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Dans une première partie, nous définirons les trois genres majeurs de
l’imaginaire : la Science-Fiction, la Fantasy et le Fantastique.
Sauf que cette méthode pose de gros problèmes, parce qu’elle est
floue et parfois… complètement fausse ! Prenez Star Wars : certains
spécialistes classent volontiers la saga de Georges Lucas non pas dans la SF…
mais dans la Fantasy ! En effet, si je résume l’épisode IV, qu’est-ce qu’on a :
un jeune fermier, rêvant d’aventures, se voit initié à des arts surnaturels et à
celui de l’escrime par un vieux sage, qui lui fait don de son sabre
extraordinaire afin de l’aider dans sa quête visant à délivrer une princesse
captive. En chemin, il devra se confronter à un chevalier noir. Vous en
conviendrez, voilà un résumé que n’importe quel lecteur classifierait en
Fantasy (genre associé, dans l’esprit du grand public, aux épées, au surnaturel,
aux chevaliers, aux quêtes initiatiques, aux méchants très méchants, etc.), et il
aurait raison. Car un autre aspect éloigne complètement Star Wars de la SF :
c’est justement le fait que la science ne joue aucun rôle là-dedans, les
vaisseaux et planètes ne sont qu’un décor qui n’a aucun impact sur l’intrigue
ou les thématiques développées. Rien n’est expliqué ou explicable par la
science, malgré une tentative extrêmement maladroite dans ce sens-là dans la
seconde trilogie (les fameux midi-chloriens). Est-ce que, par exemple, il est
expliqué une seule fois dans les films (matériel strictement canon, comme
disent les puristes) comment marche la propulsion plus rapide que la lumière,
comme l’ont fait certains écrivains de SF ? Jamais. Et vous pouvez multiplier
les exemples à l’infini, rien dans Star Wars ne repose sur la science, les
gadgets techniques n’étant qu’un décor qu’on pourrait aisément remplacer par
leurs équivalents médiévaux-fantastiques sans rien modifier au fond.
Moralité : dire de la SF que c’est « comme Star Wars », c’est partir d’un
très mauvais pied. Vous allez rétorquer que la personne voulait en fait dire
que ça correspond à un univers où il y a des vaisseaux spatiaux, où on va sur
d’autres planètes hors du système solaire en quelques jours, voire heures de
voyage, et où il y a des lasers qui font pew pew. Sauf que là encore, cette
définition est biaisée : toute la SF, très loin de là même, n’implique pas des
voyages dans l’espace, des déplacements plus rapides que la lumière, l’emploi
d’une physique inconnue et peut-être impossible, des armes à énergie, un
lointain avenir et des distances colossales. Réduire la SF à ça, c’est faire
l’impasse sur une immense part de ce qu’elle est.
Vous pouvez employer le même raisonnement avec Le Trône de fer : il
s’agit d’une Fantasy plutôt inhabituelle, avec assez peu d’éléments
fantastiques, au final (dragons, morts-vivants, géants, mais très peu de magie
et pas de races imaginaires comme des nains ou des elfes), une quantité de
personnages et de sous-intrigues faramineuse par rapport à la moyenne, et
surtout un ton très noir, explicite et glauque qui est très, mais alors très loin
de caractériser l’ensemble de la Fantasy. Il est difficile de comprendre
comment tant de gens, qui ont commencé la Fantasy par Le Trône de fer,
peuvent conseiller à leurs amis d’en faire autant : c’est bien le dernier cycle de
Fantasy à conseiller à un complet néophyte.
Vous pouvez appliquer un raisonnement
connexe, même si pas tout à fait identique, au
Seigneur des anneaux : trois gros tomes, beaucoup de
personnages, une intrigue très manichéenne, cette
High Fantasy (voir plus loin) donne, là aussi, une
image très distordue du genre, qui ne se réduit en
aucun cas à des personnages très tranchés
moralement et à la stéréotypée lutte du Bien contre
le Mal, des « gentils » contre les « méchants ». Si
vous prenez un auteur comme Glen Cook, par
exemple, vous vous apercevrez qu’il est à l’exact
opposé de ces « caractéristiques », qui n’en sont en réalité pas, en tout cas pas
pour l’ensemble de la Fantasy.
L’autre problème que pose cette définition stéréotypée, par
l’exemple, par l’analogie, est qu’elle ne vous donne finalement aucune
clé pour comprendre pourquoi un livre relève de tel genre et pas de tel
autre. Un exemple ? « Le Fantastique, c’est comme Stephen King ». Ah.
Donc qu’est-ce que c’est, c’est de l’Horreur, du surnaturel, une littérature se
déroulant dans un cadre contemporain ? On ne sait pas. Du coup, vous
pourriez avoir un livre qui ressemble sur certains points à du Stephen King,
voire qui est du Stephen King, mais qui ne relève pas du Fantastique : cf.,
bien évidemment, le cycle de La Tour sombre.
Bref, c’est une définition à éviter, tant elle est souvent imprécise et
trompeuse, bien que pratique pour faire comprendre à sa mémé ou sa copine
ce qu’est la Fantasy ou la SF en deux phrases. Sauf qu’il y a d’autres méthodes
qui prennent à peine plus de mots et qui sont nettement plus efficaces.
Si le chat parle parce qu’on lui a fait subir des manipulations génétiques,
qu’on lui a posé des implants cybernétiques, etc., bref qu’il y a une
explication rationnelle et scientifique à ce fait, c’est de la Science-
fiction. Dans cet univers, un chat qui n’a pas subi ces procédures ne
parle pas.
Si le chat parle parce que c’est habituel et banal dans cet univers,
que c’est un fait connu et établi qui ne choque personne, comme le fait
qu’il y ait des dragons dans le ciel et des elfes à la taverne du coin,
c’est de la Fantasy. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’explication est
surnaturelle / non rationnelle / non scientifique / qu’il n’y en a pas, et
que c’est un phénomène banal, qui ne choque personne et s’inscrit
dans le cadre normal de ce monde.
Simple et efficace, non ? Pour une première approche, oui. Sauf qu’il y a
des subtilités, des éléments de définition avec lesquels tout le monde n’est pas
forcément d’accord. Par exemple, certains considèrent que la Fantasy ne peut
se dérouler que dans un monde imaginaire (dit « monde secondaire »), alors
que d’autres acceptent de placer des éléments comme la magie et les créatures
fantastiques dans notre monde réel, historique. Ce qui donne parfois des
raccourcis qui marchent, mais pas toujours, et qui sont, de fait, dangereux :
du genre, ça se passe dans notre monde, donc même s’il y a de la magie, c’est
du Fantastique. Eh bien non. Si ça se passe dans notre monde et que la magie,
les succubes et vampires sont connus de tous ou en tout cas du narrateur, ce
n’est pas du Fantastique. Mais nous aurons l’occasion de reparler de ces
subtilités dans d’autres parties de ce guide !
Notre définition
En mélangeant un peu tout ça, voici quelles sont nos définitions des trois
grands genres :
L’Uchronie
Voilà encore une catégorie de romans qui ne fait
pas l’unanimité : pour certains, simple sous-genre de
la SF ou de la Fiction historique, pour d’autres
(camp auquel nous appartenons), genre à part
entière, au même titre que la Science-fiction, la
Fantasy ou le Fantastique, l’Uchronie n’est, pour
d’autres encore, qu’une « esthétique » et pas un
genre ou sous-genre littéraire à part entière (et cette
approche est encore plus souvent adoptée à propos
du Steampunk).
Un monde uchronique est un univers où l’histoire
a suivi un cours différent : la Confédération a vaincu / a survécu à la guerre de
Sécession, Hitler domine le monde en cette année 1964, l’Empire romain est
e
toujours la puissance majeure en ce début de siècle, et ainsi de suite.
L’événement qui crée l’uchronie est appelé Point de divergence (un général qui
fait un choix différent, des catastrophes climatiques, une épidémie, l’entrée en
économie de guerre des années avant, des inflexions des programmes
scientifiques plus précoces, des alliances basées sur des critères différents qui
changent le rapport de force, un personnage historique clef qui survit / meurt
alors que dans notre réalité il est mort / a survécu, etc.) : avant ce point,
l’histoire de l’univers uchronique est la même que la nôtre, après, elles sont
plus ou moins différentes.
En littérature, il peut se présenter quatre cas :
Uchronie historique
Uchronie personnelle
Uchronie de fiction
Personne n’a jamais dit qu’une uchronie devait forcément prendre pour
cadre le monde réel : certains ne se sont donc pas privés de se poser la
question de savoir ce qui se serait passé si leur roman ou leur comics favori
avait tourné différemment, et du monde qui en aurait résulté.
Dans le second de ces deux domaines, Marvel s’est particulièrement
illustré, avec une série régulière, Et si ?, au ton souvent particulièrement noir
(DC a également proposé ce genre d’histoires, notamment avec Superman :
Red Son, qui postule que Kal-El n’a pas atterri au Kansas… mais en Russie
soviétique, avec tous les changements qu’on imagine : à la différence de celles
de Marvel, les publications DC de ce type, labellisées Elseworlds, n’étaient
pas régulières, ni une série en bonne et due forme). Et il y a vraiment des
hypothèses très intéressantes dans le lot : Spiderman stoppe le cambrioleur
qui tue l’oncle Ben (ou une autre variante : c’est la tante May qui est tuée à sa
place), Fatalis est un super-héros, Gwen Stacy survit, Phénix n’est pas tuée
dans le cadre du combat contre la Garde impériale Shi’ar, Daredevil est un
agent du SHIELD, Tony Stark devient le successeur du Roi Arthur (une suite
de son voyage temporel à cette époque en compagnie de Fatalis) et mène la
Terre vers une ère de paix et de prospérité universelle, Jane Richards meurt
en couches, les Quatre Fantastiques sont des cosmonautes russes (une réponse
à Red Son ?), etc. Notez que certaines possibilités, examinées comme un jeu
de l’esprit, sont par la suite devenues une réalité dans les séries « normales »
de Marvel, puisque par exemple, Spiderman a bel et bien fini par intégrer les
Quatre Fantastiques ! Notez enfin que la série n’avait pas de scrupule à
détourner ses propres codes, puisque dans Daredevil : an 2013, elle fait non
pas de l’uchronie, mais de l’anticipation, imaginant plusieurs décennies plus
tard une Veuve Noire devenue la dirigeante de la Russie et un Foggy Nelson
devenu vice-président des États-Unis.
Uchronie de Fantasy
Dyschronie
… L’Histoire secrète
Il ne faut surtout pas confondre l’Uchronie avec l’Histoire secrète : cette
dernière nous enseigne que nos livres d’histoire sont des mensonges, et que si
les résultats sont bien ceux décrits, les causes, les acteurs et le déroulement
des grands événements historiques ne sont pas du tout ce (et ceux) que nous
croyons. Cependant, le cours de l’Histoire est globalement bel et bien
respecté, il ne diverge pas plus ou moins profondément comme dans une
uchronie historique.
… L’Histoire contrefactuelle
… L’uchronie a posteriori
Le Steampunk
Aaaaah, vous vouliez un trouble-fête, qui brouille toutes les
classifications ? Eh bien, en voilà un, et un beau. Le Steampunk est classé par
certains comme un sous-genre de la Science fantasy, par d’autres comme un
sous-genre de la SF (rétrofuturiste et/ou un dérivé du Cyberpunk), un sous-
genre de l’uchronie, un genre à part entière (c’est notre approche), voire
comme une simple esthétique qui ne permet pas, fondamentalement, de
caractériser le roman ! Bref, plus divers, diffus et confus que ça, ça n’existe
pas.
Bon, tout d’abord, le Steampunk, qu’est-ce que c’est ? Commençons par
décortiquer le terme : il dérive de Cyberpunk, remplaçant du simple fait que
les romans Steampunk se déroulent à l’ère de la vapeur (steam en anglais),
adoptent une esthétique (néo)victorienne et utilisent souvent la vapeur pour
alimenter la technologie mise en jeu. Donc, l’approche basique est d’en faire
un « simple » dérivé du Cyberpunk, à l’ère victorienne (pas forcément en
Angleterre, d’ailleurs, puisqu’un certain nombre de livres se passent en
Amérique) et avec un aspect rétrofuturiste : en clair, des technologies plus
volontiers associées à un futur plus ou moins lointain sont mises au point au
e
siècle, comme des ordinateurs, des robots, des mecha (machines de
guerre anthropomorphes géantes : pensez à Macross / Robotech), et ainsi de
suite. Mais qui dit rétrofuturisme à l’ère victorienne implique un aspect
uchronique : la mise au point (très) en avance de ces technologies fait
forcément de cet univers une uchronie de notre monde réel.
Jusque-là, cela semble plutôt clair, non ? Le souci est que certains auteurs
ont ajouté des éléments de Fantasy (magie) ou d’Horreur au tableau, tandis
que d’autres ont fait du rétrofuturisme à d’autres périodes historiques
(Renaissance –Clockpunk–, entre-deux-guerres –Dieselpunk–, guerre froide
–Atompunk–, etc.), brouillant la distinction entre le fait d’être des dérivés du
Cyber- ou du Steam-punk, que certains autres ont gardé l’esthétique néo-
victorienne en augmentant l’aspect fantasy et en diminuant, voire en évacuant
complètement les aspects rétrofuturistes et/ou uchroniques (Gaslamp
Fantasy), tandis que d’autres encore ont transposé les éléments du Steampunk
qui leur plaisaient dans… un monde imaginaire. Dès lors, il devient très
compliqué de définir le Steampunk, car il recouvre des livres et des mondes
où la magie existe, d’autres où seule la science a force de loi, car il est
considéré à la fois comme un sous-genre du Cyberpunk, dont les Clock-,
Diesel- ou Atom-punk (et d’autres encore) seraient des cousins, et, par
d’autres personnes, comme un genre à part entière dont dérivent les trois
sous-genres que je viens de citer, en bien plus droite ligne que par rapport au
cyberpunk.
Certains ont une approche simplificatrice : pour eux, la caractéristique
primordiale du Steampunk n’est ni le rétrofuturisme, ni l’aspect uchronique,
ni autre chose, mais bel et bien l’esthétique. Dès lors, réduisant ce courant à
cela, ils n’en font, selon l’ingrédient dominant du livre examiné, qu’un ouvrage
de Fantasy ou de SF à esthétique steampunk / néo-victorienne /
rétrofuturiste, point.
Dans le cadre de ce guide, nous considérerons
que le Steampunk peut, selon les cas, mélanger des
éléments si divers (magie, science rétrofuturiste,
uchronie, etc.) qu’il est hors de question de le réduire
à une banale perspective esthétique, et encore moins
à un sous-genre de la SF ou du Cyberpunk. Nous
avons donc décidé d’en faire une des catégories de
base, un genre de plein droit comme la SF, la
Fantasy, le Fantastique, ou, comme nous venons de
le voir, la Science fantasy ou l’Uchronie. Il est
possible, bien entendu, d’être en désaccord avec
cette approche.
Nous n’examinerons pas tout de suite les sous-genres du Steampunk, mais
seulement dans la sixième partie de ce guide, celle qui décrit la phylogénie
des genres en -punk.
Low Fantasy
Vous trouvez que la définition de l’Urban Fantasy présente de troublantes
ressemblances avec des genres ou sous-genres existants (ce qui rend donc la
pertinence de la création ou de la conservation d’un sous-genre de plus
douteuse) ? Attendez de voir celle de la Low Fantasy. Ou plutôt (une fois de
plus, hélas), une des définitions de ce sous-genre. Car il existe différentes
conceptions de ce que la Low est (ou pas), et surtout à quoi elle s’oppose.
Nous développerons plus loin, mais ce que vous pouvez retenir dès à
présent est que selon la conception / définition, la Low Fantasy présente en
fait de nettes ressemblances avec la Portal Fantasy, voire avec… le
Fantastique ! Dès lors, employer un terme, un sous-genre de plus, est idiot
dans la plupart des cas, car ça n’apporte rien et ne fait que créer plus de
confusion.
Réalisme magique
Le réalisme magique (sous-genre surtout présent dans la littérature sud-
américaine –on citera Cent ans de solitude de Garcia Marquez– mais dont
relèvent aussi les tristement célèbres Versets sataniques de Salman Rushdie. Si
vous voulez quelque chose de plus léger –dans tous les sens du terme–, on
vous conseillera de vous tourner, chez nous, vers Ce qui nous lie de Samantha
Bailly) associe des éléments magiques ou surnaturels à un monde qui est, par
ailleurs, réaliste et banal. Il ne s’agit pas d’inventer un nouveau monde
imaginaire, mais de révéler les éléments magiques du nôtre. Les éléments
fantastiques ne sont pas expliqués, le narrateur leur est indifférent, ils ne le
choquent pas, il les accepte comme un phénomène banal. Et surtout, ces
livres sont écrits dans un style qui doit faire clairement ressortir le fait que les
événements magiques sont naturels, que rien d’extra-ordinaire n’a eu lieu, ce
qui a pour but de conduire le lecteur à accepter le « merveilleux » comme
quelque chose de normal, à considérer le surnaturel à l’égal du naturel.
Nombreux sont les auteurs anglo-saxons à avoir pointé du doigt le fait que
tout cela relevait tout simplement de la Fantasy, écrite par des gens
s’exprimant en espagnol (le plus souvent) plutôt que dans une autre langue.
D’autres ne sont pas d’accord, pointant notamment la banalisation des
phénomènes surnaturels comme une différence majeure avec le Fantastique,
ou ce que les Anglo-Saxons appellent de la « Fantasy », mais qui correspond
en réalité à notre conception française du Fantastique. En effet, le Fantastique
insiste sur le caractère profondément choquant, hors paradigme, de l’irruption
des éléments surnaturels dans la vie réelle moderne, alors qu’au contraire, le
Réalisme magique met sur le même plan phénomènes naturels et surnaturels,
les banalise, les intègre au paradigme.
Autre différence majeure : une des définitions du Fantastique repose sur
le doute introduit dans la tête du lecteur / narrateur / protagoniste concernant
le caractère surnaturel ou naturel (cause rationnelle mais inconnue, folie du
narrateur, etc.) de l’événement décrit. Dans le réalisme magique, le doute
n’existe pas : le surnaturel est aussi valable et incontestable que le réel.
Au final, alors que des trois genres (Urban Fantasy et Low Fantasy,
Magical realism), le Réalisme magique est le moins connu (en France, du
moins), c’est pourtant celui qui brouille le moins les cartes, même si par
certains côtés, il se rapproche de la Low Fantasy et fait donc double-emploi
avec elle, et même s’il vient compliquer le schéma jusqu’ici très simple
Fantasy / SF / Fantastique.
Grimdark
Le Grimdark (ou Grim & Gritty / Gritty Fantasy) pose tout autant de
problèmes. À la base, il s’agit d’une littérature de l’imaginaire plus réaliste
(sur un plan psychologique mais aussi narratif, ne vous épargnant ni le sang,
ni le foutre, ni la merde –nous employons à dessein un niveau de langage en
phase avec ce style de romans), moins manichéenne, plus ambivalente, plus
violente, nihiliste et explicite. Le terme viendrait d’un slogan appliqué au jeu
Warhammer 40 000 (souvent abrégé W40K), puis à des œuvres comme celles
de G.R.R. Martin, Glen Cook, Joe , Richard Morgan, Steven Erikson, Mark
Lawrence, etc.
Vous remarquerez deux choses : d’abord, alors qu’on a volontiers
tendance à l’associer à la Fantasy, il peut aussi bien être appliqué à des œuvres
de SF (Richard Morgan et son Carbone modifié) ou de Science fantasy
(W40K) ; ensuite, vous remarquerez aussi que sur le volet Fantasy
proprement dit, il est exclusif ou quasiment de 1/ la Dark Fantasy et 2/
publiée à partir des années 90, en gros. Alors que certains experts pensent
que le Grimdark est un sous-genre apparenté à la Dark Fantasy (définie selon
des codes qui n’ont plus de réelle pertinence depuis longtemps, et ramenant
en gros à Lovecraft et une Fantasy d’ambiance et d’horreur), la réalité est
probablement beaucoup plus simple : le Grimdark est la Dark Fantasy anti-
tolkienienne publiée depuis 1985, ou quasiment. Ce qui en ferait donc
directement un sous-genre de la Fantasy. La Dark Fantasy a vu ses codes
d’origine remplacés, réécrits ou supplémentés par ceux du Grimdark, qui
n’existe donc pas en tant que sous-genre issu de la Dark Fantasy (DF) et
séparé d’elle. Du moins, en première approximation.
Car lorsqu’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le Grimdark et ses
codes peuvent s’appliquer à bien autre chose que la DF, et qu’il s’agirait donc
plus d’un ton que d’un sous-genre, d’une surcouche explicite / violente /
réaliste qui viendrait s’ajouter par-dessus les codes d’un autre genre. Nous en
avons eu un très bon exemple récent, avec la sortie de Godblind, (médiocre)
roman appartenant à la High Fantasy, mais utilisant des oripeaux (et une
étiquette marketing) Grimdark. Car c’est de cela dont il pourrait bien s’agir :
une simple appellation marketing, essentiellement destinée au (jeune) lecteur
masculin (ou à celui lassé de la guimauve High Fantasy), lui promettant des
combats violents à répétition et du sexe explicite. Recette qui, comme le
prouve le succès du Trône de fer, fonctionne très bien.
Au final, la nature exacte de ce que recouvre le terme n’est pas
définitivement tranchée : que ce soit l’appartenance de tel ou tel auteur à ce
sous-genre ou même la pertinence de le désigner comme tel et pas comme
simple vocable marketing, rien ne fait consensus. Notre approche est hybride,
reconnaissant le Grimdark comme la nouvelle incarnation post-1985 de la
Dark Fantasy (et d’une certaine SF ou Science fantasy, d’ailleurs), mais
acceptant le fait que certains de ses codes puissent (rarement) s’ajouter à ceux
d’autres sous-genres. Y compris à ceux de la High Fantasy, alors que le
Grimdark a spécifiquement été conçu pour être l’antithèse de la Fantasy
tolkienienne, incontournable en High Fantasy.
Young Adult
Dans cette troisième partie, nous allons parler des sous-genres majeurs de
la Fantasy. D’abord, entendons-nous bien sur le terme : par majeur, il faut
comprendre ayant une grande importance dans l’histoire de la Fantasy et/ou
renfermant un très grand nombre de romans et/ou comprenant des œuvres
universellement reconnues comme importantes dans l’histoire du genre. La
cinquième partie, elle, parlera des sous-genres mineurs (d’une sélection
d’entre eux, du moins), qui sont ceux qui ne remplissent pas ou pas encore ces
critères, ce qui n’enlève rien à leur intérêt potentiel. Par exemple, la Flintlock
/ Gunpowder Fantasy est actuellement un sous-genre (mineur) qui ne saurait
être comparé à la High Fantasy (sous-genre majeur). La Gunpowder Fantasy
gomme de façon innovante et agréable les défauts du Médiéval-Fantastique, et
est en plein essor depuis quelques années, probablement destinée, tout comme
l’ensemble de la Fantasy postmédiévale, à établir de nouveaux standards et, à
terme, à devenir un genre très prolifique.
Nous allons examiner les sous-genres suivants :
High Fantasy.
Dark Fantasy.
Urban Fantasy.
Portal / Crossworlds Fantasy.
Fantasy politique.
Fantasy militaire.
Ces entrées sont à lire dans l’ordre, tant certains genres ont été créés en
réaction à un autre et en constituent de quasi-antithèses.
Un dernier mot : il est très important de comprendre que certains sous-
genres ont de tels points communs avec d’autres que les distinctions entre eux
sont parfois difficiles (voire peu pertinentes) à établir, et également que
certains romans ou cycles emblématiques sont représentatifs (c’est-à-dire
qu’ils ne se contentent pas d’en relever marginalement, mais qu’ils sont pris
comme exemples pour illustrer ce que sont ces sous-genres) de plusieurs sous-
genres à la fois. Enfin, soyez conscients que les définitions de certains sous-
genres (particulièrement la High Fantasy) sont multiples et que certains choix
ont dû être faits.
High Fantasy
La High Fantasy, ou Fantasy épique (bien que certains établissent des
différences entre les deux termes, voire considèrent, en utilisant une
définition différente, que l’Heroic Fantasy est aussi de la Fantasy épique), est
l’exact opposé de l’Heroic Fantasy : là où cette dernière mettait en jeu un
héros solitaire, ou une petite bande, qui ne poursuivait que ses propres buts
égoïstes ne mettant pas en jeu le sort du monde, et où le héros n’était
moralement pas tout net et en tout cas pas un modèle à suivre, la High
Fantasy explose tous les compteurs, avec une
intrigue aux dimensions presque mythiques, mettant
en jeu le sort du monde, de l’univers, voire du
multivers, avec de grandes compagnies de héros sans
peur et surtout sans reproche, avec une emphase
mise sur l’altruisme, avec une séparation
extrêmement nette entre les gentils et les méchants
(presque jusqu’au ridicule, notamment dans les
couleurs portées par les antagonistes et
protagonistes).
De plus, là où l’Heroic Fantasy se caractérisait par une écriture directe,
simple, à but essentiellement récréatif, avec des personnages aux motivations
et à la psychologie basiques, la High Fantasy met en jeu des personnages
mieux décrits / moins caricaturaux, moins prompts à la violence aveugle et
systématique, ainsi qu’une écriture en général plus subtile (chansons, poèmes,
niveau de langage plus élevé). Une des différences entre les deux sous-genres
est dans la manière de traiter l’adversaire : souvenez-vous de la réprimande de
Gandalf à Frodon, lorsqu’il lui fait part de son sentiment selon lequel Bilbon
aurait dû tuer Gollum lorsqu’il en a eu l’occasion. Un Conan, lui, aurait
découpé la créature en apéricubes et l’aurait sans arrière-pensée fait déguster
aux bêtes sauvages, sans jamais remettre en question la pertinence de son
acte. Là où le protagoniste d’Heroic Fantasy ou, pire encore, de Sword &
Sorcery, tue par habitude, froidement, sans remord, voire même par soif de
sang et parce qu’il y prend plaisir, celui de High Fantasy ne prend une vie que
s’il y est contraint, jamais gratuitement. Et dans tous les cas, il n’y prend pas
plaisir, voire en conçoit du remords.
La High Fantasy est enfin fortement marquée par la notion d’élu, de
prophétie, de destin : si Machinbidule détruit le Seigneur Noir des Ténèbres
de la Mort qui Tue, c’est parce qu’il était destiné à le faire. L’intrigue est une
quête, avec un fort aspect roman d’apprentissage dans un nombre important
de cas, dont le moteur est une prophétie ou la sagesse d’un vieux mentor
(autre élément presque incontournable de ce sous-genre).
Bref, ce qu’il faut retenir, c’est que la High Fantasy est l’exact
inverse de l’Heroic Fantasy, et est caractérisée par :
Un protagoniste qui n’est pas unique, remplacé par une fraternité, une
compagnie, une communauté, bref un groupe.
Son échelle épique : c’est le sort du monde qui est en jeu, pas juste
l’assouvissement du désir d’un simple individu.
Dark Fantasy
Si, quelque part, la High Fantasy a été conçue comme une antithèse à la
simplicité de l’écriture, des mondes, des motivations et des intrigues de
l’Heroic Fantasy, une partie de la Dark Fantasy (post-1985, en gros), dite
antitolkienienne, a été créée en réaction au net manichéisme qui caractérise la
High Fantasy. En clair, il était désormais hors de question d’opposer des «
gentils », défenseurs moralement parfaits du Bien, à d’incurables « méchants
», sectateurs définitivement pourris au service du Mal. Cela a donné
naissance à deux voies : l’une consiste à faire des « méchants » (ou des
monstres, d’ailleurs, pour les ouvrages de Dark Fantasy qui mettent le plus en
avant l’aspect horreur qui est une des signatures du genre) les… protagonistes,
l’autre à ne faire intervenir que des êtres à la psychologie nettement plus
complexe, nuancée, où le blanc et le noir laissent la place à un continuum de
nuances de gris.
Selon un autre point de vue, il n’existe pas de fracture nette entre Fantasy
héroïque / épique d’un côté et Dark Fantasy de l’autre, mais plutôt un long
continuum, où certaines œuvres relèvent de deux de ces genres à la fois : c’est
par exemple le cas des cycles d’Elric ou de Kane, qu’on peut sans peine
classer à la fois en Sword & Sorcery et en Dark Fantasy. D’ailleurs, les
(anti)héros de la S&S montrent que bien avant Glen Cook et compagnie,
certains auteurs avaient commencé à créer des personnages nettement plus
complexes et ambigus sur le plan moral et psychologique.
Sachez qu’à l’origine, la Dark Fantasy était une littérature ajoutant des
éléments d’horreur (surtout surnaturelle) et une ambiance ténébreuse
empreinte de crainte dans la Fantasy classique, celle qui se déroule dans un
monde secondaire (imaginaire), bien que certains classifient une partie des
textes de Lovecraft dans ce sous-genre. La Dark Fantasy post-1985,
particulièrement depuis l’avènement du Grimdark, a ajouté à ces éléments
(voire leur a substitué) un côté brutal, explicite et nihiliste.
Le ton, l’ambiance sont des éléments très importants : lugubres,
pessimistes, oppressants, réalistes, violents, montrant des personnages au bout
du rouleau, ils se démarquent, là aussi, du héros tout puissant pleinement
confiant dans ses (considérables) capacités de l’Heroic Fantasy ou du «
paladin » tellement convaincu de la justesse de sa cause que le renoncement
n’est en aucun cas une option de la High Fantasy. Enfin, les éléments
horrifiques et la description explicite de certains actes de violence sont aussi
des signatures du genre.
Les happy ends sont très rares, et les personnages, même les principaux
(ou leurs proches…), peuvent disparaître ou subir un sort terrible : viol,
mutilation, torture, etc. L’antihéros est la règle absolue dans ce type de
Fantasy : aucun protagoniste ou antagoniste ne saurait pouvoir être caractérisé
comme totalement (ou définitivement) bon ou mauvais : ils sont un peu l’un,
un peu l’autre, ou bien glissent progressivement d’une nuance à une autre.
En résumé, la Dark Fantasy est caractérisée par :
Une action soit vue du côté des « méchants », soit mettant en jeu des
protagonistes et antagonistes à la psychologie complexe, ni ou à la fois
bons et mauvais, faits d’un continuum infini de nuances de gris, sans
blanc ou noir purs.
Une action caractérisée par sa violence, son côté explicite, ses éléments
horrifiques.
Le fait que la romance y ait souvent une place importante MAIS qu’elle
puisse être évacuée sans faire s’effondrer l’intrigue (faute de quoi c’est
en fait de la Paranormal Romance).
Il n’y a que deux univers en tout, s’il y en a plus ça relève d’autres sous-
genres.
N’importe qui peut franchir ce portail, il n’y a pas de notion d’« élu »
(sinon c’est de la Crossworlds Fantasy).
Fantasy politique
Les deux dernières catégories ne sont pas reconnues comme des sous-
genres à part entière par tout le monde (c’est plutôt une conception anglo-
saxonne que française), mais davantage comme une thématique qui vient
s’ajouter à un sous-genre bien établi, comme la Fantasy épique ou la Dark
Fantasy. Ces catégories sont la Fantasy politique et la Fantasy militaire.
Il y a finalement peu de choses à expliquer à propos de la politique, le
nom se suffit à lui-même : elle décrit les grandes manœuvres… politiques soit
à l’intérieur d’un seul et même royaume, soit entre royaumes rivaux. Parfois,
elle peut aussi concerner une rébellion qui lutte contre un seigneur local ou un
souverain tyrannique, ou qui essaye de regagner la liberté confisquée par un
envahisseur (Vif-argent de Stan Nicholls).
Ce sous-genre a lui-même des variantes ou sous-catégories, comme la
Court Intrigue Fantasy (qui se consacre exclusivement aux intrigues de cour –
cf. le cycle des Princes d’Ambre de Roger Zelazny) par exemple. Il a donné
naissance à quelques-unes des sagas les plus populaires, emblématiques ou
réussies de la Fantasy, comme Le Trône de fer, La Trilogie de l’Empire de
Janny Wurts / Raymond E. Feist ou de nombreuses œuvres de Guy Gavriel
Kay, comme Les Lions d’Al-Rassan, Les Chevaux célestes ou sa suite, Le
Fleuve céleste.
Fantasy militaire
Cette fois, le terme est trompeur : toute Fantasy comprenant des
guerriers, des soldats ou des batailles ne relève pas de ce sous-genre ! Ce qui
le caractérise, c’est le fait que la narration et l’intrigue se focalisent sur la vie
des soldats (et des troufions de base ou des sous-officiers, pas des gradés,
champions et autres commandants de l’unité), sur la guerre ou sur une unité
spécifique.
Là encore, ce sous-genre a donné naissance à certaines des œuvres les
plus populaires de la Fantasy. Jugez plutôt : La Compagnie noire, La Première
Loi de Joe Abercrombie, Le Livre Malazéen des Glorieux Défunts… il ne
s’agit que de trois exemples les plus emblématiques d’une galaxie de romans
et de cycles pouvant être classifiés en Fantasy militaire. C’est aussi un sous-
genre qui a évolué ces dernières années, et qui peut être considéré comme
étant à la pointe d’un certain renouveau de la Fantasy dans son ensemble. En
effet, via son sous-genre fils, la Flintlock Fantasy (présentée en amples détails
dans la partie suivante), il tente de s’affranchir des influences historiques,
géographiques, mythologiques, culturelles et technologiques qui ont cloisonné
la fantasy pendant un nombre effarant de décennies dans un éternel contexte
médiéval-fantastique d’inspiration européenne et celto-romano-nordique.
La Fantasy militaire est donc probablement un des sous-genres qui
propose les romans cassant le plus les codes, allant au-delà des frontières
finalement étriquées des autres sous-genres pour proposer quelque chose de
neuf et de dépaysant. De Glen Cook il y a trente ans à la Flintlock Fantasy
aujourd’hui, elle a été, et de longue date, aux avant-postes des progrès du
genre tout entier.
QUATRIÈME PARTIE
La fantasy de demain
Dans cette partie, nous allons essayer de voir quels peuvent être les sous-
genres de la Fantasy « de demain ». Sous ce terme seront regroupées deux
choses différentes : d’abord, les sous-genres qui peuvent renverser la table et
établir de nouveaux standards qui remiseront les catégories historiques (High
Fantasy, etc.) au rang de dinosaures, ringards et en voie de disparition ;
ensuite, les sous-genres pour l’instant relativement mineurs (ou d’émergence
très récente et toujours en développement), qui pourraient bien devenir les
sous-genres majeurs de la Fantasy des années 2020 et plus. Comme nous le
verrons, l’un n’implique pas forcément l’autre : la Fantasy criminelle, par
exemple, ne révolutionne en rien le genre, mais de plus en plus de livres
relèvent pourtant de cette catégorie. À tel point d’ailleurs qu’elle commence à
saturer certains lecteurs !
Gaslamp Fantasy
Contrairement aux âneries que l’on peut lire sur le Net, la Gaslamp n’est
pas un sous-genre ou une variante du Fantastique (cela n’aurait strictement
aucun sens lorsqu’on connaît la ou plutôt les définitions possibles de ce
dernier), mais bel et bien de la Fantasy. Elle adopte ce que l’on pourrait
appeler une esthétique steampunk (et victorienne / edwardienne, ou parfois
liée à la Régence –l’anglaise) sans que l’action se déroule forcément dans
notre monde (mais plutôt dans un univers imaginaire), sans qu’il y ait toujours
un aspect uchronique, ni obligatoirement de science rétrofuturiste. En
revanche, les aspects fantastiques (magie, créatures et races extraordinaires,
etc.) sont beaucoup plus présents que dans le Steampunk. La difficulté à
distinguer, parfois, les deux vient du fait que bien des précurseurs du
Steampunk laissaient une place beaucoup plus importante au surnaturel que
les livres modernes relevant de ce genre ne le font (le plus souvent). Certains
distinguent les deux par le fait que les livres de Gaslamp Fantasy ne
comprennent pas (ou très peu) d’élément « punk », à savoir nihiliste, cynique,
dystopique, lugubre, etc. Enfin, ce sous-genre présente des caractéristiques
communes avec le roman gothique.
Arcanepunk
L’Arcanepunk peut poser un problème en termes de classification :
jusqu’ici, il n’apparaissait que comme une variante de la Science fantasy, mais
la situation est sans doute plus complexe. En effet, ce sous-genre aux limites
floues (tout comme la Science fantasy, au passage) rassemble des romans très
différents, dont certains peuvent au contraire être considérés comme des
évolutions de la Flintlock ou de la Gaslamp Fantasy.
Mais d’abord, tentons de définir ce sous-genre : selon les spécialistes
anglo-saxons, les romans d’Arcanepunk sont caractérisés par un contexte où
la magie ET la technologie coexistent, et surtout (c’est le point important) où
la société en est au moins à l’ère industrielle.
Jusqu’ici, les choses sont claires : elles se compliquent lorsqu’on sait que
ces livres peuvent concerner une uchronie du monde réel ou un monde
e
secondaire, et un niveau de technologie type , e, e
siècle, voire
encore plus futuriste. Si je prends les deux exemples les plus emblématiques
du genre, le jeu de rôle Shadowrun (qui se passe dans une uchronie mêlant
e
magie, créatures / races fantastiques et cybertechnologie du siècle) et le
cycle The Craft Sequence de Max Gladstone (qui se déroule dans un monde
secondaire), vous vous rendez facilement compte que la même étiquette
(Arcanepunk) peut être attribuée à des contextes qui, au final, sont
profondément différents.
Tout se complique encore lorsqu’on tente, outre ses limites, de retracer les
origines du genre (c’est un des gros intérêts de la taxonomie des littératures de
l’imaginaire, au passage) : le suffixe -punk tendrait à en faire un dérivé du
Steampunk, mais avec une technologie (éventuellement) plus avancée (et la
présence de magie pour ceux qui ont tendance à exclure la sorcellerie du
Steampunk pur et dur –pour plutôt la placer dans la Gaslamp Fantasy), ce qui
permet d’ailleurs de différencier les livres relevant de l’un ou de l’autre (en
plus de la présence non obligatoire du cadre victorien en Arcanepunk).
Cependant, une autre approche est possible : certains spécialistes anglo-
saxons parlent d’Arcanepunk Fantasy, ce qui ferait donc de ce courant un
dérivé (éventuellement) plus avancé technologiquement (et de cadre pas
obligatoirement victorien) de la Gaslamp Fantasy, et donc un sous-genre de la
Fantasy et non du Steampunk ou de la Science fantasy. C’est sans doute
l’approche qui convient le moins. Au final, si l’Arcanepunk peut relever de la
Science fantasy (même si toute Science fantasy n’est évidemment pas de
l’Arcanepunk), voire du Steampunk, c’est encore en tant que déclinaison de la
Fantasy (évolution technologique de la Flintlock ou la Gaslamp) qu’il trouve
le mieux sa place sur le plan taxonomique.
Deux caractéristiques sont à retenir : un côté « utilitaire » de la magie,
très intégrée à la vie quotidienne ou aux processus de l’entreprise ou des
industries, et surtout une atmosphère très noire, parfois même dystopique.
Cette présence particulièrement visible de la sorcellerie constitue la principale
différence entre l’Arcanepunk de l’Urban Fantasy, où créatures et
phénomènes surnaturels sont cachés au commun des mortels.
Contrairement à ce que l’émergence récente de Max Gladstone (qui, au
passage, qualifiait, à sa sortie, le premier roman de son cycle de
« Steampunk-Urban Fantasy ») peut laisser penser, l’Arcanepunk est
beaucoup plus ancien qu’on ne le croit : Shadowrun, par exemple, a été pour
la première fois publié en… 1989. Il est très probable qu’avec l’essor actuel
de la Fantasy postmédiévale (au moins dans l’édition et le lectorat anglo-
saxon…), ce sous-genre soit appelé à se développer, que ce soit en termes de
nombre d’auteurs, de ventes ou de notoriété, dans les toutes prochaines
années.
Fantasy « exotique »
Changer la période historique servant d’inspiration et/ou le niveau de
technologie, c’est bien. Changer de civilisation et de mythologie est également
une piste intéressante. Nous appellerons Fantasy « exotique », ou Fantasy
« d’ailleurs » (sous-entendu : ailleurs qu’en Europe) les œuvres qui explorent
ces nouveaux territoires. Car s’il est un point commun à tous les sous-genres
(à part l’Urban Fantasy) et à 95% (minimum) de la Fantasy publiée, c’est
qu’elle s’inspire toujours des mêmes civilisations, cultures, pays et mythes :
ceux de l’Europe. Comptez le nombre de fois où le panthéon local est
d’inspiration chrétienne / romaine / celte / grecque / scandinave, le nombre de
fois où le décor géographique, social et culturel ressemble à l’Europe
médiévale…
Certains auteurs ont donc choisi de s’inspirer d’autres civilisations,
d’autres religions. Notez que le changement peut ne pas être total, c’est-à-dire
qu’on peut prendre un élément « exotique » et le mêler à un cadre qui se
rapproche beaucoup de la « standard ». Prenez Stefan Platteau avec son cycle
Les Sentiers des astres, par exemple : les noms des personnages et la
mythologie sont nettement influencés par l’Inde et l’hindouisme, mais le reste
est beaucoup plus classique. Dans la plupart des cas, cependant, le
changement est total : des ethnies aux noms en passant par le panthéon et le
paysage, l’auteur change complètement d’environnement par rapport au cadre
européen médiéval-fantastique banal. Prenez la Trilogie de l’Empire de Feist /
Wurts par exemple : l’inspiration mélange Chine (surtout), Japon, mais aussi
un poil d’empire aztèque, et pratiquement rien ne vient rappeler l’Europe, sa
religion ou ses paysages.
Les sources d’inspiration sont multiples, et à chacune correspond son
propre sous-genre. Par souci de simplicité nous les avons tous regroupés ici
sous une catégorie unique, Fantasy « exotique », mais les spécialistes en
distinguent plusieurs, les plus connues étant :
Inspiration (pays situés sur la) route de la Soie (donc ni Europe, ni Chine,
ni Japon) : Silk Road Fantasy.
Fantasy historique
Il est malaisé de caractériser la Fantasy historique, tout simplement parce
qu’il n’en existe pas une seule définition… mais quatre !
Fantasy criminelle
Les crapules et la Fantasy, c’est une vieille histoire d’amour : la présence
de voleurs et autres truands remonte quasiment aussi loin que les origines du
genre. Pendant très longtemps, la référence absolue a été Fritz Leiber et son
Cycle des épées, récemment éclipsé par Scott Lynch et ses Salauds
Gentilshommes.
Ces dernières années, ce sous-genre a connu une
croissance absolument explosive : Fantasy de
gendarmes et de voleurs (Mage de sang de Stephen
Aryan), Fantasy des bas-fonds (Wastburg de Cédric
Ferrand), des assassins (La Voie des ombres, par
Brent Weeks), des escrocs (Les Mensonges de Locke
Lamora, par Scott Lynch), des justiciers, avec un
parfum de polar (Le Baiser du rasoir de Polansky),
Fantasy mafieuse (Princes de la pègre de Douglas
Hulick), et j’en passe. Sans oublier L’Empire ultime de Brandon Sanderson,
évidemment.
En se basant uniquement sur le nombre de livres parus et leur succès, la
Fantasy criminelle pourrait d’ores et déjà être considérée comme un sous-
genre majeur… sauf que c’est, en exagérant un peu, un sous-genre presque
mort-né. En effet, le marché a été saturé un peu trop vite par une pléthore de
livres relevant de ce registre, et même les lecteurs les plus en phase avec ce
sous-genre commencent à dire qu’ils en ont assez et ont envie de passer à
autre chose. Sans compter un point important tout autant qu’insidieux : la
légitime interrogation (qu’on peut étendre à la Fantasy politique et militaire,
d’ailleurs) de savoir s’il est pertinent de classer les romans concernés dans une
catégorie à part, ou de simplement considérer que l’aspect criminel n’est
qu’une thématique, une « saveur », une ambiance surajoutée à un genre
mainstream, le plus souvent la Dark Fantasy.
CINQUIÈME PARTIE
Sous-genres mineurs
de la Fantasy
Light Fantasy
La Light Fantasy (ou Comic Fantasy chez les Anglo-Saxons, Fantasy
humoristique chez nous) est, comme son nom l’indique, caractérisée par son
ton léger / humoristique, parfois (mais pas toujours) parodique d’autres sous-
genres se prenant plus au sérieux (la High Fantasy en tout premier lieu). Alors
attention, la fantasy humoristique a tellement été marquée, dans l’esprit du
lecteur français, par l’image de l’univers de Terry Pratchett qu’il est important
de se souvenir que ce dernier n’en constitue qu’un exemple extrême, et qu’il y
a tout un spectre de livres pouvant être classifiés en Light Fantasy sans pour
autant présenter ce genre de délire.
Ce n’est pas forcément parce qu’il y a deux-trois traits d’humour dans un
roman que cela en fait automatiquement un livre de Light Fantasy : il faut
vraiment que, sous une forme ou une autre (parodie de la Fantasy plus
sérieuse –ou de ses personnages, cf. le légendaire Cohen le Barbare chez
Pratchett–, ajouts d’éléments ridicules ou complètement loufoques, défauts
exagérés des personnages –principaux ou secondaires– qui apportent un
élément comique au héros ou à la réalisation de sa quête, etc.), le côté
humoristique, désinvolte et léger prenne le pas sur tout le reste, ou au
minimum soit présent de façon très significative, à un point tel qu’il sera
automatiquement associé à la présentation de l’œuvre.
Dans l’esprit des gens, la Light Fantasy se réduit le plus souvent à Terry
Pratchett, ce qui revient à oublier qu’il y en a eu bien avant lui (citons Fritz
Leiber ou Lyon Sprague de Camp) et qu’on continue à en sortir après son
décès (cf. le récent Kings of the Wyld de Nicholas Eames, opérant dans le
registre de la parodie). C’est par exemple faire l’impasse sur Piers Anthony et
son (interminable) cycle de Xanth, ou encore sur le très prolifique Tom Holt
(alias K.J. Parker).
Notez que certains opposent Light (dans le sens léger) et Dark Fantasy,
en faisant des genres irréconciliables, alors que d’autres font remarquer que
des livres comme ceux de Joe Abercrombie arrivent à mêler humour et
noirceur en un ensemble harmonieux. Il ne faut pas, non plus, oublier que
l’humour a de multiples dimensions, qu’il s’agisse de la parodie, de l’ironie, de
la satire, etc., et que la plupart des textes rattachés à l’Hyperborée chez Clark
Ashton Smith mêlent étroitement humour (à froid) et horreur parfois
extrême.
Certains d’entre vous risquent de se demander pourquoi, malgré la
notoriété et les ventes de Pratchett, la Light Fantasy n’a pas été classée parmi
les sous-genres majeurs : c’est tout simplement dû au fait que malgré cette
figure de proue (à laquelle on peut aussi associer Piers Anthony, du moins au
sein du lectorat anglo-saxon), la Fantasy humoristique reste,
comparativement, un sous-genre marginal par rapport aux masses de livres de
High, de Dark ou d’Urban Fantasy publiées chaque année. C’est aussi dû au
fait que son influence est restée mince, en tout cas pas à la hauteur de
l’Heroic Fantasy ou de la Sword & Sorcery, qui soit ont inspiré des milliers
d’auteurs, soit au contraire ont impulsé un mouvement devant proposer
quelque chose de radicalement différent (la High Fantasy, où l’aventure ne se
réduit pas à assouvir les désirs égoïstes du héros).
Colonial Fantasy
Comme son nom l’indique, cette Fantasy est modelée sur la période des
empires coloniaux post-1492 et centrée sur… le colonialisme (étonnant,
non ?). Elle peut se dérouler dans le cadre historique, réel, ou dans un monde
complètement imaginaire. Elle peut se placer du côté des colonisateurs… ou
des colonisés.
Ce sous-genre, bien que récent, fait preuve d’une belle vitalité dans
l’édition anglo-saxonne : citons Les Mille Noms de Django Wexler, La
Souveraine des ombres de Chris Evans, Sins of Empire de Brian McClellan,
The Traitor Baru Cormorant de Seth Dickinson, Soul of the World de David
Mealing ou encore Le Sang du dragon d’Anthony Ryan. Si un certain nombre
de ces romans sont avant tout de la Flintlock Fantasy et de la Fantasy
militaire, cela ne veut en rien dire que la Colonial Fantasy se réduit à ces
caractéristiques.
En tout cas, du fait de la profondeur des thèmes forcément abordés
(colonialisme, impérialisme, souvent esclavagisme, etc.), cette Fantasy
s’inscrit dans un certain renouveau du genre qui émerge ces dernières années,
et qui consiste à moins se placer dans une optique de divertissement pur et
plus dans celle de faire réfléchir, qui était jusque là plus typique de la SF que
de la Fantasy. Elle s’inscrit également, de fait, dans le changement de cadre
(s’il se place dans les colonies, il sera forcément d’inspiration non européenne)
et d’époque (qui ne sera pas médiévale) qui est un des axes de renouvellement
du genre, jusqu’ici ultra-marqué par un cadre de type européen à la
technologie et au degré de développement politique et social de type
médiéval.
Fantasy Arthurienne
La Fantasy arthurienne, comme son nom l’indique, exploite la légende du
roi Arthur, de Merlin, d’Excalibur, de Guenièvre, Lancelot, etc. Cela peut se
faire selon deux perspectives : raconter à nouveau cette histoire mais cette fois
vue au travers d’un prisme fantastique, ou s’en inspirer, créant un monde et
des personnages qui, en tout sauf en nom, rejoueront une partition identique
ou similaire.
De nombreux auteurs et cycles emblématiques opèrent dans ce registre :
citons évidemment Marion Zimmer Bradley et son cycle d’Avalon, mais aussi
le cycle Les Pierres du pouvoir par David Gemmell, le cycle de Pendragon de
Stephen Lawhead ou encore le cycle Renégat (arthurien et… Dark Fantasy !)
de Miles Cameron.
Et puis évidemment, comment ne pas citer notre Kaamelott national, qui
mêle aux codes arthuriens ceux de la Fantasy popularisés par le jeu de rôle
(AD&D et Warhammer en tout premier lieu, avec notamment la mention de
Skavens –hommes-rats popularisés par le second) ?
Fantasy érotique
Il existe de nombreux sous-genres des littératures de l’imaginaire qui se
concentrent sur les relations amoureuses (pas forcément les relations
charnelles, mais plutôt les liens de nature romantique entre deux individus).
Selon la part que prend la romance dans l’intrigue, la nature du monde
(imaginaire ou réel, médiéval ou moderne) et le niveau de détails dans la
description des relations sexuelles entre les personnages, on distingue la
Romantic Fantasy (médiévale-fantastique), la Paranormal Romance (plutôt
urbaine et moderne) et la Fantasy érotique. Ce qui différencie cette dernière
des deux autres est essentiellement son côté explicite, puisqu’elle décrit avec
d’amples détails ce que les autres se contentent de suggérer.
Notez, pour l’anecdote, que certains distinguent la Romantic Fantasy (où
les éléments fantastiques sont prédominants) de la Fantasy Romance, où
l’emphase est plutôt mise sur la romance que sur ces derniers.
Même au sein de la Fantasy érotique, il y a des gradations, certains
romans étant à la limite du porno, le cadre fantastique, l’intrigue et la
caractérisation des personnages y occupant parfois une place très réduite. On
pourrait résumer cela en disant que, alors que dans un livre de Romantic
Fantasy / Paranormal Romance / Erotic Fantasy « normal » il y a un plus ou
moins grand nombre de scènes amoureuses plus ou moins explicites insérées
dans une intrigue, dans ce genre de porno-fantasy, il y a une très vague
intrigue insérée (lorsqu’on y pense…) entre une multitude de scènes de sexe
ultra-explicites.
Sur le net, certains spécialistes contestent l’existence de l’Erotic Fantasy
en tant que sous-genre à part entière, parlant de « simple étiquette
marketing ». On peut sans doute considérer la Fantasy érotique comme le
sous-sous-genre qui ne saurait à lui seul suffire à classer un roman (qui
relèvera donc, à la base, de la Fantasy classique, de l’Urban, etc.), mais qui
donne une idée claire de son ton, de son ambiance, de ce que le lecteur
pourra trouver dedans et du côté explicite ou pas de la chose. On parlera donc
d’ouvrages d’Urban Fantasy ou de Paranormal Romance relevant en plus de
l’Erotic Fantasy, de par la présence de scènes de sexe / érotiques et de leur
côté sulfureux ou explicite.
Il faut aussi prendre en compte le fait que certains livres, et pas des
moindres, ne relèvent pas de l’Urban Fantasy ou de la Paranormal Romance
(soit parce qu’ils ne se passent pas dans un cadre moderne, soit parce que s’il
y a bien du sexe, il n’est nullement question de romance), et peuvent pourtant
être classés dans (voire être emblématiques de) l’Erotic Fantasy. Enfin, le
nombre de romans pouvant être rangés dans ce sous-genre et la notoriété de
leurs auteur(e)s font que nous avons bel et bien affaire à un sous-(ou sous-
sous-)genre à part entière, clairement distinct du reste (de la Fantasy ou
même de la Paranormal Romance), et rendant donc cette notion de « simple
étiquette marketing » inexacte.
Fantasy mythique
Ce sous-genre exploite les codes et les thèmes des mythes, revus selon un
prisme Fantasy. La Mythic Fantasy peut utiliser aussi bien des mythes
existants que d’autres entièrement créés par un auteur et n’ayant aucune
contrepartie historique (c’est ce que l’on appelle la Mythopoeia, du nom d’un
poème de J.R.R. Tolkien).
Le plus souvent, l’échelle épique implique le combat de dieux de
panthéons différents (ou rivaux au sein d’un même panthéon, ou de leurs
champions humains) pour le contrôle / le sort du monde. Un autre thème
commun est de répondre aux grandes questions existentielles, du genre d’où
venons-nous, qui / que sommes-nous, et ainsi de suite.
On peut ranger sous la même bannière les romans de Fairytale Fantasy,
qui reprennent les codes des contes et non des mythes, même si certains en
font deux catégories séparées.
Ce sous-genre a donné naissance à certains des livres les plus
emblématiques de la Fantasy, comme Le Silmarillion de J.R.R. , American
Gods de Neil Gaiman ou La Forêt des Mythagos de Robert Holdstock, mais
aussi à la trilogie de Shiva d’Amish Tripathi, au considérable succès
international et depuis peu disponible en français.
Fantasy of manners
Également Manner Fantasy, ce sous-genre dérive
de la comédie de mœurs, non pas sur un éventuel
aspect humoristique (qui est loin d’être
systématique), mais plutôt sur l’aspect critique
sociale, qui est ici bien plus mis en avant. Il se
caractérise par un milieu (généralement urbain) à la
hiérarchie sociale rigide et complexe, contre laquelle
le ou la protagoniste va devoir lutter. Il se caractérise
aussi par un style très travaillé, que ce soit par un
langage châtié ou au contraire outrancier, et par la
place donnée à l’intrigue (dans le sens complot,
manigances, etc.) dans le scénario. Les éléments de la Fantasy classique
(magie, créatures extraordinaires, etc.) sont en général peu présents (même
s’il y a des exceptions notables, comme Le Fils de l’acier noir de Larry
Correia), voire complètement absents. On ne se bat pas tant contre des
monstres que contre ses compatriotes, contre le système, et moins à l’aide
d’une épée qu’à l’aide de la ruse, de l’intelligence et de l’art de l’intrigue (sauf
chez Larry Correia, où les deux types de combats cohabitent). Bref, c’est de
la Fantasy qui doit presque plus à Jane Austen et aux sœurs Brontë qu’à
Howard ou Tolkien.
C’est Ellen Kushner, autrice de Thomas le rimeur et de À la pointe de
l’épée, qui serait à l’origine du terme. Ce dernier roman est d’ailleurs classé
dans ce sous-genre, tout comme Les Griffes et les crocs de Jo Walton,
Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke, Une histoire naturelle des
dragons de Marie Brennan ou L’Alchimie de la pierre d’Ekaterina Sedia.
Space Fantasy
La Space Fantasy résulte d’un mélange entre les codes du Space Opera
(sous-genre de la Science-fiction) et ceux de la Fantasy. Cela peut se faire de
deux façons : soit les personnages d’un monde de fantasy classique voyagent
dans l’espace par des moyens qui ne relèvent pas de la technologie mais de la
magie (c’est par exemple le cas dans Spelljammer, supplément au jeu de rôle
AD&D2 exploitant un contexte dérivé de l’éther et des sphères de cristal de
Ptolémée), soit, dans un contexte a priori SF, la présence de pouvoirs
surnaturels (typiquement psi / mentaux ou assimilés) et de codes typiques de
la fantasy (aspect initiatique, influence des mythes, etc.) rapproche l’œuvre de
cette dernière. Nous préférons cependant classer ce dernier cas (qui est par
exemple applicable à Star Wars) en Science fantasy plutôt que dans un autre
genre ou sous-genre. Ce sera aussi le cas de cycles comme ceux de Melissa
Scott (Empress of Earth) ou de Glynn Stewart (Starship’s Mage).
Pourquoi, dès lors, ne pas classifier aussi la Fantasy « à la Spelljammer »
de la même façon ? Mais tout simplement parce que la science ne joue aucun
rôle dedans (pas même « esthétique », comme dans Star Wars), et que donc,
on ne peut pas parler de science fantasy : c’est de la Fantasy tout court, mais
qui se passe en partie dans l’espace et sur d’autres planètes. Il ne s’agit pas
davantage de Science fantasy que de Portal ou de Crossworlds Fantasy.
Swashbuckling Fantasy
La Swashbuckling Fantasy (Fantasy de cape & d’épée) est tout
simplement un équivalent pouvant comporter des éléments surnaturels
(magie, créatures ou races fantastiques) et/ou se passant dans un monde
imaginaire (ou pas) des Trois Mousquetaires ou d’œuvres du même genre. Elle
ne doit pas être confondue avec la Flintlock Fantasy (dont elle est un des
précurseurs ou ancêtres) car cette dernière est inspirée d’une époque
e e
ultérieure (début du siècle au lieu du ) et car elle laisse une bien plus
grande part à l’aspect mousquets, canons et magie à grand spectacle. La
Swashbuckling Fantasy est également considérée comme un sous-genre
centré sur une période très précise de la Fantasy historique.
Ce sous-genre s’est révélé assez prolifique et populaire ces dernières
années, et a donné naissance à plusieurs excellentes sagas. Quelques
exemples : cycle des Lames du roi de Dave Duncan, cycle des Lames du
cardinal de Pierre Pevel, cycle des Manteaux de gloire de Sébastien de
Castell. De plus, même s’il est classifié en Flintlock Fantasy, le cycle des
Poudremages de Brian McClellan est également très inspiré par Alexandre
Dumas.
Hard Fantasy
Dans la conception anglo-saxonne de la taxonomie, il existe un sous-genre
de la Fantasy qui est un « analogue » de la Hard SF, et qu’on appelle donc
Hard Fantasy. Bien plus ancienne qu’on ne le croit généralement (certains
romans qui en relèvent datent de… 1941 !), cette catégorie propose un
monde plus réaliste qu’il n’est de coutume en Fantasy. Attention, cela ne veut
pas dire qu’elle exclut forcément les races non humaines, les dragons, la
magie, etc., mais plutôt que la présence de ces derniers éléments est mieux
expliquée, voire expliquée tout court (concernant les semi- ou non humains,
un très bon exemple est donné dans le cycle La Dague et la fortune de Daniel
« The expanse » Abraham / Hanover, une des deux têtes de James S.A.
Corey). De même, les systèmes politiques (Le Trône de fer), économiques
(La Dague et la fortune, encore), la logistique (The Traitor Baru Cormorant,
de Seth Dickinson), l’histoire et les langues (Le Seigneur des anneaux), la
technologie (Les Couleurs de l’acier), voire la technomagie (Le Nom du vent,
qui s’intéresse aussi à la façon dont un étudiant finance ses études de magie –
ce qui ne court pas vraiment les rues en Fantasy-) ou des éléments de
construction similaires sont bien plus soignés que dans les livres de Fantasy
lambda, surtout les plus anciens.
Mais ces romans brillent particulièrement dans la description des
systèmes de magie : les pouvoirs surnaturels, en Hard Fantasy, ne sortent pas
de nulle part, mais ont une origine et des mécanismes bien identifiés, parfois
avec d’amples détails. Brandon Sanderson, Brent Weeks ou Brian McClellan
sont quelques-unes des références dans ce domaine, mais on peut aussi citer
David Mealing.
SIXIÈME PARTIE
Genres et sous-genres en
–punk
Si vous lisez de la SFFF, il est quasiment certain que vous ayez déjà
entendu parler de termes comme Cyberpunk ou du Steampunk, très
populaires en France ces dernières années. Pour autant, vous ne connaissez
peut-être pas forcément la signification du –punk, l’historique de ces genres
ou sous-genres ou le fait qu’ils ont donné naissance à une galaxie de dérivés.
Cette partie du guide a pour vocation de vous expliquer tout cela.
Le point de départ : le Cyberpunk
Certains textes ou auteurs (citons J.G. Ballard et Roger Zelazny), allant de
la fin des années 60 au milieu de la décennie suivante, firent forte impression
sur les jeunes auteurs émergeant dans les années 80, du fait du réalisme de
leurs histoires, moins héroïques et moins marquées par le conservatisme que
celles de leurs prédécesseurs, et parlant d’un futur qui ne serait pas forcément
glorieux. Les deux textes proto-cyberpunks ayant eu le plus d’influence sont
sans aucun doute Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip
K. Dick (adapté par Ridley Scott au cinéma pour donner le film Blade
Runner) et Sur l’onde de choc de l’immense John Brunner. Bref, si on nous
permet un parallèle avec la Fantasy, le Cyberpunk, par rapport à la SF
classique, c’est l’émergence de la Dark Fantasy et de ses antihéros plus
sombres, plus complexes, de son ton plus « réaliste », de son ambiance noire,
de ses mondes crépusculaires, de son anti-altruisme, en complète opposition
par rapport à la High Fantasy qui régnait avant elle.
Le terme « cyberpunk » apparaît en titre d’une nouvelle de Bruce Bethke
en 1983, puis sera popularisé par Gardner Dozois (célèbre anthologiste,
nouvelliste et surtout longtemps rédacteur en chef d’un des plus célèbres
magazines de SF américains) l’année suivante. D’ailleurs, 1984 verra la
parution d’un des romans emblématiques du genre, Neuromancien de William
Gibson (ainsi que de l’incroyable Dr Adder de K.W. Jeter).
Disséquons maintenant ce terme : cyber- vient de cybernétique, à savoir
les implants électroniques que l’homme peut utiliser pour augmenter ses
capacités, pilotant par exemple un véhicule « par la pensée » (par liaison
directe entre son système nerveux et les systèmes électroniques de l’engin),
mais aussi de la place très importante donnée aux réseaux, aux IA et au
hacking dans l’univers (cf. le livre de Brunner) ; -punk (voyou en anglais), lui,
vient de l’aspect nihiliste et de l’ambiance, d’un contexte dystopique où
l’homme a été broyé, déshumanisé (si l’on peut dire) par l’émergence brutale
d’une technologie à la vitesse d’évolution exponentielle, ainsi que par la prise
de pouvoir économique, financière, et parfois politique, voire militaire, des
Corporations (dans le sens économique du terme), qui, dans bien des cas, sont
bien plus puissantes que les gouvernements officiels fantoches. Le
Cyberpunk, c’est l’expression la plus ultime et la plus cauchemardesque d’un
capitalisme et d’un libéralisme économique débridés, dérégularisés, tout-
puissants.
Le futur, quasi invariablement proche (et strictement limité au système
solaire, voire même à la seule Terre), des œuvres Cyberpunk (par opposition
à celui, parfois très lointain, décrit dans la SF classique), est à la fois moins
positif, moins héroïque et surtout moins conservateur que celui des romans de
l’âge d’or. Le protagoniste de Cyberpunk est un antihéros, un être à la marge,
« courant sur le fil du rasoir » (Blade Runner), un anarchiste (et souvent
pirate informatique) luttant contre un pouvoir (corporatiste) dépourvu de
toute éthique. En somme, un David combattant un Goliath qu’il n’a aucune
chance de vaincre et qu’il finit (parfois à son insu) par servir. L’ambiance est
noire, dérivée des romans du même nom et du polar (qui marque très
fortement de son empreinte certains ouvrages Cyberpunk), lugubre,
crépusculaire, le ton cynique, la violence omniprésente. Les personnages se
débattent avec de nouveaux modes de vie qui évoluent presque trop vite pour
eux (ce qui, d’un autre côté, est une antithèse voulue avec le fort
conservatisme de la SF antérieure, où on vit en l’an 2500 comme dans
l’Amérique des années 50). Le Cyberpunk dénonce aussi une certaine
superficialité, une dictature du paraître, où les jambes de chrome ne sont pas
forcément une prothèse pour quelqu’un qui a perdu les siennes ou pour un
soldat qui veut améliorer ses capacités au combat, mais un pur accessoire de
mode, parce que leur galbe parfait et leur éclat fascinant sont tendance.
D’une façon finalement assez cocasse, le Cyberpunk fut lui-même victime
de son propre choc du futur : les progrès technologiques furent tellement
rapides (dans le monde réel) que les implants cybernétiques et les réseaux
primitifs du Cyberpunk furent bien vite vus comme déjà obsolètes (pour ne
pas dire ringards) quelques années à peine après la parution des romans
concernés. Cela conduisit certains auteurs à proposer quelque chose plus en
phase avec les perspectives offertes par la science et la technologie réelles ; de
plus, alors que le Cyberpunk se posait en antithèse d’un certain futur
conservateur et béat tel que décrit avant lui, certains écrivains ont cherché à
en garder le squelette (le rapport, dans un futur proche, de l’humain avec des
technologies émergentes ou de nouveaux modes de vie), mais sans le côté
noir, à la marge et dystopique du Cyberpunk classique. Bref, le
Postcyberpunk était né.
Postcyberpunk
Le Postcyberpunk, dont on peut faire remonter
l’acte de naissance à la publication de Snow Crash /
Le Samouraï virtuel de Neal Stephenson en 1991,
reprend certains des thèmes ou codes du Cyberpunk
(futur proche, limité le plus souvent en termes
d’expansion de l’homme dans l’espace –mais pas
toujours, cf. la trilogie Altered Carbon / Carbone
modifié–, homme confronté à l’émergence rapide de
nouvelles technologies et/ou modes de vie), mais
avec une différence considérable : le ton. Il n’est plus
forcément question de faire dans le lugubre,
l’antihéros marginal évoluant dans une société dystopique (encore que,
Kovacs, une fois encore…) avec une attitude nihiliste disparaît au profit soit
d’un individu intégré dans sa société, soit de quelqu’un décidé à faire bouger
les choses dans le bon sens. Mais surtout, le rapport à la technologie (ou aux
modes de vie émergents) a beaucoup changé, il est en général plus apaisé,
plus sain. Un des dérivés récents du Postcyberpunk, le Solarpunk, fait même
de ce futur un cadre où l’écologie est une valeur suprême et où les
corporations, si elles sont certes puissantes, sont aussi beaucoup plus
« vertueuses » que dans un livre Cyberpunk classique (voir plus loin).
Cette différence de ton est une manière de définir le Postcyberpunk. Une
autre est de dire qu’on peut très bien avoir un ton (presque) aussi noir que
dans le Cyberpunk classique, mais qu’en revanche la nature de la technologie
au centre de l’univers sera différente, nettement plus perfectionnée : exit les
implants électroniques du Cyberpunk à papa (et ses réseaux informatiques qui
nous paraissent complètement folkloriques au regard des standards
modernes), voici venir la génétique et les nanomachines.
Dans tous les cas (rapport aux changements de paradigme, forme que
prend la société, insertion du protagoniste dans cette dernière, maturité de la
technologie. Notamment des réseaux ou d’augmentation des possibilités du
corps humain), on peut analyser le Postcyberpunk comme étant une forme
plus mature, réaliste, nuancée (la technologie a des points négatifs, peut être
aliénante, mais est aussi un facteur positif, étendant les possibilités humaines :
tout dépend de l’usage que l’on en fait) du Cyberpunk classique, ce qui est
ironique lorsqu’on se souvient qu’à l’origine, ce dernier se positionnait
exactement de la même façon par rapport à la SF parue avant lui.
Notez que de nos jours, le Postcyberpunk ne coexiste pas avec le
Cyberpunk « classique », mais l’a remplacé. Par contre, il existe en parallèle
d’autres sous-genres, considérés ici comme des dérivés, mais que certains
placent sur le même plan que lui (partant du principe que le Postcyberpunk,
pas obligatoirement nihiliste, n’est pas le genre parent d’un Biopunk
majoritairement assez noir, par exemple) : il s’agit du Biopunk, du Nanopunk
et du Solarpunk.
Biopunk
Le Biopunk est parfois appelé Ribofunk, voire
Ribopunk, en référence au ribosome, la pièce
maîtresse de la machinerie cellulaire dans la
traduction de l’ADN (ou plutôt de l’ARNm) en
protéines de structure ou métaboliques. Il est l’enfant
à la fois du Cyberpunk et du Postcyberpunk : il
hérite du second une emphase sur des technologies
avancées, non centrées sur l’informatique, les
réseaux ou la cybernétique, et du premier un ton
souvent très noir, une emphase sur les horribles
expériences génétiques menées par des
gouvernements ou des corporations sans scrupules. Des multinationales qui
cherchent soit le contrôle des masses, soit le profit à n’importe quel prix. Il se
penche aussi sur les dangers et la face sombre des biotechnologies, de la
génétique, du clonage, etc. Un thème possible est aussi la stratification sociale
créée entre ceux qui peuvent se payer les dernières bioaméliorations et ceux
qui ne le peuvent pas (comme dans le film Bienvenue à Gattaca).
Comme son nom l’indique, le Biopunk se concentre sur les
biotechnologies, la génétique, la création de drogues régulant les fonctions
métaboliques dans un sens ou un degré inédit, celle de « robots biologiques »,
de variantes « améliorées » de l’humanité et ainsi de suite.
Bien que l’on situe sa naissance en 1985, certains de ses romans ou
recueils de nouvelles les plus emblématiques ne verront le jour qu’une
décennie plus tard. On peut lire sur le Net que ce sous-genre bien plus
méconnu du grand public que le Cyberpunk est un peu mort-né, tant il s’est
révélé peu prolifique. Àune nuance près : s’il ne rassemble, certes, que peu de
livres, ceux-ci sont en général de grande qualité.
Nanopunk
Le Nanopunk relève de la même philosophie générale que le Biopunk
(remplacer la cybernétique et les technologies de l’information par une autre
science, plus avancée), mais substitue aux bio- les nanotechnologies, encore
plus pointues. De plus, il est globalement moins noir que le Biopunk. C’est
encore un genre relativement émergent, loin d’avoir atteint une hypothétique
maturité, mais qui a lui aussi déjà donné naissance à des œuvres très
intéressantes.
Les deux références en matière de Nanopunk sont L’Âge de diamant de
Neal Stephenson ainsi que la majorité de l’œuvre de Linda Nagata (dont Aux
marges de la vision), mais on peut aussi citer La Proie de Michael Crichton,
La Maison des derviches de Ian McDonald ou encore Bloom (en VO) de Wil
« Collapsium » McCarthy.
Solarpunk
Le Solarpunk est un sous-genre encore émergent, à tel point que certains
doutent même de l’intérêt, à ce stade, d’en faire une nouvelle catégorie dans
l’arborescence déjà très complexe qu’est la taxonomie de l’imaginaire.
Son but est de prendre le contre-pied complet du suffixe , en proposant
une atmosphère positive, un futur qui ne fait pas peur, dépourvu de guerres
ou de catastrophes, avec une préoccupation écologique qui est au centre de
tout. Chose incroyable, les corporations y ont même un comportement
décent, et ne représentent pas le mal (capitaliste) absolu, omnipotent, prêt à
tout pour une poignée de dollars.
Un bon exemple de ce nouveau courant est le cycle Les Enfants de
Poséidon d’Alastair Reynolds.
Clockpunk
Le Clockpunk, c’est du rétrofuturisme avec une technologie non pas
basée sur la vapeur, mais sur les engrenages et les ressorts, de type
Renaissance. Certains y classent L’Alchimie de la pierre d’Ekaterina Sedia, et
on pourrait aussi y ajouter L’Automate de Nuremberg de Thomas Day. Les
autres romans considérés comme emblématiques de ce sous-genre sont trop
obscurs ou ont reçu des critiques trop mitigées pour avoir attiré l’attention du
grand public. Si l’on prend en compte l’aspect « révolution industrielle à la
Renaissance », on peut enfin citer Les Conjurés de Florence de Paul McAuley.
Dieselpunk
Alors que le Steampunk s’inscrit dans l’ère victorienne et celle de la
vapeur, le Dieselpunk (terme apparu en 2001) couvre la période allant de la
Première Guerre mondiale au début des années 50, mais toujours avec un
aspect à la fois rétrofuturiste et uchronique. Certains placent même le curseur
à la seule période de l’entre-deux-guerres, mais l’abondance d’uchronies liées
à la Seconde Guerre mondiale dans ce sous-genre rend cette approche peu
pertinente.
Le ton des livres concernés se place quelque part entre le Rétrofuturisme,
l’Uchronie, le roman noir et le pulp, avec parfois une touche d’horreur ou de
magie / surnaturel. Certains classent d’ailleurs le cycle des Chroniques du
Grimnoir de Larry Correia dans le Dieselpunk. Qui est d’ailleurs lui-même
divisé par certains en deux sous-sous-genres, un dystopique et un autre plus
utopique. On peut aussi citer la trilogie Young Adult, Léviathan de Scott
Westerfeld (bien que lui-même ne soit pas d’accord et classe plus volontiers
sa série dans le Steampunk mainstream).
Atompunk
L’Atompunk concerne, lui, la période comprise entre 1945 et 1965, celle
du communisme, de la guerre froide, de la course aux armements et à
l’espace. Sauf qu’avec des rayons de la mort, c’est encore plus rigolo. Ce n’est,
pour l’instant, pas un genre particulièrement prolifique ou ayant attiré / fait
émerger des auteurs connus, mais il est, logiquement, destiné à se développer
au fur et à mesure qu’une certaine lassitude se fera sentir par rapport au
Rétrofuturisme victorien.
Gaslamp Fantasy
La Gaslamp est, comme son nom l’indique, à la fois un dérivé du
Steampunk et un sous-genre de la Fantasy. Elle adopte ce que l’on pourrait
appeler une esthétique steampunk (et victorienne / edwardienne, ou parfois
liée à la Régence) sans que l’action se déroule forcément dans notre monde
(mais plutôt dans un univers imaginaire), sans qu’il y ait toujours un aspect
uchronique, ni obligatoirement de science rétrofuturiste. Par contre, les
aspects fantastiques (magie, créatures et races extraordinaires, etc.) sont
beaucoup plus présents que dans le Steampunk. La difficulté à distinguer,
parfois, les deux vient du fait que bien des précurseurs du Steampunk
laissaient une place beaucoup plus importante au surnaturel que les livres
modernes relevant de ce genre ne le font (le plus souvent). Certains
distinguent les deux par le fait que les livres de Gaslamp Fantasy ne
comprennent pas (ou très peu) d’élément « punk », à savoir nihiliste, cynique,
dystopique, lugubre, etc. Enfin, ce sous-genre présente des caractéristiques
communes avec le roman gothique.
Silkpunk
Ce terme, et ce sous-genre dérivé du Steampunk, a été créé par Ken Liu
dans le cadre de son premier roman proprement dit, La Grâce des rois.
Pour résumer, le Silkpunk reprend la logique de la Gaslamp Fantasy, à
savoir le recyclage de certains codes du Steampunk dans un monde
secondaire / une variation uchronique du nôtre et dans une optique Fantasy,
avec magie et/ou créatures –races fantastiques PLUS de la science
(rétrofuturiste ou pas). Le Silkpunk, cependant, substitue à l’inspiration
victorienne de la Gaslamp un cadre sinisant (d’où le silk – soie en anglais). De
plus, comme l’explique Liu, alors que les autres sous-genres en -punk dérivés
du Steampunk sont tous basés sur une source d’énergie particulière (vapeur,
diesel, atomique, etc.), le Silkpunk, lui, est basé sur une esthétique, des
matériaux (le bambou ou la soie, par exemple, associés aux civilisations
asiatiques).
Pour l’instant, le Silkpunk est un sous-genre encore balbutiant,
principalement incarné par les romans de Fantasy de Ken Liu, même si
d’autres auteurs commencent timidement à pointer le bout de leur nez. On
peut douter de son essor (la Fantasy asiatique n’est, notamment, pas populaire
en France, encore moins que l’arabisante), mais le Silkpunk pourrait
constituer une alternative à la très dynamique Gaslamp Fantasy une fois
qu’auteurs, éditeurs et lecteurs se seront lassés du cadre victorien. De plus, il
est tout à fait possible que le Silkpunk ouvre la porte à d’autres sous-genres
mélangeant certains codes du Steampunk à ceux de la Fantasy dans des
cadres exotiques (= non inspirés par l’Europe médiévale) : imaginez, par
exemple, le potentiel d’une Fantasy maya / inca / aztèque mêlant magie,
technologie à vapeur, gadgets rétrofuturistes et armes à feu…
SF d’anticipation
On a tendance à placer toute l’Anticipation au sein de la SF ; pourtant
certains romans d’Anticipation qui se déroulent, par définition, dans le futur,
ne donnent aucun rôle à la science. Un exemple : Soumission de Michel
Houellebecq relève de l’Anticipation, mais de la politique-fiction et pas de la
SF. Nous nous concentrerons ici sur la SF d’anticipation, l’Anticipation étant
un genre à part entière et pas (seulement) un sous-genre de la SF. Remarquez
d’ailleurs que si toute l’Anticipation n’est pas de la SF, inversement toute la
Science-fiction n’est pas de l’anticipation, puisqu’elle peut se dérouler dans le
présent (et pas dans le futur), voire le passé, et/ou abandonner toute
prétention à décrire de façon plausible ce qui pourrait arriver pour au
contraire s’axer sur l’épique ou le merveilleux.
De même, grande est la tentation de mettre dans
le même sac SF d’anticipation et dystopique (voire
post-apocalyptique), mais tous les livres relevant de
la première ne sont pas dystopiques (certains
présentent même des utopies) ou ne décrivent pas
des écosystèmes ou des sociétés ravagées. On
considérera que les SF dystopique et post-
apocalyptique sont des sous-genres ou des variantes
de la SF d’anticipation, même si cette position peut
être contestée, au moins sur des exemples
spécifiques (si on ne connaît pas la cause de
l’apocalypse et qu’on nous décrit un monde où la technologie n’est plus
présente ou en décrépitude, peut-on vraiment parler de SF ou juste
d’anticipation ?).
L’Anticipation en général consiste à extrapoler certaines tendances
(sociales, politiques, économiques, technologiques, etc.) présentes au moment
où le roman est écrit et de les appliquer à un futur plus ou moins lointain. La
SF d’anticipation se concentre spécifiquement sur tout ce qui est lié à la
science et à la technique ou en tout cas qui met en jeu un contexte dans lequel
la science joue un rôle de premier plan (comme la vie sur un satellite ou une
autre planète du système solaire, par exemple).
Une SF qui tente d’extrapoler les tendances actuelles dans un futur plus
ou moins lointain, soit celles de la science, soit d’autres domaines,
mais dans un cadre fortement influencé par la science.
Space Opera
Au commencement de l’histoire moderne de la SF, à l’ère des Pulps
(magazines américains imprimés sur du papier bon marché), était le Space
Opera. Celui-ci a été créé / formalisé par deux auteurs, E.E. « Doc » Smith et
Edmond Hamilton (le créateur du Capitaine Flam, appelé Capitaine Futur
dans l’édition française des romans). À l’origine, le terme est péjoratif, et
employé par les détracteurs de cette littérature par analogie avec le fameux
Soap Opera. Héritier direct des romans d’aventures, du western, des récits
d’exploration de continents exotiques et inconnus et de la littérature navale, le
Space Opera en reprend l’ADN, sinon certains des codes : aventure est le
maître mot, les étendues inexplorées de la galaxie remplacent celles de
l’Afrique ou de l’Amérique du Sud, le blaster remplace le six-coups et le
vaisseau spatial le navire ou le chariot bâché.
Ce qu’il faut bien retenir dans le Space Opera de l’âge d’or de la SF (avant
les années 60), c’est qu’il s’agit d’une littérature hautement épique et
héroïque : les protagonistes sont des surhommes et des parangons du bien, de
la vertu et de la morale, l’échelle (notamment de taille et de nombre de
vaisseaux, de puissance des armes et d’étendue spatiale couverte) démesurée,
l’antagoniste est complètement mauvais et inimaginablement puissant, et c’est
le sort du monde, voire de la galaxie ou de l’univers, qui est en jeu, rien de
moins. On remarquera d’ailleurs les convergences avec l’univers des
superhéros (sa démesure, son manichéisme), ce qui n’est guère étonnant
connaissant le parcours professionnel de pionniers du genre comme Edmond
Hamilton. La forte présence de pouvoirs psi dans ce genre de SF est d’ailleurs
un facteur de rapprochement supplémentaire.
La guerre, les combats et l’action y sont très présents, mais il ne faudrait
pas pour autant confondre le Space Op’avec la SF militaire : on est adepte des
armes, certes, on se bat (souvent), mais on est et on reste un aventurier (un
civil, un paramilitaire tout au plus), libre de ses mouvements, et non un soldat
d’une armée officielle soumis à des supérieurs. De plus, certains livres de SF
militaire se passent sur Terre / une seule planète, et n’impliquent pas les
combats spatiaux ou les contextes multiplanétaires qui caractérisent le Space
Opera. Enfin, certains livres de SF militaire (tendance Joe Haldeman /
antimilitariste) proposent une réflexion morale sur la guerre qui va bien au-
delà du simple aspect aventure galactique et de l’aspect épique des titanesques
batailles décrites.
Histoire de donner des points de comparaison à ceux qui lisent peu de SF,
mais connaissent en revanche un minimum la Fantasy, le Space Opera « old
school » (par opposition au New Space Opera, postérieur) ressemble à une SF
qui aurait la démesure de la épique, l’absence d’ambiguïté morale et de la
nette polarisation méchants / gentils de la High Fantasy et une psychologie
des personnages brossée à grands traits archétypaux et immuables dans la
veine de l’Heroic Fantasy.
Un point capital à retenir est la notion de sense of wonder, ce sentiment
d’émerveillement (parfois d’effroi, de sidération) et/ou d’épiphanie créé par
les vastes échelles spatiales et temporelles, les merveilles de l’univers, les
miracles technologiques ou le côté épique des grandes conflagrations
militaires étroitement associé au Space Opera, sous-genre de la SF mettant le
plus en avant l’exploration spatiale et les contextes multi-planétaires.
Planet Opera
Le Planet Opera est une variante du Space
Opera qui se concentre sur une seule planète et son
exploration complète par le lecteur. En général, elle
possède au moins une caractéristique très
inhabituelle qui en fait tout l’intérêt et lui donne une
importance cruciale dans l’univers du roman (on
pensera bien entendu à Arrakis et à son épice en
lisant ces lignes). Planète est d’ailleurs un terme un
peu abusif, puisque l’objet en question peut tout
aussi bien être une structure artificielle de taille
planétaire (voire même plus grand), comme
l’Anneau-monde de Larry Niven, par exemple (certains classifient ce genre de
livre à part, dans une catégorie appelée SF à BDO –Big Dumb Objects). Notez
que les Anglo-Saxons, qui appellent plutôt ce genre Planetary Romance, en
font un fourre-tout bien plus large, qui comprend des livres que nous
classifierions plutôt en Science fantasy, voire en Fantasy tout court.
Le Planet Opera est moins inspiré par les romans d’aventures, de
littérature navale ou militaire que par les ouvrages centrés sur l’exploration de
continents encore largement inconnus et toujours hautement mystérieux.
Nouvelle Vague de la SF
Dans les années soixante émerge une nouvelle génération d’écrivains qui
rejette en bloc tout ce qui caractérise (à leurs yeux) le Space Opera de l’âge
d’or : la pauvreté de l’écriture, le divertissement pour le divertissement, le
culte des armes et la glorification de la guerre, les personnages
monodimensionnels, l’emphase mise sur les sciences dures, etc.
Issu de la contre-culture, ce courant littéraire (surnommé « Nouvelle
Vague », par analogie avec celle du cinéma français) avait pour ambition de
proposer une Science-fiction plus littéraire (en appliquant à la SF les
techniques d’écriture de la littérature générale, contribuant ainsi à affaiblir les
barrières entre les deux mondes), plus raffinée et audacieuse (voire
expérimentale) dans son écriture, mettant plus l’emphase sur les sciences
humaines que sur les sciences dures (dans une continuité de la Soft-SF
apparue une décennie avant), sur des thématiques plus « adultes » (les pulps
et leur Space Opera étant considérés comme une littérature pour ados ;
remarquez que ces thématiques s’étendent très souvent aux drogues et au sexe,
ce dernier étant jusque là quasi complètement absent de la SF), et surtout,
dans l’Ailleurs et Demain, de faire une allégorie critique de nos sociétés
d’aujourd’hui, au lieu de glorifier béatement un futur forcément merveilleux
grâce aux prodiges d’une science triomphante. Il s’agit enfin d’un courant
littéraire fortement antimilitariste, ne parlant de la guerre et de l’armée que
pour mieux la dénoncer (notamment celle du Vietnam, particulièrement chez
Joe Haldeman).
Ce sont ainsi tous les codes du Space Opera qui
sont cassés, et ce de façon délibérée. La Nouvelle
Vague ne se perçoit pas comme une évolution du
Space Opera (s’il faut définir une filiation, elle se
fera avec la Soft SF), mais comme une antithèse
créée en réaction à son hégémonie. Pourtant, il ne
s’agit pas d’un mouvement concerté, coordonné (ou à
la rigueur plus en Angleterre qu’aux USA), mais
plutôt d’une prise de conscience collective,
commençant vers 1960, d’une volonté d’élargir les
thèmes de la SF à autre chose que l’espace, les
robots et les vaisseaux (et la guerre…), de proposer une écriture plus raffinée,
d’impulser une conscience politique plus grande. Notez cependant que
certains historiens de la SF pensent que, comme l’émergence d’autres
nouveaux courants postérieurs, celle de la Nouvelle Vague était en fait due à
des changements de paradigme technologique (dans le monde réel, bien
entendu) et à des fluctuations du marché littéraire. Tout comme le point de
départ exact du mouvement, son père (mère) fondateur (fondatrice) ne fait
pas non plus consensus : certains parlent d’Alfred Bester, d’autres de Michael
Moorcock (l’intéressé rejetant la responsabilité de l’affaire sur Leigh
Brackett !), d’autres encore de J.G. Ballard ou Brian Aldiss.
Mais le changement ne s’est pas fait qu’en matière de codes : une plus
grande variété d’écrivains a émergé, qu’il s’agisse de femmes (la plus
emblématique étant incontestablement Ursula Le Guin), d’Afro-Américains
(Samuel Delany) ou (surtout) de jeunes (comme Christopher Priest). En effet,
il est intéressant de constater que la moyenne d’âge de ces nouveaux auteurs
était significativement moins élevée que celle de leurs prédécesseurs.
On considère que la Nouvelle Vague s’est éteinte au début des années 80
(avec l’émergence du Cyberpunk et du New Space Opera). Néanmoins son
héritage demeure, sous la forme d’une SF aux thématiques plus larges, aux
personnages plus solides, à l’écriture plus raffinée.
But : réflexion.
SF transhumaniste
La SF transhumaniste s’intéresse à la
transformation de l’humanité sous l’impulsion de la
science, qu’elle soit génétique, cybernétique,
nanotechnologique ou autre (téléchargement de
consciences humaines dans une réalité simulée,
transfert de la conscience dans un corps formé
d’énergie / de champs de force / dans une bulle
d’espace-temps, etc.), voire même de la simple
évolution naturelle (chez Greg Bear ou Stephen
Baxter), pour atteindre un nouveau stade appelé
posthumanité. Par extension, elle peut aussi
concerner l’évolution de la conscience ou de la forme animale et/ou celle
d’intelligences artificielles informatiques.
Il s’agit souvent d’une étiquette apposée par-dessus un sous-genre plus
fondamental, que ce soit le NSO ou la Hard SF.
Hard SF
Il y a une terrible confusion à propos de la Hard SF : les gens qui ne lisent
que du Young Adult, voire pas de SF du tout, confondent souvent Hard SF et
SF adulte tout court. Or, bien évidemment, ce n’est pas le cas : toute la SF ne
met pas autant l’emphase sur la science et la technique que ce sous-genre bien
particulier. Autre confusion : ces ouvrages seraient illisibles pour quelqu’un
qui ne serait pas issu d’une filière universitaire scientifique. Or là aussi, c’est
faux, ou du moins, ce n’est pas toujours vrai : tous
les auteurs de Hard SF ne se ressemblent pas, et si
Greg Egan (du moins, là encore, certains de ses
romans / nouvelles, mais pas tous / toutes) est
souvent très exigeant (on citera la trilogie Orthogonal
ou pire, le formidablement pointu Schild’s Ladder),
quelqu’un comme Stephen Baxter ou Alastair
Reynolds sera beaucoup plus lisible. Peter Watts
emploie des concepts pointus, mais il les explique
parfaitement, ce qui ne sera pas le cas d’autres
écrivains, qui feront comme s’ils étaient connus du
lecteur. Enfin, un Alastair Reynolds proposera un univers qui se conforme
globalement aux lois de la physique, mais n’entrera pas dans des détails
techniques : il se conforme à une des définitions de la Hard SF, mais n’est pas
pour autant illisible.
Avant de voir précisément ce qui définit ce sous-genre, donnons-en une
définition par l’exemple : dans Hypérion de Dan Simmons (non Hard SF), on
va vous dire que les vaisseaux-torche ont des propulseurs laissant une longue
traînée de plasma derrière eux (d’où le nom). Et… c’est tout. Dans un roman
de Hard SF, on va vous expliquer que le vaisseau est doté d’une propulsion
magnétoplasmique à impulsion spécifique variable VASIMR, utilisant de
l’argon comme propergol et une centrale à fusion nucléaire inertielle type
Tokamak comme source d’énergie.
Ce qui caractérise avant tout la Hard SF est le respect des lois
scientifiques telles qu’elles sont connues au moment de la rédaction du roman
concerné (une intéressante conséquence étant que ledit livre peut continuer à
être considéré comme de la Hard SF même si des découvertes ultérieures ont
invalidé le phénomène décrit : tout est affaire de cohérence interne). En gros,
que ce soit sur le plan scientifique ou technique, en première intention rien ne
doit être impossible, ne serait-ce que théoriquement, dans le cadre des lois de
la physique, chimie, génétique, etc. Ça, ce sont les Tables de la Loi. En
pratique, certains peuvent opérer de menus arrangements pour permettre à
l’histoire de se dérouler : ce sera par exemple le cas avec une propulsion
supraluminique permettant d’établir une nation interstellaire. Pour un vrai
écrivain (ou lecteur) puriste de Hard SF, en revanche, toute propulsion
hyperluminique sortira immédiatement le livre concerné du sous-genre.
Alastair Reynolds, par exemple, ne propose, dans ses cycles phares, que des
vaisseaux respectant la théorie de la Relativité et ne dépassant pas la vitesse
de la lumière.
La Hard SF est aussi caractérisée par son intérêt pour d’amples détails
scientifiques et techniques : la plupart des auteurs exerçant dans ce sous-genre
décrivent par le menu les théories, les phénomènes et les appareillages mis en
jeu. Et non, ce n’est pas forcément ennuyeux même pour quelqu’un qui n’est
pas un adepte du genre. Regardez Seul sur Mars par exemple. De même,
qu’un livre estampillé Hard SF utilise une propulsion plus rapide que la
lumière ou pas, les mondes décrits le seront de façon réaliste.
La Hard SF est certes un sous-genre globalement plus exigeant que les
autres, mais c’est aussi le pinacle de la Science-Fiction. On sous-estime
l’émerveillement, le vertige que peuvent apporter les plus grands noms de la
Hard SF, de Arthur C. Clarke à Greg Egan en passant par Peter Watts ou
Stephen Baxter.
Une SF qui tente de rester aussi réaliste que possible par rapport aux lois
de la nature connues au moment de sa rédaction, et/ou qui met une
forte emphase sur les détails scientifiques ou techniques.
But : réflexion.
Types de sciences : sciences dures.
Soft SF
La Soft SF, c’est le contraire de la Hard SF, c’est à dire que soit elle se
concentre exclusivement sur les sciences humaines (les sciences classiques
n’ont aucun rôle dans l’histoire / la science utilisée
est crédible, mais n’est pas le point focal de l’intrigue
ou de la construction de l’univers –ce qui fait qu’on
n’entre pas dans les détails), soit elle parle bel et bien
de sciences dures, mais sans chercher à être crédible
/ à respecter les lois physiques connues, soit elle fait
les deux à la fois. Certains considèrent la présence
de pouvoirs psi, voire celle d’une propulsion
supraluminique, comme un marqueur
d’appartenance à la Soft SF plutôt qu’à la Hard.
Certains autres considèrent qu’une forte emphase sur
la description d’une technologie, même imaginaire, permet de classifier un
texte comme de la Hard SF.
En clair, la Soft SF se fiche de la quincaillerie, mais se concentre plutôt
sur les personnages et surtout sur les sociétés futures dans lesquelles ils vivent.
Elle est moins concernée par la technique que par l’humain. Elle a connu son
apogée dans les années cinquante, et la Nouvelle Vague des deux décennies
suivantes en est dérivée (en plus radical). Quel intérêt, alors, de faire deux
sous-genres séparés ? Il est multiple : toute la Soft SF (dont celle postérieure
aux années 80) ne peut pas être classée dans la Nouvelle Vague, d’une part, et
d’autre part cette dernière a des spécificités que ne partagent pas forcément
tous les romans de Soft SF (dont la couleur politique, l’antimilitarisme
radical, la tendance à ne pas utiliser de contexte spatial ou multiplanétaire, les
expérimentations dans la construction ou le style, etc.).
Une SF qui soit se concentre sur les sciences humaines, soit ne cherche
pas le réalisme en matière de sciences physiques / n’entre pas dans les
détails et se concentre sur autre chose que la machinerie, soit fait les
deux à la fois.
But : réflexion.
En résumé :
But : surtout réflexion, mais l’aspect aventure / survie a aussi une large
place dans ce sous-genre.
SF dystopique
La SF dystopique est un dérivé de la SF d’anticipation (bien que la SF
dystopique cherche moins à prédire ce qui pourrait arriver qu’à tout faire pour
que ça n’arrive justement pas) décrivant un contexte de futur proche dans
lequel les choses ont horriblement mal tourné, générant ainsi une contre-
utopie. Déshumanisées, totalitaires, polluées ou dévastées par des
dérèglements climatiques ou un effondrement des
écosystèmes, surpeuplées, ravagées par la guerre, en
proie à la haine et l’intolérance, ces sociétés de
cauchemar ont pour but d’interpeller le lecteur sur
certains problèmes sociaux, politiques,
environnementaux, économiques, éthiques, religieux,
technologiques, etc., et de servir d’avertissement sur
ce qui pourrait arriver si rien n’est fait.
Ce sous-genre a eu un succès considérable ces
dernières années, particulièrement dans le domaine
du Young Adult, avec les sagas du type Divergente
ou Hunger Games. On conseillera plutôt au lecteur de YA de se tourner vers
Uglies de Scott Westerfeld, tout de même un peu plus solide, ou vers les
auteurs et livres cités un peu plus bas.
La SF dystopique nous montre une société future qui a mal tourné afin de
mieux nous interpeller sur les problèmes de la nôtre.
But : réflexion.
SF militaire
Tout d’abord, une précision très importante : nous ne faisons aucune
distinction entre SF « militariste » (supposée exalter les valeurs militaires
ainsi que l’institution elle-même) et SF « antimilitariste » (dont l’objectif est à
l’opposé). Nous préférons, comme les Anglo-Saxons, le terme de SF militaire
qui décrit de façon factuelle le cadre dans lequel évoluent les personnages et
autour duquel se concentre l’intrigue : l’armée. Cette approche est d’autant
plus pertinente que toute SF antimilitariste ne met pas forcément en scène des
militaires en tant que protagonistes : cf.Abattoir 5 de Kurt Vonnegut, par
exemple.
Certains considèrent cette SF comme une variante encore plus militarisée
(et / ou mettant en scène des personnages soldats et non de simples
aventuriers, mercenaires ou paramilitaires) du Space Op’, parlant alors de
Space Opera militaire. Mais la SF militaire présente trop de particularités
pour qu’on en fasse un simple sous-genre. De plus, toute SF militaire n’utilise
pas les contextes multiplanétaires et de futur éloigné qui sont quasiment
cardinaux en Space Opera : des romans comme The Last Good Man (Linda )
ou Dogs of War (Adrian Tchaikovsky), par exemple, se déroulent
exclusivement sur Terre et dans un futur distant d’une poignée de décennies,
pas plus.
Si la SF militaire est peu publiée (et encore moins écrite…) en France,
elle est en revanche extrêmement populaire dans le monde anglo-saxon.
Souvent, elle donne naissance à des cycles au nombre de tomes très supérieur
à la moyenne.
Une SF centrée sur les forces armées et mettant en scène des militaires.
But : aventure le plus souvent, même si une réflexion sur les horreurs de
la guerre et le militarisme est présente chez certains auteurs
(particulièrement Joe Haldeman).
SF horrifique
La SF et l’Horreur sont des genres qui vont remarquablement bien
ensemble : en effet, les contextes futurs et spatiaux, ainsi que les avancées
technologiques associées, créent tout un tas de situations ou d’opportunités au
fort potentiel anxiogène. Invasions extraterrestres, expérience scientifique qui
tourne horriblement mal, choc du futur et changements de paradigme que
l’homme de la rue ne sait pas affronter, révolte des robots ou des IA,
prédateur extraterrestre lâché dans votre camion de l’espace, ou tout
simplement noirceur, froideur, vastitude, silence et côté profondément hostile
de ce dernier, les exemples sont innombrables. De
plus, un élément commun des histoires d’horreur
consiste à être coincé quelque part (sur une île
déserte, une base en pleine tempête de neige en
Arctique, etc.) avec une chose qui veut votre peau
(ou qui rend fous vos petits camarades qui veulent à
leur tour votre peau, peu importe, on n’est pas
racistes) : de ce point de vue, le vaisseau à des
lustres de sa destination, la station spatiale isolée ou
même la planète-prison (Alien 3) en sont une
magistrale déclinaison.
Ce sous-genre a eu un spectaculaire succès au cinéma, mais les exemples
purement littéraires (sans parler des novélisations ou des livres qui sont à la
base des films concernés) existent aussi.
But : variable, divertissement (si on peut dire) et/ou réflexion (sur les
dangers de la science, par exemple).
Une littérature centrée, comme son nom, l’indique soit sur le voyage dans
le temps, soit sur celui vers des mondes parallèles (et parfois même
sur les deux en même temps).
Types de sciences : toutes, aussi bien les sciences dures que les sciences
sociales.
Types de sciences : ces sous-genres sont surtout centrés sur les sciences
« dures ».
SF humoristique
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une SF au ton humoristique
(étonnant non ?). Les Anglo-Saxons appellent ce sous-genre Comic Science-
fiction. Sachant qu’il y a différentes nuances dans ce registre, de la satire
(Planète à gogos de Frederik Pohl et Cyril M. Kornbluth) au détournement
des codes et des clichés du genre (L’Univers en folie de Frederic Brown) en
passant par la parodie (Bill le héros galactique de Harry Harrison, Redshirts de
John Scalzi), l’ironie et l’humour noir, d’un univers délirant (La Dimension
des miracles de Robert Sheckley) à un autre plus réaliste, d’un ton mordant à
un autre plus léger.
La SF humoristique trouve sans doute sa plus belle expression dans la
forme courte, particulièrement dans les nouvelles à chute (le maître absolu de
ce registre restant sans doute Fredric Brown). Malgré ce que l’on pourrait
penser de prime abord, ce sous-genre est particulièrement pessimiste (voire
nihiliste) sur le plan de la vision qu’il donne de l’humanité, de l’existence et de
l’univers en général (c’est très visible dans Les Sirènes de Titan de Kurt
Vonnegut).
SF d’enquête
Les Anglo-Saxons distinguent deux sous-genres de SF mettant en scène
des enquêtes policières (ou assimilé) : la Detective Science Fiction (SF
policière « standard ») et la Hard Boiled SF (qui ajoute à la précédente les
codes du roman noir, et peut faire du protagoniste autre chose qu’un policier :
un détective privé, une victime, un suspect, le meurtrier, etc.). Nous avons
choisi de les ranger sous le même terme fourre-tout de SF d’enquête.
Types de sciences : variable, mais les sciences dures ont toujours une
certaine place dans ce type de roman, du fait que les techniques
d’enquête futures sont quasiment toujours décrites ou que la
technologie plus avancée ouvre aux criminels des possibilités qui
n’existent pas aujourd’hui.
SF sous-marine
Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’en
2017, 95 % des abysses océaniques restent
inexplorés, qu’on a cartographié avec plus de
précision la plupart des planètes et satellites majeurs
du système solaire et que les astronautes sont plus
nombreux que les hommes pouvant se vanter d’être
allés contempler le point le plus profond sur Terre, la
fosse des Mariannes. Et pourtant… L’océan
représente 70 % de la surface de la planète. Sa sous-
exploitation en SF n’en est donc que plus étonnante :
l’écrasante majorité des auteurs a tourné le dos à la
noirceur des profondeurs pour celle de l’espace interplanétaire, interstellaire
ou intergalactique. La majorité, certes, mais pas tous : certains ont centré un
de leurs romans, voire un cycle tout entier, sur le milieu aquatique. De plus,
les océans terrestres ne sont pas les seuls mis en jeu : certains laissent une
large place, dans leur worldbuilding ou leur intrigue, à des océans situés sur
de lointaines planètes (plusieurs livres récents, dont Dans le sillage de
Poséidon et Latium 2, se passent en partie dans les mers d’Europe, un des
quatre satellites principaux de Jupiter).
Les thèmes exploités peuvent être multiples : horreur, mystère, guerre,
exploitation de gisements minéraux, mise au point de variantes de l’humain
de base adaptées aux profondeurs, écologie, etc.
Une SF centrée non sur les profondeurs de l’espace, mais sur celles de
l’océan, qu’il soit terrestre ou extraterrestre.
But : aventure.
Types de sciences : voir plus haut ; la plus hard des sciences peut en venir
à se confondre avec la magie.
SF de rencontre extraterrestre
Pour terminer cette partie, nous allons parler de livres qui ne relèvent pas
tant d’un seul sous-genre, défini par certains codes précis, mais plutôt d’une
thématique pouvant s’inscrire dans plusieurs sous-genres différents. Nous
avons choisi le thème de la rencontre avec les extraterrestres, qu’elle soit
violente, pacifique, ou qu’elle résulte de la découverte qu’ILS sont en fait déjà
parmi nous depuis longtemps. Notez que nous aurions tout aussi bien pu
choisir les robots, les intelligences artificielles, les vaisseaux à génération /
congélation, les BDO (Big Dumb Objects), la panthropie, la colonisation de
mondes extrasolaires ou les pouvoirs psi, entre autres (ceux qui sont intéressés
trouveront des articles consacrés à certains de ces sujets sur Le culte
d’Apophis).
Avant tout, il faut dissiper certains malentendus : les gens qui connaissent
mal la SF ont tendance à associer automatiquement les extraterrestres au
genre, ce qui est une lourde erreur. Certains sous-genres entiers ne laissent
aucune place aux aliens, ou seulement à titre de roman isolé faisant office de
curiosité : c’est par exemple le cas du Cyberpunk. D’autre part, même en
Space et Planet Opera, on connaît des exemples de grandes sagas qui ne
comprennent pas une seule espèce étrangère. Et ces exemples sont très, mais
alors très loin d’être anecdotiques : songez que deux des cycles les plus
emblématiques de la Science-fiction, Fondation et Dune, ne mettent pas en
scène d’aliens, alors que le premier implique la totalité de la Voie lactée et
que le second montre un empire comprenant près de 18 000 planètes (et donc
un nombre de mondes explorés encore plus grand). Enfin, d’autres grandes
sagas, comme celle d’Honor Harrington, comprennent quelques races
extraterrestres, mais ne leur donnent qu’un rôle de troisième plan, les intrigues
politiques et militaires ayant lieu entre humains (qui plus est nettement plus
avancés sur le plan technologique).
À partir de ce point, nous allons distinguer trois « sous-catégories » : la
première rencontre, l’invasion, et la découverte de leur présence parmi nous.
Sachant, bien entendu, que la SF mettant en jeu des extraterrestres ne se
résume pas à ces trois angles d’approche : il y en a bien d’autres, mais les
examiner tous en détail dépasse très largement le cadre de ce guide.
Clairement, il y aurait un livre entier à écrire sur le sujet.
Invasion alien !
Pas besoin de longues explications, tout est dans
le titre : les extraterrestres débarquent, ils cassent
(souvent, mais pas toujours) tout (ou nous piquent
nos ressources naturelles, les salauds !), et soit ils
sont vaincus par les héros (américains ou bactériens
:D), soit ils mettent la planète en coupe réglée et le
récit bascule dans un mode « le monde d’après »
typique du post-apocalyptique (cf. les séries Colony
ou Falling Skies, pour prendre deux exemples
récents). Notez que l’invasion peut aussi avoir lieu
dans un futur où l’homme s’est déjà répandu dans les
étoiles, elle n’est pas confinée à la Terre d’aujourd’hui ou de l’avenir très
proche : c’est par exemple le cas dans le cycle de Pandore / La Saga du
Commonwealth de Peter Hamilton. Il peut même arriver qu’elle ait lieu dans
le passé : Harry Turtledove a décrit un débarquement alien en pleine Seconde
Guerre mondiale, et David Weber une expédition de reconnaissance se
déroulant au e siècle.
Notez aussi qu’invasion ne signifie pas automatiquement vaisseaux
spatiaux et rayons de la mort qui font pew pew : voyez par exemple Passagers
de Robert Silverberg ou Le Village des damnés de John Wyndham…
D’ailleurs, puisqu’on parle de ce dernier auteur, un autre de ses romans, Le
péril vient de la mer, est un hybride entre l’invasion brutale et le « ils sont
parmi nous », puisqu’il montre une attaque « par phases » qui fait que lors des
étapes les plus précoces, la plupart des humains n’ont même pas conscience
d’être envahis ! (Ce qui change de façon spectaculaire par la suite.) De même,
dans Génocides de Thomas Disch, les extraterrestres arrivent, transforment la
Terre en champ pour leurs cultures, repartent sans jamais prêter aucune
attention à l’humanité, et ce sont leurs robots, chargés de protéger les cultures
des nuisibles, qui traiteront les humains comme tels !
Un intéressant twist (générateur de l’exploitation de profondes
thématiques, comme le colonialisme, entre autres) a lieu lorsque l’envahisseur
est l’humain et que c’est l’extraterrestre qui se retrouve militairement écrasé,
économiquement exploité ou même traité comme un animal (cf., notamment,
Le nom du monde est forêt d’Ursula Le Guin, Les Profondeurs de la Terre de
Robert Silverberg ou le recueil The Dark Light Years par Brian Aldiss).
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Cyberpunk, Postcyberpunk et dérivés
HUITIÈME PARTIE : Sous-genres mineurs et thématiques de la
Science-fiction
SF humoristique
SF d’enquête
SF sous-marine
Space western
SF de la fin des temps / de la Terre mourante
SF de rencontre extraterrestre
Premier contact extraterrestre
Invasion alien!
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