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géographes français
Gottmann Jean. Les villes de Palestine. In: Bulletin de l'Association de géographes français, N°119, 16e année, février 1939.
pp. 41-47;
doi : https://doi.org/10.3406/bagf.1939.7029
https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1939_num_16_119_7029
Communication de M. J. Gottmânn
guère
connu : or, c'est lui qui comporte sans doute la solution du
problème des origines de Jérusalem.
La ville la plus ancienne que nous connaissons bien, la
Jérusalem; de David, était à l'extrémité orientale de la ville actuelle ;
le développement à travers les âges s'est fait et se poursuit vers
l'Ouest, vers la Méditerranée. La vieille ville d'aujourd'hui, à
forme quasi-circulaire, se divise en cinq quartiers: arménien, juif
(attenant au Mur des Pleurs), chrétien, musulman, et, formant
un quartier à elle toute seule, la mosquée d'Omar avec son vaste
parvis qui mène à la mosquée El Aksa. Les séparations ne sont
pas très franches : la Via Dolorosa, bordée de couvents, sépare
la mosquée d'Omar du gros du quartier musulman ; le Mur des
Pleurs soutient le parvis de la Mosquée d'Omar et les Arabes, le
déclarant lieu saint de l'Islam, ont suscité pendant quelques
années une querelle judéo-arabe qui a quitté aujourd'hui un
plan pseudo-religieux pour le plan franchement politique. Au-
delà des remparts, le développement de la ville s'est fait de
façon très inégale : à l'Est, le quartier des morts, d'immenses
cimetières ; les quartiers du xixe siècle s'étendent vers l'Ouest
clrns la direction de Jaffa et aujourd'hui encore la voie la plus
commerçante de la Ville Sainte est Jaffa Road ; les quartiers
modernes, surtout juifs, ont gagné vers le Sud-Ouest où les
pentes sont plus douces ; certains se sont séparés du gros bloc de la
ville lui faisant une auréole de faubourgs éparpillés, aménagés
en cités-jardins, revanche du ghetto sans doute (Talpiot, Beth-
Hakerem, Baït-Ve-Gan, etc.). Au sud de la Vieille Ville s'est
bâti un quartier très récent mais monumental avec de beaux
hôtels, des institutions officielles, le Consulat Général de France,
etc.. Enfin sur le Mont Scopus se crée peu à peu un autre
faubourg important avec l'ancien château de Guillaume II,
l'Université hébraïque, un nouveau grand hôpital. Il serait encore
juste de rattacher à Jérusalem qui prend un aspect de ville-
nébuleuse, quelques installations lointaines : sur le rivage nord
de la Mer Morte s'élèvent les usines de la Palestine Potash Cy
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.
en 1909 un groupe de colons juifs acquit un terrain de 10 ha.,
dans les dunes, au Nord-Est de Jaffa, pour s'y établir ; ce fut
la naissance de Tel-Aviv : en 1911 elle comptait 550 habitants;
en 1918 elle n'en comptait encore que 1.940 ; en 1922, 15.200 ;
en 1931, 46.000 ; en 1934, 100.000 ; en 1938, 150.000 âmes
groupées sur 650 ha. En fait, ragglomeration juive de Tel-Aviv est
plus grande car ses quartiers Sud relèvent administrativement
de Jaffa. Tel-Aviv a encerclé presque complètement la ville
arabe ; mais son grand développement s'est fait vers le Nord
jusqu'à la rivière Yarkon. Déjà, au-delà du Yarkon se sont
installés un petit aérodrome et une centrale électrique. Un essor
aussi rapide en une vingtaine d'années s'explique en premier
lieu par la poussée de la colonisation sioniste, la pression
venant de l'extérieur ; en second lieu par le développement
de la culture des agrumes dont Tel-Aviv est la capitale. Gros
centre de consommation, la ville a su se créer encore une
fonction industrielle : un grand nombre de petites usines
fonctionnent dans la ville même ou dans sa banlieue (industries
alimentaires, textiles, tanneries, etc..) ; certaines y ont immigré,
transportées de toutes pièces de pays lointains ; une fabrique de
dents artificielles est venue de New-York, une usine textile de
Lodz, une chocolaterie de Riga... Enfin, capitale économique,
Tel-Aviv finance une partie de l'activité palestinienne et, déjà,
investit des capitaux dans les pays voisins (Chypre par
exemple).
Le plan de la ville neuve, complexe, irrégulier, reflète les
alternatives d'essor et dele"crise de sa brève existence. Un seul trait
domine dans ce plan : rayonnement à travers toute
l'agglomération de voies qui convergent vers le port de Jaffa. Tel-Aviv
est une ville en éventail, centrée sur son port ; et le port,
malgré ses inconvénients, en a largement profité; son trafic
alla croissant jusqu'en 1934 (3.264.000 tonnes aux entrées et
sorties). Mais le port moderne et bien outillé de Caïffa, inauguré
fin 1933, fit à Jaffa une concurrence très sensible et la période
de troubles, qui dure encore depuis avril 1936, vint consommer
la décadence du vieux port palestinien ; les troubles obligèrent
les autorités à isoler Jaffa de Tel-Aviv ; une grève de six mois
fit tomber en 1936 le trafic de Jaffa à 1.174.000 tonnes. Fait bien
plus grave encore, Tel-Aviv obtint le droit de se construire en
1937 un petit port, autre rade foraine sans doute et simples
jetées de bois, mais qui enlève à Jaffa son client le plus
précieux. En 1929, Jaffa faisait 53 0/0 du trafic maritime
palestinien et en 1937, 17 0/0 seulement. Dans les dix premiers
mois de 1938, le tonnage des marchandises débarquées à Tel-
Aviv dépasse celui de Jaffa : 106.000 tonnes contre 88.000 ;
pour les expéditions, Jaffa l'emporte encore grâce aux oranges
arabes : 97.000 tonnes contre 35.000.
Ainsi Jaffa est entrée avec les troubles actuels dans une
décadence dont il lui sera bien difficile de se relever ; c'est
aujourd'hui une ville plus nerveuse, plus agitée que jamais. Tel-Aviv
au contraire a résisté à la lourde crise économique qui résulta
de l'incertitude politique ; elle continue de croître, à un rythme
plus lenjt, car elle est la citadelle de la colonisation juive, l'îlot
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