Christianisme et temporalité « Les rayons ou la voie éternelle » En lisant le deuxième livre de la troisième partie d’Étoile de la Rédemption, je me suis trouvé plusieurs fois remis en question. J’ai consulté suffisamment de texte de l’auteur pour entendre que l’une de ses caractéristiques est d’abord de poser le sujet d’une attitude très dure, dérangeante même, puis de la problématiser en énonçant les distinctions qui vont nous conduire à une autre manière de comprendre le sujet. Par exemple : au début de la partie où il va traiter du christianisme, il se réfère à Maimonide qui parle de « grande tromperie qui voudrait faire adorer à côté de Dieu un autre »1 et à la prophétie de Daniel sur les « fils renégats ». Pourtant, au fil de la lecture, on saisit très vite que, grâce à cette voie qui s’étend sans limites jusqu’à des îles lointaines, « tous s’occupent maintenant des paroles de la Thora »2. Mais, à la fin la façon dont le christianisme est dépeint, cependant, ne me semble pas tout à fait satisfaisante. Au cours de la discussion qui s’est développée pendant notre réunion, nous avons remis en question l’affirmation selon laquelle la seule contribution du christianisme par rapport au judaïsme est l’universalisation du message biblique. Pourquoi y a-t-il alors une voie éternelle du christianisme ? Dieu seul le sait. Mon intuition, en cherchant des réponses possibles de la part de l’auteur, est qu’il n’est pas anodin que l’esthétique imbriquée tout au long du livre trouve sa pleine expression précisément dans la section sur le christianisme. Dans une série de trois analyses sociologiques de l’art, correspondant aux analyses de la vie communautaire juive et du silence qu’elle découvre, Rosenzweig me semble être l’héritier de Hegel, mais en même temps son critique. Car il s’oppose aux approches idéalistes et établit un lien significatif entre l’art et le sacrement. Ainsi, la poésie, qui « bricole » le sens d’un événement qui échappe au langage, l’événement de l’éternité, se développe vers le silence du geste et sort de son cadre livresque sous la forme de la danse. Cette forme qui exprime la célébration de la Rédemption dans la communauté juive, à l’image du hassid dansant, et qui n’a pas trouvé sa place dans l’Église, passe à une forme sacramentelle qui « peut consacrer l’individu pour qu’il entre dans le monde qui est la voie de la Rédemption. »3 Alors, le christianisme apparaît vivre toujours autour du commencement exprimé par le Baptême. En conclusion, la lecture du christianisme proposée par Rosenzweig renvoie à la redécouverte d’éléments peut-être oubliés à un moment donné, comme : la place clé du sacrement du baptême. En revanche, l’opposition entre le peuple juif qui continue inlassablement au-delà du temps à vivre déjà la Rédemption qu’il attend constamment et les chrétiens qui, étant constamment en chemin, ne vivent pas la Rédemption que par anticipation, ne s’accorde pas avec ma compréhension de la dimension du « déjà » accompli dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, disponible par le Baptême précisément pour tous les croyants.
1 Franz Rosenzweig, L’étoile de la Rédemption, p. 468. 2 Ibid. 3 Ibid., p. 519 Przemysław Mąka SJ – 9.11