cette
conjonction historique, que nous avons repérée entre la forme scolaire
et le mode simultané, s’est effacée au profit d’une « évidence » d’un
ordre scolaire naturel, normal, logique. Qui plus est, cette normalité
pédagogique s’est agrégé un ensemble de justifications idéologiques qui

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vont s’enraciner dans les Lumières, la révolution de 1789 et l’instauration


9. Colloque triomphante de la IIIe République. On conviendra qu’un tel poids est de
des 25 et 26
octobre 2010 nature à provoquer une naturalisation d’une méthode d’enseignement
Les qui la donne facilement comme éternelle et juste. Toujours est-il que
conférences l’ancrage dans le processus « enseigner » traverse le champ de l'école
de façon privilégiée… et discutable7.
9.2. Le triomphe
de la pédagogie Le troisième obstacle tient à la nature du changement requis par
de soutien : un la pédagogie différenciée : elle suppose un passage du processus
trompe-l'œil ?
« enseigner » au processus « apprendre ». Ce qui relève d’une
Jean Houssaye
modification du paradigme de référence. Le mode simultané est basé
sur une pédagogie de l’enseignement. Le rapport « maitre-savoir » est
premier et l’appropriation du savoir par l’élève dépend directement de
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ce rapport. L’identité du savoir maitre ou du maitre-savoir fait que les


élèves sont traités de manière identique, hors de toute différence, et que
leur acquisition du savoir ne peut dépendre que de la conduite similaire
pour tous du maitre détenteur. Les élèves étant censés équivalents et le
savoir étant identique sous le traitement commun du maitre, on ne voit
pas pourquoi la différenciation serait légitime, puisque l’ordre scolaire
semble tout faire pour l’exclure. Le processus « enseigner » prétend
Sommaire rendre anormal tout écart.
À l’inverse, le processus « apprendre » considère que le rapport élève-
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

savoir est premier et qu’il est par définition propre et problématique.


Ce n’est donc pas le maitre qui fait apprendre, c’est le maitre qui doit
permettre à l’élève d’apprendre. Appuyées d’abord sur la psychologie
du développement, ensuite sur la psychologie de l’apprentissage, enfin
sur la psychologie cognitive, les pédagogies de ce type fondent l’ordre
scolaire sur l’apprentissage différencié ou individualisé des élèves.
L’Éducation nouvelle, l'école moderne, la pédagogie de maitrise, le travail
autonome, la pédagogie différenciée appartiennent à ce paradigme.
C’est là une véritable révolution pédagogique qui brise les canons du
mode simultané. On passe d’un processus qui érige le rapport maitre-
savoir au centre du système éducatif à un processus qui lui substitue le
rapport élève-savoir.
Sur ces bases, en prenant en compte cette identification historique du
mode simultané et du processus d’enseignement, on peut comprendre
7 Jean Houssaye (dir.), La Pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, ESF, 1993.

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que tout changement radical de processus pédagogique se heurte à des


9. Colloque obstacles, à des intérêts et à des justifications toutes prêtes et toutes
des 25 et 26
octobre 2010 faites. Ce qui signifie que, devant les difficultés, autant l’aménagement
Les est tolérable, autant la mutation ne l’est pas. Or, la modification ne
conférences peut être progressive ou rampante, elle ne peut être que radicale ou
manifeste. Une fois installé dans un processus, on ne peut en sortir de
9.2. Le triomphe l’intérieur ; on reste toujours tributaire de sa logique ; le changement ne
de la pédagogie
de soutien : un peut s’opérer qu’en s’établissant d’emblée dans un autre processus : les
trompe-l'œil ? logiques des processus sont ainsi exclusives et non complémentaires. Ce
Jean Houssaye qui signifie qu’il est illusoire de croire pouvoir implanter la pédagogie
différenciée dans le processus d’enseignement, c’est-à-dire dans le mode
simultané. Les principes de base sont opposés et la conciliation n’est
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pas possible. Pour agir, il faut choisir. La pédagogie passe par l’action. Et
l’action requiert de la cohérence. Même si toute cohérence suppose des
limites dans les facteurs pris en compte et entraine le deuil d’un certain
nombre de dimensions.
S’il faut choisir entre mode simultané et pédagogie différenciée, que
vient faire la pédagogie de soutien dans cette histoire ? Elle relève de la
stratégie d’adaptation d’un processus dominant. En effet, un processus
Sommaire se maintient si l’axe central, tout en s’imposant comme premier, laisse
suffisamment de place et de jeu aux processus exclus. Autrement dit,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

le processus « enseigner », pour se maintenir, continuer à dominer et se


donner comme satisfaisant, doit tolérer en son sein certains aspects du
processus « apprendre » et se régénérer par lui. C’est pourquoi le mode
simultané, pour résoudre ses contradictions (et on a vu qu’elles sont
de plus en plus flagrantes du fait de la diminution de l’hétérogénéité
institutionnelle et organisationnelle), doit inclure certains éléments du
processus « apprendre » en les mettant à son service, sans les laisser
devenir dominants et contradictoires. La pédagogie de soutien est là
pour intégrer au mode simultané certaines vertus de la pédagogie
différenciée, sans lui permettre d’opérer le renversement radical qu’elle
suppose.
Les actions mises en place tant pour la pédagogie de soutien que
pour la pédagogie différenciée s’attachent au principe d’éducabilité et
tentent de favoriser une intervention en faveur de tous, aux dépens de
la fatalité de l’échec. Les deux pédagogies s’accordent également sur un

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possible recours à d’autres pédagogies, avec l’idée que les pédagogies se


9. Colloque complètent et qu’il est indispensable d’intégrer des méthodes diverses
des 25 et 26
octobre 2010 et variées pour faire progresser tous les enseignés. Mais, comme nous
Les l’avons vu, un tel accord sur les intentions et sur certaines modalités
conférences d’action ne peut cacher le fossé fondamental entre elles : pour la
pédagogie de soutien, la remédiation a pour but d’amener les élèves
9.2. Le triomphe à un niveau qui leur permette de suivre l’enseignement collectif avec
de la pédagogie
de soutien : un profit ; pour la pédagogie différenciée, l’hétérogénéité est préalable,
trompe-l'œil ? normale et pédagogiquement apte à combattre l’échec scolaire.
Jean Houssaye
Changer pour ne pas changer
Et c’est ainsi que la pédagogie de soutien, jouant de ses ressemblances
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avec la pédagogie différenciée, est acceptable comme mode de


régulation du mode simultané de l’ordre scolaire. Ce dernier prouve
ainsi qu’il évolue, qu’il innove, qu’il répond à ses difficultés, qu’il
cherche à résoudre ses contradictions, sans avoir à se remettre en
cause radicalement. Le mode simultané fait la loi à l'école, fait la loi de
l'école. La pédagogie de soutien lui sert d’aide et de justification, elle
apparait comme la solution dans l’innovation, elle se donne comme la
forme du changement acceptable. Elle se nourrit même des solutions
Sommaire
radicales qui remettent en cause la pédagogie de l’enseignement.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Grâce à elle, la pédagogie différenciée, alors qu’elle s’était posée et


développée comme une tentative de renversement au nom d’une
pédagogie de l’apprentissage, en arrive à entretenir la domination du
seul mode simultané. L’institutionnalisation du soutien signe la mort de
la pédagogie différenciée. Elle est le signe de l’échec de cette dernière
à s’imposer comme ordre scolaire. Les réformateurs pédagogiques,
promoteurs et partisans de la pédagogie différenciée, se retrouvent
réduits à adapter le mode simultané en lui intégrant la pédagogie de
soutien. Ce qui n’a pas empêché qu’ils subissent de très nombreuses
attaques d’une violence qui ne cesse d’étonner... Décidément, si éduquer
est déjà un métier impossible, changer l’éducation relève du tour de
force. Grande est la vertu de ceux qui s’y attachent.

Jean Houssaye
S ciences de l ’éducation, université de R ouen – CIVIIC

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9. Colloque Bibliographie
des 25 et 26
octobre 2010 Linda Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud (dir.), L’Évaluation
Les formative dans un enseignement différencié, Peter Lang, 1979.
conférences
Daniel Hameline, Les Objectifs pédagogiques en formation initiale et
9.2. Le triomphe continue, ESF-EME, 1979.
de la pédagogie
de soutien : un Jean Houssaye, Les Valeurs à l'école, PUF, 1992.
trompe-l'œil ?
Louis Legrand, La Différenciation pédagogique, Scarabée, 1986.
Jean Houssaye
Louis Legrand, Les Différenciations de la pédagogie, PUF, 1995.
Philippe Meirieu et coll. Différencier la pédagogie. Pourquoi ? Comment ?,
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CRDP Lyon, 1985.


André de Peretti, Pour une école plurielle, Larousse, 1987.

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
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9. Colloque 9.3. Une longue histoire


des 25 et 26
octobre 2010 Jean-Paul Delahaye
Les
conférences Quelques repères historiques à travers les textes officiels
depuis 1880, mettant en valeur la multiplicité des
dispositifs, un certain psittacisme pas toujours efficace de
l'institution. D'où il ressort des points incontournables : la
mission des enseignants et leurs obligations de service ;
la nécessité d'une approche pédagogique globale.

« Les enfants dont on doit désespérer sont bien rares ».


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Eugène Brouard, Charles Defodon, Inspection des écoles primaires, Hachette, 1875, p. 85.

En introduction de mon propos, et pour que chacun puisse bien


mesurer le sens de l’évolution historique que je vais brosser à grands
traits, je crois utile de faire un point rapide sur l’état actuel de l’aide aux
élèves telle qu’elle apparait dans les dix dernières circulaires de rentrée.

L’aide aux élèves dans les circulaires de rentrée depuis 2001


Sommaire La lecture des circulaires de rentrée des dix dernières années permet de
relever un certain nombre d’indices des politiques engagées à travers le
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

vocabulaire employé.
Tableau 1
Évolution du vocabulaire de l’aide dans les dix dernières circulaires de rentrée
N b d ’occur rences 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Aide 24 17 7 4 10 7 5 20 17 111
Accompagne - 13 2 2 4 6 2 2 4 16 51
ment
S outien 2 4 4 3 2 3 2 3 23
Ens. modulaire 5 3 2 1 1 1 13
R emise à niveau 1 1 1 1 1 5
Consolidation 1 1 1 3
Tutorat 2 1 3
Appronfondisse - 2 2
ment
Études dirigées 2 2
Travail dirigé 1 1
Études sur-
veillées

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On observe ainsi (tableau 1) que « soutien », mot très utilisé comme


9. Colloque on va le voir dans les années 1970 et 1980, l’est encore aujourd’hui,
des 25 et 26
octobre 2010 notamment depuis sa réapparition dans l’accompagnement
Les personnalisé mis en place récemment au lycée professionnel et au
conférences lycée d’enseignement général et technologique. Les études surveillées
ne sont plus mentionnées, les études dirigées seulement deux fois en
9.3. Une longue 2007. L’enseignement par modules, de toute façon abrogé par l’arrêté
histoire
de janvier 2010, n’apparait plus depuis la circulaire de rentrée 2009.
Jean-Paul
Delahaye Le mot « consolidation », très utilisé au milieu des années 1990, est
quasi absent, de même que « remise à niveau », expression utilisée
aujourd’hui pour les stages organisés en dehors du temps scolaire. Le
tutorat réapparait en 2010 pour les lycées.
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« L’aide » aux élèves est par contre très présente (111 occurrences en dix
ans), suivie de loin par le mot « accompagnement » (51 occurrences).
On constate deux poussées de ces mots, en 2001 et 2010, année
où « l’accompagnement » fait jeu égal avec « l’aide », mais avec une
distinction très nette : en 2010, « l’aide », qualifiée de « personnalisée »
concerne le premier degré, « l’accompagnement » qualifié lui aussi
de « personnalisé » est invoqué pour le second degré. Quant au mot
Sommaire « approfondissement », sa quasi-absence traduit bien ce que signifie
« l’aide » aux élèves dans notre système éducatif, qui est presque
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

uniquement de l’ordre de la remédiation.

Tableau 2
Évolution des qualificatifs utilisés pour l’aide aux élèves

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
D ifférencié(e) 3 3 1 1 1 9
I ndividualisé(e) 11 4 5 3 2 3 3 3 34
Personnalisé(e) 3 3 2 3 4 4 4 14 15 52

Si l’on observe à présent (tableau 2) les qualificatifs utilisés pour


caractériser la démarche d’aide aux élèves, on ne peut qu’observer que
la différenciation pédagogique au sein des classes est très peu présente
dans les récentes circulaires de rentrée, et que le terme « personnalisé »
prend le dessus sur le mot « individualisé ».

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Tableau 3
9. Colloque Vocabulaire des dispositifs d’aide dans les circulaires de rentrée entre 2001 et 2010
des 25 et 26 Accompagnement des élèves Dispositif de formation en alternance
octobre 2010 Accompagnement du travail au collège
Les personnel Dispositifs relais
conférences Accompagnement individualisé Classes relais
Accompagnement personnalisé Ateliers relais
Aide individualisée Itinéraires de découverte
9.3. Une longue
histoire Aide personnalisée Module de découverte
Aide ponctuelle professionnelle
Jean-Paul Modules de soutien
Aide la mieux adaptée aux besoins
Delahaye identifiés Parcours individualisé
Dispositifs d’aide adéquats Programme personnalisé d’aide et
Dispositif d’aide et de soutien de progrès
Dispositif d’aide et de conseil Programme personnalisé de réussite
éducative
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Dispositif d’aide individualisée


Remise à niveau
Dispositif d’aide et
d’accompagnement personnalisé Réseau d’aides spécialisées
Dispositifs d’aides nécessaires Soutien individualisé
Dispositifs d’aide variés et adaptés Soutien personnalisé
Dispositif efficace Suivi individualisé
Dispositifs dérogatoires Suivi personnalisé

Enfin, un relevé sommaire du vocabulaire utilisé par les circulaires de


rentrée depuis 2001 (tableau 3) fait apparaitre une grande profusion
Sommaire
de termes ou d’expressions pour qualifier les dispositifs d’aide aux
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

élèves. Avec une nette dominante, comme cela vient d’être montré,
pour « l’aide », pour « l’accompagnement », pour les « dispositifs »
de toutes sortes, ainsi que pour « programme » et « suivi », mais
sans que soit clairement stabilisé ce qu’il faut comprendre derrière
les qualificatifs utilisés. Si l’on observe, par exemple, l’utilisation des
mots « individualisé » et « personnalisé », on ne peut que se perde en
conjecture. Une lecture attentive des circulaires montre qu’en réalité,
on utilise souvent un mot pour l’autre sans qu’on sache vraiment si cela
correspond à une réalité différente.
N’a-t-on pas, successivement, de l’accompagnement individualisé et
personnalisé, de l’aide individualisée et personnalisée, du soutien
personnalisé et individualisé, du suivi individualisé et personnalisé ?
Par exemple, dans la circulaire de rentrée 2009, le vocabulaire est pour
le moins fluctuant : « L'année scolaire 2009-2010 sera marquée par […]
l'extension des mesures d'accompagnement individualisé : consolidation de

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l'aide personnalisée à l'école, de l'accompagnement éducatif au collège, des


9. Colloque stages d'anglais au lycée, de nouveaux services personnalisés d'orientation,
des 25 et 26
octobre 2010 installation des dispositifs d'aide personnalisée et des passerelles au lycée
Les professionnel ».
conférences Au total, l’aide aux élèves sous des appellations multiples est,
incontestablement, une préoccupation très présente dans les politiques
9.3. Une longue
histoire scolaires de la dernière décennie.
Jean-Paul En réalité, et c’est ce que je vais à présent essayer de montrer, de tout
Delahaye
temps, l’aide aux élèves, quel que soit le nom qu’on lui donne, a été
considérée comme un levier essentiel pour l’égalité des chances de
tous les élèves, même si, proclamée comme essentielle pour la réussite
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de tous, l’aide aux élèves est aussi, de fait, une variable d’ajustement
budgétaire quand les temps sont difficiles. Je fais allusion, par exemple,
à la disparition des répétiteurs et des adjoints d’enseignement quand il a
fallu utiliser leurs supports budgétaires pour faire face à la massification
de l’enseignement secondaire dans les années 1960, au moment même
où le second degré ouvrait largement ses portes aux jeunes de milieux
populaires.
Sans prétendre ici faire une histoire exhaustive de l’aide aux élèves,
Sommaire
quelques repères historiques peuvent néanmoins être posés qu’on
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

peut regrouper, selon moi, en quatre temps, de façon un peu artificielle


j’en conviens, tant, sous des mots différents, ce sont en réalité presque
les mêmes dispositifs qui sont décrits depuis toujours par les textes
officiels. Je précise que mon propos est de ne rendre compte que des
prescriptions ministérielles, non de leur mise en œuvre effective ou de
leur efficacité. C’est en quelque sorte à une revue des politiques scolaires
proclamées et affichées en matière d’aide aux élèves que je vous invite.
Ces quatre temps, correspondant plus à des évolutions de vocabulaire
qu’à des changements fondamentaux, sont :
1. Le temps de la « conférence », au XIXe siècle et au début du XXe
siècle ;
2. Le temps du « travail dirigé » après la Libération ;
3. Le temps de « la pédagogie de soutien » à partir de 1977 ;

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4. Le temps des dispositifs d’aide et d’accompagnement,


9. Colloque individualisés ou personnalisés, aujourd’hui.
des 25 et 26
octobre 2010 1. Le temps de la « conférence » au XIXe
Les siècle et au début du XXe siècle
conférences
À l’école primaire : une aide aux élèves par le maitre dans la classe
9.3. Une longue L’accent est mis sur la réussite de tous dès les années 1880
histoire
Jean-Paul Je vais très peu aborder la question de l’aide dans l’enseignement
Delahaye primaire, car, du fait de l’unicité et de la polyvalence du maitre d’école,
la question de l’aide s’y pose en des termes différents de ceux de
l’enseignement secondaire. À partir du moment en effet où la IIIe
République demande aux maitres de l’enseignement primaire de
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« s’assurer périodiquement si la classe tout entière, et non pas seulement


l’élite de la classe, suit bien le programme et profite bien des leçons
dans toutes les parties de l’enseignement »1, la question des méthodes
pédagogiques les plus efficaces pour mettre en œuvre ce projet
politique se pose nécessairement.
Les instructions du 27 juillet 1882 insistent en ce sens : dans l’école
primaire publique, « L'enseignement […] est nécessairement collectif et
Sommaire simultané ; le maitre ne peut se donner à quelques-uns, il se doit à tous ; c'est
par les résultats obtenus sur l’ensemble de sa classe et non pas sur une élite
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

seulement que son œuvre pédagogique doit être appréciée. » Il y a bien là


une obligation de résultat pour tous les élèves. Les instructions de 1882
l’expriment avec netteté : « Quelles que soient les inégalités d’intelligence
que présentent ses élèves, il est un minimum de connaissances et d’aptitudes
que l’enseignement primaire doit communiquer, sauf des exceptions très
rares, à tous les élèves : ce niveau sera très facilement dépassé par quelques-
uns, mais, le fût-il, s'il n’est pas atteint par tout le reste de la classe, le maitre
n'a pas bien compris sa tâche ou ne l'a pas entièrement remplie ».
Les instructions du 20 juin 1923 : alléger les programmes et varier
l’enseignement pour aider en individualisant
Ces instructions, relatives au nouveau plan d’études des écoles
primaires élémentaires (suite à l’arrêté du 23 février 1923) préconisent
déjà, sans le dire évidemment avec les mots d’aujourd’hui, d’aller à

1 Circulaire du 25 aout 1884.

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l’essentiel au moyen d’une pédagogie active et différenciée : « Les


9. Colloque nouveaux programmes sont deux fois plus courts que les anciens. […] De
des 25 et 26
octobre 2010 cette simplification résultera pour le maitre une plus grande liberté. Nous
Les ne guidons point chacun de ses pas. Nous lui faisons confiance. Suivant
conférences le niveau de sa classe, il pourra aborder ou écarter telle ou telle question,
exposer ou ajourner tel ou tel détail. Il pourra, d’autre part – et même il
9.3. Une longue devra – varier son enseignement selon les besoins de ses élèves, l’adapter
histoire
aux conditions de la vie locale… »
Jean-Paul
Delahaye « Pour bien enseigner aux enfants “ce qu’il n’est pas permis d’ignorer”, il faut
savoir choisir et doser, suivant leur âge, les connaissances qu’ils auront à
assimiler. L’enseignement doit être gradué. […] Mieux vaut laisser l’enfant
dans l’ignorance que de lui imposer un enseignement prématuré ».
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L’école primaire doit aider l’élève au sein de l’école et lui apprendre à se


passer des devoirs à la maison
La question du prolongement du travail de la classe par des devoirs
à la maison se pose très tôt à l’école primaire en des termes qui n’ont
pas beaucoup vieilli. Le recteur Compayré résume bien la pensée
ministérielle de l’époque : on ne peut renoncer à l’usage des devoirs à la
maison, mais il faut donner ces devoirs avec une infinie prudence. Pour
Sommaire
Compayré2, « toutes sortes de raisons s’opposent à ce que, dans les écoles
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

primaires, on use beaucoup des devoirs à préparer en dehors des heures de


classe ». D’abord la longue durée des classes, « qui retiennent l’enfant à
l’école pendant six heures », ensuite le jeune âge des écoliers du primaire
« qui les expose plus que d’autres au surmenage intellectuel ». Mais il y a
aussi « la condition sociale de la plupart des enfants qui fréquentent
l’école primaire », car il est évident que, outre le fait qu’une fois rentrés
chez eux beaucoup d’enfants sont occupés à divers travaux, « des enfants
d’ouvriers ou de paysans ne trouvent pas, dans les locaux incommodes et
les habitations étroites de leurs familles, des conditions favorables pour le
travail ».
Ces arguments n’ont pas beaucoup vieilli. Dit en langage d’aujourd’hui,
l’école doit être son propre recours.
Dans l’enseignement secondaire, les professeurs ne sont pas
naturellement en charge de l’aide aux élèves
2 Gabriel Compayré, Organisation pédagogique et législation des
écoles primaires, Paris, Librairie classique Paul Delaplane, 1892.

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En 1880, les élèves qui ne suivent pas sont « un embarras pour le maitre,
9. Colloque un « mauvais exemple » pour leurs camarades et un « élément de gêne »
des 25 et 26
octobre 2010 pour les classes
Les Au début de la IIIe République – rappelons qu’il n’y a à l’époque que
conférences 85 lycées et 250 collèges en France scolarisant une toute petite partie
de la population adolescente – les difficultés rencontrées par certains
9.3. Une longue
histoire élèves de l’enseignement secondaire ne sont pas de la responsabilité
Jean-Paul des enseignants. Jules Ferry publie une circulaire le 28 septembre 1880
Delahaye qui ne laisse aucun doute à ce sujet : « Les professeurs se plaignent
généralement d'avoir à subir des élèves mal préparés, hors d'état de suivre
avec fruit les exercices de la classe, et qui sont un embarras pour le maitre,
un mauvais exemple pour leurs camarades. Au moment où de sérieux efforts
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

sont tentés pour coordonner et restaurer l'enseignement classique, il est


plus nécessaire que jamais que les familles soient exactement renseignées
sur les véritables intérêts de leurs enfants. Les examens de passage devront
avoir lieu dans la semaine qui suivra la rentrée ; tous les élèves y seront
soumis. Le proviseur décidera de l'admission ou du rejet d'après l'ensemble
des notes. Sous aucun prétexte, il ne devra consentir à placer l'élève dans
un cours dont il ne tirerait aucun profit et où il ne pourrait qu'entraver la
Sommaire marche régulière de l'enseignement. Les examens de passage, sérieusement
pratiqués, rendent de réels services à l'enseignement des lycées et collèges ;
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ils stimulent les enfants ; ils dégagent les classes d'un élément de gêne et
d'affaiblissement, en dirigeant vers de nouvelles voies les esprits qu'on
aurait voulu contraindre à suivre malgré eux un enseignement qui ne leur
convient pas. »3
La séparation de l’enseignement et de l’aide aux élèves : des personnels
spéciaux pour l’aide aux élèves
Il faut tout de même s’occuper des élèves « faibles », selon la terminologie
de l’époque. Pour effectuer cette tâche, les lycées de l’époque ont à
leur disposition des personnels qui ont la charge de l’aide aux élèves
en dehors des séances ou des « classes » comme on disait alors, prises
en charge par les professeurs : il s’agit de répétiteurs, de professeurs
adjoints ou autres maitres d’études. L’article 3 du décret de 1887 décrit
le travail de ces répétiteurs : « Les répétiteurs des lycées et des collèges

3 Circulaire citée dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire,


sous la direction de Ferdinand Buisson, édition 1911, article « lycées et collèges ».

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sont chargés de la surveillance ; ils veillent à la discipline et concourent à


9. Colloque l’enseignement. Dans les salles d’étude, ils dirigent le travail des élèves ; ils
des 25 et 26
octobre 2010 s’assurent du soin avec lequel les devoirs sont faits et les leçons apprises. Ils
Les transmettent régulièrement leurs notes aux professeurs par l’intermédiaire
conférences du censeur ou du principal dans les classes, ils remplacent les professeurs
empêchés »4.
9.3. Une longue
histoire En 1909, on précise les missions des répétiteurs des lycées et collèges
Jean-Paul et des professeurs adjoints : « D’abord, les suppléances ; puis les heures
Delahaye d’enseignement régulier ; enfin, les conférences complémentaires aux élèves
faibles sous la direction du professeur de la classe [qui] constituent un
excellent moyen de relever le niveau des études dans les classes composées
d’éléments de force inégale ; et elles sont une partie essentielle de la fonction
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de professeur adjoint. J’appelle sur ce point, votre attention d’une manière


toute spéciale »5.
Cette séparation des tâches entre répétiteurs et professeurs est
néanmoins régulièrement remise en cause dès cette période.
Si l’on prend, par exemple, les déclarations de Léon Bourgeois devant
la commission Ribot de la fin du siècle, telles qu’elles sont rapportées
dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de
Sommaire
Ferdinand Buisson, on voit que certains responsables voudraient que
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

les enseignants prennent davantage de responsabilités dans l’aide


aux élèves : « Nous avons mis en deux catégories distinctes le professeur
et le répétiteur. Chacun d'eux, précisément à cause de cette séparation
règlementaire, considère l'autre, je me garderai bien de dire comme un
ennemi, mais comme une personne inconnue, étrangère, n'ayant rien à
faire dans son service à lui. Ne devraient-ils pas, au contraire, se considérer
comme des collègues étroitement associés pour l'éducation des enfants ?
J'admettrais que le professeur pût et dût même, dans certains cas, prendre
des enfants en dehors de la classe et les faire travailler »6.

4 Décret sur les maitres répétiteurs des lycées et des collèges,


8 janvier 1887, BAMIP, n° 734, 8-25 janvier 1887, p. 11, signé Berthelot.
5 Circulaire relative aux répétiteurs des lycées et collèges et aux professeurs
adjoints du 13 septembre 1909, BAMIP n° 1896, 15 septembre 1909, p. 799-800.
6 Léon Bourgeois, cité dans le Nouveau dictionnaire de
pédagogie et d’instruction primaire, sous la direction de Ferdinand
Buisson, édition 1911, article « lycées et collèges ».

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La réforme de 1890 et la première tentative pour faire prendre en charge


9. Colloque par les enseignants l’aide aux élèves de façon plus individualisée
des 25 et 26
octobre 2010 Un peu avant, sous le ministère de Léon Bourgeois, on avait essayé de
Les libérer du temps d’enseignement pour permettre aux enseignants de
conférences prendre toute leur part dans l’aide aux élèves.

9.3. Une longue C’est la circulaire relative à l’emploi du temps, à l’éducation physique et
histoire à l’hygiène dans les lycées et collèges, du 7 juillet 1890, signée de Léon
Jean-Paul Bourgeois lui-même qui tente d’engager le processus.
Delahaye
Le premier objectif est de donner des marges de manœuvre aux acteurs
locaux.
« C’est à vous qu’il appartient, Monsieur le Recteur, de déterminer, sur
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

proposition des chefs d’établissement et après l’avis de l’assemblée des


professeurs, la distribution des heures de classe, d’étude et de récréation. Le
conseil supérieur n’a pas voulu la fixer lui-même. Il a admis que le principe
d’uniformité absolue dans le régime de tous les lycées et collèges ne
répondait à aucune nécessité ; que la règle pouvait varier, entre certaines
limites, suivant les climats et les régions, les habitudes locales, suivant les
besoins et les ressources des divers établissements ».

Sommaire La réforme vise également à réduire la durée du « travail sédentaire »


des élèves. Dans un paragraphe intitulé « Exercices pratiques rendus
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

possibles par la réduction de la durée des classes » (les classes passent en


effet de deux heures à une heure et demie ou une heure), il est dit que
la « partie du temps ainsi économisée sur la classe régulière sera restituée
par les professeurs aux divers enseignements, sous forme de conférences,
d’interrogations, de direction pratique du travail ».
Quelle utilisation va-t-on faire de ce temps ainsi dégagé ? Le projet est
de mettre en place des temps de « conférence » pris en charge par les
enseignants pour venir en aide aux élèves. On dirait aujourd’hui : pour
mettre en place de l’accompagnement personnalisé, pour soutenir les
faibles et approfondir avec les autres, pour regrouper temporairement
les élèves en groupes de niveau, etc. En langage de 1890, la question
décapante posée par le courageux Léon Bourgeois est : et si les
enseignants eux-mêmes devenaient les répétiteurs de leurs propres
élèves ?

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Il est utile d’insister un peu sur cette circulaire, car elle est la première à
9. Colloque aller aussi loin dans la description de ce qui est attendu des enseignants
des 25 et 26
octobre 2010 en matière d’aide à leurs élèves. Et pour tout dire, il me semble que
Les cette circulaire de Léon Bourgeois de 1890 fait définitivement le tour
conférences de la question ! On aura bien sûr compris que le terme « conférence »
signifie ici un moment de travail en petit groupe d’élèves7.
9.3. Une longue
histoire Dans le paragraphe suivant de la même circulaire, il est en effet indiqué
Jean-Paul qu’« il n’y a rien de commun entre les exercices recommandés ici et les
Delahaye conférences autrefois en usage dans les lycées. Autant ces conférences, simple
prolongation de la classe elle-même, étaient fastidieuses et stériles pour tout
le monde, autant une direction vraiment pratique du travail peut devenir
pour tous intéressante et féconde. La classe appartient à l’enseignement :
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

c’est dans ces conférences d’un nouveau genre que le professeur trouvera
parfois les meilleurs moyens d’en assurer les effets. Là, en présence de
groupes d’élèves restreints et bien homogènes, il saura s’accommoder soit à
leur force, soit à leur faiblesse. Avec les uns, la conférence fournira l’occasion
de compléter, d’élever ou d’approfondir l’enseignement de la classe ; avec
les autres, elle servira de préparation, contrôle, d’application. Fort ou faible,
chacun à son tour y sera, pour quelques moments, l’objet d’une attention
Sommaire directe et personnelle. Pour beaucoup d’élèves, les progrès dateront de ces
moments-là.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Certaines familles s’imaginent que dans les lycées on sacrifie la masse à


l’élite. Il importe au plus haut point de ne laisser ni raison ni prétexte à cette
opinion susceptible de porter à nos établissements un si grave préjudice. Il
faut établir l’opinion contraire que, dans un lycée, aucun élève ne coure le
risque d’être sacrifié ou négligé. La classe à elle seule, surtout dans les grands
établissements, n’en fournirait pas toujours bien aisément les moyens.
Quoi qu’on fasse, le rôle le plus actif y appartient à ceux qui savent le
prendre et, si l’on n’y mettait ordre, les autres n’y assisteraient qu’en qualité
de témoins. Or, il n’est pas admissible qu’un élève quelconque n’ait que de
loin en loin l’occasion de répondre à une question, de lire un de ses devoirs,
d’expliquer un texte, etc., et par suite d’obtenir du maitre les conseils, les
corrections et les encouragements précis et particuliers qui lui conviennent.
7 Selon le dictionnaire de Littré, une conférence est à l’époque une « action
de traiter d'un objet quelconque entre deux ou plusieurs personnes »,
ou « une réunion où les jeunes étudiants s'exercent à la discussion » ou
encore une « sorte de leçons familières que donne un professeur ».

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Il est bien vrai que c’est déjà un bénéfice pour les faibles de recevoir des
9. Colloque forts ces leçons par l’exemple qui souvent enseignent mieux et stimulent
des 25 et 26
octobre 2010 davantage que les préceptes et les exhortations du professeur. Mais il est
Les plus vrai encore que ce bénéfice même, ils le laisseront le plus souvent
conférences échappé, s’ils ne sont pas de temps en temps mis en mesure ou, pour mieux
dire, en demeure d’en faire la preuve. Il faut donc que leur tour vienne
9.3. Une longue de payer de leur personne, de montrer ce qu’ils savent et, sous l’œil du
histoire
professeur, de faire tout ce qu’ils peuvent.
Jean-Paul
Delahaye Tel doit être précisément le principal objet de ces conférences. Pour l’élève
médiocre, la classe est souvent comme un discours en style indirect qui a
l’air de ne pas s’adresser à lui et ne réussit pas à le tirer de sa distraction
ou de son indolence. La conférence le prendra à partie personnellement et
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directement et ne lui permettra plus de se dérober. On peut assurer que, si la


conférence est bien comprise et faite avec le même zèle qu’on apporte à la
classe même, on verra diminuer de plus en plus dans nos lycées le nombre
des non-valeurs, parce qu’il n’y aura plus de capacité petite ou grande qui
demeure méconnue ou qu’on ne s’applique à faire valoir. »
Comment l’établissement doit-il s’organiser pour la mise en place des
conférences ?
Sommaire
« La nature, la durée et l’organisation de ces exercices pratiques, devant
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

varier avec la nature de l’enseignement, le nombre et la force des élèves,


seront l’objet d’une entente entre le proviseur et les professeurs, sous le
contrôle du recteur. Tout compte fait, il ne devra en résulter, pour les
professeurs, aucune augmentation de service.
Il est désirable que le professeur ait, autant que possible, la faculté de
remplir sa tâche supplémentaire à l’heure qui sera pour lui la plus commode
et qu’une grande latitude lui soit laissée quant au choix des exercices. Il est
responsable des progrès de ses élèves et doit connaitre mieux que personne
les besoins auxquels il aura à pourvoir. Un jour, il fera venir dans sa classe un
groupe d’élèves faibles ; il leur fera répéter une explication qu’ils auront mal
comprise, il corrigera leur devoir de la veille ou préparera avec eux le devoir
du lendemain ; un autre jour, il commencera une série d’interrogations
auxquelles certains de ses élèves, tantôt parmi les forts, tantôt parmi les
faibles, seront successivement appelés à répondre. Il se rendra parfois, s’il le
juge à propos, dans la salle d’étude et, suivant l’âge des écoliers ou la nature

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de son enseignement, apprendra aux uns à faire usage du dictionnaire pour


9. Colloque le thème ou la version, aux autres à résoudre un problème, à tracer le plan
des 25 et 26
octobre 2010 d’une dissertation, etc.
Les Il n’y a pas à s’inquiéter du dérangement occasionné par l’entrée du
conférences professeur en étude et par ces entretiens successifs avec une série d’élèves.
Ce dérangement deviendra bientôt insensible par l’habitude. La même
9.3. Une longue
histoire appréhension a fait interdire dans certains établissements le travail en
Jean-Paul commun de deux ou trois élèves. Là où on l’a autorisé, pour certaines
Delahaye classes et certains exercices, en le surveillant du reste comme il convient,
il n’en est résulté que des avantages. Si, d’ailleurs, ces sortes de répétitions
particulières paraissent si nécessaires de la part du maitre répétiteur, qu’elles
lui sont imposées par son titre même, il est difficile d’admettre que, de la
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part des professeurs, elles n’auront que des inconvénients »8.


On sait ce qu’il est advenu de cette première tentative d’associer les
enseignants à l’aide aux élèves dans le second degré. Les professeurs
ont résisté, les répétiteurs et les professeurs adjoints ont, de leur côté,
défendu leurs postes, et, en tout état de cause, l’allègement horaire
nécessaire pour dégager les temps nécessaires de « conférences » n’a
jamais pu être réalisé, au contraire, comme chacun sait.
Sommaire
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé à nouveau.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Ainsi, en 1923, la « conférence » qui s’appelle alors « direction de travail »


s’inscrit dans une journée de « cours et d’enseignement » qui ne devrait
comporter que cinq heures pour les élèves de 6e.
« Art 4. Chaque semaine, dans la classe de 6e, deux heures et demie sont
consacrées à des séances de direction et de contrôle du travail des élèves,
d’après l’horaire suivant : lettres, une heure ; langue vivante : une heure ;
sciences naturelles, une demi-heure. Les élèves sont réunis tous ensemble
ou distribués par groupes suivant l’effectif de la classe. Dans les classes de
moins de dix élèves, la durée de ces séances est réduite de moitié et répartie
dans le cours de l’année selon des instructions spéciales. Les séances de
direction de travail sont facultatives pour les élèves. »9

8 Circulaire relative à l’emploi du temps, à l’éducation physique et à l’hygiène


dans les lycées et collèges, du 7 juillet 1890, BAMIP n° 913 du 12 juillet 1890.
9 Arrêté du 3 aout 1923 concernant les horaires et les programmes de
l’enseignement secondaire (classe de 6e), BAMIP n° 2518 du 15 aout 1923p. 169.

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En 1931 encore, on tente tout à la fois de faire travailler ensemble


9. Colloque les professeurs et de freiner l’inflation horaire : « Avant tout, peut-être
des 25 et 26
octobre 2010 convient-il de rappeler que les professeurs de nos lycées et collèges ne
Les sont pas des spécialistes donnant, chacun de leur côté, un enseignement
conférences indépendant, mais des collaborateurs appelés à une œuvre commune, et
poursuivant un résultat d’ensemble. La coordination des diverses disciplines
9.3. Une longue pendant une même année scolaire, la coordination des enseignements
histoire
d’une même discipline d’une année sur l’autre et pendant tout le cours
Jean-Paul
Delahaye des études, telle est la double condition d’une culture secondaire efficace
et vraiment éducative. […] Il convient de réduire le plus possible les
tâches imposées aux élèves en dehors de la classe. […] Cette conception
quantitative est une illusion manifeste et une profonde erreur pédagogique,
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

une des causes principales de ce surmenage dont on s’est tant plaint ces
dernières années. »10

2. Le temps du travail dirigé après la Libération


Dans l’enseignement primaire
Les nouveaux programmes des écoles primaires élémentaires ­– c’est
ainsi que l’on nommait encore les écoles élémentaires –, sont publiés
dans l’arrêté du 17 octobre 1945.
Sommaire
Dans les trente heures de classe que compte alors la semaine scolaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

dans le premier degré, les nouveaux programmes incluent un horaire


d’activités dirigées de deux heures et quart au cours préparatoire et
d'une heure au cours élémentaire et au cours moyen et supérieur. Il est
précisé que « le temps des activités sera consacré à des exercices individuels
ou collectifs adaptés aux gouts des élèves. À cette occasion, l’organisation
du travail par équipe est recommandée ».
Il s’agissait notamment d’aider par ce moyen les enseignants du
primaire à travailler avec des élèves de niveau différent. Manifestement,
l’hétérogénéité est difficile à gérer pour certains d’entre eux. En
témoigne cette circulaire de 1959 adressée aux inspecteurs d’académie :
« Il m’a été signalé que dans certaines écoles primaires où l’effectif des
élèves de cours moyen 2e année exigeait la création de classes parallèles,
on organisait parfois un CM2 fort et un CM2 faible. En sorte qu’à la fin de
10 Instructions relatives aux modifications des horaires et des programmes
de l’enseignement secondaire (arrêtés des 23 septembre 1930 et 30
avril 1931), BAMIP n° 2686 du 1er juin 1931, p. 585 et suite.

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l’année scolaire les élèves de la section "forte" étaient certains de figurer sur
9. Colloque la liste des propositions pour l’admission en 6e, tandis que ceux de la section
des 25 et 26
octobre 2010 “faible” s’en trouvaient pratiquement exclus »11.
Les Dans l’enseignement secondaire, le travail dirigé, levier pour la
conférences rénovation pédagogique

9.3. Une longue Le travail dirigé par le professeur et les méthodes actives dans les classes
histoire nouvelles
Jean-Paul
Les premières circulaires publiées après la Libération préconisent
Delahaye
clairement une pédagogie active. La circulaire du 16 novembre 1944 le
dit tout net : « Le travail dirigé par le maitre et réalisé sous ses yeux doit
devenir un élément fondamental de l’activité pédagogique. Il se substituera
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

en grande partie aux préparations et aux exercices faits à la maison ;


surtout, il permettra l’application normale des méthodes actives qui doivent
pénétrer de plus en plus l’enseignement ». Et la circulaire de poursuivre :
« Les dures circonstances actuelles peuvent ainsi être l’occasion d’une
véritable rénovation de certaines méthodes pédagogiques qui dissociaient à
l’excès le travail fait en classe et le travail fait à la maison. Il s’agit d’intégrer
l’une dans l’autre, c’est-à-dire de combiner étroitement au cours de la
classe même l’enseignement et l’exercice d’application. C’est par l’emploi
Sommaire
de ces méthodes que l’on arrivera à faire effectuer pratiquement en classe
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’essentiel du travail de l’élève et à limiter la journée scolaire dans le premier


cycle à l’horaire fixé par les arrêtés »12.
La circulaire de 1945, qui institue les nouvelles 6es sous l’impulsion
de Gustave Monod, apporte une précision essentielle : « Il s’agit donc
d’individualiser les méthodes dans des conditions telles qu’aucun enfant
ne perde sa chance de devenir ce qu’il peut être. Tandis que l’enseignement
du premier degré cherche chez le petit écolier les automatismes mentaux
indispensables, le second degré doit être organisé de telle manière qu’"à
la limite" ne soit négligée aucune possibilité, aucune aptitude, consciente
ou inconsciente de l’être individuel ». Pour atteindre cet objectif, il faut
un petit nombre d’élèves pris en charge, un petit nombre de maitres,
que le matin soit consacré aux matières de base, et « les après-midis
seront consacrés aux activités pratiques et artistiques ainsi qu’à l’éducation

11 Circulaire du 7 juillet 1959 aux inspecteurs d’académie,


BO n° 15 du 27 juillet 1959, p. 1933.
12 Circulaire du 16 novembre 1944, BOEN n° 7 de 1944, p. 354.

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physique et sportive ». Et aussi, « l’après-midi sera surtout consacré à


9. Colloque permettre aux professeurs d’entreprendre une étude systématique de
des 25 et 26
octobre 2010 chaque cas individuel, et à permettre d’éprouver les facultés mentales des
Les élèves auxquelles l’enseignement général ne fait pas normalement appel ».
conférences On complète ces instructions en 1946. « [La direction de travail] a été
maintenue selon le vœu unanime des professeurs de 6e nouvelle. Il sera
9.3. Une longue
histoire entendu qu’elle est consacrée à faire acquérir à l’enfant sa méthode de
Jean-Paul travail personnel »13.
Delahaye
Le mot « accompagnement » est utilisé pour la première fois avec le
sens qu’il a aujourd’hui à propos du travail des professeurs adjoints dans
les nouvelles 6es : « Le professeur adjoint… participe le plus complètement
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

possible aux divers exercices de la classe… Il est très important qu’il ne


soit pas cantonné dans les seules fonctions de surveillance, de secrétariat,
d’accompagnement, mais qu’il prenne part effectivement à toutes les
activités de la classe »14.
Dans les 4es nouvelles, le « travail dirigé » se réalise par « groupes
de moins de quinze élèves. Il ne s’agit pas seulement d’initier au travail
personnel ; il faut aussi contrôler l’assimilation, vérifier l’acquis, grouper
parfois les retardataires, encourager les lectures et les recherches des élèves
Sommaire
les plus avancés ; c’est un travail de mise au point pour l’élève et pour la
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

classe. Ces heures de travail dirigé sont mises à la disposition du maitre


qui peut y convoquer les élèves ou les en dispenser selon qu’il le juge
nécessaire »15. En mathématiques, par exemple, « la séance de travail
dirigé donnera au maitre de grandes facultés pour organiser et pour réaliser
effectivement l’apprentissage du travail intellectuel qui reste l’essentiel de
sa tâche : apprendre aux élèves à apprendre, à comprendre, à mettre en
œuvre raisonnablement et utilement les connaissances acquises. C’est au
cours de cette heure que trouveront normalement place l’étude méthodique
d’exercices et de problèmes, la préparation des devoirs, la correction des
travaux écrits. Selon les circonstances, la classe sera réunie tout entière
ou sera divisée en groupes ; l’organisation doit rester très souple, elle
devra être modifiée suivant la force et les progrès des élèves, suivant l’état

13 Circulaire du 8 juin 1946 aux recteurs, « Organisation des


5es et 6es nouvelles », BO n° 30 du 20 juin 1946, p. 871.
14 Circulaire du 26 novembre 1945, « Organisation des
nouvelles 6es, BO n° 61 du 26 novembre 1945, p. 2102.
15 Circulaire du 9 mai 1947 aux recteurs, BO n° 21 du 26 juin 1947, p. 598.

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d’avancement du cours, suivant la nature des questions traitées. Bien


9. Colloque préparée et bien employée, cette heure de travail dirigé permettra au
des 25 et 26
octobre 2010 professeur de connaitre un à un ses élèves, de discerner le caractère et les
Les moyens de chacun, de les guider efficacement dans la difficile période des
conférences débuts en mathématiques »16.
Ce qui se passe dans les classes nouvelles est une exception à l’époque.
9.3. Une longue
histoire Ainsi, les programmes et les horaires fixés en juillet 1947 pour les cours
Jean-Paul complémentaires ordinaires montrent que le travail dirigé n’est pas
Delahaye prévu dans l’enseignement secondaire ordinaire.
Au moment de la disparition des classes nouvelles en 1952, on tente
bien timidement de généraliser le travail dirigé, mais sans grande
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

volonté, et surtout sans beaucoup de moyens : « Les chefs d’établissement


sont autorisés à prévoir, dans chacune des classes de 6e et de 5e, vingt
heures effectives annuelles de travail dirigé. Elles seront réparties entre les
professeurs, sur proposition des conseils de classe. Elles fourniront à certains
professeurs un moyen de prolonger leur enseignement en l’individualisant,
surtout au profit des élèves qui en auraient le plus besoin. Elles seront
rétribuées à l’heure effective au taux des suppléances éventuelles ».17
À la suite de la réforme Berthoin, la relance du travail dirigé pour
Sommaire
individualiser l’aide aux élèves
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

La circulaire du 23 septembre 1960 généralise les travaux dirigés


expérimentés précédemment dans les classes nouvelles en des termes
et pour des objectifs qui sont très proches de notre accompagnement
personnalisé d’aujourd’hui. Le verbe « aider » est d’ailleurs utilisé dans
son acception actuelle. Il s’agit de « favoriser l’action pédagogique en vue
d’aider [l’enfant] à surmonter ses faiblesses, de favoriser l’observation de
ses aptitudes. En aucun cas, ces séances ne seront transformées en classes
supplémentaires… [ni en] simple étude surveillée. Le maitre y tiendra un
rôle actif. À l'affut de toute défaillance, il interviendra immédiatement pour
fournir l’indication qui donnera un nouvel élan à sa recherche. Il parait
acquis que nombre d’échecs scolaires sont imputables à une mauvaise
méthode de travail. […] Le petit nombre d’élèves permettra en outre au
maitre d’individualiser son enseignement, de contrôler les connaissances
acquises, de proposer des exercices différents selon les besoins de chacun,
16 Note du 22 septembre 1947, BO n° 27 du 2 octobre 1947, p.1008-1009.
17 Circulaire du 30 mai 1952,BO n° 22 du 65 juin 1952.

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d’adapter sa méthode aux démarches des divers esprits, de susciter des


9. Colloque questions.
des 25 et 26
octobre 2010 Les travaux dirigés sont en outre irremplaçables pour l’observation de
Les l’enfant… On voit l’importance de la contribution que les travaux dirigés
conférences peuvent apporter à l’orientation ».

9.3. Une longue Tout y est, cinquante ans avant l’accompagnement personnalisé
histoire d’aujourd’hui : aide méthodologique, adaptation aux besoins de chacun,
Jean-Paul même l’aide à l’orientation est prévue !
Delahaye
Jean Capelle publie, l’année suivante, une circulaire consacrée au
travail des élèves, dans laquelle il précise, pour que l’enseignement soit
efficace :
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« Les méthodes d’enseignement doivent, pour être efficaces, comporter


une participation active des élèves, d’où la nécessité d’ajouter aux leçons
proprement dites – non exclusives elles-mêmes d’une certaine activité des
élèves – une variété d’exercices contrôlés qu’une saine pédagogie a depuis
longtemps imaginés »18.
Mais l’individualisation de l’enseignement pose des problèmes aux
professeurs du second degré. Des dérives ou des contresens sont
Sommaire rapidement constatés. Une circulaire le constate avec une certaine
franchise en 1962 : « Nombre de maitres ont été troublés par l’apparente
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ambigüité de ce travail nouveau, spécialement pour l’étude du français. […]


Les classes19 ordinaires ne permettent guère, après la correction générale,
le redressement individuel d’un exercice de dictée ou de rédaction. Selon
une méthode à trouver par le maitre, qui s’inspire toujours des difficultés
du moment, les travaux dirigés vont offrir à chaque élève le loisir de mettre
au point son orthographe et ses réponses afin de ressaisir lui-même,
dans sa forme comme dans son mouvement, la pensée de l’auteur… ». Il
est à nouveau précisé que le but des études dirigées est « d’alléger et
d’éclairer le travail à la maison, d’observer et de guider l’effort personnel
des élèves, de leur donner une méthode de travail. En aucun cas elles ne

18 Circulaire du 3 mai 1961 aux recteurs : « travail des élèves, devoirs


Instructions particulières », BO n° 19 du 15 mai 1961, p. 1717.
19 C’est sans doute ici dans un texte officiel récent une des dernières occurrences
de la « classe » au sens ancien du terme, c’est-à-dire comme un moment où
l’enseignant fait plus « classe » que « cours », le moment de classe comportant en
principe des activités diversifiées : le cours magistral certes, mais aussi des moments
d’interrogation, d’exercices collectifs ou individuels avec leurs corrections…

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seront transformées, ni en classes supplémentaires ni en simples études


9. Colloque surveillées ». Le petit nombre d’élèves accueillis dans les travaux
des 25 et 26
octobre 2010 dirigés doit permettre en principe à l’enseignant « d’individualiser
Les son enseignement, d’observer la façon dont chaque enfant aborde et
conférences conduit son effort, les difficultés qui l’arrêtent ». En donnant des conseils
pédagogiques très concrets, la circulaire demande notamment aux
9.3. Une longue professeurs de « surmonter la peur du silence. Le travail dirigé est par
histoire
nature une activité silencieuse. Il exige pourtant la présence du maitre
Jean-Paul
Delahaye auprès de chaque enfant, chose aisée, puisque l’effectif est d’environ quinze
élèves : une bonne disposition matérielle de ceux-ci, devant soi ou autour de
soi, différente de la disposition habituelle de la classe, permettra le dialogue
confidentiel où le maitre, saisissant les difficultés que chacun rencontre, aide
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à les surmonter »20.


Le travail dirigé est relancé une nouvelle fois en 1969 : « Le travail dirigé,
du fait de l’effectif réduit des groupes, donne au maitre une connaissance
plus complète de l’élève et facilité ainsi l’adaptation pédagogique de son
enseignement aux individualités. Surtout, il permet au maitre, qui dirige
avec attention et précaution le travail de ses élèves, de développer en
chacun d’eux des attitudes et des méthodes ; il conduit, peu à peu, chaque
Sommaire élève à l’acquisition de méthodes personnelles de travail ; là est sans doute le
but essentiel du travail dirigé tel que nous le concevons. […] Les différences
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

profondes qui existent entre les individus, dans le caractère, les intérêts, les
formes d’intelligence, les acquisitions antérieures, la résistance physique,
le rythme de travail… font apparaitre comme une gageüre la méthode
qui consiste à les négliger. Ne jamais tenir compte de ces différences, c’est
finalement enseigner pour l’élève moyen, ce qui ne satisfait ni les plus
rapides ni les moins rapides, ni les plus doués, ni les moins doués ; c’est
condamner à coup sûr à l’échec et au sentiment d’impuissance les moins
aptes et les plus lents »21.

20 Circulaire du 30 mars 1962, BOEN n° 16 du 16-04-62.


21 Circulaire du 25 aout 1969, BOEN n° 33 du 4 septembre 1969, p. 2797.

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Tableau 4
9. Colloque Le vocabulaire de l’aide aux élèves jusque 1975
des 25 et 26 Répétition Séances de direction et de contrôle
octobre 2010 Répétition particulière du travail des élèves
Les Travail dirigé Activités dirigées
conférences Travail de mise au point Individualisation des méthodes
Direction de travail Étude systématique de chaque cas
individuel
9.3. Une longue Conférences
Enseignement individualisé
histoire Direction pratique du travail
Études surveillées
Jean-Paul Direction vraiment pratique du
travail Individualisation de l’enseignement
Delahaye
Cours complémentaires

3. Le temps de la pédagogie de soutien à partir de 1977


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Trois textes, annoncés dans l’exposé des motifs de la loi d’orientation du


11 juillet 1975, décrivent les principes et les méthodes de « la pédagogie
de soutien ».
L’arrêté du 28 mars 1977 fixe le cadre « des actions de soutien dans
les écoles et les collèges et des activités d’approfondissement dans les
collèges ». Il s’agit de « venir en aide aux élèves qui éprouvent des difficultés
temporaires ». Dans les écoles, les actions portent sur le français et les
mathématiques et font l’objet « de séances de travaux particuliers au cours
Sommaire
desquelles les élèves concernés sont réunis en groupes d’effectif restreint
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

permettant un enseignement approprié à leur cas. Ces séances, organisées à


l’initiative et sous la responsabilité du maitre, prennent place dans l’emploi
ordinaire de la classe, sans excéder trente minutes par jour, ni deux heures
par semaine ». Dans les collèges, les actions de soutien sont organisées
en français, mathématiques, première langue vivante étrangère, les
heures d’approfondissement concernent les mêmes disciplines.
À l’école primaire
À l’école primaire, la circulaire du 28 mars 1977 précise que la
pédagogie de soutien concerne les élèves « qui ont leur place dans une
classe normale, mais à l’égard desquels il y a lieu de recourir, dans le cadre
des activités de cette classe, soit de façon suivie, soit temporairement,
à des pratiques scolaires qui visent plus particulièrement à les aider à
surmonter les obstacles auxquels ils se heurtent ». La circulaire indique
les « traits caractéristiques de la pédagogie de soutien à l’école primaire :
l’importance des apprentissages instrumentaux, l’interférence avec les

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autres domaines d’activités », car « ce serait une erreur de ne tabler que sur
9. Colloque un supplément de démarches spécifiques d’apprentissage pour remédier
des 25 et 26
octobre 2010 aux lenteurs ou difficultés de certains élèves concernant les acquisitions en
Les cause » ; l’unicité du maitre qui laisse à ce dernier « la latitude d’organiser
conférences et de gérer le temps dont il dispose, dans le cadre de l’horaire officiel
avec suffisamment de souplesse pour adapter les actions de soutien aux
9.3. Une longue conditions de fonctionnement de sa classe ». L’action du GAPP est, dans ce
histoire
cadre, qualifiée de « coopération » dans la mesure où cette « institution
Jean-Paul
Delahaye doit travailler au sein de l’école en liaison permanente avec l’ensemble des
maitres, l’un des aspects les plus importants de la tâche de ses membres
étant l’observation des enfants au travail dans la classe », étant rappelé
que la circulaire fixant les missions du GAPP signale « explicitement »
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

des enseignements de soutien.


Le soutien peut ainsi prendre quatre formes que la circulaire appelle
quatre « types » qui décrivent l’essentiel de ce qui est préconisé
aujourd’hui.
Premier type, dans le cadre des activités courantes de la classe. Le maitre
veille à ce que ses « démarches pédagogiques revêtent au maximum le
caractère de relation d’aide, essentiel à toute action éducative », d’autant
Sommaire plus, ajoute la circulaire, que toutes les instructions « relatives aux
différents domaines d’activités de l’école primaire préconisent la pratique
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

d’une pédagogie active ».


Deuxième type, l’individualisation de certaines séquences, démarche
à « pratiquer plus particulièrement dans le cadre de l’horaire consacré
à la discipline concernée, lors des séances qui donnent lieu, s’agissant
des acquisitions de nature instrumentale, aux indispensables exercices
d’entrainement, de consolidation ou d’approfondissement, de contrôle aussi,
qui doivent, selon les formules variées, jalonner la progression, plusieurs
fois par semaine sinon quotidiennement. Il parait souhaitable que de telles
séances fassent l’objet de tâches de caractère plus individualisé permettant
à chaque élève de mobiliser et de mettre à l’épreuve ses propres possibilités.
[…] Ce ne peut être, pour que ces interventions puissent prendre une allure
aussi personnalisée que possible, que des groupes d’effectif restreint ».
Troisième type, « soutien et intention délibérée de rattrapage », ces actions
de soutien étant substituées « partiellement et temporairement à quelques-

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unes des activités normales de la classe ». Ces séances « ne devraient


9. Colloque représenter que trente minutes par jour au maximum, consécutives pour un
des 25 et 26
octobre 2010 même enfant, et n’avoir lieu que durant une période qui n’excède pas deux
Les à trois semaines ». Et, « à condition que la nécessité d’effectuer le rattrapage
conférences escompté ne soit en rien concomitante avec un état de moindre résistance
physique de l’enfant, on peut aussi envisager exceptionnellement que les
9.3. Une longue actions de soutien requises fassent, très partiellement, l’objet de petites
histoire
tâches supplémentaires à réaliser en dehors de l’horaire scolaire », la prise
Jean-Paul
Delahaye en charge du soutien pouvant alors être effectuée par un autre maitre.
Quatrième type, l’organisation de groupes de niveau selon les disciplines
dans le cas où le groupe d’élèves en difficulté est plus important.
Ce dispositif permet « d’organiser la classe en groupes distincts pour
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lesquels les démarches d’apprentissage sont conduites de façon différente


quant aux types d’activités proposées, aux modalités d’approche et aux
degrés d’élaboration des notions étudiées, aux rythmes de réalisation des
acquisitions ».
Enfin, parce que, dit la circulaire, « on ne saurait sous-estimer les
problèmes et les difficultés de divers ordres liés à une généralisation plus
marquée de telles actions », les inspecteurs sont invités « à s’intéresser,
Sommaire tout spécialement au cours de leurs visites dans les écoles, aux conditions
dans lesquelles se pratiquent les actions de soutien, et à formuler à ce
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

sujet les recommandations et les conseils qu’ils estimeront utiles. » Il y a


également, et c’est la première fois que cela est dit, « lieu de prévoir que
plusieurs des actions de formation continue à l’intention des instituteurs
soient consacrées à la pédagogie de soutien ».
Au collège
Pour le collège, une autre circulaire du 28 mars 1977 traite des « actions
de soutien et activités d’approfondissement dans les collèges (français,
mathématiques, langue vivante étrangère) ».
« La notion de soutien, sous une forme organisée, est nouvelle dans
l’enseignement secondaire ; elle est liée à l’une des finalités essentielles de
la réforme du système éducatif, la réduction des inégalités, et à un type de
formation fondée sur un enseignement commun ». Il faut dans un premier
temps observer les élèves : « pour discerner les qualités des élèves, pour
mieux connaitre leurs aptitudes et pour apprécier de façon générale

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l’efficacité de son enseignement, le professeur procède à des contrôles,


9. Colloque oraux ou écrits, brefs ou étendus ». Il s’agit de rechercher les causes « des
des 25 et 26
octobre 2010 déficiences constatées chez les élèves concernés par le soutien : mauvaise
Les compréhension des notions, insuffisance du travail personnel de fixation
conférences des notions, difficultés dans l’utilisation des savoirs, etc. ». Les actions de
soutien peuvent être intégrées à la pratique quotidienne de la classe ou
9.3. Une longue prendre place dans l’heure prévue à cet effet dans l’emploi du temps.
histoire
Dans ce dernier cas, les élèves sont désignés chaque semaine. Le texte
Jean-Paul
Delahaye précise que le soutien n’est pas qu’une affaire de pédagogie, mais qu’il
a aussi une « composante psychologique ». En effet, « pour que l’élève
ne ressente pas sa désignation comme une sanction, il est souhaitable
que le soutien recueille son adhésion, même tacite. Cela implique que les
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professeurs se montrent particulièrement accueillants et compréhensifs lors


des séances de soutien et qu’ils s’efforcent de prouver aux élèves concernés
que le succès est à leur portée et leur procurera un profit immédiat en classe
(ils s’y sentiront plus à l’aise) ou dans leur vie professionnelle ».
La place du soutien dans l’emploi du temps des élèves est essentielle.
« Si l’on veut que les élèves considèrent l’action de soutien non pas comme
une mise à l’écart, mais comme une mesure compensatoire destinée à leur
Sommaire permettre de parvenir, dans la discipline considérée, au niveau moyen de la
classe, il doit être clair à leurs yeux qu’elle leur apporte, une heure durant,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

une aide complémentaire qui leur est réservée et doit les avantager ».
Enfin, la circulaire prévoit que, dans « les mêmes disciplines de base, qui
peuvent faire l’objet de soutien, certains élèves qui manifestent au contraire
un bon niveau de réussite pourront utiliser leurs capacités à approfondir le
programme faisant l’objet du tronc commun de formation ».
Le collège unique et l’aide aux élèves après 1977
Très régulièrement depuis 1977, les textes ministériels déclarent que
tous les enseignants ont vocation à prendre en charge les élèves qui
sont en difficulté au collège. La circulaire fondatrice de 1977 est, de ce
point de vue, très claire : « D’une façon générale, il appartiendra à chaque
professeur, lorsqu’il constatera que, malgré la mise en œuvre du soutien, tel
élève a de la peine à suivre la progression prévue, de l’inviter à concentrer ses
efforts sur les éléments essentiels du programme afin de l’aider à surmonter

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ses difficultés ; il s’agit, on le voit, d’aménagements pédagogiques qui seront


9. Colloque donc intégrés dans l’action et la pratique de l’enseignant »22.
des 25 et 26
octobre 2010 Depuis 1977, l’aide aux élèves de collège revêt plusieurs formes, qui ont
Les pu évoluer dans le temps.
conférences La pédagogie différenciée
9.3. Une longue L’expression « pédagogie différenciée » est utilisée en 1979 à propos de la
histoire
mise en place progressive du tronc commun en classe de 4e. Il est dit alors
Jean-Paul
que les actions de soutien prévues en français, mathématiques et langue
Delahaye
vivante seront intégrées à l’horaire de la classe et « s’exerceront sous la
forme d’une pédagogie différenciée ». Cette mesure est confirmée dans la
circulaire de la rentrée 1981, puis dans celle de 1982 qui recommande
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« la constitution de classes ouvertes à une pédagogie différenciée » pour


assurer aux élèves « une prise en charge souple et progressive ». En 1985,
on associe explicitement « la pédagogie différenciée et la prise en charge
des élèves en grande difficulté ». La tonalité générale du texte est claire :
seule la pédagogie différenciée, « vecteur essentiel de la transformation
du collège », permettra d’intégrer tous les élèves au sein du collège et
de faire en sorte que les « structures particulières » restent provisoires.
L’aide « au travail personnel » fait l’objet d’une attention particulière, car
Sommaire
elle peut prendre la forme « d’une aide personnalisée et approfondie dans
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

une matière ».
Les « détours pédagogiques »
En 1995, le ministère préconise « une diversification pédagogique par
la mise en place de parcours prenant en compte les gouts et les aptitudes
des élèves dans les enseignements qui les valorisent. Pour ne pas constituer
des pré-orientations ou des amorces de filières, ces parcours ne doivent pas
avoir de caractère permanent et ils doivent pouvoir être reconsidérés avant
l’entrée au lycée ». Cela donnera, comme on le sait, les parcours diversifiés
en 1996, les travaux croisés en 2000 et les itinéraires de découverte en
2002.
Les heures de soutien
En 1977, la dotation prévue pour chaque classe de 6e (la référence du
calcul est alors la classe de vingt-quatre élèves) prévoit une attribution
de vingt-quatre heures d’enseignement, qui se décomposent en vingt-
22 Circulaire 77-011 du 5 janvier 1977, B.O. du 27-01-1977.

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et-une heures obligatoires et trois heures de soutien (soit 12,5 % de


9. Colloque la dotation). Cette dotation concerne aussi la classe de 5e. En 1979, le
des 25 et 26
octobre 2010 ministère précise que ces heures doivent être inscrites à l’emploi du
Les temps et qu’elles concernent le français, les mathématiques et la langue
conférences vivante.
En 1994, les trois heures qu’on appelle alors les heures « libres » sont
9.3. Une longue
histoire utilisées sous une autre forme dans le cadre du « nouveau contrat
Jean-Paul pour l’école ». Ces heures globalisées seront utilisées en 1996 pour les
Delahaye parcours diversifiés.
La remise à niveau dans une ou plusieurs disciplines
Lors de l’expérimentation du « nouveau contrat pour l’école » en 1994,
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il est mis en place un « dispositif de consolidation », qui s’adresse « aux


élèves en difficulté à l’entrée en 6e ». On préconise « pour ces élèves une
remise à niveau individualisée dans les apprentissages fondamentaux afin
qu’ils rejoignent le plus tôt possible la voie générale. Il doit donc être souple,
perméable et temporaire ».
Dans le cadre du « collège des années 2000 », la « remise à niveau »
concerne les élèves de 6e qui peuvent bénéficier jusqu’à « un maximum
de six heures » par semaine, et « trois heures d’aide individualisée
Sommaire
en 5e ». Dans les deux cas, il s’agit de prendre en charge les élèves
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

par petits groupes « ne dépassant pas huit élèves afin d’assurer une
véritable prise en charge personnalisée ». Ces moyens sont en fait des
heures supplémentaires attribuées « prioritairement à des enseignants
volontaires » assistés par des « aides éducateurs pour certaines activités ».
La circulaire de la rentrée 2000 annonce que les moyens consacrés à
la remise à niveau « ont été intégrés aux dotations horaires globales des
académies et des départements ».
L’aide au travail personnel : les études surveillées et dirigées
Cette mesure est introduite en 1984 quand il est demandé que les
emplois du temps des élèves soient « conçus de telle façon qu’ils aient
la possibilité d’avoir deux à trois heures par semaine d’étude surveillée par
groupe de quinze à vingt élèves ». Il est précisé que les travaux que les
élèves réaliseront pendant ce temps seront conçus « collectivement par
les équipes éducatives ».

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Pour financer ces études, la circulaire de rentrée 1985 indique « qu’il


9. Colloque appartient aux chefs d’établissement de dégager les moyens nécessaires sur
des 25 et 26
octobre 2010 leur dotation, mais aussi de rechercher auprès des municipalités si des aides
Les financières peuvent leur être apportées ». Il sera dit exactement la même
conférences chose en 1993-1994.
Le tutorat
9.3. Une longue
histoire À la suite du rapport Legrand, le ministère encourage le tutorat à partir
Jean-Paul de 1983. Il s’agit par ce moyen de favoriser le suivi individualisé d’un
Delahaye
ou plusieurs élèves par un adulte de l’établissement, le plus souvent un
professeur. Les premiers bénéficiaires du tutorat ainsi conçu sont les
élèves qui n’ont pas la possibilité d’être encadrés en dehors du collège
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

et qui vont trouver, en la personne de leur tuteur de l’établissement,


un adulte attentif qui surveillera les devoirs, l’apprentissage des leçons,
l’organisation du cartable et qui pourra assurer la liaison entre l’élève
et les professeurs en cas de difficulté. Le ministre Savary le précise
dans son discours sur le collège de 1983, la première raison d’être du
tutorat « est pédagogique : il doit permettre de suivre de façon individuelle
l’évolution de chaque élève dans un système éducatif centré sur l’enfant
et sur l’adolescent ». Le ministre poursuit en indiquant que « le travail
Sommaire collectif des enseignants et l’exercice du tutorat pourraient avoir des effets
importants sur la démocratisation des collèges »23. En 2000, le rapport
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

de l’inspection générale de l’éducation nationale constate que « le


plus souvent, les professeurs sont assez peu impliqués dans un processus
qui, à leurs yeux, relève de la vie scolaire, de l’infirmière ou de l’assistance
sociale. Dans certains établissements, des réactions très négatives ont été
observées ».
La modulation de la taille des groupes
Très tôt, le ministère de l'Éducation nationale préconise une grande
souplesse dans la constitution des groupes d’élèves, la classe de base
traditionnelle n’étant qu’une des formules possibles. Dès l’origine en effet,
il est indiqué que les établissements pourront constituer des « groupes
de taille inégale » pour tenir compte « des besoins pédagogiques ».24 En
1978, il est indiqué que les collèges peuvent utiliser leur marge de

23 Déclaration du ministre de l’Éducation nationale


sur les collèges, 1er février 1983.
24 Circulaire 77-011 du 5 janvier 1977, B.O. du 27-01-1977.

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page de 26
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manœuvre pour « améliorer les conditions d’enseignement » en formant


9. Colloque « dans telle ou telle matière […] trois (ou quatre) groupes à partir de deux
des 25 et 26
octobre 2010 (ou trois) classes ».
Les Cette souplesse laissée dans l’organisation des groupements d’élèves
conférences n’est sans doute pas bien comprise, car la circulaire de 1984 dit qu’il
« faudra cependant veiller à ce que ces nouveaux modes de groupements
9.3. Une longue
histoire ne recréent pas les filières anciennes qui sont à l’opposé de l’objectif
Jean-Paul recherché ». La circulaire de 1986 est encore plus nette : « Si le dispositif
Delahaye se fige, les écarts entre les élèves se creusent de manière irréversible ».
L’aide aux élèves et l’autonomie des établissements
S’il s’agit d‘aider les élèves en prenant en compte leurs difficultés et leurs
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besoins, une plus grande latitude doit être laissée aux établissements.
On a vu que cette idée apparait très tôt, en 1890. Elle est formulée de
façon très explicite au début des années 1980 dans le cadre du grand
mouvement de décentralisation et de déconcentration engagé par le
gouvernement de l’époque.
Ainsi, la note de service du 27 juillet 1981 met une heure supplémentaire
à la disposition des établissements pour chaque classe de seconde
comportant plus de vingt-quatre élèves. « Cette mesure a pour objet
Sommaire
d’engager concrètement la lutte contre les causes de l’échec scolaire par
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

une action reposant sur le plein exercice de l’autonomie pédagogique des


établissements. Dans cette optique, l’utilisation du contingent horaire
correspondant est laissée à leur initiative. Dans chacun des lycées, elle sera
élaborée par concertation entre l’équipe dirigeante et les professeurs et
arrêtée par le proviseur après délibération du conseil d’administration. La
forme donnée à ces actions de soutien n’est pas imposée… »
• Après la consultation nationale des lycées dirigée par Antoine Prost,
la note de service du 24 mai 1983 revient sur l’utilisation diversifiée
d’une partie de l’enveloppe horaire de la classe de seconde. Le
nombre d’heures suivies chaque semaine ne doit pas dépasser trente
heures. Le reste de l’enveloppe horaire doit permettre aux élèves « de
développer leurs aptitudes de façon diversifiée :
• travail en groupes plus restreints ;
• aide personnalisée aux élèves qui connaissent des difficultés ;
• travail autonome ;

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• maitrise des moyens d’expression, de communication, et d’information


9. Colloque (utilisation du CDI, enquêtes, etc.) ;
des 25 et 26
octobre 2010 • stages, visites ;
Les • projets d’action éducative ;
conférences • réalisation par les élèves de projets centrés sur l’étude d’un problème
faisant appel à diverses disciplines ;
9.3. Une longue
histoire • apprentissages de techniques informatiques en vue de la formation
Jean-Paul personnelle ou d’interventions dans l’étude d’autres disciplines, etc. »
Delahaye
Là encore, on retrouve dans un texte relativement ancien (trente ans)
des préconisations qui sont des préoccupations d’aujourd’hui.

Tableau 5
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Le vocabulaire de l’aide aux élèves dans le collège unique depuis 1975


Aménagements pédagogiques Parcours
Heures de soutien Mesure compensatoire
Groupes « de taille inégale » Enseignements à effectifs réduits
Soutien Remise à niveau
Pédagogie différenciée Solutions individualisées
Tutorat Dispositif de consolidation
Aide au travail personnel Groupes de niveau, de besoin ou de
Aide complémentaire rythme
Sommaire Parcours diversifiés
Groupes de niveau-matière
Travaux croisés
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Étude surveillée
Étude dirigée Aide individualisée
Aide personnalisée et approfondie Prise en charge personnalisée
dans une matière Personnalisation des parcours
Itinéraires de découvertes

4. Aujourd’hui, le temps des dispositifs d’aide


et d’accompagnement, individualisés ou
personnalisés : l’exemple du second degré
La réforme du lycée de 1992 et les modules
La note de service du 25 mai 1992 introduit les enseignements
modulaires qui doivent permettre d’enseigner de façon différente, dans
un autre cadre que celui de l’heure de cours, avec des groupes pouvant
varier dans le temps, à partir d’une évaluation des besoins, notamment
à partir de l’évaluation de début de seconde qui existait alors.

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Un rapport de l’IGEN montre en 1998 que « six ans après leur création,
9. Colloque les modules, dans l’immense majorité des cas, sont en fait des séances de
des 25 et 26
octobre 2010 travaux dirigés ou pratiques. On doit constater en particulier que la prise
Les en compte de la variabilité des groupes est très rarement mise en œuvre,
conférences soit parce que l’organisation de l’établissement ne le permet pas, soit parce
que les enseignants ne le jugent pas utile. […] Les pratiques majoritaires
9.3. Une longue sont celles qui respectent le cloisonnement disciplinaire, la permanence des
histoire
groupes et la stabilité des pratiques. […] La possibilité de travailler en demi-
Jean-Paul
Delahaye groupe est considérée en soi comme un progrès, quel que soit le contenu
donné à la séance. […] La définition des modules telle qu’elle ressort des
pratiques actuelles serait : travaux pratiques en demi-groupe à dominante
méthodologique, et, en première parfois, travaux en demi-groupe à
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

dominante méthodologique pour préparer à l’épreuve du baccalauréat.


[…] L’évolution des modules, qui semble avoir obéi à une loi tout aussi
naturelle et aussi forte que celle de la pesanteur, est l’illustration exemplaire
des difficultés de l’institution à promouvoir, suivre et évaluer certaines
innovations ».
Quelles sont les causes de tout cela ?
• « Les carences de l’information : […] On traite une innovation importante,
Sommaire donnée comme un des moteurs de la rénovation pédagogique des
lycées, selon les voies les plus traditionnelles et les plus routinières. […]
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Soit par prudence, soit par méfiance, on n’a pas su utiliser la compétence
des corps d’inspection et des formateurs qui auraient pu rapidement
éviter les premières dérives ;
• La rigidité des structures ».
La réforme de 1999 et l’aide individualisée
L’aide individualisée avait pour but de compléter l’enseignement
modulaire.
La circulaire de rentrée 2001 en dresse un bilan lucide. L’aide
individualisée est perçue par tous de manière positive, mais par
défaut de pilotage : « Le dispositif d'aide individualisée est perçu de
manière positive à la fois par les élèves, les enseignants et les proviseurs,
notamment parce qu'il contribue à améliorer de manière significative
la relation traditionnelle enseignants/élèves et répond de manière plus
étroite aux besoins spécifiques de ces derniers. Les enquêtes et observations

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réalisées dans plusieurs établissements durant l'année scolaire 1999-2000


9. Colloque font toutefois apparaitre que ce dispositif reste encore insuffisamment
des 25 et 26
octobre 2010 différencié :
Les • dans l'attribution du complément d'heures, certains établissements
conférences particulièrement bien dotés n'étant pas ceux qui reçoivent le public le
plus défavorisé ;
9.3. Une longue
histoire • au sein des établissements, où l'on constate que l'aide individualisée
Jean-Paul bénéficie souvent à des élèves n'éprouvant pas de difficultés
Delahaye particulières ;
• au niveau des contenus de l'aide parfois décalés par rapport aux besoins
des élèves en difficulté.
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Par ailleurs, l'articulation entre les différents dispositifs de la classe de


seconde (modules et aide individualisée) est encore insuffisamment
exploitée par les équipes ».

Pour conclure : Sisyphe et la pédagogie


Finalement, depuis toujours on parle de la même chose en matière
d’aide aux élèves. Pour faire réussir tous les élèves, de multiples
approches ou dispositifs ont été successivement expérimentés, mis en
Sommaire place, abandonnés, remplacés, remis au gout du jour, etc.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Mais quels que soient les noms utilisés et la langue française est à
cet égard d’une grande subtilité : conférence, travail dirigé, soutien,
remise à niveau, consolidation, aide individualisée, aide personnalisée,
accompagnement individualisé, accompagnement personnalisé, etc. –, il
s’agit bien de trouver les moyens de faire réussir tous les élèves.
Dans le second degré, le problème posé est aussi celui de la mission
des enseignants et de leurs obligations de service : faut-il un corps
spécifique pour l’aide (répétiteurs ou assistants pédagogiques) ou l’aide
fait-elle partie de la mission essentielle des enseignants ? Ce débat est
très ancien, comme j’ai essayé de le montrer.
Ce que nous apprend aussi, me semble-t-il, ce rapide survol historique,
c’est que si cette aide doit être prise en charge par les enseignants, elle
ne peut être efficace que si elle est intégrée à l’enseignement dans une
approche pédagogique globale, comme cela est très bien dit dès 1890

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et rappelé avec une force jamais égalée dans les grands textes sur le
9. Colloque soutien de 1977.
des 25 et 26
octobre 2010 Pour dire les choses autrement, une aide utile à tous les élèves nécessite
Les une très haute expertise scientifique et pédagogique chez tous les
conférences enseignants. Bref, cela s’apprend.

9.3. Une longue Mais ce retour sur l’histoire des textes officiels montre aussi que sans
histoire un pilotage national et local qui intègre toutes ces dimensions, il est
Jean-Paul illusoire d’espérer installer de façon pérenne quelque dispositif que ce
Delahaye
soit. En résumé, pas d’aide aux élèves sans formation scientifique et
pédagogique de haut niveau pour les enseignants. Sinon, les dispositifs
d’aide continueront à se succéder et, surtout, ne seront que des palliatifs
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d’un enseignement restant inefficace pour une partie des élèves.


C’est ce que disait le rapport de l’inspection générale de 1995 : « Ainsi
– et même si la recherche au moins temporaire de palliatifs se justifie – on
ne peut s’abstenir de travailler à renforcer la dimension méthodologique
des enseignements, en la faisant mieux apparaitre dans les programmes, en
développant la formation initiale et continue ainsi que le travail en équipe
des enseignants dans ce domaine »25.
Octave Gréard le disait déjà en 1883 : « Chose singulière : dans un pays
Sommaire
qui compte au nombre de ses gloires les plus populaires tant d’écrivains
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

qui ont traité des matières pédagogiques, et dont le génie didactique par
excellence a certainement contribué plus que tout autre à l’éducation de
l’esprit humain, la pédagogie a longtemps tardé à être mise en honneur »26.
Si l’on veut progresser dans l’aide aux élèves, mettons donc la pédagogie
« en honneur » !

Jean-Paul Delahaye
Professeur associé à l ’université Par is 5-R ené D escar tes

25 Inspection générale de l’éducation nationale, Rapport de 2005, p. 237.


26 Octave Gréard, « L’esprit de discipline dans l’éducation », mémoire
présenté au conseil académique de Paris le 26 juin 1883, Bulletin
administratif du ministère de l’Instruction publique, n° 576, p. 603.

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9. Colloque Deux interventions lors


des 25 et 26
octobre 2010 des tables rondes
9.4. « Aide personnalisée »
au primaire : un dispositif
contreproductif ?
André Ouzoulias
Avertissement
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Le texte qui suit a été publié, dans une version plus courte, dans le n° 64 de
la revue Envie d’école, revue trimestrielle de la FNAREN (Fédération nationale
des associations des rééducateurs de l’Éducation nationale), paru fin octobre
2010 sur le thème de la relation d’aide. Nous remercions vivement le comité
de rédaction de la revue de nous avoir autorisés à insérer cet article dans ce
numéro hors-série des Cahiers Pédagogiques.
À la suite de son intervention au colloque du CRAP (« Aider et accompagner
les élèves dans et hors l’école »), André Ouzoulias a souhaité compléter ce
texte par un addenda intitulé : L’aide personnalisée, malgré tout ?

Sommaire
Xavier Darcos promettait monts et merveilles des
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

deux heures d'aide personnalisée mises en place


à l'école primaire en 2006. Quel bilan tirer ? Quels
dérives possibles ? Quelles pistes, malgré tout ?

En juin dernier, s’est terminée la deuxième année de mise en place


de l’aide personnalisée (AP, dans la suite de ce texte) instituée par
Xavier Darcos dans les écoles primaires. Si le pilotage de l’école par le
ministère était réellement imprégné de la « culture de l’évaluation », les
enseignants et leur hiérarchie ainsi que les parents d’élèves devraient
pouvoir lire un bilan d’étape. Avant de relancer ce dispositif pour une
nouvelle année, une administration soucieuse de l’efficacité de sa
gestion aurait bien sûr tâché de répondre à ces questions : après deux
années de mise en œuvre, quelle a été l’efficacité de l'aide personnalisée
pour aider les élèves qui en ont bénéficié à surmonter leurs difficultés
scolaires, à quelles conditions ce dispositif est-il pertinent, faut-il le

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conserver et, dans ce cas, que faut-il modifier, peut-on produire une
9. Colloque méthodologie pour la conception des séances aux différents niveaux
des 25 et 26
octobre 2010 de la scolarité ou un ensemble de recommandations à destination
Deux des maitres et des équipes d’école, faut-il envisager des modules de
interventions formation continue sur l'aide personnalisée et comment les imaginer,
lors des tables comment articuler l'aide personnalisée aux autres dispositifs scolaires
rondes ou périscolaires qui se sont empilés au fil du temps : différenciation
au sein de la classe, décloisonnements épaulés par des enseignants en
9.4. « Aide
personnalisée » « surnombre » dans les RAR, aides spécialisées des RASED, PPRE, stages
au primaire : au CM, accompagnement éducatif, etc. ?
un dispositif
contreproductif ? Rappelons en effet que, couplées avec la réforme des programmes de
André Ouzoulias l’école primaire, le ministre attendait de ces deux heures hebdomadaires
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

une amélioration forte et immédiate de l’efficacité de l’école. En février


2008, lors d’une conférence de presse à Périgueux en présence du chef
de l’État, il parlait ainsi : « Diviser par trois, en cinq ans, le nombre d'élèves
qui sortent de l'école primaire avec de graves difficultés et diviser par deux
le nombre d'élèves ayant pris une année de retard dans leur scolarité : tels
sont les résultats que j'attends de la réorganisation du temps scolaire et de
la réécriture des programmes du primaire… ».
Sommaire L'aide personnalisée ayant été promulguée dans le cadre de la
réorganisation des rythmes scolaires engendrée par la suppression des
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

horaires du samedi matin, une évaluation devrait prendre en compte


la globalité de cette réforme, l'aide personnalisée et les nouveaux
rythmes hebdomadaires : d’un côté, perte de soixante-douze heures
d’enseignement dans l’année (près de trois semaines) pour l’ensemble
des élèves, de l’autre, horaires quotidiens augmentés pour ceux qui
prennent part à un groupe d'aide personnalisée.
La mise en place de l'aide personnalisée ayant servi d’argument à la
suppression de 2 300 postes G et E et à une réduction de la couverture
des écoles par les RASED1, il faudrait aussi considérer les effets de
cette forte diminution du potentiel des réseaux d’aides spécialisées
sur l’efficacité de l’école. Considérons seulement, par exemple, la
disparition dans de très nombreux secteurs des actions de prévention
1 1 300 enseignants spécialisés sont devenus joliment « surnuméraires »
et ont été « sédentarisés » (sic). On est en droit d’y lire la volonté
de fragiliser ces postes pour les supprimer plus facilement. Dans la
novlangue du ministère, c’est un « gisement d’efficience ».

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des rééducateurs en maternelle. Qui peut croire que ces enfants seront
9. Colloque désormais mieux à même de réussir à l’école élémentaire ?
des 25 et 26
octobre 2010 Des bilans plutôt négatifs
Deux
interventions Il y a bien des bilans, mais ils sont le fait des organisations syndicales,
lors des tables notamment le SNUIPP qui a conduit trois enquêtes successives, la
rondes dernière au printemps 2010. D'après les données recueillies, dans leur
majorité, les enseignants expriment des doutes sérieux sur la pertinence
9.4. « Aide
personnalisée » de l'aide personnalisée, moins d’un tiers pensant qu’elle a permis aux
au primaire : élèves concernés de progresser vraiment dans les compétences pour
un dispositif
lesquelles ils ont été aidés ; ils jugent unanimement de façon négative
contreproductif ?
la diminution de deux heures des horaires de l’ensemble des élèves.
André Ouzoulias
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Il y a bien eu un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale


(IGEN)2, mais c’était en juillet 2009. D’une part, il titrait « Bilan positif : le
succès de la formule » et, d’autre part, il expliquait que « les inconvénients
se confirment » sur « la fatigue des élèves et des enseignants », « le temps
de dialogue avec les parents » qui est réduit, sur « la qualité (voire la
réalité) des concertations qui ont lieu le vendredi soir à la fin d’une semaine
chargée. »

Sommaire Une étude dirigée par Jean-Jacques Guillarmé, de l’université Paris 5-René
Descartes, publiée à l’automne 2009, a comparé l'aide personnalisée
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

et les aides spécialisées du RASED (aides à dominante rééducative)3.


D'après le compte rendu mis en ligne par la FNAREN, cette étude
concluait que seulement « 20 % des élèves ayant suivi 30 heures d’aide
personnalisée font effectivement des progrès dans les acquisitions
scolaires, exclusivement. » Par comparaison, les deux tiers des enfants
bénéficiant d’une aide spécialisée rééducative de même durée ont
progressé dans leurs compétences sociales (70 %), relationnelles (60 %),
cognitives (68 %)… et scolaires (65 %). Plus particulièrement, selon ce
compte rendu « au regard de l’analyse des données […], les chercheurs
constatent que l’indication préalable d'aide personnalisée faite par les
enseignants de classe manque de méthodologie. Cela expliquerait la faible
proportion de réussite, car cette aide pourrait fonctionner quand elle cible
une population d’élèves ayant des difficultés isolées et ponctuelles (c’est

2 Télécharger le rapport (format PDF)


3 Télécharger l'étude (format PDF)

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moi qui souligne) ». À l’inverse, « l'aide personnalisée échoue quand les


9. Colloque compétences dans tous les champs sont hétérogènes ou subissent de
des 25 et 26
octobre 2010 grandes variations. […] Elle échoue également quand tous les champs sont
Deux très bas4. »
interventions Autrement dit, si le ministère lançait une évaluation indépendante
lors des tables de l'aide personnalisée, on serait très loin des attentes proclamées à
rondes Périgueux quant à l’amélioration des apprentissages et, à cet égard, le
9.4. « Aide bilan serait vraisemblablement très décevant5.
personnalisée »
au primaire : Quant à la question des rythmes scolaires, après que l’Académie
un dispositif de médecine puis la Cour des comptes ont rendu publiques des
contreproductif ?
appréciations très critiques sur la semaine de quatre jours, en
André Ouzoulias
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programmant une Conférence nationale sur ce sujet, le successeur


de Xavier Darcos a implicitement reconnu que cette formule était
mauvaise.

Quelques points positifs, quand même…


Un tel bilan, même réalisé par une équipe indépendante du ministère,
pourrait cependant comporter quelques points positifs.
Selon les enquêtes syndicales, les enseignants disent avoir observé des
Sommaire progrès sensibles pour une petite proportion d’élèves, ceux dont les
difficultés sont momentanées ou localisées.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Le plus souvent, ils disent aussi que les élèves concernés ne se sentent
pas stigmatisés (comme on pouvait le redouter), mais manifestent
plutôt de l’intérêt pour cette situation. Il semble en résulter une plus
grande confiance en soi et une meilleure motivation dans l’ordinaire de
la classe. Bonheur du travail en petit groupe, où l’enseignant peut établir

4 Il s’agit des cinq champs définis par l’outil d’évaluation diagnostique Le profil 125,
extrait du Livret d’évaluation et d’aide à l’élève en difficulté, conçu et expérimenté en
coopération par la FNAME et l’université René Descartes (publié aux éditions EAP).
5 Une évaluation d’un dispositif en tous points comparable, l’aide individualisée
en classe de seconde (A.I.S.), conclut qu’il ne semble pas améliorer les résultats
scolaires des élèves (Danner Magali, Duru-Bellat Marie, Le Bastard-Landrier
Séverine et Suchaut Bruno, 2001, « L'aide individualisée en seconde : Mise
en route et premiers effets d'une innovation pédagogique ». Éducation et
formations, n° 60 p. 50–65). Rappelons que, dans les études de Dominique
Glasman, les bénéfices des dispositifs d’accompagnement éducatif apparaissent
également très maigres (Glasman Dominique, 2001, L'accompagnement
scolaire, Sociologie d'une marge de l'école, PUF ; Glasman Dominique, Besson
Leslie, 2004, Le travail des élèves pour l'école en dehors de l'école. Rapport pour
le Haut conseil de l'évaluation de l'école, La documentation française).

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une relation plus attentive à la personne de chaque élève, bonheur de


9. Colloque réussites plus faciles à susciter en petit groupe, par exemple dans des
des 25 et 26
octobre 2010 situations de production de textes.
Deux Selon le témoignage de plusieurs enseignants, ce moment de travail
interventions en petit groupe peut également être formateur pour eux-mêmes. Leur
lors des tables observation des élèves est alors plus fine, et cela seul peut les amener
rondes à porter un regard plus positif sur les élèves concernés et à mieux
9.4. « Aide comprendre leurs difficultés.
personnalisée »
au primaire : Enfin, il y a des écoles qui ont su tirer un meilleur parti de l'aide
un dispositif personnalisée que la moyenne. Il conviendrait d’étudier les
contreproductif ?
caractéristiques de leurs choix. Peut-être trouverait-on là des moyens
André Ouzoulias
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

d’améliorer ce dispositif.

Des effets paradoxaux ?


Pourtant, même en supposant que l'aide personnalisée soit rendue
plus efficace en elle-même (on observerait plus de progrès des
élèves aidés), ce dispositif pourrait avoir des « effets paradoxaux »
contribuant à dégrader l’efficience globale de l’école (on observerait
corrélativement une baisse moyenne des résultats des élèves de France
Sommaire dans les évaluations nationales ou internationales). Le dispositif de l'aide
personnalisée, présenté comme un moyen d’améliorer l’efficience de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

l’école, pourrait alors s’avérer contreproductif.


Un tel phénomène – des effets contraires à ceux attendus – ne devrait
pas surprendre. Il a déjà été mis en évidence par la recherche à
plusieurs reprises. C’est le cas du système d’évaluation mis en place aux
USA, dans le cadre de la loi « No Child Left Behind », qui lie notamment
les financements des écoles publiques aux résultats obtenus par les
élèves à des épreuves standardisées. Selon des études états-uniennes,
il a incité les écoles à un bachotage qui a entrainé, pour beaucoup
d’entre elles, une baisse du niveau effectif de connaissances des élèves.
Thomas J. Scott écrit ainsi : « NCLB (No Child Left Behind) a eu un impact
délétère sur le moral des enseignants. Elle a entrainé un rétrécissement
continu des programmes scolaires afin de réussir les évaluations mesurant
le Progrès Annuel Acceptable (Adequate Yearly Progress (AYP) »6. On parle

6 Thomas J. Scott, « The 2008 Election in the United States : A New Direction
for Education ? », article pour le site des Cahiers Pédagogiques (2 nov. 2008).

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aussi d’écoles californiennes qui auraient trafiqué leurs résultats, cas


9. Colloque révélateurs des dérives de ce « teaching to the test ».7 Que le pilotage par
des 25 et 26
octobre 2010 des évaluations standardisées puisse avoir des effets paradoxaux, cette
Deux idée semble maintenant admise par la communauté des chercheurs en
interventions Europe sur la base d’études récentes.8
lors des tables Effets paradoxaux, c’est aussi le cas d’un dispositif d’aide mis en place en
rondes 2003 dans les écoles britanniques, les Teaching Assistants (TA). Il s’agit de
9.4. « Aide personnels non enseignants recrutés pour soutenir le travail des équipes
personnalisée » d’écoles dans les quartiers populaires, sur le modèle des assistants
au primaire :
un dispositif d’éducation déployés dans les écoles françaises entre 1997 et 2002.
contreproductif ? Mais, outre des tâches techniques, administratives et de surveillance,
André Ouzoulias les TA interviennent aussi auprès des élèves : études dirigées, soutien
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et prises en charge individuelles ou de petits groupes d’élèves dans le


cadre d’actions de différenciation pédagogique (c’est l’enseignant qui
donne le plan de travail).
Des chercheurs de l’Institute of Education de l’université de Londres9
ont évalué auprès de 20 000 enseignants l’impact de ces TA sur le
développement des compétences des élèves. Leur étude publiée l’an
dernier montre avec netteté qu’à profil comparable, les élèves aidés
Sommaire par les TA progressent moins que ceux qui ne prennent pas part à
ce dispositif. Certes, la présence des TA a amélioré le climat dans les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

classes, mais de façon surprenante pour les chercheurs anglais, elle a


été contreproductive sur le plan des apprentissages.
Sommairement, l’explication de cet effet paradoxal est la suivante : le
traitement de la difficulté scolaire est externalisé, mais les TA étant
moins formés que les enseignants, leur intervention ne peut pas être
aussi efficace ; les élèves les plus fragiles étant retirés très souvent de
leur classe, les enseignants sont conduits à pousser la cadence ; l’écart
se creuse entre les élèves aidés par les TA et les autres, plus stimulés.
Les résultats des plus fragiles sont moins bons que s’ils restaient en
classe avec le groupe. Mais les signaux d’alerte sont faibles, car les
7 Voir l’article du San Francisco Chronicle du 13 mai 2007.
8 Voir le rapport de Nathalie Mons pour la Commission européenne et l’agence
Eurydice, 2009, « Les effets théoriques et réels de l’évaluation standardisée ».
9 Cette étude a été publiée l’an dernier. On peut en lire le résumé
en anglais. Le Café pédagogique en a fait état dans l’Expresso du
7 septembre 2009, sous le titre : « Quand l'aide se retourne contre les
élèves en difficulté : l'exemple éclatant des Teaching Assistants ».

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résultats moyens demeurent stables ou progressent légèrement. On


9. Colloque a là l’exemple d’un dispositif qui se veut égalitaire et qui aggrave les
des 25 et 26
octobre 2010 inégalités.
Deux Un risque d’externalisation de fait
interventions
lors des tables Certes, en France, les élèves inscrits à l'aide personnalisée sont encadrés
rondes par un enseignant – de surcroit, c’est le leur – et ils font partie du groupe
classe durant les vingt-quatre heures de l’emploi du temps de base.
9.4. « Aide
personnalisée » Pourtant, il n’est pas sûr que cela nous mette complètement à l’abri des
au primaire : effets paradoxaux constatés par les chercheurs de l’Institute of Education.
un dispositif
Comment exclure en effet que, devant les difficultés de quelques
contreproductif ?
élèves de leur classe, certains enseignants se disent parfois : « Ce n’est
André Ouzoulias
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pas si grave, on pourra y revenir au moment de l'aide personnalisée » ?


Alors qu’auparavant, pour déterminer le rythme des progressions, ces
maitres tenaient largement compte des difficultés des uns et des autres,
ils peuvent maintenant être tentés de pousser la cadence… quitte à
distancer les élèves les plus faibles. L'aide personnalisée a le pouvoir de
rassurer les enseignants sur les apprentissages de ces élèves. C’est un
vrai danger !
Ici, c’est bien le même enseignant qui encadre ses élèves en classe, et
Sommaire
dans l'aide personnalisée et il n’y a donc pas d’externalisation de droit.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Mais si le maitre compte plus qu’auparavant sur l'aide personnalisée


pour aider les élèves les plus faibles, insensiblement et inconsciemment,
il peut prendre de plus en plus de risques à leur endroit dans les vingt-
quatre heures de classe. De fait, il externalise alors progressivement le
traitement des difficultés d'apprentissage.
Dans un tel processus, il est vraisemblable qu’à mesure que les mois
passent, les difficultés des élèves les plus fragiles s’aggravent. Un
cercle vicieux peut se mettre en route : plus la progression de la classe
s’accélère, plus le retard des élèves faibles se creuse, plus se justifie le
recours à l'aide personnalisée et plus, au bout du compte, ces élèves
sont relégués.10

10 D’où les principes que des équipes d’écoles et certains IEN ont
adoptés : les groupes d'aide personnalisée sont des « groupes de besoin »
(et non de niveau) ; chaque groupe fonctionne sur une des cinq périodes
scolaires ; un même élève ne peut pas être inscrit à l'aide personnalisée
plus de deux périodes ; celles-ci ne peuvent être consécutives.

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À cette étape de notre réflexion, il faut aussi envisager un cercle vertueux :


9. Colloque dans l'aide personnalisée, l’enseignant comprend mieux les difficultés
des 25 et 26
octobre 2010 des élèves concernés et cela l’amène à ajuster son enseignement pour
Deux le rendre plus propice aux apprentissages pour ces enfants. Aussi
interventions faudrait-il que les responsables du système éducatif encouragent cette
lors des tables sorte de rétroaction en aidant les équipes d’enseignants à analyser et
rondes comprendre les difficultés des élèves et à penser leur action bien plus
en termes de prévention que de remédiation. Nous reviendrons plus
9.4. « Aide
personnalisée » loin sur ce point.
au primaire :
un dispositif « Élèves en difficulté » : catégorie objective
contreproductif ? ou catégorie statistique ?
André Ouzoulias
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Un des risques de l'aide personnalisée, c’est aussi une perte de lucidité


sur les disparités de profils regroupés dans la catégorie « élèves en
difficulté ». En effet, comme l'aide personnalisée est mise en place
obligatoirement dans toutes les écoles selon les mêmes règles, il est
obligatoire de recenser des élèves en difficulté dans toutes les écoles,
quelle que soit leur sociologie, que celles-ci recrutent des enfants des
classes moyennes supérieures (passant tous les paliers du socle commun
avant l’heure) ou qu’elles scolarisent des enfants de familles très
Sommaire populaires. Il est alors évident que l’expression « élèves en difficulté »
désigne une catégorie statistique parfaitement relative : les élèves en
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

difficulté repérés pour l'aide personnalisée ici feraient figure de très


bons élèves ailleurs. Avec cette définition statistique, il y a ainsi 15 à
20 % d’élèves en difficulté en maths spé et en khâgne ! Et, dans ce cas,
en RAR, 80 % des élèves sont en réussite !
Le dispositif de l'aide personnalisée fait exister les « Élèves en difficulté »
dans la communication du ministère, dans le langage administratif, dans
les échanges professionnels, par conséquent, dans les représentations
banales des acteurs. Est-on alors conscient de transformer une catégorie
statistique en catégorie objective ?
Cette transformation ne serait peut-être pas si gênante si l’on ne
confondait pas ainsi des profils très différents, depuis l’élève qui n’a pas
bien compris la notion que le maitre vient de lui enseigner (dans les
écoles des quartiers favorisés, c’est le profil très majoritaire des élèves
mobilisés dans l'aide personnalisée, profil pour lequel, du reste, l'aide

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personnalisée est la plus efficace) jusqu’aux enfants qui ont « peur


9. Colloque d'apprendre »11 et ne donnent pas – ou pas encore – sens à l’école. Il y
des 25 et 26
octobre 2010 a là un paradoxe qui ne semble pas avoir été suffisamment souligné : le
Deux dispositif de l'aide personnalisée, qui se présente comme une modalité
interventions de différenciation pédagogique et comme une action personnalisée, est
lors des tables curieusement très imprécis dans la définition des besoins des élèves et
rondes dans celle des différentes formes de la difficulté scolaire…

9.4. « Aide La difficulté scolaire : l’école hors de cause ?


personnalisée »
au primaire : On vient de le dire, le dispositif de l'aide personnalisée invite à
un dispositif
admettre qu’il existe obligatoirement des élèves en difficulté. Avec
contreproductif ?
cette conclusion implicite, la difficulté scolaire apparait du même coup
André Ouzoulias
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

comme une réalité extérieure à l’enseignement, à ses programmes et


progressions, à ses démarches, méthodes et procédés, indépendante
du fonctionnement de l’école. Si des élèves sont en difficulté scolaire, ce
n’est ainsi pas, ou pas essentiellement, en raison de choix pédagogiques
ou didactiques inadaptés. C’est plutôt la conséquence normale et
naturelle de caractéristiques individuelles de ces enfants, caractéristiques
de nature physiologique (« fatigabilité »), psychologique (« immaturité »,
« lenteur », « manque d’attention », « dispersion », « inappétence »,
Sommaire
quand ce n’est pas « défaut d’intelligence ») voire de pathologies de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

la cognition (« dyslexie », « dyscalculie », « dysgraphie »…). Quand un


tel enfant fragile devient élève, il est normal qu’il manifeste ces mêmes
faiblesses dans les tâches exigeantes que lui demande l’école. C’est du
reste pourquoi il faut lui donner plus de temps…
Cette vision fait retour à la pseudothéorie des dons que les opposants
à la démocratisation de l’enseignement avaient mise en selle au début
des années 60 pour expliquer l’échec scolaire : les différences de réussite
révèlent la répartition inégale de « dons » (tout le monde ne peut pas
être Mozart ou Einstein). Dans ce scénario, la difficulté scolaire et, pour
finir, l’échec scolaire sont ainsi la malheureuse conséquence du fait que
tous les enfants ne sont pas égaux devant l’école. Si l’on admet que les
fragilités personnelles de l’enfant aient une histoire, c’est pour en situer
l’origine dans sa famille ou son milieu social (pseudothéorie du handicap
socioculturel).

11 cf. Serge Boimare, L’enfant et la peur d'apprendre, Dunod, 2004.

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Pas davantage que dans les années 60, on ne voit en quoi


9. Colloque l’enseignement délivré serait une source effective de la difficulté scolaire.
des 25 et 26
octobre 2010 Celle-ci n’est pas alors conçue comme une construction sociale et
Deux scolaire, une réalité évolutive au croisement des enfants tels qu’ils sont
interventions et de l’enseignement tel qu’il est, mais sous la forme d’un donné, déjà là
lors des tables avant tout enseignement. Rien dans ce discours officiel sur la difficulté
rondes scolaire n’attire l’attention sur le rôle de l’école et des choix didactiques
dans la construction des « malentendus scolaires » ou des « inégalités
9.4. « Aide
personnalisée » d'apprentissage ».12
au primaire :
un dispositif Interroger les choix pédagogiques et didactiques
contreproductif ?
Pourtant, on ne peut pas expliquer de la sorte pourquoi, avec les enfants
André Ouzoulias
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

des milieux populaires, l’école française réussit nettement moins bien


que beaucoup de pays comparables, pourquoi, par-delà les professions
de foi démocratique, elle est si peu une « école du peuple », pourquoi
elle est si élitiste13. Plutôt que de courir de dispositifs de remédiation
improvisés en modalités de soutien plus ou moins extérieures à la classe,
il est urgent de mieux comprendre la genèse des difficultés scolaires. On
ne peut pas alors faire l’économie d’un questionnement sur les choix
pédagogiques et didactiques, tout particulièrement de la petite section
Sommaire
au CE1 : les pratiques des maitres sont-elles judicieuses pour aider tous
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

les enfants à franchir les obstacles que la psychologie a pu repérer dans


les apprentissages, notamment pour ceux de la lecture-écriture et des
mathématiques ?
Ainsi, dans le domaine de la lecture, des travaux récents plaident pour
réinterpréter les recherches des vingt dernières années sur le rôle de
la conscience phonologique dans la réussite en lecture14. D’un point
de vue didactique, on peut en conclure qu’il convient de mieux lier
la conscience phonologique à un travail sur l’écrit et de prendre en

12 Voir : Élisabeth Bautier & Patrick Rayou, 2010, Les Inégalités d'apprentissage, PUF.
13 Cf. Christian Baudelot et Roger Establet, 2009, L’Élitisme républicain,
l’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil.
14 Par exemple, Castles Anne et Coltheart Max, 2004, « Is there a causal link
from phonological awareness to success in learning to read ? », Cognition, n° 91.

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considération le saut qui existe entre la conscience de la syllabe (très


9. Colloque facile) et la conscience des phonèmes (bien plus abstraits)15.
des 25 et 26
octobre 2010 Une bonne connaissance des pratiques des enseignants amène aussi à
Deux observer que ceux qui font écrire fréquemment de petits textes à leurs
interventions élèves dès la grande section mettent en œuvre un travail très efficace
lors des tables de prévention des difficultés16.
rondes
Concernant l’orthographe, dont la connaissance commande l’accès à une
9.4. « Aide lecture habile et à la voie directe, la baisse générale des compétences
personnalisée »
au primaire : observée par Danièle Manesse et Danièle Cogis17 (moins deux années en
un dispositif dix ans !) doit amener à une réévaluation des pratiques. Il conviendrait
contreproductif ?
certainement d’interroger le geste pédagogique qui consiste à laisser
André Ouzoulias
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les élèves écrire leur premier jet comme ils le peuvent à partir de leurs
seules connaissances de la graphophonologie (ce que certains maitres
appellent « écrire avec les oreilles »)18.
Dans le domaine des mathématiques, Rémi Brissiaud a pu montrer que
l’enseignement du comptage au cycle 1, plutôt que des décompositions,
retarde l’accès au nombre et au calcul, plus particulièrement pour les
enfants des milieux populaires19.
Quant au domaine si crucial du langage oral, face à la pléthore de
Sommaire
déplorations sur les incompétences des élèves les plus faibles arrivant
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

au CP, la rareté des études du développement du langage de l’enfant


et des pratiques scolaires en maternelle est vraiment affligeante. Encore
plus rares sont les recherches-actions sur ce sujet (mais la recherche
pédagogique, singulièrement en maternelle, semble devenue un luxe).
Corrélativement, la formation initiale et continue des enseignants dans
ce domaine est quasi inexistante. Tout se passe comme si allait de soi

15 Sur ce point, Gérard Toupiol et moi avons coordonné une recherche


menée avec le concours de la FNAME (Fédération nationale des
associations de maitres E) et avec la collaboration de Jean-Paul Fischer,
professeur de psychologie à l’université de Nancy-2. Cette recherche
vient de s’achever et donnera lieu à de prochaines communications.
16 Un ensemble de pratiques alternatives à la pédagogie la plus répandue
sont décrites et justifiées dans la mallette Prévelire (André Ouzoulias, 2009,
Retz), notamment dans les pages PDF « Compléments pratiques » à télécharger
à partir du CD-ROM. Cet outillage est présenté dans un entretien lisible ici.
17 Danièle Manesse et Danièle Cogis, 2007, Orthographe, à qui la faute ? ESF.
18 Voir André Ouzoulias, 2009, « La mémorisation de l’orthographe lexicale, un
enjeu décisif », Cahiers pédagogiques n° 474, sur le thème « Aider à mémoriser ».
19 Rémi Brissiaud, 2007, Premiers pas vers les maths, Retz.

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l’idée selon laquelle la pratique du « mot du jour » assortie de la lecture


9. Colloque à haute voix de textes littéraires – indispensable au demeurant – suffit
des 25 et 26
octobre 2010 aux enfants pour construire leurs compétences orales20.
Deux Vers une pédagogie à visée préventive
interventions
lors des tables Face à la difficulté scolaire, dans les années 90, les maitres ont été très
rondes fortement incités à différencier leur enseignement. Mais cela passait (et
passe encore) par un discours sans recul sur les groupes de niveaux,
9.4. « Aide
personnalisée » pourtant réputés pour aggraver les différences ou sur des dispositifs
au primaire : tout aussi peu contrôlés et parfois très compliqués. Comme le dit Sylvie
un dispositif
Cèbe dans un entretien stimulant à propos de l'aide personnalisée,
contreproductif ?
« si la pédagogie différenciée avait dû faire la preuve de son efficacité, elle
André Ouzoulias
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

l’aurait fait depuis longtemps et ça se saurait ! […] Une chose est sure,
tous les enseignants connaissent parfaitement bien les théories qui la
sous-tendent. Or, l’observation montre que seule une minorité d’entre eux
(les maitres formateurs le plus souvent) la mettent réellement en œuvre.
Pourquoi ? Parce que cette organisation pédagogique, pour fondée qu’elle
soit, est extrêmement difficile à mettre en œuvre. » Sylvie Cèbe en conclut
que l'aide personnalisée est une solution intéressante et qui demande à
être soutenue, étudiée et améliorée.
Sommaire
Nous avons adopté ici un autre point de vue. Sans négliger les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

opportunités d’améliorer l'aide personnalisée (qui ne peut viser le


même public que les aides spécialisées), nous avons surtout voulu
pointer les effets paradoxaux que ce dispositif pourrait entrainer sur
l’efficacité globale de l’école dans les apprentissages, notamment pour
les élèves des milieux populaires. Ces effets paradoxaux nous semblent
malheureusement difficiles à éviter dans un contexte où l’on ne cherche
guère à comprendre la genèse des difficultés scolaires et où les choix
pédagogiques et didactiques les plus répandus ne sont absolument
pas évalués sous cet angle. En consacrant en quelque sorte la fatalité
des difficultés scolaires, en ne donnant pas la priorité à la prévention
des difficultés dans le quotidien de la classe et en écartant à priori la
possibilité de progrès pédagogiques et didactiques pour y parvenir, un
tel dispositif pourrait bien se révéler contreproductif.

20 Des pratiques alternatives sont décrites dans Philippe Boisseau, 2005,


Enseigner la langue orale en maternelle, coédition Retz-CRDP de Versailles.

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9. Colloque Addenda
des 25 et 26 L’aide personnalisée, malgré tout ?
octobre 2010
Deux Si on cherche à faire de l’aide personnalisée (AP) un moment utile aux
interventions élèves des écoles primaires, c’est-à-dire si l’on veut éviter d’alimenter
lors des tables les « effets paradoxaux » (cf. l’article ci-dessus), il me semble qu’il faut
rondes remplir – au moins – les quatre conditions suivantes :
9.4. « Aide 1. Un authentique pilotage local des projets des écoles. Il doit
personnalisée »
au primaire : permettre une évaluation des actions, des échanges entre les équipes
un dispositif d’écoles, la mutualisation de ressources, des moments de formation
contreproductif ?
continue sur les « causes » des difficultés dans les apprentissages,
André Ouzoulias
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non pas seulement à partir de théories générales sur la motivation,


la concentration ou la mémoire, mais en fonction d’objectifs précis
d'apprentissage de telle compétence ou de telle connaissance.
Par-delà une plus grande efficacité du dispositif d'aide personnalisée,
les animateurs de ce pilotage devraient constamment viser les
rétroactions sur la classe au quotidien : comment prévenir ces
difficultés en amont, que peut-on modifier et que faut-il modifier
dans l’enseignement ordinaire (les vingt-quatre heures pour
Sommaire
tous) pour favoriser une plus large réussite ? De la sorte, on peut
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

espérer que l'aide personnalisée soit l’occasion pour les maitres


de mieux comprendre les difficultés de leurs élèves, d’ajuster leur
enseignement à leurs besoins et de mieux les prendre en compte
dès la conception de leur enseignement.
2. Une organisation rigoureuse du dispositif. Il s’agit tout à la fois de se
prémunir contre l’étiquetage et de rendre le dispositif le plus efficace
possible. Pour cela, on peut suivre quelques précautions, comme
celles qui sont citées ci-dessus (note 10) et que nous précisons ici :
a. Les groupes d'aide personnalisée sont des groupes de besoin et
non des groupes de niveau ; ils sont donc centrés sur l’acquisition
d’une compétence cruciale pour la dynamique globale
d'apprentissage dans le domaine (lecture, maths, etc. ?) et au
moment (cycle 2, cycle 3, etc. ?) concernés. Par exemple, on vise
le développement de l’oral ou la capacité à écrire en cursive au
début du CP, la lecture orthographique ou la numération décimale

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au CE1, la lecture par groupes de mots au CE2, l’investigation


9. Colloque de la psychologie des personnages dans les textes littéraires au
des 25 et 26
octobre 2010 CM…
Deux b. Chaque groupe de besoin a une durée de vie limitée, par exemple
interventions d’une période scolaire (entre deux périodes de congés scolaires),
lors des tables soit cinq à sept semaines. Ce faisant, les maitres se donnent des
rondes contraintes de temps qui obligent à « cibler » un objectif mesuré
9.4. « Aide (et évaluable). C’est aussi la condition pour que, entre le début et
personnalisée » la fin de ce « module », l’élève puisse se voir « bouger ».
au primaire :
un dispositif c. Un même élève ne participe pas à plus de deux groupes dans
contreproductif ?
l’année (soit trente heures au maximum). S’il participe à deux
André Ouzoulias
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groupes, ceux-ci ne sont pas successifs. On vise ici à éviter la


stigmatisation (et la fatigue !).
3. Des activités stimulantes, jouables en petits groupes. Comme il s’agit
d’un moment de travail en petit groupe, on peut chercher à mettre
en œuvre des situations réputées stimulantes, mais difficiles à animer
en grand groupe. Ainsi, le petit groupe d'aide personnalisée se prête
bien à un travail intense sur l’oral avec les élèves les moins avancés,
qui n’est guère possible en classe ordinaire. De même, il serait
Sommaire
dommage de ne pas profiter de cette situation pour faire produire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

de courts textes aux élèves qui ont le plus besoin de développer


leur familiarité avec la langue écrite, alors que l’animation de cette
tâche avec la classe entière est loin d’être simple. C’est encore le cas
de l’expression théâtrale qui peut aider des élèves à surmonter une
timidité, à développer leur aisance à l’oral et, si l’on transpose des
textes littéraires, à mieux saisir la psychologie des personnages et,
plus généralement, à lire plus en profondeur, au-delà de l’explicite…
4. Une aide au diagnostic. Pour aider les enseignants à aider leurs
élèves, à éviter les difficultés qu’un enseignement inapproprié peut
engendrer ou figer et, plus encore, à prévenir ces difficultés, il faut les
aider à affiner leur observation des élèves (par exemple en travaillant
sur des études de cas), à porter un regard plus analytique sur leurs
difficultés, à hiérarchiser les compétences…
Tout cela exige une bonne connaissance, dans le domaine concerné,
des processus d'apprentissage et des obstacles que les élèves

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doivent franchir. On ne peut faire l’économie de cette instance


9. Colloque théorique. Elle exigerait un minimum d’investissement public dans
des 25 et 26
octobre 2010 la recherche en éducation. Cela demanderait aussi la mise au point
Deux d’outils diagnostiques, la désignation de personnes (ou d’équipes)
interventions ressources, une vraie politique de formation continue…
lors des tables Un ministère soucieux du perfectionnement de l’école s’engagerait dans
rondes le suivi de cette politique avec constance. Il s’emploierait notamment à
9.4. « Aide évaluer la diversité des formes d'aide personnalisée pour permettre aux
personnalisée » équipes d’école de naviguer dans des mers moins embrumées et dont
au primaire :
un dispositif les écueils et les chenaux sont bien repérés.
contreproductif ?
André Ouzoulias
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André Ouzoulias
Professeur à l ’IUFM de Versailles-Université de Cergy-Pontoise
D épar tement PEPSSE (philosophie, épistémologie,
psychologie, sociologie et sciences de l'éducation)

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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9. Colloque 9.5. L’aide en Finlande


des 25 et 26
octobre 2010 Minna Puustinen
Deux
interventions Une chercheuse qui connait bien le système finlandais
lors des tables (qui a été celui de ses études) nous présente l’importance
rondes des dispositifs d’aide dans cette école « qui marche ».

L’organigramme du système d’enseignement


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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

La scolarité obligatoire en Finlande commence à l’âge de sept ans


et se termine à seize ans : ce sont les neuf années d’enseignement
fondamental. Avant l’âge de sept ans, il y a une année facultative
d’enseignement préscolaire. Après seize ans, les jeunes choisissent entre
le lycée (environ 60 %), la formation professionnelle (environ 35 %) et

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une dixième année d’enseignement fondamental. Les études supérieures


9. Colloque (universités et écoles supérieures d’enseignement professionnel)
des 25 et 26
octobre 2010 commencent en général à partir de dix-neuf ans.
Deux Assurer le droit à l'éducation pour tous
interventions
lors des tables Depuis la grande réforme des années 1970, l’objectif principal de la
rondes politique finlandaise de l’enseignement est d’assurer à tous les citoyens,
quels que soient leur âge, leur origine géographique, leurs moyens
9.5. L’aide en
Finlande financiers ou leur langue maternelle, des chances égales d’avoir une
Minna Puustinen formation. C’est un principe qui traverse tout le système éducatif.
• Une école pour tous, par la création de l’école fondamentale dans les
années 1970).
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• Deux systèmes parallèles, un en finnois, un en suédois1. Un enfant


peut donc faire toute sa scolarité, depuis le jardin d’enfants et jusqu’à
l’université, en finnois ou en suédois.
• La gratuité totale de l’enseignement obligatoire (y compris les repas,
les fournitures, les manuels, les transports, la médecine scolaire).
• La politique d’intégration : son but est de permettre aux élèves ayant
des besoins éducatifs particuliers de mener une vie aussi ordinaire
Sommaire
que possible, et notamment de bénéficier de l’enseignement
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

commun au sein de l’école de leur quartier ou secteur.


• Et enfin, et ce dernier point va nous intéresser plus particulièrement,
tout est mis en œuvre « en amont » pour minimiser l’échec scolaire
et l’exclusion.

L’importance du dépistage précoce


Presque tous les enfants finlandais sont pris en charge par un système
équivalent au service français de protection maternelle et infantile
(PMI), qui fonctionne avec des équipes pluridisciplinaires (sage-femmes,
infirmières, médecins, travailleurs sociaux, psychologues). Les futures
mères sont prises en charge dès le début de leur grossesse, et le suivi
de l’enfant se poursuit jusqu’au début de la scolarité obligatoire. La
médecine scolaire prend ensuite le relai.

1 94 % des Finlandais ont le finnois pour langue maternelle, 6 % le suédois.

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Des examens réguliers sont prévus. Celui de l'âge de cinq ans est
9. Colloque particulièrement important du point de vue de la scolarisation : on s’y
des 25 et 26
octobre 2010 intéresse au développement de l’enfant d’une manière très complète
Deux (développement global, psychomoteur, langagier, cognitif ). Grâce à
interventions la collaboration avec les jardins d’enfants et les garderies, on arrive à
lors des tables atteindre la quasi-totalité des enfants de cinq ans.
rondes Si on constate que l’enfant a besoin d’un soutien ou d’un
9.5. L’aide en accompagnement renforcé, par exemple à cause de problèmes liés
Finlande au développement langagier, à l’hyperactivité, on met en place, en
Minna Puustinen collaboration avec tous les protagonistes2, la solution la plus adaptée
pour l’enfant, autant que possible dans le cadre de son système de
garde habituel. S’il est évident dès l’âge de cinq ans que l’enfant ne
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pourra pas atteindre les objectifs fixés pour l’enseignement fondamental


en neuf ans, par exemple à cause d’un handicap, la période d’instruction
obligatoire pourra commencer un an plus tôt (dès l'âge de six ans) et
durer onze ans.
Lorsque l’enfant entre à l’école fondamentale, il n’y a pas de coupure :
les informations nécessaires circulent entre les jardins d’enfants et les
écoles (tout en respectant le secret médical).
Sommaire
Le but de ce système de dépistage précoce est donc de mettre en
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

place un accompagnement adapté avant même le début de la scolarité


obligatoire.

L’accompagnement des élèves en


difficulté à l’école fondamentale
Le principe de base est de proposer de manière prioritaire l’aide dans le
cadre de l’enseignement ordinaire. On fait donc le maximum, avec l’aide
des enseignants spécialisés, pour permettre à l’enfant de rester dans son
contexte habituel, dans sa classe ou du moins son école habituelle.
Si l’aide fournie de cette manière s’avère insuffisante, si on estime
que, malgré les mesures de soutien et d’accompagnement, l’élève ne
pourra pas atteindre les objectifs de l’enseignement ordinaire, on a la
possibilité de le transférer dans l’enseignement spécialisé. Même dans
ce cas-là, l’élève restera le plus souvent au sein de sa classe ou en tout
cas au sein de son école. Les établissements spécialisés sont rares, et le
redoublement est exceptionnel.

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Les dispositifs d'aide à Jyväskylä


9. Colloque
des 25 et 26 Les mesures de soutien et d’accompagnement varient d’une ville, voire
octobre 2010 d’une école à l’autre : le système éducatif finlandais est très décentralisé
Deux et il existe beaucoup de souplesse et de liberté de choix au niveau
interventions local. J’ai choisi de présenter le cas d’une ville, Jyväskylä, située dans la
lors des tables Finlande centrale. Il s’agit d’une ville universitaire de taille moyenne :
rondes 80 000 habitants, 7 000 élèves à l’école fondamentale.
9.5. L’aide en Dans un premier temps, l’objectif est de permettre à l’élève d’être aidé
Finlande
dans le cadre de l’enseignement ordinaire. Pour cela, à Jyväskylä, on a
Minna Puustinen
prévu une grande panoplie de méthodes.
La différenciation des enseignements, ou la pédagogie différenciée
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C'est-à-dire toutes les mesures par lesquelles on modifie ou on fait varier


les manières d’enseigner d’une matière. Par exemple, un élève qui a du
mal à lire un document écrit en tout petit pourra avoir le même texte
écrit en plus grand et avec une mise en page adaptée.
Les enseignants sont aidés dans leurs démarches de différenciation. On
considère que la collaboration entre enseignants dans la planification
et la réalisation des mesures de soutien est une forme de travail
Sommaire importante, et il y a du temps réservé pour ça dans l’emploi du temps
hebdomadaire des enseignants.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

À Jyväskylä, toutes les écoles fondamentales ont au moins un enseignant


spécialisé (de l'ordre d'un pour 200 élèves). Depuis les réformes qui
ont diminué fortement le nombre d’établissements spécialisés, les
enseignants spécialisés sont affectés dans les écoles ordinaires. Ils aident
donc les enseignants ordinaires à mettre en place de la pédagogie
différenciée.
L'intervention des enseignants spécialisés
Ils peuvent proposer, lorsque c’est adapté aux difficultés de l’élève, de
l’enseignement spécialisé à temps partiel, soit en simultané dans la
classe ordinaire, soit en petits groupes de dix à quinze élèves.
Des cours de rattrapage
Les élèves ayant un retard temporaire dans leurs études, ou qui
ont besoin d’un soutien particulier peuvent bénéficier des cours de
rattrapage.

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Une aide dans la classe


9. Colloque
des 25 et 26 Enfin, un auxiliaire de vie scolaire peut épauler l’enseignant dans son
octobre 2010 travail au sein de la classe. Il est aussi possible de demander à des
Deux enseignants ou des enseignants spécialisés qui sont libres de seconder
interventions l’enseignant : dans ce cas, plusieurs enseignants enseignent au sein de
lors des tables la même classe.
rondes
Des modalités variées de regroupement
9.5. L’aide en
Finlande
On peut organiser des cours qui regroupent plusieurs classes à la fois,
Minna Puustinen dans le but d’avoir plus de ressources, c’est-à-dire plus d’enseignants
pour les cours de rattrapage.
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Minna Puustinen
M aitre de conférences en psychologie, IUFM Nord-Pas- de - Calais

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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9. Colloque Des témoignages


des 25 et 26
octobre 2010 lors des ateliers
Comment prendre en
9.6.
compte les élèves dits « à
besoins particuliers » ?
Stéphanie de Vanssay
Les élèves en difficulté ont droit à la complexité, en ont
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même besoin pour mieux apprendre. Aider ne signifie pas


simplifier les notions et les démarches, mais accompagner
la confrontation à des situations complexes.

La notion de « besoins particuliers » est vaste concernant les enfants


présentant une déficience, des difficultés d’apprentissages ou des
désavantages sociaux. Un dispositif permet d'accompagner les élèves

Sommaire scolarisés en milieu ordinaire : le RASED (Réseau d’aide spécialisé aux


élèves en difficulté). Il s'agit d'une équipe d’enseignants spécialisés
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

comportant un psychologue de l’Éducation nationale, un ou plusieurs


enseignants spécialisés à dominante pédagogique et un ou plusieurs
enseignants spécialisés à dominante rééducative1.
Enseignante spécialisée à dominante pédagogique, je prends en charge,
sur le temps de classe, des petits groupes d’élèves qui rencontrent des
difficultés scolaires.

Mes outils de travail


La médiation pédagogique
Je travaille avec mes groupes d’élèves en utilisant des supports
pédagogiques, mais dans une stratégie de détour, c'est-à-dire que je
n’aborde pas directement la ou les difficultés rencontrées avec des séries
d’exercices d’entrainement aux notions en cause, j’essaie au contraire

1 Pour plus de détails, lire l'article Les Rased expliqués


aux parents sur le Web pédagogique.

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de proposer des activités, des projets motivants où ces notions seront


9. Colloque nécessaires à un moment ou un autre de la démarche. Elles seront ainsi
des 25 et 26
octobre 2010 travaillées « en situation » et avec des supports différents de ceux de la
Des classe.
témoignages Des projets de groupe et individuels
lors des
ateliers Pour chaque élève, un projet individuel est pensé et rédigé en fonction
de ses besoins et l’articulation des différents projets individuels donne
9.6. Comment naissance à un projet de groupe qui précise les supports utilisés et les
prendre en
compte les élèves projets à mener.
dits « à besoins
Le lien avec la classe
particuliers » ?
Stéphanie de Tout au long du travail, le lien avec la classe est un élément essentiel :
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Vanssay échanges avec l’enseignant, observation de l’élève en classe, suivi de


son évolution dans la classe et dans le groupe. Quand cela est possible,
l’élève peut aussi présenter en classe ou lors d’une manifestation
scolaire une activité préparée dans le petit groupe qui lui permettra de
prendre alors une place d’expert, puisqu’il sera amené à guider et aider
ses camarades.

Quelles situations proposer ?


Sommaire
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne me semble ni
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

pertinent, ni opportun de proposer aux élèves en difficulté des situations


simplifiées qu’ils réussiraient facilement. Les élèves ne seraient pas
dupes (réussir quelque chose de facile n’est pas valorisant) et cela ne
les ferait pas progresser. Je leur propose donc des situations complexes
pour quatre raisons :
• Parce que c’est justement ce qui leur pose problème.
En effet, la plupart des élèves en difficulté peuvent acquérir des
mécanismes, mais ont beaucoup de difficultés à savoir quand et
comment les mettre en œuvre dans une situation complexe.
• Parce que le monde est complexe.
Depuis le début du XXe siècle, la plupart des chercheurs en sciences
humaines et des philosophes laissent de côté l’approche cartésienne,
analytique, et la recherche de la simplicité, au profit des concepts de
diversité et de complexité. Tout ne peut pas être catégorisé, la nature
ne fonctionne pas analytiquement, la vie quotidienne n’est pas

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logique. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, la multiplication


9. Colloque des communications, l’accès à l’information, la mondialisation, notre
des 25 et 26
octobre 2010 vie continue de se complexifier. Yves Bertrand constate : « La plupart
Des des analystes amenés à réfléchir sur la situation générale de l’éducation
témoignages s’entendent sur un point : l’éducation contemporaine est profondément
lors des marquée par une complexité grandissante, de plus en plus difficile
ateliers à comprendre et à expliquer ».2 L’éducation, et donc le travail de
l’enseignant, est aujourd’hui de plus en plus complexe.
9.6. Comment
prendre en • Parce que les situations complexes ont plus de sens.
compte les élèves
dits « à besoins Le sens est une idée intelligible à laquelle un objet de pensée peut
particuliers » ? être rapporté et qui sert à expliquer, à justifier son existence.3 Or,
Stéphanie de pour expliquer et justifier un objet de façon intelligible, pour lui
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Vanssay
donner son sens, il faut avoir en tête une vue d’ensemble de ce qui
compose cet objet et des liens existant entre ses divers éléments.
C’est pourquoi la décomposition du complexe en éléments simples
est limitatrice et provoque une perte de ce sens. Il n’est donc pas
judicieux de simplifier pour mieux accumuler des connaissances sans
liens entre elles. La conception de l’apprentissage, selon l’équipe
ERMEL, est que l’élève a besoin d’adapter ce qu’il savait à une
Sommaire situation nouvelle ou même de restructurer, parfois radicalement,
ses savoirs antérieurs. Pour cela, il faut permettre à l’élève de faire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

un saut, de franchir un obstacle en lui proposant des activités


qu’il ne sait pas réaliser seul d'emblée, mais qu’il peut s’approprier
avec l’aide de l’enseignant et de ses pairs et qui suscite chez lui de
l’intérêt.4 Il convient donc de choisir ou de construire une situation
mettant en jeu les compétences visées dans un contexte contenant
les paramètres entourant la notion à acquérir. Il ne viendrait à
l’idée de personne, pour apprendre à conduire à quelqu’un, de
l’entrainer d’abord longuement à changer les vitesses à l’arrêt. Pour
savoir conduire, le futur conducteur devra apprendre à maitriser
ce geste en situation réelle en fonction de nombreux paramètres
(vitesse, autres véhicules, code de la route, état de la chaussée…), et
seules la pratique et la prise de conscience progressive de tous les

2 Article d’Yves Bertrand dans Questions pédagogiques, Encyclopédie


historique coordonnée par Jean Houssaye, Hachette Éducation, 1999.
3 Petit Robert 1984.
4 ERMEL, Apprentissages numériques et résolution de problèmes – CE1, Hatier, 1993.

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paramètres à prendre en compte permettront l’apprentissage, puis


9. Colloque l’automatisation de la conduite.
des 25 et 26
octobre 2010 Montaigne disait : « Mieux vaut une tête bien faite que bien pleine ».
Des Selon Edgar Morin, « ce que signifie une tête bien pleine est clair :
témoignages c’est une tête où le savoir est accumulé, empilé, et ne dispose pas
lors des d’un principe de sélection et d’organisation qui lui donne sens. Une
ateliers tête bien faite signifie que, plutôt que d’accumuler le savoir, il est
beaucoup plus important de disposer à la fois :
9.6. Comment
prendre en • d’une aptitude générale à poser et traiter des problèmes ;
compte les élèves • de principes organisateurs qui permettent de relier les savoirs et de
dits « à besoins
particuliers » ? leur donner sens ».5
Stéphanie de • Enfin, parce que c’est plus motivant.
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Vanssay D’une manière générale, découper les tâches en éléments simples


rend le travail monotone, alors qu’accroitre la complexité augmente
l’intérêt, donc la motivation. Proposer une tâche complexe à l’élève,
c’est le valoriser, lui montrer qu’on le croit capable de réussir, c’est
aussi une bonne façon d’éveiller sa curiosité naturelle. L’absence
de motivation a souvent sa source dans la conscience erronée de
l’incapacité. Montrer à l’élève qu’il peut réussir dans une activité
complexe peut faire évoluer positivement l’image qu’il a de lui-même
Sommaire
et de ses capacités.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Il me semble aussi essentiel de faire vivre à ces élèves de vraies


situations, car apprendre « pour plus tard » en « faisant semblant »
n’est pas une évidence pour les élèves en difficulté, et que vivre des
expériences permet de travailler à la fois sur le « désir d’apprendre »
et sur l’acquisition ou l’utilisation de compétences en situation réelle.
Je crois que cela permet d’impulser une dynamique et de faire évoluer
leur rapport au savoir, mais trouver de « vraies situations », les moins
artificielles possible, n’est pas toujours aisé…

Des exemples concrets


Ces situations peuvent tout à fait être proposées en classe entière,
pour le plus grand bénéfice de tous les élèves. En effet, les élèves plus
performants seront plus intéressés et motivés, et les élèves en difficulté
ne seront pas les seuls à ne pas tout de suite comprendre la situation.
5 Edgar Morin , La Tête bien faite – Repenser la réforme, réformer
la pensée, Seuil, L’histoire immédiate, 1999, page 23.

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Quand la situation est complexe, même le « meilleur élève » de la


9. Colloque classe n’a pas immédiatement accès à la solution et des élèves plus en
des 25 et 26
octobre 2010 difficulté peuvent très bien percevoir un point important et faire ainsi
Des progresser toute la classe vers la résolution, j’en ai observé de nombreux
témoignages exemples.
lors des
ateliers Tous les doigts de l’école
Cette activité mathématique de Françoise Paletou6 peut être menée en
9.6. Comment
prendre en fin de CP ou en CE1. Il s’agit de faire compter aux élèves tous les doigts
compte les élèves de l’école. Vous trouverez une description de cette activité sur mon
dits « à besoins
blog.
particuliers » ?
Stéphanie de La création d’un blog personnel
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Vanssay
Pour des élèves de cycle 3, créer un blog est une activité d’écriture
complexe demandant de prendre en compte de nombreux facteurs,
c’est aussi une vraie situation de communication. Une façon d’organiser
cette activité est décrite sur mon blog.

Le petit dictionnaire des pareils


David Hébert, qui est aussi enseignant spécialisé, a mis au point « Le petit
Sommaire dictionnaire des pareils » qui permet l’apprentissage de l’abstraction et
permet de prévenir les difficultés scolaires dès la maternelle. Ce travail
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

intelligent qui permet de travailler à la fois sur la catégorisation, le


langage et la construction des premiers concepts mathématiques, est
décrit en détail sur son site.

Stéphanie de Vanssay
M aitre E dans la région par isienne

6 Article de Françoise Paletou, IMF dans le Journal


des Instituteurs n° 9, Mai-juin 1987, Nathan.

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9. Colloque N’oublions
9.7.
des 25 et 26
octobre 2010 pas les PPRE !
Des
témoignages Brigitte Jaffry
lors des
ateliers Quel est l'intérêt des PPRE ? En quoi le recours à un dispositif
formel permet de progresser effectivement dans la prise en
charge des difficultés scolaires ? Quelques points d'appui,
présentés par la directrice d'une école parisienne.

L’équipe des enseignants de notre école est stable depuis plusieurs


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années et intègre régulièrement de nouveaux collègues qui y trouvent


facilement leur place, tout comme moi. Les plus anciens ont une longue
expérience de l’éducation prioritaire et considèrent comme allant de
soi l’attention et la persévérance rendues nécessaires par la présence
d’élèves en difficulté. L’engagement de chacun est à la fois un acquis du
groupe et une attente collective.
Les jeunes collègues stagiaires ou remplaçants bénéficient de l’effet
Sommaire étayant de cette attitude partagée. Ils participent aux échanges, que
ce soit pour élaborer des réponses ou pour travailler les questions qui
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

demeurent… et les doutes.

Un cadre institutionnel
Nous mettons en œuvre les divers dispositifs d’aide et
d’accompagnement à la scolarité. Les programmes personnalisés de
réussite éducative (PPRE) n'ont pas posé de problèmes de principes,
correspondant au souci de formaliser les difficultés de certains élèves et
les efforts marqués de l’équipe pour y répondre. Les collègues les ont
facilement utilisés comme un lien d’année scolaire en année scolaire.
Plus personnels et plus ajustés que le livret scolaire, ils sont considérés
comme une meilleure indication du chemin à parcourir comme du
chemin déjà parcouru.
« Chaque élève susceptible de ne pas acquérir les compétences
attendues dans la mise en œuvre du socle commun doit bénéficier du
programme personnalisé. » Chacun d’entre nous sait que de nombreux

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redoublements font figure de symptôme plutôt que de remède. La


9. Colloque recherche de solutions incluant l’aide et la différenciation est au centre
des 25 et 26
octobre 2010 de nos préoccupations. Dans ce contexte, le PPRE devient de plus en
Des plus le cadre institutionnel de mise en œuvre d’une politique des cycles
témoignages au bénéfice d’élèves en difficulté.
lors des L’école polyvalente a permis à deux reprises d’organiser pour un élève
ateliers un emploi du temps partagé entre la grande section et le CP, entre les
9.7. N’oublions aides spécialisées et le travail de classe. Il a pu ainsi suivre un cycle 2
pas les PPRE ! allongé d’une année sans l’inconvénient de « faire », puis « refaire » un
Brigitte Jaffr y CP inadapté aux besoins. L’aspect officiel et contractualisant du PPRE a
donné aux équipes éducatives réunies une dimension institutionnelle
pleine de sens.
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Un cadre pour le travail de chacun


Dans la plupart des cas, la démarche a clairement l’objectif de faire
apparaitre l’articulation entre les interventions du réseau d’aide,
des partenaires, et le travail du maitre en classe ou lors des aides
personnalisées.
Le travail de chacun dans la rédaction du programme est marqué par
Sommaire des qualités propres. Certains ont utilisé l’aspect contractualisant pour
aider à la résolution de certains problèmes de comportement ou de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

posture, d’autres privilégient l’aspect « programmation », d’autres


encore mettent à profit les nouvelles occasions de mener des entretiens
en solo ou en ma présence.
En tant qu’outil de suivi, le PPRE permet d’ordonner et de formaliser le
travail des collègues, de prioriser les objectifs. Mais cela représente une
difficulté réelle et récurrente. Faire le choix de telle ou telle compétence
sous-entend que l’on connait très bien à la fois l’élève concerné et
l’apprentissage visé, que l’on a suffisamment finement analysé la
difficulté. Enfin, il faut déterminer une stratégie, ne pas rester au stade
du constat fixé sur le document, ce qui aurait alors autant d’impact
qu’une table au fond de la classe près du radiateur !
Il faut que la différenciation en classe soit soutenue par les efforts
de l’élève engagé dans le processus. Il doit y parvenir grâce à la
compréhension des buts poursuivis, traduits en objectifs intermédiaires

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et rendus compréhensibles, prendre conscience de ses difficultés et


9. Colloque surtout prendre confiance en lui à travers des réussites reconnues.
des 25 et 26
octobre 2010 En tant que directrice, je peux, à travers ces programmes, mieux
Des connaitre les élèves et mieux cerner les besoins, préciser les propositions
témoignages d’aide, mener un dialogue avec les collègues et favoriser le travail de
lors des l’équipe. Chaque point me donne l’occasion de réfléchir aux besoins
ateliers de l’équipe et de nos élèves, chaque progrès est plus visible. Quand le
9.7. N’oublions découragement refait surface pour une raison ou une autre, à propos
pas les PPRE ! d’un enfant, il est utile de pouvoir mesurer le chemin parcouru…
Brigitte Jaffr y
Un cadre pour les relations avec les parents
Dans notre école, au moins deux des trois livrets de classes sont remis
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aux parents en mains propres au cours d’un rendez-vous, les bilans


intermédiaires des PPRE sont faits à cette occasion. Ils peuvent aussi
faire l’objet de rencontres supplémentaires et sont parfois associés à des
contrats de travail quotidiens ou hebdomadaires.
Lors des entretiens avec les parents et les élèves, le travail d’explicitation
des attentes et des objectifs pédagogiques s’appuie sur le document
qui devient un atout. Les échanges avec eux autour des résultats
Sommaire scolaires ne suffisent sans doute pas à tisser suffisamment de liens de
collaboration, ni à provoquer assez d’occasions de valoriser l’impact de
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

leurs interventions sur la scolarité de leurs enfants.


Les dispositifs d’accompagnement à la scolarité prennent souvent
comme principal objet de travail les liens entre les parents et l’école. Ils
sont aussi au cœur des programmes personnalisé et incarnent souvent
le « é » de « éducative ».
Nous avons ensemble l’obligation de mener un travail de distanciation
par la formalisation, en mettant tout en œuvre pour être compris des
acteurs principaux. Surtout, nous avons à chercher et trouver comment
éviter que le PPRE devienne une simple signalétique de la difficulté…
faire évoluer les pratiques de classes… ensemble.

Brigitte Jaffry
Professeure des écoles à Par is

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9. Colloque Des ateliers


9.8.
des 25 et 26
octobre 2010 pour structurer le
Des
témoignages temps de l'aide
lors des Chrystelle Muniglia-Raynal
ateliers
Proposer à des élèves ciblés des ateliers très structurés
inscrits dans une perspective de parcours individualisés
réfléchis en équipe pédagogique peut contribuer à ce que
l’efficacité des aides périscolaires ou de l’accompagnement
éducatif à l’école prenne toute sa valeur.
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Il existe à Paris trois dispositifs périscolaires spécifiques d’aide aux


élèves :
• les ateliers « Coup de Pouce Clé » (club de lecture et d’écriture) qui
s’adressent à cinq élèves d’une même classe de CP, quatre fois une
heure trente par semaine, après la classe, en partenariat avec la
Direction des affaires scolaires de la mairie de Paris (Dasco), l’Apféé1
Sommaire et l’Éducation nationale ;
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

• les ALEM (ateliers lecture-expression-mathématiques) qui s’adressent


à huit élèves de CM2, soit en français soit en mathématiques, deux
fois une heure trente par semaine, après la classe, en partenariat
avec la Dasco et l’Éducation nationale ;
• les AFM.6 (ateliers français-mathématiques en sixième) qui s’adressent
à huit élèves de sixième, soit en français, soit en mathématiques,
deux fois une heure trente par semaine (dispositif Éducation
nationale intégré à l’accompagnement éducatif en 2009-2010).
Il s’agit, grâce à ces ateliers, d’aider des enfants ciblés (moyens-faibles,
mais sérieux) dans des classes charnières qui risqueraient d’échouer à
l’école faute d’aide appropriée à la maison. Ces ateliers leur apportent le
soutien, la méthodologie, la confiance en soi nécessaires à une scolarité
réussie. Outre le fait que ces dispositifs sont proposés gratuitement dans

1 Association pour favoriser l’égalité des chances à l’école.

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des établissements scolaires situés en éducation prioritaire, ils obéissent


9. Colloque tous les trois à un protocole très strict :
des 25 et 26
octobre 2010 • nombre d’élèves restreint ;
Des • élèves ciblés ;
témoignages
lors des • implication de l’ensemble de l’équipe pédagogique et des parents
ateliers (invités à assister à des séances, à prendre le relai à la maison) ;

9.8. Des ateliers


• évaluations systématiques ;
pour structurer le
• trois temps à respecter (gouter, devoirs, activités ludiques).
temps de l'aide
Chr ystelle Le gouter
Muniglia-Raynal
Un accompagnateur accueille à la sortie de la classe les cinq ou huit
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enfants de son club. En partageant avec eux le gouter, il organise un


moment de détente et de discussion, « comme à la maison ». Pendant
quinze à vingt-cinq minutes, loin de l'excitation des cours de récréation,
les enfants parlent de leur journée à l'école, de ce qu'ils ont appris, de
leurs satisfactions. Syntaxe, découverte du vocabulaire, convivialité,
écoute sont au rendez-vous.

Les devoirs donnés par l’enseignant


Sommaire
Puis l'accompagnateur les aide à faire leur travail de lecture ou leurs
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

devoirs selon la demande de l’enseignant (quinze minutes pour les


« Coup de Pouce », vingt-cinq minutes pour les ALEM et les AFM.6). Les
parents sont informés qu’il ne s’agit pas d’une étude et que tous les
devoirs en sixième ne seront pas forcément terminés : apprendre à lire
une consigne, à relier ses connaissances, à s’organiser, à s’avancer dans
ses devoirs, autant d’outils visant à l’autonomie à terme.

Les activités spécifiques séquencées


Se succèdent ensuite des séquences de jeux et d'exercices, de trente à
quarante minutes, qui familiarisent l'enfant avec la lecture et l'écriture
ou les mathématiques : mise systématique en situation de réussite
et félicitations. L'objectif est de faire de l'apprentissage un plaisir.
L'enfant prend ainsi confiance en lui grâce à des jeux sur le son, la
lecture, l'écriture, la production collective de petits textes, des jeux
mathématiques, y compris sur Internet, des projets sur plusieurs séances.

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Dans le « Coup de Pouce Clé », la séance s'achève par le moment le plus


9. Colloque attendu : la belle histoire, lue par l'accompagnateur de manière à faire
des 25 et 26
octobre 2010 partager aux enfants le plaisir de se retrouver autour d'une fiction et à
Des les amener à comprendre le bénéfice qu'ils auront à savoir lire.
témoignages Au final, les enfants concernés bénéficient du « coup de pouce »
lors des dont bénéficient tous les enfants dont les parents peuvent suivre la
ateliers scolarité. Quid des élèves très faibles, ou perturbateurs ? Il convient de
9.8. Des ateliers leur apporter une réponse plus individualisée, via notamment le PPRE
pour structurer le (Programme personnalisé de réussite éducative).
temps de l'aide
Chr ystelle Financement
Muniglia-Raynal
Ces dispositifs partenariaux sont co-financés :
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• La Dasco finance le matériel pour les « Coup de Pouce » et ALEM


(mallettes et magazines) et rémunère les accompagnateurs
(enseignants du premier ou du second degré, ou animateurs recrutés
par la ville de Paris), ainsi que les deux formatrices ALEM ;
• L’Apféé rémunère ses formateurs et fournit du matériel pédagogique
aux nouveaux accompagnateurs;
• L’Éducation nationale subventionne chaque établissement bénéficiant
Sommaire
d’un AFM.6 d’une dotation de 150 heures supplémentaires pour la
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

rémunération des accompagnateurs, des enseignants du second


degré, assistants d'éducation ou intervenants extérieurs, et600 euros
de crédits pédagogiques (achat de matériel, abonnements).

L’évaluation
Chaque année, l’Apféé évalue le dispositif « Coup de Pouce »
(questionnaires aux directeurs, enseignants, accompagnateurs,
parents, élèves) et l’Éducation nationale évalue les dispositifs ALEM et
AFM.6 (tableaux de départ et d’arrivée). Des visites de site sont aussi
systématiquement effectuées.

Chrystelle Muniglia-Raynal
Coordonnatr ice RRS, M ission académique à
l'éducation pr ior itaire de Par is (MAEP)

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9. Colloque Aider dans la classe : le


9.9.
des 25 et 26
octobre 2010 journal des apprentissages
Des
témoignages Anne-Cécile Duffez
lors des Ou comment le travail par compétences peut être une
ateliers aide, dans une école à population très défavorisée où
tant d’élèves apprennent avec difficulté, ne donnant
pas suffisamment de sens aux apprentissages.

Que nous dit Kérène ?


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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Extrait du journal des apprentissages de Kérène

On peut se demander ce que Kérène retient de cette séance de


géographie dont l’objectif était de comprendre qu’on ne peut
représenter la Terre (surface courbe) à plat sans la déformer légèrement.
Visiblement cette élève n’a pas distingué la tâche à accomplir de
l’objectif d’apprentissage, et n’a pas accès au sens de l’activité, ni au
savoir en jeu.
Pour aider les élèves à donner davantage de sens aux apprentissages, j’ai
mis en place dans ma classe de CM1, depuis l’an dernier, le journal des
apprentissages. Chaque jour, les élèves y écrivent ce qu’ils ont appris.

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Cette pratique résulte des travaux du groupe ESSI-ESCOL et a été mise


9. Colloque en place par l’équipe de Jacques Crinon1 dans l’académie de Créteil.
des 25 et 26
octobre 2010 L’objectif principal de cette pratique est de mener les élèves à mieux
Des percevoir :
témoignages • l’enjeu d’apprentissage des tâches scolaires dans lesquelles ils sont
lors des engagés ;
ateliers • ce qu’ils savent, ne savent pas, ou sont en train d’apprendre ;
9.9. Aider dans • les procédures qu’ils mettent en œuvre pour apprendre.
la classe : le
journal des Cet objectif est conforme aux programmes de 2008. Ainsi, un nouveau
apprentissages domaine d’activité pour l’école maternelle y apparait : « Devenir élève ».
Anne -Cécile En effet, dès la fin de l’école maternelle, l’enfant doit être capable de
Duffez
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dire ce qu’il apprend. En outre, le journal des apprentissages permet


de travailler les compétences du socle commun de connaissances et
de compétences, notamment en ce qui concerne la compétence 7,
« l’autonomie et l’initiative ».

Protocole de mise en œuvre du journal des apprentissages


Deux moments de classe sont consacrés au journal des apprentissages.
Les élèves écrivent sur leurs apprentissages tous les jours de 16 h 15 à
Sommaire 16 h 30. C’est un temps individuel de réflexion et de rédaction, qui peut
être poursuivi si nécessaire après la classe.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Tous les matins, pendant une dizaine de minutes, des élèves volontaires
lisent ce qu’ils ont écrit. Leur lecture permet de créer des échanges et
de poursuivre la réflexion et la mise en mots de ce qui a été appris,
ce qui a été compris, la manière dont on s’y est pris, etc. Suite à ces
échanges, les élèves disposent de cinq minutes pour améliorer leur écrit,
si possible en utilisant un stylo d’une autre couleur, afin de distinguer ce
qui a été ajouté, supprimé, modifié de ce qui avait été écrit auparavant.
Il faut donc prévoir chaque jour trente minutes consacrées au journal
des apprentissages.
1 Quelques articles de Jacques Crinon ayant pour
sujet le journal des apprentissages :
• Jacques Crinon, Alain Maillard et Annie Cabrera, « Des élèves tiennent le journal de
leurs apprentissages », Cahiers pédagogiques n° 388-389, novembre-décembre 2000.
• Jacques Crinon, « Écrire le journal de ses apprentissages », in Jean-
Charles Chabanne et Dominique Bucheton, Parler et écrire pour penser,
apprendre et se construire : l’écrit et l’oral réflexifs, Puf, 2002.
• Jacques Crinon « Le journal des apprentissages », Échec à l’échec, 160, mars 2003.

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Les écrits peuvent prendre différentes formes : texte, dessins, schémas, etc.
9. Colloque
des 25 et 26
octobre 2010
Des une écriture mathématique

témoignages
lors des un dessin

ateliers
un schéma
9.9. Aider dans
la classe : le Le rôle de l’enseignant consiste à porter un regard bienveillant sur ce qui
journal des a été écrit, poser éventuellement des questions pour aider les élèves à
apprentissages
formuler leur pensée et également répondre aux éventuelles questions.
Anne -Cécile
Duffez En revanche, comme il s’agit avant tout d’écrits personnels, j’ai fait le
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choix de ne pas corriger les erreurs d’orthographe ou de syntaxe.

Le journal des apprentissages : un travail par compétences ?


Le journal des apprentissages est avant tout un outil pour mieux
réfléchir sur les compétences travaillées au quotidien.
Outil d’identification et d’explicitation des compétences
L’objectif est d’aider les élèves à prendre conscience de ce qu’ils ont
appris, à procéder à un retour réflexif sur ce qu’ils ont fait dans la
Sommaire
journée. C'est loin d’être évident : au début, la plupart des élèves
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

écrivaient un compte rendu assez détaillé de leur journée de classe,


mais les compétences qui avaient été travaillées n’étaient pas visibles.
Cela m’a incitée à expliciter davantage l’objectif d’apprentissage de
chaque séance, et à pousser les élèves à s’interroger systématiquement
sur la finalité de la tâche :
• à l’oral : par une verbalisation avant, pendant et après chaque
activité des compétences mises en jeu et des procédures travaillées,
en collectif comme en individuel (aide personnalisée) ;
• à l’écrit : par des affichages qui explicitent les compétences visées
et rendent compte des différentes phases de l’apprentissage :
programme de la journée, tableau structuré avec ce que l’on sait
déjà, ce que l’on apprend aujourd’hui, et ce que l’on souhaite savoir
à la fin de la séquence, affiches mettant en valeur la démarche
expérimentale en sciences (« on se demande », « on pense », « on
essaie », « on sait »).

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Outil de verbalisation des compétences


9. Colloque La difficulté est liée bien souvent à la mise en mots de la compétence
des 25 et 26 travaillée. Non seulement il faut se souvenir de ce qui a été fait – certains
octobre 2010 élèves prennent des notes tout au long de la journée dans ce but –, mais
Des également trouver les mots pour l’exprimer le plus précisément possible.
témoignages Pour cela, les élèves peuvent écrire autre chose que ce qu’ils ont appris :
lors des ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont compris ou n’ont pas compris, etc.
ateliers
C'est très intéressant de constater que certains élèves parlent de la même
9.9. Aider dans activité, mais sans y avoir vu le même objectif, et donc sans formuler la
la classe : le même compétence. C’est lors des échanges du matin qu’une conversation
journal des
apprentissages sur la compétence réellement travaillée aura lieu et permettra à chacun
de mieux donner du sens aux apprentissages.
Anne -Cécile
Duffez Outil de mémorisation des compétences
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C’est en procédant à cette réflexion métacognitive que non seulement


les élèves vont prendre conscience de ce qu’ils ont appris, mais vont
également mieux mémoriser les procédures mises en œuvre pour réussir.

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Extrait du journal de Thushyanthan. C’est en écrivant que Thushyanthan prend conscience


de son raisonnement et le fixe davantage.

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Outil d’auto-évaluation dans l’acquisition des compétences


9. Colloque Chaque élève peut se situer par rapport à l’acquisition de la compétence
des 25 et 26
octobre 2010 visée, se rendre mieux compte du chemin qu’il reste à parcourir, et
Des mieux ajuster ses propres objectifs.
témoignages C’est par cette prise de conscience que chacun pourra mieux cerner
lors des ce qu’il reste à apprendre. Prendre conscience de ses erreurs, c’est déjà
ateliers réussir.
9.9. Aider dans Lors des échanges du matin, les compétences deviennent objet de
la classe : le
journal des discussion collective. C’est le groupe-classe qui permet à chacun
apprentissages d’en préciser la formulation, les procédures, les critères de réussite.
Anne -Cécile Lorsqu’un élève présente un exemple contenant des erreurs, ce sont ces
Duffez
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discussions entre élèves qui permettent de mieux comprendre l’enjeu


des tâches effectuées, les compétences à acquérir.
Outil de régulation de mon enseignement
C’est également un outil pour l’enseignant. À la lecture des journaux,
je me rends immédiatement compte de ce qui a été compris et ce qui
ne l’a pas été. Cela me permet de mieux réguler mon enseignement, et
d’avoir une photographie plus fine des réussites et des difficultés des
élèves de ma classe.
Sommaire
Cette démarche métacognitive poursuit et améliore le travail par
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

compétences mené en classe, cependant elle en est aussi le fruit. En


effet, à mon avis, elle ne peut fonctionner que lorsque l’enseignement
est conçu par compétences.

Bilan et perspectives
À la fin de l’année scolaire, la plupart des élèves ont progressé : ils ont
développé des compétences métacognitives qui les ont aidés à mieux
percevoir les compétences travaillées tout au long de l’année.

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9. Colloque
des 25 et 26
octobre 2010
Des
témoignages
lors des
ateliers
9.9. Aider dans
la classe : le
journal des
apprentissages
Anne -Cécile
Duffez
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Extrait du journal de Kérène au mois d’avril

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Cependant, quelques élèves ont continué de décrire la tâche sans y


9. Colloque voir la compétence visée. Il m’est également difficile d’affirmer que les
des 25 et 26
octobre 2010 progrès de la plupart des élèves dans la manière de mettre en mots
Des leurs savoirs vont de pair avec des progrès dans les apprentissages, car
témoignages le journal n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Ce qui est
lors des certain, c’est que les élèves qui précisent un savoir dans leur journal se
ateliers l’approprient davantage et sont en réussite sur leurs apprentissages.
Ceux qui développent un raisonnement erroné dans leur journal
9.9. Aider dans
la classe : le progressent dans cet apprentissage, car l’enseignant et le groupe se
journal des sont aperçus de l’erreur et les ont aidés à réajuster leur raisonnement.
apprentissages
En expliquant et argumentant des stratégies, les élèves qui avaient
Anne -Cécile
Duffez compris les savoirs en jeu n’ont pu que les consolider. C’est parce que le
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

journal des apprentissages est un travail sur les compétences qu’il peut
être aidant.
Cette année, je poursuis l’expérience avec les mêmes élèves que l’an
dernier. Plusieurs autres enseignants de la circonscription de la Goutte
d’Or où j’exerce l’ont mise en place dans leur classe. Un groupe de
travail constitué d’enseignants des premier et second degrés analyse
cette pratique et ses effets, et teste d’autres outils ayant pour but d’aider
Sommaire les élèves à donner davantage de sens à leurs apprentissages. Un des
objectifs de ce groupe de travail est d’adapter la démarche du journal
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

des apprentissages au collège, d’autant que le travail par compétences


y est de plus en plus fort. Ainsi une classe de sixième du collège
Clemenceau (Paris, XVIIIe) a mis en place un livret par compétences
dans lequel aucune note ne figure. Cependant la fragmentation de
l’enseignement propre au collège suscite bien des questions quant à la
mise en œuvre du journal des apprentissages, dont les suivantes :
• Comment prendre le temps d’écrire sur ses apprentissages sans
nuire aux apprentissages eux-mêmes, lorsque la durée d’un cours au
collège est de cinquante-cinq minutes maximum ?
• Comment le lien entre les différentes disciplines peut-il être fait ?

Anne-Cécile Duffez
Professeure des écoles à Par is ( X VIII e )

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9. Colloque Quand la grille


9.10.
des 25 et 26
octobre 2010 devient guide
Des Mélodie Pichon
témoignages
lors des Des grilles d'évaluation pour clarifier les implicites des
ateliers consignes et les exigences du professeur : un véritable
support pour l'accompagnement des apprentissages.

Les grilles d’évaluation que j'utilise ont d’abord pour fonction d’apporter
des ébauches de réponse, des jalons, permettre à chaque élève de
s’impliquer dans sa production et dépasser le « je n’y arrive pas, je
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

ne comprends pas, comment faut-il faire, je ne sais pas comment


commencer ». Puis leur utilisation doit évoluer. Leur construction doit
devenir, pas à pas, le support d’une réflexion personnelle, afin d’amener
l’élève à prendre l’habitude de se demander quels outils, quelles
connaissances, quels savoir-faire mettre en jeu.

Cases à cocher
La première grille reprend le principe des cases à cocher et dicte les
Sommaire
gestes à accomplir. Dans le cadre d’une séquence1 en cinquième,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

intitulée « poésie et description » qui ouvre l’année, un tableau est


distribué aux élèves afin d’effectuer la description d’une pomme. Ce
tableau suggère une analyse de la consigne et répond à la question
« que faut-il faire ? » C’est un inventaire des outils, des procédés
précédemment vus en cours, auxquels les élèves doivent avoir recours.
Lors de la séance d’écriture, je passe dans les rangs, pour inviter les
élèves à se reporter régulièrement au tableau et à vérifier la conformité
de leur production. Avant de rendre leur copie, les élèves doivent cocher
la case des compétences qu’ils pensent avoir réussi à mettre en œuvre.

Tableau à compléter
De la même grille, dont j’avais oublié de titrer l’espace à cocher, un élève
a fait une grille à compléter. Cette appropriation personnelle de l’outil
permet, d’une part pour l’élève d’aller plus loin dans la réflexivité sur
1 Cf. l’article « Les compétences en classe entière : poser
des jalons », Cahiers pédagogiques HSN n°20 « Socle commun
et travail par compétences : Balises et boussoles ».

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son activité de production, et d’autre part pour le professeur d'avoir une


9. Colloque meilleure visibilité de la stratégie mise en place par l’élève. L’élève ne
des 25 et 26
octobre 2010 doit plus seulement identifier ce qu’il pense avoir été capable d’utiliser,
Des il doit montrer comment il l’a fait.
témoignages Grille à élaborer
lors des
ateliers Dans le cadre d’une autre séquence portant sur les chevaliers de la
Table ronde, plus tard dans l’année, et à partir des modèles proposés
9.10. Quand la
grille devient précédemment, les élèves doivent construire eux-mêmes la grille
guide d'évaluation. L’objectif d’écriture est de raconter un combat épique. La
Mélodie Pichon liste des critères est élaborée en classe, en commun. On y consacre une
heure. Les élèves font l’inventaire des acquis à solliciter, notamment
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

à partir des textes étudiés : créer des comparaisons, des hyperboles,


utiliser le champ lexical de la bravoure, utiliser des intensifs, accumuler
les verbes d’action, utiliser les termes qui désignent l’équipement du
chevalier… Mais surtout, ils sont amenés à se poser des questions
sur ce qui est attendu et ce à quoi ils doivent faire appel : Décrire ou
raconter ? Insérer un dialogue ou pas ? Raconter au passé, mais n’utiliser
que le passé simple et l’imparfait ou aussi le présent ? Cette grille exige
donc d’eux qu’ils soient capables d’identifier les apprentissages et de
Sommaire
sélectionner les tâches à exécuter. Ils doivent s’interroger sur ce qu’ils
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

ont appris, et aussi faire le choix des savoir-faire à solliciter. Ce devoir,


jusque-là, donnait de très mauvais résultats. Avec ces grilles d'évaluation,
il y a désormais très peu d’échecs. L’ensemble de la classe obtient une
note au-dessus de dix. Deux ou trois élèves échouent. Nous regardons
alors ensemble quelles compétences n’ont pas été mises en jeu de façon
satisfaisante. Les élèves ont alors la possibilité de refaire, et l’acceptent,
car ils savent exactement quel point cibler. Ainsi, recommencer devient
fructueux.
Le travail par compétences permet d’accompagner, de guider l’élève
dans l’apprentissage de méthodes et d’une autonomie, acquisitions
dont il pourra faire le transfert dans différentes disciplines. Mais il
permet aussi de l’accompagner, au sens d’éduquer : sortir de lui-même,
le rendre conscient de ses apprentissages.

Mélodie Pichon
Professeure de français en collège à Par is.

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9. Colloque Du côté des familles :


9.11.
des 25 et 26
octobre 2010 quelle aide aux devoirs ?
Des
témoignages Séverine Kakpo
lors des
ateliers Contrairement à ce que l’on pense trop souvent, les
familles populaires s’impliquent, surtout dans les petites
classes, dans le travail à la maison. Mais le font-elles de
manière pertinente ? Beaucoup d'enjeux en tout cas,
et de malentendus autour du « travail bien fait ».
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Alors que beaucoup d’enseignants voient dans la prescription du travail


hors la classe l’occasion de favoriser le développement, chez les élèves,
de dispositions organisationnelles et d’une autonomie cognitive, qui fait
désormais partie des compétences transversales attendues par l’école
(savoir faire un exercice tout seul, sans l’aide du maitre, sans poser de
questions, avec les seules consignes écrites indiquées, etc.), il semble aller
de soi, pour les parents des vingt familles auprès desquels nous avons
enquêté1, d’être pleinement engagés dans la production des devoirs
Sommaire
de leurs enfants. L’intensité de cet encadrement varie cependant d’une
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

famille à l’autre, notamment en fonction du niveau scolaire des enfants :


plus ces derniers rencontrent des difficultés scolaires, passagères ou
structurelles, plus les parents fournissent un encadrement étroit et plus
l’aide à la réalisation est systématique. Nos parents – qui n’ignorent pas
complètement les attendus scolaires en matière d’autonomie – tentent
de ménager des formes d’autonomie, mais il s’agit de formes très
limitées parce qu’ils ont, au fond, profondément intégré l’idée qu’il est
de leur ressort d’aider à la production d’un travail « bien fait ».

Un grand interventionnisme
Dans la grande majorité des parents enquêtés, l’accompagnement des
devoirs prend la forme d’une intervention systématique à toutes les

1 Thèse de doctorat, Travailler à la maison pour et contre l’école. Les paradoxes


de la mobilisation des familles populaires autour des devoirs, Université Paris
8, CIRCEFT-ESCOL, 2010. L’enquête de terrain a porté sur le suivi d’élèves
principalement scolarisés en CM2, 6e et 5e. Nous avons systématiquement
rebaptisé les enquêtés cités pour des raisons d’anonymat.

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étapes de la production du travail scolaire : réception de la commande


9. Colloque et lancement de la production, aide à la production, contrôle qualité
des 25 et 26
octobre 2010 et aide à la retouche en cas de malfaçon. La distinction entre chargé
Des d’instruction et chargé d’éducation, sur laquelle s’appuient souvent les
témoignages enseignants pour légitimer leurs prescriptions2, est tout simplement
lors des étrangère aux logiques d’accompagnement qui prévalent dans ces
ateliers familles. Plus les enfants rencontrent des difficultés scolaires, passagères
ou structurelles, plus l’accompagnement dont ils bénéficient est intense
9.11. Du côté des
familles : quelle et plus les parents ont tendance à prendre le rôle d’instructeur. La
aide aux devoirs ? description du rituel des devoirs que fait Patrice Rouquette, père d’un
Séverine Kakpo élève en grande difficulté scolaire qui vient d’entrer en sixième, est
typique de cette forme d’engagement parental maximal, qui n’est pas,
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pour autant, un déni complet de l’autonomie cognitive de l’enfant :


Patrice : On vérifie d’abord. Loïc, quand on arrive le soir, sort déjà son
cahier de correspondance et son cahier de textes, voilà, pour voir ce
qu’il y a à faire, et à partir de là, ben il se met sur les devoirs qu’il a à
faire.
Enquêtrice : Il les fait où les devoirs ?
Patrice : Dans sa chambre.
Sommaire
Enquêtrice : Et vous, quand vous dites « on sort le cahier de textes »,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

heu... « on regarde ce qu’il y a à faire », vous êtes là, vous regardez avec
lui ?
Patrice : (Sur un ton catégorique, comme si la question allait de soi) Oui,
oui, ah! Oui.
Enquêtrice : D’accord. Et donc comment ça se passe après, il démarre,
vous êtes avec heu… vous êtes assis à côté de lui ou… ?
Patrice : Ben non, ben non, on le laisse faire, on le laisse faire, une fois
qu’il finit, il nous appelle et on vérifie.
Loïc : Et des fois, je t’appelle quand j’ai pas compris.
Patrice : Voilà, aussi, oui. Quand il ne comprend pas un exercice.

2 cf. Patrick Rayou, Faire ses devoirs, Enjeux cognitifs et sociaux d'une
pratique ordinaire, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

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Enquêtrice : Donc il y a deux choses, il vous appelle parfois pour une


9. Colloque aide… pour pouvoir continuer le travail… et après systématiquement, il
des 25 et 26
octobre 2010 vous appelle pour vérifier ?
Des Patrice : Ah, oui ! Oui, tout à fait.
témoignages Loïc : Et s’il voit une faute : il dit pas, faut que je trouve moi-même la
lors des
ateliers faute.
Enquêtrice : D’accord. (À Loïc) Mais est-ce que tu es obligé de montrer
9.11. Du côté des
familles : quelle
les devoirs en fait ? (À Patrice)Est-ce que vous l’exigez ?
aide aux devoirs ?
Patrice : (Sur le ton de l’évidence) Ben oui. Pour voir s’il a bien fait. Une
Séverine Kakpo
fois que c’est bon, après, on passe à un autre exercice, suivant ce qu’il a
à faire.
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Laurence : Si c’est bien, c’est bien, et si c’est pas bien, ben il refait.
Patrice : Bon alors voilà, s’il sait pas, à ce moment-là, on l’aide
automatiquement, hein? S’il a pas compris, on essaie de comprendre,
jusqu’à ce qu’il ait fait l’exercice de toute façon.
Laurence : On surveille ce qui a été fait.
Enquêtrice : Et à ce moment, vous vous asseyez à côté de lui ?
Sommaire Patrice : Ben oui.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

À toutes les étapes de la production


Nous avons représenté ci-dessous cette première modalité
d’encadrement sous la forme d’un schéma qui se décompose en quatre
étapes de production et dont le code couleur fait clairement apparaitre
la prédominance du contrôle et de l’action des accompagnants
au regard des charges qui incombent effectivement à l’enfant.
La réception des commandes scolaires et la mise en route de la
production constituent une première étape qui engage pleinement le
parent, comme en témoigne, dans le discours de Patrice Rouquette,
la récurrence du pronom personnel « on ». Les commandes sont
traitées les unes à la suite des autres, chacune relevant d’un circuit de
production spécifique. La production du travail est tout d’abord prise en
charge exclusivement par l’enfant : « on le laisse faire, on le laisse faire ».
Mais les marges d’autonomie que ménage ce système sont en fait
extrêmement faibles puisque, dès qu’il en ressent le besoin, il peut faire

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à appel à son accompagnant pour bénéficier d’un bref dépannage ou


9. Colloque d’une remédiation en plus. En outre, c’est l’accompagnant qui contrôle,
des 25 et 26
octobre 2010 en dernier, mais aussi très probablement en premier ressort, la qualité
Des du travail accompli (« on vérifie », « on voit s’il a bien fait »), délivrant
témoignages des certificats de conformité (« si c’est bien, c’est bien ») ou renvoyant la
lors des production en retouche (« si c’est pas bien, ben il refait »). La retouche
ateliers implique deux types d’aides différenciées : soit l’avis de non-conformité
est simplement délivré et l’enfant est invité à débusquer par lui-même
9.11. Du côté des
familles : quelle ses erreurs ou à réapprendre sa leçon s’il ne la connait pas bien, soit l’avis
aide aux devoirs ? ne suffit pas ; une remédiation est alors « automatiquement » proposée.
Séverine Kakpo C’est donc, au final et dans tous les cas, une production conforme, du
moins jugée comme telle, qui est renvoyée aux commanditaires.
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Sommaire
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Figure 1 : circuit de production du travail hors la classe – type 1. En bleu :


responsabilité de l’élève / en orange : responsabilité de l’accompagnement.

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Le système décrit ici est typique de celui mis en œuvre dans la grande
9. Colloque majorité des familles de notre enquête, à la différence près que, le plus
des 25 et 26
octobre 2010 souvent, les devoirs ne sont pas réalisés dans la chambre de l’enfant,
Des quand celle-ci existe, mais plutôt dans les parties communes (cuisine,
témoignages salle à manger, salon). L’ancrage des devoirs au sein des espaces
lors des collectifs n’est pas anodin, d’autant plus que nous avons pu mesurer, par
ateliers ailleurs, le soin pris par les parents pour aménager à l’intérieur de leur
foyer des espaces dédiés à la scolarité. L’ancrage des devoirs dans les
9.11. Du côté des
familles : quelle espaces collectifs du foyer rend compte de l’ampleur des mobilisations
aide aux devoirs ? familiales pour l’école en même temps qu’elle en souligne les limites,
Séverine Kakpo puisqu’elle agit comme l’indice d’une sorte de rendez-vous manqué
avec l’autonomie attendue par l’école.
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L’engagement systématique des parents dans la production des devoirs


relève d’une telle évidence pour la grande majorité de nos parents qu’il
n’y a guère qu’une situation exceptionnelle qui puisse les en empêcher.
C’est le cas de la séance de travail que nous avons observée dans la
famille Ustafi, puisque le maitre de Samira (CE2), la plus jeune de ses
filles, avait, ce jour-là, explicitement demandé à la maman, Radia, de
ne pas prendre part à la production des devoirs de sa fille, qui avait un
Sommaire contrôle d’histoire à rattraper. À peine installée sur la table basse du
salon devant ses cahiers, Samira s’est aussitôt mise à interagir avec sa
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

mère, et avec nous, dans l’espoir d’obtenir quelque aide pour remplir sa
fiche :
Samira : Maman, je comprends pas ! (Lisant la consigne) : « Utilise des
couleurs pour regrouper les informations de chaque ». De chaque quoi ?
De chaque homme préhistorique… ? Je ne comprends pas.
Radia l’écoute en souriant, mais n’intervient pas.
Samira : L’australopithèque, il a vécu à cette période d’années et je
comprends pas…
Radia : Mais c’est un contrôle ! On va pas tricher ! Tu relis, tu relis la
question, tu relis jusqu’à ce que…
Samira : (S’adressant à l’enquêtrice) « Homo sapiens », c’est ici… ?

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Contrat explicite et contrat implicite


9. Colloque
des 25 et 26 Le contrat explicite et hors-norme qui régit cette séance permet
octobre 2010 de mettre indirectement en évidence la nature du contrat implicite
Des qui régit au quotidien le traitement des devoirs. Il permet aussi
témoignages d’appréhender toute l’ambivalence des enseignants qui, par ce genre
lors des de consigne, légitime les aides à la production de tous les jours, tout
ateliers en sachant pertinemment que tous les parents ne sont pas en mesure
9.11. Du côté des de les prodiguer. En dehors d’une situation exceptionnelle de ce type, il
familles : quelle est donc complètement impensable, pour les parents de notre enquête,
aide aux devoirs ?
de ne pas répondre aux demandes d’aide de leurs enfants. Ils ne se
Séverine Kakpo
représentent pas que des devoirs faux ou partiellement faits pourraient
être un indice de difficulté dont pourraient se saisir les enseignants,
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lors de la correction, pour procéder à des remédiations. Celles-ci sont


proposées in situ de façon à expédier vers la classe un travail le plus
conforme possible.
Si ce premier type d’encadrement laisse objectivement très peu de
place à l’autonomie cognitive des élèves, il convient de souligner
que les parents qui prodiguent ce type d’accompagnement ont,
paradoxalement, relativement bien intériorisé les attentes de l’école en
Sommaire matière d’autonomie. Comme en atteste leur souci de ménager des
phases de travail solitaire, ils semblent avoir intégré que l’apprentissage
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

passe par une certaine forme d’incertitude et que cette incertitude sert
la construction de certitudes. Tous affichent leur volonté de ne pas
perturber la distribution des rôles et des responsabilités dans le jeu
didactique construit par les enseignants. Ils sont d’ailleurs nombreux
à déplorer la faible autonomie de leurs enfants, c’est le cas de Rachida
Ouazani qui constate le net fléchissement des résultats de sa fille (6e)
depuis qu’elle est tombée malade3 et qu’elle a moins de temps et
d’énergie à consacrer au suivi de son travail :
Rachida : Pour le travail, il faut que je sois toujours derrière elle ! […] Je
dis il faut qu’elle prenne, comme on dit, sa responsabilité, quand même
un petit peu. Faut qu’elle compte sur elle, elle compte pas toujours
sur moi. Voyez l’exemple, là, les trois mois que j’étais malade, voilà les
résultats. Parce qu’avant, moi, je lui dis avant, à chaque fois qu’elle
ramène une bonne note, premier trimestre, je lui dis : « C’est moi qui ai
3 Rachida a découvert trois mois plus tôt qu’elle souffrait d’un cancer du sein.

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travaillé, c’est pas toi ». Elle me dit : « Oh, arrête, arrête, maman ! C’est
9. Colloque moi que je fais ! » Alors, là, la preuve, voilà, quand j’ai pas travaillé avec
des 25 et 26
octobre 2010 elle, la preuve voilà !
Des Rachida pointe, non sans acuité, les limites de l’accompagnement qu’elle
témoignages dispense, puisqu’elle s’attribue le mérite des bonnes notes que Samira a
lors des pu récolter au premier trimestre et voit dans la chute des résultats de sa
ateliers fille aussi bien les conséquences de sa moindre disponibilité que l’indice
9.11. Du côté des de son très faible degré d’autonomie.
familles : quelle
aide aux devoirs ? Un travail « bien fait »
Séverine Kakpo
En dépit d’une relative intériorisation des attentes de l’école en matière
d’autonomie, c’est la nécessité de faire produire « bien » qui prime,
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aux yeux des parents, plutôt que celle de faire produire « seul » les
commandes scolaires. Si cette nécessité s’impose avec autant de force,
c’est pour des raisons qui touchent aussi bien à la conception que les
parents se font des devoirs et de leur rôle, qu’aux enjeux éducatifs et
sociaux qui s’attachent à leur traitement. Si les devoirs doivent être
« bien faits », c’est d’abord parce que les parents croient en leur potentiel
d’efficacité et qu’ils se considèrent comme garants de l’appropriation
des savoirs qui circulent entre école et maison. Plus leurs enfants vont
Sommaire
rencontrer des difficultés pour faire leurs devoirs, plus ils vont donc
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

endosser le rôle d’instructeur, en procédant à des remédiations plus ou


moins approfondies. Si les devoirs doivent être « bien faits », c’est aussi
parce que les parents trouvent, dans le traitement du travail hors la
classe, l’occasion d’inculquer des valeurs de persévérance et d’ascétisme
à leurs enfants. Il ne saurait donc être question de réponses fausses
et de travail inachevé. Ils y trouvent aussi le moyen de rassurer leurs
enfants et de les encourager. Enfin, à travers les devoirs, c’est leur propre
image d’éducateur qui est en jeu et qui se trouve soumise au regard
des enseignants, au sein d’un système fait d’interdépendance, mais
aussi de domination et qui expose toujours l’individu au risque d’une
stigmatisation. Renvoyer des devoirs « bien faits » à l’école, c’est s’assurer
une bonne presse auprès d’enseignants toujours enclins à considérer
comme « démissionnaires » les familles des catégories populaires. Le
renvoi d’une production conforme, ou jugée comme telle, participe
donc d’une véritable opération de communication.

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Tous ces motifs hétérogènes et pas toujours explicites convergent


9. Colloque donc pour faire des parents de notre enquête des sous-traitants
des 25 et 26
octobre 2010 particulièrement zélés. Or, si les parents de notre enquête sont très
Des fortement mobilisés autour des devoirs, ils sont aussi peu, voire très
témoignages faiblement dotés, en matière de capitaux scolaires et cultures légitimes.
lors des
ateliers Séverine Kakpo
Université Par is 8, CICERFT-ESCOL.
9.11. Du côté des
familles : quelle
aide aux devoirs ?
Séverine Kakpo
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Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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9. Colloque 9.12.L’accompagnement
des 25 et 26
octobre 2010 en lycée, sur le terrain
Des
témoignages Françoise Colsaët
lors des
ateliers L'accompagnement personnalisé désigne désormais un dispositif
institutionnel au lycée. Comment l'insérer dans l'existant, faire
avec les moyens du bord pour élaborer un fonctionnement
nouveau, imaginer d'autres possibles ? Qu'est-ce qui doit
relever de l'initiative des acteurs, d'un cadrage national ?
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La réforme du lycée général et technologique qui se met en place


prévoit que « chaque élève bénéficie, de la seconde à la terminale, de
deux heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé incluses
dans l’horaire élève ».
Dans l’histoire de mon établissement, une expérience de classe
innovante1 (2de Cirse, supprimée du fait de l’arrivée la réforme…) avait
diffusé dans d’autres classes des pratiques d’aide, de concertation, dont
Sommaire certaines ressemblent à ce qui est demandé pour l’accompagnement
personnalisé : suivi, aide à l’orientation, aide méthodologique.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Les choix : la mise en place par « l’équipe éducative »


Les enseignants qui adhéraient à ces projets passés ont souhaité
réinvestir leurs compétences acquises, et constituer des équipes
d’accompagnement personnalisé dans quelques-unes des onze
classes de seconde. D’autre part, le chef d’établissement, sincèrement
convaincu, mais conscient des oppositions prévisibles d’une bonne
partie des enseignants assez « réactifs », n’a pas voulu jeter de l’huile
sur le feu : il a donc proposé des choix assez neutres (par exemple, une
reconduction des dédoublements à l’identique de ce qui existait, pour
les matières « tronc commun »), mais essayé de créer des conditions
favorables (trois profs pour deux classes en LV, avec ou sans travail en
groupes de compétences). Pour l’accompagnement personnalisé, il a
mis en place quatre heures profs pour deux heures élèves, en prenant
1 cf. Françoise Colsaët – « "Doubler autrement", dix ans plus tard », « Quelles
alternatives au redoublement ? », HSN des Cahiers pédagogiques n°19.

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sur les moyens de dédoublement ; il a donné son accord aux équipes


9. Colloque volontaires, et compte sur leur exemple et leur capacité de conviction
des 25 et 26
octobre 2010 pour entrainer les autres.
Des Mais on ne peut pas parler d’équipe pédagogique au niveau de
témoignages l’établissement. Le conseil pédagogique a été réuni formellement,
lors des mais n’a pas décidé d’une uniformisation des pratiques dans toutes les
ateliers classes : ceux qui veulent font, les autres, du moment qu’on leur fiche la
9.12. L’accompa- paix, ne disent trop rien.
gnement en ly-
cée, sur le terrain Cette année, donc, trois équipes (de trois à cinq personnes)
Françoise Colsaët réinvestissent des pratiques qu’elles développaient déjà auparavant.
La principale difficulté pour elles est, pour l’instant, la concertation au
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sein de chaque équipe, qui ne dispose pas de temps spécifique. Elles


bricolent en utilisant des échanges par mail ou des réunions fréquentes
« hors » temps de travail.
Dans les autres classes, les heures d’accompagnement personnalisé ont
été attribuées aux professeurs de français et de maths, sur proposition
(par défaut) du proviseur, et sans opposition visible des collègues.
Elles sont utilisées pour faire un travail strictement disciplinaire en
demi-classe, et tous les élèves n’ont pas régulièrement deux heures
Sommaire
d’accompagnement personnalisé. Cette « solution » préserve la paix
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

dans l’établissement, en désamorçant les oppositions de ceux qui


déplorent la suppression des heures d’aide individualisée qui existaient
en maths et en français, mais elle est la porte d’entrée de la dissolution
de la réforme...
Notons que la complexité des emplois du temps du lycée, encore
accentuée par cette réforme, fait que ces heures d’accompagnement
personnalisé ont été placées où on a pu, sans aucune considération
possible de barrettes ou d’efficacité.

Les « contenus » de l’accompagnement personnalisé : aide et


approfondissement, méthodes et autonomie, suivi et orientation
Nos projets précédents avaient développé des pratiques que nous
transposons en accompagnement personnalisé, dans les trois classes où
une équipe existe :

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• des pratiques d’aide méthodologique systématique, pour tous,


9. Colloque ou quand le besoin apparait : organiser son travail personnel,
des 25 et 26
octobre 2010 « apprendre sa leçon », réviser un DS, lire un énoncé, etc. ;
Des • du tutorat systématique : en Cirse, c’était un tuteur pour sept élèves,
témoignages entretiens réguliers sur tous les sujets;
lors des
ateliers • des activités de type projet interdisciplinaire, avec des objectifs de
mise en valeur de compétences marginales dans les autres cours
9.12. L’accompa- (oral, recherche documentaire, etc.).
gnement en ly-
cée, sur le terrain Mais les pratiques de ce type dans le cadre de l’accompagnement
Françoise Colsaët personnalisé nous posent quelques problèmes.
• L’aide méthodologique n’a de sens que si les méthodes ainsi
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construites (par exemple pour « apprendre ») sont cohérentes avec


les attentes des enseignants non impliqués dans l’accompagnement
personnalisé ;
• Le tutorat ne peut pas être réalisé avec la même intensité avec les
moyens en temps d'enseignement que nous avons ;
• La mise en place de l’accompagnement personnalisé a fait
disparaitre les heures d’aide individualisée qui étaient un moyen
Sommaire souple de différenciation. Au-delà des réactions comme « on nous
a piqué notre heure d’aide individualisée », cette heure était utile.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

L’accompagnement personnalisé est moins souple, comment la


concevoir pour qu’elle permette aussi ce type d’aide, utile à certains
élèves ?
• Les textes officiels sur l’accompagnement personnalisé parlent d’aide
à l’orientation : ce problème-là est très compliqué (en seconde). Si
le rôle de l’accompagnement personnalisé est de donner du temps
pour la recherche d’informations pour l’ouverture sur des possibles,
pourquoi pas. Mais ce type d’apports suppose une compétence
qui reste à construire pour beaucoup des enseignants. Par ailleurs,
le rôle du professeur principal est alors amené à changer. Nous
tâtonnons sur ces aspects, même si dans les trois classes concernées,
le professeur principal est partie prenante de l’accompagnement
personnalisé.

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Des interrogations
9. Colloque
des 25 et 26 Les textes demandent de répondre aux attentes et aux besoins de
octobre 2010 chaque élève. Dans nos pratiques actuelles, le repérage des besoins
Des est très imparfait, seulement étayé par les évaluations disciplinaires de
témoignages quelques-uns d’entre nous, et par les entretiens avec les élèves que nous
lors des faisons dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. Il ne permet
ateliers certainement pas d’identifier de façon assez fine les besoins.
9.12. L’accompa- De plus, on peut s’interroger sur les attentes des élèves : les élèves
gnement en ly-
cée, sur le terrain ne sont pas demandeurs à priori, et ces deux heures « en plus » sont
Françoise Colsaët au mieux acceptées, au pire subies... À la rentrée, les élèves, tout en
appréciant les entretiens qui leur permettent d’être pris en compte
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individuellement, souhaitent avant tout ne pas être « positionnés » et


ne pas mentionner de demandes particulières.
Nous avons choisi que l’accompagnement personnalisé soit fait, dans
chaque classe, par des enseignants de la classe. Nous pensons aussi
qu’il est nécessaire de connaitre les élèves pour travailler sur le projet
d’orientation en particulier. Les discussions auxquelles j’ai participé
dans l’atelier sur l’accompagnement en lycée lors du colloque du
CRAP ont fait apparaitre des choix très différents : accompagnement
Sommaire
personnalisé utilisé pour faire des « ateliers », déconnectés des autres
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

matières, permettant par exemple de motiver ou remotiver des élèves,


de créer une ouverture culturelle, etc. Je pense qu’il faut s’interroger
sur les conceptions très différentes du rôle de l’accompagnement
personnalisé qui sous-tendent toutes ces pratiques. Ces choix doivent-
ils être encadrés par les textes nationaux ? Relèvent-ils de l’autonomie
des établissements dans le cadre du conseil pédagogique et du CA ?
Relèvent-ils même de la « liberté pédagogique » de chaque enseignant,
comme l’entendent certains ? Ces questions seront posées à nouveau,
et plus encore, par l‘introduction de l’accompagnement personnalisé en
première et terminale.
La mise en place de l’accompagnement personnalisé, dans mon lycée,
se fera progressivement. Les lacunes du fonctionnement actuel me
semblent souligner le rôle essentiel que devrait avoir une organisation
collective qui ne peut naitre qu’avec l’impulsion forte d’une équipe
de direction qui écoute et recherche le consensus, en apportant des

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réponses aux problèmes, et des choix d’organisation simples et qui


9. Colloque prennent en compte le temps de concertation. Certaines contraintes ne
des 25 et 26
octobre 2010 dépendent pas du niveau de décision des établissements, et il faudrait
Des qu’un pilotage de la réforme au niveau national permette de les ajuster.
témoignages L’accompagnement personnalisé, si on veut le prendre au sérieux
lors des et éviter qu’il ne soit dénaturé comme l’ont été tant d’innovations,
ateliers demande un changement profond du rôle des enseignants : cela ne
9.12. L’accompa- peut venir qu’à long terme et cela doit être pris en compte dans la
gnement en ly- réflexion sur une nouvelle façon de définir le service des enseignants.
cée, sur le terrain
Malgré tout cela, l’introduction de l’accompagnement personnalisé,
Françoise Colsaët
comme des enseignements d’exploration bi- ou multidisciplinaires, est,
à mes yeux, la seule « chance » de faire évoluer le métier en lycée.
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Françoise Colsaët
Professeure de mathématiques en lycée à Cavaillon ( Vaucluse)

Sommaire
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

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9. Colloque Deux contributions de


des 25 et 26
octobre 2010 participantes
Accompagner en
9.13.
dehors de la classe
Roxane Caty-Leslé
Dans la banlieue lyonnaise, le lycée professionnel Becquerel
a initié depuis 2006 une classe « Procédure alternative à
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la suspension scolaire » (Pass). Bel acronyme ! Mais aussi


euphémisme pour « prévention et lutte contre le décrochage » à
travers un accompagnement et un suivi diversifiés des élèves.

En 2006, un diagnostic fait pendant un audit d’établissement révèle,


par des chiffres, de nombreux décrochages, un absentéisme important.
Évelyne, une professeure de français, invite dans l’établissement une
équipe innovante de l’académie de Rouen. En s’inspirant de leurs récits
Sommaire
et soutenue par l’équipe de direction, elle impulse la Pass. Le projet
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

s'inscrit dans le cadre de l'article 341 de la loi d'orientation de 2005, et


c'est en ma qualité d'accompagnatrice de Pasie2 que j'y suis associée.
Depuis, la classe Pass a changé de nom ; elle est devenue « Espace
coaching », avec un logo, pour signifier que ce n’est pas une classe, mais
un espace, un lieu spécifique, avec un personnel pour le prendre en
charge.

1 Extrait de cet article 34 : « Sous réserve de l'autorisation préalable des


autorités académiques, le projet d'école ou d'établissement peut prévoir la
réalisation d'expérimentations, portant sur l'enseignement des disciplines,
l'interdisciplinarité, l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de
l'établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les
échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d'enseignement
scolaire. Ces expérimentations font l'objet d'une évaluation annuelle. »
2 Pôle académique de soutien à l'innovation et à l'expérimentation
de l'académie de Lyon. Le Pasie a créé de nombreux outils
d’évaluation d’actions, mis à disposition sur son site.

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Les points forts


9. Colloque
des 25 et 26 • Une professeure, cinq assistants pédagogiques qui se consacrent
octobre 2010 exclusivement à la classe Pass, l’équipe de direction, particulièrement
Deux la proviseure adjointe, le professeur principal de chaque équipe
contributions pédagogique, la CPE, l’infirmière, l’assistante sociale, la documentaliste :
de tous, à des degrés divers, avec une régularité et une motivation
participantes variables, conjuguent leurs compétences et leurs actions ;
9.13. Accompa- • Le groupe de pilotage a la fonction essentielle de rechercher des
gner en dehors
de la classe moyens humains et financiers, de dresser des bilans, de réunir l’équipe,
Roxane d’assister aux rencontres avec le Pasie. Le lycée a vu se succéder en
Caty-Leslé quatre ans deux proviseures adjointes, par chance, très impliquées
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dans le projet ;
• Un lieu d’accueil consacré à l’Espace coaching. Aujourd’hui, ce
lieu est identifié par la plupart des élèves comme un lieu refuge
chaleureux. Il est aménagé de telle sorte qu’il ne ressemble pas à
une classe : des tables et non des bureaux, rangées en rond, un
espace café, un espace ordinateur. Ceux qui y viennent relèvent
d’une sanction exclusion / inclusion temporaire, de difficultés scolaires
méthodologiques ou cognitives signalées par le professeur principal,
Sommaire
d'un absentéisme perlé ; d'autres sont en recherche d'un stage, ou
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

encore volontaires au soutien scolaire ;


• Une cellule de veille est devenue un dispositif de repérage
indispensable dans la lutte contre le décrochage scolaire. C’est une
réunion mensuelle où chaque enseignant ou personnel d’encadrement
donne son avis et propose des solutions pour les élèves en difficultés
cognitives, sociales ou comportementales qu’ils ont repérées dans leur
classe. Ce dispositif permet l’enrôlement des professeurs principaux
dans le traitement des élèves, et ainsi la fédération des enseignants
autour du problème de décrochage. Il permet aussi de faire connaitre
plus avant les objectifs et le fonctionnement de l’Espace coaching ;
• Des outils d’observation et de suivi des élèves, destinés aux
professeurs principaux, aux élèves ; des fiches de motivation inventées,
réinventées, régulées par les assistants pédagogiques ; des plannings ;
des documents d’évaluation et des réunions hebdomadaires pour
transmettre l’information et faire le point : ce sont des outils de

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communication entre adultes, et aussi d’information, diffusés dans le


9. Colloque lycée, appelés à évoluer et parfois à être abandonnés parce que trop
des 25 et 26
octobre 2010 sophistiqués ou inutilisables.
Deux Les effets attendus et leur évaluation
contributions
de Les assistants pédagogiques restent en moyenne deux ans, mais, chose
participantes étonnante, les personnes restent toujours aussi mobilisées. Peut-être
est-ce dû à la personnalité de l’enseignante à l'origine du projet ?
9.13. Accompa-
gner en dehors Très souvent, les équipes « montent » un projet sans savoir mettre en
de la classe
mots les objectifs ou ce qu’elles attendent. Elles travaillent d'abord
Roxane
surtout par intuition. Lors des rencontres entre l'équipe et le Pasie,
Caty-Leslé
trois ou quatre fois par an, nous avons recherché ces effets attendus,
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confondus avec les objectifs à atteindre.


Ils sont tout à fait banaux et en même temps très circonstanciés au
contexte du lycée : retrouver le gout d’apprendre, l’estime de soi,
améliorer le climat dans la classe au retour des élèves, permettre aux
élèves et aux professeurs de travailler dans de bonnes conditions
en accueillant dans la classe Pass les élèves perturbateurs du cours,
d’accueillir les élèves exclus en temporisant leurs émotions, et enfin
Sommaire permettre un soutien scolaire temporaire.
Nous avons ensuite déterminé les domaines à observer : les élèves,
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

leurs résultats et leurs comportements ; les effets sur les élèves et les
personnels, les effets sur les parents.
Après avoir défini les critères et les indicateurs (amélioration des
résultats, de la fréquentation scolaire), l’équipe s’est attachée à faire une
enquête, à la fois quantitative par l’observation des chiffres statistiques
donnés par la CPE, et qualitative par l’écoute et l’observation informelle
des dires des enseignants, des dires des élèves et des retours des
parents.
Mais tout cela demande beaucoup de temps. Si l’équipe semble avoir
compris les bienfaits de l’évaluation sur le changement des pratiques,
elle commence, cette année seulement, l’enquête. Il leur a semblé
plus important pendant ces quatre ans de répondre aux problèmes
immédiats. Comment faire du soutien qui ne soit pas que répétition ?

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Comment être à l’écoute de ces jeunes quand ils arrivent et quand ils
9. Colloque partent de l’Espace ?
des 25 et 26
octobre 2010 Évaluation de l’expérimentation en
Deux termes de « forces/faiblesses »
contributions
de Ce qui s’observe, c’est que les élèves viennent spontanément
participantes demander de l’aide pédagogique en soutien. Ils ont compris que leurs
comportements inadéquats en classe dépendent de leurs lacunes
9.13. Accompa-
scolaires, que ces lacunes ne sont pas stigmatisées et stigmatisantes,
gner en dehors
de la classe que l’Espace coaching est un lieu d’aide pour retrouver l’estime de
Roxane soi et tenter de pallier ces lacunes ou comportements inadéquats. La
Caty-Leslé qualité de l’écoute et de l’accueil détermine une posture idoine chez les
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assistants, qui ont suivi une formation à l’écoute active.


Par ailleurs, l’enseignement sous forme de soutien n’est dispensé que par
des assistants pédagogiques. Ce qui peut paraitre comme faiblesse peut
se transformer en force. Au risque de dépossession des enseignants,
c'est un atout en ce sens qu’il peut réconcilier l’élève avec les savoirs
scolaires.
La faiblesse du dispositif, c’est qu’il ne résout, auprès des élèves, que des
Sommaire problèmes ponctuels et à court terme : l’accueil et le maintien au lycée.
Il reste à répondre à d’autres questions. Comment aider les élèves
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Pass à réintégrer le cours ? Et comment aider les enseignants à savoir


accueillir l’élève au sortir de l’Espace coaching ? Comment continuer à
faire du lien entre la classe habituelle et l’Espace coaching ? L’équipe a
quelques réponses, le renseignement systématique par les professeurs
principaux des fiches de suivi. Sur ce point, il reste à inventer des outils
plus pertinents. Tout ne marche pas comme on voudrait.
Tout n’est pas gagné, même si et surtout parce que je me suis laissé dire
que certains élèves agissaient volontairement en classe pour se faire
exclure et aller dans l’Espace coaching !

Roxane Caty-Leslé
Accompagnatr ice en expér imentation au Pasie de l'académie de Lyon
l'Espace coaching
Logo de

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9. Colloque 9.14. On a pris le temps…


des 25 et 26
octobre 2010 Geneviève Pezeu
Deux
contributions Des débuts de l’accompagnement personnalisé en lycée,
de bien compliqués... Il faut de l’inventivité pour faire face
participantes à divers problèmes d'organisation, en particulier dans
la communication entre les personnes impliquées.

La mise en œuvre de la réforme du lycée ne fut pas bien accueillie


dans mon établissement. Le conseil pédagogique n’était que formel
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et la direction préféra proposer, ou imposer (comme on l’entend...) un


calendrier qui organise l’accompagnement personnalisé en quatre
temps sur l’année. La première période, correspondant au premier
trimestre, a pour objectif d’aider l’intégration des élèves repérés par leur
collège d’origine comme en difficultés ou fragiles.
Dès la deuxième semaine de la rentrée, j’ai accueilli six élèves d'une
classe de seconde pour une heure d’accompagnement personnalisé,
alors qu’une autre collègue était chargée de la deuxième heure.. Ni
Sommaire
l’une ni l’autre n'étions les enseignantes de cette classe. Nous ne nous
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

connaissions pas non plus ! Heureusement, notre rencontre pour nous


organiser fut fructueuse, agréable, nous nous sommes retrouvées sur
la même longueur d’onde. Nous étions volontaires pour intervenir
en accompagnement personnalisé, même s’il n’était pas individualisé
comme nous l’avait fait croire notre ministre.
Qu’allions-nous faire ? Commencer par de l’accueil en donnant du temps
aux quelques élèves pour se présenter, visiter le lycée comme un jeu de
piste, réfléchir, dans le cadre d'une animation collective, à « Qu’est-ce
qu’apprendre ? ». Ensuite, on a pris le temps de donner un sens à leur
position dans le lycée : « Pourquoi j’y suis ? Qu’est-ce que j’attends de
ma scolarité ? »
Bref, nous avions des idées, et elles ont bien fonctionné jusqu’à
maintenant. Nous avions la chance de n’avoir que six élèves qui, en fait,
étaient très complémentaires, car un des collèges du bassin avait envoyé
tous ses élèves en besoin d’aide, ce qui nous a donné deux élèves de

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« bon niveau ». L’une des deux était très participante, et pourtant elle
9. Colloque est arrivée tardivement, car les parents étaient réticents : « Pourquoi ma
des 25 et 26
octobre 2010 fille ? Elle est une bonne élève ! ».
Deux À la veille des vacances de la Toussaint, ces derniers ont été retirés du
contributions groupe, huit autres élèves de cette classe ayant été détectés par leur
de professeur comme ayant besoin d’aide, de soutien, d’accompagnement…
participantes Nous n’avions aucune possibilité de savoir quels étaient ces besoins,
9.14. On a pris quelles étaient les motivations des professeurs qui les envoyaient. Et
le temps… nous devions retravailler sur l’accueil et le sens de l’accompagnement
Geneviève Pezeu personnalisé auprès des « nouveaux élèves » avant de pouvoir répondre
aux besoins qu’ils allaient devoir exprimer eux-mêmes.
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Mon premier diagnostic au contact de ce nouveau groupe : leur difficulté


à se projeter dans leur apprentissage. Ils n’avaient pas de stratégies
pour organiser leur travail personnel. Communiquer entre eux, à cinq
élèves, sur ce que leurs professeurs leur avaient donné comme travail
personnel pour la semaine à venir, a pris vingt minutes. On peut alors
s’inquiéter et se donner, en tant qu’accompagnatrice, l’objectif de le leur
faire faire systématiquement.
Il faut aussi réussir à comprendre leurs besoins. Est-ce des difficultés
Sommaire
d’organisation méthodique ? Des lacunes dans une ou des matières ?
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Comment satisfaire les attentes de ces douze « nouveaux » élèves ? Pour


l’instant, j’imagine les regrouper selon leurs besoins pour stimuler une
réflexion coopérative et de l’entraide en ayant le rôle de régulatrice. Je
voudrais qu’ils ressentent la nécessité de leur autonomie en se prenant
en charge. Même si l’autre jour je me suis remise à l’anglais, même s’ils
doivent au retour des vacances me monter qu’ils ont bien appris la
tirade du « nez » de Cyrano , même si je vais devoir relire des consignes
de mathématiques, même si… ? Comment évaluer la pertinence de
mon accompagnement ?
De toute façon, à partir de janvier, c’est une nouvelle période. Nous
accueillerons tous les élèves de la classe pour travailler (en demi-groupe)
sur leur orientation scolaire et professionnelle.

Geneviève Pezeu
Professeure d'histoire - géographie en lycée à Évr y (Essonne)

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9. Colloque Lecture finale du colloque


des 25 et 26
octobre 2010 9.15.L’accompagnement :
vecteur de transformation
de l’école ?
Françoise Clerc
Françoise Clerc a bien voulu conclure notre colloque, en
replaçant magistralement la notion d'accompagnement
dans les évolutions de fond de l'école.
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Le terme d’accompagnement n’est pas spécifique à la pédagogie. C’est


une des raisons probables du brouillage conceptuel qui préside aux
échanges sur les différentes formes d’accompagnement actuellement
mises en place à l’Éducation nationale. Ensemble de pratiques importées
d’autres domaines d’activité (artistique, religieux, travail social, médecine,
justice…), élaborées dans des contextes de cultures professionnelles
Sommaire très différents, les contours de l’accompagnement en éducation et
pédagogie sont difficiles à cerner. Il n’est donc pas étonnant que, dans
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

un rassemblement de professionnels de l’éducation de divers horizons,


les interprétations varient sensiblement, mettant tantôt l’accent sur la
dimension du soutien aux apprentissages pour les élèves en difficulté
dans une perspective de remédiation, tantôt sur la dimension éducative
du développement de la personne ou de la prise en compte des
parcours de tous les élèves à l’intérieur du système ; interprétant tantôt
la personnalisation comme une individualisation, tantôt au contraire
comme une invitation à multiplier les interactions non seulement
avec des adultes référents, mais aussi avec les autres élèves en vue de
développer la solidarité et l’entraide intra-générationnelle.
Il n’est donc pas superflu de s’interroger sur le sens des textes qui
en font usage. Cette interrogation doit nous conduire à considérer
l’ensemble du système et à observer que plusieurs mots sont désormais
liés entre eux : accompagnement, parcours, compétence. C’est dans ce

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lien qu’il faut tenter de trouver le sens des évolutions en cours dans le
9. Colloque domaine de l’éducation et de la pédagogie, évolutions qui dépassent le
des 25 et 26
octobre 2010 territoire national et questionnent, bien au-delà de l’école française, la
Lecture finale plupart des pays riches ou en voie de le devenir.
du colloque De quoi s’agit-il ?
De rien moins qu’un changement de paradigme pédagogique
que certains peuvent interpréter comme une fin de la pédagogie
9.15. L’accom-
pagnement : différenciée1 – en tant que tentative pour introduire dans les pratiques
vecteur de quotidiennes des exigences liées à l’égalité des droits à l’éducation – ou
transformation
que l’on peut considérer, au contraire, comme une résurgence de cette
de l’école ?
tentative, reconfigurée dans un contexte nouveau, celui de la « société
Françoise Clerc
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des agendas » décrite par Jean-Pierre Boutinet, avec ses paradoxes et


ses apories2. L’enjeu est donc de taille : préparer les élèves à faire face
à une organisation sociale qui porte à la soumission aux contraintes
économiques, apprendre à surmonter les paradoxes et à contourner
les apories, construire des outils mentaux pour analyser, comprendre,
prendre une distance critique et agir dans un monde mouvant et
complexe.

Sommaire L’accompagnement ne se laisse réduire à


aucune des pratiques qui le composent
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Il ne se réduit pas à la « remédiation » réservée aux élèves en difficulté.


En raison de sa dimension temporelle liée aux parcours tout au long
de leur scolarité et de leur ouverture vers leur devenir post-scolaire
(enseignement supérieur, formation tout au long de la vie), il concerne
tous les élèves, qu’ils soient ou non en difficulté. C’est l’interprétation
la plus intéressante du socle commun : introduire une référence pour
suivre, conseiller tous les élèves – c’est en cela qu’il est commun – dans
leur trajectoire scolaire.
Cependant, certains enseignements directement transférables à
l’accompagnement peuvent être tirés à la fois des réussites et des
échecs des pratiques d’aide et de soutien.

1 Voir la contribution de Jean Houssaye dans ce hors-série,


qui reprend son intervention au colloque du CRAP.
2 Voir la recension de Richard Étienne dans le n° 438
des Cahiers pédagogiques, décembre 2005.

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Chaque partenaire de l’action pédagogique (élèves, parents, équipes


9. Colloque pluri-catégorielles dans l’établissement) doit s’investir, avec ses moyens
des 25 et 26
octobre 2010 propres, dans un « engagement formalisé ». C’est la condition sine
Lecture finale qua non pour que l’accompagnement ne sombre pas dans une dérive
du colloque compassionnelle de la part des éducateurs ou la passivité de la part
des élèves. La prise en charge doit être collective par une équipe
pluri-professionnelle. Elle ne doit pas dépendre d’un choix personnel
d’un enseignant, même désireux de bien faire, ce qui aurait pour
9.15. L’accom-
pagnement : effet de restreindre les ressources pour agir efficacement et de priver
vecteur de l’intervenant du soutien de ses pairs. Nous savons également que,
transformation
de l’école ? paradoxalement, l’individualisation n’a pas eu les effets bénéfiques
Françoise Clerc attendus, car elle ramène l’élève à ses seules ressources et accroit
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

les enjeux relationnels, sans pour autant modifier durablement les


hiérarchies scolaires3. Enfin, l’expérience montre que les évaluations
traditionnelles, plus centrées sur les résultats et les performances que
sur les processus de construction des compétences, peinent à rendre
compte des progrès, même lorsqu’ils sont réels, accomplis par les élèves
dans les dispositifs parallèles. Il faut donc introduire de façon massive
d’autres formes d’évaluations (formatives et formatrices) susceptibles
de servir de référence pour faire apparaitre les besoins d’apprentissage
Sommaire
et développer des formes d’autonomie plus grande tout au long de la
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

scolarité.

L’accompagnement ne se réduit pas non plus au tutorat


Il a un impact direct ou indirect sur l’ensemble de la vie scolaire,
sur l’orientation et sur la politique éducative de l’établissement. La
responsabilité des élèves dans la vie collective et dans la conduite des
apprentissages doit être reconnue, pas pour « les mettre face à leurs
responsabilités » – en réalité, les « coincer » et les culpabiliser –, mais
pour leur faire apprendre par l’expérience les règles de la vie en société,
reconnaitre la valeur des initiatives, se donner une chance de recueillir
leur adhésion et adapter le travail pédagogique aux réalités de l’enfance
et l’adolescence.

3 Françoise Clerc, Claude Rebaud, « L’Aide individualisée : une recherche-


action en classe de seconde au lycée François-Mauriac », Éducation
et devenir, 2006. En vente sur le site d'Éducation & Devenir.

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Si, comme le tutorat, l’accompagnement requiert une posture


9. Colloque professionnelle particulière – le « côte à côte », selon le mot de
des 25 et 26
octobre 2010 Philippe Meirieu –, il ne se réduit pas à l’interaction entre un adulte et
Lecture finale un élève ou plutôt il étend la relation d’étayage au groupe d’enfants
du colloque capables de s’entraider, de se stimuler mutuellement. Logiquement,
l’accompagnement entraine aussi un partage des valeurs dans la vie
quotidienne et ne peut se satisfaire d’injonctions verbales qui sont
souvent interprétées comme : « Fais ce que je te dis, mais ne fais pas ce
9.15. L’accom-
pagnement : que je fais », maxime aux effets dévastateurs dans la relation éducative.
vecteur de Il entraine également une réévaluation des formes de l’autorité et la
transformation
de l’école ? mise en place de structures d’écoute où s’impliquent non seulement
Françoise Clerc l’adulte référent, mais l’ensemble de la communauté éducative.
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Enfin, en raison de la nouvelle conception des parcours – qui doit


être prise au sérieux dès lors qu’on se réfère à la construction des
compétences pour décrire à la fois l’activité mentale des élèves quand
ils apprennent et les finalités de leur éducation – il faut entrer dans une
nouvelle problématique de l’orientation. Il s’agit d’abord de sortir de la
croyance au « projet d’orientation » qui postule qu’un adolescent jouit
d’une liberté de choix et planifie sa vie scolaire en fonction d’une finalité
Sommaire susceptible d’être clarifiée ici et maintenant. L’accompagnement, au
contraire, intègre l’idée de l’incertitude, de la fluctuation des gouts, des
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

envies, d’un horizon des études encore flou, et donc impose la nécessité
d’une aide à la réflexion et à la prise de conscience, d’un recours pour
trouver un appui fiable en cas de désarroi, d’un regard positif pour
encourager. La logique des parcours est tout le contraire de l’approche
volontariste du projet. C’est pourquoi elle ne peut prendre sens que dans
un réaménagement des curriculums4. Ils doivent devenir plus souples
(des cycles véritables que l’on peut parcourir de façons différentes
sans avoir à redoubler, une semestrialisation et une modularisation au
lycée5), plus perméables (au lycée, des réorientations facilitées), moins
d’évaluations sommatives et plus d’évaluations capables d’aider au
pilotage des apprentissages et des actions pédagogiques, des examens
qui tiennent compte des compétences acquises, y compris lorsqu’elles
ne l’ont pas été dans les enseignements académiques (par exemple, par
4 On pourrait traduire ce mot par « parcours scolaires » (NDLR).
5 « Le Livre blanc pour le lycée de demain », Colloque 2009,
Éducation & Devenir. En vente sur le site d'Éducation & Devenir.

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l’intégration à côté des épreuves finales d’une dose accrue de contrôle


9. Colloque en cours de formation et des portefeuilles de compétences).
des 25 et 26
octobre 2010 L’accompagnement, qu’il soit qualifié d’éducatif ou de personnalisé,
Lecture finale s’inscrit donc dans un triple changement de paradigme :
du colloque • changement de paradigme « pédagogique » par ce qu’il implique
dans la conception des situations d’enseignement et dans la
prise en charge des apprentissages par la communauté éducative
9.15. L’accom- (professionnels, parents, élèves) ;
pagnement :
vecteur de • changement de paradigme dans « l’organisation pédagogique » des
transformation
établissements par ce qu’il suppose d’assouplissement de l’emploi
de l’école ?
du temps, de réorganisation des groupes d’élèves, de diversification
Françoise Clerc
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

des interventions des enseignants à l’intérieur de leurs missions


traditionnelles ;
• changement de paradigme concernant « la conception des
curriculums » pour dépasser les rigidités actuelles et les compromis
mal assurés entre une logique fondée sur la primauté des contenus
d’enseignements et une logique orientée vers la prise en compte
des processus de construction des compétences, logique plus
exigeante, mais aussi plus proche des représentations actuelles du
Sommaire
fonctionnement cognitif.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Ces changements sont-ils souhaitables ?


Une forte résistance à ces changements s’est déclarée dès l’origine :
mots vides de sens, renoncement à la valeur du savoir au profit
d’incertaines compétences, « marchandisation » de l’école… Les critiques
ne manquent pas. Ainsi réduit à une mode passagère, il est parfois
recommandé d’attendre la prochaine réforme pour décider s’il faut ou
non s’y engager. Indiscutablement l’empilement des textes, notamment
ceux qui encadrent l’accompagnement éducatif à l’école et au collège,
la différence de philosophie entre l’accompagnement éducatif et
l’accompagnement personnalisé dans les trois voies du lycée, donnent
une apparence de non-maitrise par les promoteurs des textes et donc
d’une visée à courte échéance peu compatible avec l’ampleur des
changements de représentations et de pratiques qui en découleraient.

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Première conséquence : il faut « un rééquilibrage » entre l’attention


9. Colloque quasi exclusive accordée aux résultats et les préoccupations liées au
des 25 et 26
octobre 2010 devenir des élèves, aux processus de construction de leur personnalité
Lecture finale et à l’évolution de leurs compétences. Entrer dans la pédagogie par
du colloque les compétences amène à être attentif au fait que les « compétences
prescrites » – celles du socle ou celles des référentiels – sont des
constructions sociales qui, à proprement parler, n’existent pas : même un
sujet jugé compétent ne dispose jamais tout à fait des ressources telles
9.15. L’accom-
pagnement : que le prescripteur les décrit et il les mobilise d’une façon originale
vecteur de tout en faisant face aux exigences de la tâche qui lui est demandée
transformation
de l’école ? (« compétence effective »). En d’autres termes, les compétences
Françoise Clerc prescrites sont une façon commode de définir des finalités pour guider
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

l’apprentissage et une référence commune pour le dialogue entre les


enseignants, les élèves et les familles. Rien de plus.
Deuxième conséquence : il en découle que les compétences ne peuvent
être connues directement. Elles sont « inférées » à partir des productions
des élèves : le professeur suppose, sans aucune certitude, que l’élève
a utilisé telles connaissances pour comprendre, telles ressources pour
organiser son activité, contrôler ses résultats, etc. Mais rien ne permet
Sommaire de l’affirmer tant les fonctionnements mentaux sont complexes et
conditionnés par les situations dans lesquelles ils se développent.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Même un élève en difficulté sait bien plus que ce qu’il donne à voir à
travers ses productions. Le sens de l’introduction des compétences
indique clairement qu’il convient d’être prudent quant à la valeur des
évaluations et humble quant à leur interprétation.
Troisième conséquence : la question récurrente de « l’autonomie » des
élèves peut aussi être abordée de façon différente. L’autonomie est
relative et correspond à des degrés de maitrise variés, en lien direct
avec la possibilité pour l’élève d’identifier les ressources dont il dispose
(Qu’est-ce que je sais faire à propos de cette tâche ? Quel est le problème
ou la difficulté à vaincre ?), sa capacité à piloter son activité mentale
(Comment puis-je m’y prendre ? Quels sont les moyens pertinents ?), à
contrôler ses productions (Ai-je bien accompli ce qu’on me demandait ?
Le résultat est-il conforme, juste, vérifié… ?) et à anticiper d’autres
usages (Qu’est-ce que j’ai appris ? Dans quelles situations puis-je
réinvestir ce que j’ai appris ?). Il est nécessaire d’induire et guider ce

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type de réflexion chez la plupart des élèves, car ils n’ont ni les mots
9. Colloque pour désigner leurs activités mentales, ni une conscience suffisante des
des 25 et 26
octobre 2010 enjeux pour adopter spontanément une attitude métacognitive. C’est là
Lecture finale une indication majeure pour l’accompagnement.
du colloque Quatrième conséquence : il faut ouvrir un chantier didactique portant sur
le lien entre situation d’apprentissage et configuration des compétences.
Personne n’est autonome en toute circonstance. L’autonomie ne peut
9.15. L’accom- se comprendre « qu’en relation avec des classes de situations » où la
pagnement : compétence peut s’exercer. Deux remarques s’imposent à ce sujet.
vecteur de
transformation Lorsque le professeur opère ses choix pédagogiques et conçoit les
de l’école ? situations d’apprentissage, il induit un certain type de compétence.
Françoise Clerc L’évaluation mesure donc au moins autant la pertinence des choix
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pédagogiques que les compétences des élèves. Il est également


nécessaire de s’interroger sur la valeur de la forme scolaire telle qu’elle
s’est stabilisée au cours de l’histoire de l’école. Une réflexion didactique
en amont des programmes mérite d’être menée pour réactualiser les
situations dans lesquelles les apprentissages se réalisent. Il n’est pas sûr
que toutes les possibilités de l’environnement scolaire soient utilisées
de façon judicieuse et pour organiser les situations les plus proches des
Sommaire conditions réelles de réutilisation des compétences construites à l’école.
Cinquième conséquence : si les apprentissages sont sociaux, les
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

parcours sont individuels. Accompagner des parcours, c’est accepter


d’entrer dans une problématique « d’histoire de vie », d’aider les
enfants, quelles que soient leurs origines et leur culture, à mettre
en récit leur expérience, à s’approprier leur devenir afin d’assurer les
fondements de leur personnalité et de prendre conscience de leur
valeur. L’accompagnement, c’est, selon le mot de Jerome Bruner, « faire
entrer dans la culture » en acceptant les différences, non pas comme
un mal nécessaire, mais bien comme une richesse. Il s’agit d’élaborer
des manières de traduire les cultures pour les comprendre, mais aussi
de construire des valeurs pour se repérer et guider son action. Faute
de quoi, toujours selon Jerome Bruner, l’école se révélant incapable de
permettre à chacun de trouver une place et d’élaborer une estime de
soi suffisante, les jeunes rejetés risquent de se précipiter dans les bras
des contrecultures.

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La pédagogie différenciée est morte


9. Colloque Vive la différenciation pédagogique
des 25 et 26
octobre 2010 Jean Houssaye, en introduction de ce colloque, a proclamé l’acte de
Lecture finale décès de la pédagogie différenciée. Je ne sais s’il a raison, mais ce
du colloque constat ne doit pas nous attrister, car si elle est morte, elle nous a laissé
un héritage. Le CRAP en est l’un des témoins. La pédagogie différenciée
doit être comprise en relation avec un moment de l’histoire de l’école,
9.15. L’accom- dans un contexte social et politique particulier et en référence avec un
pagnement : état des savoirs qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’actualité. Il faut
vecteur de
transformation
donc faire l’inventaire de l’héritage.
de l’école ? La question du « rapport des élèves au savoir » reste centrale. Il faut en
Françoise Clerc retrouver le sens originel. Ce rapport ne doit pas être compris comme
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un avatar de la psychologie, un phénomène intime et privé, mais bien


comme un rapport traversé par des déterminations sociales. Différencier
ne consiste pas simplement à varier les méthodes et les situations. Les
pédagogies progressistes (pédagogies actives, pédagogie institutionnelle
ou coopérative) l’avaient déjà fait avec succès. Les variations prennent
sens à partir de l’analyse du fonctionnement de l’école comme un
des éléments du fonctionnement social. Les pratiques pédagogiques,
Sommaire notamment l’évaluation, ne sont pas neutres : elles convertissent les
différences en inégalités, parce qu’elles traduisent un rapport de forces
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

social6 et l’imposition d’une norme vis-à-vis de laquelle les enfants sont


fondamentalement inégaux. Ce n’est pas tant, d’ailleurs, en raison de
leur appartenance sociale qu’en raison de mécanismes plus fins dus à
leur plus ou moins grande capacité à développer des stratégies efficaces
face aux exigences scolaires. Plus les pratiques culturelles familiales sont
éloignées de celles que l’école préconise et plus ils ont du mal à exercer
leur « métier d’écolier ».
La pédagogie différenciée nous a enseigné que, bien loin d’être un
obstacle, l’hétérogénéité est la norme et, pourvu qu’elle soit maitrisée,
une richesse. Il est donc nécessaire de relativiser les effets de la
« distinction », de favoriser le décryptage des conditions d’exercice
du métier, d’apprendre à connaitre ses ressources (autrement dit

6 Philippe Perrenoud, « Des différences culturelles aux inégalités scolaires.


L'évaluation et la norme dans un enseignement indifférencié » in Linda
Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud (dir.) L'évaluation formative dans
un enseignement différencié, Peter Lang, 1979, sixième édition, 1991.

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ses compétences), à en estimer la valeur et à les faire reconnaitre


9. Colloque socialement. C’est pourquoi il ne faut pas tomber dans le discours
des 25 et 26
octobre 2010 et les pratiques compassionnelles à propos des enfants des classes
Lecture finale populaires : ni handicap, ni destin, leurs cultures doivent être
du colloque considérées comme des ressources, pourvu qu’elles soient travaillées
dans ce sens, réélaborées pour leur donner les clés du monde dans
lequel ils vivent et, par extension et comparaison, pour le monde tout
court. L’accompagnement doit et peut contribuer à cette réélaboration.
9.15. L’accom-
pagnement :
vecteur de La différenciation pédagogique peut-elle exister ?
transformation
Si l’esprit de la pédagogie différenciée introduit une vision originale
de l’école ?
des enjeux de l’école et du sens des apprentissages, elle s’est nourrie
Françoise Clerc
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d’emprunts à d’autres pédagogies. Mais elle a probablement chuté sur


l’obstacle de l’organisation scolaire : impossible de différencier toutes
choses égales par ailleurs, sans changer la gestion du temps, des
groupes d’élèves, l’organisation du travail des enseignants. Cinquante
ans plus tard, nous en sommes encore à constater que l’organisation sur
la base de la classe comme unité de temps et de groupe pour les élèves,
comme référence à un niveau de programme et comme base pour la
comptabilisation du service enseignant constitue un obstacle majeur à
Sommaire
l’évolution du système.
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Définir les bonnes pratiques constitue un rêve tenace. Or, celles-ci


n’existent nulle part : chaque établissement, dans le cadre d’une politique
nationale et locale, dispose d’une marge pour ajuster son projet et son
fonctionnement aux besoins de ses élèves. Assurer l’égalité des droits
à l’éducation, c’est accepter des variations dans les manières de faire,
adaptées aux contextes locaux pour atteindre des objectifs communs.
La différenciation pédagogique ne constitue ni un corps de doctrines,
ni un réservoir de pratiques. Elle donne des principes pour fonder des
stratégies et piloter des processus d’apprentissage/enseignement. L’un
de ces principes est de se fonder sur une appréciation, la plus fiable
possible, des « besoins des élèves ». L’accompagnement est le lieu
privilégié de cette analyse, l’occasion pour les équipes de mutualiser
leurs informations et de mener une interprétation collective des
données recueillies. L’accompagnement est la colonne vertébrale de la
différenciation.

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Quelques exemples à l’étranger peuvent permettre d’approfondir le rôle


9. Colloque de l’accompagnement. En Angleterre existe le pastoral care7 – pratiqué
des 25 et 26
octobre 2010 à l’origine dans un contexte religieux – qui prend en considération
Lecture finale l’ensemble de la personne de l’élève. Il est la source de détermination de
du colloque l’ensemble des besoins éducatifs. Au Québec, « l’école communautaire »8,
place les établissements au cœur du développement culturel des
communautés où ils sont implantés. Les familles sont associées au suivi
des élèves de façon très étroite. Plus près de nous, les établissements
9.15. L’accom-
pagnement : expérimentaux considèrent que l’accompagnement concerne la vie
vecteur de de classe, le fonctionnement de l’établissement dans son ensemble et
transformation
de l’école ? contribue à réguler l’interface entre le travail scolaire de l’élève et le
Françoise Clerc travail pédagogique du professeur. Toutes ces dimensions méritent
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d’être développées.

Changement, rupture, réforme,


transformation : comment procéder ?
En France, la manie des réformes est bien ancrée dans les pratiques
politiques : chaque ministre veut la sienne, censée marquer de façon
indélébile son passage au gouvernement. Il en résulte une fatigue
due à l’abondance des injonctions et à leur caractère discontinu et
Sommaire surtout un désordre, car chaque ministre oublie d’assumer l’héritage
de son prédécesseur. Les mesures se superposent parfois dans une
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

contradiction flagrante, parfois dans la redondance. Mais comme le


temps de l’éducation n’est pas celui de la politique, il est rare qu’une
réforme, même bien pensée, parvienne à son terme.
Si la rupture dans les représentations est un des aspects de l’apprentissage
et du progrès dans les savoirs, les pratiques, elles, s’accommodent mal
de la rupture. Aucune pratique n’est en soi absurde, car chacune, à sa
façon, constitue un compromis entre les prescriptions et les conditions
7 « Pastoral care is a term generally applied to the practice of looking after the
personal and social well-being of children under the care of a teacher. It can encompass
a wide variety of issues including health, social and moral education, behaviour
management and emotional support. » (consulter : WhatIsPastoralCare.doc)
8 Il faut entendre ici « communautaire » dans un sens un peu différent
de celui qu’il a fini par prendre en France ; il s’agit de l’implication de ce
que nous appelons « collectivité locale » dans la conduite pédagogique des
enseignements et dans la vie des écoles. « Le concept d'école communautaire
n'est pas nouveau et il est vécu à divers niveaux au Québec ainsi que dans
plusieurs pays du monde. Ce concept repose sur une ouverture de l'école et de la
communauté pour travailler ensemble au développement social et culturel de la
communauté. » (source : Fédération des Commissions scolaires du Québec)

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dans lesquelles s’exerce le travail. S’il existe des compromis plus adaptés
9. Colloque que d’autres, des façons de faire plus souhaitables que d’autres au
des 25 et 26
octobre 2010 regard des valeurs éducatives, il n’en reste pas moins que les critères tels
Lecture finale que l’efficacité ou la pertinence par rapport aux besoins des élèves sont
du colloque difficilement objectivables et font rarement l’objet d’un accord de tous
les professionnels. Impossible donc de « démontrer » à un enseignant
qu’il a tort et qu’il doit changer. Loin de l’injonction à changer, c’est donc
dans une évolution du fonctionnement des établissements que réside
9.15. L’accom-
pagnement : le vrai levier de la transformation.
vecteur de
transformation En outre, la volonté de réformer serait mieux comprise si elle prenait
de l’école ? appui sur des évaluations des politiques éducatives donnant une
Françoise Clerc image fiable des objets sur lesquelles elles portent, pertinentes par
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

rapport aux nécessités du pilotage, cohérentes par rapport aux valeurs


de la démocratie. L’accompagnement s’inscrit dans un paysage où
la politique éducative nationale est doublement remise en cause :
par la diversification des initiatives locales et par les comparaisons
internationales. Les collectivités territoriales, au nom d’une connaissance
du terrain, interviennent pour infléchir les effets des injonctions
ministérielles. S’il est contestable de juger une politique sur les seuls
Sommaire résultats des élèves, il n’en demeure pas moins que l’évolution des
performances et le creusement des écarts entre les élèves les plus faibles
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

et les plus forts mesurés par PISA sont inquiétants. On peut donc penser
que les politiques antérieures (compensation, d’éducation prioritaire,
etc.) ont relativement échoué. Il est urgent de s’emparer d’une nouvelle
façon d’envisager les missions de l’école.
D’abord, il s’agit de mettre « les équipes » au centre de toute évolution
et leur donner les moyens de leur fonctionnement (un coordonnateur
déchargé, des plages de concertation). Car il n’y a pas d’accompagnement
efficace sans analyse collective des projets et des ressources des élèves,
sans un impact sur l’ensemble des pratiques pédagogiques et la vie de
l’établissement ; pas d’accompagnement réellement éducatif sans une
régulation collective des interventions de chacun. L’accompagnement
ne peut se concevoir comme l’agrégation d’initiatives individuelles, mais
bien comme une politique d’établissement, coordonnée par le conseil
pédagogique (ou le conseil d’école), figurant au projet voté par le
conseil d’administration, évaluée avec lui.

R eproduc tion autor isée.


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Creative Commons U tilisation commerciale interdite.
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Une redéfinition des articulations entre les politiques nationales et


9. Colloque les politiques locales est nécessaire pour redonner de la cohérence à
des 25 et 26
octobre 2010 l’accompagnement éducatif. Les écoles et les collèges doivent recevoir
Lecture finale une commande claire, avec des indicateurs pour le pilotage et le
du colloque contrôle de leurs actions.
Les contributions des différentes professions au sein des établissements
doivent être clarifiées afin de mieux coordonner les interventions
9.15. L’accom- auprès des élèves et des familles et assurer la prise en charge de toutes
pagnement : les dimensions de l’accompagnement (aide aux apprentissages, écoute,
vecteur de
transformation suivi des parcours et de l’orientation, socialisation…).
de l’école ?
Enfin – et dans le contexte actuel, ce n’est pas la moindre des
Françoise Clerc
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

difficultés –, la formation initiale doit préparer les enseignants, la


formation continue les soutenir dans ces nouvelles interventions : en
assumer la charge par le renforcement des compétences d’analyse et de
diagnostic, l’apprentissage de l’attitude d’écoute, l’appropriation d’outils
conceptuels nécessaires à la maitrise des problématiques induites par
l’accompagnement et par une réflexion sur l’engagement éducatif
auprès des familles.

Sommaire
Françoise Clerc
Professeure émér ite en sciences de l ’éducation
les élèves, dans et hors l'école
Aider et accompagner

Éducation & D evenir

R eproduc tion autor isée.


Mention obligatoire de l’auteur et du CRAP-Cahiers pédagogiques
Creative Commons U tilisation commerciale interdite.
Collection des
hors-série numériques
pédagogiques
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société

Aider et
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

accompagner
les élèves,
dans et hors
l'école
HSN n° 22 Ce hors-série numérique est placé sous le régime de licence Creative Commons avec un droit de
reproduction à condition de mentionner l’auteur original (le CRAP-Cahiers pédagogiques), de n’en
octobre 2010
février 2011 faire aucune utilisation commerciale et de respecter les deux premières
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Sommaire
D os sier co ordonné par Sylvie Grau
Au lycée général et technologique
Comment aider les lycéens à retrouver le sens des
49

et Je an- Michel Z akhar tchouk apprentissages scolaires ? 49

Guy Sonnois
La solitude du grimpeur face à la paroi 52
Bernard Hoarau
Accompagner les élèves : entre guidage
Éditorial de Sylvie Grau 3 étroit et construction de l’autonomie 54
Sylvette Rascle
L’accompagnement, une notion utile
pour l’école ? 4
Dans le supérieur 56
Les Entretiens de la liberté : un accompagnement
Penser la relation d’accompagnement : ses enjeux
numérique encore peu attractif 56
dans le champ de l’éducation 4 Anaïs Théviot
Maëla Paul
La lutte contre le décrochage à l’université 58
Vers une clinique de l’accompagnement ? 8 Laurence Pérennès
Martine Lani-Bayle
Pistes pour un accompagnement Quelle place pour les parents, les associations ? 60
éducatif utile  11 Ma fille a un problème avec les consignes… 60
Jean-Michel Zakhartchouk Sylvie Grau
Quoi de neuf à la rentrée 2010 ? 13 Une association efficace pour renouer
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Sylvie Grau les liens entre école et familles 63


Philippe Masson
Au primaire 15
Le coaching scolaire : comment porter
Comment accompagner les apprentissages
un autre regard sur les jeunes ? 65
dans la classe ? 15 Gaëtan Gabriel
Benoît Becquart
Maitre E et maitre de classe : comment Dans notre collection 68
agir ensemble ? 18 Dix risques majeurs 68
Charlotte Menet Gérard Chauveau
Une mauvaise solution à un vrai problème 21 L’aide individualisée a-t-elle une légitimité ? 70
Armelle Legars Pierre Madiot
Un dispositif imposé, peu efficace et
Colloque des 25 et 26 octobre 2010 72
finalement contreproductif 22
Sylvain Grandserre Des points d’appui pour avancer 72
Jean-Michel Zakhartchouk
Une occasion à saisir pour aider les élèves
dans le cadre de l’école 24 Le triompe de la pédagogie de soutien : un trompe-
Sylvie Cèbe l’œil ? 74
Jean Houssaye
Ne pas espérer des résultats immédiats 26
Christine Félix Une longue histoire 79
Jean-Paul Delahaye
Une expérience positive 27
Isabelle Valle « Aide personnalisée » au primaire : un dispositif
Comprendre les enjeux didactiques contre-productif ? 90
André Ouzoulias
pour mieux aider 28
Jean-Paul Vaubourg L’aide en Finlande 96
Minna Puustinen
Au collège 31 Comment prendre en compte les élèves dits « à
Une organisation soignée à mettre en place 31 besoins particuliers » 98
Hervé Jacob Stéphanie de Vanssay
Dans un collège « ambition réussite », N’oublions pas les PPRE ! 100
une affaire collective 36 Brigitte Jaffry
Céline Bentéo Des ateliers pour structurer le temps de l’aide 101
Une matinée méthodo Chrystelle Muniglia-Raynal
ou l’accompagnement heure par heure 37 Aider dans la classe: le journal des apprentissages102
Carole Guillot-Coquin Anne-Cécile Duffez
Vers une mutualisation des dispositifs de Quand la grille devient guide 103
Mélodie Pichon
l’accompagnement ? 39
Olivier Meunier Du côté des familles : quelle aide aux devoirs ? 104
Séverine Kakpo
Au lycée professionnel 41 L’accompagnement en lycée, sur le terrain 109
Conditions pour une mise en œuvre utile 41 Françoise Colsaët
Karine Foucher Accompagner en dehors de la classe 111
Nouvelles prescriptions, nouvelles pratiques 43 Roxane Caty-Leslé
Corinne Marlot, Nathalie Younès, Guillaume Serres On a pris le temps… 113
À l’aide ! 46 Geneviève Pezeu
Sylvie Gonthier L’accompagnement : vecteur de transformation
D’un dispositif à l’autre 48 de l’école ? 114
Dominique Lakomy Françoise Clerc

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2 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22 oct. 2010 - fév. 2011 Utilisation commerciale interdite.
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Éditorial
Sylvie Grau

Quelques précisions de forme en ouverture de ce hors-série de Anaïs Théviot, une organisation différente à la fois du
numérique des Cahiers pédagogiques : la version dont vous contenu et de la didactique des cours qui semble avoir
disposez est la seconde édition d’une publication parue convaincu Sylvette Rascle, Bernard Hoarau ou Jean-Paul
début octobre 2010, enrichie à la suite du colloque que le Vaubourg. L’accompagnement demande de réinterroger
CRAP-Cahiers pédagogiques a organisé les 25 et 26 octobre l’évaluation, ce que propose Benoît Becquart qui propose
2010 à Paris, sur ce même thème Aider et accompagner les des exemples de pratiques amenant l’élève à analyser son
élèves, dans et hors l’école. Nos lecteurs disposent ainsi, en parcours d’apprentissage. L’accompagnement est une
dernière partie, des textes des conférences de Jean Hous- affaire d’équipe. Charlotte Menet nous le rappelle en pré-
saye et de Jean-Paul Delahaye, des interventions lors des cisant comment l’enseignant spécialisé peut travailler dans
tables rondes d’André Ouzoulias et de Mina Puutsinen, et hors la classe en fonction des besoins de chaque élève.
de témoignages issus des ateliers et de l’intervention de Les parents ne sont pas exclus de ce chemin à parcourir
clôture de Françoise Clerc. ensemble, ce sont eux qui vont payer à prix d’or cours
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Si la question de l’aide a déjà été beaucoup travaillée, particuliers et coaching.


l’utilisation du mot « accompagnement », très à la mode, Que cache cette demande ? Une inquiétude face à l’aspect
demande à être précisée. De quoi parle-t-on exactement ? sélectif qu’est notre système scolaire ou une façon de se
Maëla Paul explique en quoi ce mot désigne beaucoup plus décharger d’un accompagnement dont ils ne se sentent
qu’une simple aide ou une assistance : l’accompagnement soit pas capables, soit pas autorisés ? J’en parle dans un
implique de se positionner en tant que professionnel dans témoignage sur l’accompagnement d’une élève de seconde.
ses postures et ses intentions, de se questionner en tant Mais toutes ces approches visent bien à donner du sens aux
qu’individu sur le type de relation à mettre en place avec apprentissages, comme le dit Guy Sonnois.
les élèves, et en tant que citoyen, sur le type de société qu’il Ce qui est nouveau, c’est l’idée qu’il ne s’agit plus unique-
s’agit de contribuer à construire. Avec Martine Lani-Bayle, ment d’aider des élèves en difficulté, qu’il s’agit d’aider
c’est l’approche clinique qui vient en interférence donner chaque élève à se construire non seulement en tant qu’ap-
un rôle primordial à la relation langagière entre l’apprenant prenant sur toute sa vie, mais aussi en tant qu’individu se
et l’enseignant. Mais ces deux chercheuses nous disent la projetant dans une société qu’il contribue à construire.
même chose : accompagner, c’est prendre une posture L’accompagnement ainsi entendu devrait alors amener à
différente de celle de surplomb souvent attribuée à l’ensei- concevoir une école plus humaine, plus respectueuse des
gnant. Les témoignages viennent conforter ce point de vue. projets individuels et du relationnel, ce qui ne signifie pas
Que l’accompagnement soit dans ou hors l’école, qu’il soit que les savoirs ou les connaissances passent en second plan.
fait par l’enseignant ou par un tiers, il ne semble porter ses Au contraire, cette conception de l’enseignement peut
fruits qu’à condition que la posture de l’accompagnant soit permettre une approche plus motivée et plus construite
dans le « à côté ». Il ne s’agit pas de renoncer à enseigner, des savoirs considérés non pas comme des objets de
mais bien d’aider l’accompagné à devenir autonome dans transmissions, mais bien des objets qui se construisent
ses apprentissages. et s’approprient dans un contexte particulier et selon la
On ne parle donc plus simplement d’aide comme on l’a fait subjectivité de chacun. L’article de Karine Foucher sur
dans le dossier du n°436 des Cahiers pédagogiques, « Aider l’accompagnement en lycée professionnel montre bien
les élèves ? », ni de difficulté scolaire comme dans celui du comment l’accompagnement doit tenir compte du projet
n°480 « Travailler avec les élèves en difficulté » : l’accompa- de l’élève tout comme celui de Laurence Perennes sur la
gnement s’adresse à tous les élèves. Il vient à la fois aider, lutte contre le décrochage à l’université.
soutenir, ouvrir, motiver, émanciper, et se traduit par des Accompagner demande donc un travail important sur soi,
approches très variées : des activités non scolaires visant à une formation, des moyens, un travail d’équipe. Accom-
motiver le travail scolaire comme le montre Hervé Jacob et pagner ne peut se faire qu’en réinterrogeant notre posture
son atelier cirque au collège, des temps de travail par une d’enseignant. C’est ce que nous vous invitons à faire à
prise en charge extérieure comme en témoigne IsabelleValle travers ce dossier.
au premier degré, ou Philippe Masson à travers l’étude du
fonctionnement d’une association périscolaire, ou encore
Sylvie Grau
l’utilisation de forum Internet comme le propose l’article
Professeure de mathématiques en lycée
à Orvault (Loire-Atlantique)

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

L’accompagnement, une
notion utile pour l’école ?

Penser la relation questionnant, je lui donne à entendre ce qu’il dit. Donner à


entendre, c’est interpeler sur l’énigme de ce qu’il dit2. Car
quand je dis, je dis plus que ce que je dis. La question du
d’accompagnement : savoir s’en trouve de son côté. Ce postulat le déloge d’une
place d’écoutant béat de notre savoir. Le professionnel
ses enjeux dans le accompagnant est écoutant et interpelant. On ne saurait à
moins être impliqué dans une relation.
champ de l’éducation Accompagner, c’est donner place à ce « savoir », non pas
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des connaissances (de ceci ou de cela), mais un « dire » sin-


gulier. Il y a des conditions nécessaires à installer pour que
Maëla Paul le « dire » puisse se dire sans être menacé – conditions qui
sont du côté de la relation et de la posture : faire le deuil de
détenir la solution de ce qui fait problème pour l’autre. Ac-
En un temps où l’accompagnement se développe compagner, c’est donc prendre appui sur les lois du langage
jusqu’à devenir mode ou slogan, sans guère et identifier comment je me situe dans l’interlocution.
de repères pour en penser la mise en œuvre,
L’objectif est donc de créer une relation comme contexte
cette contribution questionne la relation entre dans lequel il est possible de vivre une expérience :
accompagnant et accompagné, dans ses dimensions expérimenter en paroles, en sensations, en émotions, en
personnelle et politique. imagination, en prise de conscience, en expérience de
choix et de prise de décision son rapport au réel. Comment
procède-t-on ? On procède au sein de la relation par un
L’accompagnement, c’est « être avec » et « aller vers » dans va-et-vient entre réflexion et action qui fait que cette avan-
une visée de partage (ac – cum – pagnis)1. La définition du cée se construit « chemin faisant », en solidarité avec ses
verbe « accompagner » affine cette compréhension : « se contextes, en réordonnant sans arrêt les fins et les moyens
joindre à quelqu’un » (dimension relationnelle), « pour aller à la recherche d’une logique de projet. L’attention est dis-
où il va » (dimension temporelle incluant un déplacement), ponible pour tout ce qui survient dans l’ici et maintenant
« en même temps que lui » (à minima à son rythme). Tel autant qu’à tout ce qui est censé advenir.
est le principe éthique : l’action se règle sur autrui. La Là où certains travaillent sur le passé ou recherchent des
dimension relationnelle est première : de la mise en rela- solutions, la démarche d’accompagnement propose l’expé-
tion dépend la mise en chemin. Construire une relation rimentation : notamment de l’autonomie dans la réflexion
de confiance permet d’envisager de travailler ensemble et et la décision. Cette expérimentation doit ménager le droit
travailler ensemble renforce la confiance. La dimension re- à l’erreur, le droit au tâtonnement, le droit de changer
lationnelle s’inscrit dans le temps : celui de l’apprentissage d’avis, de se contredire, de créer sa propre approche. Car
de la présence à autrui et de la confiance. l’expérimentation est la source du changement.
Cette stratégie « chemin faisant »3 conjugue à la fois la
La place de chacun dans l’interlocution réalisation des intentions, autrement dit une action de
Ce qui est ici déterminant, c’est la place de chacun dans changement délibéré, des actions schématisées et conçues
l’interlocution. Or il n’y a que deux places : la place de « ce- intentionnellement à l’avance des situations auxquelles elle
lui qui parle » et la place de « celui qui écoute ». Si j’occupe s’applique, avec l’accueil et l’intégration d’actions impré-
la place de « celui qui parle » au sens de faire circuler dans vues, actions que l’on ne peut identifier qu’à postériori.
la parole des savoirs, des informations, des interprétations,
La dimension opérationnelle qui balise l’avancée n’est donc
des évaluations, l’accompagné ne peut être à la place de
pas de l’ordre de la balistique et de la trajectoire : elle ne
celui qui a quelque chose à dire sur la situation qui est en
suit pas la ligne décrite par un projectile censé atteindre
cause.
une cible. Elle réfère à un cheminement, à une marche
Pour que l’accompagné soit à la place de « celui qui parle », progressive, à une approche, à une sorte d’« itinéraire pro-
il faut que je soutienne la place de « celui qui écoute ». Dans tégé ». Avancer « vers » décrit un mouvement qui consiste à
cette position, je ne fais pas rien : en reformulant ou en
2 Pour mettre ce qu’il dit au travail, il faut qu’il y ait une
1 Voir l’étude sémantique du mot « accompagnement » énigme ressentie. Par exemple, en l’interpelant : « Vous dites
et du verbe « accompagner » (Paul 2004). Ce travail a ça, mais quand vous dites ça, vous dites quoi ? ».
été développé dans la revue Autour des mots. 3 Marie-José Avenier, La stratégie « chemin faisant », Economica, 1997.
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4 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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L’accompagnement, une notion utile pour l’école

« se rapprocher de, aller à la rencontre » – et non forcer les une existence. On lui accorde une évolution, mais passive.
choses à arriver. On le considère plus comme subissant que comme agis-
sant. On lui refuse une part active dans l’élaboration de son
L’accompagnement comme fruit d’une existence tout en le sommant de s’en sentir responsable.
nouvelle politique sociale On le soumet à une injonction de changement alors qu’on
C’est au cours des années 1990 que s’est propagée la notion le définit par l’immuabilité.
d’accompagnement dans tous les secteurs de la relation Autrement dit, on se trouve ici dans la tension entre deux
autrui (travail social, éducation, insertion, orientation…), conceptions anthropologiques. L’une considère que la
mais aussi dans les secteurs de la relation marchande personne est prise dans une histoire, dans « son » monde, à
comme ceux des banques qui sont « toujours là pour vous quoi elle ne cesse d’adhérer, d’où elle ne peut s’extraire et
accompagner ». C’est dans un contexte où le fait d’être où elle s’épuise. La seconde conçoit que l’existence rejaillit
fils d’agriculteur n’oblige plus à « reprendre la ferme » de tout ce qui fait rupture du sens, de toute brisure ou
et à devenir soi-même agriculteur, où nous ne sommes effondrement de la continuité, autrement dit des crises,
plus uniquement déterminés par notre naissance qu’on mais également des rencontres (qui ne sont pas de simples
a recours à l’accompagnement. Désormais chacun doit face à face où il ne se passe rien).
« faire » quelque chose de sa vie. Il en est responsable. C’est
de l’ordre du devoir. La liberté d’être capable d’infléchir le Acteurs et auteurs, l’un et l’autre
cours de sa vie est une injonction. L’accompagnement participe ainsi d’un changement de
L’accompagnement s’inscrit ainsi dans une nouvelle paradigme : déplacement « alternatif » de l’attention5 d’un
logique sociale à dimension pédagogique forte, consistant cadre de référence externe (le résultat à atteindre, le chan-
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à agir « au plus près » de la personne, se tenir « à côté » gement visé) à un cadre de référence interne (l’apprentis-
pour cheminer « avec » elle, personnaliser les actions. Mais sage initié et les compétences développées à l’occasion du
si le mot d’ordre est de « ne pas se substituer à autrui », projet, la transformation ou l’évolution en jeu).
ces démarches n’ont pas d’autre visée que de pourvoir un Développer une compétence grâce à un projet suppose
« individu acteur », autrement dit capable de se prendre concrètement d’avancer d’abord avec ce qui est disponible,
en main, et non plus de peser sur la collectivité. S’il s’agit de vérifier « avec » la personne concernée autant de fois que
d’inciter à agir, c’est pour impliquer et responsabiliser. nécessaire les processus à nourrir, développer, susciter, de
ne pas se focaliser uniquement sur le but à atteindre pour
Entre une logique de contrat et une
développer une attention soutenue à ce qui se joue dans
logique de coopération
l’ici et maintenant de la relation.
L’accompagnement se trouve ainsi en tension entre deux
modalités interpersonnelles : entre une « logique de On peut donc reconnaitre à l’accompagnement une double
contrat » et une « logique de coopération »4. Le contrat tire visée : une visée productive qui doit produire des résultats
du côté du juridique, de la logique marchande. Il cherche et une visée constructive qui participe de la construction
la neutralité des rapports et a pour objet de garantir que de la personne. C’est à ce prix que la démarche d’accompa-
tout projet sera socialement acceptable. La coopération, gnement n’est plus celle de l’expert « supposé savoir », mais
procédant d’une logique du cheminement, de l’incertitude devient une co-création active et commune, une avancée
acceptée, de la complexité et de l’aventure partagée, est « concertée et concertante » où les deux sont acteurs dans
du côté du lien, de la co-construction, mais aussi de la l’interaction.
singularité. Puisque c’est cette capacité à être en relation avec l’autre
On a donc tout intérêt à réinterroger les principes huma- qui est première, il s’agit, pour l’accompagnant, non seu-
nistes qui seraient censés promouvoir l’accompagnement. lement de savoir instaurer, développer, clore une relation,
En effet, l’action institutionnelle qui encadre l’accom- recueillir dans tout ce qui surgit au sein de l’interaction
pagnement, désormais institué en dispositifs, se trouve ce qui enrichira le cheminement, mais également d’être en
paramétrée par une « dimension politique » à forte teneur capacité d’être là « avec » l’autre. Pour que la relation ne se
administrative, dotée de nouveaux outils que les institu- situe ni dans l’assistance, ni dans le pouvoir, autrement dit
tions doivent mettre en place (projets, évaluations, etc.) et pour être structurante et non mutilante, elle doit mobiliser
par une « dimension juridique » dans laquelle apparait la le sentiment réciproque de « pouvoir être soi-même sous le
formule de « la personne au centre ». Que peut signifier ce regard d’un autre » – et non devoir répondre à ses attentes
« centre » dans une société décentrée par excellence sinon (formulées ou attribuées) ou à s’en défendre. Seule cette
effectivement un transfert de responsabilité de la sphère présence met en chemin vers une relation dans laquelle il
collective à la sphère individuelle ? est possible de soutenir comme de confronter, de proposer
comme de s’opposer.
Quand on entend dire que celui qu’on accompagne est une
« personne », on est en droit de se demander la concep- Il revient ainsi à l’accompagnant (enseignant, formateur
tion que l’on a de cette personne tellement on l’affuble ou autre) d’être en capacité de jouer plusieurs rôles. D’un
de déficits ! Décrit en termes de dysfonctionnements ou côté, être le garant de la loi par laquelle opère ni plus ni
de conditionnements culturels ou environnementaux, on moins l’insertion de l’humain dans l’ordre de l’humain via
lui refuse en fait nombre de caractères reconnus comme une médiation institutionnelle au nom de laquelle il exerce
constitutifs de la personne. Il est certes un peu de tout cela, sa fonction ; être responsable de la mission qui lui a été
mais en occultant la dimension existentielle, c’est-à-dire la confiée et de la dimension opérationnelle de celle-ci. De
manière dont il va utiliser ces données pour faire de sa vie l’autre, être investi en tant que personne dans la relation,
partie prenante d’une aventure dans laquelle il s’engage
4 Pascal Nicolas-Le Strat, L'Implication, une nouvelle
base de l'intervention sociale, L'Harmattan, 1996. 5 Et non pas déplacement de l’un au profit de l’autre.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

totalement parce qu’il a la conviction qu’il peut se passer pagnement se constitueraient alors comme « pratiques
quelque chose sans jamais savoir si la chose se passera ni habilitantes » (Butler, 2004), c’est-à-dire des pratiques qui
où, quand et comment. Par conséquent, on doit pouvoir augmentent notre pouvoir d’agir.
rencontrer des personnes (qui cherchent, doutent et se Tout ceci ne va pas sans remaniement des modalités de
questionnent) et non des absolus abstraits ou des agents du partage des pouvoirs dans les institutions. Tout ceci ne
système, car seul cet investissement fait de la relation autre s’invente pas et ne se suffit pas de « bonnes intentions » :
chose qu’un simulacre. cela s’apprend, et surtout cela s’apprend « les uns avec les
autres », ce qui suppose aussi de contribuer à la construction
L’accompagnement comme nouvel apprentissage collectif
d’environnements porteurs et protecteurs de ces nouveaux
Tout est réuni pour que l’accompagnement participe d’une apprentissages. Car il n’y a pas d’accompagnement sans un
nouvelle violence : changement de posture, pas d’accompagnement sans un
• « Violence institutionnelle » : tant que l’institué pré- nouveau mode de relation, pas d’accompagnement sans
vaut sur l’instituant, car seul l’instituant peut offrir apprentissage du dialogue et de la coopération.
un cadre à la rencontre et à de nouvelles modalités On ne peut concevoir l’accompagnement que sur la base
relationnelles. d’une relation où aucun des acteurs n’essaie pas de dominer
• « Violence structurelle » : liée à la conception de l’ac- l’autre, de prendre la place de l’autre (même si un statut de
compagnement en dispositif. garant du projet de travail est attribué à l’un d’eux), une
• « Violence symbolique » : dès lors qu’accompagner relation de complémentarité dans laquelle la différence
s’inscrit dans des injonctions d’autonomisation et de de l’autre est perçue comme un enrichissement pour le
responsabilisation comme mécanismes de régulation travail, et sur la base d’une relation de partage : partage
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sociale, et non plus fruit de la maturation. de la décision à prendre, partage du pouvoir, partage des
• « Violence éthique » : dès lors que cette injonction responsabilités.
fait obstacle à l’authenticité d’une posture et au lien Il revient donc « à chacun » de choisir à quel monde il
interpersonnel. souhaite contribuer, et de réfléchir « collectivement » à
À tout instant, ces dispositifs peuvent opérer comme quoi ces pratiques contribuent. Soit effectivement le
facteur d’instrumentalisation de l’engagement subjectif6. pouvoir s’avance masqué et prolifère en tant que contrôle,
Car soit ils jouent comme forme de captation de l’activité injonction, prescription sous des formes relationnelles et
subjective et constituent alors une forme renouvelée de la communicationnelles dont fait partie l’accompagnement.
domination, soit ils contribuent à construire le sens per- Soit ces nouvelles formes ont un potentiel d’engendre-
sonnel et collectif de l’activité sociale et participent alors ment d’une société se risquant à dynamiser des formes de
de l’émancipation. C’est là qu’on évalue « l’extraordinaire dialogue et de coopération. L’accompagnement s’inscrit
réversibilité des formes contemporaines du pouvoir » (id). dans un contexte de contraintes qui peut donc être source
Et c’est bien là l’enjeu principal de la posture d’accompa- d’opportunités. Personne ne peut rester à l’écart d’une telle
gnement : la reconsidération de l’autre n’est naturellement orientation. C’est tout un système qui est réinterrogé.
pas sans conséquence, puisque ces dispositifs d’accom-
Maela Paul
Formatrice – Consultante auprès des
6 Philippe Zarifian, À quoi sert le travail ?, La Dispute, 2003
professionnels de l’accompagnement de tout
secteur. Praticienne-chercheure, associée
laboratoire du CREN, université de Nantes

Publications de l’auteure où se trouve développé le concept d’accompagnement :


• « D’un dispositif social à une pratique relationnelle spécifique », in : Encyclopédie de la formation, dir. Barbier
J-M., Bourgeois E., Chapelle G., Ruano-Borbalan J-C., Paris : PUF, chapitre 19, p. 613-646, 2009.
• « Autour des mots : ce qu’accompagner veut dire », Revue Recherche et formation, INRP, n° 62/2009.
• « Accompagnement : état des lieux », Revue internationale Savoirs, L’Harmattan, 2009/2, n° 20, p. 11-63.
• « L’Accompagnement ou la traversée des paradoxes », p. 251-274, in : Penser l’accompagnement
des adultes – Ruptures, transitions, rebonds, Boutinet Jean-Pierre, dir., Paris : PUF, 2007.
• L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, L’Harmattan, 2004.

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6 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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L’accompagnement, une notion utile pour l’école

Accompagnement et autorité
Si nous avons quelques résistances à penser autorité et
accompagnement, c’est que nous confondons potestas
et auctoritas. Or la première renvoie au pouvoir légal
attribué par la fonction, le grade ou le statut, pouvoir
qui confère de prendre des décisions, d'exiger et d'exer-
cer cette fonction dans un cadre institutionnellement Quelle proximité entre accompagnant
défini. La seconde émane de la personne dont elle et accompagné ?
désigne l'influence, l'ascendant, le rayonnement. Elle
Toute relation comprend fondamentalement deux
correspond plus ou moins au sentiment de cohérence
éléments : le lien et le rapport. Ces deux éléments ren-
dégagé par une personne entre ce qu'elle dit, ce qu'elle
voient à deux modes de socialité. Le lien est du côté de
fait et ce qu'elle est.
la socialité primaire dont le type est le lien par voisinage,
Derrière l'idée d'auctoritas se trouve l'idée de puissance par proximité et affinités, quand le rapport renvoie à la
et d’auctor, autrement dit l'auteur1, « celui qui accroit, socialité secondaire dont le type est le mode marchand
qui fait pousser ». Aliquem augere (qui pourrait se situer
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qui suppose la distanciation. Le rapport est du côté


en principe d'accompagnement) désigne la tâche et le de l’institué, et donc des rôles : médecin/patient,
souci éthique de rehausser quelqu'un, de le faire croitre, vendeur / client, professeur / élève, professionnel / bé-
de le mettre en valeur. néficiaire. Le lien est du côté de l’instituant dynamisé
La définition que donne l'Encyclopédie Universalis2 de au travers de modalités de dialogue « de personne à
l'autorité souligne l'élément relationnel (ou intersub- personne ».
jectif). La dimension de la reconnaissance, sans être Ces deux éléments sont toujours mêlés, l’un constitue
explicite, y est présupposée, puisqu'il n'est pas néces- le contrefort de l’autre. Cela suppose donc, comme
saire de recourir à la force. Dit autrement, l'autorité est accompagnant, de bien identifier au nom de quoi je me
un fait relationnel tout en supposant un rapport intime situe dans la proximité d’un autre. Car ma parole n’aura
de chacun avec ce qui le fonde : elle nait « du dedans » pas la même teneur si elle est prise au nom des places
et augmente, accroit dans l'interaction de soi avec soi instituées et des rôles attribués, ou si je parle de per-
et avec ce qui est autre que soi. Ainsi peut-on décrire sonne à personne, de sujet à sujet, dans une situation de
l'autorité comme une puissance de dépli procédant au dialogue instaurant de la réciprocité. Si le professionnel
déploiement de soi. C'est en ce sens qu'elle est l'essence est reconnu légitime pour assumer la fonction qui lui a
même du changement. été attribuée, c’est en incarnant une posture en dialogue
L’autorité dont on parle ici est donc émancipatrice : qu’il devient accompagnant.
c'est une influence positive et libératrice, une action On mesure la portée de ce qui est en jeu au travers de
indirecte qui vise à susciter « en » l'autre (et non pas l’accompagnement : retourner le rapport en lien, autre-
à agir « sur ») : ce n'est pas une volonté qui s'impose, ment dit l’aliénation en émancipation. Cette possibilité
mais une volonté qui s'allie et éclaire une liberté qui se a bien sûr à voir avec l’attention, l’art de retourner la
cherche plus qu'elle ne la régente, une influence tempo- connaissance de l’autre en reconnaissance. L’émancipa-
raire qui travaille à sa propre éclipse et n'attend rien en tion est un processus collectif et se réalise « avec » les
retour pour s'exprimer et s'accomplit dans un acte de autres, car il faut au moins être deux pour créer des liens.
reconnaissance mutuelle3. Nous ne nous émancipons pas seuls. Un lien réciproque
1 Alors que le terme « acteur » est issu d'agere s’établit dès lors que l’attention, la confiance et l’écoute
« pousser devant soi », « conduire », « agir ». partagées contrebalancent le rapport. Si l’autre refuse
2 « L'autorité est le pouvoir d'obtenir, sans recours le lien, nous ne pouvons rester en relation que par des
à la contrainte physique, un certain comportement rapports, des contrats, des échanges et du respect.
de la part de ceux qui lui sont soumis ».
3 Eirick Prairat, Autorité et respect en éducation,
Ce renversement suppose d’adosser, à la personne
Le portique.revues.org, Consultation 2006. « juridique », la personne « éthique », autrement dit
la personne en son humanité. Car seule l’éthique, au
lieu d’interdire et de condamner, en posant l’hypothèse
d’autres manières de faire, me permet de prendre posi-
tion dans une situation, m’oriente et m’aide à décider
comment agir. Il n’y a effectivement de sujet que se
constituant à travers des pratiques d’assujettissement
ou des pratiques d’émancipation.

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Vers une clinique de Cette origine a donné lieu en France, à partir de 1719, au
« compagnonnage », nom donné au temps du stage profes-
sionnel d’un compagnon chez son maitre puis désignant, de
l’accompagnement ? façon plus large, un groupement d’entraide, de protection,
d’éducation, de transmission de connaissances. Le versus,
Martine Lani-Bayle en quelque sorte, de l’instruction. Le « modèle » de ce type
de compagnonnage est celui des prestigieux et toujours
actuels « Compagnons du Devoir du Tour de France ».
Par le rapprochement entre la clinique et Retrouve-t-on quelque inspiration de ces origines dans
l’accompagnement, l’auteure nous montre comment l’actuel éclatement des pratiques d’accompagnement
enseigner peut se concevoir autrement que suivant que l’on peut repérer aujourd’hui, toutes tributaires de
la représentation la plus répandue, la transmission. contextes variés, et jusqu’à parler de leur « saturation
Réinterroger la relation enseignant-enseigné serait sémantique » (Éducation permanente, 2002) ? Deviennent-
un préalable à toute mise en place de dispositifs elles, comme le suggère Gaston Pineau, des parangons de
visant à accompagner l’élève.
la formation ? Dans ce kaléidoscope, on repère les mots
de transmission, transition, validation, un renvoi pour
certain vers des valeurs éthiques ou cliniques dont nous
allons parler ensuite, mais aussi des dérives technicistes
« Quelques termes anciens comme « maitre » ou « directeur ou volontaristes, dans lesquelles l’autre, l’accompagné,
spirituel » perdurent (revisités) aux côtés de ceux de la mo- reste classiquement sommé d’appliquer ce qui lui est dit ou
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dernité : « coach, tuteur de résilience, médiateur, auditeur » montré (conseillé…) de faire, sous couvert acceptable…
(accompagnement du changement dans les organisations), Quoi qu’il en soit, ce concept qui, au sens le plus proche de
« maitre-accompagnateur » ou « expert-accompagnateur ». son étymologie, chemine bien avec celui de formation dans
Mais les termes anciens qui puisent leur légitimité dans la son aspect anthropologique, permet dès lors d’envisager
verticalité et donc la filiation, notamment celle du savoir et une vie au processus de formation des adultes, et c’est bien
de l’interdit (des pères réels ou symboliques) ont perdu en là qu’il est le plus ouvertement à l’œuvre, glissant même
force et en nombre à côté de ceux liés à « l’accompagnement depuis peu vers le monde des étudiants et à l’université.
» proche de l’horizontalité et des pairs, à peine asymétrique,
où celui qui accompagne est le plus souvent supposé être dans Mais nous ne le trouvons encore que rarement dans le
un non-savoir d’où est censé jaillir une co-création, dans monde de l’enfance ou de l’école. Dans École : changer de
l’inter-dit, plutôt que dans l’interdit ». (Marie-Françoise cap ? (2007) qui pourtant, présente des démarches inno-
Bonicel) vantes au vrai sens du terme et donc minoritaires, pour,
comme ils l’indiquent en sous-titre, contribuer à une éduca-
L’idée et la pratique d’accompagnement, ou plutôt et les tion humanisante, c’est-à-dire ne plus privilégier le produit
pratiques, plus exactement, qui font florès depuis quelques sur le processus, il n’est cité dans aucun titre de parties ni
années, surtout en formation d’adultes, et de façons très de chapitres, et rarement dans le texte. Par exemple, page
variées voire parfaitement contradictoires, ne peuvent 167, il est utilisé en tant que « demande d’accompagne-
qu’interroger. La remarque étant analogue du côté de la ment » pour enseignants en difficultés, l’accompagnateur
démarche clinique, quoique plus difficilement acceptée étant alors un tiers extérieur à l’équipe concernée.
voire reconnue, la tentation est grande de voir en quoi ces
deux termes se rapprochent voire se répondent, en tout cas Il apparait en titre d’un chapitre chez Cécile Delannoy
se touchent. Que signifie donc cette soudaine prolifération (2000) : « La qualité de la relation, l’accompagnement du
pour l’un comme pour l’autre de ces termes ? Venue du jeune dans la durée » (pages 143-156). Cette fois donc c’est
monde des adultes, a-t-elle contaminé dans la foulée le le jeune qui est visé, sous forme d’un accompagnement
monde de l’enfance et de l’enseignement ? Accompagner interne tel que l’a défini le psychanalyste Jacques Lévine
sur les chemins du savoir, plutôt que l’apporter-imposer (cf. citation en exergue de cette sous-partie).
tout fait, est-ce possible ? Comment, par quelles démar- J’ai pourtant trouvé ce terme dans une publication plus
ches ? ancienne (1998) à propos de l’adolescence (Christian Phili-
bert et Gérard Wiel), en lien cette fois avec une politique de
Du côté de l’accompagnement projet telle que la propose Jean-Pierre Boutinet. Dans un
« Je n’entends pas ici «accompagnement» au sens d’une cadre d’éducation permanente de l’adolescence au 3e âge,
présence physique […]. Je vise par là une réalité psychi- ils triangulent cette fonction en fonction enseignement, la
que. »1 mieux, sinon la seule prise en compte à l’école ; fonction
Si ces pratiques dites d’accompagnement sont récentes en formation, déjà de bien moindre considération dans la sco-
formation, l’origine de la démarche se perd dans la nuit des larité ; et fonction accompagnement dont la prise en compte
temps, née dans le monde ouvrier et artisan par la culture pourrait rééquilibrer les deux précédentes, permettant de
du geste et de l’œuvre que l’on retrouve dans les légendes respecter trois exigences de la personnalité de l’adolescent
les plus anciennes. L’ainé accompagne son disciple pour en devenir : « recevoir un enseignement, être formé et être
transmettre son art, en cela se construit l’homme articu- accompagné dans le projet de soi » (page 75). Dans ce trip-
lant le travail de la main et de la pensée, qui se développent tyque, la pratique de l’accompagnement consiste à créer
conjointement. Cette activité séculaire est nourrissante : ces « lieux de parole réservés aux adolescents, détachés de
étymologiquement, le compagnon est celui avec qui l’on leurs parents, lieux de vie où l’on s’engage dans sa parole
partage le pain. librement, où l’on ose s’exprimer verbalement, se dire pour
devenir plus vrai d’une parole parlante plus que parlée,
1 Cécile Delannoy, Élèves à problèmes, écoles à solutions ?, ESF, 2000.
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L’accompagnement, une notion utile pour l’école

responsable, qui ouvre l’avenir dans l’évènement d’un dire vigilance et contenance. C’est là que l’accompagnement au
nouveau, inhabituel » (préface de Bernard This au livre de plus proche des personnes prend toute sa valeur.
Claude Bizet, Parler pour exister, Chronique sociale 1993).
Cette autre approche de l’enseignement
L’accompagnement en ce sens accompagne peut-on
est-elle vraiment possible ?
dire l’enseignement et la formation, sans pour autant y
contribuer directement. Déjà, il s’apparente à la démarche « On mesure toute l’exigence de cette posture clinique liée
clinique en tant qu’échange de parole entre sujets. à la mise en œuvre d’un accompagnement éducatif qui ne
saurait faire l’impasse sur la dimension éthique qui fonde
Du côté de la clinique son action. » (Christophe Niewiadomski)
« La clinique [est] une éthique de construction du savoir et Lorsque j’étais en classe de 4e, à ma grande surprise un
de sa transmission. »2 enseignant a procédé à l’envers des habitudes : au lieu de
Ce terme est apparu en médecine, origine qui en perturbe faire la leçon traditionnellement, puis de demander de
toujours l’interprétation actuelle. Il est construit en effet à l’apprendre et de commencer le cours suivant en la faisant
partir de la racine grecque Kline qui signifie « au chevet » et réciter, à l’identique des phrases du cours, cet insolite
évoque l’attitude du médecin qui a besoin, non seulement enseignant nous donnait des billes à l’avance. Car le soir
d’observer ou de palper le malade, mais de l’écouter (sur chez nous, nous n’avions pas à apprendre la leçon précé-
l’origine et le ressenti des malaises, leur contexte…) et ce dente, mais à prendre connaissance de la suivante ! Aussi
afin, non pas encore de soigner, ce qui interviendra dans un arrivions-nous en cours avec des éléments en poche voire
second temps, mais de procéder en amont au diagnostic : des questions, qui nous permettaient d’entrer d’emblée
pour cela, il y a nécessité de croisement, par le biais du en voie dialoguante avec le professeur qui dès lors, n’était
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langage, entre les savoirs médicaux distanciés et les savoirs plus le seul détenteur des savoirs puisqu’il nous y avait
de vie incarnés du malade. Cette co-construction s’élabore donné accès avant. Résultat : à la fin d’une séance active
sans position surplombante des premiers sur les deuxiè- d’échanges, nous savions la leçon sans avoir eu besoin de
mes, mais avec des positions différenciées, afin de produire l’apprendre. Dire qu’il se posait ainsi en accompagnateur
une troisième sorte de savoirs qu’aucun – le malade mais de notre construction de savoirs ?
aussi le médecin – ne pourrait construire seul et sans tenir Plus tard, j’ai donné des cours particuliers de mathéma-
compte de ce que l’autre sait. C’est en tout cas la base de tiques, physique et chimie tous niveaux, soit de la 6e à la
signification retenue pour l’usage de cette démarche dialo- terminale. Autant dire que j’ai vite expérimenté le principe
guée-dialoguante, c’est-à-dire dialogique. du « maitre ignorant », sans connaitre encore Jacotot (cf.
Si nous oublions maintenant le côté médical, nous voyons Rancière 1987) : non seulement j’étais interpellée sur des
combien ce modèle s’applique à la lettre aux objectifs de points de programme choisis par les élèves en fonction de
la posture d’accompagnement présentée plus haut. Et l’on ce sur quoi ils avaient buté – et je ne le savais pas à l’avance,
voit combien il peut se prêter aux objectifs d’enseignement- donc je n’avais pas la possibilité de préparer ou réviser (ce
apprentissage, car il s’agit, à la base, d’une forme d’écoute qui les étonnait, ils pensaient qu’un professeur ne pouvait
attentive impliquée et impliquante qui vise à la formation enseigner qu’après préparation et qu’on ne pouvait le sor-
d’un savoir nouveau à la faveur d’une relation question- tir de son sujet du jour impunément) ; mais aussi, surtout
nante interactive entre deux ou plusieurs personnes. Un en mathématiques, il m’arrivait d’être sollicitée sur des
savoir issu d’un mouvement de conscientisation partagée thèmes que je n’avais jamais vus, suite aux changements
et qui serait différent dans toute autre circonstance. Un de programmes. Or je ne pouvais me permettre de laisser
savoir où chacun a besoin de l’autre pour sortir d’un état mes élèves en rade, leur faire attendre la séance suivante
d’ignorance relative, un savoir qui n’aurait pu s’élaborer pour que j’aie eu le temps d’apprendre/tester ce qu’ils me
chacun de son côté et dont la constitution est l’objectif de demandaient de leur enseigner : ils en avaient besoin tout
la mise en place de cet échange. de suite. Donc bien souvent, j’étais en situation d’ensei-
gner un programme que je ne connaissais pas, ou que je ne
En formation, la démarche clinique est intéressante dans
maitrisais pas ou mal. Beau challenge.
la mesure où elle est au plus proche du vécu des situations
étudiées (elle sert ainsi la professionnalisation) et se montre Seule méthode pour faire face : la bascule, c’est-à-dire
en soi productrice de savoirs. Elle est également adaptable demander aux élèves, qui, eux, avaient suivi le cours leur
dans l’enseignement dès les tout premiers niveaux. Il arrive ayant posé problème – même s’ils l’avaient mal saisi –, et
même qu’elle y prenne place spontanément, par moments, avaient ainsi une bonne longueur d’avance, de le reprendre
sans être toujours pensée ni nommée ainsi. Très exigeante avec moi. Je les mettais donc en situation d’enseignant :
car sensible, elle présente pourtant de nombreuses limi- ils me faisaient la leçon, suivant pour cela leur manuel et/
tes, notamment sonores, quand le groupe d’apprenants ou leurs notes de cours. Et en arrivant vers les endroits
est nombreux, son vecteur privilégié étant l’échange de délicats pour eux, je leur demandais de m’expliquer ce
paroles ; limites également du fait de son imprévisibilité qu’ils n’avaient pas compris, de refaire le chemin, et nous
(elle est la hantise de tout « plan de cours »). Par ailleurs essayions ensemble de dépasser la difficulté. En général, ils
en tant que démarche pédagogique ouverte et accueillante, y arrivaient assez bien sans que j’aie beaucoup à intervenir,
si elle a tendance à renforcer et valoriser la personne dans et sans même s’en rendre compte sur le coup. Ce qui était
son estime propre, elle peut tout autant se montrer propice encore plus efficace. Ils n’étaient plus le mauvais élève,
au réveil des failles des plus fragiles et nécessite à ce titre mais l’enseignant et donc, envisageaient la question bien
autrement. Et moi, moins je connaissais tel point du pro-
gramme, plus il m’interpellait : j’étais ainsi bon public et
en écho, ils se transcendaient. J’ai d’ailleurs vite réalisé que
2 Mireille Cifali, Mariette Théberge et Michelle Bourassa (dir.), j’étais meilleure pour accompagner ces points qui m’inté-
Cliniques actuelles de l’accompagnement, Savoir et formation, 2010.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

ressaient-intriguaient, parce que je les possédais mal ou leur programme. Une démarche « clinique », déjà. Un
pas et qu’ils attisaient ma curiosité, que pour simplement « accompagnement » à l’œuvre, aussi. Qui a dit que ce serait
enseigner ceux qui n’avaient plus de secrets pour moi et à compliqué voire utopique ?
propos desquels j’avais tendance à accélérer le mouvement, Cela nécessite juste de laisser l’arrogance ou la certitude
à aller trop vite et peu les écouter-impliquer, puisque j’étais de ses supposés savoirs au vestiaire et de composer, dans la
déjà rendue ailleurs que la question posée. De leur côté, j’ai dissymétrie des places, certes, mais en parité absolue avec
réalisé combien ils apprenaient mieux en enseignant qu’en les sujets-apprenants, quels que soient leur niveau et leur
rabâchant ou en ressassant – ou en faisant répéter – ce âge, fussent-ils des enfants. Pas de hiérarchie entre savants
qu’ils n’avaient pas compris. Mon levier pédagogique était et ignorants, donc, mais des échanges de savoirs de part et
ainsi de me mettre à leur écoute, d’envoyer les pré-savoirs d’autre, différenciés, dans un objectif particulier à partager.
aussi de leur côté, de maintenir l’ignorance également C’est cela, le « co- » du compagnon, l’avec de la clinique.
du mien, pour construire ensemble les savoirs requis par
Martine Lani-Bayle
Professeure en sciences de l’éducation
Université de Nantes
www.lanibayle.com
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Bi bl i o g r ap hi e
Basco L. & Cote F., Accompagner l’étudiant. De la connaissance de soi à la construction de la personne, Chro-
nique sociale 2010.
Castéra B. de, Le compagnonnage, Que sais-je n° 1203, PUF 1988 (92).
Chappaz G. (dir), Accompagnement et formation, éd. CNDP/CRDP Marseille, 1998.
Chemins de for mation n° 10-11, « La démarche clinique en formation et recherche », Téraèdre, 2007.
Cifali M., Giust-Desprairies F. (dir), De la clinique. Un engagement pour la formation et la recherche, De
Boeck, 2006.
Cifali M., Theberge M. & Bourassa M. (dir), Cliniques actuelles de l’accompagnement, Savoir et formation
2010.
Delannoy C., Élèves à problèmes, écoles à solutions ? ESF 2000.
Éducation per manente n° 153, « L’accompagnement dans tous ses états » ; « Pratiques d’accompagnement »
(supplément), 2002-4.
Lani-Bayle M., « Pour une pédagogie de la parole et de l’écoute », Cahiers pédagogiques n° 410, 2003.
Morin E., Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil 1999.

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L’accompagnement, une notion utile pour l’école

Pistes pour un pédagogique, un regard et une évaluation du travail qui se


fait dans l’accompagnement éducatif.
Il est certes consternant qu’aucune évaluation autre que
accompagnement quantitative n’existe sur ce dispositif. Mais on peut malgré
tout dégager les conditions d’un accompagnement perti-
éducatif utile nent, et on sait qu’une nouvelle politique éducative qui
peut voir le jour dans un jour prochain devrait s’emparer
de la question autrement qu’en termes de déversement de
Jean-Michel Zakhartchouk moyens financiers. Je me contenterai ici donc de dresser
quelques-unes de ces conditions, qui renvoient à de nom-
breux exemples qu’on trouvera aussi dans ce hors-série.
PPRE, accompagnement éducatif, aide personnalisée :
quel rôle jouent ces dispositifs dans le cadre d’un L’accompagnement éducatif après le
véritable accompagnement des élèves ? Sont-ils cours peut être positif si :
des moyens d’échapper à l’accompagnement dans • Il intervient en « complément du cours », avec suivi,
la classe et à la nécessaire différenciation de la aller-retour avec les professeurs de la classe, et en
pédagogie ? À quelles conditions peuvent-ils être particulier s’il s’intègre à un travail par compétences.
efficaces ? Il peut être un lieu de validation de ces compétences,
de travail ciblé sur certaines d’entre elles. On n’est
plus dans le simple accomplissement « taylorien » du
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« métier d’élève ».
Jean Houssaye stigmatisait, déjà en 1998, « le soutien contre
• Il y a « complémentarité avec les associations d’aide
la pédagogie différenciée », tous ces dispositifs qui dispen-
ou avec l’animation culturelle locale ». On connait des
saient en fait du changement des pratiques1… Au fond,
endroits où l’accompagnement éducatif a cassé un
pourquoi devrait-on se préoccuper de méthodologie, d’at-
travail existant. L’application dogmatique du principe
tention aux élèves les plus en difficulté, d’aide permanente
que l’école doit être absolument son propre recours et
aux apprentissages, alors qu’il y a « des heures pour ça » ?
un certain scolarocentrisme font oublier tout ce que
Pourquoi différencier la pédagogie au lieu d’avancer, tous
peut avoir de positif un accompagnement extérieur à
au même rythme, tant pis pour ceux qui ne suivent pas (ou
l’école, qui ne dispense pas forcément celle-ci de sa
plutôt, ce n’est pas grave, ils auront des « remédiations »…) ?
mission et implique la société (retraités, étudiants,
Il est tentant alors de rejeter radicalement ces dispositifs, de
etc.). Il y a là un clivage fort avec certains, y compris
les qualifier de « rustines », de palliatifs trompeurs ou de
parmi des proches, qui survalorisent le rôle de l’école.
machines de guerre contre le collectif de la classe où toutes
Un autre cadre, d’autres intervenants, pourquoi pas ?
les difficultés devraient pouvoir se traiter.
Il y a de la place pour tous, non ?
Il y a des marges d’action • Une vraie réflexion existe sur « les contenus de l’ac-
Je ne puis être en accord avec des positions radicales de re- compagnement ». Là encore, il ne s’agit pas d’aider à
fus. Sur le terrain, on s’aperçoit qu’on peut utiliser malgré « faire » des devoirs, mais bien en faisant ses devoirs ou
tout ces dispositifs comme des tremplins et non comme à travers d’autres activités, de travailler les méthodes,
des palliatifs. l’attention, la mémorisation, la compréhension des
Je prendrai ici l’exemple de l’accompagnement éducatif. On consignes, etc. Il est utile de développer des moments
sait qu’il a été constitué essentiellement au départ pour « réflexifs, même si au début on peut se heurter à la
occuper » les élèves, soi-disant « orphelins de seize heures ». demande spontanée des élèves et des familles qui
J’évoque dans mon livre Pour un accompagnement éducatif espèrent une rentabilité à très court terme qui est
efficace le scénario noir où se cumulent tous les points illusoire et trompeuse.
négatifs de ce dispositif : des heures assurées par des per- • On « diversifie les formes de l’accompagnement », et
sonnels bien souvent non formés, sans vrai travail d’équipe l’expression dramatique, le jeu, l’atelier d’écriture
et de coordination avec les enseignants de la classe ; une ont alors toute leur place, non pas comme moments
organisation floue et contreproductive ; l’illusion que cela récréatifs ou de défoulement, mais comme moyens
va résoudre les problèmes des devoirs pas faits et des le- d’apprendre. L’auteur de ces lignes confesse avoir
çons non apprises et même des compétences non acquises. tellement plus appris avec deux heures de théâtre hors
L’accompagnement éducatif joue alors le rôle d’un Zorro cours chaque semaine que durant d’ennuyeuses heures
qui évite de se poser les problèmes de l’apprentissage dans de français de la seconde à la terminale !
les cours, comme nous l’avons dit en introduction, et qui • On mène, nous l’avons dit plus haut, une « politique
constitue alors une réponse facile face aux parents désem- cohérente d’établissement » avec une réflexion sur le
parés : « Il n’a qu’à aller à l’accompagnement éducatif ». Ce travail à la maison (À quelles conditions celui-ci est-il
« scénario noir » est, hélas, trop fréquent. fructueux ? Y a-t-il une politique commune ?) ou sur
Mais j’évoque aussi des cas où l’accompagnement éducatif la place de la culture dans le projet (le facultatif et
est conçu dans le cadre d’une stratégie globale, dans un l’obligatoire, etc.)
vrai projet d’établissement, avec un examen en conseil • On établit un « cahier des charges pour les interve-
nants ». Il ne semble pas scandaleux de demander par
exemple à ceux-ci un petit rapport sur leurs activités.
1 Jean Houssaye, « Le soutien va-t-il tuer la pédagogie Les projets de contenu doivent aussi être quelque
différenciée ? », in Cahiers pédagogiques n° 376-377, septembre 1999.
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part examinés en conseil pédagogique. Des réunions Même si toutes ces conditions ne sont pas réunies, l’ac-
d’harmonisation doivent avoir lieu régulièrement. compagnement éducatif peut cependant fonctionner de
• On mène une « politique forte d’incitation pour les manière intéressante : des rapports différents se nouent
élèves qui ont des difficultés ». On ne se contente pas entre enseignants et élèves, des enseignants sortent de leur
de prendre les volontaires ou de laisser partir ceux qui cadre strictement disciplinaire, des familles retrouvent de la
ne veulent plus venir en accompagnement éducatif. confiance dans l’école qui leur propose cette aide… Même
Un des gros problèmes de cet accompagnement, c’est imparfait, cet accompagnement peut avoir des retombées
qu’il ne touche pas toute une catégorie d’élèves et cela positives.
a été pointé de manière sévère (mais juste) par la Cour En revanche, si aucune de ces conditions n’est réunie, si
des comptes1 l’accompagnement éducatif est un simple moyen d’offrir
Enfin, l’accompagnement éducatif ne peut se passer d’une un complément de rémunération à de jeunes (ou moins
vraie « formation des intervenants », formation à la fois tech- jeunes) enseignants et à faire croire que là est la solution
nique (ingénierie pédagogique) et réflexive (Que veut dire aux difficultés des élèves (et le discours ministériel va bien
accompagner ? Comment relier accompagnement et travail dans ce sens), alors il s’agit d’une supercherie qu’il faut
par compétences ? Comment « aider à se passer d’aide » ? dénoncer.
Accompagner « autrement » ?). Formation diversifiée, qui Mais on peut espérer une vraie interrogation sur l’articu-
est particulièrement intéressante quand elle prend la forme lation cours-hors cours qui permettrait de se centrer sur
de journées locales, mais peut ensuite être prolongée par de un accompagnement efficace et démocratisant, ce qu’il
l’auto-formation et de la mutualisation d’expériences. est encore bien loin d’être aujourd’hui. Les nombreux
contacts que j’ai eus suite à la publication de mon livre
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à travers interventions et conférences montrent que la


1 Le rapport indique aussi que ces dispositifs d’aide « ne peuvent en fait perplexité coexiste avec la volonté d’avancer, les deux étant
devenir réellement efficaces dans la lutte contre la difficulté scolaire qu’à
la condition d’une redéfinition claire de leurs fonctions respectives, d’un absolument nécessaires dans le contexte difficile que nous
pilotage académique et local fort, de la mise à disposition d’outils efficaces connaissons !
de repérage de la difficulté scolaire, d’une implication importante des corps
d’inspection, ainsi que de l’instauration d’habitudes de travail différentes
entre enseignants pour parvenir à un diagnostic et un travail communs ». Jean-Michel Zakhartchouk
Professeur de collège à Creil
Auteur de Pour un accompagnement éducatif
efficace, CRAP-CRDP Amiens, 2009

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L’accompagnement, une notion utile pour l’école

d’accompagnement, c’est-à-dire qu’il nie le surplomb


Quoi de neuf à la et le jugement pour basculer dans la compréhension, la
relation.

rentrée 2010 ? ou épanouissement de l’élève ?


On peut aussi focaliser la lecture de cet extrait sur cet aspect
Sylvie Grau et la définition qui suit du rôle de l’école : l’épanouisse-
ment de l’élève par le savoir et par la relation à autrui et à
la collectivité, avec comme objectif l’égalité des chances,
La réforme du lycée se met en place à la rentrée 2010 cette fois considérée comme un principe d’équité.
avec l’arrivée de l’accompagnement personnalisé en Sauf que l’objectif d’émancipation n’apparait pas dans
seconde générale. S’agit-il d’un dispositif isolé ou le texte comme celui de l’enseignant dans sa classe, mais
d’une politique générale ? À partir de la circulaire de comme celui de l’institution, de l’école au sens large. Ce
rentrée 2010 et quelques textes officiels, nous allons qui peut aussi se lire de deux façons : soit l’enseignant
voir comment la question de l’accompagnement et de est acteur de cet épanouissement, soit son rôle se réduit
l’aide apparait aux différents niveaux de la scolarité. à transmettre le savoir. Qui alors dans l’institution est
Cette lecture interprétée n’a que la prétention de chargé de cet objectif ? Les directeurs, proviseurs, princi-
vous faire réagir et mettre en écho votre propre paux, inspecteurs, c’est-à-dire des personnes intervenant
lecture. localement ? Le ministre par l’intermédiaire des moyens,
des réformes, des programmes ? Que faut-il entendre par
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« politiques publiques » ? Une politique globale venant des


représentants de l’État ou des politiques locales fruits de
« La transmission des savoirs est la mission fondamentale l’autonomie donnée aux établissements ? En fait, ce pas-
de l’Éducation nationale. Elle se réalise grâce au travail du sage peut servir à justifier les objectifs de l’État dans la mise
professeur, à ses connaissances, à son autorité bienveillante. en place des réformes du moment ou à donner le cap des
L’institution vient en soutien de ce travail par des politiques décisions locales que les établissements devront prendre.
publiques qui visent à l’épanouissement de l’élève par le savoir
et par la relation à autrui et à la collectivité. L’objectif de réa- Au primaire
lisation de l’égalité des chances est le premier apport de l’école à Dans le primaire sont évoqués :
l’accomplissement des idéaux de la République. »2 • L’aide personnalisée et le stage de remise à niveau :
Transmission de haut en bas… éventuellement avec les enseignants du RASED et les
professeurs surnuméraires.
Ce qui est pratique avec les textes officiels, c’est qu’on
peut y lire ce qu’on a envie de lire. Dans cet extrait on peut • Les PPRE : objectifs précis, évaluations régulières,
mettre l’accent sur la première phrase et en conclure que implication élève et famille.
la transmission des savoirs est prioritaire sur tout autre Il est précisé que la « personnalisation » n’est pas opposée
objectif. C’est alors le savoir qui est au cœur de l’appren- aux interactions et à la dynamique collective, ce qui laisse
tissage et non plus l’élève, transmettre ne suppose pas que supposer que l’aide personnalisée ne signifie pas une re-
l’Éducation nationale ait à prendre en charge l’apprentis- lation duelle enseignant-élève et peut s’appuyer sur les
sage. Dans cette perspective il n’est pas question d’aider interactions entre élèves, et peut même s’inscrire dans le
ou d’accompagner, on donne et chacun est responsable cadre du groupe classe.
de prendre ou non. L’égalité des chances est bien une L’accompagnement éducatif apparait dans le cadre de
valeur prise en compte puisqu’on prendra la précaution l’éducation prioritaire et suppose « une articulation entre
de donner la même chose à tous. L’élève a au départ les aide sur le temps scolaire et accompagnement hors temps
mêmes chances. S’il ne saisit pas cette chance, par manque scolaire ».
de travail ou d’efforts, il ne sera pas méritant et passera On rappelle le rôle du livret de compétences.
à côté d’études prestigieuses. Conception idéale, qui fait
que l’élève en échec est convaincu qu’il est responsable de Au collège
cet échec et que l’élève en réussite attribue cette réussite Rien de spécifique n’apparait concernant l’aide ou l’ac-
à ses efforts. Conception qui fait que l’école reproduit les compagnement. Pas de nouveautés, mais pas question non
inégalités sociales tout en les justifiant. plus de renforcer les objectifs ou de tirer des leçons de
Quelle est alors la représentation que l’enseignant doit se l’évaluation de dispositifs déjà mis en œuvre. La circulaire
faire de son métier ? La deuxième phrase le précise : il doit de rentrée ne parle pas de l’accompagnement scolaire au
travailler, avoir des connaissances, être autoritaire tout en collège qui consiste en deux heures proposées quatre jours
restant bienveillant. On ne précise pas en quoi consiste le par semaine.
« travail » de l’enseignant, mais il semble qu’il ne s’agisse
que d’un travail personnel, pour accroitre ses connaissan- Au lycée
ces, dans la continuité des études jusqu’au niveau master. La réforme de la classe de seconde est précisée. Il s’agit
L’autorité apparait comme une qualité naturelle plutôt « d’un accompagnement personnalisé effectué par tous
qu’acquise par une formation professionnelle. Par contre, les enseignants », ce qui signifie donc interdisciplina-
le terme de « bienveillance » employé à propos des attitudes rité, utilisation du CDI, dispositifs de tutorat et de stages.
du « bon enseignant » est plutôt nouveau. Il introduit celui L’accompagnement englobe du soutien dans une ou deux
disciplines, mais aussi l’orientation. Il n’est pas précisé
2 Voir la circulaire de préparation de rentrée 2010 le rôle particulier du professeur principal, ni l’utilisation
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

des heures de vie de classe dont le statut n’a pas été remis Quelle logique d’ensemble ?
en cause par la réforme. L’horaire est fonction de ce qui Le concept d’accompagnement ne semble donc pas avoir
reste des réductions de groupes qui, normalement, sont une logique interne sur la durée de la scolarisation. Il s’ap-
possibles dans toutes les disciplines, mais doit être au puie sur les livrets de compétences jusqu’au lycée et vise
moins de deux heures par semaine pour tous les élèves, à aider les élèves en difficultés tout en favorisant l’auto-
soit quatre heures/professeurs au minimum. Les décisions nomie, le développement de compétences transversales à
se font au sein de chaque établissement et les disparités travers des projets. Le collectif est possible sans être une
sont importantes, à la fois dans la mise en œuvre, dans les obligation.
modalités de discussion et de mise en débat de la question, Au lycée, l’accompagnement s’adresse à tous et a pour
comme dans les modalités de prises de décision. Le temps objectif principal la réalisation d’un projet d’orientation.
n’a pas toujours été donné pour évaluer les dispositifs déjà Il n’est plus question de livrets de compétences, mais
mis en place, et parfois depuis de nombreuses années, plutôt de remise à niveau hors temps scolaire sans lien
pas plus que pour former les enseignants et les directions prévu entre les différents intervenants, ni évaluation des
à l’accompagnement, ni qu’à la gestion et mise en place dispositifs. L’aide individualisée qui existait jusqu’à cette
d’espaces de travail collaboratif entre collègues, entre per- rentrée se limitait à des élèves volontaires au nombre de
sonnels, entre établissements. Aucun outil n’a été donné huit maximum, l’accompagnement personnalisé n’est
pour évaluer les besoins et chaque bassin ou chaque éta- plus « individualisé » et on risque fort de mettre un en-
blissement a organisé à sa manière la rentrée de septembre. seignant devant une classe entière sur ces heures pour
Si certains enseignants ont choisi d’être acteurs de cette permettre à d’autres moments un effectif réduit sur une
réforme, l’accompagnement risque de servir d’ajustement aide plus ciblée, mais sur des temps courts et morcelés.
des services à un moment où il devient impossible de
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En tout cas, il faudrait clairement dire aux familles que


concevoir des collègues en sous-service. Encore une fois ce l’accompagnement n’a rien de près ou de loin à voir avec
sont les interventions qui demandent le plus de formation le « cours particulier » qui reste aux yeux des parents l’aide
professionnelle, de travail d’équipe, de connaissances à la idéale pour leur enfant. Pour modifier cette conception, il
fois disciplinaires, didactiques, des textes, des dispositifs faudrait proposer une aide efficace dans la classe, mais ici
institutionnels, des parcours d’orientation, de la gestion encore efficace en terme de quoi ? D’apprentissages ou de
des entretiens, des partenaires extérieurs, etc. qui risquent réussite ? D’épanouissement ou d’orientation ? D’émanci-
d’être confiés aux collègues les moins impliqués ou les pation ou d’employabilité ? Tant que nous n’avons pas une
moins formés. politique claire sur ces principes, nous pourrons continuer
à interpréter comme bon nous semble les textes au risque
d’en faire le meilleur comme le pire.

Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée
à Orvault (Loire-Atlantique)

Textes de références :
• Stages de remise à niveau : circulaire n° 2010-010 du 29 janvier 2010.
• Tutorat : circulaire n° 2010-011.
• Accompagnement éducatif : circulaire 2007-115 du 13 juillet 2007 ; 2008-080 et 81 du 5 juin 2008.
• Circulaire interministérielle 2008-361 25 juillet 2008 REAAP, réseau d’écoute d’appui et d’accompagnement des
parents.
• Besoins particuliers :
• Arrêté 17 aout 2006 enseignants référents.
• Circulaire 2006-126 du 17 aout 2006 pour les PPRE.
• Décret 2009-378 du 2 avril 2009 pour la scolarisation des élèves handicapés.

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Au primaire

Au primaire

Comment accompagner important se sont mis en place. D’échanges en échanges,


sur le temps de concertation, mais aussi sur le temps per-

les apprentissages
sonnel de chacun, l’école s’est dotée d’un outil commun
de suivi des acquisitions. Pour chaque domaine d’activité
des piliers 1 et 3 (mathématiques), des ceintures et leurs
dans la classe ? brevets sont créés et utilisés dans les classes.
Le plan de travail est l’outil que nous utilisons pour
Benoît Becquart programmer au mieux l’individualisation des parcours
d’apprentissage. Il se matérialise par un document écrit et
individuel qui doit aider les élèves à planifier leur travail,
Se mettre en face des élèves peut leur boucher la vue bien sûr, mais aussi les inviter à mener une analyse réflexive
sur l’essentiel, les apprentissages. Un outil de type sur celui-ci. Ce document est aussi le support à l’entretien
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« portfolio d’apprentissage », dans le cadre d’une d’explicitation4 individualisé. Ces entretiens sont rituali-
classe coopérative, permet de se positionner plutôt à
sés, planifiés sur le calendrier de la classe. Deux fois par
période, chaque élève rencontre l’enseignant de la classe
leurs côtés, pour leur indiquer le chemin, les inviter à
pour parler des apprentissages. Le travail personnel en est
réfléchir sur le parcours.
le terreau, le prétexte.
Le travail personnalisé proposé à chacun des élèves répond
à trois priorités :
En 2002, dans un article1 des Cahiers pédagogiques présen-
• un entrainement sur des notions déjà mises en évi-
tant la pratique du « journal des apprentissages », Jacques
dence lors de situations d’apprentissage. Il s’agit le
Crinon affirmait que : « Les élèves en échec sont souvent ceux
plus souvent de fiches de travail reprenant les items
qui ne saisissent pas l’enjeu des tâches scolaires. L’école ne leur
des brevets, mais cela peut être des activités rituelles
apparait pas comme un lieu où ils vont comprendre le monde et
telles que jeux de cartes, lecture répétée, etc. ;
avoir prise sur lui, mais comme un lieu où on fait des exercices
et où on se situe par rapport aux désirs de l’enseignant ». Alors • une remédiation proposée à un groupe d’élèves suite
enseignant dans une école en REP, en charge d’une classe à des besoins identifiés. L’activité est guidée par l’en-
de CE1, je me posais effectivement la question du rapport seignant, contrairement à l’entrainement sur fiche, ou
de mes élèves aux apprentissages. Ceux-ci ne travaillaient- aux activités autonomes ;
ils pas surtout pour répondre aux désirs de l’enseignant ? • une situation d’apprentissage spécifique à une ceinture
Comment faire pour que les élèves aient conscience de ce en particulier, et par conséquent proposée à un groupe
qu’ils sont en train de faire ? Pour qu’ils travaillent pour restreint d’élèves. Là aussi, l’atelier est guidé par
apprendre, et pas seulement parce que l’enseignant leur l’enseignant.
a demandé ? Pour que je me situe en accompagnateur de Un bilan d’utilisation du plan de travail a confirmé la
leurs apprentissages ? pertinence de cet outil dans l’organisation du travail des
J’ai recouru aux ceintures de la pédagogie institution- élèves. Néanmoins, des améliorations devaient être appor-
nelle et à l’usage du portfolio pour tenter de répondre à ces tées. La partie réflexive était censée amener les élèves à une
questions, en offrant un accompagnement au plus proche analyse de leurs apprentissages, de manière à ce qu’ils en
des besoins individuels dans le cadre d’un enseignement deviennent acteurs, qu’ils s’approprient leur parcours et
collectif, celui de la classe, celui de l’école. puissent le matérialiser. Pourtant, lors des entretiens, j’ob-
servais peu de modifications du comportement des élèves.
La démarche des ceintures2 : du plan de Très peu d’entre eux étaient capables de verbaliser des
travail au cahier de travail personnel réussites, des besoins, des difficultés. Par contre, ceux qui
L’outil « ceintures de la pédagogie institutionnelle » m’était avaient travaillé pour la rédaction d’un article pour le jour-
en partie familier : je l’utilisais comme support à l’évalua- nal scolaire avaient des questions, des besoins. Ils étaient
tion des compétences de lecteur. Mais c’est en découvrant capables d’exposer des éléments de leurs démarches :
la démarche PIDAPI3 qu’une réflexion et un travail plus réussites, difficultés, blocages, découvertes… Par cette ob-
jectivation, une prise de conscience naissait. Elle semblait
1 Jacques Crinon, « Le journal des apprentissages », Les représentations facilitée lorsque le support de la réflexion métacognitive
mentales, Hors-série des Cahiers pédagogiques, septembre 2000.
portait sur un projet de travail contextualisé. Ce constat me
2 La démarche des ceintures est un outil issu de la pédagogie
institutionnelle imaginée par Fernand Oury. Voir l’article
confortait dans l’idée que l’entretien devait s’appuyer sur
de Sylvain Connac dans les Cahiers pédagogiques n° 438,
décembre 2005 : « Les ceintures en classe coopérative ».
3 PIDAPI : Parcours individualisé des apprentissages en pédagogie 4 cf. article de Pierre Vermersch, « L’entretien d’explicitation »,
institutionnelle, outil proposé par Sylvain Connac. Les PPRE, nouveau visage de l’aide personnalisée, Hors-série
http://pidapi.free.fr/dotclear/index.php. numérique des Cahiers pédagogiques, janvier 2007.
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des situations complexes suffisamment porteuses de sens élèves prennent l’habitude d’attendre passivement qu’on
et intrinsèquement motivantes. s’occupe d’eux. Avec la boite aux lettres, personne n’at-
Nous avons donc cherché un moyen de faciliter les entre- tend, dès qu’un travail est terminé, l’élève peut passer au
tiens d’explicitation, de favoriser l’analyse réflexive des suivant. Le retour de courrier invite l’élève à le lire. Le
élèves sur leurs réussites et sur les travaux choisis, enfin de dispositif favorise le retour réflexif sur un travail fait et an-
les engager dans l’auto et la co-évaluation. noté par l’enseignant : c’est à partir de ce retour que l’élève
sélectionne les réussites qu’il collera dans la rubrique du
La démarche de portfolio même nom du cahier. Il en est de même pour les écrits du
Tout en conservant les atouts de l’outil « ceintures », une cahier du jour.
place plus importante devait être donnée à l’évaluation • « Mes travaux personnels » : ce sont des écrits réalisés
authentique5. Nous avons mis en place un cahier « travail dans le cadre d’une tâche complexe : exposé, défi
personnel », embryon d’une démarche de type portfolio6. intellectuel, préparation d’une lecture, participation
Cet outil engage les élèves dans une analyse métacogni- à un projet, construction d’objet, recherches mathé-
tive de leur parcours d’apprentissage. Il s’accompagne matiques, etc. Il s’agit d’écrits de recherches, notes,
d’entretiens d’explicitation qui s’appuient sur des traces brouillons, documentaires, production finale. Là aussi,
d’apprentissage choisies. l’entraide et les échanges coopératifs et réflexifs sont
Ce cahier, pensé en équipe, comporte aujourd’hui six favorisés.
parties : • « Moi et les autres » : les élèves placent dans cette partie
• « Mes apprentissages » : en début d’année, l’élève est les documents utilisés ou produits pour la construction
invité à mettre en mots ce qu’il pense savoir faire, de la connaissance de soi et des autres, les supports
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connaitre… Plusieurs fois dans l’année, il renseigne le au développement de l’estime de soi, les écrits liés
document « Bilan de ce que je sais » matérialisant l’évo- aux débats à visée philo, etc. Il s’agit de conserver la
lution annuelle des progrès en coloriant les ceintures trace des activités qui visent à aider l’élève à mieux se
obtenues pour chacun des domaines. connaitre et se situer par rapport aux autres.
• « Mes plans de travail » : collés les uns après les autres, • La « communication avec la famille » : c’est dans cette
c’est le premier support des entretiens d’explicitation, rubrique que l’enseignant rassemble toutes les traces
et ils fournissent la base d’une communication école- ou documents supports au travail réalisé en partenariat
famille indispensable. Suite aux passages de brevets, avec la famille. On y trouve les PPRE, des notes de ce
l’enseignant identifie pour chaque élève sa ceinture qui s’est dit lors d’une rencontre avec les parents, un
ainsi que les priorités de travail ceinture par ceinture. bilan des absences, etc.
Les parents ont la possibilité de commenter ce plan
de travail. Variété et différenciation
Ainsi appliqué à l’ensemble des classes et proposé à tous
• « Mes réussites » : l’élève y met tous les travaux d’en-
les élèves du CP au CM2, le cahier de travail personnel
trainement aux brevets qu’il aura réussis (seul ou avec
assure la continuité des parcours de chacun. À l’échelle
de l’aide), ainsi que tous les travaux du « jour » qu’il
de la classe, différents temps s’articulent. Les élèves tirent
souhaite retenir pour matérialiser ses apprentissages et
avantage d’une diversité d’organisation pédagogique :
présenter lors des entretiens d’explicitation. Ceux-ci
travail individuel, groupes de besoins, groupes hétérogè-
sont sélectionnés parmi les activités quotidiennes.
nes, tutorat (chacun possède une carte-passeport qui lui
Dans tous les cas, les élèves sont invités à s’entraider.
permet de faire appel à un tuteur, personne-ressource
Cette entraide est favorisée et facilitée par une carte
identifiée comme compétente), groupe-classe. Afin de
« à l’aide ». Le tableau des ceintures affiché en classe
favoriser le travail réflexif, les élèves sont invités à ne pas
permet aux élèves de trouver rapidement un tuteur à
travailler seuls. L’hétérogénéité est un levier. Les interac-
qui s’adresser.
tions sociales sont largement utilisées dans la construction
Lorsqu’un élève a réalisé un travail, qu’il l’ait ou non fait des savoirs. Le statut de l’enseignant est modifié. Il devient
corriger par un pair, il doit le déposer dans la boite aux médiateur, celui qui s’assure que les représentations de
lettres rouge accompagné d’une fiche « auto-évaluation ». chacun émergent, circulent, s’affrontent pour se modifier.
Ces travaux ne sont pas corrigés par l’enseignant, mais an- À l’échelle de l’école, la mise en place des ceintures et des
notés, puis placés dans la boite aux lettres blanche. Chaque plans de travail dans chacune des classes a doté les ensei-
matin, le facteur commence sa journée par la distribution gnants et les élèves d’un langage et d’outils communs sur
du courrier. Cet outil évite les moments de classe pendant l’ensemble de la scolarité élémentaire. Il est devenu plus
lesquels beaucoup d’élèves sollicitent l’enseignant en même facile d’organiser des regroupements d’élèves sur d’autres
temps pour une correction. Comme il n’est pas possible de critères que celui de l’âge. De même, des inclusions d’élè-
venir voir tout le monde en même temps, de nombreux ves d’une classe à l’autre sont plus simples à organiser.
5 « C’est une évaluation qui se base sur des situations signifiantes
L’offre d’organisations et de dispositifs de différenciation
proches de la vie courante. L’évaluation authentique accorde de s’est accrue au bénéfice d’une capacité d’accompagnement
l’importance au processus, soit les stratégies, la démarche d’apprentissage, au plus proche des besoins et des profils de chacun. Dans
les essais et erreurs, la méthodologie utilisée, les interactions avec le cadre de l’aide personnalisée, le plan de travail donne un
les pairs ». (Louise Dore, Nathalie Michaud, Libérata Mukarugagi,
Le portfolio, évaluer pour apprendre, Chenelière/McGaw-Hill)
cadre d’intervention de la remédiation et de l’aide précis,
6 Une des définitions couramment citées est celle de Paulson
ciblé et évaluable. Il peut également devenir le support de
et coll. qui considèrent le portfolio comme « une collection ces temps d’aide institutionnalisés.
significative des travaux de l'élève illustrant ses efforts, ses Utilisés à ces trois niveaux, les ceintures, le plan de travail
progrès et ses réalisations, dans un ou plusieurs domaines »
(Paulson et coll., 1991, cité et traduit par Goupil, 1998). et les entretiens d’explicitation coordonnent les différents
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temps scolaires, et participent à la construction d’une savoir accepter de perdre d’abord du temps. Ce type de
vision systémique et cohérente de l’école et de ses activités. fonctionnement repose sur l’usage de la coopération,
Ils font entrer les élèves et leurs enseignants dans une l’entraide et le tutorat. Les regroupements « multi-âge »
logique de parcours. permettent de tirer partie des richesses offertes par la
classe coopérative et deviennent vite un outil pédagogique
Un travail d’équipe pour une autre organisation supplémentaire au service de l’enseignant.
L’ensemble des outils mis en œuvre engendre une évolution Comme pour de nombreux autres dispositifs, l’efficacité de
des postures de l’enseignant et autorise la dévolution que cet accompagnement repose sur une contractualisation. Si
Brousseau définit par : « Ce n’est plus moi qui veux, c’est vous certains élèves sont capables de s’engager personnellement,
qui devez vouloir, mais je vous donne ce droit parce que vous pour beaucoup le rôle des parents est indispensable. Le
ne pouvez pas le prendre tout seul ». Mais accepter de ne plus cahier de travail personnel offre cet espace de communi-
considérer l’enseignant comme le seul et unique détenteur cation avec eux. Au même titre que l’enseignant et l’élève,
des savoirs, comme celui qui les évalue, est aussi angoissant ils sont invités à exprimer leur avis à propos du travail
que d’accepter d’en prendre la responsabilité. On ne peut et des apprentissages de leur enfant à la suite de chaque
dès lors faire subir aux élèves un changement de paradigme bilan. Ce partenariat est difficile à mettre en œuvre et est
d’une année sur l’autre. Il me semble absolument néces- souvent sous-estimé par les parents. Il impose un effort de
saire que l’ensemble des enseignants harmonisent leurs communication et de présentation de la part de chacun des
outils et pratiques. Le travail d’équipe et les échanges sont enseignants.
d’autant plus essentiels qu’il est nécessaire d’accompagner
les enseignants néophytes. Les besoins de formation sont Fort de cette expérience, les élèves se questionnent, et
grands. Par exemple, mener des entretiens d’explicitation même s’il leur est évidemment difficile d’identifier l’objet
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ne s’improvise pas. Pour autant, l’équipe doit se donner de l’apprentissage, le simple fait de devoir s’arrêter et se
les moyens de pérenniser leur mise en œuvre pour garantir retourner pour regarder les traces de leurs activités d’ap-
l’efficience et l’essence des dispositifs. Ceux-ci nécessitent prentissage modifie en profondeur leur statut. Plus que la
de solides habitudes de travail, de rigueur et d’esprit coo- réponse, c’est la démarche de questionnement qui importe.
pératif qui sont si longues à installer que les effets positifs Ils ne sont plus des apprenants passifs, mais deviennent
réels n’apparaissent que lors de la deuxième année. Il faut des acteurs : ceux qui veulent.

Benoît Becquart
Conseiller pédagogique

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Maitre E et maitre maitre E rencontre les parents avec le maitre de classe et ils
mettent ensemble en place un projet d’aide individualisé.

de classe : comment Comment fonctionne le maitre E hors classe ?


Généralement, le maitre E a un local où il se rend avec son
agir ensemble ? groupe d’élèves pour une séance de quarante-cinq minutes
à une heure trente. Il travaille avec eux par pédagogie de
détour. Il a à la fois un projet de groupe et un projet indi-
Audrey Calviac, Gwenola Lebel, viduel pour chaque élève, projet construit en concertation
Charlotte Menet, Céline Vincendon avec le maitre de classe. On peut choisir de se situer en
rupture avec les apprentissages de la classe pour amener
l’élève à prendre du recul sur certaines notions, procédures
Pas de solution magique dans la collaboration entre ou stratégies.
l’enseignant de la classe et l’enseignant spécialisé, Certaines habiletés doivent être isolées pour y porter
pas de solution unique non plus : il faut tisser les davantage d’attention, avant d’être recontextualisées : je
temps, les activités, au plus près des besoins des pense aux activités systématiques, comme la mémorisation
élèves. du lexique initial ou l’automatisation du décodage.
On peut également faire vivre certains apprentissages avec
le corps, par le jeu, avoir des moments de connivence avec
Tu es maitre E, tu fais partie d’un Rased, comment le plaisir pour principal objectif (écouter un album, être
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expliquerais-tu ton travail ? ensemble, se parler...). Les élèves peuvent avoir besoin du
Le maitre E est responsable de l’aide spécialisée à domi- côté sécurisant du petit groupe pour restaurer leur désir
nante pédagogique. Nous ne sommes pas dans du soutien, d’apprendre ou pour oser s’affirmer, retrouver leur « estime
mais bien dans une aide à l’apprentissage, une remédiation. de soi ».
Il s’agit d’aider l’élève à se poser des questions essentielles, Mais en sortant de la classe, l’enfant est privé d’un des
à verbaliser, expliciter, structurer sa pensée : pourquoi temps d’apprentissage de la classe. Se pose également le
apprend-il ? Comment apprend-il ? problème du transfert des compétences acquises en petit
Nous avons également un rôle de coordination des aides et groupe.
des partenaires autour de l’enfant en difficulté à l’école. Comment travailler en classe ?
Actuellement, la grande majorité des maitres E travaille Lorsque je travaille en classe, les élèves que j’aide sont réu-
essentiellement en regroupement d’adaptation : les élèves nis autour d’une table. Cette position permet de participer
sont sortis de la classe et travaillent dans le local du mai- avec les autres au lancement et à la mise en commun de
tre E. l’activité. Elle facilite les interactions et l’utilisation d’un
En quoi votre fonctionnement de Rased est-il particu- matériel propre au petit groupe, adapté aux besoins parti-
lier ? culiers, tout en veillant à garder l’identité de maitre E.
L’inspecteur de notre circonscription souhaite que son Quel est l’intérêt de rester en classe ?
équipe de maitres E intervienne prioritairement au sein Pour l’élève :
même de la classe. Nous avons donc cherché des façons de
nous positionner ainsi. • L’enfant est en situation de réussite « en présence de son
enseignant de référence et de ses pairs ; [cela permet de]
Depuis plusieurs années, les textes officiels insistent sur la changer son statut dans le groupe et [de] l’aider à sortir
collaboration entre maitres de classe et maitre E, les liens de son image d’élève en difficulté »2. Il est important de
entre la classe et le regroupement, et le transfert des com- montrer à l’enfant comme aux autres élèves qu’il peut
pétences. La circulaire de 2002 1 souligne que le fait de tra- réussir à l’intérieur de sa classe ;
vailler ensemble « favorise le perfectionnement et l’ajustement
des techniques, la pertinence de l’interprétation des faits ainsi • L’harmonisation des outils est systématique : l’enfant
que la conception d’actions pédagogiques et éducatives adaptées a à sa disposition tous les référents construits en classe
aux individus et aux groupes. Cette collaboration entraine des (sous-main, affichages, cahiers, textes vus, livres…).
modifications des attitudes individuelles et collectives devant les Pour les stratégies nécessitant le recours aux référents
difficultés des élèves, ainsi qu’une meilleure compréhension de de la classe, il est très profitable à l’enfant d’avoir tout
leur situation ». à sa disposition dans le contexte réel de ses apprentis-
sages ; le travail d’accès à l’autonomie est directement
Comment, concrètement, cela se passe-t-il ? favorisé ;
Il est possible d’aider en classe, hors classe, mais aussi • Certains trouvent les interactions d’un grand groupe
d’alterner les deux modalités. plus riches. Ces échanges peuvent se faire en début et
Le maitre de classe repère les élèves qui restent en difficulté fin de séance, mais également à un moment choisi avec
malgré la mise en place d’aides spécifiques. Il fait alors une le maitre de classe ;
demande d’aide au Rased. Un membre du Rased vient ob- • Pour les autres élèves, le fait de sortir les enfants en
server l’élève dans sa classe, s’entretenir avec l’enseignant, difficulté de la classe peut les interroger. Ne pas les
évaluer l’élève. Si l’élève a besoin d’une aide spécialisée, le faire quitter la classe permet aux « autres élèves de
1 Circulaire 2002-113 du 30 avril 2002 : « Les dispositifs de 2 Laurent Lescouarch, La nouvelle revue de l’adaptation
l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le premier degré ». et de la scolarisation, n° 38 – 2e trimestre 2007.
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Au primaire

«démystifier» ce moment particulier offert aux élèves en • Pour le maitre E, travailler au contact d’élèves « à
difficulté »3 ; niveau » lui permet de rééquilibrer son regard et de
• Le transfert des acquisitions est plus difficile à opérer mieux apprécier les difficultés des élèves qu’il suit ;
quand il y a changement de contexte ; • Intervenir ensemble donne une dynamique et permet
• Certains enfants bénéficient déjà de suivis extérieurs un enrichissement mutuel des pratiques.
multiples ; est-il judicieux de les sortir encore une
Mais alors quelles sont les difficultés à travailler en
fois ?
classe ?
Pour les enseignants :
Cette forme de travail suscite beaucoup de questionne-
• Il y a également harmonisation du discours des mai- ments et de remises en question aussi bien pour le maitre
tres : au niveau du contenu, de la méthodologie, de la E que pour le maitre de classe !
terminologie…
• De nombreux maitres E considèrent que le bruit est
• Voir l’enfant fonctionner en classe permet de mieux la première difficulté. Nous choisissons un moment
cerner la nature des obstacles qu’il rencontre. Nos de co-intervention qui tolère une certaine activité de
deux regards posés sur cet enfant enrichissent l’image classe du fait de la confrontation des productions et de
que nous avons de lui. Être ensemble au même moment la dynamique de recherche ;
offre aux deux maitres l’occasion d’un échange ;
• Tous les enseignants n’acceptent pas l’intervention
• L’enseignant peut désirer connaitre les pratiques du d’un autre adulte dans leur classe ;
maitre E. Il pourra alors mieux comprendre ce qu’est
• Le maitre de classe a des attentes légitimes, mais qui
le travail d’aide pédagogique ;
peuvent parfois être de l’ordre de la délégation : «
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Prends-le. Moi je n’y arrive plus. C’est ton travail, les


élèves en difficulté ». Pas toujours évident de concevoir
que c’est ensemble que nous allons travailler, pour son
3 FNAME (Fédération nationale des associations des maitres E), Compte
rendu des deux réunions d’échanges « Le travail en classe du maitre E ».
élève…

Deux exemples d’élèves…


Jordan : de l'aide, mais plutôt au sein de la classe…
Lors de l’entretien-rencontre avec Jordan, il m’avait répondu par la négative lorsque je lui ai demandé s’il était d’accord
pour que je l’aide à progresser en sortant de la classe avec d’autres élèves. Assez déroutée par cette réponse inhabituelle,
j’en ai discuté avec sa maitresse, mais l’ai sorti quand même avec le groupe. Jordan est alors très agité. Il se laisse facilement
distraire, a beaucoup de mal à écouter les consignes jusqu’au bout et n’accepte pas de se tromper. Il ne se concentre que très
peu de temps, et son extrême tonicité empêche les autres élèves du groupe de travailler.
Lorsque j’interviens en classe lors d’une activité globale d’écriture et sous le regard de sa maitresse, Jordan sait se maitriser.
Il se concentre davantage. La réalisation de l’intention induite par le projet d’écriture est un moteur pour lui. Il fait preuve
de progrès notables. Il rentre dans la conception alphabétique, et malgré de nombreuses lacunes en connaissance du code, il
semble éprouver beaucoup de plaisir à jouer avec l’assemblage des phonèmes à l’oral comme des graphèmes à l’écrit. Comme
il me l’avait exprimé à sa façon, le contexte socio-affectif et cognitif de la classe me parait convenir mieux à Jordan que le
travail en regroupement d’adaptation.

Maëva : des bienfaits du petit groupe


Maëva ne veut pas grandir. Elle nous le dit lors d’un entretien avec ses parents, alors que nous nous inquiétons de son
manque d’implication dans les apprentissages. « Je veux retourner en grande section », « C’est trop dur ». Le message est
explicite, d’autant plus que Maëva parle très peu d’habitude... Elle avait commencé par vouloir aller jouer dans un coin
pendant que nous parlions, puis après avoir accepté de revenir s’assoir, avait gardé la tête baissée tout le long de l’entretien.
Maëva aurait sans doute besoin de l’aide d’un maitre G pour l’aider à devenir élève, à restaurer l’image qu’elle a d’elle-même
et son désir d’apprendre. Cependant, je pense que n’ayant pas de maitre G, son intégration dans un petit groupe d’élèves
en difficulté relevant de E peut lui être bénéfique. En effet, les quelques séances que j’ai eues avec Maëva ont fait apparaitre
un plaisir évident à venir dans le groupe hors classe. Elle semble se trouver en sécurité et ose davantage s’exprimer. Le
temps de mon intervention en classe n’a pas le même impact. Le contexte de la classe semble l’enfermer dans le regard que
les autres ont d’elle, et dans celui qu’elle a d’elle-même : l’échec. Elle est sans cesse renvoyée à des situations douloureuses
d’apprentissage. Elle se montre passive, n’osant pas s’exprimer. Le petit groupe lui permet également de changer le
regard que les autres avaient posé sur elle. Maëva s’est fait une amie dans le groupe et ne reste plus seule dans la cour.
Les liens avec la classe ne sont pas oubliés pour autant, car l’objectif est que Maëva s’y sente mieux. Ces liens devront être
reconstruits progressivement. La collaboration avec le maitre de classe, comme le rappelle Pascal Ourghanlian, n’est pas
moins importante : « Sortir un élève de la classe (...) n’est pas un acte anodin. Mettre en place une remédiation sur la base
d’un projet individualisé doit se faire quand les difficultés sont installées et dans un cadre partenarial bien défini. »1

1 Pascal Ourghanlian, Comment la mission de prévention confiée au maitre E peut-elle ouvrir un espace de
collaboration avec le maitre de la classe ?, Mémoire, CAAPSAIS Option E – Session de juin 2004.

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

• Certains élèves sont attirés par ce qui se passe dans très souple, en fonction des besoins des élèves. Un échange
l’autre groupe, et n’arrivent pas à se concentrer sur la à la fin de chaque séance donne la possibilité de moduler la
tâche qui est la leur. Je vis cela dans presque chacune suite de l’intervention.
des classes dans lesquelles j’interviens, et ce phéno- Voici un exemple. Je commence à travailler avec un groupe
mène a davantage lieu lors des premières séances ; de CP. Après une observation en classe des élèves dont je
• Le temps de concertation est la difficulté majeure : la m’occupe, j’ai souhaité les sortir pour la première séance,
grande majorité des maitres auxquels je propose de dans le but de faire connaissance avec eux, et de permettre
travailler au sein de leur classe est ouverte au travail au groupe de se constituer en tant que tel. Je souhaitais
d’équipe, mais peu entrent dans la démarche de ne pas négliger l’étape essentielle de la rencontre. Il me
concertation. Ne pas se voir entre deux portes, mais semble difficile, dans l’enceinte de la classe, de définir nos
amener l’enseignante de classe à prendre le temps de objectifs avec les élèves.
s’assoir, pour croiser les regards et définir les rôles Nous avons choisi avec l’enseignante de travailler sur un
respectifs. D’autant plus que cette concertation est projet d’écriture. La mise en route du projet se fait en
censée être très régulière pour ajuster les interven- classe. Tous les élèves sont concernés. La dynamique du
tions. Les maitres de classe manquent de temps pour groupe est telle que nous choisissons de poursuivre ensem-
se rencontrer et réfléchir ensemble ; ble la séance suivante. Nous constatons que les élèves de
• L’identité de maitre E : la remise en cause. Si le re- mon groupe ont tous de réelles difficultés avec la notion
groupement d’adaptation est un lieu qui semble plus de mot. Je choisis de les sortir la séance suivante pour
sécurisant pour l’enfant, je pense qu’il l’est également provoquer un conflit sociocognitif dans un lieu calme. Ce
pour le maitre E. Il est en effet difficile de se mettre changement de lieu peut aider l’élève à prendre du recul,
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dans une nouvelle forme de travail qui peut risquer de à se distancer mentalement pour mieux se regarder agir.
remettre en question notre identité professionnelle. Il permet également de faire le point et de se donner de
nouvelles perspectives. De retour en classe, nous faisons
Y a-t-il des conditions nécessaires au bon fonctionnement des liens, l’objectif étant le transfert des compétences, et ce
de ce travail ? éventuellement par l’explication aux autres élèves de ce qui
Oh oui ! Au sein de notre équipe Rased, nous sommes tou- a été vécu en petit groupe. On peut ainsi offrir au groupe
tes arrivées à la conclusion que, pour préserver l’identité de aidé une position valorisante. C’est une place non habituelle
chacun des maitres, il est nécessaire de se créer un espace pour eux. Ils sont « meneurs » d’activité, et informateurs du
de travail commun et contractualisé avec le collègue chez travail effectué en groupe d’aide.
qui nous intervenons. Je choisis, dans les deux contextes d’apprentissage, de faire
C’est le maitre de la classe qui connait le mieux ses élèves, produire des écrits aux élèves. Ce support est celui qui me
et j’attends de lui qu’il m’aide à mieux les connaitre. J’ap- semble être le plus aisé à mettre en œuvre pour travailler
porte un regard différent, celui du maitre spécialisé, suite au sein de la classe. C’est une activité qui permet de créer
aux observations en classe, aux entretiens avec l’élève et un espace commun de travail avec l’enseignante au sein de
aux évaluations que j’ai pu faire. Nous établissons donc en sa classe.
amont du travail avec le maitre de classe un petit contrat
qui rend explicite notre fonctionnement commun et res- Quelques mots, pour conclure ?
pectif, mais surtout le projet commun que nous avons pour Les élèves n’ont pas tous besoin du même environnement
les élèves en difficulté. Cela permet à chacun des acteurs de cognitif et affectif pour « faire leur chemin » vers les ap-
clarifier ses propres fonctions. Ces objectifs consignés sont prentissages. S’adapter à leurs besoins, n’est-ce pas entre
une base de travail fonctionnelle et cohérente, qui permet à autres être capable de les accompagner au sein même du
chacun de prolonger son travail en l’absence de l’autre tout contexte d’apprentissage qui leur sera le plus adapté ?
en restant dans une même logique d’action pour l’enfant. Avec notre équipe de Rased, nous visons essentiellement à
ne pas externaliser l’aide.
Et qu’en est-il de la combinaison des deux modalités ?
Le travail que nous faisons en classe peut porter ses fruits
Il est possible d’alterner les modalités « en classe » et « hors
à long terme, car il donne la possibilité au maitre de classe
classe » pour assurer un transfert continu et conserver des
d’observer notre travail de maitre spécialisé, et de s’appro-
liens étroits avec ce qui est fait en classe. Nous nous som-
prier des gestes et des outils nouveaux pour aider ses élèves
mes mis d’accord avec chaque enseignant de classe pour
en difficulté.
que cette façon d’intervenir puisse se réaliser de manière

Audrey Calviac
Gwenola Lebel
Charlotte Menet
Céline Vincendon
Maitres E, Rased de Valenciennes

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Au primaire

L'aide personnalisée en débats


Le dispositif de l'aide personnalisée mis en place par le ministère en 2008 en même temps que la suppression
des cours le samedi matin est fortement controversé, jusqu'au refus de nombre d'enseignants de le mettre en
place, quitte à s'exposer à des sanctions de l'administration. Bien des raisons, que rappellent ici Armelle Legars et
Sylvain Grandserre, viennent à l'appui de ces réticences : « aide personnalisée » est, certes, une belle expression,
mais qui ne suffit pas en soi à en faire un dispositif utile pour les élèves à qui il est destiné !
Maintenant, comme bien des mesures qui touchent au fonctionnement de l'école, les pédagogues n'ont guère le
choix que de faire avec, de rechercher les marges de manoeuvre, dans l'intérêt des élèves, et elles existent. À nous
également d'observer avec lucidité, comme le font Christine Félix et son équipe, ou comme témoigne Isabelle
Valle, ce qui s'y passe pour nourrir l'argumentation, la réflexion sur les pratiques.

Une mauvaise solution


avec des enfants qui ont du mal à être élèves, mais là aussi,
on sort des objectifs du dispositif.

à un vrai problème Plus généralement, que faut-il faire d’après vous pour
accompagner les élèves en primaire et de façon person-
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nalisée ?
Armelle Legars Un exemple qui fonctionne : le dispositif CP renforcé.
Un enseignant supplémentaire intervient à mi-temps sur
l’école (et à mi-temps sur une autre), uniquement dans le
Que pensez-vous globalement de ce dispositif de l’école
domaine de la lecture/écriture. Il intervient principale-
primaire ?
ment auprès des CP, dans des organisations répondant aux
Il me parait très mal pensé. besoins définis par chaque équipe :
En termes de rythmes scolaires, il n’y a aucune bonne Deux classes peuvent être réparties en trois groupes hé-
solution : le matin, le midi, le soir, cela pose toujours des térogènes pour diminuer le nombre d’élèves et augmenter
difficultés de fatigue supplémentaire pour les enfants. ainsi leur temps d’activité réelle lors des découvertes de
En termes d’organisation : c’est très compliqué pour les texte ou du travail sur les sons ;
parents, pour les enseignants, pour les mairies parfois. On peut faire trois groupes de niveaux pour mieux respec-
En termes d’objectifs : on doit viser les élèves qui ren- ter le rythme de chaque enfant ;
contrent une difficulté ponctuelle ; d’accord, mais ceux-là • L’enseignant supplémentaire peut intervenir en
sont assez faciles à aider dans le cadre de l’organisation co-animation dans une classe pendant des séances
« normale » de la classe. Donc on propose souvent le dis- de production d’écrit par exemple, pour aider plus
positif à des élèves en grande difficulté, avec le danger de particulièrement certains élèves ;
simplement en « rajouter » faute de formation spécialisée.
• Il peut prendre en charge un petit groupe d’élèves, par
Ces élèves cumulent d’ailleurs souvent une prise en charge
exemple en début d’année, des CE1 fragiles en lecture
par le Rased, et pourquoi pas un suivi au CMPP ou par
qui auront du mal à suivre le rythme du groupe ;
un orthophoniste… : comment construire une cohérence
entre toutes ces interventions ? • Il peut en fin d’année intervenir auprès des élèves de
grande section, pour un travail de renforcement du
En termes de communication : le message envoyé aux élèves
projet de lecteur par exemple.
concernés et à leurs parents, même en prenant des gants,
est négatif. Cela ajoute un stress au lieu de dédramatiser les Ce qui est intéressant dans ce dispositif, c’est la pré-
différences de rythme d’apprentissage. sence continue de l’enseignant supplémentaire, qui permet
d’adapter l’organisation tout au long de l’année en fonction
Peut-on y faire des choses intéressantes ? des besoins des élèves. Faut-il souligner que cela demande
Un temps de travail en petit groupe peut ouvrir des pistes des temps très réguliers de concertation, qui ne sont pas
intéressantes pour le travail à l’oral, par exemple, ou en prévus dans les temps de réunion ?
production d’écrit, ou encore pour travailler la méthodo- Notre IEN avait l’espoir de pouvoir créer un poste simi-
logie ou expliciter des procédures, dans des démarches de laire pour les CM2 du RAR, en transformant un poste non
métacognition. Mais, dans ce cas, à peu près tous les élèves pourvu du Rased. Ce poste a été supprimé, donc ce ne sera
en ont besoin, c’est donc un travail qui devrait être fait pas possible... Quant au dispositif CP renforcé, il est égale-
en classe... On sort des objectifs, car il ne s’agit pas d’une ment menacé. D’ailleurs, des évaluations départementales
difficulté ponctuelle. montraient son efficacité depuis plusieurs années : elles
Ce temps où la maitresse est plus disponible permet aussi ont été supprimées également, désormais nous pouvons les
parfois de modifier les relations avec certains élèves : la faire passer aux élèves « si nous le souhaitons »...
proximité permet de renforcer la confiance. Il faut trans-
Armelle Legars
former ce temps supplémentaire en moment privilégié,
avec des rituels rassurants, des moments de parole plus Professeure des écoles à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)
libres que dans la classe, etc. C’est particulièrement vrai Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

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Un dispositif Pourtant, il serait dangereux d’affirmer qu’un enseignant


au travail avec un petit groupe de ses élèves est totalement
impuissant ! Ne nions pas le fait que des enfants ont pu
imposé, peu efficace être rassurés par cette relation plus personnelle. Certains
se sont approprié les lieux, les outils, ont pu reprendre la
et finalement parole, gagner en confiance. Des professeurs en ont éga-
lement profité pour « se lancer » en essayant des supports
contreproductif ou des modalités de travail différents, plus ludiques, plus
valorisants. Tout l’intérêt est de profiter de la petitesse
du groupe pour travailler autrement, en variant la forme
Sylvain Grandserre (jeux, défis, expression), les supports (informatique, pein-
ture, théâtre) et en multipliant les échanges (plus grande
prise de parole). Il est intéressant également d’enrichir ces
Que pensez-vous globalement de ce dispositif de l’école groupes en prenant d’autres élèves capables de dynamiser
primaire ? l’ensemble.
Être pédagogue impose de chercher des réponses aux pro- Or, il ressort de certains témoignages (notamment d’IEN)
blèmes rencontrés à l’école. Pour autant, cela ne dispense que trop souvent ce dispositif a été utilisé pour faire du
pas de dénoncer les solutions hasardeuses qui sont impo- soutien sous la forme la plus classique qui soit, c’est-à-dire
sées avec des arrière-pensées économiques et idéologiques celle de la reprise à l’identique d’un travail de classe. On
telles que celles qui ont prévalu lors de la mise en place de peut dès lors craindre que la classe soit le lieu où l’on
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l’aide personnalisée. délivre un cours standard, les élèves décrochés étant priés
En supprimant la classe le samedi matin, deux heures de se présenter ensuite à l’aide personnalisée ou au stage
d’enseignement ont été libérées et réaffectées à l’aide per- de remise à niveau pendant les vacances, donc en dehors de
sonnalisée en sous-entendant que cela correspondrait au l’enseignement habituel. Autant dire que cela n’encourage
travail d’aide spécialisée des Rased1. L’ancien ministre de ni l’innovation ni la différenciation pédagogique. On peut
l’Éducation nationale Luc Ferry avait déjà publiquement même se demander quel sens ce travail peut prendre pour
expliqué2 comment cette opération – qui honorait la pro- des enfants parfois très jeunes (dès la maternelle) sur un
messe de supprimer la classe du samedi – allait permettre temps où les autres camarades s’amusent ou se reposent !
de récupérer des milliers d’emplois occupés dans les Rased. Pour travailler tôt le matin, le midi ou après la classe, il
Bref, le ministre Darcos qui voulait « diviser par trois » faudrait que les élèves les plus fragiles soient les plus résis-
l’échec scolaire a surtout diminué d’autant les moyens qui tants... une hypothèse qui ne résiste pas à l’observation.
y étaient dévolus. En prétendant offrir aux parents dans
l’école publique ce qu’ils allaient chercher dans des offici- Plus généralement, que faut-il faire pour accompagner
nes privées, le ministre a surtout renforcé le crédit de ces les élèves en primaire et de façon personnalisée ?
dernières. Bref, tout cela me semble bien trop poli (-tique) La réponse passe forcément par une réflexion sur l’organi-
pour être honnête ! sation et l’aménagement des apprentissages et de la classe
(voire de l’école) un peu plus complexe que le simple ex-
Peut-on y faire des choses intéressantes ? posé d’un cours depuis l’estrade. S’il est possible de varier
Comme souvent depuis 2002, on ne prend pas en compte ponctuellement les supports de travail en les adaptant à
les constats de la recherche ni l’expression des enseignants, l’élève, on sait très bien qu’à la longue, cela reste difficile
mais on demande ensuite à ces derniers de mettre en œuvre à répéter. En revanche, la différenciation peut être pensée
les mesures non souhaitées… Car pour qu’un petit groupe dans la quantité de travail, le temps accordé, les aides pos-
d’élèves bénéficie de cette aide, il faut que tout le reste de sibles (outils, individus dont le maitre E, affichages, cahier
la classe perde vingt-quatre matinées d’école par an ! Pour aide-mémoire) ou le réaménagement d’une tâche commune
mon cours double (CM1/CM2), c’est une perte sèche de (consigne, reformulation, redécoupage, indices).
six semaines de classe sur deux ans... Quand on connait la En élémentaire, une plage horaire peut être accordée quo-
place qu’occupaient le français et les mathématiques sur ce tidiennement au « plan de travail », phase pendant laquelle
temps, on ne peut que constater une contradiction avec le chaque élève avance de manière autonome dans ce qui a été
prétendu retour aux fondamentaux. prévu, mais en choisissant l’ordre des activités : rédaction
Quant aux enseignants qui ont tenté d’utiliser autrement d’un texte, lecture, fiches de mathématiques, construction
ces heures prises au détriment de tous les autres élèves, ils géométrique, utilisation de l’ordinateur. Cela donne de la
ont parfois été lourdement sanctionnés (Alain Refalo par souplesse à la classe – les meilleurs élèves pouvant aller plus
exemple). Or il n’est pas très habile de vouloir faire l’édu- vite – et libère le maitre, non pas accaparé par les meilleurs,
cation sans les éducateurs, abandonnés du coup à l’impro- mais enfin disponible pour ceux qui en ont le plus besoin.
visation (quid de la formation à ce sujet ?). Ainsi, une étude Mais ce n’est pas non plus par un acharnement pédagogique
de Jean-Jacques Guillarmé montre que le taux d’efficacité que l’on aide le plus ces enfants. Il y a également un travail à
de l’aide personnalisée est très faible (20 %) comparé à mener sur leur statut, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, leur
celui des Rased (de l’ordre de 70 %)3. place dans le groupe (parole, initiative, responsabilités),
autant d’éléments qu’une pédagogie coopérative (entraide,
1 Confusion dénoncée par Laurent Lescouarch tutorat, travail à plusieurs, communication, socialisation
2 Sur Europe 1 le 2 septembre 2008. du travail) prend en compte. L’équipe éducative a aussi
3 La synthèse des conclusions de la recherche FNAREN/Université un rôle à jouer, notamment dans son rapport à la famille.
PARIS-DESCARTES « L’élève en difficulté scolaire : aide personnalisée N’oublions pas que l’apparente anormalité de certains
ou aides spécialisées des RASED ? » est en ligne sur le site de la FNAREN
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comportements d’élèves se révèle être au contraire une nécessaire réflexion à mener pour une mise en œuvre d’or-
réaction naturelle et légitime face aux aléas de leur vie ganisations plus adaptées, mais également plus complexes.
(violence, misère, problèmes affectifs).
Notons tout de même que la suppression de la formation Sylvain Grandserre
professionnelle des maitres ne va pas dans le sens de la Maitre d’école en CM1/CM2
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Une occasion à saisir en effet, une vision médicale de la prise en charge de la dif-
ficulté scolaire, encore trop largement partagée, qui amène

pour aider les élèves à considérer toutes les difficultés comme des « maladies
infantiles » ou les symptômes d’un « dys » quelque chose,
que seuls des spécialistes pourraient guérir : la lecture aux
dans le cadre de l’école orthophonistes, les problèmes de comportement aux psy-
chologues ou aux pédopsychiatres, etc. Le titre d’ouvrages
Sylvie Cèbe comme ceux de Despinoy (Comprendre et soigner l’échec
scolaire) ou Revol (Même pas grave ! L’échec scolaire ça se
Que pensez-vous globalement du dispositif d’aide per- soigne) me semblent relever de cette croyance dangereuse
sonnalisée mis en place à l’école primaire ? et erronée pour différentes raisons. En premier lieu, parce
De nombreuses études ont mis en évidence que si tous les qu’elle ne fait plus de l’élève qui éprouve des difficultés
enfants naissent libres et égaux en droit, ils ne le restent qu’un enfant « malade » auquel on attribue très vite des «
pas longtemps au regard de l’accès aux savoirs scolaires. traits de personnalité » très généraux et stables en taisant
C’est pourquoi la question qui se pose aujourd’hui à l’école le fait que, dans d’autres contextes, d’autres situations ou
et à ses enseignants n’est pas de savoir s’il faut supprimer d’autres disciplines, le même enfant peut se révéler très
les différences interindividuelles – dont on s’accorde pour compétent. Ensuite parce que cette manière de voir fait
dire qu’elles sont une richesse –, mais porte sur les mesures porter à ce dernier toute la responsabilité de son échec
à prendre pour que les différences développementales (so- (c’est lui qui « est », « n’est pas », « a », « n’a pas ») quand
cioculturelles, linguistiques, cognitives, comportementales, la plupart des études menées dans le domaine ont mis en
évidence que la difficulté scolaire est toujours le résultat
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affectives…) ne se transforment inexorablement en diffi-


cultés scolaires. Et si l’on admet que la mission première d’une interaction entre les facteurs personnels de l’enfant
de l’école est de garantir à tous les moyens d’apprendre, et les facteurs environnementaux (par exemple les pratiques
alors c’est à l’intérieur de celle-ci qu’il convient de mettre éducatives et d’enseignement). Si tel élève ne parvient pas
en place des solutions concrètes pour atteindre cet objectif. à apprendre dans les mêmes conditions que ses camarades,
Aussi les principes sur lesquels repose le dispositif d’aide alors il convient d’agir sur les deux dimensions à la fois.
personnalisée me paraissent-ils difficilement contestables Autrement dit, la prise en charge de la difficulté scolaire
en ce sens qu’ils offrent à tous les enfants, quels que soient ordinaire2 ne peut être que l’apanage des véritables spé-
leur milieu d’origine et les revenus de leurs parents, la cialistes que sont les enseignants, ordinaires et spécialisés,
possibilité de trouver, à et dans l’école, l’aide spécifique qui travaillent en lien étroit avec le cœur même de ce qui
dont ils ont besoin à un moment ou à un autre. se fait en classe.
Je ne discuterai pas ici la réalité de leur mise en œuvre dans Peut-on y faire des choses intéressantes ? Si oui, quoi et
un contexte sociopolitique qui risque fort de les dévoyer comment ?
(diminution du temps de classe, absence de concertation, La mise en place de ce dispositif par l’enseignant de la classe,
manque de formation, restrictions budgétaires, non respect avec des horaires protégés et la possibilité de travailler de
des rythmes de l’enfant, non prise en compte des contextes façon régulière avec un même petit groupe, peut permettre
et des réalités locales, etc.). En outre, si j’adhère à ces de changer la nature même des aides et la manière dont el-
principes, je rappelle le danger que peut représenter l’aide les sont données, notamment par les enseignants débutants
personnalisée si et quand elle conduit les enseignants, qui n’ont pas encore l’expertise professionnelle des maitres
souvent à leur insu, à « rompre le contrat éducatif » qui les chevronnés. En classe entière, ces aides surviennent le plus
lie à l’élève1. Greta Pelgrims montre en effet que certains souvent « à chaud », en réponse à une demande pressante
enseignants, parce qu’ils diffèrent systématiquement la d’un élève ou à partir du constat – fait par l’enseignant –
prise en charge de la difficulté scolaire au moment d’aide d’une incompréhension, d’un blocage, d’un abandon, d’un
ou de soutien, réduisent les temps d’enseignement et les manque d’attention... Ni programmées, ni progressives, ni
possibilités d’apprendre, et privent les enfants concernés hiérarchisées, elles sont souvent centrées sur le « faire », le
d’exercer, dans leur classe, leur rôle d’élève. Je soutiens résultat et la réponse attendue. Elles portent donc rarement
donc que c’est d’abord et avant tout au sein même de la sur les connaissances, les compétences ou les procédures
classe qu’une large marge de manœuvre est possible dans la requises par la tâche ou l’activité que l’élève ne maitrise
prise en compte des difficultés. Je ne m’étendrai pas sur ce pas. Certes, elles permettent bien de le garder attentif et
point qui n’est pas l’objet de cette contribution. Je renvoie « au travail » avec le reste du groupe-classe, mais elles ne
le lecteur aux outils pédagogiques et didactiques que nous répondent que très partiellement à ses problèmes. Dès
avons construits avec Roland Goigoux et Jean-Louis Paour lors, on comprend pourquoi ce sont toujours les mêmes
qui ont tous été conçus pour être utilisés en classe entière, qui appellent le maitre à leur secours, y compris quand la
leur progression reposant toujours sur les élèves qui ont tâche proposée est similaire à celle qu’ils ont eue à résoudre
le plus besoin que l’école leur enseigne ce qu’elle requiert précédemment. Sur ce point, le dispositif d’aide me parait
d’eux. donc capable de permettre à l’enseignant de planifier les
Mais si, en dépit de ce qui précède, je défends les principes « aides » à apporter sur un temps relativement long et de
qui sous-tendent l’aide pédagogique, y compris le dispositif hiérarchiser ses priorités en se centrant sur l’enseignement
d’aide personnalisée, c’est parce qu’ils accordent à l’école
et à ses maitres la place qui leur revient. Ils contrecarrent, 2 Je tiens à préciser que je distingue clairement les difficultés
ordinaires de celles que présentent les élèves à besoins éducatifs
particuliers et qui, selon moi, ont besoin de pratiques d’enseignement
1 Greta Pelgrims Ducrey, « Comparaison des processus d’enseignement elles aussi très particulières que seuls les membres du Rased peuvent
et conditions d’apprentissage en classes ordinaire et spécialisée : des leur offrir. J’ajoute que la collaboration entre les enseignants
prévisions aux contraintes », Revue française de pédagogie, n° 134, 2001 spécialisés et les enseignants chargés de classe est une nécessité.
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Au primaire

des compétences qu’il sait critiques pour la réussite sco- dévaloriser leurs principaux outils de travail du métier
laire, compte tenu de l’âge de ses élèves et du programme qui sont, le plus souvent, des outils à usage collectif4.
à suivre. Tous les maitres savent à quel point il existe des écarts
Pour répondre à la question du comment, je dirais que de performance entre les élèves d’une même classe, mais
l’enseignant peut choisir entre deux options, que je crois tous savent aussi qu’il n’y a pas, pour autant, cinquante
également valides. Il peut proposer les mêmes tâches manières d’apprendre. Autrement dit, si tous les élèves
que celles qu’il a utilisées en classe, en modifiant ou en sont singuliers, les objectifs à atteindre, les compétences
renforçant le guidage, en étant plus attentif à la manière requises pour apprendre, elles, ne sont pas spécifiques. Sur
dont les élèves traitent les tâches et en leur enseignant les ce point, je reprends à mon compte les résultats des études
connaissances et les procédures qui sous-tendent leur réso- montrant que les élèves déclarés en difficulté présentent
lution efficace. Mais il peut aussi centrer son intervention une caractéristique commune, celle de ne pas savoir tirer
sur d’autres types de compétences qui ne sont pas ou plus spontanément profit de leurs expériences et de leurs inte-
au programme de sa classe. Il peut, par exemple, viser le ractions avec leur environnement physique et social pour
développement de compétences langagières, ou mettre apprendre5. Aussi ont-ils, plus que les autres, besoin d’un
en place un ensemble d’activités centrées sur le dévelop- enseignement explicite (que je ne tiens pas pour un syno-
pement de compétences relativement générales (la com- nyme d’« enseignement directif ») qui allie progressivité et
paraison, la catégorisation, la compréhension en lecture, complémentarité des tâches de découverte, de résolution
l’ordre, le temps) requises dans de nombreuses tâches et de problèmes, de conceptualisation et d’exercices, et ce
activités scolaires, mais qui font rarement l’objet d’un en- quels que soient les savoirs que l’on vise à faire construire.
seignement en tant que tel. Roland Goigoux3 propose sept C’est pourquoi il me parait intéressant de quitter la logique
du « sur-mesure, haute couture » pour lui préférer celle du
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familles de tâches d’enseignement qui se prêtent bien à cet


étayage soutenu : 1. Exercer (entrainer, systématiser, auto- « prêt-à-porter »6. Pour filer la métaphore, je dirais que,
matiser) ; 2. Réviser (synthétiser, préparer une évaluation dans le domaine de la conception vestimentaire, le « prêt-
commune) ; 3. Soutenir (observer / accompagner l’élève au à-porter » commence par la collecte des caractéristiques
travail, soutenir sa réalisation, verbaliser les objectifs et les communes d’une population donnée pour ensuite tailler
contenus, expliciter les procédures) ; 4. Anticiper (préparer, des vêtements adaptés à la taille, à la corpulence et au gout
réunir les conditions de la compréhension d’une future des personnes. Certes, ils ne sont jamais parfaitement
séance menée en collectif : c’est une différenciation en ajustés, mais tout le monde peut néanmoins les porter.
amont) ; 5. Revenir en arrière (reprendre les bases, combler Parfois, il faut faire un ourlet ou des pinces, parfois il faut
des « lacunes ») ; 6. Compenser (enseigner des connaissances mettre une ceinture, mais pas plus. Je crois donc plus utile
et des compétences requises par les tâches scolaires habi- d’aider les maitres à analyser les acquisitions de leurs élèves
tuelles, mais peu ou non enseignées) ; 7. Faire autrement confrontés aux tâches scolaires habituelles et à organiser
(enseigner la même chose autrement ou la faire enseigner leur enseignement à partir d’elles, plutôt que de leur vanter
par quelqu’un d’autre). les vertus d’hypothétiques bilans médicaux et/ou psycho-
logiques qui déboucheraient sur des remédiations ciblées7.
On m’objectera, et on aura raison, que ce type de prati-
Autrement dit, il me semble que c’est plutôt sur la base de
ques professionnelles suppose des savoirs et des savoir-
ce qui est « régulier », requis et déterminant pour la suite
faire experts et donc une formation (initiale et continue)
des apprentissages prévus en classe entière que le maitre
conséquente et adaptée aux besoins des enseignants. Cela
peut planifier son activité en petit groupe, la guider et la
requiert aussi que l’équipe pédagogique puisse bénéficier
réguler de manière efficace. C’est aussi sur cette base qu’il
d’un temps de concertation et d’un accompagnement
peut organiser un enseignement collectif en petit groupe
important pour analyser le résultat de leur travail et le
en n’évacuant ni les savoirs ni la singularité de chacun. La
modifier en conséquence, en collaboration étroite avec
connaissance de ces régularités lui permet de porter une
les membres du Rased. Autant de paramètres qui font, à
réelle attention aux enfants comme personnes singulières,
l’heure actuelle, cruellement défaut au dispositif d’aide
si l’on admet que régularité n’est pas synonyme d’unifor-
personnalisée et qui risquent fort d’en compromettre les
mité : et c’est bien parce qu’il sait identifier ce que les élèves
résultats, avec des enseignants de plus en plus en tension,
ont en commun que l’enseignant peut cerner leur part de
ne serait-ce que pour faire tout ce qu’ils ont à faire dans
singularité (et leurs difficultés spécifiques), s’y intéresser
un temps contracté qui laisse de moins en moins d’espace
et intervenir dans le dispositif d’aide, certes, mais aussi et
pour le travail collectif des maitres.
surtout dans l’ordinaire de la classe.
Plus généralement, que faut-il faire pour accompagner
Sylvie Cèbe
les élèves en primaire et de façon personnalisée ?
Professeure associée de sciences
Paradoxalement, compte tenu de ce que j’ai dit plus haut, de l’éducation à l’université de Genève
je ne crois pas qu’il faille trop personnaliser cette aide. Laboratoire PAEDI, université Blaise
S’il parait de bon sens de sortir d’une culture de l’« in- Pascal, Clermont-Ferrand
différence aux différences », l’efficacité d’une trop grande
4 Sylvie Cèbe, « Pas de métacognition sans cognition : le
personnalisation doit être remise en cause si elle amène rôle de l’explicitation dans la construction des connaissances »,
à réduire le temps d’enseignement accordé à chacun et à in Gérard Toupiol (Éd.), Apprendre et comprendre – Place et
rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée, Retz, 2006.
vouer toute entreprise collective (même en petit groupe)
5 Jean-Louis Paour, Christine Bailleux, Patrick Perret,
à l’échec. Enfin, il me parait contreproductif de demander « Pour une pratique constructiviste de la remédiation
aux enseignants ordinaires de personnaliser l’aide, parce cognitive », Développements, n° 3, 2009.
que c’est les renvoyer, par avance, à leur impuissance, et 6 Roland Goigoux, « Des tâches habituelles pour un
étayage soutenu », Fenêtres sur cours, n° 325, 2009.
3 Roland Goigoux, « Des tâches habituelles pour un 7 Sylvie Cèbe, « Besoins de pratiques d’enseignement
étayage soutenu », Fenêtres sur cours, n° 325, 2009. particulières », L’Éducateur, numéro spécial, 2010.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Ne pas espérer des ces dispositifs, moins ils disposent de temps pour en parler.
Par exemple, le fait de placer l’aide personnalisée de 13 h
à 13 h 30 densifie le temps de travail et rend difficiles les
résultats immédiats échanges sur les gestes du métier, leur mise à l’épreuve,
etc.
Christine Félix Avez-vous noté dans vos observations, vos petites vidéos
sur lesquelles vous retravaillez ensuite, des manières de
faire différentes ?
L’auteure a suivi un groupe d’enseignants d’une Oui, c’est justement un moyen qui leur permet de débattre
école des Bouches-du-Rhône sur des temps et d’observer des clivages parfois forts. Tel enseignant
d’accompagnement personnalisé. Elle nous propose s’efforce surtout de construire un collectif, même s’il ne
dans cet interview quelques aperçus de ce travail de s’agit que de six élèves, tel autre individualise au contraire
suivi d’équipe et des débats que cela suscite, ce qui au maximum et cherche à répondre aux besoins de chacun.
n’est pas le moindre intérêt de ce dispositif. On a aussi une opposition entre une pratique directive,
fondée sur une pédagogie explicite et un guidage fort, et
une pratique plus constructiviste, qui sollicite l’estime de
soi et la mise en confiance.
Que ressort-il du suivi de cette école quant au vécu du
dispositif d’aide personnalisée ? Un autre exemple en cycle 2, où le travail est très axé sur
la lecture : on avance souvent très lentement, au besoin
Avant de répondre à cette question, je voudrais préciser au moyen de répétitions. Cette manière de faire perturbe
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que je me place dans une problématique de l’analyse de des enseignants de cycle 3 qui se trouvent à la fois un peu
l’activité réelle des professeurs, c’est cela qui m’intéresse, décontenancés par ces avancées très limitées, mais aussi
et non les déclarations sur ce que les professeurs devraient conscients qu’eux-mêmes ne savent peut-être pas faire
faire. Ce travail auprès des enseignants de cette école est ainsi ; de la même manière que des enseignants de collège,
délibérément centré sur le développement des capacités des face à ces vidéos, trouvent parfois qu’il n’y a pas assez de
professionnels à agir dans et sur cette situation inédite de contenu, que cela n’est pas assez dense, etc., mais qui sont
travail. Alors c’est sûr que les enseignants concernés sont tout aussi démunis pour dire comment faire autrement.
partagés entre d’un côté, les critiques émises sur le nouveau Cela montre une fois de plus le caractère problématique de
rythme scolaire qu’impose par exemple la réorganisation l’enseignement de la lecture, notamment selon les spécifi-
du temps à l’école primaire, et d’un autre côté, la nécessité cités des cycles.
d’agir et d’utiliser à bon escient ce dispositif au cœur des
difficultés, celles des élèves et celles du métier de professeur En fait, à travers le travail réel des enseignants se pose la
à qui on demande d’être davantage un « accompagnant » question de l’efficacité, à laquelle on ne peut pas apporter
qu’un « enseignant ». Le travail d’intervention-recherche de réponses aisées et définitives, surtout sans prendre en
mené dans cette école située dans une zone défavorisée compte le point de vue des professionnels. Ce qui compte,
permet de « zoomer » sur les problèmes de la profession. me semble-t-il, c’est que les enseignants se réapproprient,
à travers ce type d’intervention, le sens de leur métier,
Mais l’institution ne demande-t-elle pas avant tout des en redécouvrent des dilemmes constitutifs et éprouvent
résultats ? le sentiment de faire du bon travail, d’avoir une certaine
C’est certain qu’il y a un décalage. Beaucoup voudraient efficacité dès lors que ces dilemmes sont reconnus collec-
que des maitres formateurs, comme c’est le cas ici, engagés tivement. C’est indispensable pour que les enseignants
dans ce genre d’expérimentation, produisent des outils à avancent collectivement et individuellement dans les écoles
transmettre ensuite aux nouveaux enseignants, que ce soit avec ces dispositifs. Certes, l’efficacité que se donnent les
un réservoir de « bonnes pratiques ». Alors que le travail professeurs n’est pas celle attendue par l’institution, qui a
réalisé par ces professeurs engendre des questions et des de plus en plus de mal à connaitre et reconnaitre le travail
débats professionnels qui ne peuvent pas être conduits enseignant.
ou saisis à travers les effets réellement produits. Ce
questionnement professionnel interroge le prêt-à-dire Christine Félix
ou à-penser pédagogique, sans pour autant engendrer un
Maitre de conférences à l’IUFM d’Aix-Marseille
débat professionnel. Plus les enseignants sont engagés dans et chercheuse à l’UMR ADEF (Unité mixte de
recherche : Apprentissage, Didactique, Évaluation,
Formation, université de Provence et INRP)
Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

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Au primaire

Une expérience positive profitent : ils osent poser des questions, se faire expliciter
la tâche, se faire aider, discuter au sujet des apprentissages,
prendre le temps de n’avoir pas compris. Les élèves appré-
Isabelle Valle cient que l’enseignant s’occupe d’eux en particulier, qu’il
ait suffisamment de temps pour eux. Ici aussi se pose la
question des dispositifs à mettre en place pour permettre
Dans notre école, les élèves participant à l’aide personnali- une même disponibilité à certains moments en classe
sée ont été interrogés lors d’entretiens individuels au sujet ordinaire.
de leur expérience scolaire pendant ce temps passé à l’école.
Il s’agissait de savoir quel était leur ressenti à propos de Redonner le gout d’apprendre
cette prise en charge scolaire, alors que leurs camarades Mais les élèves pris en charge en aide personnalisée vivent
étaient rentrés à la maison. aussi une expérience positive dans la mesure où ils nous
disent avoir davantage envie de travailler pendant ce temps
Les résultats de ces entretiens montrent qu’ils vivent cela
d’aide. Est-ce parce qu’ils se sentent davantage accompa-
comme une expérience scolaire très positive, pour deux
gnés ? Est-ce parce que la nature de leurs difficultés est
raisons : ils apprécient l’environnement de travail qu’ils
davantage prise en compte ? Parce qu’ils se sentent estimés
y trouvent, et la relation privilégiée à l’adulte dont ils
même dans leurs difficultés ? Les élèves interrogés nous ap-
peuvent profiter.
prennent que parfois, cette alchimie fonctionne. Ajoutons
Un espace protégé que les activités proposées en aide personnalisée plaisent
L’aide personnalisée fournit un espace-classe dont les aux élèves, qu’il s’agisse de petits jeux, de reprises didac-
tiques ou d’autres voies d’apprentissage. Elles semblent
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élèves disent profiter pleinement lorsque les autres en-


fants sont partis. Un temps particulier aussi puisqu’en mieux adaptées à chacun, ce qui met à l’aise et renforce
dehors des heures de classe, ils se sentent débarrassés des probablement la confiance des élèves en leurs capacités
contraintes liées au programme, au rythme d’apprentissage d’apprentissage.
de la classe, au bruit et à l’agitation des autres élèves. Mais Il ressort de ces entretiens que les élèves viennent volon-
encore faut-il que les horaires de l’école permettent de tiers en aide personnalisée. Ils ont conscience de leurs
dispenser cette aide en respectant les rythmes chronobio- difficultés et souhaitent trouver une solution pour les
logiques de l’enfant. C’est ce que nous avons essayé, nos surmonter. Ce dispositif proposé par leur enseignant leur
horaires (8 h 20 – 11 h 50 et 13 h 20 – 15 h 50) permettant de semble être une opportunité supplémentaire, une solution
placer ce temps de 15 h 50 à 16 h 30, soit quarante minutes, apportée à chacun en particulier pour répondre à des
trois fois par semaine. Ainsi, l’aide personnalisée arrive à besoins clairement identifiés. Les élèves font confiance aux
un moment propice aux apprentissages et ne surcharge pas enseignants, les conditions de travail sont favorables aux
la demi-journée par rapport à la matinée. apprentissages, autant d’ingrédients qui semblent propices
Les élèves ont déclaré lors des entretiens qu’ils avaient plus à la réussite du dispositif. Ce n’est pas toujours le cas pour
le temps de travailler et réfléchir pendant l’aide personnali- de multiples raisons. Ici, les conditions semblent à la fois
sée, mais surtout qu’ils avaient davantage la possibilité de se liées aux horaires, aux efforts de l’enseignant pour adapter
concentrer, car ils pouvaient profiter du calme du moment les situations aux difficultés des élèves et à la relation privi-
sans être constamment gênés par l’agitation des autres. On légiée qui s’est établie.
sait à quel point les problèmes de concentration peuvent Mais pour être complète, l’évaluation devrait prendre en
nuire aux apprentissages. Encore faudrait-il s’interroger compte l’évolution des apprentissages de ces élèves. Or,
sur ce ressenti. De quelle agitation s’agit-il ? Comment rien ne peut permettre pour l’instant de comparer cette
fournir à ces élèves un cadre de travail plus propice aux évolution à ce qu’elle aurait été sans l’aide personnalisée.
apprentissages en classe ordinaire ? Leur ressenti est donc le seul indice mesurable des effets
Les élèves ont tous remarqué que leur enseignant est plus du dispositif, ressenti qu’il faudra suivre sur plusieurs
disponible pendant le temps d’aide personnalisée et ils en années, comme la suite de leur parcours scolaire.

Isabelle Valle
Professeure des écoles en CE2 à Thionville (Moselle)

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Comprendre les cipaux éléments de mathématiques sont les objectifs priori-


taires du CE2 et du CM (programme du cycle 3).1

enjeux didactiques Il est donc particulièrement important que les moments


d’aide personnalisée aux élèves soient, dans ce domaine,

pour mieux aider mis en place en lien étroit avec la classe pour une meilleure
efficacité des apprentissages qui s’y effectuent.
Si l’enseignant en charge de ces heures de soutien adopte
Jean-Paul Vaubourg une posture d’aide2, une attitude bienveillante l’engageant
à essayer de vaincre les obstacles rencontrés par les élèves,
celle-ci est mise aussi en œuvre dans la construction des
Les programmes de l’école primaire, par la quantité programmations et des progressions.
de notions de langue qu’ils demandent aux élèves
de maitriser et par le métalangage qu’ils imposent, Des programmes peu précis
mettent certains élèves en difficulté : une réflexion Les programmes en vigueur ont à cet égard octroyé aux en-
précise sur ce qu’on enseigne quand on étudie la seignants de l’école une liberté très intéressante, puisqu’ils
langue est utile pour préciser les modalités d’une les laissent libres des méthodes et des démarches qu’ils
aide spécifique. utilisent ; en effet, les programmes actuels, qui datent de
juin 2008, sont moins détaillés que les précédents, datés de
2002, mais indiquent qu’il appartient à l’enseignant de les
appliquer en faisant des choix de démarches et de manuels
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À l’école primaire, l’organisation de moments d’aide, iden- efficaces.


tifiés dans l’emploi du temps, mais tout de même extraits L’application de cette liberté passe nécessairement, à mon
des horaires de la journée, a permis la mise en place d’une avis, par une réflexion sur les progressions qui, dans le texte
aide spécifique à certains élèves. Lorsque la classe du sa- officiel daté du 3 juin 2008, sont placées après les program-
medi matin a été supprimée en primaire, les écoles ont dû mes : en effet, le texte officiel donne un programme pour
organiser des heures d’aide personnalisée ; elles faisaient chaque cycle, sans différencier le CP du CE1 pour le cycle 2,
partie de l’emploi du temps (heures que les enseignants ni le CE2 du CM1 et du CM2 pour le cycle 3 ; ensuite,
doivent assurer et dont certains élèves doivent bénéficier), une proposition de répartition est donnée, qui différencie
mais elles se sont ajoutées aux journées de classe : les élèves cette fois CP/CE1 et CE2/CM1/CM2. Ces progressions,
bénéficient, avec ces heures, d’un soutien après les heures on le sait, indiquent, pour chacune des années des cycles 2
de la matinée, avant celles de l’après-midi ou après celles et 3, des notions pour les domaines des mathématiques et
du soir, et selon des formules très variables. du français, regroupées par sous-domaines (par exemple
Des moments d’aide personnalisée pour le français, « lecture, écriture, grammaire »…). Il
est indiqué que ces progressions donnent des « repères
Le risque bien connu de cette organisation est la mise à la
aux équipes pédagogiques pour organiser la progressivité des
marge des difficultés de ces élèves, en dehors du cadre où
apprentissages ». Malheureusement, les propositions faites
elles se manifestent : la journée de classe. Les difficultés se
dans ces colonnes ne sont pas du tout hiérarchisées et les
posent en classe et les repousser à la marge de la classe pour
enseignants ont souvent le plus grand mal à définir l’im-
les traiter ne peut pas suffire.
portance de chacune de ces notions à travailler.
Dans le domaine de la langue, l’articulation entre l’aide
personnalisée et le reste de la semaine est particulièrement Aider à réfléchir sur la langue
importante : en effet, les difficultés dans ce domaine sont Certains élèves sont en difficulté avec la langue française :
lourdes de conséquences et gênent à la fois les apprentissa- ils ont du mal à la prendre comme objet d’observation, de
ges en français et le travail dans les autres disciplines ; de réflexion et de connaissance : la métaréflexion, qui est une
plus, le domaine de la maitrise de la langue voit s’installer réflexion portée non sur ce que dit la langue, mais sur la
en classe un métalangage difficile pour les élèves et il est langue elle-même, leur échappe :
essentiel que l’enseignant qui assure le soutien utilise le
même que celui que l’enseignant de la classe a établi. Enfin, • d’une part parce qu’elle semble détachée de toute
les textes officiels des trois cycles disent que la maitrise de utilité puisque, de cette façon, on ne s’intéresse pas
la langue est la priorité de l’école : au message véhiculé par les mots ou les phrases ana-
lysés ;
• L’objectif essentiel de l’école maternelle est l’acquisition
d’un langage oral riche, organisé et compréhensible par • d’autre part parce qu’elle s’appuie nécessairement sur
l’autre (programmes de la maternelle) ; un métalangage particulier ; celui-ci sert tout à la fois à
créer des catégories dans lesquelles ranger les mots et à
• L’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de la langue qualifier ces mots ; ainsi voit-on dans les progressions
française, la connaissance et la compréhension des nombres, officielles les natures et les fonctions des mots et les
de leur écriture chiffrée (numération décimale) et le calcul
sur de petites quantités constituent les objectifs prioritaires 1 BO HS 3 du 19 juin 2008.
du CP et du CE1 (programme du cycle 2) ; 2 La réflexion sur la posture d’aide a été initiée dans le groupe DDAI
(Démarches et dispositifs d’aide individualisée) mis en place à l’IUFM de
• Dans la continuité des premières années de l’école primaire, Lorraine, dont les travaux ont été mis en ligne sur le site de l’université
la maitrise de la langue française ainsi que celle des prin- Henri-Poincaré. Elle a aussi été définie dans le Dictionnaire des inégalités
scolaires (Barreau J-L., dir., 2007, Paris : ESF) dans l’article « Aide
(posture d’) », page 25 (Jean-Paul Vaubourg) et dans un article du numéro
449 des Cahiers pédagogiques, « De la posture d’aide à l’aide au quotidien ».
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Au primaire

nomme-t-on « conjonction, adjectif, complément • « clarifier les notions » : par exemple, réserver le terme
d’attribution »… ; le métalangage explique aussi le rôle « adjectif » pour les seuls adjectifs qualificatifs et réunir
des mots dans une phrase, qui sont comme les person- les adjectifs possessifs et démonstratifs dans la catégo-
nages irréels d’une histoire bien obscure : « L’adjectif rie des déterminants (qu’on nommera ensuite « déter-
qualificatif épithète “s’accorde” en genre et en nombre minants possessifs » et « déterminants démonstratifs »)
avec le nom qu’il qualifie, un pronom personnel complé- ou encore ne pas chercher à différencier propositions
ment “remplace” un COD, le sujet “commande” l’accord subordonnées et propositions coordonnées par la seule
du verbe dans la phrase, le complément circonstanciel présence d’une conjonction de subordination ou de
“apporte” des informations sur le lieu, les noms “varient” coordination5…
en nombre, le déterminant possessif “renvoie” à quelqu’un
ou quelque chose3… » Les mots « s’accorde, remplace, L’explicitation de l’utilité du travail sur la langue
commande, apporte, varient, renvoie » sont des verbes Avant même de considérer les difficultés d’écriture et de
d’action, ici employés dans des sens différents du sens lecture de certains élèves, il faut comprendre que le fait
commun et très abstraits. même d’étudier la langue, que par ailleurs ils maitrisent
puisqu’ils sont francophones6, peut poser des problèmes.
Il suffit de demander à des élèves ce qu’ils entendent par Il est donc nécessaire d’expliquer clairement à quoi sert
ces mots pour s’apercevoir que leurs connaissances sont l’analyse de la langue :
parfois bien floues ; on citera un seul exemple, chez ces
élèves de 6e qui disent : « Un verbe, c’est le nom qui dit le sujet • parfois, elle permettra d’écrire ou de lire mieux (accor-
» ou encore, à propos des phrases complexes, « Une propo- der un adjectif, apprendre à trouver le référent d’un
sition, c’est quand on veut faire quelque chose »4, confondant pronom…) ; l’analyse de la langue est alors au service
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le sens commun du mot « proposition » (offre) et le sens de la lecture et de l’écriture ;


grammatical ! • parfois elle permettra d’avoir une meilleure connais-
Une nécessaire hiérarchisation des notions à travailler sance de la langue, de façon presque scientifique et
en tout cas descriptive, sans objectif de rentabilité
Aussi nous proposons une hiérarchisation et une clarifica-
immédiate en production ou en réception ; l’analyse
tion dans le domaine grammatical :
de la langue est alors au service de la capacité à décrire
• « hiérarchiser les notions à travailler et affirmer qu’il la langue qu’on utilise.
est indispensable de maitriser les notions de base Ce double objectif détermine les notions que l’on travaille ;
pour construire les savoirs grammaticaux » : je définis il détermine aussi la façon de les enseigner : les notions
comme compétence de base le fait de savoir repérer les qui aident tout de suite à mieux lire et écrire sont liées à la
différents groupes constituant une phrase, oralement, lecture et à l’écriture dès qu’elles sont enseignées dans les
par un appui sur la conscience de la langue, et de savoir leçons d’étude de la langue ; en revanche, les notions qui
repérer dans ces groupes le sujet, le verbe et tous les servent à décrire la langue peuvent en être déconnectées.
compléments, sans encore les identifier. Cette idée de
Ne pas expliquer cela aux élèves fragiles, c’est les laisser
« notions de base » s’appuie simplement sur le fait que
chercher eux-mêmes une éventuelle utilité immédiate des
certains faits de langue ne peuvent pas être maitrisés si
notions qu’ils doivent apprendre, et ils ne sauront pas seuls
d’autres ne le sont pas ; par exemple, la différenciation
les hiérarchiser.
sujet /verbe /compléments doit précéder l’identifica-
tion précise de chacun des différents compléments. C’est sans doute ici que le lien entre l’aide personnalisée et
Les élèves en difficulté qui ne maitriseront pas ces la classe même peut trouver son application la plus forte ;
connaissances de base auront droit à une aide, dans par exemple, il est possible d’utiliser la classification qui
la classe et dans les moments d’aide personnalisée, vient d’être exposée (faits de langue liés à la lecture et
surtout dans les classes du cycle 3 ; l’écriture vs faits de langue pour la description de la langue)
pour identifier les activités de français en classe et pendant
• « s’attacher à une réussite totale dans l’apprentissage l’aide : le maitre de la classe indique aux élèves que telle
de quelques notions de base » : la notion de phrase, activité qu’ils vont revoir en atelier d’aide sera utile dans
un très petit nombre de natures et de fonctions (nom, l’écriture du petit texte qu’ils sont en train de travailler ; ou
adjectif, déterminant, verbe, sujet, complément) ; bien que telle autre activité n’aura pas d’utilité immédiate,
• « donc nécessairement différencier le travail pour mais servira à mieux connaitre et comprendre la langue
approfondir les notions avec certains élèves » pendant qu’ils utilisent.
que d’autres continuent d’apprendre à maitriser ces Ceci peut avoir une conséquence sur le réinvestissement et
bases : approfondir, cela ne veut pas dire creuser des l’évaluation : les faits de langue liés à la lecture et l’écriture
écarts, mais par exemple différencier COD et COI seront travaillés en ateliers d’aide sur le texte qui est lu
avec certains pendant que d’autres continueront d’ap-
prendre à repérer sujet, verbe et compléments dans 5 Comment faire comprendre, et dans quel but, que « le bébé pleure car
des phrases diverses ; dans cet exemple, tous les élèves il a faim » indique une coordination là où « le bébé pleure parce qu’il a faim
travaillent sur la même compétence de maitrise des » indique une subordination alors que les deux phrases ont le même sens ?
compléments, mais à un degré d’approfondissement 6 Le cas des élèves non francophones, notamment « nouvellement
arrivés en France », est un peu différent, parce qu’ils sont souvent
différent ; alphabétisés dans leur langue maternelle et sont parfois déjà engagés dans
une métaréflexion sur la langue, conduite lorsqu’ils étaient scolarisés dans
leur pays. En ce cas, il est nécessaire de trouver le moyen de faire un point
dans cette langue maternelle, comme je l’expliquais dans l’article « Penser,
3 Phrases extraites du Mémo du manuel Facettes, CM1, Hatier, 2010. classer, comparer : faire de la grammaire », paru dans le dossier « Enfants
4 Phrases recueillies en mai 2010 dans une classe de 6e. d’ailleurs, élèves en France » (Cahiers pédagogiques n° 473, mai 2009).
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ou écrit au même moment en classe, et leur maitrise sera déconnecté des travaux en lecture et écriture et relèveront
évaluée en situation de lecture et d’écriture par le maitre du plaisir d’apprendre à connaitre la langue : une sorte de
de la classe ; les faits de langue relevant de la description jubilation du savoir, dont les élèves en difficulté ont parfois
de la langue seront travaillés dans un moment d’aide plus perdu l’habitude.

Jean-Paul Vaubourg
IUFM de Nancy
Auteur de Étudier la langue au cycle 3,
CRDP d’Amiens, 2010.
Voir la présentation de l’ouvrage sur
la cyberlibrairie du Scérén
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Au collège

Au collège
Une organisation Les activités proposées sont organisées selon le tableau
ci-dessous.

soignée à mettre Domaine Nature des


Jours Horaires
en place éducatif activités
maths lundi,
Aide aux méthodologie mardi, 16 h
Hervé Jacob
devoirs jeudi, 18 h 00
français vendredi
Cette expérience de dispositif mobilisant des maths et TICE jeudi
personnels différents sur des aides dans et hors
l’établissement apporte une réflexion à la fois sur découverte
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mardi
les compétences des élèves et sur les pratiques de l’histoire 16 h 30
Activités autres
enseignantes. L’occasion à travers une activité non anglais ludique mardi 18 h 00
scolaire, comme ici les arts du cirque, de reconsidérer
ateliers
les jugements parfois portés hâtivement sur les vendredi
scientifiques
difficultés des élèves.
atelier herbier lundi
Pratiques
16 h 30
artistiques et arts plastiques lundi
18 h
L’accompagnement éducatif a été lancé dès la rentrée 2007 culturelles
cirque – danse jeudi
de façon expérimentale dans notre collège, situé dans un
quartier qui bénéficie de la participation de la politique de
la ville dans un Programme de réussite éducative (PRE). Une liste de présence des élèves permet de suivre la régula-
rité de leur fréquentation entre le moment de l’inscription
Une organisation à penser à l’échelle de l’établissement et le déroulement scolaire. Les familles des absents sont
La démarche générale consiste à mobiliser des personnels contactées par téléphone après l’appel du soir, et doivent
différents sur un accompagnement général de l’élève, avec en justifier le motif.
deux types d’intervenants différents. Chaque élève dispose d’une fiche individuelle de compé-
Le dispositif PRE est animé par des associations qui tences (annexes 1et 2) qu’il remet à son professeur référent
recrutent des étudiants, mais également des professeurs dans l’accompagnement éducatif et qui permet, à chaque
afin d’assurer hors temps scolaire de l’aide aux devoirs ; il capacité observée, de valider son acquisition puis, lorsque
est aussi accompagné par la vie scolaire, puisque les CPE plusieurs capacités sont validées, de valider la compétence
disposent de deux heures mensuelles pour faire le lien avec attendue. Les premières fiches ne sont pas directement
le collège. Un correspondant « établissement » est chargé à liées aux apprentissages, mais peuvent être d’ordre com-
la fois de l’animation des équipes d’accueil, de la coordi- portemental ou organisationnel. Leur suivi et leur retrans-
nation avec les équipes pédagogiques, les enseignants qui cription auprès des équipes pédagogiques s’effectuent par
interviennent dans le dispositif, ainsi que du suivi de la le biais du professeur principal, et un bilan individuel fait
présence des élèves. l’objet d’une transmission lors du conseil de classe.
Un document d’inscription est proposé aux familles des Des difficultés à travailler
élèves de 6e, dès la première quinzaine de septembre, après La différence entre l’aide aux devoirs apportée dans le
les évaluations de début d’année, afin de répartir les élèves cadre de l’accompagnement éducatif et celle prodiguée par
selon les besoins de chacun : accompagnement sur des dis- les étudiants du PRE de la ville doit devenir perceptible
ciplines, sur de la méthodologie, des activités sportives ou à la fois pour les élèves et leur famille comme pour les
culturelles. La même proposition est ouverte aux élèves de enseignants. Aussi, pour donner toute l’ampleur de cet
5e et 4e dès la fin du mois de septembre, lorsque les premiers accompagnement, un groupe « cirque » et un groupe «
résultats de contrôles de connaissances sont analysés. danse contemporaine » viennent compléter le dispositif de
Fin septembre, une réunion des professeurs principaux découvertes artistiques déjà engagées avec les arts plasti-
et des professeurs inscrits dans ce dispositif permet d’éla- ques.
borer des groupes et de poser la question d’une double La réflexion sur un outil de liaison entre les intervenants
évaluation : celle de l’élève dans le dispositif, et celle du du soir et les professeurs de la classe est engagée : un cahier
dispositif lui-même (taux de fréquentation, respect des est mis à l’essai, mais son temps de rédaction et de mise à
horaires, utilisation des outils, constats sur l’attitude et la jour est un frein à son utilisation. Un deuxième outil issu
mobilisation des élèves, influence sur les résultats scolaires,
sur le respect des personnels et des locaux).
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du cahier de textes, placé sous la responsabilité de l’élève, À la suite de cette interrogation, un barème du cahier de
ne donne pas satisfaction non plus... l’élève a été mis au point, commun à chaque discipline,
Les interrogations sur la prise de notes lors des devoirs permettant à l’élève et à sa famille de connaitre les modali-
donnés et des leçons à apprendre ne trouvent pas immé- tés de l’évaluation trimestrielle. (annexe 3)
diatement de solution. Le passage au cahier de textes nu-
Une activité particulière, l’atelier cirque
mérique en ligne sera une solution adoptée lors de l’année
scolaire 2009/2010. L’activité cirque, par l’engagement qu’il implique lors
d’une représentation devant un public, est un véritable la-
Bilan de la fréquentation du dispositif boratoire d’analyse de compétences. Jongler, évoluer sur un
accompagnement éducatif monocycle, effectuer des figures acrobatiques, demandent
Le dispositif fonctionne chaque soir de la semaine et un travail et une persévérance dans la répétition de gestes
accueille des effectifs importants d’élèves tout au long de qui induisent pour l’élève la notion d’effort. On n’obtient
l’année (voir tableau ci-dessous). pas la qualité d’une prestation fluide dans une activité de
cirque sans un entêtement à pratiquer. La répétition et
Nombre d’inscrits au dispositif pour la période comprise la révision de gestes ou de postures sont couronnées de
entre le 5 janvier 2008 et le 31 mars 2008. succès lorsque « ça passe ». Cette démarche de réussite est
Niveau Niveau Niveau Niveau Total à l’inverse de celle issue de l’imagerie des élèves sur une
6e 5e 4e 3e activité « de loisirs ». Il s’agit bien de comprendre que le «
naturel » des enchainements réalisés a demandé en amont
Lundi 25 35 9 10 79 beaucoup d’efforts et de travail, avec un espoir que ce
constat s’étende aux autres compétences scolaires…
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Mardi 23 28 5 7 63
Jeudi 29 24 5 11 69 L’engouement pour cette activité est tel qu’il nous a fallu
revoir le dispositif général d’accueil des élèves au sein de
Vendredi 13 19 5 6 43 l’accompagnement éducatif. En effet, l’accompagnement
Total 90 106 24 34 254 éducatif ne s’adresse qu’aux élèves du quartier (environ
60 % de l’effectif) ; les autres, issus de villages de la
Taux de fréquentation moyen sur la période concernée périphérie dijonnaise, ne peuvent en bénéficier, les bus
(en tenant compte des fermetures lors des conseils de classe et des mani- les reconduisant chez eux à 16 h 40. Pour leur permettre
festations en soirée, rencontres parents-profs, soirées orientation, etc.) de participer à l’atelier, une ouverture sur le temps de la
Niveau Niveau Niveau Niveau Total pause méridienne réservée à ces élèves est mise en place.
Le groupe cirque et le groupe danse se trouvent donc
6e 5e 4e 3e
renforcés d’une dizaine d’élèves chacun et les numéros
Lundi 15 17 5 8 45 proposés peuvent se diversifier.
Mardi 13 10 4 7 34 Le collège, du fait de son emplacement au cœur du quartier
Jeudi 16 18 3 10 47 et de sa volonté d’ouverture avec les partenaires locaux,
participe à la « parade métisse » du mois de juin. Il s’agit
Vendredi 10 10 4 4 28 d’un défilé thématique qui regroupe des associations, les
Total 54 55 16 29 154 écoles et les acteurs du quartier, sous la direction d’un
chorégraphe. Le groupe cirque, de même que le groupe
Du point de vue des enseignants danse, a bénéficié tout au long de l’année de l’intervention
À l’occasion de ces temps d’accompagnement, les ensei- de partenaires extérieurs (deux compagnies de cirque et
gnants impliqués peuvent mesurer la différence de point une de danse) pour préparer cette manifestation. Ils sont
de vue entre l’élève qui croit avoir appris sa leçon et le également conviés au festival national des arts du cirque
professeur qui lui a demandé de le faire, entre la consigne à Surgères (Charente-Maritime) pour y présenter leur
donnée en classe et la manière dont elle est transcrite, prestation. Cette démarche, initiée par les enseignants
puis comprise lors de l’aide du soir, de l’hétérogénéité d’EPS intervenant dans ce dispositif, permet de motiver et
des demandes et des consignes selon les disciplines et les fédérer le groupe. La participation à ce festival, qui a lieu
collègues. Un conseil pédagogique de janvier a servi de tous les deux ans, devient un but et une motivation efficace
retour d’expérience sur ce dispositif et permis d’engager pour les élèves participants. Ce dispositif s’inscrit ainsi
une réflexion sur les attentes communes des collègues pour dans la durée (deux années de préparation dans le cadre de
le même type d’exercice. l’accompagnement éducatif sont un vecteur fort de l’im-
plication et de la cohésion des élèves) et son retentissement
médiatique rejaillit sur la notoriété positive du collège.

Hervé Jacob
Principal adjoint en collège à Dijon

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Au collège

Annexe 1 : exemple de fiche transversale

Livret d’évaluation de l’élève en accompagnement éducatif Savoir être

Nom : Capacité Capacité Capacité Capacité


Prénom : observée observée observée observée
Rouge/ Rouge/ Rouge/ Rouge/ Acquisition
Classe : Orange/ Orange/ Orange/ Orange/ de la
Présent le L M J V Vert Vert Vert Vert compétence
Savoir être
Est sérieux et attentif Savoir être
dans le groupe
Respecte le climat
du groupe
Respecte les règles
de vie du groupe
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(Attend son tour, Signature du


lève la main…) professeur
Respecte le règlement
du collège
Se concentre
Savoir s’organiser
Sait s’installer rapidement Savoir
Sait limiter ses s'organiser
déplacements
Sait organiser son cartable
(feuilles, livres, cahiers…)
Sait remplir son
cahier de texte
Sait lire son cahier de texte
Gère son petit matériel
(stylos, gomme, règle,
calculatrice…)
Sort seul son matériel
Signature du
nécessaire pour travailler professeur
en autonomie
Sait spontanément consulter
une source d’information
( dictionnaire, livre…)
Dates
Conseils pour progresser :

Signature des parents Signature de l'élève

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Annexe 2 : exemple de fiche disciplinaire

Livret d’évaluation de l’élève en accompagnement éducatif Savoir être

Nom : Capacité Capacité Capacité Capacité


Prénom : observée observée observée observée
(date) (date) (date) (date) Acquisition
Classe : OUI/NON OUI/NON OUI/ OUI/NON de la
Présent le L M J V NON compétence
Compréhension
Sait lire un énoncé (repérer Compré-
les mots importants) hension
Comprend l’énoncé (quelles
sont les données ?)
Comprend les consignes
(que faut-il chercher ?)
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Se concentre Signature du
professeur
Savoir où j'en suis
Connait les notions Savoir où
qui ont été enseignées j'en suis
antérieurement
Connait son cours
(les mots importants,
Signature du
leur signification et
professeur
leur contexte)
Savoir réutiliser
Sait utiliser ses Savoir
connaissances pour réutiliser
résoudre un exercice (ou
aller chercher les outils Signature du
nécessaires dans son professeur
cahier ou son livre)
Dates
Conseils pour progresser :

Signature des parents Signature de l'élève

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Annexe 3 : évaluation des cahiers au sein du collège

Barème pour la tenue de mon cahier


1- Mon cahier est propre
Il est couvert, sans taches ni ratures /1
Mes pages de présentation de chaque partie /1
sont soignées et propres, sans fautes
Chaque chapitre commence sur une nouvelle page /1
Les titres des chapitres sont terminés et mis en /1
valeur selon l’exigence du professeur
Les titres des parties sont mis en valeur /1
selon les exigences du professeur
2- Mon cahier m’aide à apprendre ma leçon
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Mes leçons sont complètes /2


Les exercices sont complets et corrigés avec une autre couleur /2
Les définitions ou points à retenir sont mis en évidence /2
Lorsqu’une autre personne lit mon cahier, elle peut /2
comprendre le sens des phrases écrites
Je m’efforce, lorsque je relis ou j’apprends ma /2
leçon, de corriger les fautes d’orthographe
3- Mon cahier contient des documents
Les documents distribués en classe sont soigneusement découpés /1
Les documents distribués en classe sont soigneusement collés /1
Ils sont collés au bon endroit /1
J’ai fait un effort d’illustration et de documentation personnelle /2
NOTE OBTENUE : /20
Appréciation

Signature des parents Signature de l’élève

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C’est donc là qu’intervient le travail de nos assistantes pé-

Dans un collège dagogiques, autre spécificité RAR. Les élèves sont réunis
en groupes de trois ou quatre, dans des salles informatisées

« ambition réussite »,
consacrées aux séances d’accompagnement éducatif. Dans
ce lieu conçu pour le dispositif d’aide, les élèves échangent,
écoutent, pratiquent, et s’approprient les savoir-faire au
une affaire collective fur et à mesure des séances. D’une fréquence d’une à deux
heures par semaine, sur une période de sept semaines, cette
aide d’ordre organisationnel permet à l’élève d’acquérir de
Céline Bentéo véritables compétences. À la suite de cette première pé-
riode, les élèves les plus en difficultés sont donc davantage
outillés quand ils retournent en classe.
Comment des personnels comme les professeurs
référents et les assistants pédagogiques L’intervention des assistants pédagogiques
peuvent intervenir au mieux dans le cadre de La deuxième phase du dispositif est centrée sur l’appren-
l’accompagnement éducatif, en harmonisant leurs tissage des leçons en français et en mathématiques. Après
interventions avec celles des enseignants ? un premier bilan, primordial pour le bon fonctionnement
du dispositif, et réunissant professeurs principaux des
deux niveaux (6e et 5e), assistantes pédagogiques en charge
Dans notre établissement, nous avons choisi d’axer essen- des élèves en difficultés, et professeurs référents, un « état
des lieux » est effectué sur la progression des élèves. Les as-
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

tiellement notre travail sur la méthodologie, en septembre


et octobre, puis sur l’apprentissage des leçons le reste de sistantes pédagogiques transmettent aux professeurs prin-
l’année, dans l’idée d’être utiles aux nombreux élèves qui cipaux des classes les difficultés que rencontrent les élèves,
ne peuvent pas bénéficier d’un véritable suivi en dehors ainsi que les actions et travaux menés. L’objectif durant
de la classe. Parallèlement à ces deux actions, nous avons l’année scolaire n’est pas de faire « faire les devoirs » aux
constitué un groupe de lecture pour venir en aide aux élèves, mais de leur faire acquérir des savoir-faire destinés
élèves présentant des difficultés dans ce domaine. à apprendre efficacement une leçon. Nous avons également
travaillé avec les assistantes pédagogiques sur les consignes,
L’année précédente, en liaison avec le médecin scolaire du en particulier la polysémie de certains mots rencontrés, le
pôle langage de Saint-Vallier et l’infirmière du collège, un vocabulaire rencontré en français et en maths, etc.
certain nombre d’élèves avaient été diagnostiqués dyslexi-
ques. Il a été alors convenu avec le médecin scolaire et les La communication entre les différents acteurs du dispo-
orthophonistes qu’il fallait renforcer le travail de lecture à sitif d’aide est donc essentielle. Ces temps consacrés à la
haute voix afin d’améliorer les compétences en lecture de concertation permettent aux professeurs de mieux connai-
nos élèves dyslexiques de 6e et de 5e. Afin de favoriser l’in- tre les élèves et donc de mieux comprendre leur façon
tégration des élèves entrant en 6e et de remédier également d’appréhender les apprentissages et leur façon d’opérer
à des difficultés spécifiques, nous avons décidé de rencon- face à une tâche donnée. De cette manière, le professeur
trer les partenaires des écoles du premier degré, charge peut, à son tour, retravailler sur sa propre pratique en
qui incombe au professeur référent. Nous nous sommes mettant en place, par exemple, des séances de remédiation
renseignés, au plus juste, sur la nature des difficultés des par un travail différencié au sein de sa classe.
élèves de CM2 (troubles du langage, situation familiale...) À la suite de ces deux années travaillées avec les assistantes
pour que les assistantes pédagogiques, principales actrices pédagogiques et les professeurs des disciplines concernées,
de notre dispositif, soient à même de travailler sur les ca- nous avons constaté que l’accompagnement éducatif se
rences touchant nos futurs élèves de sixième, dès la rentrée révèle être un dispositif indispensable pour nos élèves.
scolaire. Qu’ils soient volontaires pour intégrer « l’aide » ou incités
Le professeur référent a notamment pour fonction d’éta- à pallier leurs difficultés, nombreux sont ceux qui trouvent
blir un lien entre les partenaires des écoles et le collège, durant ces temps d’apprentissage un moyen de faire voir,
en recensant les difficultés des élèves de CM2, pour que de faire comprendre la nature des difficultés rencontrées.
l’accompagnement soit le plus efficace possible. Il joue le Et c’est sur la nature, mais aussi et surtout sur l’origine de
rôle d’intermédiaire entre les différents protagonistes de ces difficultés, que nous travaillons pour faire évoluer le
l’accompagnement, avec un travail engagé pour aider les dispositif.
élèves à s’organiser, y compris dans les tâches les plus
modestes comme « faire son sac »… Céline Bentéo
Professeure de français et professeure référent
RAR à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire)

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Au collège

Une matinée méthodo réponde à un sujet précis. Leur attention est de suite attirée,
car nous faisons régulièrement cet exercice et l’enjeu est
de taille : obtenir une ceinture supplémentaire. Que c’est
ou l’accompagnement difficile d’écrire un récit historique ! Pour aider les élèves à
relever ce défi, ils ont sous les yeux les différentes étapes à
heure par heure suivre. Lorsque l’on écrit un texte, les élèves peuvent s’ils
le désirent passer une ceinture, comme pour les ceintures
de judo. Pour obtenir une ceinture supplémentaire, ils doi-
Carole Guillot-Coquin vent atteindre deux objectifs précis : l’un qui est spécifique
à l’histoire et l’autre qui relève de la maitrise de la langue.
Nous commençons notre travail. Pour écrire un récit
Aider les élèves, c’est leur donner confiance dans le historique, il faut des connaissances précises sur le sujet,
travail en classe, mais aussi dans le travail personnel. nous étudions donc trois documents de nature différente.
Plutôt qu’un cours théorique sur la façon d’apprendre J’apporte des précisions sur les documents en indiquant le
une leçon ou d’organiser un texte, il faut faire le vocabulaire spécifique de la leçon. Enfin je donne le sujet et
pari de la pédagogie active afin de mettre les élèves les élèves travaillent en autonomie. Je passe dans les rangs et
en situation de se frotter aux problèmes, et leur je vois Baptiste, un élève dyslexique, qui ne dit rien, n’écrit
proposer des dispositifs d’aide au fur et à mesure. rien et mordille son stylo en regardant sa page blanche. Je
lui demande pourquoi il n’écrit pas. Il me répond qu’il ne
comprend rien, qu’il ne sait pas quoi dire. J’écris le début
d’une phrase pour qu’il n’ait plus qu’à la compléter. Mais
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8 h : Les élèves de 3e sont devant moi, nous terminons


une leçon comportant de nombreuses dates et définitions pour cette fois, Baptiste n’écrit rien après mes mots. Ce
à retenir par cœur. Au moment où nous programmons la n’est pas grave, il choisit de ne pas passer sa ceinture pour
date du devoir- bilan, je décide de faire un point sur cet ce texte. Il faudra attendre deux ou trois autres exercices
apprentissage particulier. Nous sommes en début d’année de ce type pour qu’il fasse une phrase tout seul. Appoline,
et c’est le moment approprié ! En annonçant aux élèves elle, est déjà très avancée dans son texte. Elle essaie de le
que l’on va revoir comment apprendre par cœur, ils ne structurer en différentes parties autour de deux ou trois
s’attendent pas à ce que je leur demande de découper idées principales. C’est déjà un objectif difficile à atteindre
des feuilles blanches pour en faire des petites cartes. Ils et proche de la ceinture noire.
se plient évidemment avec plaisir à l’atelier découpage. Je La ceinture de production d’écrit permet aux élèves de
leur demande de placer sur une première carte une date déterminer eux-mêmes les objectifs qu’ils sont capables
ou une définition, et sur la deuxième l’évènement ou le d’atteindre à un moment de l’année. Cet outil représente
mot qui correspond, et ce pour l’ensemble des notions à donc une aide ponctuelle pour un exercice précis, dans ce
connaitre par cœur. Je n’en donne pas la liste aux élèves cas la rédaction d’un récit historique, et permet à l’enfant
qui doivent chercher activement dans leur cahier ce qu’ils de structurer son esprit et de transposer l’outil.
jugent devoir connaitre par cœur. Ensuite, ils retournent 10 h 15 : une classe de 4e qui part à la découverte de l’art
les cartes devant eux, dans l’ordre (ils peuvent numéroter baroque. Je demande aux élèves de se mettre par quatre,
le dos de la carte), et commencent à retourner une à une les puis je distribue une enveloppe par groupe. À l’intérieur,
cartes en lisant tout haut. Ils peuvent répéter, recommen- ils trouvent des représentations d’œuvres classiques et
cer tout, avancer par étape… bref, trouver la méthode qui baroques. Après avoir replacé chaque œuvre dans la bonne
leur convient le mieux pour utiliser ce petit outil simple à catégorie (baroque ou classique), ils doivent classer autour
mettre en œuvre. des différentes représentations des termes qui caractérisent
Pendant plus d’une demi-heure, ils ont cherché dans le ca- les deux courants. Les élèves ont accès au dictionnaire et
hier en hiérarchisant les informations, les ont copiées, puis au manuel. Je distribue à chaque groupe une carte joker
lues en les manipulant. Les élèves ont donc commencé à qui leur permettra de demander une aide au professeur,
apprendre par cœur, et également fait l’expérience d’une mais une seule ! Cette carte devient très importante aux
technique transposable chez eux, dans toutes les discipli- yeux des élèves qui ne veulent pas l’utiliser n’importe
nes. D’ailleurs certains ne manqueront pas de me dire pour comment ; mais même s’ils la conservent, elle les aide à
les leçons suivantes qu’ils ont « fait leurs cartes » pour le devenir autonomes, à écouter les arguments des camarades
prochain devoir, sans que je le leur demande. sans se tourner à la première difficulté vers le professeur, à
9 h : Les 6e C entrent en classe. La classe est agitée, comme prendre confiance.
bien souvent. Je leur annonce l’objectif : écrire un texte qui
Carole Guillot-Coquin
Professeure d’histoire-géographie
en collège à Belleu (Aisne)

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Un outil : les cartes heuristiques


Les cartes heuristiques consistent à consigner sous forme hiérarchisée des idées dans des cercles,
des nuages, et d’établir des liens entre elles à l’aide de flèches. Elles restent une aide facile à mettre
en œuvre en classe, transposable dans plusieurs disciplines, et surtout utilisable par les élèves de
manière autonome :
Pour réaliser la trace écrite après une étude de documents ;
Pour apprendre ou réviser la leçon. En utilisant cet outil, l’élève est invité à trier et hiérarchiser les
informations, ce qui donne du sens à l’apprentissage et lui permet de mener une réelle réflexion
sur la leçon étudiée ;
Pour entrainer les élèves au texte argumenté ou à la conception d’un exposé. Dans la mesure où les idées sont hiérarchisées, elles
peuvent être organisées, structurées pour élaborer un plan.
Lorsque l’on demande aux élèves de faire une carte heuristique pour faire le bilan d’une séquence en vue d’une évaluation finale,
les comportements sont très différents : certains se servent du cahier, d’autres le ferment et cherchent à retrouver de mémoire
les grandes idées, d’autres encore utilisent la couleur, des dessins ou des symboles pour mieux retenir. En utilisant de manière
régulière les cartes heuristiques, les élèves progressent, font davantage de liens entre les idées.
Il faut aider les élèves à comprendre le fonctionnement, la construction et l’intérêt des cartes heuristiques, en appliquant une
méthode progressive : on peut construire au tableau la base de la carte, les idées principales, et les laisser terminer. Il faut également
faire le deuil de la carte heuristique parfaite reprenant la totalité du cours, et donc accepter d’inscrire des idées voisines sans qu’elles
aient de rapport direct avec la leçon. Ainsi j’ai demandé à des élèves de 6e lors d’une séance d’ATP de faire une carte heuristique
pour réviser leur leçon sur la division. Les enfants ont pour la plupart placé les noms des autres opérations qu’ils connaissent,
même si elles n’étaient pas mentionnées dans la leçon, avant de pouvoir penser à écrire autre chose. Et alors ? L’important n’est-il
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pas de « penser à écrire autre chose » ?


La carte heuristique permet aussi d’observer nos élèves en train d’apprendre. On s’aperçoit que les liens qui nous paraissent
évidents ne le sont pas pour eux, occasion de discussions riches avec l’élève à propos de son expérience d’apprentissage.
Des exemples de logiciels gratuits à télécharger pour faire des cartes heuristiques sur l’ordinateur comme Freemind.

Carole Guillot-Coquin

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Au collège

Vers une mutualisation nous a donc semblé pertinent de circonscrire nos inves-
tigations sur les dispositifs d’accompagnement dans des
espaces délimités afin de mieux prendre en considération
des dispositifs de leurs actions, leurs interactions et leurs effets sur une
même population.
l’accompagnement ? Les dispositifs d’accompagnement ne correspondent pas
toujours aux mêmes attentes ou aux mêmes publics, cer-
Olivier Meunier tains jeunes ayant besoin ou préférant sortir du cadre de
l’école et être en interaction avec d’autres personnes que
leurs enseignants. Cependant, l’aide aux devoirs étant déjà
présente dans les deux types d’accompagnement, nous
En étudiant les effets de l’accompagnement
pouvons nous demander si l’accompagnement à la scolarité
éducatif et de l’accompagnement à la scolarité
serait susceptible de se réorienter sur ses autres missions,
sur la scolarisation des élèves et sur les pratiques
notamment les activités visant à travailler la question de
enseignantes, il apparait que les actions les la distance socioculturelle des élèves vis-à-vis de la forme
plus porteuses de réussites sont celles menées scolaire.
conjointement et à égalité entre les différents
Toutefois, la majorité des parents et des élèves minimisent
acteurs. Reste à inventer les moyens de mettre en
ou ignorent cette perspective d’un détour sociocognitif par
place une culture commune et à changer les regards
des activités non scolaires préparant aux apprentissages.
que les uns peuvent porter sur les autres pour
Les attentes relatives aux résultats semblent directement
avancer ensemble.
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liées aux effets de l’aide aux devoirs. Elles sont encore plus
importantes dans l’accompagnement éducatif, l’aide aux
devoirs étant effectuée dans un cadre scolaire par des « pro-
Les dispositifs d’accompagnement se réfèrent à des actions fessionnels de l’instruction », ce qui conforte la croyance
offrant – aux côtés ou au sein de l’école – un appui et des qu’il ne peut pas être effectué « au rabais », qu’il devrait
ressources que l’élève ne rencontre pas toujours dans son forcément favoriser la « réussite scolaire », ce qui peut
milieu socioculturel afin d’améliorer ses conditions de sco- entrainer de fortes déceptions quand les résultats ne sont
larisation et de favoriser sa réussite scolaire et son intégra- pas au rendez-vous. Cet engouement des parents et des
tion. Ils consistent le plus souvent à amener l’élève à opérer élèves à l’égard de l’aide aux devoirs limite la réorientation
un changement d’attitude concernant les apprentissages des acteurs de l’accompagnement à la scolarité vers des
et les objets culturels légitimés par la forme scolaire, en activités non scolaires. Ceux-ci tiennent à préserver leur
prenant en considération son éloignement culturel. « clientèle » en répondant à leur demande par le « produit
Dans l’accompagnement éducatif1, ce sont en principe des d’appel » que constitue l’aide aux devoirs, tout en propo-
enseignants qui encadrent le travail personnel des élèves, sant d’autres activités. Les pratiques de l’accompagnement
proposent des activités sportives et favorisent leur ouverture à la scolarité ne se sont donc pas profondément modifiées
au monde de l’art et de la culture au sein de l’établissement depuis l’avènement de l’accompagnement éducatif.
après les heures d’enseignement. Quelle mutualisation ?
Dans l’accompagnement à la scolarité2, hormis l’école La mutualisation des différents dispositifs d’un RTAP afin
ouverte, les intervenants relèvent davantage de l’animation de proposer des activités complémentaires et diversifiées,
socioculturelle et interviennent dans le cadre associatif souvent mise en avant dans les discours institutionnels,
et / ou dans les centres sociaux, souvent à l’extérieur des demeure limitée dans les pratiques quotidiennes. Assez
écoles. Les activités de soutien scolaire sont présentes, mais souvent, la pénurie des « enseignants volontaires » pour
il est également question de s’appuyer sur des « activités l’aide aux devoirs contribue au maintien de cette activité
culturelles » et une « pédagogie de détour » permettant de dans les centres sociaux ou dans les associations, mais ces
« redonner confiance », sans oublier de s’adresser également derniers ont peu de contacts avec les établissements : leurs
aux « enfants nouvellement arrivés en France ». relations sont occasionnelles4 ou inexistantes dans deux
Deux dispositifs qui s’ajoutent ou se complètent ? RTAP sur trois.
La circulaire précise toutefois que l’accompagnement De par leurs statuts, les écoles primaires sont davantage
à la scolarité doit prendre en compte l’accompagnement associées à la politique de la ville, ce qui favorise des ac-
éducatif. Qu’en est-il vraiment ? Afin de saisir les rapports tions conjointes et complémentaires entre les différents
éventuels entre ces deux types d’accompagnement, nous acteurs de l’accompagnement, notamment quand elles
utiliserons le terme de « réseau territorial de l’accompa- ont lieu au sein des écoles. Néanmoins, les actions d’ac-
gnement prioritaire » (RTAP) pour chaque ensemble école- compagnement s’effectuent souvent de manière isolée,
collège-centre social-associations relevant de l’éducation les « accompagnateurs » de l’accompagnement éducatif ne
prioritaire3. En effet, ces organisations se retrouvent dans pouvant clairement expliciter le travail de leurs collègues
un même espace où elles peuvent travailler ensemble. Il de l’accompagnement à la scolarité et réciproquement. Les
enseignants réservent assez souvent l’accompagnement
1 Circulaire du 5 juin 2008. éducatif à l’ensemble des élèves de leur classe, notamment
2 Circulaire du 6 juin 2008. les professeurs des classes d’adaptation ou d’intégration.
3 Nous avons effectué des enquêtes (entretiens, observations) Les activités culturelles et sportives relèvent davantage de
dans douze RTAP de deux académies en 2009 et 2010. Du
fait d’un effectif limité, les résultats exprimés ici doivent
être considérés seulement comme des tendances. 4 Une à deux réunions informatives annuelles.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

l’accompagnement à la scolarité et sont prises en charge répondre à la diversité culturelle, notamment par l’utilisa-
durant la pause méridienne ou après les cours par des tion de pédagogies interculturelles.
professionnels qui dépendent généralement de la munici- Nous constatons également une sous-utilisation de la com-
palité. Lorsque l’organisation est souple, les élèves ont la plémentarité et de l’articulation des dispositifs existants sur
possibilité de naviguer d’une activité à l’autre : « après les temps scolaire et propres à l’établissement. Les relations
devoirs », ils peuvent aller choisir un livre à la bibliothèque, entre les enseignants qui effectuent l’accompagnement
se rendre dans la salle informatique, dans la cour, à l’atelier éducatif et les autres sont encore limitées. Hormis un col-
de jeux, etc. lège, nous n’avons pas observé de fiches-navettes relatives
Seulement deux collèges sur douze continuent à travailler à chaque élève permettant de faire remonter ses besoins
avec le centre social de leur zone, en effectuant un suivi en compétences et de présenter le travail effectué dans le
mutuel des élèves (assiduité, comportement, travail, résul- cadre de l’accompagnement éducatif. Pourtant, quand les
tats, problèmes familiaux, problèmes d’apprentissage, etc.). enseignants se concertent et cherchent à adapter les mé-
Dans l’un d’entre eux, des enseignants volontaires (depuis thodes pédagogiques au profil singulier de chaque élève,
de nombreuses années) viennent soutenir pédagogique- les résultats escomptés (comprendre sa leçon, répondre
ment les animateurs: ce sont principalement les élèves de correctement aux questions, résoudre un problème, faire
3e et de 4e qui s’y rendent pour faire leurs devoirs ; deux un exercice, etc.) sont généralement présents en fin de
tiers d’entre eux affirment qu’ils n’iraient pas au collège séance. Le travail sur les compétences s’inscrit néanmoins
si le centre social ne proposait plus cette activité. Dans les dans une temporalité plus longue et relève, au-delà de
collèges, l’aide aux devoirs représente l’activité principale, l’accompagnement éducatif, de l’ensemble des dispositifs
tandis que les activités culturelles sont plus particuliè- et de la scolarité de chaque élève. Il impliquerait peut-
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rement orientées avec la finalité de préparer le spectacle être l’utilisation d’un livret de compétences pour chaque
de fin d’année auquel sont conviés les parents. Celles qui élève afin de mieux connaitre ses besoins, ses attentes, son
nécessitent un talent particulier reposent sur un enseignant évolution, ses limites, ce qui favoriserait la cohérence et la
(valorisation d’une activité extrascolaire généralement) ou concertation des approches pédagogiques et didactiques à
sur un intervenant extérieur encadré pédagogiquement son égard.
par un professeur. Les activités sportives sont limitées
dans l’accompagnement éducatif, les enseignants préférant Former les acteurs à travailler ensemble
continuer à les exercer dans l’association sportive. Dans Les relations entre les établissements scolaires et les centres
un collège sur trois, l’aide aux devoirs a été confiée aux sociaux et les associations demeurent limitées alors que
assistants pédagogiques/d’éducation, les enseignants les finalités sont compatibles, souvent complémentaires,
volontaires préférant encadrer les activités culturelles. parfois identiques, d’autant plus que le financement est
Dans la moitié des collèges, elle est effectuée à la fois par public. Cette absence de concertation ou parfois de relation
les enseignants, les assistants pédagogiques et les assistants – souvent justifiée par un manque de temps ou d’intérêt – a
d’éducation. Dans un collège sur six, ce sont exclusive- tendance à donner une image confuse de dispositifs empi-
ment les enseignants qui encadrent les élèves pour l’aide lés. Il apparait pourtant qu’elle peut faciliter la cohérence
aux devoirs et une grande partie des activités culturelles et et la visibilité de l’ensemble de ces dispositifs. Lorsque
sportives. L’assiduité dans l’accompagnement éducatif (et c’est le cas, elle permet de mieux réorganiser l’emploi du
surtout dans l’aide aux devoirs) est rendue obligatoire dans temps des élèves et de mettre en place de nouvelles activi-
quatre établissements sur cinq, ce qui limite les tentations tés à partir d’une réflexion commune. En effet, si les élèves
consuméristes des élèves. ont des demandes relatives à l’accompagnement, ils ne sont
pas toujours capables d’identifier leurs besoins. De même,
Les pratiques mises en œuvre dans l’accompagnement les enseignants disposent rarement d’une vision précise
Certaines tendances générales se retrouvent de manière de leur RTAP et des actions qui sont déjà menées depuis
récurrente dans l’accompagnement éducatif. C’est notam- l’avènement de l’accompagnement éducatif, alors que les
ment le cas de la prééminence des aspects organisationnels centres sociaux et les associations y sont souvent profon-
sur les dimensions pédagogiques, et plus largement éduca- dément impliqués. Les animateurs des centres sociaux de-
tives. L’expérimentation de pédagogies assez souples pour meurent méfiants à l’égard de l’accompagnement éducatif
répondre à la diversité des élèves et à la personnalisation de quand un travail commun n’est pas mis en place alors que
leurs parcours semble difficile à mettre en place. Une partie les deux dispositifs peuvent être utilisés de manière com-
importante des enseignants ont tendance à se restreindre plémentaire, certains élèves préférant faire leurs devoirs en
à ce qu’ils savent faire, ce qui n’est pas toujours suffisant dehors de l’école. C’est souvent lorsqu’une synergie se met
pour stimuler et améliorer les capacités d’apprentissage en place entre les différents acteurs de l’accompagnement
des élèves. D’autres professeurs essaient d’expérimenter de manière égalitaire, sans que l’un soit prestataire ou com-
des manières d’apprendre et des méthodes pédagogiques manditaire de l’autre, et quand il existe un véritable suivi
différentes de celles qu’ils mettent en place en classe, ce des élèves avec des remontées et des échanges d’informa-
qui permet plus facilement de lever les blocages cognitifs tions de manière transversale, que la cohérence, la perti-
des élèves. Hormis ces problèmes cognitifs qui demeurent nence et peut-être l’efficacité de l’accompagnement des
essentiels, certains enseignants précisent que l’un des blo- élèves apparaissent clairement. Faudrait-il alors proposer
cages principaux de nombreux élèves est l’absence de leur des formations à l’accompagnement pour l’ensemble des
désir d’apprendre, d’autres qu’il s’agit d’un manque de acteurs de ces dispositifs afin de favoriser les dynamiques
confiance et d’estime en soi chez certains élèves, d’autres collectives dans les différents RTAP ?
enfin que les élèves sont trop éloignés culturellement des
enseignants qui ne savent pas ou n’ont pas été formés pour Olivier Meunier
Sociologue au centre Alain Savary de l’INRP
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Au lycée professionnel

Au lycée professionnel
Conditions pour une horaire balisée pendant laquelle l’élève pourra retra-
vailler avec un professeur pour acquérir les compéten-
ces nécessaires à l’obtention du diplôme intermédiaire
mise en œuvre utile ou du baccalauréat. Dans certains établissements, un
« parrainage » d’une classe ou de plusieurs élèves par
Karine Foucher des professionnels a un impact considérable sur la
motivation des élèves : il leur permet de rencontrer
des professionnels qui effectuent déjà leur futur
Dans le cadre de la rénovation de la voie
métier. Les élèves ont la possibilité d’effectuer leurs
périodes de formation en milieu professionnel chez ce
professionnelle, un accompagnement personnalisé
« parrain », mais ils peuvent simplement découvrir ce
a été instauré. Comment en faire un dispositif utile
métier sous d’autres angles ;
pour les élèves ?
• Co-intervention de deux professeurs sur une même
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heure d’accompagnement personnalisé pour mettre en


évidence l’importance de l’interdisciplinarité. On peut
Les élèves inscrits en baccalauréat professionnel bénéficient ainsi montrer par exemple l’importance des mathéma-
ainsi d’un accompagnement personnalisé de 210 heures tiques pour les élèves de spécialité « menuiserie », en
sur le cycle des trois ans. Ces heures figurent sur les grilles abordant certaines notions abstraites du programme
horaires des élèves au même titre que les enseignements par le biais de situations professionnelles concrètes.
obligatoires. Cette co-intervention demande évidemment un temps
de concertation entre les enseignants. La co-inter-
Des dispositifs spécifiques, évolutifs et variés
vention d’un professeur d’enseignement général et
L’accompagnement personnalisé peut se décliner en dis- d’un professeur d’enseignement professionnel est une
positifs divers selon les besoins des élèves, leurs projets à « combinaison » dont les impacts sont remarquables :
des périodes bien définies dans leur parcours scolaire, l’es- elle permet aux élèves les plus en difficultés de prendre
sentiel étant l’individualisation des parcours pour favoriser appui sur le domaine qu’ils préfèrent (le domaine pro-
la réussite de chaque élève : fessionnel) pour progresser en enseignement général ;
• Une différenciation pédagogique des enseignements • Une fiche de synthèse sur les périodes de formation
disciplinaires au sein d’une même classe. Par exem- en milieu professionnel peut être travaillée avec le
ple, une fiche individuelle de positionnement pour professeur de lettres et d’enseignement professionnel
les contrôles en cours de formation (CCF) peut être afin d’aider l’élève à rédiger son rapport de stage et
proposée aux élèves dans le cadre des heures d’accom- de réfléchir aux progrès effectués ou non pendant la
pagnement personnalisé. Le professeur de menuiserie période de formation en entreprise.
peut ainsi décider avec l’élève des CCF en fonction des
compétences acquises ou non par celui-ci. L’équipe de Différentes étapes de mise en œuvre
professeurs peut répartir les CCF des différentes ma- Une évaluation diagnostique est nécessaire. Elle est le point
tières sur différentes périodes de l’année, afin d’éviter d’appui qui permet de donner tout son sens à l’expression
qu’un élève en difficulté n’ait à passer un trop grand « accompagnement personnalisé ». On peut mener égale-
nombre de CCF pendant une même période ; ment un entretien en début d’année avec chaque élève,
• S’appuyer sur l’émulation pour créer une dynamique pour envisager un des dispositifs suivants à un moment de
de réussite. Dans le cadre de l’accompagnement per- sa scolarité :
sonnalisé, des thèmes généraux peuvent être proposés • Remédiation pour les élèves en difficulté : par exemple
aux élèves leur permettant un travail collectif et inter- des cours de français langue seconde pour les élèves
disciplinaire. Par exemple, la mise en place d’un projet ayant des difficultés en langue française ;
e-twinning1 sur le thème de l’éducation au dévelop-
• Tutorat professeur/élève, mais aussi élève/élève au
pement durable permet aux élèves d’endosser diverses travers d’entretiens réguliers prenant appui sur un
responsabilités et de prouver à leurs camarades qu’ils livret de suivi et d’orientation. Ces moments de dia-
sont capables de mener à bien des projets ; logue privilégié permettent une réflexion quant aux
• Privilégier la professionnalisation pour susciter différentes passerelles d’orientations possibles ;
l’intérêt des élèves. Une fiche d’auto-évaluation des • Aide individualisée ;
activités professionnelles peut être proposée aux élèves
afin qu’ils puissent évaluer les compétences acquises • Consolidation des acquis en vue d’une orientation
ou celles en cours d’acquisition. L’accompagnement nécessitant des qualifications particulières, ou de
personnalisé peut être le moment propice pour rem- l’insertion professionnelle de l’élève. Un élève en
plir ce type de fiche, mais donne également une plage fin de 2nde professionnelle « vente » désirant changer
d’orientation et se diriger vers un bac pro « commerce »
1 cf. http://www.etwinning.net/fr/pub/index.htm
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peut travailler les matières qui lui poseront problème Afin de faciliter le travail des équipes pédagogiques, les
lors de ce changement de spécialité au sein du même professeurs peuvent en amont s’inscrire aux formations du
champ professionnel ; plan académique de formation de leur académie, afin d’éla-
• Approfondissement : donner plus à ceux qui sont borer et d’harmoniser des progressions sur trois ans, de
demandeurs afin de leur permettre par exemple une déterminer les compétences transversales qui font souvent
poursuite d’études en enseignement supérieur. Par défaut aux élèves.
exemple, l’élève peut approfondir lors de l’accompa- Une organisation souple au sein des établissements permet
gnement personnalisé ses connaissances en anglais. l’élaboration d’actions communes à plusieurs élèves, et
Il peut être préparé au TOEIC s’il continue en DUT pourquoi pas à plusieurs classes (organisation en « bar-
physique-chimie. rettes »). L’ensemble des acteurs de l’établissement doit
À la fin de chaque dispositif mis en place, il convient d’éva- s’approprier ce levier puissant de réussite qu’est l’accom-
luer la pertinence de celui-ci comme les acquis des élèves, pagnement personnalisé, afin qu’il ne soit pas seulement
puis de choisir le prochain dispositif dont l’élève a besoin. au service d’un petit groupe d’élèves, mais du plus grand
nombre.
Des points de vigilance L’équipe de direction doit mettre en place les modalités
L’équipe pédagogique doit mettre en place des dispositifs organisationnelles de l’accompagnement personnalisé après
articulés, évolutifs et complémentaires qui vont prendre en avoir défini les besoins des élèves et pris en considération
compte ce qui est fait en classe, mais également ce qui est fait les compétences des professeurs qui interviendront dans
pendant les périodes de formation en milieu professionnel ce cadre. Enfin, l’attribution de moyens doit être faite en
et dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. conséquence.
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Le choix du dispositif doit viser à responsabiliser l’élève.


Il pourra lui-même choisir ce qui lui convient le mieux en Karine Foucher
fonction de ses besoins et non en fonction des affinités avec Chargée de mission d’inspection en
tels camarades de classe ou tel enseignant : une phase de anglais dans l’académie d’Amiens
tutorat ou une phase de soutien ou encore une phase de
réflexion quant à sa poursuite d’études.

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Au lycée professionnel

Nouvelles prescriptions, nommer accompagnement et d’écraser les différentes for-


mes que ce dernier peut prendre (aide, soutien, orientation,
etc.). Trois dimensions stables peuvent être repérées2 :
nouvelles pratiques • Une dimension relationnelle forte. En ce sens, accom-
pagner c’est « être avec », c’est « être dans le pas de »,
Corinne Marlot, Nathalie avec l’idée d’une régularité des interactions, d’un suivi
Younès, Guillaume Serres pas à pas favorable à une réaction rapide ;
• Une dimension temporelle, une direction, une orienta-
tion. L’accompagnement s’inscrit dans une durée plus
De quelles évolutions du métier enseignant ou moins importante, selon qu’il s’agit d’accompagner :
l’accompagnement personnalisé prévu en lycée une difficulté jugée passagère (aide, soutien, etc.), un
professionnel est-il porteur ? Si les conditions de cheminement dans un parcours scolaire (orientation)
sa mise en œuvre sont souvent perçues comme ou une transition (insertion professionnelle). En ce
problématiques par les enseignants, il est sens, accompagner, c’est « aller vers », avec l’idée que
l’occasion de reconsidérer, entre autres, la gestion l’accompagnement a un début, un développement, et
une fin qui mérite d’être anticipée pour que la forte
de l’hétérogénéité des élèves, des équilibres
relation de « dépendance » puisse être dépassée une
entre approches collective et individualisée des
fois la proximité de la relation terminée ;
apprentissages.
• Une dimension d’ajustement de l’accompagnateur à
l’accompagné. Cette dimension traduit une volonté
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d’adopter le rythme de l’accompagné, de se mettre à la


Le laboratoire PAEDI (IUFM d’Auvergne – Université mesure de l’accompagné, à la portée de l’accompagné.
Blaise-Pascal) a été sollicité par le Rectorat de l’académie
À nos yeux, deux points de vigilance peuvent être pointés :
de Clermont-Ferrand pour mettre en œuvre un dispositif
de formation continue, relatif à la mise en place de l’accom- • L’accompagnement est, historiquement, associé à
pagnement personnalisé en lycée professionnel (LP). Cette une relation duelle, on peut penser qu’une condition
contribution s’appuie sur une étude exploratoire conduite de son introduction en LP sera son adaptation à une
dans plusieurs LP du Puy-de-Dôme. forme collective ;
• L’accompagnement repose sur une responsabilisation
L’accompagnement à tous les étages des individus : « Si l’idée [d’accompagnement] n’est pas
L’introduction de l’accompagnement personnalisé, neuve [en éducation], elle tend à devenir une nouvelle
élément majeur de cette réforme, est perçue par les en- normativité […]. Ainsi le développement des pratiques
seignants comme une nouvelle atteinte portée à leur et des injonctions à l’accompagnement participerait des
contexte de travail (densité des programmes, contraintes nouveaux modes de gouvernance déployés autour des
du contrôle en cours de formation, effectifs des classes en individus et de leur responsabilisation »3.
progression, difficultés scolaires importantes des élèves, Si les démarches d’accompagnement ouvrent de nouveaux
etc.). Ils ont alors à composer avec ce que l’ergonomie leviers pour l’enseignement, il est essentiel d’anticiper les
du travail enseignant nomme une surprescription des possibles difficultés de cette introduction dans le contexte
objectifs et une sous-prescription des moyens : un écart spécifique du lycée professionnel.
conséquent est observé entre une multiplication des tâches
de plus en plus diversifiées demandées aux enseignants, et L’accompagnement personnalisé : vers
la nécessité d’invention de moyens qui repose entièrement un renouvèlement des pratiques
sur ces derniers. La culture du professeur de lycée professionnel, de par
En effectuant une recherche par mots clés sur le catalogue sa formation universitaire, est de plus en plus éloignée de
en ligne d’une grande librairie, Françoise Carraud1 recense celle des élèves. Mais dans le même temps, on assiste à une
un nombre vertigineux d’ouvrages référencés sur le thème certaine « homologie de condition »4 dans la mesure où
de l’accompagnement, dans des domaines très divers. On ces professeurs se sentent dévalorisés par rapport à leurs
se propose d’accompagner « le vieillissement », « le grand collègues de l’enseignement général. Ce ressenti pourrait
âge », « les personnes âgées fragiles », « la personne grave- conduire les professeurs à adopter deux types de posture.
ment handicapée », ou bien « l’élève gaucher », « les enfants L’une, la posture de « sauveur », plus répandue, consisterait
en difficulté scolaire » et même « son animal vieillissant » ! à voir le métier comme un « défi » permettant de « sauver »
Au-delà du caractère amusant de cet exercice, on peut se les élèves, « le lycée professionnel devenant alors une école de
demander s’il s’agit d’un simple effet de mode ou d’une la deuxième chance » (ibid.), ce qui se manifeste par la mise
évolution majeure de notre société. en œuvre de pratiques pédagogiques « différentes ».
Malgré un apparent consensus social, la notion n’est pas L’autre posture consisterait à se tenir à distance des élèves,
stabilisée dans ses significations et n’est pas délimitée dans dans une certaine indifférence, de crainte d’être assimilé à
ses usages. En même temps que la plasticité de ce concept ce public considéré comme en échec. Bien souvent, cette
est séduisante dans la mesure où elle semble permettre
une appropriation spécifique, un risque majeur est de tout 2 Maëla Paul, « Autour des mots », Recherche et Formation, n° 62, 2009.
3 Françoise Carraud, « Faut-il être accompagné pour apprendre à
enseigner ? Débats et controverses », in Recherche et Formation n° 63, 2010.
1 Françoise Carraud, « Faut-il être accompagné pour apprendre à
enseigner ? Débats et controverses », in Recherche et Formation n° 63, 2010. 4 Aziz Jellab, « Les enseignants de lycée professionnel et leurs
pratiques pédagogiques : entre lutte contre l'échec scolaire et
mobilisation des élèves », Revue française de sociologie, 2005.
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deuxième posture assure une survie professionnelle « car Une mission d’équipe
elle permet de ne pas être envahi par les difficultés sociales des Enfin, au niveau organisationnel, le temps institutionnel
élèves » (ibid.). accordé aux personnels pour mener à bien leur mission
La mise en place de l’accompagnement personnalisé pour- d’accompagnement personnalisé reste un véritable point
rait peut-être permettre au professeur d’expérimenter une d’achoppement. Il apparait à l’issue de nos observations
« posture » intermédiaire et moins radicale, plus en prise que plus on « personnalise » l’enseignement, plus il est né-
avec la réalité des élèves de lycée professionnel. cessaire qu’existe un collectif, une équipe pédagogique en
tant qu’instance d’harmonisation. Or, en ce qui concerne la
Des modèles pédagogiques différents coordination, c’est au mieux les professeurs principaux qui
Du point de vue pédagogique, il se trouve que ces deux sont en charge de « recueillir » de manière plus ou moins
postures amènent à surinvestir des modèles pédagogiques informelle les « avis » de leurs collègues ; et c’est parfois
bien différents qui orientent les pratiques d’accompagne- le proviseur adjoint qui organise tout le suivi. Il apparait
ment. Ainsi, la tension constitutive entre les trois missions donc que pour l’instant, la dimension organisationnelle
du lycée professionnel (instruire, éduquer, socialiser) se l’emporte sur les choix pédagogiques.
retrouve exacerbée et vient alimenter les débats et contro-
verses au sein de l’équipe pédagogique, sur les cibles de Trois niveaux d’accompagnement à articuler
l’accompagnement personnalisé. Cette dernière remarque nous conduit à interroger l’arti-
Vaut-il mieux réassurer les savoirs fondamentaux, déve- culation entre ces deux dimensions : organisationnelles et
lopper l’acquisition de « méthodes » de travail, « (re) mo- pédagogiques. La gageüre de s’adresser à tous les élèves (à
tiver » les élèves, favoriser l’insertion professionnelle ou, la fois aux élèves les plus en difficulté et aux élèves les plus
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plus en amont, l’orientation… ou bien tout cela à la fois ? en réussite comme aux intermédiaires) nécessite en effet
Pour répondre à ces formes émergentes et renouvelées un engagement collectif de l’équipe pédagogique pour
de « l’apprendre » et de « l’enseigner », les professeurs de gagner en cohérence et construire des dispositifs intégrés.
lycée professionnel doivent donc développer de nouvelles Il est très important de ne pas reléguer l’accompagnement
compétences. Parmi celles qui pourraient permettre l’ap- personnalisé seulement dans des moments dédiés séparés
propriation de ces prescriptions, nous voyons se dégager du reste de la semaine, ce qui le conduirait finalement à
surtout les compétences communicationnelles. En effet, les rester périphérique. Il est au contraire nécessaire de penser
activités liées à l’accompagnement supposent un travail en ce dispositif en lien avec les autres situations de formation.
petits groupes. Ces derniers sont le plus souvent constitués Tout l’enjeu va résider là, dans la mise en cohérence des
à partir de plusieurs classes et régulièrement réorganisés choses. Car l’articulation est centrale dans de tels dispo-
en fonction des progrès des élèves. La négociation entre le sitifs : l’articulation entre le système scolaire et les aspira-
professeur et l’élève est un autre élément récurrent observé tions de l’élève, l’articulation entre les matières et entre les
dans ces pratiques émergentes et concerne l’enjeu de la enseignants, entre le lycée et le monde professionnel ainsi
tâche, sa finalité, le sens que l’élève lui donne, ou encore qu’entre les modalités d’organisation.
le « projet » individuel. Ces formes d’échange tendent à Dans la mise en œuvre du dispositif, trois niveaux d’accom-
transformer la relation pédagogique en diminuant l’écart pagnement sont plus particulièrement à articuler, chaque
entre les deux postures enseignantes : « le sauveur » et niveau étant lui-même un lieu d’articulation de différentes
« l’indifférent ». composantes dont nous ne mentionnerons que celles qui
nous apparaissent tout particulièrement déterminantes.
Au service des élèves ?
Du point de vue de l’exercice du métier, cette survalorisa- Le niveau d’accompagnement des
tion de l’échange fait que les professeurs ont toutefois l’im- processus d’apprentissage
pression de s’éloigner de la logique de mission à dimension Agir sur les processus d’apprentissage, c’est travailler à la
collective, au profit « d’une logique de service à dimension plus fois sur la motivation et sur la structuration des apprentis-
individuelle » (ibid.). Toutefois, l’introduction de « l’accom- sages. Et ce d’autant qu’un grand nombre des élèves qui
pagner » n’implique pas d’inventer un nouveau métier ou arrivent en 2de professionnelle se trouvent dans des filières
de renoncer à son métier actuel. Il ne s’agit surtout pas qu’ils n’ont pas choisies, ou par défaut. Beaucoup peuvent
de faire de l’accompagnement un lieu de remotivation des se sentir démotivés avec le sentiment d’être relégués,
élèves totalement en dehors des apprentissages scolaires. déclassés, ignorés. Par ailleurs, la plupart ont également
Par ailleurs, l’éclatement du modèle « cellulaire » de la des lacunes importantes en ce qui concerne la maitrise des
classe et la tendance observée à aller vers des regroupe- compétences de base dans la compréhension des textes,
ments d’élèves où le professeur ne suit pas forcément « ses l’expression écrite et orale, les mathématiques. Plusieurs
» élèves représentent en eux-mêmes un véritable « renver- articulations sont ainsi particulièrement cruciales entre les
sement ». Ces pratiques fragilisent l’habituelle position « questions de confiance, de sens et d’apprentissage.
d’autorité » dont le professeur doit se détacher – tout au • Avoir confiance dans les possibilités de l’élève et sus-
moins momentanément – dans ces nouveaux espaces de citer ou restaurer cette confiance en soi est un facteur
travail. Pour autant, les gestes professionnels ne sont pas particulièrement déterminant. On connait bien l’im-
si cloisonnés qu’il semble y paraitre et il se pourrait bien pact délétère du pessimisme dans les prédictions des
que l’éclatement « localisé » de ce modèle « cellulaire » résultats des élèves.
génère des « ondes de choc » qui se propageront jusque • Travailler sur le sens des savoirs se révèle aussi
dans le collectif de la classe et contribueront efficacement particulièrement important. « À quoi ça va me servir
au renouveau des pratiques pédagogiques. de travailler sur telle ou telle matière ? » Ce type de
question revient trop souvent pour qu’on l’évacue.
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Au lycée professionnel

L’accompagnement personnalisé devrait permettre ger l’élève dans son parcours de formation. Pour cela, des
d’un travail s’ouvrant à la question du sens de l’ap- entretiens individuels conduits par un professeur référent
prentissage. nous sembleraient à privilégier comme autant de moments
• Travailler à la fois sur les contenus et sur les méthodes. favorisant l’établissement d’une relation de confiance et de
Devant le constat que les élèves manquent de méthode, dialogue propice à l’ajustement de ces parcours.
il est tentant de mettre en place des accompagnements
Le niveau de l’organisation pédagogique
méthodologiques. Ce que nous soulignons ici est l’im-
portance de ne pas isoler le travail sur les méthodes en D’ores et déjà les enseignants sont amenés à prendre en
le réservant par exemple à des séances faites unique- compte la diversité des élèves dans la classe traditionnelle.
ment pour ça et uniquement là. Il nous faut nous demander, et c’est une des difficultés,
quelle est la spécificité de la personnalisation mise en œuvre
• Structurer les apprentissages. Les activités intellectuel- dans les temps réservés à l’accompagnement personnalisé,
les que sont l’attention, la mémorisation, l’association, quelles en sont les modalités d’organisation. Ceci ne peut
la structuration, la systématisation sont constitutives que conduire à envisager la différenciation mise en œuvre
des apprentissages et ne doivent pas être négligées dans les supports d’apprentissage et le choix effectué d’or-
sous prétexte de rendre les élèves actifs et d’élaborer ganiser des groupes homogènes ou hétérogènes
des projets s’appuyant sur leurs centres d’intérêt. Il
convient donc de se demander si les situations péda- À cette étape de notre étude, il nous est difficile de prendre
gogiques mises en place ne minorent pas certaines la mesure des multiples enjeux et limites liés à l’introduc-
situations fondamentales dans les apprentissages : dé- tion de l’accompagnement personnalisé dans le contexte
couverte, structuration, mémorisation, entrainement, spécifique du LP. S’il apparait que les évolutions en cours
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approfondissement, réinvestissement. renouvèlent des tensions au sein de la profession, leur


dépassement nous semble porteur d’une attention plus
Le niveau d’accompagnement des parcours de formation grande portée aux trajectoires scolaires des élèves et à leur
Un travail sur les parcours de formation semble également suivi pas à pas. À notre sens, et en accord avec les travaux
un levier essentiel dans l’implication et la réussite scolaires. de Lantheaume1, ces « zones de turbulence » témoignent
L’accompagnement personnalisé devrait favoriser une plutôt d’un présent agité, plein de ses tentatives d’ajuste-
meilleure connaissance des acquis et des besoins des élèves ments et d’intégration, tout à l’honneur de l’ingéniosité
pour mieux leur permettre d’ajuster pas à pas leur parcours des équipes en place.
de formation. Cet ajustement passe notamment par la mise
en synergie de l’accompagnement personnalisé avec les dis- Corinne Marlot, Nathalie Younès, Guillaume Serres
positifs d’évaluation. Les équipes pédagogiques disposent Le laboratoire PAEDI (IUFM d’Auvergne – Université
d’un certain nombre d’outils pour faire l’état des lieux de la Blaise-Pascal) a été sollicité par le Rectorat de
situation scolaire des élèves sur le plan des apprentissages l’académie de Clermont-Ferrand pour mettre
et sur le plan motivationnel. Il est donc primordial d’enga- en œuvre un dispositif de formation continue,
relatif à la mise en place de l’accompagnement
personnalisé en lycée professionnel (LP). Cette
contribution s’appuie sur une étude exploratoire
conduite dans plusieurs LP du Puy-de-Dôme.

1 Françoise Lantheaume, Les enseignants de lycée professionnel face


aux réformes : Tensions et ajustements dans le travail, INRP, 2008.

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À l’aide ! inviter à y renoncer : en accompagnement personnalisé,


il faut bien répondre aux demandes explicites des élèves :
ils veulent de l’aide pour comprendre ce qu’ils ont à faire,
Sylvie Gonthier apprendre tel ou tel cours, comprendre tel ou tel exercice.
Pour les autres, ceux qui n’ont « rien à faire », on peut trou-
ver un espace pour s’y essayer, puisqu’ils n’ont pas le choix
Récit d’une heure d’aide avec quelques élèves de LP, d’être ailleurs... Je tente de les convaincre de s’investir dans
une parmi d’autres, avec les mêmes insatisfactions, la réalisation des affiches. Le projet revient, sur le fil du
les interrogations récurrentes, les minuscules rasoir.
satisfactions qui contribuent aux grandes réussites. 17 h 45 : Les deux nouveaux membres se lancent, entre
conviction et apathie. Je passe voir Élodie et Amandine,
les deux premières. Élodie peine à y voir clair, si je ne la
guide pas dans les détails de ce qu’il y a à faire. Amandine
17 h 20 : « C’est l’heure de l’aide ! » L’heure de l’aide indivi-
fait vaguement des recherches. Quatre élèves manquent
dualisée, de l’accompagnement personnalisé de l’élève, du
toujours à l’appel.
soutien…
… et puis, un nouvel arrivant… Il a des exercices de comp-
Les questions sont les mêmes depuis dix ans, quel que soit
tabilité à faire, mais me tient à distance : « Je n’ai pas besoin
le nom qu’on ait donné à ce dispositif : comment les aider
de vous pour l’instant ». Comme une impression de ne servir
individuellement ? Comment percevoir la ou les difficultés
à rien…
« justes » de tel ou tel élève ? Comment vraiment savoir
si on est « efficient » ? Maintenant ou plus tard ? Quelles 17 h 50 : Je vais jusqu’à la vie scolaire, et signale l’absence
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démarches adopter ? Faut-il obliger certains à venir ou bien des trois derniers. Ils vont mener l’enquête. Je retourne
aider celui qui est volontaire ? À quelle heure ? Avec com- près des aidés. Je reste cinq minutes avec Amandine pour
bien d’élèves ? Faut-il les aider sur un contenu disciplinaire essayer de la redynamiser et la guider dans ses recherches.
propre à notre formation ou apporter une aide méthodolo- Élodie m’appelle pour la seconde fois. Je vais travailler
gique plus globale ? Faut-il prendre appui sur les besoins avec elle. On finalise le repérage, je l’aide à mémoriser.
qu’ils expriment, aussi divers soient-ils, ou proposer une Elle comprend de mieux en mieux comment apprendre.
démarche unique, mais transférable à tous ? Notre travail commun fonctionne… Je sais que ses notes
Tiraillée entre tout ça, en ayant le sentiment d’avoir tout ont augmenté… Ça, c’est un signe !
testé, j’y vais avec, comme toujours, un plaisir certain, 18 h : deux nouveaux membres arrivent, extirpés de leur
comme une « foi » et une certaine sensation de doute, de chambre par un aide-éducateur. Leur énergie à travailler
frustration, d’insatisfaction. est nulle, ou quasi. L’expression de leur visage me fait clai-
17 h 25 : J’en attends huit élèves, désignés et volontaires, rement comprendre que « C’est pas la peine, de toute façon,
en première année de Bac pro trois ans, Métiers de la je sais pas pourquoi je dois venir… Ça me gonfle ! »
restauration et de l’hôtellerie. En voilà déjà deux. Je leur Donc, j’abandonne Élodie, constate au passage que les
demande ce dont elles ont besoin. Élodie souhaite mon affiches de ciné avancent bien… Et j’argumente, essaie
aide pour repérer l’essentiel dans son cours de sciences d’amener les arrivants à mesurer le sens, l’intérêt de leur
appliquées, faire le lien entre les schémas et la trace écrite présence ici. Progressivement, malgré leur peu d’entrain,
qui les accompagne, et l’interroger pour l’amener à retenir, je vais leur faire accepter d’écrire un texte sur eux, ou sur
lui donner des clés, des moyens mnémotechniques pour autre chose, selon les idées qui me traversent l’esprit sur
qu’elle arrive enfin « à se rappeler ». Je sais que, quand le moment.
je peux me consacrer à ce travail avec elle, ça lui apporte 18 h 10 : L’ensemble est installé, mais on est déjà prêts de
beaucoup et elle progresse. Elle a envie… la fin… Élodie a avancé, mais n’a pas eu le temps d’appren-
Amandine a des recherches à faire sur des fruits, pour le dre complètement sa leçon pour demain. Elle est moins
cours de technologie cuisine. Pas très motivée, elle mar- angoissée, mais aurait bien aimé finir. Amandine a fait des
monne ce qu’elle a à faire, vaguement. Je l’aide à trouver un recherches… Il faudra que je voie son prof pour en savoir
site Internet qui pourrait lui apporter des éléments. un peu plus. Une affiche de ciné est terminée, l’inventeur
17 h 30, 35 : Deux autres sont arrivés, après une pause clope est ravi ! Et moi aussi. Pour le deuxième, ça reste à termi-
à la porte de l’établissement – « obligé, après huit heures de ner. « Ça m’a pris la tête, et puis, en plus, j’ai pas fini… C’est
cours ! ». Ils n’ont rien à faire… Je leur propose alors de nul ». Pour le devoir de comptabilité, les exercices ont l’air
réaliser les deux prochaines affiches des films qui seront faits, mais je n’en sais pas plus. Et les deux réticents sont
diffusés, dans le cadre de la soirée-cinéma organisée une finalement lancés à écrire, avec intérêt, semble-t-il.
fois par mois, au lycée. 18 h 15 : ça sonne ; une élève n’est pas venue. La salle se
Nous avions monté ce projet avec une collègue, en début vide, j’invite Élodie à sortir, elle serait bien restée plus
d’année, dans l’espoir de profiter du nouveau dispositif longtemps… Il aurait fallu passer tellement plus de temps
« accompagnement personnalisé de l’élève » pour trouver avec chacun d’entre eux ! C’est tellement chaotique ! Et
une autre voie, travailler autrement en aide, sous la forme difficile de stabiliser les habitués : demain, pas d’aide pour
de projets, en quelque sorte. On voulait se détacher des cause de réunion, conseil de classe ou autres. Pourtant, la
cours des élèves et travailler sur des compétences transver- plupart apprécient de venir, même désignés. Ils produisent
sales, en les amenant, tous, à créer différents documents, un engagement et un travail positifs. Malgré leur peu d’ap-
supports, relatifs à la vie du lycée. Mais il y a loin de la pétence initiale pour le travail, ils repartent bien souvent
coupe aux lèvres, et le quotidien s’acharne pour nous « confiants », comme « assurés ».

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Au lycée professionnel

Et moi ? Il faudrait pouvoir consacrer au moins une heure à Alors, oui, j’aide, bon gré mal gré. Je reste persuadée
chacun. Il faudrait les voir plus régulièrement, modifier les que mon travail leur apporte, même si je ne sais pas sur
groupes si nécessaire, changer d’horaire. Mais comment quel plan précis, dans quel domaine, et malgré les doutes
toucher les élèves de plusieurs classes ? Pour chaque dé- et les contraintes et contingences diverses qui nous sont
cision à prendre, un empilement de conditions à remplir, imposées.
qui renforce le besoin de concertation plus régulière, en
équipe, pour échanger sur le travail attendu par chacun, Sylvie Gonthier
sur les difficultés repérées dans telle ou telle matière. Professeure de lettres-histoire en lycée
professionnel à Château-Chinon (Nièvre)
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D’un dispositif à l’autre Deux types d’élèves


On voit apparaitre deux profils d’élèves :
Dominique Lakomy • Celui qui a des difficultés, mais est intéressé. On constate
des progrès bien souvent ;
• Celui qui a des difficultés et n’arrive pas à se motiver. La
Avec les dispositifs qui s’empilent, ainsi de l’aide tâche est ardue pour les faire s’impliquer dans l’activité.
individualisée remplacée désormais par l’aide Mais les élèves les plus motivés viennent volontairement
personnalisée en lycée professionnel, c’est aussi en plus de ceux désignés pour le soutien.
l’expérience qui s’accumule, et qui permet de monter Nous partons du principe que les activités ne sont pas
des fonctionnements utiles aux élèves. évaluées, car le travail effectué le sera dans les évaluations
par matière.
Dans un lycée professionnel à taille humaine (environ 200 Les points forts pour cette année :
élèves), nous accueillons des élèves de Commerce, Service • Certains élèves ont pu progresser dans leurs résultats
Accueil, Électricité et Mécanique moto. Les projets et les scolaires ;
idées ne manquent pas. Cependant, l’objectif de réussite • Les élèves présents ont bien participé ;
scolaire et personnelle de l’élève est quelquefois difficile à • Le travail pluridisciplinaire est vraiment un plus pour
atteindre. Après dix ans de pratique des projets pluridisci- l’élève et l’enseignant ; les thèmes abordés se complètent
plinaires à caractère professionnel (PPCP) qui ont favorisé et donnent des appuis pour les acquisitions en enseigne-
le travail en équipe, l’année 2009 nous a apporté dans le ment général et enseignement professionnel ;
cadre de la rénovation de la voie professionnelle et du bac
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• La possibilité de travailler en petits groupes.


pro trois ans l’aide individualisée : une heure semaine pour
une classe de vingt-quatre élèves de 2nde bac pro Com- Du côté moins positif de notre bilan :
merce, heure confiée à deux enseignantes, un professeur • L’absence de certains élèves ;
de mathématiques (qui a la classe dans cette matière) et un • L’horaire (bien en fin de matinée, mais pas un mercredi
professeur de commerce (qui n’a pas la classe en dehors matin, car certains préféraient partir avant le repas) ;
de ce créneau). Cette expérimentation doit préfigurer le • Le ressenti d’une « corvée » pour certains, dans la mesure
contenu de la réforme des lycées. où ce n’était pas une obligation pour tous ;
Après concertation, il a été décidé que la priorité serait • Le besoin de concertation avec l’ensemble de l’équipe
mise sur deux aspects : pédagogique n’a pas toujours été simple à gérer, il a fallu
• Le choix de la formation et de l’orientation faite par inventer des façons de communiquer.
l’élève, en fonction de son profil en rapport avec le mé- Évolution du dispositif
tier envisagé et avec ses motivations. Il s’avère qu’une
À la rentrée prochaine, la donne change : de l’aide indivi-
fois les constats effectués, la difficulté réside dans la
dualisée, nous passons à l’aide personnalisée. Le fond reste
mise en place des stratégies de remédiation. Un élève
identique, la forme peut changer. Une réunion du personnel
qui choisit une formation par défaut a besoin de beau-
pour la préparation de rentrée permet de mettre à plat les
coup de temps pour l’accepter et construire son projet,
impératifs :
et il faut trouver les arguments, les situations qui vont
le faire réfléchir ; • Obligation d’un temps de 2 h 30 par élève chaque se-
maine ;
• Les difficultés d’apprentissage : les élèves en difficulté
sont souvent les mêmes dans tous les domaines et sont • Obligation pour chaque élève de suivre ces plages ho-
sollicités à chaque séquence. raires ;
Après avoir travaillé chacune de notre côté avec douze • Une organisation à mettre en place au niveau de l’établis-
élèves pour faire le constat, nous essayons de faire quelques sement et des équipes pédagogiques.
séances en doublettes en général avec sept à huit élèves. Les Les équipes décident pratiquement unanimement de
petits groupes permettent de percevoir plus facilement, travailler en doublette sur des projets plus ou moins longs
grâce à l’échange à l’oral, les centres d’intérêt de chacun et en conservant le capital acquis lors des PPCP, la démarche
d’en faire partager certains à l’ensemble du groupe, donc de projet reste dominante. Certaines équipes décident de
de valoriser les élèves. mélanger des classes de spécialité identique.
L’objectif des séquences change en fonction de l’avance- Les thèmes sont déjà définis par les équipes, l’été va permet-
ment dans l’année scolaire. Nous travaillons à la demande tre d’affiner la réflexion en tenant compte de nos objectifs et
des collègues (commerce, mathématiques, recherche de de notre projet d’établissement :
stage, calendrier des contrôles en cours de formation). • Amener chaque élève à la réussite scolaire ;
Le travail à deux enseignants permet de montrer aux élèves • Prévenir le décrochage scolaire ;
un langage et un objectif communs. Chaque élève s’adresse • Favoriser l’insertion professionnelle ;
à l’une ou à l’autre enseignante en fonction de son besoin. • Favoriser les projets européens ;
Cela permet à la collègue de Vente de faire des mathéma- • Préparer les élèves à l’après-bac, à la poursuite d’études ;
tiques, avec « matempoche » par exemple, et à la collègue • Ouvrir les élèves aux arts et à la culture ;
de mathématiques de faire des calculs commerciaux, des • Amener tous les élèves au B2i collège et B2i lycée.
entretiens téléphoniques, présenter des factures d’avoir ou
de faire de la recherche de stage. La double approche des Dominique Lakomy
calculs commerciaux permet de concrétiser des connais- Professeure de vente en lycée professionnel
sances quelquefois difficiles à acquérir par les élèves. à Paimboeuf (Loire-Atlantique)
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Au lycée général et technologique

Au lycée général et
technologique

Comment aider Le contenu des enseignements et les exigences finales sont


les mêmes que pour les autres 2des. Les élèves s’engagent
en début d’année à mettre en pratique les outils méthodo-
des lycéens à logiques proposés.

retrouver le sens Des méthodes de travail communes


La réactivation
des apprentissages Les professeurs procèdent au début de chaque cours à une
réactivation individuelle et silencieuse durant laquelle les
scolaires ?
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élèves sont invités explicitement à faire revenir dans leur


tête ce qu’ils se rappellent du cours précédent. Un élève
est alors désigné pour dire ce dont il se souvient. Les autres
Guy Sonnois écoutent, comparent avec leurs propres souvenirs et cer-
tains sont désignés pour compléter.
Des pauses évocatives durant le cours
Cet article présente une expérience d’un dispositif Les cours sont ponctués de pauses durant lesquelles
d’accompagnement en lycée pour travailler la quête on demande aux élèves de faire revenir dans leur tête ce
du sens des apprentissages, y compris dans les plus qui vient d’être fait. L’un d’entre eux est désigné pour le
modestes des tâches scolaires, en utilisant les apports formuler à voix haute (tous sont ainsi amenés à ce « travail »
d’Antoine de la Garanderie2. purement mental).
La prise de notes en différé
Le professeur fait des pauses durant le cours pendant
Comment aider des élèves à rencontrer le sens des actes lesquelles les élèves notent ce qu’ils ont compris. Les notes
nécessaires pour la bonne intégration des contenus sco- sont ensuite verbalisées et confrontées. La trace écrite doit
laires, leur conservation dans la durée et leur réutilisation être l’expression de la compréhension de l’élève, et non la
pertinente dans des résolutions de problèmes ? Dans parole du professeur recopiée mécaniquement.
l’acquisition des différentes compétences qui sont l’enjeu La lecture des textes et des énoncés
de leur formation intellectuelle, y compris les moyens de la
communication avec leurs semblables3 ? Problèmes ressen- Il s’agit d’effectuer plusieurs lectures successives d’un
tis comme particulièrement aigus pour certains élèves de même texte, avec à chaque lecture un « projet » différent,
ce lycée, amenant la proviseure à favoriser une formation pour conduire à une bonne compréhension. On associe
en gestion mentale des enseignants dans la durée, et spé- aussi souvent que possible cet exercice avec des échanges
cialement autour d’une classe de 2de dite « de méthodologie en petits groupes pour faire émerger les différents accès à la
». compréhension et ainsi augmenter le potentiel de chacun.
Des évaluations différenciées
Le projet de la classe de seconde méthodologique Suivant les étapes de l’apprentissage, l’évaluation (forma-
J’ai d’abord accompagné une équipe de professeurs qui se tive ou sommative) est traduite pour les élèves par un code
sont familiarisés avec les principes de la gestion mentale, de couleurs : notes vertes pour la simple mémorisation des
ont découvert leur propre fonctionnement mental, ont connaissances (prime au travail…), notes noires pour l’éva-
modifié leur perception de leurs élèves ainsi que leurs luation progressive des compétences à acquérir, et notes
pratiques d’enseignement. Le projet est né autour de rouges pour l’évaluation des acquis en fin d’apprentissage.
sept professeurs, volontaires pour prendre en charge une Des coefficients différents sont appliqués pour chaque
classe de 2de vers laquelle ont été orientés des élèves au catégorie de notes.
cours d’entretiens d’inscription. Les objectifs à atteindre
: aider les élèves à reprendre confiance, à retrouver le gout Les stages pour la classe
d’apprendre, à développer leur autonomie, notamment par Organisés trois fois dans l’année (septembre, décembre,
une efficacité accrue dans leur travail. février), sur huit jours en tout, avec bilan en fin d’année,
ils sont animés dans un lieu extérieur au lycée par le for-
2 Guy Sonnois a écrit sur notre site un point de vue sur La
Garanderie, suite à un billet sur sa disparition en juin dernier.
mateur en gestion mentale, avec les professeurs de la classe
appelés à reprendre les thèmes du stage, à la fois dans leur
3 J’ai eu l’occasion de développer cet aspect « cognitif » de
l’accompagnement dans une conférence donnée en janvier pratique, mais aussi pendant l’heure hebdomadaire d’aide
2010 au CRDP de Rouen, dont une vidéo est en ligne. méthodologique.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Se mettre en projet développer leur capacité à réfléchir et donc à appréhender


Le premier stage a pour objectif, dans un premier temps, le monde, à exercer leur liberté.
d’apprendre aux élèves à « se mettre » dans le bon projet, Enfin, tout travail de réflexion, de compréhension, n’a de
à former la bonne anticipation avant toute tâche scolaire, sens (scolairement) que dans la nécessaire communication
puis de prendre conscience des représentations qu’ils ont à autrui. Là encore, il s’agit de changer la conception
de l’école, de leur travail, des méthodes qu’ils utilisent et qu’ont les élèves de ce que représente un devoir (écrit ou
qui orientent inconsciemment leur activité mentale. Ces oral) : non plus comme un exercice qui s’adresse au seul
représentations sont discutées en petits groupes. Cela professeur, dans lequel on veut montrer que l’on a appris et
permet de favoriser les modifications nécessaires dans ces « recraché » des connaissances, mais comme la transmission
anticipations, imprécises ou fausses le plus souvent, pour organisée et clairement exprimée du fruit de sa réflexion à
les ajuster au mieux aux véritables attentes du lycée qui d’autres que soi-même à propos d’un problème qui a été
leur sont dévoilées progressivement au cours de l’année. posé dans l’énoncé.
Puis des exercices permettent aux élèves de prendre
conscience des évocations nécessaires à tout travail intel- Le geste mental de compréhension
lectuel. Ils réalisent par exemple qu’ils utilisent des images, Le troisième stage, qui prolonge l’idée de la nécessité d’ap-
qu’ils se parlent ou entendent des mots, qu’ils « miment » prendre en se plaçant dans un projet de sens, a pour thème
mentalement des mouvements, que leur cerveau a un « lan- le geste mental de compréhension. Comprendre, en se po-
gage », et que chacun d’entre eux a sa propre spécificité, ses sant à propos de tout concept « les cinq questions » : « c’est
propres fonctionnements et donc ses propres méthodes de quoi ? Pourquoi ? Pour quoi ? Avec quoi ? Comment ? »,
travail. cinq questions en apparence simples, mais qui permettent
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aux élèves de s’interroger sur la formulation d’un concept,


Les élèves découvrent également comment être attentifs
son origine ou son explication, sa finalisation, la mise en
(geste mental d’attention), en donnant véritablement « un
relation avec d’autres connaissances, et les applications
ordre » à leur cerveau, en lui donnant pour but de faire
possibles. Ainsi est revalorisé le plaisir, parfois perdu, de
des évocations. Dans ce premier stage, on n’insiste pas
poser (et de se poser) des questions.
trop sur la compréhension, mais on travaille la nécessaire
transformation des contenus en « objets mentaux » qui en Le dernier jour de l’année scolaire est consacré au bilan de
est la première étape incontournable. Les élèves utilisent cette année de travail, personnel puis collectif. On constate
donc pour le moment leurs « projets de sens » spontanés bien des changements : chaque élève a pris conscience que
qui seront complétés par la suite. c’est à lui de trouver la façon de travailler qui lui convient,
que bien souvent son échec n’est pas dû à un manque
Ils découvrent également la meilleure façon pour eux de
d’intelligence (comme souvent il s’en était convaincu),
conserver le produit de leur attention-compréhension
mais plutôt à un manque de méthode. Surtout, beaucoup
(geste de mémorisation) : en faisant des évocations propres
ont compris que le but de l’enseignement dispensé au lycée
à chacun, bien sûr, mais surtout en prenant conscience de
n’est pas de remplir sa tête de connaissances qu’il s’agit de
la nécessité, pour mémoriser, de se projeter dans l’avenir,
« recracher » à la demande, mais que celles-ci sont au ser-
de s’imaginer dans le futur, en train de réutiliser leurs
vice d’une réflexion construite qu’il faudra communiquer
connaissances.
à autrui de façon claire, et que cette capacité de réflexion et
Le geste mental de réflexion de communication leur servira dans leur vie professionnelle
Le deuxième stage, après la réactivation nécessaire de ce et personnelle.
qui a été fait en septembre et un premier bilan de ce que Le temps d’aide méthodologique
les élèves ont tenté de changer dans leur façon de travailler,
Les trois stages représentent un bouleversement pour cer-
a pour thème le geste mental de réflexion. On peut ap-
tains élèves : la remise en question de mauvaises habitudes
prendre à réfléchir. Les élèves sont donc amenés, à travers
acquises depuis des années. Mais les stages seuls ne suffi-
divers exercices, à décomposer l’activité de réflexion, afin
sent pas : devant la difficulté et la peur de ne pas réussir,
de prendre conscience de toutes les étapes à franchir.
bien des élèves peuvent revenir à des habitudes anciennes,
L’attention des élèves est également attirée sur le risque,
plus rassurantes. Il faut une pratique active et régulière
inhérent à toute activité de réflexion, et donc sur le droit à
des méthodes de gestion mentale pour qu’elles deviennent
l’erreur que cette activité comporte nécessairement (c’est
habituelles, un peu comme un sportif s’entraine inlassa-
le souci de l’équipe enseignante de matérialiser ce droit à
blement à un geste physique. C’est dans ce but que le chef
l’erreur par la pratique de l’évaluation formative).
d’établissement a mis en place une heure hebdomadaire
À l’issue de ce stage, les élèves réalisent également qu’il ne « d’aide méthodologique ». On y reprend et travaille à l’aide
peut y avoir de réflexion à l’école s’ils n’ont pas auparavant d’exercices ponctuels les notions abordées durant les stages.
mémorisé les connaissances nécessaires à cette réflexion. Ils Chaque séance est encadrée par plusieurs professeurs de la
retrouvent ainsi un intérêt au travail de mémorisation, qui classe, qui interviennent ensemble, et peuvent au besoin
prend tout son sens, et n’est plus vécu comme une simple travailler avec les élèves sur une consigne ou un thème de
contrainte scolaire, mais comme un outil qui prend sa place réflexion qui ne concerne pas leur matière.
dans le schéma plus large de l’activité de réflexion.
En début d’année, nos efforts se portent surtout sur la
À ce moment du stage, les élèves sont très sensibles, lecture et la compréhension d’un texte lu : traduction de ce
et réagissent de façon très positive à l’idée que le travail que je lis en évocations, lectures successives et comparati-
scolaire, loin de se réduire à une seule contrainte dénuée ves pour affiner ma compréhension, confrontation avec les
de sens (apprendre pour apprendre ou pour « restituer » camarades, choix de mots clés, traduction en un schéma, et
ce qui est appris au professeur), est en réalité un moyen de enfin compte rendu oral de ce que j’ai compris.
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Au lycée général et technologique

Au cours du deuxième trimestre, nous travaillons les éta- Un cahier de bord sert de point de départ aux conversations
pes de la réflexion à mettre en place pendant un devoir : entre l’élève et son professeur référent. Il sert à l’élève
la lecture de consignes, en décomposant toutes les étapes pendant les stages pour prendre des notes, coller différents
nécessaires (lecture, évocation, analyse des termes), la for- documents qui seront peut-être nécessaires durant les
mulation de la problématique, le tri des connaissances, puis entretiens avec le professeur référent pour « réactiver »
la communication à autrui (organisation des connaissances certaines notions. L’élève relève dans ce cahier les notes
et expression). qu’il obtient à ses devoirs (une double page par matière),
La fin de l’année est consacrée à un travail sur la com- mais surtout il recopie l’appréciation du professeur et il
préhension. À travers divers concepts choisis dans des note dans une troisième colonne son propre commentaire
matières très différentes (par exemple la notion de pression sur ce devoir. Cette confrontation entre le commentaire du
en physique), les élèves sont invités à se poser les « cinq professeur et la perception de l’élève peut servir de point de
questions » pour bien comprendre : « C’est quoi ? Pour- départ à une réflexion : « Que croyais-tu qu’il fallait faire ?
quoi ? Pour quoi ? Comment ? Avec quoi ? ». Que pourrais-tu mettre en place pour progresser ? ».
Ce moment privilégié est également utilisé après les Quel bilan ?
contrôles groupés pour faire un bilan individuel sur ce que Dès la première année, l’équipe pédagogique a pu faire
chacun a réussi à mettre en place pour mieux réussir, et les un bilan du travail effectué dans cette classe : les élèves, à
difficultés encore rencontrées. l’issue de l’année scolaire, sont orientés comme les autres
Un suivi individualisé élèves de 2de. S’il n’y a pas de miracle, il n’y a pas davantage
de réorientations et de doublements que dans les autres
Chaque professeur de cette classe de méthodologie est le
classes de,2de, ce qui est un bilan positif si l’on considère
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« référent » de quatre élèves environ. Cela nous a semblé


qu’à l’entrée en 2de ces élèves étaient en difficulté. Les
nécessaire pour qu’à tout moment chaque élève puisse
résultats au bac des deux premières promotions, en toutes
s’adresser à un adulte, dont il sait qu’il est prêt à l’écouter
séries, sont au moins aussi bons que pour les élèves des
sur n’importe quel problème, pédagogique ou personnel.
autres classes, dont un pourcentage notable de mentions.
Certains rendez-vous sont programmés :
Il y a même parfois des résultats surprenants : une élève
• en début d’année pour une « prise de contact » (pour- admise de justesse en 2de générale du fait d’une grosse dif-
quoi as-tu choisi la classe de méthodologie ?) ; ficulté d’expression écrite, a eu un 18 à l’écrit de français.
• avant les conseils de classe, pour que le référent puisse
être porte-parole de l’élève (en plus, bien sûr, des élèves Guy Sonnois
délégués) pour évoquer des difficultés, son ressenti ; Formateur en gestion mentale
• avant ou après les contrôles communs pour faire en tê- Auteur de Accompagner le travail des adolescents avec la
te-à-tête un bilan des progrès réalisés et des problèmes pédagogie des gestes mentaux, Chronique sociale, 2009.
encore rencontrés.

À signaler : il est possible d’échanger avec l’auteur sur


des pratiques ou demander des précisions sur le modèle
« Pégase » sur le blog
http://aidautravailavecpegase.blogspot.com/

Témoignages d’élèves au bilan de fin d’année


(parmi une centaine d’autres de la même veine)
« Je suis contente d'avoir appris tout ça, et de mon grand changement. Ces stages m'ont permis de comprendre
beaucoup de choses sur moi, de reprendre confiance et de retrouver la motivation pour la suite de mes études et de
ma vie. Ma vision du lycée a changé. Je pensais ne pas être capable de réussir et que je n'étais pas intelligente, et j'ai
compris que je n’avais juste pas les bonnes méthodes d'apprentissage. »
« Grâce à cette année, j'ai bien plus confiance en moi. Je suis plus à l'aise le matin quand je prends le chemin de l'école.
Je passe plus de temps dans ma chambre, car j'ai retrouvé le plaisir d'apprendre. Je suis plus motivée, plus confiante
en l'avenir, j'ai envie de réussir, de pouvoir continuer à être “libre”. Je ne me sens plus moins forte, moins intelligente
que les autres. Oui, j'ai changé. Je ne pense plus que les leçons et les contrôles sont des montagnes infranchissables.
J'ai repris du plaisir à apprendre et j'ai plus confiance en moi, en mon travail. »
« Je comprends mieux à quoi servent ces longues heures à écouter un professeur : y trouver un sens. »

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Utilisation commerciale interdite. Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22,octobre 2010 51
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

La solitude du grimpeur peux pas faire d’efforts. Je vous apporterai une dispense de mon
médecin ».

face à la paroi À contrecœur, et sans doute par qu’ils ont tout tenté face
à un enseignant « droit dans ses bottes », ce premier jour,
ils grimpent… deux mètres, peut-être trois, juste de quoi
Bernard Hoarau atteindre la ligne rouge qui marque la frontière entre la
grimpe sans assurage et celle où l’on est encordé pour une
Accompagner les élèves, c’est aussi trouver les sécurité optimale. Ils grimpent, ou plus exactement vont
mots, les situations qui les poussent à aller au-delà matérialiser leur point de renoncement, celui-là même où
de leurs limites, à oser affronter les difficultés des ils souhaiteraient qu’on leur fiche la paix. Joignant le geste
apprentissages nouveaux, ici dans un cycle d’EPS à la parole, ils se laissent savamment tomber sur les tapis de
consacré à l’escalade en lycée professionnel. protection, ou bien redescendent plus vite qu’ils ne sont
montés, en criant « j’ai peur, non j’irai pas plus loin ! ».
Une situation qui dure plusieurs séances, pendant lesquelles
l’agressivité des uns et la passivité des autres, le bavardage
Âgés de dix-neuf à vingt ans, Méryl, Laëtitia et Hari pré- des uns et le refus des autres, le déni des uns et la mauvaise
parent un bac professionnel. Je les découvre, en ce début foi des autres disputent le premier rôle à l’obstination de
d’année scolaire, pour les préparer à l’épreuve d’escalade l’enseignant et à ses techniques qui permettent de réussir.
du bac, suite du programme d’EPS qu’ils ont suivi lors de De réussir, certes, mais de réussir quoi, peut-être même…
leur scolarité antérieure. Conformément aux programmes, pour quoi ?
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

ils doivent développer plusieurs compétences, à la fois


méthodologiques et culturelles, telles que « s’engager avec Persévérer
lucidité dans l’activité », « concevoir des projets d’acquisi- C’est autour de cette question que je concentre toute mon
tion et d’entrainement », « apprécier les effets de l’activité activité. Tout en maintenant des objectifs de travail à la
sportive », ou encore, « se confronter à la vie collective ». portée de leurs possibilités du moment, tout en exigeant
De la même façon, sur le plan moteur, ils apprennent à « qu’un exercice demandé soit tenté plusieurs fois, tout en
adapter leurs déplacements à des environnements multi- désignant rigoureusement la zone d’essai de l’exercice
ples et variés ». demandé, tout en dirigeant fermement les déplacements
La réalité est bien loin de la description idéale formulée d’une zone à l’autre, je passe de longues minutes, séance
par les programmes. Je sais pertinemment que ces élèves après séance, à expliquer à chacun de ces élèves la raison
de bac pro font partie des relégués de la filière générale, de la présence d’un enseignant dans une classe. Procédure
ceux à qui l’école a un jour fait comprendre, avec plus ou certes difficile et éprouvante, mais ô combien importante à
moins de ménagement, qu’ils ne pouvaient pas suivre et mes yeux, pour débloquer les situations en mettant les élè-
qu’ils devaient donc être « orientés ». Un passé parfois dou- ves face à des contradictions qu’ils se refusent à analyser.
loureux, dont ils se sont accommodés avec le temps, tout Je leur pose une question simple, au moins en apparence :
en gardant une certaine rancœur vis-à-vis des enseignants, « À quoi ça sert un enseignant ? ». Réponse classique, « À
qu’ils considèrent comme responsables de leurs parcours, faire travailler ! », et difficile d’aller au-delà. « Oui, mais
peut-être même de leur échec. Ils sont certes présents en encore ? — Ben je sais pas moi ! — Je sais que vous avez peur,
cours d’EPS, mais passivement, affalés sur les tapis de mais vous devez savoir vous aussi que l’enseignant est avant
protection du mur d’escalade, une passivité susceptible tout quelqu’un qui est là pour faire réussir les élèves dans ce qui
de se transformer en agressivité redoutable à la moindre est difficile ».
sollicitation de mise en activité de la part de l’enseignant
Certains jours, mon insistance provoque des coups de
considéré, à tort ou à raison comme tous les autres : « Ceux
colère : « J’ai jamais vu un prof comme ça », dit l’une d’eux ;
qui obligent à travailler et qui après vous cassent avec des sales
« Non j’le f ’rai pas », dit le second élève ; « J’vous ai dit non, je
notes », me diront-ils un jour.
peux pas, je vous dis que je peux pas ! », hurle la troisième.
Le vertige devant l’obstacle
Technique et confiance vont de pair
On peut sans peine imaginer leurs réactions lors de la
La négociation est loin d’être gagnée. Plusieurs déclics
présentation de ce qui est prévu, le programme, comme
vont pourtant se produire.
on l’appelle, lors de la première séance : un mélange de
contestations, de rouspétances, avec une pointe d’agressi- En premier lieu, ils acceptent tout de même de modifier
vité et un refus quasi définitif de toute activité. On a beau ce que, dans notre jargon, nous appelons les postures de
alors penser que c’est le premier jour, qu’ils veulent tester grimpeur. D’une posture ordinaire de terrien debout sur
l’enseignant, que quelques heures auparavant ils étaient ses pieds et en réaction modérée à l’action de la pesanteur,
en vacances, libres en apparence de toute contrainte, ou ils acceptent de passer en posture de haka, à l’image des
bien que l’escalade, « de toute façon ça sert à rien pour un bac rugbymans néozélandais : posture permettant de construire
pro logistique », la situation d’enseignement prend vite le un équilibre dynamique au niveau des bras et des jambes,
chemin de la contestation et de l’affrontement, structuré que l’on peut reproduire facilement sur un mur d’escalade
autour du déni. « S’il croit que j’vais monter là-haut, i rêve compte tenu de l’orientation particulière des pieds et des
le prof… » ; « de toute façon j’ai le vertige et l’année dernière mains. Et dans un second temps, il leur est demandé d’aller
j’ai jamais grimpé » ; « Moi, j’ai un problème : quand je fais « danser le haka » sur le mur, l’objectif étant de maitriser le
des efforts et que je transpire, ça me fait des boutons, alors je risque de déséquilibre vers l’arrière, tant redouté par des
élèves se réfugiant derrière la peur du vertige.

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52 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Au lycée général et technologique

Le mur d’escalade présente la particularité d’être équipé À la descente, je vois un visage transformé, partagé entre
à intervalles réguliers de dégaines, sortes de mousquetons l’émotion et l’incroyable : « J’aurais jamais cru qu’j’y arri-
utilisés par les « bons grimpeurs » pour y fixer directement verais ». Je vois briller dans leurs yeux l’envie d’apprendre !
leur corde d’assurage au fur et à mesure de leur progres- N’est-ce pas là l’essentiel ?
sion. C’est du reste par ce modèle de progression que les L’une d’entre eux, qui me tanne depuis le début de l’année
élèves seront évalués au bac, ce qu’ils redoutent encore pour téléphoner à sa mère, qui me dira « pourquoi elle ne
plus. À l’inverse de l’escalade de niveau élémentaire où peut pas faire d’efforts, puisque ça lui donne des boutons »,
le grimpeur est assuré depuis le sommet du mur, et donc a une deuxième surprise de taille. Non seulement nous
n’a que très peu d’amplitude de voltige en cas de chute, téléphonons à sa maman à qui nous laissons un message,
le fait de grimper « en tête », exige du grimpeur de placer mais elle constate après coup qu’elle n’a pas pu s’exprimer.
régulièrement sa corde dans une dégaine fixée au mur pour Du moins n’a-t-elle pas pu contrôler ses rires au téléphone
assurer sa sécurité sur les points d’ancrage prévus. Durant pour parler distinctement. Elle est tellement heureuse de
sa progression, le grimpeur a régulièrement le sentiment sa réussite qu’elle en rit aux éclats. Je crois pour ma part
d’être comme dans le vide, accroché au mur par ses seuls qu’elle a retrouvé son âme d’enfant, à travers le désir d’ap-
appuis manuels ou pédestres ! prendre et la réussite.
Alors que les élèves pratiquent encore la grimpe dite « en La séance suivante n’est pas qu’une formalité, il y a un
moulinette », assurage par le sommet, je les invite à pro- petit doute. « Y arriverai-je encore ? ».
gresser en comptant le nombre de dégaines. Il y en a neuf
Deux séances plus tard, alors que les techniques de la
au total ! Après un premier cri d’angoisse, « Ça va pas, je
grimpe en tête progressent, il faut prendre des photos :
vais pas monter tout ça ! », la négociation reprend à l’aide
preuve irréfutable d’une réussite parfaitement maitrisée.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

d’un subterfuge banal, pour ne pas dire démagogique : « Il


y a neuf dégaines à atteindre (neuf jalons à franchir) pour Au pied du mur, l’accompagnement
pouvoir dire qu’on a grimpé tout le mur. Moi ça m’est égal, Cette forme d’accompagnement a pris une tournure très
tu en grimpes trois, tu redescends, sans poser le pied au sol, et particulière. Celle en premier lieu de dédramatiser la
tu remontes aussitôt pour en refaire trois (les mêmes), et tu relation prof/élève : « Oui je sais que tu as peur, et que depuis
recommences une dernière fois : on pourra dire que tu en as fait que tu es à l’école on ne t’a pas toujours encouragé. Mais je
neuf ! ». sais aussi que tu as des capacités et que tu peux retrouver ta
À ce moment-là je vois dans leurs yeux briller quelque fierté, là où justement tu n’as confiance en personne et pas
chose ! Mais que celui qui n’a jamais « menti » pour le Père même en toi » ; celle ensuite de la franchise, en lieu et place
Noël me jette la première pierre. de la séduction : « Non je ne te promets pas la facilité, mais je
La suite, chacun la devine. Ils font une première fois trois resterai disponible et à l’écoute pour guider ton cheminement à
dégaines. La quatrième étant très proche, il leur est facile travers les obstacles » ; celle enfin de la confiance retrouvée
de l’atteindre, puis de redescendre et de recommencer une où l’on comprend ce que peut aussi vouloir dire, « je n’ai
fois, deux fois, totalisant jusqu’à onze dégaines avec leur jamais vu un prof comme ça », un prof qui ne se résigne
danse du haka… et un premier sourire à la clé. « Onze pas à mettre zéro alors qu’il en a le pouvoir, et qui place
dégaines, c’est plus que le mur ». À nouveau des cris : « Vous l’accompagnement au cœur de l’acte d’enseignement !
voulez pas que je monte le mur en entier, j’ai plus de forces, Deux moments forts viennent conclure le cycle de seize
non, pas aujourd’hui, la prochaine fois ». Pour la première séances : une séance d’évaluation officielle pour le contrôle
fois apparait un projet… de réussite, certes différé, mais en cours de formation du bac, puis une remise de diplôme
ce n’est plus un refus, tout au plus un doute, comme dans à laquelle je tiens particulièrement. À l’image des brevets
toute période de transformation où l’on ne sait plus exac- sportifs, je remets à chaque élève un diplôme attestant
tement où l’on en est ! l’exploit réalisé. Diplôme sans note, indiquant précisément
la voie parcourue et la difficulté surmontée, et signé par
Le plaisir de la difficulté surmontée l’enseignant. Dans leurs yeux, je vois briller comme une
Chacun devine la suite. J’insiste pour qu’ils grimpent neuf petite flamme ! Une prochaine fois, je leur parlerai d’André
dégaines le jour même. Bien sûr, c’est encore l’enseignant Malraux, qui parlait de « donner conscience aux hommes
qui, depuis le sol, leur dit exactement sur quelles prises il de la grandeur qu’ils ignorent en eux ». N’est-ce pas là une
faut poser ses pieds, placer ses mains. Bien sûr, c’est encore superbe définition de l’accompagnement ?
l’enseignant qui guide et accompagne à distance l’élève
dans le doute, tiraillé entre l’envie de réussir et la tentation
Bernard Hoarau
de décrocher ou renoncer. Mais c’est bel et bien l’élève qui
atteint le sommet ! Professeur d’EPS en lycée à Saint-Chamond (Loire)
Correspondant E&D de l’académie de Lyon

Souvenirs d’escalade
« Au début, l’escalade me faisait peur, je pensais être incapable de monter jusqu’en haut ; jusqu’au jour où mon professeur m’a
encouragé à monter et j’y suis arrivé et depuis l’escalade me fait plus peur. Merci Monsieur, tout ceci grâce à vous ! Mes boutons
ne sont qu’un obstacle minime. » - Laëtitia
« Au début de l’escalade, j’avais des préjugés sur mes capacités, je me suis même énervée une fois contre le prof, avec la célèbre
phrase "Je n’ai jamais vu un prof comme ça !". Mais mon prof a eu confiance en moi et il a eu raison. Dès ce moment, j’ai pris
confiance et j’ai réussi mes épreuves. Merci Monsieur. Maintenant le badminton m’attend ! » - Méryl

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Accompagner les des directives pédagogiques : degré d’autonomie zéro. De


la méthode, rien que de la méthode, décortiquée autant
qu’il est possible, imposée jusque dans les moindres détails.
élèves : entre guidage Retour à l’étymologie d’antan, et tant pis si je n’ai jamais
pratiqué les langues anciennes : tout ce qui fait sens est utile.
étroit et construction Schémas doublant la trace écrite, synthèses redondantes,
exercices transversaux entre plusieurs chapitres pour avoir
de l’autonomie l’occasion de répéter et donc de mémoriser davantage sur
le long terme, mais aussi de réinvestir dans des contextes
différents. Et prière de ne pas oublier, au passage, de tancer
Sylvette Rascle les dilettantes, souligner les réussites, materner les décou-
ragés. Au final, devoir surveillé sensiblement équivalent
au devoir commun : quatre points de plus sur la moyenne.
Accompagner nécessite de prendre en compte Pari gagné : je suis fière d’eux !
l’autre : ses motivations, ses projets, ses difficultés
et ses réussites. Sylvette Rascle témoigne de cette Les limites de l’aide en soutien
adaptation lors d’un changement d’établissement et La non-fréquentation de l’heure de soutien par les élèves
présente ses efforts pour aider vraiment les élèves, les plus en difficulté, l’abandon progressif de ce dispositif
sans trop en faire, en recherchant les chemins de pourtant réclamé par les élèves eux-mêmes remet en cause
l’autonomie. bien des idées reçues. L’horaire d’enseignement hebdoma-
daire déjà lourd constitue un premier handicap. Participer
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

à ce type d’aide est aussi un aveu de faiblesse, ce qui est


probablement difficile à vivre par des élèves qui se sentent
Nouvelle année, nouveau départ : à la rentrée 2009, me en échec. Enfin, pour le profil d’élèves des établissements
voilà de retour dans l’enseignement au lycée, après dix à public défavorisé, il faudrait quasiment une heure de
années en collège. Dans le même temps, je passe d’un soutien par matière, ce qui devient carrément ubuesque !
petit établissement au fonctionnement quasi familial, dans
une zone à fort isolement géographique de l’académie de Les limites du guidage en classe
Grenoble, pour un gros lycée recrutant assez largement Par contre, des aménagements simples peuvent leur
dans des catégories socioprofessionnelles défavorisées de faciliter la vie et gagner du temps : distribution d’une cor-
l’académie de Lille. J’ai presque l’impression de repartir à rection détaillée, ce qui permet à l’élève d’individualiser sa
zéro et, rapidement, les difficultés s’accumulent. correction en lui montrant où et pourquoi il a perdu des
J’ai beau avoir été prévenue par mes collègues « qu’en dix points ; cours mis en ligne, pour que les trop nombreux
ans le niveau a considérablement baissé », que dans l’aca- absentéistes se mettent à jour. Ne pas hésiter à expliquer et
démie de Lille c’est, d’après eux, « une zone sinistrée en réexpliquer le vocabulaire, c’est une barrière importante à
termes de résultats scolaires », je trouve les connaissances la compréhension. Bref, rien de révolutionnaire dans tout
comme les capacités de rédaction de mes impétrants de 1re cela.
S pour le moins limitées. Je ne cède pourtant pas facile- Cependant la réussite par un guidage précis de l’élève, tel
ment à la sinistrose, mais là, je me demande comment je qu’il s’est imposé à moi pour sortir ma classe de l’échec,
vais parvenir à amener ces élèves à un niveau convenable se fait au prix d’une perte d’autonomie de l’élève. Cela a
pour un passage en terminale S. Nous commençons par la contribué à démotiver certains, pour lesquels le manque de
géologie, partie la plus difficile du programme. Ce choix, travail était plus à incriminer que le manque de méthode.
fait par les collègues, a pour but de leur montrer dès le dé- L’initiative est bridée et les résultats parfois surfaits, en ce
part la difficulté de la tâche, ce qui est censé les inciter à se sens que tous ne sont pas encore capables de s’affranchir
mettre sérieusement au travail. Et de fait ils s’accrochent, de consignes strictes. Par exemple un élève capable d’ap-
non sans peine, me demandent une heure de soutien à pliquer un protocole d’expérience, puis d’en faire l’analyse
laquelle viennent les volontaires, c’est-à-dire ceux qui s’en des résultats pour aboutir à la conclusion recherchée, ne
sortent le moins mal... Les autres, je ne les y verrai jamais ! sera pas forcément capable de concevoir ce protocole – ou
Arrive la biologie : c’est facile, me disent-ils, il n’y a plus de un autre tout aussi valable – pour tester une hypothèse.
problèmes... et les efforts se relâchent. Les résultats aussi, De la même manière, l’analyse d’un document peut être
qui, n’étant déjà pas brillants, deviennent catastrophiques : réussie si j’impose de rédiger d’abord une lecture des faits
6,2 de moyenne sur 20 au devoir commun, organisé pa- relatés, et ensuite seulement leur interprétation ; elle peut
rallèlement au bac blanc alors que l’heure de soutien a été devenir rapidement très incomplète, voire fausse, lorsque
totalement désertée. cette contrainte méthodologique disparait. La réussite
dans l’enseignement supérieur est donc obérée, sauf à y
Cadrer le travail pour être efficace ? introduire un dispositif d’accompagnement pour ce profil
Il me reste la moitié de l’année pour redresser la barre. J’ai d’élèves.
pu entretemps prendre la mesure de mon public, repérer
les lacunes de la langue française, le manque de rigueur Des pistes pour l’autonomie
du raisonnement, les difficultés à se familiariser avec la Pour la filière ES, les projets de programmes invitent
lecture de documents complexes ; mais aussi l’immense à contribuer à construire des compétences sociales et
espoir investi dans leur scolarité, la certitude qu’il existe civiques, ou autour de la maitrise des TIC : on est alors
une méthode miracle pour s’en sortir. Pour autant le dé- beaucoup plus dans des démarches autonomes des élèves
couragement guette. Il me faut des résultats, et vite. Foin
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54 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Dans le supérieur

plutôt que dans des activités très cadrées, évaluées dans des exigeant en termes de compétences ? On pourrait imaginer
épreuves classiques de baccalauréat. que ces classes participent à l’animation de la vie citoyenne
La pédagogie de projet, déjà pratiquée par le biais des TPE, à l’intérieur de l’établissement, en lien avec le CVL ou le
se voit confirmée par la réforme en cours : enseignements CESC, avec organisation de débats, forum d’échanges,
d’exploration, aide personnalisée. On peut ainsi espérer dossiers mis en ligne sur le site de l’établissement. Tout
motiver les élèves par une certaine marge d’autonomie, cela impliquerait un travail d’acquisition de connaissances
donnant à l’indispensable culture générale un visage moins dans la phase de préparation, d’acquisition de compétences
rébarbatif, moins scolaire, alors que les bonnes intentions citoyennes, voire d’ouverture sur le monde extérieur par la
actuellement affichées dans les programmes sont contre- prise de contact et l’invitation éventuelle de partenaires.
carrées par les exigences de préparation à une épreuve Nul doute que les résultats en termes d’autonomie et
écrite. d’initiative, compétences du socle commun, seraient bien
meilleurs que dans le cadre d’une heure d’enseignement,
L’ouverture à des débats citoyens autour de domaines
et les connaissances acquises probablement mieux ancrées.
scientifiques parfois très complexes comme les énergies,
On passerait ainsi de l’élève « consommateur » souvent
le climat, les OGM, la procréation médicalement assistée
passif à un élève acteur de la vie du lycée. En se donnant
vont dans le même sens. Qui dit culture générale dit vaste
la possibilité d’évaluer des compétences plus larges, on
palette de connaissances de toute façon inconciliable avec
pourrait valoriser et motiver des élèves qui ne le sont pas
un horaire hebdomadaire modeste. Pourquoi alors le pro-
gramme ne se contenterait-il pas de fixer quelques grandes forcément dans le fonctionnement actuel.
lignes générales en termes de connaissances, pour être plus
Sylvette Rascle
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Professeure de sciences de la vie et de


la terre en lycée à Douai (Nord)

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Dans le supérieur

Les Entretiens lecteurs potentiellement illimité. Leur contribution au site


Internet est considérée comme une forme d’entrainement
à la dissertation de culture générale. Ils peuvent poster un
de la liberté : un commentaire afin de réagir à la communication d’un inter-
venant ou apporter leur propre argumentaire en rédigeant
accompagnement un message long.
Pourtant, lors de la première édition, le site Les Entretiens
numérique encore de la liberté n’a enregistré que neuf commentaires : les
débuts de ce système d’accompagnement du lycéen par le
peu attractif biais de l’outil numérique sont difficiles... Les membres
de l’association ne se sont pas découragés devant la faible
participation et ont tenté de donner un nouveau souffle à
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Anaïs Théviot leur démarche. Comment inciter les lycéens à participer


davantage ?

Internet, avec toutes les facilités de communication Une collaboration active avec les
numérique, peut apparaitre comme un moyen idéal enseignants du secondaire
d’accompagnement. Une expérience conduite au Une collaboration avec les professeurs de l’enseignement
niveau post-bac montre que l’accompagnement secondaire est souhaitée par les membres de l’association
humain est tout de même indispensable, preuve et tente d’être mise en place. Le rôle du professeur est
qu’accompagner nécessite une rencontre qui s’inscrit primordial afin d’inciter l’élève à se rendre sur le site, à se
dans un lieu, un temps et un face à face. familiariser avec l’outil et à y contribuer. La participation
des lycéens appelle en effet un apprentissage des modes et
procédures de discussion en ligne pour un usage citoyen
efficace et raisonné d’Internet. « Le Forum des droits sur
Le développement rapide d’Internet (travail collaboratif, Internet » a ainsi commencé à développer une pédagogie
e-learning, enseignement à distance…) dans le milieu pour que s’élaborent méthodiquement des débats sur les
universitaire et l’enseignement secondaire vient accroitre sujets mis sur la place publique. Les citoyens « ordinaires
la diversité des possibilités de suivi de l’apprenant. Avec » tels que les lycéens doivent apprendre à valoriser leur
Internet, l’accompagnement scolaire s’affranchit des expertise particulière, à organiser leurs arguments et à
distances géographiques, voire des barrières sociales et se familiariser avec l’écrit. L’enseignant devient alors un
culturelles par l’absence de marqueurs sociaux du fait de accompagnateur qui aide l’élève dans ses premiers pas sur
l’anonymat des messages postés sur la Toile. Accompagner un site participatif, en espérant que ce dernier y retourne
un élève par le biais du numérique limite aussi les contrain- de lui-même une fois l’outil apprivoisé. Les habitudes qui
tes financières. se nouent dans la classe entre apprenants, entre apprenants
Pourtant, malgré les opportunités exceptionnelles qu’of- et enseignants sont essentielles.
frent ces nouveaux dispositifs numériques (forums, chats, Il faut souligner que le professeur n’est pas seul. Il est lui-
wikis, listes de diffusion…), leur appropriation demeure même, si l’on peut dire, « accompagné » par les membres
encore difficile. de l’association qui l’aident à mettre en place un projet
de classe incluant le dispositif participatif. Des réunions
Un accompagnement numérique ambitieux
de travail ont lieu en amont de la manifestation entre les
À Bordeaux, une expérience a été menée pour accompagner professeurs du secondaire et les membres de l’association.
les lycéens dans leur préparation au concours de Sciences Les problématiques éducatives sont très bien comprises par
Po par l’intermédiaire d’outils numériques. Il ne s’agit pas les dirigeants de l’association, étant eux-mêmes souvent
d’un travail préparant directement aux épreuves d’entrée, enseignants.
mais plus d’une initiation aux questions d’actualité politi-
Afin d’instituer des partenariats solides avec les lycéens,
que.
Les Entretiens numériques de la liberté envisage de s’associer
Dans le cadre des Entretiens de la liberté (cf. encadré 1), à l’opération « Sciences Po Bordeaux, je le peux parce que
un site participatif cherche à s’adresser particulièrement à je le veux » (encadré 2).
ces lycéens souhaitant s’orienter vers des études en scien-
ces politiques, afin de les aider à s’exprimer de manière Autour d’un projet de classe…
constructive et argumentée sur Internet tout en améliorant « Un élève ne peut souvent trouver une réelle motivation à
leur culture générale. Il s’agit de les accompagner hors travailler qu’à la condition de trouver du sens à son travail
de leur apprentissage scolaire, en leur offrant un outil
attractif et interactif permettant d’avoir un nombre de
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56 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Dans le supérieur

à long, moyen ou court terme. Une façon de donner sens à des montré l’intérêt de la démarche pour le lycéen qui souhaite
activités est de les établir dans une démarche de projet. »4 se présenter au concours d’entrée de Sciences Po ou qui a
Un projet de classe peut se construire autour de la mani- un quelconque intérêt pour le politique. Il a ainsi donné un
festation des Entretiens de la Liberté et de son site parti- sens au travail de l’élève qui se révèle au final gratifiant et
cipatif. En amont des conférences, le professeur travaille profitable. Convaincu que sa contribution au site enrichit
avec ses élèves sur la thématique du colloque, facile à relier sa réflexion personnelle et l’aide à construire ses idées, à
au programme d’histoire, de philosophie ou de sciences se familiariser avec des thématiques politiques et, de façon
économiques et sociales. Les élèves discutent en classe, réa- indirecte, à préparer le concours de l’Institut d’études
lisent des exposés et mettent en ligne leurs réflexions sur le politiques, le lycéen ne peut que (on l’espère !) s’investir
site. Ils assistent ensuite, accompagnés de leur professeur, dans ce projet et multiplier les messages postés.
aux débats du colloque. De retour en classe, les lycéens Cette nouvelle forme d’accompagnement numérique se
donnent brièvement leurs impressions sur l’évènement et révèle être à la fois une opportunité (pas de problème de
sont incités par leur enseignant à étoffer leur ressenti sur le distance, peut toucher des milliers de lycéens, limite les
site participatif en le justifiant et l’argumentant. Le travail couts financiers, gain de temps) et un défi (accroitre la
du professeur s’arrête ici (même s’il peut encore tout au participation !). Afin de relever ce défi, on ne peut se passer
long de l’année encourager ses élèves à contribuer au site). d’un accompagnement de la part de l’enseignant pour
C’est à présent au lycéen, habitué au fonctionnement du aider l’élève à prendre confiance en lui et le mener vers
site participatif et à la thématique abordée, d’apporter l’autonomie.
lui-même sa contribution. Tout au long de son travail d’ac- Pour garantir l’efficacité d’un accompagnement hors
compagnement, l’enseignant a, de manière sous-jacente, l’école, le dispositif étudié doit passer par un accompagne-
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ment dans l’école.


4 « L’aide individualisée en classe de seconde »,
mémoire professionnel, IUFM Limousin, 2003
Anaïs Théviot
Sciences Po Bordeaux, SPIRIT, doctorante

L’association Montesquieu, l'esprit du politique à l’origine


de ce projet s’est donné pour objectif de créer un nouvel « Sciences Po Bordeaux, je le peux parce que je
espace public pour penser le politique. Construit par le veux »
Jean-Noël Jeanneney, Olivier Duhamel et Pierre Sadran,
L’opération « je le peux parce que je le veux » a été lancée en
ce projet s’organise autour des « Entretiens de la liberté
2004 auprès de treize lycées en Aquitaine. Elle correspond,
» qui se déroulent chaque automne à La Brède avec des
dans son esprit, à la démarche contenue dans l’action « Une
conférences publiques. L’édition 2009 a accueilli 700
grande école : pourquoi pas moi », initiée par l’ESSEC et
participants, dont de nombreux lycéens, accompagnés de
confirmée par la Charte pour l’égalité des chances dans
leurs professeurs. Inscrits sous la question centrale de la
l’accès aux formations d’excellence, signée le 17 janvier
liberté, ces « Entretiens » interrogent des thèmes tels que
2005 par les ministres de l’Éducation nationale, de l’Em-
« la représentation de la liberté aujourd’hui », « les nou-
ploi et de la Cohésion sociale et à l’Intégration et l’Égalité
veaux pouvoirs et les formes nouvelles de leur séparation
des chances, ainsi que par les présidents de la Conférence
», « la séparation des pouvoirs et les médias »… En 2010,
des présidents d’université et de la Conférence des grandes
c’est la thématique de la « peur » (principe de précaution,
écoles. Elle permet d’ouvrir l’Institut d’études politiques
progrès technologique, terrorisme…) qui a été choisie.
de Bordeaux à une population lycéenne aquitaine qui n’a
Mais l’ambition portée par l'association est d’aller au-delà
pas, socialement et géographiquement, coutume d’accéder
de ces rencontres ponctuelles en offrant la possibilité aux
à une formation de ce type.
citoyens de débattre tout au long de l’année à travers son
site participatif : les Entretiens numériques de la liberté. Dans un premier temps, l’Institut organise une campagne
Ce site s’efforce de naviguer à contrecourant. Alors que de sensibilisation et d’information auprès des lycéens qui
l’immédiat et l’instantané prévalent sur la Toile, ce lieu de souvent ne connaissent pas l’existence de cette grande
rencontres et de débats a pris le parti d’aller au fond des école à Bordeaux ou croient, à tort, que l’on n’y forme que
choses, de prendre à contrepied l’image que l’on a trop des hommes politiques. Des cours gratuits de préparation
souvent des échanges sur la Toile : production de messages aux concours sont ensuite proposés aux élèves intéressés.
courts, pas toujours bien argumentés, agressifs. Ce site L’Institut organise également des conférences sur des
participatif vise également à faire œuvre de vulgarisation, sujets d’actualité ou de société. Cette opération ne s’inscrit
sans céder sur les exigences de contenu, en permettant pas dans une démarche de discrimination positive, puisque
au plus grand nombre de pouvoir accéder à des débats et les conditions d’entrée restent inchangées. Il s’agit plutôt
réflexions de qualité. d’informer et d’accompagner les lycéens. Une quinzaine de
lycées aquitains bénéficient actuellement de cette mesure.
L’édition 2010, « La peur, la liberté, la démocratie » se
tiendra le 8 octobre 2010 à Sciences Po Bordeaux et le 9
octobre 2010 au château de La Brède (entrée gratuite).

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

La lutte contre responsabilise l’étudiant quant à sa décision, le place face


à ses choix.

le décrochage à L’étudiant suit des enseignements de consolidation obliga-


toires et optionnels qui correspondent plus étroitement à
son projet d’études au cours du deuxième semestre de l’an-
l’université née universitaire. Parallèlement, l’étudiant est accompagné
dans son projet de manière collective et individuelle. Le
Laurence Pérennès conseiller d’orientation suit chaque étudiant régulièrement
sur la durée du COC et au-delà, jusqu’à la fin de l’année
universitaire, il s’assure que tous les étudiants ont pu
intégrer la formation de leur choix en adéquation avec le
L’accompagnement peut amener à l’autonomie. Un
projet défini.
dispositif mis en place à l’université de Bretagne Sud
pour aider les étudiants en échec est l’occasion pour Dans le cas contraire, des entretiens de remédiation peuvent
ces jeunes de reconstruire avec les autres un nouveau avoir lieu pour travailler sur une solution de repli. Chaque
projet de vie. année, 80 à 90 % des étudiants obtiennent la formation de
leur choix, en adéquation avec leurs premiers vœux.
Le projet personnel et professionnel :
Il n’était pas dans les missions de l’université encore ré- évaluation des compétences et e-portfolio
cemment de se préoccuper de la problématique de l’échec, Sans tomber dans le piège de la dictature du projet, un des
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

partant du principe qu’il relevait de la responsabilité de points essentiels du travail réalisé au cours de l’action porte
l’étudiant de s’adapter au système universitaire. Or, le sur la valorisation des compétences acquises et à acquérir
phénomène du décrochage s’est amplifié et accéléré ces par rapport au projet visé, sur la recherche d’informations,
dernières années, compte tenu de la démocratisation de sur les contacts avec les professionnels des métiers envi-
l’université, de la mise en place du LMD. sagés.
Depuis plus de dix ans, l’université de Bretagne Sud se Le travail de mémoire du parcours suivi jusqu’à présent,
préoccupe des étudiants décrocheurs en première année sa formalisation dans les choix effectués ou non, voire
de licence. Chaque année, elle met en place un dispositif imposés par le milieu familial, aide l’étudiant dans sa prise
spécifique, le Cycle d’Orientation Consolidation (COC). de recul et les choix à venir. La mise en évidence de ses
Plus de 800 étudiants ont été ainsi pris en charge. Deux centres d’intérêt, ses valeurs, ses besoins, sa personnalité
constats essentiels : un décrochage peut être l’occasion de l’aide à mieux se comprendre et se connaitre.
prendre le temps de la réflexion, de bénéficier d’un ac- Cette phase de réflexion, d’interrogation sur soi s’appuie
compagnement pour murir son projet ; les motivations de sur le e-portfolio développé à l’université de Bretagne Sud.
l’étudiant intégrant ce dispositif sont très diverses : rompre Celui-ci, envisagé d’abord comme processus réflexif et de
un isolement, trouver malgré les difficultés sa place dans le structuration de la pensée, est aussi un outil qui permet
système universitaire, combattre les idées reçues lorsqu’on de capitaliser et d’exploiter l’information collectée en la
échoue en première année à l’université, etc. structurant1. Il est basé sur une utilisation originale du
Le Cycle d’Orientation Consolidation courrier électronique qui permet de l’alimenter simple-
ment et rapidement.
Le COC est un dispositif d’accompagnement proposé aux
étudiants de 1re année qui rencontrent des difficultés ou Résultats de l’étude
qui s’interrogent sur leur choix dans le parcours d’études et Une enquête a été menée auprès d’un échantillon d’une
qui ne souhaitent pas poursuivre jusqu’à son terme l’année vingtaine d’étudiants inscrits au COC. Il convient d’abord
universitaire entamée. L’objectif est d’abord de consolider de préciser que la majorité des étudiants interrogés ne sont
leurs connaissances dans un certain nombre de disciplines pas venus par défaut à l’université : c’est un choix déli-
en vue d’un changement d’orientation à la rentrée suivante béré pour 80 % d’entre eux. Ils précisent cependant avoir
(autre licence, DUT, BTS, etc.) ; ensuite, de construire un manqué d’informations sur le déroulement des études, no-
nouveau projet professionnel avec l’aide d’un conseiller tamment sur l’organisation, le contenu de l’enseignement
d’orientation ; enfin, de valider le projet par un stage en et la manière de l’enseigner, les débouchés possibles après
entreprise. Cette formation est non diplômante, mais tout la formation. Pourtant l’université fait de plus en plus
de même évaluée. d’efforts pour présenter ses formations et ses débouchés,
L’intégration dans le dispositif est une démarche volon- à l’oral, sur papier, sur Internet. Alors, comment faire
taire de l’étudiant, suite à un entretien avec son tuteur- pour mieux se comprendre, rendre cette information plus
enseignant. S’il obtient son accord, l’étudiant s’adresse pertinente, plus efficace ? En réalité, quels que soient les
alors au SUIO-IP (Service d’information, d’orientation, et efforts produits par l’université, les étudiants décrocheurs
d’insertion professionnelle) en vue d’obtenir un rendez- reconnaissent ne pas avoir voulu entendre les recomman-
vous avec un conseiller d’orientation, qui valide ou non la dations faites et les conseils ou mises en garde apportés.
demande d’intégration sur le dispositif lors d’un entretien Car le métier d’étudiant ne s’improvise pas2.
personnalisé.
L’intégration sur le COC est exclusive de toute autre for-
mation. Une fois cette décision prise, l’étudiant renonce 1 Robert Bibeau, « Le portfolio numérique pour une pratique
à suivre les enseignements de la filière dans laquelle il réflexive en éducation », Colloque de l’APOP, Montréal, 2007.
était initialement inscrit. Cet acte fort est important, car il 2 Alain Coulon, Les étudiants et leur travail universitaire, INRP, 2005.
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L’UBS, université de proximité, se distingue par un taux Les attentes par rapport au dispositif
important de boursiers. L’étude ne fait cependant pas Le COC aura permis à la plupart des étudiants de prendre
apparaitre de lien déterminant entre l’origine sociale des le temps de retrouver confiance en eux, de réfléchir plus
étudiants interrogés et les motifs du décrochage. Seuls sereinement à une nouvelle orientation. 50 % des étu-
20 % des étudiants concernés sont boursiers. À l’exception diants interrogés insistent sur cette notion de temps. Ils
d’un étudiant, aucun n’évoque de difficultés liées aux apprécient particulièrement les conditions d’enseignement
ressources financières comme motif du décrochage. qui favorisent le travail en petit groupe, et les enseignants
Les difficultés sont centrées essentiellement sur l’absence toujours disponibles et à l’écoute.
de projet et, en conséquence, l’absence de motivation à L’accompagnement et le soutien de la part des équipes en-
poursuivre dans la voie initialement choisie. Les étudiants seignantes, manifestés par exemple dans les bilans réguliers
reconnaissent par ailleurs un manque de travail et l’ineffi- effectués individuellement par le conseiller d’orientation,
cacité de leurs méthodes de travail. sont très appréciés. Si certains y voient une assistance qui
va à l’encontre de l’autonomie de l’étudiant dans le milieu
L’entrée sur le dispositif universitaire, d’autres l’envisagent comme un encadrement
Rapidement, dès le mois de septembre pour 40 % d’entre nécessaire à un nouveau départ dans les études. 30 % des
eux, les étudiants réalisent avoir effectué un mauvais choix étudiants interrogés ont d’ailleurs poursuivi leur cursus en
et commencent à prendre des renseignements auprès du master.
SUIO-IP. La première image qu’ont les étudiants du
La maturité acquise et la motivation retrouvée leur per-
dispositif COC n’est pas positive : il les renvoie à leur
mettent de suivre leur voie sans difficulté particulière pour
situation d’échec. Lorsqu’ils comprennent les contours et
la poursuite de leurs études. Ils n’ont pas vécu d’autres
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

contenus de l’action, ils le considèrent comme un moyen de


échecs.
rompre leur isolement et de se faire accompagner dans des
démarches auxquelles ils n’auraient pas forcément pensé. Au fil des ans, le dispositif s’est enrichi et a évolué dans
Certains précisent qu’il leur a permis de se déculpabiliser ses contenus. Actuellement, les étudiants ont l’obligation
face à ce qu’ils considèrent comme un échec. d’effectuer un stage de découverte et d’observation. Par-
ticulièrement convaincus par l’expérience vécue, ils ont
La dynamique apportée par le groupe les aide à se remo-
pu se réaliser à travers ce stage, démontrer leur potentiel.
biliser et positiver leur situation. Le sentiment de partager
Certains d’entre eux se voient ainsi proposer un travail sai-
un point de vue avec d’autres, d’avoir vécu une expérience
sonnier compte tenu de la satisfaction qu’ils ont donnée.
similaire rend les individus plus confiants et plus forts. La
théorie de l’évaluation de soi insiste sur le besoin que nous Vivement critiqué lors de sa mise en place, le COC a large-
ressentons d’utiliser les autres comme sources de com- ment contribué à la réussite d’étudiants dits décrocheurs.
paraison afin d’évaluer nos propres attitudes et capacités. On peut dès lors s’interroger sur la notion d’échec : ce-
Ce besoin est d’autant plus fort que nous sommes dans lui-ci n’est-il pas parfois un mal nécessaire qui participe
l’incertitude de nos croyances ou de nos opinions. pour certains de la construction de la personnalité et de
l’apprentissage d’un parcours de vie ?
Il est important de préciser que pour l’ensemble des étu-
diants interrogés, la décision d’intégrer le dispositif leur Ce dispositif démontre en tout état de cause que l’attention
appartient, sans influence du milieu familial. Ce constat qu’on peut accorder à ces étudiants à un moment donné
est d’autant plus important qu’il constitue un premier pas de leur parcours, aussi critiquable soit-elle par rapport à
vers la réussite. l’autonomie et la responsabilisation de l’étudiant, contribue
à leur donner ou redonner confiance et envie de poursuivre
leurs études et à les réussir.

Laurence Pérennès
Directrice adjointe SUIO-IP, université de Bretagne Sud
avec la collaboration de Marie-Paule
Prudhomme, enseignante.

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Quelle place pour les


parents, les associations ?

Ma fille a un problème de mauvaise réputation. Le projet de Marion est toujours


assez flou, mais elle abandonne son idée première d’école
de design qui n’était pas réellement fondée, si ce n’est par
avec les consignes… l’intérêt porté à la décoration de sa chambre. Elle espère
mieux réussir en SES pour éventuellement s’orienter en
Sylvie Grau 1re ES : elle est dans une logique de résultats.
Mi-janvier les notes ont légèrement progressé, mais res-
tent insuffisantes, et l’attitude en cours est à peu près la
L’enseignant n’est pas seul à accompagner l’élève : les même. Il est alors question de filières technologiques, plus
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

parents sont des acteurs incontournables, et l’élève courtes. Marion exprime des difficultés à étudier, elle ne
peut se trouver pris en tension entre les attentes et comprend pas le sens de ce qu’elle apprend au lycée et sou-
les conceptions différentes de tous ceux qui tentent haite des enseignements plus concrets. Elle est largement
de l’aider à tout prix. mise en valeur lors d’un tournoi sportif où elle montre de
grandes compétences d’organisation, de communication et
de gestion du groupe. La famille parle de redoublement
dans un établissement plus surveillé, où leur fille sera plus
J’enseigne les mathématiques et suis professeur principal contrainte d’assister aux cours. Effectivement l’élève est
en classe de 2nde. Une élève a de grosses difficultés. Dès le régulièrement absente en cours de journée, sans motif. Elle
début de l’année elle est repérée comme absente des cours : a de plus en plus l’attitude d’une élève qui décroche.
elle est certes bien physiquement présente, mais trouve Lors d’un nouveau rendez-vous, les parents insistent sur la
toutes les stratégies possibles et imaginables pour ne rien nécessité pour leur fille d’un contact avec les enseignants,
faire. Marion passe son temps à recopier scrupuleusement sur son besoin d’être entourée, d’avoir une relation plus
les consignes après avoir cherché des crayons dans toutes affective en somme. L’équipe prend note et essaye de
les trousses, a le regard dans le vide, n’a jamais les travaux s’adresser plus directement à l’élève pendant les cours.
attendus en temps et en heure, rend des travaux à faire à la
maison visiblement très éloignés de ce qu’elle est capable Le conseil de classe du second trimestre est défavorable
de faire en classe. à un redoublement, encourageant l’élève à fournir les
efforts nécessaires pour intégrer une 1re STG. Après une
Des difficultés difficiles à cerner exploration des différentes filières, Marion a choisi ce
Les élèves étant suivis de façon hebdomadaire par un pro- baccalauréat comme étant celui qui correspondait le mieux
fesseur référent, nous apprenons très vite que cette élève à ses intérêts. Cette décision défendue devant la famille se
bénéficie de cours particuliers, de deux à trois heures par justifie par les compétences de l’élève en communication et
semaine, par une ancienne enseignante qui vient à son do- par sa motivation et ses résultats en SES. D’autre part, il
micile le mercredi après-midi. Les parents, très présents, est à craindre qu’un redoublement ne soit pas profitable au
essaient de faciliter ainsi le travail de leur fille, sans avoir vu du peu de progrès observés à la fois dans son attitude
des attentes ou des ambitions démesurées vis-à-vis de sa et dans son travail. Il ne semble pas que le problème puisse
scolarité. C’est ce qui ressort des premiers entretiens. se résoudre par un simple soutien scolaire. Or les autres
approches ayant été refusées, il n’est pas envisageable de
Marion est proposée pour un atelier motivation, où une
refaire une 2de dans les mêmes conditions. L’élève sait donc
personne extérieure à l’équipe enseignante intervient pour
que nous ferons tout pour l’aider à intégrer la 1re qu’elle a
faire dire aux jeunes leurs désirs, mettre en corrélation les
choisie, ce qui la motive à suivre les conseils donnés.
compétences développées à l’extérieur de l’établissement
avec les compétences scolaires. Cet atelier, considéré par Des aides dissonantes ?
la famille comme trop intrusif, d’orientation trop psycho- De mon côté je reste toujours perplexe vis-à-vis des cours
logisante, est refusé dès la deuxième séance. Suivent des particuliers. J’avais demandé aux parents de suspendre
ateliers avec la conseillère d’orientation psychologue afin cette aide ou au moins de la diminuer. Il n’en était pas
d’aider la jeune fille à élaborer un projet. question, la famille pensait que ce serait trop dur pour
À la fin du premier trimestre, l’élève qui avait pris comme leur fille, et la relation affective est importante avec l’in-
enseignement de détermination « initiation aux sciences de tervenante qui l’aide depuis plusieurs années. J’ai donc
l’ingénieur » décide de changer pour « sciences économi- pris le parti de me renseigner plus précisément sur le type
ques et sociales ». La famille explique que le choix de l’en- d’aide apportée. N’ayant que peu d’informations venant de
seignement de détermination avait pour seule motivation l’élève, je demande à la famille de m’envoyer un bilan établi
d’éviter à leur fille d’entrer dans un lycée qu’ils estimaient par l’intervenante.
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Quelle place pour les parents, les associations ?

Par ailleurs, les parents pensent avoir identifié la difficulté dans ses choix, a accepté que leur fille participe à un atelier
majeure de leur fille : la compréhension des consignes. méthodologique qui se passe très bien. Cet atelier aurait
Ils ont pris quelques exemples de phrases non comprises pu être mis en place dès la rentrée, sauf que ni l’élève, ni la
par Marion dans ses plus mauvais devoirs, et ils lui ont famille, n’y étaient prêtes.
demandé si l’utilisation du livre 1 000 mots pour réussir1 L’accompagnement est toujours de trois ordres : l’aide au
lui permettrait ainsi de comprendre ces consignes. Les travail (méthodologique, disciplinaire…), l’accompagne-
parents pensent qu’une partie des problèmes que rencon- ment psychologique (estime de soi, auto-évaluation, mé-
tre Marion sur les consignes est liée au vocabulaire. « Le tacognition…), la formation à l’orientation (information,
niveau de vocabulaire influe directement sur la compréhension repérage de compétences, mise en place de projets). On
des consignes données dans les devoirs », annonce l’ouvrage, voit dans cette situation que la progression de l’élève n’a
qui propose des séries d’exercices : questions à choix mul- pas pu être engagée tant que nous n’avions pas travaillé sur
tiples, exercices classés par champs lexicaux dans lesquels ces trois champs : l’accompagnement psychologique par la
il faut compléter des phrases à trous à l’aide de mots dont connaissance de l’élève, de son milieu, de sa famille, de ses
la définition vous est donnée en regard. représentations, de ses valeurs ; la formation à l’orientation
À partir de ce livre, les parents se fixent les objectifs sui- par la mise en évidence de compétences relationnelles,
vants : organisationnelles, l’information sur les filières, le change-
• Faire acquérir des mots nouveaux, dont la maitrise ment d’EDD ; l’aide au travail par l’atelier méthodologique
s’avère indispensable pour comprendre les cours, ap- et l’aide à l’extérieur mise en relation avec le travail scolaire
précier et produire des textes ; attendu.
• Rendre actif un vocabulaire que Marion possède peut- Maintenant, il peut être effectivement intéressant de
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être, mais qu’elle a emmagasiné de façon passive et comparer les représentations de l’aide suivant les différents
qu’elle n’utilise pas ou sans réelle compréhension ; lieux et personnes : les parents au sein de la famille, l’inter-
venant en cours particuliers, les enseignants au sein de la
• Corriger les erreurs dues à une assimilation hâtive
classe, l’enseignante en atelier méthodologique.
et entrainant les faux sens, faux contenus, ou tout au
moins une connaissance trop floue du sens des mots. Si les parents ont d’abord axé leur aide autour de l’estime
de soi, de la confiance et du relationnel, c’est qu’ils avaient
En parallèle je reçois le bilan de l’intervenante en cours
une représentation du lycée qui les inquiétait du fait de
particulier qui écrit : « Tout d’abord, Marion a beaucoup de
la taille (environ 1 500 élèves), de la liberté (possibilité de
mal à concrétiser les énoncés de problèmes de maths, si bien
sorties pendant les inter-cours), et peut-être de leur res-
qu’elle ne comprend pas ce qu’on lui demande. En 3e, Marion
ponsabilité en ayant choisi pour leur fille un enseignement
avait appris à surligner les mots importants des énoncés et les
de détermination qui lui évite d’être scolarisée dans son
éléments principaux des schémas. Ceci l’avait bien aidée. Il
lycée de secteur à la réputation moins établie. Une fois
faudrait lui proposer des débuts d’énoncés où le problème est
rassurés sur ces aspects, ils tournent leur aide sur le travail
exposé. Je pense surtout à des problèmes de fonctions qui font
du vocabulaire en passant par un livre-outil.
généralement référence à des situations concrètes.
Marion a également quelques difficultés pour retrouver le cha- … et même les représentations des apprentissages
pitre concerné dans l’exercice demandé. Elle n’a pas une grande Ce qui est intéressant, c’est de lire le nouvel objectif qu’ils
mémoire photographique lui permettant de se souvenir de la se fixent en écrivant que leur fille « a emmagasiné du vo-
position des formules sur la feuille de cours. Si le contrôle porte cabulaire de façon passive qu’elle n’utilise pas ou sans réelle
sur un unique chapitre, il lui sera plus facile de s’y retrouver. compréhension ». Leur représentation de l’apprentissage
Étudier plusieurs chapitres simultanément la perturbe. » est donc bien ancrée dans la compréhension. Alors que
du côté du cours particulier on note « qu’elle n’a pas une
Harmoniser les formes d’accompagnement… grande mémoire photographique lui permettant de se souvenir
Si nous partons du principe que chacun, à son niveau, de la position des formules sur la feuille de cours », cette fois
cherche à faire de son mieux pour aider l’élève à progresser l’apprentissage est réduit à une mémorisation de formules.
et réussir, l’analyse des écarts ou des points communs entre Ces deux conceptions s’opposent en ce sens que l’élève ne
les différents intervenants devrait permettre de mieux peut à la fois se dire qu’il suffit de mémoriser pour savoir
comprendre en quoi l’aide est ou non efficace. et qu’il faut comprendre pour savoir-faire. Le processus
Un aspect essentiel est que l’aide ne peut être efficace que d’apprentissage est beaucoup plus complexe et le lien entre
si elle est acceptée, ou mieux, si elle est demandée, et si les compréhension et mémorisation n’est pas linéaire. On ne
différents intervenants coopèrent. Une aide qui viendrait comprend pas toujours ce qu’on peut mémoriser, on ne
contre une autre ne peut que déstabiliser l’individu, que ce mémorise pas toujours ce qu’on comprend. Il est fort à
soit contre l’enseignant, contre la famille, contre l’aidant… parier que prise entre ces deux représentations, l’élève ne
Ici, du moment où l’aide a été acceptée par tous, il est peut se faire sa propre représentation de l’apprentissage.
devenu possible de travailler dessus. Alors que je refusais Trop habituée à ce que les autres identifient et travaillent
l’aide extérieure par des cours particuliers, force est de autour de sa difficulté, elle ne sait pas l’analyser seule et ne
constater que je devais faire avec elle. C’est ainsi que j’ai peut prendre à sa charge son apprentissage. J’ai presque
pu obtenir le bilan ci-dessus qui éclaire les difficultés de envie de dire que trop d’aides ne l’aident pas.
l’élève, puisque je sais maintenant le discours qui est tenu Le dernier échange avec la famille atteste que l’atelier
autour de l’activité mathématique à l’extérieur du lycée. La méthodologique semble porter ses fruits, peut-être
famille, qui semble plus reconnue dans son rôle et respectée simplement que son contenu a été élaboré en équipe et
que les enseignants de la classe suivent les principes qui
1 1000 mots pour réussir (26 titres différents/ niveau/ matière),
Belin BAC 2nde – Term, Belin, Paris. sont travaillés dans cet atelier. Le code qui permet de
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

comprendre le sens du travail demandé en fonction des ne sont pas disposés à les entendre, habitués à mobiliser
habitus de la classe va être explicitement formulé et de d’autres stratégies éprouvées. Ce n’est qu’une fois que ces
façon transversale, c’est-à-dire pas uniquement en lien stratégies ne semblent plus pertinentes qu’il devient urgent
avec une discipline, mais dans une approche globale. Les de reformuler ce qu’on attend du lycéen.
consignes par exemple seront étudiées dans leur polysémie Nous ne pouvons pas prédire quelle sera la suite de la
liée aux situations : argumenter en mathématiques n’est scolarité pour cette élève. Cet exemple nous permet
pas argumenter en français ou en ECJS, on ne vote pas seulement de dire que la difficulté identifiée comme
à main levée la validité d’un théorème. Ainsi les parents, venant d’une mauvaise compréhension des consignes peut
l’atelier et les enseignants de la classe sont sur les mêmes n’être que l’expression d’un conflit entre la représentation
représentations de l’apprentissage. L’élève va pouvoir de l’apprentissage du côté de l’enseignant, de l’élève, de
prendre de l’autonomie dans un cadre clairement établi. sa famille, des différents acteurs de l’accompagnement.
Il y a donc de fortes chances que les questions qui vont Prendre le temps d’écouter ces représentations est
être posées par l’élève en cours particulier vont changer de peut-être la seule façon d’aider l’élève à comprendre les
nature et davantage relever de la compréhension, alors que consignes en l’aidant à préciser son but. Car au final, on est
jusqu’à présent il s’agissait juste d’avoir des stratégies pour prêt à suivre des consignes qu’à condition de partager le
obtenir la moyenne. Mais alors, pourquoi ne pas expliciter même but que celui qui nous les donne, et qu’à condition
ce code dans le cours ordinaire ? C’est ce qui est fait, mais de reconnaitre celui qui nous les donne comme légitime à
au moment où sont formulés ces attendus, tous les élèves nous les donner.

Sylvie Grau
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Professeure de mathématiques en lycée


à Orvault (Loire-Atlantique)

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62 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Quelle place pour les parents, les associations ?

Une association tique à son voisin. Au travers de l’entretien et des séances


de coaching si nécessaire, on s’adresse à l’individu dans sa
globalité et non pas seulement à l’élève qui a de mauvaises
efficace pour renouer notes. Cet échec peut entrainer une dégradation de son
investissement et de son image de soi. Les séances de coa-
les liens entre ching sont la clé de voute de la « méthode Scolidaire », car
elles vont permettre l’identification de ce qui fait obstacle à
école et familles la réussite scolaire (motivation, problème d’apprentissage,
difficulté passagère). L’association fonctionne aussi comme
une « école des parents », une aide leur étant proposée si le
Philippe Masson besoin s’en fait sentir ou s’ils sont demandeurs. C’est une
piste qui, au-delà de la question des difficultés d’appren-
tissage, répond aux attentes de certaines familles. À noter
L’association Scolidaire veut proposer une aide que les enfants ne sont pas insensibles à l’investissement
adaptée aux besoins des élèves, quel que soit leur temporel de leurs parents ; cette implication exerce une
milieu social, quel que soit leur niveau, quel que soit fonction positive forte.
leur projet. Interface entre l’école, la famille et l’élève,
elle cherche avant tout l’épanouissement de l’élève, Typologie des jeunes rencontrés
jugé indispensable à sa réussite scolaire. Philippe Le manque de confiance en soi se retrouve dans la plupart
Masson a conduit une étude de cette expérience et de des entretiens : « Son gros problème est la confiance en lui. Au
boulot, il m’envoyait des SMS, il pleurait, il m’appelait tout le
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

ses effets.
temps en classe » ; « À la première réunion, un bilan a été fait
sur son travail et l’entretien a mis en évidence des points précis
de son manque de confiance ».
L’association Scolidaire, active depuis janvier 2007, pro- En fréquentant régulièrement les cours (ou coaching) de
pose « une approche du soutien scolaire en s’appuyant sur une l’association, les jeunes reprennent confiance en eux, avec
prise en charge complète de l’élève »1. Un premier regard des répercussions dans les notes, mais aussi dans la vie
rapide pouvait laisser penser qu’il s’agissait d’une énième quotidienne. « Il a tellement confiance en lui qu’il apprend à
structure dans un marché de plus en plus florissant. L’ana- nager » ; « Il a pris beaucoup de confiance en lui, il ose écrire
lyse montre en fait un positionnement particulier avec une même s’il sait qu’il y a des fautes ». Les jeunes interviewés
réponse nouvelle à la prévention de l’échec scolaire. ont en commun d’avoir des capacités ou une passion. Ils
L’établissement des droits d’inscriptions en fonction du sont tous motivés par un but, mais qui n’est pas forcément
quotient familial favorise une mixité sociale importante des le même que celui de l’école, ou bien pas au même mo-
inscrits. Collégiens et lycéens en représentent respective- ment. L’inadéquation de buts entraine ces jeunes vers un
ment 42 % et 46,5 %. Les établissements publics et privés décrochage à un moment donné de leur histoire. La non-
de la ville sont également représentés. prise en compte de l’individu, de sa forme préférentielle
Les parents des élèves concernés suivent avec attention la d’apprentissage générèrent aussi de l’échec. « En primaire,
scolarité de leur enfant, souhaitent l’aider de leur mieux. je lui faisais apprendre les poésies en marchant, il a une très
Mais les mauvais résultats, en particulier perçus par les bonne mémoire visuelle ».
mauvaises notes, provoquent de la souffrance, une culpabi-
lisation des enfants et des parents. Même si, dans nombre Des intervenants atypiques
de cas, les remédiations proposées par l’école fonctionnent Les intervenants respectent une attitude positive et non
bien, les parents cherchent des solutions à l’extérieur de critique vis-à-vis des enseignants des établissements
l’école lorsque les difficultés persistent. fréquentés par les élèves. Ceci peut paraitre trivial, mais
ce n’est pas toujours le cas dans les structures de soutien
Le parcours du jeune au sein de l’association scolaire où l’on dénigre souvent les enseignants. On
Lors d’un premier contact, un entretien est réalisé par imagine les conséquences pour les élèves ! L’ensemble des
l’animateur de l’association et les parents. Puis une rencon- intervenants de la structure a un niveau de connaissances
tre avec le jeune seul est l’occasion de prendre en compte académique à bac + 4 minimum ; nous pensons, au regard
l’ensemble des problèmes de l’enfant ou de l’adolescent. de l’observation effectuée, que c’est un atout important
Le repérage des difficultés permet de proposer, en accord au regard des stratégies d’enseignement utilisées, permet-
avec le jeune, le type d’aide approprié (séance de coaching, tant une grande flexibilité et une réponse au pied levé à
cours). la demande des élèves. Il se trouve que le parcours des
Les séances de coaching sont des temps de remotivation ou intervenants est atypique (scolarité, insertion profession-
de mise au point d’une méthode d’apprentissage adaptée. nelle), marqués par divers accrocs (redoublement, reprise
« Un moment, je n’avais plus envie de travailler, il m’a pris d’études). On peut supposer qu’ils comprennent ainsi
dans son bureau on a parlé et puis c’est reparti, il m’a remotivé, mieux les comportements et problèmes des jeunes. Ils ont
il m’a donné des méthodes. J’ai essayé le lendemain et j’ai des qualités personnelles indéniables : sens du contact,
eu 18 en allemand alors que j’avais 3 ou 4 normalement ». charisme important, humour. Ils ne se considèrent pas
Les différents intervenants s’adressent à l’enfant en tant comme enseignants, terme qui, pour eux, est réservé à
qu’être unique et non pas à l’élève considéré comme iden- l’école. Ils ont le sentiment de faire un autre métier devant
un public beaucoup plus restreint (au plus six jeunes) où
1 Extrait du document informatif de l’on reformule différemment ce qui a été déjà vu en classe.
l’association, http://www.scolidaire.com Au-delà de la fonction, c’est une image des rapports ensei-
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gnants-élèves, des formes de cours que cela évoque qu’ils Conclusion


récusent. Le tutoiement est de mise, tout est fait pour Développée en marge de l’Éducation nationale, l’association
mettre en confiance le jeune, pour que le moins possible fonctionne comme un club sportif avec un travail accentué
d’éléments lui rappellent l’image de la classe où il est en sur la motivation, le coaching et l’usage de métaphores
échec. souvent empruntées au monde du sport. Les très bons
résultats sont en partie à mettre au crédit du fondateur,
Stratégie d’enseignement et processus animateur dans la structure, personnage incontournable
didactique mis en jeu qui ne compte pas son temps et est toujours à l’écoute des
Nous observons principalement de l’aide individualisée, parents et des élèves. Au-delà des notes qui augmentent, ce
qui est bien sûr en rapport direct avec la mission de l’asso- sont des enfants qui s’épanouissent. En fréquentant régu-
ciation, et rendue possible par les petits groupes d’élèves. lièrement l’association, les jeunes reprennent confiance en
Le cas échéant, les intervenants n’hésitent pas à utiliser eux, avec des répercussions sur les résultats scolaires, mais
la répétition d’un point de cours en respectant la forme aussi dans la vie quotidienne. L’objectif du fondateur n’est
utilisée par l’enseignant de l’élève. Une simplification des pas de couper le jeune de la réalité scolaire, mais de trouver
points traités avec des reformulations variées est au cœur avec lui des méthodes adaptées tout en amenant les parents
des techniques employées. Puis cette phase de compréhen- à mieux aider leur enfant.
sion théorique est toujours suivie d’une mise en application
On sait bien que des parents éloignés de l’école peuvent
appropriée et diversifiée. Le principe de fonctionnement
avoir bien du mal à se repérer dans le dédale des réformes,
est basé sur la réponse aux attentes des élèves. Il n’y a
passerelles et décisions à prendre. Disposer d’une personne
donc pas de cours établi, ce qui demande une grande
en dehors de l’enceinte de l’école peut apporter une aide
disponibilité et une bonne connaissance des programmes
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précieuse à la compréhension des différents mécanismes.


de la part des intervenants. Ils font preuve d’une grande
patience pour que l’élève finisse par comprendre. Tout se Le programme est ambitieux, mais couronné de succès.
passe comme si l’intervenant ne lâchait pas prise et tentait L’association a dépassé les 400 adhérents en moins de
de trouver une nouvelle explication tant que le jeune est en trois ans, et il n’est pas rare d’y rencontrer des enfants
échec. Cela rappelle l’école de Yasnaya Polyana où Tolstoï d’enseignants. Si un bilan quantitatif est difficile à réaliser
demandait aux enseignants de considérer la faute de l’élève sur le seul critère de l’augmentation des notes compte tenu
comme une réponse non appropriée de l’enseignant. Les des nombreuses formules proposées (stages de vacances,
petits groupes de travail (maximum six, mais souvent trois soutien scolaire…), l’analyse des fiches d’inscription
à quatre) sont indéniablement une des clés du succès. montre que l’adhésion est majoritairement réalisée par le
truchement d’un adhérent qui recommande l’association.
Une stratégie d’enseignement plutôt innovante : faire
L’analyse des entretiens réalisés avec les parents (membres
prendre de l’avance à l’élève en vérifiant les pré-requis
de l’association depuis plus d’un an) montre qu’ils sont
constitutifs des notions à aborder, de façon à « débrous-
très satisfaits, mais il est à noter que l’ensemble des pa-
sailler » le chapitre étudié ensuite en classe. Ce dernier point
rents, indépendamment du niveau d’étude et de la classe
a un double effet qu’il faudrait mesurer : mettre l’élève en
sociale d’appartenance, ont toujours eu confiance dans
confiance et peut-être, du point de vue de l’enseignant de
leurs capacités. L’association fonctionne alors comme une
la classe, agir comme un effet Pygmalion.
communauté éducative où les parents ont une place réelle.

Philippe Masson
Maitre de conférences à l’université Lille Nord de France

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64 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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Quelle place pour les parents, les associations ?

Le coaching scolaire : • Pouvoir de la conscience neutre : s’observer sans


jugement de valeur et regarder la situation telle qu’elle
est ;
comment porter • Faire confiance à son MOI 2 : le MOI 1 a tendance
à critiquer, regarder ce qui ne va pas, alors que le
un autre regard MOI 2 repère les qualités, capacités et augmente la
confiance ;
sur les jeunes ? • Liberté : c’est la personne coachée qui choisit ce
qu’elle a envie de travailler et d’améliorer.
Gaëtan Gabriel Dans cette perspective, l’accompagnateur, ou coach, est un
révélateur. Il est là pour écouter, interroger, clarifier les ob-
jectifs et encourager plutôt que de proposer des réponses,
Présenter une expérience de coaching dans le cadre corriger, rectifier. Il donne des outils pour que la personne
scolaire, ici menée en Belgique, demande quelques puisse résoudre ses problèmes.
précisions et précautions : précisions, parce que le Que fait-on dans le coaching scolaire ?
coaching est une démarche polymorphe, dont il Le coaching scolaire s’occupe plus du jeune que de l’étu-
faut dessiner les contours ; précautions, parce que diant ou de l’élève. En fait, il consiste à accompagner un
le coaching est tout autant vilipendé qu’encensé, à jeune à se regarder travailler et fonctionner, à s’appuyer sur
partir de caricatures et de stéréotypes, toujours à ses compétences pour trouver des réponses à des questions
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interroger. qui ont une incidence sur son parcours d’étude, ou à déve-
lopper des compétences déjà présentes.
Ses domaines majeurs sont :
C’est en assistant en tant que directeur adjoint à un conseil
• la motivation : en s’appuyant sur les dimensions qui
de classe, où plus de 80 % des élèves d’une section de 4e
dépendent de lui, le jeune voit sur quoi il a prise et sur
se retrouvaient avec plus de six échecs, que la question
quoi il n’a pas prise ;
de l’accompagnement fut mise en évidence. Fallait-il
se décourager, dire que c’était la faute aux élèves, aux • l’orientation : en construisant un projet, le parcours
professeurs, aux programmes, ajouter des cours de mise devient choisi plutôt que subi (parfois en quittant les
à niveau ? L’équipe pédagogique a décidé de se centrer sentiers battus et l’école traditionnelle) ;
sur le futur et de se focaliser sur les jeunes plutôt que sur • le comportement : en apprenant à s’observer, le jeune
les élèves. Quelles sont leurs difficultés ? L’orientation, le contrôle ses agissements avant que l’école ne le fasse
sens de l’école, les relations, la méthode, le bienêtre ? Nous elle-même ;
émettons quelques hypothèses que nous soumettons aux • la méthode : en découvrant ses stratégies « naturelles »,
jeunes. le travail devient plus efficace et plus « plaisant ».
Ils se rendent compte que nous ne les jugeons pas, ni ne Les demandes concrètes sont diverses : gérer le temps,
les évaluons, mais que nous leur tendons la main. À partir améliorer la méthode de travail, adapter son comporte-
de ce lien instauré, des ateliers sont organisés autour de ment en classe, trouver sa place dans une nouvelle école,
différentes questions : motivation, projet, stress, bienêtre, maitriser le stress, choisir une orientation, développer une
méthode, mise à niveau, écoute, etc. Ces ateliers, au départ communication efficace, organiser les différentes activités
ponctuels pour une classe, se sont généralisés pour les élè- extrascolaires et les études, améliorer les relations, etc.
ves de 4e et 3e et ils ont été inscrits dans la grille horaire des
Le coach scolaire ne dit pas comment il faut étudier, ni
élèves. Le mardi, de 14 h à 16 h, les cours étaient suspendus
quelle est la bonne orientation, ou quels sont les bons ou
et les jeunes en difficulté se regroupaient dans des ateliers
mauvais comportements, il cherche à amener le jeune à
en fonction de leur demande ou bénéficiaient d’une écoute
découvrir qui il est pour ajuster son comportement à ses
en tête à tête.
objectifs. Le coach « ne fait que » lui rendre ce qui lui
L’ouverture d’un espace de parole pour les élèves a appartient déjà…
engendré une grande demande pour parler de soi dans le
Ainsi, pour coacher, il ne faut pas uniquement conseiller,
cadre scolaire. Nous avions ouvert une porte, il s’agissait
superviser ou accompagner, car dans ce cas nous ferions
de construire la maison derrière celle-ci… Une réflexion
appel à des conseillers, superviseurs ou accompagnateurs.
autour de l’accompagnement est ainsi née, et le projet de
De même, coacher n’est pas seulement assister psychologi-
coaching a pris forme.
quement, ou pédagogiquement, ou socialement, car, dans
Qu’est-ce que le coaching ? ce cas, nous ferions appel à des psychologues, pédagogues
Au niveau historique, Timothy Galleway, capitaine de ou travailleurs sociaux. Le coach amène le jeune à se regar-
l’équipe de tennis de l’université de Harvard dans les an- der fonctionner pour qu’il puisse se conseiller lui-même.
nées 60, donna ses lettres de noblesse à cette approche en Fonctionnement
« inventant » la méthode « du jeu intérieur », dans les années Quand un espace de non-jugement est offert, les jeunes
70. En tant qu’entraineur, il propose une démarche pour entrent relativement facilement dans la démarche, même si
que les joueurs « apprennent à apprendre ». Cette approche elle leur est imposée. L’idée est que si un élève a de nom-
est basée sur trois principes : breux échecs ou un comportement inadéquat récurrent, il
est inutile, dans un premier temps, de proposer à nouveau

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un renforcement des matières ou de donner une énième Choix – Engagement


sanction. La présentation ci-dessous a pour objectif de Sceller les points et entreprendre une démarche en fonc-
mettre en évidence quatre tensions traitées durant les tion du projet :
entretiens.
• Quelles sont tes priorités ?
1re étape • Rattraper mes retards.
Accueil – Recueil • De quoi as-tu besoin ?
L’élève est reçu pour un entretien au cours duquel le • D’une bonne méthode de travail et de remettre mes
coach lui demande de décrire sa perception de la situation, cours en ordre.
sa manière d’agir, de repérer ses différents problèmes et
• Pour la remise en ordre de tes notes, quand, avec qui
objectifs. L’accueil et l’ambiance sont importants. L’inter-
et comment organises-tu cela ? Pour la méthode de
venant n’est pas là pour faire la morale, repérer ses fautes
travail, nous pouvons engager un travail avec toi pour
ou faire pression :
faire le point sur une méthode qui te convienne ; cela
• Monsieur, j’en ai marre de l’école. Je n’apprends rien, t’intéresse-t-il ?
tout le monde m’en veut.
Cet exemple souligne que même pour un problème de
• Tu souhaiterais apprendre et avoir de meilleures rela- méthode, la démarche de coaching est capable d’entendre
tions dans un cadre qui te fasse plaisir ? d’autres difficultés et ne les exclut pas pour les motifs que
• Oui, mais mes notes sont nulles ; ma copine me lâche ; cela ne nous concerne pas, que nous ne sommes pas habilités
mes parents se séparent et je crois que je déprime… à travailler les problèmes personnels. Si le jeune souhaite
• Concrètement, que fais-tu pendant la journée de travailler l’aspect personnel, le coach entreprend une dé-
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cours ? marche pour l’envoyer chez quelqu’un de compétent dans


ce domaine. De là l’importance d’avoir un réseau relais. Il
• Je dors, je m’absente, ou je perturbe le cours.
devient alors clair pour les professeurs, l’élève et sa famille
2e étape que l’aspect réussite scolaire peut devenir secondaire, il
Compréhension – Confrontation s’agit pour l’élève d’atteindre en priorité son objectif. Si le
jeune choisit de travailler sa méthode, le coach entreprend
Nous acceptons ce que nous entendons et nous le contex-
avec lui un travail qui lui permettra de prendre conscience
tualisons :
des expériences où il a travaillé de manière efficace et de
• Nous avons entendu tes difficultés personnelles et, son profil d’apprentissage.
en même temps, nous constatons tes échecs et les
De manière générale, le questionnement est là pour aider le
nombreuses remarques. Comment vois-tu la suite ?
jeune à porter d’autres lunettes pour regarder sa situation.
Quelles sont tes priorités ? Quels sont tes objectifs ?
• Bof, avec tous ces problèmes, on peut rien faire, à Quels outils ?
quoi cela sert ? Et ni les profs, ni mes parents vont L’outil principal est l’écoute. Être entendu en temps que
changer. personne, non pas en tant qu’élève seulement, être accepté
• Qu’est-ce que toi tu peux faire ? comme on est et tel qu’on nait. Permettre de faire un lien
• J’sais pas. entre son objectif et la réalité. Et surtout ne pas être évalué.
L’école a une fâcheuse tendance à vouloir tout évaluer et
• Décris-moi comment tu te comportes en classe. Es-tu tout le temps.
satisfait de la manière dont cela se passe ?
Les caractéristiques de l’écoute sont qu’elle doit :
3e étape • Porter à l’action et au changement. Elle doit être em-
Exploration – Projection pathique et responsabilisante : écouter la perception,
Dégager différents scénarios possibles : la confronter à la réalité et engager l’action de change-
• Quels sont les choix et comportements possibles ? ment. Il ne faut pas en rester aux constats ;
• Arrêter l’école. • Responsabiliser. Les autres ne peuvent pas être chan-
gés, qu’est-ce que le jeune peut changer chez lui ?
• Oui et quoi d’autre ?
• Aider à penser. Olivier Devillard, coach reconnu, dit :
• J’sais pas. « Le coach est une sorte d’accompagnateur de l’innovation
• Si tu avais une baguette magique… ? personnelle (…) Avec un coach on débat sur soi-même en
• Rattraper mon retard, que mes parents s’entendent évoquant des questions pour lesquelles on est habituelle-
mieux, que ma copine… quoi que… ment seul ».
• Tu as trois sacs à dos : tes problèmes personnels, tes Cadrer l’intervention
résultats, changer les autres. Sur quoi as-tu prise ?
L’écoute n’est pas thérapeutique. L’objectif n’est pas
• Arrêter l’école, rattraper les retards, et que je me sente l’écoute de la souffrance, mais l’action qui permet de
mieux. dépasser un obstacle. Il est à noter que l’on peut allez chez
• Qu’est-ce que tu gagnes et qu’est-ce que tu perds à un coach même quand tout va bien, par exemple pour
arrêter l’école ? développer une compétence.
• Idem pour rattraper tes retards ? Qu’est-ce que tu Les autres outils sont des aides à l’écoute :
peux faire pour te sentir mieux ? • Des grilles qui permettent de mettre en évidence des
4e étape profils d’apprentissage ou de fonctionnement (profils

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jungiens, intelligences multiples, gestion mentale, 4. Que le dispositif se retourne contre le jeune comme
etc.) ; moyen de pression ou de sanction. La démarche suit
• Le réseau. En tant que coach, on n’est pas seul et le rythme du jeune, même si le coach fait prendre
certains domaines doivent être remis entre les mains conscience au jeune qu’il est inscrit dans un temps
de personnes compétentes. Un coach en sport est scolaire ;
entouré de soigneurs, préparateurs physiques, kinés, 5. Que d’une part, les stéréotypes sur le coaching soient
diététiciens, etc. ; laissés de côté et d’autre part, qu’une démarche de
• Le temps. Le travail doit se définir à partir d’objectifs clarification soit entreprise sur ce qu’il est. Le cré-
concrets et opérationnels. Le temps doit donc être neau est porteur. De plus, le coaching scolaire et le
limité (moyenne de quatre à cinq séances par objectif). coaching d’entreprise sont des démarches différentes.
Parfois des séances de mise au point à échéances régu- Pour faire une comparaison, nous pratiquons tous les
lières sont proposées. deux de l’athlétisme, mais courir un cent mètres ou le
marathon n’est pas la même discipline.
Quels risques et contraintes ?
Le coaching scolaire est une démarche résolument posi-
1. Il s’agit de garder sa place, de n’être ni thérapeute, ni tive. Il accompagne le jeune à mieux se connaitre et mieux
gourou, ni contrôleur. Le coach est à la lisière du social, connaitre son environnement et s’appuie sur ses atouts
du psychologique et du pédagogique. Il accompagne et ses ressources pour qu’il atteigne ses objectifs dans un
une réflexion ; temps limité.
2. Que la structure scolaire permette ce type de démarche Aborder l’école ainsi, c’est également donner au jeune la
(personnes, lieux, temps). Le coach et les moments de responsabilité de ses choix. Mais il ne faut pas uniquement
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coaching doivent être acceptés, visibles, accessibles ; lui donner cette responsabilité, il faut l’accompagner pour
3. Que le projet s’essouffle et ne devienne qu’une struc- qu’il puisse l’assumer. Il devient ainsi le bâtisseur de sa
ture administrative par manque de remise en question vie.
et de formation continuée. Cette dernière est primor-
diale pour se ressourcer et s’outiller ; Gaëtan Gabriel
Sciences de l’éducation
Ancien directeur adjoint d’une école secondaire
Responsable de CoachAltitude
Auteur de Coaching scolaire : Augmenter le potentiel des
élèves en difficulté, Éd. De Boeck, 2008,
réédité en 2009.
http://www.sk-fr-paola.be/img/1_laureat_2004_fr.pdf

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Dans notre collection

Dix risques majeurs pas recevoir autant de stimulations ou de prestations


intellectuelles que les sujets dits normaux. En guise du
« plus » annoncé (une aide psychologique, un soutien,
Gérard Chauveau une rééducation, un enseignement mieux adapté), on
donne « moins » à ceux qui ont moins : moins d’en-
seignement, moins d’activités cognitives, moins d’am-
Pavée de bonnes intentions, l’aide institutionnelle bition pédagogique, moins d’occasions d’apprendre et
peut pourtant être néfaste. Faut-il alors tout de résoudre des situations-problèmes (voir aussi les
abandonner ? Pourtant non, mais un effort de risques 2 et 3 ci-dessus) ;
lucidité est indispensable. 5. La dépendance. La personne s’accoutume à l’aide
qu’elle reçoit et ne peut plus « s’en passer ». À moins
que ce ne soit l’aidant qui ne puisse interrompre sa
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relation d’aide ! On voulait aider le sujet à devenir plus


Pour beaucoup, la notion d’aide est à priori associée au
autonome et on produit un « assisté », un individu un
bien et au progrès, et les destinataires en sont forcément
peu plus dépendant et déresponsabilisé.
des bénéficiaires. Nous disposons pourtant de nombreuses
données, par exemple dans le domaine de l’adaptation et 6. Le désengagement. La déresponsabilisation peut
intégration scolaire (AIS) qui montrent qu’en réalité, dans également « toucher » les autres intervenants ou pro-
bien des cas, en voulant le bien nous réalisons le mal. C’est fessionnels concernés. Par exemple, des parents ou des
la nature même de certaines aides accordées à des sujets « à enseignants ont tendance à se décharger du problème
problème » ou en « difficulté » qui entrave leur succès ou (ou de l’enfant-problème) sur les spécialistes ou sur le
qui, plus grave encore, peut générer de l’échec ou aggraver service spécialisé (RASED1, CMPP2…). Quelques-
la situation. uns, qui avaient su faire face jusqu’à l’arrivée des
professionnels de l’aide spécialisée, se retirent ou se
Dix façons de ne pas aider démobilisent ;
1. Le saupoudrage : l’aide se limite fréquemment à une 7. La ségrégation. On a souvent tendance à mettre à part
intervention fragmentée, émiettée, épisodique. Son ou à l’écart la personne en difficulté (ou « à problème »)
impact est alors superficiel, voire insignifiant. Par avant ou afin de lui apporter l’aide jugée indispensable.
exemple, l’aidant prend en charge un élève une fois On commence par séparer et marginaliser l’aidé en le
(une heure) par semaine alors que celui-ci aurait be- plaçant dans une structure « spéciale » et peu valorisée.
soin qu’on concentre les forces et les efforts ou qu’on Dès le départ, l’aidant est en pleine ambigüité ou
lui apporte un soutien intense et continu. Selon cette en plein dilemme : son action va-t-elle favoriser la
conception, le meilleur professionnel de l’aide est celui réussite et l’intégration du sujet aidé ou entériner sa
qui « papillonne » ou « s’éparpille » : on apprécie son relégation (par exemple dans une filière de l’éducation
travail au nombre d’enfants « suivis » et au nombre spécialisée ou d’une structure perçue, à tort ou à rai-
d’écoles « couvertes » (ou visitées) ; son, comme « voie de garage », « classe ghetto », etc.) ?
Ces procédures « ségrégatives » sont étroitement liées
2. La substitution : l’aide se situe souvent à la place
aux logiques différentialistes (celles qui se focalisent
d’une séquence pédagogique. Alors que les élèves aidés
sur « la différence », la particularité ou la spécificité de
sont en difficulté en lecture-écriture et/ou en mathé-
celui qu’on veut aider). Elles reposent sur un postulat
matiques, on remplace certaines activités scolaires de
: le destinataire de l’aide se caractérise essentiellement
lecture-écriture ou de mathématiques par des aides
par des traits et des besoins spécifiques, il nécessite
dans d’autres domaines : comportement, socialisation,
donc des mesures complètement spécifiques ou parti-
psychomotricité…
cularistes (un « traitement » à part) ;
3. La diversion : on détourne l’attention du problème
8. La stigmatisation. À partir du moment où, dans une
qu’on prétend traiter (conduite d’évitement), on dis-
population tout venant, on isole un sujet particulier
trait. Par exemple, on va offrir à un élève en difficulté
(repéré et choisi à partir de ses difficultés, ses problè-
en lecture-écriture toutes sortes d’activités éloignées
mes…) pour lui donner une aide particulière avec un
de la langue écrite, ou bien on va axer les aides sur
spécialiste, on risque de faire deux choses opposées en
l’ambiance (ou le climat, le relationnel) alors qu’on an-
même temps. Ainsi, dans nombre de prises en charge
nonçait vouloir améliorer les apprentissages scolaires ;
psychopédagogiques classiques, on mêle le traitement
4. La sous-stimulation. Certaines aides relèvent des pé- et le signalement ; celui-ci « montre du doigt », officia-
dagogies « d’attente » ou des enseignements « allégés ».
Elles sont fondées sur l’idée que « ces enfants-là » – les
élèves à risques, à problèmes, en difficulté – ne peuvent 1 Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté
2 Centre médico-psychopédagogique
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68 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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lise et légitime la catégorisation négative de la personne Et pourtant, il en faut


aidée (« handicapé », « inadapté », « inapte »…). On On le voit : si l’on n’est pas très vigilant et rigoureux, le
apporte à la fois un plus (une aide, un soutien) et un remède peut être inefficace ou pire que le mal. Mais ces
moins (l’étiquetage négatif, la dévalorisation) ; on en- constats n’ont d’intérêt que s’ils permettent de repérer ou
clenche deux processus contradictoires qui s’annulent de proposer des types d’aides et des modes d’intervention
ou s’annihilent ; plus efficaces… ou de réduire ou d’éliminer les risques et les
9. La pathologisation. Il n’est pas rare que les aides et effets pervers les plus fréquents. Sinon la réflexion – c’est
les aidants polarisent uniquement sur les déficiences, le cas de la sociologie critique – produit à son tour des
les déficits, les « défauts » (défaillances, défectuosités) effets pervers. Elle incite, par exemple, professionnels et
du sujet à aider. En négligeant les potentiels, les décideurs à « jeter le bébé avec l’eau du bain ». C’est ainsi
ressources, les acquis, voire les atouts de l’aidé, l’ap- que les discours dénonçant « la stigmatisation-ségrégation »
proche déficitariste (ou défectologique) rend difficile servent aujourd’hui à justifier la non-intervention et l’in-
le déclenchement d’une dynamique positive. Celle-ci différence aux différences. La grande majorité des élèves
suppose qu’on prenne appui sur les points forts de qui relevaient hier des classes d’adaptation et de perfec-
celui qu’on aide. Si l’on ne prend en compte, pour le tionnement ne reçoivent plus (ou quasiment plus) d’aides
définir et pour l’aider, que ses manques et ses carences, actuellement, et celui qui propose des aides intenses ou
on se contentera le plus souvent de « gérer l’échec » une structure d’aide pour les élèves en grande difficulté de
au lieu de générer la réussite ; et l’on sera tenté de l’école primaire et du collège se voit aussitôt accusé d’être
« renvoyer » l’aide aux élèves en difficulté aux interve- « un agent de la stigmatisation-ségrégation » et un partisan
nants du secteur psychomédical ou de l’enseignement du retour aux « filières de relégation ».
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spécialisé ; Les élèves en grande difficulté « ont besoin » d’aides spé-


10. L’ambivalence. Certains enseignants sont à la fois cialisées supplémentaires et de mesures spécifiques : c’est
très demandeurs d’aides (et d’aidants) aux élèves en ce qui manque généralement, en élémentaire et au collège,
difficulté et très durs, parfois à la limite de la violence aux 15 % d’élèves qui passent en 6e sans maitriser les com-
et du rejet, dans la présentation de ces derniers. Les pétences de base de la lecture. Les aides spécialisées peu-
élèves aidés ont alors l’impression d’entendre un vent, certes, être inopérantes ou contreproductives, mais
double langage, de recevoir deux messages simultanés leur effet pervers n’est pas une fatalité : le déterminisme
et opposés : « Viens, on va t’aider, tu vas y arriver, tu n’existe pas plus dans l’échec de certains élèves que dans
dois y arriver » et « Tu es incapable d’y arriver, tu as l’échec de certains types d’aides.
trop de handicaps, trop de défauts ». Ils sont pris au
piège de l’injonction paradoxale : « Il faut de l’aide, Gérard Chauveau
c’est indispensable, voire urgent »… et « Ça ne servira Chercheur associé à l’INRP et au
à rien ». laboratoire ERTE, Paris V

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L’aide individualisée rattrapage un peu désespérante si elle consiste en une répé-


tition du cours. Seuls les élèves près de réussir peuvent en
tirer profit ; ceux qui sont en réelle difficulté y perdent leur
a-t-elle une légitimité ? temps et ne font que constater la profondeur de leur échec.
Pour essayer de donner un peu d’efficacité à ces séances
Pierre Madiot d’aide, il faut alors imaginer d’autres approches pédago-
giques – mais pourquoi ne pas les pratiquer pendant les
cours ? – ou s’intéresser aux raisons pour lesquelles l’élève
S’opposer à une conception de l’aide comme
n’entre pas dans l’apprentissage, au risque de « transgresser
ce lien éducatif que, dans sa classe, le professeur a établi quand
un palliatif qui permet de ne pas toucher aux
il s’est adressé au groupe entier plutôt qu’à chaque élève en
pratiques frontales traditionnelles, ce n’est pas pour
particulier. La tentation est grande pour l’élève, comme pour le
autant refuser qu’il y ait des temps d’aide. Mais maitre, de substituer à la douloureuse confrontation au savoir le
quelle est leur place à côté des autres moments réconfort d’une attention singulière qui se centre sur l’individu
d’apprentissage ? plutôt que sur la tâche à accomplir ».2
Voilà donc bien des raisons de contester la validité de
l’aide : peu efficace, stigmatisante, ambigüe, contradictoire,
Instaurés par les gouvernements de gauche, les dispositifs et pour finir, régressive dans la mesure où elle dispense de
d’aide individualisée ont été accueillis avec autant d’intérêt mettre en place des méthodes pédagogiques qui visent la
que de scepticisme. Dès leur mise en œuvre, les Cahiers réussite de tous.
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pédagogiques s’interrogeaient sur la pertinence d’insti- Faut-il alors rejeter tous les dispositifs d’aide au motif qu’ils
tutionnaliser un moment aussi particulier de la relation ont été conçus à l’intérieur d’un système qui privilégie une
pédagogique : pédagogie magistrale et élitiste ? La position adéquate,
« Dans la plupart des cas, soumise à l’emprise des matières, en effet, semblerait être de substituer à la pédagogie de la
l’aide individualisée fonctionne comme une sorte de remédiation réponse, qui induit le besoin d’une aide destinée à mettre
qui consiste à prescrire des traitements d’urgence à des élèves l’élève sur la voie, une pédagogie du questionnement dont
déficients. Cela ressemble à un aveu d’impuissance, puisque l’ambition est de fournir les éléments qui permettront à
alors il s’agit non seulement de rattraper en dehors du cours l’élève de construire son savoir. Plutôt qu’un dispositif
ce que le cours n’a pas réussi à faire, mais surtout de renoncer d’aide qui va se situer à côté du cours, il faudrait prati-
à mettre en place dans la classe une pédagogie qui prenne en quer une « pédagogie aidante ». Et tous les moyens mis
compte les difficultés des élèves. »1 en œuvre pendant le cours pour que l’élève s’empare du
Ces lignes écrites en juin 2000 à propos de l’aide indivi- savoir seraient alors considérés comme autant d’aides à
dualisée en seconde peuvent s’appliquer aujourd’hui aux l’apprentissage…
mesures d’aide que François Fillon veut généraliser et
qui prendront « la forme d’un horaire spécifique en groupes Plusieurs niveaux d’intervention
restreints. Le temps de travail des élèves sera aménagé de façon C’est, me semble-t-il, évacuer un peu vite la notion d’aide
à leur permettre à la fois de progresser dans les matières où en la diluant à l’excès. Quand le professeur réussit à mettre
ils rencontrent des difficultés, et de retrouver confiance en eux les élèves en mesure de s’approprier le savoir, il n’a pas,
en développant leurs aptitudes dans une matière où ils sont en en soi, pratiqué de « l’aide », il a tout simplement fait son
situation de réussite. Les itinéraires de découverte peuvent s’in- travail de pédagogue.
tégrer à ce dispositif ». Pour décrypter cet extrait du Rapport Par contre, il faut considérer que la complexité de sa tâche
annexé au Projet de loi d’orientation pour l’avenir de l’école, requiert des niveaux d’intervention qui ne peuvent se
il faut garder en mémoire les recommandations faites aux confondre. D’un côté, en tant que responsable du dispositif
enseignants de recourir aux méthodes traditionnelles qui, pédagogique, référent du savoir et représentant de l’auto-
puisqu’elles sont « éprouvées », sont incontestables. Si rité institutionnelle, l’enseignant s’adressera au groupe
l’élève ne réussit pas, c’est donc qu’il y met de la mauvaise dans son ensemble pour exposer un point de connaissance,
volonté ou qu’il a besoin d’une dose supplémentaire de ce expliquer une consigne, mettre en place une séquence
qui, en toute logique, n’a aucune raison de ne pas donner de travail. D’un autre côté, il créera des situations où les
de résultat. Le rattachement des itinéraires de découverte élèves se mettront en activité seuls ou en groupes et où il
à la notion d’aide en dit alors autant sur la représentation aura la possibilité de s’adresser à des individus particuliers
que le ministre et ses conseilleurs se font des dispositifs pour élucider un point, relancer une question, préciser une
porteurs de pédagogies actives, que sur leurs intentions de consigne, voire débloquer une difficulté.
les détourner. Du même coup, on voit aussi à quel point ces Il y a une différence de fond entre, d’une part, le moment
séances d’aide qui viendront se rajouter à l’horaire normal où l’élève, ne se distinguant pas du groupe, doit accepter
ne sont conçues que comme des annexes, à la périphérie de la distance qui le sépare du savoir à acquérir et de la tâche
la leçon magistrale où se transmet « le » savoir… à accomplir, d’autre part, le moment où il travaillera « seul
et sans aide », et enfin le moment où il entrera dans une
Moments d’aide ou pédagogie « aidante » ?
relation individualisée avec ses pairs ou avec le professeur
Il est légitime que, dans ces conditions, l’aide soit vécue pour confronter ses solutions et faire état de ses difficultés.
par les élèves comme une « punition » ou comme une stig- Ces différentes situations ont leurs spécificités et chacune
matisation et, par les enseignants, comme une séance de

1 Cahiers pédagogiques n° 385 « Comment faire avec les 2 Cahiers pédagogiques n° 385 « Comment faire avec les
réformes ? » ; « L’aide individualisée a-t-elle un sens ? ». réformes ? » ; « L’aide individualisée a-t-elle un sens ? ».
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70 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, octobre 2010 Utilisation commerciale interdite.
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d’elles peut faire l’objet de procédures systématisées. La complet de l’Aide au travail personnel (ATP), et prendre
dernière se distingue de la première par le type de relation connaissance de diverses approches utilisables.
que l’élève entretien avec le savoir, avec ses pairs et avec le
maitre : de collective, anonyme et distanciée, cette relation Un moment indispensable
devient individualisée, personnalisée et de proximité. On Non seulement cette aide est légitime, mais elle est néces-
parlera de « pédagogie différenciée » lorsqu’on prendra saire pour répondre aux difficultés des élèves, qui sont iné-
en compte les rythmes et les démarches particulières. On gales. Qu’elle ait lieu pendant les cours ou qu’elle nécessite
parlera d’« aide » quand il faudra l’intervention des pairs ou la mise en place d’un dispositif supplémentaire en dehors
celle du maitre pour (r) apporter un élément supplémen- de la classe, il faut la penser à l’intérieur d’un ensemble de
taire aux moyens et aux connaissances qui étaient censés moments pédagogiques qui, plutôt que d’entrer en contra-
suffire à chacun pour effectuer sa tâche. diction ou de constituer des sortes de solutions de secours,
Cette aide-là constitue un moment différent des autres doivent rester en tension. Le but est que la distance entre
phases de la situation pédagogique. Elle suppose un le savoir, le maitre et l’élève ne soit jamais ni trop grande ni
positionnement et un point de vue dont il faut prendre trop réduite pour amener chacun à adopter une posture de
conscience, des stratégies particulières, des outils spéci- recherche dynamique et autonome.
fiques et beaucoup de précautions. En plus des articles Dans ce cadre, l’aide individualisée, renforcée ou légère et
qui composent le présent dossier, il suffit par exemple passagère, prendra un tout autre sens que celle dont le but
de se reporter au précédent numéro paru en 1995, Aider est de rassoir l’autorité du maitre et de l’école en rejetant la
à travailler, aider à apprendre, pour avoir un aperçu assez raison des échecs sur les insuffisances ou sur la négligence
des élèves.
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Pierre Madiot

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Colloque des 25 et 26 octobre 2010


Ouverture

Des points d'appui Nous voudrions ici plutôt donner un écho de l’ultime table
ronde au caractère plus « politique » qui a réuni un pédago-
gue du CRAP, un associatif engagé, une syndicaliste et une
pour avancer élue, représentant la mairie du XXe arrondissement qui a si
bien accueilli ce colloque organisé en partenariat avec elle.
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Jean-Michel Zakhartchouk L'accompagnement, l'affaire de tous…


Christophe Paris, responsable de l’AFEV, cette association
qui mobilise 7 000 étudiants pour un accompagnement
Le colloque organisé par le CRAP-Cahiers
individualisé à de jeunes élèves dans toute la France, a vi-
pédagogiques les 25 et 26 octobre a été un franc goureusement dénoncé le marché de l’angoisse qui pousse
succès. Plus de deux-cents participants, et une grande tant de parents, y compris peu fortunés, à se tourner vers
diversité de regards et de témoignages autour de les officines privées, en utilisant d’ailleurs l’argent des
l’aide et l’accompagnement, thèmes centraux de ces contribuables puisque les heures payées permettent une
deux jours. réduction d’impôts. Pour l’AFEV, il ne s’agit surement pas
d’être concurrent de l’école, puisque les élèves accompagnés
sont repérés par les enseignants et que le principal objectif
des accompagnants est d’aider ces jeunes à retrouver cette
Une situation lourde d'inquiétudes… confiance en soi si souvent perdue. On ne fait pas mieux
On pourra lire dans les textes qui suivent, reprenant les apprendre que l’enseignant, mais on peut redonner un peu
interventions du colloque, bien des motifs de se désoler de d’envie d’apprendre…
la situation actuelle : les critiques acerbes de l’aide person- Anne-Charlotte Keller, maire-adjointe du XXe arron-
nalisée mise en place au primaire, par André Ouzoulias, le dissement, plaide pour une plus grande ouverture de
long et passionnant historique de l’aide à travers plus de l’école, et pour un véritable partenariat entre celle-ci et
cent ans de circulaires qui donnent parfois l’impression les collectivités territoriales. C’est en travaillant ensemble
d’être les Sisyphes de l’éternel recommencement, l’amer qu’on pourra mieux aider à la réussite des plus en diffi-
constat de Jean Houssaye selon qui « la pédagogie de cultés. C’est ce qui est fait dans l'arrondissement, comme
soutien » a tué la « pédagogie différenciée », la mesure de en ont témoigné des acteurs locaux dans les ateliers de la
la distance qui nous sépare de la Finlande et de son école veille (accompagnement à la scolarité, aide à la parentalité)
si préoccupée de prendre en charge très tôt les difficultés Il est important de montrer les enjeux politiques de ces
des élèves et n’oppose pas qualité de l’enseignement et questions d’accompagnement, qui doivent faire partie des
démocratisation. débats à venir pour les échéances électorales. Il s’agira de
…des pratiques innovantes malgré tout combattre la toute puissante idéologie libérale méritocrati-
que, de promouvoir une modification des rythmes scolaires
On pourra aussi y retrouver tous les motifs d’espérer, à tra- et d’être à l’écoute de ce que nous disent les recherches,
vers les témoignages positifs : le journal des apprentissages trop souvent méprisées par les politiques.
qui accompagne les jeunes écoliers d’un des quartiers les
plus populaires de Paris, l’engagement d’un lycée pro- Quelles conditions de la réussite ?
fessionnel autour de l’accompagnement personnalisé ou Michelle Olivier, du SNUipp, doute de l’efficacité du
encore ce que peut être un vrai travail d’équipe dans un dispositif d’aide personnalisée dans le primaire tel qu’il a
collège autour des PPRE ou du socle commun. Et on re- été mis en place, notamment dans le cadre de la semaine
trouvera la brillante « relecture » du colloque par notre amie de quatre jours. Elle s’indigne de ce que le ministère ait
Françoise Clerc pour qui l’accompagnement est peut-être déclaré qu’avec l’accompagnement, il s’agit de faire de
un bel héritier de la tradition de la pédagogie différenciée « l’Acadomia » pour les pauvres. L'essentiel aujourd'hui
et pour qui il y a là un nouveau paradigme à développer, serait d’abord de faire évoluer les pratiques dans la classe,
en lien avec la notion de compétence bien comprise et celle de donner des moyens pour la création de postes surnu-
de parcours. méraires qui permettraient d’intervenir à deux à certains

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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

moments, ou bien sûr de mieux former les enseignants à L’accompagnement peut bien être ce pansement qui aide à
cet accompagnement bel et bien indispensable. mieux supporter l’échec d’un trop grand nombre d’élèves
Patrice Bride, pour le CRAP, souligne combien tout ce qui (après tout, on a fait ce qu’on a pu !) ; il peut servir d’alibi au
est « soutien scolaire » interpelle l’école qui, certes, doit conservatisme pédagogique en donnant bonne conscience.
être son propre recours, mais ne doit pas prétendre tout Il peut être aussi un levier de changement, un aiguillon
régenter, tout s’approprier. On n’apprend pas qu’à l’école : qui nous aide à sortir de l’hypocrisie scolaire qui laisse
comment alors prendre en compte ces autres savoirs ? de côté tant d’élèves tout en laissant l’impression que « le
Comment faire de la réussite scolaire (et l’entrée dans programme a été fait » et que les plus faibles ont été aidés
la citoyenneté) l’affaire de tous ? Cela implique bien des (s’ils ont bien voulu l’être). L’accompagnement, nouvelle
transformations de l’école et un élargissement de la notion posture pour les acteurs de l’école, peut alors être orienté
de « compétences » : quelle maitrise donne-t-elle sur des vers une autre voie pour notre système éducatif en proie à
pratiques de la vie et pas seulement sur des connaissances la perte de sens et à l’accroissement des inégalités.
scolaires ?
Jean-Michel Zakhartchouk

À voir sur notre site


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Les échos du colloque avec un florilège de propos de participants


Rubrique L’actualité vue par le CRAP
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article7095

Quatre vidéos mises en ligne :


• le discours d’ouverture d’Anne-Charlotte Keller, adjointe au maire du XXe arrondissement ;
• la conférence de Jean Houssaye (extraits) ;
• la conférence de Jean-Paul Delahaye (extraits) ;
• l’intervention de clôture de Françoise Clerc (extraits).
Rubrique L’actualité éducative
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article7172

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Les conférences

Le triomphe de la différentes. Nous éviterons de remonter jusqu’à l’Antiquité


ou même au Moyen-Âge sur ce point, même si chacun se
souvient qu’à l’université les étudiants qui écoutaient les
pédagogie de soutien : mêmes maitres avaient des âges très différents et venaient
de cursus pour le moins diversifiés.
un trompe-l'œil ? Nous partirons plutôt des années 1830 qui signent la véri-
table organisation de l'école actuelle, particulièrement au
Jean Houssaye niveau du primaire1. Trois modes rentrent alors en concur-
rence, chacun à sa manière résolvant la réalité hétérogène
des élèves. Le mode dominant, classique, traditionnel, est
Le retour actuel vers la pédagogie de soutien,
nommé individuel. Il tient du préceptorat, mais comprend
tous les élèves rassemblés dans la même salle de classe,
l'appellation « accompagnement » recouvrant
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quels que soient leur âge et leur niveau. Le maitre enseigne


une multitude de dispositifs signe-t-il l'échec de
successivement à chaque élève individuellement en s’adap-
la pédagogie différenciée, et la suprématie de tant au niveau de chacun ; mais, comme pendant ce temps
l'enseignement simultané traditionnel ? il laisse les autres sans occupation, de l’avis général la mé-
thode est lente, peu efficace et, qui plus est, utilisée par des
maitres incompétents. Il convenait donc de la réformer et
Ce qui caractérise aujourd’hui la sphère pédagogique telle d’adopter des méthodes modernes. Qu’est-ce à dire ? Une
que les décisions politiques la dessinent, c’est l’empilement alternative se présente alors.
et le foisonnement des dispositifs. On peut y rencontrer Quoique ancien, puisqu’il a été codifié en 1720 par Jean-
l’aide individualisée, l’accompagnement éducatif, l’accom- Baptiste de La Salle, le mode simultané est peu présent
pagnement à la scolarité, les programmes personnalisés de en 1815, puisqu’il reste l’apanage des frères des écoles
réussite éducative, les programmes de réussite éducative, chrétiennes (5 % des élèves). Dans cette configuration,
les études surveillées, l’aide aux devoirs, le soutien, les trois frères se réunissent pour ouvrir une école d’une cen-
stages de remise à niveau pendant les vacances, l’accompa- taine d’enfants, qu’ils répartissent en groupes de niveau.
gnement individualisé, etc. Comment se reconnaitre dans Chaque frère enseigne simultanément la même chose au
cette exubérance pédagogique ? En saisissant les principes même moment à l’ensemble des enfants de sa classe ; les
de ces dispositifs. Or, il s’agit de ne pas se tromper : l’es- élèves sont donc constamment occupés à la même chose
sentiel est ailleurs et se nomme enseignement simultané. selon la seule ordonnance du maitre et les résultats s’en
Dans le même temps, curieusement, la notion de diffé- ressentent.
renciation, omniprésente dans les discours pédagogiques Mais voici qu’importé d’Angleterre et introduit en 1815, le
récents, apparait de moins en moins. On peut toujours, mode mutuel séduit la France, ne serait-ce que parce qu’il
dans ce cas, faire l’hypothèse qu’on assiste à une simple semble adapté à la triste situation de manque d’enseignants
substitution de termes, sans modification en profondeur du compétents. Il consiste à regrouper plusieurs dizaines ou
champ de références pédagogiques, dans un mouvement de centaines d’enfants dans une seule grande salle, à les diviser
continuité qui exige que se consument les termes pour que en groupes de niveaux-matières (de telle sorte que chaque
l’innovation perdure et soit acceptée. Nous ferons plutôt enfant peut être dans un groupe différent selon qu’il s’agit
l’hypothèse suivante : nous assistons au grand retour de de lecture, d’écriture, de calcul, etc.), à confier chaque
la pédagogie de soutien dans un mouvement qui signe la groupe à un moniteur (un enfant plus avancé et instruit
mort de la pédagogie différenciée en tant que référence préalablement par l’enseignant), à installer le maitre sur
dominante. Voilà ce que nous voudrions établir, d’abord en une estrade et à lui faire transmettre des ordres aux élèves
rappelant l’évolution historique de la gestion de l’hétéro- par le relai des moniteurs.
généité, ensuite en définissant la nature de la pédagogie de Comme l’explique très bien Christian Nique, dans la
soutien, enfin en analysant le sens de son retour actuel. conjoncture politique de l’époque qui visait à substituer
Survol pédagogique de la gestion de l’hétérogénéité l’État à l'église dans le secteur de l’éducation, l’enseigne-
ment mutuel aurait dû l’emporter. Or il n’en fut rien : à
Le fait que tous les élèves ne soient pas au même niveau
partir de 1830, Guizot, ministre de l’Éducation, fit le choix
n’entraine pas que des élèves ne soient pas au niveau, ni
du mode simultané et eut ainsi une influence décisive,
même que l’on crée des niveaux dans la structure scolaire.
notamment en imposant des manuels et en créant un corps
Dit autrement, la question des différences entre les élèves
d’inspecteurs d’État : « Loin d’être un accident de l’histoire,
a toujours été un fait : l’hétérogénéité cognitive n’a cessé
le dispositif scolaire mis en place pour la généralisation de
de s’imposer dans les classes, même si l’hétérogénéité so-
ciale et l’hétérogénéité culturelle, elles, ont eu des statuts
1 Claude Lelièvre, Histoire des institutions
variables à l'école. Mais ce fait a été géré de manières très scolaires, 1789-1989, Nathan, 1990.
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l’instruction primaire en France en ce début du XIXe siècle L’essence de la pédagogie de soutien


est en réalité l’application d’un programme politique qui Il arrive en effet un moment où l’enseignement simultané,
vise à mettre l'école au service de l’État, et qui convient qui s’est donc imposé historiquement comme la solution
si bien, semble-t-il, à nos choix politiques fondamentaux pour traiter l’hétérogénéité des élèves, et qui doit prendre
qu’il sera adopté sans subir de modification majeure par en compte aussi bien l’hétérogénéité cognitive que l’hé-
tous les régimes qui se sont succédé jusqu’à aujourd’hui : la térogénéité culturelle et l’hétérogénéité sociale, apparait
monarchie constitutionnelle, l’empire et la république »2. lui-même comme la cause de l’hétérogénéité dans la classe.
Certes le coup d’arrêt donné à l’enseignement mutuel Le fait de dispenser le même enseignement à l’ensemble
ne fut pas général ni immédiat, mais, peu à peu, le mode des élèves (programmes, rythmes, âges, cursus identiques)
simultané en vint à devenir la référence. produit à son tour de l’échec scolaire et ne permet surtout
Jules Ferry ne fit que se servir en le magnifiant de l’outil pas de répondre à un tel échec. Il devient ainsi indispen-
scolaire qu’avait élaboré Guizot cinquante ans plus tôt et sable, pédagogiquement, d’introduire de l’hétérogénéité
que Duruy et Gréard avaient maintenu et développé. Le au sein des pratiques de chaque classe. La pédagogie de
mode simultané échappa aux frères des écoles chrétiennes soutien est chargée d’y répondre.
et devint républicain. L'école primaire a trois niveaux : Il est important de remarquer que cette pédagogie va deve-
cours élémentaire, cours moyen, cours supérieur (le cours nir centrale, sur la scène pédagogique, quand l’Éducation
préparatoire sera officialisé en 1923 par Paul Lapie et nouvelle et la pédagogie non-directive vont refluer, et sur
n’aura auparavant qu’une existence officieuse, soit à l'école la scène de l’institution scolaire, quand les différences
primaire, soit à l'école maternelle). Qui plus est, les grandes institutionnelles et organisationnelles du système scolaire
lois scolaires de 1870 réintégrèrent dans la justification de vont se réduire singulièrement. Suivant ici fidèlement les
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l'école la grande révolution de 1789, la théorie de l’élitisme travaux de Wittmann3, nous attribuerons la naissance ins-
républicain et la conjonction de la prééminence de la rela- titutionnelle de cette pédagogie à la loi du 11 juillet 1975
tion du savoir et du maitre. On comprend d’autant mieux qui voit le ministre Haby instaurer le collège unique. On
la force et la symbolique du mode simultané. N’oublions peut penser que la pédagogie de soutien est l’innovation
pas que dans son fonctionnement, il semble rejoindre la pédagogique qui a et qui a eu le plus de succès (au niveau
pédagogie des lycées qui, sous l’influence des jésuites puis des pratiques) tant à l'école qu’au collège ; elle est devenue
de Napoléon, est déjà organisée en classes simultanées. aujourd’hui officialisée dans les lycées par l’introduction
Autrement dit, le primaire rejoint la pédagogie du secon- de deux heures intégrées d’aide aux élèves.
daire. De quoi s’agit-il ? Dans un système simultané régi par
Mais comment l’enseignement simultané gère-t-il les l’homogénéité et qui requiert cette dernière pour pouvoir
différences ou l’hétérogénéité ? D’abord il les justifie par fonctionner, quand la population d’élèves de chaque classe
l’égalité des chances : l'école pour tous est donnée à tous (le apparait hétérogène, ce qui est d’autant plus logique que
même savoir, les mêmes maitres), tant et si bien que les iné- l’hétérogénéité est devenue la règle de constitution des
galités ne relèvent pas du fonctionnement de l’institution, classes, il devient indispensable de prendre en compte et
mais des individus eux-mêmes dans leur investissement de traiter ces hétérogénéités au sein de la classe elle-même,
scolaire. Ensuite, il a tendance à mettre en place des cir- afin de rétablir l’homogénéité indispensable à l’ordre pé-
cuits de distribution des élèves parallèles ou hiérarchisés dagogique « normal ». Haby supprime les filières au sein
(le primaire et le secondaire, le public et le privé, le général du collège, introduit l’hétérogénéité des élèves au sein de
et le technique, le général et le professionnel, le classique chaque classe tout en maintenant un mode simultané qui
et le moderne, le moderne long et le moderne court, les suppose l’homogénéité, et impose un dispositif de réduc-
filières, les options, les langues, les cycles, les ZEP et les tion et de traitement de cette hétérogénéité des publics par
SEGPA, l’intégré et l’apprentissage, les CLIS, les classes- l’intermédiaire de la pédagogie de soutien.
relais, etc.). Bref, tout un système est mis en place qui Si l’on suit les divers textes ministériels qui se réfèrent au
permet de distribuer les élèves différents dans des circuits soutien, on voit se dessiner une carte de cette pédagogie. Le
hétérogènes entre eux, mais plus homogènes dans chacun. public ? Les élèves en difficulté, « lents », d’origine socio-
Enfin, il réduit l’hétérogénéité interne de chaque classe par culturelle défavorisée. Les finalités ? L’égalité des chances,
un dispositif régulateur chargé d’assurer une homogénéité la lutte contre l’échec et le redoublement, la compensation
de fonctionnement au nom de tous : notes, classements, re- de tout « handicap », l’atteinte des objectifs pour tous. Les
doublements, non-présentation aux examens, etc. L’ordre moyens ? La reprise des apprentissages de base en français
du même doit l’emporter : la même classe, le même maitre, et en mathématiques, en petit groupe ou en aide indivi-
les mêmes contenus, les mêmes élèves. L’enseignement dualisée, didactique et méthodologique, l’organisation de
simultané suppose le maintien et la succession du même groupes de niveau. L’initiateur ? L’enseignant. L’effectif ?
dans l’ordre de l'école. Il gère les différences en renforçant Un groupe restreint. Le temps ? L’aménagement de
les similitudes. D’une certaine manière, il exclut le plu- moments particuliers pendant ou en dehors de l’horaire
ralisme dans la classe pour le renvoyer sur l’organisation scolaire habituel.
du système scolaire. Mais que faire quand cette dernière,
au nom par exemple de la lutte contre les inégalités ou En fait, cette même pédagogie de soutien s’inscrit dans un
encore au nom de l'école unique, réduit sa gestion externe ensemble de dispositifs d’aides mis en place en faveur des
de l’hétérogénéité et tend à la renforcer au sein de la classe enfants en difficulté scolaire, dispositifs qui, tous, utilisent
elle-même, sachant que le mode simultané est fondé sur le la notion de soutien. Il peut s’agir d’aides apportées au sein
principe contraire ? Car supposer l’homogénéité est une de la classe « normale » (continuité pédagogique, projet
chose, la vivre en est une autre.
3 Hélène Wittmann , « La Pédagogie de soutien vingt ans après ».
2 Christian Nique, Comment l'école devint une affaire d’État, Nathan,1990. Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, CERSE, 1, 1987.
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d’action éducative, projet d’école, cycles pédagogiques), à un très grand avenir : « La pédagogie de soutien est une
d’aides dispensées dans des structures particulières pédagogie réparatrice d’une pédagogie traditionnelle qui
(classes expérimentales, classes de perfectionnement, propose une aide ponctuelle à ceux qui éprouvent des
zones d’éducation prioritaire), d’aides complémentaires de difficultés, susceptible d’améliorer leurs résultats scolaires.
l’enseignement (études du soir, groupes d’aide psychopé- Elle est aussi une pédagogie de la compensation, car elle
dagogique), de projets de restructuration de l’organisation s’adresse à un public "défavorisé", veut pallier tous les
scolaire (aménagement des rythmes scolaires, projets "handicaps" et réduire les inégalités grâce à la remédiation.
d’école, décentralisation, évaluations nationales à certains Pour les praticiens, la pédagogie de soutien constitue la
niveaux pour favoriser les activités de remédiation). seule pédagogie praticable et pratiquée en classe dans le
De même, la pédagogie de soutien croise de nombreuses domaine de l’aide aux élèves, même si l’efficacité relative
autres formes pédagogiques et semble souvent cheminer et partielle n’échappe pas à l’initiateur de ces actions qui,
de concert avec elles. Mais elle a bel et bien une spécificité, pourtant, n’envisage pas un système d’intervention ». Dit
ne serait-ce que par ce qui la différencie de chacune d’elles. brutalement : la pédagogie de soutien a comme fonction
Elle va beaucoup moins loin que l’Éducation nouvelle première de soutenir la pédagogie traditionnelle dans le
par la place accordée à l’enfant à l’intérieur du système cadre du mode simultané. C’est là son charisme.
scolaire : pour elle, l’enseignant repère les difficultés, pré-
La fin de la pédagogie différenciée, le
voit les séances, organise les contenus et évalue ; pour
retour de la pédagogie de soutien
l'école active, c’est l’enfant qui construit ses connaissances.
Contrairement à la pédagogie par objectifs, elle ne possède Ce n’est pas dire que la pédagogie de soutien ne fait rien ni
pas un dispositif précis et conserve un certain flou quant n’a aucun effet. Faisant appel à des compétences certaines,
elle entraine le praticien dans une démarche de recherche
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aux moyens à envisager. En désaccord avec la pédagogie


différenciée, la remédiation de la pédagogie de soutien a de solutions, témoin de la bonne volonté de l’adulte, sans
pour but d’amener l’élève à un niveau qui lui permette de toutefois bouleverser le fonctionnement en place (les pro-
suivre de nouveau l’enseignement collectif avec profit. grammes, la prédominance du cognitif, le rôle central du
maitre). Elle se présente comme réparatrice des perturba-
Face à la pédagogie traditionnelle, la pédagogie de soutien tions apportées au mode simultané et permet à ce dernier
prône l’égalité des individus sans se contenter de l’éga- de rester le cadre dominant de l’ordre scolaire. C’est jus-
lité des chances, la réussite de tous et non pas seulement tement ce que mettait en cause la pédagogie différenciée,
celle des meilleurs, la compensation et non exclusivement qui veut mettre l’élève au centre (et non plus la classe). Il
l’élitisme. Alors que le courant non-directif s’attache à la est tout de même étonnant que ceux que l’on peut consi-
personne et à la relation, recherche la croissance optimale dérer comme les grands réformateurs du système scolaire
et veut améliorer les capacités individuelles et sociales, la secondaire des années 80-90, à savoir Legrand sous Savary
pédagogie de soutien (au moins dans ce qu’elle annonce) (on pourrait lui adjoindre de Peretti) et Meirieu sous Al-
se focalise sur les performances scolaires et adopte plutôt lègre, se trouvent être les principaux représentants de la
un comportement de didacticien dont le principal souci pédagogie différenciée et que, alors qu’ils proposent des
consiste à améliorer l’efficacité des apprentissages cognitifs. modifications référées à la différenciation pédagogique, ce
Enfin, même si les intentions pédagogiques semblent iden- qu’ils récoltent, au mieux, c’est une mise en œuvre et une
tiques, la pédagogie de soutien ne fait pas les mêmes choix reconnaissance de la pédagogie de soutien.
que la pédagogie de maitrise : elle reste liée à l’égalité des
chances plus qu’à l’égalité des résultats, et elle n’incorpore La pédagogie différenciée est bel et bien une remise en
pas une démarche rigoureuse et opérationnelle soucieuse cause et une subversion du mode simultané. Elle est plutôt
de rationalisation (pré-requis, critères, évaluation, remé- au croisement du mode individuel, pour ce qui est du suivi
diation). Autrement dit, même si la pédagogie de soutien des élèves par l’enseignant, et du mode mutuel, pour ce qui
se présente comme un vaste ensemble de pratiques puisant est de la constitution des groupes dans la classe. Quant aux
aux différents courants que nous venons de croiser, elle références pédagogiques, elles s’inscrivent en continuité de
n’en a pas moins une logique et une spécificité pédagogique l’Éducation nouvelle, qui avait justement fondé sa spécifi-
qu’il convient de reconnaitre. cité sur l’individualisation et la diversification dans la classe
(on se souviendra que c’est Adolphe Ferrière qui préface la
Mais qu’en est-il dans les faits ? Il apparait qu’elle est très grande thèse de Henri Bouchet sur l’individualisation de
présente aussi bien à l'école élémentaire qu’au collège, l’enseignement en 19344), et les pédagogies par objectifs et
et maintenant au lycée et dans le supérieur (par exemple de maitrise, qui servaient de référence opératoire et ration-
avec la généralisation du tutorat dans le plan réussite en nelle dans la mise en place du déroulement pédagogique
licence). Prioritairement, elle permet de reprendre les (articulées à l’évaluation formative, qui nait aux États-Unis
apprentissages de base à l’aide d’un surplus de temps et à la fin des années soixante et arrive en France au milieu
d’explications destiné aux élèves en difficulté, à l’aide de des années soixante-dix). Un peu comme si l’Éducation
la répétition des éléments du programme jugés indispen- nouvelle avait fourni les intuitions, mais en était restée à des
sables à acquérir, les élèves « faibles » devant rattraper les pratiques un peu brouillonnes, tandis que la pédagogie de
autres pour profiter de l’enseignement collectif dispensé maitrise fournissait une méthodologie pédagogique assurée
par ailleurs. C’est une pédagogie du rattrapage et... de au service de la réussite de tous; lee tout semblant s’inscrire
la bonne conscience. Au fond, les enseignants aiment la dans la tendance socialiste volontariste de l'école unique et
pédagogie de soutien, parce qu’elle permet de maintenir du plan Langevin-Wallon et faire écho aux revendications
une pratique traditionnelle dans le cadre simultané, tout d’un GFEN par exemple qui, dans les années cinquante,
en ayant fait quelque chose dont on sait que ce n’est pas
suffisant quant aux résultats, mais que c’est satisfaisant en
4 Henri Bouchet, L’Individualisation de l’enseignement :
termes de couts et d’intentions. À ce titre, elle est promise l’individualité des enfants et son rôle dans l’éducation, Alcan, 1934.
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appelle à conjuguer démocratisation et différenciation (en par nature, trouveront la solution dans la pluralité : plura-
donnant plus à ceux qui ont moins). lité des maitres, des rythmes, des groupements, des formes
Ce n’est pas pour rien non plus que cette pédagogie dif- d’évaluation. La différenciation pédagogique vise l’amélio-
férenciée s’adresse en priorité au secondaire. Elle relaie la ration de l’élève et amène l’adulte à gérer les apprentissages
volonté idéologique et politique de l'école unique, qui s’est en fonction de la singularité des apprenants. Elle prend en
d’abord adressée à l'école primaire et qui est maintenant compte les acquis réels des élèves, leur fonctionnement,
le fait du secondaire à travers le collège (cf. le débat sur adapte les temps d’assimilation et les contenus. L’homogé-
la culture commune), devenu la structure essentielle et néisation des structures scolaires tend à rendre nécessaire la
problématique de la démocratisation de l’enseignement différenciation des stratégies, afin de gérer l’hétérogénéité
(« Est-il possible d’enseigner dans un même établissement, des situations de la classe simultanée.
dans les mêmes classes, des élèves ayant des niveaux intel- Et pourtant, la pédagogie différenciée, modèle de réno-
lectuels et affectifs différents ? Est-il possible de mélanger vation pédagogique dominant des années 80-90, n’a pas
sur les mêmes bancs — comme on disait au début de l'école réussi à s’imposer et ne réussit toujours pas à le faire. Elle
publique — les enfants des prolétaires et les enfants des se heurte à plusieurs obstacles qui font que, au besoin sous
bourgeois ? »5). Ce qui signifie que la gestion externe de couvert de pédagogie différenciée ou à tout le moins sous
l’hétérogénéité des élèves, tant par l’institution que par couvert de prise en compte des différences, c’est la péda-
l’organisation scolaires, se réduit très sensiblement, rendant gogie de soutien qui s’impose une nouvelle fois et entre
plus visible et plus difficile l’hétérogénéité dans la classe. Or, en œuvre. Le premier de ces obstacles tient à la pédagogie
le mode simultané régit le secondaire : tous les élèves d’une différenciée elle-même : elle apparait particulièrement
même classe se voient proposer au même rythme le même complexe et a tendance à décourager tout nouvel adepte par
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contenu découpé en disciplines assurées, chacune, par un le nombre de facteurs à prendre en compte ; elle apparait
enseignant. Il est donc stipulé que l’apprentissage doit se comme nécessairement technique et ne semble pas sup-
dérouler à l’identique pour tous dans toutes les disciplines, porter l’improvisation ; elle apparait comme dépendante
au même moment. Seulement, les régulations internes ne d’outils appropriés qui ne sont pas vraiment disponibles ou
semblent plus suffire (notes, classements, redoublements) accessibles. Ce qui signifie que souvent les intentions et les
et l’échec scolaire d’un bon nombre d’élèves devient telle- intuitions n’ont pas été relayées par une instrumentation
ment patent au sein des classes que l’objectif lui-même de adéquate et maniable. Sans parler du fait que, parfois, elle a
la même école pour tous ne semble plus tenir. débouché sur une batterie de moyens pédagogiques dont le
La pédagogie différenciée, prenant en compte les diffé- mode d’emploi était propice à décourager le non-spécialis-
rences entre les élèves d’une même classe, se propose de te. La tendance sera la même pour l’évaluation formative :
reconnaitre ces différences, de les estimer légitimes, de notion séduisante, concept introuvable, elle se révèlera très
se fonder sur elles pour assurer l’ordre de l’apprentissage difficile à pratiquer, car elle décuple le temps de travail
dans la classe. Il ne s’agit donc plus de réduire l’hétérogé- pour un résultat trop souvent décevant. Tant et si bien que,
néité, mais de l’agir par la pédagogie. Nous sommes bel dans bien des cas, l’enseignement général s’est rétracté et
et bien à l’opposé des principes du mode simultané. La qu’il a laissé la formation professionnelle et l’enseignement
différenciation prendra ainsi des formes différentes, mais technique poursuivre la démarche d’élaboration, de recon-
complémentaires : différenciation des processus d’appren- naissance et de justification de cette pédagogie.
tissage d’abord (styles cognitifs, ancrages cognitifs diffé- Le second obstacle relève de la force de la tradition éduca-
rents, outils et démarches d’apprentissage et de guidage), tive. Cette conjonction historique, que nous avons repérée
différenciation des contenus d’apprentissage ensuite (types entre la forme scolaire et le mode simultané, s’est effacée
d’objectifs, programmes noyaux, activités transversales), au profit d’une « évidence » d’un ordre scolaire naturel,
différenciation des structures enfin (groupes de niveau- normal, logique. Qui plus est, cette normalité pédagogique
matière, groupes de besoin, cycles pédagogiques). De s’est agrégé un ensemble de justifications idéologiques qui
façon perspicace, Meirieu a bien vu que l’obstacle à lever vont s’enraciner dans les Lumières, la révolution de 1789
tenait au mode simultané : « En ce sens, et pour plagier et l’instauration triomphante de la IIIe République. On
une formule célèbre, on pourrait définir l'école à construire conviendra qu’un tel poids est de nature à provoquer une
comme l’association d’ateliers diversifiés et du tutorat sys- naturalisation d’une méthode d’enseignement qui la donne
tématique : des ateliers diversifiés utilisant tous les outils facilement comme éternelle et juste. Toujours est-il que
dont nous disposons, toutes les richesses de l’équipe en- l’ancrage dans le processus « enseigner » traverse le champ
seignante, mais aussi de l’environnement scolaire et social ; de l'école de façon privilégiée… et discutable7.
et du tutorat systématique pour que chaque élève puisse Le troisième obstacle tient à la nature du changement re-
identifier son niveau, se fixer des objectifs, réfléchir à ses quis par la pédagogie différenciée : elle suppose un passage
méthodologies, évaluer ses acquisitions »6. du processus « enseigner » au processus « apprendre ». Ce
Il faut donc renoncer au mode simultané. La pédagogie qui relève d’une modification du paradigme de référence.
différenciée globalise l’approche de l’hétérogénéité dans la Le mode simultané est basé sur une pédagogie de l’ensei-
classe et, en même temps, en fait une valeur au lieu d’y gnement. Le rapport « maitre-savoir » est premier et l’ap-
voir une réalité à réduire. Face à l’hétérogénéité du public propriation du savoir par l’élève dépend directement de ce
scolarisé, la pédagogie différenciée promeut avant tout le rapport. L’identité du savoir maitre ou du maitre-savoir
respect des différences et la possibilité pour chacun de fait que les élèves sont traités de manière identique, hors de
recourir à des stratégies personnelles. Les élèves, différents toute différence, et que leur acquisition du savoir ne peut
dépendre que de la conduite similaire pour tous du maitre
5 Louis Legrand, L'École unique : à quelles conditions ?, Scarabée, 1981. 7 Jean Houssaye (dir.), La Pédagogie : une
6 Philippe Meirieu, Apprendre... oui, mais comment ?, ESF 1987. encyclopédie pour aujourd’hui, ESF, 1993.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

détenteur. Les élèves étant censés équivalents et le savoir d’éducabilité et tentent de favoriser une intervention en
étant identique sous le traitement commun du maitre, faveur de tous, aux dépens de la fatalité de l’échec. Les
on ne voit pas pourquoi la différenciation serait légitime, deux pédagogies s’accordent également sur un possible
puisque l’ordre scolaire semble tout faire pour l’exclure. Le recours à d’autres pédagogies, avec l’idée que les pédago-
processus « enseigner » prétend rendre anormal tout écart. gies se complètent et qu’il est indispensable d’intégrer des
À l’inverse, le processus « apprendre » considère que le méthodes diverses et variées pour faire progresser tous les
rapport élève-savoir est premier et qu’il est par définition enseignés. Mais, comme nous l’avons vu, un tel accord sur
propre et problématique. Ce n’est donc pas le maitre qui les intentions et sur certaines modalités d’action ne peut
fait apprendre, c’est le maitre qui doit permettre à l’élève cacher le fossé fondamental entre elles : pour la pédagogie
d’apprendre. Appuyées d’abord sur la psychologie du dé- de soutien, la remédiation a pour but d’amener les élèves
veloppement, ensuite sur la psychologie de l’apprentissage, à un niveau qui leur permette de suivre l’enseignement
enfin sur la psychologie cognitive, les pédagogies de ce type collectif avec profit ; pour la pédagogie différenciée, l’hété-
fondent l’ordre scolaire sur l’apprentissage différencié ou rogénéité est préalable, normale et pédagogiquement apte
individualisé des élèves. L’Éducation nouvelle, l'école à combattre l’échec scolaire.
moderne, la pédagogie de maitrise, le travail autonome, la
Changer pour ne pas changer
pédagogie différenciée appartiennent à ce paradigme. C’est
là une véritable révolution pédagogique qui brise les canons Et c’est ainsi que la pédagogie de soutien, jouant de ses
du mode simultané. On passe d’un processus qui érige le ressemblances avec la pédagogie différenciée, est ac-
rapport maitre-savoir au centre du système éducatif à un ceptable comme mode de régulation du mode simultané
processus qui lui substitue le rapport élève-savoir. de l’ordre scolaire. Ce dernier prouve ainsi qu’il évolue,
qu’il innove, qu’il répond à ses difficultés, qu’il cherche
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Sur ces bases, en prenant en compte cette identification à résoudre ses contradictions, sans avoir à se remettre en
historique du mode simultané et du processus d’enseigne- cause radicalement. Le mode simultané fait la loi à l'école,
ment, on peut comprendre que tout changement radical fait la loi de l'école. La pédagogie de soutien lui sert d’aide
de processus pédagogique se heurte à des obstacles, à des et de justification, elle apparait comme la solution dans
intérêts et à des justifications toutes prêtes et toutes faites. l’innovation, elle se donne comme la forme du changement
Ce qui signifie que, devant les difficultés, autant l’aména- acceptable. Elle se nourrit même des solutions radicales qui
gement est tolérable, autant la mutation ne l’est pas. Or, remettent en cause la pédagogie de l’enseignement. Grâce
la modification ne peut être progressive ou rampante, elle à elle, la pédagogie différenciée, alors qu’elle s’était posée et
ne peut être que radicale ou manifeste. Une fois installé développée comme une tentative de renversement au nom
dans un processus, on ne peut en sortir de l’intérieur ; on d’une pédagogie de l’apprentissage, en arrive à entretenir
reste toujours tributaire de sa logique ; le changement ne la domination du seul mode simultané. L’institutionnalisa-
peut s’opérer qu’en s’établissant d’emblée dans un autre tion du soutien signe la mort de la pédagogie différenciée.
processus : les logiques des processus sont ainsi exclusives Elle est le signe de l’échec de cette dernière à s’imposer
et non complémentaires. Ce qui signifie qu’il est illusoire comme ordre scolaire. Les réformateurs pédagogiques,
de croire pouvoir implanter la pédagogie différenciée dans promoteurs et partisans de la pédagogie différenciée,
le processus d’enseignement, c’est-à-dire dans le mode se retrouvent réduits à adapter le mode simultané en lui
simultané. Les principes de base sont opposés et la intégrant la pédagogie de soutien. Ce qui n’a pas empêché
conciliation n’est pas possible. Pour agir, il faut choisir. qu’ils subissent de très nombreuses attaques d’une violence
La pédagogie passe par l’action. Et l’action requiert de la qui ne cesse d’étonner... Décidément, si éduquer est déjà
cohérence. Même si toute cohérence suppose des limites un métier impossible, changer l’éducation relève du tour
dans les facteurs pris en compte et entraine le deuil d’un de force. Grande est la vertu de ceux qui s’y attachent.
certain nombre de dimensions.
S’il faut choisir entre mode simultané et pédagogie
Jean Houssaye
différenciée, que vient faire la pédagogie de soutien dans
Sciences de l’éducation, université de Rouen – CIVIIC
cette histoire ? Elle relève de la stratégie d’adaptation d’un
processus dominant. En effet, un processus se maintient
si l’axe central, tout en s’imposant comme premier, Bibliographie
laisse suffisamment de place et de jeu aux processus exclus.
Autrement dit, le processus « enseigner », pour se maintenir, Linda Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud
continuer à dominer et se donner comme satisfaisant, doit (dir.), L’Évaluation formative dans un enseignement différen-
tolérer en son sein certains aspects du processus « appren- cié, Peter Lang, 1979.
dre » et se régénérer par lui. C’est pourquoi le mode simul- Daniel Hameline, Les Objectifs pédagogiques en formation
tané, pour résoudre ses contradictions (et on a vu qu’elles initiale et continue, ESF-EME, 1979.
sont de plus en plus flagrantes du fait de la diminution de Jean Houssaye, Les Valeurs à l'école, PUF, 1992.
l’hétérogénéité institutionnelle et organisationnelle), doit
inclure certains éléments du processus « apprendre » en les Louis Legrand, La Différenciation pédagogique, Scarabée,
mettant à son service, sans les laisser devenir dominants et 1986.
contradictoires. La pédagogie de soutien est là pour inté- Louis Legrand, Les Différenciations de la pédagogie, PUF,
grer au mode simultané certaines vertus de la pédagogie 1995.
différenciée, sans lui permettre d’opérer le renversement Philippe Meirieu et coll. Différencier la pédagogie. Pour-
radical qu’elle suppose. quoi ? Comment ?, CRDP Lyon, 1985.
Les actions mises en place tant pour la pédagogie de soutien André de Peretti, Pour une école plurielle, Larousse,
que pour la pédagogie différenciée s’attachent au principe 1987.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

Une longue histoire L’aide aux élèves dans les circulaires


de rentrée depuis 2001
La lecture des circulaires de rentrée des dix dernières
Jean-Paul Delahaye années permet de relever un certain nombre d’indices des
politiques engagées à travers le vocabulaire employé.
On observe ainsi (tableau 1) que « soutien », mot très utilisé
Quelques repères historiques à travers les textes
comme on va le voir dans les années 1970 et 1980, l’est en-
officiels depuis 1880, mettant en valeur la multiplicité core aujourd’hui, notamment depuis sa réapparition dans
des dispositifs, un certain psittacisme pas toujours l’accompagnement personnalisé mis en place récemment
efficace de l'institution. D'où il ressort des points au lycée professionnel et au lycée d’enseignement général
incontournables : la mission des enseignants et leurs et technologique. Les études surveillées ne sont plus men-
obligations de service ; la nécessité d'une approche tionnées, les études dirigées seulement deux fois en 2007.
pédagogique globale. L’enseignement par modules, de toute façon abrogé par
l’arrêté de janvier 2010, n’apparait plus depuis la circulaire
de rentrée 2009. Le mot « consolidation », très utilisé au
milieu des années 1990, est quasi absent, de même que
« Les enfants dont on doit désespérer sont bien rares ». « remise à niveau », expression utilisée aujourd’hui pour
Eugène Brouard, Charles Defodon, Inspection les stages organisés en dehors du temps scolaire. Le tutorat
des écoles primaires, Hachette, 1875, p. 85. réapparait en 2010 pour les lycées.
« L’aide » aux élèves est par contre très présente (111 oc-
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

currences en dix ans), suivie de loin par le mot « accompa-


gnement » (51 occurrences). On constate deux poussées de
En introduction de mon propos, et pour que chacun puisse ces mots, en 2001 et 2010, année où « l’accompagnement »
bien mesurer le sens de l’évolution historique que je vais fait jeu égal avec « l’aide », mais avec une distinction très
brosser à grands traits, je crois utile de faire un point rapide nette : en 2010, « l’aide », qualifiée de « personnalisée »
sur l’état actuel de l’aide aux élèves telle qu’elle apparait concerne le premier degré, « l’accompagnement » qualifié
dans les dix dernières circulaires de rentrée. lui aussi de « personnalisé » est invoqué pour le second de-
gré. Quant au mot « approfondissement », sa quasi-absence
traduit bien ce que signifie « l’aide » aux élèves dans notre
système éducatif, qui est presque uniquement de l’ordre de
la remédiation.

Tableau 1
Évolution du vocabulaire de l’aide dans les dix dernières circulaires de rentrée
Nb d’occur rences 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Aide 24 17 7 4 10 7 5 20 17 111
Accompagne- 13 2 2 4 6 2 2 4 16 51
ment
Soutien 2 4 4 3 2 3 2 3 23
Ens. modulaire 5 3 2 1 1 1 13
Remise à niveau 1 1 1 1 1 5
Consolidation 1 1 1 3
Tutorat 2 1 3
Appronfondisse- 2 2
ment
Études dirigées 2 2
Travail di rigé 1 1
Études sur-
veillées

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Tableau 2
Évolution des qualificatifs utilisés pour l’aide aux élèves
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Différencié(e) 3 3 1 1 1 9
Individualisé(e) 11 4 5 3 2 3 3 3 34
Per sonnalisé(e) 3 3 2 3 4 4 4 14 15 52

Si l’on observe à présent (tableau 2) les qualificatifs utilisés mot pour l’autre sans qu’on sache vraiment si cela corres-
pour caractériser la démarche d’aide aux élèves, on ne peut pond à une réalité différente.
qu’observer que la différenciation pédagogique au sein des N’a-t-on pas, successivement, de l’accompagnement
classes est très peu présente dans les récentes circulaires de individualisé et personnalisé, de l’aide individualisée et
rentrée, et que le terme « personnalisé » prend le dessus sur personnalisée, du soutien personnalisé et individualisé, du
le mot « individualisé ». suivi individualisé et personnalisé ? Par exemple, dans la
circulaire de rentrée 2009, le vocabulaire est pour le moins
Tableau 3 fluctuant : « L'année scolaire 2009-2010 sera marquée par
Vocabulaire des dispositifs d’aide dans les circulaires […] l'extension des mesures d'accompagnement individualisé :
de rentrée entre 2001 et 2010
consolidation de l'aide personnalisée à l'école, de l'accompa-
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gnement éducatif au collège, des stages d'anglais au lycée, de


Accompagnement des Dispositifs d’aide variés et nouveaux services personnalisés d'orientation, installation
élèves adaptés des dispositifs d'aide personnalisée et des passerelles au lycée
Accompagnement du Dispositif efficace professionnel ».
travail personnel Dispositifs dérogatoires Au total, l’aide aux élèves sous des appellations multiples
Accompagnement est, incontestablement, une préoccupation très présente
Dispositif de formation en dans les politiques scolaires de la dernière décennie.
individualisé alternance au collège
Accompagnement En réalité, et c’est ce que je vais à présent essayer de mon-
Dispositifs relais trer, de tout temps, l’aide aux élèves, quel que soit le nom
personnalisé
Classes relais qu’on lui donne, a été considérée comme un levier essentiel
Aide individualisée pour l’égalité des chances de tous les élèves, même si, pro-
Ateliers relais
Aide personnalisée clamée comme essentielle pour la réussite de tous, l’aide
Itinéraires de découverte aux élèves est aussi, de fait, une variable d’ajustement
Aide ponctuelle
Module de découverte budgétaire quand les temps sont difficiles. Je fais allusion,
Aide la mieux adaptée aux professionnelle par exemple, à la disparition des répétiteurs et des adjoints
besoins identifiés d’enseignement quand il a fallu utiliser leurs supports bud-
Modules de soutien
Dispositifs d’aide adéquats gétaires pour faire face à la massification de l’enseignement
Parcours individualisé secondaire dans les années 1960, au moment même où le
Dispositif d’aide et de
soutien Programme personnalisé second degré ouvrait largement ses portes aux jeunes de
d’aide et de progrès milieux populaires.
Dispositif d’aide et de
conseil Programme personnalisé Sans prétendre ici faire une histoire exhaustive de l’aide aux
de réussite éducative élèves, quelques repères historiques peuvent néanmoins
Dispositif d’aide être posés qu’on peut regrouper, selon moi, en quatre
individualisée Remise à niveau
temps, de façon un peu artificielle j’en conviens, tant, sous
Dispositif d’aide et Réseau d’aides spécialisées des mots différents, ce sont en réalité presque les mêmes
d’accompagnement Soutien individualisé dispositifs qui sont décrits depuis toujours par les textes
personnalisé Soutien personnalisé officiels. Je précise que mon propos est de ne rendre compte
Dispositifs d’aides que des prescriptions ministérielles, non de leur mise en
Suivi individualisé œuvre effective ou de leur efficacité. C’est en quelque sorte
nécessaires
Suivi personnalisé à une revue des politiques scolaires proclamées et affichées
en matière d’aide aux élèves que je vous invite.
Enfin, un relevé sommaire du vocabulaire utilisé par les Ces quatre temps, correspondant plus à des évolutions de
circulaires de rentrée depuis 2001 (tableau 3) fait apparai- vocabulaire qu’à des changements fondamentaux, sont :
tre une grande profusion de termes ou d’expressions pour
• Le temps de la « conférence », au XIXe siècle et au
qualifier les dispositifs d’aide aux élèves. Avec une nette
début du XXe siècle ;
dominante, comme cela vient d’être montré, pour « l’aide »,
pour « l’accompagnement », pour les « dispositifs » de toutes • Le temps du « travail dirigé » après la Libération ;
sortes, ainsi que pour « programme » et « suivi », mais sans • Le temps de « la pédagogie de soutien » à partir de
que soit clairement stabilisé ce qu’il faut comprendre der- 1977 ;
rière les qualificatifs utilisés. Si l’on observe, par exemple, • Le temps des dispositifs d’aide et d’accompagnement,
l’utilisation des mots « individualisé » et « personnalisé », on individualisés ou personnalisés, aujourd’hui.
ne peut que se perde en conjecture. Une lecture attentive
des circulaires montre qu’en réalité, on utilise souvent un
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

1. Le temps de la « conférence » au XIXe Compayré2, « toutes sortes de raisons s’opposent à ce que, dans
siècle et au début du XXe siècle les écoles primaires, on use beaucoup des devoirs à préparer en
À l’école primaire : une aide aux élèves par le maitre dans dehors des heures de classe ». D’abord la longue durée des
la classe classes, « qui retiennent l’enfant à l’école pendant six heures »,
L’accent est mis sur la réussite de tous dès les années ensuite le jeune âge des écoliers du primaire « qui les ex-
1880 pose plus que d’autres au surmenage intellectuel ». Mais il y
a aussi « la condition sociale de la plupart des enfants qui
Je vais très peu aborder la question de l’aide dans l’ensei- fréquentent l’école primaire », car il est évident que, outre
gnement primaire, car, du fait de l’unicité et de la polyva- le fait qu’une fois rentrés chez eux beaucoup d’enfants
lence du maitre d’école, la question de l’aide s’y pose en des sont occupés à divers travaux, « des enfants d’ouvriers ou
termes différents de ceux de l’enseignement secondaire. À de paysans ne trouvent pas, dans les locaux incommodes et les
partir du moment en effet où la IIIe République demande habitations étroites de leurs familles, des conditions favorables
aux maitres de l’enseignement primaire de « s’assurer pério- pour le travail ».
diquement si la classe tout entière, et non pas seulement l’élite
de la classe, suit bien le programme et profite bien des leçons Ces arguments n’ont pas beaucoup vieilli. Dit en langage
dans toutes les parties de l’enseignement »1, la question des d’aujourd’hui, l’école doit être son propre recours.
méthodes pédagogiques les plus efficaces pour mettre en Dans l’enseignement secondaire, les professeurs ne sont
œuvre ce projet politique se pose nécessairement. pas naturellement en charge de l’aide aux élèves
Les instructions du 27 juillet 1882 insistent en ce sens : En 1880, les élèves qui ne suivent pas sont « un embarras
dans l’école primaire publique, « L'enseignement […] est pour le maitre, un « mauvais exemple » pour leurs cama-
nécessairement collectif et simultané ; le maitre ne peut se rades et un « élément de gêne » pour les classes
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donner à quelques-uns, il se doit à tous ; c'est par les résultats Au début de la IIIe République – rappelons qu’il n’y a à
obtenus sur l’ensemble de sa classe et non pas sur une élite l’époque que 85 lycées et 250 collèges en France scolarisant
seulement que son œuvre pédagogique doit être appréciée. » Il y une toute petite partie de la population adolescente – les
a bien là une obligation de résultat pour tous les élèves. Les difficultés rencontrées par certains élèves de l’enseignement
instructions de 1882 l’expriment avec netteté : « Quelles que secondaire ne sont pas de la responsabilité des enseignants.
soient les inégalités d’intelligence que présentent ses élèves, il est Jules Ferry publie une circulaire le 28 septembre 1880
un minimum de connaissances et d’aptitudes que l’enseignement qui ne laisse aucun doute à ce sujet : « Les professeurs se
primaire doit communiquer, sauf des exceptions très rares, à plaignent généralement d'avoir à subir des élèves mal préparés,
tous les élèves : ce niveau sera très facilement dépassé par hors d'état de suivre avec fruit les exercices de la classe, et qui
quelques-uns, mais, le fût-il, s'il n’est pas atteint par tout le sont un embarras pour le maitre, un mauvais exemple pour
reste de la classe, le maitre n'a pas bien compris sa tâche ou ne leurs camarades. Au moment où de sérieux efforts sont tentés
l'a pas entièrement remplie ». pour coordonner et restaurer l'enseignement classique, il est
Les instructions du 20 juin 1923 : alléger les programmes plus nécessaire que jamais que les familles soient exactement
et varier l’enseignement pour aider en individualisant renseignées sur les véritables intérêts de leurs enfants. Les
Ces instructions, relatives au nouveau plan d’études des examens de passage devront avoir lieu dans la semaine qui
écoles primaires élémentaires (suite à l’arrêté du 23 fé- suivra la rentrée ; tous les élèves y seront soumis. Le proviseur
vrier 1923) préconisent déjà, sans le dire évidemment avec décidera de l'admission ou du rejet d'après l'ensemble des notes.
les mots d’aujourd’hui, d’aller à l’essentiel au moyen d’une Sous aucun prétexte, il ne devra consentir à placer l'élève dans
pédagogie active et différenciée : « Les nouveaux program- un cours dont il ne tirerait aucun profit et où il ne pourrait
mes sont deux fois plus courts que les anciens. […] De cette qu'entraver la marche régulière de l'enseignement. Les examens
simplification résultera pour le maitre une plus grande liberté. de passage, sérieusement pratiqués, rendent de réels services à
Nous ne guidons point chacun de ses pas. Nous lui faisons l'enseignement des lycées et collèges ; ils stimulent les enfants ;
confiance. Suivant le niveau de sa classe, il pourra aborder ils dégagent les classes d'un élément de gêne et d'affaiblissement,
ou écarter telle ou telle question, exposer ou ajourner tel ou en dirigeant vers de nouvelles voies les esprits qu'on aurait
tel détail. Il pourra, d’autre part – et même il devra – varier voulu contraindre à suivre malgré eux un enseignement qui ne
son enseignement selon les besoins de ses élèves, l’adapter aux leur convient pas. »3
conditions de la vie locale… » La séparation de l’enseignement et de l’aide aux élèves :
« Pour bien enseigner aux enfants “ce qu’il n’est pas permis des personnels spéciaux pour l’aide aux élèves
d’ignorer”, il faut savoir choisir et doser, suivant leur âge, les Il faut tout de même s’occuper des élèves « faibles », selon
connaissances qu’ils auront à assimiler. L’enseignement doit la terminologie de l’époque. Pour effectuer cette tâche, les
être gradué. […] Mieux vaut laisser l’enfant dans l’ignorance lycées de l’époque ont à leur disposition des personnels qui
que de lui imposer un enseignement prématuré ». ont la charge de l’aide aux élèves en dehors des séances
L’école primaire doit aider l’élève au sein de l’école et lui ou des « classes » comme on disait alors, prises en charge
apprendre à se passer des devoirs à la maison par les professeurs : il s’agit de répétiteurs, de professeurs
adjoints ou autres maitres d’études. L’article 3 du décret
La question du prolongement du travail de la classe par de 1887 décrit le travail de ces répétiteurs : « Les répétiteurs
des devoirs à la maison se pose très tôt à l’école primaire des lycées et des collèges sont chargés de la surveillance ; ils
en des termes qui n’ont pas beaucoup vieilli. Le recteur
Compayré résume bien la pensée ministérielle de l’époque :
2 Gabriel Compayré, Organisation pédagogique et législation des
on ne peut renoncer à l’usage des devoirs à la maison, mais écoles primaires, Paris, Librairie classique Paul Delaplane, 1892.
il faut donner ces devoirs avec une infinie prudence. Pour
3 Circulaire citée dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie
et d’instruction primaire, sous la direction de Ferdinand
1 Circulaire du 25 aout 1884. Buisson, édition 1911, article « lycées et collèges ».
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veillent à la discipline et concourent à l’enseignement. Dans limites, suivant les climats et les régions, les habitudes locales,
les salles d’étude, ils dirigent le travail des élèves ; ils s’assurent suivant les besoins et les ressources des divers établissements ».
du soin avec lequel les devoirs sont faits et les leçons apprises. La réforme vise également à réduire la durée du « travail
Ils transmettent régulièrement leurs notes aux professeurs par sédentaire » des élèves. Dans un paragraphe intitulé « Exer-
l’intermédiaire du censeur ou du principal dans les classes, ils cices pratiques rendus possibles par la réduction de la durée des
remplacent les professeurs empêchés »4. classes » (les classes passent en effet de deux heures à une
En 1909, on précise les missions des répétiteurs des lycées heure et demie ou une heure), il est dit que la « partie du
et collèges et des professeurs adjoints : « D’abord, les sup- temps ainsi économisée sur la classe régulière sera restituée par
pléances ; puis les heures d’enseignement régulier ; enfin, les les professeurs aux divers enseignements, sous forme de confé-
conférences complémentaires aux élèves faibles sous la direction rences, d’interrogations, de direction pratique du travail ».
du professeur de la classe [qui] constituent un excellent moyen Quelle utilisation va-t-on faire de ce temps ainsi dégagé ?
de relever le niveau des études dans les classes composées d’élé- Le projet est de mettre en place des temps de « conférence »
ments de force inégale ; et elles sont une partie essentielle de pris en charge par les enseignants pour venir en aide aux
la fonction de professeur adjoint. J’appelle sur ce point, votre élèves. On dirait aujourd’hui : pour mettre en place de
attention d’une manière toute spéciale »5. l’accompagnement personnalisé, pour soutenir les faibles
Cette séparation des tâches entre répétiteurs et professeurs et approfondir avec les autres, pour regrouper temporaire-
est néanmoins régulièrement remise en cause dès cette ment les élèves en groupes de niveau, etc. En langage de
période. 1890, la question décapante posée par le courageux Léon
Si l’on prend, par exemple, les déclarations de Léon Bourgeois est : et si les enseignants eux-mêmes devenaient
Bourgeois devant la commission Ribot de la fin du siècle, les répétiteurs de leurs propres élèves ?
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telles qu’elles sont rapportées dans le Nouveau dictionnaire Il est utile d’insister un peu sur cette circulaire, car elle est
de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson, la première à aller aussi loin dans la description de ce qui
on voit que certains responsables voudraient que les ensei- est attendu des enseignants en matière d’aide à leurs élèves.
gnants prennent davantage de responsabilités dans l’aide Et pour tout dire, il me semble que cette circulaire de Léon
aux élèves : « Nous avons mis en deux catégories distinctes Bourgeois de 1890 fait définitivement le tour de la ques-
le professeur et le répétiteur. Chacun d'eux, précisément à tion ! On aura bien sûr compris que le terme « conférence »
cause de cette séparation règlementaire, considère l'autre, je signifie ici un moment de travail en petit groupe d’élèves7.
me garderai bien de dire comme un ennemi, mais comme une Dans le paragraphe suivant de la même circulaire, il est en
personne inconnue, étrangère, n'ayant rien à faire dans son effet indiqué qu’« il n’y a rien de commun entre les exercices
service à lui. Ne devraient-ils pas, au contraire, se considérer recommandés ici et les conférences autrefois en usage dans les
comme des collègues étroitement associés pour l'éducation des lycées. Autant ces conférences, simple prolongation de la classe
enfants ? J'admettrais que le professeur pût et dût même, dans elle-même, étaient fastidieuses et stériles pour tout le monde,
certains cas, prendre des enfants en dehors de la classe et les autant une direction vraiment pratique du travail peut deve-
faire travailler »6. nir pour tous intéressante et féconde. La classe appartient à
La réforme de 1890 et la première tentative pour faire l’enseignement : c’est dans ces conférences d’un nouveau genre
prendre en charge par les enseignants l’aide aux élèves que le professeur trouvera parfois les meilleurs moyens d’en
de façon plus individualisée assurer les effets. Là, en présence de groupes d’élèves restreints
Un peu avant, sous le ministère de Léon Bourgeois, on avait et bien homogènes, il saura s’accommoder soit à leur force, soit
essayé de libérer du temps d’enseignement pour permettre à leur faiblesse. Avec les uns, la conférence fournira l’occasion
aux enseignants de prendre toute leur part dans l’aide aux de compléter, d’élever ou d’approfondir l’enseignement de la
élèves. classe ; avec les autres, elle servira de préparation, contrôle,
d’application. Fort ou faible, chacun à son tour y sera, pour
C’est la circulaire relative à l’emploi du temps, à l’édu-
quelques moments, l’objet d’une attention directe et personnelle.
cation physique et à l’hygiène dans les lycées et collèges,
Pour beaucoup d’élèves, les progrès dateront de ces moments-
du 7 juillet 1890, signée de Léon Bourgeois lui-même qui
là.
tente d’engager le processus.
Certaines familles s’imaginent que dans les lycées on
Le premier objectif est de donner des marges de manœuvre
sacrifie la masse à l’élite. Il importe au plus haut point de
aux acteurs locaux.
ne laisser ni raison ni prétexte à cette opinion susceptible
« C’est à vous qu’il appartient, Monsieur le Recteur, de de porter à nos établissements un si grave préjudice. Il
déterminer, sur proposition des chefs d’établissement et après faut établir l’opinion contraire que, dans un lycée, aucun
l’avis de l’assemblée des professeurs, la distribution des heures élève ne coure le risque d’être sacrifié ou négligé. La classe
de classe, d’étude et de récréation. Le conseil supérieur n’a pas à elle seule, surtout dans les grands établissements, n’en
voulu la fixer lui-même. Il a admis que le principe d’uniformité fournirait pas toujours bien aisément les moyens.
absolue dans le régime de tous les lycées et collèges ne répondait
Quoi qu’on fasse, le rôle le plus actif y appartient à ceux
à aucune nécessité ; que la règle pouvait varier, entre certaines
qui savent le prendre et, si l’on n’y mettait ordre, les autres
n’y assisteraient qu’en qualité de témoins. Or, il n’est pas
4 Décret sur les maitres répétiteurs des lycées et des collèges, admissible qu’un élève quelconque n’ait que de loin en loin
8 janvier 1887, BAMIP, n° 734, 8-25 janvier 1887, p. 11, signé Berthelot.
l’occasion de répondre à une question, de lire un de ses
5 Circulaire relative aux répétiteurs des lycées et
collèges et aux professeurs adjoints du 13 septembre 1909, 7 Selon le dictionnaire de Littré, une conférence est à
BAMIP n° 1896, 15 septembre 1909, p. 799-800. l’époque une « action de traiter d'un objet quelconque entre
6 Léon Bourgeois, cité dans le Nouveau dictionnaire de deux ou plusieurs personnes », ou « une réunion où les jeunes
pédagogie et d’instruction primaire, sous la direction de Ferdinand étudiants s'exercent à la discussion » ou encore une « sorte
Buisson, édition 1911, article « lycées et collèges ». de leçons familières que donne un professeur ».
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devoirs, d’expliquer un texte, etc., et par suite d’obtenir du d’admettre que, de la part des professeurs, elles n’auront que des
maitre les conseils, les corrections et les encouragements inconvénients »8.
précis et particuliers qui lui conviennent. Il est bien vrai On sait ce qu’il est advenu de cette première tentative
que c’est déjà un bénéfice pour les faibles de recevoir des d’associer les enseignants à l’aide aux élèves dans le second
forts ces leçons par l’exemple qui souvent enseignent mieux degré. Les professeurs ont résisté, les répétiteurs et les
et stimulent davantage que les préceptes et les exhortations professeurs adjoints ont, de leur côté, défendu leurs pos-
du professeur. Mais il est plus vrai encore que ce bénéfice tes, et, en tout état de cause, l’allègement horaire nécessaire
même, ils le laisseront le plus souvent échappé, s’ils ne pour dégager les temps nécessaires de « conférences » n’a
sont pas de temps en temps mis en mesure ou, pour mieux jamais pu être réalisé, au contraire, comme chacun sait.
dire, en demeure d’en faire la preuve. Il faut donc que leur
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé à nouveau.
tour vienne de payer de leur personne, de montrer ce qu’ils
savent et, sous l’œil du professeur, de faire tout ce qu’ils Ainsi, en 1923, la « conférence » qui s’appelle alors « di-
peuvent. rection de travail » s’inscrit dans une journée de « cours et
d’enseignement » qui ne devrait comporter que cinq heures
Tel doit être précisément le principal objet de ces conférences.
pour les élèves de 6e.
Pour l’élève médiocre, la classe est souvent comme un discours
en style indirect qui a l’air de ne pas s’adresser à lui et ne « Art 4. Chaque semaine, dans la classe de 6e, deux heures et
réussit pas à le tirer de sa distraction ou de son indolence. La demie sont consacrées à des séances de direction et de contrôle
conférence le prendra à partie personnellement et directement du travail des élèves, d’après l’horaire suivant : lettres, une
et ne lui permettra plus de se dérober. On peut assurer que, si heure ; langue vivante : une heure ; sciences naturelles, une
la conférence est bien comprise et faite avec le même zèle qu’on demi-heure. Les élèves sont réunis tous ensemble ou distribués
par groupes suivant l’effectif de la classe. Dans les classes
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apporte à la classe même, on verra diminuer de plus en plus


dans nos lycées le nombre des non-valeurs, parce qu’il n’y aura de moins de dix élèves, la durée de ces séances est réduite de
plus de capacité petite ou grande qui demeure méconnue ou moitié et répartie dans le cours de l’année selon des instructions
qu’on ne s’applique à faire valoir. » spéciales. Les séances de direction de travail sont facultatives
pour les élèves. »9
Comment l’établissement doit-il s’organiser pour la mise
en place des conférences ? En 1931 encore, on tente tout à la fois de faire travailler
ensemble les professeurs et de freiner l’inflation horaire :
« La nature, la durée et l’organisation de ces exercices pratiques,
« Avant tout, peut-être convient-il de rappeler que les pro-
devant varier avec la nature de l’enseignement, le nombre et la
fesseurs de nos lycées et collèges ne sont pas des spécialistes
force des élèves, seront l’objet d’une entente entre le proviseur et
donnant, chacun de leur côté, un enseignement indépendant,
les professeurs, sous le contrôle du recteur. Tout compte fait, il
mais des collaborateurs appelés à une œuvre commune, et pour-
ne devra en résulter, pour les professeurs, aucune augmentation
suivant un résultat d’ensemble. La coordination des diverses
de service.
disciplines pendant une même année scolaire, la coordination
Il est désirable que le professeur ait, autant que possible, la des enseignements d’une même discipline d’une année sur l’autre
faculté de remplir sa tâche supplémentaire à l’heure qui sera et pendant tout le cours des études, telle est la double condition
pour lui la plus commode et qu’une grande latitude lui soit lais- d’une culture secondaire efficace et vraiment éducative. […] Il
sée quant au choix des exercices. Il est responsable des progrès convient de réduire le plus possible les tâches imposées aux élèves
de ses élèves et doit connaitre mieux que personne les besoins en dehors de la classe. […] Cette conception quantitative est
auxquels il aura à pourvoir. Un jour, il fera venir dans sa classe une illusion manifeste et une profonde erreur pédagogique, une
un groupe d’élèves faibles ; il leur fera répéter une explication des causes principales de ce surmenage dont on s’est tant plaint
qu’ils auront mal comprise, il corrigera leur devoir de la veille ces dernières années. »10
ou préparera avec eux le devoir du lendemain ; un autre jour,
il commencera une série d’interrogations auxquelles certains de 2. Le temps du travail dirigé après la Libération
ses élèves, tantôt parmi les forts, tantôt parmi les faibles, seront Dans l’enseignement primaire
successivement appelés à répondre. Il se rendra parfois, s’il le Les nouveaux programmes des écoles primaires élémentai-
juge à propos, dans la salle d’étude et, suivant l’âge des écoliers res ­– c’est ainsi que l’on nommait encore les écoles élémen-
ou la nature de son enseignement, apprendra aux uns à faire taires –, sont publiés dans l’arrêté du 17 octobre 1945.
usage du dictionnaire pour le thème ou la version, aux autres à
résoudre un problème, à tracer le plan d’une dissertation, etc. Dans les trente heures de classe que compte alors la semaine
scolaire dans le premier degré, les nouveaux programmes
Il n’y a pas à s’inquiéter du dérangement occasionné par l’entrée incluent un horaire d’activités dirigées de deux heures et
du professeur en étude et par ces entretiens successifs avec une quart au cours préparatoire et d'une heure au cours élé-
série d’élèves. Ce dérangement deviendra bientôt insensible par mentaire et au cours moyen et supérieur. Il est précisé que
l’habitude. La même appréhension a fait interdire dans certains « le temps des activités sera consacré à des exercices individuels
établissements le travail en commun de deux ou trois élèves. Là ou collectifs adaptés aux gouts des élèves. À cette occasion,
où on l’a autorisé, pour certaines classes et certains exercices, l’organisation du travail par équipe est recommandée ».
en le surveillant du reste comme il convient, il n’en est résulté
que des avantages. Si, d’ailleurs, ces sortes de répétitions parti- 8 Circulaire relative à l’emploi du temps, à l’éducation
culières paraissent si nécessaires de la part du maitre répétiteur, physique et à l’hygiène dans les lycées et collèges, du
qu’elles lui sont imposées par son titre même, il est difficile 7 juillet 1890, BAMIP n° 913 du 12 juillet 1890.
9 Arrêté du 3 aout 1923 concernant les horaires et
les programmes de l’enseignement secondaire (classe
de 6e), BAMIP n° 2518 du 15 aout 1923p. 169.
10 Instructions relatives aux modifications des horaires et des
programmes de l’enseignement secondaire (arrêtés des 23 septembre 1930
et 30 avril 1931), BAMIP n° 2686 du 1er juin 1931, p. 585 et suite.
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Il s’agissait notamment d’aider par ce moyen les enseignants Le mot « accompagnement » est utilisé pour la première
du primaire à travailler avec des élèves de niveau différent. fois avec le sens qu’il a aujourd’hui à propos du travail des
Manifestement, l’hétérogénéité est difficile à gérer pour professeurs adjoints dans les nouvelles 6es : « Le professeur
certains d’entre eux. En témoigne cette circulaire de 1959 adjoint… participe le plus complètement possible aux divers
adressée aux inspecteurs d’académie : « Il m’a été signalé exercices de la classe… Il est très important qu’il ne soit pas
que dans certaines écoles primaires où l’effectif des élèves de cantonné dans les seules fonctions de surveillance, de secréta-
cours moyen 2e année exigeait la création de classes parallèles, riat, d’accompagnement, mais qu’il prenne part effectivement
on organisait parfois un CM2 fort et un CM2 faible. En sorte à toutes les activités de la classe »14.
qu’à la fin de l’année scolaire les élèves de la section "forte" Dans les 4es nouvelles, le « travail dirigé » se réalise par
étaient certains de figurer sur la liste des propositions pour « groupes de moins de quinze élèves. Il ne s’agit pas seulement
l’admission en 6e, tandis que ceux de la section “faible” s’en d’initier au travail personnel ; il faut aussi contrôler l’assi-
trouvaient pratiquement exclus »11. milation, vérifier l’acquis, grouper parfois les retardataires,
Dans l’enseignement secondaire, le travail dirigé, levier encourager les lectures et les recherches des élèves les plus
pour la rénovation pédagogique avancés ; c’est un travail de mise au point pour l’élève et pour
Le travail dirigé par le professeur et les méthodes actives la classe. Ces heures de travail dirigé sont mises à la disposition
dans les classes nouvelles du maitre qui peut y convoquer les élèves ou les en dispenser
selon qu’il le juge nécessaire »15. En mathématiques, par
Les premières circulaires publiées après la Libération
exemple, « la séance de travail dirigé donnera au maitre de
préconisent clairement une pédagogie active. La circulaire
grandes facultés pour organiser et pour réaliser effectivement
du 16 novembre 1944 le dit tout net : « Le travail dirigé
l’apprentissage du travail intellectuel qui reste l’essentiel de
par le maitre et réalisé sous ses yeux doit devenir un élément
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sa tâche : apprendre aux élèves à apprendre, à comprendre, à


fondamental de l’activité pédagogique. Il se substituera en
mettre en œuvre raisonnablement et utilement les connaissances
grande partie aux préparations et aux exercices faits à la mai-
acquises. C’est au cours de cette heure que trouveront norma-
son ; surtout, il permettra l’application normale des méthodes
lement place l’étude méthodique d’exercices et de problèmes,
actives qui doivent pénétrer de plus en plus l’enseignement ».
la préparation des devoirs, la correction des travaux écrits.
Et la circulaire de poursuivre : « Les dures circonstances
Selon les circonstances, la classe sera réunie tout entière ou sera
actuelles peuvent ainsi être l’occasion d’une véritable réno-
divisée en groupes ; l’organisation doit rester très souple, elle
vation de certaines méthodes pédagogiques qui dissociaient à
devra être modifiée suivant la force et les progrès des élèves,
l’excès le travail fait en classe et le travail fait à la maison.
suivant l’état d’avancement du cours, suivant la nature des
Il s’agit d’intégrer l’une dans l’autre, c’est-à-dire de combiner
questions traitées. Bien préparée et bien employée, cette heure
étroitement au cours de la classe même l’enseignement et l’exer-
de travail dirigé permettra au professeur de connaitre un à un
cice d’application. C’est par l’emploi de ces méthodes que l’on
ses élèves, de discerner le caractère et les moyens de chacun, de
arrivera à faire effectuer pratiquement en classe l’essentiel du
les guider efficacement dans la difficile période des débuts en
travail de l’élève et à limiter la journée scolaire dans le premier
mathématiques »16.
cycle à l’horaire fixé par les arrêtés »12.
Ce qui se passe dans les classes nouvelles est une exception
La circulaire de 1945, qui institue les nouvelles 6es sous
à l’époque. Ainsi, les programmes et les horaires fixés en
l’impulsion de Gustave Monod, apporte une précision es-
juillet 1947 pour les cours complémentaires ordinaires
sentielle : « Il s’agit donc d’individualiser les méthodes dans des
montrent que le travail dirigé n’est pas prévu dans l’ensei-
conditions telles qu’aucun enfant ne perde sa chance de devenir
gnement secondaire ordinaire.
ce qu’il peut être. Tandis que l’enseignement du premier degré
cherche chez le petit écolier les automatismes mentaux indispen- Au moment de la disparition des classes nouvelles en 1952,
sables, le second degré doit être organisé de telle manière qu’"à on tente bien timidement de généraliser le travail dirigé,
la limite" ne soit négligée aucune possibilité, aucune aptitude, mais sans grande volonté, et surtout sans beaucoup de
consciente ou inconsciente de l’être individuel ». Pour atteindre moyens : « Les chefs d’établissement sont autorisés à prévoir,
cet objectif, il faut un petit nombre d’élèves pris en charge, dans chacune des classes de 6e et de 5e, vingt heures effectives
un petit nombre de maitres, que le matin soit consacré aux annuelles de travail dirigé. Elles seront réparties entre les pro-
matières de base, et « les après-midis seront consacrés aux fesseurs, sur proposition des conseils de classe. Elles fourniront
activités pratiques et artistiques ainsi qu’à l’éducation physique à certains professeurs un moyen de prolonger leur enseignement
et sportive ». Et aussi, « l’après-midi sera surtout consacré à en l’individualisant, surtout au profit des élèves qui en auraient
permettre aux professeurs d’entreprendre une étude systéma- le plus besoin. Elles seront rétribuées à l’heure effective au taux
tique de chaque cas individuel, et à permettre d’éprouver les des suppléances éventuelles ».17
facultés mentales des élèves auxquelles l’enseignement général À la suite de la réforme Berthoin, la relance du travail
ne fait pas normalement appel ». dirigé pour individualiser l’aide aux élèves
On complète ces instructions en 1946. « [La direction de La circulaire du 23 septembre 1960 généralise les travaux
travail] a été maintenue selon le vœu unanime des professeurs dirigés expérimentés précédemment dans les classes
de 6e nouvelle. Il sera entendu qu’elle est consacrée à faire nouvelles en des termes et pour des objectifs qui sont
acquérir à l’enfant sa méthode de travail personnel »13. très proches de notre accompagnement personnalisé

14 Circulaire du 26 novembre 1945, « Organisation des


11 Circulaire du 7 juillet 1959 aux inspecteurs nouvelles 6es, BO n° 61 du 26 novembre 1945, p. 2102.
d’académie, BO n° 15 du 27 juillet 1959, p. 1933. 15 Circulaire du 9 mai 1947 aux recteurs,
12 Circulaire du 16 novembre 1944, BOEN n° 7 de 1944, p. 354. BO n° 21 du 26 juin 1947, p. 598.
13 Circulaire du 8 juin 1946 aux recteurs, « Organisation des 16 Note du 22 septembre 1947, BO n° 27 du 2 octobre 1947, p.1008-1009.
5es et 6es nouvelles », BO n° 30 du 20 juin 1946, p. 871. 17 Circulaire du 30 mai 1952,BO n° 22 du 65 juin 1952.
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d’aujourd’hui. Le verbe « aider » est d’ailleurs utilisé dans chose aisée, puisque l’effectif est d’environ quinze élèves : une
son acception actuelle. Il s’agit de « favoriser l’action pé- bonne disposition matérielle de ceux-ci, devant soi ou autour de
dagogique en vue d’aider [l’enfant] à surmonter ses faiblesses, soi, différente de la disposition habituelle de la classe, permettra
de favoriser l’observation de ses aptitudes. En aucun cas, ces le dialogue confidentiel où le maitre, saisissant les difficultés que
séances ne seront transformées en classes supplémentaires… [ni chacun rencontre, aide à les surmonter »20.
en] simple étude surveillée. Le maitre y tiendra un rôle actif. À Le travail dirigé est relancé une nouvelle fois en 1969
l'affut de toute défaillance, il interviendra immédiatement pour : « Le travail dirigé, du fait de l’effectif réduit des groupes,
fournir l’indication qui donnera un nouvel élan à sa recherche. donne au maitre une connaissance plus complète de l’élève et
Il parait acquis que nombre d’échecs scolaires sont imputables à facilité ainsi l’adaptation pédagogique de son enseignement aux
une mauvaise méthode de travail. […] Le petit nombre d’élèves individualités. Surtout, il permet au maitre, qui dirige avec
permettra en outre au maitre d’individualiser son enseignement, attention et précaution le travail de ses élèves, de développer
de contrôler les connaissances acquises, de proposer des exercices en chacun d’eux des attitudes et des méthodes ; il conduit, peu
différents selon les besoins de chacun, d’adapter sa méthode aux à peu, chaque élève à l’acquisition de méthodes personnelles
démarches des divers esprits, de susciter des questions. de travail ; là est sans doute le but essentiel du travail dirigé
Les travaux dirigés sont en outre irremplaçables pour l’obser- tel que nous le concevons. […] Les différences profondes qui
vation de l’enfant… On voit l’importance de la contribution existent entre les individus, dans le caractère, les intérêts, les
que les travaux dirigés peuvent apporter à l’orientation ». formes d’intelligence, les acquisitions antérieures, la résistance
Tout y est, cinquante ans avant l’accompagnement person- physique, le rythme de travail… font apparaitre comme une
nalisé d’aujourd’hui : aide méthodologique, adaptation aux gageüre la méthode qui consiste à les négliger. Ne jamais tenir
besoins de chacun, même l’aide à l’orientation est prévue ! compte de ces différences, c’est finalement enseigner pour l’élève
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moyen, ce qui ne satisfait ni les plus rapides ni les moins rapides,


Jean Capelle publie, l’année suivante, une circulaire consa-
ni les plus doués, ni les moins doués ; c’est condamner à coup
crée au travail des élèves, dans laquelle il précise, pour que
sûr à l’échec et au sentiment d’impuissance les moins aptes et les
l’enseignement soit efficace :
plus lents »21.
« Les méthodes d’enseignement doivent, pour être efficaces,
comporter une participation active des élèves, d’où la néces- Tableau 4
sité d’ajouter aux leçons proprement dites – non exclusives Le vocabulaire de l’aide aux élèves jusque 1975
elles-mêmes d’une certaine activité des élèves – une variété
d’exercices contrôlés qu’une saine pédagogie a depuis longtemps Répétition Séances de direction
imaginés »18. Répétition particulière et de contrôle du
travail des élèves
Mais l’individualisation de l’enseignement pose des pro- Travail dirigé
blèmes aux professeurs du second degré. Des dérives ou Activités dirigées
Travail de mise au point
des contresens sont rapidement constatés. Une circulaire Individualisation
Direction de travail
le constate avec une certaine franchise en 1962 : « Nombre des méthodes
de maitres ont été troublés par l’apparente ambigüité de ce Conférences
Étude systématique de
travail nouveau, spécialement pour l’étude du français. […] Direction pratique chaque cas individuel
Les classes19 ordinaires ne permettent guère, après la correction du travail
Enseignement individualisé
générale, le redressement individuel d’un exercice de dictée Direction vraiment
ou de rédaction. Selon une méthode à trouver par le maitre, Études surveillées
pratique du travail
qui s’inspire toujours des difficultés du moment, les travaux Individualisation de
Cours complémentaires
dirigés vont offrir à chaque élève le loisir de mettre au point son l’enseignement
orthographe et ses réponses afin de ressaisir lui-même, dans sa
forme comme dans son mouvement, la pensée de l’auteur… ».
3. Le temps de la pédagogie de soutien à partir de 1977
Il est à nouveau précisé que le but des études dirigées est
« d’alléger et d’éclairer le travail à la maison, d’observer et de Trois textes, annoncés dans l’exposé des motifs de la loi
guider l’effort personnel des élèves, de leur donner une méthode d’orientation du 11 juillet 1975, décrivent les principes et
de travail. En aucun cas elles ne seront transformées, ni en clas- les méthodes de « la pédagogie de soutien ».
ses supplémentaires ni en simples études surveillées ». Le petit L’arrêté du 28 mars 1977 fixe le cadre « des actions de soutien
nombre d’élèves accueillis dans les travaux dirigés doit dans les écoles et les collèges et des activités d’approfondissement
permettre en principe à l’enseignant « d’individualiser son dans les collèges ». Il s’agit de « venir en aide aux élèves qui
enseignement, d’observer la façon dont chaque enfant aborde et éprouvent des difficultés temporaires ». Dans les écoles, les
conduit son effort, les difficultés qui l’arrêtent ». En donnant actions portent sur le français et les mathématiques et font
des conseils pédagogiques très concrets, la circulaire de- l’objet « de séances de travaux particuliers au cours desquelles
mande notamment aux professeurs de « surmonter la peur du les élèves concernés sont réunis en groupes d’effectif restreint
silence. Le travail dirigé est par nature une activité silencieuse. permettant un enseignement approprié à leur cas. Ces séances,
Il exige pourtant la présence du maitre auprès de chaque enfant, organisées à l’initiative et sous la responsabilité du maitre,
prennent place dans l’emploi ordinaire de la classe, sans excéder
18 Circulaire du 3 mai 1961 aux recteurs : « travail des élèves, devoirs trente minutes par jour, ni deux heures par semaine ». Dans les
Instructions particulières », BO n° 19 du 15 mai 1961, p. 1717. collèges, les actions de soutien sont organisées en français,
19 C’est sans doute ici dans un texte officiel récent une des dernières mathématiques, première langue vivante étrangère, les
occurrences de la « classe » au sens ancien du terme, c’est-à-dire
comme un moment où l’enseignant fait plus « classe » que « cours », le
moment de classe comportant en principe des activités diversifiées :
le cours magistral certes, mais aussi des moments d’interrogation, 20 Circulaire du 30 mars 1962, BOEN n° 16 du 16-04-62.
d’exercices collectifs ou individuels avec leurs corrections… 21 Circulaire du 25 aout 1969, BOEN n° 33 du 4 septembre 1969, p. 2797.
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heures d’approfondissement concernent les mêmes disci- prise en charge du soutien pouvant alors être effectuée par
plines. un autre maitre.
À l’école primaire Quatrième type, l’organisation de groupes de niveau selon
À l’école primaire, la circulaire du 28 mars 1977 précise les disciplines dans le cas où le groupe d’élèves en difficulté
que la pédagogie de soutien concerne les élèves « qui ont est plus important. Ce dispositif permet « d’organiser la
leur place dans une classe normale, mais à l’égard desquels il y a classe en groupes distincts pour lesquels les démarches d’ap-
lieu de recourir, dans le cadre des activités de cette classe, soit de prentissage sont conduites de façon différente quant aux types
façon suivie, soit temporairement, à des pratiques scolaires qui d’activités proposées, aux modalités d’approche et aux degrés
visent plus particulièrement à les aider à surmonter les obstacles d’élaboration des notions étudiées, aux rythmes de réalisation
auxquels ils se heurtent ». La circulaire indique les « traits des acquisitions ».
caractéristiques de la pédagogie de soutien à l’école primaire : Enfin, parce que, dit la circulaire, « on ne saurait sous-es-
l’importance des apprentissages instrumentaux, l’interférence timer les problèmes et les difficultés de divers ordres liés à une
avec les autres domaines d’activités », car « ce serait une erreur généralisation plus marquée de telles actions », les inspecteurs
de ne tabler que sur un supplément de démarches spécifiques sont invités « à s’intéresser, tout spécialement au cours de
d’apprentissage pour remédier aux lenteurs ou difficultés de leurs visites dans les écoles, aux conditions dans lesquelles se
certains élèves concernant les acquisitions en cause » ; l’unicité pratiquent les actions de soutien, et à formuler à ce sujet les
du maitre qui laisse à ce dernier « la latitude d’organiser et de recommandations et les conseils qu’ils estimeront utiles. » Il y
gérer le temps dont il dispose, dans le cadre de l’horaire officiel a également, et c’est la première fois que cela est dit, « lieu
avec suffisamment de souplesse pour adapter les actions de sou- de prévoir que plusieurs des actions de formation continue à
tien aux conditions de fonctionnement de sa classe ». L’action l’intention des instituteurs soient consacrées à la pédagogie de
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du GAPP est, dans ce cadre, qualifiée de « coopération » soutien ».


dans la mesure où cette « institution doit travailler au sein de Au collège
l’école en liaison permanente avec l’ensemble des maitres, l’un
Pour le collège, une autre circulaire du 28 mars 1977 traite
des aspects les plus importants de la tâche de ses membres étant
des « actions de soutien et activités d’approfondissement dans
l’observation des enfants au travail dans la classe », étant rap-
les collèges (français, mathématiques, langue vivante étran-
pelé que la circulaire fixant les missions du GAPP signale
gère) ».
« explicitement » des enseignements de soutien.
« La notion de soutien, sous une forme organisée, est nou-
Le soutien peut ainsi prendre quatre formes que la circu-
velle dans l’enseignement secondaire ; elle est liée à l’une
laire appelle quatre « types » qui décrivent l’essentiel de ce
des finalités essentielles de la réforme du système éducatif, la
qui est préconisé aujourd’hui.
réduction des inégalités, et à un type de formation fondée sur
Premier type, dans le cadre des activités courantes de la un enseignement commun ». Il faut dans un premier temps
classe. Le maitre veille à ce que ses « démarches pédagogiques observer les élèves : « pour discerner les qualités des élèves,
revêtent au maximum le caractère de relation d’aide, essentiel pour mieux connaitre leurs aptitudes et pour apprécier de façon
à toute action éducative », d’autant plus, ajoute la circulaire, générale l’efficacité de son enseignement, le professeur procède
que toutes les instructions « relatives aux différents domaines à des contrôles, oraux ou écrits, brefs ou étendus ». Il s’agit
d’activités de l’école primaire préconisent la pratique d’une de rechercher les causes « des déficiences constatées chez
pédagogie active ». les élèves concernés par le soutien : mauvaise compréhension
Deuxième type, l’individualisation de certaines séquences, des notions, insuffisance du travail personnel de fixation des
démarche à « pratiquer plus particulièrement dans le cadre de notions, difficultés dans l’utilisation des savoirs, etc. ». Les
l’horaire consacré à la discipline concernée, lors des séances qui actions de soutien peuvent être intégrées à la pratique quo-
donnent lieu, s’agissant des acquisitions de nature instrumentale, tidienne de la classe ou prendre place dans l’heure prévue
aux indispensables exercices d’entrainement, de consolidation à cet effet dans l’emploi du temps. Dans ce dernier cas, les
ou d’approfondissement, de contrôle aussi, qui doivent, selon élèves sont désignés chaque semaine. Le texte précise que
les formules variées, jalonner la progression, plusieurs fois par le soutien n’est pas qu’une affaire de pédagogie, mais qu’il
semaine sinon quotidiennement. Il parait souhaitable que de a aussi une « composante psychologique ». En effet, « pour que
telles séances fassent l’objet de tâches de caractère plus indivi- l’élève ne ressente pas sa désignation comme une sanction, il est
dualisé permettant à chaque élève de mobiliser et de mettre à souhaitable que le soutien recueille son adhésion, même tacite.
l’épreuve ses propres possibilités. […] Ce ne peut être, pour que Cela implique que les professeurs se montrent particulièrement
ces interventions puissent prendre une allure aussi personnalisée accueillants et compréhensifs lors des séances de soutien et qu’ils
que possible, que des groupes d’effectif restreint ». s’efforcent de prouver aux élèves concernés que le succès est à
Troisième type, « soutien et intention délibérée de rattrapage », leur portée et leur procurera un profit immédiat en classe (ils
ces actions de soutien étant substituées « partiellement et s’y sentiront plus à l’aise) ou dans leur vie professionnelle ».
temporairement à quelques-unes des activités normales de la La place du soutien dans l’emploi du temps des élèves est
classe ». Ces séances « ne devraient représenter que trente essentielle. « Si l’on veut que les élèves considèrent l’action
minutes par jour au maximum, consécutives pour un même de soutien non pas comme une mise à l’écart, mais comme une
enfant, et n’avoir lieu que durant une période qui n’excède mesure compensatoire destinée à leur permettre de parvenir,
pas deux à trois semaines ». Et, « à condition que la nécessité dans la discipline considérée, au niveau moyen de la classe,
d’effectuer le rattrapage escompté ne soit en rien concomitante il doit être clair à leurs yeux qu’elle leur apporte, une heure
avec un état de moindre résistance physique de l’enfant, on peut durant, une aide complémentaire qui leur est réservée et doit les
aussi envisager exceptionnellement que les actions de soutien avantager ». Enfin, la circulaire prévoit que, dans « les mêmes
requises fassent, très partiellement, l’objet de petites tâches disciplines de base, qui peuvent faire l’objet de soutien, certains
supplémentaires à réaliser en dehors de l’horaire scolaire », la élèves qui manifestent au contraire un bon niveau de réussite
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pourront utiliser leurs capacités à approfondir le programme La remise à niveau dans une ou plusieurs disciplines
faisant l’objet du tronc commun de formation ». Lors de l’expérimentation du « nouveau contrat pour
Le collège unique et l’aide aux élèves après 1977 l’école » en 1994, il est mis en place un « dispositif de
Très régulièrement depuis 1977, les textes ministériels consolidation », qui s’adresse « aux élèves en difficulté à
déclarent que tous les enseignants ont vocation à prendre l’entrée en 6e ». On préconise « pour ces élèves une remise à
en charge les élèves qui sont en difficulté au collège. La niveau individualisée dans les apprentissages fondamentaux
circulaire fondatrice de 1977 est, de ce point de vue, très afin qu’ils rejoignent le plus tôt possible la voie générale. Il doit
claire : « D’une façon générale, il appartiendra à chaque donc être souple, perméable et temporaire ».
professeur, lorsqu’il constatera que, malgré la mise en œuvre du Dans le cadre du « collège des années 2000 », la « remise à
soutien, tel élève a de la peine à suivre la progression prévue, niveau » concerne les élèves de 6e qui peuvent bénéficier
de l’inviter à concentrer ses efforts sur les éléments essentiels jusqu’à « un maximum de six heures » par semaine, et « trois
du programme afin de l’aider à surmonter ses difficultés ; il heures d’aide individualisée en 5e ». Dans les deux cas, il
s’agit, on le voit, d’aménagements pédagogiques qui seront donc s’agit de prendre en charge les élèves par petits groupes
intégrés dans l’action et la pratique de l’enseignant »22. « ne dépassant pas huit élèves afin d’assurer une véritable
Depuis 1977, l’aide aux élèves de collège revêt plusieurs prise en charge personnalisée ». Ces moyens sont en fait des
formes, qui ont pu évoluer dans le temps. heures supplémentaires attribuées « prioritairement à des
enseignants volontaires » assistés par des « aides éducateurs
La pédagogie différenciée
pour certaines activités ». La circulaire de la rentrée 2000
L’expression « pédagogie différenciée » est utilisée en 1979 à annonce que les moyens consacrés à la remise à niveau « ont
propos de la mise en place progressive du tronc commun été intégrés aux dotations horaires globales des académies et des
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en classe de 4e. Il est dit alors que les actions de soutien départements ».
prévues en français, mathématiques et langue vivante se-
L’aide au travail personnel : les études surveillées et dirigées
ront intégrées à l’horaire de la classe et « s’exerceront sous la
forme d’une pédagogie différenciée ». Cette mesure est confir- Cette mesure est introduite en 1984 quand il est demandé
mée dans la circulaire de la rentrée 1981, puis dans celle que les emplois du temps des élèves soient « conçus de telle
de 1982 qui recommande « la constitution de classes ouvertes façon qu’ils aient la possibilité d’avoir deux à trois heures par
à une pédagogie différenciée » pour assurer aux élèves « une semaine d’étude surveillée par groupe de quinze à vingt élè-
prise en charge souple et progressive ». En 1985, on associe ves ». Il est précisé que les travaux que les élèves réaliseront
explicitement « la pédagogie différenciée et la prise en charge pendant ce temps seront conçus « collectivement par les
des élèves en grande difficulté ». La tonalité générale du texte équipes éducatives ».
est claire : seule la pédagogie différenciée, « vecteur essentiel Pour financer ces études, la circulaire de rentrée 1985 indi-
de la transformation du collège », permettra d’intégrer tous que « qu’il appartient aux chefs d’établissement de dégager les
les élèves au sein du collège et de faire en sorte que les moyens nécessaires sur leur dotation, mais aussi de rechercher
« structures particulières » restent provisoires. L’aide « au auprès des municipalités si des aides financières peuvent leur
travail personnel » fait l’objet d’une attention particulière, être apportées ». Il sera dit exactement la même chose en
car elle peut prendre la forme « d’une aide personnalisée et 1993-1994.
approfondie dans une matière ». Le tutorat
Les « détours pédagogiques » À la suite du rapport Legrand, le ministère encourage le
En 1995, le ministère préconise « une diversification péda- tutorat à partir de 1983. Il s’agit par ce moyen de favori-
gogique par la mise en place de parcours prenant en compte ser le suivi individualisé d’un ou plusieurs élèves par un
les gouts et les aptitudes des élèves dans les enseignements qui adulte de l’établissement, le plus souvent un professeur.
les valorisent. Pour ne pas constituer des pré-orientations ou Les premiers bénéficiaires du tutorat ainsi conçu sont les
des amorces de filières, ces parcours ne doivent pas avoir de élèves qui n’ont pas la possibilité d’être encadrés en dehors
caractère permanent et ils doivent pouvoir être reconsidérés du collège et qui vont trouver, en la personne de leur
avant l’entrée au lycée ». Cela donnera, comme on le sait, tuteur de l’établissement, un adulte attentif qui surveillera
les parcours diversifiés en 1996, les travaux croisés en 2000 les devoirs, l’apprentissage des leçons, l’organisation du
et les itinéraires de découverte en 2002. cartable et qui pourra assurer la liaison entre l’élève et les
Les heures de soutien professeurs en cas de difficulté. Le ministre Savary le pré-
cise dans son discours sur le collège de 1983, la première
En 1977, la dotation prévue pour chaque classe de 6e
raison d’être du tutorat « est pédagogique : il doit permettre
(la référence du calcul est alors la classe de vingt-quatre
de suivre de façon individuelle l’évolution de chaque élève dans
élèves) prévoit une attribution de vingt-quatre heures
un système éducatif centré sur l’enfant et sur l’adolescent ». Le
d’enseignement, qui se décomposent en vingt-et-une
ministre poursuit en indiquant que « le travail collectif des
heures obligatoires et trois heures de soutien (soit 12,5 %
enseignants et l’exercice du tutorat pourraient avoir des effets
de la dotation). Cette dotation concerne aussi la classe de
importants sur la démocratisation des collèges »23. En 2000, le
5e. En 1979, le ministère précise que ces heures doivent
rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale
être inscrites à l’emploi du temps et qu’elles concernent le
constate que « le plus souvent, les professeurs sont assez peu
français, les mathématiques et la langue vivante.
impliqués dans un processus qui, à leurs yeux, relève de la vie
En 1994, les trois heures qu’on appelle alors les heures scolaire, de l’infirmière ou de l’assistance sociale. Dans certains
« libres » sont utilisées sous une autre forme dans le cadre établissements, des réactions très négatives ont été observées ».
du « nouveau contrat pour l’école ». Ces heures globalisées
seront utilisées en 1996 pour les parcours diversifiés.
23 Déclaration du ministre de l’Éducation
22 Circulaire 77-011 du 5 janvier 1977, B.O. du 27-01-1977. nationale sur les collèges, 1er février 1983.
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La modulation de la taille des groupes Là encore, on retrouve dans un texte relativement ancien
Très tôt, le ministère de l'Éducation nationale préconise (trente ans) des préconisations qui sont des préoccupations
une grande souplesse dans la constitution des groupes d’aujourd’hui.
d’élèves, la classe de base traditionnelle n’étant qu’une des
Tableau 5
formules possibles. Dès l’origine en effet, il est indiqué
Le vocabulaire de l’aide aux élèves dans le collège
que les établissements pourront constituer des « groupes de
unique depuis 1975
taille inégale » pour tenir compte « des besoins pédagogiques ».24
En 1978, il est indiqué que les collèges peuvent utiliser leur Aménagements pédagogi- Mesure compensatoire
marge de manœuvre pour « améliorer les conditions d’ensei- ques Enseignements à effectifs
gnement » en formant « dans telle ou telle matière […] trois Heures de soutien réduits
(ou quatre) groupes à partir de deux (ou trois) classes ».
Groupes « de taille inégale » Remise à niveau
Cette souplesse laissée dans l’organisation des groupe-
Soutien Solutions individualisées
ments d’élèves n’est sans doute pas bien comprise, car la
circulaire de 1984 dit qu’il « faudra cependant veiller à ce que Pédagogie différenciée Dispositif de consolidation
ces nouveaux modes de groupements ne recréent pas les filières Tutorat Groupes de niveau, de
anciennes qui sont à l’opposé de l’objectif recherché ». La cir- Aide au travail personnel besoin ou de rythme
culaire de 1986 est encore plus nette : « Si le dispositif se fige, Parcours diversifiés
Aide complémentaire
les écarts entre les élèves se creusent de manière irréversible ».
Groupes de niveau-matière Travaux croisés
L’aide aux élèves et l’autonomie des établissements
Étude surveillée Aide individualisée
S’il s’agit d‘aider les élèves en prenant en compte leurs dif-
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Étude dirigée Prise en charge personnali-


ficultés et leurs besoins, une plus grande latitude doit être
sée
laissée aux établissements. On a vu que cette idée apparait Aide personnalisée et ap-
très tôt, en 1890. Elle est formulée de façon très explicite profondie dans une matière Personnalisation des par-
au début des années 1980 dans le cadre du grand mouve- cours
Parcours
ment de décentralisation et de déconcentration engagé par Itinéraires de découvertes
le gouvernement de l’époque.
Ainsi, la note de service du 27 juillet 1981 met une heure
supplémentaire à la disposition des établissements pour 4. Aujourd’hui, le temps des dispositifs d’aide
chaque classe de seconde comportant plus de vingt-quatre et d’accompagnement, individualisés ou
élèves. « Cette mesure a pour objet d’engager concrètement personnalisés : l’exemple du second degré
la lutte contre les causes de l’échec scolaire par une action La réforme du lycée de 1992 et les modules
reposant sur le plein exercice de l’autonomie pédagogique des La note de service du 25 mai 1992 introduit les enseigne-
établissements. Dans cette optique, l’utilisation du contingent ments modulaires qui doivent permettre d’enseigner de
horaire correspondant est laissée à leur initiative. Dans chacun façon différente, dans un autre cadre que celui de l’heure
des lycées, elle sera élaborée par concertation entre l’équipe de cours, avec des groupes pouvant varier dans le temps, à
dirigeante et les professeurs et arrêtée par le proviseur après partir d’une évaluation des besoins, notamment à partir de
délibération du conseil d’administration. La forme donnée à ces l’évaluation de début de seconde qui existait alors.
actions de soutien n’est pas imposée… »
Un rapport de l’IGEN montre en 1998 que « six ans après
• Après la consultation nationale des lycées dirigée leur création, les modules, dans l’immense majorité des cas,
par Antoine Prost, la note de service du 24 mai 1983 sont en fait des séances de travaux dirigés ou pratiques. On doit
revient sur l’utilisation diversifiée d’une partie de constater en particulier que la prise en compte de la variabilité
l’enveloppe horaire de la classe de seconde. Le nombre des groupes est très rarement mise en œuvre, soit parce que
d’heures suivies chaque semaine ne doit pas dépasser l’organisation de l’établissement ne le permet pas, soit parce
trente heures. Le reste de l’enveloppe horaire doit que les enseignants ne le jugent pas utile. […] Les pratiques
permettre aux élèves « de développer leurs aptitudes de majoritaires sont celles qui respectent le cloisonnement discipli-
façon diversifiée : naire, la permanence des groupes et la stabilité des pratiques.
• travail en groupes plus restreints ; […] La possibilité de travailler en demi-groupe est considérée
• aide personnalisée aux élèves qui connaissent des difficul- en soi comme un progrès, quel que soit le contenu donné à la
tés ; séance. […] La définition des modules telle qu’elle ressort des
• travail autonome ; pratiques actuelles serait : travaux pratiques en demi-groupe
à dominante méthodologique, et, en première parfois, travaux
• maitrise des moyens d’expression, de communication, et en demi-groupe à dominante méthodologique pour préparer à
d’information (utilisation du CDI, enquêtes, etc.) ; l’épreuve du baccalauréat. […] L’évolution des modules, qui
• stages, visites ; semble avoir obéi à une loi tout aussi naturelle et aussi forte que
• projets d’action éducative ; celle de la pesanteur, est l’illustration exemplaire des difficultés
• réalisation par les élèves de projets centrés sur l’étude d’un de l’institution à promouvoir, suivre et évaluer certaines inno-
problème faisant appel à diverses disciplines ; vations ».
• apprentissages de techniques informatiques en vue de la Quelles sont les causes de tout cela ?
formation personnelle ou d’interventions dans l’étude • « Les carences de l’information : […] On traite une
d’autres disciplines, etc. » innovation importante, donnée comme un des moteurs
de la rénovation pédagogique des lycées, selon les voies
24 Circulaire 77-011 du 5 janvier 1977, B.O. du 27-01-1977.
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les plus traditionnelles et les plus routinières. […] Soit vidualisé, accompagnement personnalisé, etc. –, il s’agit
par prudence, soit par méfiance, on n’a pas su utiliser la bien de trouver les moyens de faire réussir tous les élèves.
compétence des corps d’inspection et des formateurs qui Dans le second degré, le problème posé est aussi celui
auraient pu rapidement éviter les premières dérives ; de la mission des enseignants et de leurs obligations de
• La rigidité des structures ». service : faut-il un corps spécifique pour l’aide (répétiteurs
La réforme de 1999 et l’aide individualisée ou assistants pédagogiques) ou l’aide fait-elle partie de
la mission essentielle des enseignants ? Ce débat est très
L’aide individualisée avait pour but de compléter l’ensei-
ancien, comme j’ai essayé de le montrer.
gnement modulaire.
Ce que nous apprend aussi, me semble-t-il, ce rapide survol
La circulaire de rentrée 2001 en dresse un bilan lucide.
historique, c’est que si cette aide doit être prise en charge
L’aide individualisée est perçue par tous de manière po-
par les enseignants, elle ne peut être efficace que si elle est
sitive, mais par défaut de pilotage : « Le dispositif d'aide
intégrée à l’enseignement dans une approche pédagogique
individualisée est perçu de manière positive à la fois par les
globale, comme cela est très bien dit dès 1890 et rappelé
élèves, les enseignants et les proviseurs, notamment parce qu'il
avec une force jamais égalée dans les grands textes sur le
contribue à améliorer de manière significative la relation tra-
soutien de 1977.
ditionnelle enseignants/élèves et répond de manière plus étroite
aux besoins spécifiques de ces derniers. Les enquêtes et obser- Pour dire les choses autrement, une aide utile à tous les
vations réalisées dans plusieurs établissements durant l'année élèves nécessite une très haute expertise scientifique et pé-
scolaire 1999-2000 font toutefois apparaitre que ce dispositif dagogique chez tous les enseignants. Bref, cela s’apprend.
reste encore insuffisamment différencié : Mais ce retour sur l’histoire des textes officiels montre aussi
que sans un pilotage national et local qui intègre toutes ces
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dans l'attribution du complément d'heures, certains éta-


blissements particulièrement bien dotés n'étant pas ceux dimensions, il est illusoire d’espérer installer de façon pé-
qui reçoivent le public le plus défavorisé ; renne quelque dispositif que ce soit. En résumé, pas d’aide
aux élèves sans formation scientifique et pédagogique de
au sein des établissements, où l'on constate que l'aide in-
haut niveau pour les enseignants. Sinon, les dispositifs
dividualisée bénéficie souvent à des élèves n'éprouvant pas
d’aide continueront à se succéder et, surtout, ne seront que
de difficultés particulières ;
des palliatifs d’un enseignement restant inefficace pour une
au niveau des contenus de l'aide parfois décalés par rapport partie des élèves.
aux besoins des élèves en difficulté.
C’est ce que disait le rapport de l’inspection générale de
Par ailleurs, l'articulation entre les différents dispositifs de la 1995 : « Ainsi – et même si la recherche au moins temporaire
classe de seconde (modules et aide individualisée) est encore de palliatifs se justifie – on ne peut s’abstenir de travailler à
insuffisamment exploitée par les équipes ». renforcer la dimension méthodologique des enseignements, en la
Pour conclure : Sisyphe et la pédagogie
faisant mieux apparaitre dans les programmes, en développant
la formation initiale et continue ainsi que le travail en équipe
Finalement, depuis toujours on parle de la même chose en des enseignants dans ce domaine »25.
matière d’aide aux élèves. Pour faire réussir tous les élèves,
de multiples approches ou dispositifs ont été successive- Octave Gréard le disait déjà en 1883 : « Chose singulière :
ment expérimentés, mis en place, abandonnés, remplacés, dans un pays qui compte au nombre de ses gloires les plus
remis au gout du jour, etc. populaires tant d’écrivains qui ont traité des matières pédago-
giques, et dont le génie didactique par excellence a certainement
Mais quels que soient les noms utilisés et la langue fran- contribué plus que tout autre à l’éducation de l’esprit humain,
çaise est à cet égard d’une grande subtilité : conférence, la pédagogie a longtemps tardé à être mise en honneur »26.
travail dirigé, soutien, remise à niveau, consolidation, aide
individualisée, aide personnalisée, accompagnement indi- Si l’on veut progresser dans l’aide aux élèves, mettons donc
la pédagogie « en honneur » !

Jean-Paul Delahaye
Professeur associé à l’université Paris 5-René Descartes

25 Inspection générale de l’éducation nationale, Rapport de 2005, p. 237.


26 Octave Gréard, « L’esprit de discipline dans l’éducation », mémoire
présenté au conseil académique de Paris le 26 juin 1883, Bulletin
administratif du ministère de l’Instruction publique, n° 576, p. 603.

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Deux interventions lors


des tables rondes

« Aide personnalisée » imaginer, comment articuler l'aide personnalisée aux autres


dispositifs scolaires ou périscolaires qui se sont empilés au
fil du temps : différenciation au sein de la classe, décloison-
au primaire : un dispositif nements épaulés par des enseignants en « surnombre » dans
les RAR, aides spécialisées des RASED, PPRE, stages au
contreproductif ? CM, accompagnement éducatif, etc. ?
Rappelons en effet que, couplées avec la réforme des
André Ouzoulias programmes de l’école primaire, le ministre attendait de
ces deux heures hebdomadaires une amélioration forte et
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immédiate de l’efficacité de l’école. En février 2008, lors


Avertissement d’une conférence de presse à Périgueux en présence du
chef de l’État, il parlait ainsi : « Diviser par trois, en cinq ans,
Le texte qui suit a été publié, dans une version plus courte, le nombre d'élèves qui sortent de l'école primaire avec de graves
dans le n° 64 de la revue Envie d’école, revue trimestrielle difficultés et diviser par deux le nombre d'élèves ayant pris une
de la FNAREN (Fédération nationale des associations des année de retard dans leur scolarité : tels sont les résultats que
rééducateurs de l’Éducation nationale), paru fin octobre j'attends de la réorganisation du temps scolaire et de la réécri-
2010 sur le thème de la relation d’aide. Nous remercions ture des programmes du primaire… ».
vivement le comité de rédaction de la revue de nous avoir
autorisés à insérer cet article dans ce numéro hors-série des L'aide personnalisée ayant été promulguée dans le cadre
Cahiers Pédagogiques. de la réorganisation des rythmes scolaires engendrée par la
suppression des horaires du samedi matin, une évaluation
À la suite de son intervention au colloque du CRAP (« Aider devrait prendre en compte la globalité de cette réforme,
et accompagner les élèves dans et hors l’école »), André l'aide personnalisée et les nouveaux rythmes hebdomadai-
Ouzoulias a souhaité compléter ce texte par un addenda res : d’un côté, perte de soixante-douze heures d’enseigne-
intitulé : L’aide personnalisée, malgré tout ? ment dans l’année (près de trois semaines) pour l’ensemble
des élèves, de l’autre, horaires quotidiens augmentés pour
Xavier Darcos promettait monts et merveilles des ceux qui prennent part à un groupe d'aide personnalisée.
deux heures d'aide personnalisée mises en place La mise en place de l'aide personnalisée ayant servi d’ar-
à l'école primaire en 2006. Quel bilan tirer ? Quels gument à la suppression de 2 300 postes G et E et à une
dérives possibles ? Quelles pistes, malgré tout ? réduction de la couverture des écoles par les RASED1, il
faudrait aussi considérer les effets de cette forte diminu-
tion du potentiel des réseaux d’aides spécialisées sur l’ef-
ficacité de l’école. Considérons seulement, par exemple, la
disparition dans de très nombreux secteurs des actions de
En juin dernier, s’est terminée la deuxième année de mise prévention des rééducateurs en maternelle. Qui peut croire
en place de l’aide personnalisée (AP, dans la suite de ce que ces enfants seront désormais mieux à même de réussir
texte) instituée par Xavier Darcos dans les écoles primai- à l’école élémentaire ?
res. Si le pilotage de l’école par le ministère était réellement
imprégné de la « culture de l’évaluation », les enseignants Des bilans plutôt négatifs
et leur hiérarchie ainsi que les parents d’élèves devraient Il y a bien des bilans, mais ils sont le fait des organisations
pouvoir lire un bilan d’étape. Avant de relancer ce dispositif syndicales, notamment le SNUIPP qui a conduit trois en-
pour une nouvelle année, une administration soucieuse de quêtes successives, la dernière au printemps 2010. D'après
l’efficacité de sa gestion aurait bien sûr tâché de répondre les données recueillies, dans leur majorité, les enseignants
à ces questions : après deux années de mise en œuvre, expriment des doutes sérieux sur la pertinence de l'aide
quelle a été l’efficacité de l'aide personnalisée pour aider personnalisée, moins d’un tiers pensant qu’elle a permis
les élèves qui en ont bénéficié à surmonter leurs difficultés aux élèves concernés de progresser vraiment dans les
scolaires, à quelles conditions ce dispositif est-il pertinent, compétences pour lesquelles ils ont été aidés ; ils jugent
faut-il le conserver et, dans ce cas, que faut-il modifier, unanimement de façon négative la diminution de deux
peut-on produire une méthodologie pour la conception heures des horaires de l’ensemble des élèves.
des séances aux différents niveaux de la scolarité ou un
ensemble de recommandations à destination des maitres 1 1 300 enseignants spécialisés sont devenus joliment « surnuméraires »
et des équipes d’école, faut-il envisager des modules de et ont été « sédentarisés » (sic). On est en droit d’y lire la volonté
de fragiliser ces postes pour les supprimer plus facilement. Dans
formation continue sur l'aide personnalisée et comment les la novlangue du ministère, c’est un « gisement d’efficience ».
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

Il y a bien eu un rapport de l’Inspection générale de Selon les enquêtes syndicales, les enseignants disent avoir
l’éducation nationale (IGEN)2, mais c’était en juillet 2009. observé des progrès sensibles pour une petite proportion
D’une part, il titrait « Bilan positif : le succès de la formule » d’élèves, ceux dont les difficultés sont momentanées ou
et, d’autre part, il expliquait que « les inconvénients se confir- localisées.
ment » sur « la fatigue des élèves et des enseignants », « le temps Le plus souvent, ils disent aussi que les élèves concernés ne
de dialogue avec les parents » qui est réduit, sur « la qualité se sentent pas stigmatisés (comme on pouvait le redouter),
(voire la réalité) des concertations qui ont lieu le vendredi soir mais manifestent plutôt de l’intérêt pour cette situation. Il
à la fin d’une semaine chargée. » semble en résulter une plus grande confiance en soi et une
Une étude dirigée par Jean-Jacques Guillarmé, de l’uni- meilleure motivation dans l’ordinaire de la classe. Bonheur
versité Paris 5-René Descartes, publiée à l’automne 2009, du travail en petit groupe, où l’enseignant peut établir
a comparé l'aide personnalisée et les aides spécialisées une relation plus attentive à la personne de chaque élève,
du RASED (aides à dominante rééducative)3. D'après bonheur de réussites plus faciles à susciter en petit groupe,
le compte rendu mis en ligne par la FNAREN, cette par exemple dans des situations de production de textes.
étude concluait que seulement « 20 % des élèves ayant suivi Selon le témoignage de plusieurs enseignants, ce moment
30 heures d’aide personnalisée font effectivement des pro- de travail en petit groupe peut également être formateur
grès dans les acquisitions scolaires, exclusivement. » Par pour eux-mêmes. Leur observation des élèves est alors
comparaison, les deux tiers des enfants bénéficiant d’une plus fine, et cela seul peut les amener à porter un regard
aide spécialisée rééducative de même durée ont progressé plus positif sur les élèves concernés et à mieux comprendre
dans leurs compétences sociales (70 %), relationnelles leurs difficultés.
(60 %), cognitives (68 %)… et scolaires (65 %). Plus par-
Enfin, il y a des écoles qui ont su tirer un meilleur parti
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ticulièrement, selon ce compte rendu « au regard de l’ana-


de l'aide personnalisée que la moyenne. Il conviendrait
lyse des données […], les chercheurs constatent que l’indication
d’étudier les caractéristiques de leurs choix. Peut-être
préalable d'aide personnalisée faite par les enseignants de classe
trouverait-on là des moyens d’améliorer ce dispositif.
manque de méthodologie. Cela expliquerait la faible proportion
de réussite, car cette aide pourrait fonctionner quand elle cible Des effets paradoxaux ?
une population d’élèves ayant des difficultés isolées et ponctuel- Pourtant, même en supposant que l'aide personnalisée soit
les (c’est moi qui souligne) ». À l’inverse, « l'aide personnalisée rendue plus efficace en elle-même (on observerait plus de
échoue quand les compétences dans tous les champs sont hété- progrès des élèves aidés), ce dispositif pourrait avoir des
rogènes ou subissent de grandes variations. […] Elle échoue « effets paradoxaux » contribuant à dégrader l’efficience
également quand tous les champs sont très bas4. » globale de l’école (on observerait corrélativement une
Autrement dit, si le ministère lançait une évaluation in- baisse moyenne des résultats des élèves de France dans
dépendante de l'aide personnalisée, on serait très loin des les évaluations nationales ou internationales). Le dispo-
attentes proclamées à Périgueux quant à l’amélioration des sitif de l'aide personnalisée, présenté comme un moyen
apprentissages et, à cet égard, le bilan serait vraisemblable- d’améliorer l’efficience de l’école, pourrait alors s’avérer
ment très décevant5. contreproductif.
Quant à la question des rythmes scolaires, après que l’Aca- Un tel phénomène – des effets contraires à ceux attendus
démie de médecine puis la Cour des comptes ont rendu – ne devrait pas surprendre. Il a déjà été mis en évidence
publiques des appréciations très critiques sur la semaine de par la recherche à plusieurs reprises. C’est le cas du sys-
quatre jours, en programmant une Conférence nationale tème d’évaluation mis en place aux USA, dans le cadre
sur ce sujet, le successeur de Xavier Darcos a implicitement de la loi « No Child Left Behind », qui lie notamment les
reconnu que cette formule était mauvaise. financements des écoles publiques aux résultats obtenus
par les élèves à des épreuves standardisées. Selon des
Quelques points positifs, quand même… études états-uniennes, il a incité les écoles à un bachotage
Un tel bilan, même réalisé par une équipe indépendante du qui a entrainé, pour beaucoup d’entre elles, une baisse
ministère, pourrait cependant comporter quelques points du niveau effectif de connaissances des élèves. Thomas J.
positifs. Scott écrit ainsi : « NCLB (No Child Left Behind) a eu un
impact délétère sur le moral des enseignants. Elle a entrainé
2 http://media.education.gouv.fr/file/2009/16/8/
un rétrécissement continu des programmes scolaires afin de
reforme-enseignement-primaire_118168.pdf réussir les évaluations mesurant le Progrès Annuel Acceptable
3 http://agir.unblog.fr/files/2009/11/recherchefnaren8pages.pdf (Adequate Yearly Progress (AYP) »6. On parle aussi d’éco-
4 Il s’agit des cinq champs définis par l’outil d’évaluation les californiennes qui auraient trafiqué leurs résultats, cas
diagnostique Le profil 125, extrait du Livret d’évaluation et d’aide révélateurs des dérives de ce « teaching to the test ».7 Que le
à l’élève en difficulté, conçu et expérimenté en coopération par la pilotage par des évaluations standardisées puisse avoir des
FNAME et l’université René Descartes (publié aux éditions EAP).
effets paradoxaux, cette idée semble maintenant admise
5 Une évaluation d’un dispositif en tous points comparable, l’aide
individualisée en classe de seconde (A.I.S.), conclut qu’il ne semble pas
améliorer les résultats scolaires des élèves (Danner Magali, Duru-Bellat
Marie, Le Bastard-Landrier Séverine et Suchaut Bruno, 2001, « L'aide
individualisée en seconde : Mise en route et premiers effets d'une
6 Thomas J. Scott, « The 2008 Election in the United
innovation pédagogique ». Éducation et formations, n° 60 p. 50–65).
States : A New Direction for Education ? », article pour le
Rappelons que, dans les études de Dominique Glasman, les bénéfices
site des Cahiers Pédagogiques (2 nov. 2008), http://www.
des dispositifs d’accompagnement éducatif apparaissent également
cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=4020
très maigres (Glasman Dominique, 2001, L'accompagnement scolaire,
Sociologie d'une marge de l'école, PUF ; Glasman Dominique, Besson 7 Voir l’article du San Francisco Chronicle du 13 mai 2007 :
Leslie, 2004, Le travail des élèves pour l'école en dehors de l'école. Rapport http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.
pour le Haut conseil de l'évaluation de l'école, La documentation française). cgi?f=/c/a/2007/05/13/MNGMSPPIU91.DTL
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par la communauté des chercheurs en Europe sur la base Ici, c’est bien le même enseignant qui encadre ses élèves
d’études récentes.8 en classe, et dans l'aide personnalisée et il n’y a donc pas
Effets paradoxaux, c’est aussi le cas d’un dispositif d’aide d’externalisation de droit. Mais si le maitre compte plus
mis en place en 2003 dans les écoles britanniques, les qu’auparavant sur l'aide personnalisée pour aider les élèves
Teaching Assistants (TA). Il s’agit de personnels non les plus faibles, insensiblement et inconsciemment, il peut
enseignants recrutés pour soutenir le travail des équipes prendre de plus en plus de risques à leur endroit dans les
d’écoles dans les quartiers populaires, sur le modèle des vingt-quatre heures de classe. De fait, il externalise alors
assistants d’éducation déployés dans les écoles françaises progressivement le traitement des difficultés d'apprentis-
entre 1997 et 2002. Mais, outre des tâches techniques, sage.
administratives et de surveillance, les TA interviennent Dans un tel processus, il est vraisemblable qu’à mesure que
aussi auprès des élèves : études dirigées, soutien et prises les mois passent, les difficultés des élèves les plus fragiles
en charge individuelles ou de petits groupes d’élèves dans s’aggravent. Un cercle vicieux peut se mettre en route :
le cadre d’actions de différenciation pédagogique (c’est plus la progression de la classe s’accélère, plus le retard des
l’enseignant qui donne le plan de travail). élèves faibles se creuse, plus se justifie le recours à l'aide
Des chercheurs de l’Institute of Education de l’université personnalisée et plus, au bout du compte, ces élèves sont
de Londres9 ont évalué auprès de 20 000 enseignants l’im- relégués.10
pact de ces TA sur le développement des compétences À cette étape de notre réflexion, il faut aussi envisager un
des élèves. Leur étude publiée l’an dernier montre avec cercle vertueux : dans l'aide personnalisée, l’enseignant
netteté qu’à profil comparable, les élèves aidés par les TA comprend mieux les difficultés des élèves concernés et cela
progressent moins que ceux qui ne prennent pas part à ce l’amène à ajuster son enseignement pour le rendre plus pro-
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dispositif. Certes, la présence des TA a amélioré le climat pice aux apprentissages pour ces enfants. Aussi faudrait-il
dans les classes, mais de façon surprenante pour les cher- que les responsables du système éducatif encouragent cette
cheurs anglais, elle a été contreproductive sur le plan des sorte de rétroaction en aidant les équipes d’enseignants à
apprentissages. analyser et comprendre les difficultés des élèves et à penser
Sommairement, l’explication de cet effet paradoxal est la leur action bien plus en termes de prévention que de remé-
suivante : le traitement de la difficulté scolaire est externa- diation. Nous reviendrons plus loin sur ce point.
lisé, mais les TA étant moins formés que les enseignants,
« Élèves en difficulté » : catégorie
leur intervention ne peut pas être aussi efficace ; les élèves
objective ou catégorie statistique ?
les plus fragiles étant retirés très souvent de leur classe, les
enseignants sont conduits à pousser la cadence ; l’écart se Un des risques de l'aide personnalisée, c’est aussi une perte
creuse entre les élèves aidés par les TA et les autres, plus de lucidité sur les disparités de profils regroupés dans la
stimulés. Les résultats des plus fragiles sont moins bons catégorie « élèves en difficulté ». En effet, comme l'aide per-
que s’ils restaient en classe avec le groupe. Mais les signaux sonnalisée est mise en place obligatoirement dans toutes les
d’alerte sont faibles, car les résultats moyens demeurent écoles selon les mêmes règles, il est obligatoire de recenser
stables ou progressent légèrement. On a là l’exemple d’un des élèves en difficulté dans toutes les écoles, quelle que
dispositif qui se veut égalitaire et qui aggrave les inégali- soit leur sociologie, que celles-ci recrutent des enfants des
tés. classes moyennes supérieures (passant tous les paliers du
socle commun avant l’heure) ou qu’elles scolarisent des
Un risque d’externalisation de fait enfants de familles très populaires. Il est alors évident que
Certes, en France, les élèves inscrits à l'aide personnalisée l’expression « élèves en difficulté » désigne une catégorie
sont encadrés par un enseignant – de surcroit, c’est le leur – statistique parfaitement relative : les élèves en difficulté
et ils font partie du groupe classe durant les vingt-quatre repérés pour l'aide personnalisée ici feraient figure de très
heures de l’emploi du temps de base. Pourtant, il n’est pas bons élèves ailleurs. Avec cette définition statistique, il y
sûr que cela nous mette complètement à l’abri des effets a ainsi 15 à 20 % d’élèves en difficulté en maths spé et en
paradoxaux constatés par les chercheurs de l’Institute of khâgne ! Et, dans ce cas, en RAR, 80 % des élèves sont en
Education. Comment exclure en effet que, devant les diffi- réussite !
cultés de quelques élèves de leur classe, certains enseignants Le dispositif de l'aide personnalisée fait exister les « Élèves
se disent parfois : « Ce n’est pas si grave, on pourra y revenir en difficulté » dans la communication du ministère, dans
au moment de l'aide personnalisée » ? Alors qu’auparavant, le langage administratif, dans les échanges professionnels,
pour déterminer le rythme des progressions, ces maitres par conséquent, dans les représentations banales des ac-
tenaient largement compte des difficultés des uns et des teurs. Est-on alors conscient de transformer une catégorie
autres, ils peuvent maintenant être tentés de pousser la ca- statistique en catégorie objective ?
dence… quitte à distancer les élèves les plus faibles. L'aide Cette transformation ne serait peut-être pas si gênante
personnalisée a le pouvoir de rassurer les enseignants sur si l’on ne confondait pas ainsi des profils très différents,
les apprentissages de ces élèves. C’est un vrai danger ! depuis l’élève qui n’a pas bien compris la notion que le
maitre vient de lui enseigner (dans les écoles des quartiers
favorisés, c’est le profil très majoritaire des élèves mobili-
8 Voir le rapport de Nathalie Mons pour la Commission
européenne et l’agence Eurydice, 2009, « Les effets théoriques et sés dans l'aide personnalisée, profil pour lequel, du reste,
réels de l’évaluation standardisée » : http://eacea.ec.europa.eu/
education/eurydice/documents/thematic_reports/111FR.pdf 10 D’où les principes que des équipes d’écoles et certains IEN ont
9 Cette étude a été publiée l’an dernier. Résumé en anglais : http://www. adoptés : les groupes d'aide personnalisée sont des « groupes de besoin »
ioe.ac.uk/newsEvents/31191.html. Le Café pédagogique en a fait état dans (et non de niveau) ; chaque groupe fonctionne sur une des cinq périodes
l’Expresso du 7 septembre 2009, sous le titre : « Quand l’aide se retourne scolaires ; un même élève ne peut pas être inscrit à l'aide personnalisée
contre les élèves en difficulté : l’exemple éclatant des Teaching Assistants ». plus de deux périodes ; celles-ci ne peuvent être consécutives.
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l'aide personnalisée est la plus efficace) jusqu’aux enfants élitiste13. Plutôt que de courir de dispositifs de remédiation
qui ont « peur d'apprendre »11 et ne donnent pas – ou pas improvisés en modalités de soutien plus ou moins extérieu-
encore – sens à l’école. Il y a là un paradoxe qui ne semble res à la classe, il est urgent de mieux comprendre la genèse
pas avoir été suffisamment souligné : le dispositif de l'aide des difficultés scolaires. On ne peut pas alors faire l’éco-
personnalisée, qui se présente comme une modalité de nomie d’un questionnement sur les choix pédagogiques et
différenciation pédagogique et comme une action personna- didactiques, tout particulièrement de la petite section au
lisée, est curieusement très imprécis dans la définition des CE1 : les pratiques des maitres sont-elles judicieuses pour
besoins des élèves et dans celle des différentes formes de la aider tous les enfants à franchir les obstacles que la psycho-
difficulté scolaire… logie a pu repérer dans les apprentissages, notamment pour
ceux de la lecture-écriture et des mathématiques ?
La difficulté scolaire : l’école hors de cause ?
Ainsi, dans le domaine de la lecture, des travaux récents
On vient de le dire, le dispositif de l'aide personnalisée plaident pour réinterpréter les recherches des vingt derniè-
invite à admettre qu’il existe obligatoirement des élèves res années sur le rôle de la conscience phonologique dans
en difficulté. Avec cette conclusion implicite, la difficulté la réussite en lecture14. D’un point de vue didactique, on
scolaire apparait du même coup comme une réalité exté- peut en conclure qu’il convient de mieux lier la conscience
rieure à l’enseignement, à ses programmes et progressions, phonologique à un travail sur l’écrit et de prendre en
à ses démarches, méthodes et procédés, indépendante du considération le saut qui existe entre la conscience de la
fonctionnement de l’école. Si des élèves sont en difficulté syllabe (très facile) et la conscience des phonèmes (bien
scolaire, ce n’est ainsi pas, ou pas essentiellement, en raison plus abstraits)15.
de choix pédagogiques ou didactiques inadaptés. C’est plu-
tôt la conséquence normale et naturelle de caractéristiques Une bonne connaissance des pratiques des enseignants
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individuelles de ces enfants, caractéristiques de nature amène aussi à observer que ceux qui font écrire fréquem-
physiologique (« fatigabilité »), psychologique (« immatu- ment de petits textes à leurs élèves dès la grande section
rité », « lenteur », « manque d’attention », « dispersion », mettent en œuvre un travail très efficace de prévention des
« inappétence », quand ce n’est pas « défaut d’intelligence ») difficultés16.
voire de pathologies de la cognition (« dyslexie », « dyscalcu- Concernant l’orthographe, dont la connaissance com-
lie », « dysgraphie »…). Quand un tel enfant fragile devient mande l’accès à une lecture habile et à la voie directe, la
élève, il est normal qu’il manifeste ces mêmes faiblesses baisse générale des compétences observée par Danièle
dans les tâches exigeantes que lui demande l’école. C’est Manesse et Danièle Cogis17 (moins deux années en dix
du reste pourquoi il faut lui donner plus de temps… ans !) doit amener à une réévaluation des pratiques. Il
Cette vision fait retour à la pseudothéorie des dons que les conviendrait certainement d’interroger le geste pédagogi-
opposants à la démocratisation de l’enseignement avaient que qui consiste à laisser les élèves écrire leur premier jet
mise en selle au début des années 60 pour expliquer l’échec comme ils le peuvent à partir de leurs seules connaissances
scolaire : les différences de réussite révèlent la répartition de la graphophonologie (ce que certains maitres appellent
inégale de « dons » (tout le monde ne peut pas être Mo- « écrire avec les oreilles »)18.
zart ou Einstein). Dans ce scénario, la difficulté scolaire Dans le domaine des mathématiques, Rémi Brissiaud a
et, pour finir, l’échec scolaire sont ainsi la malheureuse pu montrer que l’enseignement du comptage au cycle 1,
conséquence du fait que tous les enfants ne sont pas égaux plutôt que des décompositions, retarde l’accès au nombre
devant l’école. Si l’on admet que les fragilités personnelles et au calcul, plus particulièrement pour les enfants des
de l’enfant aient une histoire, c’est pour en situer l’origine milieux populaires19.
dans sa famille ou son milieu social (pseudothéorie du Quant au domaine si crucial du langage oral, face à la plé-
handicap socioculturel). thore de déplorations sur les incompétences des élèves les
Pas davantage que dans les années 60, on ne voit en quoi plus faibles arrivant au CP, la rareté des études du dévelop-
l’enseignement délivré serait une source effective de la
difficulté scolaire. Celle-ci n’est pas alors conçue comme 13 Cf. Christian Baudelot et Roger Establet, 2009, L’Élitisme républicain,
une construction sociale et scolaire, une réalité évolutive au l’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil.
croisement des enfants tels qu’ils sont et de l’enseignement 14 Par exemple, Castles Anne et Coltheart Max, 2004,
« Is there a causal link from phonological awareness to
tel qu’il est, mais sous la forme d’un donné, déjà là avant success in learning to read ? », Cognition, n° 91.
tout enseignement. Rien dans ce discours officiel sur la
15 Sur ce point, Gérard Toupiol et moi avons coordonné une recherche
difficulté scolaire n’attire l’attention sur le rôle de l’école et menée avec le concours de la FNAME (Fédération nationale des
des choix didactiques dans la construction des « malenten- associations de maitres E) et avec la collaboration de Jean-Paul Fischer,
dus scolaires » ou des « inégalités d'apprentissage ».12 professeur de psychologie à l’université de Nancy-2. Cette recherche
vient de s’achever et donnera lieu à de prochaines communications.
Interroger les choix pédagogiques et didactiques 16 Un ensemble de pratiques alternatives à la pédagogie la plus
répandue sont décrites et justifiées dans la mallette Prévelire
Pourtant, on ne peut pas expliquer de la sorte pourquoi, avec (André Ouzoulias, 2009, Retz), notamment dans les pages PDF
les enfants des milieux populaires, l’école française réussit « Compléments pratiques » à télécharger à partir du CD-ROM. Cet
nettement moins bien que beaucoup de pays comparables, outillage est présenté dans un entretien lisible ici : http://www.
editionsretz.com/docnotices/notice1_1391_interview_avec_andre_
pourquoi, par-delà les professions de foi démocratique, ouzoulias_sur_la_mallette_prevelire_-_version_integrale.pdf
elle est si peu une « école du peuple », pourquoi elle est si 17 Danièle Manesse et Danièle Cogis, 2007,
Orthographe, à qui la faute ? ESF.
18 Voir André Ouzoulias, 2009, « La mémorisation de
11 cf. Serge Boimare, L’enfant et la peur d'apprendre, Dunod, 2004. l’orthographe lexicale, un enjeu décisif », Cahiers pédagogiques
12 Voir : Élisabeth Bautier & Patrick Rayou, n° 474, sur le thème « Aider à mémoriser ».
2010, Les Inégalités d'apprentissage, PUF. 19 Rémi Brissiaud, 2007, Premiers pas vers les maths, Retz.
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pement du langage de l’enfant et des pratiques scolaires en non pas seulement à partir de théories générales sur
maternelle est vraiment affligeante. Encore plus rares sont la motivation, la concentration ou la mémoire, mais
les recherches-actions sur ce sujet (mais la recherche péda- en fonction d’objectifs précis d'apprentissage de telle
gogique, singulièrement en maternelle, semble devenue un compétence ou de telle connaissance.
luxe). Corrélativement, la formation initiale et continue des Par-delà une plus grande efficacité du dispositif d'aide
enseignants dans ce domaine est quasi inexistante. Tout se personnalisée, les animateurs de ce pilotage devraient
passe comme si allait de soi l’idée selon laquelle la pratique constamment viser les rétroactions sur la classe au
du « mot du jour » assortie de la lecture à haute voix de quotidien : comment prévenir ces difficultés en
textes littéraires – indispensable au demeurant – suffit aux amont, que peut-on modifier et que faut-il modifier
enfants pour construire leurs compétences orales20. dans l’enseignement ordinaire (les vingt-quatre heures
pour tous) pour favoriser une plus large réussite ? De
Vers une pédagogie à visée préventive
la sorte, on peut espérer que l'aide personnalisée soit
Face à la difficulté scolaire, dans les années 90, les maitres l’occasion pour les maitres de mieux comprendre les
ont été très fortement incités à différencier leur enseigne- difficultés de leurs élèves, d’ajuster leur enseignement
ment. Mais cela passait (et passe encore) par un discours à leurs besoins et de mieux les prendre en compte dès
sans recul sur les groupes de niveaux, pourtant réputés la conception de leur enseignement.
pour aggraver les différences ou sur des dispositifs tout
aussi peu contrôlés et parfois très compliqués. Comme le dit 2. Une organisation rigoureuse du dispositif. Il s’agit
Sylvie Cèbe dans un entretien stimulant à propos de l'aide tout à la fois de se prémunir contre l’étiquetage et de
personnalisée, « si la pédagogie différenciée avait dû faire la rendre le dispositif le plus efficace possible. Pour cela,
preuve de son efficacité, elle l’aurait fait depuis longtemps et on peut suivre quelques précautions, comme celles qui
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ça se saurait ! […] Une chose est sure, tous les enseignants sont citées ci-dessus (note 10) et que nous précisons
connaissent parfaitement bien les théories qui la sous-tendent. ici :
Or, l’observation montre que seule une minorité d’entre eux (les a. Les groupes d'aide personnalisée sont des groupes
maitres formateurs le plus souvent) la mettent réellement en de besoin et non des groupes de niveau ; ils sont donc
œuvre. Pourquoi ? Parce que cette organisation pédagogique, centrés sur l’acquisition d’une compétence cruciale
pour fondée qu’elle soit, est extrêmement difficile à mettre en pour la dynamique globale d'apprentissage dans le
œuvre. » Sylvie Cèbe en conclut que l'aide personnalisée est domaine (lecture, maths, etc. ?) et au moment (cycle
une solution intéressante et qui demande à être soutenue, 2, cycle 3, etc. ?) concernés. Par exemple, on vise le
étudiée et améliorée. développement de l’oral ou la capacité à écrire en
cursive au début du CP, la lecture orthographique ou
Nous avons adopté ici un autre point de vue. Sans négliger la numération décimale au CE1, la lecture par grou-
les opportunités d’améliorer l'aide personnalisée (qui ne pes de mots au CE2, l’investigation de la psychologie
peut viser le même public que les aides spécialisées), nous des personnages dans les textes littéraires au CM…
avons surtout voulu pointer les effets paradoxaux que b. Chaque groupe de besoin a une durée de vie limitée,
ce dispositif pourrait entrainer sur l’efficacité globale de par exemple d’une période scolaire (entre deux pé-
l’école dans les apprentissages, notamment pour les élèves riodes de congés scolaires), soit cinq à sept semaines.
des milieux populaires. Ces effets paradoxaux nous sem- Ce faisant, les maitres se donnent des contraintes de
blent malheureusement difficiles à éviter dans un contexte temps qui obligent à « cibler » un objectif mesuré (et
où l’on ne cherche guère à comprendre la genèse des évaluable). C’est aussi la condition pour que, entre le
difficultés scolaires et où les choix pédagogiques et didac- début et la fin de ce « module », l’élève puisse se voir
tiques les plus répandus ne sont absolument pas évalués « bouger ».
sous cet angle. En consacrant en quelque sorte la fatalité c. Un même élève ne participe pas à plus de deux grou-
des difficultés scolaires, en ne donnant pas la priorité à la pes dans l’année (soit trente heures au maximum).
prévention des difficultés dans le quotidien de la classe et S’il participe à deux groupes, ceux-ci ne sont pas
en écartant à priori la possibilité de progrès pédagogiques successifs. On vise ici à éviter la stigmatisation (et
et didactiques pour y parvenir, un tel dispositif pourrait la fatigue !).
bien se révéler contreproductif.
3. Des activités stimulantes, jouables en petits groupes.
Addenda Comme il s’agit d’un moment de travail en petit
groupe, on peut chercher à mettre en œuvre des si-
L’aide personnalisée, malgré tout ? tuations réputées stimulantes, mais difficiles à animer
Si on cherche à faire de l’aide personnalisée (AP) un mo- en grand groupe. Ainsi, le petit groupe d'aide person-
ment utile aux élèves des écoles primaires, c’est-à-dire si nalisée se prête bien à un travail intense sur l’oral avec
l’on veut éviter d’alimenter les « effets paradoxaux » (cf. les élèves les moins avancés, qui n’est guère possible
l’article ci-dessus), il me semble qu’il faut remplir – au en classe ordinaire. De même, il serait dommage de
moins – les quatre conditions suivantes : ne pas profiter de cette situation pour faire produire
de courts textes aux élèves qui ont le plus besoin de
1. Un authentique pilotage local des projets des écoles. développer leur familiarité avec la langue écrite, alors
Il doit permettre une évaluation des actions, des que l’animation de cette tâche avec la classe entière est
échanges entre les équipes d’écoles, la mutualisation loin d’être simple. C’est encore le cas de l’expression
de ressources, des moments de formation continue sur théâtrale qui peut aider des élèves à surmonter une
les « causes » des difficultés dans les apprentissages, timidité, à développer leur aisance à l’oral et, si l’on
transpose des textes littéraires, à mieux saisir la psy-
20 Des pratiques alternatives sont décrites dans Philippe Boisseau, 2005,
Enseigner la langue orale en maternelle, coédition Retz-CRDP de Versailles.
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94 Cahiers pédagogiques - Hors-série numérique n° 22, février 2011 Utilisation commerciale interdite.
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chologie des personnages et, plus généralement, à lire exigerait un minimum d’investissement public dans
plus en profondeur, au-delà de l’explicite… la recherche en éducation. Cela demanderait aussi la
Une aide au diagnostic. Pour aider les enseignants à mise au point d’outils diagnostiques, la désignation
aider leurs élèves, à éviter les difficultés qu’un en- de personnes (ou d’équipes) ressources, une vraie
seignement inapproprié peut engendrer ou figer et, politique de formation continue…
plus encore, à prévenir ces difficultés, il faut les aider Un ministère soucieux du perfectionnement de l’école
à affiner leur observation des élèves (par exemple en s’engagerait dans le suivi de cette politique avec constance.
travaillant sur des études de cas), à porter un regard Il s’emploierait notamment à évaluer la diversité des formes
plus analytique sur leurs difficultés, à hiérarchiser les d'aide personnalisée pour permettre aux équipes d’école
compétences… de naviguer dans des mers moins embrumées et dont les
4. Tout cela exige une bonne connaissance, dans le écueils et les chenaux sont bien repérés.
domaine concerné, des processus d'apprentissage et
des obstacles que les élèves doivent franchir. On ne André Ouzoulias
peut faire l’économie de cette instance théorique. Elle Professeur à l’IUFM de Versailles-
Université de Cergy-Pontoise
Département PEPSSE (philosophie, épistémologie,
psychologie, sociologie et sciences de l'éducation)
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

L’aide en Finlande Assurer le droit à l'éducation pour tous


Depuis la grande réforme des années 1970, l’objectif
principal de la politique finlandaise de l’enseignement est
Minna Puustinen d’assurer à tous les citoyens, quels que soient leur âge, leur
origine géographique, leurs moyens financiers ou leur lan-
gue maternelle, des chances égales d’avoir une formation.
Une chercheuse qui connait bien le système finlandais C’est un principe qui traverse tout le système éducatif.
(qui a été celui de ses études) nous présente • Une école pour tous, par la création de l’école fonda-
l’importance des dispositifs d’aide dans cette école mentale dans les années 1970).
« qui marche ». • Deux systèmes parallèles, un en finnois, un en suédois1.
Un enfant peut donc faire toute sa scolarité, depuis le
jardin d’enfants et jusqu’à l’université, en finnois ou
en suédois.
L’organigramme du système d’enseignement • La gratuité totale de l’enseignement obligatoire (y
compris les repas, les fournitures, les manuels, les
transports, la médecine scolaire).
• La politique d’intégration : son but est de permettre
aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers de
mener une vie aussi ordinaire que possible, et notam-
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ment de bénéficier de l’enseignement commun au sein


de l’école de leur quartier ou secteur.
• Et enfin, et ce dernier point va nous intéresser plus
particulièrement, tout est mis en œuvre « en amont »
pour minimiser l’échec scolaire et l’exclusion.
L’importance du dépistage précoce
Presque tous les enfants finlandais sont pris en charge par
un système équivalent au service français de protection ma-
ternelle et infantile (PMI), qui fonctionne avec des équipes
pluridisciplinaires (sage-femmes, infirmières, médecins,
travailleurs sociaux, psychologues). Les futures mères
sont prises en charge dès le début de leur grossesse, et le
suivi de l’enfant se poursuit jusqu’au début de la scolarité
obligatoire. La médecine scolaire prend ensuite le relai.
Des examens réguliers sont prévus. Celui de l'âge de cinq
ans est particulièrement important du point de vue de la
scolarisation : on s’y intéresse au développement de l’en-
fant d’une manière très complète (développement global,
psychomoteur, langagier, cognitif). Grâce à la collaboration
avec les jardins d’enfants et les garderies, on arrive à attein-
dre la quasi-totalité des enfants de cinq ans.
Si on constate que l’enfant a besoin d’un soutien ou d’un
accompagnement renforcé, par exemple à cause de problè-
mes liés au développement langagier, à l’hyperactivité, on
met en place, en collaboration avec tous les protagonistes2,
la solution la plus adaptée pour l’enfant, autant que possi-
ble dans le cadre de son système de garde habituel. S’il est
évident dès l’âge de cinq ans que l’enfant ne pourra pas at-
teindre les objectifs fixés pour l’enseignement fondamental
en neuf ans, par exemple à cause d’un handicap, la période
d’instruction obligatoire pourra commencer un an plus tôt
(dès l'âge de six ans) et durer onze ans.
La scolarité obligatoire en Finlande commence à l’âge de Lorsque l’enfant entre à l’école fondamentale, il n’y a pas
sept ans et se termine à seize ans : ce sont les neuf années de coupure : les informations nécessaires circulent entre
d’enseignement fondamental. Avant l’âge de sept ans, il y les jardins d’enfants et les écoles (tout en respectant le
a une année facultative d’enseignement préscolaire. Après secret médical).
seize ans, les jeunes choisissent entre le lycée (environ Le but de ce système de dépistage précoce est donc de
60 %), la formation professionnelle (environ 35 %) et une mettre en place un accompagnement adapté avant même le
dixième année d’enseignement fondamental. Les études début de la scolarité obligatoire.
supérieures (universités et écoles supérieures d’enseigne-
ment professionnel) commencent en général à partir de 1 94 % des Finlandais ont le finnois pour
dix-neuf ans. langue maternelle, 6 % le suédois.
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L’accompagnement des élèves en Les enseignants sont aidés dans leurs démarches de
difficulté à l’école fondamentale différenciation. On considère que la collaboration entre
Le principe de base est de proposer de manière prioritaire enseignants dans la planification et la réalisation des
l’aide dans le cadre de l’enseignement ordinaire. On fait mesures de soutien est une forme de travail importante,
donc le maximum, avec l’aide des enseignants spécialisés, et il y a du temps réservé pour ça dans l’emploi du temps
pour permettre à l’enfant de rester dans son contexte habi- hebdomadaire des enseignants.
tuel, dans sa classe ou du moins son école habituelle. À Jyväskylä, toutes les écoles fondamentales ont au moins
Si l’aide fournie de cette manière s’avère insuffisante, si on un enseignant spécialisé (de l'ordre d'un pour 200 élèves).
estime que, malgré les mesures de soutien et d’accompa- Depuis les réformes qui ont diminué fortement le nombre
gnement, l’élève ne pourra pas atteindre les objectifs de d’établissements spécialisés, les enseignants spécialisés
l’enseignement ordinaire, on a la possibilité de le transférer sont affectés dans les écoles ordinaires. Ils aident donc les
dans l’enseignement spécialisé. Même dans ce cas-là, enseignants ordinaires à mettre en place de la pédagogie
l’élève restera le plus souvent au sein de sa classe ou en différenciée.
tout cas au sein de son école. Les établissements spécialisés L'intervention des enseignants spécialisés
sont rares, et le redoublement est exceptionnel. Ils peuvent proposer, lorsque c’est adapté aux difficultés de
Les dispositifs d'aide à Jyväskylä l’élève, de l’enseignement spécialisé à temps partiel, soit en
simultané dans la classe ordinaire, soit en petits groupes de
Les mesures de soutien et d’accompagnement varient dix à quinze élèves.
d’une ville, voire d’une école à l’autre : le système éducatif
finlandais est très décentralisé et il existe beaucoup de Des cours de rattrapage
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souplesse et de liberté de choix au niveau local. J’ai choisi Les élèves ayant un retard temporaire dans leurs études, ou
de présenter le cas d’une ville, Jyväskylä, située dans la qui ont besoin d’un soutien particulier peuvent bénéficier
Finlande centrale. Il s’agit d’une ville universitaire de taille des cours de rattrapage.
moyenne : 80 000 habitants, 7 000 élèves à l’école fonda- Une aide dans la classe
mentale. Enfin, un auxiliaire de vie scolaire peut épauler l’enseignant
Dans un premier temps, l’objectif est de permettre à l’élève dans son travail au sein de la classe. Il est aussi possible de
d’être aidé dans le cadre de l’enseignement ordinaire. Pour demander à des enseignants ou des enseignants spécialisés
cela, à Jyväskylä, on a prévu une grande panoplie de mé- qui sont libres de seconder l’enseignant : dans ce cas, plu-
thodes. sieurs enseignants enseignent au sein de la même classe.
La différenciation des enseignements, ou la pédagogie différen- Des modalités variées de regroupement
ciée On peut organiser des cours qui regroupent plusieurs clas-
C'est-à-dire toutes les mesures par lesquelles on modifie ou ses à la fois, dans le but d’avoir plus de ressources, c’est-à-
on fait varier les manières d’enseigner d’une matière. Par dire plus d’enseignants pour les cours de rattrapage.
exemple, un élève qui a du mal à lire un document écrit en
tout petit pourra avoir le même texte écrit en plus grand et
Minna Puustinen
avec une mise en page adaptée.
Maitre de conférences en psychologie,
IUFM Nord-Pas-de-Calais

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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

Des témoignages lors


des ateliers

Comment prendre en Le lien avec la classe


Tout au long du travail, le lien avec la classe est un élément

compte les élèves essentiel : échanges avec l’enseignant, observation de


l’élève en classe, suivi de son évolution dans la classe et
dans le groupe. Quand cela est possible, l’élève peut aussi
dits « à besoins présenter en classe ou lors d’une manifestation scolaire une
activité préparée dans le petit groupe qui lui permettra de
particuliers » ? prendre alors une place d’expert, puisqu’il sera amené à
guider et aider ses camarades.
Stéphanie de Vanssay Quelles situations proposer ?
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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne me


semble ni pertinent, ni opportun de proposer aux élèves en
Les élèves en difficulté ont droit à la complexité, en difficulté des situations simplifiées qu’ils réussiraient faci-
ont même besoin pour mieux apprendre. Aider ne lement. Les élèves ne seraient pas dupes (réussir quelque
signifie pas simplifier les notions et les démarches, chose de facile n’est pas valorisant) et cela ne les ferait pas
mais accompagner la confrontation à des situations progresser. Je leur propose donc des situations complexes
complexes. pour quatre raisons :
• Parce que c’est justement ce qui leur pose problème.
En effet, la plupart des élèves en difficulté peuvent
La notion de « besoins particuliers » est vaste concernant les acquérir des mécanismes, mais ont beaucoup de diffi-
enfants présentant une déficience, des difficultés d’appren- cultés à savoir quand et comment les mettre en œuvre
tissages ou des désavantages sociaux. Un dispositif permet dans une situation complexe.
d'accompagner les élèves scolarisés en milieu ordinaire : le • Parce que le monde est complexe.
RASED (Réseau d’aide spécialisé aux élèves en difficulté).
Depuis le début du XXe siècle, la plupart des cher-
Il s'agit d'une équipe d’enseignants spécialisés comportant
cheurs en sciences humaines et des philosophes
un psychologue de l’Éducation nationale, un ou plusieurs
laissent de côté l’approche cartésienne, analytique, et
enseignants spécialisés à dominante pédagogique et un ou
la recherche de la simplicité, au profit des concepts de
plusieurs enseignants spécialisés à dominante rééduca-
diversité et de complexité. Tout ne peut pas être ca-
tive1.
tégorisé, la nature ne fonctionne pas analytiquement,
Enseignante spécialisée à dominante pédagogique, je la vie quotidienne n’est pas logique. Aujourd’hui, avec
prends en charge, sur le temps de classe, des petits groupes les nouvelles technologies, la multiplication des com-
d’élèves qui rencontrent des difficultés scolaires. munications, l’accès à l’information, la mondialisation,
notre vie continue de se complexifier. Yves Bertrand
Mes outils de travail
constate : « La plupart des analystes amenés à réfléchir
La médiation pédagogique sur la situation générale de l’éducation s’entendent sur
Je travaille avec mes groupes d’élèves en utilisant des un point : l’éducation contemporaine est profondément
supports pédagogiques, mais dans une stratégie de détour, marquée par une complexité grandissante, de plus en plus
c'est-à-dire que je n’aborde pas directement la ou les dif- difficile à comprendre et à expliquer ».2 L’éducation, et
ficultés rencontrées avec des séries d’exercices d’entraine- donc le travail de l’enseignant, est aujourd’hui de plus
ment aux notions en cause, j’essaie au contraire de proposer en plus complexe.
des activités, des projets motivants où ces notions seront • Parce que les situations complexes ont plus de sens.
nécessaires à un moment ou un autre de la démarche. Elles
seront ainsi travaillées « en situation » et avec des supports Le sens est une idée intelligible à laquelle un objet de
différents de ceux de la classe. pensée peut être rapporté et qui sert à expliquer, à jus-
tifier son existence.3 Or, pour expliquer et justifier un
Des projets de groupe et individuels objet de façon intelligible, pour lui donner son sens, il
Pour chaque élève, un projet individuel est pensé et rédigé faut avoir en tête une vue d’ensemble de ce qui compose
en fonction de ses besoins et l’articulation des différents cet objet et des liens existant entre ses divers éléments.
projets individuels donne naissance à un projet de groupe C’est pourquoi la décomposition du complexe en élé-
qui précise les supports utilisés et les projets à mener.
2 Article d’Yves Bertrand dans Questions pédagogiques, Encyclopédie
1 Pour plus de détails, http://lewebpedagogique.com/ historique coordonnée par Jean Houssaye, Hachette Éducation, 1999.
blog/2009/08/24/les-rased-expliques-aux-parents/ 3 Petit Robert 1984.
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ments simples est limitatrice et provoque une perte de Il me semble aussi essentiel de faire vivre à ces élèves de
ce sens. Il n’est donc pas judicieux de simplifier pour vraies situations, car apprendre « pour plus tard » en « fai-
mieux accumuler des connaissances sans liens entre sant semblant » n’est pas une évidence pour les élèves en
elles. La conception de l’apprentissage, selon l’équipe difficulté, et que vivre des expériences permet de travailler
ERMEL, est que l’élève a besoin d’adapter ce qu’il sa- à la fois sur le « désir d’apprendre » et sur l’acquisition ou
vait à une situation nouvelle ou même de restructurer, l’utilisation de compétences en situation réelle. Je crois que
parfois radicalement, ses savoirs antérieurs. Pour cela, cela permet d’impulser une dynamique et de faire évoluer
il faut permettre à l’élève de faire un saut, de franchir leur rapport au savoir, mais trouver de « vraies situations »,
un obstacle en lui proposant des activités qu’il ne sait les moins artificielles possible, n’est pas toujours aisé…
pas réaliser seul d'emblée, mais qu’il peut s’approprier
avec l’aide de l’enseignant et de ses pairs et qui suscite Des exemples concrets
chez lui de l’intérêt.4 Il convient donc de choisir ou de Ces situations peuvent tout à fait être proposées en classe
construire une situation mettant en jeu les compéten- entière, pour le plus grand bénéfice de tous les élèves. En
ces visées dans un contexte contenant les paramètres effet, les élèves plus performants seront plus intéressés et
entourant la notion à acquérir. Il ne viendrait à l’idée motivés, et les élèves en difficulté ne seront pas les seuls
de personne, pour apprendre à conduire à quelqu’un, à ne pas tout de suite comprendre la situation. Quand la
de l’entrainer d’abord longuement à changer les vites- situation est complexe, même le « meilleur élève » de la
ses à l’arrêt. Pour savoir conduire, le futur conducteur classe n’a pas immédiatement accès à la solution et des
devra apprendre à maitriser ce geste en situation réelle élèves plus en difficulté peuvent très bien percevoir un
en fonction de nombreux paramètres (vitesse, autres point important et faire ainsi progresser toute la classe vers
véhicules, code de la route, état de la chaussée…), et la résolution, j’en ai observé de nombreux exemples.
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seules la pratique et la prise de conscience progressive


de tous les paramètres à prendre en compte permet- Tous les doigts de l’école
tront l’apprentissage, puis l’automatisation de la Cette activité mathématique de Françoise Paletou6 peut
conduite. être menée en fin de CP ou en CE1. Il s’agit de faire
Montaigne disait : « Mieux vaut une tête bien faite que compter aux élèves tous les doigts de l’école. Vous trouve-
bien pleine ». Selon Edgar Morin, « ce que signifie une rez une description de cette activité sur mon blog : http://
tête bien pleine est clair : c’est une tête où le savoir lewebpedagogique.com/devanssay/2008/03/17/tous-les-
est accumulé, empilé, et ne dispose pas d’un principe doigts-de-lecole/
de sélection et d’organisation qui lui donne sens. Une La création d’un blog personnel
tête bien faite signifie que, plutôt que d’accumuler le Pour des élèves de cycle 3, créer un blog est une activité
savoir, il est beaucoup plus important de disposer à la d’écriture complexe demandant de prendre en compte de
fois : nombreux facteurs, c’est aussi une vraie situation de
• d’une aptitude générale à poser et traiter des problè- communication. Une façon d’organiser cette activité est
mes ; décrite sur mon blog : http://lewebpedagogique.com/
• de principes organisateurs qui permettent de relier les devanssay/2010/09/23/blogs/
savoirs et de leur donner sens ».5 Le petit dictionnaire des pareils
• Enfin, parce que c’est plus motivant. David Hébert, qui est aussi enseignant spécialisé, a mis
D’une manière générale, découper les tâches en au point « Le petit dictionnaire des pareils » qui permet
éléments simples rend le travail monotone, alors l’apprentissage de l’abstraction et permet de prévenir les
qu’accroitre la complexité augmente l’intérêt, donc difficultés scolaires dès la maternelle. Ce travail intelligent
la motivation. Proposer une tâche complexe à l’élève, qui permet de travailler à la fois sur la catégorisation, le
c’est le valoriser, lui montrer qu’on le croit capable langage et la construction des premiers concepts mathé-
de réussir, c’est aussi une bonne façon d’éveiller sa matiques, est décrit en détail sur son site : http://www.
curiosité naturelle. L’absence de motivation a souvent pareils.free-h.net/
sa source dans la conscience erronée de l’incapacité.
Montrer à l’élève qu’il peut réussir dans une activité Stéphanie de Vanssay
complexe peut faire évoluer positivement l’image qu’il Maitre E dans la région parisienne
a de lui-même et de ses capacités.

4 ERMEL, Apprentissages numériques et résolution de problè- 6 Article de Françoise Paletou, IMF dans le Journal
mes – CE1, Hatier, 1993. des Instituteurs n° 9, Mai-juin 1987, Nathan.
5 Edgar Morin , La Tête bien faite – Repenser la réforme,
réformer la pensée, Seuil, L’histoire immédiate, 1999, page 23.

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N’oublions pas réseau d’aide, des partenaires, et le travail du maitre en


classe ou lors des aides personnalisées.

les PPRE ! Le travail de chacun dans la rédaction du programme est


marqué par des qualités propres. Certains ont utilisé l’as-
pect contractualisant pour aider à la résolution de certains
Brigitte Jaffry problèmes de comportement ou de posture, d’autres privi-
légient l’aspect « programmation », d’autres encore mettent
à profit les nouvelles occasions de mener des entretiens en
Quel est l'intérêt des PPRE ? En quoi le recours à un solo ou en ma présence.
dispositif formel permet de progresser effectivement En tant qu’outil de suivi, le PPRE permet d’ordonner et de
dans la prise en charge des difficultés scolaires ? formaliser le travail des collègues, de prioriser les objectifs.
Quelques points d'appui, présentés par la directrice Mais cela représente une difficulté réelle et récurrente.
d'une école parisienne. Faire le choix de telle ou telle compétence sous-entend
que l’on connait très bien à la fois l’élève concerné et
l’apprentissage visé, que l’on a suffisamment finement
analysé la difficulté. Enfin, il faut déterminer une stratégie,
L’équipe des enseignants de notre école est stable depuis ne pas rester au stade du constat fixé sur le document, ce
plusieurs années et intègre régulièrement de nouveaux qui aurait alors autant d’impact qu’une table au fond de la
collègues qui y trouvent facilement leur place, tout classe près du radiateur !
comme moi. Les plus anciens ont une longue expérience
Il faut que la différenciation en classe soit soutenue par les
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de l’éducation prioritaire et considèrent comme allant de


soi l’attention et la persévérance rendues nécessaires par efforts de l’élève engagé dans le processus. Il doit y parve-
la présence d’élèves en difficulté. L’engagement de chacun nir grâce à la compréhension des buts poursuivis, traduits
est à la fois un acquis du groupe et une attente collective. en objectifs intermédiaires et rendus compréhensibles,
prendre conscience de ses difficultés et surtout prendre
Les jeunes collègues stagiaires ou remplaçants bénéficient confiance en lui à travers des réussites reconnues.
de l’effet étayant de cette attitude partagée. Ils participent
aux échanges, que ce soit pour élaborer des réponses ou En tant que directrice, je peux, à travers ces programmes,
pour travailler les questions qui demeurent… et les dou- mieux connaitre les élèves et mieux cerner les besoins,
tes. préciser les propositions d’aide, mener un dialogue avec les
collègues et favoriser le travail de l’équipe. Chaque point
Un cadre institutionnel me donne l’occasion de réfléchir aux besoins de l’équipe
Nous mettons en œuvre les divers dispositifs d’aide et et de nos élèves, chaque progrès est plus visible. Quand
d’accompagnement à la scolarité. Les programmes person- le découragement refait surface pour une raison ou une
nalisés de réussite éducative (PPRE) n'ont pas posé de pro- autre, à propos d’un enfant, il est utile de pouvoir mesurer
blèmes de principes, correspondant au souci de formaliser le chemin parcouru…
les difficultés de certains élèves et les efforts marqués de
Un cadre pour les relations avec les parents
l’équipe pour y répondre. Les collègues les ont facilement
utilisés comme un lien d’année scolaire en année scolaire. Dans notre école, au moins deux des trois livrets de classes
Plus personnels et plus ajustés que le livret scolaire, ils sont sont remis aux parents en mains propres au cours d’un
considérés comme une meilleure indication du chemin à rendez-vous, les bilans intermédiaires des PPRE sont faits
parcourir comme du chemin déjà parcouru. à cette occasion. Ils peuvent aussi faire l’objet de rencontres
supplémentaires et sont parfois associés à des contrats de
« Chaque élève susceptible de ne pas acquérir les compétences travail quotidiens ou hebdomadaires.
attendues dans la mise en œuvre du socle commun doit bénéfi-
cier du programme personnalisé. » Chacun d’entre nous sait Lors des entretiens avec les parents et les élèves, le travail
que de nombreux redoublements font figure de symptôme d’explicitation des attentes et des objectifs pédagogiques
plutôt que de remède. La recherche de solutions incluant s’appuie sur le document qui devient un atout. Les échan-
l’aide et la différenciation est au centre de nos préoccupa- ges avec eux autour des résultats scolaires ne suffisent sans
tions. Dans ce contexte, le PPRE devient de plus en plus le doute pas à tisser suffisamment de liens de collaboration,
cadre institutionnel de mise en œuvre d’une politique des ni à provoquer assez d’occasions de valoriser l’impact de
cycles au bénéfice d’élèves en difficulté. leurs interventions sur la scolarité de leurs enfants.
L’école polyvalente a permis à deux reprises d’organiser Les dispositifs d’accompagnement à la scolarité prennent
pour un élève un emploi du temps partagé entre la grande souvent comme principal objet de travail les liens entre les
section et le CP, entre les aides spécialisées et le travail de parents et l’école. Ils sont aussi au cœur des programmes
classe. Il a pu ainsi suivre un cycle 2 allongé d’une année personnalisé et incarnent souvent le « é » de « éducative ».
sans l’inconvénient de « faire », puis « refaire » un CP Nous avons ensemble l’obligation de mener un travail
inadapté aux besoins. L’aspect officiel et contractualisant de distanciation par la formalisation, en mettant tout en
du PPRE a donné aux équipes éducatives réunies une œuvre pour être compris des acteurs principaux. Surtout,
dimension institutionnelle pleine de sens. nous avons à chercher et trouver comment éviter que le
PPRE devienne une simple signalétique de la difficulté…
Un cadre pour le travail de chacun faire évoluer les pratiques de classes… ensemble.
Dans la plupart des cas, la démarche a clairement l’objectif
de faire apparaitre l’articulation entre les interventions du Brigitte Jaffry
Professeure des écoles à Paris
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Des ateliers pour parlent de leur journée à l'école, de ce qu'ils ont appris,
de leurs satisfactions. Syntaxe, découverte du vocabulaire,
convivialité, écoute sont au rendez-vous.
structurer le Les devoirs donnés par l’enseignant
temps de l'aide Puis l'accompagnateur les aide à faire leur travail de lecture
ou leurs devoirs selon la demande de l’enseignant (quinze
minutes pour les « Coup de Pouce », vingt-cinq minutes
Chrystelle Muniglia-Raynal pour les ALEM et les AFM.6). Les parents sont informés
qu’il ne s’agit pas d’une étude et que tous les devoirs en
sixième ne seront pas forcément terminés : apprendre à
Proposer à des élèves ciblés des ateliers très lire une consigne, à relier ses connaissances, à s’organiser,
structurés inscrits dans une perspective de parcours à s’avancer dans ses devoirs, autant d’outils visant à l’auto-
individualisés réfléchis en équipe pédagogique peut nomie à terme.
contribuer à ce que l’efficacité des aides périscolaires
ou de l’accompagnement éducatif à l’école prenne Les activités spécifiques séquencées
toute sa valeur. Se succèdent ensuite des séquences de jeux et d'exercices,
de trente à quarante minutes, qui familiarisent l'enfant avec
la lecture et l'écriture ou les mathématiques : mise systé-
matique en situation de réussite et félicitations. L'objectif
Il existe à Paris trois dispositifs périscolaires spécifiques est de faire de l'apprentissage un plaisir. L'enfant prend
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d’aide aux élèves : ainsi confiance en lui grâce à des jeux sur le son, la lecture,
• les ateliers « Coup de Pouce Clé » (club de lecture et l'écriture, la production collective de petits textes, des jeux
d’écriture) qui s’adressent à cinq élèves d’une même mathématiques, y compris sur Internet, des projets sur
classe de CP, quatre fois une heure trente par semaine, plusieurs séances. Dans le « Coup de Pouce Clé », la séance
après la classe, en partenariat avec la Direction des s'achève par le moment le plus attendu : la belle histoire,
affaires scolaires de la mairie de Paris (Dasco), l’Apfée1 lue par l'accompagnateur de manière à faire partager aux
et l’Éducation nationale ; enfants le plaisir de se retrouver autour d'une fiction et à
• les ALEM (ateliers lecture-expression-mathémati- les amener à comprendre le bénéfice qu'ils auront à savoir
ques) qui s’adressent à huit élèves de CM2, soit en lire.
français soit en mathématiques, deux fois une heure
trente par semaine, après la classe, en partenariat avec Au final, les enfants concernés bénéficient du « coup de
la Dasco et l’Éducation nationale ; pouce » dont bénéficient tous les enfants dont les parents
• les AFM.6 (ateliers français-mathématiques en sixiè- peuvent suivre la scolarité. Quid des élèves très faibles, ou
me) qui s’adressent à huit élèves de sixième, soit en perturbateurs ? Il convient de leur apporter une réponse
français, soit en mathématiques, deux fois une heure plus individualisée, via notamment le PPRE (Programme
trente par semaine (dispositif Éducation nationale personnalisé de réussite éducative).
intégré à l’accompagnement éducatif en 2009-2010). Financement
Il s’agit, grâce à ces ateliers, d’aider des enfants ciblés Ces dispositifs partenariaux sont co-financés :
(moyens-faibles, mais sérieux) dans des classes charnières • La Dasco finance le matériel pour les « Coup de Pouce »
qui risqueraient d’échouer à l’école faute d’aide appro- et ALEM (mallettes et magazines) et rémunère les ac-
priée à la maison. Ces ateliers leur apportent le soutien, compagnateurs (enseignants du premier ou du second
la méthodologie, la confiance en soi nécessaires à une degré, ou animateurs recrutés par la ville de Paris),
scolarité réussie. Outre le fait que ces dispositifs sont ainsi que les deux formatrices ALEM ;
proposés gratuitement dans des établissements scolaires • L’Apféé rémunère ses formateurs et fournit du maté-
situés en éducation prioritaire, ils obéissent tous les trois à riel pédagogique aux nouveaux accompagnateurs;
un protocole très strict : • L’Éducation nationale subventionne chaque établis-
• nombre d’élèves restreint ; sement bénéficiant d’un AFM.6 d’une dotation de
• élèves ciblés ; 150 heures supplémentaires pour la rémunération des
• implication de l’ensemble de l’équipe pédagogique et accompagnateurs, des enseignants du second degré,
des parents (invités à assister à des séances, à prendre assistants d'éducation ou intervenants extérieurs,
le relai à la maison) ; et600 euros de crédits pédagogiques (achat de matériel,
• évaluations systématiques ; abonnements).
• trois temps à respecter (gouter, devoirs, activités
ludiques). L’évaluation
Chaque année, l’Apféé évalue le dispositif « Coup de
Le gouter
Pouce » (questionnaires aux directeurs, enseignants, ac-
Un accompagnateur accueille à la sortie de la classe les compagnateurs, parents, élèves) et l’Éducation nationale
cinq ou huit enfants de son club. En partageant avec eux le évalue les dispositifs ALEM et AFM.6 (tableaux de départ
gouter, il organise un moment de détente et de discussion, et d’arrivée). Des visites de site sont aussi systématique-
« comme à la maison ». Pendant quinze à vingt-cinq minu- ment effectuées.
tes, loin de l'excitation des cours de récréation, les enfants
Chrystelle Muniglia-Raynal
1 Association pour favoriser l’égalité des chances Coordonnatrice RRS, Mission académique à
à l’école - http://www.apfee.asso.fr/ l'éducation prioritaire de Paris (MAEP)
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Aider dans la classe : et a été mise en place par l’équipe de Jacques Crinon1 dans
l’académie de Créteil.

le journal des L’objectif principal de cette pratique est de mener les


élèves à mieux percevoir :

apprentissages • l’enjeu d’apprentissage des tâches scolaires dans les-


quelles ils sont engagés ;
• ce qu’ils savent, ne savent pas, ou sont en train d’ap-
Anne-Cécile Duffez prendre ;
• les procédures qu’ils mettent en œuvre pour appren-
dre.
Ou comment le travail par compétences peut être une
Cet objectif est conforme aux programmes de 2008. Ainsi,
un nouveau domaine d’activité pour l’école maternelle y
aide, dans une école à population très défavorisée où
apparait : « Devenir élève ». En effet, dès la fin de l’école
tant d’élèves apprennent avec difficulté, ne donnant
maternelle, l’enfant doit être capable de dire ce qu’il ap-
pas suffisamment de sens aux apprentissages. prend. En outre, le journal des apprentissages permet de
travailler les compétences du socle commun de connais-
sances et de compétences, notamment en ce qui concerne
Que nous dit Kérène ? la compétence 7, « l’autonomie et l’initiative ».
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Protocole de mise en œuvre du


journal des apprentissages
Deux moments de classe sont consacrés au journal
des apprentissages.
Les élèves écrivent sur leurs apprentissages tous les
jours de 16 h 15 à 16 h 30. C’est un temps individuel
de réflexion et de rédaction, qui peut être poursuivi
si nécessaire après la classe.
Tous les matins, pendant une dizaine de minutes,
des élèves volontaires lisent ce qu’ils ont écrit.
Leur lecture permet de créer des échanges et de
poursuivre la réflexion et la mise en mots de ce qui
a été appris, ce qui a été compris, la manière dont
on s’y est pris, etc. Suite à ces échanges, les élèves
disposent de cinq minutes pour améliorer leur écrit,
si possible en utilisant un stylo d’une autre couleur,
Extrait du journal des apprentissages de Kérène afin de distinguer ce qui a été ajouté, supprimé,
modifié de ce qui avait été écrit auparavant. Il faut
donc prévoir chaque jour trente minutes consacrées
On peut se demander ce que Kérène retient de cette séance au journal des apprentissages.
de géographie dont l’objectif était de comprendre qu’on Les écrits peuvent prendre différentes formes : texte,
ne peut représenter la Terre (surface courbe) à plat sans la dessins, schémas, etc.
déformer légèrement. Visiblement cette élève n’a pas dis-
tingué la tâche à accomplir de l’objectif
d’apprentissage, et n’a pas accès au sens
de l’activité, ni au savoir en jeu.
Pour aider les élèves à donner davantage
de sens aux apprentissages, j’ai mis en une écriture mathématique
place dans ma classe de CM1, depuis
l’an dernier, le journal des apprentissa-
ges. Chaque jour, les élèves y écrivent ce un dessin
qu’ils ont appris.Cette pratique résulte
des travaux du groupe ESSI-ESCOL un schéma

1 Quelques articles de Jacques Crinon ayant


pour sujet le journal des apprentissages :
• Jacques Crinon, Alain Maillard et Annie Cabrera, « Des
élèves tiennent le journal de leurs apprentissages », Cahiers
pédagogiques n° 388-389, novembre-décembre 2000.
Jacques Crinon, « Écrire le journal de ses apprentissages », in Jean-
Charles Chabanne et Dominique Bucheton, Parler et écrire pour
penser, apprendre et se construire : l’écrit et l’oral réflexifs, Puf, 2002.
• Jacques Crinon « Le journal des apprentissages »,
Échec à l’échec, 160, mars 2003.
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Le rôle de l’enseignant consiste à porter un regard bien- Outil de mémorisation des compétences
veillant sur ce qui a été écrit, poser éventuellement des C’est en procédant à cette réflexion métacognitive que non
questions pour aider les élèves à formuler leur pensée et seulement les élèves vont prendre conscience de ce qu’ils
également répondre aux éventuelles questions. En revan- ont appris, mais vont également mieux mémoriser les
che, comme il s’agit avant tout d’écrits personnels, j’ai fait procédures mises en œuvre pour réussir.
le choix de ne pas corriger les erreurs d’orthographe ou de
syntaxe.

Le journal des apprentissages : un


travail par compétences ?
Le journal des apprentissages est avant tout un outil
pour mieux réfléchir sur les compétences travaillées
au quotidien.

Outil d’identification et d’explicitation des compétences


L’objectif est d’aider les élèves à prendre conscience
de ce qu’ils ont appris, à procéder à un retour
réflexif sur ce qu’ils ont fait dans la journée. C'est
loin d’être évident : au début, la plupart des élèves
écrivaient un compte rendu assez détaillé de leur
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

journée de classe, mais les compétences qui avaient


été travaillées n’étaient pas visibles. Cela m’a incitée
à expliciter davantage l’objectif d’apprentissage de
chaque séance, et à pousser les élèves à s’interroger
systématiquement sur la finalité de la tâche :
• à l’oral : par une verbalisation avant, pendant
et après chaque activité des compétences mises
en jeu et des procédures travaillées, en collectif
comme en individuel (aide personnalisée) ;
• à l’écrit : par des affichages qui explicitent les
compétences visées et rendent compte des dif- Extrait du journal de Thushyanthan. C’est en écrivant que Thushyanthan
férentes phases de l’apprentissage : programme prend conscience de son raisonnement et le fixe davantage.
de la journée, tableau structuré avec ce que l’on
sait déjà, ce que l’on apprend aujourd’hui, et
ce que l’on souhaite savoir à la fin de la séquence, affi- Outil d’auto-évaluation dans l’acquisition des compétences
ches mettant en valeur la démarche expérimentale en
sciences (« on se demande », « on pense », « on essaie », Chaque élève peut se situer par rapport à l’acquisition de la
« on sait »). compétence visée, se rendre mieux compte du chemin qu’il
reste à parcourir, et mieux ajuster ses propres objectifs.
Outil de verbalisation des compétences C’est par cette prise de conscience que chacun pourra
La difficulté est liée bien souvent à la mise en mots de la mieux cerner ce qu’il reste à apprendre. Prendre conscience
compétence travaillée. Non seulement il faut se souvenir de ses erreurs, c’est déjà réussir.
de ce qui a été fait – certains élèves prennent des notes tout Lors des échanges du matin, les compétences deviennent
au long de la journée dans ce but –, mais également trouver objet de discussion collective. C’est le groupe-classe qui
les mots pour l’exprimer le plus précisément possible. Pour permet à chacun d’en préciser la formulation, les procé-
cela, les élèves peuvent écrire autre chose que ce qu’ils ont dures, les critères de réussite. Lorsqu’un élève présente
appris : ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont compris ou n’ont un exemple contenant des erreurs, ce sont ces discussions
pas compris, etc. entre élèves qui permettent de mieux comprendre l’enjeu
C'est très intéressant de constater que certains élèves des tâches effectuées, les compétences à acquérir.
parlent de la même activité, mais sans y avoir vu le même Outil de régulation de mon enseignement
objectif, et donc sans formuler la même compétence. C’est C’est également un outil pour l’enseignant. À la lecture des
lors des échanges du matin qu’une conversation sur la journaux, je me rends immédiatement compte de ce qui
compétence réellement travaillée aura lieu et permettra à a été compris et ce qui ne l’a pas été. Cela me permet de
chacun de mieux donner du sens aux apprentissages. mieux réguler mon enseignement, et d’avoir une photo-
graphie plus fine des réussites et des difficultés des élèves
de ma classe.
Cette démarche métacognitive poursuit et améliore le tra-
vail par compétences mené en classe, cependant elle en est
aussi le fruit. En effet, à mon avis, elle ne peut fonctionner
que lorsque l’enseignement est conçu par compétences.

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Bilan et perspectives Cependant, quelques élèves ont continué de décrire la


À la fin de l’année scolaire, la plupart des élèves ont pro- tâche sans y voir la compétence visée. Il m’est également
gressé : ils ont développé des compétences métacognitives difficile d’affirmer que les progrès de la plupart des élèves
qui les ont aidés à mieux percevoir les compétences tra- dans la manière de mettre en mots leurs savoirs vont de
vaillées tout au long de l’année. pair avec des progrès dans les apprentissages, car le journal
n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Ce
qui est certain, c’est que les élèves qui précisent un
savoir dans leur journal se l’approprient davantage
et sont en réussite sur leurs apprentissages. Ceux
qui développent un raisonnement erroné dans leur
journal progressent dans cet apprentissage, car
l’enseignant et le groupe se sont aperçus de l’erreur
et les ont aidés à réajuster leur raisonnement. En
expliquant et argumentant des stratégies, les élèves
qui avaient compris les savoirs en jeu n’ont pu
que les consolider. C’est parce que le journal des
apprentissages est un travail sur les compétences
qu’il peut être aidant.
Cette année, je poursuis l’expérience avec les
mêmes élèves que l’an dernier. Plusieurs autres
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enseignants de la circonscription de la Goutte d’Or


où j’exerce l’ont mise en place dans leur classe.
Un groupe de travail constitué d’enseignants des
premier et second degrés analyse cette pratique
et ses effets, et teste d’autres outils ayant pour but
d’aider les élèves à donner davantage de sens à leurs
apprentissages. Un des objectifs de ce groupe de
travail est d’adapter la démarche du journal des
apprentissages au collège, d’autant que le travail
par compétences y est de plus en plus fort. Ainsi
une classe de sixième du collège Clemenceau (Paris,
XVIIIe) a mis en place un livret par compétences
dans lequel aucune note ne figure. Cependant la
fragmentation de l’enseignement propre au collège
suscite bien des questions quant à la mise en œuvre
du journal des apprentissages, dont les suivantes :
• Comment prendre le temps d’écrire sur ses
apprentissages sans nuire aux apprentissages eux-
mêmes, lorsque la durée d’un cours au collège est
de cinquante-cinq minutes maximum ?
• Comment le lien entre les différentes disciplines
peut-il être fait ?

Anne-Cécile Duffez
Professeure des écoles à Paris (XVIIIe)

Extrait du journal de Kérène au mois d’avril

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Quand la grille priation personnelle de l’outil permet, d’une part pour


l’élève d’aller plus loin dans la réflexivité sur son activité
de production, et d’autre part pour le professeur d'avoir
devient guide une meilleure visibilité de la stratégie mise en place par
l’élève. L’élève ne doit plus seulement identifier ce qu’il
Mélodie Pichon pense avoir été capable d’utiliser, il doit montrer comment
il l’a fait.
Grille à élaborer
Des grilles d'évaluation pour clarifier les implicites
Dans le cadre d’une autre séquence portant sur les cheva-
des consignes et les exigences du professeur : un liers de la Table ronde, plus tard dans l’année, et à partir
véritable support pour l'accompagnement des des modèles proposés précédemment, les élèves doivent
apprentissages. construire eux-mêmes la grille d'évaluation. L’objectif
d’écriture est de raconter un combat épique. La liste des
critères est élaborée en classe, en commun. On y consacre
Les grilles d’évaluation que j'utilise ont d’abord pour une heure. Les élèves font l’inventaire des acquis à sol-
fonction d’apporter des ébauches de réponse, des jalons, liciter, notamment à partir des textes étudiés : créer des
permettre à chaque élève de s’impliquer dans sa produc- comparaisons, des hyperboles, utiliser le champ lexical
tion et dépasser le « je n’y arrive pas, je ne comprends pas, de la bravoure, utiliser des intensifs, accumuler les verbes
comment faut-il faire, je ne sais pas comment commencer ». d’action, utiliser les termes qui désignent l’équipement du
chevalier… Mais surtout, ils sont amenés à se poser des
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Puis leur utilisation doit évoluer. Leur construction doit


devenir, pas à pas, le support d’une réflexion personnelle, questions sur ce qui est attendu et ce à quoi ils doivent
afin d’amener l’élève à prendre l’habitude de se demander faire appel : Décrire ou raconter ? Insérer un dialogue ou
quels outils, quelles connaissances, quels savoir-faire met- pas ? Raconter au passé, mais n’utiliser que le passé simple
tre en jeu. et l’imparfait ou aussi le présent ? Cette grille exige donc
d’eux qu’ils soient capables d’identifier les apprentissages
Cases à cocher et de sélectionner les tâches à exécuter. Ils doivent s’in-
La première grille reprend le principe des cases à cocher et terroger sur ce qu’ils ont appris, et aussi faire le choix des
dicte les gestes à accomplir. Dans le cadre d’une séquence1 savoir-faire à solliciter. Ce devoir, jusque-là, donnait de
en cinquième, intitulée « poésie et description » qui ouvre très mauvais résultats. Avec ces grilles d'évaluation, il y a
l’année, un tableau est distribué aux élèves afin d’effectuer la désormais très peu d’échecs. L’ensemble de la classe obtient
description d’une pomme. Ce tableau suggère une analyse une note au-dessus de dix. Deux ou trois élèves échouent.
de la consigne et répond à la question « que faut-il faire ? » Nous regardons alors ensemble quelles compétences n’ont
C’est un inventaire des outils, des procédés précédemment pas été mises en jeu de façon satisfaisante. Les élèves ont
vus en cours, auxquels les élèves doivent avoir recours. alors la possibilité de refaire, et l’acceptent, car ils savent
Lors de la séance d’écriture, je passe dans les rangs, pour exactement quel point cibler. Ainsi, recommencer devient
inviter les élèves à se reporter régulièrement au tableau et à fructueux.
vérifier la conformité de leur production. Avant de rendre Le travail par compétences permet d’accompagner, de
leur copie, les élèves doivent cocher la case des compéten- guider l’élève dans l’apprentissage de méthodes et d’une
ces qu’ils pensent avoir réussi à mettre en œuvre. autonomie, acquisitions dont il pourra faire le transfert
dans différentes disciplines. Mais il permet aussi de
Tableau à compléter
l’accompagner, au sens d’éduquer : sortir de lui-même, le
De la même grille, dont j’avais oublié de titrer l’espace à rendre conscient de ses apprentissages.
cocher, un élève a fait une grille à compléter. Cette appro-
Mélodie Pichon
1 Cf. l’article « Les compétences en classe entière : poser
des jalons », Cahiers pédagogiques HSN n°20 « Socle commun Professeure de français en collège à Paris.
et travail par compétences : Balises et boussoles ».

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Du côté des scolaire qui vient d’entrer en sixième, est typique de cette
forme d’engagement parental maximal, qui n’est pas, pour
autant, un déni complet de l’autonomie cognitive de l’en-
familles : quelle fant :
Patrice : On vérifie d’abord. Loïc, quand on arrive le soir,
aide aux devoirs ? sort déjà son cahier de correspondance et son cahier de
textes, voilà, pour voir ce qu’il y a à faire, et à partir de là,
Séverine Kakpo ben il se met sur les devoirs qu’il a à faire.
Enquêtrice : Il les fait où les devoirs ?
Patrice : Dans sa chambre.
Contrairement à ce que l’on pense trop souvent, les Enquêtrice : Et vous, quand vous dites « on sort le cahier de
familles populaires s’impliquent, surtout dans les textes », heu... « on regarde ce qu’il y a à faire », vous êtes là,
petites classes, dans le travail à la maison. Mais le vous regardez avec lui ?
font-elles de manière pertinente ? Beaucoup d'enjeux Patrice : (Sur un ton catégorique, comme si la question
en tout cas, et de malentendus autour du « travail allait de soi) Oui, oui, ah! Oui.
bien fait ».
Enquêtrice : D’accord. Et donc comment ça se passe après,
il démarre, vous êtes avec heu… vous êtes assis à côté de
lui ou… ?
Alors que beaucoup d’enseignants voient dans la pres- Patrice : Ben non, ben non, on le laisse faire, on le laisse
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

cription du travail hors la classe l’occasion de favoriser le faire, une fois qu’il finit, il nous appelle et on vérifie.
développement, chez les élèves, de dispositions organisa-
tionnelles et d’une autonomie cognitive, qui fait désormais Loïc : Et des fois, je t’appelle quand j’ai pas compris.
partie des compétences transversales attendues par l’école Patrice : Voilà, aussi, oui. Quand il ne comprend pas un
(savoir faire un exercice tout seul, sans l’aide du maitre, exercice.
sans poser de questions, avec les seules consignes écrites Enquêtrice : Donc il y a deux choses, il vous appelle parfois
indiquées, etc.), il semble aller de soi, pour les parents des pour une aide… pour pouvoir continuer le travail… et
vingt familles auprès desquels nous avons enquêté1, d’être après systématiquement, il vous appelle pour vérifier ?
pleinement engagés dans la production des devoirs de leurs Patrice : Ah, oui ! Oui, tout à fait.
enfants. L’intensité de cet encadrement varie cependant
d’une famille à l’autre, notamment en fonction du niveau Loïc : Et s’il voit une faute : il dit pas, faut que je trouve
scolaire des enfants : plus ces derniers rencontrent des moi-même la faute.
difficultés scolaires, passagères ou structurelles, plus les Enquêtrice : D’accord. (À Loïc) Mais est-ce que tu es obligé
parents fournissent un encadrement étroit et plus l’aide à la de montrer les devoirs en fait ? (À Patrice)Est-ce que vous
réalisation est systématique. Nos parents – qui n’ignorent l’exigez ?
pas complètement les attendus scolaires en matière d’auto- Patrice : (Sur le ton de l’évidence) Ben oui. Pour voir s’il a
nomie – tentent de ménager des formes d’autonomie, mais bien fait. Une fois que c’est bon, après, on passe à un autre
il s’agit de formes très limitées parce qu’ils ont, au fond, exercice, suivant ce qu’il a à faire.
profondément intégré l’idée qu’il est de leur ressort d’aider Laurence : Si c’est bien, c’est bien, et si c’est pas bien, ben
à la production d’un travail « bien fait ». il refait.
Un grand interventionnisme Patrice : Bon alors voilà, s’il sait pas, à ce moment-là, on
Dans la grande majorité des parents enquêtés, l’accom- l’aide automatiquement, hein? S’il a pas compris, on essaie
pagnement des devoirs prend la forme d’une intervention de comprendre, jusqu’à ce qu’il ait fait l’exercice de toute
systématique à toutes les étapes de la production du travail façon.
scolaire : réception de la commande et lancement de la Laurence : On surveille ce qui a été fait.
production, aide à la production, contrôle qualité et aide Enquêtrice : Et à ce moment, vous vous asseyez à côté de
à la retouche en cas de malfaçon. La distinction entre lui ?
chargé d’instruction et chargé d’éducation, sur laquelle Patrice : Ben oui.
s’appuient souvent les enseignants pour légitimer leurs
prescriptions2, est tout simplement étrangère aux logiques À toutes les étapes de la production
d’accompagnement qui prévalent dans ces familles. Plus les Nous avons représenté ci-dessous cette première modalité
enfants rencontrent des difficultés scolaires, passagères ou d’encadrement sous la forme d’un schéma qui se décom-
structurelles, plus l’accompagnement dont ils bénéficient pose en quatre étapes de production et dont le code couleur
est intense et plus les parents ont tendance à prendre le fait clairement apparaitre la prédominance du contrôle et
rôle d’instructeur. La description du rituel des devoirs que de l’action des accompagnants au regard des charges qui
fait Patrice Rouquette, père d’un élève en grande difficulté incombent effectivement à l’enfant. La réception des
commandes scolaires et la mise en route de la production
1 Thèse de doctorat, Travailler à la maison pour et contre l’école. Les
paradoxes de la mobilisation des familles populaires autour des devoirs,
constituent une première étape qui engage pleinement le
Université Paris 8, CIRCEFT-ESCOL, 2010. L’enquête de terrain a porté parent, comme en témoigne, dans le discours de Patrice
sur le suivi d’élèves principalement scolarisés en CM2, 6e et 5e. Nous avons Rouquette, la récurrence du pronom personnel « on ». Les
systématiquement rebaptisé les enquêtés cités pour des raisons d’anonymat. commandes sont traitées les unes à la suite des autres,
2 cf. Patrick Rayou, Faire ses devoirs, Enjeux cognitifs et sociaux chacune relevant d’un circuit de production spécifique.
d'une pratique ordinaire, Presses Universitaires de Rennes, 2009.
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La production du travail est tout d’abord prise en charge limites, puisqu’elle agit comme l’indice d’une sorte de ren-
exclusivement par l’enfant : « on le laisse faire, on le laisse dez-vous manqué avec l’autonomie attendue par l’école.
faire ». Mais les marges d’autonomie que ménage ce sys- L’engagement systématique des parents dans la produc-
tème sont en fait extrêmement faibles puisque, dès qu’il en tion des devoirs relève d’une telle évidence pour la grande
ressent le besoin, il peut faire à appel à son accompagnant majorité de nos parents qu’il n’y a guère qu’une situation
pour bénéficier d’un bref dépannage ou d’une remédiation exceptionnelle qui puisse les en empêcher. C’est le cas de
en plus. En outre, c’est l’accompagnant qui contrôle, en la séance de travail que nous avons observée dans la famille
dernier, mais aussi très probablement en premier ressort, la Ustafi, puisque le maitre de Samira (CE2), la plus jeune
qualité du travail accompli (« on vérifie », « on voit s’il a bien de ses filles, avait, ce jour-là, explicitement demandé à la
fait »), délivrant des certificats de conformité (« si c’est bien, maman, Radia, de ne pas prendre part à la production des
c’est bien ») ou renvoyant la production en retouche (« si devoirs de sa fille, qui avait un contrôle d’histoire à rattra-
c’est pas bien, ben il refait »). La retouche implique deux per. À peine installée sur la table basse du salon devant ses
types d’aides différenciées : soit l’avis de non-conformité cahiers, Samira s’est aussitôt mise à interagir avec sa mère,
est simplement délivré et l’enfant est invité à débusquer et avec nous, dans l’espoir d’obtenir quelque aide pour
par lui-même ses erreurs ou à réapprendre sa leçon s’il ne remplir sa fiche :
la connait pas bien, soit l’avis ne suffit pas ; une remédiation
Samira : Maman, je comprends pas ! (Lisant la consigne) :
est alors « automatiquement » proposée. C’est donc, au final
« Utilise des couleurs pour regrouper les informations de
et dans tous les cas, une production conforme, du moins
chaque ». De chaque quoi ? De chaque homme préhistori-
jugée comme telle, qui est renvoyée aux commanditaires.
que… ? Je ne comprends pas.
Radia l’écoute en souriant, mais n’intervient pas.
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Samira : L’australopithèque, il a vécu à cette période d’an-


nées et je comprends pas…
Radia : Mais c’est un contrôle ! On va pas tricher ! Tu relis,
tu relis la question, tu relis jusqu’à ce que…
Samira : (S’adressant à l’enquêtrice) « Homo sapiens »,
c’est ici… ?
Contrat explicite et contrat implicite
Le contrat explicite et hors-norme qui régit cette séance
permet de mettre indirectement en évidence la nature du
contrat implicite qui régit au quotidien le traitement des
devoirs. Il permet aussi d’appréhender toute l’ambivalence
des enseignants qui, par ce genre de consigne, légitime
les aides à la production de tous les jours, tout en sachant
pertinemment que tous les parents ne sont pas en mesure
de les prodiguer. En dehors d’une situation exceptionnelle
de ce type, il est donc complètement impensable, pour les
parents de notre enquête, de ne pas répondre aux deman-
des d’aide de leurs enfants. Ils ne se représentent pas que
des devoirs faux ou partiellement faits pourraient être un
indice de difficulté dont pourraient se saisir les enseignants,
lors de la correction, pour procéder à des remédiations.
Celles-ci sont proposées in situ de façon à expédier vers la
classe un travail le plus conforme possible.
Si ce premier type d’encadrement laisse objectivement très
Figure 1 : circuit de production du travail hors la peu de place à l’autonomie cognitive des élèves, il convient
classe – type 1. En bleu : responsabilité de l’élève / de souligner que les parents qui prodiguent ce type d’ac-
en orange : responsabilité de l’accompagnement. compagnement ont, paradoxalement, relativement bien
intériorisé les attentes de l’école en matière d’autonomie.
Comme en atteste leur souci de ménager des phases de tra-
Le système décrit ici est typique de celui mis en œuvre vail solitaire, ils semblent avoir intégré que l’apprentissage
dans la grande majorité des familles de notre enquête, à la passe par une certaine forme d’incertitude et que cette in-
différence près que, le plus souvent, les devoirs ne sont pas certitude sert la construction de certitudes. Tous affichent
réalisés dans la chambre de l’enfant, quand celle-ci existe, leur volonté de ne pas perturber la distribution des rôles
mais plutôt dans les parties communes (cuisine, salle à et des responsabilités dans le jeu didactique construit par
manger, salon). L’ancrage des devoirs au sein des espaces les enseignants. Ils sont d’ailleurs nombreux à déplorer la
collectifs n’est pas anodin, d’autant plus que nous avons faible autonomie de leurs enfants, c’est le cas de Rachida
pu mesurer, par ailleurs, le soin pris par les parents pour Ouazani qui constate le net fléchissement des résultats de
aménager à l’intérieur de leur foyer des espaces dédiés à la sa fille (6e) depuis qu’elle est tombée malade3 et qu’elle a
scolarité. L’ancrage des devoirs dans les espaces collectifs
du foyer rend compte de l’ampleur des mobilisations fami- 3 Rachida a découvert trois mois plus tôt
liales pour l’école en même temps qu’elle en souligne les qu’elle souffrait d’un cancer du sein.
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

moins de temps et d’énergie à consacrer au suivi de son considèrent comme garants de l’appropriation des savoirs
travail : qui circulent entre école et maison. Plus leurs enfants vont
Rachida : Pour le travail, il faut que je sois toujours derrière rencontrer des difficultés pour faire leurs devoirs, plus
elle ! […] Je dis il faut qu’elle prenne, comme on dit, sa res- ils vont donc endosser le rôle d’instructeur, en procédant
ponsabilité, quand même un petit peu. Faut qu’elle compte à des remédiations plus ou moins approfondies. Si les
sur elle, elle compte pas toujours sur moi. Voyez l’exemple, devoirs doivent être « bien faits », c’est aussi parce que
là, les trois mois que j’étais malade, voilà les résultats. Parce les parents trouvent, dans le traitement du travail hors
qu’avant, moi, je lui dis avant, à chaque fois qu’elle ramène la classe, l’occasion d’inculquer des valeurs de persévé-
une bonne note, premier trimestre, je lui dis : « C’est moi rance et d’ascétisme à leurs enfants. Il ne saurait donc
qui ai travaillé, c’est pas toi ». Elle me dit : « Oh, arrête, être question de réponses fausses et de travail inachevé.
arrête, maman ! C’est moi que je fais ! » Alors, là, la preuve, Ils y trouvent aussi le moyen de rassurer leurs enfants et
voilà, quand j’ai pas travaillé avec elle, la preuve voilà ! de les encourager. Enfin, à travers les devoirs, c’est leur
propre image d’éducateur qui est en jeu et qui se trouve
Rachida pointe, non sans acuité, les limites de l’accompa-
soumise au regard des enseignants, au sein d’un système
gnement qu’elle dispense, puisqu’elle s’attribue le mérite
fait d’interdépendance, mais aussi de domination et qui
des bonnes notes que Samira a pu récolter au premier tri-
expose toujours l’individu au risque d’une stigmatisation.
mestre et voit dans la chute des résultats de sa fille aussi bien
Renvoyer des devoirs « bien faits » à l’école, c’est s’assurer
les conséquences de sa moindre disponibilité que l’indice
une bonne presse auprès d’enseignants toujours enclins à
de son très faible degré d’autonomie.
considérer comme « démissionnaires » les familles des ca-
Un travail « bien fait » tégories populaires. Le renvoi d’une production conforme,
ou jugée comme telle, participe donc d’une véritable
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En dépit d’une relative intériorisation des attentes de


l’école en matière d’autonomie, c’est la nécessité de faire opération de communication.
produire « bien » qui prime, aux yeux des parents, plutôt Tous ces motifs hétérogènes et pas toujours explicites
que celle de faire produire « seul » les commandes scolaires. convergent donc pour faire des parents de notre enquête
Si cette nécessité s’impose avec autant de force, c’est pour des sous-traitants particulièrement zélés. Or, si les parents
des raisons qui touchent aussi bien à la conception que les de notre enquête sont très fortement mobilisés autour des
parents se font des devoirs et de leur rôle, qu’aux enjeux devoirs, ils sont aussi peu, voire très faiblement dotés, en
éducatifs et sociaux qui s’attachent à leur traitement. Si les matière de capitaux scolaires et cultures légitimes.
devoirs doivent être « bien faits », c’est d’abord parce que
les parents croient en leur potentiel d’efficacité et qu’ils se Séverine Kakpo
Université Paris 8, CICERFT-ESCOL.

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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

L’accompagnement en Dans les autres classes, les heures d’accompagnement per-


sonnalisé ont été attribuées aux professeurs de français et
de maths, sur proposition (par défaut) du proviseur, et sans
lycée, sur le terrain opposition visible des collègues. Elles sont utilisées pour
faire un travail strictement disciplinaire en demi-classe, et
Françoise Colsaët tous les élèves n’ont pas régulièrement deux heures d’ac-
compagnement personnalisé. Cette « solution » préserve la
paix dans l’établissement, en désamorçant les oppositions
L'accompagnement personnalisé désigne désormais
de ceux qui déplorent la suppression des heures d’aide
individualisée qui existaient en maths et en français, mais
un dispositif institutionnel au lycée. Comment
elle est la porte d’entrée de la dissolution de la réforme...
l'insérer dans l'existant, faire avec les moyens du bord
pour élaborer un fonctionnement nouveau, imaginer Notons que la complexité des emplois du temps du lycée,
d'autres possibles ? Qu'est-ce qui doit relever de encore accentuée par cette réforme, fait que ces heures
l'initiative des acteurs, d'un cadrage national ? d’accompagnement personnalisé ont été placées où on
a pu, sans aucune considération possible de barrettes ou
d’efficacité.

La réforme du lycée général et technologique qui se met Les « contenus » de l’accompagnement


en place prévoit que « chaque élève bénéficie, de la seconde personnalisé : aide et approfondissement,
à la terminale, de deux heures hebdomadaires d’accompa- méthodes et autonomie, suivi et orientation
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

gnement personnalisé incluses dans l’horaire élève ». Nos projets précédents avaient développé des pratiques
Dans l’histoire de mon établissement, une expérience de que nous transposons en accompagnement personnalisé,
classe innovante1 (2de Cirse, supprimée du fait de l’arrivée dans les trois classes où une équipe existe :
la réforme…) avait diffusé dans d’autres classes des prati- • des pratiques d’aide méthodologique systématique,
ques d’aide, de concertation, dont certaines ressemblent à pour tous, ou quand le besoin apparait : organiser son
ce qui est demandé pour l’accompagnement personnalisé : travail personnel, « apprendre sa leçon », réviser un
suivi, aide à l’orientation, aide méthodologique. DS, lire un énoncé, etc. ;
• du tutorat systématique : en Cirse, c’était un tuteur
Les choix : la mise en place par « l’équipe éducative »
pour sept élèves, entretiens réguliers sur tous les
Les enseignants qui adhéraient à ces projets passés ont sujets;
souhaité réinvestir leurs compétences acquises, et consti-
tuer des équipes d’accompagnement personnalisé dans • des activités de type projet interdisciplinaire, avec des
quelques-unes des onze classes de seconde. D’autre part, objectifs de mise en valeur de compétences marginales
le chef d’établissement, sincèrement convaincu, mais dans les autres cours (oral, recherche documentaire,
conscient des oppositions prévisibles d’une bonne partie etc.).
des enseignants assez « réactifs », n’a pas voulu jeter de Mais les pratiques de ce type dans le cadre de l’accompa-
l’huile sur le feu : il a donc proposé des choix assez neu- gnement personnalisé nous posent quelques problèmes.
tres (par exemple, une reconduction des dédoublements • L’aide méthodologique n’a de sens que si les méthodes
à l’identique de ce qui existait, pour les matières « tronc ainsi construites (par exemple pour « apprendre »)
commun »), mais essayé de créer des conditions favorables sont cohérentes avec les attentes des enseignants non
(trois profs pour deux classes en LV, avec ou sans travail impliqués dans l’accompagnement personnalisé ;
en groupes de compétences). Pour l’accompagnement • Le tutorat ne peut pas être réalisé avec la même in-
personnalisé, il a mis en place quatre heures profs pour tensité avec les moyens en temps d'enseignement que
deux heures élèves, en prenant sur les moyens de dédou- nous avons ;
blement ; il a donné son accord aux équipes volontaires,
et compte sur leur exemple et leur capacité de conviction • La mise en place de l’accompagnement personnalisé
pour entrainer les autres. a fait disparaitre les heures d’aide individualisée qui
étaient un moyen souple de différenciation. Au-delà
Mais on ne peut pas parler d’équipe pédagogique au niveau des réactions comme « on nous a piqué notre heure
de l’établissement. Le conseil pédagogique a été réuni for- d’aide individualisée », cette heure était utile. L’accom-
mellement, mais n’a pas décidé d’une uniformisation des pagnement personnalisé est moins souple, comment la
pratiques dans toutes les classes : ceux qui veulent font, concevoir pour qu’elle permette aussi ce type d’aide,
les autres, du moment qu’on leur fiche la paix, ne disent utile à certains élèves ?
trop rien.
• Les textes officiels sur l’accompagnement personna-
Cette année, donc, trois équipes (de trois à cinq personnes) lisé parlent d’aide à l’orientation : ce problème-là est
réinvestissent des pratiques qu’elles développaient déjà très compliqué (en seconde). Si le rôle de l’accompa-
auparavant. La principale difficulté pour elles est, pour gnement personnalisé est de donner du temps pour
l’instant, la concertation au sein de chaque équipe, qui ne la recherche d’informations pour l’ouverture sur
dispose pas de temps spécifique. Elles bricolent en utilisant des possibles, pourquoi pas. Mais ce type d’apports
des échanges par mail ou des réunions fréquentes « hors » suppose une compétence qui reste à construire pour
temps de travail. beaucoup des enseignants. Par ailleurs, le rôle du
professeur principal est alors amené à changer. Nous
1 cf. Françoise Colsaët – « "Doubler autrement", dix
ans plus tard », « Quelles alternatives au redoublement tâtonnons sur ces aspects, même si dans les trois classes
? », HSN des Cahiers pédagogiques n°19.
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concernées, le professeur principal est partie prenante sous-tendent toutes ces pratiques. Ces choix doivent-ils
de l’accompagnement personnalisé. être encadrés par les textes nationaux ? Relèvent-ils de
l’autonomie des établissements dans le cadre du conseil
Des interrogations pédagogique et du CA ? Relèvent-ils même de la « liberté
Les textes demandent de répondre aux attentes et aux pédagogique » de chaque enseignant, comme l’entendent
besoins de chaque élève. Dans nos pratiques actuelles, le certains ? Ces questions seront posées à nouveau, et plus
repérage des besoins est très imparfait, seulement étayé encore, par l‘introduction de l’accompagnement personna-
par les évaluations disciplinaires de quelques-uns d’entre lisé en première et terminale.
nous, et par les entretiens avec les élèves que nous faisons La mise en place de l’accompagnement personnalisé, dans
dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. Il ne mon lycée, se fera progressivement. Les lacunes du fonc-
permet certainement pas d’identifier de façon assez fine les tionnement actuel me semblent souligner le rôle essentiel
besoins. que devrait avoir une organisation collective qui ne peut
De plus, on peut s’interroger sur les attentes des élèves : les naitre qu’avec l’impulsion forte d’une équipe de direction
élèves ne sont pas demandeurs à priori, et ces deux heures qui écoute et recherche le consensus, en apportant des
« en plus » sont au mieux acceptées, au pire subies... À la réponses aux problèmes, et des choix d’organisation sim-
rentrée, les élèves, tout en appréciant les entretiens qui ples et qui prennent en compte le temps de concertation.
leur permettent d’être pris en compte individuellement, Certaines contraintes ne dépendent pas du niveau de
souhaitent avant tout ne pas être « positionnés » et ne pas décision des établissements, et il faudrait qu’un pilotage de
mentionner de demandes particulières. la réforme au niveau national permette de les ajuster.
Nous avons choisi que l’accompagnement personnalisé soit L’accompagnement personnalisé, si on veut le prendre au
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

fait, dans chaque classe, par des enseignants de la classe. sérieux et éviter qu’il ne soit dénaturé comme l’ont été tant
Nous pensons aussi qu’il est nécessaire de connaitre les élè- d’innovations, demande un changement profond du rôle
ves pour travailler sur le projet d’orientation en particulier. des enseignants : cela ne peut venir qu’à long terme et cela
Les discussions auxquelles j’ai participé dans l’atelier sur doit être pris en compte dans la réflexion sur une nouvelle
l’accompagnement en lycée lors du colloque du CRAP ont façon de définir le service des enseignants. Malgré tout
fait apparaitre des choix très différents : accompagnement cela, l’introduction de l’accompagnement personnalisé,
personnalisé utilisé pour faire des « ateliers », déconnectés comme des enseignements d’exploration bi- ou multidisci-
des autres matières, permettant par exemple de motiver plinaires, est, à mes yeux, la seule « chance » de faire évoluer
ou remotiver des élèves, de créer une ouverture culturelle, le métier en lycée.
etc. Je pense qu’il faut s’interroger sur les conceptions très
différentes du rôle de l’accompagnement personnalisé qui Françoise Colsaët
Professeure de mathématiques en
lycée à Cavaillon (Vaucluse)

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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

Deux contributions
de participantes

Accompagner en le Pasie. Le lycée a vu se succéder en quatre ans deux


proviseures adjointes, par chance, très impliquées dans
le projet ;
dehors de la classe • Un lieu d’accueil consacré à l’Espace coaching.
Aujourd’hui, ce lieu est identifié par la plupart des élèves
Roxane Caty-Leslé comme un lieu refuge chaleureux. Il est aménagé de telle
sorte qu’il ne ressemble pas à une classe : des tables et
non des bureaux, rangées en rond, un espace café, un
Dans la banlieue lyonnaise, le lycée professionnel espace ordinateur. Ceux qui y viennent relèvent d’une
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

Becquerel a initié depuis 2006 une classe sanction exclusion / inclusion temporaire, de difficultés
« Procédure alternative à la suspension scolaire » scolaires méthodologiques ou cognitives signalées par le
(Pass). Bel acronyme ! Mais aussi euphémisme pour professeur principal, d'un absentéisme perlé ; d'autres
« prévention et lutte contre le décrochage » à travers sont en recherche d'un stage, ou encore volontaires au
un accompagnement et un suivi diversifiés des élèves. soutien scolaire ;
• Une cellule de veille est devenue un dispositif de repérage
indispensable dans la lutte contre le décrochage scolaire.
C’est une réunion mensuelle où chaque enseignant ou
En 2006, un diagnostic fait pendant un audit d’établisse- personnel d’encadrement donne son avis et propose des
ment révèle, par des chiffres, de nombreux décrochages, solutions pour les élèves en difficultés cognitives, sociales
un absentéisme important. Évelyne, une professeure de ou comportementales qu’ils ont repérées dans leur classe.
français, invite dans l’établissement une équipe innovante Ce dispositif permet l’enrôlement des professeurs prin-
de l’académie de Rouen. En s’inspirant de leurs récits et cipaux dans le traitement des élèves, et ainsi la fédération
soutenue par l’équipe de direction, elle impulse la Pass. Le des enseignants autour du problème de décrochage. Il
projet s'inscrit dans le cadre de l'article 341 de la loi d'orien- permet aussi de faire connaitre plus avant les objectifs et
tation de 2005, et c'est en ma qualité d'accompagnatrice de le fonctionnement de l’Espace coaching ;
Pasie2 que j'y suis associée.
• Des outils d’observation et de suivi des élèves, destinés
Depuis, la classe Pass a changé de nom ; elle est devenue aux professeurs principaux, aux élèves ; des fiches de
« Espace coaching », avec un logo, pour signifier que ce n’est motivation inventées, réinventées, régulées par les as-
pas une classe, mais un espace, un lieu spécifique, avec un sistants pédagogiques ; des plannings ; des documents
personnel pour le prendre en charge. d’évaluation et des réunions hebdomadaires pour trans-
Les points forts mettre l’information et faire le point : ce sont des outils
de communication entre adultes, et aussi d’information,
• Une professeure, cinq assistants pédagogiques qui se
diffusés dans le lycée, appelés à évoluer et parfois à être
consacrent exclusivement à la classe Pass, l’équipe de
abandonnés parce que trop sophistiqués ou inutilisables.
direction, particulièrement la proviseure adjointe, le
professeur principal de chaque équipe pédagogique, la Les effets attendus et leur évaluation
CPE, l’infirmière, l’assistante sociale, la documentaliste : Les assistants pédagogiques restent en moyenne deux
tous, à des degrés divers, avec une régularité et une ans, mais, chose étonnante, les personnes restent toujours
motivation variables, conjuguent leurs compétences et aussi mobilisées. Peut-être est-ce dû à la personnalité de
leurs actions ; l’enseignante à l'origine du projet ?
• Le groupe de pilotage a la fonction essentielle de recher- Très souvent, les équipes « montent » un projet sans savoir
cher des moyens humains et financiers, de dresser des mettre en mots les objectifs ou ce qu’elles attendent. Elles
bilans, de réunir l’équipe, d’assister aux rencontres avec travaillent d'abord surtout par intuition. Lors des rencon-
tres entre l'équipe et le Pasie, trois ou quatre fois par an,
1 Extrait de cet article 34 : « Sous réserve de l'autorisation préalable des nous avons recherché ces effets attendus, confondus avec
autorités académiques, le projet d'école ou d'établissement peut prévoir la les objectifs à atteindre.
réalisation d'expérimentations, portant sur l'enseignement des disciplines,
l'interdisciplinarité, l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de Ils sont tout à fait banaux et en même temps très circons-
l'établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les tanciés au contexte du lycée : retrouver le gout d’appren-
échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d'enseignement
scolaire. Ces expérimentations font l'objet d'une évaluation annuelle. » dre, l’estime de soi, améliorer le climat dans la classe au
2 Pôle académique de soutien à l'innovation et à l'expérimentation de
retour des élèves, permettre aux élèves et aux professeurs
l'académie de Lyon. Le Pasie a créé de nombreux outils d’évaluation de travailler dans de bonnes conditions en accueillant dans
d’actions, mis à disposition sur son site www.pasie-lyon.org.
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la classe Pass les élèves perturbateurs du cours, d’accueillir ching est un lieu d’aide pour retrouver l’estime de soi et
les élèves exclus en temporisant leurs émotions, et enfin tenter de pallier ces lacunes ou comportements inadéquats.
permettre un soutien scolaire temporaire. La qualité de l’écoute et de l’accueil détermine une posture
Nous avons ensuite déterminé les domaines à observer : les idoine chez les assistants, qui ont suivi une formation à
élèves, leurs résultats et leurs comportements ; les effets l’écoute active.
sur les élèves et les personnels, les effets sur les parents. Par ailleurs, l’enseignement sous forme de soutien n’est
Après avoir défini les critères et les indicateurs (amélio- dispensé que par des assistants pédagogiques. Ce qui peut
ration des résultats, de la fréquentation scolaire), l’équipe paraitre comme faiblesse peut se transformer en force. Au
s’est attachée à faire une enquête, à la fois quantitative par risque de dépossession des enseignants, c'est un atout en ce
l’observation des chiffres statistiques donnés par la CPE, sens qu’il peut réconcilier l’élève avec les savoirs scolaires.
et qualitative par l’écoute et l’observation informelle des La faiblesse du dispositif, c’est qu’il ne résout, auprès des
dires des enseignants, des dires des élèves et des retours élèves, que des problèmes ponctuels et à court terme :
des parents. l’accueil et le maintien au lycée.
Mais tout cela demande beaucoup de temps. Si l’équipe Il reste à répondre à d’autres questions. Comment aider
semble avoir compris les bienfaits de l’évaluation sur le les élèves Pass à réintégrer le cours ? Et comment aider
changement des pratiques, elle commence, cette année les enseignants à savoir accueillir l’élève au sortir de
seulement, l’enquête. Il leur a semblé plus important pen- l’Espace coaching ? Comment continuer à faire du lien
dant ces quatre ans de répondre aux problèmes immédiats. entre la classe habituelle et l’Espace coaching ? L’équipe a
Comment faire du soutien qui ne soit pas que répétition ? quelques réponses, le renseignement systématique par les
Comment être à l’écoute de ces jeunes quand ils arrivent professeurs principaux des fiches de suivi. Sur ce point, il
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et quand ils partent de l’Espace ? reste à inventer des outils plus pertinents. Tout ne marche
pas comme on voudrait.
Évaluation de l’expérimentation en
Tout n’est pas gagné, même si et surtout parce que je me
termes de « forces/faiblesses »
suis laissé dire que certains élèves agissaient volontaire-
Ce qui s’observe, c’est que les élèves viennent spontané- ment en classe pour se faire exclure et aller dans l’Espace
ment demander de l’aide pédagogique en soutien. Ils ont coaching !
compris que leurs comportements inadéquats en classe
dépendent de leurs lacunes scolaires, que ces lacunes ne
sont pas stigmatisées et stigmatisantes, que l’Espace coa- Roxane Caty-Leslé
Accompagnatrice en expérimentation
au Pasie de l'académie de Lyon

Logo de
l' Espac e
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On a pris le temps… des collèges du bassin avait envoyé tous ses élèves en besoin
d’aide, ce qui nous a donné deux élèves de « bon niveau ».
L’une des deux était très participante, et pourtant elle
Geneviève Pezeu est arrivée tardivement, car les parents étaient réticents :
« Pourquoi ma fille ? Elle est une bonne élève ! ».
À la veille des vacances de la Toussaint, ces derniers ont été
Des débuts de l’accompagnement personnalisé retirés du groupe, huit autres élèves de cette classe ayant
en lycée, bien compliqués... Il faut de l’inventivité été détectés par leur professeur comme ayant besoin d’aide,
pour faire face à divers problèmes d'organisation, de soutien, d’accompagnement… Nous n’avions aucune
en particulier dans la communication entre les possibilité de savoir quels étaient ces besoins, quelles
personnes impliquées. étaient les motivations des professeurs qui les envoyaient.
Et nous devions retravailler sur l’accueil et le sens de l’ac-
compagnement personnalisé auprès des « nouveaux élèves »
avant de pouvoir répondre aux besoins qu’ils allaient devoir
La mise en œuvre de la réforme du lycée ne fut pas bien exprimer eux-mêmes.
accueillie dans mon établissement. Le conseil pédagogique
n’était que formel et la direction préféra proposer, ou Mon premier diagnostic au contact de ce nouveau groupe :
imposer (comme on l’entend...) un calendrier qui orga- leur difficulté à se projeter dans leur apprentissage. Ils
nise l’accompagnement personnalisé en quatre temps sur n’avaient pas de stratégies pour organiser leur travail per-
l’année. La première période, correspondant au premier sonnel. Communiquer entre eux, à cinq élèves, sur ce que
trimestre, a pour objectif d’aider l’intégration des élèves leurs professeurs leur avaient donné comme travail person-
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

repérés par leur collège d’origine comme en difficultés ou nel pour la semaine à venir, a pris vingt minutes. On peut
fragiles. alors s’inquiéter et se donner, en tant qu’accompagnatrice,
l’objectif de le leur faire faire systématiquement.
Dès la deuxième semaine de la rentrée, j’ai accueilli six
élèves d'une classe de seconde pour une heure d’accom- Il faut aussi réussir à comprendre leurs besoins. Est-ce des
pagnement personnalisé, alors qu’une autre collègue était difficultés d’organisation méthodique ? Des lacunes dans
chargée de la deuxième heure.. Ni l’une ni l’autre n'étions une ou des matières ?
les enseignantes de cette classe. Nous ne nous connaissions Comment satisfaire les attentes de ces douze « nouveaux »
pas non plus ! Heureusement, notre rencontre pour nous élèves ? Pour l’instant, j’imagine les regrouper selon leurs
organiser fut fructueuse, agréable, nous nous sommes besoins pour stimuler une réflexion coopérative et de
retrouvées sur la même longueur d’onde. Nous étions l’entraide en ayant le rôle de régulatrice. Je voudrais qu’ils
volontaires pour intervenir en accompagnement personna- ressentent la nécessité de leur autonomie en se prenant en
lisé, même s’il n’était pas individualisé comme nous l’avait charge. Même si l’autre jour je me suis remise à l’anglais,
fait croire notre ministre. même s’ils doivent au retour des vacances me monter qu’ils
Qu’allions-nous faire ? Commencer par de l’accueil en ont bien appris la tirade du « nez » de Cyrano , même si je
donnant du temps aux quelques élèves pour se présenter, vais devoir relire des consignes de mathématiques, même
visiter le lycée comme un jeu de piste, réfléchir, dans le si… ? Comment évaluer la pertinence de mon accompa-
cadre d'une animation collective, à « Qu’est-ce qu’appren- gnement ?
dre ? ». Ensuite, on a pris le temps de donner un sens à leur De toute façon, à partir de janvier, c’est une nouvelle pé-
position dans le lycée : « Pourquoi j’y suis ? Qu’est-ce que riode. Nous accueillerons tous les élèves de la classe pour
j’attends de ma scolarité ? » travailler (en demi-groupe) sur leur orientation scolaire et
Bref, nous avions des idées, et elles ont bien fonctionné professionnelle.
jusqu’à maintenant. Nous avions la chance de n’avoir que
six élèves qui, en fait, étaient très complémentaires, car un Geneviève Pezeu
Professeure d'histoire-géographie
en lycée à Évry (Essonne)

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Lecture finale du colloque


L’accompagnement : tentative, reconfigurée dans un contexte nouveau, celui de
la « société des agendas » décrite par Jean-Pierre Boutinet,

vecteur de
avec ses paradoxes et ses apories2. L’enjeu est donc de
taille : préparer les élèves à faire face à une organisation
sociale qui porte à la soumission aux contraintes économi-
transformation ques, apprendre à surmonter les paradoxes et à contourner
les apories, construire des outils mentaux pour analyser,
de l’école ? comprendre, prendre une distance critique et agir dans un
monde mouvant et complexe.
Françoise Clerc L’accompagnement ne se laisse réduire à
aucune des pratiques qui le composent
Françoise Clerc a bien voulu conclure notre Il ne se réduit pas à la « remédiation » réservée aux élèves
colloque, en replaçant magistralement la notion en difficulté. En raison de sa dimension temporelle liée aux
d'accompagnement dans les évolutions de fond de parcours tout au long de leur scolarité et de leur ouverture
l'école.
vers leur devenir post-scolaire (enseignement supérieur,
formation tout au long de la vie), il concerne tous les élèves,
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

qu’ils soient ou non en difficulté. C’est l’interprétation la


Le terme d’accompagnement n’est pas spécifique à la plus intéressante du socle commun : introduire une réfé-
pédagogie. C’est une des raisons probables du brouillage rence pour suivre, conseiller tous les élèves – c’est en cela
conceptuel qui préside aux échanges sur les différentes qu’il est commun – dans leur trajectoire scolaire.
formes d’accompagnement actuellement mises en place à
l’Éducation nationale. Ensemble de pratiques importées Cependant, certains enseignements directement transfé-
d’autres domaines d’activité (artistique, religieux, travail rables à l’accompagnement peuvent être tirés à la fois des
social, médecine, justice…), élaborées dans des contextes réussites et des échecs des pratiques d’aide et de soutien.
de cultures professionnelles très différents, les contours Chaque partenaire de l’action pédagogique (élèves, pa-
de l’accompagnement en éducation et pédagogie sont rents, équipes pluri-catégorielles dans l’établissement) doit
difficiles à cerner. Il n’est donc pas étonnant que, dans s’investir, avec ses moyens propres, dans un « engagement
un rassemblement de professionnels de l’éducation de formalisé ». C’est la condition sine qua non pour que l’ac-
divers horizons, les interprétations varient sensiblement, compagnement ne sombre pas dans une dérive compas-
mettant tantôt l’accent sur la dimension du soutien aux sionnelle de la part des éducateurs ou la passivité de la part
apprentissages pour les élèves en difficulté dans une pers- des élèves. La prise en charge doit être collective par une
pective de remédiation, tantôt sur la dimension éducative équipe pluri-professionnelle. Elle ne doit pas dépendre
du développement de la personne ou de la prise en compte d’un choix personnel d’un enseignant, même désireux de
des parcours de tous les élèves à l’intérieur du système ; bien faire, ce qui aurait pour effet de restreindre les res-
interprétant tantôt la personnalisation comme une indi- sources pour agir efficacement et de priver l’intervenant du
vidualisation, tantôt au contraire comme une invitation à soutien de ses pairs. Nous savons également que, paradoxa-
multiplier les interactions non seulement avec des adultes lement, l’individualisation n’a pas eu les effets bénéfiques
référents, mais aussi avec les autres élèves en vue de déve- attendus, car elle ramène l’élève à ses seules ressources et
lopper la solidarité et l’entraide intra-générationnelle. accroit les enjeux relationnels, sans pour autant modifier
Il n’est donc pas superflu de s’interroger sur le sens des durablement les hiérarchies scolaires3. Enfin, l’expérience
textes qui en font usage. Cette interrogation doit nous montre que les évaluations traditionnelles, plus centrées
conduire à considérer l’ensemble du système et à observer sur les résultats et les performances que sur les processus
que plusieurs mots sont désormais liés entre eux : accom- de construction des compétences, peinent à rendre compte
pagnement, parcours, compétence. C’est dans ce lien qu’il des progrès, même lorsqu’ils sont réels, accomplis par les
faut tenter de trouver le sens des évolutions en cours dans élèves dans les dispositifs parallèles. Il faut donc introduire
le domaine de l’éducation et de la pédagogie, évolutions de façon massive d’autres formes d’évaluations (formatives
qui dépassent le territoire national et questionnent, bien et formatrices) susceptibles de servir de référence pour
au-delà de l’école française, la plupart des pays riches ou faire apparaitre les besoins d’apprentissage et développer
en voie de le devenir. des formes d’autonomie plus grande tout au long de la
scolarité.
De quoi s’agit-il ?
L’accompagnement ne se réduit pas non plus au tutorat
De rien moins qu’un changement de paradigme péda-
gogique que certains peuvent interpréter comme une fin Il a un impact direct ou indirect sur l’ensemble de la vie
de la pédagogie différenciée1 – en tant que tentative pour scolaire, sur l’orientation et sur la politique éducative de
introduire dans les pratiques quotidiennes des exigences l’établissement. La responsabilité des élèves dans la vie
liées à l’égalité des droits à l’éducation – ou que l’on peut
considérer, au contraire, comme une résurgence de cette 2 Voir la recension de Richard Étienne dans le n° 438
des Cahiers pédagogiques, décembre 2005.
3 Françoise Clerc, Claude Rebaud, « L’Aide individualisée : une
1 Voir la contribution de Jean Houssaye dans ce hors-série, recherche-action en classe de seconde au lycée François-Mauriac »,
qui reprend son intervention au colloque du CRAP. Éducation et devenir, 2006. Disponible sur http://www.educationetdevenir.fr
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

collective et dans la conduite des apprentissages doit être • changement de paradigme dans « l’organisation pé-
reconnue, pas pour « les mettre face à leurs responsabilités » dagogique » des établissements par ce qu’il suppose
– en réalité, les « coincer » et les culpabiliser –, mais pour d’assouplissement de l’emploi du temps, de réorga-
leur faire apprendre par l’expérience les règles de la vie nisation des groupes d’élèves, de diversification des
en société, reconnaitre la valeur des initiatives, se donner interventions des enseignants à l’intérieur de leurs
une chance de recueillir leur adhésion et adapter le travail missions traditionnelles ;
pédagogique aux réalités de l’enfance et l’adolescence. • changement de paradigme concernant « la conception
Si, comme le tutorat, l’accompagnement requiert une pos- des curriculums » pour dépasser les rigidités actuelles
ture professionnelle particulière – le « côte à côte », selon le et les compromis mal assurés entre une logique fondée
mot de Philippe Meirieu –, il ne se réduit pas à l’interaction sur la primauté des contenus d’enseignements et une
entre un adulte et un élève ou plutôt il étend la relation logique orientée vers la prise en compte des proces-
d’étayage au groupe d’enfants capables de s’entraider, de se sus de construction des compétences, logique plus
stimuler mutuellement. Logiquement, l’accompagnement exigeante, mais aussi plus proche des représentations
entraine aussi un partage des valeurs dans la vie quoti- actuelles du fonctionnement cognitif.
dienne et ne peut se satisfaire d’injonctions verbales qui
sont souvent interprétées comme : « Fais ce que je te dis, Ces changements sont-ils souhaitables ?
mais ne fais pas ce que je fais », maxime aux effets dévasta- Une forte résistance à ces changements s’est déclarée dès
teurs dans la relation éducative. Il entraine également une l’origine : mots vides de sens, renoncement à la valeur du
réévaluation des formes de l’autorité et la mise en place de savoir au profit d’incertaines compétences, « marchandisa-
structures d’écoute où s’impliquent non seulement l’adulte tion » de l’école… Les critiques ne manquent pas. Ainsi
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référent, mais l’ensemble de la communauté éducative. réduit à une mode passagère, il est parfois recommandé
Enfin, en raison de la nouvelle conception des parcours d’attendre la prochaine réforme pour décider s’il faut
– qui doit être prise au sérieux dès lors qu’on se réfère ou non s’y engager. Indiscutablement l’empilement des
à la construction des compétences pour décrire à la fois textes, notamment ceux qui encadrent l’accompagnement
l’activité mentale des élèves quand ils apprennent et les éducatif à l’école et au collège, la différence de philosophie
finalités de leur éducation – il faut entrer dans une nouvelle entre l’accompagnement éducatif et l’accompagnement
problématique de l’orientation. Il s’agit d’abord de sortir personnalisé dans les trois voies du lycée, donnent une
de la croyance au « projet d’orientation » qui postule qu’un apparence de non-maitrise par les promoteurs des textes
adolescent jouit d’une liberté de choix et planifie sa vie et donc d’une visée à courte échéance peu compatible
scolaire en fonction d’une finalité susceptible d’être cla- avec l’ampleur des changements de représentations et de
rifiée ici et maintenant. L’accompagnement, au contraire, pratiques qui en découleraient.
intègre l’idée de l’incertitude, de la fluctuation des gouts, Première conséquence : il faut « un rééquilibrage » entre
des envies, d’un horizon des études encore flou, et donc l’attention quasi exclusive accordée aux résultats et les pré-
impose la nécessité d’une aide à la réflexion et à la prise occupations liées au devenir des élèves, aux processus de
de conscience, d’un recours pour trouver un appui fiable construction de leur personnalité et à l’évolution de leurs
en cas de désarroi, d’un regard positif pour encourager. compétences. Entrer dans la pédagogie par les compétences
La logique des parcours est tout le contraire de l’approche amène à être attentif au fait que les « compétences prescri-
volontariste du projet. C’est pourquoi elle ne peut prendre tes » – celles du socle ou celles des référentiels – sont des
sens que dans un réaménagement des curriculums4. Ils constructions sociales qui, à proprement parler, n’existent
doivent devenir plus souples (des cycles véritables que l’on pas : même un sujet jugé compétent ne dispose jamais tout
peut parcourir de façons différentes sans avoir à redoubler, à fait des ressources telles que le prescripteur les décrit et
une semestrialisation et une modularisation au lycée5), il les mobilise d’une façon originale tout en faisant face aux
plus perméables (au lycée, des réorientations facilitées), exigences de la tâche qui lui est demandée (« compétence
moins d’évaluations sommatives et plus d’évaluations effective »). En d’autres termes, les compétences prescrites
capables d’aider au pilotage des apprentissages et des ac- sont une façon commode de définir des finalités pour
tions pédagogiques, des examens qui tiennent compte des guider l’apprentissage et une référence commune pour le
compétences acquises, y compris lorsqu’elles ne l’ont pas dialogue entre les enseignants, les élèves et les familles.
été dans les enseignements académiques (par exemple, par Rien de plus.
l’intégration à côté des épreuves finales d’une dose accrue Deuxième conséquence : il en découle que les compétences
de contrôle en cours de formation et des portefeuilles de ne peuvent être connues directement. Elles sont « inférées »
compétences). à partir des productions des élèves : le professeur suppose,
L’accompagnement, qu’il soit qualifié d’éducatif ou de sans aucune certitude, que l’élève a utilisé telles connaissan-
personnalisé, s’inscrit donc dans un triple changement de ces pour comprendre, telles ressources pour organiser son
paradigme : activité, contrôler ses résultats, etc. Mais rien ne permet
• changement de paradigme « pédagogique » par ce qu’il de l’affirmer tant les fonctionnements mentaux sont com-
implique dans la conception des situations d’ensei- plexes et conditionnés par les situations dans lesquelles ils
gnement et dans la prise en charge des apprentissages se développent. Même un élève en difficulté sait bien plus
par la communauté éducative (professionnels, parents, que ce qu’il donne à voir à travers ses productions. Le sens
élèves) ; de l’introduction des compétences indique clairement qu’il
convient d’être prudent quant à la valeur des évaluations et
humble quant à leur interprétation.
4 On pourrait traduire ce mot par « parcours scolaires » (NDLR).
Troisième conséquence : la question récurrente de « l’auto-
5 « Le Livre blanc pour le lycée de demain », Colloque 2009, Éducation
& Devenir. Disponible sur http://www.educationetdevenir.fr nomie » des élèves peut aussi être abordée de façon diffé-
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Hors série numérique Aider et accompagner les élèves, dans et hors l’école

rente. L’autonomie est relative et correspond à des degrés un état des savoirs qui n’ont plus grand-chose à voir avec
de maitrise variés, en lien direct avec la possibilité pour l’actualité. Il faut donc faire l’inventaire de l’héritage.
l’élève d’identifier les ressources dont il dispose (Qu’est-ce La question du « rapport des élèves au savoir » reste cen-
que je sais faire à propos de cette tâche ? Quel est le pro- trale. Il faut en retrouver le sens originel. Ce rapport ne
blème ou la difficulté à vaincre ?), sa capacité à piloter son doit pas être compris comme un avatar de la psychologie,
activité mentale (Comment puis-je m’y prendre ? Quels un phénomène intime et privé, mais bien comme un
sont les moyens pertinents ?), à contrôler ses productions rapport traversé par des déterminations sociales. Diffé-
(Ai-je bien accompli ce qu’on me demandait ? Le résultat rencier ne consiste pas simplement à varier les méthodes
est-il conforme, juste, vérifié… ?) et à anticiper d’autres et les situations. Les pédagogies progressistes (pédagogies
usages (Qu’est-ce que j’ai appris ? Dans quelles situations actives, pédagogie institutionnelle ou coopérative) l’avaient
puis-je réinvestir ce que j’ai appris ?). Il est nécessaire déjà fait avec succès. Les variations prennent sens à partir
d’induire et guider ce type de réflexion chez la plupart des de l’analyse du fonctionnement de l’école comme un des
élèves, car ils n’ont ni les mots pour désigner leurs activités éléments du fonctionnement social. Les pratiques pédago-
mentales, ni une conscience suffisante des enjeux pour giques, notamment l’évaluation, ne sont pas neutres : elles
adopter spontanément une attitude métacognitive. C’est là convertissent les différences en inégalités, parce qu’elles
une indication majeure pour l’accompagnement. traduisent un rapport de forces social6 et l’imposition d’une
Quatrième conséquence : il faut ouvrir un chantier didac- norme vis-à-vis de laquelle les enfants sont fondamentale-
tique portant sur le lien entre situation d’apprentissage et ment inégaux. Ce n’est pas tant, d’ailleurs, en raison de
configuration des compétences. Personne n’est autonome leur appartenance sociale qu’en raison de mécanismes plus
en toute circonstance. L’autonomie ne peut se compren- fins dus à leur plus ou moins grande capacité à développer
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dre « qu’en relation avec des classes de situations » où la des stratégies efficaces face aux exigences scolaires. Plus
compétence peut s’exercer. Deux remarques s’imposent à les pratiques culturelles familiales sont éloignées de celles
ce sujet. Lorsque le professeur opère ses choix pédagogi- que l’école préconise et plus ils ont du mal à exercer leur
ques et conçoit les situations d’apprentissage, il induit un « métier d’écolier ».
certain type de compétence. L’évaluation mesure donc au La pédagogie différenciée nous a enseigné que, bien loin
moins autant la pertinence des choix pédagogiques que d’être un obstacle, l’hétérogénéité est la norme et, pourvu
les compétences des élèves. Il est également nécessaire de qu’elle soit maitrisée, une richesse. Il est donc nécessaire de
s’interroger sur la valeur de la forme scolaire telle qu’elle relativiser les effets de la « distinction », de favoriser le dé-
s’est stabilisée au cours de l’histoire de l’école. Une ré- cryptage des conditions d’exercice du métier, d’apprendre
flexion didactique en amont des programmes mérite d’être à connaitre ses ressources (autrement dit ses compétences),
menée pour réactualiser les situations dans lesquelles les à en estimer la valeur et à les faire reconnaitre socialement.
apprentissages se réalisent. Il n’est pas sûr que toutes les C’est pourquoi il ne faut pas tomber dans le discours et
possibilités de l’environnement scolaire soient utilisées de les pratiques compassionnelles à propos des enfants des
façon judicieuse et pour organiser les situations les plus classes populaires : ni handicap, ni destin, leurs cultures
proches des conditions réelles de réutilisation des compé- doivent être considérées comme des ressources, pourvu
tences construites à l’école. qu’elles soient travaillées dans ce sens, réélaborées pour
Cinquième conséquence : si les apprentissages sont sociaux, leur donner les clés du monde dans lequel ils vivent et,
les parcours sont individuels. Accompagner des parcours, par extension et comparaison, pour le monde tout court.
c’est accepter d’entrer dans une problématique « d’histoire L’accompagnement doit et peut contribuer à cette rééla-
de vie », d’aider les enfants, quelles que soient leurs ori- boration.
gines et leur culture, à mettre en récit leur expérience, à
s’approprier leur devenir afin d’assurer les fondements de La différenciation pédagogique peut-elle exister ?
leur personnalité et de prendre conscience de leur valeur. Si l’esprit de la pédagogie différenciée introduit une vision
L’accompagnement, c’est, selon le mot de Jerome Bruner, originale des enjeux de l’école et du sens des apprentissages,
« faire entrer dans la culture » en acceptant les différences, elle s’est nourrie d’emprunts à d’autres pédagogies. Mais
non pas comme un mal nécessaire, mais bien comme une elle a probablement chuté sur l’obstacle de l’organisation
richesse. Il s’agit d’élaborer des manières de traduire les scolaire : impossible de différencier toutes choses égales
cultures pour les comprendre, mais aussi de construire des par ailleurs, sans changer la gestion du temps, des groupes
valeurs pour se repérer et guider son action. Faute de quoi, d’élèves, l’organisation du travail des enseignants. Cin-
toujours selon Jerome Bruner, l’école se révélant incapable quante ans plus tard, nous en sommes encore à constater
de permettre à chacun de trouver une place et d’élaborer que l’organisation sur la base de la classe comme unité de
une estime de soi suffisante, les jeunes rejetés risquent de temps et de groupe pour les élèves, comme référence à un
se précipiter dans les bras des contrecultures. niveau de programme et comme base pour la comptabili-
sation du service enseignant constitue un obstacle majeur à
La pédagogie différenciée est morte l’évolution du système.
Vive la différenciation pédagogique Définir les bonnes pratiques constitue un rêve tenace. Or,
Jean Houssaye, en introduction de ce colloque, a proclamé celles-ci n’existent nulle part : chaque établissement, dans
l’acte de décès de la pédagogie différenciée. Je ne sais s’il a le cadre d’une politique nationale et locale, dispose d’une
raison, mais ce constat ne doit pas nous attrister, car si elle marge pour ajuster son projet et son fonctionnement aux
est morte, elle nous a laissé un héritage. Le CRAP en est l’un
des témoins. La pédagogie différenciée doit être comprise 6 Philippe Perrenoud, « Des différences culturelles aux inégalités scolaires.
en relation avec un moment de l’histoire de l’école, dans un L'évaluation et la norme dans un enseignement indifférencié » in Linda
contexte social et politique particulier et en référence avec Allal, Jean Cardinet et Philippe Perrenoud (dir.) L'évaluation formative
dans un enseignement différencié, Peter Lang, 1979, sixième édition, 1991.
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Colloque des 25 et 26 octobre 2010

besoins de ses élèves. Assurer l’égalité des droits à l’éduca- objectivables et font rarement l’objet d’un accord de tous
tion, c’est accepter des variations dans les manières de faire, les professionnels. Impossible donc de « démontrer » à
adaptées aux contextes locaux pour atteindre des objectifs un enseignant qu’il a tort et qu’il doit changer. Loin de
communs. La différenciation pédagogique ne constitue ni l’injonction à changer, c’est donc dans une évolution du
un corps de doctrines, ni un réservoir de pratiques. Elle fonctionnement des établissements que réside le vrai levier
donne des principes pour fonder des stratégies et piloter de la transformation.
des processus d’apprentissage/enseignement. L’un de ces En outre, la volonté de réformer serait mieux comprise si
principes est de se fonder sur une appréciation, la plus fia- elle prenait appui sur des évaluations des politiques éduca-
ble possible, des « besoins des élèves ». L’accompagnement tives donnant une image fiable des objets sur lesquelles elles
est le lieu privilégié de cette analyse, l’occasion pour les portent, pertinentes par rapport aux nécessités du pilotage,
équipes de mutualiser leurs informations et de mener une cohérentes par rapport aux valeurs de la démocratie. L’ac-
interprétation collective des données recueillies. L’accom- compagnement s’inscrit dans un paysage où la politique
pagnement est la colonne vertébrale de la différenciation. éducative nationale est doublement remise en cause : par
Quelques exemples à l’étranger peuvent permettre d’ap- la diversification des initiatives locales et par les comparai-
profondir le rôle de l’accompagnement. En Angleterre sons internationales. Les collectivités territoriales, au nom
existe le pastoral care7 – pratiqué à l’origine dans un contexte d’une connaissance du terrain, interviennent pour infléchir
religieux – qui prend en considération l’ensemble de la les effets des injonctions ministérielles. S’il est contestable
personne de l’élève. Il est la source de détermination de de juger une politique sur les seuls résultats des élèves, il
l’ensemble des besoins éducatifs. Au Québec, « l’école com- n’en demeure pas moins que l’évolution des performances
munautaire »8, place les établissements au cœur du dévelop- et le creusement des écarts entre les élèves les plus faibles et
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pement culturel des communautés où ils sont implantés. les plus forts mesurés par PISA sont inquiétants. On peut
Les familles sont associées au suivi des élèves de façon très donc penser que les politiques antérieures (compensation,
étroite. Plus près de nous, les établissements expérimen- d’éducation prioritaire, etc.) ont relativement échoué. Il est
taux considèrent que l’accompagnement concerne la vie urgent de s’emparer d’une nouvelle façon d’envisager les
de classe, le fonctionnement de l’établissement dans son missions de l’école.
ensemble et contribue à réguler l’interface entre le travail D’abord, il s’agit de mettre « les équipes » au centre de toute
scolaire de l’élève et le travail pédagogique du professeur. évolution et leur donner les moyens de leur fonctionnement
Toutes ces dimensions méritent d’être développées. (un coordonnateur déchargé, des plages de concertation).
Car il n’y a pas d’accompagnement efficace sans analyse
Changement, rupture, réforme,
collective des projets et des ressources des élèves, sans un
transformation : comment procéder ?
impact sur l’ensemble des pratiques pédagogiques et la
En France, la manie des réformes est bien ancrée dans vie de l’établissement ; pas d’accompagnement réellement
les pratiques politiques : chaque ministre veut la sienne, éducatif sans une régulation collective des interventions de
censée marquer de façon indélébile son passage au gou- chacun. L’accompagnement ne peut se concevoir comme
vernement. Il en résulte une fatigue due à l’abondance des l’agrégation d’initiatives individuelles, mais bien comme
injonctions et à leur caractère discontinu et surtout un dé- une politique d’établissement, coordonnée par le conseil
sordre, car chaque ministre oublie d’assumer l’héritage de pédagogique (ou le conseil d’école), figurant au projet voté
son prédécesseur. Les mesures se superposent parfois dans par le conseil d’administration, évaluée avec lui.
une contradiction flagrante, parfois dans la redondance.
Mais comme le temps de l’éducation n’est pas celui de la Une redéfinition des articulations entre les politiques
politique, il est rare qu’une réforme, même bien pensée, nationales et les politiques locales est nécessaire pour
parvienne à son terme. redonner de la cohérence à l’accompagnement éducatif.
Les écoles et les collèges doivent recevoir une commande
Si la rupture dans les représentations est un des aspects de claire, avec des indicateurs pour le pilotage et le contrôle
l’apprentissage et du progrès dans les savoirs, les pratiques, de leurs actions.
elles, s’accommodent mal de la rupture. Aucune pratique
n’est en soi absurde, car chacune, à sa façon, constitue un Les contributions des différentes professions au sein des
compromis entre les prescriptions et les conditions dans établissements doivent être clarifiées afin de mieux coor-
lesquelles s’exerce le travail. S’il existe des compromis plus donner les interventions auprès des élèves et des familles
adaptés que d’autres, des façons de faire plus souhaitables et assurer la prise en charge de toutes les dimensions de
que d’autres au regard des valeurs éducatives, il n’en reste l’accompagnement (aide aux apprentissages, écoute, suivi
pas moins que les critères tels que l’efficacité ou la perti- des parcours et de l’orientation, socialisation…).
nence par rapport aux besoins des élèves sont difficilement Enfin – et dans le contexte actuel, ce n’est pas la moin-
dre des difficultés –, la formation initiale doit préparer
7 « Pastoral care is a term generally applied to the practice of les enseignants, la formation continue les soutenir dans
looking after the personal and social well-being of children under the ces nouvelles interventions : en assumer la charge par le
care of a teacher. It can encompass a wide variety of issues including renforcement des compétences d’analyse et de diagnostic,
health, social and moral education, behaviour management and
emotional support. » (consulter : WhatIsPastoralCare.doc)
l’apprentissage de l’attitude d’écoute, l’appropriation
8 Il faut entendre ici « communautaire » dans un sens un peu différent
d’outils conceptuels nécessaires à la maitrise des probléma-
de celui qu’il a fini par prendre en France ; il s’agit de l’implication de ce tiques induites par l’accompagnement et par une réflexion
que nous appelons « collectivité locale » dans la conduite pédagogique des sur l’engagement éducatif auprès des familles.
enseignements et dans la vie des écoles. « Le concept d'école communautaire
n'est pas nouveau et il est vécu à divers niveaux au Québec ainsi que dans Françoise Clerc
plusieurs pays du monde. Ce concept repose sur une ouverture de l'école et de la Professeure émérite en sciences de l’éducation
communauté pour travailler ensemble au développement social et culturel de la
communauté. » (source : Fédération des Commissions scolaires du Québec) Éducation & Devenir
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Un ouvrage indispensable
Pour un accompagnement
éducatif efficace
Anne Mansuy, Jean-Michel Zakhartchouk - CRDP de
France-Comté, 2009 - 17 euros hors frais de port

Il existe des guides pratiques pour la mise en œuvre du dispo-


sitif institutionnel de l’« accompagnement éducatif », mais cet
ouvrage va plus loin. Il n’hésite pas à questionner ce dispositif
qui présente bien des aspects contestables, tel qu’il est défini
par les textes et surtout tel qu’il est concrètement mis en place.
Cependant, on peut aussi en faire un outil au service de la
réussite des élèves, à condition qu’on veuille bien réfléchir sur
nos pratiques, qu’on inscrive l’accompagnement dans un projet
d’établissement cohérent et rigoureux et surtout qu’on n’en
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fasse pas un substitut à l’indispensable accompagnement au


quotidien, dans la classe. Le livre, écrit par deux acteurs de
terrain, présente de nombreux témoignages et outils, tout en ne
maniant pas la langue de bois. Avec une stimulante préface de
Françoise Clerc.

Cet ouvrage est en vente sur le site du CRAP-Cahiers pédagogiques


www.cahier-pedagogiques.com

La collection des hors-série numériques


L e s d o s sie r s s o n t e n v e n t e s u r le si t e d u CR A P- Ca h ie rs p é d a go giq u e s

Quelle formation pour les enseignants ? Le socle commun... Mais comment faire ?
Coordonné par Sylvie Grau et Richard Étienne Coordonné par Raoul Pantanella et Jean-Michel Zakhartchouk
Enseigner les langues vivantes avec le Cadre européen Des heures de vie de classe, pour quoi faire ?
Coordonné par Sylvie Abdelgaber et Maria-Alice Médioni Coordonné par Régis Guyon et Florence Castincaud
Socle commun et travail par compétences Les PPRE, nouveau visage de l’aide individualisée
Balises et boussole Coordonné par Raoul Pantanella et Jean-Michel Zakhartchouk
Coordonné par Patrice Bride
La culture, c’est pas du luxe !
Quelles alternatives au redoublement ? Actes du colloque organisé par le CRAP-
Coordonné par Jean-Michel Zakhartchouk Cahiers pédagogiques en octobre 2006
Les rythmes scolaires Quelques outils et réflexions pour (bien)
Coordonné par Patrice Bride débuter dans l’enseignement
Dossier transversal à destination des enseignants débutants
Travailler sur la presse écrite à l’école
Coordonné par Aicha Aknazzay et Florence Castincaud L’école ailleurs… (Belgique, Italie, Finlande,
Angleterre, Québec, Suisse et Maghreb)
Face aux classes difficiles
Ce dossier est la compilation de 7 mini-
Coordonné par Esther Fortin et Yannick Mével dossiers parus dans les Cahiers
Mai 68 et l’école, vus par les Cahiers pédagogiques
Coordonné par Patrice Bride et Jean-Michel Zakhartchouk

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3 dossiers récents
N° 483 - Attention aux consignes
septembre 2010
pédagogiques
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société
Attention, dans tous les sens : pour les enseignants, en soignant la for-
Attention aux consignes ! mulation des consignes, en réfléchissant à leur utilité pour les apprentis-
sages ; pour les élèves, en apprenant à s’en débrouiller. Dans un univers
où les « instructions » sont nombreuses, il faut savoir où porter son
attention, apprendre à ne pas être prisonnier des consignes, à parfois ne
pas la respecter, ou en tout cas en respecter l’esprit plutôt que la lettre...
Ce dossier montre que la consigne scolaire ne doit jamais être une fin en
soi, pas uniquement un dispositif de contrôle de connaissances, mais
bien d’abord un outil, un moyen d’apprendre.
Coordonné par Jean-Michel Zakhartchouk
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

N° 483 - sept.-oct. 2010 Actualités éducatives Faits et idées


Se préparer au métier enseignant D’une réforme du lycée à l’autre :
en Europe l’éducation, affaire de tous ?
Grâce aux Tice, Le livre du mois
65e année- 7,70  une école plus efficace ? « Comment apprennent les élèves ? »

N° 480 - Travailler avec les élèves


pédagogiques en difficulté
mars 2010
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société

Travailler avec les élèves


en difficulté Que faire avec ces élèves que l’on dit « en difficulté », c’est-à-dire ceux
qui mettent leurs enseignants en difficulté, qui incarnent la difficulté de
l’école à assumer ses ambitions d’une culture commune pour tous ?
Il nous faut travailler avec eux dans le cadre collectif de la classe, car
on sait que l’hétérogénéité est une ressource, mais aussi souvent un défi
considérable ; on connait tout l’intérêt de temps d’aide particuliers ou de
l’intervention d’enseignants spécialisés, mais aussi leurs limites. Croiser
le fil des deux démarches pour retisser les apprentissages, plus simple à
dire qu’à faire... Pas de martingales dans ce dossier, mais des points de
Actualités éducatives Et chez toi, ça va ?
vue, des pistes et des points d’appui, du primaire au lycée.
Les cinquante ans de la loi Debré Comment on a tué l’aide aux devoirs

Coordonné par Régis Guyon


N° 480 - mars 2010
Faits & Idées Est-ce que c’est drôle ?
Chronique du microlycée 94 Il y a 30 ans dans Les Cahiers
64e année- 7,70  L’autonomie des écoles en Finlande « Ils échouent parce qu’ils sont bêtes »

N° 474 - Aider à mémoriser


pédagogiques juin 2009
Mémoriser et comprendre, est-ce la même chose ? Faut-il automatiser
changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société

certains apprentissages et donc recourir au par cœur ? Y a-t-il différents


Aider à mémoriser types de mémoire ? Pourquoi oublions-nous ? Comment retenons-nous ?
Autant de questions qui sont au cœur des apprentissages et de la trans-
mission des savoirs. Ce nouveau dossier des Cahiers pédagogiques veut
faire connaître des travaux de recherche sur la mémoire encore trop mal
connus, et proposer une grande diversité de pratiques et d’expériences.
Des « gestes mentaux » à l’utilisation du Tai-chi-chuan, de la récitation
traditionnelle à la mémoire musicale, de l’apprentissage de l’orthographe
Comment le Crap agit
lexicale aux langues vivantes ou au calcul : une multiplicité d’approches
qui nous incite à la fois à débattre et à renouveler nos pratiques.
pour une école plus juste

Clisthène, un collège
de la réussite et du plaisir

Chroniques théâtrales :
ces élèves qu’on n’oublie pas Coordonné par Christine Vallin et Régis Guyon
N° 474 - juin 2009 - 64e année- 7,50  Il y a trente ans dans les Cahiers :
histoire et mémoire

Pour commander : w w w.cahiers-pedagogiques.com - 9,30 € por t compris


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pédagogiques
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Les Cahiers pédagogiques se veulent lieu de réflexion collective - sans déférence, car c’est le partage des expériences des uns et des
- sans simplismes, parce que les raccourcis sur le niveau qui monte ou autres, quelle que soit son ancienneté, dans le respect des points de vue,
qui baisse, ou sur l’école d’antan n’ont jamais fait avancer d’un iota les qui ouvre à d’autres possibles, qui fait progresser.
pratiques enseignantes ; Ces principes qui animent l’équipe des Cahiers pédagogiques sont égale-
- sans tabous, parce qu’on doit pouvoir discuter sans réserves de tout ce ment ceux du Cercle de recherche et d’action pédagogiques (Crap), l’asso-
qui pose problème dans le champ professionnel, des réformes en cours, ciation qui les publie. Adhérer au Crap-Cahiers pédagogiques, c’est donc
du fonctionnement de l’école dans toutes ses dimensions ; soutenir la revue, c’est aussi participer, par des rencontres, des échanges
- sans dogmatisme, car c’est le croisement des réflexions et des pratiques par une liste de diffusion électronique, à la vie d’une association d’ensei-
de chacun, chercheurs, formateurs, enseignants du secondaire et du pri- gnants soucieux de faire évoluer leurs pratiques, de réfléchir sur les pro-
maire, éducateurs, qui peut être utile à chacun ; blèmes de l’école pour mieux la faire progresser. Rejoignez-nous !
Exemplaire réservé : IUFM DE MONTPELLIER * COUBES ANNE

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Le comité de parrainage des Cahiers pédagogiques rassemble des amis de notre revue, des personnalités du monde éducatif qui
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tion et de promotion des idées pédagogiques, a toujours été la vocation des Cahiers, du Crap. Si nous nous abstenons d’excès de
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intérêt tout particulier aux travaux et aux points de vue de ces personnalités, et nous les remercions de leur soutien.

Jean-Louis Auduc - François Audigier - Anne Barrère - Christian Baudelot - Francine Best - Alain Bouvier - Dominique Bucheton -
Anne-Marie Chartier - André De Peretti - Michel Develay - François Dubet - Roger-François Gauthier - Violaine Houdart - Phillipe
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