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Bulletin de l'Association de

géographes français

Les villes de Palestine


Jean Gottmann

Citer ce document / Cite this document :

Gottmann Jean. Les villes de Palestine. In: Bulletin de l'Association de géographes français, N°119, 16e année, février 1939.
pp. 41-47;

doi : https://doi.org/10.3406/bagf.1939.7029

https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1939_num_16_119_7029

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Communication de M. J. Gottmânn

Les villes de Palestine

Toute une littérature a été consacrée par des historiens et des


archéologues aux villes de Palestine, mais les géographes
semblent avoir négligé jusqu'ici les centres urbains du pays.
Peut-être est-ce à cause du passé trop riche qui écrase en Terre
Sainte et souvent empêche de bien voir le présent; on peut
cependant essayer de dégager quelques aspects géographiques
en réduisant au minimum indispensable les allusions
historiques.
En sus de leur ancienneté, les villes palestiniennes ont
d'autres caractères en commun. Elles s'alignent en trois rangs dé
direction méridienne, suivant les trois principaux axes du
relief : Acre, Caïffa, Tul Karm, Tel-Aviv-Jaffa, Er Ramlch,
Lydda, Gaza jalonnent la plaine côtière ; Safed, Nazareth, Dje-
nin, Naplouse, Jérusalem, Bethléhem, Hébron et Beersheba
s'alignent sur la crête montagneuse ; enfin Tibériade, Beisan et
Jéricho sont dans la dépression jordanienne. Chacune de ces
files de cités anciennes ou neuves correspond à une antique
route Nord-Sud : les armées et les migrations de peuples
semblent avoir préféré les routes de plaine alors que le commerce
suivait plutôt la route de montagne. La circulation intense qui
caractérise l'histoire de la Terre Sainte n'a pas seulement
multiplié les cités, elle leur a encore donné une population
extrêmement mêlée ; alors que le fond de la population rurale
restait plus stable, chaque migration et chaque conquête laissait
sa marque dans la population urbaine ; on pourrait presque
dire que chaque ville de Palestine a son ethnie propre, mixture
originale, pratiquement indéfinissable et pourtant partagée en
sections très tranchées.
Pour les besoins de l'exposé, il faut, tenant compte de la
situation actuelle, distinguer deux groupes principaux
d'habitants : l'élément indigène non-juif, en majorité .musulman, et
qu'il faut se résoudre à appeler d'un terme très impropre
arabe ; et l'élément juif, en majorité récemment immigré,
surtout d'Europe. Il demeure en dehors de cette classification
simpliste un groupe très varié, peu nombreux, en majorité
chrétien et d'origine européenne, composé surtout de religieux et
de commerçants. Nous trouverons chacun de ces groupes
formant un bloc à part dans les plans des agglomérations
urbaines et toujours l'orientalisme vieilli des quartiers arabes
s'opposera au modernisme occidental des quartiers juifs.
Enfin de toutes les agglomérations dotées du titre de villes
en Palestine, trois seulement sont de véritables foyers de vie
urbaine: Jérusalem, Caïffa et la ville double de Tel-Aviv-Jaffa
dépassent chacune 100.000 âmes ; toutes les autres « villes »
sont plutôt des bourgs-marchés ne dépassant guère 18.000
habitants (c'est sans doute le chiffre actuel de Hébron et de
Naplouse). Certaines, comme Nazareth et Bethléhem (9.000 et 7.000
habitants), doivent à leur sainteté, à leur fonction religieuse, un
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aspect urbain monumental. La plupart des autres sont marchés


régionaux et comptent parmi leurs habitants un grand nombre
d'agriculteurs : c'est le cas de Djenin, Beersheba, Tul Kami,
Jéricho, Beisan et même Hébron. Naplouse conserve quelques
petits ateliers manufacturant du savon, de l'huile, des
cigarettes ; Tibériade, nœud de routes plus important, prend de
l'essor comme -centre touristique, mais l'insécurité qui règne
dans le pays freine son développement. Si la population
urbaine de Palestine croît rapidement, ce sont les trois grandes
villes qui en sont responsables. A l'horizon limité, purement
régional, des bourgs, elles opposent des relations d'une rare
envergure, des allures de capitales, des problèmes souvent
complexes. Elles méritent d'être examinées tour à tour, en
commençant par la ville la plus célèbre et la plus stable de
Palestine, Jérusalem.
Jérusalem. — On a voulu que le site de cette Cité
extraordinaire, dont la merveilleuse histoire remonte sur plus de trente-
cinq siècles, soit digne de sa destinée. On l'a voulu plus
extraordinaire encore que dans la réalité. Divers auteurs ont fait de
Jérusalem un nid d'aigle, perché sur un éperon, bien en
évidence. En fait, située à 750 m. d'altitude environ, sur le
bombement montagneux de Judée, au bord de l'abrupt du Ghor,
Jérusalem est plutôt sur un col, entourée d'un cercle presque
fermé de hauteurs aux formes molles. .Elle est presqu'exacte-
ment au sommet de l'une des facettes qui font reculer l'abrupt
tectonique occidental du Ghor ; au Nord-Est de la ville, le mont
Scopus et le mont des Oliviers forment l'éperon voisin. En dépit
de sa topographie mouvementée, le gros de la ville est bien
dans une dépression.
Le paysage n'en est pas moins grandiose ; des croupes arides
en été, florissantes en hiver, encerclent la ville, changeant de
teinte toute la journée, s'interrompant à l'Est où se creuse
l'abyne fauve du Ghor, au fond duquel miroite le miroir bleu
sombre de la mer Morte. Les lignes du relief sont sûres, calmes,
majestueuses. Et l'homme a collaboré activement avec la nature
pour donner encore plus de variété et de beauté au cadre :
abondance et diversité des monuments religieux, hauts
remparts médiévaux qui ceignent la vieille ville, calme des
couvents, circulation affairée du quartier commerçant,
grouillement pittoresque des souks. Dans les rues en parties voûtées
de la vieille ville, la vie ne semblerait pas avoir changé depuis
deux ou trois millénaires, ne seraient-ce les bruits insolites
d'un phonographe ou d'une machine à écrire qui troublent le
rêve. A Jérusalem, où chaque période a laissé un souvenir qui
frappe toujours, qui vit souvent, l'observateur peut recenser une
gamme complète de genres de vie et de niveaux de vie, du
Bédouin venu s'approvisionner dans les souks jusqu'au Haut-
Commissaire britannique qui domine la ville de son palais
tout blanc et neuf. La collaboration de l'homme et de la nature
a créé là un lieu unique ; mais pour pouvoir le juger en toute
impartialité, l'Occidental devrait se débarrasser de toute son
éducation, de toute une civilisation qu'il ne peut abdiquer. On
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ne peut éviter pourtant de poser le problème des origines de


Jérusalem : des facteurs spécialement géographiques n'ont-ils
pas déterminé un peu la destinée de ce lieu ? Les uns ont fait de
Jérusalem un nid d'aigle isolé, où idées et passions fermentent
en vase clos ; d'autres ont insisté surtout sur son rôle de
carrefour où toutes les influences se mêlent. Nous pouvons suivre
l'histoire de la ville depuis sa conquête par David ; elle a été
successivement l'un et l'autre, mais, si la route a favorisé son
développement, est-ce Jérusalem qui a créé le carrefour ou le
carrefour qui a créé Jérusalem ? Pourquoi cette étape, parmi
beaucoup d'autres, d'une grande route Nord-Sud, a-t-elle pris
de très bonne heure une importance particulière ? Tel est le
problèiine. Il est seulement possible de le préciser : nous savons
par l'archéologie que la politique de Salomon a créé une
convergence du commerce vers Jérusalem, mais nous ne savons
presque rien sur la ville avant la conquête hébraïque. Pour juger du

guère
connu : or, c'est lui qui comporte sans doute la solution du
problème des origines de Jérusalem.
La ville la plus ancienne que nous connaissons bien, la
Jérusalem; de David, était à l'extrémité orientale de la ville actuelle ;
le développement à travers les âges s'est fait et se poursuit vers
l'Ouest, vers la Méditerranée. La vieille ville d'aujourd'hui, à
forme quasi-circulaire, se divise en cinq quartiers: arménien, juif
(attenant au Mur des Pleurs), chrétien, musulman, et, formant
un quartier à elle toute seule, la mosquée d'Omar avec son vaste
parvis qui mène à la mosquée El Aksa. Les séparations ne sont
pas très franches : la Via Dolorosa, bordée de couvents, sépare
la mosquée d'Omar du gros du quartier musulman ; le Mur des
Pleurs soutient le parvis de la Mosquée d'Omar et les Arabes, le
déclarant lieu saint de l'Islam, ont suscité pendant quelques
années une querelle judéo-arabe qui a quitté aujourd'hui un
plan pseudo-religieux pour le plan franchement politique. Au-
delà des remparts, le développement de la ville s'est fait de
façon très inégale : à l'Est, le quartier des morts, d'immenses
cimetières ; les quartiers du xixe siècle s'étendent vers l'Ouest
clrns la direction de Jaffa et aujourd'hui encore la voie la plus
commerçante de la Ville Sainte est Jaffa Road ; les quartiers
modernes, surtout juifs, ont gagné vers le Sud-Ouest où les
pentes sont plus douces ; certains se sont séparés du gros bloc de la
ville lui faisant une auréole de faubourgs éparpillés, aménagés
en cités-jardins, revanche du ghetto sans doute (Talpiot, Beth-
Hakerem, Baït-Ve-Gan, etc.). Au sud de la Vieille Ville s'est
bâti un quartier très récent mais monumental avec de beaux
hôtels, des institutions officielles, le Consulat Général de France,
etc.. Enfin sur le Mont Scopus se crée peu à peu un autre
faubourg important avec l'ancien château de Guillaume II,
l'Université hébraïque, un nouveau grand hôpital. Il serait encore
juste de rattacher à Jérusalem qui prend un aspect de ville-
nébuleuse, quelques installations lointaines : sur le rivage nord
de la Mer Morte s'élèvent les usines de la Palestine Potash Cy
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dont le personnel vit en majorité à Jérusalem et dont les lourds


camions chargés de potasse ou de brome traversent sans cesse
la Ville Sainte dans un bruit de tonnerre ; là encore, sur une
plage de la Mer Morte s'est installée une station balnéaire très
fréquentée par les Hiérosolymites en temps de paix.
.Depuis la Grande Guerre, Jérusalem a vu doubler sa
population et quadrupler son étendue ; elle comptait "62.000 âmes en
1922, 90.500' en 1931, 120.000 environ en 1938 dont (50 0/0
environ de Juifs, 20 0/0 de Chrétiens et 20 0/0 de Musulmans.
Devenue capitale politique, elle s'est ornée de beaux édifices laïques
modernes ; on pourrait en se promenant dans ses rues faire un
cours d'architecture en partant des maisons en pierre sèche
pour aboutir aux grands blocs de ciments qui superposent plus
de huit étages. Bâtie presqu'entièrement en pierre calcaire, de
variétés et teintes diverses, qui abonde dans le voisinage,
Jérusalem peut prétendre au titre de belle ville, tous ses monuments
historiques mis à part. Mais, malgré le climat doux et
ensoleillé, Jérusalem ne peut se débarrasser du poids de son passé :
c'est une ville sérieuse, même sévère, qui oblige à la réflexion, .
dont la population est compartimentée presque en castes ; elle
semble constituer un monde à elle toute seule et on s'y sent un
peu à l'écart du reste du monde. Malgré l'indiscutable parenté
des populations de Jérusalem et de Jaffa-Tel-Aviv, nous allons
rencontrer là, en descendant sur le littoral, un paysage humain
tout différent.
Tel-Aviv et Jaffa. — A une latitude un peu plus
septentrionale que celle de Jérusalem, se trouve sur la côte
méditerranéenne, la plus grosse agglomération urbaine de Palestine,
groupant plus de 200.000 âmes aujourd'hui et constituée de deux
éléments, l'un très ancien, Jaffa, l'autre très jeune, Tel-Aviv.
Térritorialement les deux villes forment un tout compact et
jusqu'en 1930, elles constituaient aussi un ensemble
économique.
Jaffa apparaît dans l'histoire dès le x\T" siècle avant Jésus-
Christ, sur une inscription égyptienne. Elle est de bonne heure
le grand port de Judée ; elle importe au xc siècle les cèdres du
Liban pour Jérusalem. Au xixp siècle après Jésus-Christ elle est
encore la grande porte d'entrée de la Palestine. La ville habille
une petite colline, unique eminence d'une côte rectiligne et
sableuse. La rade est mauvaise, l'accès de la côte barré par une
ligne de récifs. Comme dans toute vieille ville arabe on voit à
Jaffa un entassement de petites maisons de pierre, fouillis de
couloirs et de courettes dont il u'existe pas de plan, dominée
par quelques minarets et quelques clochers. Au cours du
dernier siècle, l'aillux des pèlerins vers la Palestine et
l'exportation des oranges dites de Jaffa ont provoqué un développement
sensible de la ville, surtout vers l'intérieur : un quartier
commerçant récent s'allonge dans la direction de Jérusalem.
Mais le grand développement de la ville s'est fait vers le
Nord, depuis la Guerre et c'est Tel-Aviv, ville purement juive
qui a débuté comme le faubourg juif, moderne de Jaffa.
L'histoire de Tel-Aviv est celle d'une ville-champignon typique :
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en 1909 un groupe de colons juifs acquit un terrain de 10 ha.,
dans les dunes, au Nord-Est de Jaffa, pour s'y établir ; ce fut
la naissance de Tel-Aviv : en 1911 elle comptait 550 habitants;
en 1918 elle n'en comptait encore que 1.940 ; en 1922, 15.200 ;
en 1931, 46.000 ; en 1934, 100.000 ; en 1938, 150.000 âmes
groupées sur 650 ha. En fait, ragglomeration juive de Tel-Aviv est
plus grande car ses quartiers Sud relèvent administrativement
de Jaffa. Tel-Aviv a encerclé presque complètement la ville
arabe ; mais son grand développement s'est fait vers le Nord
jusqu'à la rivière Yarkon. Déjà, au-delà du Yarkon se sont
installés un petit aérodrome et une centrale électrique. Un essor
aussi rapide en une vingtaine d'années s'explique en premier
lieu par la poussée de la colonisation sioniste, la pression
venant de l'extérieur ; en second lieu par le développement
de la culture des agrumes dont Tel-Aviv est la capitale. Gros
centre de consommation, la ville a su se créer encore une
fonction industrielle : un grand nombre de petites usines
fonctionnent dans la ville même ou dans sa banlieue (industries
alimentaires, textiles, tanneries, etc..) ; certaines y ont immigré,
transportées de toutes pièces de pays lointains ; une fabrique de
dents artificielles est venue de New-York, une usine textile de
Lodz, une chocolaterie de Riga... Enfin, capitale économique,
Tel-Aviv finance une partie de l'activité palestinienne et, déjà,
investit des capitaux dans les pays voisins (Chypre par
exemple).
Le plan de la ville neuve, complexe, irrégulier, reflète les
alternatives d'essor et dele"crise de sa brève existence. Un seul trait
domine dans ce plan : rayonnement à travers toute
l'agglomération de voies qui convergent vers le port de Jaffa. Tel-Aviv
est une ville en éventail, centrée sur son port ; et le port,
malgré ses inconvénients, en a largement profité; son trafic
alla croissant jusqu'en 1934 (3.264.000 tonnes aux entrées et
sorties). Mais le port moderne et bien outillé de Caïffa, inauguré
fin 1933, fit à Jaffa une concurrence très sensible et la période
de troubles, qui dure encore depuis avril 1936, vint consommer
la décadence du vieux port palestinien ; les troubles obligèrent
les autorités à isoler Jaffa de Tel-Aviv ; une grève de six mois
fit tomber en 1936 le trafic de Jaffa à 1.174.000 tonnes. Fait bien
plus grave encore, Tel-Aviv obtint le droit de se construire en
1937 un petit port, autre rade foraine sans doute et simples
jetées de bois, mais qui enlève à Jaffa son client le plus
précieux. En 1929, Jaffa faisait 53 0/0 du trafic maritime
palestinien et en 1937, 17 0/0 seulement. Dans les dix premiers
mois de 1938, le tonnage des marchandises débarquées à Tel-
Aviv dépasse celui de Jaffa : 106.000 tonnes contre 88.000 ;
pour les expéditions, Jaffa l'emporte encore grâce aux oranges
arabes : 97.000 tonnes contre 35.000.
Ainsi Jaffa est entrée avec les troubles actuels dans une
décadence dont il lui sera bien difficile de se relever ; c'est
aujourd'hui une ville plus nerveuse, plus agitée que jamais. Tel-Aviv
au contraire a résisté à la lourde crise économique qui résulta
de l'incertitude politique ; elle continue de croître, à un rythme
plus lenjt, car elle est la citadelle de la colonisation juive, l'îlot
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de sécurité le plus sûr du pays troublé. Ville pionnière, elle


est toujours une ville jeune, gaie, moins sévère et moins
réfléchie que Jérusalem. '
Cuiifa. — La troisième grande ville de Palestine, qui
groupait fin- 1938 à peine plus de 100.000 âmes, est pourtant celle
qui semblait avoir le plus de raisons pour devenir une grande
ville.. Située sur la côte, devant une baie magnifique protégée
par le promontoire du Carmel, Caïffa est encore à une croisée
de routes naturelles : route du littoral vers le Sud, route par la
plaine de Jézréel ou les plateaux de Basse-Galilée vers
l'intérieur. Elle est en effet le principal noeud des voies ferrées
palestiniennes, reliée par fer au Caire et à Damas, par mer à tous les
grands ports de la Méditerranée, par route à Bagdad, par air,
enfin, à l'Egypte, la Syrie, la Grèce, et l'Italie. Il faut y ajouter
le pipeline du pétrole de Mossoul. Depuis 1933, Caïffa est dotée
d'un bon port moderne où même les grands paquebots peuvent
s'amarrer à quai. Dans la large plaine sableuse et plate qui longe
la baie se sont élevées de grosses usines : si Tel-Aviv attire
l'industrie légère, Caïffa possède une véritable industrie lourde
(cimenterie, huilerie et savonnerie, verrerie, petite
métallurgie, marais salants). Sa population a quadruplé en seize ans
(24.600 habitants en 1922). Le mouvement du port atteignit en
1937, 8.021.000 tonnes.
La petite ville côtière s'est développée en une agglomération
à trois étages. Ce qui pourrait être appelé le rez-de-chaussée
s'étend au pied du Carmel : colonie allemande (Tenipelgesells-
chaft), centre commercial, vieux quartier arabe avec son
pittoresque inévitable, port et gare, quartiers ouvriers juifs, puis
nouveau quartier arabe bâti en partie en bidons d'essence, enfin
un peu hors de la ville, grosses usines, cultures maraîchères,
dépôts de pétrole. L'étage moyen se trouve sur les flancs du
Carmel, vers 100-150 m. d'altitude ; c'est le Hadar Hacarmel,
quartier juif récent de résidence, aux maisons modernes, aux
grands cafés et hôtels ; là se trouvent encore les écoles
secondaires, l'Institut Polytechnique, le Palais de Justice. Là où la
pente n'est pas trop raide, le Hadar Hacarmel est descendu
jusqu'à toucher les maisons hautes de l'étage inférieur mais un
abrupt très net l'empêche de s'étendre sur le versant jusqu'au
sommet du Carmel où se trouve l'étage supérieur de la ville. Ce
troisième étage est établi sur un plateau étroit à la pointe duquel
s'élève le grand couvent Carmélite ; un peu en arrière s'étendent
les nouveaux quartiers juifs, les plus cossus de Caïffa ; de belles
villes entourées de jardins dominent un panorama magnifique.
Le Mont Carmel a été beaucoup reboisé, la réunion de la mer,
de la « montagne » et de la « forêt » en font une petite Côte
d'Azur palestinienne 'où l'on vient volontiers villégiaturer. Ainsi
dans cette ville à trois étages le niveau de vie s'élève avec
l'altitude ; les Juifs ont habillé de maisons la montagne ; mais les
Arabes, qui ont afflué à Caïffa en grand nombre, préfèrent
rester en bas ; un certain nombre d'entre eux sont allés habiter à
Acre, ville arabe voisine qui tend à devenir un faubourg de
Caïffa. La vieille forteresse imprenable n'a conservé de ses
anciennes fonctions que. la. prison centrale de Palestine; avec
ses souks et l'agitation indolente habituelle aux villes arabes,
Acre fait un saisissant contraste avec sa grande voisine Caïffa,
au dynamisme puissant, aux vastes horizons, en passe de
devenir une étape importante de la route des Indes.

• Ainsi évoluent et grandissent, pour des raisons très diverses,


les trois grandes villes de Palestine, l'une submergée par son
passé, l'autre vivant du présent, la troisième tournée vers
l'avenir. En 1938 elles concentraient au total un tiers de la
population sédentaire de la Palestine. Leur essor est la composante
essentielle de l'extraordinaire capacité d'absorption de
population dont a fait preuve la Palestine d'après-guerre.

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