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Documenter les collections des musées


Investigation, inventaire, numérisation et diffusion

Les collections représentent le cœur des institutions patrimoniales. Leur


Documenter

Documenter les collections des musées


inventaire, leur documentation, leur numérisation et leur diffusion font l’objet
de travaux, de réflexions et d’enjeux importants dans les musées.
Cet ouvrage rassemble les articles issus du Séminaire international d’été de
muséologie (SIEM) de l’École du Louvre de 2012. À travers des exemples de
les collections
terrain, conservateurs, régisseurs, chargés d’études documentaires, archivistes
et informaticiens présentent et analysent leurs métiers, leurs raisonnements,
et leurs méthodes de travail.
des musées
L’évolution des techniques est rapide et déterminante ; l’exigence des scientifiques Investigation, inventaire,
et des publics toujours plus forte. C’est ainsi que les professionnels sont confrontés numérisation et diffusion
à des problèmes qui nécessitent des choix déontologiques et méthodologiques :
ils doivent entreprendre des investigations pour établir ou compléter les
inventaires et procéder aux récolements ; les dossiers d’œuvre sont des outils
Sous la direction de
de plus en plus exigeants et on doit s’interroger sur leur mise à disposition
Claire MERLEAUPONTY
publique ; l’informatisation des collections est une tâche complexe en constant
perfectionnement ; quant à la numérisation du patrimoine, elle soulève la
question de sa diffusion et de sa valorisation.

Claire Merleau-Ponty, après une carrière consacrée aux publics des musées, est actuellement
chargée d’enseignement à l’École du Louvre ; elle conçoit chaque année le Séminaire
international d’été de muséologie (SIEM).

Contributions Morwena Joly-Parvex Claire Merleau-Ponty


Corinne Jouys Barbelin Soline Morinière
Elsa Badie Modiri Sylvie Julé Solenn Nieto

Claire MERLEAUPONTY
Sandra Boujot Geneviève Lacambre Clémence Raynaud
Sophie Charve-Dartoen Yannick Lintz Mathilde Touillon-Ricci
Françoise Dalex Stéphane Loire Hélène Vassal
Audrey Defretin Isabelle Loutrel Jean-Pascal Vendeville

Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
La documentation Française
Tél. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr

-:HSMBLA=U^ZY]U:
Imprimé en France
ISBN : 978-2-1-009548-0
DF : 5MM35540
Prix : 24 € dF

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Sommaire

Avant-propos 9

Introduction 11
Claire Merleau-Ponty

Partie I

Inventaire et investigation 13

À propos des inventaires des musées 15


Geneviève Lacambre

De l’enquête documentaire à la recherche scientifique


ou comment faire du récolement un enjeu de connaissances
des collections muséales 31
Yannick Lintz

La collection de moulages de l’ancienne faculté des lettres


de Bordeaux : étude documentaire et pratiques d’inventaire 43
Soline Morinière

Partie II

L’œuvre et son dossier 55

Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.


Constitution et communicabilité 57
Corinne Jouys Barbelin

Le service d’Étude et de Documentation du département


des Peintures du musée du Louvre 75
Stéphane Loire

État de la documentation au musée Rodin :


dossier d’œuvre et dossier documentaire sur l’œuvre 93
Sandra Boujot

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Partie III

Informatiser les collections 99

Du projet de base de données informatisée à sa réalisation :


ambition et limites 101
Hélène Vassal

Le constat d’état : de la collecte à la synthèse des données 105


Mathilde Touillon-Ricci

Gestion et valorisation des collections. La politique documentaire


au musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen 115
Sophie Charve-Dartoen et Solenn Nieto

La base de documentation et de gestion des œuvres du futur


Louvre Abou Dabi : de la réflexion sur les pratiques
professionnelles à la conception d’une base de données dédiée 123
Hélène Vassal

Le premier projet d’informatisation des collections des musées


du Vietnam 127
Françoise Dalex

Changer de système de gestion des collections au musée d’Orsay :


un vrai défi ! 141
Sylvie Julé et Elsa Badie Modiri

Conduite d’un projet d’informatisation des collections :


rôle d’un assistant à maîtrise d’ouvrage 145
Jean-Pascal Vendeville

Partie IV

Numérisation et diffusion culturelle 153

Les enjeux de la numérisation du patrimoine :


la politique européenne à l’épreuve de Google 155
Morwena Joly-Parvex

Le portail documentaire, un outil de mutualisation de la diffusion.


L’exemple du musée du quai Branly 163
Françoise Dalex

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche


et de restauration des musées de France (C2RMF) :
vers une reconnaissance patrimoniale 173
Clémence Raynaud

La réalité augmentée au service de la valorisation


et de la transmission du patrimoine culturel.
La question du patrimoine documentaire 189
Audrey Defretin

Conclusion
Gestion et documentation des collections :
vers une évolution des pratiques ? 203
Isabelle Loutrel et Hélène Vassal

Bibliographie 207

Glossaire 217

Présentation des auteurs 225

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Avant-propos

À la notion de collection publique, est liée de façon étroite, dans nos musées
modernes, celle d’inventaire. On n’imagine pas l’une sans l’autre, sans penser
qu’il n’en fut pas toujours ainsi, ni surtout qu’aujourd’hui encore le lien puisse
être parfois défectueux… Pourtant, de l’Inventaire Napoléon à la Commission de
recollement de 1997, des premiers livres du Muséum central aux sites Internet
actuels, que de chemins parcourus, que d’expériences accumulées ! Mais le public
mesure sans doute mal l’accélération récente du processus de documentation des
collections, sorte de conséquence ou de corollaire d’une gestion modernisée des
inventaires et surtout, réponse obligée aux nouveaux enjeux des musées, à leurs
nouveaux modes de fonctionnement, aux attentes et aux besoins sans cesse plus
exigeants de leurs visiteurs.
Le conservateur que je suis n’a pas oublié sa prise de fonction il y a vingt-sept ans
à la tête de l’un des plus grands musées en région. Non seulement celui-ci ne pos-
sédait alors aucun service de documentation, mais encore les « dossiers d’œuvres »
s’y réduisaient-ils à de simples fiches manuscrites, généralement dotées, mais pas
toujours, d’une médiocre photographie en noir et blanc, avec les seules mentions
de quelques catalogues principaux et parfois, l’avis d’un spécialiste de passage noté
en style télégraphique… Certes, à cette date il n’en allait généralement plus ainsi
dans les grands musées de la capitale. Mais ce serait une erreur aujourd’hui d’ou-
blier trop vite ce passé relativement récent et ses réalités contrastées, et de ne juger
des situations actuelles qu’en fonction de critères normatifs souvent bien théo-
riques, ou des capacités en apparence infinies des nouvelles technologies numé-
riques ; on s’exposerait à mal comprendre ces situations, à se montrer injuste pour
l’immensité des efforts accomplis précédemment, et plus gravement encore, à mal
hiérarchiser les priorités des travaux à venir.
Documenter leurs collections, au sens le plus global du terme, pour assurer la dif-
fusion des connaissances la plus large possible, est désormais couramment reconnu
comme un objectif majeur des musées. Mais les véritables enjeux ne seraient-ils
pas d’ordre qualitatif ? Plus les capacités techniques de diffusion augmentent, plus
elles exigent méthode et clarté pédagogiques (pour que la mise à disposition du
plus grand nombre ne soit pas un faux-semblant), plus elles nécessitent égale-
ment des cadres déontologiques précis (peut-on et doit-on tout diffuser ? à qui
appartiennent les images et leur droit moral ? comment garantir la pérennité des
fichiers numériques et des informations qu’ils contiennent ?), plus elles supposent
aussi de compétences variées pour celles ou ceux qui en sont chargés…
Créée il y a cent trente ans, l’École du Louvre, dans l’esprit de ses fondateurs,
devait précisément promouvoir la documentation et la diffusion des collections
des musées (on parlait alors de « démocratisation » des collections…) en formant
leurs conservateurs et tous ceux qui, à leurs côtés, les aideraient à rédiger catalo-
gues et cartels explicatifs, à organiser visites et conférences. Depuis lors, l’École
n’a pas cessé d’œuvrer dans ces directions, y acquérant au fil du temps une com-
pétence très largement reconnue. Il était donc dans l’ordre des choses qu’elle soit à

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Avant-propos

l’origine de cet ouvrage qui constituera, on peut en être sûr, un précieux document
de référence mais aussi de travail, sur des sujets qui, nous l’avons dit, soulèvent
actuellement de nombreuses questions. Il m’est donc particulièrement agréable
de remercier ici tous les contributeurs à ce qui fut à l’origine en 2012 un sémi-
naire d’été de muséologie, et tout particulièrement la conceptrice de ces séminaires
Claire Merleau-Ponty. Qu’elle trouve ici l’expression de mon amicale admiration.

Philippe Durey
Conservateur général du patrimoine
Directeur de l’École du Louvre

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Introduction
Claire Merleau-Ponty

Le Séminaire international d’été de muséologie (SIEM) de l’École du Louvre


est, chaque année depuis dix ans, un lieu de réflexions et d’échanges sur des sujets
actuels de muséologie. Il est destiné à des étudiants avancés et des jeunes profes-
sionnels des musées du monde entier.
Sélectionnés sur dossier pour leurs compétences, leur spécialité et pour l’intérêt
qu’ils portent au sujet traité, vingt-cinq participants écoutent, discutent et tentent
de répondre à des questions complexes de muséologie avec une vingtaine d’inter-
venants des musées français.
Organisé tous les ans en septembre, le SIEM est une introduction à l’année uni-
versitaire et à la rentrée des musées après l’été. Son calendrier rend possible la
rencontre entre universitaires et professionnels qui est le moteur de son fonction-
nement. Constitué d’interventions de spécialistes, de visites encadrées par des res-
ponsables de musées, et de présentations de l’activité muséale dans les pays des
participants, le séminaire se déroule durant deux semaines à raison de six heures
de cours et d’échanges par jour. Pour fournir un panorama le plus juste possible
des musées français, un voyage de deux jours dans une région qui s’intéresse par-
ticulièrement au sujet du séminaire est organisé par l’École du Louvre.
Au cours de ses dix ans d’existence, ce séminaire d’excellence a traité un certain
nombre de questions sensibles et difficiles qui se posent dans un musée : ses objec-
tifs, ses collections, ses publics, sa gestion. Le SIEM s’est intéressé récemment aux
familles dans les musées, au rapport du musée à son territoire, au patrimoine imma-
tériel, à la scénographie etc. Les collections elles-mêmes n’avaient pas encore été
abordées en tant que telles. Il m’a semblé essentiel de consacrer le SIEM 2012 à
ce qui est le cœur même des musées : les objets et les œuvres.
La multiplication des expositions, la rénovation de grands musées et l’ouverture
de nouveaux établissements ont rendu les récolements, les mouvements d’œuvres
et les restaurations obligatoires et nombreux, sans compter l’intérêt et les attentes
des publics toujours plus exigeants. À cette occasion, d’importantes réflexions
ont été menées sur les inventaires, la documentation des œuvres et leur diffu-
sion. Les musées français ont dépensé beaucoup d’énergie et de compétence dans
ce domaine et ces efforts ont amené d’importantes avancées techniques, l’émer-
gence de nouveaux métiers et une protection du patrimoine toujours plus efficace.
J’ai pensé qu’il serait intéressant de partager ces expériences et ces connaissances
avec des étudiants avancés et de jeunes professionnels étrangers. Les échanges
avec Hélène Vassal et Isabelle Loutrel, chargées du Master 2 professionnalisant
« Métiers du patrimoine » à l’École du Louvre, m’ont confirmé le bien-fondé d’or-
ganiser une rencontre internationale sur ce thème. Ce séminaire serait l’occasion
de présenter des travaux et des expériences récentes dans le domaine de l’inven-
taire, de la documentation des œuvres et de la diffusion dans les musées français,

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Introduction

en donnant la parole aux professionnels confrontés à ces questions directement


sur le terrain.
Étant donné l’intérêt et la nouveauté des interventions et des échanges, il nous
a paru souhaitable et utile pour les professionnels de ces domaines de publier le
contenu de ce séminaire. Cette édition a été possible grâce à Jacqueline Eidelman,
directrice de la collection « Musées-Mondes », assistée de Mélanie Roustan, et
avec la participation active et dévouée d’un comité éditorial composé d’Hélène
Vassal, d’Isabelle Loutrel, de Françoise Dalex, de Françoise Blanc, de Solange de
Bagneux, et de moi-même. La générosité des auteurs a été déterminante pour la
qualité de cet ouvrage.

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Partie I

Inventaire
et investigation

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À propos des inventaires des musées
Geneviève Lacambre

Depuis l’ordonnance provisoire de 1945 concernant la gestion des musées 1, une


nouvelle loi, la loi no 2002-5 du 4 janvier 2002 2 relative aux musées de France,
redéfinit ce qu’il faut entendre par musée. Il est important de s’attarder sur l’ar-
ticle 12, ainsi rédigé : « Les collections des musées de France font l’objet d’une
inscription sur un inventaire. Il est procédé à leur récolement tous les dix ans. »
De fait, la tenue d’un inventaire 3 est la tâche première des conservateurs de
musée, qui doivent prendre les mesures nécessaires pour non seulement conser-
ver et faire connaître les collections dont ils sont chargés, mais aussi les enrichir,
ce qui implique d’inscrire au fur et à mesure les nouvelles acquisitions sur l’in-
ventaire de l’établissement.
Dans son ouvrage Droit et administration des musées, Jean Chatelain 4, alors direc-
teur des musées de France, relativise la valeur de l’inventaire, inventaire dont il ne
nie cependant pas l’utilité. Il affirme à juste titre que, pour les musées nationaux,
l’arrêté ministériel d’acquisition est l’acte juridique donnant la propriété de l’œuvre
et que l’inscription à l’inventaire d’un musée n’est pas en elle-même un acte juri-
dique créateur de droits, mais un acte d’administration interne qui ne doit inter-
venir qu’après la signature de l’arrêté d’acquisition. Il ajoute que « La bonne tenue
des inventaires a pour les musées nationaux une importance essentiellement scien-
tifique, le statut juridique de l’objet étant normalement indiqué avec précision par
l’arrêté d’acquisition et chaque déplacement hors du musée faisant l’objet d’arrê-
tés de prêt ou de mise en dépôt.
S’agit-il uniquement d’une importance scientifique ? Certes, l’inventaire contient
des informations sur chaque objet qui y est inscrit, mais c’est aussi, au premier
chef, un instrument de gestion quotidienne des collections, la mention du numéro

1 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000703873
2 http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droit-culture/musees/pdf/2002-5.pdf http://www.
legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000769536
3 Le titre premier du décret du 2 mai 2002, pris en application de la loi no 2002-5 du 4 janvier 2002 rela-
tive aux musées de France, définit l’inventaire des biens d’un musée de France. L’article 2 précise que « l’in-
ventaire des biens affectés aux collections d’un musée de France est un document unique, infalsifiable, titré,
daté et paraphé par le professionnel responsable des collections, répertoriant tous les biens par ordre d’en-
trée dans les collections. L’inventaire est conservé dans les locaux du musée. Une copie de l’inventaire est
déposée dans le service d’archives compétent ; elle est mise à jour une fois par an. » L’article 5 stipule que
« les ministres chargés de la culture et de la recherche fixent par arrêté les normes techniques relatives à la
tenue de l’inventaire et du registre des dépôts, ainsi que les principes généraux de numérotation, d’identi-
fication, de marquage et de récolement des biens des musées de France ». L’arrêté du 25 mai 2004 déter-
mine les normes techniques relatives à la tenue de l’inventaire, du registre des biens déposés dans un musée
de France et au récolement. L’annexe 1 de cet arrêté énumère les rubriques de l’inventaire des musées
de France : <http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/partenaires/AIDEMUSEES/intro-
methode.htm#Définition de l’inventaire des biens d’un musée de France>.
4 Chatelain Jean, Droit et administration des musées, Paris, La Documentation française, 1993.

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Partie I – Inventaire et investigation

d’inventaire devant être reportée par immatriculation, si possible indélébile, sur


l’objet lui-même 5.
En effet, l’étiquette peut se déchirer ou se décoller, mais même une trace carac-
téristique peut servir 6… Bien entendu, l’absence d’immatriculation est catastro-
phique si l’objet est déplacé ou volé, sa présence étant, au contraire, une preuve
irréfutable de son inscription sur un inventaire. Ce fut le cas d’un tableau de
Chazal (Inv. 3227), Un yucca gloriosa fleuri dans le parc de Neuilly, du Salon de
1845, réputé détruit ou disparu du château de Saint-Cloud lors des bombarde-
ments et des incendies de 1870-1871, puis reconnu dans le commerce d’art en
septembre 1997. Un examen radiographique ultérieur de cette peinture fit appa-
raître la trace de l’immatriculation datant de Louis-Philippe (LP 6022) au revers
de la toile originale, cachée par un rentoilage 7.
On retiendra aussi l’exemple d’un tableau de Corot (RF 1779), Une soirée. Batelier
amarré à la rive, déposé au musée de Semur-en-Auxois, volé dans la nuit du 17 au
18 octobre 1984, puis retrouvé grâce à la photo de son revers vue entre les mains
d’un collègue japonais qui le recherchait dans la bibliographie sur Corot à la
documen­tation du musée d’Orsay. L’immatriculation au pochoir et les étiquettes
portées sur le châssis ont permis de l’identifier et d’engager des démarches pour
son retour du Japon où il avait été acquis, de bonne foi, par le directeur du musée
Marauchi à Hachioji près de Tokyo 8. Il est depuis revenu en 1989 au musée du
Louvre.
L’histoire des inventaires des musées nationaux depuis la création du musée du
Louvre montre que leur signification a évolué au cours des temps et qu’il y eut
d’innombrables tâtonnements dont les conséquences se font actuellement sentir,
en raison de décisions successives qui, en définitive, ne font pas correspondre les
inventaires des musées nationaux avec la totalité des objets mobiliers passés par ces
musées et appartenant à l’État. Certains ne lui appartiennent plus, en application
de l’article 13 de la loi du 4 janvier 2002 qui apporte une modification notoire à
la gestion traditionnelle des collections, collections dont l’inaliénabilité est enfin
affirmée clairement, quel qu’en soit le gestionnaire. Cette loi concerne les envois
antérieurs au 7 octobre 1910 dans les anciens musées classés et contrôlés selon
la définition de l’ordonnance du 13 juillet 1945, désormais musées de France, et
modifie leur statut. De propriété de l’État, les œuvres acquises par l’État (et non
pas celles léguées ou données à l’État) deviennent, après récolement, propriété de

5 Cela dépend des techniques des objets inventoriés et l’usage d’une étiquette en papier est souvent insuf-
fisant, s’il peut être néanmoins précieux : ainsi, un baquet en laque du Japon, transféré du musée de la
Marine au musée de l’Homme en 1946 où il reçoit un nouveau numéro d’inventaire (maintenant au musée
du quai Branly) n’a pu être identifié que grâce à la présence d’étiquettes en partie déchirées collées sur un
côté : celles de l’inventaire de 1824 (MR 382) et celle qui correspond à l’inventaire du musée de la Marine
achevé par Morel-Fatio en 1856 (952 de la section ethnographique). Saisi par Denon en janvier 1807 au
château de Kassel en Allemagne et non réclamé en 1815, c’est un objet rare et remarquable des années 1620.
6 Comme dans le cas d’un plat en laque du Japon conservé maintenant aux musées d’Art et d’Histoire de
La Rochelle. L’origine étant perdue, il est envoyé, sans identification, en 1923 lors d’un dépôt fort impor-
tant du musée de la Marine, avec d’autres plats de même type dont l’un portait sur une étiquette le no 924
correspondant à l’inventaire de 1824.
7 Voir la feuille du « tableau du mois » de février 2002, au musée du Louvre.
8 Foucart-Walter Élisabeth, Nouvelles acquisitions du département des peintures (1987-1990), Paris,
RMN, 1991, p. 225.

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À propos des inventaires des musées

la collectivité territoriale – généralement une ville – qui gère le musée. Ce chan-


gement de statut est reporté sur les inventaires des musées nationaux concernés.
Mais la propriété de l’État ne se limite pas aux seuls biens mobiliers inscrits depuis
l’origine sur les inventaires du musée ouvert dans le palais du Louvre pendant la
Révolution, à partir soit de saisies et de nationalisations des biens des collections
royales, des académies, des églises, des émigrés ou des condamnés, soit des prises
en pays étrangers lors des campagnes militaires victorieuses de la Révolution et
de l’Empire. Citons, hors du musée du Louvre, les collections du Mobilier natio-
nal (l’ancien Garde-Meuble), des manufactures de tapisseries ou de porcelaine, ou
celles du Muséum d’histoire naturelle et de la Bibliothèque nationale de France
(manuscrits, monnaies et médailles, estampes), sans oublier le service chargé des
achats aux artistes vivants, dénommé maintenant le Fonds national d’art contem-
porain (Fnac). S’y ajoutent, outre les œuvres envoyées de Paris vers de nouveaux
musées en province à partir de 1801 (arrêté Chaptal), les collections saisies à la
Révolution, selon le même critère qu’en région parisienne, dans certaines villes de
province, comme Rennes (président de Robien), Toulouse, Strasbourg (cardinal
de Rohan) ou Dijon ( Jehannin de Chamblanc, parlementaire) qui se sont retrou-
vées dans les musées, bibliothèques et muséums d’histoire naturelle, un certain
nombre de curiosités des cabinets d’amateurs du xviiie siècle ayant, au fil des ans,
atteint le statut d’œuvre d’art…
Par ailleurs, le musée du Louvre, sous les régimes monarchiques qui se succèdent
tout au long du xixe siècle, fait partie du domaine de la Couronne et certains de
ses inventaires sont ceux de Listes civiles dans lesquelles le souverain pouvait puiser
pour faire des cadeaux, selon une pratique en contradiction avec cette inaliénabi-
lité revendiquée et maintenant affirmée par la loi.
Actuellement, les grands départements du musée du Louvre et les musées natio-
naux conservent leurs inventaires « actifs », tandis que les plus anciens sont déposés
aux Archives des musées nationaux où ils sont maintenant numérisés. Un classe-
ment et un bilan général ont été établis en 1968 dans un mémoire de l’École du
Louvre pour la période antérieure à 1870 9.
Ce que nous développons ici, c’est l’esprit même de leur conception et, finalement,
leur changement de nature, puisque l’on passe d’un inventaire demandé par la loi
et destiné aux organismes de contrôle financier ou parlementaire, faisant l’état
des lieux préalable et fixant la propriété de l’État, à un registre chronologique des
acquisitions, à tenir au gré des enrichissements des collections.
Cette ambiguïté est présente dès le début car, à la différence des inventaires après
décès, établis par un notaire pour évaluer les biens du défunt et en faire le partage
entre les héritiers selon les lois en vigueur et ses intentions, l’inventaire d’un
fonds de musée s’accompagne immédiatement de registres, de listes ou de fiches
concernant les nouvelles acquisitions par date d’entrée, voire de registres spéciaux
pour des collections abondantes. Dans les inventaires après décès, on trouve déjà
un classement par catégories d’objets – bouteilles de vin, meubles, peintures –,
avec éventuellement une numérotation continue des lots. C’est le même type de

9 Coutin Yvonne, L’Histoire des anciens inventaires (1793-1870), Paris, Mémoire de l’École du Louvre, 1968.

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Partie I – Inventaire et investigation

classement raisonné qui va être utilisé pour les inventaires du musée du Louvre,
préfigurant une gestion en départements spécialisés, tout en affirmant l’unité de
l’institution, unité qui va rester réelle au point de vue administratif jusque dans
les dernières années du xixe siècle.
Certes, il existait déjà des inventaires des collections conservées par le Roi sous
l’ancien régime, celui de Durameau en 1788, ou le récolement de Versailles en
1794, pour ne citer que les plus récents. Certains ont été publiés 10.

Après 1789
Le musée du Louvre, nommé successivement Muséum central des arts de la
République, musée central des Arts, musée Napoléon, puis Musée royal, impérial,
ou national suivant les régimes, n’eut d’abord pas d’inventaire général, même si de
nombreuses listes datées existaient ; par exemple, en date du 22 novembre 1802,
« l’inventaire des objets remis par l’ancienne administration du musée au citoyen
Denon, directeur général 11 », qui concerne les objets d’art en matières précieuses,
ou les listes des œuvres saisies lors des campagnes militaires 12 ou concédées aux
villes de province 13, qui avait été établies soit lors de l’entrée des œuvres soit lors
de leur envoi vers d’autres destinations. C’est seulement l’article 8 du sénatus-
consulte 14 du 30 janvier 1810 relatif à la révision de la liste civile de Napoléon qui
stipule que les objets dépendant de la dotation de la Couronne et placés au musée
et dans les palais impériaux doivent être répertoriés. Cela sera fait par catégories
d’objets – peintures, dessins, sculptures, objets divers…
Un jeune auditeur au Conseil d’état qui signe alors Henri de Beyle (en fait Henri
Beyle, le futur Stendhal) est désigné pour suivre cette opération 15.
Son style limpide fait déjà merveille, comme l’atteste sa lettre du 27 octobre
1810 à Denon, directeur général du musée Napoléon, et va marquer d’une manière
durable le destin des inventaires, dans leur conception et jusque dans leur matéria-
lité. Il propose un inventaire avec sept colonnes – « No d’ordre / Nom du peintre
/ Désignation du tableau / Hauteur du tableau / Largeur du tableau / Hauteur et
nature du cadre / Observations » :
« Je suis passé chez vous pour vous soumettre le modèle ci-joint de Procès-verbal
pour pouvoir décrire en une ligne, un tableau quelconque si beau qu’il soit, même

10 Guiffrey Jules, Inventaire général du mobilier de la couronne sous Louis XIV (1663-1715), Paris, La
Société, 1885.
Enguerand Fernand, Inventaire des tableaux du Roi rédigé en 1709 et 1710 par Nicolas Bailly, Paris, Ernest
Leroux, 1899.
Enguerand Fernand, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la direction des Bâtiments du roi (1709-
1792), Paris, Ernest Leroux, 1901.
11 Archives des musées nationaux, 1DD 9 (objets précieux, bronzes, articles divers du Stathouder).
12 Savoy Bénédicte, Patrimoine annexé : les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800,
Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003 (2 vol.).
13 Archives des musées nationaux, 1DD11 et 1DD12.
14 Texte émanant du Sénat et ayant force de loi sous le Consulat et les deux Empires napoléoniens.
15 Dominique-Vivant Denon. L’Œil de Napoléon, exposition au musée du Louvre, 20 octobre 1999-17 janvier
2000, Paris, RMN, 1999, no 130.

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À propos des inventaires des musées

La Transfiguration 16. Notre travail n’aura pas la beauté pittoresque, mais il aura la
beauté administrative : la clarté et la brièveté. Par ce moyen malgré le petit nombre
de nos commis, nous pourrions espérer de voir la fin du travail 17. »
Après quelques amendements sur ce modèle à sept colonnes, notamment l’ajout d’une
colonne « Origine » d’abord intitulée « Provenance »…, puis celles de « Emplacement
actuel » et deux autres concernant l’estimation de l’objet, de son cadre ou de son
piédestal, c’est ce modèle sur une page de registre de très grand format en hauteur
qui est adopté pour l’inventaire ordonné en 1810. Il a finalement dix colonnes
selon un modèle approuvé le 10 décembre 1810 et qu’il faut alors faire imprimer.
Il prend en compte les objets conservés au musée Napoléon, dans les palais impé-
riaux de Paris et de province, sans oublier la sculpture des jardins. S’envisagent
alors la nécessité de missions vers ces palais éloignés et la question de la crédibi-
lité des listes fournies par les concierges ou aux rapports des envoyés du service
du Mobilier, lequel, étant d’usage, n’est pas compris dans les collections du musée.
Ce n’est qu’à la fin du Second Empire, notons-le, que des meubles prestigieux
commenceront à être transférés du Garde-Meuble de la Couronne au musée du
Louvre ou à Versailles…
Ce n’est donc qu’en 1811 qu’est entreprise la rédaction de cet inventaire dit « de
1810 » ou « inventaire Napoléon » : il est décidé de l’établir d’une manière raison-
née, par matière et technique avec des subdivisions par époque ou par école, ce qui
évite de répéter à chaque ligne ces indications génériques : école italienne, fran-
çaise, bronzes, jades, laques de Chine et du Japon, etc.
Mais ce travail n’est pas encore achevé en 1814 : la numérotation n’est pas indiquée
sur la minute d’inventaire et aucun objet n’a été en conséquence matériellement
immatriculé, même si Denon, dès le 12 novembre 1810, admet le numérotage et
l’estampillage comme une « chose très juste que lui suggère Daru, son supérieur
hiérarchique ».
Dès l’origine, comme l’atteste une lettre de Daru à Denon du 9 novembre 1810,
est réclamé en outre un « livre des mouvements », deuxième outil de base de la
gestion des collections, portant, par ordre chronologique, la date des sorties et des
éventuels retours, la destination et la description sommaire avec le numéro d’in-
ventaire ; il devait être transmis à l’administration tous les trimestres. Si le livre
des mouvements existe toujours, ce contrôle trimestriel a disparu, s’il a jamais eu
lieu. Ce travail « immense », comme le qualifie Denon, exige du personnel sup-
plémentaire, un véritable leitmotiv au cours du xixe siècle. Denon pense, dans
une lettre du 3 décembre 1810, qu’il faudra un an de travail, « car il en faut trois
copies, une pour le Sénat, une pour l’intendance générale, une pour l’établisse-
ment ». Il se trompe…
De plus, le champ d’investigation est sans fin. Ainsi, le 9 novembre 1813, le duc
de Cadore, successeur de Daru, écrit à Denon pour que la galerie du Sénat (au
Luxembourg) soit prise en compte, malgré les réticences locales, le sénatus-consulte

16 La Transfiguration de Raphaël, vaste tableau avec de nombreuses figures, provenant du Vatican, était
alors au musée Napoléon.
17 Archives des musées nationaux, Z3, 27 octobre 1810. Sauf mention contraire, les documents cités par
la suite proviennent de la série Z3 concernant plusieurs services de la direction des Musées.

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Partie I – Inventaire et investigation

faisant état des « musées des arts ». Un accord sera trouvé en 1814 entre le duc
de Blacas et le comte de Semonville, grand référendaire de la Chambre des pairs
(le Sénat n’existe plus). Cela va déterminer pour quatre-vingts ans un inventaire
unique (par technique) pour le Louvre et le musée du Luxembourg, destiné, à
partir de 1818, aux œuvres des artistes vivants.
En 1814, il est décidé que les tableaux restitués aux églises en 1806 (on n’a gardé
que les chefs-d’œuvre) n’ont pas à être mis sur l’inventaire, mais rien n’est décidé
pour les envois en province, dès 1801, en application de l’arrêté Chaptal 18.

La Restauration
En 1815, il faut régler, à la suite du congrès de Vienne, les demandes de resti-
tution d’objets rapportés des campagnes militaires victorieuses de la Révolution
et de l’Empire. Tous ces objets avaient échappé au marquage, l’inventaire n’étant
pas encore numéroté. S’y ajoute, en 1816, la restitution des collections du prince
de Condé qui avait émigré dès 1789 ; elles constituent le fonds ancien du musée
Condé à Chantilly, légué par le duc d’Aumale à l’Institut de France. Les dix-sept
volumes de l’inventaire Napoléon qui se divisent en quatre grandes sections – pein-
tures, dessins et autres œuvres non peintes à l’huile, sculptures, objets d’art – sont
soigneusement annotés, dans la marge, de ces départs, selon l’ordre du comte de
Pradel à Denon.
Avec le nouveau régime, il faut recommencer : l’article 4 de la loi du 8 novembre
1814, sur la dotation de la Couronne ordonne à nouveau un inventaire général et
c’est sous la direction du comte de Forbin, directeur nommé le 16 août 1816, qu’il
est entrepris. Il comprend douze colonnes, non plus sur une seule page, mais sur
une double page. Il fait référence aux pages de l’inventaire Napoléon et numérote
en continu les collections restantes prises en compte. Ce travail n’est achevé qu’en
1823, semble-t-il, pour les « 2 727 tableaux des écoles italienne, flamande et fran-
çaise numérotés par ordre et revêtus en même temps de la marque ci-jointe » (en
fait, « MR »). Le numéro est en outre porté dans la colonne de gauche de l’inven-
taire Napoléon. On agit de même pour 8 474 dessins et autres techniques variées,
ainsi que 3 564 objets de sculpture. Enfin, un dernier volume fait état des acqui-
sitions de Louis XVIII, puis de Charles X. Au total vingt-et-un volumes, dont
des exemplaires ont été déposés aux Chambres. Mais, dès 1822, on a prévenu le
ministère du Trésor public, dans un état sommaire des tableaux du domaine de
la Couronne à l’époque du retour de Louis XVIII, qu’un tri a été fait dans les
collections, en créant un inventaire des rebuts, trop chers à restaurer, en peinture
notamment 19.

18 « Le rôle de l’État dans la constitution des collection des musées de France et d’Europe », colloque du
bicentenaire de l’arrêté consulaire dit « arrêté Chaptal » (14 fructidor an IX-1er septembre 1801), Paris, 2001.
19 Ce sera l’inventaire B, numéros marqués en blanc, rédigé sur les mêmes doubles pages, avec douze colonnes.

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À propos des inventaires des musées

La monarchie de Juillet
Un nouveau régime succède à la révolution de juillet 1830. Un nouvel inventaire
est prescrit, en quatre exemplaires, par l’article 6 de la loi du 2 mars 1832, sous
le contrôle du ministère des Finances, et d’un inspecteur de l’enregistrement et
des domaines.
Rien que pour les musées royaux, ce seront dix-huit nouveaux volumes, en faisant
recopier le précédent à moindres frais par le personnel du musée et en l’allégeant :
seulement huit colonnes sur une page (ni origine, ni emplacement, ni évaluation),
mais le numéro d’ordre continu est différent du numéro d’inventaire reporté dans
une deuxième colonne, celui qui est déjà marqué sur les objets. En sont suppri-
mées les œuvres envoyées hors du Louvre et des palais royaux, notamment les
envois en province antérieurs à 1830 et les concessions dont, pourtant, le statut
est celui d’une mise à disposition centennale, révocable, ne mettant pas fin à la
propriété de l’État.
Deux nouveaux inventaires des acquisitions de la liste civile (LP) sont ouverts
sous Louis-Philippe, l’un pour les œuvres à deux dimensions, peintures, dessins et
gravures, l’autre pour les objets à trois dimensions toutes techniques confondues.
L’unité des musées reste bien affirmée, mais la notion de Liste civile signifie aussi
que, comme sous la Restauration, le roi peut y puiser des œuvres qu’il souhaite
donner à des personnes privées – la reine Victoria, ses enfants par exemple – ou à des
églises, ce qui est noté dans la colonne des observations. Ces inventaires, compor-
tant neuf colonnes sur une page 20 – No / Nom du maître / Désignation des Sujets /
Dimensions / Hauteur / Largeur / Prix / Date de la décision / Observations 21 –,
contiennent toutes les acquisitions, dont celles destinées au musée de la Marine,
fondé en 1827, qui a établi un inventaire à part de son ancien fonds 22.
C’est sans doute ce qui explique que, pendant des années, le département des
Peintures n’ait pas su ce qu’étaient devenus – pour ne citer qu’un exemple – les
tableaux de l’Américain Catlin 23 (il n’en restait qu’un déposé à Blérancourt 24)
représentant les Indiens d’Amérique et commandés lors de son passage à Paris
en 1845. Ils avaient été placés dans les salles de la Marine au deuxième étage de
la Cour carrée du Louvre regroupant ce qui était exotique (donc ils n’étaient pas
sortis du musée), et ils ont déménagés avec ce musée ; ils sont pour la plupart
maintenant conservés au musée du quai Branly.

20 Département des Peintures, 2DD13.


21 Cette dernière colonne servant essentiellement à noter les sorties vers de nouvelles destinations.
22 Il existe au musée de la Marine un brouillon comportant une double numérotation, celle de l’inven-
taire LP et celle d’un inventaire particulier, ce qui montre les inconvénients d’un tel inventaire centralisé.
23 « Du Far West au Louvre : le musée indien de George Catlin », Gradhiva, no 3, printemps 2006.
24 Jeu de balle indien (LP 6694).

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Partie I – Inventaire et investigation

La Deuxième République
La révolution de 1848 met fin au règne de Louis-Philippe : il va falloir restituer
et exclure de la gestion des musées tout ce qui relève du domaine privé inscrit sur
les inventaires de la liste civile, les cadeaux et les peintures décorant les demeures
relevant également du domaine privé, comme les châteaux de Neuilly et de Randan
ou la chapelle du château de Carheil à Plessé (Loire-Atlantique) 25. Quant au
Musée espagnol et au musée Standish, ils avaient fait l’objet d’inventaires spéci-
fiques. Ainsi l’inventaire LP devient-il à son tour terriblement lacunaire 26.
Entre-temps, le nouveau directeur, le peintre Jeanron, assisté du nouveau conser-
vateur des peintures, Frédéric Villot, fait un constat accablant dans une note du
7 avril 1848 (cf. encart).

Le Second Empire
Jeanron est remplacé dès le 25 décembre 1849 par le comte de Nieuwerkerke, et
c’est une nouvelle loi, le sénatus-consulte du 12 décembre 1852 (constitutif de la
liste civile impériale), qui exige, dans son article 5, l’inventaire de toute la dotation
mobiliaire de la Couronne, y compris les meubles dans l’hôtel du Garde-Meuble.
Un décret impérial du 25 janvier 1854 et une lettre d’Achille Fould, ministre
d’État et de la maison de l’Empereur, du 30 juin 1855 ordonnent la rédaction
d’un nouvel inventaire, sans estimation et avec un nouveau numéro porté immé-
diatement sur les objets d’art. Les feuilles sont imprimées par l’administration des
Domaines. Après discussion, Frédéric Villot plaide pour un inventaire par tech-
niques, reprenant les divisions de 1832 – peintures par écoles, dessins et chalco-
graphie, sculptures, objets divers, musée de Marine, bibliothèque –, et proteste
contre l’erreur des Domaines qui veulent séparer Versailles du Louvre en chargeant
Soulié, conservateur adjoint à Versailles, de l’établir, et non pas Daudet, chargé
de celui du Louvre. Versailles figurera finalement encore sur l’inventaire unique
du Louvre pour près d’un demi-siècle, une liste locale (utilisée dans le catalogue
imprimé) étant établie parallèlement.
Toutes les acquisitions antérieures, y compris celles de la Deuxième République,
sont reprises méthodiquement et classées d’une manière raisonnée par écoles et
ordre alphabétique des auteurs. Dans les deux premières colonnes, le numéro de
l’ancien inventaire est porté à coté du nouveau (Inv. pour les peintures). On a
pour cela utilisé des fiches établies d’après les anciens inventaires, sur lesquelles

25 Autour de Delacroix : la peinture religieuse en Bretagne au xixe siècle, exposition au musée de la Cohue,
Vannes, 1993, [réalisée par le conseil général du Morbihan, en collaboration avec la ville de Vannes],
Vannes, Sagemor, 1993.
26 Sur l’inventaire conservé à la documentation des Peintures, une croix rouge marque ces œuvres qui ne
font plus partie du domaine de l’État, ainsi que les gravures et les dessins, gérés dorénavant par un autre
inventaire, car, sous le Second Empire, on revient à une répartition qui reprend celle héritée des inven-
taires antérieurs, par technique.

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À propos des inventaires des musées

le nouveau numéro est ajouté avant copie sur l’inventaire dans le nouvel ordre du
numérotage 27.
L’inventaire des dessins et autres techniques graphiques commencé le 12 novembre
1856 est clos le 30 juillet et le 30 août 1860, sous contrôle d’un vérificateur des
Domaines, délégué par le ministre des Finances au nom de l’État ; il compte 42 058
articles (il n’y a plus de paquets avec un seul numéro…).
D’autre part, Morel-Fatio, conservateur du musée de la Marine, crée deux listes
distinctes qui se suivent sur un même registre – « Marine » et « Ethnographie » –,
et y inclut, par exemple, parmi les objets exotiques, les laques de Marie-Antoinette
et autres pièces d’Extrême-Orient.
L’idée est de poursuivre ces inventaires – les derniers de ce type – avec les nou-
velles acquisitions, ce que fait d’ailleurs le musée de la Marine qui a inclus dans
son inventaire fini en décembre 1856 les acquisitions des premières années du
Second Empire – la collection chinoise de M. de Montigny, acquise en 1855, y
est notée « entrée depuis l’avènement » sans plus de précisions. D’autres départe-
ments ouvrent un registre des acquisitions à partir du début du Second Empire.
Celui des peintures, à neuf colonnes (les œuvres sont marquées « MI ») com-
prend, jusqu’en 1855, des objets appartenant au domaine privé de Napoléon III
(un « DP » en marge le signale). Ils seront gérés par la liste civile de Napoléon III
et sortent du contrôle des musées.
La séparation de la collection du musée (qui peut recevoir des dons de l’Empe-
reur, inscrits comme tels sur l’inventaire) clarifie le statut des œuvres. Dans une
thèse de l’École des chartes, Catherine Granger 28 a étudié cette foisonnante liste
civile. Lors de son règlement judiciaire, quelques œuvres seront attribuées aux
musées nationaux, comme la Naissance de Vénus de Cabanel ou le Ruisseau couvert
de Courbet, portés comme acquisitions en 1879.

La Troisième République
Après 1870, les œuvres sont marquées « RF » et inscrites, pour les peintures, sur
un registre des acquisitions également à neuf colonnes.
Les départements se constituent progressivement par division chronologique ou
géographique : l’Antiquité est séparée des Temps modernes (depuis le Moyen Âge)
pour les sculptures et les objets d’art, l’Égypte prend son autonomie, la Grèce et
Rome aussi, etc. Et l’histoire complexe des inventaires de chacun des départements

27 Les problèmes d’immatriculation se posent aussi pour les tableaux du château de Versailles présen-
tés dans des boiseries ou de très grand format, pour lesquels il est suggéré de les marquer sur la face en
bas en rouge. En d’autres époques, les œuvres placées dans des boiseries avaient été considérées comme
immeubles et non reprises dans l’inventaire des objets mobiliers, comme certains dessus-de-porte installés
place Vendôme au ministère de la Justice, provenant des collections du Stathouder (xviiie siècle hollandais)
et qui ont ainsi échappé aux restitutions comme les œuvres envoyées en province avant 1815.
28 Granger Catherine, L’Empereur et les arts. La liste civile de Napoléon III, Paris, École nationale des
chartes, 2005.

23

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Partie I – Inventaire et investigation

se met en place 29. En 1891, deux statues japonaises sont achetées à Samuel Bing
et placées d’abord sur l’inventaire de la Marine, mais bientôt ce sont les objets
qui ouvrent un inventaire particulier (EO) du département des Objets d’art pour
l’Extrême-Orient, tandis qu’un autre est consacré à la céramique chinoise lors de
la donation Grandidier en 1894. Tout a été déménagé, inventaires compris, au
musée Guimet après 1945.
À la même époque, autour de 1893, trois musées prennent leur autonomie vis-à-vis
du service central de la direction des musées au Louvre : le musée du Luxembourg,
le château de Versailles, et celui de Saint-Germain-en-Laye, fondé sous le Second
Empire. Ils doivent donc avoir leur propre inventaire. Chacun résout la question
à sa manière.
Versailles continue la numérotation commencée par Soulié pour le château (MV) 30
et un autre en 1894 pour le Trianon (T), dont les objets avaient déjà été portés sur
un inventaire commencé en 1855 (mais avec un numéro différent).
Saint Germain-en-Laye continue son inventaire particulier et y inclut ce qu’on
lui envoie de la Marine vers 1906, pour une salle d’ethnographie comparée qui
n’eut jamais d’existence. En 1930, ces objets sont presque tous transférés au musée
du Trocadéro (qui deviendra le musée de l’Homme en 1937) qui leur donne un
nouveau numéro, précédé du millésime de l’année (méthode utilisée également
au département des Peintures depuis les années 1930) 31.
Au musée du Luxembourg, musée de passage par nature, Léonce Bénédite attri-
bue les numéros du dernier catalogue imprimé et continue à la suite, mais sans
registre – seulement des brouillons au crayon – avec des fiches, ce qui entraîne
rapidement des confusions 32.
Pendant dix ans, jusqu’en 1903, les acquisitions pour le musée du Luxembourg
sont inscrites également sur l’inventaire du Louvre, mais échappent à l’immatri-
culation de leur numéro RF, tandis que le legs Caillebotte de 1894 n’est inscrit
sur l’inventaire qu’après son transfert au Louvre en 1929. En 1930, un bilan des
objets encore présents est fait par Gaston Poulain et le musée national d’Art

29 Gaborit Jean-René, « Renaissance et Temps modernes », Sculpture française, Paris, RMN, 1998.
30 Constans Claire, Les Peintures. Musée national du château de Versailles, Paris, RMN, 1995 (3 vol.).
Claire Constans donne les deux ou trois numéros d’inventaire (LP, Inv., MV) de chaque œuvre cataloguée.
31 Lors du passage au musée du quai Branly, regroupant les collections d’ethnographie extra-européennes
du musée de l’Homme et celles du musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie (MnAAO), héritier du
musée des Colonies, puis du musée de la France d’outre-mer, il avait été préconisé de garder les numéros
d’inventaire antérieurs. Afin d’éviter les doublons et pour les besoins de l’informatisation, ils ont été précé-
dés d’un signe particulier à chacun des musées d’origine (« 71. » pour le musée de l’Homme, « 74. » pour le
MnAAO), un autre pour les nouvelles acquisitions (70.), ce qui en fait des numéros chargés d’histoire. Cette
solution a évité d’inventorier à nouveau plus de 290 000 objets et de reprendre leur immatriculation maté-
rielle ; l’équipe du musée a cependant pesé, mesuré, photographié les objets et mis en ligne toutes ces données.
32 Ainsi Le Samaritain de Ribot, immatriculé d’un numéro « Lux » qui n’était pas celui trouvé dans les
brouillons d’inventaire, lors de son examen au Musée national de Varsovie, ne portait-il pas celui de l’in-
ventaire du Louvre (RF 106) donné lors de son entrée en 1874 au musée du Luxembourg, puisqu’il venait
du service d’achat aux artistes vivants. La propriété de l’État, ainsi que le cheminement de l’œuvre jusqu’à
notre ambassade en Pologne, ambassade détruite au tout début de la Seconde Guerre mondiale, pouvait
s’établir par les archives. C’est, semble-t-il, le seul rescapé de nos envois à Varsovie : il passait pour détruit,
mais en 1979 sa présence dans les réserves du Musée national de Varsovie avait été signalée. Il a fallu près
de vingt ans – et sans doute aussi la chute du mur de Berlin – pour qu’il regagne Paris le 8 avril 1998 et
entre au musée d’Orsay.

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À propos des inventaires des musées

moderne prend la suite de cet inventaire du Luxembourg. Les écoles étrangères


modernes installées au Jeu de Paume des Tuileries à partir de 1922 n’ont droit qu’à
un inventaire dactylographié par pays, fait à posteriori… Autant dire que ce fut un
immense travail, sur une dizaine d’années, pour clarifier la situation des œuvres
destinées au musée d’Orsay et reversées par le musée national d’Art moderne,
afin de ne pas donner un nouveau numéro d’inventaire à une œuvre déjà portée
sur les inventaires du Louvre.
Les œuvres du musée des impressionnistes au Jeu de paume des Tuileries, ins-
crites sur les inventaires du Louvre, ont été transférées sans difficulté au musée
d’Orsay. Ce nouveau musée, désirant présenter la partie de la collection Moreau-
Nélaton exposée jusqu’en 1986 au Jeu de paume (dont Le Déjeuner sur l’herbe de
Manet), a décidé de continuer à inscrire ses collections de peintures, de dessins et
pastels, de sculptures sur les inventaires des départements du Louvre correspon-
dants, maintenant ainsi une continuité administrative qui permet de contourner
les clauses de la donation rendant impossibles le dépôt ou l’attribution au musée
d’Orsay. Par contre, pour de nouvelles sections, des inventaires ont été ouverts :
les arts décoratifs (OAO, quasi absents du Louvre pour le xixe siècle), les pho-
tographies (PHO), les dessins d’architecture (ARO) et les objets documentaires
(ODO), ainsi que, plus récemment, pour les médailles provenant essentiellement
du musée du Luxembourg (MEDOR).
Mais revenons au début du xixe siècle. L’Inventaire des richesses d’art de la France 33
en 1884 chercha sans succès à obtenir les listes des collections des musées natio-
naux. Il y eut encore une tentative de récolement en 1907. Enfin, une ultime vel-
léité de centralisation se fait jour, lors de la diffusion d’une note dactylographiée
du directeur aux conservateurs le 12 octobre 1911 : c’est le projet d’un inventaire
unique sur fiches, mis sous clef, sous la garde d’un archiviste, à la direction des
Musées. La direction attribuerait le numéro d’inventaire qui serait porté sur les
deux fiches descriptives transmises par les conservateurs ; elle en renverrait ensuite
une dans les conservations pour inscription sur le registre local. Pragmatiques,
les conservateurs réagissent presque tous avec une grande vivacité et présentent
de nombreux arguments contre l’inventaire sur fiches (que Versailles avoue pra-
tiquer… tandis que le Luxembourg ne répond pas…), d’autant que sont mêlées
dans les fiches demandées des données juridiques, matérielles et scientifiques,
jusqu’à l’emplacement qui, lui, est amené, bien entendu à changer.
La position de Paul Leprieur, conservateur des peintures, dans un long rapport,
est proche de celle de Jean Chatelain en 1984, en ce qui concerne le rôle juri-
dique des arrêtés antérieurs à l’inventaire. Il affirme clairement que « les inven-
taires sont directement du ressort des conservations » et proteste qu’un inventaire
unique soit archivé à la direction. Il affirme que « le seul inventaire offrant des
garanties véritables au point de vue du contrôle est l’inventaire sur registre ». Par

33 L’Inventaire général des richesses d’art de la France est une publication lancée par le ministère de l’Instruc-
tion publique et des Beaux-Arts sous la houlette de Philippe de Chennevières, directeur des Beaux-Arts,
dans un rapport daté du 15 mai 1874. Vingt et un volumes parurent chez l’éditeur Plon entre 1876 et 1913.
Le principe était de permettre la connaissance des œuvres d’art conservées dans les collections nationales,
les musées de province, les églises et les monuments publics à la lumière des sources bibliographiques des
archives et des grandes bibliothèques. Les volumes se divisent entre monuments civils et monuments reli-
gieux ainsi qu’entre Province et Paris.

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Partie I – Inventaire et investigation

ailleurs, il souhaite qu’on puisse avoir un photographe au Louvre pour photogra-


phier systématiquement les collections. Différentes solutions seront utilisées, au
fil des ans, avant la mise en place de l’agence photographique de la Réunion des
musées nationaux.
Cette proposition, jugée dangereuse par tous, n’a finalement pas de suite et chaque
conservation continue de tenir ses propres inventaires. Pour chaque acquisition
acceptée, un exemplaire de l’arrêté envoyé par la direction est annoté du numéro
d’inventaire donné par la conservation et renvoyé au service central. Mais l’in-
ventaire – le lourd registre – est tenu et mis à jour dans chaque musée ou dépar-
tement. Cela n’empêche nullement l’usage de fiches, depuis toujours préalables
à l’inventaire, et qui trouvent place maintenant dans les dossiers d’œuvres, sans
oublier celles destinées à l’enregistrement des mouvements internes, des sorties
et des rentrées au jour le jour (fichier Kardex, remplacé éventuellement par une
base informatisée interne au musée).
Inaliénables, les objets conservés dans les musées ne le sont pas tous : il y a donc des
inventaires dans chaque département pour les œuvres récupérées après la Seconde
Guerre mondiale, saisies par les Allemands ou acquises alors par eux et considé-
rées comme biens ennemis. Ce qui n’a pu être rendu aux propriétaires lésés consti-
tue les fameux MNR, juste étiquetés (et non immatriculés) qui peuvent encore
être réclamés. La publication du catalogue des peintures 34 en 2004 montre que
nombre de ceux qui restent ne peuvent être réclamés, car ils avaient fait l’objet de
ventes volontaires.

Les dépôts
Enfin, le contrôle des dépôts faits dans les collections des musées de province, sou-
haité par Jeanron, a abouti à la formation d’un service de l’inspection générale des
musées de province. Après la seconde guerre mondiale, ce service a mis au point
et distribué un type d’inventaire en largeur à l’italienne avec dix-huit colonnes sur
deux pages, qui se veut polyvalent, permettant d’enregistrer aussi bien les charrues
que les peintures. À la différence des inventaires du Louvre, le nom de l’auteur, s’il
est connu, n’apparaît que dans la 11e colonne. En voici les différentes rubriques :
1 Mode d’acquisition / 2 Nom et adresse du donateur, testateur, vendeur / 3 Date
d’acquisition / 4 Date d’inscription sur le registre / 5 Prix / 6 Indice de classe-
ment / 7 Numéro d’inventaire / 8 Description de la pièce inventoriée / 9 Matière
et technique / 10 Mesures / 11 Auteur / 12 Époque, Provenance / 13 Exécution
/ 14 Fonction / 15 Collection / 16 Catalogue/ 17 D.O. / 18 Observations.
Une variante à dix-neuf colonnes existe pour les dépôts reçus par les musées de
province.
Avec les débuts de l’informatique et, me semble-t-il, l’épuisement du stock de ces
inventaires, il y eut, au début des années 1980, peu après que le département des
Peintures n’eut acquis qu’une seule œuvre dans l’année – le Portrait de Sigismond

34 Lesné Claude, Roquebert Anne, Catalogue des peintures MNR, Paris, RMN, 2004.

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À propos des inventaires des musées

Matatesta par Piero della Francesca (RF 1978-1) – une nouvelle tentative sans suite
d’inventaire centralisé dont la direction des Musées éditerait sur papier chaque
année ce qui concerne chaque département ou musée. La feuille risquait de s’égarer.
Une fois de plus était plaidée la cause de l’inventaire sur grands registres reliés, aux
pages numérotées, avec inscription en continu, difficile à perdre. Bien entendu, il
est accompagné des dossiers d’œuvres, des catalogues imprimés, maintenant d’une
base informatisée. Sans oublier l’archivage des documents concernant l’acquisi-
tion de chaque objet le faisant entrer dans le domaine de l’État.
Depuis une quinzaine d’années, le grand récolement entrepris par le ministère de
la Culture se base sur les données enregistrées dans les inventaires successifs, pré-
cieux documents entre tous grâce à cette efficace concision prônée il y a un peu
plus de deux siècles par le jeune Stendhal.
Bien sûr, des mouvements entre différents lieux de dépôts ont bien souvent échappé
à ceux qui mettaient à jour les inventaires et l’on s’en plaignait déjà au début du
siècle : le lien avec le service d’achat aux artistes vivants (le Fnac), longtemps
oublié, a été rétabli. J’ai fait dès les années 1970 l’expérience de la richesse de son
fichier et de ses registres d’entrée : un nouveau numéro était attribué à chaque
passage (il n’y avait pas à proprement parler d’inventaire général). Quant aux dos-
siers d’acquisition, ils sont maintenant presque tous accessibles sur la base Arcade
des Archives nationales, qui indexe la série F 21, travail – immense – débuté vers
1975, et pas encore tout à fait achevé 35.

Musée du Luxembourg et Fonds national d’art


contemporain (Fnac)
Depuis 1848 jusqu’à la création du Centre Pompidou, les achats aux artistes
vivants étaient l’exclusivité du service appelé maintenant le Fnac. Il en attribuait
une partie aux musées nationaux et avait été chargé, en outre, d’envoyer en pro-
vince les dépôts de peintures consentis en 1872 et 1876 par le Louvre. Si le béné-
ficiaire ne payait pas le transport, le tableau restait en souffrance et pouvait trouver
une nouvelle destination qui échappait au département des Peintures. Il a éga-
lement géré de nombreuses œuvres du Louvre revenues de dépôt, redistribuées
avec de nouveaux numéros d’entrée dans ce service, sans savoir qu’elles étaient ins-
crites sur les inventaires des musées nationaux. Le grand récolement d’après les
données des inventaires ne suffit pas toujours. Dans bien des cas, il faut mener des
recherches objet par objet, en utilisant d’une manière critique toutes les données
d’archives disponibles. Les œuvres d’art ont finalement la vie dure et n’ont nulle-
ment le don d’ubiquité.

35 Le cas du Caïn de Cormon, œuvre phare du musée du Luxembourg largement diffusée par la repro-
duction, est caractéristique de cette perte de mémoire administrative. Acquis par l’État au Salon de 1880,
attribué aux musées nationaux et inscrit sur l’inventaire de peintures (RF 380), il fut exposé au musée du
Luxembourg de 1881 à 1926, puis considéré comme détruit d’après les fichiers du musée national d’Art
moderne. Il était en fait entreposé au Dépôt de l’État, dans le palais de Tokyo (autre service installé dans le
même bâtiment après l’exposition de 1937). Il n’y avait pas de fiche, mais, dans le registre d’entrée, aucune
nouvelle destination n’était portée. En fait, son rouleau est apparu, en 1980, après le déplacement d’une
statue qui se trouvait au bout du casier le contenant et cachait la vue de l’étiquette. Il avait perdu son châssis,
mais la toile était bien là. Elle est exposée au musée d’Orsay depuis son ouverture en 1986.

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Partie I – Inventaire et investigation

Retenons l’exemple de deux tableaux de Joseph Beaume, rentrés de l’Union fran-


çaise à Istanbul en 1971 ; ils avaient été recouverts par des coulées de plâtre lors
d’un incendie dans les années 1930 et relégués dans quelque grenier. Ils furent
sauvés lorsque fut fait le pari que l’un des sujets avait été mal interprété lors de
leur entrée au Dépôt de l’État en 1893, venant sans origine du ministère des
Finances, installé dans l’aile Richelieu du Louvre. Ces achats de la liste civile de
Louis-Philippe, d’abord exposés au musée du Luxembourg, avaient été envoyés
en 1863 par le Louvre au ministère d’État qui occupait les lieux sous le Second
Empire. La Grande dauphine mourante en 1690, du Salon de 1834, avait été prise
pour Mme de Maintenon ; le nouveau titre, Louis XIV assistant aux derniers moments
de Mme de Maintenon, dénotait d’ailleurs une faible connaissance de l’histoire,
puisque Mme de Maintenon est morte après son royal époux. Pour épicer le dossier,
il semble qu’on ait envisagé d’envoyer ce tableau au musée de Lisieux 36 où on ne
le trouvera pas. Lors de son retour au Louvre en 1971 par la valise diplomatique
du ministère des Affaires Étrangères – le transit par le consulat dispensait des
frais de transport –, le numéro LP était bien visible au revers… L’hypothèse était
bonne et l’honneur sauf.

36 Archives nationales, F/21/2249.

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À propos des inventaires des musées

Le peintre Jeanron, nouveau directeur du musée du Louvre,


assisté de Frédéric Villot, conservateur des peintures,
fait un constat accablant dans une note du 7 avril 1848
(Archives des musées nationaux, Z3)

« Voici donc l’état des inventaires existant actuellement :


1° L’inventaire dressé par Bailly le 6 juin 1722 petit in fo, ancienne collection du roi.
2° Un inventaire minute fait sous l’Empire, qui comprend tous les objets d’art conquis à l’étran-
ger depuis 1791 : peintures, dessins, sculptures, sardoines, vases étrusques, camées, tableaux
concédés aux départements.
Outre les numéros d’ordre, le nom du maître, la désignation du sujet, la matière, les dimen-
sions, cet inventaire indique encore, ce qui est fort important, les provenances des objets, les
prix d’estimation.
3° Un inventaire dit « veau blanc », en six volumes in fo fait par ordonnance du 22 juillet 1816,
arrêté le 25 mai 1824, qui n’est en quelque sorte, surtout pour les tableaux, que la transcription
de l’inventaire impérial, moins les objets rendus par la restauration aux nations qui les possé-
daient avant la Révolution.
La provenance et les estimations sont également indiquées, mais les dessins et objets divers
(bijoux, vases etc.) sont inventoriés en bloc.
4° La minute de l’inventaire général des Musées royaux dressé par la liste civile d’après la loi du
22 mars 1832 et déposé aux Chambres. Cet inventaire officiel a été l’objet d’un examen spécial ;
il se compose de 19 volumes in f° dont 3 pour les dessins, 2 pour les sculptures, 4 pour les objets
divers (bijoux, vases etc.), un pour le musée de Marine, 1 pour la bibliothèque particulière du
musée, 1 pour le mobilier du musée.
La première colonne est consacrée à deux séries de numéros :
Numéros d’ordre – Numéros d’inventaire
Le numéro d’ordre qui commence à 1 en suivant est un numéro fictif qui n’est apposé sur
aucun objet.
Le numéro d’inventaire, c’est-à-dire celui des anciens inventaires est différent du numéro
d’ordre et le seul au contraire inscrit sur l’objet ; ce qui complique singulièrement les difficultés
des recherches. Cet inventaire n’indique ni les provenances des objets, ni leur prix d’estimation
portés sur les inventaires précédents.
Le 1er volume des tableaux contient la description des peintures estimées principales, la colonne
des observations est blanche.
Le 2e volume ou inventaire supplémentaire comprend les peintures dites sans valeur.
La justesse de cette qualification demande à être vérifiée attentivement, l’appréciation ancienne
des objets déclarés sans valeur, à notre première vue, nous a paru complètement erronée sur un
grand nombre d’objets. Cet intitulé général témoigne de la hâte et de l’incompétence qui à dif-
férentes époques ont présidé à la classification. On trouve quelques notes sur l’état du tableau
ou les concessions faites aux villes.
C’est ici, citoyen ministre, une des attaches précieuses jusqu’ici inobservées, qui doivent servir
à relier dans une saine direction et sous une responsabilité sérieuse, les musées de province à
l’Administration centrale, quelle que soit la forme ultérieure que dans l’intérêt de la République
on donnera à l’action unitaire de cette direction.

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Partie I – Inventaire et investigation

Le troisième volume est consacré aux tableaux acquis sous Louis XVIII, Charles X, pas de prix,
mais cette indication pourra ultérieurement se rétablir facilement à l’aide du dossier des rap-
ports et commandes.
Les dessins sont inventoriés dans les tomes 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10, sans indication de provenance
ou d’acquisition.
Quelques remarques sur le tome 9 donneront une idée de la confusion qui règne dans ce travail.
On y trouve des dessins répartis en 54 volumes (collection précieuse de Baldinucci, Carle Maratte,
etc.) en quatre boîtes contenant 1 153 paquets contenant 7 365 dessins non décrits, non estam-
pillés et non numérotés.
Le numéro d’ordre indique 24 175 dessins, celui d’inventaire 13 150, mais il faut remarquer que
les paquets de cent, deux cents dessins, ne portent qu’un numéro. Il est impossible de fixer
approximativement le chiffre des dessins, mais il doit dépasser 50 000. Dans le dernier volume se
trouve une partie supplémentaire renfermant des dessins d’écoles diverses, indiens, en paquets,
en volumes, en chemises, des tableaux, des tapisseries, des pastels, des porcelaines, émaux,
planches gravées, puis encore des dessins, etc.
Depuis la République et l’Empire, on n’a mis aucune estampille ni sur les livres ni sur les dessins.
Le même désordre règne dans les vases, antiquités égyptiennes, bijoux, etc. Ainsi, le poids de l’or
et de l’argent, le montant exact et la valeur des pierreries ne sont point indiqués.
Il est inutile de continuer l’examen de l’inventaire officiel, fautif ou insuffisant sous tous les rap-
ports, dans l’état actuel des choses. Les greniers du Louvre contiennent un nombre considé-
rable de tableaux roulés ou sur châssis provenant de différents dépôts ou résidences royales
qui n’y figurent pas.
Quant aux dessins, l’Administration a jugé à propos, après le dépôt de l’inventaire aux Chambres
d’en réunir un grand nombre dans 300 volumes environ ; l’idée de réunir en volumes les dessins
des maîtres est une idée essentiellement malencontreuse que rien ne justifie. Toutes les richesses
nationales doivent être accessibles à la juste curiosité du peuple, à l’étude des travailleurs ; et
ce mode de collectionner des objets de cette nature s’oppose à toute communication sérieuse
au public intéressé à les voir. Il vous sera donc fait ultérieurement, citoyen ministre, un nouveau
plan d’exhibition et de communication des dessins.
Les artistes ont essentiellement besoin de faire une connaissance avec tant de belles choses
spontanées où le génie, la marche et la méthode des maîtres se comprend [sic] mieux que dans
leurs réalisations parachevées.
Cette mise en volumes a été l’occasion du bouleversement des paquets, boîtes et chemises ;
seulement il reste déposés dans la salle de la chalcographie près de 10 000 dessins divisés en
100 paquets de 100 chacun sans compter un grand nombre de cartons, boîtes etc.
L’inventaire des acquisitions faites sous Louis-Philippe, celui du Musée espagnol, du musée
Standish, d’une collection de tableaux rapportés de Malte sont ou excessivement abrégés ou
même à l’état de carte et n’indiquant pas les prix d’acquisition, lacune à laquelle nous présu-
mons impossible de remédier.
En résumé, si l’on veut connaître l’état des richesses renfermées dans le Louvre, rétablir l’ordre
où règne la confusion, il est urgent de faire au plus tôt un inventaire général complet, réunissant
tous les renseignements épars, un inventaire facile à consulter, facile à continuer dans chaque
catégorie et débarrassé de cette foule de suppléments de numéros qui entravent les recherches
et les vérifications au point de les rendre souvent impossibles. »

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De l’enquête documentaire
à la recherche scientifique
ou comment faire du récolement
un enjeu de connaissances
des collections muséales
Yannick Lintz

L’histoire des collections nationales, par leurs différents modes d’acquisitions et


par la circulation des œuvres depuis parfois plus de deux cent ans, nous amène à
considérer le récolement d’abord comme une enquête documentaire et non comme
un simple pointage de la présence ou de l’absence des œuvres. Le chantier de réco-
lement mis en œuvre par la commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art
à partir de 1997 s’est confronté à une situation inédite : l’obligation de vérifier la
présence de dizaines de milliers d’œuvres patrimoniales de l’État dans des cen-
taines de lieux à travers le monde, sans liste de référence de ces envois. Les musées
nationaux, qui ont été des acteurs majeurs de cette histoire des collections, n’ont
pas toujours tenu d’inventaires 37 ou d’enregistrements réguliers des envois auxquels
ils ont procédé depuis deux cents ans. C’est pourquoi le récolement des dépôts
consiste d’abord à mener une enquête documentaire et archivistique parfois com-
plexe, de manière à reconstituer des cheminements d’œuvres dès leur entrée dans
les collections nationales, localiser les dépositaires, établir la liste des œuvres d’un
musée déposant dans les différents lieux, identifier une œuvre déposée. Ce travail
de bénédictin oblige à parcourir les inventaires en comprenant les logiques suc-
cessives des auteurs ou des contributeurs de ces registres et à rechercher tous types
de documents (courriers, photos anciennes, manuscrits, témoignages, documents
administratifs) pouvant induire une piste d’œuvres en dépôt. Cette enquête docu-
mentaire a été menée dans le cadre du récolement des dépôts antiques du musée
du Louvre par un service transversal aux trois départements intégrant les collec-
tions de l’Égypte et de l’Orient ancien ainsi que les œuvres grecques, étrusques
et romaines. Ce service, que je dirige depuis trois ans, a ainsi recherché et étudié

37 Est inventorié tout bien acquis à titre gratuit ou onéreux affecté aux collections des musées de France par
un acte émanant de la personne morale propriétaire du bien. Un numéro d’inventaire est attribué à chaque
bien dès son affectation. Ce numéro, identifiable sur le bien, est utilisé pour toute opération touchant le
bien inventorié. Les biens dont le musée est dépositaire sont répertoriés sur un registre distinct. C’est un
document unique, infalsifiable, titré, daté et paraphé par le professionnel responsable des collections, réper-
toriant tous les biens par ordre d’entrée dans les collections. L’inventaire est conservé dans les locaux du
musée. Une copie de l’inventaire est déposée dans le service d’archives compétent ; elle est mise à jour une
fois par an. Les ministres chargés de la culture et de la recherche fixent par arrêté les normes techniques
relatives à la tenue de l’inventaire et du registre des dépôts, ainsi que les principes généraux de numérota-
tion, d’identification, de marquage et de récolement des biens des musées de France. Le titre premier du
décret du 2 mai 2002, pris en application de la loi no 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France
définit l’inventaire des biens d’un musée de France. L’arrêté du 25 mai 2004 fixe les normes techniques
relatives à la tenue de l’inventaire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement.

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Partie I – Inventaire et investigation

plus de 20 000 œuvres dans vingt-six pays, alors qu’en 1997, au début de cette
opération, 20 % à peine de ce patrimoine était connu. L’origine archéologique
de ces collections, arrivées par caisses au Louvre et à Paris de la Méditerranée et
du Moyen-Orient avant d’être parfois immédiatement redistribuées, explique le
caractère largement inédit des œuvres. La reconstitution de toute cette histoire,
de la découverte archéologique à la redécouverte lors du récolement, nous a ainsi
conduit à développer des thèmes et des enjeux d’études des collections que les
projets scientifiques de catalogues raisonnés ou d’expositions ne nous amenaient
pas à conduire a priori.

Le rôle des inventaires et des registres du Louvre


dans le récolement des dépôts du Louvre
L’exploration des inventaires et des divers registres d’entrées et de mouvements
d’œuvres constitue une étape incontournable du récolement. Ce sont des outils
auxquels nous nous référons régulièrement au cours de cette recherche. Pour qui
est familier des coulisses d’un musée, il est clair que l’histoire de la gestion des
collections explique l’existence dans tous les musées anciens de nombreux inven-
taires successifs et de registres et cahiers variés consignant des listes d’œuvres
selon diverses logiques. Ces ouvrages correspondent à des étapes de l’enrichisse-
ment des collections, à la volonté plus ou moins affirmée d’un conservateur ou
d’une administration de tenir à jour l’inventaire et de gérer rigoureusement les
œuvres. Très souvent, ces documents ne sont pas achevés et les registres suivants
peuvent reprendre les données du précédent, en les transposant ou en les inter-
prétant, créant ainsi des nuances d’informations parfois fondamentales dans nos
enquêtes. Souvent, il ne les reprend pas du tout mais s’intéresse à d’autres champs
d’informations sur l’œuvre ou à une autre partie de collections. C’est pourquoi il
est important de s’accoutumer à ces volumes d’inventaires et de gestion des col-
lections pour comprendre la nature des informations de chacun, les époques aux-
quelles on a pu y inscrire des renseignements, et la correspondance qu’il peut exister
entre les différents ouvrages existants. C’est cette analyse transversale qui permet de
reconstituer bon nombre de scénarios dans l’origine et le mouvement des œuvres.
Dans notre travail, ce sont bien sûr les inventaires et registres du Louvre que nous
utilisons, ainsi que ceux des dépositaires. L’histoire du musée du Louvre, tant dans
son ancienneté que dans sa complexité, a produit des dizaines d’inventaires et
de registres dans lesquels nous trouvons, outre des correspondances possibles de
numéros d’inventaires ou autres numéros, des renseignements de provenances, de
dimensions, et de localisation qui nous sont utiles dans l’identification des œuvres
ou leur localisation. À ces registres s’ajoutent les minutes aujourd’hui conservées
pour partie aux Archives des musées nationaux. Le travail préparatoire a pu éga-
lement être réalisé à l’aide de fiches établies pour chaque œuvre, fiches que l’on
pouvait ensuite classer pour préparer les chapitres de l’inventaire. Certains de ces
fichiers sont encore conservés dans les départements. Chacun des inventaires ou des
registres nous apportent des informations particulières et parfois complémentaires.

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De l’enquête documentaire à la recherche scientifique ou comment faire du récolement
un enjeu de connaissances des collections muséales

Quatre inventaires généraux récapitulatifs ont été réalisés au cours du xixe siècle,
sous Napoléon Ier, Louis XVIII, Louis Philippe et Napoléon III. L’inventaire
Napoléon est commandé par Pierre Daru, intendant général des domaines de
la Couronne à Dominique Vivant Denon, directeur du musée, par courrier du
7 février 1810, pour mettre en œuvre le sénatus-consulte 38 du 30 janvier 1810.
Toutefois, étant donné l’ampleur de la tâche, ce travail était loin d’être terminé à
la chute de l’Empire. Il se présente alors classé par types (sculptures, antiques et
modernes, objets d’art, peintures et dessins) en 17 volumes. Il apporte des informa-
tions sur la provenance des œuvres mais aucun numéro ne leur a encore été attri-
bué. La numérotation est rétrospective, d’où la discussion toujours actuelle pour
savoir si c’est un inventaire ou un livre d’entrée. Il contient, en outre, des œuvres
provenant des saisies révolutionnaires et des conquêtes napoléoniennes qui ont
été restituées en 1815. L’inventaire général des musées royaux de 1814 est le plus
important car il fait état des collections de la Couronne après les restitutions de
1815. Il est demandé par la loi sur la dotation de la Couronne du 18 novembre
1814, complétée par l’ordonnance du 16 janvier 1816, ce qui explique qu’il soit
désigné alternativement comme inventaire de 1814 ou 1816, mais n’est achevé
qu’en 1824. L’inventaire général des musées royaux, dit « MR », est composé de
24 volumes qui décrivent non seulement les œuvres du Louvre, mais aussi celles
des résidences royales telles que Versailles, Saint-Cloud, Meudon, Compiègne ou
Fontainebleau. Un inventaire supplémentaire (MRsup) le complète. Les œuvres
sont présentées par typologie, époque et matière. Une numérotation continue
affecte à chaque œuvre un numéro d’inventaire. L’inventaire général des musées
royaux de 1832, ordonné par la loi du 2 mars 1832, est composé de 19 volumes. Il
est surtout utile pour les informations qu’il contient sur les œuvres entrées dans les
collections depuis 1814, parce qu’il intègre les acquisitions de la liste civile restées
dans les musées, ainsi que l’inventaire supplémentaire. L’inventaire général des
musées impériaux, ordonné par sénatus-consulte du 12 décembre 1852, engendre
un marquage des numéros sur les œuvres très caractéristiques par une étiquette
rectangulaire blanche à liseré noir comportant un N couronné, facilement identi-
fiable sur les œuvres. À ces inventaires communs à l’ensemble des collections du
Louvre et au-delà aux musées nationaux, se rajoutent des inventaires propres aux
départements. Ainsi, pour les peintures et les dessins, l’inventaire Villot-Daudet
achevé en 1860, couramment dénommé « Inv. », répertorie les collections de tous
les musées nationaux, y compris les dépôts. Pour les antiques relevant aujourd’hui
du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines et du département
des Antiquités orientales, trois inventaires se succèdent : l’inventaire « provisoire »
de 1857 rédigé par Sauzay (N) et dont la numérotation est celle qui est restée
en usage, l’inventaire de 1859, entrepris par Longpérier pour les bronzes et les
monuments assyriens, resté inachevé et celui de 1870, terminé après le départ de
Adrien de Longpérier, par Wilhelm Froehner et Héron de Villefosse. L’inventaire
N concerne, au département des Antiquités égyptiennes, tous les objets invento-
riés entre 1852 et 1857. Pour les sculptures, l’inventaire N (1857) est une sorte de
récolement par ordre topographique des œuvres au Louvre à cette date.

38 Texte émanant du Sénat et ayant force de loi sous le Consulat et les deux Empires napoléoniens.

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Partie I – Inventaire et investigation

À côté des inventaires, existent par ailleurs des registres d’entrées qui contiennent
a priori tous les objets acquis par le musée, inscrit par ordre chronologique d’arrivée
avec un numéro d’ordre. Ces livres apportent des indications sur la date précise de
l’entrée de l’œuvre dans les collections, le mode d’acquisition et le nom du proprié-
taire précédent, parfois des mentions d’envoi dans un musée de province. Ils sont
également le reflet de l’histoire des départements, ce qui explique que certaines
collections appartenant à des départements distincts aujourd’hui sont portées sur
les mêmes registres au xixe siècle lorsque les sections étaient confondues dans de
grands départements. Chaque régime politique a eu son registre d’acquisition,
avec des numéros aux sigles évocateurs : sous Louis XVIII, LL ; sous Charles X,
CC ; sous Louis Philippe, LP ; sous la IIe République (1850-1853), MN (musées
nationaux) et aussi ML (musée du Louvre) pour les sculptures. Sous le Second
Empire, les acquisitions n’ont pas été inscrites de manière rigoureuse et systéma-
tiquement reportées dans les registres. Il existe aussi des inventaires de musées
qui existaient au Louvre et qui ont disparu, comme le musée des Souverains.
L’inventaire du musée des Souverains (MS) comporte des objets déposés par
d’autres institutions (Bibliothèque nationale, musée de l’Armée). Il reste utile pour
certaines œuvres qui n’ont pas été reportées dans le livre OA institué en 1856,
toujours en vigueur aujourd’hui. Pour les autres départements, il faut attendre le
régime de la IIIe République pour l’usage de nouveaux livres d’acquisitions, dans
lesquels on constate que les informations sur les provenances gagnent en préci-
sion et sont mentionnées de façon systématique. Les registres de cette période
illustrent le redéploiement de certaines collections au sein de départements dont
les frontières fluctuent, en particulier pour les antiques. Ainsi, pour les antiquités
orientales, il existe un registre MNB (1871-1881, de MNB 1 à 3 270) puis AO à
partir de 1881, date de création du département. Le livre d’entrées AM en usage
à partir de 1886 concerne en revanche les Antiquités méditerranéennes, c’est-à-
dire des antiquités gréco-romaines et orientales au sens des dénominations des
départements actuels. On peut aussi citer une autre nuance dans les enregistre-
ments de la fin du xixe siècle, qui est la coexistence pour les Antiquités grecques
et romaines du livre d’entrée MNC en usage de 1881 à 1898 (MNC 1 à 2 470)
du registre de la Céramique antique (CA). Pour les départements modernes,
l’année 1871 marque l’ouverture des registres RF, avec là aussi quelques nuances
d’usage selon les départements. Pour le département des sculptures, le livre RF est
utilisé depuis 1871 mais y figurent aussi des œuvres entrées dès 1853, qui avaient
été inventoriées auparavant MI. Le département des peintures a aussi adopté un
livre d’entrée RF en 1871 avec une évolution de la numérotation (RF 1 à 3 990,
puis à partir de 1937, numérotation sous la forme RF 1 937-1). Enfin, une autre
décision historique a été prise par l’Administration en matière d’inscriptions des
œuvres à l’inventaire. Lors de la création du musée d’Orsay en 1986 à partir des
collections du Louvre, il a été décidé de continuer à utiliser les mêmes registres
d’entrée pour préserver l’unité des collections nationales. Ainsi, les peintures,
dessins et sculptures acquis par le musée d’Orsay sont inscrits sur les inventaires
des départements correspondants.
Une autre catégorie peut être précieuse à dépouiller dans les opérations de réco-
lement, celle des registres liés à des collections spécifiques. En effet, quand une
collection importante était acquise par le musée, l’usage voulait qu’il lui soit

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De l’enquête documentaire à la recherche scientifique ou comment faire du récolement
un enjeu de connaissances des collections muséales

consacré un registre particulier. Dans certains cas, comme celui de l’acquisition


de la collection Révoil, un seul numéro était affecté à l’ensemble de la collection
dans le registre des acquisitions et il renvoyait ensuite à un inventaire distinct. Les
numéros d’ordre de ces registres constituent en fait le numéro d’inventaire des
objets. C’est, par exemple, le cas pour les collections Chauchard, Durand (ED),
Salt, Drovetti, Campana (Cp). Le même principe a été retenu plus tard pour les
collections importantes d’objets provenant de fouilles ou de missions. C’est ainsi
que les ensembles d’objets des fouilles de Suse, de Myrina et d’Eléonte (Elé), des
missions de Tarse, d’Utique ou de Phénicie, par exemple, ont chacun leur propre
numérotation.
Enfin, on peut citer ici un dernier type de registres. En effet, dès la réalisation de
l’inventaire Napoléon, Pierre Daru prend conscience de la nécessité de tenir de
façon complémentaire un cahier des mouvements d’œuvres. Y sont consignées
les entrées et sorties des œuvres désignées par leur numéro d’inventaire qui sert
d’identifiant. Ces cahiers permettent de retracer l’historique des œuvres, leur prêt
en exposition, dépôt, départ en restauration. Parfois, ils constituent la seule preuve
de la présence d’une œuvre au musée lorsque celle-ci n’a pas été mentionnée sur
un registre d’acquisition.
Un autre usage est à signaler aussi concernant le rôle de certains catalogues de
collections. Ceux-ci, publiés au xixe siècle ou au début du xxe siècle, sont consi-
dérés comme des références scientifiques et le numéro de catalogue sert ainsi de
numéro usuel pour identifier l’œuvre. Parfois, il figure même sur l’œuvre. Il s’agit
par exemple de la numérotation A d’après la Notice des monuments exposés dans la
galerie d’antiquités égyptiennes du musée du Louvre d’Emmanuel de Rougé (1883)
ou celle des catalogues sommaires comme celui des bronzes antiques et celui des
bijoux, publiés respectivement en 1913-1915 et 1924 par André de Ridder (numé-
rotations Br et Bj).
Ces divers inventaires et registres, dont on peut mesurer la stratification histo-
rique et la complexité de croisements des informations, permettent bien sûr de
faire le lien avec l’objet grâce aux marquages des numéros de ces divers ouvrages
sur l’objet. C’est d’ailleurs souvent le point de départ d’une enquête documentaire.
L’identification d’un marquage permet en effet de se reporter au registre corres-
pondant qui, grâce à des citations d’autres numéros, renvoie à d’autres registres ou
inventaires dans lesquels on peut trouver d’autres informations sur l’objet. C’est
ainsi que l’on peut commencer à reconstituer le début d’une enquête sur l’œuvre,
en précisant par exemple sa provenance ou l’histoire de sa circulation dans et hors
du musée. Pour opérer ce genre de recherches propres à l’activité du récolement,
il est aisé de comprendre aussi qu’il est nécessaire de se familiariser autant avec
la diversité des registres et de la nature des informations qu’ils contiennent qu’au
dessin des marquages qu’il faut pouvoir identifier. C’est un véritable apprentissage,
puisque la simplicité et la similitude de beaucoup de marquages rendent parfois
arduela détermination de l’origine de ce marquage. Pour les collections du Louvre,
il est bien sûr facile d’identifier de grands marquages historiques des étiquettes « N
avec couronne » de l’inventaire Napoléon, ou les étiquettes « LP » de l’époque de
Louis-Philippe. Il est plus délicat de reconnaître des étiquettes plus anonymes à
liseré bleu et pans coupés portant un numéro manuscrit, ou une étiquette blanche

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Partie I – Inventaire et investigation

Lampe antique du musée du Louvre en dépôt au musée Léon-Alègre de Bagnols-sur-Cèze


avec ses nombreuses étiquettes témoignant du destin patrimonial de l’œuvre
(inventaire, origine de la collection, envoi du Louvre en région).
© Musée du Louvre / Daniel Lebée et Carine Déambrosis.

avec un numéro typographié en noir. Pourtant, ce sont parfois ces simples éti-
quettes qui sont conservées sur l’objet et non les marquages historiques. Au cours
de notre travail de récolement, nous avons ainsi constitué un « catalogue » des mar-
quages que nous avons photographiés et souvent identifiés sur les 20 000 œuvres
récolées. Ces marquages traduisent l’histoire de l’objet, puisqu’il peut s’agir d’un
numéro du collectionneur qui a possédé l’objet avant son entrée au Louvre ou d’un
numéro de fouilles pour un objet archéologique, ou d’un numéro d’inventaire, un
numéro d’acquisition, un numéro d’envoi d’une œuvre dans un autre musée, un
numéro d’inventaire d’un dépositaire quand l’œuvre a été mise en dépôt, un mar-
quage de transporteur lors d’un prêt dans un autre musée, etc. L’identification de
tous ces marquages permet ainsi au cours du travail de récolement de retracer un
certain historique de l’œuvre.

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De l’enquête documentaire à la recherche scientifique ou comment faire du récolement
un enjeu de connaissances des collections muséales

L’exploitation d’une documentation pour mieux


connaître les œuvres et l’histoire des collections
Cette enquête documentaire ne se limite pas à la consultation et au croisement des
registres et inventaires. Il peut arriver en effet que l’objet ne figure pas dans cette
première catégorie de documents ou avec des informations très sommaires. C’est
pourquoi il a fallu s’habituer à cette diversité de sources que l’on appelle générale-
ment « la documentation des collections ». Cette documentation revêt au Louvre
un caractère particulier, tant par l’ancienneté d’une partie de ses fonds, que par
son volume et sa diversité. L’histoire de l’institution et la création des conserva-
tions ont eu une portée considérable sur la constitution des fonds documentaires
et justifient les particularités que l’on peut observer d’un département à l’autre.
Les informations collectées peuvent avoir trait aussi bien aux modalités d’acqui-
sition des œuvres qu’au lieu de leur découverte, à leur état de conservation, à leurs
présentations successives ou aux collectionneurs ou savants qui s’y sont intéressés.
Ces données précieuses dans le cadre du récolement se retrouvent dans des notes
manuscrites, des courriers, des rapports d’analyse ou de restauration, des photo-
graphies anciennes d’objets ou de présentation de collection. Nos explorations
documen­taires nous ont aussi entraînés à dépouiller des fonds d’archives relevant
de la vie administrative ou scientifique des musées, que ce soit aux Archives natio-
nales, dans les archives municipales ou départementales, ou dans les archives rela-
tives à la diplomatie française à l’étranger. Ces fonds gardent tous la trace d’œuvres
du Louvre, signifiant leur envoi vers d’autres institutions en France ou à l’étran-
ger ou évoquant leurs conditions d’arrivée au Louvre.
L’énumération de cette documentation permet de comprendre en quoi l’activité du
récolement mené comme un travail rigoureux de vérification historique et admi-
nistrative aboutit assez naturellement à une étude scientifique des collections.
Ces résultats de la recherche documentaire s’appliquent d’abord dans une iden-
tification précise des œuvres, permettant de fait un progrès dans la connaissance
des collections. Cette identification peut revêtir plusieurs aspects. Ainsi, pour
comprendre précisément l’histoire complexe de la circulation d’œuvres antiques
entre le musée Guimet de Paris et les différentes institutions dépositaires à Lyon
(ancien musée Guimet de Lyon, faculté de lettres, faculté de médecine, musée des
Tissus à Lyon, musée des Beaux-Arts), a-t-il été nécessaire de faire une recherche
documentaire développée. Il a fallu analyser notamment les correspondances entre
Émile Guimet, directeur du musée Guimet de Paris avec le ministère de l’Ins-
truction publique (archives du musée Guimet et Archives nationales), les archives
d’accusés de réception de colis dans les musées destinataires, et dépouiller les inven-
taires des différentes institutions destinataires de ces œuvres, pour identifier des
listes d’œuvres. La seule preuve écrite d’un envoi par l’État de tissus coptes du site
d’Antinoé au musée des Tissus de Lyon en 1910 se trouve ainsi dans l’inventaire
du musée dépositaire en 1913, sous l’intitulé « lot de tissus ». Le lien ensuite entre
cette dénomination et la caractérisation des fragments de tissus coptes conservés
au musée de Lyon reste souvent hypothétique, dans la mesure où différents envois
ont pu être faits à différents moments et aucun textile n’a été marqué.

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Partie I – Inventaire et investigation

Dans un autre cas de récolement, la documentation photographique et gra-


phique ancienne a été de première importance. Il s’agit du cas des soixante-dix-
sept fragments de vases grecs qui ont fait l’objet d’échanges entre le Louvre et
le Metropolitan Museum de New York. Rappelons ici le contexte historique de
ces échanges, qui nous a guidé dans la méthode de récolement de ce lot d’objets.
La volonté de réintégrer les disjecta membra provenant de vases antiques dans
leurs pièces maîtresses a été au xxe siècle une véritable affaire de connoisseurship.
Le Metropolitan Museum de New York a ainsi bénéficié – grâce aux recherches
menées sans relâche pendant plus de quarante ans par son conservateur Dietrich
von Bothmer (élève de Beazley) – d’un nombre importants de dépôts de frag-
ments Campana du Louvre afin de compléter des œuvres de ses collections.
En échange, le musée du Louvre recevait d’autres fragments complétant ses
propres vases. Il faut préciser que des œuvres de la collection Campana achetée
par Napoléon III au milieu du xixe siècle ont été extraites de la collection avant
leur départ de Rome, puis écoulées auprès de différents collectionneurs. Par ail-
leurs, Campana se serait procuré, pour la réfection des vases sortis de ses propres
fouilles, pratiquées en Étrurie de 1832 à 1857, des fragments auprès d’autres col-
lectionneurs ou marchands afin de combler les lacunes de sa collection. On com-
prend donc que l’identification et le regroupement de ces fragments dispersés de
vases de la collection Campana ait été un enjeu scientifique entraînant de fait des
échanges et des dépôts à long terme entre musées. Toutefois, d’un simple point
de vue administratif, un problème se pose : il est souvent difficile aujourd’hui de
les repérer aisément dans l’œuvre qu’ils ont réintégrée. L’envoi de tessons, souvent
inédits et n’ayant pu faire l’objet d’une fiche informatisée, a compliqué considé-
rablement la traçabilité de ces œuvres, pourtant inaliénables des collections fran-
çaises. L’enjeu du récolement a été de clarifier et parfois d’identifier les tessons
concernés par ces dépôts au Metropolitan Museum. Pour cela, la consultation de
photographies anciennes faites par le Louvre avant réintégration dans un vase du
Metropolitan Museum ou les dessins du conservateur Dietrich von Bothmer ont
permis de démêler des situations d’identifications. Les documents écrits existants
(arrêtés de dépôts, inventaire du dépositaire) n’avaient pas toujours distingué dans
des ensembles de petits fragments jointifs appartenant au Louvre.
Une forme d’identification dans le récolement consiste aussi dans la découverte
d’une œuvre connue mais disparue. Ainsi en 2004, une sculpture en marbre repré-
sentant une Minerve casquée, appartenant au musée du Louvre, a été redécou-
verte rue d’Ulm au Centre national de la documentation pédagogique. Cette
sculpture avait été déposée au ministère de la Défense en 1945, puis transférée
au ministère de l’Éducation nationale au 110 rue de Grenelle, avant d’être dépla-
cée à l’Institut national de recherches pédagogiques, rue d’Ulm à Paris. Le réco-
lement effectué en 1999, qui avait reconstitué cet historique de localisation, n’a
malheureusement pas permis de retrouver cette statue rue d’Ulm. Reprenant ce
dossier des « non-vus lors du récolement » en 2004, nous constations que cette
œuvre avait une histoire importante dans les acquisitions du Louvre. Elle pro-
venait en effet de la collection Dufourny. Ce dernier avait été nommé commis-
saire de la République française auprès du roi de Naples de 1787 à 1794 et, le
24 mai 1790, à Palerme, il décrit dans son journal de voyage la statue qu’il voit
chez un collectionneur. Dufourny a par ailleurs donné d’autres œuvres au Louvre.

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De l’enquête documentaire à la recherche scientifique ou comment faire du récolement
un enjeu de connaissances des collections muséales

Cette provenance historique importante encourageait à reprendre la recherche.


La Minerve fut donc redécouverte, grâce à la mémoire transmise par le dernier
concierge de la rue d’Ulm, derrière une cloison dans le couloir où elle fut instal-
lée lors de son arrivée.
Une autre forme de redécouverte d’œuvres par le récolement est la réattribution de
pièces dont on avait perdu la provenance avec le temps. C’est ainsi qu’en 1999, lors
du récolement des dépôts au musée d’Amiens, une série de portraits en médail-
lons sculptés ont pu être identifiés. Ils avaient été transportés dans cette ville en
1875 à l’occasion d’envois d’antiques. Il s’agit en fait d’une série provenant de l’an-
cien château de Gaillon en Normandie. Ces sculptures avaient été achetées par
Alexandre Lenoir en 1802. Une partie des pièces arrive au Louvre après la ferme-
ture de son musée en 1815. En 1869, les œuvres sont pointées comme présentes
sur un inventaire du Louvre. Après leur arrivée à Amiens, elles sont publiées en
1899 et 1911 comme des portraits, sans autre précision de leur historique. Le réco-
lement de 2004 permet donc de retrouver la provenance oubliée de ces sculptures.
Outre ce travail d’identification qui s’applique individuellement à chaque œuvre,
les recherches documentaires faites durant le récolement portent parfois sur des
ensembles plus larges, tentant de comprendre des processus de distribution d’œuvres,
des modalités d’arrivée de collections au Louvre ou d’autres énigmes d’ordre his-
torique ou patrimonial. Cette volonté de définir, derrière le récolement de chaque
œuvre, des enjeux scientifiques plus larges sur les collections nous a ainsi permis
d’ouvrir quelques chantiers intellectuels des collections tout à fait passionnants.
Citons dans ce cas les fameux envois d’Antinoé évoqués plus haut à propos de
Lyon, qui constituent un bel exemple d’une recherche approfondie sur les condi-
tions d’arrivée en France d’une collection donnée et ses modalités de répartition à
travers le territoire et dans certains pays européens. Ces produits de fouilles archéo-
logiques proviennent des fouilles françaises effectuées par Albert Gayet durant
une quinzaine d’années à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Les modali-
tés précises d’arrivée des objets en France sont floues à cause de la diversité des
montages juridiques et financiers qu’a connus cette fouille. Ces œuvres bénéfi-
ciant tantôt de financements privés ou publics, et s’inscrivant dans un régime juri-
dique égyptien fluctuant à cette époque, il s’est révélé important de clarifier ces
aspects lors du récolement de ces envois pour savoir notamment si l’on devait les
considérer d’une part, comme des dons de l’Égypte, et d’autre part, comme des
dépôts de l’État aux institutions où elles se trouvent aujourd’hui ou comme des
dons à ces musées. Cette recherche a donc été organisée de manière approfon-
die sur plusieurs années. Une première phase a consisté à identifier tous les fonds
documentaires et archivistiques évoquant cette collection d’Antinoé à Paris, sur
les lieux d’envoi des collections, en Égypte et dans les archives diplomatiques fran-
çaises. La deuxième phase a permis de dépouiller des milliers de documents selon
ces deux modes d’interrogation : les modalités d’arrivée en France et les condi-
tions de distribution dans les dizaines d’institutions universitaires et muséales.
Tous les documents sélectionnés ont été indexés dans une base de données selon
des critères de noms de personnes, d’institutions, de dates, de noms de lieux. En
synthétisant ces données, nous avons de pu répertorier chronologiquement pour
toutes les campagnes de fouilles les différents financeurs (individus, associations,

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Partie I – Inventaire et investigation

ministères), et nous les avons croisées avec le statut juridique et les pratiques
égyptiennes de protection du patrimoine et de collaboration de l’Égypte avec la
France. Nous avons aussi tenté d’identifier systématiquement par lieu dépositaire
les années de fouilles d’où proviennent les objets. L’intérêt de cette synthèse est de
parvenir à discerner, au-delà des tableaux de financeurs et des listes de répartition
des différentes campagnes de fouilles, les réalités historiques du jeu des acteurs
scientifiques, politiques et intellectuels de ce début de la IIIe République, qui ont
organisé cette répartition de la collection. Les visions de l’époque ne sont en effet
pas les mêmes que les nôtres. Le personnage d’Émile Guimet par exemple serait
aujourd’hui accusé de conflit d’intérêts, puisqu’il était chargé en tant que direc-
teur du musée Guimet d’assurer au nom du ministère de l’Instruction publique la
répartition des œuvres, alors qu’il était lui-même financeur des fouilles certaines
années et, à ce titre, propriétaire d’œuvres d’Antinoé, qu’il envoyait en cadeau à
des collègues scientifiques en région et à l’étranger. Il est important de juger ces
actes à la lumière de pratiques historiques pour interpréter les divers statuts juri-
diques de cette collection et les décisions de post-récolement les plus adaptées.
Les résultats du récolement et du travail documentaire associé donnent aussi l’oc-
casion de mieux connaître dans leur intégralité des collections dont nous avions
jusqu’alors connaissance par quelques œuvres seulement. Je citerai ainsi l’exemple
de la collection du donateur du Louvre, Arapidès. Le fameux catalogue des dona-
teurs du Louvre paru en 1992 donnait peu d’informations sur ce collectionneur.
Directeur de l’Eastern Telegraphy Company, domicilié à Rhodes, il a donné et vendu
une grande partie de sa collection au Louvre au début du xxe siècle. En 1992, on
identifiait cinq œuvres de ce collectionneur. Par ailleurs, la base de données Jupiter
des collections du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines
en recense 90. Et le récolement des dépôts a d’ores et déjà permis de récoler une
liste d’environ 130 pièces sur les 200 envoyées en dépôt. Cette identification a été
rendue possible par la connaissance progressive des divers documents d’archives
que nous avons réunis. Dans ce cas, nous avions à notre disposition d’abord les
cahiers d’Edmond Pottier, responsable à la fin du xixe siècle et au début du xxe
du département des Antiquités orientales et de la Céramique antique. Il consigna
très scrupuleusement les listes d’envois d’antiques qu’il effectua dans différentes
villes. Les numéros signalés nous renvoient ainsi aux différents inventaires, dont
l’inventaire des antiquités méditerranéennes qui signale en face du numéro 1 009
l’achat en 1902 de 310 œuvres de la collection Arapidès. Par ailleurs, d’anciennes
photographies de cette collection prises au moment de son arrivée au Louvre
portaient des numéros manuscrits grâce auxquels les pièces ont été identifiées
comme provenant de cette collection. On imagine maintenant l’intérêt d’étudier
cette collection recomposée dans la vision d’une histoire du goût et du marché de
l’art antique à l’époque d’Arapidès.
Enfin, le récolement des dépôts nous a amené à développer également des études
sur l’histoire de ces dépôts, partie intégrante d’une politique culturelle de l’État
français ou de relations scientifiques entre musées. Nous faisons donc au moyen de
nos rapports de récolement par ville une analyse globale de l’histoire des contextes
d’envois d’œuvres du Louvre dans une ville. On peut de la sorte appréhender les
contextes d’envois d’œuvres antiques à Nantes entre 1863 et 1952. Une recherche
archivistique et documentaire a en effet été menée pour apprécier précisément
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De l’enquête documentaire à la recherche scientifique ou comment faire du récolement
un enjeu de connaissances des collections muséales

la succession des envois, leurs destinations dans les musées de la ville et les cir-
constances de circulation de ces collections au gré de l’évolution des institutions
muséales nantaises. Cet exercice nous a permis dans un premier temps de loca-
liser des œuvres qui avaient été déplacées dans la ville. Nantes est en effet le cas
typique de ces grandes métropoles régionales qui ont bénéficié dès 1801, dans le
cadre du décret Chaptal, d’envois en nombre de tableaux. La présence de la ville
dans la liste des bénéficiaires en 1863 d’un envoi Campana de plus d’une centaine
d’œuvres antiques confirme cette attention de l’État à l’encouragement du déve-
loppement des collections muséales de la ville dès le xixe siècle. Cette dynamique
se poursuit dans le premier quart du xxe siècle. Le tout début du siècle est marqué
par l’arrivée de nombreuses collections (1901 pour un lot de tissus coptes, 1905
pour des faïences d’art islamique, et 1908 pour un nouvel envoi de tissus coptes).
Ceci s’explique, selon les archives conservées, par la création de l’École régionale
des Beaux-arts en 1904. Son directeur de l’époque, Emmanuel Fougerat, témoigne
d’une volonté de constituer une collection d’œuvres pouvant permettre l’enseigne-
ment des arts industriels. Le ministère de l’Instruction publique y répond. Une
deuxième époque est propice aux dépôts antiques entre 1922 et 1924. Celle-ci
correspond à la création officielle du musée des Arts décoratifs dans le château
des Ducs de Bretagne. Il s’agit alors de dépôts provenant du Louvre, et propo-
sés directement par les conservateurs du musée du Louvre (Edmond Pottier en
1922 pour la céramique antique et Charles Boreux pour l’Égypte). À partir de
la Deuxième Guerre mondiale, ces collections ont connu de nombreuses vicissi-
tudes (mises en caisse, changements de locaux dans le château et hors du château).
Aujourd’hui, alors que la quasi-totalité est conservée au musée départemental
Dobrée, une étude précise de traçabilité historique de ces œuvres a pu être réali-
sée lors du récolement et faire ressortir une certaine histoire nantaise des musées.
Ce genre d’études peut aussi être élargi au niveau de l’étude historique du rôle du
Louvre dans la politique de l’État de répartition des collections nationales. Ces
recherches nous ont amené en 2007 à organiser un colloque national sur cette
question 39. Il est aussi intéressant de comprendre quelle était la vision d’Émile
Guimet quand il décida d’envoyer en 1910 dans différents musées allemands un
certain nombre d’œuvres d’Antinoé, à un moment où les relations franco-alle-
mandes n’étaient déjà pas au beau fixe. Enfin, on peut s’interroger sur la vision
d’échanges scientifiques du Louvre dans la distribution de produits de fouilles de
Suse en Europe et aux États-Unis dans la première moitié du xxe siècle.
J’espère que ces quelques lignes de démonstration auront convaincu le lecteur,
professionnel ou amateur, que le récolement des œuvres, qui ne fait pas partie des
activités médiatisées des musées comme les expositions temporaires, les acquisi-
tions ou les restaurations d’œuvres, peut constituer un pilier de la connaissance et
de la valorisation des collections d’un musée. Ce texte ne se veut pas un exemple
à imiter, mais est destiné à développer les appétits autour de ces recherches, afin
que le récolement ne se réduise plus, dans les bilans annuels, à un alignement de
chiffres du nombre d’objets à récoler ou restant à récoler. Cet exercice, devenu une

39 « Les dépôts de l’État au xixe siècle : politiques patrimoniales et destins d’œuvres », colloque organisé
le 8 décembre 2007 au musée du Louvre par Chantal Orgogoza et Yannick Lintz, <http://www.culture.
gouv.fr/culture/politique-culturelle/depot09.html>.

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Partie I – Inventaire et investigation

obligation légale depuis la loi française sur les musées de 2002 40, pourrait bâtir
le socle à partir duquel on redéfinirait une série d’activités scientifiques et cultu-
relles d’un musée, dans une période qui annonce la nécessaire modestie budgétaire.

40 http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droit-culture/musees/pdf/2002-5.pdf
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000769536

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La collection de moulages de l’ancienne
faculté des lettres de Bordeaux :
étude documentaire et pratiques
d’inventaire
Soline Morinière

Les musées de France sont tenus au récolement décennal par la loi du 4 janvier
2002, codifiée ensuite au Code du patrimoine 41. Les dispositions applicables
dans le domaine de l’inventaire 42 ont été précisées par l’arrêté du 25 mai 2004
et les modalités de récolement dans la circulaire du 27 juillet 2006 43. Le récole-
ment est, par définition, « l’opération qui consiste à vérifier, sur pièce et sur place,
à partir d’un bien ou de son numéro d’inventaire : la présence du bien dans les
collections ; sa localisation ; l’état du bien ; son marquage ; la conformité de l’ins-
cription à l’inventaire avec le bien (ainsi que, le cas échéant, avec les différentes
sources documentaires, archives, dossier d’œuvre, catalogues) » (arrêté du 25 mai
2004, article 11). Il s’agit donc de confronter les informations contenues dans les
registres d’inventaire avec celles livrées par les objets (présence matérielle, état,
dimensions, inscriptions, marquage) 44.
Le musée d’Aquitaine ne déroge pas à la loi et a entrepris depuis plusieurs années
le récolement de ses collections et des œuvres reçues en dépôt. Une réflexion pré-
alable a conduit à l’élaboration d’un plan de récolement décennal. Il existe dif-
férentes manières de procéder – par lieu de conservation, par type d’objets, par
collection – et toutes peuvent coexister au sein d’un même établissement. De janvier

41 Loi no 2004-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, codifiée conformément à l’ordonnance
no 2004-178 du 20 février 2004 au Code du patrimoine (livre IV). Décret no 2002-852 du 2 mai 2002 pris
en application de la loi no 2002-5 du 4 janvier 2002 relatives aux musées de France.
42 Est inventorié tout bien acquis à titre gratuit ou onéreux affecté aux collections du musée de France par
un acte émanant de la personne morale propriétaire du bien. Un numéro d’inventaire est attribué à chaque
bien dès son affectation. Ce numéro, identifiable sur le bien, est utilisé pour toute opération touchant le
bien inventorié. Les biens dont le musée est dépositaire sont répertoriés sur un registre distinct. C’est un
document unique, infalsifiable, titré, daté et paraphé par le professionnel responsable des collections, réper-
toriant tous les biens par ordre d’entrée dans les collections. L’inventaire est conservé dans les locaux du
musée. Une copie de l’inventaire est déposée dans le service d’archives compétent ; elle est mise à jour une
fois par an. Les ministres chargés de la culture et de la recherche fixent par arrêté les normes techniques
relatives à la tenue de l’inventaire et du registre des dépôts, ainsi que les principes généraux de numérota-
tion, d’identification, de marquage et de récolement des biens des musées de France. Le titre premier du
décret du 2 mai 2002, pris en application de la loi no 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France,
définit l’inventaire des biens d’un musée de France. L’arrêté du 25 mai 2004 fixe les normes techniques
relatives à la tenue de l’inventaire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement.
43 Arrêté du 25 mai 2004 fixant les normes techniques relatives à la tenue de l’inventaire, du registre des biens
déposés dans un musée de France et au récolement (publié au Journal officiel le 12 juin 2004). Et circulaire
no 2006/006 du 27 juillet 2006 relative aux opérations de récolement des collections des musées de France.
44 Pour davantage d’informations, voir Halgand Nathalie (dir.), « L’inventaire et le récolement des col-
lections dans les musées de France », dossier de formation permanente, bibliothèque numérique de l’insti-
tut national du Patrimoine (INP), 2014.

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Partie I – Inventaire et investigation

à mai 2011, le musée d’Aquitaine a réalisé le récolement d’un dépôt de l’université


de Bordeaux, une collection de moulages de sculptures antiques et médiévales 45.
Cette opération concordait avec les objectifs d’un programme de recherches lancé
par le centre François-Georges-Pariset (E.A. 538 Histoire de l’art) de l’univer-
sité Bordeaux-III – Michel-de-Montaigne, qui a pour mission de faire l’inven-
taire du patrimoine artistique de l’université bordelaise. On peut donc dans le cas
présent employer les deux terminologies de « récolement » et d’ « inventaire » selon
le point de vue que l’on prend.

Préliminaires : Présentation du corpus étudié


Cette collection de moulages possède une cohérence qui s’explique par son his-
toire 46. Elle date du dernier quart du xixe siècle, une période déterminante pour
l’enseignement supérieur qui subit de profondes réformes sous l’impulsion du gou-
vernement de la Troisième République, selon le modèle des universités allemandes.
Des musées universitaires furent alors créés ex nihilo en lien avec de nouveaux
enseignements : musée d’Ethnographie à la faculté de médecine après la création
de l’Institut d’études coloniales en 1894 et Musée archéologique à la faculté de
lettres, en conséquence de l’institutionnalisation de cette nouvelle discipline 47. Ce
musée comprenait une importante collection de moulages, une collection d’ob-
jets originaux – dépôts de l’État, don de l’école française d’Athènes – conservée
en partie au musée d’Aquitaine et à l’université, ainsi qu’une collection de photo-
graphies aujourd’hui au musée d’Aquitaine (D.79.3).
Les premiers moulages ont été acquis en 1877, mais la collection a principalement
été constituée en 1885 et 1886 par le professeur Pierre Paris, et le musée inauguré
le 17 janvier 1886. Par la suite, la collection n’a cessé de s’enrichir.
Lors du déménagement de la faculté de lettres sur le nouveau campus universi-
taire de Pessac-Talence, la collection de moulages, restée à sa place, est mise en
dépôt en 1979, par l’université, au musée d’Aquitaine lorsque ce dernier investit
les anciens locaux de l’université.
Il est possible de distinguer deux ensembles dans la collection de moulages
bordelaise :
– Les moulages d’antiques, dont la composition est proche des autres collec-
tions universitaires françaises et européennes créées à la même époque et pour le
même enseignement. Les modèles sont à rechercher en Allemagne, où les collec-
tions sont plus anciennes.

45 Morinière Soline, « La collection de moulages d’antiques et médiévaux de la faculté des lettres de


Bordeaux en dépôt au musée d’Aquitaine. Étude documentaire, conservation et perspectives », mémoire
de stage, master 2 Métiers du patrimoine de l’École du Louvre, 2011.
46 Lagrange Marion, Miane Florent, « Le musée archéologique de la faculté des lettres de Bordeaux.
L’élaboration d’un modèle disciplinaire », In Situ. Revue des patrimoines, no 17, 2011, <http://insitu.revues.
org/920> ; Morinière Soline, « La collection de moulages de l’université de Bordeaux », Patrimoine artistique
de l’université de Bordeaux, mai 2012, <http://patrimoine-artistique.u-bordeaux3.fr/collection-moulages.php>.
47 Au xixe siècle et jusqu’aux années 1960, l’université de Bordeaux était divisée en quatre facultés (lettres,
droit, sciences, médecine et pharmacie).

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La collection de moulages de l’ancienne faculté des lettres de Bordeaux :
étude documentaire et pratiques d’inventaire

Jules-Alphonse Terpereau, Musée archéologique de la faculté des lettres de Bordeaux, ca 1886.


© Université Bordeaux III – Michel-de-Montaigne.

– Les moulages médiévaux et les rares moulages modernes qui sont essentielle-
ment de petits éléments décoratifs architecturaux. Les figures sont rares, rendant
l’identification des originaux d’autant plus difficile. Cet ensemble ne trouve pas
– à notre connaissance – de parenté parmi les autres collections universitaires de
moulages. Paris, Lille, Montpellier et Toulouse, pour lesquels la présence de mou-
lages médiévaux est assurée, possèdent ou possédaient des tirages intégraux de
statues ou de grands éléments d’architecture grandeur nature. Le parallèle le plus
probant est à faire avec la salle d’Ornementation du musée de Sculpture compa-
rée 48 qui présente également des séries d’éléments de décors architecturaux (cha-
piteaux, écoinçons, etc.).
La connaissance de collections similaires à celle qui nous concerne permet aussi
de savoir auprès de qui prendre conseil en cas de besoin. Le musée du Louvre 49, la
Cité de l’architecture et du patrimoine et les universités de Montpellier et de Lyon
étaient les plus à mêmes de répondre à nos éventuelles questions puisque ces insti-
tutions avaient déjà procédé à l’inventaire et à l’informatisation de leurs collections.

48 Aujourd’hui Cité de l’architecture et du patrimoine.


49 Le musée du Louvre conserve une grande partie de la collection de moulages de l’université de Paris.

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Partie I – Inventaire et investigation

Définition des objectifs du récolement


Pour le musée d’Aquitaine, l’objectif principal du récolement est évidemment de
répondre à la loi, bien que d’autres intentions le motivent également. Ce travail
produit en effet un bilan précis de l’état de conservation de la collection et de l’amé-
liorer. Le récolement est également le moyen de poursuivre l’informatisation de
la collection 50 – qui avait été faite partiellement – afin que la totalité des œuvres
soit saisie sur Micromusée, la base de données du musée d’Aquitaine. Une cam-
pagne photographique favorise l’identification des œuvres.
Pour l’université, le récolement a pour principal intérêt de faire l’inventaire de son
patrimoine universitaire afin de pouvoir ensuite le valoriser.

Principes méthodologiques du récolement


appliqués à la collection de moulages bordelaise
Premier diagnostic avant récolement
Étude documentaire
Il est judicieux, préalablement au récolement, de faire une étude de la collection
et de réunir à son sujet toute la documentation possible. Puisque la collection
de moulages est un dépôt de l’université au musée d’Aquitaine, le dépositaire ne
possède pas d’inventaire ; par ailleurs, l’université est dans le même cas, ce qui peut
paraître paradoxal 51. En 2000, a été établi a posteriori un registre de dépôt, à partir
des listes réalisées lors du dépôt en 1977-1979. L’originalité de ces listes réside
dans le regroupement des moulages par état de conservation (bon état, mauvais
état mais récupérable, mauvais état mais irrécupérable, disparu). Une liste, dite
« liste complémentaire », a été adjointe après le pointage fait en 1997. Le registre
de dépôt comprend la collection entière, liste complémentaire incluse. Ces deux
documents sont fiables et presque complets et les lacunes qu’ils présentent peuvent
être comblées par la corrélation des documents 52.
Il existe un catalogue du premier noyau de la collection, rédigé par Pierre Paris et
ses étudiants en archéologie. Édité en 1892, il donne un aperçu des deux tiers de
la collection 53 : 280 numéros y sont portés. Les notices, rédigées par des mains
différentes, sont de ce fait très hétérogènes et certaines, réalisées pour plusieurs

50 Étape majeure d’un chantier des collections qui a pour objectif de sauvegarder sur une base de données
la description scientifique et physique des objets, ainsi qu’une photographie. Elle est possible grâce au réco-
lement et complète les opérations du chantier des collections que sont le nettoyage, les décontaminations, les
éventuelles campagnes de restauration et de conservation préventive. L’informatisation des collections permet
la valorisation numérique des collections par une mise en ligne des données sur un portail documentaire.
51 Il a probablement été perdu, l’inventaire de la collection de photographies ayant été redécouvert récem-
ment ; ou bien il n’a jamais existé, les musées universitaires ne fonctionnant pas comme les autres musées.
52 Dans les listes de 1977-1979, il manque le no 257 (Caryatide de la villa Albani). Dans le registre de
dépôt manquait un numéro, il a été ajouté.
53 Paris Pierre, Université de France, faculté des lettres de Bordeaux, Musée archéologique, catalogue méthodique
des moulages de sculpture grecque, Bordeaux, Imprimerie Ve Cadoret, 1889, 444 p. Il comprend 280 numéros.

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La collection de moulages de l’ancienne faculté des lettres de Bordeaux :
étude documentaire et pratiques d’inventaire

numéros formant une série (frise des Panathénées, métopes du Parthénon, etc.),
ne précisent pas ce à quoi correspond chaque numéro.
Des recherches en archives ont également été menées. Toute cette documentation
peut permettre de faire l’état de la collection initiale pour ensuite noter ce qu’il
manque aujourd’hui ; ou bien retracer l’historique de la collection pour comprendre
dans quelles conditions des œuvres ont disparu, notamment au cours des nombreux
déménagements qui représentent, pour ces œuvres fragiles, des moments à risques.

Les récolements précédents


La collection de moulages a déjà fait l’objet de plusieurs récolements. Le premier
est celui décrit plus haut et constitue plutôt un bilan sanitaire de la collection.
Un véritable récolement de l’ensemble de la collection fut entrepris à la demande
de la directrice du musée d’Aquitaine, Chantal Orgogozo, en juillet 1997 sous
la direction de Marie-France Artiagoitia. Des fiches bristol et un plan de locali-
sation l’attestent. D’après le pointage effectué à cette occasion, dix plâtres man-
quaient et huit n’étaient pas enregistrés sur les listes 54.

Des problèmes liés aux numéros d’inventaire


Les numéros d’inventaire des moulages de la collection posent de nombreux pro-
blèmes qu’il est parfois difficile de résoudre face à l’absence de registre d’inven-
taire. La numérotation des moulages a été calquée pour les 280 premiers numéros
sur le catalogue de Pierre Paris, puis déterminée arbitrairement pour le reste de la
collection qui, au total, s’élève à 444 numéros.
Plusieurs cas de figures sont apparus : la radiation d’un numéro 55, deux numéros
qui ne correspondaient pas à des moulages (no 438 et 439) alors que les objets
originaux déposés par l’université observent une autre forme de numérotation 56,
la présence de deux numéros pour une seule œuvre 57 (les œuvres concernées sont
donc inscrites deux fois sur les listes et le registre de dépôt), présence d’un numéro
234 bis. Par ailleurs, certains numéros désignent plusieurs pièces. Des subdivisions
ont été faites depuis qu’elles sont en dépôt, transcrites dans le registre de dépôt,
mais pas toujours portées directement sur les œuvres. À l’inverse, le détail de cer-
tains numéros est absent dans le catalogue, le registre et les listes, mais marqué
sur les œuvres.

54 Il s’agit de ceux qui ont été inscrits sur la liste complémentaire. D’autres ajouts ont été faits par la suite.
55 Il s’agit d’une maquette de nécropoles marseillaises en cours de fouilles au xixe siècle, confectionnée
par H. Angier en 1888. Anciennement inventoriée sous le no 91.23.1, un temps considérée comme faisant
partie du dépôt de l’université, elle fut alors inscrite sur la liste complémentaire sous le no D.79.4.440.
Cette attribution a été réfutée à la suite d’un parallèle avec une œuvre comparable conservée à Marseille
et un nouveau numéro d’inventaire lui a été affecté après ce déclassement (2007.0.8). Voir Musée d’Aqui-
taine, dossier d’œuvre 2007.0.8. L’affaire n’est cependant pas si simple puisque qu’une lettre de P. Regaldo,
membre du Centre de recherche interdisciplinaire d’archéologie analytique, à J. Santrot, au musée d’Aqui-
taine, datée du 28 février 1979, au sujet de modification à apporter aux conventions de dépôt, mentionne
une « maquette théorique de nécropole » qui pourrait tout à fait correspondre à cette œuvre.
56 Ces deux numéros sont conservés dans les réserves d’objets antiques. Ils ont été récolés en raison de
leur présence sur la liste. Ce sont bien des dépôts de la faculté des lettres mais ils n’appartiennent pas à la
collection de moulages.
57 Dans le catalogue de 1892, les notices 41 et 42 renvoient respectivement aux notices 5 (bas-reliefs d’un
tombeau de Xanthos, dit « des Harpyes ») et 6 (bas-reliefs d’un tombeau de Xanthos). La numérotation
ayant été calquée sur le catalogue, ces moulages se sont retrouvés avec deux numéros.

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Partie I – Inventaire et investigation

Procédure de récolement : de l’inventaire à l’étude in situ


Pourquoi partir de l’inventaire plutôt que des œuvres ? De manière générale,
l’angle d’approche (inventaire-objets ou objets-inventaire) importe peu et dépend
du musée, de l’état des inventaires, de l’informatisation de la collection, de l’état
des œuvres et de l’accessibilité aux réserves et aux objets, de l’organisation et des
moyens humains, matériels et financiers du musée. Pour la collection de mou-
lages de Bordeaux, le choix fut réfléchi. Deux paramètres furent déterminants :
l’état de l’informatisation de la collection, très partiel (27 fiches seulement dans
Micromusée), et l’accès aux œuvres (notamment à la réserve extérieure). Ce choix
permettait aussi d’avoir un aperçu global de la collection avant de faire le réco-
lement in situ et de se rendre compte déjà des premiers problèmes posés par les
numéros d’inventaire. L’informatisation des œuvres s’est faite en deux temps :
en premier, la création de toutes les fiches et la saisie de tous les champs qui ne
nécessitaient pas une observation directe de l’œuvre ; en second, les informations
complémentaires apportées après le récolement 58. Ensuite, dans les espaces de
réserve, le récolement a été fait de manière organisée (rangée par rangée, caisse
par caisse, salle par salle), à une exception près. Pour des raisons logistiques, le
récolement des moulages des réserves interne et externe ont été réalisés parallè-
lement et non successivement.
Les œuvres apportent un certain nombre d’informations. La vérification de leur
présence dans les collections passe par leur identification, facilitée par le numéro
d’inventaire qui doit être marqué sur l’ensemble d’entre elles. La plupart possé-
dait leur numéro d’inventaire, inscrit parfois plusieurs fois, selon différents procé-
dés (marqueur, Letraset® 59, crayon à papier, stylo-bille, encre de chine, étiquette
cartonnée accrochée, étiquette métallique fixée). Cette information indispensable
manquait parfois. Plusieurs cas se présentent, selon qu’il s’agisse :
– d’une œuvre facilement reconnaissable par le sujet représenté. C’était le cas
d’un buste d’homme facilement reconnaissable, grâce aux codes iconographiques,
comme un philosophe ou un poète. La correspondance avec les numéros des listes
et le catalogue de la collection nous a permis de le réidentifier, après vérification
avec l’original, comme un portrait de poète conservé au musée de Naples ;
– d’une œuvre difficilement reconnaissable : la présence d’une estampille et d’un
numéro d’édition de l’atelier de moulage qui l’a produite permet souvent de retrou-
ver le numéro d’inventaire par correspondance avec les sources (catalogue de vente
des ateliers de moulages) et les listes de dépôt. Ce fut le cas pour les moulages des
figures des frontons du temple de Zeus à Olympie (D.79.4.145), rarement marqués,
mais portant presque tous un numéro tracé à la peinture noire qui correspondait
au catalogue de vente de l’atelier de moulages (Gipsformerei) des musées de Berlin ;

58 L’informatisation des collections est une étape indispensable qui doit répondre à des objectifs précis
et nécessite préalablement la mise en place d’une méthodologie. Voir Brochu Danièle, Manuel pratique
d’informatisation : des collections à la base de données, Paris, ministère de la Culture et de la Communication/
Somogy, 2004.
59 Procédé de marquage par transfert à sec.

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La collection de moulages de l’ancienne faculté des lettres de Bordeaux :
étude documentaire et pratiques d’inventaire

Moulage d’un portrait de poète (D.79.4.263).


© Université Bordeaux III – Michel-de-Montaigne. Photo P. Fabre.

– d’une œuvre difficilement reconnaissable sans aucune autre information : à la


fin du récolement, on tente d’établir une correspondance avec les œuvres qui n’ont
pas été retrouvées lors du récolement. Les listes de 1977-1979 et le registre des
dépôts étant très succincts, ils ne permettent pas toujours l’identification immé-
diate des œuvres sur lesquelles le marquage du numéro d’inventaire a disparu.
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Partie I – Inventaire et investigation

Les résultats du récolement


Le récolement est une façon de redécouvrir les collections. Il rend compte des
lacunes des inventaires et des manques dans les collections. Il est préférable qu’une
personne unique procède au récolement d’un ensemble pour mieux résoudre les
problèmes posés. Ce travail est parfois l’occasion d’heureuses surprises, comme la
redécouverte d’œuvres dont on croyait qu’elles avait été perdues dès 1979 : c’est le
cas de la Vénus d’Arles et de la Diane de Versailles.
Considérée comme disparue lors du dépôt en 1979, la Vénus d’Arles (D.79.4.213)
avait en réalité subit des altérations telles qu’elle était méconnaissable. La faculté
ne possédait qu’un tirage partiel de l’œuvre, seulement le buste, mais cette infor-
mation n’était précisée nulle part, ce qui a induit en erreur les personnes qui ont
établi les listes de dépôt. Face à ce buste altéré, elles l’ont inventorié sous un nouveau
numéro (D.79.4.284) et lui ont donné une nouvelle dénomination : « Buste de
jeune homme aux deux rubans ». Lors du dernier récolement, le relevé de l’estam-
pille de l’atelier de moulages des musées nationaux présente à la base du socle
ainsi que du numéro d’édition (410) en relief sur le bord du buste ont permis le
lever le voile sur cette disparition de la Vénus d’Arles. Le catalogue de vente de
l’atelier de moulages du Louvre a en effet révélé qu’il s’agissait bel et bien de cette
œuvre et montré les limites du catalogue de 1892 dont les notices font surtout
référence aux originaux.
L’histoire de la Diane de Versailles est assez semblable. Trompé par la présence
du moulage du buste seul de la célèbre statue du Louvre, le personnel chargé de
l’établissement des listes de dépôt l’a renommée « Tête de femme au diadème » et
inventoriée sous un nouveau numéro (D.79.4.285).
Le récolement est une étape décisive dans l’étude d’une collection, car il en offre
une meilleure connaissance et fournit des outils et des informations indispen-
sables à tout travail ultérieur sur les œuvres. Pour ne mentionner qu’un exemple,
les estampilles et autres marques d’ateliers de moulages révèlent l’importance des
relations européennes dans la circulation des moulages. Les deux ateliers les plus
sollicités sont les ateliers de moulages français, celui du musée du Louvre et celui
de l’École nationale des beaux-arts de Paris. Acheter des moulages en France per-
mettait de réduire les frais de transport, qui, déjà, doublaient le prix du moulage.
Mais certaines œuvres ne pouvaient être acquises qu’à l’étranger. La présence de
tirages provenant de l’atelier de l’École supérieure de Munich, pour des œuvres
exclusivement conservées à la glyptothèque de Munich, en est le parfait exemple.
Le récolement est aussi l’occasion, dans la gestion d’un musée, d’établir un bilan
sanitaire de la collection, bilan qui peut conduire, comme ce fut le cas à Bordeaux, à
un véritable chantier des collections : rapatrier les plâtres conservés dans la réserve
extérieure ; améliorer le conditionnement, le rangement, etc. Certaines opérations
de conservation (dépoussiérage, restauration, marquage) ont été menées en paral-
lèle. Ces constats d’état sont d’ailleurs l’une des étapes obligatoires du récolement
et figurent dans les procès-verbaux rédigés par les conservateurs puis remis aux

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La collection de moulages de l’ancienne faculté des lettres de Bordeaux :
étude documentaire et pratiques d’inventaire

Buste de jeune homme aux deux rubans (D.79.4.284), autrefois Buste de la Vénus d’Arles (D.79.4.213).
© Université Bordeaux III-Michel-de-Montaigne. Photo P. Fabre.

autorités territoriales. Ces opérations doivent déboucher sur des plans de restau-
ration qui figurent dorénavant dans les PSC 60 (projet scientifique et culturel).

60 Document qui résulte d’une réflexion visant à définir la politique globale d’un musée en matière de
conservation des collections et de diffusion auprès des publics. http://www.museodirect.com/gammes/
vitrine-table/annexes/vitrine-table-dmf-psc.pdf

51

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Partie I – Inventaire et investigation

Tête de femme au diadème (D.79.4.285), autrefois Diane de Versailles (D.79.4.247).


© Université Bordeaux III – Michel-de-Montaigne. Photo P. Fabre.

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La collection de moulages de l’ancienne faculté des lettres de Bordeaux :
étude documentaire et pratiques d’inventaire

Le récolement de la collection fut davantage qu’une simple formalité adminis-


trative. Il a permis de résoudre certaines hypothèses qui avaient été avancées (une
confusion possible avec la collection de moulages de l’École des beaux-arts ou du
fonds propre du musée d’Aquitaine).
Il a donné l’occasion à l’université de Bordeaux de prendre connaissance de son
patrimoine et par là même de le mettre en valeur, et le transmettre au public au
moyen d’expositions ou de visibilité sur le net. Deux moulages furent présentés
dans l’exposition Motif(s) de collections qui s’est tenue à Cap Science du 12 mai
au 18 septembre 2011. En mai 2012 fut inauguré le lancement du nouveau site
internet réalisé par le programme de recherche 61 et, en même temps, sont parues
diverses publications, comme dans la revue In situ 62 dont un numéro fut spécia-
lement consacré au patrimoine universitaire.

61 http://patrimoine-artistique.u-bordeaux3.fr/
62 Revue électronique du ministère de la Culture (service de l’Inventaire).

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Partie II

L’œuvre et son dossier

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Dossier d’œuvre
et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité
Corinne Jouys Barbelin

Dossiers d’œuvres et dossiers de régie d’œuvre 1 sont devenus au cours des trente
dernières années des outils indispensables à toute équipe scientifique travaillant
au contact des collections muséales. Ils se sont multipliés, se sont structurés, se
sont souvent standardisés, pour s’inscrire aujourd’hui au cœur de la documentation
des conservations et au centre de l’activité du personnel chargé de la documen-
tation scientifique. C’est ainsi que leur constitution et leur enrichissement repré-
sentent désormais l’une des missions majeures du personnel de documentation.
Le dossier d’œuvre est communément compris comme un dossier réunissant
des informations sur une (ou plusieurs) œuvre(s) des collections du musée (son
acquisition, son état sanitaire, sa couverture photographique, les publications dont
elle fait l’objet, les comparaisons). Le dossier de régie d’œuvre est, quant à lui, un
dossier rassemblant des informations sur la gestion matérielle d’une œuvre et sur
ses mouvements (prêts, récolement, transferts internes, état sanitaire, valeur d’as-
surance, localisation…). Si ces définitions, encore vagues, recouvrent des réalités
bien différentes d’un musée à l’autre, les professionnels des musées s’accordent tou-
tefois à considérer que le dossier d’œuvre est destiné à accompagner l’œuvre tout
au long de sa présence dans les collections du musée, alors que le dossier de régie
est conçu plutôt lors de l’organisation d’une exposition, de travaux, d’un déména-
gement, d’une restauration, ou d’un récolement.
Contre toute attente, ces types de dossiers n’ont jamais donné lieu à des directives
précises du service des Musées de France. Il n’existe à ce jour aucune prescription
sur leur composition ou leur communication. On observe d’un musée à l’autre, et
parfois même d’un service à l’autre pour les musées les plus grands, d’importantes
disparités quant aux pièces constitutives des dossiers et à leurs conditions de consul-
tation. Ces disparités résultent le plus souvent de l’histoire même de l’institution
ou de la collection, de la politique du musée et de son organisation, ou encore du
type d’œuvres auquel se rapporte le dossier. Le dossier d’un objet archéologique
diffère fréquemment de celui d’une peinture ou de celui d’une sculpture contem-
poraine. La diversité des dossiers de régie d’œuvres est encore plus forte. En effet,
selon la place qu’occupe la régie d’œuvre dans l’institution muséale, et les liens
plus ou moins étroits qui existent entre la régie et la documentation du service de
conservation, le dossier peut revêtir des formes bien différentes. Il est ainsi fré-
quent que les dossiers d’œuvres incluent les documents de régie, quand le musée
est de petite taille et ne possède pas de régisseur, ou que documentation et régie se

1 Je remercie Isabelle Gaétan, responsable de la documentation au musée d’Orsay, pour ses relectures
attentives.

57

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Partie II – L’œuvre et son dossier

trouvent installées dans les mêmes locaux. La situation la plus courante est celle du
reversement des informations du dossier de régie dans le dossier d’œuvre lorsque
l’événement ayant justifié la création du dossier de régie n’est plus d’actualité 2.
Cependant, cette hétérogénéité ne doit pas occulter le fait que dossiers d’œuvres
et dossiers de régie ont le même objectif quel que soit le musée : rassembler des
informations fiables et pertinentes, disponibles à tout instant pour répondre aux
besoins de la gestion des collections et de leur diffusion. À ce titre, ils constituent
aujourd’hui un véritable enjeu en matière de politique scientifique des musées fran-
çais. Le redéploiement des collections, leur publication, leur récolement ou leur
restauration, l’organisation d’expositions temporaires ou de manifestations autour
des œuvres, l’acquisition de nouveaux biens culturels, sont autant d’actions venant
s’appuyer sur la consultation de ces dossiers devenus un véritable gage d’efficacité.
Il n’en demeure pas moins que les professionnels des musées s’interrogent encore
sur leur composition et leur statut, sur leur organisation et leur gestion maté-
rielle, sur leur format papier ou numérique. Ces questions, pour lesquelles le Code
du patrimoine 3, la loi CADA 4 et le Code de la propriété intellectuelle (CPI)
peuvent apporter parfois des éléments de réponses, sont incontournables si l’on
veut approcher la problématique plus générale de la gestion de l’information et
de sa diffusion au sein des musées.

Composition des dossiers d’œuvres 5


D’un musée à l’autre, les dossiers d’œuvres peuvent être plus ou moins exhaustifs.
Ce caractère repose sur la décision même du service, ou sur ces capacités à collec-
ter des documents parfois difficiles à trouver. Construire et enrichir des dossiers
d’œuvres nécessitent une veille constante sur le domaine concerné, un dépouil-
lement régulier des publications et une attention aux documents administratifs
produits ou reçus par l’établissement. Ces tâches mobilisent du personnel, de l’es-
pace physique ou numérique pour classer et conserver, du matériel pour repro-
duire (photocopieur ou scanneur), des fournitures (chemises, sous-chemises,
pochettes en polyester, boîtes…). Les contraintes actuelles qui pèsent sur les res-
sources humaines et sur les crédits de fonctionnement n’offrent pas toujours les
conditions suffisantes pour exercer de manière optimale cette fonction scientifique.

2 On comprend ainsi pourquoi les musées sont (si) nombreux à affirmer ne pas posséder de dossier de
régie d’œuvre.
3 La loi 2008-696 relative aux archives a été intégrée au Code du patrimoine.
4 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’admi-
nistration et le public, dite loi CADA, du sigle de la Commission d’accès aux documents administratifs
chargée de l’application de cette loi.
5 Les développements qui suivent concernent les dossiers d’œuvres uniquement, dans la mesure où ils
sont envisagés ici comme exhaustifs et donc comprenant les informations contenues habituellement dans
les dossiers de régie.

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Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité

Les thèmes des informations collectées 6


Les dossiers d’œuvres les plus complets rassemblent des documents, sous forme
d’originaux ou de copies, que nous pouvons classer de manière thématique :
1. Historique de l’œuvre avant son entrée dans les collections du musée
2. Entrée de l’œuvre dans les collections du musée
3. Étude de l’œuvre
4. Comparaison avec des œuvres présentant des similitudes stylistiques, tech-
niques, iconographiques
5. Couverture photographique
6. Analyses en laboratoire
7. Restauration
8. Expositions
9. Correspondance
10. Fortune de l’œuvre (réutilisation de l’œuvre ou de son image à une époque
ultérieure)
11. Litiges (contentieux)
Comme nous l’avons évoqué, il est fréquent que les dossiers d’œuvres les plus
exhaustifs incluent les dossiers de régie, en ce sens qu’ils comprennent les constats
d’état 7 successifs, les demandes de prêt, les fiches de récolement, les documents
relatifs aux dépôts, les rapports d’analyse et de restauration. Cependant, il est tout
aussi fréquent que les rapports de restauration et les rapports d’analyse soient
conservés à part, parfois même hors de la documentation.
Un dossier d’œuvre exhaustif, qui recouvre tous ces thèmes, est une vraie mine
d’informations pour un chercheur. Sa valeur ajoutée principale réside dans la partie
consacrée aux comparaisons avec d’autres œuvres. En effet, la collecte de ces docu-
ments implique une maîtrise non seulement des techniques documentaires, mais
aussi du domaine concerné.
La composition des dossiers d’œuvres reflète le public cible auquel est destiné en
premier lieu ces outils. Quand les dossiers sont créés pour répondre avant tout aux
besoins du service de conservation, ces dossiers auront pour objectif d’être le plus
complet possible. En revanche, si ces dossiers sont constitués pour être commu-
niqués à un public extérieur (chercheurs, étudiants, journalistes, marchands d’art,

6 Voir la composition d’un dossier d’œuvre en annexe 1.


7 Il s’agit, d’une part, d’un examen visuel objectif visant à la collecte de données pertinentes relatives à
l’état de conservation d’un bien culturel ; d’autre part, du document écrit issu de l’examen visuel d’un bien
culturel enregistrant les données signifiantes et exploitables relatives à son état de conservation. C’est la
fiche de santé qui décrit l’état physique de chaque objet, son état général et ses fragilités, depuis son entrée
dans la collection, et en note l’évolution au cours des années. La rédaction du constat d’état suit une ter-
minologie constante : les mêmes phénomènes portent les mêmes noms (matériaux, techniques, altéra-
tions), les dimensions sont données dans les mêmes unités de mesure et prises aux mêmes endroits pour
les mêmes types d’objets. Un rapport sur l’état des objets, daté et mis à jour régulièrement, est intégré au
dossier d’œuvre. C’est une pièce essentielle pour la connaissance et la gestion des collections, la conserva-
tion préventive et les priorités en restauration. Un constat d’état est établi à l’occasion d’une demande de
prêt, avant le départ et au retour de l’objet.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

« grand public »…) dans un souci de large diffusion des connaissances et d’ouver-
ture, alors la présence de certaines pièces pourront être jugées peu utiles ou peu
souhaitables, comme les fiches de déclaration d’incident, les documents ayant
trait à un contentieux ou même les constats d’état. Dans ce cas, on constate fré-
quemment l’existence de dossiers d’œuvres « parallèles » réalisés par le service de
conservation ou bien la dispersion dans divers bureaux de documents non com-
muniqués à un large public. Ces situations sont regrettables en termes de déve-
loppement durable ou de perte d’informations.
Enfin, des documents jugés confidentiels sont parfois rassemblés dans des enve-
loppes ou chemises glissées dans le dossier, afin d’en éviter la communication.
Cette pratique peut nuire à l’application des règles de communicabilité.

La nature des documents collectés :


archives et documentation 8
Une grande part des documents présents dans les dossiers d’œuvres est consti-
tuée des copies d’articles de périodiques ou d’extraits de monographies publiées,
fruits du travail de dépouillement quotidien du personnel de documentation et
de conservation. Pour les archivistes, ces documents publiés sont de la documen-
tation à proprement parler.
Les dossiers d’œuvres comportent également et fréquemment des pièces d’archives
au sens de l’article L. 211-1 du Code du patrimoine 9. Dans le cas des œuvres des
musées nationaux et des musées des collectivités territoriales, ces pièces constituent
le plus souvent des archives publiques 10. Il s’agit de courriers, d’extraits d’inven-
taires ou de livres d’entrée, de constats d’état, de fiches de récolement, de rapports,
d’ampliations, d’arrêtés, d’extraits de travaux d’étudiants, de devis, de factures…
Au sens de la loi CADA, ces documents sont également administratifs 11. En tant
qu’archives publiques, ils obéissent à des règles de gestion particulières, tant pour
leur élimination que pour leur communication. Même pour ce qui concerne les
copies, certaines règles sont à observer.

8 Voir Annexe 1.
9 « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur
forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou orga-
nisme public ou privé dans l’exercice de leur activité » (Code du patrimoine, art. L. 211-1).
La littérature grise – documents produits à l’intention d’un public restreint, en dehors des circuits com-
merciaux de l’édition et de la diffusion, et en marge des dispositifs de contrôle bibliographique – est ici
considérée comme archives.
10 « Les archives publiques sont : a) Les documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivi-
tés territoriales, des établissements et entreprises publics ; b) Les documents qui procèdent de l’activité des
organismes de droit privé chargés de la gestion des services publics ou d’une mission de service public ;
c) Les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels » (Code du patrimoine, art. L. 211-4).
11 « Sont considérés comme documents administratifs, […], quels que soient leur date, leur lieu de conser-
vation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service
public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les per-
sonnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers,
rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et
réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions. […] » (loi n° 78-753 du 17 juillet 1978
portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, art. 1).

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Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité

Il arrive également que les dossiers d’œuvres accueillent des pièces d’archives
privées 12, comme un courrier échangé entre deux collectionneurs, ou une pho-
tographie d’objet réalisée avant l’entrée de l’œuvre dans les collections du musée.
Attention : la gestion, la communication et la reproduction des archives privées
reposent sur un accord contractuel, d’où l’importance de rédiger des lettres de don
ou de dépôt explicites lors de chaque entrée de fonds privé.

Les types d’informations contenues dans les documents 13


Ces dossiers montrent une grande richesse d’informations. Le plus souvent, les
dossiers d’œuvres comme les dossiers de régie renferment des informations rela-
tives à des personnes privées (noms et coordonnées), à la sécurité publique (des-
cription des réserves, des systèmes de sécurité des salles ou des accès) ou au secret
industriel et commercial (procédures d’analyse). Parfois un même document
comprend plusieurs types d’informations. Un inventaire ou un livre d’entrée peut
donner le nom et les coordonnées d’un collectionneur privé, le prix d’acquisition
de l’œuvre et son emplacement précis en réserve. De même, un rapport de res-
tauration peut livrer un mode opératoire et une description du système de sécu-
rité sur le montage de l’œuvre. Un constat d’état, le nom et les coordonnées du
prêteur privé, ainsi que des préconisations pour la sécurité de l’œuvre. Identifier
ces types d’informations est de première importance pour permettre ou non la
communication des dossiers.

Création, enrichissement, désherbage et


conditionnement matériel des dossiers d’œuvres
Création et enrichissement
À la question « Faut-il créer un dossier par œuvre ? », la réponse pourra différer
en fonction du type d’objet et de l’ampleur des collections. Ne réserver un dossier
d’œuvre qu’aux chefs-d’œuvre ou aux œuvres exposées n’est dû, le plus souvent,
qu’au manque de personnel affecté à cette tâche ou à l’absence d’espace requis. La
raison est autre quand il s’agit de documenter des séries d’objets archéologiques.
Une série de quarante fibules, de même type, de même provenance, de même tech-
nique, de même date nécessite-t-elle quarante dossiers d’œuvres ? Ne peut-on pas
se contenter d’un dossier commun aux quarante objets dans lequel sont déposées
une reproduction photographique et une courte fiche technique pour chacun ? Le
choix revient au musée.
À la question « Jusqu’où aller dans l’ajout des documents aux dossiers d’œuvres ? »,
les réponses dépendent étroitement du mode de fonctionnement du musée. Il est

12 « Les archives privées sont l’ensemble des documents définis à l’article L. 211-1 qui n’entrent pas dans
le champ d’application de l’article L. 211-4 » (Code du patrimoine, art. L. 211-5).
13 Voir Annexe 2.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

des équipes de conservation qui souhaitent voir rassemblé, dans un même lieu
et dans un même dossier, l’ensemble des pièces relatives à une œuvre, pour une
plus grande réactivité. D’autres musées, dans un souci de conservation des docu-
ments, séparent les photographies et les CD-Rom pour déposer ces supports dans
des salles climatisées. D’autres musées, encore, vont devoir par manque de place,
extraire des types de documents comme les rapports de restauration ou d’ana-
lyses. Enfin, certains musées, parce que le service de la régie des œuvres et celui
de la documentation sont implantés dans des espaces différents et éloignés, vont
être contraints d’établir les deux types de dossiers.
La réponse à ces deux questions va donc dépendre de la politique scientifique du
musée, des moyens humains et des ressources matérielles dont il dispose.
Pour surmonter ces difficultés organisationnelles, la production de dossiers d’œuvres
sous format numérique semble tout indiquée. Pourtant la solution n’est pas aussi
simple. La constitution d’un dossier sous format numérique pose des problèmes
tant informatiques (structuration des données, stockage, sécurité) que juridiques
(communicabilité et gestion des droits d’auteur).
Alimenter des dossiers d’œuvres ou de régie fait souvent appel à des pièces d’ar-
chives. Cependant, le fait que ces dossiers puissent contenir des pièces d’archives
originales est contraire à l’une des principales règles de l’archivistique qu’est le
respect des fonds. Le principe du respect des fonds d’archives implique de mainte-
nir l’intégrité matérielle et intellectuelle de chaque fonds, celui-ci reflétant l’orga-
nisation de l’établissement. Il s’agit de ne pas séparer les documents qui composent
un fonds pour les répartir dans des dossiers thématiques sans lien avec le service
ou l’institution qui l’a produit. Cette règle permet aux chercheurs de ne pas perdre
de vue le lien organique unissant chaque document à l’entité qui l’a émis. Il est
vivement conseillé de ne mettre que des copies de ces archives dans les dossiers,
l’important étant de collecter des informations.
Alimenter un dossier d’œuvre, c’est aussi reproduire des documents. Or repro-
duire une œuvre de l’esprit originale (article, monographie, photographie, dessin,
rapport, travaux d’étudiants…) confère à l’auteur des droits patrimoniaux 14. Ces
droits sont temporaires (soixante-dix ans après la mort de l’auteur) et peuvent faire
l’objet d’une cession en contrepartie de laquelle l’auteur peut percevoir une rému-
nération. Cette cession doit être très précisément formalisée dans un contrat 15. La
perception des droits d’auteur liés à la reproduction par photocopie d’un document

14 Code de la propriété intellectuelle, art. L. 111-1 : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre,
du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit com-
porte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. »
Une seule exception au droit d’auteur a été introduite au profit des musées, bibliothèques et services d’ar-
chives : la reproduction d’une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées
à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d’études privées par des particuliers,
dans les locaux de l’établissement et sur des terminaux dédiés par des services d’archives, sous réserve que
ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial (art. L. 122-5, 8).
15 Code de la propriété intellectuelle, art. L. 131-3 : « La transmission des droits de l’auteur est subordon-
née à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et
que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant
au lieu et quant à la durée. »

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Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité

publié trouve une solution au travers du contrat que le musée doit avoir signé avec
le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) 16.

Désherbage et élimination
Se pose parfois la question du désherbage 17 du dossier, quand les documents ne
présentent plus la fiabilité ou la pertinence requise. Si l’élimination de copies d’ar-
ticles ou de monographies ne pose aucun problème, en revanche celle de pièces
d’archives originales nécessite une attention toute particulière. L’élimination d’ar-
chives publiques, pour les musées nationaux, ne peut se faire qu’avec l’accord du
chef de la Mission des archives, en charge du contrôle scientifique et technique 18.
Pour les musées des collectivités territoriales, l’autorisation relève du directeur des
Archives départementales. C’est un argument de plus, s’il en est besoin, pour ne
mettre dans les dossiers d’œuvres que des copies de pièces d’archives.

Conditionnement
Pour le conditionnement des dossiers sous format papier, les documents sont en
général réunis dans une chemise ou une boîte, et sont organisés de manière thé-
matique. Sur la chemise ou la boîte sont portés le titre de l’œuvre et son numéro
d’inventaire 19 pour l’identification du dossier.
La présence de tirages photographiques dans les dossiers d’œuvres pose des pro-
blèmes de conservation. Il est plutôt conseillé de conditionner ces documents
dans des boîtes adaptées, dans des pochettes en polyester de type Mylar, et dans
une pièce au climat contrôlé.
Pour une meilleure gestion des dossiers d’œuvres, afin que leur communication et
leur alimentation par les équipes de documentation, de conservation et de régie,
soient optimales, il est vivement recommandé de réunir les dossiers dans un même

16 Société de perception et de répartition de droits de propriété littéraire et artistique, le CFC gère les
droits des auteurs et des éditeurs pour les différentes copies papier et numériques de leurs œuvres (http://
www.cfcopies.com/). II est l’unique société agréée par le ministre de la Culture pour gérer le droit de repro-
duction par reprographie de la presse et du livre en France.
17 Opération consistant à éliminer des rayons les documents qui ne peuvent plus être utilisés en raison
de leur usure matérielle ou de l’obsolescence de l’information qu’ils contiennent. Cf. Boulogne Arlette,
Vocabulaire de la documentation, Paris, ADBS, 2004, p. 76.
18 Code du patrimoine :
Art. R. 212-14
« […] Lorsque les services, établissements et organismes désirent éliminer les documents qu’ils jugent inu-
tiles, ils en soumettent la liste au visa de la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l’État
sur les archives. Toute élimination est interdite sans ce visa.
Dans tous les cas, les documents à éliminer sont détruits sous le contrôle technique du service interminis-
tériel des archives de France de la direction générale des patrimoines. ».
Art. L. 213-3
« […] le fait, pour une personne détentrice d’archives publiques en raison de ses fonctions, de détourner
ou soustraire tout ou partie de ces archives ou de les détruire sans accord préalable de l’administration des
archives est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, pour une personne détentrice d’archives publiques en raison de ses fonc-
tions, d’avoir laissé détruire, détourner ou soustraire tout ou partie de ces archives sans accord préalable de
l’administration des archives. »
19 Ce numéro, communément appelé « numéro d’inventaire », peut être un numéro d’usage ou un numéro
d’entrée, et non le numéro emprunté à un inventaire stricto sensu.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

espace non accessible à tous, et dans des armoires fermées à clé. Ce conditionne-
ment se justifie par les règles de communicabilité attachées à la consultation des
archives publiques et des archives privées par des personnes extérieures au service.
De même, il est conseillé que chaque sortie de dossier soit signifiée par un fantôme.

La communication des dossiers d’œuvres


et des dossiers de régie
Si la communication des copies de documents publiés ne pose aucun souci, la
communicabilité des pièces d’archives sous forme d’originaux ou de copies obéit
à des règles strictes : la communicabilité des archives privées repose sur les règles
contractuelles définies lors de l’acquisition des pièces 20 ; la communicabilité des
archives publiques est soumise au Code du patrimoine 21.

Le principe de la libre communicabilité


Les archives publiques sont librement communicables 22 et à tout citoyen 23. Aucun
établissement public détenteur d’archives publiques ne peut donc mettre en place
des mesures discriminatoires destinées à empêcher un citoyen d’exercer son droit
d’accès aux archives publiques. Ce qui signifie que toute interdiction d’accès repo-
sant sur la qualité de la personne (étudiant, chercheur, marchand d’art, journa-
liste…), sur son niveau de connaissances ou sur sa nationalité, est invalide, et peut
entraîner un recours auprès de la Commission d’accès aux documents adminis-
tratifs (CADA), puis devant les tribunaux administratifs.
La communicabilité repose sur l’analyse des informations contenues dans un
document. Si un document comprend des informations de natures différentes
entraînant des délais de communication différents, alors l’agent doit communi-
quer le document en occultant les informations non communicables. Cependant,
le document doit être divisible, l’occultation ne doit pas dénaturer le document
et lui faire perdre son sens. Si le document est indivisible, le délai de communi-
cation le plus fort l’emporte.
La communicabilité en fonction de la nature des informations exerce un lourd
impact sur le travail des documentalistes chargés de la communication des dos-
siers d’œuvres. En effet, cette réglementation impose que désormais tout docu-
ment soit analysé avant sa consultation. Des centres de documentation ont été
amenés à revoir l’organisation de l’accueil du public extérieur et à imposer que soit
pris un rendez-vous pour toute consultation de dossier d’œuvre, afin d’en extraire
les informations soumises à délai restrictif.

20 Le Code du patrimoine ne traite pas des règles de communicabilité des archives privées ; la communi-
cation, comme l’exploitation, repose sur les conditions voulues par le donateur ou le dépositaire, et trans-
crites dans l’acte de don, de legs ou de dépôt.
21 Code du patrimoine, art. L. 213-1 à 213-8.
22 Code du patrimoine, art. L. 213-1.
23 Préambule de la Constitution, art. 1.

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Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité

Rassembler les documents contenant des informations soumises à délai restric-


tif dans une même chemise n’est pas une solution, puisque la communication se
fait à l’information et en fonction de la date du document. La personne chargée
de communiquer le dossier devra à chaque demande vérifier si l’information est
devenue communicable.

Restrictions au principe de libre communicabilité


Tout d’abord, le droit d’accès ne concerne que les documents achevés. Ainsi, les
documents préparatoires à une décision administrative n’y sont pas soumis tant
que celle-ci est en cours d’élaboration. Le droit d’accès ne s’applique pas aux docu-
ments réalisés dans le cadre d’un contrat de prestation de services exécuté pour le
compte d’une ou de plusieurs personnes déterminées.
Le droit d’accès ne concerne pas non plus les actes et documents élaborés ou
détenus par les assemblées parlementaires, les avis du Conseil d’État et des juri-
dictions administratives, les documents de la Cour des comptes et les documents
des chambres régionales des comptes, les documents d’instruction des réclama-
tions adressées au médiateur de la République, parce que ces documents ne sont
pas considérés comme des documents administratifs au titre de la loi CADA.
Enfin, le droit d’accès aux archives publiques est limité dans trois cas :
– quand il s’agit de protéger l’intérêt public ;
– quand il s’agit de protéger les intérêts privés ;
– quand il s’agit de protéger le déroulement des procédures juridictionnelles.
Les restrictions de cet ordre ne signifient pas pour autant que les informations
relevant de ces exceptions à la communication ne seront jamais communiquées.
Leur communication est simplement soumise à un délai.
Si les informations soumises à délai restrictif ont été publiées, elles deviennent
alors communicables.
Cependant ces restrictions ne s’appliquent pas :
– quand le demandeur du document est directement concerné par le document
administratif qu’il souhaite consulter. Cela peut être le cas d’un donateur qui sou-
haite consulter un courrier qu’il a adressé au musée ;
– quand la demande de dérogation a abouti positivement.

Les délais de communicabilité applicables


aux dossiers d’œuvres 24
Les informations rencontrées fréquemment dans les dossiers d’œuvres, soumises
à des délais restrictifs sont pour l’essentiel :
– des informations sur la sécurité des œuvres ou des lieux qui sont communi-
cables au terme d’un délai de cinquante ans à la date du document, au titre de la
sécurité publique. Ces informations concernent la description des réserves, des

24 Voir Annexe 2.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

systèmes de sécurité dans les salles, les vitrines ou des données sur les montages.
Elles se retrouvent dans les fiches de récolement, les constats d’état, les rapports
de restauration, les fiches d’incident, les fiches de prêt… ;
– des informations portant sur les personnes privées (coordonnées, jugement de
valeur) qui sont communicables au terme d’un délai de cinquante ans à la date du
document, au titre de la protection de la vie privée. Ces informations se retrouvent
dans la correspondance, les livres d’entrée, les inventaires, les arrêtés d’acquisition… ;
– des rapports d’analyse (dossiers techniques) qui sont communicables au terme
d’un délai de vingt-cinq ans à la date du document, au titre du secret industriel
et commercial 25.
Il arrive parfois que la communication de certaines informations puisse porter
atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État en matière de politique extérieure. Il
peut s’agir d’un document échangé lors de négociations internationales pour l’ob-
tention d’une fouille ou l’organisation d’une exposition, ou d’un document ana-
lysant la situation internationale ou encore traduisant la politique extérieure du
gouvernement. Ces informations sont alors communicables au terme d’un délai de
cinquante ans à la date du document. Leur analyse étant complexe, il est conseillé
de se tourner vers la CADA pour avis.
Par ailleurs, la CADA, dans son avis 20051020 rendu le 3 mars 2005, a estimé que
les thèses, dans leur version définitive, et qui ont donné lieu à l’attribution d’un
diplôme de l’enseignement supérieur, constituent des documents administratifs
communicables à toute personne en faisant la demande, dans les conditions prévues
par la loi du 17 juillet 1978, sous réserve que la thèse ne fasse pas déjà l’objet d’une
publication. Leur communication peut néanmoins être assujettie à l’application
éventuelle de délais restrictifs, essentiellement dans le cas de la protection de la
vie privée. La libre communicabilité des thèses est aujourd’hui étendue à tous les
travaux d’étudiants, hormis la thèse des élèves de l’École des Chartes.
En matière de rapports de restauration, les informations contenues dans les dos-
siers d’œuvres peuvent être de nature très variée et différer d’un musée à l’autre,
voire d’un restaurateur à l’autre. Leur communication est assurée par l’autorité qui
détient les documents (art. 2 de la loi CADA). Si des informations contenues dans
ces documents sont soumises à des délais spéciaux, l’autorisation de consultation
par dérogation est délivrée par la direction des Archives de France, après accord
de l’autorité dont émanent les documents (Code du patrimoine, art. L. 213-3).
S’agissant des restaurations et des analyses effectuées en laboratoire, les dossiers
sont librement communicables de plein droit, à l’exception des informations rela-
tives au secret industriel et commercial (mode opératoire ; vingt-cinq ans à la date
du document), à la vie privée des individus (nom, coordonnées ; cinquante ans à la
date du document), et à la sécurité publique (description du montage, des mesures
de sécurité ; cinquante ans à la date du document).
Les informations sur le prix des œuvres et leur valeur d’assurance sont, pour la
CADA, des informations librement communicables. L’acquisition des œuvres des

25 Arrêté du 28 août 1980 fixant la liste des documents administratifs ne pouvant pas être communiqués
au public par le ministère de la Culture. Cependant ce texte, maintenant ancien, traite des documents et
non des informations.

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Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité

collections nationales ou territoriales relevant des deniers publics, il est fondé, pour
la CADA, que toute transparence soit faite sur leur prix. Par ailleurs, les prix d’ac-
quisition des œuvres des collections des collectivités territoriales sont obligatoi-
rement publiés ; quant aux prix de certaines œuvres des musées nationaux, il n’est
pas rare qu’ils apparaissent dans la presse. Pour les valeurs d’assurance, ces valeurs
sont très souvent approximatives. Les arguments selon lesquels communiquer ces
prix, c’est risquer d’infléchir le marché de l’art ou inciter quelque esprit malveil-
lant au vol, sont considérés le plus souvent comme peu solides.
L’application de la réglementation présente souvent des difficultés d’interprétation
pour les informations rencontrées dans les musées. Les avis de la CADA apportent
régulièrement des éclaircissements sur ces points embarrassants. Le service inter-
ministériel des Archives de France et la Mission des archives sont également là
pour apporter conseils et interprétations.

La procédure de dérogation
La possibilité existe pour tout demandeur de bénéficier d’une dérogation aux règles
de communication des archives publiques (Code du patrimoine, art. L. 213-3).
Il est précisé par le Code du patrimoine que cette autorisation est accordée par
le service interministériel des Archives de France aux personnes qui en font la
demande. Le formulaire de demande de dérogation est disponible en ligne 26. Une
procédure, décrite sur le site Internet, a été mise en place par le service intermi-
nistériel des Archives de France (SIAF). Si l’administration refuse de commu-
niquer le document, le demandeur peut faire une demande de dérogation auprès
du SIAF qui transmet alors une demande officielle à l’administration concernée.
L’administration doit rendre au SIAF un avis motivé par une des exceptions prévues
par le Code du patrimoine (art. L. 213-1 et L. 213-2), que va retransmettre le
SIAF au demandeur. En cas de nouveau refus de l’administration, le demandeur
peut alors solliciter un avis de la CADA. Cet avis est consultatif. Il est possible
à la CADA d’autoriser la communication partielle d’un document, en deman-
dant que les informations non communicables soient occultées. Après avis de la
CADA et devant un refus réitéré de l’administration, le demandeur peut intenter
une action pour abus de pouvoir devant les tribunaux administratifs.
Il est vivement conseillé de faire remplir un formulaire de dérogation, même si
le musée accepte de communiquer à un demandeur des informations soumises à
délai restrictif. Cela permettra, au besoin, d’apporter la preuve de l’égalité de trai-
tement de tout demandeur.
La responsabilité juridique de communiquer un document administratif repose
sur le chef de l’établissement. Celui-ci est l’interlocuteur du service interminis-
tériel des Archives de France pour toute motivation de refus ou d’acceptation de
communiquer un document dans le cadre d’un recours.

26 http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/3926

67

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Partie II – L’œuvre et son dossier

Non-communicabilité et confidentialité
Il est fréquent d’entendre qu’un document ne peut être communiqué car il est confi-
dentiel. Ce sont des propos abusifs dans la grande majorité des cas. En France, la
confidentialité est attachée :
– soit à l’exercice de certaines professions (médecins, avocats, notaires, journa-
listes, police…) ; les règles de confidentialité sont alors décrites dans les codes
relatifs à ces professions ;
– soit au secret des affaires ; les règles de confidentialité sont alors décrites précisé-
ment dans les clauses d’un contrat (ex. : la confidentialité d’un système informatique).
Dans un dossier d’œuvre, très rares sont les documents « confidentiels ». Seules les
restrictions au principe de libre communicabilité peuvent être alléguées pour ne
pas communiquer des informations.

La consultation des dossiers d’œuvres


et les droits d’auteur
La communication se fait au choix du demandeur, et dans la limite des possibi-
lités techniques de l’administration 27 :
– par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le
permet pas ;
– par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’admi-
nistration ou compatible avec celui-ci, aux frais du demandeur, sous réserve que
la reproduction ne nuise pas à la conservation du document ;
– par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible au
format numérique.
Il est conseillé de favoriser une consultation sur place afin d’éviter que n’entre en
jeu la réglementation sur les droits patrimoniaux de l’auteur qui découleraient de
la reproduction, sur ses droits moraux, liés à la divulgation de son œuvre 28, ou sur
l’organisation d’une régie de recette.
Si le demandeur souhaite une copie du document, il est préférable de l’inviter à
utiliser son appareil photographique lors de sa venue au centre de documentation
et de lui rappeler les règles de la propriété intellectuelle 29. C’est alors sur le deman-
deur que repose la responsabilité de reproduire une œuvre de l’esprit.
L’affichage en salle de lecture d’un règlement intérieur comprenant les règles de
communicabilité et un rappel sur les droits d’auteur, ne pourra que faciliter la com-
munication matérielle des dossiers en venant désamorcer des conflits éventuels.

27 Loi CADA, art. 4.


28 Néanmoins, le droit moral de divulgation (CPI, art. L. 127-7-1) et les droits patrimoniaux (CPI, art.
L. 131-3-1) associés à un document produit par un agent public, ne peuvent s’opposer à l’accomplissement
d’une mission de service public, sauf pour les enseignants-chercheurs. Cette situation ne se rencontre que
rarement dans les musées.
29 Il est possible de faire signer au demandeur un document dans lequel il s’engage à observer les droits
de l’auteur.

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Constitution et communicabilité

La réutilisation des informations des dossiers


Il est fréquent de constater la prise de notes ou la saisie de données par un deman-
deur, lors de la consultation de dossiers d’œuvres. Cette situation, qui peut être
source de crispation pour le personnel des conservations qui peut se sentir spolié
des informations difficilement rassemblées, relève de la réglementation sur la réu-
tilisation des informations publiques. Depuis 2005 30, la loi prévoit la possibilité
de réutiliser les informations publiques à d’autres fins que celles pour lesquelles
elles sont détenues ou élaborées. Si l’obtention des informations occasionne un
coût pour l’administration ou si l’administration souhaite obtenir une rémunéra-
tion de ses droits de propriété intellectuelle, celle-ci peut demander le paiement
d’une redevance après avoir conclu une licence de réutilisation. Le non-respect
des clauses de la licence, ou la dénaturation des informations publiques, est pas-
sible de sanctions prononcées par la CADA, sur une plainte de l’administration.
Les demandeurs doivent pouvoir bien identifier les informations publiques dont
dispose l’administration. L’article 17 de la loi du 17 juillet 1978 prévoit que « les
administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques tiennent
à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels
ces informations figurent ».
Le principe est la libre réutilisation des informations publiques. Cependant, les
documents suivants sont écartés :
– documents contenant des informations non communicables ;
– documents contenant les informations ayant trait à l’exercice d’une mission de
service public industriel et commercial de l’administration ;
– documents grevés de droits de propriété littéraire et artistique ;
– documents comportant des données à caractère personnel, sauf si la personne
concernée y a consenti ou si les données ont été rendues anonymes.
Les établissements et institutions d’enseignement et de recherche ainsi que les éta-
blissements et services culturels ont la possibilité de définir leurs propres condi-
tions de réutilisation (cf. licence). Cette réglementation récente, applicable aux
dossiers d’œuvres qu’ils soient sous format papier ou sous format numérique, est
lourde d’enjeux pour les musées et nécessite une vigilance accrue de la part des
documentalistes chargés de la gestion et de la communication des dossiers.

Conclusion
Les dossiers d’œuvres et les dossiers de régie, devenus des outils indispensables à
la bonne gestion des collections, ont donc les statuts suivants :
– ils sont produits documentaires, exigeant fiabilité et pertinence des sources, analyse
de l’information et un minimum de structuration ;
– ils sont dossiers documentaires d’aide à la décision ;

30 La réutilisation des données publiques relève de la directive européenne 2003/98/CE du 6 juin 2005,
aujourd’hui intégrée dans le texte de la loi CADA du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

– ils sont outils documentaires dans la mesure où ils vont être utilisés pour la
construction de produits (publications…) ;
– ils sont dossiers administratifs au sens de la loi CADA ;
– ils sont archives à très longue durée d’utilité administrative, formées de pièces
d’archives au sens du Code du patrimoine et d’une partie purement documen-
taire (extraits de publications).
L’observation des règles juridiques, en matière d’alimentation et de communica-
tion des dossiers, ainsi que les besoins humains et matériels qu’ils nécessitent, en
font des outils à la gestion et à la diffusion complexes – complexité à laquelle le
personnel qui en a la charge n’est pas toujours préparé.
La solution numérique, si elle peut résoudre le problème d’espace 31, favoriser une
plus large diffusion et surtout donner l’image d’un musée moderne, ne résout pas
pour autant l’application des règles de communicabilité et la question des droits
d’auteur. Cette solution exige en amont un travail conséquent des services infor-
matique et juridique de l’établissement, en collaboration étroite avec le personnel
de documentation et de conservation. Or le musée n’a pas toujours les moyens de
s’engager dans un tel projet.
Enfin, au-delà des questions de communicabilité, de droit d’auteur et de réutili-
sation, les informations que rassemblent les dossiers d’œuvres, par leur qualité et
leur fiabilité, sont les indices de la politique scientifique du musée et de sa parti-
cipation à l’évolution de la connaissance. Elles fournissent également un indice
précieux de la santé financière de l’établissement et de son dynamisme.

31 Et encore la question du stockage informatique est tout aussi vive.

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Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.
Constitution et communicabilité

ANNEXE 1 : Composition du dossier d’œuvre


1. Historique de l’œuvre avant son entrée dans les collections du musée
Correspondance [Archives]
Photocopie d’articles, d’extraits de monographies mentionnant l’œuvre [Documentation]
[Attention droits d’auteur]
Extraits de travaux d’étudiant (mémoires de master, thèse…) [Archives si non publiés]
[Attention droits d’auteur]
Photographies anciennes ou copies de ces photographies, ou renvoi aux boîtes archivant les
photographies [Archives] [Attention droits d’auteur]
2. Entrée de l’œuvre dans les collections du musée
Copie d’un extrait du procès-verbal du comité consultatif (pour les collections des musées
nationaux) [Archives]
Copie du procès-verbal de la séance du conseil (pour les collections des collectivités territo-
riales) [Archives]
Copie d’un extrait du livre d’entrée [Archives]
Copie d’extraits des inventaires [Archives]
Copie d’extraits de carnets de fouilles [Archives] [Attention droits d’auteur]
Copie d’arrêté [Archives]
Extrait du catalogue de la vente [Documentation] [Attention droits d’auteur]
Document sur les collectionneurs précédents (correspondance ou articles de périodiques ou
extraits de monographies…) [Archives ou documentation si document publié] [Attention
droits d’auteur, si document publié]
Carte géographique sur le lieu de découverte… [Archives ou documentation si d
­ ocument
publié] [Attention droits d’auteur]
3. Étude de l’œuvre
Photocopie d’articles, d’extraits de monographies mentionnant l’œuvre [Documentation]
[Attention droits d’auteur]
Extraits de travaux d’étudiant (mémoires de master, thèse…) [Archives si non publiés]
[Attention droits d’auteur]
Reproduction du cartel actuel [Documentation]
Reproduction de la fiche publiée sur le site Internet du musée [Documentation]
Reproduction de la fiche extraite de la base scientifique [Archives]
Reproduction de la fiche de récolement [Archives]
4. Comparaison avec des œuvres présentant des similitudes stylistiques, tech-
niques, iconographiques
Reproductions d’articles, d’extraits de monographies mentionnant des œuvres proches, de
reproductions photographiques [Documentation si publiées] [Attention droits d’auteur]
Photocopie de catalogues de ventes [Documentation] [Attention droits d’auteur]
5. Couverture photographique
Reproduction de la couverture photographique la plus récente [Archives] [Attention droits
d’auteur]
Photographies anciennes ou copies de ces photographies, ou renvoi aux boîtes archivant les
photographies [Archives] [Attention droits d’auteur]

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Partie II – L’œuvre et son dossier

6. Analyses en laboratoire
Rapports [Archives, si non publiés] [Attention droits d’auteur]
Correspondance [Archives]
7. Restauration
Rapports (parfois sous forme de CD-Rom) [Archives si non publiés] [Attention droits
d’auteur]
Photographies [Archives] [Attention droits d’auteur]
Devis [Archives]
Factures [Archives]
Correspondance [Archives]
Fiche d’incident [Archives]
8. Expositions
Correspondance [Archives]
Copie de fiche de prêt [Archives]
Copie de déclaration d’assurance [Archives]
Constats d’état [Archives]
9. Correspondance
Demandes de reproductions photographiques [Archives]
Demandes d’informations sur l’œuvre [Archives]
10. Fortune de l’œuvre (réutilisation de l’image de l’œuvre à une époque ultérieure)
Caricatures [Documentation si publiées] [Attention droits d’auteur]
Reproductions sur emballage… [Documentation] [Attention droits d’auteur]
11. Litiges (contentieux)
Constat [Archives]
Correspondance [Archives]
Photographies [Archives, si non publiées] [Attention droits d’auteur]
Copie d’une décision de justice [Documentation si publiée]
Rapport [Archives] [Attention droits d’auteur]

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ANNEXE 2 : Délais restrictifs de communicabilité pour les documents des dossiers d’œuvres 32

Type d’informations Type de documents Nature de la protection Délai de communication


Informations relatives à une personne Correspondance, livres d’entrée, Atteinte au secret de la vie privée 50 ans à la date du document
physique privée (nom, coordonnées) inventaires, procès-verbaux, arrêtés
(acquisition ou dépôt), rapport
Informations relatives uniquement à une Correspondance, livres d’entrée, Libre communication
personne morale privée ou publique inventaires, procès-verbaux, arrêtés
(acquisition ou dépôt), rapport
Informations relatives au mode Correspondance, livres d’entrée,
d’acquisition de l’œuvre (hors inventaires, procès-verbaux, arrêtés
information sur une personne privée) (acquisition ou dépôt), rapport
Achat Si l’achat relève du domaine privé : atteinte au 50 ans à la date du document
secret de la vie privée. Si l’achat a été réalisé en
vente publique : aucune protection
Don et legs Atteinte au secret de la vie privée si mention 50 ans à la date du document
du nom ou des coordonnées
Dation Atteinte au secret de la vie privée si mention 50 ans à la date du document
du nom ou des coordonnées
Spoliation Atteinte au secret de la vie privée si mention 50 ans à la date du document
du nom ou des coordonnées
Saisie en douane Infraction fiscale ou douanière 25 ans à la date du document
Informations relatives au lieu de Correspondance, livres d’entrée, Si le lieu de provenance appartient à un Libre communication
découverte d’une œuvre, à son lieu de inventaires, procès-verbaux, arrêtés État aux relations « sensibles » : atteinte
fabrication, à son lieu de création (acquisition ou dépôt), rapports, au secret de la défense nationale, de la
constats d’état, dossiers de restauration, politique extérieure
dossiers d’analyses en laboratoire
Informations sur l’état d’une œuvre Correspondance, livres d’entrée, Libre communication
inventaires, procès-verbaux, arrêtés
(acquisition ou dépôt), rapports
Informations sur « la vie d’une œuvre » Correspondance, rapports, Atteinte à la sécurité publique et au 50 ans à la date du document
(vol, dégradation) procès-verbaux secret de la vie privée si mention du nom
ou des coordonnées
Informations sur l’exposition temporaire Correspondance, rapports, dossiers
ou permanente d’œuvres préparatoires, arrêtés
Constitution et communicabilité
Dossier d’œuvre et dossier de régie d’œuvre.

73
32 Ce document a été produit dans le cadre des travaux du groupe Fonction documentation du Louvre, en 2010.

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74
Négociations préparatoires à l’organisation Si l’État entretient des relations « sensibles » : Libre communication ou 50 ans à la date
d’exposition atteinte au secret de la défense nationale, de du document (c’est à l’appréciation de
la politique extérieure l’institution)
Organisation matérielle de l’exposition Si l’État entretient des relations « sensibles » : 50 ans à la date du document (politique
atteinte au secret de la défense nationale, de extérieure) ; 25 ans (procédés techniques) à la
la politique extérieure. S’il est fait mention des date du document
procédés d’une entreprise : atteinte au secret
en matière commerciale et industrielle
Mode de montage et description de la vitrine Atteinte à la sécurité publique 50 ans à la date du document
Mesures de sécurité Atteinte à la sécurité publique 50 ans à la date du document
Informations financières Correspondance, livres d’entrée,
inventaires, procès-verbaux, arrêtés
(acquisition ou dépôt), rapports
Partie II – L’œuvre et son dossier

Prix de l’œuvre Si l’achat relève du domaine privé : atteinte au 50 ans à la date du document
secret de la vie privée. Si l’achat a été réalisé en
vente publique : aucune protection
Valeurs d’assurance Libre communication (position actuelle de la
CADA) mais peut être alléguée la sécurité de
l’État (50 ans)
Prix d’une prestation (restauration, prises de Libre communication
vue photographique…)
Traductions de documents Libre communication, mais attention
épigraphiques au droit d’auteur dans le cadre de la
réutilisation du document
Informations sur les chantiers de fouilles Correspondance, livres d’entrée, Atteinte au secret de la défense Libre communication ou 50 ans à la date
dans un État aux relations « sensibles » inventaires, procès-verbaux, arrêtés nationale, de la politique extérieure du document (c’est à l’appréciation de
(acquisition ou dépôt), rapports, cahiers l’institution)
de fouilles
Informations « sensibles » (situation Correspondance, rapports, Atteinte au secret de la défense Libre communication ou 50 ans à la
géopolitique, demandes de restitutions, procès-verbaux nationale, de la politique extérieure date du document ou du document le
certificat de douane…) plus récent inclus dans le dossier (c’est à
l’appréciation de l’institution)
Analyses de laboratoire Rapport d’analyses en laboratoire Atteinte au secret en matière 25 ans à la date du document
commerciale et industrielle
Mode de restauration Rapport de restauration Atteinte au secret en matière 25 ans à la date du document
commerciale et industrielle
Informations visuelles (photographies, Libre communication, mais attention au
dessins) droit d’auteur et au droit à l’image dans
le cadre de la réutilisation du document

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Le service d’Étude et de Documentation
du département des Peintures du musée
du Louvre
Stéphane Loire

Fondé en 1936, le service d’Étude et de Documentation du département des


Peintures du musée du Louvre est le principal lieu de ressources documentaires
disponibles sur les collections de peintures du musée. Constituant l’une des
documen­tations des huit départements de conservation du musée 33, il a acquis
depuis de nombreuses années une importance et une réputation internationales
qui ont contribué à en faire un lieu de recherche incontournable pour l’étude de la
peinture ancienne 34. Réunissant des documents de nature et d’origine très variées
(photographies, extraits d’ouvrages, de catalogues de ventes ou d’expositions, cor-
respondances, documents manuscrits, photocopies,…), qui sont disponibles en
accès libre, c’est un outil de connaissance pour la conservation du département
des Peintures : il permet de fournir des informations sur les collections du musée,
de préparer des publications, d’étudier des acquisitions futures, ou de concevoir
des expositions temporaires. Ce service est avant tout destiné à un usage interne,
mais il est très largement ouvert aux visiteurs extérieurs au Louvre, qu’ils soient
professionnels des musées ou du patrimoine, universitaires, étudiants à partir de la
quatrième année d’études supérieures, et encore professionnels du marché de l’art
ou collectionneurs et amateurs. La mise à jour de cette documentation est princi-
palement le fruit du travail quotidien effectué par son personnel et par l’ensemble
de la conservation du département des Peintures. Son enrichissement s’effectue
aussi grâce à des dons, des legs ou des achats de fonds qui proviennent notam-
ment de visiteurs réguliers avec lesquels ont été entretenues des relations régu-
lières, parfois pendant de longues années 35.

33 Antiquités orientales ; Antiquités égyptiennes ; Antiquités grecques, étrusques et romaines ; Peintures ;


Sculptures ; Objets d’art ; Arts graphiques ; Arts de l’Islam.
34 D’autres fonds comparables sont compris dans les photothèques généralistes de l’Institut Courtauld de
Londres, du RKD (Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie/Netherlands Institute for Art History)
de La Haye, de la Frick Reference Art Library de New York, du Getty Research Institute de Los Angeles et
du Center for Advanced Studies in the Visual Arts de Washington. Il faut y ajouter les photothèques plus
spécialement consacrées à l’art italien du Kunsthistorisches Institut de Florence, de la Bibliotheca Hertziana
de Rome, de l’Istituto Olandese di Storia dell’arte et des fondations Bernard Berenson et Roberto Longhi
de Florence, de la fondation Giorgio Cini de Venise, de la fondation Federico Zeri de Bologne, ainsi que
celle du Zentralinstitut für Kunstgeschichte de Munich consacrée à l’art allemand.
35 Parmi les fonds documentaires provenant d’anciens conservateurs et historiens d’art, collection-
neurs et marchands, il faut surtout mentionner ceux qui ont été offerts au musée par Édouard Michel
(1954), François Boucher (1966), Victoria Cabanel (1979), Charles Sterling (1991), Boris Lossky (1993),
Germain Bazin (1994), Marie-Madeleine Aubrun (1999), Mathieu Hériard-Dubreuil (1997), Hélène et
Jean Adhémar (1998), Raymond de Nicolaÿ (1998), Marie Cabane (2001), Marc Sandoz (2003), Sylvain
Bellenger (2005), Adolphe Stein (2006), Henri Leroux (2007), Stephen de Prémorel-Higgons (2009), la
galerie Fabius Frères (2012). Mais il convient aussi de rappeler l’apport de la photothèque de l’Inspection
générale des musées (2003) et de divers fonds qui ont été acquis de manière onéreuse, en particulier ceux
de Georges Heim-Gairac (1990), Hermann Voss (1993) ou Henri Baderou (1996).

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Partie II – L’œuvre et son dossier

L’initiative de la création de ce service, composante de la conservation du départe-


ment des Peintures du Louvre, revient dans une large mesure à Édouard Michel 36
(1873-1953), qui l’organisa sous l’autorité de René Huyghe 37 et le dirigea jusqu’à
la fin de sa vie. L’idée qui avait présidé à sa naissance avait été de réunir et de
mutualiser, pour chacune des peintures du musée, des données documentaires que
les précédents responsables de ces collections n’avaient pas conservées ou trans-
mises à leurs successeurs 38. Avant la création de ce service, l’activité documen-
taire était pratiquée de manière individuelle par les conservateurs, et sans volonté
clairement affirmée de transmission des connaissances. Souvent bénévoles, des
chargés de mission s’occupaient notamment de constituer des fichiers d’œuvres et
le recours à des personnels spécifiques pour effectuer ces tâches ne s’est s’imposé
que progressivement 39. Après Édouard Michel, ce service a toujours été dirigé par
des conservateurs du département des Peintures, Hélène Adhémar (1953-1961),
Sylvie Béguin (1961-1972), Jacques Foucart (1972-2005), Dominique Thiébaut
(2005-2006) et Stéphane Loire depuis septembre 2006. Il compte actuellement
neuf autres personnes qui en assurent le fonctionnement, notamment pour l’ac-
cueil des visiteurs, en coordination avec les conservateurs du département des
Peintures 40. Il reçoit en outre chaque année une quinzaine de stagiaires étudiants
en histoire de l’art, venus de France et du monde entier, qui fournissent une aide
appréciable pour l’enrichissement du fonds et diverses tâches transversales 41.

36 Ingénieur diplômé de l’École centrale de Paris en 1897, Édouard Michel a travaillé dans l’industrie
jusqu’en 1914 tout en s’intéressant à l’histoire de l’art. À partir de 1919, après la destruction de ses usines
du Nord de la France, il y consacra désormais toute son activité. Nommé attaché au musée du Louvre en
1924, il devint conservateur-adjoint au département des Peintures en 1940 puis conservateur-honoraire
en 1945. Édouard Michel a rendu compte de ses idées sur le fonctionnement des musées dans un ouvrage
intitulé Musées et conservateurs : leur rôle dans l’organisation sociale, Bruxelles, Office de publicité, 1948.
37 René Huyghe (1906-1997) a été conservateur-adjoint du département des Peintures à partir de 1930
avant d’en être le conservateur en chef de 1937 à 1951. Dans ses souvenirs, il écrit : « Jusqu’alors, le Louvre
ne possédait pas de service de documentation, ce qui me semblait fort regrettable […]. Je m’attachai donc
à en créer un […]. Édouard Michel, conservateur, en était responsable […] », Huyghe René, Une vie pour
l’art, de Léonard à Picasso, Paris, De Fallois, 1994, p. 92.
38 Michel Édouard, « La vie dans les musées. I. Au musée du Louvre. I. Service d’étude et de docu-
mentation du département des Peintures », Revue des beaux-arts de France, 9, février-mars 1944, p. 137-
146. L’auteur précise que « l’idée d’un service d’Étude et de Recherche venant s’annexer à la conservation
du département des Peintures du musée du Louvre est née d’amicales conversations avec Louis Demonts,
Jean Guiffrey et Paul Jamot ». La création du service d’Étude et de Documentation a été signalée notam-
ment dans la Gazette des beaux-arts, 1938, 1, p. 318. Voir aussi « Le service d’Étude et de Documentation
du département des Peintures du musée du Louvre », Gazette des beaux-arts, 1980, 2, p. 51-52.
39 La création, au ministère de la Culture, des premiers corps statutaires de chargés d’études documen-
taires, documentalistes et secrétaires de documentation, a eu lieu en 1978. Voir Jouys Barbelin Corinne,
L’Incidence de l’objet documentaire sur l’identité professionnelle. Le cas des agents des grands musées nationaux
chargés de la documentation scientifique des collections, Paris, mémoire de DESS en sciences de l’information
et de la documentation spécialisées, INTD-Cnam, 2006, consultable à l’adresse http://memsic.ccsd.cnrs.fr/.
40 Il s’agit en décembre 2013 de Malika Bouabdellah, Béatrice Delarbre, Stéphanie Koenig, Danièle Kriser,
Michèle Perny, Geneviève Ponge et Bénédicte Verny, documentalistes scientifiques, de Nathalie Gallier, secré-
taire, et de Sophie Boulnois, préposée. En 2012, 3 875 chercheurs français et étrangers, ainsi que des person-
nels internes au musée du Louvre, sont venus consulter les dossiers du service d’Étude et de Documentation.
À titre de comparaison, l’ensemble des documentations des sept autres départements du musée du Louvre
ont reçu 2 088 visiteurs en 2011, tandis que la Documentation du musée d’Orsay en accueillait 2 299.
41 Parallèlement à sa Documentation, le département des Peintures dispose, depuis le début des années 1990,
d’une bibliothèque de proximité commune avec le département des Arts graphiques et réservée à un usage
interne. Sa création a été décidée, avec celles des bibliothèques des autres départements du Louvre, en
prévision du départ, hors du palais du Louvre, de la Bibliothèque centrale des musées nationaux qui doit
rejoindre l’Institut national d’histoire de l’art. En 2013, elle comprend environ 56 000 ouvrages auxquels
s’ajoutent diverses séries de périodiques.

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Le service d’Étude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre

Les dossiers d’œuvres


À l’origine de la création du service d’Étude et de Documentation, il y a eu la
volonté de constituer sur chacun des tableaux du musée du Louvre des dossiers
d’œuvres réunissant toutes les informations disponibles à leur sujet. Ces dossiers
existent à présent pour tous les tableaux inscrits sur les inventaires des peintures
du musée dressés depuis le Second Empire, soit environ 6 000 peintures conser-
vées au Louvre, auxquelles s’ajoutent environ 6 000 autres qui ont fait l’objet depuis
cette époque de dépôts, c’est-à-dire de prêts de longue durée auprès d’autres ins-
titutions publiques françaises 42. Les tableaux déposés l’ont été pour la plupart
dans des musées, mais aussi dans d’autres lieux accueillant des administrations
publiques (ministères, ambassades,…) où ils ont été envoyés par l’intermédiaire du
Mobilier national. Ils restent cependant la propriété de l’État sous la responsabi-
lité du musée du Louvre, qui doit notamment émettre des avis sur les demandes
de prêts adressées aux dépositaires, éventuellement fixer leurs valeurs d’assurances,
et qui doit aussi donner son accord pour les restaurations que les dépositaires sou-
haitent entreprendre. Le département des Peintures doit tenir à jour les dossiers
d’œuvres des tableaux déposés, d’une part pour ses propres besoins documen-
taires, mais aussi afin de les mettre à la disposition des dépositaires qui ne dis-
posent pas toujours des mêmes ressources. Quant aux tableaux passés par le musée
du Louvre à partir de 1793, mais qui ont fait l’objet d’envois dans diverses insti-
tutions publiques avant le Second Empire, ils donnent lieu progressivement eux
aussi à la création de dossiers d’œuvres réunissant des données issues des mêmes
sources que pour les tableaux inscrits sur les inventaires dressés à cette époque. La
gestion administrative de ces « envois de l’État » n’est pas du ressort du départe-
ment des Peintures et revient au Centre national des arts plastiques (Fonds natio-
nal d’art contemporain). Mais ces peintures, dont le nombre doit être de l’ordre
de 3 000, méritent elles aussi d’être prises en compte par le service d’Étude et de
Documentation : elles ont, à un moment ou un autre, figuré dans les collections
du Louvre et ont donc été associées à l’histoire du musée. Inversement, en raison

42 Les peintures du musée du Louvre ont fait l’objet de deux inventaires complets avant le Second Empire :
Entrepris à partir de 1810, l’Inventaire Napoléon constitue le premier recensement des collections du Louvre
dont quatre volumes se rapportent aux peintures (Paris, Archives des musées nationaux, 1DD16 19 ; voir
Chamson-Mazauric Lucie, « L’inventaire du musée Napoléon aux archives du Louvre », Archives de l’art
français, 1950-1957, p. 335-339). Les trois premiers volumes concernent les tableaux alors conservés au
Louvre et classés par écoles (Italie, Allemagne-Flandres-Hollande, France), le 4e comprend 1 261 pein-
tures envoyées dans d’autres institutions à partir de 1801.
À l’Inventaire Napoléon a succédé, à partir de 1824, l’Inventaire des musées royaux (Paris, Archives des musées
nationaux, 1DD76-77 ; voir Barnaud Germaine, « Les anciens inventaires de tableaux du Louvre », Revue
de l’art, n° 18, 1972, p. 34-35). Ce registre comprend un supplément surnommé Inventaire B [blanc]
(Paris, Archives des musées nationaux, 3DD1, volume déposé au département des Peintures) où figurent
des tableaux jugés alors secondaires. L’Inventaire des musées royaux (1824) a été repris en 1832 dans l’In-
ventaire des peintures du musée royal établi sous le règne de Louis-Philippe (1832, Paris, Archives des musées
nationaux, 1DD89-90, 3DD2-3, volumes déposés au département des Peintures). On y trouve en parti-
culier la liste des œuvres « concédées en jouissance sous la Restauration » (3DD3, pp. 721-782, nos 4880-
5227), dont une liste incomplète a été publiée par Louis Courajod, « Objets d’art concédés en jouissance
par la Restauration », Nouvelles archives de l’art français, 1878, p. 371-399.
Un nouvel inventaire général du fonds existant des peintures du Louvre, l’Inventaire général des musées impé-
riaux ou Inventaire Villot (1848-1860, Paris, Archives des musées nationaux, 3DD6-12, volumes déposés
au département des Peintures), a été préparé entre 1854 et 1860 sous la direction de Frédéric Villot, alors
conservateur des peintures.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

de la place qu’elles ont pu tenir dans la présentation des collections, des restau-
rations ou des publications dont elles ont fait l’objet, leur histoire reste indisso-
ciable de celle du Louvre où se trouvent toujours certaines données documentaires
introuvables ailleurs.
D’importance variable, ces dossiers d’œuvres sont rassemblés dans une pièce
unique où ils sont classés selon les écoles auxquelles se rattachent les peintures
(Italie, France, Espagne, Angleterre, Allemagne, Flandres, Hollande, etc.). Pour
chacune des écoles, les dossiers sont rangés dans des meubles à tiroirs où ils sont
répartis selon l’ordre alphabétique des noms d’artistes, et pour les peintures d’un
artiste donné, selon l’ordre croissant des numéros d’inventaires 43. Pour les écoles
où les œuvres sont les plus nombreuses (France, Italie, Flandres et Hollande), ces
dossiers sont éventuellement divisés selon le siècle de naissance des artistes (xiiie,
xive, xve, xvie, xviie, xviiie, première moitié du xixe siècle). Quant aux œuvres
anonymes, elles sont toujours classées selon une école et un siècle et leurs dos-
siers sont placés après ceux des peintures rattachées à un artiste, selon la progres-
sion numérique des numéros d’inventaires.
À l’intérieur des dossiers d’œuvres, les documents sont toujours ordonnés selon
des rubriques identiques 44.

43 Les numéros d’ordre donnés aux tableaux par l’Inventaire Napoléon n’ont pas été reportés sur les
œuvres. En revanche :
– Les numéros correspondants à l’Inventaire des musées royaux (1824), qui sont composés des lettres « M.R. »
(pour « musées royaux ») suivies d’un chiffre pour 5 332 tableaux, ont généralement été reportés à l’encre
rouge ou blanche sur leur revers.
– Les numéros correspondants à l’Inventaire général des musées impériaux ou Inventaire Villot sont com-
posés des lettres « INV. » suivies d’un chiffre pour 10 109 tableaux, dont ceux conservés alors dans d’autres
musées ou palais nationaux (Compiègne, Fontainebleau, Saint-Cloud, Versailles,…). Ce numéro d’inven-
taire est le seul actuellement retenu pour la gestion des peintures entrées au Louvre avant le Second Empire.
– Les peintures entrées dans les collections du Louvre sous le Second Empire (1852-1870) ont reçu un
numéro d’inventaire composé des lettres « M.I. » (pour « musées impériaux ») suivies d’un chiffre pour 1 450
tableaux (registre établi en 1852-1870, Paris, Archives des musées nationaux, 3DD13, volume déposé au
département des Peintures).
– À partir de 1871 et jusqu’en 1937, les peintures nouvellement acquises ont été enregistrées par un numéro
d’inventaire composé des lettres « R.F. » (pour « République française ») suivies d’un chiffre pour 3 990
tableaux (Paris, Archives des musées nationaux, 3DD15-17, volumes déposés au département des Peintures).
– Depuis 1937, les tableaux acquis sont enregistrés par un numéro d’inventaire composé des lettres « R.F. »
suivies de l’année et d’un numéro d’ordre (à partir de RF. 1937-1) (Paris, Archives des musées nationaux,
3DD17 et suivants, volumes en cours, au département des Peintures). Les peintures acquises pour le musée
d’Orsay continuent à y être inscrites.
– À partir de 1951, un inventaire supplémentaire a été créé pour enregistrer les tableaux omis ou non
retrouvés sur les inventaires précédents. Ils y sont enregistrés par un numéro d’inventaire composé des
lettres « INV. » suivies d’un chiffre établi à partir du chiffre 20 000.
– Les peintures confiées au musée du Louvre après la Seconde Guerre mondiale au titre de la Récupération
artistique en Allemagne ont été enregistrées entre 1950 et 1952 par un numéro d’inventaire composé des
lettres « MNR » (pour « musées nationaux récupération ») suivies d’un chiffre. Elles ont fait l’objet d’un
catalogue illustré (Lesné Claude, Roquebert Anne, Catalogue des peintures MNR, Paris, RMN, 2004).
44 Voir l’article de Corinne Jouys Barbelin dans ce volume.

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Le service d’Étude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre

Le service d’Étude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre.


La salle des dossiers d’œuvres.
© Stéphane Loire.

Le sous-dossier « Historique »
Le sous-dossier « Historique » (parfois nommé « État-civil ») réunit les extraits des
principaux catalogues des peintures du musée publiés depuis 1793. Ils peuvent
figurer sous la forme de notices découpées dans ces catalogues, de transcriptions
manuscrites, de photocopies, voire d’extraits d’éditions modernes des premiers
catalogues 45. Pour les tableaux issus des collections royales de l’Ancien Régime,
ces informations sont éventuellement complétées par des mentions des différents
inventaires de ces collections, dont quelques-uns ont donné lieu à des publications

45 Le premier catalogue des peintures du Louvre, qui figure dans le Catalogue des objets contenus dans
la galerie du Muséum français, décrété par la Convention nationale, le 27 juillet 1793 l’an second de la
République française, Paris, an II [1793], a donné lieu à une édition annotée par Marie-Martine Dubreuil
(« Le Catalogue du Muséum français [Louvre] en 1793 », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art fran-
çais, 2001 [2002], p. 125-165). Le second à une édition annotée par Stéphanie Koenig (« Le Muséum des
arts [Louvre] en 1796 : catalogue des peintures exposées », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français,
2010 [2011], p. 169-189). Une liste, complète jusqu’en 1926, des catalogues des peintures du musée du
Louvre figure dans l’ouvrage de Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Répertoire des catalogues du musée du
Louvre (1793-1926) (2e éd., Paris, Musées nationaux-Palais du Louvre, 1927). Voir aussi Stéphane Loire,
Les catalogues des peintures du musée du Louvre (1793-2013), à paraître. Pour les catalogues publiés depuis
cette date, voir l’Annexe à la fin du texte.

79

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Partie II – L’œuvre et son dossier

imprimées 46. Pour les tableaux entrés au Louvre après la création du musée, cette
rubrique peut comporter des extraits des catalogues des ventes dans lesquels ils
ont figuré, ou d’autres données relatives à leur acquisition, voire à leurs précédents
propriétaires. Elle peut aussi inclure des correspondances ou des signalements, non
publiés, d’opinions qui ont été données par un spécialiste sur l’attribution d’un
tableau, sur sa datation, son iconographie ou sa place dans l’œuvre de son auteur.

Le sous-dossier « Bibliographie »
Le sous-dossier « Bibliographie » a vocation à recueillir toutes les mentions impri-
mées d’un tableau depuis sa création jusqu’à nos jours, en français ou dans d’autres
langues. Il peut s’agir de textes de plusieurs pages, voire d’ouvrages entiers qui ont
été consacrés à un seul tableau, mais ces mentions illustrées ou non peuvent aussi
ne comporter que quelques lignes. Ces textes sont tirés d’ouvrages généraux d’his-
toire de l’art, de monographies sur un artiste, de catalogues d’expositions, de pério-
diques ou d’ouvrages collectifs (actes de colloques, volumes de mélanges,…), et leur
réunion, qui a vocation à être mise à jour de manière permanente, doit permettre
à tout moment de disposer d’informations bibliographiques aussi complètes que
possible sur une œuvre donnée. Ici aussi, ces textes sont présents de préférence sous
la forme de documents originaux issus de dépouillements d’imprimés, mais aussi
grâce à des transcriptions manuscrites ou à des photocopies. L’essentiel de ces ras-
semblements bibliographiques est issu de l’activité régulière de l’équipe du service
d’Étude et de Documentation et de l’ensemble de la conservation du département
des Peintures, notamment pour les dépouillements de catalogues d’expositions reçus
au titre de justificatifs pour des prêts d’œuvres, ceux d’une vingtaine de périodiques
spécialisés reçus par voie d’abonnement, ou encore ceux d’ouvrages acquis pour la
bibliothèque du département des Peintures. Pour d’autres, publiés dans des sup-
ports plus inhabituels, leur arrivée est souvent le résultat d’une recherche spécifique
sur un tableau visant à compléter son dossier d’œuvre, de l’envoi par son auteur
d’un tiré-à-part, ou encore de son signalement inattendu, qui peut résulter par
exemple de la découverte fortuite de la mention d’un tableau du Louvre dans un
texte littéraire 47. Les tableaux du musée du Louvre sont si souvent cités et repro-
duits qu’il serait illusoire de prétendre que ces rassemblements sont exhaustifs mais

46 L’inventaire du Garde-Meuble établi par Gédéon Berbier du Metz à partir de 1673, où l’on trouve
les œuvres commandées par le roi pour le décor de ses appartements, chapelles et châteaux, et d’autres
tableaux jugés secondaires (portraits, copies,…), a été publié par Jean-Jules Guiffrey (Inventaire général
du Mobilier de la Couronne sous le règne de Louis XIV (1663-1715), Paris, Société d’encouragement pour la
propagation du livre d’art, 1885-1886).
L’Inventaire des tableaux du cabinet du Roy rédigé en 1683 par Charles Le Brun (Paris, Archives nationales,
O1 1964-8) a été publié par Arnauld Brejon de Lavergnée (L’Inventaire Le Brun de 1683. La Collection
de tableaux de Louis XIV, Paris, RMN, 1987).
L’Inventaire général des tableaux du Roy, fait avec soin en 1709-1710 par le sieur Bailly, 1710 (Paris, Archives
nationales, O1 1975), dit Inventaire Bailly, a été publié par Fernand Enguerand (Inventaire des tableaux
du Roy, rédigé en 1709 et 1710 par Nicolas Bailly, publié par Fernand Engerand, Paris, E. Leroux, 1899).
Les acquisitions des règnes de Louis XV et de Louis XVI ont été recensées dans l’ouvrage de Fernand
Enguerand, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la direction des Bâtiments du roi (1709-1792),
Paris, E. Leroux, 1901.
47 Galard Jean, Picot Nicole, Promenades au Louvre en compagnie d’écrivains, d’artistes et de critiques
d’art, Paris, Robert Laffont, 2010.

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la volonté de réunir ces textes de la manière la plus complète possible reste tou-
jours un objectif idéal. Quant à la quantité et à la qualité des documents présents
dans cette rubrique bibliographique, elles sont très variables et dépendent essen-
tiellement de l’importance respective des tableaux, pour laquelle la rubrique peut
même servir d’indicateur, variant de quelques titres à plusieurs centaines. Afin de
faciliter la consultation et l’utilisation de ces données, enfin, tous ces documents
doivent comporter des références bibliographiques complètes, et être classés selon
l’ordre chronologique, des plus anciens jusqu’aux plus récents.

Le sous-dossier « Expositions »
En complément de la rubrique « Bibliographie », un sous-dossier « Expositions »
rassemble toutes les notices se rapportant à un tableau donné dans les catalogues
des expositions temporaires où il a figuré. Là encore, ces textes sont présents de
préférence sous la forme de documents originaux, ou à défaut, de photocopies ou
de transcriptions manuscrites. Bien souvent, ces extraits fournissent des synthèses
courtes et actualisées des connaissances se rapportant à une œuvre (provenance, ico-
nographie, fortune critique,…), tout en permettant d’aborder un aspect particulier
de l’histoire d’un tableau, celle de ses présences successives dans des expositions.

Le sous-dossier « Analogies »
Le sous-dossier « Analogies » réunit des mentions d’œuvres en rapport avec les
tableaux du Louvre, et dans la mesure du possible, leurs reproductions. Ces ana-
logies peuvent être conservées dans un musée, dans d’autres collections publiques,
ou encore être documentées pour avoir figuré à une date précise dans une collec-
tion particulière, dans une vente publique ou chez un antiquaire. Il peut s’agir, tout
d’abord, de versions comparables d’une composition par le même auteur, mais aussi
de dessins préparatoires, d’esquisses peintes en relation avec une œuvre de grand
format, ou inversement, de peintures de grandes dimensions liées à une esquisse
conservée au Louvre. Parmi ces analogies figurent parfois des gravures, en parti-
culier pour les tableaux provenant des anciennes collections royales ou pour ceux
ayant fait l’objet, au début du xixe siècle, de reproductions gravées au trait : avant
l’invention de la photographie, ces estampes ont joué un rôle considérable pour la
diffusion de leurs compositions. Elles sont de qualité et en nombre variables pour
une même œuvre ; certains tableaux ont pu donner lieu jusqu’à une dizaine de repro-
ductions gravées, d’ensemble ou de détail, et comportant parfois des variantes ico-
nographiques qui peuvent éclairer sur le sens qui leur a été accordé à un moment
de leur histoire. D’autre part, ces feuilles comportent souvent des inscriptions elles
aussi dignes d’intérêt : une date peut être celle de la création du tableau ou celle
de sa mise en place dans un lieu donné ; le nom du dédicataire de la gravure peut
correspondre à celui du commanditaire de cette peinture, à celui de la gravure, ou
encore révéler l’identité de l’un de ses premiers propriétaires ; il peut enfin s’agir
d’un texte destiné à expliciter le sens de ce tableau, ou sa destination initiale : l’in-
térêt de telles inscriptions est souvent important et il n’est pas nécessairement en
rapport direct avec la qualité de l’exécution des gravures où elles figurent.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

Dans le même ordre d’idées, de nombreux tableaux du Louvre ont été reproduits
dans des copies, peintes, dessinées ou réalisées en trois dimensions. Ces copies,
parfois abondantes, sont conservées dans des musées ou d’autres lieux publics, en
particulier des églises, et peuvent encore être connues parce qu’elles ont figuré à
une date déterminée dans une collection particulière, dans une vente publique ou
chez un antiquaire. Ici aussi, l’ancienneté du Louvre, la réputation de ses collec-
tions et sa très grande accessibilité font que certains tableaux du musée ont, bien
davantage que ceux de n’importe quelle autre institution comparable, donné lieu
à des dizaines de copies distinctes. On doit en particulier signaler celles, parfois
nombreuses et souvent de même taille que les originaux, qui ont été comman-
dées au xixe siècle par la direction des Beaux-Arts à des copistes professionnels
afin de fournir rapidement, et à un coût réduit, des peintures religieuses destinées
à des églises ayant perdu leurs objets mobiliers pendant les années révolution-
naires, ou nouvellement construites : certaines ont été commandés en plusieurs
dizaines d’exemplaires dont il n’est pas toujours possible de s’assurer qu’ils existent
toujours dans le lieu auquel ils avaient été destinés 48.
Sans doute davantage qu’aucun autre musée, le Louvre reste un lieu d’appren-
tissage pour les artistes à travers la pratique de la copie. Les dossiers d’œuvres se
doivent donc, dans la mesure du possible, de comporter les reproductions, ou sim-
plement les mentions de reproductions exécutées par des artistes tout au long de
leur carrière personnelle : la copie d’un tableau du Louvre par Eugène Delacroix,
Édouard Manet ou Henri Matisse traduit la manière dont cet artiste a tenté de
se pénétrer des inventions et de la manière de ses prédécesseurs, et le choix d’un
modèle révèle à lui seul la qualité exemplaire qui a été reconnue à un tableau du
Louvre. À ce titre, il constitue un épisode parfois mineur mais toujours signi-
ficatif de sa fortune critique 49. Les échos de cette notoriété souvent immense
se retrouvent encore dans des détournements multiples, notamment dans des
œuvres d’art contemporaines, des images publicitaires, des dessins humoristiques
ou encore des caricatures, dont la production ne semble pas ralentir et dont le
recensement complet reste là aussi un objectif idéal. La rubrique des œuvres en
rapport, enfin, peut comporter des reproductions de tableaux, sculptures ou objets
divers présentant des parentés iconographiques ou formelles avec une peinture
donnée. Sans nécessairement viser à éclairer un rapport de dépendance directe,
la présence de cette image dans le dossier d’œuvre peut illustrer un même sujet
rare, une construction voisine ou encore un traitement stylistique comparable : le
champ des « analogies » doit rester très largement ouvert, avec pour seul objectif
celui de favoriser la curiosité et de stimuler les interrogations sur un tableau des
collections du Louvre.

48 Les commandes de ces copies, dont la gestion est du ressort du Centre national des arts plastiques
(Fonds national d’art contemporain), sont documentées en particulier dans la série F21 des Archives natio-
nales. Elles sont accessibles sur la base Arcade du ministère de la Culture qui est consultable sur le moteur
de recherche « Collections » (http://collections.culture.fr/).
49 Cuzin Jean-Pierre, Dupuy Marie-Anne (éd.), Copier, créer. De Turner à Picasso : 300 œuvres inspi-
rées par les maîtres du Louvre, exposition au musée du Louvre, 26 avril – 26 juillet 1993, Paris, RMN, 1993.

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Le sous-dossier « Laboratoire »
Le sous-dossier « Laboratoire » rassemble des documents d’imagerie scientifique,
c’est-à-dire issus d’une étude de laboratoire au Centre de recherche et de restaura-
tion des musées de France (C2RMF), qui ont pour objectif de renseigner sur l’état
matériel d’un tableau, et éventuellement, sur les étapes de sa création. Il s’agit prin-
cipalement de clichés en image directe, pris en lumière rasante, en lumière infra-
rouge et ultraviolette, et si possible de reproductions des images radiographiques.
Parfois accompagnés de rapports rédigés par des conservateurs et scientifiques
travaillant au C2RMF, qui y font la synthèse de ces documents, mais éventuel-
lement aussi celles d’analyses de matériaux issus de prélèvements, ils sont issus
de dossiers souvent plus complets conservés par ce service. Une partie seulement
des tableaux du Louvre a bénéficié de telles études scientifiques détaillées ; mais
l’étude d’une œuvre avant son acquisition éventuelle, la préparation d’une restau-
ration, ou une recherche particulière motivée notamment par la rédaction d’un
catalogue ou la préparation d’une exposition, peuvent être les principales raisons
d’entreprendre une telle étude, qui permet toujours d’affiner les connaissances dis-
ponibles à son sujet.

Le sous-dossier « Restauration »
Le sous-dossier « Restauration » réunit des informations relatives aux anciennes
interventions sur un tableau, dont les plus anciennes sont documentées, aux xviie
et xviiie siècles, par des mentions de paiements issus des comptes des Bâtiments
du roi conservés aux Archives nationales 50. À partir du début du xixe siècle et
jusque dans la première moitié du xxe siècle, il existe des documents comparables
conservés aux Archives des musées nationaux dont le dépouillement reste incom-
plet. Souvent très sommaires, les données issues de ces sources d’archives four-
nissent généralement le nom d’un restaurateur, le montant d’un paiement et la date
à laquelle il est intervenu. Mais leur intérêt réside le plus souvent dans la mention
de la nature de l’intervention, qui peut avoir sensiblement altéré la nature d’un
tableau et conditionner la décision d’entreprendre une nouvelle restauration 51. Plus
récemment, à partir de la fin des années 1930, cette rubrique peut comporter des
rapports de restauration plus détaillés, dont les remises, par les restaurateurs des
tableaux du Louvre à l’occasion d’interventions « fondamentales », ne sont toute-
fois devenues systématiques que depuis les années 1990.

50 Des synthèses récentes de ces données figurent dans les ouvrages d’Ann Massing (Painting Restoration
before « La Restauration ». The Origins of the Profession in France, Turnhout, Harvey Miller, 2012), et de Noémie
Étienne (La Restauration des peintures à Paris (1750-1815). Pratiques et discours sur la matérialité des œuvres
d’art, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012).
51 Ainsi, le verbe « lever » ou « enlever » désigne couramment une transposition du support, de bois sur
toile ou de toile sur toile, un procédé de restauration mis au point en Italie vers le milieu du xviiie siècle et
distinct du rentoilage, qui a connu une grande faveur auprès des restaurateurs du Louvre, depuis le début
du xixe siècle et jusque dans les années 1950. En modifiant de manière irréversible la nature du support de
ces peintures, la transposition les a fragilisées tout en altérant de manière irrémédiable leur couche picturale.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

Le sous-dossier « Photographies »
Le dossier d’œuvre comporte enfin un sous-dossier « Photographies » où sont
regroupés des tirages de tous les clichés d’après un même tableau qui ont été com-
mercialisés depuis l’invention de la photographie. Les plus anciens sont souvent
ceux de la maison Braun & Cie qui eut, à partir de 1885 et pour une durée de
trente ans, le titre de photographe officiel du musée du Louvre et des musées
nationaux ; quant aux plus récents, ce sont ceux de l’Agence photographique de la
Réunion des musées nationaux qui réalise systématiquement, depuis le début des
années 1970, des clichés de la plupart des tableaux actuellement au musée, dont
elle assure la diffusion, notamment pour des besoins éditoriaux. Ces photogra-
phies sont issues de prises de vues régulières effectuées au Louvre, dans les salles
ou en réserve, les œuvres étant généralement décadrées. Elles sont le plus souvent
réalisées en fonction des demandes du département des Peintures, notamment à
l’occasion d’entrées d’œuvres nouvelles dans les collections, des mouvements de
dépôts ou après de nouvelles restaurations. Depuis le milieu des années 2000, elles
permettent aussi de remplacer de manière systématique les clichés argentiques par
des reproductions numériques. Des photographies anciennes permettent parfois
de documenter des états anciens de tableaux dont l’aspect a pu être transformé
lors de restaurations récentes, mais elles peuvent aussi constituer les seuls témoi-
gnages visuels de tableaux détruits ou non localisés ; il manque d’ailleurs toujours
les reproductions de plusieurs centaines de peintures du Louvre envoyées ancien-
nement en dépôt sans avoir été photographiées et qui sont réputées disparues,
notamment lors des deux Guerres mondiales.
L’un des objectifs initialement fixé à ces dossiers d’œuvres était, selon Édouard
Michel, de favoriser « la publication d’un inventaire critique et détaillé donnant une
monographie aussi complète que possible des principaux tableaux du Louvre 52 ».
En réalité, de ce projet de catalogue raisonné complet des collections, seuls furent
publiés, entre 1938 et 1944, dans la collection « Monographies des peintures du
musée du Louvre », trois albums de grand format, comptant quelques dizaines de
pages et une quinzaine de planches de grande taille 53. Les dossiers ainsi consti-
tués ont cependant permis de donner bien d’autres formes à des publications très
variées relatives aux collections qui s’appuyaient sur leur contenu 54. Il était assez
logique, d’autre part, que le « modèle » constitué par ces dossiers soit étendu à des
collections autres que celles des peintures du musée du Louvre. S’il a pu servir pour
les autres services de documentation du Louvre, qui jouent également le rôle de
centres de recherche scientifique intégré aux départements, d’autres institutions ont
aussi adopté ce modèle. En ce qui concerne le musée d’Orsay, ouvert en 1986, les

52 Michel Édouard, art. cit., 1944, p. 3-4.


53 Michel Édouard, De Vallée Hélène, Jordaens. Les quatre évangélistes, Paris, Éditions des musées
nationaux, 1938 ; Michel Édouard, Aulanier Robert, De Vallée Hélène, Watteau. L’embarquement pour
l’île de Cythère, Paris, Éditions des musées nationaux, s. d. [vers 1939] ; Huygue René, Bazin Germain,
Adhémar Hélène, Courbet. L’atelier du peintre, allégorie réelle, 1855, Paris, Éditions des musées nationaux
/ Librairie Plon, 1944.
54 Occupant en 2013 un métrage linéaire d’environ 193 mètres, les dossiers d’œuvres des tableaux du
Louvre comportent environ 610 000 documents.

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dossiers des tableaux affectés au nouvel établissement l’ont naturellement rejoint


afin de servir à la constitution d’une documentation spécifique pour ce musée 55.

La Documentation générale
Parallèlement aux dossiers d’œuvres a été constituée une Documentation géné-
rale « Artistes », qui rassemble principalement des reproductions de peintures, de
dessins ou de gravures conservés hors du Louvre, et revenant à des artistes présents
ou non dans les collections du musée. Dans une large mesure, le développement
de cette Documentation générale semble avoir été inspiré par le précédent de la
Witt Library de l’Institut Courtauld de Londres, en particulier pour son mode
de classement. Les documents que l’on y trouve sont notamment des photogra-
phies d’œuvres appartenant à des musées en France et à l’étranger, mais ils repro-
duisent aussi des peintures conservées dans des églises ou d’autres lieux publics,
qui ont figuré dans des ventes publiques, chez des antiquaires ou dans des collec-
tions particulières. Classées par école, par siècle et par artiste, ces images parfois
très nombreuses pour un même peintre sont ordonnées par genre et par thème,
de manière à rendre compte le mieux possible de la production de chacun d’eux :
peinture d’histoire (Ancien Testament, Nouveau Testament, vie de la Vierge,
saints, mythologie, histoire ancienne, histoire moderne, allégorie,…), portraits,
paysages, natures mortes, scènes de genre,… D’autre part, alors que d’autres pho-
tothèques comparables ont toujours maintenu un niveau d’exigence qualitative
très élevé pour leurs fonds en ne rassemblant que des clichés noirs et blancs dis-
ponibles dans le commerce et soigneusement légendés, voire répertoriés dans un
catalogue ou une base de données, la Documentation générale du service d’Étude
et de Documentation du département des Peintures comporte des reproductions
de qualité souvent moindre mais d’origines bien plus variées : coupures de cata-
logues de ventes, notices de catalogues d’expositions ou d’ouvrages ayant donné
lieu à des dépouillements complets, articles de revues, d’actes de colloques ou de
volumes de mélanges, photocopies, notes manuscrites… Il en résulte que cette
Documentation générale comporte souvent des images introuvables ailleurs, où
elles auraient peut-être été jugées peu intéressantes. Quant aux textes relatifs à
un artiste, il s’agit généralement de publications de référence récentes qui sont
parues dans des supports dispersés. Leur regroupement dans un sous-dossier
« Bibliographie » permet souvent d’entreprendre une recherche bibliographique
sur un peintre sans avoir à les rechercher dans plusieurs bibliothèques, tout en
élargissant la réflexion permise par l’examen des seules images.
Les usages de cette Documentation générale sont progressivement devenus plus
larges et plus divers que ne le prévoyaient ses concepteurs. À l’origine, il s’agis-
sait notamment de permettre aux conservateurs du Louvre de préciser le contexte

55 Le musée d’Orsay conserve des œuvres exécutées après 1850, ou dues à des artistes nés après 1820. Le
partage des dossiers d’œuvres effectué avant 1986 a tenu compte de cette distinction, en dépit de quelques
exceptions : le musée d’Orsay conserve les dossiers de certaines peintures d’Ingres (né en 1780), Corot (né
en 1796) ou Delacroix (né en 1798) qui y sont exposées, ainsi que tous ceux des tableaux de Courbet et
Daumier (nés en 1819) qui s’y trouvent désormais.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

de la création de tableaux du musée en les confrontant à d’autres reproductions,


d’évaluer la qualité et d’apprécier l’intérêt d’œuvres qui leur étaient soumises pour
des acquisitions éventuelles, de répondre à des demandes d’informations géné-
rales, ou encore de préparer des publications ne se rapportant pas directement à
des peintures du Louvre. Parallèlement s’est imposée la volonté d’offrir aux res-
ponsables d’autres musées français un outil qui leur permette aussi d’étudier les
tableaux de leurs collections, en vérifiant ou en établissant une attribution, en pré-
ciser une iconographie ou encore une datation. Progressivement, ces possibilités
ont été mises à profit par d’autres professionnels du monde de la culture et du
patrimoine (Monuments historiques, Inventaire général,…), des universitaires, des
étudiants, des amateurs désireux d’étudier des œuvres en leur possession ; il s’agit
enfin d’acteurs du marché de l’art, relativement nombreux à Paris pour l’étude la
peinture ancienne (experts, antiquaires, représentants de maisons de ventes inter-
nationales,…) et qui doivent représenter à présent la moitié environ des visiteurs
de la Documentation générale : si elle constitue d’abord un outil de connaissance
au service du département des Peintures, elle a, plus largement, vocation à être
utile à l’ensemble de la communauté scientifique que l’on s’efforce toujours d’ac-
cueillir le mieux possible.
La Documentation générale comporte d’autres fonds spécifiques réunissant des
documents de même nature que la Documentation « Artistes » et souvent issus
pour partie des dépouillements des mêmes sources :

La section « Collectionneurs »
La section « Collectionneurs » rassemble des dossiers relatifs à des personnalités
ayant réuni des tableaux anciens mais aussi, plus généralement, des collections
d’œuvres d’art. Rassemblant des notices biographiques diverses ou des articles tirés
de revues ou d’ouvrages collectifs, ces dossiers peuvent également comprendre des
exemplaires des catalogues de ventes consacrés en totalité à la dispersion d’une
collection particulière. Conçu d’abord comme un moyen de préciser les prove-
nances des tableaux du musée du Louvre, ces dossiers, dont il existe peu d’équi-
valents dans d’autres centres de documentation, peuvent bien souvent fournir le
point de départ d’une recherche sur un sujet plus large.

La section « Donateurs du Louvre »


Extraite de la précédente, la section « Donateurs du Louvre » se rapporte à des
collectionneurs qui ont fait bénéficier le musée de leur générosité. À l’occasion de
l’inauguration en 1989 de la pyramide du Louvre qui marquait la première étape
de l’ouverture au public des espaces du musée transformés dans le cadre du projet
du Grand Louvre, une exposition rassemblant une anthologie d’œuvres, provenant
des diverses donations reçues par le musée depuis sa création, avait été accom-
pagnée par la parution d’un ouvrage collectif recensant près de 2 700 noms 56. La

56 Les Donateurs du Louvre, Paris, RMN, 1989.

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préparation de cette publication a bien souvent fourni l’occasion de compléter,


notamment par des recherches d’archives, des données déjà disponibles, notam-
ment sur les états-civils, qui ont été intégrées par la suite à ces dossiers.

Le fonds « Histoire du Louvre »


Le fonds « Histoire du Louvre » comporte des documents relatifs à l’histoire du
palais du Louvre, à celle de ses divers espaces muséographiques, à des transfor-
mations récentes, ou à la constitution de ses collections. Antérieur à la création
d’une section « Histoire du Louvre » rattachée au département des Sculptures du
musée et qui a notamment vocation à réunir des objets et documents se rappor-
tant à l’histoire du palais et du musée considérés dans leur ensemble, il est plus
particulièrement orienté vers la réunion de ceux qui concernent directement le
département des Peintures.

La section « Historiens d’art » ou « Personnalités »


La section « Historiens d’art » ou « Personnalités » comprend des dossiers concer-
nant d’anciens conservateurs du Louvre ou d’autres musées, des historiens d’art
ou personnalités du monde de la culture en France et à l’étranger. On peut notam-
ment y trouver des données biographiques, des textes historiographiques tels que
des comptes rendus et des listes de publications, ou encore des portraits photo-
graphiques de ces personnalités. Ici encore, il existe peu d’équivalents ailleurs de
ce type de dossiers.

La section « Topographie »
Une section « Topographie » réunit des documents sur des musées, des monu-
ments ou d’autres lieux publics (châteaux, palais, églises, ministères,…) à Paris,
en province et à l’étranger. Souvent issus, là encore, des dépouillements complets
de catalogues d’expositions, de revues ou d’ouvrages divers, les dossiers corres-
pondants sont souvent inégaux mais ils peuvent fournir le point de départ d’une
recherche spécifique.

La section « Iconographie »
Une section « Iconographie », enfin, rassemble des reproductions, articles ou textes
divers se rapportant à un thème particulier, un motif ou un personnage. Leur
réunion est souvent disparate et les dossiers où sont classés ces documents n’ont
pas la prétention d’être complets.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

Orientations récentes et perspectives d’avenir


Conçue initialement comme un complément des dossiers d’œuvres des tableaux du
Louvre, la Documentation générale a connu depuis les années 1970 un accroisse-
ment exceptionnel qui a contribué à faire du service d’Étude et de Documentation
l’un des quatre ou cinq plus grands centres de documentation existants pour ce
domaine 57. Cette croissance a été rendue possible par celle des espaces occupés
par l’ensemble des fonds : d’abord installé dans une pièce de 72 m2 située au
second étage de l’aile sud de la cour Carrée du palais du Louvre, cet ensemble a
été transféré en 1972 sur une surface de 417 m2 dans de nouveaux locaux de la
conservation du département des Peintures, au second étage de l’aile de Flore. Plus
récemment, en 1998, une extension de ces espaces rendue possible par le projet
du Grand Louvre a permis de porter leur superficie à 996 m2, répartis sur deux
niveaux ; il est vraisemblable, toutefois, qu’il sera désormais difficile de l’accroître
au sein du musée du Louvre.
Le service d’Étude et de Documentation a été pensé d’emblée comme un outil de
connaissance pour la conservation du département des Peintures et il est indispen-
sable qu’il en demeure une partie intégrante ; par ailleurs, ses qualités proviennent
dans une large mesure de la relation de dépendance réciproque très forte qui a tou-
jours existé, et qui doit impérativement être maintenue, entre les dossiers d’œuvres
et la Documentation générale. Depuis 2006, tout en recevant de nouveaux fonds
provenant de dons et destinés essentiellement à la Documentation générale, on
s’est efforcé d’améliorer l’organisation des dossiers d’œuvres par des mises en ordre
systématiques, afin notamment de faciliter leur consultation, tout en enrichissant
leur contenu. Il est nécessaire, en particulier, de les compléter par des dépouille-
ments bibliographiques méthodiques de publications anciennes, par des recherches
systématiques d’analogies ou de données relatives aux anciennes restaurations, et
par les éditions critiques d’anciens inventaires ou des catalogues des peintures du
musée. Il est impératif, d’autre part, de développer les dossiers des tableaux déposés
et de ceux ayant fait l’objet d’envois de l’État, notamment afin de préparer leurs
éventuels transferts de propriété à l’issue du récolement des œuvres d’art apparte-
nant à l’État qui est actuellement en cours 58. Cette orientation implique la réduc-
tion de la part d’activité concernant la Documentation générale, qui doit rester
très accueillante pour tous ses publics, mais dont la croissance illimitée ne peut
pas être considérée comme une fin en soi, en particulier pour des raisons de dis-
ponibilité d’espace et de personnel. Dans cet esprit, l’enrichissement des sections
« Collectionneurs », « Historiens d’art » et « Topographie » de la Documentation
générale n’est pas une priorité, tandis que la section « Iconographie », qui est restée

57 En 2013, la Documentation générale rassemble environ 2,5 millions de documents occupant un métrage
linéaire de 1 566 mètres. À titre de comparaison, le RKD détient plus de 6 millions de reproductions (du
Moyen Âge à nos jours), la Witt Library de Londres environ 2 millions de reproductions (de 1200 à nos
jours), le Getty Research Institute de Los Angeles environ 2 millions de photographies (art et architecture,
de l’Antiquité à nos jours), et la photothèque du Zentralinstitut für Kunstgeschichte de Munich, environ
650 000 photographies d’œuvres d’art.
58 La loi sur les musées du 4 janvier 2002 prévoit que la propriété des œuvres déposées par l’État avant
1910 sera transférée aux collectivités auxquelles elles ont été affectées, à moins que ces œuvres ne pro-
viennent de donations faites à l’État.

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Le service d’Étude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre

Le service d’Étude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre.


La salle principale de documentation générale.
© Stéphane Loire.

embryonnaire, gagnerait à être intégrée à un ensemble plus complet, tant pour les
techniques, les types d’objet que les époques, sur le modèle de la photothèque de
la bibliothèque de l’Institut Warburg de Londres qui reste la seule de ce genre.
Assez logiquement, une telle Documentation iconographique transversale devrait
pouvoir trouver sa place à Paris, au sein de l’Institut national d’histoire de l’art, et
pourrait être enrichie progressivement par des documents provenant notamment
des exemplaires multiples présents dans la section « Artistes ».
Avec l’apparition de bases de données spécifiques dans les années 1970, et surtout
grâce au développement des ressources numériques accessibles sur Internet à la fin
des années 1990, le répertoire des outils de connaissance utiles à l’étude de la peinture
ancienne s’est considérablement élargi. Si ces ressources récentes facilitent souvent
la recherche sur les collections du musée, elles ne peuvent se substituer aux fonds
documentaires existants qu’elles doivent en revanche compléter. Le département
des Peintures n’a jamais constitué de bases documentaires propres mais l’essentiel
de ses collections est depuis longtemps accessible sur la base Joconde. Devenue un
catalogue commun à l’ensemble des musées de France, cette base continue d’être
enrichie sous l’autorité du ministère de la Culture, qui la rend désormais accessible

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Partie II – L’œuvre et son dossier

sur un site Internet commun à de nombreuses autres ressources documentaires 59.


Plus récemment, en 2007, le musée du Louvre a entrepris une refonte complète
des divers systèmes de gestion de ses collections dans un outil transversal destiné à
l’ensemble des départements et des services du musée. Intitulé Museum+, du nom
du logiciel de la société Zetcom qui l’a développé, il est doté d’un volet docu-
mentaire dans lequel doit être intégré l’essentiel des bases numériques existantes.
Devenu opérationnel au département des Peintures au début de l’année 2012, il
doit voir son usage progressivement étendu à l’ensemble des départements et une
partie de son contenu pourra être rendue disponible sur le site Internet du musée
du Louvre, où figure déjà la base « Atlas » des œuvres exposées dans le musée, soit
près de 30 000 œuvres 60. Il est évident, toutefois, que ce site ne pourra jamais res-
tituer la totalité des fonds documentaires existants, notamment en raison de leur
volume et des coûts très élevés qu’exigerait leur numérisation. Surtout, une grande
partie de ces fonds comporte des textes et des images protégés par divers types de
droits d’auteur, et le musée du Louvre ne saurait les rendre accessibles sans l’ac-
cord des très nombreux détenteurs de ces droits 61. En dépit de cette restriction
importante, la mise en place de cet outil mutualisé permet d’espérer la mise à dis-
position, en format numérique et dans un avenir assez proche, d’une part signi-
ficative des documents conservés par le service d’Étude et de Documentation du
département des Peintures.

59 Son contenu, et celui de diverses autres bases de données du ministère de la Culture, sont accessibles
sur le site Internet http://collections.culture.fr/.
60 Voir le site Internet http://www.louvre.fr/.
61 Le site Internet du musée du Louvre donne toutefois déjà accès à des bases élaborées dans le cadre de
partenariats avec d’autres institutions et concernant l’ensemble des œuvres d’un domaine spécifique conser-
vées dans les collections publiques françaises, « La Fayette » pour l’art américain, « D’outre-Manche » pour
l’art britannique. Des ressources comparables sont accessibles sur le portail AGORHA de l’Institut natio-
nal d’histoire de l’art, en particulier pour la peinture italienne (RETIF), et d’autres sont en cours d’éla-
boration au département des Peintures, pour la peinture espagnole et pour la peinture du xvie siècle en
France et dans les Pays-Bas.

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Le service d’Étude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre

Annexe. Les catalogues des peintures du musée du Louvre


publiés depuis 1926
1. Divers catalogues des peintures françaises ont été publiés entre 1958 et 1974 :
Sterling Charles, Adhémar Hélène, Musée national du Louvre. Peintures. École française, xixe siècle,
Paris, Éditions des musées nationaux, 1958-1961.
Sterling Charles, Adhémar Hélène, Musée national du Louvre. Peintures. École française, xive, xve et
xvie siècles, Paris, Éditions des musées nationaux, 1965.
Musée national du Louvre. Catalogue des peintures. I. École française, Paris, Éditions des musées
nationaux, 1972.
Rosenberg Pierre, Reynaud Nicole, Compin Isabelle, Catalogue illustré des peintures. École française.
xviie et xviiie siècles, Paris, Éditions des musées nationaux, 1974.

2. Toutes les peintures du musée du Louvre ont été cataloguées entre 1979 et 1986
dans un catalogue sommaire entièrement illustré, comportant les listes des œuvres
déposées depuis le Second Empire :
Brejon de Lavergnée Arnauld, Foucart Jacques, Reynaud Nicole, Catalogue sommaire illustré des
peintures du musée du Louvre. I. Écoles flamande et hollandaise, Paris, Éditions de la Réunion des
musées nationaux, 1979.
Brejon de Lavergnée Arnauld, Thiébaut Dominique, Catalogue sommaire illustré des peintures
du musée du Louvre. II. Italie, Espagne, Allemagne, Grande-Bretagne et divers, Paris, Éditions de la
Réunion des musées nationaux, 1981.
Compin Isabelle, Roquebert Anne, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre
et du musée d’Orsay. III-IV-V. École française, 3 vol., Paris, Éditions de la Réunion des musées natio-
naux, 1986 (le dernier volume comprend en particulier l’index des « Tableaux déposés par le
Louvre », par Élisabeth Foucart-Walter, p. 194-394).
3. Depuis 1981, les enrichissements du département des Peintures ont donné lieu
à plusieurs catalogues détaillés :
Foucart Jacques (éd.), Musée du Louvre. Nouvelles acquisitions du département des Peintures. 1980-
1982, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1983.
Foucart Jacques (éd.), Musée du Louvre. Nouvelles acquisitions du département des Peintures. 1983-
1986, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1987.
Foucart Jacques (éd.), Musée du Louvre. Nouvelles acquisitions du département des Peintures. 1987-
1990, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991.
Cuzin Jean-Pierre, Allard Sébastien (éd.), Musée du Louvre. Département des Peintures. Catalogue.
Nouvelles acquisitions. 1996-2001, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2002.
4. Diverses sections des collections ont fait l’objet de catalogues raisonnés :
Michel Édouard, Catalogue raisonné des peintures du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps
modernes. Peintures flamandes du xve et du xvie siècle, Paris, Éditions de la Réunion des musées
nationaux, 1953.
Adhémar Hélène, Les Primitifs flamands. I. Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux
au xve siècle. 5. Musée du Louvre. I, Bruxelles, De Sikkel, 1962.
Comblen-Sonks Micheline, Lorentz Philippe, Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridio-
naux et de la principauté de Liège au xve siècle. 17. Musée du Louvre. II, Bruxelles-Paris, Centre inter-
national d’étude de la peinture médiévale des bassins de l’Escaut et de la Meuse / Éditions de
la Réunion des musées nationaux, 1995.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

Loire Stéphane, Musée du Louvre. Département des Peintures. École italienne, xviie siècle. 1. Bologne,
Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1996.
Comblen-Sonks Micheline, Lorentz Philippe, Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridio-
naux et de la principauté de Liège au xve siècle. 19. Musée du Louvre. III, Bruxelles-Paris, Centre inter-
national d’étude de la peinture médiévale des bassins de l’Escaut et de la Meuse / Éditions de
la Réunion des musées nationaux, 2001.
Gérard Powell Véronique, Ressort Claudie, Musée du Louvre. Département des Peintures. Catalogue.
Écoles espagnole et portugaise, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2002.
Loire Stéphane, Peintures italiennes du xviie siècle du musée du Louvre. Florence, Gênes, Lombardie,
Naples, Rome et Venise, Paris, Éditions du musée du Louvre / Gallimard, 2006.
5. Le catalogue sommaire illustré paru de 1979 à 1986 fait actuellement l’objet
d’une refonte complète. Trois volumes ont été publiés :
Habert Jean, Loire Stéphane, Scailliérez Cécile, Thiébaut Dominique, coordination par Foucart-
Walter Élisabeth, Catalogue des peintures italiennes du musée du Louvre, Paris, Éditions du musée
du Louvre / Gallimard, 2007.
Foucart Jacques, Foucart-Walter Élisabeth, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises
du musée du Louvre, Paris, Éditions du musée du Louvre / Gallimard, 2009.
Foucart-Walter Élisabeth, Meslay Olivier, Thiébaut Dominique, Faroult Guillaume, coordina-
tion éditoriale par Foucart-Walter Élisabeth, Catalogue des peintures britanniques, espagnoles,
germaniques, scandinaves et diverses du musée du Louvre, Paris, Éditions du musée du Louvre /
Gallimard, 2013.

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État de la documentation au musée Rodin :
dossier d’œuvre et dossier documentaire
sur l’œuvre
Sandra Boujot

Un contexte singulier
Le contexte dans lequel s’est formée la documentation du musée Rodin est très
important pour comprendre l’existence de deux dossiers séparés physiquement
mais très complémentaires.
Créé en 1916 à l’initiative d’Auguste Rodin grâce à trois donations successives
à l’État 62 de ses œuvres, de ses collections, de sa bibliothèque, de ses archives et
de sa documentation, le musée est établi sur un site choisi par l’artiste lui-même :
l’hôtel Biron et son jardin. Rodin occupait comme locataire depuis 1908 cet hôtel
particulier construit au début du xviiie siècle. Ce dernier a aussi fait don de sa
résidence la Villa des Brillants à Meudon, qui constitue aujourd’hui une annexe
du musée. Le musée ouvrit ses portes au public en 1919.
Rodin était abonné dès le début des années 1880 à l’Argus de la presse (qui existe
depuis 1879) et à Je lis tout, sociétés qui recensaient et lui envoyaient tous les
articles parus sur lui, ses œuvres, ses expositions, mais aussi sur les personnes qu’il
fréquentait en France et à l’étranger. Pour l’anecdote, les articles le concernant
étaient délimités par un trait tracé au crayon bleu. Si une partie des archives fut
traitée du vivant de Rodin par ses secrétaires, puis dans l’entre-deux guerres par
l’archiviste Jean-Paul Hippeau, les coupures de presse, mais aussi l’ensemble de
la correspondance et des papiers personnels de Rodin furent triés et classés long-
temps après sa mort, à partir de 1976, par des historiens de l’art engagés expres-
sément pour cette tâche 63.
Comme les autres musées, le musée Rodin gère ses ressources documentaires telles
que les archives (privées de Rodin et administratives du musée), la bibliothèque
(de l’artiste et du musée), la documentation historique et la documentation des
collections (les dossiers d’œuvres).

62 Donations du 1er avril, du 13 septembre et du 25 octobre 1916.


63 Je remercie tout particulièrement Hélène Pinet, chef du service de la Recherche, pour m’avoir aidée
à reconstituer l’historique de la documentation.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

L’ensemble des archives données par Rodin sans tri préalable, a toujours été consi-
déré comme un tout, comme un fonds constitué 64, tandis que la documentation
est toujours alimentée en respectant la distinction entre les documents contem-
porains de Rodin et ceux après sa mort. Ces dossiers documentaires sont conser-
vés avec les archives de l’artiste.

Dossier documentaire et dossier d’œuvre


Cette typologie documentaire – dossier d’œuvre et dossier documentaire sur
l’œuvre – est assez significative au sein du musée.
Un dossier d’œuvre est ouvert pour chacune des sculptures de la collection, par
exemple pour Le Monument à Balzac, chacune des études préparatoires de la tête
mais aussi des membres en terre, en plâtre puis en bronze, chaque ronde bosse
fait l’objet d’un dossier spécifique. Celui-ci est constitué de plusieurs sous-­dossiers
(historique, scientifique, administratif ).
Le dossier documentaire concerne Le Monument à Balzac en général et non un
exemplaire en particulier. Il est constitué de coupures de presse des années 1880 à
nos jours, de documentation, de courrier, d’extraits de catalogue de vente.
Comme vu précédemment, la création des dossiers documentaires date de la fin
des années 1970 ; en revanche, celle du dossier d’œuvre est un peu plus récente et
remonte à la fin des années 1980, c’est-à-dire à l’arrivée d’une conservatrice des
sculptures assistée d’une puis de deux chargées des collections.
Au départ, la documentation et les archives étaient regroupées dans l’hôtel Biron,
comme l’ensemble du personnel scientifique, ce qui était pratique pour leur travail
mais laissait peu de place pour la communication aux lecteurs. Après la rénova-
tion du bâtiment de la chapelle et le déménagement (2005-2007), les dossiers
d’œuvres et les dossiers documentaires sur les œuvres furent transférés dans des
réserves distinctes.

Un exemple : Le Baiser
Figure emblématique de l’œuvre de Rodin, la sculpture du Baiser offre un exemple
parfait pour notre démonstration : sa documentation est pléthorique tant du côté
du service des Collections que du côté du service de la Recherche, et offre ainsi la
plus large typologie documentaire des dossiers d’œuvres des collections du musée 65.

64 Bien avant le livre II du Code du patrimoine, article R. 212-3 : « Le contrôle scientifique et technique
exercé par le service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines porte
sur les conditions de gestion, de collecte, de sélection et d’élimination ainsi que sur le traitement, le classe-
ment, la conservation et la communication des archives. Il est destiné à assurer la sécurité des documents, le
respect de l’unité des fonds et de leur structure organique, la qualité scientifique et technique des instruments
de recherche, la compatibilité des systèmes de traitement et la mise en valeur du patrimoine archivistique. »
65 Merci à Hélène Marraud, attaché de conservation, pour m’avoir suggéré l’exemple du Baiser.

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État de la documentation au musée Rodin :
dossier d’œuvre et dossier documentaire sur l’œuvre

Auguste Rodin, Le Baiser (S.1002), marbre, Paris, musée Rodin.


© Musée Rodin. Photo Hervé Lewandowski.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

Le dossier d’œuvre
Représentant en quelque sorte le « dossier médical » qui suit une œuvre tout au
long de sa « vie », les dossiers d’œuvres sont, la plupart du temps, construits de la
même façon, quelle que soit la collection :
– une partie générale comprenant plusieurs sous-dossiers : copies et originaux
d’archives, expositions, photographies, bibliographie, point de vue d’autres artistes,
analogies, collections publiques et/ou particulières ;
– un dossier par exemplaire d’œuvre, classé par matériau (bronze, plâtre, marbre),
puis par taille (petit, moyen ou grand modèle), voire par fondeur pour un bronze.
Dans chacun des dossiers, et quand cela est possible, les sous-dossiers sont les sui-
vants : iconographie (photographies anciennes et récentes), expositions (liste des
expositions où l’exemplaire a été présenté), fiche Kardex 66, bibliographie (liste des
ouvrages dans lesquels l’exemplaire a été reproduit et/ou mentionné), rapports de
restauration, constats d’état, documentation, ventes, documents confidentiels (des
courriers essentiellement) aisément identifiables et extractibles lors de la commu-
nication de l’ensemble du dossier au lecteur.

Le dossier documentaire sur l’œuvre


Comme déjà dit précédemment, ce type de dossier est distinct mais tout aussi essen-
tiel : en plus de la presse contemporaine de l’artiste et de la documentation (sous
forme de photocopies du côté du service des Collections), d’autres sous-dossiers
viennent compléter les informations sur l’œuvre en général : notes manuscrites 67,
imprimés, courrier (confidentiel ou non : demande de renseignements, avis donné
par le musée 68), ventes publiques, douanes (certificat d’exportation notamment).

Ressources complémentaires
Le dossier d’œuvre est la première ressource disponible en cas de recherches d’in-
formations sur une œuvre et/ou un exemplaire. Mais le musée dispose de bien
d’autres sources d’informations, liées aux archives privées de Rodin et aux archives
institutionnelles.
En reprenant l’exemple du Baiser, d’autres renseignements sont disponibles dans :
– la correspondance des praticiens, des fondeurs, des modèles, des acheteurs, des
photographes ainsi que celle de Rodin qui sont des mines d’informations ;
– les dossiers des expositions où l’œuvre a été présentée, classés par ordre
chronologique ;

66 Dans les bibliothèques non informatisées, fiches cartonnées de bulletinage des périodiques, regrou-
pées dans un classeur appelé le Kardex.
67 Notes des conservateurs et/ou agents du musée ayant travaillé sur le sujet, ou souhaitant laisser la trace
d’une information ; généralement, ces notes sont datées.
68 Le musée n’est pas autorisé à donner une expertise sur les œuvres, mais un avis seulement.

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État de la documentation au musée Rodin :
dossier d’œuvre et dossier documentaire sur l’œuvre

Dossiers d’œuvres et dossiers documentaires pour Le Baiser.


© Musée Rodin. Photo Jérôme Manoukian.

Exemples de ressources documentaires concernant Le Baiser.


© Musée Rodin. Photo Jérôme Manoukian.

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Partie II – L’œuvre et son dossier

– les dossiers des collections extérieures, qui renseignent sur les autres exemplaires
du Baiser dans les collections françaises et/ou étrangères ;
– s’il s’agit d’une fonte posthume, c’est-à-dire réalisée par le musée Rodin, la
recherche portera sur les commandes, les factures, les certificats d’origine, le nom
du fondeur, etc. ;
– toujours à part, il existe un dossier documentaire sur le sujet du Baiser repre-
nant les éléments les plus importants des dossiers documentaires sur les œuvres,
sous forme de photocopies uniquement.
Ainsi, les ressources documentaires se croisent pour apporter un maximum d’in-
formations dont le dossier d’œuvre constitue le squelette.

Le devenir de la documentation
Ces deux dossiers – dossier d’œuvre et dossier documentaire – sont toujours enri-
chis, mais de plus en plus sous format électronique : l’Argus de la presse, auquel le
musée est abonné depuis Rodin, est envoyé depuis 2004 par mail, puis archivé
selon la pertinence des articles. Les plus marquants sont édités et classés dans le
dossier documentaire correspondant, mais pour l’instant il n’est pas possible de
les stocker sur le serveur informatique du musée par manque de place et surtout
par manque de moyen de gestion.
L’arrivée prochaine d’un informaticien aidera le musée dans sa réflexion sur la
mise en place d’une plateforme d’archivage électronique 69. En effet, cela consti-
tue le seul moyen de préserver l’intégrité des informations contenues dans les
fichiers informatiques, natifs ou non, et ainsi de respecter le Code du patrimoine
en matière d’obligation de communiquer les documents quel que soit leur format.
La réflexion se poursuit donc sur l’avenir du dossier d’œuvre : faut-il continuer
à enrichir le dossier papier ? faut-il tout numériser et de ne disposer à terme que
de la version informatique ? Dans ce cas, comment communiquer aux chercheurs
les dossiers d’œuvres lorsque nul poste informatique n’est dédié aux lecteurs en
salle de lecture, comme c’est le cas au musée Rodin ? Et pourra-t-on dans l’ave-
nir mettre sur le site Internet ces documents numériques ?

69 Actuellement, le musée est en pleine réflexion pour l’acquisition d’un logiciel de gestion d’archives
qui permettrait également de gérer les dossiers documentaires.

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Partie III

Informatiser
les collections

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pierre-henry.b@wanadoo.fr - E16-00821452
Du projet de base de données informatisée
à sa réalisation : ambition et limites
Hélène Vassal

L’outil informatique est aujourd’hui un élément clef de la stratégie d’un établisse-


ment : au-delà des enjeux documentaires classiques, ceux liés plus largement à l’in-
génierie culturelle, au « collection management » sont placés au cœur du système
de fonctionnement du musée. La dimension managériale des collections consiste
en la maîtrise de toute la chaîne opératoire depuis l’acquisition de l’œuvre jusqu’à
sa mise à disposition au sein du musée. En parallèle, les activités qui relèvent de
la production dans la vie des établissements sont aujourd’hui cruciales – parce que
stratégiques – et accaparent une part considérable des forces vives des établisse-
ments. L’accélération des mouvements d’œuvres dans le cadre des prêts, le poids
des expositions temporaires dans l’activité globale de l’établissement, la création
de filiales ou d’antennes déléguées (Louvre-Lens, Centre Pompidou-Metz) par-
ticipent de ces activités dites « de production » qui confèrent prestige, visibilité et
retours en investissement aux établissements. Ces phénomènes contemporains
des vingt dernières années ont bien entendu des conséquences très directes sur
les métiers et sur les différents systèmes d’information porteurs eux-mêmes de
nouveaux enjeux : émergence de nouvelles compétences et hyperspécialisation,
gestion du risque par la mise en place d’outils dédiés à la maîtrise des flux et de
leur gestion (traçabilité des objets), accès à l’information sur l’objet de collection
par la dématérialisation des dossiers et l’utilisation croisée d’outils périphériques
(historique des accrochages, manipulation, historique des prêts, constats d’état).
C’est dans ce contexte que les services de « régie des œuvres », de « gestion des
collections » de « production des expositions », qui sont de plus en plus sollici-
tés dans le cadre des nombreux mouvements d’œuvres opérés dans les musées 1
(prêts, accrochages des collections permanentes, restaurations, gestion des réserves
externalisées, expositions itinérantes internationales), se sont développés et ont
généré une documentation qualifiée de « techniquo-administrative » mais indis-
pensable à l’accomplissement des activités s’organisant autour des œuvres et de
leur mise à disposition. Cette évolution est amenée à élargir l’approche profession-
nelle que nous avons de l’œuvre, en intégrant dans son appréhension les notions
propres à la conservation préventive et à sa connaissance matérielle. C’est ainsi que
sont produits de nouveaux documents, plus ou moins standardisés, qui viennent
apporter des données à la fois factuelles et techniques sur l’œuvre à un instant T.
Ces ­documents, constats d’état, rapports de restauration, mais aussi toutes infor-
mations relatives aux prêts successifs de l’objet, à l’historique de sa localisation, à

1 Ainsi la réouverture des salles du musée d’Orsay a nécessité en 2011 le mouvement de 2 581 œuvres et
le raccrochage de 1 127 ; les prêts aux expositions ont concerné 1 454 œuvres. En 2010, le nombre de mou-
vements d’œuvres associés à la régie des collections était de 19 762 (source : rapports d’activité du musée
d’Orsay 2010, p. 148-149 et 2011, p. 48).

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Partie III – Informatiser les collections

son emballage, son transport, sa manipulation, pour la plupart parcellaires, plus


ou moins renseignés, rarement hiérarchisés mais tout à fait primordiaux pour la
connaissance de l’œuvre, commencent à trouver leur place dans la documenta-
tion traditionnelle 2.
Encore récemment, il n’existait pas d’outil informatique permettant de gérer à la
fois les données « scientifiques » et les mouvements d’œuvre, la partie consacrée à
la gestion des collections restant le plus souvent embryonnaire ou au mieux sous-
exploitée. Videomuseum et l’application Gcoll, conçus dès l’origine par une asso-
ciation de musées d’art moderne et contemporain 3, restaient l’exception. Il faudra
attendre 2001 et le chantier des collections du musée du quai Branly qui, par le
traitement en masse des objets de la collection, fera émerger les questions de « tra-
çabilité », « logistique », « chaîne de traitement », « récolement » 4 et se dotera d’un
outil adapté à l’ampleur de la tâche que constitue la base de gestion de données
TMS (The Museum System).
Dans le même temps, certains musées développaient leurs propres outils en fonc-
tion des moyens dont ils étaient dotés, sous la forme de systèmes « maison », certes
élaborés, mais pour la plupart devenus obsolètes à l’orée du xxie siècle, au regard
de la complexification des opérations de production telles que décrites en préam-
bule. En parallèle, la direction des Musées de France se faisait le bras armé d’un
maillage informatique complet du territoire avec notamment le déploiement de la
solution proposée par la société Mobydoc via le logiciel Micromusée (350 musées
et sites équipés à ce jour).
Nous verrons en particulier au travers de l’exemple du musée d’Orsay combien cette
question de l’obsolescence d’un système – qui fut ô combien moderne pendant
des années et encore loué pour son côté ergonomique – au profit d’une vision
plus pragmatique de l’outil documentaire, est au cœur des enjeux posés au musée.
Le quotidien des services au sein d’une même institution diffère mais la part de
l’opérationnel devient de plus en plus importante 5. L’accès à l’information doit
donc être de plus en plus rapide, permettre des liens aisés entre chaque rubrique/
module, des recherches croisées par critères spécifiques, une saisie automatisée et
contrôlée, une ergonomie de travail facilitée entre tous.
Ces nouvelles pratiques professionnelles encouragées par le tout numérique faci-
litent aujourd’hui l’approche globale de la connaissance de l’œuvre. Les outils
dédiés à la gestion de l’œuvre et à sa documentation sont donc intrinsèquement
liés et doivent être alimentés par le travail scientifique nourri des savoirs des diffé-
rents acteurs du musée, restaurateurs, conservateurs, documentalistes et régisseurs.
Sans prétendre contenir toute l’information et permettre tous les modes opé-
ratoires, l’outil informatique appliqué aux collections et développé à partir de

2 Cathelineau Anne-Charlotte, Rapport d’étude sur les dossiers d’œuvres. Mission des archives du minis-
tère de la Culture, rapport de stage hors spécialité, juin 2008, 30 p.
3 Dont les collections du Centre Georges-Pompidou.
4 Naffah Christiane, Le Chantier des collections du musée du quai Branly, conservation préventive à l’échelle
d’une collection nationale, Paris, musée du quai Branly, 2004.
5 Vassal Hélène, « La régie des œuvres, une nouvelle dynamique pour la conservation préventive, La
conservation préventive ; une démarche évolutive », Techné, n° 34, 2011, p. 39-41.

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Du projet de base de données informatisée à sa réalisation : ambition et limites

pratiques concertées peut ainsi permettre de couvrir les besoins et attentes opéra-
tionnels. Aujourd’hui, sélectionner et développer l’outil informatique permettant
une gestion globale des collections n’est plus un obstacle sur le plan technique. Il
reste néanmoins des résistances parfois liées au cloisonnement des services ou à
l’absence de portage politique clair de projets longs, complexes, techniques.

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Le constat d’état : de la collecte
à la synthèse des données
Mathilde Touillon-Ricci

L’évolution des musées et des centres patrimoniaux – lesquels sont passés en


quelques décennies du statut de gardiens à celui de gestionnaires de collections –
amène ces institutions à développer une dynamique de fonctionnement à même
de répondre à l’intérêt qu’elles suscitent, tout en garantissant une conservation
optimale des œuvres. Cette double mission de diffusion et de conservation néces-
site de disposer d’outils de gestion et de contrôle, parmi lesquels le constat d’état.
La multiplication des mouvements d’œuvres – expositions temporaires, chantiers
des collections – accroît potentiellement les risques d’altérations. Les constats d’état
permettent de répertorier l’état d’une œuvre à chaque étape de vie et de retracer
cette évolution pour en tirer des conclusions et prendre des mesures de conser-
vation, préventive ou curative.
Un dictionnaire de la langue française définit ainsi le constat : « 1. Procès-verbal
dressé par un huissier ou sur ordre de justice pour dresser un état de fait. 2. Résultat
de l’examen d’une évolution, d’une situation. » ; et l’action de constater : « 1. Établir
par expérience directe la vérité, la réalité de. 2. Consigner (ce qu’on a constaté) 6. »
Ces définitions généralistes, sans application directe à la conservation des biens
culturels, établissent déjà les notions fondamentales du constat d’état : celles d’état
de fait, d’examen et d’expérience directe.
Les définitions strictement appliquées au constat d’état des collections, objet de
cette étude, développent et précisent ces mêmes notions. Ainsi le constat d’état
est-il « un procès-verbal par lequel est enregistré, après examen, l’état matériel d’un
ou plusieurs objets de la collection 7 » (E. Mognetti), « un recueil daté, dont l’au-
teur est identifié, de données descriptives relatives à l’état de conservation de l’objet,
résultant de l’observation directe 8 » (groupe Afnor), autrement dit un document
de compilation de données factuelles observées.
« Constat d’état » désigne à la fois l’exercice de collecte de données observées,
relatives à l’état de conservation d’une œuvre, et le document au sein duquel sont
compilées ces données.
En tant que synthèse écrite de l’état d’une œuvre, le constat d’état se situe à la fois
au cœur de la chaîne de gestion et de conservation des collections et d’un bout à
l’autre de celle-ci. L’état de conservation constitue en effet le facteur déterminant

6 Le Nouveau Petit Robert 2008. Notons qu’à l’origine un constat – d’accident ou d’état des lieux par
exemple – est un document juridique à valeur légale, valeur conservée pour les constats d’état établis dans
le cadre de prêts entre institutions.
7 Badet Claude, Coutancier Benoît, May Roland (dir.), Musées et patrimoine, rééd., Paris, CNFPT,
1999, p. 168.
8 Association française de normalisation (AFNOR), Commission de normalisation « Conservation des
biens culturels » (CNCBC), 2007.

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Partie III – Informatiser les collections

de toute action menée autour de l’œuvre, en termes de manipulation, de transport


et d’emballage, de capacité et de choix de présentation, de programmation d’inter-
vention, de mise en réserves, d’acquisition, etc. En cela le constat d’état est un outil
privilégié de gestion et de contrôle des collections et d’aide à la prise de décision.
Si les définitions s’accordent généralement sur les visées descriptives d’un constat
d’état, la démarche conduisant à produire un tel document suit des chemins dif-
férents selon les motifs et les agents de sa réalisation. « Constat d’état » est une
expression unique désignant des pratiques et des documents divers, tant d’un point
de vue méthodologique que formel. Cette diversité nécessaire, adaptant le constat
à son contexte de réalisation, se doit néanmoins de fonder son approche sur des
principes et des fondements théoriques communs.

Méthodologies du constat d’état


Objectifs et typologies
L’objectif commun à tous les constats d’état est d’établir la situation matérielle
d’une œuvre à une date déterminée. En fonction du contexte dans lequel est réalisé
le constat, il est possible de distinguer deux principaux types d’objectifs ; ainsi le
constat d’état sera-t-il à visée interprétative ou à visée comparative.

Les constats interprétatifs


La raison de leur établissement est de collecter des données afin de les regrouper
en ensembles signifiants pour en tirer des conclusions utiles à la gestion des col-
lections. Ainsi, les constats d’état élaborés dans le cadre d’une demande de prêt
ou de projet d’acquisition servent à évaluer la capacité d’une œuvre à répondre à
cette demande.
Les constats d’état d’acquisition permettent de définir les besoins en termes d’in-
ventaire, de restauration, de couverture photographique, de conditionnement et
de mise en réserve. Le constat d’état sert alors à évaluer la capacité de l’institu-
tion à accueillir l’œuvre dans ses collections.
Les constats d’état de demande de prêt ou d’exposition permettent d’évaluer la capa-
cité de l’œuvre à être manipulée et transportée, et les modalités de son exposition.
Dans le cas d’un costume par exemple, il s’agit de décider si l’état de l’œuvre auto-
rise le mannequinage ou exige une présentation à plat.
Les constats d’état de demande posent la question de l’utilisation de l’œuvre : est-
elle à même de supporter tous les événements liés à cette demande si elle était
acceptée ?
Les constats d’état d’évaluation contribuent à l’identification des besoins et des
priorités d’une œuvre ou d’une collection et la programmation des actions à effec-
tuer. Les constats d’état réalisés dans le cadre d’une étude préalable à un démé-
nagement définissent les besoins en espaces de stockage en fonction des modules
retenus pour les différents types d’objets.

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Le constat d’état : de la collecte à la synthèse des données

Les constats d’intervention enfin constituent une base pour décider, puis pour jus-
tifier des modifications que le restaurateur s’apprête à mener sur l’œuvre.
Dans une proposition de traitement, le constat d’état est une étape préalable au
diagnostic, permettant de déterminer les modalités de mise en œuvre de l’inter-
vention et d’en formuler les propositions. Le constat revêt alors une valeur ana-
lytique et argumentaire.
Au sein d’un rapport de restauration, le constat d’état a valeur de rappel et de
documentation d’un état disparu ou modifié.

Les constats comparatifs


Les constats à visée comparative ont pour but de doter l’œuvre d’un référent d’état
permettant la comparaison avec les états de conservation successifs. Celle-ci permet
alors d’identifier les changements, éventuellement leur date et lieu de survenance.
Le constat d’état de prêt, au sein du dossier de convoiement de l’œuvre, est un docu-
ment contradictoire signé par les parties contractantes du prêt. Doté d’une valeur
juridique, le constat d’état de prêt fait foi en cas de litige entre les contractants.
Le constat d’état d’exposition permet, quant à lui, d’évaluer par comparaison l’in-
cidence des conditions de conservation connues par l’œuvre lors de son exposition.
Déterminer l’objectif à atteindre par l’établissement d’un constat d’état revient à
définir les informations à collecter. Le formulaire de constat, en permettant d’or-
ganiser et de hiérarchiser ces informations, est la transcription et l’outil de réali-
sation des objectifs visés par le constat.

Élaborer un formulaire de constat


L’élaboration d’un formulaire de constat d’état doit prendre en compte deux aspects
principaux : le cadre de saisie d’une part, c’est-à-dire l’organisation du document au
sein d’une grille de saisie ; les critères à saisir d’autre part, c’est-à-dire les données
à inscrire au constat. Le format de rédaction répond aux objectifs, aux moyens de
rédaction disponibles et au contexte dans lequel le constat sera dressé.

Le cadre de saisie
L’organisation du document de constat dans un cadre de saisie systématique permet
de contraindre les données par des critères prédéfinis, répartis en descripteurs
– case à cocher, menu déroulant, etc. La sélection des critères implique un riche
travail de réflexion préalable sur l’ensemble des données potentiellement obser-
vables et utilisables. Il s’agit à la fois des données attendues, selon la typologie
d’objets et d’altérations, et des données visées, selon la typologie du constat. Cette
sélection induit la répartition des critères en différents champs de saisie. Le cadre
systématique offre l’avantage d’une grande lisibilité. La prédéfinition des critères
induit la cohérence de la terminologie employée, l’organisation visuelle du docu-
ment permet clarté et rapidité de compréhension. Ce système peut cependant
apparaître contraignant et parfois peu adaptable à des cas particuliers, en ce qu’il
revient à apporter une réponse uniforme à des questions diverses.

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Partie III – Informatiser les collections

Au sein d’un cadre de saisie libre, les critères sont affranchis d’une prédéfinition
établie. Les données transcrites correspondent aux données observées. À la diffé-
rence du cadre systématique où apparaissent les données attendues, le cadre libre
transcrit un examen construit à partir de l’état avéré d’une œuvre, offrant l’avan-
tage d’une synthèse propre à l’œuvre. La lisibilité est garantie par un formulaire
allégé en « bruits » – critères apparents mais non renseignés. Afin d’optimiser l’ex-
ploitabilité des données collectées, une attention particulière doit être portée à
la terminologie employée. Celle-ci doit être claire et concise, surtout sans équi-
voque. Dans le cadre d’un constat interprétatif, l’unité du vocabulaire permet la
récolte de données identiquement énoncées ; s’il est comparatif, la terminologie
autorise la comparaison de données comparables.
Le format de rédaction peut également être fondé sur un système illustratif. Les
données sont alors annotées sur une représentation graphique de l’œuvre – photo-
graphie de bonne qualité ou croquis. Le cadre illustratif est a priori le cadre le plus
naturel à utiliser. L’appréhension d’un phénomène visuel est, en effet, plus sponta-
née par une image que par un texte. Ce système est également avantageux pour les
constats d’état destinés à traverser des frontières linguistiques. La visibilité directe
de l’altération permet de dépasser les aléas de traduction de termes spécialisés.
En définitive, le cadre systématique revient à établir une check-list des données
attendues sur l’œuvre, le cadre libre à dresser le portrait fidèle de l’œuvre, le cadre
illustratif à cartographier les altérations. L’utilisation conjointe et raisonnée des
cadres de saisie au sein d’un même formulaire de constat optimise les avantages
et minimise les inconvénients de chacun d’eux.

Les critères du constat


Parmi tous les critères envisageables à faire figurer au constat d’état, il est néces-
saire de distinguer les critères utiles au rédacteur et ceux utiles au lecteur du constat
d’état. Les premiers permettent d’orienter l’examen visuel et d’optimiser l’exercice
de collecte des données sur l’état de l’œuvre. Les seconds permettent d’identifier
la nature du constat et de mettre ainsi en perspective les données qu’il contient et
le contexte dans lequel il intervient.
Les critères mentionnés au constat se répartissent ainsi en catégories générales
selon qu’ils se réfèrent au contexte de rédaction, à la description de l’œuvre et de
l’état de conservation, ou aux préconisations et conclusions extraites des consta-
tations. Le choix raisonné des critères participe de l’exercice de synthèse qu’est
le constat d’état, destiné à ne retranscrire que les données signifiantes de l’état de
conservation.
Le constat d’état, s’il est une synthèse écrite des données observées relatives à l’état
de conservation d’une œuvre, est avant tout un exercice tendant à être objectif
mais non exhaustif. Ainsi, les motifs de l’établissement d’un constat et les finalités
de celui-ci en font-ils un exercice guidé de collecte de données dans le but d’être
exploitées. L’exercice du constat conserve ce caractère, quand bien même l’orien-
tation générale tend à l’interprétatif ou au comparatif, l’un n’excluant pas néces-
sairement l’autre par ailleurs. Le formulaire de constat d’état constitue la mise en
forme de cette démarche, en fonction des objectifs à atteindre.

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Le constat d’état : de la collecte à la synthèse des données

Le constat en pratique : étude de cas


Le constat d’état procède d’une démarche et d’une méthodologie qui lui sont
propres, applicables dans des cadres variés de gestion et d’entretien des collec-
tions. Les deux exemples suivants de mise en œuvre du constat cherchent à pré-
ciser et illustrer les modalités d’application de cette méthodologie.

Étude de cas n°1 : déménagement d’une collection


textile mobilière
Contexte et scénario
Un musée d’art et d’histoire met en œuvre le récolement et le déménagement de
sa collection textile mobilière d’environ 550 pièces. Le musée souhaite dresser un
état des lieux de l’état global de conservation de sa collection. Selon celui-ci, le
musée envisagera les mesures de conservation adaptées et nécessaires. Les données
collectées au sein des constats établis servent ainsi un objectif d’interprétation. Le
constat d’état revêt ici sa valeur d’outil d’aide à la prise de décision.
Deux agents internes au musée sont affectés au récolement et une équipe de trois
prestataires extérieurs est chargée du traitement matériel des œuvres : constat
d’état, dépoussiérage, reconditionnement.

Élaboration du formulaire de constat


La base de données du musée n’étant pas accessible depuis l’espace de réserve, il
incombe aux prestataires de fournir l’outil de compilation des constats. Le for-
mulaire est ainsi intégré à une base de données FileMaker® créée et administrée
par les prestataires. Ce choix est justifié par la nécessité de manipuler un grand
nombre de données et d’en extraire à terme des statistiques. La base de données
permet également de disposer d’un formulaire de constat distinct pour chaque
utilisateur : une interface de saisie, adaptée au rédacteur ; une interface d’édition,
adaptée au lecteur.
Le formulaire est organisé en trois rubriques, correspondant aux trois catégo-
ries générales de critères à renseigner : identification de l’œuvre, constat d’état
mentionnant les altérations et les interventions antérieures, conclusions et pré-
conisations de conservation. Cette distinction est commune aux deux interfaces
d’utilisation du constat.
Afin de produire à terme des statistiques, le cadre de saisie choisi est systéma-
tique, alternant cases à cocher, options et menus déroulants. Des champs en saisie
libre sont réservés pour y annoter d’éventuelles précisions, ainsi qu’un commen-
taire général en conclusion de formulaire. Les données en saisie libre, non prédé-
finies, sont de fait exclues du traitement statistique de la collection.

Exploitation statistique
La manipulation des données collectées a permis des regroupements statistiques,
intégrés dans un document de synthèse fourni au musée par les prestataires.

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pArtIe III – Informatiser les collections

Formulaire de constat d’état, interface d’édition

CONSTAT D’ETAT
n° X 00
logo Titre ou dénomination de l’œuvre
de
tablier établi le jj/mm/aaaa
l’institution inv. : numéro d’inventaire par Mathilde Touillon-Ricci

localisation d’origine : réserve xx

IDENTIFICATION
TABLIER
autre n° : texte libre
gde H x pte H (cm) : xx
matériaux : fixation : décor :
critères prédéfinis autre ou critères prédéfinis critères prédéfinis
(cases à cocher précisions (cases à cocher (cases à cocher
non apparentes) (texte libre) non apparentes) non apparentes)
et autre ou photographie
précisions d’identification
(texte libre) de l’œuvre
PAS DE HAMPE
autre n° : texte libre
verticale (cm) : xx
matériaux :
critères prédéfinis autre ou précisions
(cases à cocher (texte libre)
non apparentes)

CONSTAT D’ETAT
altérations mécaniques : altérations chimiques :
critères prédéfinis critères prédéfinis
(cases à cocher apparentes) (cases à cocher apparentes)

traces d’infestation : interventions antérieures : critères


critèresprédéfinis
prédéfinis autre ou précisions
critères prédéfinis (casesà àcocher
(cases cocher) (texte libre)
(cases à cocher apparentes) non apparentes)

CONCLUSIONS ET TRAITEMENTS
conditionnement d’origine : critères prédéfinis conditionnement en sachet : critères prédéfinis
(menu déroulant) (cases à cocher
nouveau conditionnement : critères prédéfinis non apparentes)
(menu déroulant)

préconisations de traitement : critères prédéfinis micro-aspiration : critères prédéfinis


(menu déroulant) (options oui / non)
manipulations : critères prédéfinis démontage : critères prédéfinis
(menu déroulant) (options oui / non)

commentaires : texte libre


limitation à 200 caractères

Nom de l’institution patrimoniale – motif de l’établissement du constat

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Le constat d’état : de la collecte à la synthèse des données

Identifiées au préalable par les équipes du musée, les données à quantifier illustrent
quatre aspects de la collection : concernant l’œuvre pour elle-même, les matériaux
constitutifs d’une part, les types de montage d’autre part ; concernant unique-
ment la dimension matérielle de l’œuvre, les altérations et interventions anté-
rieures d’une part, les préconisations de conservation d’autre part. L’analyse de
ces données, notamment en termes d’altérations, a permis au musée de mettre en
œuvre des actions systématiques au cours du redéploiement de la collection dans
une nouvelle réserve.
L’intérêt de ce chantier des collections pour la mise en œuvre du constat d’état
réside dans la nécessité d’interopérabilité qu’il présentait. Mené par une équipe
externe au musée, l’exercice de constat devait s’intégrer parfaitement à une chaîne
de gestion et d’entretien des collections déjà en place dans le musée d’accueil. Les
constats édités devaient satisfaire les spécialistes de la conservation-restauration
des œuvres autant que les utilisateurs. En effet, l’accessibilité du constat induit
son suivi par les seules équipes du musée.

Étude de cas n°2 : déménagement d’une collection


textile mode
Contexte et scénario
Un musée de la mode entreprend le reconditionnement à plat d’un lot de costumes
féminins d’environ 170 pièces. À cette occasion, un constat d’état est établi systé-
matiquement. L’objectif est de doter la collection d’un référentiel documentaire de
son état de conservation, et d’expérimenter un protocole à l’échelle d’une collection.
L’équipe de traitement des œuvres est composée de quatre à six personnes internes
au musée.

Bilan et extrapolation
L’analyse des moyens mis en œuvre pour ce chantier, et l’extrapolation de ces
données appliquée à l’ensemble de la collection costume du musée, met en avant
le caractère autonome et spécialisé du constat d’état. L’ensemble de la campagne
de reconditionnement a mobilisé quatre à six personnes durant seize journées de
travail, réparties sur quatre semaines et demie. Au total, 176 constats d’état ont été
établis, pour une moyenne de onze constats rédigés par journée. Si l’on reprend
l’ensemble des données, il est possible d’estimer l’ampleur de travail nécessaire
au traitement de l’ensemble de la collection costume du musée. À raison de 235
jours travaillés par an, d’une moyenne de onze constats par journée et d’un total
de 23 000 pièces, près de neuf années à plein temps seraient nécessaires… Ces
données imaginées révèlent les implications du constat d’état en termes de moyens
humains et la nécessité d’intégrer cette activité spécialisée dans la programmation
et la gestion de la chaîne d’entretien des collections.

Exploitation des données constatées


De retour à la réalité, l’exploitabilité des données collectées au sein des constats
d’état a permis de les rendre utiles et accessibles à chacun des membres de la

111

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Partie III – Informatiser les collections

chaîne de conservation des collections. Il s’agissait d’extraire le constat d’état de


son contexte spécialisé.
Le formulaire utilisé durant cette campagne proposait deux critères pertinents
pour la gestion des collections. L’un concernant les capacités de manipulation
des œuvres, le second les capacités de prêt ou d’exposition des pièces. L’extraction
chiffrée de ces données sous forme statistique offre une vision représentative d’un
aspect de la collection, permettant d’envisager son utilisation. Les restrictions de
prêt ou d’exposition sont ainsi exploitables par le musée pour décider de sa pro-
grammation culturelle. Un pourcentage majoritaire d’œuvres « prêtables » auto-
rise le musée à développer sa politique d’exposition extérieure, et inversement.
Afin de dépasser le seul cercle des spécialistes de la conservation-restauration des
collections, les données pertinentes pour différents services de l’institution ont été
publiées sur la base de données du musée. Le constat révèle ici son utilité comme
outil de diffusion de l’information. Les restrictions de prêt ou d’exposition sont
ainsi consultables par les professionnels concernés sur l’interface de la base la plus
couramment utilisée. Cette publicité est élargie aux professionnels extérieurs, après
examen de leur demande, au sein du centre de documentation du musée. En effet,
les informations sur la capacité de prêt d’une œuvre peuvent intéresser un com-
missaire d’exposition pour l’élaboration de sa liste idéale.
L’œuvre est la raison d’être du musée et son état de conservation le facteur déter-
minant de toutes les actions envisageables autour d’elle. Le constat d’état est un
document spécialisé dont les conclusions et leurs implications sont utiles à chacun
des membres de la chaîne de gestion et de conservation des collections.
Ces deux études de cas mettent en perspective l’exploitation du constat d’état.
Celui-ci relève d’un exercice de sélection, de regroupement et de synthèse des
données. Cet exercice est servi par les outils de manipulation des données que sont
les bases informatiques. Celles-ci ne sont cependant que des moyens, l’exploita-
tion du constat d’état étant avant tout affaire de besoins et de volonté. Ainsi, dès
les années 1950, avant l’avènement de l’informatique, le service de Restauration
des musées de France 9 instaurait la rédaction systématique de fiches de santé
pour chaque œuvre peinte reçue en traitement. Encore aujourd’hui, ces fiches sont
mises à jour à chaque passage de l’œuvre dans le service, permettant un suivi des
états successivement constatés et des interventions menées. La synthèse opérée
des données offre un résumé immédiat et une vision d’ensemble, objectif toujours
visé par le constat aujourd’hui.
Le constat d’état est un élément transversal, autour duquel gravitent et par lequel
agissent les différents acteurs impliqués dans la conservation du patrimoine. En
tant qu’outil de suivi de l’état de conservation d’une œuvre, il est un instantané
des changements et des évolutions que celle-ci connaît ou subit. Cette transver-
salité fait également du constat d’état un exercice pluriel, reflet d’un point de vue,
d’une méthode, d’un domaine de compétences, mais aussi de besoins et d’objec-
tifs, de moyens, de configurations. En tant que maillon essentiel de la chaîne de
gestion des collections, le constat d’état reflète les configurations d’équipes au sein

9 SRMF, aujourd’hui intégré au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).

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Le constat d’état : de la collecte à la synthèse des données

desquelles il est accompli, s’y adaptant nécessairement. Mais si la pratique adapte


le constat, celui-ci répond avant tout d’une démarche générale.
La mise en place de normes relatives à la conservation des biens culturels repré-
sente l’affirmation de la démarche de constat d’état comme exercice relevant de
protocoles et de méthodes spécifiques. L’Afnor a ainsi publié deux documents de
référence en septembre 2012, définissant les lignes directrices du constat d’état,
en précisant les aspects méthodologiques et formels. Les normes NF EN 16095
« Conservation des biens culturels –Constater l’état du patrimoine culturel mobi-
lier » et NF EN 16096 « Conservation des biens culturels – Évaluation et rapport
sur l’état du patrimoine culturel bâti » devraient permettre d’harmoniser la mise
en œuvre des constats d’état. Rappelons que les normes sont d’application volon-
taire, sauf exception, et sont donc à envisager comme référents méthodologiques.
La publication des normes françaises engage le processus de normalisation qui
devrait continuer à l’échelle européenne au sein du Comité technique européen
de normalisation 10.
Le besoin de rigueur et de cohérence du processus de constat d’état a également
présidé à la création pionnière d’un poste dédié au Victoria & Albert Museum de
Londres (V&A). Le V&A a en effet créé en 2007 le poste de Condition Reporting
Administrator (CRA), rattaché au service Conservation management and adminis-
tration du Conservation Department. Estimant la dynamique de sa politique de
prêt – environ 3 000 annuels en moyenne –, le musée a ressenti le besoin d’auto-
nomiser l’établissement des constats d’état afin de soulager les équipes de régis-
seurs et de restaurateurs. Le CRA a donc en charge l’élaboration des formulaires,
leur rédaction, leur utilisation et leur archivage. Les compétences requises sont
multiples et variées, approchant l’édition photographique numérique, la connais-
sance matérielle des œuvres et leurs altérations, les pratiques documentaires, la
régie et la conservation préventive. Le cas du V&A démontre l’autonomie du
constat d’état comme activité spécialisée, nécessitant une place réservée dans l’or-
ganigramme de l’institution.
Plus largement, l’autonomisation du constat d’état pose la question de la spéciali-
sation documentaire autour de la conservation matérielle des collections. En effet,
le fait même de constater revient à produire de la documentation. Or, à l’instar
du constat d’état, l’objectif de la documentation est de collecter l’information et
de l’organiser, afin de la redistribuer. La documentation matérielle des collections
constitue une rubrique à part entière au sein de la documentation générale, aux
côtés des rubriques traditionnelles consacrées à l’histoire culturelle et artistique
de l’œuvre, à son histoire muséale et à sa place dans l’histoire de l’art.
La qualité de synthèse, attachée au constat d’état, induit l’utilité d’un tel docu-
ment au sein de la chaîne d’entretien et de gestion des collections. L’élaboration
du formulaire, par le choix des critères et l’organisation de l’information, contraint
les données. La sélection de ces données, opérée au cours de la rédaction, affine
encore le résultat obtenu sur le document de constat. L’exploitation porte ainsi sur
un échantillon de données, regroupées et triées afin d’être utilisées comme élé-
ments de réponse aux questionnements formulés en début de projet.

10 CEN/TC, en l’occurrence le CEN/TC 346 « Conservation des biens culturels ».

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Partie III – Informatiser les collections

Le constat d’état n’est donc pas une fin en soi, il est un instrument. Qu’il soit support
de programmation, de diagnostic, ou encore de comparaison, sa finalité est tou-
jours de répondre à un besoin, d’atteindre un objectif. Le constat est un exercice
de rigueur, appelant le suivi d’un protocole raisonné et logique de mise en œuvre
en trois étapes, aussi naturelles qu’évidentes : réflexion, application, utilisation.

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Gestion et valorisation des collections.
La politique documentaire au musée
d’Ethnographie de l’université
Bordeaux-Segalen
Sophie Charve-Dartoen et Solenn Nieto

Le musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen (MEB) est l’héri-


tier du Musée ethnographique et colonial venu compléter, à la toute fin du xixe
siècle, l’Institut colonial fondé par la faculté mixte de médecine et de pharmacie
de Bordeaux en 1894. Les collections de la faculté comprenaient alors des pièces
d’histoire naturelle et de « matières médicales », ainsi que quelques centaines d’ob-
jets et de documents collectés par les professeurs et les élèves, tant outre-mer que
sur les marchés bordelais. Elles s’enrichirent en 1901 de collections nationales
d’ethnographie originaires d’Asie qui furent retirées du Trocadéro (MET) – où
Louis-Théodore Hamy considérait comme insatisfaisantes les conditions d’expo-
sition – et un temps déposées dans les réserves du musée Guimet après son ins-
tallation place d’Iéna.
Ce musée s’étendait donc, à l’aube du xxe siècle, sur plusieurs salles spacieuses et
spécifiquement agencées pour l’enseignement destiné aux médecins, particulière-
ment à ceux de santé navale, ainsi formés à la médecine tropicale et à la confron-
tation avec l’altérité culturelle. Ces salles furent progressivement démontées, au
cours du xxe siècle, et les collections stockées dans des locaux désaffectés avant
qu’une rénovation complète n’aboutisse à la création d’un site Internet (1997) et
à l’ouverture d’un centre de conservation (2009) et d’exposition (2011).

Le fonds documentaire et les catalogues


scientifiques
Il est admis en muséologie que l’on ne gère bien que ce que l’on connaît bien.
Nous ne connaissons encore qu’imparfaitement la composition et l’histoire de
nos collections.
Dans notre université, le destin du musée a largement influé sur la gestion des col-
lections, lesquelles connurent une longue période de totale incurie à partir de 1914,
date de la délocalisation du ministère des Finances dans des locaux initialement
destinés à la présentation des collections, et du décès du fondateur et conserva-
teur du musée. En 1953, la création d’une chaire d’ethnologie pour le Pr. Métais
conféra un nouvel intérêt à ces collections et à leur exposition. Ce n’est toutefois
qu’au milieu des années 1970 qu’une véritable politique de gestion et de valorisa-
tion fut mise en place. À cette époque, commença le regroupement des collections

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Partie III – Informatiser les collections

dispersées et un premier inventaire fut réalisé par Mme Vivèz (IR CNRS), seul
témoignage de la composition des vitrines anciennes qui furent démontées dans
les années 1990 sans avoir été davantage documentées. Christian Mériot, succes-
seur de Pierre Métais, entreprit un catalogage scientifique en collaboration avec
des spécialistes extérieurs : Josette Rivallain réalisa celui des collections d’Afrique
(1992), Susanne Fürniss celui des instruments de musique (1992), Tchouner
Mikhaïlovitch Taksami celui des collections de l’Arctique (1996), Françoise Cousin
et Annie Hubert, celui des textiles (1998), Bernard Dupaigne enfin, celui de l’Asie
centrale (à paraître). Mentionnons qu’à la même époque, une vingtaine d’expo-
sitions temporaires fut produite par le département d’ethnologie de l’université,
quasiment toutes accompagnées d’un livret ou d’un catalogue.
Quelques autres précieux documents scientifiques complètent ce maigre fonds
documentaire :
– de très rares archives administratives, essentiellement de la correspondance
(négociations visant l’obtention des collections) ;
– une copie de l’inventaire du musée du Trocadéro (où les transferts vers le musée
Guimet et vers Bordeaux sont mentionnés) ;
– un catalogue broché où les collections transférées à Bordeaux sont listées suivant
une numérotation originale 11 et dont le musée Guimet détient aussi un exem-
plaire. Les travaux récents semblent montrer que sont répertoriées là les collec-
tions du MET déposées dans les réserves du musée Guimet et parties à Bordeaux.
Parce qu’il mentionnait aussi – et assez généralement – des numéros de l’ancien
musée d’Ethnographie du Trocadéro, ce document semblait faire le lien entre
deux systèmes de référence. Il fut donc appelé « catalogue de correspondance » ;
– un fichier manuel établi par le créateur et premier conservateur du musée, Paul-
Louis Lemaire, seul document faisant la synthèse des collections bordelaises au
début du xxe siècle ;
– les catalogues des dons et des achats réalisés à Bordeaux.
Le travail de gestion entrepris au MEB depuis maintenant une quarantaine d’an-
nées a abouti à deux types de fichiers offrant la synthèse des informations rela-
tives aux collections :
– un fichier manuel associant dans une pochette plastique pour chaque objet,
une fiche cartonnée standard correspondant à peu près aux rubriques de l’inven-
taire « 18 colonnes » et les quelques archives (ou leur copie) qui lui sont directe-
ment associées ;
– un fichier informatisé pour lequel fut d’abord choisi le logiciel Micromusée®.
Dès la fin des années 1990, cet outil s’avéra insuffisamment souple à l’usage et
coûteux. Une solution transitoire fut donc mise en place via l’usage de listings
Excel®, où les informations pourraient être stockées de façon systématisée avant
d’être extraites et reventilées dans différents autres documents, bases de données
comprises.

11 En travaillant à l’établissement de l’inventaire administratif en relation avec le musée Guimet et le


musée du quai Branly, des découvertes importantes sur ce document ont été faites dernièrement.

116

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Gestion et valorisation des collections. La politique documentaire
au musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen

Étapes et méthodologie visant l’établissement


d’une base de données polyvalente
La nécessité de listes informatiques s’est imposée à la fin des années 1990, comme
un outil de synthèse paraissant à la fois plus souple et plus évolutif qu’une base
de données pré-formatée.
Le premier listing (fichier Excel) est parti des numéros provisoires donnés aux
objets, au fur et à mesure qu’ils étaient identifiés et classés.
Le catalogue dit « de correspondance » réalisé au musée Guimet fut retrouvé à cette
époque. Comme il s’avérait que beaucoup d’objets portaient un numéro de l’an-
cien musée du Trocadéro et/ou un numéro attribué au musée Guimet, on prépara
un nouveau listing partant de ces numéros, afin de mieux saisir le lien historique
et institutionnel entre les éléments de la collection (avec les lissages et les vérifi-
cations nécessaires…).
Au milieu des années 2000, la possibilité d’un transfert des collections se précisa et
un fichier dit « de traçabilité » fut réalisé à partir du listing précédent. S’ajoutaient
à la localisation, les dimensions des œuvres et, si possible, des clichés de travail.
Ce document offrit une base de travail pour les différentes opérations du chan-
tier des collections. Le déménagement des collections dans de nouvelles réserves
permit au MEB d’engager un programme global de conservation : dépoussiérage,
décontamination (retrait des cocons, anoxie active) pour qu’elles arrivent propres
et saines dans les nouvelles réserves, consolidation et, pour la plupart, condition-
nement pour leur stockage définitif. Se fondant sur ce fichier général, le chan-
tier s’organisa en plusieurs étapes qui furent planifiées et menées en concertation
étroite avec des partenaires institutionnels et des prestataires mobilisés sur les
aspects les plus techniques :
1) la programmation générale et la budgétisation du chantier fut réalisée en colla-
boration avec Marie-Dominique Parchas (cf. Chave-Dartoen, Parchas, Sansamat,
2005 ; Chave-Dartoen, 2005), venue faire au MEB son stage de maîtrise scienti-
fique et technique en conservation préventive (université Paris-I) ;
2) la programmation fine et la direction du chantier des collections furent confiées
sur appel d’offres à des professionnels en conservation-restauration (Marie-Josèphe
Arrestays, Pascale Girard, Cédric Lelièvre, Alain Renard, Raphaëlle Ternois).
Ils assurèrent dans ce cadre le pilotage général, la formation et l’encadrement de
l’équipe du MEB ainsi qu’une bonne part des actes les plus délicats (cf. Arrestays,
Girard, Lelièvre, Renard, Ternois, 2009-2010) ;
3) la programmation des nouvelles réserves et la projection des collections dans
les espaces rénovés furent confiées sur appel d’offres au cabinet FL&Co (Frédéric
Ladonne).
Ce fichier général – dit « de traçabilité » – fut utile pour donner une vision d’en-
semble sur la composition des collections et offrir une base de données regrou-
pant toutes les collections recensées. Il ne fut toutefois jamais utilisé directement
pour les opérations du chantier : en revanche, il forma une base qui fut retravail-
lée en fonction des outils et des méthodes de nos partenaires qui, tous, ont réalisé
leurs propres fichiers.
117

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Partie III – Informatiser les collections

Il en va de même pour les opérations complémentaires que nous menons en interne :


4) le redéploiement des collections, pour lequel le fichier de colisage a formé une
base qui fut enrichie lors du rangement. Sa finalisation (en cours) offrira un réco-
lement complet et définitif ;
5) la préparation de l’inventaire qui nécessite la réalisation d’un listing de synthèse
en relation avec nos collègues des musées du quai Branly et Guimet. Ce listing
intègre les données de l’inventaire du musée d’Ethnographie du Trocadéro, du
catalogue « de correspondance », des « fiches Lemaire » et du récolement en cours
dans les trois institutions. Ce listing devrait idéalement reconstituer la composi-
tion initiale de nos collections et permettre donc un inventaire rétrospectif. Sur
cette base, sera réalisé le comparatif entre un état ancien nécessairement hypo-
thétique et un état actuel de nos collections ;
6) la finalisation de la base de données qui, réalisée sous le logiciel ActiMuseo®,
est développée à partir de FileMaker Pro®. Cette base de données centralisera
à terme l’ensemble des données relatives aux collections. Elle permettra l’édition
des données sous forme de fiches ou de listings à finalités variées, dont le listing
correspondant à l’inventaire réglementaire finalisé.
Alors, numérotation définitive et tatouage seront réalisés sur les œuvres des collec-
tions qui ne l’ont pas été lors du premier travail de repérage et de synthèse qu’avait
constitué le catalogage scientifique.
L’expérience nous a appris que nous étions loin de détenir, avec nos fichiers Excel,
pourtant simples et souples d’usage, l’outil de gestion universelle que nous avons
eu, un temps, l’illusion de mettre en place. Seule une base de données polyva-
lente, très détaillée, et très précisément informée, peut remplir cette fonction. Un
tel outil devient donc vite lourd et chronophage à mettre en place. Encore faut-il
qu’il puisse s’adapter à l’évolution des besoins, des matériels et autoriser un trai-
tement par différents logiciels d’exploitation… Afin de préserver l’adaptabilité
future des méthodes et des outils, nous avons donc choisi un logiciel de gestion
et de valorisation développé sous FileMaker Pro.

Une base de données modulable et polyvalente


Faute d’une base de données opérationnelle, le travail réalisé au musée ces der-
nières années s’est massivement appuyé sur des données informatisées sous forme
de listings. Les besoins spécifiques et les différents outils mobilisés ont abouti,
in fine, à l’établissement de différents types de listings, généralement sous Excel.
Globalement, il ressort de notre pratique de l’informatique, le constat du coût
considérable – en temps et en énergie – de sa mise en œuvre, quel que soit par
ailleurs l’intérêt évident de son usage. L’urgence du chantier est passée et les cir-
constances sont propices (recrutement d’un chef de programme sur CDI, achat
de matériel, moyens financiers pour le suivi des programmes et la maintenance).
Des efforts constants sont désormais engagés pour l’établissement d’une base
de données durablement opérationnelle où seront regroupées les informations
actuellement réparties dans les différents listings de travail, et indexés tous les

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Gestion et valorisation des collections. La politique documentaire
au musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen

­ ocuments numériques relatifs aux collections (fichiers, scans, photos, fichiers


d
son et/ou audiovisuels…).
En 2007, nous avons fait le choix de changer de logiciel. Notre choix s’est porté
sur ActiMuseo pour différentes raisons, les principales étant qu’ActiMuseo nous
a semblé plus facile d’utilisation, très polyvalent, évolutif et moins coûteux.
Le transfert des enregistrements présents dans l’ancienne base Micromusée (collec-
tions « textiles », « musique », « Sibérie », « Afrique » ainsi que les plaques de verre du
fonds ancien de photographies) a été entrepris par lot. Cette entreprise de migra-
tion ne fut pas simple et fut partiellement externalisée auprès d’un prestataire. Un
certain nombre d’étapes furent indispensables avant d’insérer ces données dans
ActiMuseo : il fallut les récupérer, les corriger, les normaliser afin de les convertir
et de les intégrer à la nouvelle base de données. Précisons que nous avons essen-
tiellement travaillé avec Excel, les données des fichiers Excel étant, suite à leur
préparation, directement reversées dans les rubriques d’ActiMuséo.
En résumé, les opérations de migration ont compris quatre phases :
– le transfert des données de Micromusée vers Excel ;
– le lissage des documents Excel : contrôle, corrections, mise en place et infor-
mation complémentaire des différents champs ;
– la conversion sous FileMaker Pro ;
– l’intégration des données dans ActiMuseo.
Une fois les notices créées dans ActiMuseo, un nouveau travail de contrôle et de
correction de chaque notice d’œuvre reste nécessaire : vérification de l’exactitude
des données, du respect des normes catégorielles et des dénominations (thésau-
rus, listes d’autorité, atlas géographiques et historiques…), de l’intelligibilité des
informations pour les utilisateurs ; vérification, également, de l’adéquation entre
chaque notice et les photographies – ou tout autre document – qui lui sont asso-
ciées par exemple…
Pour conclure sur la question de la gestion des collections et de leur documen-
tation, l’outil électronique qui a été choisi permet d’associer les différents aspects
de la gestion, ainsi que différentes formes de diffusion des collections. Tous nos
problèmes ne trouvent pas, ici encore, de solution aisée, mais globalement, le logi-
ciel retenu permet :
1) la préparation de l’inventaire juridique, l’édition des registres légaux d’inven-
taire et de récolement décennal ;
2) la réalisation d’un inventaire scientifique et documentaire où chaque notice
reçoit l’indexation de toute la documentation qui lui est relative : information
scientifique, localisation, photos, archives numérisées, autres éléments d’un même
ensemble ; à terme, relevés climatiques de la réserve, bibliographies, cartes géo-
référencées, audio-visuels, liens vers des références électroniques… ;
3) le suivi de la gestion : localisation, conditions de conservation, constats d’états,
conditions particulières et mouvements…
4) l’accès et la médiation des collections selon différents niveaux et différents
modes de consultation : consultation en interne, consultation de la base de données
sur autorisation à distance, consultation d’expositions virtuelles (dossiers) ou

119

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Partie III – Informatiser les collections

consultation de notices éditées à partir du catalogue général suivant les entrées


souhaitées (numérotation, thématique, géographique, ethnique et culturelle…).
Nous allons développer cet autre aspect de la gestion documentaire des collections
en revenant sur la politique du MEB en matière de diffusion et de valorisation.

Diffusion et valorisation des collections : quand


l’outil informatique donne accès aux collections
La rénovation des locaux pédagogiques du département d’ethnologie-anthropo-
logie sociale et culturelle de l’université impliquait le démontage des dernières
vitrines et la disparition des espaces dévolus aux expositions temporaires annuelles
montées par le département. Une politique active de diffusion via Internet fut alors
développée par nos prédécesseurs. À partir de 1997, la Drac-Aquitaine soutint le
projet d’un site, alors pilote pour la région, qui présentait une bonne part de l’ico-
nographie et une partie des collections ethnographiques dont l’étude scientifique
était réalisée. Plusieurs milliers de photos anciennes furent numérisées et y furent
présentées, plusieurs centaines d’objets étant également publiés sous la forme de
brèves notices complétées d’une photo de travail. Bien que n’offrant pas un accès à
l’ensemble des collections du MEB, ce site eut un vif succès (40 000 visites par an
dans les années 2000). Comme tout site, il devint toutefois rapidement obsolète
et très coûteux en termes d’entretien et de mise à jour, pour ne pas parler de son
nécessaire enrichissement. En 2007, l’achat du logiciel ActiMuseo nous a permis
de changer radicalement de méthode.
Une des raisons pour lesquelles nous avons changé de base de données est la possi-
bilité de valoriser directement les collections sur le web à partir du nouveau logiciel
d’inventaire et de gestion. Nous utilisons, pour cela, la plateforme de développement
WebMuseo® qui permet la publication sur le web de notices éditées à partir de la
base de données réalisée dans ActiMuseo (les deux logiciels sont indépendants).
Toutefois, la mise en ligne demande ici encore plusieurs étapes, exigeant du temps
et un travail de préparation attentive. Il faut, avant tout, faire un choix dans les
notices d’œuvres et décider de celles qui seront exposées sur le site Internet. Jusqu’à
présent, nous avons fait le choix de ne proposer au public que les notices pos-
sédant un minimum d’informations et au moins une photographie. Une fois les
notices transférées, WebMuseo permet de choisir les informations de la notice
qui paraissent pertinentes pour une mise à disposition du public internaute. Cette
plateforme de développement permet, en outre, d’organiser la présentation des
notices sous forme de dossiers thématiques et de présenter de petites expositions
virtuelles. Il s’agit toutefois davantage d’albums de photographies (qui défilent
dans un carrousel), à partir desquels les notices peuvent être interrogées, que de
véritables expositions servies par un discours et un traitement visuel adapté.
L’achat du nouveau logiciel d’inventaire et de gestion coïncida avec la rénova-
tion du site. Il fallut cependant se ménager le temps nécessaire pour transfé-
rer l’ensemble des collections sur ActiMuseo et réaliser des notices exploitables.
Une solution transitoire fut décidée : le site expérimental de 1997 fut intégré au

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Gestion et valorisation des collections. La politique documentaire
au musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen

nouveau site de 2007, permettant de coupler l’accès aux nouvelles notices et celui
– certes un peu moins direct – aux anciennes notices. La réalisation progressive
de la quasi-intégralité des notices sous ActiMuseo permettra le retrait prochain
de l’accès à l’ancien site.
L’achat et l’usage combiné des logiciels ActiMuseo et WebMuseo permirent un enri-
chissement constant des notices publiées et une vie du site acceptable. L’architecture
de ce dernier (réalisée par un prestataire) est toutefois trop contraignante et manque
de souplesse pour que sa mise à jour soit simple et aisée. Depuis 2007, les logiciels
ont évolué, nos besoins, nos envies et les attentes du public aussi. Nous sommes
donc en réflexion sur la refonte du site Internet du musée. La présentation des
collections, mais aussi la philosophie générale et le contenu du site sont à revoir.
Un nouveau site est donc en cours de programmation. Un cahier des charges va
être établi avec le concours du spécialiste informatique du service communication
de l’université. Il doit pouvoir intégrer de façon très simple et intuitive différents
niveaux d’information : catalogue des œuvres, dossiers thématiques, expositions
virtuelles, fonds documentaire (dont des documents à télécharger et à imprimer
tels que flyers, catalogues d’exposition et dossiers pédagogiques qui leurs sont rela-
tifs…). Doivent y figurer en bonne place les résultats d’un projet de recherche
innovant mené conjointement par le MEB et divers partenaires spécialistes de
l’imagerie numérique et de la numérisation en trois dimensions. Mentionnons
que ce projet, qui a pour but de numériser et de restituer en 3D certains de nos
costumes asiatiques du xixe siècle, requerra un espace de stockage bien supérieur
à celui actuellement loué auprès de la société WebMuseo. L’université projette de
mettre en place une structure de stockage mutualisée qui nous affranchira, à terme,
de notre prestataire et devrait assurer la pérennité des données qui y sont déposées.
La mention de la question du stockage et de la pérennité des données que la numé-
risation permet de générer en très grande quantité n’est pas anecdotique en cette
fin de propos. Une longue pratique nous incite à toujours rester attentives aux
avantages, mais aussi aux contraintes que génère l’usage de l’outil l’électronique.
Cet outil offre un intérêt certain, essentiellement en termes d’indexation de l’in-
formation et de consultation, mais il est chronophage et doit rester très évolu-
tif. En ce qui concerne le MEB, l’informatique fut toujours centrale, quand bien
même les fiches cartonnées du fichier manuel restent consciencieusement tenues à
jour. Durant les dernières années, la réalisation de l’inventaire, le catalogage scien-
tifique et la diffusion électronique ont été menés parallèlement dans la mesure
du possible, bien que selon des temporalités un peu disjointes. Le résultat semble
globalement satisfaisant mais un regard rétrospectif éveille le regret d’un par-
cours quelque peu erratique. Était-il seulement possible de procéder autrement ?
Difficile à dire dans un domaine qui sans cesse évolue.
Nous souhaiterions conclure en insistant sur la nécessité d’une programmation
détaillée pour toute politique documentaire et sur la nécessité du recours à l’as-
sistance d’experts. Comme le soulignent Schafer, Thierry et Couillard (2012), très
souvent les musées ne disposent pas en interne de spécialistes à qui confier la pro-
grammation et le développement de leurs bases de données et des sites Internet.
L’externalisation est une solution fiable si toutefois le cahier des charges est clai-
rement établi. De telles solutions sont coûteuses, mais elles doivent apporter une

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Partie III – Informatiser les collections

optimisation du projet en termes de gain de temps et de qualité dans le rendu du


travail. Le coût de l’informatisation ne s’arrête pourtant pas là. Nous avons, pour
notre part, appris à intégrer le renouvellement du matériel, mais aussi la forma-
tion continue, les licences des logiciels et les prestations diverses (stockage, main-
tenance et assistance en ligne, mises à jour, numérisation, migration…) dans les
budgets annuels et pluriannuels du musée. Aussi faut-il bien savoir dans quel type
de projet l’on s’engage et dans quel but.

Synthèse des opérations de documentation, de numérisation


et de diffusion / gestion des collections

Documentation Outils de gestion


Opérations
et de diffusion
Inventaires Trocadéro
Catalogues (Guimet / Arrivées des collections
Dons / Achats) Présentations dans les
Fiches Lemaire salles d’exposition (Fin
(Fin XIXème) XIXème)

Aménagement des
Catalogue Vivèz (1970) combles (1970’)

Catalogues scientifiques Rangement des


(1992 -) collections rue Broca
Fiches cartonnées (1991/1992)
(1992 -)
Base de Données MicroMusée
(1996/1997)
Listings excel Chantier des collections
1. Numéros provisoires
- Programmation M.D
2. Numéros MET et Guimet
Parchas et F. Ladonne (2005)
• Traçabilité réserve Broca - Réalisation du chantier avec
• Colisage l’équipe de M.J Arrestays
• Traçabilité nouvelles réserves (2008/2009)
- Gestion

3. Inventaire provisoire de Statut des collections en


recollement collaboration avec Guimet
et Musée du Quai Branly

Gestion des
Base de données ActiMuséo
collections
(2007)
Synthèse de l’ensemble des
Notices « complètes » documents sur une seule
notice

Diffusion et
Site internet hébergé par valorisation des
WebMuséo collections

Sophie Chave-Dartoen – Solenn Nieto


Musée d’ethnographie de l’Université Bordeaux Segalen

© Musée d’ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen. Sophie Chave-Dartoen – Solenn Nieto.


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La base de documentation et de gestion
des œuvres du futur Louvre Abou
Dabi : de la réflexion sur les pratiques
professionnelles à la conception
d’une base de données dédiée
Hélène Vassal

L’exemple du Louvre Abou Dabi est l’illustration d’un changement profond dans
la conception des outils de recherche et d’exploitation des données. Tourné vers
la gestion de projets, il privilégie la relation dynamique et l’ergonomie de travail ;
en cela il préfigure l’interopérabilité des bases de données entre elles et l’approche
collective qui n’aurait pu être développée sans une réflexion préalable sur les pra-
tiques professionnelles. De ce point de vue, le Louvre Abou Dabi ouvre tous les
possibles : musée créé ex nihilo 12, favorisant l’innovation, doté de moyens consi-
dérables, il permet de penser la question des métiers et de leur adéquation avec
les outils documentaires, en anticipant les besoins collectifs, tout ceci en restant
au service des œuvres et de leur conservation matérielle. L’étude de la démarche
pour parvenir au choix et à la mise en œuvre d’un outil informatique dédié à ce
projet le souligne bien et vient renforcer l’idée de l’intégration du mode opéra-
tionnel dans un système de base de données documentaire.
Outil de gestion et de documentation des œuvres destiné à permettre les échanges
de données entre l’Agence France-Muséums 13, les musées prêteurs et le futur
Louvre Abou Dabi, ce système d’information est la préfiguration d’un outil à la
fois destiné aux futurs personnels du musée à l’horizon de son ouverture et aux
concepteurs du projet réunis au sein de l’agence dans sa phase actuelle. Sa mise
au point a nécessité l’élaboration d’un cahier des charges insistant tout particuliè-
rement sur la capacité d’échange, d’interopérabilité et d’ergonomie de travail sans
oublier les grands enjeux locaux du projet en matière de transfert de compétences
et de multilinguisme. Ce travail a été précédé de l’élaboration d’un schéma directeur
opérationnel informatique (SDOI) qui, dès 2008, a définit la colonne vertébrale
du système d’information du futur musée. Ce schéma a été conçu comme « une
feuille de route indiquant les actions à conduire et échéances à ne pas manquer 14 ».
Le système d’information a été évalué en fonction des domaines d’activités au
sein du futur Louvre Abou Dabi (gestion des œuvres, bâtiment, communication

12 Son ouverture est prévue pour fin 2015 à Abou Dabi aux Émirats arabes unis.
13 L’Agence a été créée en 2007 pour coordonner l’expertise des musées français. Elle exerce ses acti-
vités dans les domaines scientifique, culturel et technique. Structure dédiée, elle se consacre au projet du
Louvre Abou Dabi, et rassemble douze des plus grands établissements patrimoniaux français au sein d’une
société de droit privé.
14 Agence France-Muséums, SDOI du musée du Louvre Abou Dabi, livrable, septembre 2008.

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Partie III – Informatiser les collections

et relation avec les publics, gestion administrative, etc.) en intégrant les spécifici-
tés fortes du projet : multilinguisme, interopérabilité, évolutivité, accessibilité et
multiculturalisme.
Pour le domaine relevant du champ des collections, considéré comme la « pierre
angulaire du système d’information 15 », la solution retenue a pour ambition de
couvrir plusieurs types d’applications liées aux fonctions opérationnelles, comme par
exemple la rotation de l’accrochage des œuvres ou l’émission d’un contrat de prêt.
Au stade programmatique du projet, on insiste alors tout particulièrement sur la
capacité de réactivité de l’outil et sur son interactivité : « La gestion des collec-
tions requiert un outil particulièrement réactif et interactif, nécessairement simple
d’utilisation : réactif car il doit refléter en permanence l’état de l’ensemble des col-
lections exposées et intégrer les besoins de préparation des accrochages et prêts à
venir ; interactif, en étant connecté à l’ensemble des dispositifs d’information, de
communication et de gestion de l’établissement 16. »
C’est dès 2009 que la machine opérationnelle se met en place à la faveur de deux
événements : le démarrage de la constitution de la collection du Louvre Abou
Dabi avec les premières acquisitions à conserver, et à documenter et l’organisa-
tion de l’exposition inaugurale de ces œuvres assorties de prêts des musées fran-
çais partenaires du projet à Abou Dabi 17.
L’Agence France-Muséums décide alors de développer, pour satisfaire ses besoins
opérationnels, une base pilote sur Filemaker dédiée d’une part à la documentation
des collections en devenir et, d’autre part, au répertoire des œuvres potentielle-
ment mises à disposition par les musées français. Ce développement sur Filemaker
ne se substitue pas à l’analyse fonctionnelle et au choix définitif du logiciel appli-
qué à la documentation et à la gestion des collections et des expositions du futur
Louvre Abou Dabi. Il vient nourrir et enrichir la réflexion croisée sur les besoins
et attentes des utilisateurs de l’agence. Très vite, autour d’une équipe de projet
réunissant les personnels de la direction scientifique de l’agence, émerge le besoin
d’une assistance à maîtrise d’ouvrage chargée d’aider à structurer et de hiérarchiser
les besoins listés dans le SDOI, notamment sous la forme d’un cahier des charges
visant à sélectionner un futur développeur.
L’enjeu de l’informatisation des pratiques de documentation et de gestion apparaît
alors clairement dans la stratégie de portage du projet du Louvre Abou Dabi par
l’Agence France-Muséums car « informatiser, c’est avant tout une modification des
pratiques, des procédures, des méthodes de travail de chacun 18 ». Construit dans
un esprit de partage du savoir scientifique et de transferts des compétences à l’ho-
rizon de l’ouverture du musée, cet outil à l’ambition d’apparaître à terme comme

15 « Le système d’information de gestion des collections constitue la pierre angulaire du système d’infor-
mation du futur musée. Compte tenu de la configuration particulière du musée : un accrochage totalement
renouvelé chaque année sur les dix premières années d’ouverture au public… », Agence France-Muséums,
SDOI du musée du Louvre Abou Dabi, livrable, septembre 2008, p. 10.
16 Agence France-Muséums, SDOI du musée du Louvre Abou Dabi, livrable, septembre 2008, p. 10.
17 Talking Art : Louvre Abu Dhabi, 29 mai-2 juillet 2009, Gallery One, Emirates Palace.
18 Brochu Danièle, Manuel pratique d’informatisation : des collections à la base de données, Paris, minis-
tère de la Culture et de la Communication/Somogy, 2004, p. 257.

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La base de documentation et de gestion des œuvres du futur Louvre Abou Dabi :
de la réflexion sur les pratiques professionnelles à la conception d’une base de données dédiée

le révélateur des pratiques et des procédures qui structurent l’activité autour des
collections du futur musée.
Le cahier des charges rédigé en 2010 rappelle ces enjeux fondamentaux et iden-
tifie les besoins génériques :
– être opérationnel en permanence et en des endroits divers (à Paris, à Abou Dabi,
dans un musée prêteur, en réserves, etc.) ;
– refléter en temps réel l’état de la gestion des œuvres et notamment leur traçabilité ;
– planifier les mouvements en intégrant la question des rotations de prêts et des
expositions temporaires ;
– être en lien avec les autres composantes du système informatique du futur
établissement ;
– assurer la sécurité des informations et le respect de la hiérarchie des droits
d’accès correspondants aux différents profils utilisateurs.
Ce même cahier des charges décrit la démarche par projet développé par l’équipe
avec la collaboration de son assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) :
– l’analyse par activités est privilégiée afin d’identifier la chaîne opératoire de trai-
tement d’une œuvre ou d’un projet (exposition, catalogue, accrochage…) ;
– l’ensemble des opérations est répertorié afin d’identifier les liens fonctionnels et
de clarifier les acteurs correspondant à chaque niveau d’intervention dans la base ;
– la dimension opérationnelle est intégrée dès la phase conception par construc-
tion intellectuelle issue de la démarche qualité : planifier, réaliser, contrôler et cor-
riger (to plan, to do, to check, to act).
Ces modules interopérables entre eux doivent permettre ainsi de générer des tâches
et de les planifier, d’élaborer des constats d’état normalisés, de suivre les accro-
chages annualisés et de tracer en temps réel les objets :
Ces opérations sont conçues pour être activées dans l’outil ou interopérables avec
la base via des outils dédiés 19, dont le développement actuel devrait être favo-
risé par l’apport des nouvelles technologies. On retiendra tout particulièrement
le travail mené sur les constats d’états, l’objectif étant de documenter l’opération
de constat en temps réel, grâce à l’utilisation d’une palette graphique intégrant un
vocabulaire spécifique et une cartographie des altérations reliée à la fiche rétros-
pective de l’œuvre, liée elle-même à l’objectif assigné à la tâche (constat de prêt,
premier diagnostic à l’entrée de l’œuvre, récolement, etc.).
Le choix de l’outil a donc été guidé, au terme d’une mise en concurrence de dix
outils de documentation et de gestion informatisée des œuvres existant sur le
marché international, par une approche transversale dans la conduite de projet.
Ce choix basé sur un ensemble de critères objectifs privilégie la réactivité de l’outil
(en mode fullweb), l’interopérabilité, la flexibilité (capacité à évoluer), le multilin-
guisme, l’ergonomie de travail et l’exhaustivité (couverture fonctionnelle conforme
au cahier des charges).
Les ateliers de spécifications associant le développeur, l’équipe projet de l’agence
et l’AMO, menés durant tout le premier semestre 2011, ont, quant à eux, permis

19 Utilisation de palettes graphiques appliquée au constat d’état, outils dits de tracking permettant la mise
à jour en temps réel des localisations dans le musée, en réserve et en mouvement.

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Partie III – Informatiser les collections

de clarifier les interactions à l’intérieur du système de données, afin de propo-


ser une stratégie rationnelle d’automatisation de la documentation appliquée à la
connaissance et à la gestion des œuvres autour de vingt modules se rapportant à
cinq grands groupes liés aux questions documentaires, aux acquisitions, aux expo-
sitions, à la conservation et à la régie des œuvres.
Si les modules, à portée scientifique comme opérationnelle, sont indépendants
les uns des autres, il est possible de mettre en place un certain nombre de liens
entre eux. Ces liens sont organisés à partir de l’œuvre et des opérations liées à ses
flux réparties dans chaque module. On pourra ainsi consulter des comptes-rendus
produits automatiquement (ensemble des constats d’état réalisés, liste des exposi-
tions auxquelles l’œuvre a participé, nature et fonction d’outils muséographiques
et matériaux liées, etc.) ou les documents liés à telle ou telle tâche (rapport de
restauration, contrat de prêt, attestation d’assurance, etc.). On pourra également
suivre l’ensemble d’un processus de prêt ou d’acquisition dans le cadre d’un module
dédié à la gestion des tâches et à leur planification.
L’agence, dans sa mission d’expertise et d’accompagnement du projet du musée du
Louvre Abou Dabi, place donc au centre de son action les enjeux liés à la gestion
des œuvres, à leur connaissance et à leur conservation préventive, par le biais
d’un outil sur mesure et particulièrement ambitieux, avec pour objectif à moyen
terme de « recueillir les informations jugées importantes, les archiver, les trans-
mettre et se donner les moyens d’une approche transversale dans la conduite des
projets 20 ». Elle suit une démarche qui favorise la planification des opérations
liées aux œuvres et valorise ainsi à l’horizon de l’ouverture du Louvre Abou Dabi
les compétences métiers des différents personnels impliqués dans la gestion et la
documentation des œuvres.

20 Payet Roch, De nouveaux outils pour la gestion de la conservation préventive, Journées d’étude du master
de conservation préventive, 14 et 15 juin 2006, université Paris-I.

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Le premier projet d’informatisation
des collections des musées du Vietnam
Françoise Dalex

En 2011, le monde muséal vietnamien connaît la finalisation d’un premier projet


d’informatisation des collections au musée d’Ethnographie du Vietnam (MEV)
de Hanoi et au musée des Témoignages de guerre (MTG) de Ho Chi Minh-
Ville. Celui-ci englobe la formation des équipes, le développement informatique
d’une base de données d’inventaire 21 et la production des contenus numériques.
Il a pu être défini et mis en place grâce à une coopération franco-vietnamienne
solide et une politique culturelle nationale en pleine évolution. Les réalisations,
fidèles aux objectifs initiaux, présentent des caractéristiques spécifiques en termes
de gestion de projet, contenus, usages mais aussi d’initiatives riches d’avenir. La
base de données participe de la stratégie des établissements : inventaire, édition,
expositions, acquisitions et sécurité des œuvres. Les musées pilotes essaiment
aujourd’hui le projet dans l’ensemble du pays.
Dans un pays qui compte 54 ethnies, des influences chinoises au nord, indiennes au
sud, le patrimoine du Vietnam se caractérise par sa richesse et sa diversité. Quant
à son histoire récente, les présences françaises ou soviétiques, comme une parti-
tion de trente ans, ont des répercussions profondes sur l’organisation et les spéci-
ficités des institutions culturelles. Ainsi des musées. Les plus anciens datent de la
colonisation française et mettent en scène les objets prestigieux : musée Cham de
Danang 22 ou musée d’Histoire de Hanoi 23. Les plus récents sont connus pour
leur muséologie renouvelée : musée d’Ethnographie du Vietnam 24 ou musée
des Femmes de Hanoi 25. Équipement rare hier, le musée est devenu un phéno-
mène de mode dans un Vietnam en plein essor économique et avide de tous les
symboles de modernité. Le monde muséal s’en trouve bouleversé. Les directions

21 Application informatique, logiciel ou progiciel, qui sauvegarde des informations structurées et organi-
sées. Elle permet le stockage de grandes quantités d’informations et leur exploitation par des mises à jour
successives. L’organisation des données facilite des recherches pertinentes et efficaces. L’administration de
la base de données permet de sécuriser l’accès aux données pour des utilisateurs qui ont différents droits :
consultation des résultats de requêtes, « écriture » pour saisir, modifier, supprimer et valider des données.
Fonctionnellement, les informations sont présentées selon différents écrans de saisie, recherche et consul-
tation. Les informations sont organisées en champs, qui apparaissent comme des cadres de saisie vides
dans la partie « écriture ». Les informations sont saisies librement ou sélectionnées dans des listes de réfé-
rentiels de mots-clés. Les informations peuvent y être uniques ou multiples, obligatoires ou facultatives.
Techniquement, différentes tables, fichiers et répertoires assurent l’organisation des données et leur sau-
vegarde sur un serveur. La mise en place d’une base de données fait l’objet d’une organisation en gestion
de projet, d’un développement informatique et d’acquisition des infrastructures informatiques : serveur,
réseau… Les bases de données peuvent être des produits d’éditeurs ou développés intégralement selon un
cahier des charges spécifique.
22 www.chammuseum.danang.vn
23 http://baotanglichsu.vn/sousleportail/fr/Page-d-accueil/mid/29453A92/
24 http://www.vme.org.vn/french/visitor_info.asp
25 http://www.womenmuseum.org.vn/fr.html

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Partie III – Informatiser les collections

définissent leurs premières politiques d’accueil des publics ou de valorisation des


collections. Les professionnels les plus dynamiques cherchent à acquérir de nou-
velles compétences.

Le contexte du projet d’informatisation


des collections
La coopération culturelle franco-vietnamienne existe depuis 1992 avec la création
d’un réseau professionnel au moment de la construction du musée d’Ethno­graphie
du Vietnam 26. En 2004, le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) « Revalorisation du
patrimoine muséologique vietnamien » donne une envergure nationale à ce réseau,
encadrant et finançant des projets muséaux sur l’ensemble du territoire vietna-
mien. Ce contexte favorable permet de définir un premier projet d’informatisa-
tion des collections au MEV. Le MTG demande à y être associé pour stimuler sa
modernisation. L’informatisation des collections s’articule avec des projets FSP
complémentaires. Au MEV, la construction d’un second musée, le musée d’Asie
du Sud-Est (MASE) et l’acquisition de collections issues de ces pays imposent
en effet une meilleure pratique de description des collections, l’acquisition d’un
outil pour encadrer le mouvement des collections, la réorganisation des réserves et
leur conservation préventive 27. Le projet doit accompagner la montée de compé-
tences scientifiques des ethnologues, collecteurs et responsables des collections 28.
Au MTG, la base de données se conjugue avec l’installation d’une photothèque
et l’acquisition d’un fonds photographique. Le projet débute en 2006 dans les
deux musées volontaires. La livraison de la version finalisée sera signée en 2010.
L’informatisation des collections cristallise toutes les problématiques des musées
vietnamiens. Le premier objectif est d’améliorer la qualité des inventaires et des
pratiques documentaires et la sauvegarde des informations sur les collections.
Le deuxième objectif est d’assurer la préservation du patrimoine, pour mieux le
connaître, garantir son accès et sa valorisation. Un troisième objectif concerne la
formation des professionnels qui doivent développer et consolider de nouvelles
expertises métiers. Un tel projet s’appuie sur une transmission de compétences,
que seuls peuvent assurer des partenaires déjà expérimentés, donc étrangers. Ce
projet en nouvelles technologies est en outre l’occasion d’associer toutes les res-
sources compétentes locales, y compris celles issues du secteur privé. Une société
informatique locale est sélectionnée sur appel d’offres pour développer l’applica-
tion et pallier l’absence de services informatiques dans les musées. Une prestation
informatique externe présente plusieurs avantages : l’adaptation de l’application

26 Nguyen Van Huy, directeur du MEV, invite comme conseillers Georges Condominas, ethnologue,
et Christine Hemmet, responsable des collections Asie au musée de l’Homme de Paris puis au musée du
quai Branly.
27 Véronique Monnier, spécialiste de la restauration et de la conservation préventive, intervient dans le
cadre du FSP.
28 Les ethnologues sont associés aux choix des mots-clés d’indexation pour décrire les spécificités des
acquisitions d’Asie du Sud-Est.

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Le premier projet d’informatisation des collections des musées du Vietnam

aux besoins des équipes 29, le développement d’une collaboration inédite, l’ap-
propriation de l’outil pendant le temps du projet, un coût moindre par rapport à
une base de données d’éditeur.
Les initiateurs du projet 30 ont conscience des atouts autant que des lacunes des
équipes et des moyens matériels. La méthodologie du projet se définit en deux
parties : formations en management des collections et suivi de projet d’une part,
adoption d’outils de gestion de projet d’autre part.

La méthodologie du projet : formations et gestion


de projet adaptée
La création d’une base de données patrimoniale est engagée pour répondre aux
objectifs suivants :
– organiser, améliorer et harmoniser la description scientifique des collections objets
et photographies des deux musées, mais également des imprimés et ­documents
audiovisuels pour le MTG ;
– enrichir et mettre à jour ces données facilement et de façon pérenne ;
– renseigner et structurer le circuit de conservation et la gestion physique des
collections ;
– simplifier les recherches sur les collections ;
– communiquer et partager la documentation numérique avec des publics internes
et externes (impression, export, paniers de sélection des collections) ;
– avoir des statistiques pour améliorer la connaissance et la visibilité des collec-
tions (nombre d’objets, acquisitions récentes…) ;
– sécuriser les données (sauvegarde des données, sécurité et confidentialité des
informations, gestion des profils d’utilisateurs…) ;
– acquérir de nouvelles compétences.

L’indispensable formation et le transfert de compétences


Cinq jours de formation en 2006 marquent le point de départ du projet. La direc-
tion et les scientifiques du MEV assistent à l’ensemble des séances. Cette forma-
tion théorique remplit la fonction d’assistance à maîtrise d’ouvrage. L’enjeu est
de faire connaître à tous le périmètre du projet, de rendre les équipes des réserves
autonomes et d’impliquer les ethnologues collecteurs dans la gestion scientifique
et physique des collections. La formation permet la rédaction rapide du cahier
des charges, sans perte d’informations ni interprétations.
La formation est structurée en sept axes complémentaires :
– Une présentation des caractéristiques d’une base de données patrimoniale, en
matière de contenus et d’usages.

29 L’inconvénient d’une solution sur mesure est l’anticipation des demandes de développements et de
mises à jour.
30 Christine Hemmet et Nguyen Van Huy.

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Partie III – Informatiser les collections

– Une étude de l’existant des infrastructures informatiques et de la qualité des


informations sur les collections disponibles sur fiches papier et photographies,
transmises au retour des collectes.
– En complément, une analyse des besoins en deux volets : un chantier informa-
tique et un chantier documentaire, pour atteindre les standards internationaux 31.
Les directions programment une amélioration informatique des musées : moder-
nisation des réseaux et acquisition de matériel informatique. Un récapitulatif
recense l’ensemble des moyens humains et techniques disponibles ou à acquérir,
pour le court, moyen et long terme.
Les caractéristiques des contenus de la base de données sont définies à cette étape.
La formalisation écrite de dysfonctionnements jusqu’alors identifiés oralement
encourage le service des réserves à affiner les exigences de contenus de la future
base de données. Pour améliorer la qualité des inventaires et de la documentation
des collections en particulier, les informations disponibles, souvent lacunaires ou
hétérogènes, sont classées selon plusieurs critères : « à conserver », « à systémati-
ser », « à normaliser » et « à harmoniser ». La production d’outils documentaires
de description des collections commence par la définition des premières listes de
mots-clés 32. L’enjeu est d’enrichir les fiches de collectes à saisir désormais sous
Word et d’améliorer les procédures de transmission des collectes entre les scien-
tifiques et l’équipe des réserves.
Cette étape est aussi l’occasion d’anticiper les priorités, la charge de travail, l’iden-
tification des acteurs, le volume des notices et des images, les droits et le nombre
d’utilisateurs potentiels, les conditions de diffusion des informations.
– Les besoins sont traduits en spécifications pour rédiger un cahier des charges.
Une séance présente les contenus d’un cahier des charges et son usage pendant
toute la durée du projet, comme document de référence et de communication,
cadre d’une collaboration avec un prestataire informatique sélectionné selon des
critères objectifs. En complément, sont définis les outils de suivi de projet, les
documents de travail et les conditions de leur mise à jour 33.

31 ICOM, http://archives.icom.museum/object-id ; http ://icom.museum/normes-professionnelles/


normes-et-lignes-directrices/L/2/ ; http ://icom.museum/la-vision/definition-du-musee/L/2/ ; http ://icom.
museum/la-vision/code-de-deontologie//L/2/ ; http ://icom.museum/normes-professionnelles/concepts-
cles-de-museologie/L/2/ et UNESCO, http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=36646&URL_
DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html ; http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001478/147854f.
pdf ; http://portal.unesco.org/culture/fr/files/34885/11974725625235FR.pdf/235FR.pdf ; http://portal.
unesco.org/culture/fr/ev.phpURL_ID=14400&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.
html ; http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.phpURL_ID=3409&URL_DO=DO_TOPIC&URL_
SECTION=201.html ; http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001862/186234F.pdf ; http://www.
unesco.org/new/fr/culture/themes/museums/museum-projects/unesco-iccrom-partnership-for-the-
preventive-conservation-of-endangered-museum-collections-in-developing-countries-2007-2010/
documentation-of-museum-collections/#c201975
32 Les informations de description scientifique et physique des collections sont classées en liste d’infor-
mations obligatoires, répétables, en saisie libre, structurées en listes de mots-clés, communes ou spécifiques
à certaines collections… Les listes de mots-clés sont les sept thesaurus des noms de lieux, classification,
usages, matériaux, techniques, localisation des objets, état physique, les listes d’autorité des noms ethnies,
personnes et institutions, datation, état des collections… (voir encadré p. 139).
33 Calendrier avec phasages et étapes, grilles de tests, documents de suivi de projet et d’utilisation de
l’application.

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Le premier projet d’informatisation des collections des musées du Vietnam

– L’organisation du projet se structure en deux groupes projets 34. L’opérationnel


est confié aux chefs de service des réserves, qui valident les notices mais laissent
le projet à la responsabilité des administratrices 35. L’équipe projet, motivée, est
encadrée par un membre de la direction. Au MEV, le vice-directeur Luu Hung
s’investit et soutient pleinement l’administratrice de la base de données.

Les missions de suivi de projet


Huit missions 36 et des échanges par courriels réguliers complètent la formation
initiale. Tous les acteurs du projet sont invités à participer aux séances : service des
réserves, informaticien, photographes, scientifiques, direction du musée. Le déve-
loppement informatique de la base de données et le chantier de sélection des réfé-
rentiels de renseignement des collections occupent l’essentiel des temps de missions.
Pour stimuler le développement informatique, plusieurs réunions de projet sont
organisées à chaque mission avec les prestataires. Elles permettent d’actualiser le
calendrier des développements et d’imposer des livraisons avant la fin de la mission.
Ces moments d’échanges sont l’occasion d’identifier les problèmes non commu-
niqués parce qu’ils sont considérés comme insolubles. Ils permettent d’exprimer
des interrogations nouvelles, de débloquer des problèmes ponctuels et inédits en
particulier d’alerter sur les déficiences du parc informatique du MEV.
Les outils de description des collections sont multiples : photographie des objets,
listes de mots-clés, normes de saisie, définition de procédures métiers et rédac-
tion des manuels d’utilisation, etc.
C’est également l’occasion de revoir l’organisation humaine et matérielle du projet :
relance de groupes de travail, nomination officielle des chefs de projet, élabora-
tion des plans de formation, place du projet dans la stratégie d’établissement… La
direction du MEV profite des missions pour organiser des opérations de commu-
nication et de pédagogie tournées vers les équipes scientifiques, afin de les intégrer
au projet qu’ils jugent « technique » et accompagner le changement des méthodes
de documentation des collectes. Elle réunit le comité de pilotage à l’occasion des
missions, pour valider toutes les décisions et documents en attente. Les comptes-
rendus de missions sont les plus détaillés possibles pour servir de feuille de route
aux équipes projets et aux prestataires.

34 Un comité de pilotage impulse les grandes orientations du projet et valide les propositions des groupes
de travail (référentiels, tests…).
35 Dans les deux musées, celles-ci font partie du service des réserves, pilotent le projet technique et édi-
torial (voir encadré).
36 Le projet commence en 2006 et la dernière mission a lieu en 2011, avant la fin du FSP.

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Partie III – Informatiser les collections

Les réalisations
Le développement de la base de données
C’est la partie du projet la plus sensible pour les équipes des musées. Le cahier des
charges initial est respecté et les demandes spécifiques sont toutes implémentées.
Des notices hiérarchisées permettent de créer une notice générique « mère » pour
décrire un groupe d’objets lié à des notices spécifiques « filles » d’un objet de ce
groupe. Cela est particulièrement utile pour les costumes constitués de nom-
breuses pièces complémentaires 37. Les informations saisies sur la « mère » s’in-
crémentent directement sur les « filles » : ethnie, racine du numéro d’inventaire…
Et des informations complémentaires des « filles » remontent automatiquement
sur la fiche « mère » : numéro d’inventaire développé, appellation, photographie
de l’objet. Ce système présente trois avantages : un gain de temps, une diminu-
tion du risque d’erreur à la saisie et un accroissement de l’efficacité de la recherche
dans la base de données.
La création de sous-bases de données pour les collections objets, photographies,
arts graphiques ou imprimés, correspond aux usages des professionnels. Elles
intègrent les spécificités de renseignements et des liens font dialoguer les notices
de collections : sont liées notices d’objets et photos qui représentent l’objet en
cours de fabrication.
Une recherche fédérée permet d’explorer l’ensemble des contenus de toutes ces
sous-bases.
Pour garantir une bonne gestion physique des collections, la base de données
conserve sans les écraser l’ensemble des informations de mouvements, localisa-
tion et constats d’état.

Le renseignement numérique des collections


L’élaboration de tous les référentiels des collections, listes de mots-clés et images
numériques, améliore la connaissance des collections, motivation initiale des direc-
tions. Elle commence en 2006, s’étend jusqu’en 2010 au MTG et se poursuit au
MEV en 2012. Élaborées par les équipes projets, les listes de mots-clés sont vali-
dées par un vice-directeur du projet au MEV et l’ancien directeur du MTG. Le
chantier photographique est l’occasion d’un récolement.
L’enrichissement de la description scientifique des collections est possible grâce
à la création de référentiels, normalisés et systématisés. La description des col-
lections structurées en champs et listes de mots-clés permet d’éviter les fautes de
saisie, d’indexer les collections rapidement et de faire des requêtes pertinentes.

37 Les costumes des ethnies et les uniformes sont constitués de pantalon, veste, coiffe, guêtres,… Le
costume est décrit dans une notice « mère », les différentes parties du costume sont autant de notices « filles ».

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Au MEV, le thesaurus de classification des objets constitue un chantier scienti-


fique et technique complexe. Il s’agit d’une première expérience de classification
qui impose une réflexion et une orientation scientifiques élaborées à la lumière des
axes d’acquisition privilégiés et oubliés, des compétences ou manque d’expertise
sur les grandes collections, comme les textiles ou céramiques. Ces séances iden-
tifient aussi les « trésors » des collections.
Les informations de gestion physique des collections sont définies pour assurer
la traçabilité des collections : localisations passées et présentes, dates et lieux de
mouvements, constat d’état, date de prise photographique. Elles mettent au jour
de nouveaux besoins de formation en conservation préventive.

Le succès du transfert de compétences


La réussite la plus tangible du projet est le transfert de compétences et la profes-
sionnalisation des équipes dans les domaines de l’inventaire et de l’informatique
documentaire. Celles-ci sont particulièrement désireuses de se former. Les deux
administratrices de la base de données sont aujourd’hui entièrement autonomes
dans la gestion technique et éditoriale, mais également dans les relations avec la
direction, les scientifiques et les prestataires. Elles ont su imposer leurs nouvelles
compétences dans les établissements et les directions les identifient comme pilotes
de projets conduits avec de nouveaux prestataires informatiques 38. Elles déve-
loppent ainsi leur réseau et consolident leurs compétences en nouvelles technologies.

La mise en place de réseaux professionnels


L’intérêt du projet est également d’être le moteur qui structure, renforce et déve-
loppe plusieurs niveaux de réseaux professionnels spontanés et complémentaires.
La formation initiale a décloisonné les équipes dans les musées. Au MEV, le suivi
du projet lie durablement l’équipe des réserves et les vice-directeurs. Les équipes
projets des deux musées partagent leurs expériences et collaborent étroitement
pour maîtriser la complexité du projet.
Un deuxième réseau se crée entre prestataire informatique et équipe muséale. C’est
une première expérience pour chacun. La société informatique ignore tout des
musées et de leurs besoins spécifiques. Les échanges se construisent initialement
sur le respect du cahier des charges et la tenue régulière de réunions, définies par
la méthodologie de projet. Le prestataire propose aujourd’hui des améliorations
pour le logiciel et cherche à vendre l’application, laquelle constituerait un nouvel
atout pour créer un groupe influent d’utilisateurs muséaux.

38 Elles pilotent les projets de site Internet des musées, en phase de « recettage » au MTG, en définition
au MEV, impulsé en 2013 par la mise en ligne des collections.

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Partie III – Informatiser les collections

Écran d’accueil de la base de données du musée d’Ethnographie du Vietnam.


© Musée d’Ethnographie du Vietnam.

Liste des thesaurus disponibles et déploiement de la hiérarchie d’un thesaurus.


© Musée d’Ethnographie du Vietnam.

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Le premier projet d’informatisation des collections des musées du Vietnam

Liste des thesaurus disponibles et déploiement d’un thesaurus en cours d’enrichissement.


© Musée d’Ethnographie du Vietnam.

Liste des thesaurus disponibles et déploiement de la hiérarchie d’un thesaurus.


Mot clé bleu nouvellement validé (utilisable) et mot clé rouge nouvellement intégré à la hiérarchie
des mots-clés (en cours de validation pour une utilisation future).
© Musée d’Ethnographie du Vietnam.
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Partie III – Informatiser les collections

Mosaïque des photos de résultats de la recherche « vestes et tuniques ».


© Musée d’Ethnographie du Vietnam.

Une troisième mise en réseau concerne les professionnels extérieurs des musées
et universitaires 39. L’équipe projet intervient à l’occasion des missions au musée
d’Histoire national du Vietnam de Hanoi 40 et à l’université du Patrimoine de Ho
Chi Minh-Ville depuis 2010. Les deux sessions de formation théorique s’adressent
aux dirigeants des musées du Sud Vietnam, enrichies des retours d’expériences
des équipes du MEV.
Pour compléter la présentation des normes internationales de l’Icom, de l’Unesco 41
et de leur documentation professionnelle en ligne, une responsable de l’Unesco au
Vietnam 42, partenaire financier de la formation universitaire, a présenté les mis-
sions culturelles de l’Unesco.
Enfin, un lien constructif se crée pour la première fois au Vietnam entre profes-
sionnels des musées et universitaires. Les responsables pédagogiques renouvellent

39 Les professionnels sont plus intéressés par les vocabulaires d’indexation que par l’application informa-
tique, pour pallier l’absence d’outils de description scientifique et physique des collections.
40 Musée en construction à Hanoi, qui ouvrira en 2017 et regroupe des collections archéologiques, ethno-
graphiques et de beaux-arts prestigieuses, issues du musée de la Révolution et du musée d’Histoire de Hanoi.
41 Unesco, Conventions (1954), (1970), (1972), (2001), (2003), (2005), Recommandations (1956), (1960),
(1964), (1972), (1976), (1978), (1989), Déclaration de Séoul (2001), http://www.unesco.org/new/fr/culture/
themes/normative-action/.
42 L’Unesco cofinance cette session via Nao Hayashi-Denis, division du patrimoine culturel, section du
patrimoine matériel, Europe, Asie et Pacifique.

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Le premier projet d’informatisation des collections des musées du Vietnam

actuellement la formation initiale en gestion des collections et muséographie. Ils


définissent leur programme avec l’équipe projet FSP, qu’ils valideront après un
audit des besoins des musées du Sud en 2013.

Bilan et perspectives
En présence d’une application dont l’usage est quotidien et répond aux besoins
des musées, il est intéressant de soulever trois paradoxes de ce projet novateur.
Le projet d’informatisation des collections a été défini pour soutenir des projets
de construction d’un second musée au MEV et d’acquisition d’un fonds photo­
graphique au MTG. Or ces deux projets sont en suspens tandis que la base de
données est opérationnelle. Ensuite, l’avancée du projet s’est faite dans un contexte
muséal de défrichage informatique dans un pays qui vit au rythme des avancées
technologiques. Enfin, les musées volontaires conservent des collections peu pres-
tigieuses et faciles à collecter. En revanche, les musées d’archéologie et d’histoire,
qui ont une pression internationale pour protéger et valoriser leur patrimoine,
n’ont pas vu l’intérêt d’une base de données pour améliorer les bonnes pratiques
de conservation des collections. Les limites du projet sont clairement identifiées
dès 2006 : besoin d’un positionnement prioritaire du projet dans l’établissement,
besoin de reconnaissance des équipes projets, besoin de modernisation des infras-
tructures informatiques. Le MTG parvient à éliminer ces contraintes, finalisant
l’informatisation de toutes ses collections en 2010. Le MEV n’a pas initié de chan-
tier informatique et les équipes des réserves ont d’autres priorités. Le renseigne-
ment des collections est toujours en cours en 2012.
Les directions n’ont pas initialement pris la mesure des impacts du projet. Les réa-
lisations désormais abouties permettent maintenant de porter un nouveau regard
sur les collections, le partage d’informations, la professionnalisation des équipes,
l’utilisation pertinente de procédures. Une mise en ligne des collections est en
projet pour 2013-2014, dans les deux musées pilotes.
Le projet a atteint en particulier un des objectifs du FSP : « La mise en place d’un
réseau de professionnels qualifiés qui pourront prendre la relève de la ­coopération
française. » Les équipes expérimentées conseillent leurs directions et de nouveaux
partenaires nationaux. Les liaisons professionnelles, tissées depuis 2006, agiront
à la fois comme lobby, incubateur d’idées et moteurs d’initiatives concertées. Ces
liens stratégiques sont à pérenniser pour favoriser la professionnalisation des
équipes, collaborer à l’échelle des musées ou entre établissements et participer à
la modernisation du pays. Les résultats du projet correspondent à la récente éva-
luation de l’Unesco 43 sur le rôle des musées et leur protection par la coopération
internationale, la professionnalisation et la valorisation d’un patrimoine au service
du dialogue interculturel.
Dans un contexte de mondialisation, ce projet illustre enfin la richesse de l’ac-
tion culturelle de la France, qui participe pleinement à son rayonnement dans le

43 http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002169/216952E.pdf.

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Partie III – Informatiser les collections

monde. Pour paraphraser le titre d’un colloque récent 44, « la diplomatie culturelle
est un atout pour la France dans un monde en mouvement », mais également une
chance pour la francophonie, le patrimoine mondial et les professionnels qui le
conservent.

L’émergence d’une nouvelle expertise professionnelle de la conservation :


administrateur fonctionnel de base de données patrimoniale
Ce projet a été l’occasion de constater, comme dans tous les musées du monde, l’émergence de
nouveaux métiers et d’expertises au service des collections. Les administratrices des bases de
données des deux musées sont issues des services des réserves et de l’inventaire. Dès la forma-
tion initiale, celles-ci s’investissent dans la maîtrise des normes de l’inventaire et les techniques
documentaires. Elles dirigent l’organisation et la gestion de la base de données pour assurer la
cohérence, la qualité et la sécurité des données, avant d’en être officiellement responsables. La
réussite du projet tient à leurs exigences, leurs compétences reconnues et créent de nouveaux
cadres d’échanges professionnels. Elles assurent en particulier :
1. le suivi de projet avec le prestataire informatique pour le développement informatique de l’appli-
cation, son implantation dans l’établissement, sa maintenance et ses mises à jour ;
2. la vérification du respect des demandes du cahier des charges ;
3. le suivi de la production des listes de mots-clés pour l’indexation des collections, coordonnant la
validation des données ;
4. la rédaction et mise à jour des documents de l’établissement, engagements du prestataire, docu-
ments de projets (administration de la base de données, charte de saisie, procédures du chan-
tier photographique) ;
5. la gestion de l’administration de la base de données à destination de trois groupes d’utilisateurs (la
direction, les personnels dédiés aux collections du service de l’inventaire et des réserves et du service
des scientifiques, les personnels des services pédagogiques, la communication et l’administration du
musée). Les droits de ces trois groupes sont de plus en plus restrictifs pour les opérations de consul-
tation, saisie, modification, suppression, validation, affichage, impression et export des notices).
6. le contrôle de la bonne utilisation de l’outil et les alertes en cas de mauvaise utilisation pour des
validations irrégulières, des absences de fichiers photos aux notices, etc. ;
7. l’installation des outils statistiques de la base de données (nombre et validation des notices, enri-
chissement des contenus de descriptions) ;
8. la programmation des améliorations, les interventions urgentes, le partage d’expertise et la
formation des équipes.

44 Institut français, décembre 2011, http://www.institutfrancais.com/

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Le premier projet d’informatisation des collections des musées du Vietnam

Une riche production éditoriale et documentaire


La production des listes de mots-clés :
– thésaurus de classification,
– thésaurus des usages,
– thésaurus des noms de lieux,
– thésaurus des techniques,
– thésaurus des matériaux,
– thésaurus des termes de constat d’état,
– thésaurus des noms de lieux de localisation physique,
– liste contrôlée des noms d’ethnies,
– liste contrôlée des noms de personnes physiques et des institutions,
– liste contrôlée des dates et périodes.
Le renseignement des collections :
Au musée des Témoignages de guerre :
– 15 000 notices d’objets,
– 6 000 notices de dessins numérisés,
– 6 000 références bibliographiques de livres,
– 6 000 références de documents audiovisuels.
Au musée d’Ethnographie du Vietnam :
– 19 000 notices d’objets avec photographies sur 30 000 objets,
– 14 000 notices d’objets validées,
– 8 000 notices de photos toutes validées sur 130 000 photographies.
La rédaction et la mise à jour des documents de projet :
– une charte de saisie,
– un manuel d’utilisateur,
– une fiche numérique de collecte,
– des procédures d’utilisation et de mises à jour des listes de mots-clés, validées ou en cours
de validation,
– des procédures du chantier photographique,
– des procédures de sauvegarde informatique de la base de données.

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Changer de système de gestion
des collections au musée d’Orsay :
un vrai défi !
Sylvie Julé et Elsa Badie Modiri

L’informatisation de ses collections est une préoccupation constante du musée


d’Orsay depuis sa préfiguration.
Avant 1998, le musée disposait principalement d’une informatisation de ses données
documentaires : notices d’œuvres dans un progiciel de gestion documentaire (Basis)
et notices d’artistes dans une application spécifique tierce sous Oracle. La gestion
à proprement parler de ces œuvres (localisation notamment) n’était pas traitée.
Au milieu des années 1990, le musée s’est lancé dans un nouveau projet afin d’in-
formatiser la gestion de ses collections. Après une analyse non satisfaisante du
marché des progiciels à cette période, le musée a fait le choix de faire réaliser une
application spécifique qui fut nommée « Base Orsay ».
Cette nouvelle application, incluant les notices d’œuvres illustrées, les notices d’ar-
tistes ainsi que la gestion de la localisation des œuvres, a été déployée progressi-
vement à partir de 1998.
Appuyée sur une base de données relationnelle (Oracle), cette application a été
développée selon des choix techniques audacieux pour l’époque. L’utilisation d’un
format d’affichage de type XML, proche du HTML des sites web, s’est révélée
être un parti pris déterminant.
L’ergonomie mûrement réfléchie de l’application s’est voulue résolument tournée
vers l’utilisateur avec une ligne graphique porteuse d’identité. En effet, la Base
Orsay resitue constamment l’utilisateur dans son environnement, autant en mode
consultation qu’en mode saisie. Ainsi, quelle que soit l’opération en cours, l’utili-
sateur ne perd pas de vue la fiche ou la liste sur laquelle il travaille. La disposition
des différents éléments obéit à un schéma constant, notamment pour les notices
d’œuvres, proches des notices de catalogue raisonné. Quant à la charte graphique,
les codes couleurs contribuent également à une meilleure contextualisation des
opérations et à l’agrément ressenti à l’utilisation.
Au final, cette application au look intemporel est proche de la logique des proces-
sus métiers et son ergonomie est plébiscitée par les utilisateurs.
Grâce au travail de tous, mais surtout à l’implication de l’administratrice de cette
application, Françoise Le Coz, les données de près de 87 000 notices d’œuvres
et 81 000 notices d’artistes sont devenues un référentiel incontournable auquel
s’ajoute la localisation au jour le jour de chacune des œuvres. Le fruit de ce travail
est par ailleurs en ligne sur le site Internet de l’institution depuis 2007 avec une
mise à jour quotidienne depuis la base de données et une interface de recherche
adaptée à un large public.

141

pierre-henry.b@wanadoo.fr - E16-00821452
Partie III – Informatiser les collections

Malheureusement, cette application n’est pas dénuée de certains inconvénients :


– le choix d’un développement spécifique (plutôt qu’un progiciel du marché) a
des conséquences importantes en termes de charges tant financières qu’humaines
(volume du nombre de jours/homme consacré tant à la conception et au développe-
ment qu’aux validations et corrections, pour le musée comme pour le développeur) ;
– si le choix de la technologie d’affichage est encore d’actualité, le langage ayant
servi au développement de l’application n’est plus utilisé depuis plusieurs années,
ce qui rend les évolutions impossibles ;
– de nouveaux besoins fonctionnels sont apparus (gestion prévisionnelle des mou-
vements, gestion des acquisitions, etc.) avec, dans le même temps, une accéléra-
tion des rythmes de travail et une augmentation conséquente des mouvements
des œuvres ;
– deux nouveaux musées (le musée Hébert et le musée de l’Orangerie) dispo-
sant de systèmes de gestion des collections différents ont été rattachés au musée
d’Orsay (respectivement en 2004 et 2010) ;
– l’essor du document numérique dans le courant des années 2000 a montré toutes
les limites de cette application qui n’accepte qu’une seule image d’une œuvre et
aucune pièce jointe.
Pour toutes ces raisons, le musée d’Orsay, devenu en 2004 l’Établissement public
du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, se lance désormais dans un nouveau
projet baptisé « M’Osaïque ».

Objectifs du projet « M’Osaïque »


Plus qu’un système de gestion des collections, ce projet se veut un vrai système de
gestion de l’ensemble des données patrimoniales de l’institution.
Il s’agit donc à la fois d’un portail de connaissances et d’un outil de travail, à savoir :
– un outil documentaire au sens traditionnel du terme, qui remplace l’application
actuelle de gestion des collections « Base Orsay », en l’améliorant par l’associa-
tion de l’ensemble des collections (Orsay, Orangerie, Hébert, fonds documen-
taires, sonores, etc.) et par l’ajout de fonctionnalités nouvelles ayant trait à toutes
les opérations relatives à ces collections (acquisitions, mouvements, restaurations,
etc.), d’un point de vue administratif et réglementaire, mais aussi pratique ;
– un outil qui permet de préparer l’avenir en tenant compte des besoins et évo-
lutions futurs, notamment en facilitant la publication des données ;
– un outil qui accompagne les projets de numérisation en permettant la gestion
et l’indexation de l’ensemble des fonds numérisés ;
– un outil qui devienne le portail unique d’accès aux données de notre patrimoine
afin de permettre, au sein d’un seul et unique système d’information, la recherche
croisée d’informations.

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pierre-henry.b@wanadoo.fr - E16-00821452
Changer de système de gestion des collections au musée d’Orsay : un vrai défi !

Démarche/méthodologie
Accompagné d’une société extérieure chargée d’assurer une assistance à maîtrise
d’ouvrage, le musée s’est structuré de façon classique dans le cadre de ce projet :
– comité de pilotage avec des représentants de la direction pour toutes les déci-
sions stratégiques clés ;
– direction du projet assurée d’une part, par un représentant de la conservation
et d’autre part, sur un plan méthodologique, logistique, administratif et financier,
par la responsable du département informatique ;
– chef de projet informatique pour coordonner, formaliser et assurer le suivi des
prestataires ;
– un responsable de chacun des trois pôles d’expertise suivants : données scienti-
fiques et bases documentaires, gestion des collections, publication.
Plusieurs ateliers thématiques ont été organisés avec un panel représentatif des
utilisateurs afin de préciser le besoin et de s’assurer que les objectifs de ce projet
répondaient à une attente.
Par ailleurs, une phase de prospective dans le cadre de salons professionnels, auprès
d’autres établissements et de certains éditeurs, a permis de mieux cerner les solu-
tions progicielles disponibles sur le marché.
Un double constat a pu alors être dressé :
– le progiciel miracle pouvant répondre à toutes nos attentes n’existe pas ;
– le besoin de gestion de nos données patrimoniales dans leur ensemble est moins
critique que le besoin d’améliorer nos outils de gestion des collections à propre-
ment parler.
Ceci nous a amené à revoir nos priorités et à remodeler le découpage dans le temps
de notre projet afin d’envisager une mise en œuvre progressive selon l’ordre suivant :
– gestion des mouvements avec interfaçage des systèmes existants,
– notices des œuvres et des artistes et autres fonctions de gestion,
– portail d’interrogation et documents numérisés,
– bases documentaires connexes.

Où en est le projet ? Et demain ?


En raison de plusieurs mouvements de personnels et d’une charge de travail
accrue du fait d’autres projets concomitants, M’Osaïque accuse un peu de retard
par rapport au calendrier initial.
La base des collections doit être un outil toujours vivant, tenant compte à la fois
de l’accroissement des collections et des connaissances qui leur sont liées, mais
aussi de l’évolution des pratiques professionnelles et des métiers des utilisateurs.
C’est pourquoi il a fallu nous montrer pragmatiques, mais aussi plus réalistes face
aux solutions du marché et redécouper dans le temps le projet.
Nous sommes actuellement dans une phase active d’élaboration du cahier des
charges. Nous gardons confiance dans ce projet tout en ayant bien conscience que

143

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Partie III – Informatiser les collections

le changement qu’il induira devra apporter de vraies solutions. Notre application


Base Orsay, aussi ancienne soit-elle, n’a pas d’équivalent et reste remarquable dans
son usage. La compléter est une évidence, la remplacer sera un challenge un peu
plus difficile à relever !

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Conduite d’un projet d’informatisation
des collections : rôle d’un assistant
à maîtrise d’ouvrage
Jean-Pascal Vendeville

Si les projets d’informatisation des collections sont sources de nouvelles oppor-


tunités de développement pour les institutions culturelles, ils ne sont pas sans
risques : risque d’inadéquation fonctionnelle entre la définition d’une nouvelle
solution et les besoins du métier, risque de perte de données dans la phase de
reprise de données, risque de pilotage du projet (retards de livraisons, dépasse-
ment du budget d’investissement initial, démobilisation des différents acteurs…),
risque de contentieux avec les différents fournisseurs et prestataires (fournisseur
d’équipement matériels, éditeur de solutions progicielles, développeur d’applica-
tion, intégrateur de solution, infogérant….), risque de non-appropriation et rejet
de la nouvelle solution par les utilisateurs.
Le recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage est le moyen de sécuriser les
projets. Quel est son rôle et quel est son apport de valeur dans la conduite des
projets à leur terme ?

Un projet d’informatisation des collections


impacte les processus et les collaborateurs
Lancer un projet d’informatisation des collections, c’est s’exposer au changement.
Un projet implique en effet une revue des processus métiers qui, selon le niveau
d’optimisation recherché, amène à une rationalisation de certaines activités, une
réallocation de certaines tâches et une automatisation plus poussée, par exemple
par la mise en œuvre de dispositifs informatisés mobiles de constat d’état. Par ail-
leurs, il interroge nécessairement les différents acteurs métiers sur leurs pratiques
et méthodes de travail respectives, la pertinence de certaines d’entre elles et les
harmonisations possibles de celles-ci entre plusieurs entités d’une institution. Ce
peut être le cas, par exemple, pour les règles de description d’une œuvre. Par ail-
leurs, la mise en place d’une solution de gestion des collections introduit au sein
d’une organisation un partage plus grand de l’information et une approche du
travail plus collaborative, qui dans certains cas peuvent ne pas être acceptés. Enfin,
au quotidien, ces projets ont nécessairement un impact sur les habitudes de travail
des collaborateurs, notamment par la mise en œuvre de nouveaux modes d’accès
aux bases documentaires, reposant sur le concept de libre-service (par exemple
via un portail web d’interrogation).
Avoir recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA) est le moyen d’or-
ganiser et de conduire ce changement.
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Partie III – Informatiser les collections

Harmonisation et rationalisation
des processus

100% Habitudes de travail impactées


100%
50% Partage des informations

14%
Evolutions des métiers

Source : Benchmark Kurt Salmon auprès de 13 organisations et institutions – Mai 2010

Impacts d’un projet de déploiement de système d’information.


© 2013, Kurt Salmon 45.

L’assistance à maîtrise d’ouvrage assure l’interface


entre le métier, la direction des systèmes
d’information (DSI) et les prestataires mobilisés
La valeur ajoutée d’une assistance à maîtrise d’ouvrage réside dans sa compré-
hension des enjeux métiers – sa connaissance des processus métiers permettant
de traduire les besoins en spécification – ainsi que dans sa connaissance des solu-
tions technologiques du marché. Elle apporte l’expertise qui permet d’identifier
les différents scénarios fonctionnels, organisationnels, technologiques et d’évaluer
les impacts des choix. Elle s’assure que la solution choisie, développée et mise en
œuvre, est en adéquation avec l’expression de besoins métiers.
L’AMOA apporte également une expertise méthodologique sur chaque phase du
projet et le pilote dans toutes ses dimensions, en anticipant les risques. En outre,
elle accompagne l’équipe métiers dans la définition des processus cibles à mettre
en place, et valide avec le département ou la direction des systèmes d’information
(DSI) la faisabilité technique d’implémentation des processus et règles de gestion
dans l’architecture applicative.
L’AMOA est en relation, d’une part, avec les acteurs qui représentent les utilisa-
teurs (la maîtrise d’ouvrage ou MOA), et d’autre part, avec ceux qui réalisent tech-
niquement la solution (la DSI, les fournisseurs et prestataires externes), appelés
maîtrise d’œuvre ou MOE. Son positionnement neutre lui permet de jouer le rôle
de médiateur en cas de tension sur un projet.

45 Toute reproduction, à quelque autre fin que ce soit et par quelque moyen et sous quelque forme que
146 ce soit, est interdite sans avoir obtenu par écrit la permission formelle de Kurt Salmon. Kurt Salmon inter-
dit de modifier l’information ou les documents reproduits ou copiés à partir de la présente publication.

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Conduite d’un projet d’informatisation des collections :
rôle d’un assistant à maîtrise d’ouvrage

Position de l’AMOA par rapport aux sujets Position de l’AMOA par rapport aux acteurs

Stratégie Métier / MOA


Stratégie
métier du Système
d’Information AMOA
AMOA
DSI / MOE
Système
Organisation d’Information
et processus et INTÉGRATEUR /
infrastructures EDITEUR
MOE

Positionnement d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA).


© 2013, Kurt Salmon.

Les processus métiers comme fil conducteur


du projet
L’une des difficultés d’un projet d’informatisation des collections réside dans la
bonne définition de son périmètre fonctionnel. Plus le périmètre est large, plus
il nécessite de ressources humaines, de ressources financières et de temps pour le
réaliser. Ainsi, il faut au moins deux ans pour concevoir et mettre en œuvre simul-
tanément un portail web d’interrogation des bases documentaires et une solution
applicative couvrant la description des œuvres et artistes, la gestion des acquisi-
tions, la gestion des expositions, la gestion des prêts et emprunts, les assurances,
la gestion des mouvements et transports, la conservation/restauration. Ce péri-
mètre varie aussi en fonction du nombre et de la taille des bases documentaires à
migrer. Si le périmètre est trop réduit, les bénéfices métiers et économiques atten-
dus peuvent être trop faibles pour justifier le lancement d’un projet.
L’élaboration d’une cartographie cible des processus et activités que le projet aura
pour objectif de couvrir est un moyen simple pour centrer les travaux sur l’expres-
sion des besoins métiers essentiels, et ainsi préciser le périmètre du projet.
Cette cartographie est obtenue à partir d’une méthode qui analyse les processus
de travail existants en les confrontant à des modèles de processus proposés par
l’AMOA, intégrant les meilleures pratiques constatées dans d’autres institutions,
en matière de gestion des collections. Elle permet ainsi aux acteurs métiers de cla-
rifier la description de leurs activités – et pour chacune d’elles leurs rôles et res-
ponsabilités –, d’identifier ensemble les possibilités de simplification, d’exprimer
leurs attentes en matière d’amélioration des méthodes de travail, de coopération
au sein de l’établissement et avec les partenaires extérieurs, de sécurité des infor-
mations et droits d’accès, enfin de préciser les activités qui devront être gérées par
une solution applicative.

147

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148
A B T
Prévoir / Programmer Réaliser Administrer / Evaluer

B02 - Gérer les


T02 - Gérer le
B01 – Régie des localisations au T01 – Gérer les
reporting et les
A02 - Concevoir œuvres sein de langues
statistiques
et programmer l’établissement
l’offre culturelle B03 –
A01 - Élaborer des expositions Documenter et B04 - Conserver T03 – Gérer le T04 – Gérer la
la stratégie inventorier et restaurer système documentation
scientifique et
pArtIe III – Informatiser les collections

A03 - Concevoir l’œuvre


culturelle
et programmer B05 - Élaborer
B06 - Gérer les
l’offre culturelle l’offre culturelle T05 - Gérer les T06 - Gérer les
expositions
des galeries et gérer la espaces projets
temporaires
permanentes médiation

B07 - Gérer les B08 - Gérer les


galeries droits d’auteur et
A04 - Acquérir permanentes la reproduction
une œuvre
B10 - Gérer la
B09 - Élaborer sécurité et les
les publications accès aux
A05 - Emprunter
œuvres
une œuvre
B11 – Gérer le Légende Dans le
prêt sortant périmètre de
A06 - Prêter une l’outil
d’une œuvre
œuvre Hors
périmètre
de l’outil

Exemple de cartographie de macro-processus de gestion des collections.


© 2013, Kurt Salmon.

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Conduite d’un projet d’informatisation des collections :
rôle d’un assistant à maîtrise d’ouvrage

Elle évite la dispersion dans l’expression des besoins, en privilégiant, dès la phase
de conception générale, la prise en compte de l’enchaînement des activités et des
opérations (approche « dynamique et opérationnelle ») pour conduire au recense-
ment des besoins fonctionnels strictement nécessaires.
Elle va servir de référence tout au long du projet, notamment dans les phases d’éla-
boration des spécifications détaillées et d’élaboration du plan de tests de vérification
de bon fonctionnement, avant mise en service de la solution applicative développée.

L’assistance à maîtrise d’ouvrage accompagne un


projet d’informatisation des collections de l’étude
préalable jusqu’au déploiement de la solution
La démarche méthodologique d’un projet d’informatisation des collections s’or-
ganise le plus souvent en quatre phases :
– Phase 1 : « étude préalable et préparation de la consultation », comprenant la défi-
nition du périmètre et du budget, le recueil des attentes des utilisateurs, les études
comparatives des solutions existantes sur le marché, la conception générale, la défi-
nition de la stratégie de consultation, et la formalisation du cahier des charges.
– Phase 2 : « Choix de la solution », comprenant la conduite de la consultation,
l’analyse des offres, le choix de la solution.
– Phase 3 : « Développement et tests de la solution », comprenant la conception
détaillée de l’application avec la MOE, l’élaboration du plan de tests, du plan de
formation, du plan de migration des données, la réalisation des tests fonction-
nels et d’intégration.
– Phase 4 : « Déploiement de la solution et migration des données », comprenant
la migration des données, la formation des utilisateurs, la préparation de la mise
en production de la solution, l’assistance des équipes opérationnelles en « vie cou-
rante » dans la prise en main de la nouvelle solution.
De façon transverse, des activités de gestion de projet et de conduite du change-
ment sont produites pendant toute la durée du projet.
L’assistance à maîtrise d’ouvrage est plus fortement sollicitée en amont dans les
deux premières phases.
En phase 1, elle intervient notamment pour vérifier l’opportunité de lancer un
projet, définir son périmètre et motiver l’intérêt d’une direction générale. Elle
met en perspective les bénéfices potentiels apportés par un projet, tels que le rac-
courcissement des délais de préparation des expositions, la capacité à gérer l’aug-
mentation des mouvements des œuvres à iso-ressource, la maîtrise des risques
(traçabilité des objets) ou encore les nouvelles possibilités de valorisation des bases
documentaires offertes par les technologies de l’information et de la communica-
tion (cartels électroniques, tablettes numériques…). Elle évalue sa contribution au
regard des enjeux spécifiques de l’institution en termes d’amélioration de sa per-
formance opérationnelle et de développement de ses ressources financières propres.
Par ailleurs, elle apporte un éclairage sur les solutions du marché et les résultats
obtenus dans d’autres institutions. À cet effet, elle peut être amenée à réaliser des
149

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150
Etude préalable et Développement et tests Déploiement de la
1 préparation de la 2 Choix de la solution 3 de 4 solution et migration
consultation la solution des données

• Migration des données


• Définition du périmètre, • Conception détaillée de
pArtIe III – Informatiser les collections

• Formation des
et du budget l'application avec la
utilisateurs
• Recueil des attentes MOE
• Conduite de la • Préparation de la mise
des utilisateurs • Elaboration du plan de
consultation en production de la
• Benchmarking des tests
solution
solutions existantes • Réalisation des tests
• Analyse des offres • Assistance des
sur le marché fonctionnels et
équipes
• Conception générale d’intégration
• Aide au choix de la opérationnelles « vie
• Définition de la • Elaboration du plan de
solution courante » à prendre
stratégie de formation
en charge l’application

PRINCIPALES ACTIVITES
consultation • Elaboration du plan de
• Formalisation du cahier migration des données
des charges

Gestion de projet

Conduite du changement

Démarche générale d’un projet d’informatisation des collections.


© 2013, Kurt Salmon.

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Conduite d’un projet d’informatisation des collections :
rôle d’un assistant à maîtrise d’ouvrage

analyses comparatives complémentaires sur des sujets, tels que la couverture fonc-
tionnelle, la prise en compte des normes et standards, la technologie et l’interopé-
rabilité, le multilinguisme, la structure d’entreprise, les références clients… Lors de
la conception générale, elle met en place la méthodologie de spécification géné-
rale de la solution (nombre, calendrier et thèmes des ateliers de travail – modali-
tés de formalisation) et anime la démarche en présentant des retours d’expérience
sur les meilleures pratiques métiers.
Enfin, elle propose les différentes stratégies de consultation possibles (appel d’offres
ouvert, appel d’offres restreint, avec ou sans dialogue compétitif…) au regard des
spécificités du projet et formalise le cahier des charges.
En phase 2, l’AMOA assiste au pilotage du processus de consultation, en parti-
culier lorsque des réunions de travail sont organisées avec les différents candidats
dans le cadre d’un ou plusieurs cycles de présentation des offres et de négocia-
tion. Elle propose et met en œuvre une méthode d’analyse qui permette d’iden-
tifier clairement les apports et limites des offres de chaque candidat, d’objectiver
les analyses comparatives, et de recommander des scénarios de choix. Elle assiste
la MOA dans la mise au point du contrat.
En phase 3, l’AMOA contribue à l’élaboration des spécifications détaillées conduites
par la MOE, pour garantir la bonne prise en compte de la conception générale
par celle-ci. En revanche, dès que les spécifications détaillées ont été finalisées,
elle conduit trois chantiers importants : l’élaboration du plan de tests, l’élabora-
tion du plan de formation, et l’élaboration du plan de migration des données.
L’assistance à maîtrise d’ouvrage propose la méthodologie et organise ces trois
chantiers avec les différentes parties prenantes en s’assurant : d’une part, du bon
alignement de chacune d’entres elles (par exemple, sur l’acceptation des critères
de mises en service de la solution) ; d’autre part, de la capacité des acteurs métiers
à supporter une charge de travail supplémentaire, induite par les tests fonction-
nels de vérification de bon fonctionnement, les formations, et la migration des
données. Enfin, elle assiste au pilotage de la réalisation des tests fonctionnels et
d’intégration. Il s’agit d’une étape critique, car elle met en visibilité la nouvelle
solution auprès de nombreux acteurs métiers chargés de réaliser les tests, alors
même que la solution livrée fait le plus souvent l’objet de dysfonctionnements et
peut de ce fait créer des déceptions. Le rôle de l’AMOA sera notamment d’évi-
ter la démobilisation des différents acteurs liée aux itérations successives « tests –
corrections – livraisons – tests ».
En phase 4, l’assistance à maîtrise d’ouvrage est particulièrement attentive à la
bonne exécution du plan de reprise des différentes bases de données (œuvres,
expositions…). Elle s’assure de l’exhaustivité et de la qualité des migrations des
bases, par exemple en vérifiant par échantillonnage, l’absence de rupture de liens
entre les notices. Par ailleurs, une fois que la solution a été mise en service, elle
assiste les équipes métiers, dans la prise en main progressive de la nouvelle solu-
tion : évaluation des premières utilisations des acteurs métiers en vue d’apporter
les formations-actions nécessaires pour faciliter l’appropriation, ajustement des
guides descriptifs des modes opératoires…
Dans les projets d’informatisation des collections, l’assistant à maîtrise d’ouvrage
joue donc un rôle clé, créateur de valeur pour une institution culturelle !

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Partie IV

Numérisation
et diffusion culturelle

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Les enjeux de la numérisation
du patrimoine : la politique européenne
à l’épreuve de Google
Morwena Joly-Parvex

Si les institutions patrimoniales françaises admettent que l’accès sur le web aux
bases de données des collections est attendu par le visiteur-internaute, bien peu
d’entre elles considèrent que cette diffusion d’informations (textes, images ou
vidéos) contribue réellement au rayonnement de l’établissement.
Calqué sur le modèle des bibliothèques, la base de données des collections est
perçue comme un simple réservoir d’informations destinées davantage aux spécia-
listes qu’au grand public. Or, l’exemple du Google Art Project montre, s’il en était
besoin, que l’accès aux collections patrimoniales – et non à l’événement autour de
ces collections – est plébiscité par le public, et que le mode d’accès aux informations
sur les collections n’est pas exactement celui de la base de données traditionnelle.
Bien sûr, il y a forcément une base de données derrière la masse d’informations
offertes par Google, mais l’affichage sur le web est tellement innovant qu’il trans-
forme radicalement l’accès à l’information sur les collections.
Où en sommes-nous, en France, en ce qui concerne l’accès via le web aux infor-
mations sur les collections ? Le modèle de diffusion d’information par les biblio-
thèques est-il compris par les institutions détenant des collections patrimoniales ?
Existe-t-il des professionnels, au sein de ces institutions, pour apprécier les enjeux
liés à l’organisation, à la pérennité et à l’accès aux données numériques sur les col-
lections ? Voilà les questions qu’il convient d’examiner aujourd’hui.

La France, l’Europe et Google


L’environnement culturel de chaque pays européen doit être pris en compte pour
appréhender les raisons pour lesquelles les avancées françaises quant à la valori-
sation des collections sur le web ont été laborieuses. L’évocation de la politique
numérique de deux pays, l’Allemagne et le Royaume-Uni, permet d’esquisser
brièvement le cadre européen. Le modèle germanique est celui qui s’est le plus
inspiré du fonctionnement des bibliothèques en matière d’accès aux informations
sur les collections, en s’ouvrant très largement au monde numérique. Les sites
des musées allemands ont d’emblée proposé des liens vers le Google Art Project,
puis ont mis leurs collections à la disposition du géant numérique, rapprochant
ainsi des œuvres aujourd’hui conservées aux quatre coins de l’Europe. Cette atti-
tude n’est guère étonnante si on se rappelle que c’est à l’initiative des Allemands
qu’a été créée la première plateforme permettant d’interroger simultanément les

155

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

catalogues des bibliothèques du monde entier 46. Le modèle anglo-saxon se dis-


tingue lui aussi en ce qu’il a tout de suite intégré le rôle important des innovations
technologiques dans la valorisation des collections sur le web. Il n’est qu’à consta-
ter la richesse des sites comme celui du Victoria and Albert Museum ou celui de
la Tate pour s’en convaincre : la richesse de contenu sur les œuvres mises en valeur
par une abondance d’informations contextuelles est soutenue par la clarté de l’or-
ganisation des données et la simplicité de la navigation.
Ceci étant posé, on voit bien que le web dessine la même ligne de partage que
celle dite « du livre », avec une tradition latine plutôt fermée et peu orientée vers
l’utilisateur et une tradition des pays du Nord de l’Europe, beaucoup plus dirigée
vers l’extérieur (pour rappel, les premiers essais de libre accès des collections patri-
moniales en bibliothèque sont allemands).
Il n’est donc pas étonnant de constater que la France et l’Italie, aux collections pour-
tant renommées, sont restés relativement en marge de cette évolution. Relativement
bien sûr, car il faut se souvenir que la base de données Joconde, permettant d’ac-
céder aux informations sur toutes les collections françaises relevant de l’appel-
lation « Musées de France », a été créée dans les années soixante-dix, et a été
accessible via le minitel dès 1992. Les bases Palissy, Mérimée et Mémoire ont
très vite couvert le reste du champ des collections et de leurs présentations au sein
des monuments. À partir des années 2000, ces bases n’ont malheureusement pas
été modernisées. Ce n’est que très récemment qu’un moteur de recherche unique
(Collections, proposé par le ministère de la Culture) a été conçu pour interro-
ger simultanément les multiples bases de données du ministère ainsi que celles
des grands agrégateurs de données, comme la BNF ou la RMN. Le Louvre lui-
même n’est qu’en phase de réinformatisation de ses collections, ne disposant à ce
jour que de multiples bases de données : Joconde, Atlas pour les œuvres exposées
et celle réservée aux arts graphiques, sans compter les petits portails thématiques
conçus par la RMN. En Italie, le musée des Offices de Florence propose quant à
lui des numérisations rétrospectives de ses catalogues imprimés, aux notices mini-
males et illustrées au mieux de petites vignettes.
La situation des pays européens en matière de numérisation des collections patri-
moniales est donc hétérogène, et c’est pour cette raison que la Commission euro-
péenne a très tôt bâti des programmes permettant le transfert de compétence
entre pays et favorisant l’utilisation de normes identiques. Le projet Michael 47
(Multilingual Inventory of Cultural Heritage in Europe, 2004-2007) fut ainsi à
l’origine de la première plateforme multilingue permettant d’accéder aux œuvres
et documents dispersés dans des lieux et sur des serveurs différents. Ce projet a été
soutenu par le réseau Minerva 48 (Ministerial Network for Valorising Digitisation
Activities), qui visait à définir le cadre de la coopération européenne sur la mise
en œuvre des politiques de numérisation, en identifiant les bonnes pratiques et
en favorisant la création et l’identification de centres de compétences. Les experts
de différents États-membres ont tenté de favoriser une approche transversale du

46 Il s’agit du KVK (Karlsruher Virtueller Katalog), http://www.ubka.uni-karlsruhe.de/kvk_en.html


47 http://www.michael-culture.org/fr/home
48 http://www.minervaeurope.org

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Les enjeux de la numérisation du patrimoine :
la politique européenne à l’épreuve de Google

patrimoine (musées, bibliothèques, archives, patrimoine bâti, archéologie) et l’uti-


lisation des technologies ouvertes… sans avoir de prise directe sur les politiques
d’établissements patrimoniaux devenus de plus en plus autonomes vis-à-vis de leurs
ministères respectifs. Si ce rapprochement institutionnel des divers experts a été
déterminant pour l’avancée d’Europeana 49, les discussions furent longues, tant sur
les aspects techniques (formats, métadonnées) que sur les aspects juridiques 50. Ces
ambitieux projets européens, menés par des professionnels de différents horizons
et pays, ont mis du temps à trouver une langue réellement commune. La mise en
œuvre de thésaurus multilingues, capables de rendre interopérables les bases de
données, fut particulièrement complexe à appréhender. L’étude comparative des
coupures chronologiques des grandes périodes historiques de certains pays euro-
péens réalisée par le projet européen Arena (Archaeological Records of Europe :
Networked Access) illustre succintement le problème.
À cela s’ajoute la complexité de l’interconnexion entre bases de données hétéro-
gènes dans leur conception : une base de données muséale renseigne de manière
univoque son champ « lieu », qui indique son lieu de conservation, alors qu’une
base de données archéologique utilise deux champs, l’un concernant le lieu de
conservation et l’autre le lieu où a été trouvé l’objet lors de fouilles. Pour l’entre-
prise européenne, qui désire rassembler toutes les données numériques issues des
pays européens (livres, objets, œuvres, vidéos, documentation…), la tâche est donc
immense du point de vue de l’ingénierie informatique.
Puis vint Google, et sa numérisation en très haute définition de quelques tableaux
du musée du Prado (janvier 2009), qui fut un événement salué par toute la presse :
enfin il était possible de voir l’œuvre, de l’étudier sous angles, de s’en délecter
depuis chez soi – désir qui est loin de s’opposer à celui de « rencontrer » l’œuvre
physiquement, contrairement au lieu commun largement répandu dans les insti-
tutions muséales. Google a compris que si les métadonnées étaient sélectionnées,
l’entreprise serait profondément simplifiée, et que si le processus de produc-
tion de l’image étaient maîtrisé, les problèmes juridiques de droits seraient levés.
Aujourd’hui, Google offre une visite virtuelle de plus de 151 institutions, et
propose plus de 32 000 images de qualité, en très haute définition, assorties des
informations scientifiques nécessaires (le strict minimum cependant), affichées de
manière non intrusive pour celui qui veut simplement observer l’œuvre, puisque
la notice n’apparaît que si l’internaute le souhaite. Au-delà des débats sur l’indé-
pendance française quant à la production de données relatives à ses collections,
ou plus simplement du malaise causé par toute entreprise monopolistique, force
est de reconnaître que le projet de Google va peut-être contribuer à faire voler en
éclat les inerties institutionnelles, tout comme Google books avait fait avancer la
cause des utilisateurs, en proposant du plein texte téléchargeable dans des formats
ouverts (texte ou epub 51).

49 http://www.europeana.eu/portal/
50 Il a fallu résoudre la question des droits d’auteur sur les œuvres numérisées, puisque la législation euro-
péenne reconnaît les droits d’auteur du photographe dans ce cas.
51 Le format epub (acronyme de « electronic publication ») est un format ouvert standardisé pour les livres
numériques.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Pourquoi le Google Art project a-t-il réussi en quelques années ce qu’Europeana a


mis tant de temps à réaliser, malgré un investissement institutionnel sans précé-
dent ? Certes, le projet diverge fondamentalement dans ses objectifs : Europeana
a été conçu comme une médiathèque virtuelle, diffusant aussi bien des images,
des livres, des vidéos que des modèles en 3D, soit 20 millions d’œuvres numéri-
sées aujourd’hui et 2 200 partenaires européens. C’est tout le savoir des institutions
partenaires en matière de métadonnées sur les œuvres qui est également diffusé,
et c’est bien l’articulation de ces métadonnées entre elles qui a été si longue à éla-
borer, malgré les outils aujourd’hui à notre disposition, comme la cartographie
sémantique des bases de données 52, ou le format RDF 53, permettant de stocker des
données de manière relationnelle. La diversité des accès aux données des musées
et des bibliothèques est une réussite indéniable (possibilité de visualisation des
notices soit sous forme de chronologie, soit par lieu de conservation, par exemple)
et pourtant, c’est bien Google qui a réussi à se faire connaître du grand public.
On peut invoquer la médiatisation du projet, la force d’impact sur le web du puis-
sant moteur de recherche… mais peut-être faut-il également prendre en compte
la manière dont Google a « offert » ces données sur le web, c’est-à-dire comment
Google les a déployées et affichées sur le web.

Les types d’accès aux collections sur le web


et la variété de la mise en œuvre
Pour comprendre le degré d’innovation du Google Art Project, il nous faut balayer
rapidement la manière dont les informations relatives aux collections (images et
texte) apparaissent aujourd’hui sur le web. Afin de faciliter ce parcours, nous aurons
recours a une typologie simplificatrice, mais qui permet de poser les termes du
débat, ou, plus exactement, de ce que nous souhaiterions voir devenir un débat en
France au sein des institutions patrimoniales conservant des collections.
Trois grands types de modes d’accès aux collections apparaissent aujourd’hui : le
type « réservoir à notices », le type « éditorial » et le type, encore très rare, « nou-
velles technologies ». Trois types pour trois modèles de diffusion des données : le
modèle des bibliothèques, le modèle de l’édition et le modèle du web 2.0.
La majorité des institutions ont choisi de diffuser leur connaissance des collections
sur le modèle des bibliothèques, affichant une notice et une image documentaire
de plus ou moins bonne qualité, selon une compréhension plus ou moins perti-
nentes des attentes de l’internaute. En effet, quoi de commun entre, par exemple,
une notice du musée d’Orsay et une notice du British Museum ? Pour un œil non
averti, elles se ressemblent, mais pour l’utilisateur, elles sont sensiblement différentes.

52 Il s’agit de réaliser une carte d’un ensemble d’informations sur la base de la sémantique, afin de par-
tager et créer des connaissances. L’objectif des cartes est d’aider à facilement appréhender des ensembles
d’informations complexes.
53 Resource Description Framework (RDF), <http://www.w3.org/RDF/>.

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Les enjeux de la numérisation du patrimoine :
la politique européenne à l’épreuve de Google

Outre un affichage des données qui permet de « rebondir » d’une notice à l’autre,
comme cela est désormais de plus en plus fréquent, la notice au British Museum
délivrée n’est plus conçue comme « notice figée », mais comme un savoir provi-
soire et interactif, grâce à cette simple phrase insérée : « Noticed a mistake? Have
some extra information about this object? Please contact us. » C’est une vision totale-
ment différente du savoir qui s’affiche, et aujourd’hui la majorité des bibliothèques
l’ont adoptée. La possibilité de signaler des erreurs et de contacter simplement le
conservateur responsable du fonds change considérablement l’intégration des cher-
cheurs à la construction des connaissances. Ajoutez à cela une image de qualité
pour une œuvre en noir et blanc, dont les couleurs ont été calibrées avec une mire,
une haute définition accessible sur le web et une réutilisation des données facili-
tée par un simple formulaire en ligne (bouton « reuse »)… et vous saisissez la spé-
cificité de la culture anglo-saxonne en matière de diffusion de l’information sur
les collections. Il y a bien plusieurs façons de concevoir un « réservoir » de données
sur le web : l’une ouverte à l’interactivité et à l’utilisateur, l’autre plus figée sur son
savoir. Cela ne signifie pas pour autant que la diffusion des données sur les collec-
tions, en France, serait intégralement verrouillée. Aujourd’hui, le musée d’Orsay
offre la possibilité de voir, à partir d’un plan de salle, si une œuvre recherchée a
été déplacée, ce qui est d’un confort considérable pour les conférenciers et profes-
seurs qui axent leurs discours sur un chef-d’œuvre qui peut s’avérer être en prêt.
Le musée du quai Branly propose quant à lui l’accès aux notices des œuvres non
exposées, mais combien de musées français offrent cette possibilité pourtant en
usage depuis longtemps pour les collections conservées au Royaume-Uni ?
Le type « réservoir » appelle également d’autres considérations sur sa mise en
œuvre : quid de l’accès aux œuvres pour un public qui ne connaîtrait ni un nom
d’artiste – ou son orthographe correcte – ni la manière d’entrer dans une base de
données de collections ? Un élève de troisième, voulant rechercher des informa-
tions sur un thème donné et une période particulière aura bien du mal à mani-
puler ce genre d’accès au savoir et se repliera sur Wikipedia avec raison. On peut
être certain que la National Gallery a pris la mesure de ces obstacles éventuels
lorsqu’on observe la variété des accès à la base de données des collections : un par-
cours aléatoire des chefs-d’œuvre, un accès par ordre alphabétique, un accès par
siècle, un accès par thème.
Le type d’accès aux collections défini comme « éditorial » est quant à lui assez
simple à appréhender. Il rassemble les sites au contenu en général assez pauvre
qui proposent soit une édition numérique de type feuilletoire – pour les livres par
exemple –, soit une édition numérique du musée lui-même – numérisation pano-
ramique du lieu avec accès aux informations sur les collections en cliquant sur
celles-ci. Ce type d’accès à l’information a l’avantage d’être simple et clair pour les
personnes ne maîtrisant pas bien les possibilités des bases de données, et permet
de mettre en valeur des institutions patrimoniales peu connues. Il est d’ailleurs
à noter que parmi les institutions à faible « visibilité », l’idée que la numérisation
panoramique détourne le public de la fréquentation physique du lieu n’a absolu-
ment pas cours. Ces institutions misent bien au contraire sur le désir de la ren-
contre physique avec l’œuvre, dont le préambule est une découverte par le web.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Enfin, le type « nouvelles technologies » ne recouvre de fait que quelques institu-


tions pionnières, mais il faut en rendre compte car elles mettent en place l’ave-
nir de la réflexion sur la diffusion du savoir sur les collections. Le Metropolitan
Museum of Art, dont le site internet est à ce jour le plus visité au monde des sites
des musées, propose ainsi des fonctionnalités, du type de celles d’Europeana, per-
mettant de mettre à disposition la base de données des collections de manière
plus ludique, sans pour autant sacrifier le savoir. La notice est mise en contexte de
manière pédagogique (date de l’œuvre située dans une frise chronologique, lien
vers d’autres thématiques ou une thématique similaire dans un autre pays) et, ce
faisant, plus accessible au public.
Mais l’exemple le plus frappant de ce type d’approche est sans conteste le
Rijksmuseum API 54 (Application Programming Interface), service offert par le
Rijksmuseum à ses partenaires et à tous les développeurs d’applications. Grâce
à cette API, les données et les images du musée d’Amsterdam sont disponibles
pour une réutilisation par les développeurs, puisque l’API est une interface de
programmation qui gère l’interaction des programmes. Ces API sont essentielles
à la mise en œuvre de l’interopérabilité informatique, c’est-à-dire la capacité d’un
système informatique à s’adapter à d’autres systèmes présents ou futurs. Pour le
musée, il s’agit de donner une clé API à appliquer sur une simple demande par
mail. Le code envoyé en retour permet de récupérer l’ensemble des données numé-
riques produites par le musée, soit aujourd’hui 111 000 notices avec leurs images.
Les utilisateurs peuvent alors injecter ces données dans le programme de leur
choix, ou dans un programme développé par leurs soins (reconnaissance faciale
appliquée aux peintures, applications mobiles nomades, jeux, albums personna-
lisés, application créant des liens entre différents musées à partir de leurs collec-
tions, etc.). Le « produit multimédia fermé », c’est-à-dire non évolutif, tel qu’il
est aujourd’hui réalisé par un musée, est considéré comme voué à l’obsolescence.
C’est à l’utilisateur de laisser libre court à sa créativité et de proposer une nouvelle
manière d’accéder aux informations sur les collections. L’idée du « weblab » s’im-
pose véritablement, non pas en intégrant des expériences interactives importées
par une entreprise extérieure – comme le Museum Lab du musée du Louvre, né
de la collaboration avec DNP 55 – mais en laissant chacun construire son mode
de découverte des œuvres.
Ce bref recensement des manières de donner accès aux collections montre combien
il reste encore à faire, à réfléchir, à connaître et à imaginer pour que tous les publics
puissent s’approprier notre patrimoine culturel.

Le web 3.0 des musées ?


Le Rijksmuseum, en donnant aux développeurs du contenu (textes et images)
grâce auquel ils vont expérimenter de nouveaux programmes de mise en valeur

54 http://www.rijksmuseum.nl/api
55 http://www.museumlab.fr

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Les enjeux de la numérisation du patrimoine :
la politique européenne à l’épreuve de Google

des collections, est peut-être un exemple à part, mais ouvre une voix riche d’avenir
pour les musées engagés dans l’open data (ou « données ouvertes », publiques, libre-
ment accessibles et réutilisables). Est-ce le modèle de diffusion des collections du
web 3.0, ce concept encore mal défini qui tente d’anticiper les développements à
court terme du web 2.0 ? À l’heure où l’open data n’est encore qu’un souhait, mais
sera vraisemblablement bientôt une nécessité, le Rijksmuseum est la seule insti-
tution patrimoniale à offrir cette possibilité. Sous réserve d’une licence Creative
Commons 0, licence qui permet d’exempter son propre travail du droit d’auteur,
et ce, partout dans le monde 56, et en laissant au visiteur la possibilité de signaler
un droit d’auteur non respecté, le musée s’est résolument affranchi de ce qui est en
général avancé par les autres institutions comme étant un obstacle insurmontable.
Il est vrai que ce type de réutilisation des données demeure réservé aux visiteurs
maîtrisant les nouvelles technologies, ou au moins la notion d’API… là où Google
permet une réutilisation facilitée des données, intuitive et accessible par le biais
de la création de « galeries » personnelles, aussi facilement réalisables qu’un album
photo sur Facebook. Le succès de ces galeries est un témoignage fort de l’attente
créée par le web 2.0, qui se fonde sur la culture du partage d’une vue subjective du
monde. En offrant à ses visiteurs la possibilité de réaliser des regroupements thé-
matiques et de les partager sur le web, avec des images de grande qualité, et des
métadonnées minimales – ou notices – mais exemptes de confusion ou d’erreurs,
car « nettoyées » par ses soins, Google a fait une démonstration magistrale de sa
maîtrise de l’information, de son accès à sa visualisation, qui satisfait à la fois le
chercheur et le grand public.
Si l’effort n’a rien à voir avec les services innovants offerts par le Rijksmuseum, à
l’aide de données rendues intégralement publiques, Google diffuse l’idée que les
informations doivent pouvoir être facilement réutilisées. Certes, aujourd’hui, les
images en haute résolution du Google Art Project demeurent non téléchargeables
car elles restent l’entière propriété des musées, mais cet essai va sans doute faire
évoluer très rapidement les institutions patrimoniales, encore frileuses face à
« leurs » données et très éloignées de la philosophie de l’open data. Et ce, bien plus
que les efforts patients et constants d’Europeana, parce que Google répond avec
succès à l’attente des utilisateurs et non aux souhaits des experts institutionnels.
Il appartient aux institutions patrimoniales de faire en sorte que Google ne soit
pas le seul site à se préoccuper des attentes de l’utilisateur d’aujourd’hui. Proposer
des images de qualité (réellement calibrées et de très haute résolution pour étudier
la couleur et la matérialité de l’œuvre), et proposer une interconnexion de bases
de données, voilà, a minima, les tâches à laquelle les institutions patrimoniales
doivent s’atteler si elles ne souhaitent pas voir Google devenir le premier site
patrimonial visité.

56 <http://creativecommons.org>. Ce site permet de générer des pages HTML en intégrant des méta-
données qui signaleront le travail réalisé comme étant disponible sous CC0.

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Le portail documentaire,
un outil de mutualisation de la diffusion.
L’exemple du musée du quai Branly
Françoise Dalex

Le musée du quai Branly est placé sous la double tutelle du ministère de la Culture
et de la Communication et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche. Inauguré en juin 2006, il est consacré aux arts et civilisations d’Afrique,
d’Amérique, d’Asie et d’Océanie. Il conserve de prestigieuses collections issues du
laboratoire d’ethnologie du musée de l’Homme et de l’ancien musée national des
Arts d’Afrique et d’Océanie (MnAAO). Depuis 1998, il procède également à des
acquisitions régulières. Les collections sont constituées de plus de 290 000 objets,
700 000 documents iconographiques, plus de 100 000 documents d’archives ainsi
que d’une bibliothèque de 300 000 exemplaires multisupports. L’usage des nou-
velles technologies dédiées au patrimoine, la valorisation des collections sous
toutes ses formes, ainsi que l’enseignement et la recherche, comptent parmi les
assises du musée. Ces trois éléments contribuent à la mise en œuvre d’une poli-
tique numérique innovante, dont l’informatisation des collections 57 et leur mise
à disposition sur internet. Le chantier des collections 58 a en effet généré la pro-
duction d’un important corpus numérique. Pour les quatre collections sont déve-
loppées quatre bases de données professionnelles qui inaugurent un programme
de descriptions et de représentations numériques sous forme de photographies
ou de numérisation de documents. Chaque description d’objet est associée à une
photographie et les fiches descriptives des 60 000 dossiers d’œuvres sont rattachées
à un million de pages numérisées 59. Le fonds photographique compte d’ores et
déjà plus de 330 000 pièces numérisées et décrites. Les références informatisées
des collections conservées à la médiathèque concernent ouvrages, revues, catalo-
gues de vente et d’exposition, thèses, livres précieux, documents audiovisuels et
ressources électroniques. Les campagnes de numérisation des collections de l’ico-
nothèque et des archives sont toujours en cours. Dans un souci de respecter la
stratégie globale de l’établissement, un de ses enjeux majeur est la mutualisation
de toutes ces données numériques.

57 Conduire un projet d’informatisation des collections : Joconde, <http://www.culture.gouv.fr/docu-


mentation/joconde/fr/partenaires/AIDEMUSEES/projet.htm#intro>.
58 Naffah Christiane, Le chantier des collections du musée du quai Branly. Conservation préventive à l’échelle
d’une collection nationale : organisation, fonctionnement et protocoles de traitement des ateliers, Paris, musée du
quai Branly, 2004.
59 Dalex Françoise, Frioux-Salgas Sarah, « Tools for studying the collections at the musée du quai
Branly : Paper archives and electronic research », Art Library Journal, 2008, <http://www.arlis.org.uk/publ/
alj/index.html>.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Leur diffusion sur internet et intranet est alors définie comme le cœur d’un projet
appelé portail documentaire 60. Il est identifié comme l’outil de mise en commun
et de partage des données et le mécanisme majeur de mutualisation du web de
l’institution. Au principe de mutualisation sont associés des mots-clés tels que
« fédérer » et « partager » qui eux-mêmes renvoient à différents concepts comme le
partenariat, les projets collaboratifs, l’interopérabilité ou la communauté virtuelle,
ce qui éclaire le champ couvert par le portail documentaire.

Le portail documentaire 61, espace virtuel


transversal de diffusion des collections
sur internet
Le portail documentaire est défini dès 2004 et s’inscrit comme la dernière étape
du vaste programme d’informatisation des collections. Décliné dans deux versions
pour internet et intranet, il voit le jour pour le grand public 62 dans une première
version à l’inauguration du musée, en juin 2006. L’objectif est quadruple : ouvrir
les portes des réserves du musée, relier les collections numériquement, les resti-
tuer virtuellement aux peuples d’origine et les valoriser par les nouvelles formes de
médiation. Actuellement appelé « base de données » sur le site internet du musée,
le portail documentaire, qui s’adresse à tous, sans limite temporelle ou spatiale,
sans identification ou accréditation liées à des références de recherche, connaît un
nombre de requêtes supérieur à 2 millions par an.
Il est le dispositif de diffusion globale pour l’ensemble des contenus numériques
scientifiques disponibles, produits ou acquis par le musée du quai Branly, ce qui
en fait un projet innovant technologiquement et sans précédent éditorialement. Il
est avant tout structuré autour de la mise en ligne des collections, c’est-à-dire de
la diffusion, à partir des bases de données professionnelles, des informations vali-
dées par les responsables de collections et non confidentielles. Grâce à la recherche
dynamique 63, les internautes sont acteurs de la découverte des collections. Les
notices des collections s’affichent sous différents formats : une notice abrégée
permet un tri rapide dans les résultats de recherche, un diaporama présente les

60 Le projet du portail documentaire est le quatrième projet du chantier de la médiathèque avec le projet
de la bibliothèque, le projet de l’iconothèque et le projet des archives et de la documentation muséale :
<http://www.quaibranly.fr/fr/documentation.html>.
61 Le 3 décembre 2012, le portail documentaire internet Ressources en ligne compte 292 477 notices
d’objets, 338 616 notices de l’iconothèque, plus de 300 000 références d’imprimés, de documents audiovi-
suels et de ressources électroniques consultables à la médiathèque, 8 500 notices de dossiers et documents
des archives scientifiques. La diffusion intranet s’enrichit d’une programmation audiovisuelle, de 17 000
documents audiovisuels, 8 000 périodiques électroniques et bases de données Voir Dalex Françoise, « Le
portail documentaire du musée du quai Branly : la diffusion virtuelle des collections », Culture et recherches,
2007, no 112, <http://www.culture.gouv.fr/culture/editions/documents/cr112_p29.pdf>.
62 Dès 2005, les agents du musée ont eu accès à des versions intranet, fonctionnant sans habillage graphique.
63 Pour que le portail soit adapté aux différents publics, amateurs et chercheurs, deux types de recherche
sont possibles : une recherche simple et une recherche avancée, qui propose de croiser plusieurs critères de
recherche par les opérateurs booléens « et/ou : sauf ».

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Le portail documentaire, un outil de mutualisation de la diffusion.
L’exemple du musée du quai Branly

résultats par leur image numérisée 64, et une notice complète donne l’ensemble des
informations diffusables. Les images numérisées et disponibles pour une diffu-
sion internet sont accessibles de la vignette à l’image plein écran et son option de
zoom. Le partage des connaissances sur les collections se fait en outre par l’usage
des listes de mots-clés, des listes d’autorités et des thesaurus communs aux col-
lections 65, comme aide à la recherche et rebonds dans les notices pour approfon-
dir une thématique.
Dans un souci de mise à disposition d’informations au plus grand nombre, la
mise en ligne des catalogues s’adapte aux différentes collections, à l’avancée des
chantiers et aux contraintes juridiques ou éthiques 66. Dès 2006, l’ensemble des
notices des objets est en ligne 67. Certains groupes d’objets sont mis en valeur,
nouvelles acquisitions ou instruments de musique 68. Le catalogue en ligne de
l’iconothèque s’enrichit au rythme du renseignement scientifique, de la numéri-
sation et d’un chantier juridique d’envergure. Pour les archives et les collections
de la bibliothèque, ce sont principalement 69 les références des documents qui
sont disponibles sur internet.
Certaines fonctionnalités des catalogues en ligne mettent en exergue le rôle fédé-
rateur de la mise en ligne, qui rapproche des collections au renseignement éclaté
dans quatre bases de données professionnelles différentes. Le portail est le seul
outil disponible au musée pour recréer par exemple un lien entre les notices des
objets sur le catalogue et les dossiers d’œuvres qui retracent leur histoire sur le
catalogue des archives et de la documentation. Une recherche fédérée sert égale-
ment de pont entre les catalogues et permet une recherche unique dans les diffé-
rentes sources professionnelles. Par une recherche simple « Claude Lévi-Strauss »,
le portail documentaire présente les objets, photographies et archives concernant
le grand ethnologue et conservés au musée 70.
Enfin, des options transversales à tous les catalogues permettent à l’internaute
de partager ses recherches par un envoi sur messagerie. Il s’approprie ces conte-
nus en les sélectionnant pour les sauvegarder dans un panier, les télécharger, les

64 En complément, les informations majeures de l’item s’affichent au passage de la souris : numéro d’in-
ventaire, appellation ou titre, toponymes…
65 Il s’agit en particulier des listes d’autorité des noms d’ethnies (ethnonymes), des noms de personnes
et institutions, du thesaurus des noms de lieux (toponymes).
66 Voir le texte de présentation des « Conditions de mise en ligne des collections », qui précise les déci-
sions prises lors de deux comités de mises en ligne, en janvier 2006, <http://www.quaibranly.fr/fr/docu-
mentation/les-conditions-de-mise-en-ligne-des-collections.html>.
67 Les informations affichées sont les champs de la base de données professionnelle renseignés et cor-
rigés pendant le chantier des collections : numéro d’inventaire, appellation et terme vernaculaire, topo-
nymes, ethnonymes ainsi que les dimensions d’encombrement. Les notices des objets exposés s’enrichissent
des renseignements d’usage et d’une description précise. Une mention précise l’état de la notice : « validée
scientifiquement » ou « en cours de validation ».
68 Le catalogue en ligne met en avant les groupes d’objets emblématiques, qui peuvent être identifiés
par des critères de classement particuliers dans la base de données professionnelle. L’avancée des chantiers
d’indexation et de catégorisation des objets dans la base de données professionnelle permettra une valori-
sation plus fine dans le catalogue en ligne des objets.
69 À l’exception d’extraits de documents sonores et audiovisuels consultables en complément des notices
bibliographiques des documents sur le catalogue de la médiathèque.
70 http://www.quaibranly.fr/cc/pod/recherche.aspx?collection=POD0001-Levi-Strauss&collectiontitre=Cl.
Levi-Strauss

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

imprimer 71. Le catalogue de la médiathèque permet enfin depuis 2006 de réser-


ver ses ouvrages à distance pour une consultation ultérieure à la médiathèque
d’étude et de recherches.
Cette diffusion initiale définit les modalités de valorisation numérique et facilite
des diffusions distinctes sur des espaces, intranet ou portails collaboratifs, à des-
tination de collections particulières. Leur diffusion, adaptée, augmente la valeur
ajoutée de la mise en ligne, à la fois pour les contenus et les publics.

Un intranet spécifique et la mise à disposition


exhaustive des documents audiovisuels
Dans un premier schéma de diffusion, une page unique intranet est accessible
par tous les utilisateurs des 48 ordinateurs installés dans les quatre espaces 72 de
la médiathèque. Dans un environnement sécurisé par une déconnection à inter-
net, cet écran donne accès aux contenus diffusés sur internet ainsi qu’aux conte-
nus spécifiques de l’intranet : bases de données et revues numériques acquises par
abonnements, informations pratiques des services de la médiathèque, présentation
détaillée de la programmation du salon de lecture ainsi qu’une programmation
audiovisuelle de 10 titres. Ces contenus sont également disponibles sur les ordi-
nateurs professionnels de l’ensemble des collaborateurs du musée du quai Branly.
Un véritable portail est déployé en 2009 pour répondre aux besoins de diffusion
des ressources électroniques et de valorisation des collections. Un nouveau gra-
phisme répond aux exigences éditoriales. La première page présente l’ensemble
des rubriques disponibles. La taille modulable des pavés d’information permet
d’adapter l’affichage aux contenus à venir et aux priorités de présentation des
contenus, comme les ressources les plus utilisées ou les plus récemment sélec-
tionnées. Les ressources annoncées sur la première page sont accessibles sur des
pages intérieures. Les catalogues en ligne, les services de la médiathèque, l’actua-
lité du salon de lecture Jacques-Kerchache, de même que les revues et les bases de
données numériques, sont présentes sur cette première page. Viennent l’enrichir
des liens vers des sites internet sélectionnés. En 2010, dans le cadre du partena-
riat du musée du quai Branly avec l’Unesco, cette rubrique promeut la conven-
tion de 2003 73 et le patrimoine culturel immatériel. Les dossiers numériques de
classement, mis en ligne sur le site de l’Unesco 74, sont regroupés et valorisés 75
dès la première page du portail documentaire intranet.

71 À ces fonctionnalités majeures s’ajoutent des outils plus standard : un historique des recherches, une
liste des derniers résultats, un tri dans les critères des résultats.
72 Sony est le mécène qui a équipé de 48 ordinateurs Vaio les quatre espaces de la médiathèque du musée
du quai Branly : salon de lecture Jacques-Kerchache, médiathèque d’étude et de recherches, cabinet des
fonds précieux et salle de consultation de documentation.
73 http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00006
74 http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00001
75 Pour une double valorisation, une sélection de ces dossiers est proposée sur l’internet du portail docu-
mentaire : <http://www.quaibranly.fr/fr/documentation/les-dossiers-numeriques-de-lunesco.html>.

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Le portail documentaire, un outil de mutualisation de la diffusion.
L’exemple du musée du quai Branly

Le développement de cet espace documentaire virtuel permet surtout la valorisa-


tion de l’ensemble des collections des documents sonores et audiovisuels, CD et
DVD édités et acquis de manière onéreuse, comme les archives sonores et audio-
visuelles conservées au musée du quai Branly.
La diffusion était limitée jusqu’alors à la collection des CD et DVD consultables
à partir des ordinateurs publics de la médiathèque ou par une programmation de
10 titres de documents audiovisuels. Cette programmation, toujours liée à l’ac-
tualité du musée du quai Branly, propose maintenant 80 titres présentés en diffé-
rentes thématiques : « Autour des expositions », « Zoom de l’hiver », « Les classiques
du film ethnographique », « Les nouveautés »…
De plus, les contraintes juridiques bloquent la valorisation internet de nombreux
documents audiovisuels en intégralité. Intranet permet le partage documentaire
et la valorisation exhaustive de cette collection inédite, comme les productions du
musée du quai Branly, enregistrements sonores et vidéos. Outre le lancement d’un
chantier juridique pour encadrer la valorisation en ligne est impulsé un important
travail de catalogage, de numérisation et de traitement par découpage et séquen-
çage des documents en vue de leur diffusion. Différentes rubriques mettent en
avant ces ressources : « Collectes de terrain », « Concerts et spectacles du musée
du quai Branly », « Conférences autour des spectacles », « Conférences du musée »,
« Conférences du salon de lecture Jacques-Kerchache », « Films documentaires » 76.
Les collectes de terrain, constituées de documents réalisés par des ethnologues et
acquises par le musée du quai Branly, sont accessibles par le nom du collecteur 77.
Les intranautes ont aussi la possibilité d’accéder aux documents par continents.
L’ensemble des descriptions scientifiques de ces pages intranet sont des exports
dynamiques de la base de données professionnelle de la médiathèque. En com-
plément, les notices bibliographiques proposent en intranet la consultation directe
des documents et les notes de programmes. L’infrastructure technique est unique
pour les différents modes de diffusion. La consultation se fait en streaming, avec
l’équipement de nouveaux serveurs de streaming et de sauvegarde.
En complément d’une diffusion conjointe et complémentaire sur les différents
espaces virtuels de l’établissement, le portail documentaire permet également de
valoriser le patrimoine numérique par une double visibilité sur des sites internet
partenaires. La mise en réseau des données numériques a pour objectifs princi-
paux de réunir virtuellement des contenus éparpillés, de donner à voir les collec-
tions une seconde fois et d’en faciliter la connaissance sur un espace numérique
dédié. La double visibilité des collections en ligne représente en particulier une
opportunité majeure pour accroître la valorisation des collections et de s’adres-
ser à de nouveaux publics.
Dès 2008, les notices des objets sont accessibles pour la première version du
nouvel équipement fédérateur des collections du ministère de la Culture et de la

76 L’ensemble de ce chantier est piloté avec Claire Schneider, chargée de la collection des fonds sonores
et audiovisuels.
77 En 2012, les collectes de terrain sont constituées des fonds de Gilbert Rouget, Francis Corpataux et
Yoann Guilleminot.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Communication, le moteur Collections 78. Elles intègrent par rebond le portail


européen Europeana 79, troisième support de visibilité et de développement des
publics. Le portail documentaire participe à l’enrichissement de deux portails thé-
matiques à vocation nationale et internationale, Spectacles du monde et Mémoires
Amérique française.

La mise en réseau du portail documentaire


sur les portails thématiques
Spectacles du monde 80, un portail d’archives
audiovisuelles
La création du portail intranet et le traitement des documents audiovisuels permet
au musée de participer à la mise en place de Spectacles du monde. Ce portail
associe, dans une démarche unique, la diffusion d’archives audiovisuelles issues
des captations de spectacles de partenaires et la valorisation de cette program-
mation elle-même. Il permet de regrouper et de valoriser des documents inédits,
méconnus, à forte valeur scientifique et artistique, et numériquement marginaux.
Le programme, piloté par la médiathèque de la Cité de la musique 81, a été lancé
par appel à projet de numérisation de la mission de la recherche et de la technolo-
gie 82 (MRT) du ministère de la Culture et de la Communication. Le théâtre de la
Ville, la maison des Cultures du monde et le musée du quai Branly sont les autres
acteurs de ce portail, développé pendant l’année 2008. Le festival Les Orientales,
le Festival d’Île de France et la fondation Royaumont 83 les rejoignent en 2009.
La mutualisation des contenus évite la dispersion des fonds et des références,
contribue à leur sauvegarde et à leur valorisation, et favorise la visibilité de la pro-
grammation des spectacles des cultures du monde en France 84. Émanant d’ins-
titutions dont les politiques artistiques sont peu redondantes, les contenus sont
complémentaires. Ils constituent un ensemble cohérent, car représentatif du patri-
moine immatériel mondial. Leur numérisation est l’atout qui assure la qualité des
contenus et leur accès à distance.
Par une dynamique de partage d’expériences et de compétences, les partenaires défi-
nissent tout d’abord la stratégie de diffusion internet et intranet, les contenus du
portail thématique et des portails documentaires des institutions. Les liens établis

78 http://collections.culture.fr/
79 http://www.europeana.eu/portal/
80 http://www.spectaclesdumonde.fr/sdm/default.aspx
81 http://mediatheque.cite-musique.fr/masc/
82 http://www.culture.gouv.fr/culture/mrt/numerisation/fr/actualit/actualit.htm
83 <http://www.maisondesculturesdumonde.org/> ; <http://www.theatredelaville-paris.com/> ; <http://
www.lesorientales.fr/> ; <http://www.quaibranly.fr/> ; <http://www.festival-idf.fr/2012/blog/> ; <http://
www.royaumont.com/fondation_abbaye/>.
84 Il existe peu de sites dans ce domaine, tous étrangers : Asian/Pacific Cultural Centre for Unesco, <http://
www.accu.or.jp/paap> ou Smithsonian Global Sound, <http://www.folkways.si.edu/>.

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Le portail documentaire, un outil de mutualisation de la diffusion.
L’exemple du musée du quai Branly

entre les deux plateformes permettent de les valoriser conjointement. L’équipe


chargée du projet élabore un modèle de données commun de notices Dublin Core
et MODS 85, pour disséminer les données sélectionnées, les faire communiquer
entre elles, alimenter et tenir à jour les réservoirs par des automatismes simples,
sans dupliquer ni modifier la localisation d’origine des contenus. Les données en
Dublin Core sont rassemblées dans l’entrepôt central, ce qui autorise leur mois-
sonnage OAI 86 par d’autres partenaires éventuels, dans l’avenir. Les fichiers audio
et vidéo sont disponibles soit en format MP3 et MP4 soit WMA et WMV en
mode streaming. Un travail commun permet d’harmoniser les listes de mots-clés
des catalogues déjà existants 87, pour le bon usage de la recherche sur le portail.
Un dernier chantier concerne la gestion des droits de propriété intellectuelle et
artistique, pour obtenir les autorisations des ayants droit et définir les conditions
d’une diffusion internet ou intranet des versions intégrales.
Fonctionnellement, le portail offre plusieurs entrées de recherche : la sélection
d’une zone géographique sur une carte du monde et un moteur de recherche 88.
Il propose la consultation de l’ensemble des spectacles captés dans les institutions,
sous forme d’extraits et de courtes descriptions 89. Ces extraits sont le lien vers les
portails documentaires des institutions, qui diffusent les notices bibliographiques
complètes et les spectacles en intégralité ou en extrait, selon les droits de diffusion
acquis. Quand l’intégralité de la consultation n’est pas négociée pour l’internet,
la solution est de négocier les droits pour une consultation intégrale en intranet,
comme au musée du quai Branly.
Ce projet intervient à une période charnière pour chacune des institutions, quelle
que soit l’avancée de la valorisation de ses archives audiovisuelles ou de ses équi-
pements informatiques. La constitution d’un réseau de professionnels a donné
lieu à un travail collaboratif d’appropriation des dernières technologies, normes
et standards de numérisation et d’échange des données.
Aux apports technologiques du portail Spectacles du monde répondent les oppor-
tunités scientifiques du portail Mémoires Amérique française.

85 Dublin Core est un format descriptif des collections comprenant 15 éléments différents : <http://
dublincore.org/> ; MODS (Metadata Object Description Schema) un format mis au point par la Library
of Congress dans l’objectif de convertir des notices MARC en XML. Il permet une description plus riche
que le Dublin Core et des fonctionnalités additionnelles telles que l’utilisation de listes de mots-clés et les
liens entre notices hiérarchisées : <http://www.loc.gov/standards/mods/>.
86 OAI-PMH (Open Archives Initiative Protocol for Metadata Harvesting), <http://www.openarchives.
org/OAI/openarchivesprotocol.html>.
87 La Cité de la musique, la Maison des cultures du monde et le musée du quai Branly utilisent des listes
de mots-clés pour les toponymes, ethnonymes, instruments de musique, formes musicales, langues. La liste
commune sert d’outil unique aux institutions qui n’en sont étaient pas dotées avant ce projet.
88 Critères de recherche et de classement associés : date, lieu, institution, artiste, région du monde, ins-
trument, forme musicale, peuple.
89 Titre du spectacle, titre du cycle de programmation, date et lieu d’exécution, artistes, instruments,
régions du monde, aires culturelles, formes musicales, groupes ethniques, langues, notes de programmes
numérisées et photographies associés aux spectacles.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Mémoires Amérique française, un portail des objets


d’Amérique française conservés dans les musées français
La commission franco-québécoise sur les lieux de mémoires communs (CFQLMC) 90
a défini un portail intitulé Mémoires Amérique française pour présenter les objets
originaires d’Amérique française et conservés dans les musées français. Ce portail,
qui donnera accès à l’ensemble des notices de collections provenant de l’aire de la
Nouvelle-France, sera officiellement présenté à l’automne 2013.
Le projet s’est structuré autour d’un triple socle. Tout d’abord, les apports de
l’École du Louvre 91 : un mémoire de recherche 92 récent recense l’ensemble des
collections de l’Amérique du Nord conservées dans 35 musées français. Il est la
référence pour les stagiaires 93 chargés de contacter l’ensemble des musées et d’as-
surer cet inventaire en 2011 et 2012. Ensuite, les contenus des notices en ligne de
plus de 350 objets 94 du musée du quai Branly servent de modèle au futur portail
thématique, face à l’hétérogénéité des descriptions des collections et des équipe-
ments informatiques des musées détenteurs de collections. Enfin, un prestataire
web accompagne le projet depuis sa définition et en fixe les besoins techniques.
L’importance numérique et la qualité des contenus dépassent les objectifs initiale-
ment définis. L’ensemble des musées sollicités a transmis les informations descrip-
tives des objets demandés. Leur participation active illustre tous les enjeux d’une
mise en ligne du patrimoine. Elle révèle également le besoin de travaux collaboratifs
pour les institutions muséales, qu’ils soient purement techniques ou scientifiques.
Ce portail aura valeur de catalogue raisonné numérique, au service de la découverte
d’objets inconnus du public et inaccessibles dans leur intégralité sur internet. Il est
un outil en devenir, pouvant fédérer plus largement les contenus numériques qué-
bécois ou canadiens. Il pourra aussi rapidement s’enrichir de notices de collections
complémentaires conservées en France, comme les objets issus du Grand Nord, sur
le même principe d’utilisation d’un travail universitaire de ces collections 95, et ce,
dès 2013. Une étape parallèle serait la mise en place d’une plateforme d’échanges
sur les collections en ligne, pour les internautes partageant leurs connaissances sur
les collections et les scientifiques proposant des axes de recherches scientifiques.

90 http://www.cfqlmc.org/
91 Claire Merleau-Ponty, enseignante à l’École du Louvre, secrétaire générale d’Icom France, assure le
pilotage du projet. Pascal Mongne, responsable du cours organique « Arts des Amériques » à l’École du
Louvre, assure le suivi scientifique et pédagogique du projet.
92 Seynhaeve Marie-Bénédicte, « Inventaire des collections amérindiennes du Nord-Est de l’Amé-
rique du Nord conservées dans les musées français », mémoire de recherche de l’École du Louvre sous la
direction de Pascal Mongne, 2007.
93 Pichard Marine et Vergé Thibaut, « Travail de mise à jour de l’inventaire de B. Seynhaeve », rapport/
mémoire de stage de 3e année, École du Louvre, cours de spécialité « Arts des Amériques », 2011 ; Cailleux
Pauline et Bel Émilie, « Collecte de l’iconographie et d’informations complémentaires », dossier pédago-
gique de 3e année, École du Louvre, cours de spécialité « Arts des Amériques », 2012.
94 La sélection scientifique des objets et la rédaction des textes sont d’André Delpuech, responsable de
l’unité patrimoniale Amériques au musée du quai Branly et Mathilde Schneider, stagiaire INP, <http://www.
quaibranly.fr/fr/collections/collections-thematiques/collections-amerindiennes-de-nouvelle-france.html>.
95 Guigon Gwénaële, « Historique et présentation des collections inuit dans les musées français au
xixe siècle », mémoire de recherche approfondie de l’École du Louvre sous la dir. d’André Desvallées et
Michelle Therrien, 2006.

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Le portail documentaire, un outil de mutualisation de la diffusion.
L’exemple du musée du quai Branly

Le portail Mémoires Amérique française permet la constitution du patrimoine


numérique d’une collection d’objets éparpillés depuis plusieurs siècles. Il porte un
projet scientifique fort de renouvellement de recherche et de création de réseau
de spécialistes des deux côtés de l’Atlantique. Sur le modèle de la diffusion des
notices d’objets du portail documentaire du musée du quai Branly, il permet à plu-
sieurs musées de région d’organiser l’informatisation de leurs collections d’objets.
Au-delà des contraintes de mises à jour et d’harmonisation techniques et éditoriales,
ces deux projets thématiques de regroupement virtuel de collections présentent
de multiples atouts. Ils s’appuient sur les spécificités du portail documentaire et
renouvellent la visibilité des mises en ligne initiales. La mise en commun des res-
sources stimule, dès la définition du projet, la recherche scientifique sur les collec-
tions. La collaboration technique des équipes partenaires encourage la progression
des institutions les moins avancées, favorise l’utilisation de standards techniques
qui permettent l’interopérabilité des données. Elle soutient enfin le développe-
ment d’outils qui garantissent une conservation et une valorisation optimales des
données patrimoniales numériques.
L’ensemble des exemples de ces mises en ligne de collections, mutualisées numéri-
quement sur le portail documentaire ou disséminées sur des espaces virtuels parte-
naires, enrichissent ainsi le patrimoine numérique disponible et participent à une
plus forte présence de contenus riches et francophones sur internet.

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pierre-henry.b@wanadoo.fr - E16-00821452
Les dossiers de restauration
du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) :
vers une reconnaissance patrimoniale
Clémence Raynaud

Constitués depuis les années 1930, les dossiers de restauration du C2RMF forment
aujourd’hui l’un des fonds institutionnels les plus riches, en Europe, dans le domaine
de la conservation-restauration des biens culturels 96.
Organisé pour répondre aux besoins des conservateurs et des restaurateurs dans
le cadre des interventions menées sur les collections des musées de France, cet
ensemble a connu, ces dernières années, un processus de patrimonialisation lié
à sa reconnaissance comme fonds d’archives publiques. Cette évolution n’est pas
seulement due à l’inévitable vieillissement du fonds ; elle tient aussi à d’autres fac-
teurs déterminants, comme le remarquable développement des recherches dans
le domaine de l’histoire de la restauration. On tentera ici d’en examiner les diffé-
rents ressorts ainsi que les actions conduites par le service de la documentation
pour soutenir ce processus. Afin de concilier l’impératif de conservation et la fonc-
tion documentaire, un plan de conservation, engagé en 2005, est mis en œuvre
parallèlement à la dématérialisation des fonds, qui a bénéficié de la compétence
développée au C2RMF, depuis les années 1990, dans le domaine des nouvelles
technologies de l’information.

Historique du fonds
L’origine de ce corpus est étroitement liée à l’institutionnalisation, dans les
années 1930, de la restauration au sein des musées de France. En effet, les plus
anciens dossiers de restauration conservés au C2RMF remontent à la création,
en 1935, de l’atelier de restauration des peintures du musée du Louvre, né de la
volonté d’Henri Verne 97 d’organiser la restauration au sein des musées natio-
naux 98. Ce que devait être le contenu d’un dossier de restauration avait été expres-
sément défini lors de la commission de restauration du 16 février 1935, réunie

96 Je tiens à remercier chaleureusement Brigitte Bourgeois et Joëlle Crétin, pour la relecture de cet article
et leur précieux soutien, ainsi que les restaurateurs et collègues du département Restauration du C2RMF,
qui enrichissent quotidiennement ce fonds.
97 Directeur des Musées nationaux et de l’École du Louvre de 1926 à 1939.
98 Cabillic Isabelle, « Jean-Gabriel Goulinat, chef de l’atelier de restauration des peintures des musées
nationaux (1935 à 1971) », Technè, no 27-28, 2008, p. 92.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Constat d’état relatif à l’Olympia, d’Édouard Manet (Paris, musée d’Orsay),


12 décembre 1935. C2RMF, dossier P 570.
© C2RMF.

sous la présidence d’Henri Verne 99. Préalablement à toute restauration était établi
au laboratoire du musée du Louvre un dossier qui devait inclure une photogra-
phie mettant en évidence les « lésions de la peinture 100 », accompagné d’une des-
cription de celle-ci. S’agissant de la restauration, le traitement envisagé, « après
entente avec les restaurateurs et avis de la commission », ainsi que le travail réalisé
devaient être décrits dans un rapport faisant état des éventuelles modifications

99 Raynaud Clémence, « Les archives de la restauration au Centre de recherche et de restauration des


musées de France », Technè, no 27-28, 2008, p. 43-46.
100 Ibid., p. 43. Archives des musées nationaux, P 16 1933-1936.

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) : vers une reconnaissance patrimoniale

apportées au projet primitif de restauration 101. Enfin, le dossier devait être com-
plété par des « photographies justificatives » témoignant de l’état de l’œuvre à dif-
férents stades de l’intervention 102.
Dès 1935, des documents attestent la volonté de faire état précisément des inter-
ventions, mais il semble que la constitution rigoureuse et systématique d’une
documentation ressortissant à la restauration revienne à Germain Bazin, conser-
vateur au musée du Louvre, chargé de la « surveillance » de l’atelier de restauration
des peintures en 1937 103, puis directeur du service de Restauration des peintures
des musées nationaux (1965-1971). Dès sa nomination, en effet, Germain Bazin
mettait « au point les archives de la restauration », veillant à ce qu’un dossier com-
prenant un rapport rédigé par le restaurateur soit constitué sur chaque tableau 104.
Le dossier ainsi réalisé lors de la restauration du portrait de Pierre Quthe (François
Clouet, musée du Louvre) 105, transposé de bois sur toile en 1939, constitue un
exemple remarquable de la méthodologie documentaire mise au point dans les
années 1930 au sein des musées de France. Le tableau fut soigneusement photogra-
phié avant l’intervention décidée par la commission de restauration du 19 novembre
1937. Effectués au laboratoire en mars 1938, les examens en lumière rasante et
sous ultraviolets mirent en évidence les nombreux soulèvements de la couche pic-
turale qui justifièrent sa transposition. L’état du tableau à l’issue de la transposi-
tion fut documenté en mars 1939, en lumière directe et sous ultraviolets, avant
l’intervention de Lucien Aubert, chargé de la restauration de la couche picturale
en 1940. Celle-ci est décrite dans un rapport manuscrit joint au dossier, qui rend
compte des choix de traitement et des produits utilisés pour la retouche, suivant
une déontologie devenue fondamentale dans les codes professionnels définis en
Europe dans la seconde moitié du xxe siècle.
Au service de Restauration des peintures des musées nationaux, devenu service
de Restauration des musées de France en 1992 puis C2RMF en 1998, l’applica-
tion rigoureuse, pendant des décennies, de cette méthodologie a progressivement
permis la constitution d’un fonds considérable, comprenant aujourd’hui près de
38 000 dossiers de restauration.
Compte tenu de l’histoire du fonds, la section Peinture est aujourd’hui la plus
riche (plus de 22 000 dossiers), les rapports les plus anciens ne remontant guère,
dans les autres domaines, avant les années 1960-1970. Les corpus d’archéologie,
arts décoratifs, arts graphiques, art moderne et contemporain, d’ethnographie et
de sculpture ne connurent d’ailleurs un véritable développement qu’à partir des
années 1980, suivant une évolution qui peut s’expliquer non seulement par le
développement des activités du service dans ces domaines, mais aussi par l’arri-
vée des premières promotions de restaurateurs diplômés, formés à la documen-
tation des interventions.

101 Ibid.
102 Ibid.
103 Bazin Germain, Souvenirs de l’exode du Louvre. 1940-1975, Paris, Somogy, 1992.
104 Lettre de Germain Bazin à Jean-Gabriel Goulinat, 28 avril 1939, C2RMF. Cf. Raynaud, art. cit.,
2008, p. 46, n. 3.
105 C2RMF, dossier P 1082.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

François Clouet, Pierre Quthe, apothicaire, Paris, musée du Louvre :


photographie en lumière rasante, mars 1938 (avant restauration).
C2RMF, dossier P 1082.
© C2RMF.

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) : vers une reconnaissance patrimoniale

François Clouet, Pierre Quthe, apothicaire, Paris, musée du Louvre :


photographie sous ultraviolets, mars 1938 (avant restauration).
C2RMF, dossier P 1082.
© C2RMF.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

François Clouet, Pierre Quthe, apothicaire, Paris, musée du Louvre :


photographie après transposition, mars 1939. Au revers : « Le vernis est chanci.
Certains repeints gras apparaissent en noir sur le vernis chanci. »
C2RMF, dossier P 1082.
© C2RMF.

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) : vers une reconnaissance patrimoniale

Lucien Aubert, rapport de restauration, 1940.


C2RMF, dossier P 1082.
© C2RMF.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Le statut des dossiers de restauration aujourd’hui :


un fonds documentaire classique ?
Bien que Germain Bazin désignât originellement ces dossiers comme les « archives
de la restauration », c’est le vocable de « documentation » qui prévalait au C2RMF
au début des années 2000 pour qualifier cet ensemble. Plusieurs raisons peuvent
expliquer ce changement d’appellation qui a pu être lié, en premier lieu, à l’usage
de ces dossiers. Utilisés essentiellement dans le cadre des interventions conduites
au C2RMF sur les œuvres des musées de France, ces dossiers comprenaient éga-
lement des diapositives régulièrement empruntées pour des conférences, cours ou
publications. Leur gestion et leur classement furent pensés en fonction des besoins
du service, de manière à répondre, le plus rapidement possible, aux demandes des
utilisateurs, principalement des restaurateurs, conservateurs et ingénieurs. En outre,
cette documentation s’est progressivement enrichie, au fil des ans, de documents
produits hors du service (fonds bibliographique, littérature grise).
Au-delà de leur évidente fonction documentaire, les dossiers de restauration du
C2RMF ont pourtant un statut différent d’un fonds documentaire classique qui,
par définition, est susceptible d’évoluer en fonction de la demande. En effet, ces
dossiers contiennent essentiellement des documents non publiés et procédant de
l’activité d’une institution, le C2RMF, depuis la création de l’atelier de restau-
ration des peintures en 1935 : au sens des lois du 17 juillet 1978 et du 15 juillet
2008 106, les dossiers de restauration du C2RMF constituent donc un fonds d’ar-
chives publiques.
Outre la légitimité juridique, la récente reconnaissance de cette documentation
comme fonds d’archives publiques s’est appuyée sur différents éléments déter-
minants. Ainsi ce processus de patrimonialisation a-t-il largement bénéficié du
développement des études sur l’histoire de la restauration qui tend aujourd’hui à
s’affirmer comme un champ de recherche à part entière de l’histoire de l’art. Dans
le sillage de Ségolène Bergeon et de Georges Brunel, les recherches conduites par
les équipes réunies au C2RMF autour de Brigitte Bourgeois et de Nathalie Volle
ont ainsi contribué à mettre en évidence les apports de l’histoire de la restauration
à la connaissance du patrimoine, dans une démarche qui présente également l’in-
térêt de favoriser, par effet de miroir, l’analyse de la déontologie et des pratiques
actuelles. Les résultats de ces travaux, dont certains ont été menés en partenariat
avec l’Institut national d’histoire de l’art, ont notamment été publiés dans trois
numéros de la revue Technè, entièrement consacrés à l’histoire de la restauration,

106 Loi no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’ad-
ministration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ; loi no 008-696 du
15 juillet 2008 relative aux archives, article L 211-4 : « Les archives publiques sont : a) Les documents qui
procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres per-
sonnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées de la gestion d’un service public,
dans le cadre de leur mission de service public. »

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) : vers une reconnaissance patrimoniale

en 2008, 2010 et 2011 107. Ces recherches ont nourri, parallèlement, des séminaires
de l’École du Louvre qui a favorisé leur développement en intégrant, dès 2003,
l’histoire de la restauration dans ses programmes d’enseignement de cinquième
année 108, puis de troisième cycle. Enfin, un récent numéro de la revue Histoire de
l’art a consacré l’entrée de cette thématique dans les axes de la recherche univer-
sitaire française 109.
Dans ce contexte, l’exploitation historique des archives du C2RMF s’est consi-
dérablement développée, notamment dans le cadre de mémoires de l’École du
Louvre, contribuant à renouveler notre regard sur un fonds qui témoigne de plus
de soixante-dix ans d’histoire de la restauration au sein des musées de France.
Par ailleurs, la mission des Archives nationales au ministère de la Culture et de la
Communication, dirigée par Édouard Vasseur de 2006 à 2012, a également joué
un rôle décisif en légitimant et en soutenant, dans le cadre de sa mission d’aide et
de conseil, les actions conduites par le service de la Documentation du C2RMF
en faveur de la reconnaissance de cet ensemble comme fonds d’archives publiques.
Son expertise a ainsi été déterminante, tant dans la mise en application des règles
de communication des documents, en conformité avec la législation sur l’accès aux
documents administratifs 110, que dans la définition d’une politique de conservation.

L’étude de conservation
En effet, l’identification de cette documentation comme fonds d’archives publiques
a mis la question de sa conservation au premier plan. C’est dans ce contexte qu’une
évaluation de l’ensemble du fonds a été confiée à Pierre-Emmanuel Nyeborg,
conservateur-restaurateur de photographies et consultant en conservation préven-
tive. Conduite en 2005, cette étude 111 a consisté en une enquête menée sur place
et en la rédaction d’un rapport, suivant une méthode devenue courante, notam-
ment dans les domaines des archives et des bibliothèques. Les objectifs de cette
étude étaient doubles :
– faire un état des lieux des collections documentaires (typologie, volumétrie), établir
un diagnostic de leur état et de leurs conditions de conservation (environnement

107 « La restauration des œuvres d’art. Éléments d’une histoire oubliée. xviiie-xixe siècles », Technè,
no 27-28, 2008 ; « Une perfection dangereuse » : la restauration des vases grecs », Technè, no 32, 2010 ; « Des
traités aux ateliers. Théorie et pratiques de la restauration des peintures et des dessins en France. xviiie-
xixe siècles », Technè, no 33, 2011.
108 « Regards sur l’histoire de la restauration », séminaire dirigé par Nathalie Volle et Brigitte Bourgeois,
puis « La matière oubliée : enquête sur l’histoire de la restauration », séminaire de master 2 dirigé par Brigitte
Bourgeois et Clémence Raynaud, depuis 2009.
109 « Restauration : quels enjeux pour l’histoire de l’art », Histoire de l’art, no 68, 2011.
110 Cf. supra, note 11.
111 Nyeborg Pierre-Emmanuel, Raynaud Clémence, « De la documentation aux archives : l’évalua-
tion du fonds de la section restauration au C2RMF et ses enjeux », dans Conservation-restauration des
biens culturels, actes des journées d’études « Enjeux et pratiques documentaires en conservation-restaura-
tion. Perspectives pour la recherche » organisées par l’Association des restaurateurs d’art et d’archéologie
de formation universitaire (ARAAFU) et le Centre de recherche en préservation des biens culturels, Paris
(INHA), 14-15 octobre 2010, cahier technique no 19, 2012, p. 37-41.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

climatique, modes de conditionnement et de stockage, risques liés à la commu-


nication des documents) ;
– élaborer une politique de conservation, définir des priorités.
À l’issue de cette évaluation réalisée suivant la méthode par sondages, le diagnostic
général n’était pas alarmant, le rapport établissant que « le fonds est globalement
en bon état 112 ». Grâce à des conditions environnementales relativement bonnes,
essentiellement dues à l’excellente inertie du bâtiment, les dégradations chimiques
restaient très limitées en dépit de la présence de nombreux matériaux sensibles,
tels que les pochettes en papier cristal, les papiers et boîtes en pâte chimique, ou
encore les chemises plastifiées.
Les points les plus problématiques, d’ordre physique, étaient essentiellement liés
aux modes de stockage et au choix de certains conditionnements. En effet, les
unités de stockage en place, datant des années 1970-1990, répondaient à des impé-
ratifs d’efficacité liés à la fonction documentaire du fonds. Certains, comme les
meubles rotatifs de la section Peinture, pouvant contenir près de 4 000 dossiers,
présentaient même un haut niveau de performance en matière d’ingénierie docu-
mentaire. Dotés d’une grande capacité, ces meubles mécanisés permettent d’accé-
der rapidement et aisément à un dossier sur la simple pression d’un bouton. Mais
ils soumettent les documents qu’ils contiennent à des risques physiques impor-
tants pouvant entraîner plis et déchirures. Aussi pratique soit-il, ce mode de stoc-
kage s’avère donc incompatible avec une conservation à long terme de documents
d’archives 113.
De même, les diapositives originales étaient conservées dans des meubles plus
adaptés à la consultation qu’à la conservation. Conçus à la fois pour le stockage
et le visionnage, ces meubles peu étanches à la poussière étaient équipés de pan-
neaux lumineux qui exposaient les films à une forte intensité lumineuse lors de
chaque consultation.
Compte tenu de ces éléments, les préconisations établies par Pierre-Emmanuel
Nyeborg portaient sur deux principales priorités :
– le reconditionnement du fonds des diapositives, au fur et à mesure de sa numé-
risation : les meubles en aggloméré, équipés de panneaux lumineux, devaient être
progressivement remplacés par un stockage vertical et compacté des diapositives,
dans des boîtes en carton de conservation, placées sur des étagères métalliques,
en vue d’une mise au froid ;
– le reconditionnement des dossiers de restauration stockés dans les meubles
rotatifs : ces unités mécanisées, sur lesquelles de fortes réserves ont été émises,
contiennent plus de 18 300 dossiers de la section Peinture (dont les dossiers ouverts
dans les années 1930-1940) ; un reconditionnement similaire a été préconisé (boîtes
de conservation stockées sur des étagères métalliques).

112 Nyeborg Pierre-Emmanuel, « Étude de conservation préventive : fonds documentaire, site Versailles,
Centre de recherche et de restauration des musées de France », 2005, p. 3 (rapport inédit conservé au C2RMF).
113 Ibid., p. 12-13.

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) : vers une reconnaissance patrimoniale

Meuble mécanisé, utilisé pour le stockage des dossiers.


© C2RMF / C. Raynaud.

Les conclusions de cette évaluation ont été d’autant plus déterminantes qu’elles
furent énoncées en tenant compte des moyens humains et financiers du service.
Dans la définition d’une politique de conservation, d’autres compromis se sont
avérés nécessaires du fait de la nature ambivalente du fonds. Ainsi, il était impéra-
tif de garantir la fonction documentaire, qui ne devait en aucun cas être entravée
par la mise en place de nouveaux modes de stockage. C’est pourquoi les opéra-
tions de reconditionnement ont été conduites parallèlement à un plan de numé-
risation, qui devait permettre un accès efficace et rapide à l’information.
Par ailleurs, l’évaluation du fonds, conduite par un professionnel de la conser-
vation, a permis de justifier l’obtention d’un budget, tant pour le reconditionne-
ment que pour la numérisation, dans un établissement où la valeur patrimoniale
du document est nécessairement moins évidente que dans le milieu des archives
et des bibliothèques. De fait, cette étude de conservation n’a pas été seulement
une issue du processus de patrimonialisation : elle en a aussi constitué l’une des
étapes décisives, en ce sens qu’elle a attiré l’attention des responsables et des utili-
sateurs sur la valeur matérielle et patrimoniale d’un fonds dont ils sont aussi, pour
la plupart, les producteurs quotidiens.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Le plan de numérisation et de reconditionnement


des documents
Suivant les préconisations énoncées à l’issue de l’évaluation, la priorité a été donnée
à la numérisation et au reconditionnement des diapositives qui constituent les
objets photographiques les plus sensibles du fonds.
À ce jour, environ 40 % du fonds, qui comprend près de 190 000 items, ont été
traités. En dépit de l’externalisation des opérations de numérisation, confiées à
des prestataires spécialisés, la mise en œuvre de la dématérialisation nécessite un
étalement sur de nombreuses années. En effet, les exigences de qualité nous ont
paru incompatibles avec un plan de numérisation de masse conduit en un temps
restreint. Les photographies constituant des témoignages uniques sur l’état des
œuvres au moment de la prise de vue, la conformité de la reproduction numérique
à l’original est un impératif absolu qui nécessite des contrôles rigoureux et systéma-
tiques de la part de l’équipe du C2RMF chargée de la numérisation des fonds 114.
Une fois numérisées, les diapositives sont progressivement reconditionnées dans
des pochettes en polyester disposées dans des boîtes de conservation, elles-mêmes
stockées sur des rayonnages métalliques, en vue d’un versement aux Archives natio-
nales. Ces opérations de reconditionnement ont permis de désencombrer les espaces
de meubles très volumineux qui, rappelons-le, n’étaient pas adaptés à la conserva-
tion des diapositives. À ce stade du plan de conservation, il est aujourd’hui possible
d’envisager l’installation de rayonnages mobiles de type compactus dans lesquels
seront stockés, en priorité, les dossiers les plus anciens de la section Peinture, en
cours de reconditionnement et de numérisation.

Le conditionnement des diapositives dans des boîtes de conservation.


© C2RMF / F. Lauginie.

114 Assurée par Cécile Binet, Marie-Liesse Boquien, Joëlle Crétin et Christine Desgrez, que je tiens à
remercier ici, ainsi que Simone Duchêne et Noël Zeganath, chargés du reconditionnement des documents.

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Le stockage compacté et vertical des diapositives.


© C2RMF / C. Raynaud.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

La dématérialisation du dossier de restauration,


la mise en place d’un archivage électronique
Le plan de numérisation des dossiers de restauration s’inscrit dans un vaste chan-
tier de dématérialisation de l’information au C2RMF. Ainsi la numérisation, qui
constitue l’un des aspects du plan de conservation dans la mesure où elle assure
la sauvegarde de l’information, permet-elle aussi de garantir et de développer la
fonction documentaire du fonds alors que l’usage d’un mobilier ergonomique est
remis en question pour des raisons de conservation.
Au fur et à mesure de la numérisation, les documents sont systématiquement
versés dans la base Eros, qui constitue aujourd’hui la mémoire dématérialisée du
C2RMF. Créée en 2002 et développée au Centre à partir de logiciels libres, cet
outil d’archivage et de recherche est le fruit de l’expérience acquise au C2RMF
dans le domaine des nouvelles technologies de l’information sous l’impulsion de
Christian Lahanier, chef du département de la Documentation de 1998 à 2007.
Mise en place au laboratoire, puis ouverte à la restauration 115, la base a consti-
tué l’instrument de catalogage de l’ensemble de la documentation produite au
C2RMF à partir de 2004. Dans les années qui suivirent, nous avons développé et
organisé un archivage électronique, de manière à verser l’ensemble des images et
des ­documents produits sous forme numérique dans la base au fur et à mesure de
leur production 116. Dans le cadre de cet archivage courant, environ un millier de
dossiers d’étude et de restauration sont ainsi traités, chaque année, par la filière
Archives, documentation et bibliothèques, également chargée de la numérisa-
tion des fonds.
Grâce aux campagnes de numérisation rétrospective et à l’archivage électronique
courant, la base Eros contient aujourd’hui près de 290 000 images numériques
et 20 000 documents électroniques, pour un total de 467 800 notices. Doté d’un
moteur de recherche en plein texte, cet outil a accru considérablement le potentiel
d’exploitation de la documentation constituée au C2RMF depuis les années 1930.
Parmi les bénéfices de la dématérialisation des dossiers de restauration figurent
les projets de mutualisation documentaire qui tendent à se développer actuelle-
ment au plan international. Si la base Eros reste, pour des questions essentielle-
ment juridiques, inaccessible sur internet, des corpus documentaires numérisés
peuvent être mis en ligne dans le cadre de partenariats scientifiques ; le C2RMF
a ainsi participé à des projets soutenus par la Mellon Foundation, comme le
Raphaël Research Resource, sur le site de la National Gallery de Londres, et la
Rembrandt Database 117.

115 Aitken Geneviève, Pillay Ruven, Lahanier Christian et al., « Évolutions de la base de données
Eros dédiée à la conservation-restauration », dans Icom-CC, 15th Triennial Conference New Delhi, 22-26 sep-
tember 2008, vol. I, p. 28-35.
116 Cretin Joëlle, Desgrez Christine, « La dématérialisation du dossier de restauration au C2RMF »,
dans Conservation-restauration des biens culturel, op. cit., p. 35-36.
117 Donkersloot Wietske, « The Rembrandt Database : an inter-institutional research resource for art-
historical, technical and conservation documentation », Technè, no 35, 2012, p. 123-126.

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Les dossiers de restauration du Centre de recherche et de restauration
des musées de France (C2RMF) : vers une reconnaissance patrimoniale

L’informatique documentaire et la dématérialisation se sont ainsi révélées cru-


ciales dans le développement du potentiel documentaire d’un fonds dont l’intérêt
historique et scientifique est considérable 118. Combinées à des recherches histo-
riques apportant une meilleure connaissance de ces archives, elles contribuent, de
manière décisive, à leur assurer une meilleure visibilité tout en favorisant la mise
en œuvre d’un plan de conservation des documents originaux.
Conservation et dématérialisation ont donc joué des rôles tout à fait complé-
mentaires dans le processus de patrimonialisation des dossiers de restauration du
C2RMF. Organisé à la fin des années 1930 alors que s’institutionnalise la restau-
ration au sein des musées nationaux, cet ensemble récemment reconnu comme
fonds d’archives publiques a retrouvé la désignation qui lui avait été attribuée par
Germain Bazin en 1939 lorsqu’il commençait à constituer les « archives de la res-
tauration ». Soixante-quinze ans plus tard, on peut d’ailleurs se demander si cette
évolution ne nous ramène pas, à nouveau, à des problématiques d’ordre institu-
tionnel : la patrimonialisation de ce fonds, qui constitue à la fois le fruit de l’ins-
titution et sa source de légitimité, pourrait ainsi être analysée comme une des
réponses à la question récurrente du rôle et de l’ancrage d’un centre de recherche
et de restauration dans le paysage muséographique français.

118 Sur ces enjeux : Leveau Pierre, « Le problème de l’apolitique de la conservation-restauration », CRBC,
n° 29, 2011, p. 5-26.

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La réalité augmentée au service
de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question
du patrimoine documentaire
Audrey Defretin 119

La place du numérique dans les institutions


culturelles
Les nouvelles technologies ont, depuis plusieurs années déjà, trouvé une place
considérable dans les musées, les monuments historiques et les institutions cultu-
relles. Musées d’Europe, musées américains ou chinois en font un usage de plus
en plus raisonné et pertinent. Les dispositifs numériques les plus sophistiqués
y pénètrent massivement comme éléments incontournables de leur rénovation.
La numérisation des données scientifiques et culturelles est un enjeu largement
pris en compte dans ces établissements ; on y poursuit les missions de conserva-
tion, d’indexation, de traitement des données. Les questions d’interopérabilité
et de multilinguisme restent majeures mais encore inégalement prises en charge.
Les institutions culturelles en fonction de leur taille, de leur appartenance, de leur
financement les mettent en œuvre de manière différenciée.
La valorisation de ces données devient, aujourd’hui, dans la plupart des cas, la
nouvelle priorité : les questions d’un nouveau rapport aux publics, d’une nouvelle
façon de présenter le musée et les œuvres sont envisagées par les responsables des
musées, les dimensions touristiques et économiques sous-tendent ces initiatives.
« Avant, pendant, après la visite », le service numérique est présent aux trois étapes
de la consommation culturelle : avant, à travers les sites de préparation de la visite ;
pendant, avec la multiplication des systèmes et dispositifs de simulation, d’expéri-
mentation, de réalité augmentée ou d’installations interactives ; après, avec la per-
sonnalisation de la visite, les réseaux collaboratifs, les compléments pédagogiques.
Les dispositifs numériques se diversifient : de la borne interactive de réalité aug-
mentée aux douches sonores ou aux services mobiles géolocalisés, des systèmes
immersifs aux surfaces tactiles, on accompagne le visiteur, on lui fournit des com-
pléments explicatifs ou contextuels. Dans ce foisonnement de services et face à

119 Sous la direction de Ghislaine Azémard, professeur à l’université Paris-VIII, directrice de la chaire
d’innovation, transmission et édition numériques et du programme Leden.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

l’accélération des implantations multimédias dans ce secteur, des états des lieux des
innovations réalisées commencent à circuler, toujours partiels, toujours datés 120.
Capteurs, guides de visite sur mobiles et objets communicants font désormais
partie des nouvelles formes de médiation et d’adresse aux publics. Le numérique
est présent aujourd’hui à toutes les étapes de la construction du savoir. Les pra-
tiques du numérique qui se sont construites en très peu d’années ont aussi conduit
à une évolution des pratiques culturelles et à une redéfinition de la place et du rôle
du public. L’usage des plateformes sociales et de nouveaux modes d’édition ouvrent
le dialogue entre institution et public. Les habitudes participatives se développent.
La généralisation de la numérisation a été favorisée depuis plusieurs années et
constitue le préalable aux actions de médiation par le numérique. De nombreux
projets et programmes scientifiques témoignent des actions menées en ce sens.
De grandes campagnes de numérisation françaises et européennes de documents
d’archives, de photographies, d’imprimés, d’enregistrements sonores, de films, de
vidéos, de bâtiments, d’objets, de collections sont menées depuis plus d’une quin-
zaine d’années 121. Des portails (Collections, Europeana, Patrimoine numérique)
et des services (catalogue des musées de France, base sur l’architecture et le patri-
moine, archives numérisées) Depuis 2009, des appels à projets du ministère de la
Culture concernant les « services numériques culturels innovants » ont permis de
développer des nouveaux dispositifs de médiation numérique et de questionner
les usages de ces services 122.
La réalité augmentée fait partie de ces technologies de plus en plus expérimen-
tées dans le cadre de projets de valorisation patrimoniale et culturelle. Quelle
vision a-t-on aujourd’hui de l’usage de cette technologie dans le domaine cultu-
rel ? Quelles sont les différentes offres existantes et pour quels types de contenu ?
Quels sont les apports et les limites de la réalité augmentée ?

La réalité augmentée – principes technologiques


La réalité augmentée est une technologie qui combine en temps réel des éléments
virtuels à la réalité perceptible. Les dispositifs peuvent augmenter la perception
visuelle, auditive, olfactive ou haptique. L’enjeu de cette technologie réside dans la
conception et la réalisation de l’hybridation de deux mondes : le réel et le virtuel.
Des objets virtuels réalisés en 2D ou en 3D, non perceptibles naturellement sont
superposés en temps réel à l’environnement afin de le compléter.

120 Azémard Ghislaine, Rapport du Leden (Programme de recherche et de création de l’université Paris-
VIII – Maison des sciences de l’homme Paris-Nord), charte de coopération franco-chinoise sur la valori-
sation numérique du patrimoine, novembre 2010 (document non publié).
121 Numérisation du patrimoine culturel, ministère de la Culture et de la Communication : <http://
culture.gouv.fr/culture/mrt/numerisation/>.
122 Plateforme d’expérimentation des services numériques culturels innovants Culturelabs du ministère
de la Culture et de la Communication, portée par le Drest (département de la Recherche, de l’Enseigne-
ment supérieur et de la Technologie) et réalisée par le Leden : <http://culturelabs.culture.fr/>.

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La réalité augmentée au service de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question du patrimoine documentaire

Historiquement 123, la réalité augmentée est apparue dans les années 1968 avec les
travaux d’Ivan Sutherland 124 qui a réalisé un des premiers systèmes de réalité aug-
mentée. Les premières expérimentations ont été effectuées dans le domaine mili-
taire, où par exemple des informations sur les combats étaient affichées en temps
réel sur les visières des casques de chasse. Aujourd’hui, l’usage de la réalité aug-
mentée s’est étendu à de nombreux domaines : publicité, marketing, e-commerce,
industrie, médecine, loisirs, musique, édition, presse, patrimoine…

Le dispositif technologique
Technologiquement, la réussite de l’effet de réalité augmentée résulte de nom-
breux agencements techniques pointus qu’il est important de ne pas négliger. Il
est nécessaire de s’assurer de la cohérence de la superposition des deux mondes en
positionnant correctement les éléments fictifs par rapport aux éléments réellement
filmés ou observés à travers la caméra du support (smartphones, lunettes, bornes…).
Pour cela, la localisation de la caméra est un facteur déterminant. Plusieurs sys-
tèmes sont utilisables pour localiser la caméra : capteurs magnétiques, capteurs
optiques, encodeurs sur les moteurs du pied des caméras, flux vidéo.
L’application consacrée à la présentation de la restitution de l’habillage du cabinet
Charles-V au château de Vincennes utilisait au début cette technique de mar-
queurs placés dans la pièce pour « caler » l’environnement virtuel à la vision que
le visiteur a du réel à travers la caméra du mobile. Cette technique a aujourd’hui
évolué et a été remplacée par un système de conjonction entre la géolocalisation
sans marqueurs, le gyroscope et l’accéléromètre du terminal utilisé, ce qui sup-
prime totalement l’utilisation des marqueurs physiques dans la pièce.
Le dispositif technologique de base se compose principalement :
– d’une caméra pour capter l’environnement ;
– d’un logiciel (souvent intégré dans les applications destinées au public) per-
mettant d’analyser les images du réel et de produire les informations virtuelles ;
– d’un système d’affichage : écran (ordinateur, tablette, smartphone, bornes inte-
ractives), lunettes immersives, vitres intelligentes, projections holographiques…
Une fois ce dispositif technologique de base installé, il reste à s’adapter aux
contraintes inhérentes aux lieux où la réalité augmentée est mise en place. L’évolution
des performances technologiques telles que la puissance de calcul, les systèmes de
géolocalisation des supports de diffusion, notamment des mobiles, contribue au
développement de la réalité augmentée. À cela s’ajoute le fait que la réalité aug-
mentée nécessite un appareillage permanent plus ou moins encombrant. L’usage
du mobile tend à diminuer l’importance du dispositif technique pour l’usager.

123 Voir historique de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée sur <http://www.af-rv.fr/index.php/


ressources/un-historique-de-la-realite-virtuelle-par-jean-segura/>.
124 Sutherland Ivan, « A head-mounted three dimensional display », AFIPS ‘68 (Fall, part I) Proceedings
of the December 9-11, 1968, fall joint computer conference, part I, New York, ACM, 1968, p. 757-764, <http://
dl.acm.org/citation.cfm?id=1476686>.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

Reconstitution 3D du cabinet de Charles V au donjon du château de Vincennes.


© Art Graphique & Patrimoine.

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La réalité augmentée au service de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question du patrimoine documentaire

La réalité augmentée pour la valorisation


patrimoniale
La réalité augmentée est souvent utilisée dans le cadre de projets de valorisation
du patrimoine culturel : restitution de monuments disparus ou partiellement dis-
parus, aide à la visite et à l’orientation des visiteurs…
Le programme Leden a entamé depuis plusieurs années un travail de veille sur les
dispositifs culturels innovants 125. Nous avons constaté que les différentes applica-
tions faisant usage de la réalité augmentée sont relativement hétérogènes et dépen-
dantes des potentialités technologiques des différents supports (sites web, bornes
interactives, smartphones et tablettes…). Les applications vont du simple guidage
vers des points d’intérêts jusqu’à la présentation sophistiquée d’une restitution 3D.
Dans le cadre de la chaire Iten 126, nous avons porté un regard sur les expériences
d’innovations d’usage au niveau international, en particulier aux États-Unis, en
Chine et en Europe. La réalité augmentée s’y développe, indifféremment des
ancrages territoriaux et institutionnels , et trouve manifestement, par l’effet de
réalité qu’elle génère, une place particulière.
En France, le résultat des études menées à partir du corpus des projets issus des
appels d’offre du ministère de la Culture nous conduit à remarquer que, sur les
120 projets portés depuis 2009, seulement neuf utilisent la réalité augmentée ;
néanmoins, alors que deux projets de réalité augmentée figuraient dans le premier
appel d’offre, on en compte six dès le deuxième, soit trois fois plus.
Les exemples les plus significatifs concernent la restitution en 3D de monu-
ments disparus ou en partie disparus. Prenons le temps d’analyser le projet de
Maior Ecclesia à l’abbaye de Cluny 127. Depuis plus de dix ans, des chercheurs tra-
vaillent à partir d’un corpus documentaire sur des hypothèses d’élévation et de
restitution du monument qui ont conduit à l’élaboration de plusieurs maquettes
en 3D. L’enjeu était de proposer au public, dans un projet de médiation globale,
des modes de présentation architecturale de la grande église passant par diffé-
rentes techniques de simulation : réalité augmentée, réalité virtuelle, projections…
Sur la plateforme « Le numérique pour le patrimoine 128 », des entretiens ont été
réalisés avec les concepteurs des dispositifs numériques innovants, les médiateurs
et les responsables de plusieurs institutions culturelles. Pour le cas de l’abbaye de
Cluny, Georges Puchal, responsable du multimédia au centre des Monuments
nationaux, explique la stratégie de médiation numérique mise en place sur le site
de l’abbaye et la manière dont les choix de positionnement des dispositifs dans le
parcours ont a été opérés.

125 Patrimoine et numérique, blog du Leden sur la numérisation du patrimoine culturel : <http://leden.
wordpress.com/>.
126 Chaire d’innovation, transmission et édition numériques – Fondation maison des sciences de l’homme.
127 Cluny numérique – projet Maior Ecclesia : <http://cluny-numerique.fr/index.php>.
128 Plateforme « Le numérique pour le patrimoine » réalisée par le Leden en 2008. Propos de Georges
Puchal : <http://patrimoine.leden.org/sequence.php?lieux=6>.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

« À Cluny, on a fait un espace semi-immersif avec une restitution 3D de l’église


abbatiale. Cet espace est situé à une transition de la visite qui correspond pour le
visiteur au passage d’une partie totalement abstraite où l’on ne voit que des ruines
archéologiques de cinquante centimètres au-dessus du sol, à un espace où on va
entrer dans la partie bâtie qui existe encore à l’heure actuelle… À cet endroit-
là, le fait d’avoir un dispositif intrusif comme un écran, le fait de devoir porter
des lunettes pendant les huit minutes que dure le film est tout à fait supportable
pour le visiteur. »
La borne de réalité augmentée, installée sur le site en 2009, se compose d’un écran
inclinable et pivotant à 360° qui donne au visiteur la possibilité de découvrir l’édi-
fice tel qu’il était avant sa destruction. À cette représentation s’ajoute une resti-
tution en temps réel des conditions d’illumination à l’intérieur de l’abbaye, ce qui
renforce l’effet de réalité pour le visiteur.
Le dispositif offre un double intérêt : il donne aux scientifiques la possibilité de pré-
senter leurs hypothèses de recherche en ce qui concerne l’élévation ; il permet aux
visiteurs de se représenter le lieu et ainsi de mieux comprendre où ils se trouvent et
ce qu’ils regardent. L’apport du numérique est dans ce cas incontestable et, couplé
aux autres éléments muséographiques, augmente significativement la faculté de
perception et de compréhension des visiteurs.
Jean-Michel Sanchez de la société On-Situ, qui a participé à la réalisation des
outils de médiation numérique, réaffirme l’importance de l’ancrage des disposi-
tifs numériques dans une médiation globale qui s’inscrit aussi dans l’histoire de
la médiation et de ses outils : « Lorsque l’on fait ces images qui sont considérées
comme des nouvelles images, on s’inscrit dans la tradition de la représentation,
c’est-à-dire dans la tradition de ce lieu qui a été représenté essentiellement après sa
destruction et on ne fait que poursuivre cette représentation avec d’autres moda-
lités. On a eu différents types de représentation : la lithographie, les croquis, les
dessins et maintenant on a les images numériques. […] Le point commun à tous
ces systèmes, à tous ces objets muséographiques, c’est qu’ils n’ont de réalité que
s’ils sont vus dans le parcours de visite. C’est-à-dire que ce sont des éléments qui
ne peuvent se comprendre qu’avec leur contexte. On donne quelques éléments de
représentation et le visiteur ensuite complète sa représentation, son imaginaire
par la visite, par les informations qui sont délivrées sur place. On ne se substitue
à aucun moment à la médiation qui est faite par les guides, elle est essentielle et
indispensable… Et c’est avec eux généralement d’ailleurs qu’on conçoit les objets
muséographiques. 129 »
La réalité augmentée permet d’obtenir une forte contextualisation en mettant en
relation le visiteur avec le modèle virtuel dans un environnement physique réel.
Le visiteur ne regarde plus seulement une modélisation en 3D d’un monument
disparu par le biais d’un écran d’ordinateur, il peut mettre en perspective deux
regards : le virtuel et le réel. Le dispositif agit ainsi comme une fenêtre virtuelle
vers le passé et contribue à favoriser l’appropriation des informations contenues
dans le discours de médiation.

129 Ibid.

194

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La réalité augmentée au service de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question du patrimoine documentaire

Terra Numerica - visite augmentée sur mobile du patrimoine culturel dans la ville.
© Programme Leden – DREST, ministère de la Culture et de la Communication.

Il faudra attendre l’évolution technique des smartphones pour voir arriver des expé-
rimentations en réalité augmentée sur mobiles. Des travaux de recherche avaient
été menés par exemple dans le cadre du projet Terra Numerica en 2008 130 où des

130 Projet structurant Terra Numerica, labellisé par le pôle de compétitivité Cap Digital ; la simulation
d’une visite augmentée sur mobile du patrimoine culturel dans la ville a été réalisée par le Leden : <http://
www.leden.org/TerraNumerica/>.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

applications en réalité augmentée sur mobiles proposaient au public de décou-


vrir et d’explorer les richesses historiques et architecturales du quartier Latin à
Paris. Un scénario d’usage de la réalité augmentée sur mobile pour la valorisation
du site des arènes de Lutèce donnait à voir l’intérêt de cette technologie dans le
contexte d’une promenade urbaine. Cette technologie n’étant plus appliquée à un
monument en particulier, il s’agissait de montrer l’intérêt d’une valorisation ter-
ritoriale et d’en donner à voir l’usage dans le cadre d’un projet construit autour de
la notion de ville augmentée et de tourisme culturel.
Ces deux dernières années, les applications en réalité augmentée sur mobile se
sont multipliées, ce qui prouve l’engouement pour cette technologie et correspond
à l’évolution des pratiques. Les visiteurs sont en situation de mobilité , il faut des
dispositifs de médiation adaptés à leurs déplacements et à leurs habitude.
Une des dernières applications réalisées pour le site de l’abbaye de Jumièges 131
montre bien l’évolution de la technologie et l’intérêt des dispositifs de réalité
augmentée sur le mobile des visiteurs. Elle illustre également très bien l’usage et
la valorisation des archives afin de réaliser une restitution le plus riche et le plus
fidèle possible d’un monument complexe et en grande partie détruit. Au disposi-
tif proposé aux visiteurs s’ajoute une version destinée aux médiateurs et conféren-
ciers du patrimoine, ce qui contribue à l’enrichissement de la médiation humaine.
Privilégier la portabilité des applications sur le matériel personnel du visiteur évite
les contraintes liées à la prise en main de l’appareil. Proposer des scénarios variés
et personnalisables contribue à la diversification de l’offre culturelle. Les appli-
cations existantes ne se cantonnent plus seulement à présenter un contenu au
moyen d’une technologie, mais exploitent différentes techniques afin de propo-
ser des scénarios multimédias riches de contenus, personnalisables et collaboratifs.

Le patrimoine documentaire et les exploitations


qui en sont faites
Les scénarisations des applications en réalité augmentée au service de la valori-
sation du patrimoine culturel utilisent des documents d’archives, que ce soit des
manuscrits, des imprimés, des archives sonores ou visuelles (vidéo, photos). On
peut considérer que ces applications valorisent le patrimoine documentaire.
Schématiquement, on peut distinguer dans les applications faisant usage de la
réalité augmentée, trois grands types de représentations :
– la dimension sémantique qui s’attache à valoriser le contenu et ses modalités
de médiation ;
– la dimension poétique : la réalité augmentée apporte aux pionniers du numé-
rique de nouvelles formes de création favorisant l’attractivité ;
– la troisième dimension relève de l’action éducative et culturelle et met l’accent
sur la transmission.

131 Le projet Jumièges 3D : <http://www.abbayedejumieges.fr/actualites/jumieges-3d.html>.

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La réalité augmentée au service de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question du patrimoine documentaire

Projet Jumièges 3D.


© Art Graphique & Patrimoine.

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Partie IV – Numérisation et diffusion culturelle

L’application « Street Museum 132 » par exemple invite le visiteur à découvrir la


ville de Londres à travers une déambulation géolocalisée et scénarisée, à la manière
d’une chasse au trésor, où lui seront proposées des vues de quartiers en réalité aug-
mentée tels qu’ils existaient à une époque antérieure. Images d’archives, vidéos,
commentaires, ambiance sonore contribuent à restituer l’ambiance de la vieille
ville et permettent au visiteur de mieux se rendre compte des changements archi-
tecturaux et historiques survenus à Londres.
Ce modèle de scénarisation est largement utilisé sur d’autres applications et l’on
constate que la part consacrée à la valorisation des archives documentaires ne cesse
de grandir et constitue la base indispensable d’une meilleure compréhension de
l’objet culturel dans son ensemble.
L’application mobile « Les carnets 14-18 133 » , présentée en 2012, montre plus pré-
cisément la manière dont les archives peuvent être valorisées et portées à la connais-
sance du public. Les Archives départementales du Pas-de-Calais ont su tirer parti
de la technologie mobile afin d’offrir une découverte des cinq sites de mémoire
de la Grande Guerre. Elle propose au visiteur de suivre les pas d’un personnage
fictif en quête de carnets ayant appartenu à son grand-père, Andrew, brancardier
britannique qui a participé aux grandes offensives de 1914-1918. Une dizaine
de lieux, présentés dans des parcours disponibles en quatre langues, sont mis en
valeur grâce à des photos, actuelles ou d’archives, des vidéos et des commentaires
audio. Une manière ludique et immersive de découvrir l’histoire d’un territoire.
La réalité augmentée renforce l’effet immersif et décuple les potentialités de scé-
narisation. Documents ou contenus scientifiques peuvent alors être exploités et
présentés d’une manière plus attractive. Couplé à l’usage du smartphone, le parti
pris du jeu de piste est souvent repris afin d’apporter le côté ludique, dynamique
et de favoriser l’implication des visiteurs, adultes ou enfants, groupes ou individus.
Des exemples empruntés à l’édition de livres augmentés peuvent être transposés à
la valorisation de fonds documentaires Ainsi, les travaux d’Etienne Mineur avec
ses Éditions volumiques 134, offrent de nouvelles perspectives en matière d’édition
et de scénarisation multimédia. Ces livres proposent d’explorer la sensorialité en
projetant le lecteur dans un monde onirique où le multimédia apporte une couche
de perception sensible et poétique. On peut très bien imaginer qu’une lecture aug-
mentée d’un livre d’enluminures du Moyen Âge transporte le lecteur dans l’uni-
vers du copiste ou révèle l’histoire de la scène peinte sur la page. Ces technologies
ouvrent de nombreuses perspectives en ce qui concerne la présentation des œuvres
et l’enrichissement du contenu.

132 Application « Street Museum », Museum of London, pour iPhone, iPod et iPad : <https://itunes.
apple.com/fr/app/museum-london-streetmuseum/id369684330?mt=8>.
133 « Les Carnets 14-18 », Archives départementales du Pas-de-Calais : <http://www.archivespasdecalais.
fr/Actualites/Lancement-de-l-application-pour-smartphones-Carnets-14-18>.
134 Mineur Étienne, Les Éditions volumiques : <[http://volumique.com/v2/>.

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La réalité augmentée au service de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question du patrimoine documentaire

Des livres ludo-éducatifs mettent à profit la réalité augmentée pour proposer des
contenus animés et attrayants en direction des scolaires. La dimension attractive
devient avec cette technologie un outil précieux de transmission. L’effet de réalité
accroît la prégnance cognitive des jeunes usagers et favorise l’apprentissage et la
mémorisation. Une simple encyclopédie 135 sur les dinosaures peut se transfor-
mer en une découverte magique et immersive. Les dinosaures sortent du livre et
prennent vie. De même, dans le secteur du jeu on voit apparaître des livres aug-
mentés fonctionnant avec les systèmes de reconnaissances de mouvements liés aux
consoles de jeux (Kinect ou Wonderbook pour PS3). Avec « Le livre des sorts 136 »,
inspiré des aventures d’Harry Potter, le livre physique interagit avec la console, de
sorte que l’enfant accède à de nouvelles expériences de lecture.
D’autres expérimentations concernant la valorisation du patrimoine culturel sont
menées au Louvre-DNP Museum Lab sur des modèles de catalogues augmen-
tés. L’exposition Diplomatie et porcelaines de Sèvres. Prestige et art de vivre à la fran-
çaise au xviiie siècle 137 présentait un système de reconnaissance d’images pouvant
distinguer les pages d’un dépliant ou l’endroit où celui-ci était posé et faire appa-
raître des suppléments d’information sur la page sélectionnée.

Innovation d’usage : l’augmentation sémantique


La Bibliothèque nationale de France a récemment mis en place un projet de livre
interactif enrichi, en partenariat avec Orange, s’appuyant sur le texte et les notes
de l’édition critique du Candide de Voltaire publiée par la Voltaire Foundation
en 1980, mis en relation avec les manuscrits de Candide conservés à la BNF.
Présentée sur tablette, cette application propose une lecture de l’œuvre enrichie
par des notes, des variantes du texte, des illustrations d’époque, des fiches théma-
tiques, et de comparer le texte au manuscrit page à page.
L’application offre aussi une exploration à travers les étapes du voyage de Candide,
nourrie de nombreuses ressources iconographiques, qui pourront être marquées
dans les favoris du lecteur.
Une autre entrée invite l’utilisateur à cultiver son jardin, ou plutôt sa parcelle, dans
un jardin collectif et collaboratif. L’originalité du projet réside dans la possibilité
offerte à l’utlisateur/lecteut qui a créé des favoris à partir des ressources docu-
mentaires de les intégrer dans une réalisation personnelle collaborative, éditable,
imprimable et partageable avec sa communauté 2.0.

135 Encyclopédies de la série « Dokéo+ » en réalité augmentée, Nathan, 2011 : <http://www.nathan.fr/


dokeolivre/?page=realite-augmentee>.
136 « The Book of Spells », Wonderbook, PlayStation 3, Sony, juin 2012.
137 Exposition Diplomatie et porcelaines de Sèvres. Prestige et art de vivre à la française au xviiie siècle, Louvre-
DNP Museum Lab, septième présentation du 23 octobre 2010 au 15 mai 2011, Tokyo : <http://museu-
mlab.fr/exhibition/07/tech.html>.

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pArtIe Iv – Numérisation et diffusion culturelle

Application « Candide, l’édition enrichie », une coédition BNF/Orange, avec la Voltaire Foundation.
© Orange, BNF, Voltaire Foundation, 2013.

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La réalité augmentée au service de la valorisation et de la transmission
du patrimoine culturel. La question du patrimoine documentaire

Le but pour la BNF « est en effet de tirer profit de cette expérience pour la trans-
férer sur d’autres œuvres du patrimoine et plus généralement d’enrichir les outils à
la disposition des lecteurs de la BNF pour explorer le patrimoine littéraire numé-
risé dans Gallica 138 ».
L’augmentation ne se situe pas au sens premier de la technologie de réalité aug-
mentée, à savoir superposer une image numérique sur la vision réelle mais plutôt
au niveau du mode de présentation et de scénarisation de l’information proposée
au public. Un moyen intéressant d’augmenter le document et permettant d’élar-
gir les potentialités de consultation et d’apprentissage 139.
De part sa nature technologique, la réalité augmentée a eu tendance à s’enraciner
dans un contexte de valorisation du patrimoine culturel avec comme particularité
l’accompagnement de restitutions 3D de monuments disparus ou semi-disparus.
Avec la généralisation des smartphones, la réalité augmentée a également été plé-
biscitée dans des offres de guidage des touristes et des visiteurs des institutions
culturelles.
Bien que l’usage de cette technologie en direction de la valorisation du patrimoine
documentaire soit encore sous-exploitée, quelques expérimentations témoignent
de l’intérêt porté à ce patrimoine et ne constituent sans doute que les prémices
des développements à venir.
Les scénarisations multimédias se nourrissent de bases de données souvent
construites à partir des fonds documentaires. Ces bases sont constituées pour
chaque projet au cas par cas et sont organisées en fonction d’une intentionnalité
de départ. En soi, cette organisation des données constitue déjà une modalité d’in-
terprétation. À cela s’ajoutent la scénarisation multimédia et l’apport de la couche
technologique qui joue un rôle dans la perception que le visiteur aura du contenu.
Il convient de rester vigilant quant à la pertinence de l’usage de certaines tech-
nologies en fonction des contenus valorisés. La réussite d’un dispositif de média-
tion numérique dépend surtout de la qualité du scénario et ne repose pas sur le
choix d’une technologie dite « innovante ».
L’évolution des techniques est très rapide néanmoins, l’adaptation à l’environne-
ment numérique pour les institutions reste difficile et nécessite un accompagne-
ment bien particulier. Un effort important va devoir être déployé par les institutions
culturelles, les professionnels de la culture et du monde documentaire afin de coor-
donner leurs actions et leurs choix en matière de numérique.
Des laboratoires, des entreprises, des musées ou des établissements culturels travaillent
ensemble pour mieux comprendre comment les publics en particulier les jeunes,
réagissent aux nouvelles modalités de médiation et aux propositions qui leur sont
faites de s’y impliquer et les vivent. Ces partenariats contribueront à promouvoir et
à tester des innovations d’usage et aideront à la généralisation des bonnes pratiques.

138 Extrait de la fiche de présentation de l’application iPad « Candide, l’édition enrichie », une coédition
BNF/Orange, avec la Voltaire Foundation, couplé à un site web : <https://candide.bnf.fr/>.
139 Voir aussi le prototype d’application sur iPad « À la découverte du monde », réalisé par des étudiants de
master « Création et édition numériques », université Paris-VIII : <http://www.crossmedias.fr/fr/2012/01/
prototype-ipad-decouverte-monde/>.

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Conclusion
Gestion et documentation des collections :
vers une évolution des pratiques ?

Isabelle Loutrel et Hélène Vassal

La professionnalisation grandissante des musées a créé de nouveaux métiers, dont


les fonctions sont aujourd’hui non seulement indispensables mais clairement défi-
nies par des statuts correspondants : le ou la régisseur(e) des œuvres pour ce qui a
trait à la gestion et à la conservation matérielle des collections ; le ou la documen-
taliste pour ce qui a trait aux données scientifiques sur les œuvres. La conserva-
tion et la valorisation des fonds patrimoniaux constituent le cœur d’activité de ces
métiers. Le choix du SIEM (Séminaire international d’été de muséologie) de s’in-
téresser à la connaissance et à la diffusion des collections muséales, en employant
dans son titre-même les termes d’« inventaire » et de « pratiques documentaires »,
est révélateur de la transformation qui s’opère dans les musées et que l’on peut sans
doute relier à la mise en pratique des outils informatiques de plus en plus sophis-
tiqués depuis les années 1980. Il n’est en effet plus envisageable aujourd’hui de
gérer une collection en réserve ou en prêt sans une base de données, de concevoir
et organiser une exposition sans un produit de réalité augmentée. De même, la
conservation préventive est devenue une discipline à part entière qui, sur le terrain,
exige une connaissance pointue de la matérialité de l’objet et de son interaction
avec l’environnement. Sur ce plan, l’apport des nouvelles technologies permet une
approche beaucoup plus fine et étendue de ces paramètres.
Pourtant, trouver un titre fédérateur pour caractériser l’ensemble des interventions
du séminaire ne fut pas chose facile tant le vocabulaire inhérent à la documen-
tation en général est peu gratifié a priori. Mais est-ce uniquement un problème
de vocabulaire ? Les interventions ont montré combien l’histoire des collections,
faite par les conservateurs responsables de leur inventaire et de leur accroisse-
ment, est une histoire de connaissance toujours plus approfondie et organisée des
œuvres, dans le but de leur préservation, de leur étude et de leur diffusion auprès
du public le plus large. L’enrichissement des collections patrimoniales, les prêts
d’œuvres toujours plus nombreux pour les expositions, puis les rénovations specta-
culaires et régulières des musées, puis la médiation de la culture, amplifiés par les
nouvelles technologies, ont de facto entraîné de nouvelles lois, de nouvelles régle-
mentations, des exigences à la hauteur de tout service public. Il a donc bien fallu
concevoir le traitement documentaire de l’œuvre comme étant un préalable à tout
autre traitement, avec l’objectif affiché d’une traçabilité du savoir au profit de tout
citoyen. La large part que nous avons souhaité donner au récolement comme enjeu
de connaissance dans ce colloque est bien le signe de cette évolution profonde.
Les interventions de ce séminaire, aussi riches que complémentaires, auront eu le
mérite de faire dialoguer de grands professionnels, représentatifs des métiers et des
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Conclusion

savoir-faire, fort de leur expérience et issus de différentes générations. L’histoire


fut très présente car toute œuvre acquise par un musée cache une raison d’être
que les inventaires sont les seuls instruments à pouvoir dévoiler. Ces instruments
deviennent alors des outils de travail incontournables pour effectuer le récole-
ment associé à une enquête d’investigation au profit de la connaissance toujours
plus approfondie des collections. Cette connaissance perdure à travers le dossier
d’œuvre et le dossier de régie mis en place quasi systématiquement aujourd’hui
dans les musées sous une forme plus ou moins élaborée. Le dossier d’œuvre est
révélateur d’une politique documentaire et de conservation préventive qui émerge
désormais dans la plupart des musées que ce soit à Paris ou en région. Nous avons
ainsi, lors des débats qui ont animé ce séminaire, plusieurs fois souligné l’émer-
gence de nouvelles fonctions associées à la création de services dédiés : service des
collections, de la conservation préventive, de la régie des œuvres (gestion des prêts
entrants et sortants du musée) directement associés aux services de l’inventaire.
Autre évolution récente et fondamentale, aujourd’hui la documentation de l’œuvre
ne serait rien sans l’informatique documentaire de haut niveau qui suppose des
liens entre services spécialisés, ni sans les outils de médiation que sont le portail
documentaire ou l’accès au numérique. L’abondance des thèmes abordés, la cohé-
rence de leur direction sont sans aucun doute le signe d’une orientation nouvelle
des musées. L’accès aux œuvres passe aussi par l’accès à leur connaissance.
Cette exigence de la documentation de l’œuvre passe par des normes françaises et
internationales de qualité et de traitement informatique. Celles-ci assurent immé-
diatement une dynamique professionnelle mais elles devraient permettre aussi
sans doute d’introduire les travaux liés à la documentation et à la régie des œuvres
dans les évaluations des institutions (indicateurs de performances). Bien que tous
les travaux dits « scientifiques » soient difficilement quantifiables, leur intégration
dans les évaluations annuelles des institutions muséales leur donnera une légiti-
mité et, espérons-le, favorisera les moyens pérennes tant humains que financiers.
Si l’histoire fut présente dans de nombreuses communications, la description et
l’analyse des transformations contemporaines inhérentes au mode de gestion
quotidien d’un musée du xxie siècle le furent aussi. Sur le plan logistique, l’inté-
gration d’une démarche de gestion de projet dans les processus d’activité des ins-
titutions muséales, appliquée à la production des expositions ou aux chantiers des
collections par exemple, rend aujourd’hui l’utilisation des bases de données et de
leurs applications indissociables des pratiques quotidiennes des professionnels
de la documentation et de la régie : planification des opérations liées à la mise à
disposition des œuvres (conditionnement, restauration, soclage), développement
d’outils de traçabilité (code barre puis applications RFID), visualisation en trois
dimensions, tri et modèles d’éditions spécifiques aux opérations suivies, mise en
place de contrats type, gestion de tâches, etc.
La comparaison avec les pratiques des pays étrangers serait un autre volet à ouvrir,
tant pour la connaissance que pour les échanges envisageables entre institutions
et le partage d’expérience qui en découlerait naturellement. La situation à l’étran-
ger paraît très différente de celle en France tant pour des raisons d’organisation
administrative (moins de centralisme) que pour des raisons culturelles. Le Canada
semble très en avance, par exemple, en termes de création de bases de données

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Gestion et documentation des collections :
vers une évolution des pratiques ?

d’œuvres d’art et joue sur le multilinguisme, grand atout de diffusion. Les musées
américains distinguent rarement la documentation des archives, tandis que la régie
des œuvres y est considérée comme une pratique à part entière. Certains länder
allemands ne connaissent pas les « dossiers d’œuvres » tout simplement parce que
le personnel dans les musées n’y est pas formé.
La difficulté de la comparaison tient néanmoins à la terminologie employée, révé-
latrice de la variété du champ de compétence recouvert par le « documentaliste ».
La traduction de la fonction n’existe pas en anglais, en espagnol ou en allemand.
À chaque traduction correspond donc une nuance qui peut introduire une diffé-
rence d’interprétation dans le champ de compétence couvert. Curator et registrar
sont en revanche parfaitement définis et proches de nos métiers de conservateur
et de régisseur. Pourtant, les pratiques documentaires sont plutôt du ressort des
archivist ou librarian qui en France sont des métiers spécifiques, en rapport avec
une formation bien précise (archivistique et bibliothéconomie). On soulignera ici
l’effort réalisé par l’Icom en 2008 au sein de son comité international des métiers
(ICTOP) pour tenter de définir au niveau européen les vingt métiers du patri-
moine relevant de trois grands pôles d’activités étroitement liés : collections et
recherche, publics, administration, organisation et logistique. Dans ce référentiel,
les fonctions de documentation et de régie des œuvres apparaissent à maintes
reprises en creux, à la fois dans les définitions de poste et dans la formation initiale.
Soulignons pour finir la spécificité des professionnels français dans les domaines
de la documentation et de la régie, que ce séminaire a permis de mettre en valeur
au travers de la description de leurs savoirs et des compétences métiers spéci-
fiques qu’ils ont su développer et faire évoluer à la faveur des mutations du monde
muséal contemporain.

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Glossaire

API (Application programing interface)


Interface de programmation. C’est un service web qui se présente sous la forme
d’une interface d’échange de données numériques : bases de données d’images,
système de réservation ou d’identification.

Assistance à maîtrise d’ouvrage (general contractor)


Mission d’aide à la définition, au pilotage et à l’exploitation d’un projet. L’assistance
à maîtrise d’ouvrage a un rôle de conseil, de coordination et de proposition pour
un décideur. Dans le cas d’une assistance à maîtrise d’ouvrage de projet informa-
tique, l’AMO (ou AMOA) se réalise en quatre phases : une étude préalable et
une préparation de la sélection d’une solution, le choix de la solution, le dévelop-
pement et les tests de la solution, le déploiement de la solution.

Base de données (database)


Application informatique, logiciel ou progiciel, qui sauvegarde des informations
structurées et organisées. Elle permet le stockage de grandes quantités d’infor-
mations et leur exploitation par des mises à jour successives. L’organisation des
données facilite des recherches pertinentes et efficaces. L’administration de la base
de données permet de sécuriser l’accès aux données pour des utilisateurs qui ont
différents droits : consultation des résultats de requêtes, « écriture » pour saisir,
modifier, supprimer et valider des données. Fonctionnellement, les informations
sont présentées selon différents écrans de saisie, recherche et consultation. Les
informations sont organisées en champs, qui apparaissent comme des cadres de
saisie vides dans la partie « écriture ». Les informations sont saisies librement ou
sélectionnées dans des listes de référentiels de mots-clés. Les informations peuvent
y être uniques ou multiples, obligatoires ou facultatives. Techniquement, diffé-
rentes tables, fichiers et répertoires assurent l’organisation des données et leur sau-
vegarde sur un serveur. La mise en place d’une base de données fait l’objet d’une
organisation en gestion de projet, d’un développement informatique et d’acqui-
sition d’infrastructures informatiques : serveur, réseau… Les bases de données
peuvent être des produits d’éditeurs ou développés intégralement selon un cahier
des charges spécifique.

Bruit
Réponses non pertinentes mêlées à des réponses pertinentes mais ces dernières
risquent de ne pas être vues par l’utilisateur. Le bruit est à opposer au silence,
lorsque des réponses pertinentes ne sont pas proposées par le système d’interro-
gation de base de données.
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Glossaire

Cahier des charges (specification)


Document qui formalise sous forme de spécifications détaillées la liste des besoins,
des exigences et des contraintes qu’il faut respecter pour la réalisation d’un projet.
Il cadre les missions des différents acteurs. Il sert à sélectionner le prestataire dans
le cas d’un appel d’offres, est considéré comme un référentiel partagé par le pres-
tataire et l’équipe interne, est décliné dans les documents contractuels.

Constat d’état (condition report)


Il s’agit d’une part d’un examen visuel objectif visant à la collecte de données
pertinentes relatives à l’état de conservation d’un bien culturel. D’autre part, du
document écrit issu de l’examen visuel d’un bien culturel enregistrant les données
signifiantes et exploitables relatives à son état de conservation. C’est la « fiche de
santé » qui décrit l’état physique de chaque objet, son état général et ses fragilités,
depuis son entrée dans la collection, et en note l’évolution au cours des années. La
rédaction du constat d’état suit une terminologie constante : les mêmes phéno-
mènes portent les mêmes noms (matériaux, techniques, altérations), les dimen-
sions sont données dans les mêmes unités de mesure et prises aux mêmes endroits
pour les mêmes types d’objets. Un rapport sur l’état des objets, daté et mis à jour
régulièrement, est intégré au dossier d’œuvre. C’est une pièce essentielle pour la
connaissance et la gestion des collections, la conservation préventive et les prio-
rités en restauration. Un constat d’état est établi à l’occasion d’une demande de
prêt, avant le départ et au retour de l’objet.

Chantier des collections


Programme muséologique global, né dans les années 1990 en France et forma-
lisé au musée du quai Branly. Il permet l’étude systématique des collections d’un
musée, nécessaires à la conservation et à la lisibilité des œuvres. Un chantier des
collections se fait en différentes opérations et étapes : nettoyage, décontaminations,
prise de vue photographique, campagnes de restauration et de conservation pré-
ventive, récolement, description scientifique et physique des objets sur une base de
données de gestion documentaire. Ces opérations se font dans le cadre de la mise
en place de l’informatisation des collections, qui assure la sauvegarde de toutes les
informations sur les collections. Le renseignement de l’inventaire informatisé, des
descriptions scientifique ou physique, permet la valorisation numérique des col-
lections par une mise en ligne adaptée des données sur un portail documentaire.

Creative Commons
Organisation qui a pour objectif de faciliter la diffusion et le partage des œuvres
et d’accompagner les nouvelles pratiques de création à l’ère numérique. Elle s’ins-
crit dans le mouvement de l’open data et vise à faciliter la réutilisation libre et gra-
tuite des données et métadonnées. Les conditions de leur diffusion et de leur usage

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Glossaire

sont clairement définies en six licences, sans se substituer au droit d’auteur. Voir
http://creativecommons.org.

Désherbage
Opération consistant à éliminer des rayons les documents qui ne peuvent plus
être utilisés en raison de leur usure matérielle ou de l’obsolescence de l’informa-
tion qu’ils contiennent.

Dossier d’œuvre (object file)


Dossier réunissant des informations et documents sur une œuvre ou plusieurs
œuvres des collections du musée : son acquisition, son état sanitaire, sa couver-
ture photographique, des publications, des comparaisons… Le dossier d’œuvre est
destiné à accompagner l’œuvre tout au long de sa présence dans les collections du
musée. Cette définition recouvre des réalités bien différentes d’un musée à l’autre
et parfois même d’un service à l’autre pour les grands musées. Il n’existe aucune
prescription sur leur composition ou leur communication. Ces disparités résultent
le plus souvent de l’histoire même de l’institution ou de la collection, de la poli-
tique du musée et de son organisation ou du type d’œuvre auquel se rapporte le
dossier. Le dossier d’œuvre doit être différencié du dossier de régie d’œuvre, qui
le complète et est conçu lors de l’organisation d’une exposition, de travaux, d’un
déménagement, d’une restauration ou d’un récolement.

Dossier de régie d’œuvre (registration file)


Dossier rassemblant des informations sur la gestion matérielle d’une œuvre et sur
ses mouvements : les prêts, son récolement, ses transferts internes, son état sani-
taire, sa valeur d’assurance, sa localisation... Le dossier de régie est conçu lors de
l’organisation d’une exposition, de travaux, d’un déménagement, d’une restaura-
tion, ou d’un récolement. Cette définition recouvre des réalités bien différentes
d’un musée à l’autre. Le dossier de régie d’œuvre doit être différencié du dossier
d’œuvre qu’il complète et est destiné à accompagner l’œuvre tout au long de sa
présence dans les collections du musée.

Fantôme
Fiche laissée comme témoin d’un document temporairement déplacé (prêt, reliure,
etc.), selon la définition de l’Afnor.

Fullweb
L’intégralité des fonctionnalités d’une application fullweb est accessible via un navi-
gateur internet, extranet ou intranet pour tous les utilisateurs, connectés en réseau.

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Glossaire

Géolocalisation (geolocalisation)
Technologie qui permet de déterminer la localisation d’un objet ou d’une per-
sonne sur une carte à l’aide de ses coordonnées géographiques numériques (lati-
tude/longitude). Le procédé s’appuie généralement sur le système GPS ou sur les
interfaces d’un téléphone mobile pour publier les coordonnées géographiques. La
géolocalisation est aussi appelée géoréférencement.

Interopérabilité des données (data interoperability)


Lors des débats sur la loi DADVSI (droits d’auteurs et droits voisins dans la
société de l’information), en mars 2006, un amendement qui n’a pas été retenu
par l’Assemblée nationale française proposait la définition suivante : « On entend
par interopérabilité la capacité à rendre compatibles deux systèmes quelconques.
L’interopérabilité nécessite que les informations nécessaires à sa mise en œuvre
soient disponibles sous la forme de standards ouverts. » Les données numériques
existent sous forme de données structurées, par exemple celles des bases de données
et les données non structurées comme les documents, textes, images. La commu-
nication entre les systèmes passe par les données communes, constituées par des
métadonnées. Le langage XML (Extensible Markup Language) est aujourd’hui
considéré comme le langage qui permet d’accéder à l’ensemble des ressources infor-
matiques par le web, en utilisant ces métadonnées (http://www.w3.org/XML/).
Au-delà de la communication entre les données, l’interopérabilité vise également
la pérennité des données et leur accessibilité dans l’avenir, quelle que soit l’évolu-
tion des systèmes informatiques.

Informatisation des collections


(collection computarization)
Étape majeure d’un chantier des collections qui a pour objectif de sauvegarder sur
une base de données, logiciel de gestion documentaire, la description scientifique
et physique des collections, une photographie numérique ainsi que leur localisa-
tion. Elle est possible grâce au récolement et complète les opérations du chantier
des collections que sont le nettoyage, les décontaminations, les éventuelles cam-
pagnes de restauration et de conservation préventive. L’informatisation des col-
lections permet la valorisation numérique des collections par une mise en ligne
adaptée des données sur un portail documentaire, ultime étape du processus de
chantier des collections.

Inventaire (inventory)
Est inventorié tout bien acquis à titre gratuit ou onéreux affecté aux collections
d’un musée de France par un acte émanant de la personne morale propriétaire du
bien. Un numéro d’inventaire est attribué à chaque bien dès son affectation. Ce
numéro, identifiable sur le bien, est utilisé pour toute opération touchant le bien

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Glossaire

inventorié. Les biens dont le musée est dépositaire sont répertoriés sur un registre
distinct. C’est un document unique, infalsifiable, titré, daté et paraphé par le pro-
fessionnel responsable des collections, répertoriant tous les biens par ordre d’entrée
dans les collections. L’inventaire est conservé dans les locaux du musée. Une copie
de l’inventaire est déposée dans le service d’archives compétent ; elle est mise à
jour une fois par an. Les ministres chargés de la Culture et de la Recherche fixent
par arrêté les normes techniques relatives à la tenue de l’inventaire et du registre
des dépôts, ainsi que les principes généraux de numérotation, d’identification, de
marquage et de récolement des biens des musées de France. Le titre premier du
décret du 2 mai 2002, pris en application de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002
relative aux musées de France, définit l’inventaire des biens d’un musée de France.
L’arrêté du 25 mai 2004 fixe les normes techniques relatives à la tenue de l’inven-
taire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement.

Liste d’autorité (authority list)


Liste de mots-clés organisée par ordre alphabétique sans hiérarchie.

Moissonnage OAI-PMH (data harvesting)


Récupération d’une copie de données numériques extérieures pour les intégrer à
un système documentaire comme valeur ajoutée informative. Pour l’internaute, le
moissonnage permet l’accès à des sources hétérogènes de données d’une manière
homogène. Il fonctionne selon le Protocole OAI-PMH (Open Archives Initiative
Protocol for Metadata Harvesting), fondé par l’Open Archives Initiative pour
échanger des données. Il permet de constituer et de mettre à jour automatique-
ment des entrepôts centralisés où les métadonnées de sources diverses peuvent
être interrogées simultanément. Deux types d’outils interviennent. Les entrepôts
exposent des métadonnées en implémentant le protocole OAI. Les moissonneurs
recueillent des métadonnées à l’aide du protocole OAI. Un entrepôt sert plusieurs
moissonneurs et un moissonneur peut moissonner plusieurs entrepôts. Voir http://
www.openarchives.org/pmh/.

Mot-clé (keyword)
Terme normalisé, substantif au singulier ou verbe à l’infinitif de préférence, sélec-
tionné pour décrire les concepts d’un domaine de la connaissance. Les listes de
mots-clés constituent un langage contrôlé, outil d’indexation et de recherche de
ressources dans les systèmes documentaires informatisés. Les synonymes des
termes descripteurs sont rejetés et ne sont pas utilisables pour décrire le concept.
Le terme synonyme est indiqué pour mémoire entre parenthèse dans la liste des
mots-clés. Les descripteurs sont associés entre eux par des liens d’association, qui
précise VA pour « voir aussi ». Les listes de mots-clés s’organisent hiérarchique-
ment en thesaurus ou en simple liste d’autorité.

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Glossaire

Open data
Une « donnée ouverte » en français est une donnée numérique, d’origine publique
ou privée, publiée sur le web de manière structurée afin de permettre son libre
accès et sa réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière.

PSC (projet scientifique et culturel)


(scientific and cultural program)
Document qui résulte d’une réflexion visant à définir la politique globale d’un
musée en matière de conservation des collections et de diffusion auprès des publics.
Il est fondé sur un bilan initial et il repose sur l’analyse de l’ensemble des missions
et activités du musée. C’est un outil de travail dynamique permettant de négocier
les moyens et de suivre la réalisation du projet. Le projet scientifique et culturel
se fait en plusieurs phases : un bilan de l’existant, la définition des grandes orien-
tations et des propositions nouvelles, la rédaction du projet scientifique et cultu-
rel. Il est recommandé de mettre en place un comité de suivi et d’évaluation. Il est
validé par les tutelles et constitue le préalable indispensable à toute intervention
financière de l’État. Voir http://www.museodirect.com/gammes/vitrine-table/
annexes/vitrine-table-dmf-psc.pdf.

Réalité augmentée (augmented reality)


Technologies en 2 ou 3 dimensions qui combinent la conception et la réalisation
d’éléments virtuels à la réalité perceptible. Les dispositifs peuvent augmenter la
perception visuelle, auditive, olfactive ou haptique. Elle désigne, par exemple, la
reconstitution d’éléments détruits sur un site architectural.

Récolement (inventory checking)


Opération consistant à vérifier, sur pièce et sur place, à partir d’un bien ou de son
numéro d’inventaire : la présence du bien dans les collections ; sa localisation ; l’état
du bien ; son marquage ; la conformité de l’inscription à l’inventaire avec le bien
ainsi que, le cas échéant, avec les différentes sources documentaires, archives, dos-
siers d’œuvres, catalogues. En France, ce contrôle est obligatoire dans les musées
au moins une fois tous les dix ans, depuis l’article 3 du décret du 2 mai 2002, qui
reprend l’article L. 451-2 du Code du patrimoine. En cas d’absence des œuvres,
celles-ci font l’objet d’une recherche, d’une déclaration de vol pour une mise à
jour de l’inventaire.

Spécifications fonctionnelles ou fonctionnalités


Description détaillée des fonctions d’un logiciel dans un cahier des charges, en
vue de sa réalisation. Les spécifications fonctionnelles sont définies grâce à l’étude
de l’existant et l’analyse des besoins exprimés par les utilisateurs. En complément,

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Glossaire

les spécifications d’architecture décrivent le système informatique dans lequel le


produit sera implanté. Les spécifications expliquent en détail les attentes du futur
utilisateur, servent à calculer le coût et la durée de réalisation, servent de source
pour les développements à fournir. Les spécifications sont les informations cen-
trales d’un cahier des charges.

Streaming
Mode de lecture en flux d’un document numérique audio ou vidéo, qui s’affiche
pour l’internaute à mesure qu’il est diffusé. La lecture qui se fait progressivement,
en continu, ne réclame pas d’enregistrement et de sauvegarde du fichier sur le
disque dur de l’utilisateur. L’avantage du streaming est de permettre à la fois de dif-
fuser des fichiers lourds et d’éviter un temps d’attente entre le début du téléchar-
gement et le début effectif de la lecture. Le streaming n’affranchit pas le diffuseur
du respect des droits d’auteurs et de l’accord préalable de l’auteur de l’œuvre pour
sa diffusion, à travers le droit de représentation qui lui appartient.

Thesaurus
Liste de mots-clés descripteurs organisée hiérarchiquement. Le mot-clé qui exprime
le concept le plus général est le terme générique, dont dépendent des termes spé-
cifiques, qui détaillent le concept. Les thesaurus documentaires suivent des prin-
cipes de construction d’une norme internationale ISO, dont la dernière édition
a été éditée en 2011.Voir http://www.iso.org/iso/fr/iso_catalogue/catalogue_ics/
catalogue_detail_ics.htm?ics1=01&ics2=140&ics3=20&csnumber=53657.

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Présentation des auteurs

Elsa Badie Modiri est chargée d’études documentaires au sein du service de la


Documentation du musée d’Orsay. Auparavant responsable de la régie au départe-
ment des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre où elle a normalisé les procé-
dures de la régie des œuvres, elle est actuellement documentaliste à la Conservation
du musée d’Orsay, en charge de la coordination de l’équipe Peintures et des bases
de données documentaires. En raison de cette double compétence, elle participe
au projet de renouvellement de la base des collections de l’Établissement public
du musée d’Orsay et de l’Orangerie.
Sandra Boujot est archiviste au musée Rodin depuis 2008 et chargée des archives
institutionnelles et de la salle de lecture, au sein du service de la Recherche, de la
documentation, des archives et de la bibliothèque.
Sophie Charve-Dartoen est enseignant-chercheur au département d’Ethno-
logie-Anthropologie sociale et culturelle de l’université Bordeaux-Segalen, et
directrice du musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen dont la
rénovation récente (ouverture 2011) lui a été confiée. Outre ses travaux ethnolo-
giques portant, entre autres, sur le rituel et l’anthropologie de l’objet, elle parti-
cipe à différents réseaux et programmes de recherche sur la gestion des collections
universitaires, leur numérisation, la médiation et, plus généralement, sur la diffu-
sion de la culture scientifique.
Françoise Dalex, responsable du portail documentaire du musée du quai Branly, a
défini et mis en place les programmes de diffusion des contenus scientifiques pour
l’internet et l’intranet, dès le chantier du musée. Diplômée du master d’ingénie-
rie documentaire de l’INTD et historienne de formation, elle allie cette double
compétence dans le domaine des nouvelles technologies dédiées au patrimoine et
à la culture depuis une quinzaine d’année. Depuis 2006, elle enseigne à l’univer-
sité de Bretagne-Sud et participe également aux missions de coopération franco-
vietnamienne dans trois musées vietnamiens ainsi qu’à l’université du Patrimoine
de Ho Chi Minh-Ville.
Audrey Defretin est chargée de recherches au sein du programme de recherche
et de création Leden (université Paris-8/MSH Paris-Nord) depuis 2005, sous la
direction de Ghislaine Azémard, professeure à l’université Paris 8, directrice de
la chaire « Innovation transmission éditions numériques » (Fondation maison des
sciences de l’homme). Elle travaille spécifiquement sur les projets de recherche en
lien avec la valorisation numérique du patrimoine culturel et scientifique (Terra
Numerica, Culturelabs, plateforme d’innovation « Le numérique pour le patri-
moine »…). Elle est également doctorante en sciences de l’information et de la
communication à l’université Paris-8 sur la question des mutations de la média-
tion culturelle et des pratiques de la visite, et plus précisément sur les impacts et
les enjeux du numérique dans la co-construction, la personnalisation et l’appro-
priation des contenus culturels.

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Présentation des auteurs

Morwena Joly-Parvex est conservateur du patrimoine et docteur en histoire


de l’art, actuellement chef du département des collections au Centre des monu-
ments nationaux et auparavant chef du département des Archives et des Nouvelles
Technologies au C2RMF. À ce titre, elle a été responsable scientifique pour le
C2RMF de plusieurs projets européens portant sur la numérisation 2D et 3D du
patrimoine (Europeana V.2 et 3D-Coform). Elle est l’auteur de nombreux travaux
sur l’étude du corps chez les artistes français du xviiie siècle (notamment La Leçon
d’anatomie, Hazan, 2008), mais aussi sur l’apport des nouvelles technologies à la
connaissance de l’œuvre (articles parus dans La Femme au miroir, Skira, 2011 ;
La Restauration…connaissance et reconnaissance de l’œuvre, Armand Colin, 2012).
Corinne Jouys Barbelin est chargée d’études documentaires principale, archiviste
à la Mission des archives du ministère de la Culture et de la Communication.
Diplômée en droit, en histoire de l’art et archéologie, ainsi qu’en sciences de l’in-
formation et de la documentation spécialisée, elle est actuellement chargée de la
mise en place et du suivi de la politique d’archivage des quarante et un musées
nationaux sous tutelle du ministère. Dans ce cadre, elle pilote le groupe de travail
« Archives en musées ». Elle dirige le groupe de recherche « Archéologie grecque
et romaine » du master I de l’École du Louvre.
Sylvie Julé, depuis maintenant quatorze ans à la tête du département Informatique
du musée d’Orsay, a participé à la fin des années 1990 à la mise en œuvre de l’ap-
plication Base Orsay. Elle connaît donc bien l’existant en matière de gestion infor-
matisée des collections mais elle sait aussi que l’informatique est une « matière »
toujours en mouvement et en évolution. Avec l’un de ses collaborateurs, Thierry
Bultingaire, elle accompagne le service de la Conservation dans le cadre du nouveau
projet de l’établissement.
Geneviève Lacambre est conservatrice générale honoraire du patrimoine, chargée
de mission au musée d’Orsay. En charge des dépôts au département des Peintures
du musée du Louvre à partir de 1965, elle a organisé au Grand Palais, en 1974,
l’exposition Le Musée du Luxembourg en 1874. Peintures, rétablissant alors le lien
des musées avec le service de la Création artistique (l’actuel Fonds national d’art
contemporain). Elle a travaillé au regroupement des œuvres destinées au musée
d’Orsay et au reversement du musée national d’Art moderne lors de l’ouverture
du Centre Pompidou. Nommée au musée d’Orsay en 1979, elle a été chargée en
outre du musée Gustave Moreau en 1985. Spécialiste de l’art du xixe siècle et du
japonisme, elle s’est aussi intéressée depuis 2004 aux collections d’Extrême-Orient
provenant du musée national de la Marine et a été notamment commissaire scien-
tifique de l’exposition L’Or du Japon. Laques anciens des collections publiques fran-
çaises à Bourg-en-Bresse et Arras en 2010.
Yannick Lintz, docteur en histoire et conservatrice en chef du patrimoine, est
actuellement en charge du service du Récolement des dépôts à la direction générale
du musée du Louvre. Elle est également professeur associée à l’université Paris-I
dans le domaine de l’histoire des musées et du patrimoine. Elle a, dans le cadre de
ces deux fonctions, développé des programmes de recherches et dirigé des publi-
cations en lien avec l’histoire des collections françaises et l’histoire des musées.
Elle dirige par ailleurs, dans le cadre de sa spécialité scientifique sur l’Empire

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Présentation des auteurs

perse achéménide, le programme international de recherches Achemenet, fondé


au Collège de France par Pierre Briant. Elle est l’auteur d’ouvrages et d’articles
sur l’histoire des collections du Louvre, l’histoire des musées européens et l’Asie
mineure achéménide.
Stéphane Loire est conservateur en chef au département des Peintures du musée
du Louvre où il est le responsable de la Documentation. Chargé des collections de
peinture italienne des xviie et xviiie siècles depuis 1987, il est également l’un des
rédacteurs en chef de La Revue des musées de France. Auteur de nombreuses publi-
cations sur la peintures des xviie et xviiie siècles en Italie et en France, en parti-
culier les deux volumes du catalogue des Peintures italiennes du xviie siècle du
musée du Louvre (1996-2006), il prépare actuellement le catalogue des Peintures
italiennes du xviiie siècle du musée du Louvre.
Isabelle Loutrel est conservatrice des monuments historiques et responsable du
master 2 professionalisant Métiers du patrimoine de l’École du Louvre, module
Documentaiton. Longtemps responsable du fonds documentaire Architecture
au musée d’Orsay, administratrice de base de données documentaires au musée
Guimet, elle a, par son expérience professionnelle, cherché à développer les outils
nécessaires au traitement des données indispensables à la connaissances des œuvres
d’art et à leur gestion. Elle travaille aujourd’hui au développement du dossier
d’œuvre dans les monuments historiques et contribue à la réflexion sur l’inven-
taire des dépôts lapidaires. Parallèlement, elle enseigne à la Sorbonne-Abu Dhabi
les notions de documentation et de recherche dans le cadre d’expositions sur les
collections d’œuvres d’art.
Claire Merleau-Ponty est responsable du parcours de master 2 professionnali-
sant en médiation dans lequel elle enseigne à l’École du Louvre. Le sujet de ses
recherches et l’objet de ses responsabilités est la médiation et la transmission dans
les musées, plus particulièrement à travers l’exposition et le jeune public. Elle a été
cofondatrice du Musée en Herbe et fondatrice du service jeune public du centre
culturel Tjibaou à Nouméa, responsable du service d’action culturelle du musée
des Arts d’Afrique et d’Océanie et du musée Guimet. Enfin, elle a dirigé pendant
six ans le service des relations internationales de l’École du Louvre, organisant
chaque année le Séminaire international d’été de muséologie (SIEM). Elle est
l’auteur de nombreux articles et ouvrages concernant la muséologie. Elle a été au
secrétariat général d’ICOM France pendant 6 ans.
Soline Morinière est chargée d’études documentaires au service régional de l’Ar-
chéologie-Drac Alsace. Elle est doctorante à l’université Bordeaux-3-Michel de
Montaigne, centre François Georges Pariset (EA 538 Histoire de l’art). Historienne
et historienne de l’art de formation, elle est titulaire d’un diplôme de muséologie et
d’un master 2 Métiers du patrimoine (documentation, régie) à l’École du Louvre,
et d’une licence d’histoire à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. En 2011, elle
a entrepris une thèse en histoire de l’art contemporain à l’université Bordeaux-3-
Michel de Montaigne sous la direction de Dominique Jarrassé et portant sur l’étude
historique des collections de moulages universitaires françaises. Depuis 2012, suite
au concours de chargé d’études documentaires, elle est également gestionnaire de
la documentation du service régional de l’Archéologie de la Drac Alsace.

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Présentation des auteurs

Solenn Nieto est chargée des collections et des programmes d’informatisation au


musée d’Ethnographie de l’université Bordeaux-Segalen. Elle est titulaire d’une
maîtrise d’anthropologie, université Victor-Segalen Bordeaux 2 (2006) et d’un
master professionnel « Les métiers de l’expertise anthropologique et culturelle »,
université Marc Bloch-Strasbourg (2007). Depuis son recrutement, elle est chargée
de la conservation, de la gestion et de la valorisation des collections ethnogra-
phiques et iconographiques du MEB : chantier des collections et conception des
réserves, redéploiement des collections dans les nouvelles réserves, documenta-
tion scientifique, gestion de la base de données et des opérations de numérisation,
gestion du site Internet, régie d’œuvres, conservation préventive.
Clémence Raynaud est conservateur stagiaire à l’Institut national du patrimoine.
Diplômée de l’École du Louvre (3e cycle) et de l’École pratique des hautes études,
elle a été responsable de la Documentation restauration (2004-2007), puis chef
de la filière Archives, documentation et bibliothèques au Centre de recherche et
de restauration des musées de France (2007-2012). Elle codirige avec Brigitte
Bourgeois, conservateur en chef, un séminaire de recherche sur l’histoire de la
restauration à l’École du Louvre (master 2).
Mathilde Touillon-Ricci est chargée des fonds photographiques au département
des Antiquités orientales du musée du Louvre. Diplômée du master profession-
nalisant Métiers du patrimoine de l’École du Louvre (2011), elle a été chargée de
ressources documentaires au Centre de recherche et de restauration des musées de
France (2011) puis consultante en conservation préventive, spécialisation constat
d’état d’évaluation des collections (2012).
Hélène Vassal est chargée d’études documentaires, responsable du pôle Collections
et opérations de la régie des œuvres, au sein de l’Agence France-Muséums pour
le Louvre Abou Dabi. Chef du service des collections et des opérations au sein
de l’Agence France-Muséums, elle a rejoint le projet du Louvre Abou Dabi en
2008 après avoir participé à la création du service de gestion des collections et de
la conservation préventive à l’ouverture du musée du quai Branly. Diplômée en
lettres modernes, gestion des institutions culturelles, sciences politiques et conser-
vation préventive, elle a notamment créé les services de régie du Fonds national
d’art contemporain et du musée Guimet. Elle enseigne à l’Institut national du
patrimoine et codirige le master professionnalisant Métiers du patrimoine à l’École
du Louvre. Membre actif de l’Icom, elle a été élue du comité français de 2004 à
2010 ; elle est depuis 2010 membre élu du comité directeur de l’Ictop, Comité
international de l’Icom pour la formation du personnel des musées.
Jean-Pascal Vendeville est directeur au sein de Kurt Salmon, en charge des
activités de conseil dans le domaine de la culture. Il accompagne tant au niveau
de la réflexion stratégique que dans leurs projets de transformation, de refonte
de processus et de systèmes d’information, le ministère de la Culture et de la
Communication, des collectivités territoriales, des établissements culturels (musée
du Louvre, château de Versailles…), des fondations, des organismes internatio-
naux… Il intervient actuellement auprès de l’Agence France-Muséums en tant
qu’assistant à maîtrise d’ouvrage, pour la mise en place d’une solution de docu-
mentation et de gestion des collections d’œuvres d’art.

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