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JT_Guinotte.

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14 septembre 2002
121e année - N° 6063
Bureau de dépôt : Charleroi X
Hebdomadaire, sauf juillet/août

Editeurs : LARCIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES


Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dal (1966-1981)

27 ISSN 0021-812X

Extrait du Journal des tribunaux n° 6063 du 14 septembre 2002 et reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Larcier

LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE
APRÈS LES LOIS DU 20 OCTOBRE 2000
ET DU 9 JUILLET 2001
SOMMAIRE S
■ La signature électronique après les lois
du 20 octobre 2000 et du 9 juillet 2001,
Depuis peu, la signature électronique un écrit « papier » le fixait irrévocablement. par L. Guinotte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 553
est devenue une réalité juridique en C’est donc presque naturellement au niveau
droit belge. Après avoir fait couler de la preuve des obligations que les difficultés ■ Prescription des créances à charge ou au
d’intégration des nouvelles technologies se
beaucoup d’encre en doctrine et mis à sont cristallisées dans la matière du commerce profit de l’Etat - Prescription quinquennale -
mal les concepts classiques d’écrit, électronique. Absence d’effet interruptif d’un recours
de signature et d’original, la notion au Conseil d’Etat
Face à ces incertitudes, et soucieuses de ne
de signature électronique a finale- pas entraver le développement de ce nouveau (Cour d’arbitrage, 20 février 2002,
ment fait l’objet d’une réglementation marché si prometteur, les autorités ne sont pas note) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 562
2002
nationale, sous l’égide du législateur restées inactives. Ainsi, après avoir rappelé
européen. Et c’est par le biais du brièvement les principes généraux de droit ■ Impôt annuel voté par le collège
droit de la preuve que la réforme fut
introduite. Néanmoins, de ces certitu-
des fraîchement acquises naissent de
nouvelles interrogations quant à la
belge en matière de preuve [1] et présenté les
bases tant théoriques [II] que techniques [III]
sur lesquelles ont été établis les différents ins-
truments législatifs, une attention particulière
sera accordée aux normes européennes [IV] et

juridictionnel de la
Région de Bruxelles-capitale
(Cass., 1re ch., 4 janvier 2002) . . . . . . . 563

Commerçants - Exécution de bonne foi


553
portée et l’interprétation exacte des aux lois belges concernant la signature élec-
lois qui ont fait entrer le Code civil tronique [V]. des conventions - Exécution d’un contrat
dans l’ère numérique. radicalement déséquilibré - Poursuite du
Loin d’être un exposé exhaustif sur une matiè- respect de l’accord primitif - Abus de droit
re en permanente évolution et à propos de la-
quelle surgissent constamment de nouvelles (Liège, 7e ch., 21 décembre 2001) . . . . 564
interrogations, il s’agira ici seulement de fa-
miliariser le lecteur aux notions de base et ■ Contrat conclu avec la
d’attirer son attention sur quelques controver- Région de Bruxelles-capitale -
ses d’actualité. En l’absence quasi totale de Changement d’autorité responsable

I
INTRODUCTION
jurisprudence (1), nous renvoyons le lecteur à
la très importante littérature consacrée à ce
sujet (2).

(Bruxelles, 2e ch., 31 mai 2001) . . . . . 568

Droit d’auteur - Reproduction publicitaire


d’œuvres déjà autorisées
L’avènement de ce qu’il est désormais conve- (1) Voy. cependant en droit français la décision de la (Civ. Bruxelles, 4e ch., 10 mai 2002) . 569
nu d’appeler la société de l’information cons- cour d’appel de Besançon du 20 octobre 2000, R.G.,
titue, à de nombreux égards, une révolution no 99/0834, disponible sur le site http://www.lega- ■ Chronique judiciaire :
sans précédent, que certains n’hésitent pas à lis.net/legalnet.
comparer à la révolution industrielle du dix- Lettre ouverte au ministre de la Justice -
(2) Pour ne citer que les plus récentes contributions Billet de la semaine - Colloques -
neuvième siècle. Une des manifestations les voir E. Montéro, « Définition et effets juridiques de
plus visibles de ce phénomène est l’émergen- Les deuils judiciaires - Coups de règle -
la signature électronique en droit belge : appréciation Parallèlement... - Courrier des revues -
ce du commerce électronique. Bien qu’il n’ait critique » in C.U.P., Formation permanente, La preu-
pas pris, du moins en Europe, l’essor qu’on lui ve, vol. 54, mars 2002, pp. 40 à 82; D. Gobert
Dates retenues.
prédisait il y a à peine un an, il est indéniable « Cadre juridique pour les signatures électroniques et
que son expansion est considérable. les services de certification : analyse de la loi du
Cette nouvelle économie ne va cependant pas 9 juillet 2001, in C.U.P., Formation permanente, La
sans soulever de nombreux problèmes juridi- preuve, vol. 54, mars 2002, pp. 83 à 172; P. Lecocq
et B. Vanbrabant, « La preuve du contrat par voie
ques. Des contrats sont formés via les réseaux, électronique : clap 2e », Act. dr., 2002/2, à paraître;
des obligations naissent, et ce souvent entre M.-E. Storme, « De invoering van de elektronische
personnes de nationalités différentes, soumi- handtekening in ons bewijsrecht - Een inkadering van
ses à des législations distinctes. Il y a rare- een commentaar bij de nieuwe wetsbepaling », R.W.,
ment un contact physique entre les parties, le 9 juin 2001, n o 41, pp. 1505-1525; D. Gobert et
contrat étant conclu à distance, sans véritable E. Montéro, « La signature dans les contrats et les
support tangible. Le lien juridique se crée de paiements électroniques : l’approche fonctionnelle »,
manière dématérialisée là où précédemment D . A . O . R ., n o 5 3 , p p . 1 7 à 3 9 ; D . G o b e r t e t
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Ainsi, selon la qualité des parties au procès, n’étant pas d’ordre public (10). Cette techni-

1
l’administration de la preuve se fera selon le que ne peut cependant être appliquée que dans
EXPOSÉ DU PROBLÈME régime réglementé du Code civil à l’égard du un nombre limité d’hypothèses et n’est en tout
ET RAPPEL DE QUELQUES non-commerçant et selon le système de preu- cas pas adaptée au commerce électronique
PRINCIPES GÉNÉRAUX EN MATIÈRE ve « libre » contre le commerçant. Ici donc, il « grand public » où le consommateur occa-
DE PREUVE DES OBLIGATIONS n’y aurait en principe pas d’obstacles à ce sionnel n’a pas conclu préalablement de con-
qu’un consommateur puisse prouver par tou- vention relative à la manière dont la preuve du
tes voies de droit qu’un contrat électronique a contrat pourra être rapportée en cas d’inci-
Rien n’empêche, à l’heure actuelle, de con- bien été conclu entre lui-même et un commer- dent.
clure un contrat sur l’Internet pour autant çant. Ce dernier sera quant à lui fort démuni
qu’il s’agisse d’un contrat consensuel. De par Face à cet obstacle, différentes solutions ont
pour prouver l’existence du contrat et l’éten- été proposées. On ne les mentionnera qu’à ti-
la seule rencontre de volonté des parties, le due des obligations qu’il contient selon les rè-
contrat est formé et les obligations qui en dé- tre d’information : l’augmentation du seuil
gles imposées par le Code civil. La probléma- fixé par l’article 1341 du Code civil (11),
coulent sont nées. Il n’en reste pas moins tique est évidemment identique entre deux
qu’un individu prudent souhaitera vraisem- l’adoption généralisée d’un système de preu-
parties non commerçantes. ve libre (12), ou encore l’introduction dans les
blablement se réserver une preuve efficace de
l’existence du contrat et des dispositions qu’il En quoi cependant le système de la preuve ré- articles 1347 et 1348 du Code civil de l’écrit
contient, dans l’hypothèse où un litige devrait glementée et dans une moindre mesure celui électronique par voie d’exception (13). Aucu-
survenir ultérieurement. Or, l’article 1341 du de la preuve « libre » sont-elles concrètement ne de ces voies n’a été suivie, probablement
Code civil impose le recours à l’écrit pour un obstacle à la conclusion de contrats élec- parce qu’elles n’apportaient que des solutions
prouver toutes les choses (c’est-à-dire les ac- troniques? Cela provient du fait que le Code partielles à une problématique globale.
tes juridiques) dépassant la somme de 375 €. civil, bien qu’il fasse référence aux concepts
C’est le problème de la recevabilité de la de « preuve littérale » (4), « d’acte » (5),
preuve. Par ailleurs, les articles 1319 et 1322 « d’écrit » (6) et de « signature » (7) ne les dé-
du Code civil déterminent la force probante finit pas. Il est cependant généralement admis
qu’il convient d’accorder respectivement à
l’acte authentique et à l’acte sous seing privé.
Relativement au premier, l’article 1319 dis-
pose que « L’acte authentique fait pleine foi
de la convention qu’il renferme entre les par-
que l’acte sous seing privé (8) se caractérise
par un écrit et une signature. Et la signature a
été définie de manière formaliste par la Cour
de cassation comme étant « la marque manus-
crite par laquelle le testateur révèle habituel-
FONCTIONNELS
2
L’ÉLARGISSEMENT DES CONCEPTS
ET LA THÉORIE DES ÉQUIVALENTS

ties contractantes et leurs héritiers ou ayants lement sa personnalité aux tiers » (9). Le ter- Une autre voie a été proposée, issue d’une ré-
cause ». L’article 1322 réserve un statut me « manuscrit » impose dès lors qu’il ne flexion approfondie sur les notions d’écrit et
moins privilégié à l’acte sous seing privé en peut s’agir que d’une signature apposée sur un de signature, mais aussi d’original. Ainsi,
document papier.
2 0 0 2 ce que pour avoir force probante, il doit être concernant l’écrit, certains auteurs ont essayé,
reconnu ou légalement tenu pour tel par celui Ainsi, si la conclusion d’un contrat consen- en se basant sur l’absence de définition légale
à qui on l’oppose. Le Code civil établit ainsi suel sur le réseau est tout à fait réalisable, il de celui-ci, de proposer un concept extensif,

554 un système probatoire réglementé.


Si tel est le régime en droit civil, l’article 25,
alinéa 1er, du Code de commerce dispose par
contre, en matière commerciale, que « Indé-
pendamment des moyens de preuve admis par
pourrait être impossible pour les parties de
prouver les droits et obligations qui en décou-
lent, sauf si les parties ont préalablement con-
clu une convention sur la preuve, les disposi-
tions du Code civil relatives à la preuve
permettant d’inclure non seulement l’écrit tra-
ditionnel mais aussi les documents électroni-
ques. Classiquement, l’écrit est défini comme
la représentation lisible du langage ou de la
pensée au moyen de graphismes (14). Cette
le droit civil, les engagements commerciaux définition interdit de reconnaître la valeur
pourront être constatés par la preuve testimo- d’écrit à un document électronique. Une con-
niale, dans tous les cas où le tribunal croira ception plus récente se propose d’étendre la
« combattre avec les armes de l’autre ». Les règles
devoir l’admettre, sauf les exceptions établies de la preuve civile devront ainsi être respectées par
notion d’écrit à toute expression de langage
pour des cas particuliers ». Ainsi, bien que le le commerçant, tandis que le non-commerçant pour- par des signes connus ou traduisibles déposés
régime légal subsiste, il se trouve considéra- ra, par toutes voies de droit, prouver les obligations sur un support quelconque (15). Cette défini-
blement assoupli. Non seulement l’admissibi- du commerçant. Voy O. Caprasse et A. Benoit-Mou- tion, beaucoup plus large, assurerait la recon-
lité de la preuve, mais également sa force pro- ry, « Validité et force obligatoire des clauses con- naissance du document électronique.
bante, sont laissées à l’appréciation du juge. tractuelles relatives à la preuve », in C.U.P., Forma- Issue de cette réflexion sur les concepts eux-
Concrètement, il faut apporter au juge le tion permanente, Droit de la preuve, vol. XIX, oct. mêmes, c’est finalement la théorie dite des
maximum d’éléments susceptibles d’emporter 1997, pp. 118 et 117. équivalents fonctionnels qui s’est imposée
sa conviction (3). (4) Art. 1316, C. civ. (16). Il s’agit de redéfinir les concepts par rap-
(5) Art. 1322, 1341, C. civ. port aux fonctions essentielles qu’ils sont cen-
(6) Art. 1344, 1345, C. civ. sés assurer. Selon cette théorie, tout procédé
E. Montéro, « L’ouverture de la preuve littérale aux (7) 7 Art. 1323, 1324, 1326, C. civ . permettant de remplir ces fonctions doit se
écrits sous forme électronique », J.T., 2001, pp. 114 (8) Nous n’aborderons pas la notion d’acte authenti-
et s.; Th. Verbiest et E. Wéry, avec la collaboration que électronique dans le cadre de cette étude. Sur
de A. Salaün et D. Gobert, Le droit de l’internet et de cette question, voy. notam. trois études publiées (10) R. Mougenot, « La preuve », in Rép. not., t. IV,
la société de l’information - Droit européen, belge et dans Authenticité et informatique / Authenticiteit en liv. II, 1997, no 10.
français, Collection Création-Information-Commu- informatica, congrès de la Fédération royale du no-
nication, Larcier, Bruxelles, 2001; R. Mougenot, La (11) M. Fontaine considérait que cela constituerait
tariat belge, Bruxelles, 2000, Kluwer et Bruylant, « un ballon d’air frais bien salutaire », voy.
preuve, 3e éd. (mise à jour par D. Mougenot), Lar- 2000 : J.-L. Snyers, « De notariële certificatie en de
cier, no 122, à paraître. Le lecteur trouvera dans ces M. Fontaine, « La preuve des actes juridiques et les
elektronische authentieke akte », pp. 383 à 424; techniques nouvelles », in La preuve, colloque
contributions de très nombreuses références. E. Montéro et A. Wallemacq, « La responsabilité du U.C.L., 1987, p. 70.
(3) C’est la nature de l’acte à prouver, commercial notaire comme auteur, récepteur ou utilisateur du
document informatique », pp. 425 à 451; B. Vuylste- (12) Comme c’est le cas aux Pays-Bas.
ou non, qui entraîne l’application du régime de la
preuve « libre ». En pratique cependant, la qualité ke, « Cybernotary », pp. 453 à 478; (13) Voy. sur ce point D. Mougenot, « Droit de la
des parties est importante dans la mesure où, suivant (9) Cass., 7 janv. 1995, Pas., 1995, I, p. 456; Cass., preuve et technologies nouvelles », in C.U.P., For-
l’article 2 du Code de commerce, toutes les obliga- 2 oct. 1964, Pas., 1965, I, p. 106. Dans un arrêt ulté- mation permanente, Droit de la preuve, vol. XIX,
tions des commerçants sont présumées commercia- rieur, la Cour de cassation a précisé que : « la signa- oct. 1997, nos 37 et s.
les. Elle peuvent donc être prouvées librement, sauf ture d’un acte sous seing prive doit, en règle, être tra- (14) R. Mougenot, op. cit., p. 127.
si le commerçant établit que l’obligation en cause cée directement sur le document lui-même », Cass., (15) M. Fontaine, in La preuve, colloque U.C.L.,
n’est pas commerciale. Si une convention est com- 28 juin 1982, Pas., 1982, I, 1286. Pour une analyse 1987, p. 9.
merciale dans le chef d’une partie et civile dans le détaillée de la signature des actes sous seing privé, (16) Voy. sur ce point, notamm., au sujet de la signa-
chef de l’autre, on parle alors d’acte mixte. Dans voy. M. Van Quickenborne, « Quelques réflexions ture électronique D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R.
cette hypothèse, les deux régimes de preuve s’appli- sur la signature des actes sous seing privé », note 2000, op. cit., pp. 17 à 39, ainsi que les nombreuses
queront cumulativement, chaque partie devant sous Cass., 28 juin 1982, R.C.J.B., 1985, pp. 57 et s. références citées à la note 8.
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voir reconnaître un statut équivalent. Nous fait aucun doute qu’un document électronique remplit ces fonctions doit en conséquence
examinerons successivement les notions peut remplir ces trois fonctions, parfois même pouvoir accéder au statut de signature. Dans
d’écrit, de signature et d’original, analysées avec un degré de sécurité bien supérieur au un document électronique, c’est la signature
au travers de cette approche. support papier. qui assure, via le maintien de l’intégrité de
On regrettera cependant que la notion d’écrit l’acte, la fonction d’inaltérabilité que l’on as-
n’ait pas été définie clairement dans la loi, au signe à l’écrit.
A. — L’écrit (17) contraire de la signature électronique (voy. in-
fra). Cela a peut-être semblé superflu au légis-
Trois fonctions essentielles de l’écrit ont ainsi lateur de définir cette notion dès lors que si C. — L’original
pu être dégagées. Il s’agit de l’inaltérabilité, l’on parle de signature électronique, cette der-
de la lisibilité et de la stabilité. nière se rattache invariablement à un docu- Nous aborderons brièvement la notion d’ori-
L’inaltérabilité : c’est la garantie que le docu- ment électronique (20) (21). De nombreuses ginal. La différence entre l’original d’un acte
ment, une fois rédigé, ne sera plus modifié, in- questions demeurent cependant et il aurait sous seing privé et une copie de cet acte réside
tentionnellement ou non, que ce soit par une peut-être été opportun de saisir l’occasion de dans le fait que l’original porte la signature
partie ou par un tiers. Dans un environnement donner à l’écrit, quel qu’il soit, une définition manuscrite. Sur la copie ne se trouve pas cette
papier, c’est le papier lui-même, à savoir le claire (22). La question des fonctions de signature originale, manuscrite, directement
support, qui assure cette inaltérabilité. Au l’écrit, qu’il soit exigé ad probationem ou ad apposée à la main, mais seulement la copie de
contraire, pour un document électronique, validitatem n’est pas encore résolue et ne peut celle-ci (26). Dans un environnement papier,
c’est le plus souvent la signature qui fournit être abordée ici tant la matière est complexe et la signature est apposée sur le support, le do-
cette garantie, la signature étant le résultat nécessiterait des développements qui sortent cument papier. Ainsi une nouvelle signature
d’un traitement du contenu du document. Elle de notre propos. Notons cependant l’article est nécessaire pour tout nouvel original. Dans
permet dès lors de détecter immédiatement 17, § 2, de l’avant-projet de loi sur certains as- un contexte électronique au contraire, la si-
une modification de l’information (18). pects juridiques des services de la société de gnature n’est plus liée au support mais direc-
l’information (23), qui propose de déclarer sa- tement au contenu. La signature est en effet
La lisibilité : sur un support papier, les infor- tisfaite l’exigence d’un écrit dans le cadre du
mations sont directement lisibles puisqu’elles indépendante de son support et résulte généra-
« processus contractuel » par « une suite de lement d’un traitement du contenu de l’acte.
sont rédigées dans un langage (vocabulaire et signes intelligibles et accessibles pour être
grammaire) et dans une symbolique graphique Le résultat de ce traitement permet non seule-
consultés ultérieurement, quels que soient ment de vérifier l’identité du signataire, mais
(écriture) accessible à la compréhension hu- leur support et leurs modalités de transmis-
maine. Concernant l’écrit électronique, cette également de contrôler si le contenu de l’acte
sion ». L’intelligibilité et l’accessibilité pour n’a pas été modifié. La « copie » du contenu
fonction requiert l’utilisation du matériel adé- consultation ultérieure semblent ici être deve-
quat permettant de reproduire les informa- et de la signature du message sur un autre sup-
nus les fonctions déterminantes. port n’affecte dès lors en rien le caractère ori-
tions de manière à ce qu’elles puissent être
lues (un ordinateur et un logiciel). Il faut ginal de l’acte. 2002
veiller à ce que, soit les informations subis- B. — La signature On peut donc en conclure que la distinction
sent de fréquentes conversions afin que les faite par le Code civil entre l’original et la
nouveaux logiciels puissent les lire, soit les
logiciels ayant servi à leur création soient pré-
servés. Dans cette dernière hypothèse, les or-
dinateurs du futur devront également pouvoir
utiliser ces anciens logiciels.
Les fonctions de la signature sont, tradition-
nellement, doubles. Elle permet d’établir,
d’une part, l’identité de l’auteur et, d’autre
part, le consentement du signataire relative-
ment au contenu de l’acte ou du message. En
copie connaîtra certainement une application
limitée dans l’environnement électronique.
555
outre, une troisième fonction est également

3
La stabilité : pour un document papier, c’est
le support qui assure la stabilité de l’informa- attribuée à la signature qui découle de l’usage LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE :
tion. En effet le papier, et donc l’information du papier comme support de la signature : la QUELQUES CONSIDÉRATIONS
qu’il contient, se détériore peu si des mesures combinaison de ces deux éléments assure le TECHNIQUES
adéquates sont prises pour sa conservation. En maintien de l’intégrité des informations que le
revanche, les supports électroniques ont une document contient (24) (25). Tout procédé qui
durée de vie bien inférieure au papier. Néan- Le terme « signature électronique » recouvre
moins, ce n’est pas le support en tant que tel divers mécanismes techniques qui permettent
dans le cadre du projet e-justice (M. Antoine, D. aux destinataires de données transmises par
qui doit être stable, mais bien l’information Gobert, C. Lazaro et O. Leroux, sous la direction du
qui y est consignée. Cela n’empêche donc pas voie électronique de vérifier l’authenticité
professeur Y. Poullet, Rapport final sur le droit de la (27) et l’intégrité de celles-ci. On ne procéde-
que l’information soit transférée sur un autre preuve, et plus particulièrement le chapitre II, dispo-
support, si son caractère original est préservé, nible à l’adresse http://www.droit.fundp.ac.be/e-jus-
ce que la signature électronique permet. tice/default.htm).
cette fonction, notamment si un document comporte
Ainsi, lorsque les moyens adéquats sont mis (20) Notons cependant que la signature électronique
plusieurs pages et ne comporte de signature que sur
en œuvre pour garantir ces trois fonctions, on peut également être utilisée pour garantir le contenu
la dernière d’entre elles. De même, certaines signa-
peut considérer que l’on se trouve bien en face d’un site web ou certifier l’origine d’une informa-
tures électroniques ne peuvent remplir cette fonc-
d’un « écrit » au sens du Code civil (19). Il ne tion, identifier un ordinateur. Voy. sur ce point la
tion, comme par exemple la signature biométrique, à
note 31.
moins qu’elle ne comporte une fonction dite de
(21) Voy E. Montéro, op. cit., no 4. « hachage », c’est-à-dire de transformation du docu-
(17) A propos de cette notion, voy. les travaux pré- (22) Voy. notam., D. Mougenot, « Faut-il insérer ment lui-même. Ainsi, s’il est vrai que le mécanisme
paratoires de la loi du 20 octobre 2000 introduisant une définition de l’écrit dans le Code civil? », Ubi- de signature numérique fondé sur la cryptographie
l’utilisation de moyens de télécommunication et de quité, 2000/7, pp. 121 à 128. asymétrique, qui est le plus répandu à l’heure actuel-
la signature électronique dans la procédure judiciaire (23) Approuvé par le conseil des ministres du 29 no- le, assure cette fonction de maintien de l’intégrité, il
et extrajudiciaire, M.B., 22 déc. 2000, p. 42698 et vembre 2001. Pour un premier aperçu, voy. Th. Ver- n’en va pas nécessairement de même de certains
plus particulièrement le rapport fait au nom de la biest et E. Wéry, « Projet de loi belge sur le commer- autres types de signature électronique. Voy., R.
Commission de la justice par M. Bart Somers, Doc. ce électronique : première analyse », actualité du Mougenot, La preuve, 3e éd. (mise à jour par D.
parl., Chambre, 30 juin 2000, session ordinaire, 13 mars 2002, disponible sur le site www.droit-tech- Mougenot), Larcier, nos 121-2 et 123 - C, à paraître.
no 0038/008, pp. 24 à 31. Ci-après cité « rapport de nologie.org, à l’adresse http://www.droit-technolo- Voy. égalem., infra, le chapitre consacré aux consi-
la Commission de la justice ». gie.org/1_2.asp?actu_id=546 dérations techniques.
(18) Dès lors cette fonction appartient peut-être plus (24) M. Antoine et D. Gobert, « Pistes de réflexion (26) Comme nous l’avons déjà évoqué, la Cour de
au concept de « signature » qu’à celui « d’écrit ». pour une législation relative à la signature digitale et cassation a précisé que : « la signature d’un acte sous
(19) Le respect de ces trois fonctions est à mettre en au régime des autorités de certification », R.G.D.C., seing privé doit, en règle, être tracée directement sur
relation avec la problématique de la conservation des juill.-oct. 1998, nos 4/5, p. 290. Voy. égalem., le document lui-même », Cass., 28 juin 1982, Pas.,
documents électroniques. A propos de ce sujet, par- D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., no 21. 1982, I, 1286.
ticulièrement vaste et complexe, voy. notam. le rap- (25) Cette affirmation est cependant controversée. (27) Le terme authenticité est souvent utilisé pour
port établi par la commission « droit de la preuve » Pour certains, la signature manuscrite ne remplit pas faire référence à la fonction d’identification de la si-
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ra pas ici à un exposé détaillé des différents La deuxième fonction, celle de l’adhésion de munications électroniques. C’était la fonction
procédés de signature électronique existants, l’auteur au contenu de l’acte, intimement liée première de la cryptographie (32).
ni de leur mode de fonctionnement précis. à la première, peut être présumée remplie dès Le rôle des autorités de certification apparaît
Nous renvoyons le lecteur intéressé à l’impor- l’instant où la vérification mentionnée ci-des- donc fondamental. Ce sont elles qui en défini-
tante doctrine consacrée à ce sujet (28). Seuls sus est effectuée avec succès et que la clé pri- tive seront les garantes de la bonne marche du
seront ici examinés sommairement les princi- vée de chiffrement a été appliquée volontaire- système mis en place. Une de leurs tâches es-
pes de base de la signature digitale à crypto- ment par son propriétaire, à l’exclusion de sentielles sera donc d’établir et de garantir le
graphie asymétrique, qui est actuellement tout procédé automatique de signature (30). lien entre la clé publique contenue dans le cer-
considérée comme un des systèmes les plus Enfin, la fonction du maintien de l’intégrité du tificat, qu’elles devront publier dans des re-
sûrs et surtout le plus répandu pour signer contenu du document est quant à elle assurée gistres, et la clé privée qui y correspond.
électroniquement. par le cryptage à l’aide de la clé privée d’un Outre la clé publique, le certificat contiendra
Cette technique met en œuvre une relation condensé du message (obtenu à l’aide d’une différentes informations relatives à l’identité
triangulaire entre le signataire, le destinataire fonction dite de « hachage irréversible » trans- de la personne qui en est titulaire, telles que
du message et une autorité de certification. mis avec le message en clair lui-même. En ef- son nom, son adresse, et toute autre informa-
Concrètement, celui qui souhaite signer élec- fet, ce que l’on appelle la signature électroni- tion que le titulaire souhaitera voir figurer sur
troniquement demande à l’autorité de certifi- que sera en fait le petit fichier contenant ce le certificat. Compte tenu de l’importance de
cation de lui délivrer une clé privée (pour faire condensé du message crypté à l’aide la clé pri- leur mission, il était impératif que des mesu-
bref, il s’agit d’une formule mathématique), vée et transmis avec le message lui-même. Ce res adéquates soient prises pour entourer leurs
qui doit rester secrète et sous le contrôle ex- dernier ne sera généralement pas crypté, pour activités des garanties nécessaires à la fiabili-
clusif du signataire. Dans le même temps, une évidente raison de rapidité : il est plus fa- té et à l’efficacité des opérations. C’est préci-
l’autorité de certification crée une clé publi- cile et plus rapide de crypter une petit fichier sément l’objet de la directive européenne sur
que complémentaire de la clé privée (29). qu’un gros. Si après le décryptage de ce con- les signatures électroniques (33) et de la loi du
Cette clé publique est, comme son nom l’indi- densé à l’aide de la clé publique, et sa 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives
que, accessible à tout un chacun par l’organi- « décompression » à l’aide de la même fonc- au cadre juridique pour les signatures électro-
sation d’un système de publicité tel un annuai- tion de « hachage », on constate une différence niques et les services de certification (34).
re. Elle est contenue dans un certificat qui entre le document transmis en clair et le mes- Compte tenu de la complexité de cette matière
établit explicitement le lien entre une person- sage décrypté et décompressé, c’est qu’il y a (35), nous nous limiterons à l’examen des dis-
ne déterminée et sa clé publique. Une fois ces eu altération du message entre-temps. Si au positions de ces textes relatives à la valeur ju-
démarches préalables effectuées, le signatai- contraire les versions sont identiques, on est ridique des signatures électroniques, en ce
re, s’il désire envoyer un message signé au assuré que l’intégrité du contenu du message a compris le nouvel alinéa 2 de l’article 1322 du
destinataire, appliquera la clé privée au mes- été préservée (31). Code civil, introduit par la loi du 20 octobre
sage. Il résultera de cette opération que le Par ailleurs, la signature digitale, qui est basée 2000 (36).
2 0 0 2 message sera crypté selon la formule mathé- sur la technologie de la cryptographie, permet
matique que constitue la clé privée. Lors de la également d’envoyer des messages confiden-
réception du message, le destinataire tentera tiels. La démarche est ici inverse à celle suivie

556 de décrypter le message à l’aide de la clé pu-


blique de l’émetteur supposé du message. Si
les deux clés correspondent, le message pour-
ra être décrypté et le destinataire aura alors la
certitude que le message a bien été signé par
pour signer un message : l’auteur du message
signe celui-ci à l’aide de la clé publique du
destinataire, qu’il se sera procurée au préala-
ble sur le registre contenant le certificat du
destinataire. Lorsque ce dernier recevra le
SUR LES SIGNATURES
ÉLECTRONIQUES
4
LES DIRECTIVES EUROPÉENNES

ET LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE
la clé privée de l’émetteur. Il aura dès lors message, il devra faire usage de sa clé privée
l’ a s s u r a n c e r a iso n n a bl e qu e c ’ e s t b ie n pour décrypter le message. En effet, tout mes-
l’auteur de l’acte lui-même qui a signé. La sage crypté avec une des deux clés ne peut-
être décrypté qu’avec l’autre. Le message ne Le Conseil et le Parlement européen ont adop-
fonction d’identification de l’auteur du mes- té le 13 décembre 1999 une directive relative
sage est ainsi remplie. Si le décryptage pourra donc être lu que par le destinataire et
personne d’autre. Rien n’empêche de surcroît à un cadre communautaire pour les signatures
échoue, cela signifie que le message n’a pas électroniques.
été signé avec la clé privée de l’auteur présu- l’auteur de l’acte de doubler l’opération de
mé. cryptage par l’utilisation du système de signa- La plus grande partie de la directive est con-
ture digitale. Il appliquera donc sa clé privée sacrée à régler le statut et les obligations des
au message préalablement crypté à l’aide de la
clé publique du destinataire. Ainsi, comme on
gnature. Le choix de ce terme peut paraître inoppor- le voit, la signature électronique permet éga- (32) La méthode utilisée était alors la cryptographie
tun en ce qu’il risque de créer une certaine confusion lement de garantir la confidentialité des com- dite symétrique, c’est-à-dire que la même clé servait
avec la notion d’authenticité au sens d’acte authenti- à crypter et à décrypter les messages. Cependant,
que, tel que prévu à l’article 1317 du Code civil. outre la lourdeur technique de ce procédé, seule la
(28) Pour un éventail des procédés existants et une (30) Voy., R. Mougenot, La preuve, 3e éd. (mise à technique de la cryptographie asymétrique peut être
analyse plus approfondie du fonctionnement de la si- jour par D. Mougenot), Larcier, no 121-3, à paraître. utilisée à des fins de signature, en permettant d’iden-
gnature digitale, voy. notamm. : P. Lecocq et B. Il faut également que la signature soit liée de maniè- tifier le signataire et de garantir le maintien de l’in-
Vanbrabant, op. cit., nos 30 à 43; D. Gobert, « La sé- re logique au document, à défaut d’un lien (quasi) tégrité de l’acte.
curisation des échanges par la reconnaissance de la physique entre les deux, comme c’est le cas des (33) Directive européenne 1999/93/C.E. du Parle-
signature électronique : conditions d’existence des écrits signés manuscritement. Cette exigence con- ment européen et du Conseil sur un cadre commu-
réseaux d’avocats », in C.U.P., Formation perma- duit la doctrine à considérer que la signature électro- nautaire pour les signatures électroniques, 13 déc.
nente, Multimédia, le cyberavocat, vol. XXIX, févr. nique suppose nécessairement une transformation de 1999 (J.O.C.E., no L 013, 19 janv. 2000, pp. 0012 à
1999, pp. 180 et 181; S. Parisien et P. Trudel, l’écrit (comme ici le cryptage du message). Voy. 0020).
« L’identification et la certification dans le commer- D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., no 20; (34) M.B., 29 sept. 2001.
ce électronique », Québec, Ed. Yvon Blais Inc., E. Montéro, op. cit., nos 34 à 36. (35) Pour un examen de la directive et de la loi, voy.
1996, pp. 117 et s.; E. Davio, « Certification, signa- (31) Notons que les fonctions de la signature digitale notam. M. Antoine et D. Gobert, « La directive
ture et cryptographie », in E. Montéro (éd.), décrites ci-dessus ne sont qu’une partie des applica- européenne sur la signature électronique : vers la sé-
« Internet face au droit », Cahiers du C.R.I.D., tions que l’on peut en faire. Plus largement, la signa- curisation des transactions sur l’Internet? »,
no 12, E. Story-Scientia, 1997, pp. 80 et s., et du ture digitale permet de contrôler l’origine et l’inté- J.T.D.E., 2000, no 68, pp. 73 à 78; E. Caprioli, « La
même auteur, « Preuve et certification sur internet », grité de données électroniques, quelles qu’elles loi française sur la preuve et la signature électroni-
R.D.C., 1997 no 11, pp. 660 à 670; M. Antoine et soient. Il peut donc s’agir de contrôler l’origine et que dans la perspective européenne », J.C.P., 3 mai
D. Gobert, R.G.D.C., op. cit., no 4/5, pp. 285-310; l’intégrité d’un javascript, de vérifier l’authenticité 2000, pp. 787 à 795. Sur la loi du 9 juillet 2001, voy.
D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., nos 10 à d’une page web ou d’un site internet (voy. sur ce D. Gobert, C.U.P., op. cit. pp. 83 à 172.
26. point J. Dumortier et P. Van Eecke, « De Europese (36) Loi du 20 octobre 2000 introduisant l’utilisa-
(29) Notons qu’il est impossible de déduire la clé ontwerprichtlijn over de digitale handtekening : tion de moyens de télécommunication et de la signa-
privée du signataire à partir de la clé publique corres- waarom is het misgelopen? », Computerrecht, 1999/ ture électronique dans la procédure judiciaire et ex-
pondante. 1, pp. 3 à 5). trajudiciaire, M.B., 22 déc. 2000.
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autorités de certification, qui seront chargées ou d’autres obligations légales lorsque des électroniques règle déjà cette question, lors-
de délivrer des certificats de signatures élec- exigences d’ordre formel sont prescrites par la qu’il fait référence à « l’efficacité juridique »
troniques. Comme nous venons de le voir, ces législation nationale ou communautaire; des signatures électroniques. Signalons que la
certificats permettront de garantir que la si- (...) ». Néanmoins, l’article 5.2, relatif à la transposition de cette directive en droit belge
gnature électronique apposée sur un docu- clause de non-discrimination parle également est en cours (42).
ment émane bien de la personne qui l’a appo- de « l’efficacité juridique des signatures », de
sée. sorte que l’on ne peut parler d’une limitation
C’est à l’article 5 que l’on trouve les principes du champ d’application au droit de la preuve.
gouvernant les effets juridiques des signatures Ainsi, il est permis de penser que la validité de
électroniques. Il faut ici distinguer deux régi-
mes distincts.
Premièrement, l’article 5.1, qui ne concerne
que les signatures électroniques qui répondent
à certaines conditions (37), prévoit purement
la signature ad validitatem est également vi-
sée (38). Cette interprétation de la directive
peut en outre se fonder sur la formulation de
l’article 1er de la directive qui prévoit que cel-
le-ci ne couvre pas les aspects liés à la conclu-
5
LE DROIT BELGE

sion et à la validité des contrats lorsque des Le législateur belge a choisi de transposer la
et simplement qu’elles auront la même valeur exigences d’ordre formel sont prescrites par la
que les signatures manuscrites. Ce qui veut directive européenne sur les signatures élec-
législation nationale ou communautaire. En troniques au moyen de deux lois, soit la loi du
dire qu’elles doivent être admissibles comme effet, dès lors que la directive règle précisé-
preuve en justice et qu’elles doivent bénéfi- 20 octobre 2000 introduisant l’utilisation de
ment le régime juridique applicable aux si- moyens de télécommunication et de la signa-
cier de la force probante accordée aux signa- gnatures électroniques, on peut en déduire que
tures manuscrites. C’est ce qu’il est convenu ture électronique dans la procédure judiciaire
les exigences d’ordre formel dont question et extrajudiciaire, qui ajoute, notamment, un
d’appeler la clause d’assimilation. Cette re- dans cet article visent d’autres conditions de
connaissance pleine et entière de la signature alinéa 2 à l’article 1322 du Code civil et la loi
forme que la signature. du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relati-
électronique s’explique par les moyens tech-
niques mis en œuvre pour sa création, qui as- L’article 9 de la directive européenne sur le ves au cadre juridique pour les signatures
surent un haut degré de fiabilité. commerce électronique (39), dispose quant à électroniques et les services de certification
lui que : « Les Etats membres veillent à ce que (que nous désignerons ci-après par loi P.S.C.
Deuxièmement, l’article 5.2 traite des effets leur système juridique rende possible la con- pour loi relative aux prestataires de services
juridiques des signatures électroniques qui ne clusion de contrats par voie électronique. Les de certification).
répondent pas à toutes les conditions fixées à Etats membres veillent notamment à ce que
l’article 5. 1. Pour ces signatures, il est prévu Nous n’aborderons pas les dispositions de la
leur régime juridique applicable au processus loi P.S.C. qui réglementent l’activité de ces
une clause de non-discrimination. Dans cette contractuel ne fasse pas obstacle à l’utilisa-
hypothèse, les Etats membres doivent veiller à derniers (43). Nous examinerons seulement
tion des contrats électroniques ni ne conduise les paragraphes 4 et 5 de l’article 4 [B] de
ce que l’efficacité juridique et la recevabilité à priver d’effet et de validité juridique de tels
comme preuve en justice d’une signature élec- cette loi ainsi que le nouvel article 1322 du
tronique ne soient pas contestées au seul motif
contrats pour le motif qu’ils sont passés par Code civil [A], en examinant les rapports 2 0 0 2
voie électronique ». Suit alors une énuméra- qu’entretiennent ces deux dispositions [C].
que la signature se présente sous forme élec-

557
tion de domaines pour lesquels il est permis Signalons néanmoins que la loi affirme en son
tronique, ou qu’elle ne repose pas sur un cer-
tificat qualifié, ou qu’elle ne repose pas sur un
aux Etats membres de conserver le régime ac- article 4, § 1er, le principe selon lequel nul ne
tuel et d’écarter ces domaines de la réforme peut être contraint de signer électronique-
certificat délivré par un prestataire de service (art. 9.2) (40). Cet article semble pouvoir être
accrédité, ou encore qu’elle n’est pas créée ment. Il ne saurait en être autrement dès lors
interprété comme imposant de supprimer les que l’utilisation de la signature électronique
par un dispositif sécurisé de création de signa- obstacles à la conclusion électronique des
ture. Cet article consacre donc la recevabilité suppose un équipement technique dont tout le
contrats autres que ceux relatifs à la signature monde ne dispose pas.
des signatures électroniques lato sensu. Pour (41), puisque la directive sur les signatures
faire bref, un juge ne pourra pas refuser un do-
cument dont l’une des partie prétend qu’il est
signé électroniquement. Toutefois, à défaut de (38) Pour l’utilisation des signatures dans le secteur A. — L’article 1322, alinéa 2, du Code civil
répondre aux spécifications de l’article 5. 1, il public, voy le considérant no 19 de la directive sur
appartiendra à celui qui s’en prévaut de con- les signatures électroniques qui précise : « Les si-
La loi du 20 octobre 2000 a introduit, entre
vaincre le juge qu’il s’agit bien d’une signatu- gnatures électroniques seront utilisées dans le sec-
teur public au sein des administrations nationales et autre, un alinéa 2 à l’article 1322 du Code ci-
re. vil. Il s’agissait pour le législateur de transpo-
communautaires et dans les communications entre
Cette directive envisage principalement, mais lesdites administrations ainsi qu’avec les citoyens et ser la clause de non-discrimination contenue à
pas uniquement, la validité ad probationem de les opérateurs économiques, par exemple dans le ca- l’article 5.2 de la directive européenne sur les
la signature électronique. Les effets de la si- dre des marchés publics, de la fiscalité, de la sécurité signatures électroniques.
gnature électronique sur le plan probatoire sociale, de la santé et du système judiciaire ».
sont réglés par la directive. Cela ressort de Celui-ci dispose que : « Peut satisfaire à l’exi-
(39) Directive 2000/31/C.E. du Parlement européen gence d’une signature [1], pour l’application
l’article 1 er de la directive qui énonce que : et du Conseil relative à certains aspects juridiques
« Elle (la directive) ne couvre pas les aspects du présent article [2], un ensemble de données
des services de la société de l’information, et notam- électroniques [4] pouvant être imputé à une
liés à la conclusion et à la validité des contrats ment du commerce électronique, dans le marché in- personne déterminée et établissant le maintien
térieur, du 8 juin 2000 (J.O.C.E., no L178, 17 juill. de l’intégrité du contenu de l’acte [3] ».
2000, pp. 1 à 16).
(37) Il s’agit, selon l’article 5 de la directive des (40) L’article 9.2 précise que certains contrats ne 1. — « Peut satisfaire à l’exigence d’une
« signatures électroniques avancées basées sur un cer- sont pas soumis à la réforme. Il s’agit 1) des contrats signature : le début de cet alinéa semble pou-
tificat qualifié et créées par un dispositif sécurisé de qui créent ou transfèrent des droits sur les biens im- voir être lu comme « satisfait à l’exigence
création de signature ». Une signature électronique mobiliers, à l’exception des droits de location; 2) les d’une signature électronique... ». La formula-
avancée est une signature qui satisfait aux exigences contrats pour lesquels la loi requiert l’intervention tion retenue est due au parcours législatif et
suivantes : a) être liée uniquement au signataire; b) des tribunaux, des autorités publiques ou de profes- aux amendements successifs dont a fait l’ob-
permettre d’identifier le signataire; c) être créée par sions exerçant une autorité publique; 3) les contrats jet cet article (44). La problématique liée à
des moyens que le signataire puisse garder sous son de sûretés et de garanties fournis par des personnes
contrôle exclusif; d) être liée aux données auxquelles agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de
elle se rapporte de telle sorte que toute modification leur activité professionnelle ou commerciale; 4) les
ultérieure des données soit détectable. Un certificat contrats relevant du droit de la famille ou du droit (42) La directive devait être transposée dans le droit
qualifié est un certificat qui satisfait aux exigences vi- des successions. Il ne s’agit bien évidemment que des Etats membres pour le 17 janvier 2002. Un
sées à l’annexe I de la directive et qui est fourni par un d’une possibilité accordée aux Etats membres, la li- avant-projet a été rédigé doit être déposé à la Cham-
prestataire de service de certification satisfaisant aux berté leur étant laissée d’aller au-delà de que ce que bre prochainement.
exigences visées à l’annexe II de la directive. Un dis- prévoit la directive. (43) Voy. sur cet aspect la récente étude de
positif sécurisé de création de signature est un dispo- (41) Tels que ceux liés au formalisme particulier de D. Gobert, C.U.P., op. cit., pp. 83 à 172.
sitif de création de signature qui répond aux exigences certains contrats où à l’opposabilité du contrat aux (44) Voy., en ce sens, P. Lecocq et B. Vanbrabant,
prévues à l’annexe III de la directive. tiers. op. cit., no 99 et la note 219 et E. Montéro, op. cit.,
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cette interprétation sera développée au point de la signature transparaît au travers de cet ar- cours d’adoption ont quelque peu diminué
B. ticle. l’impact de cette modification (52).
2. — Pour l’application du présent article : 4. — Un ensemble de données électroniques : Par ailleurs la loi prévoit un système d’accré-
c’est-à-dire tant que d’autres formes ne sont les termes utilisés sont larges et ce dans un ditation libre pour les autorités de certifica-
pas prescrites par une législation spécifique. souci d’embrasser tout type de signature élec- tion, conformément à la directive. En prenant
Cela ressort clairement du commentaire de tronique. Par rapport au projet initial, on peut un raccourci extrême, le principe de l’accrédi-
l’article (45). Il s’agit de l’application du prin- remarquer que l’on n’exige plus que cet en- tation est le suivant : une autorité de certifica-
cipe lex specialis derogat lex generalis. Cette semble de données électroniques doive résul- tion ne peut être accréditée que si, après en-
législation spécifique peut provenir du Code ter d’une transformation de l’écrit. Cela sem- quête, il a été démontré qu’elle est en mesure
civil lui-même (46) ou d’une réglementation ble signifier que la signature ne doit plus être de proposer des signatures parfaites (53).
spécifique (47). Ces quelques mots insérés liée logiquement au message. Néanmoins, les Cette accréditation, une fois accordée, permet
dans le nouvel article 1322 du Code civil met- définitions données dans la loi P.S.C. de la si- à l’autorité de certification de délivrer des si-
tent en lumière le fait que le législateur belge gnature électronique et de la signature électro- gnatures électroniques qui bénéficieront alors
n’envisageait ici que l’aspect probatoire de la nique avancée reprennent toutes deux cette d’une « présomption » de perfection. Des
signature électronique. exigence de lien logique entre le message et la contrôles ultérieurs sont possibles par l’auto-
signature (voy. art. 2, al. 2, 1o et 2o, L. P.S.C.) rité accréditante (en Belgique, le ministère
3. — Pouvant être imputé à une personne dé- des Affaires économiques). Il s’agit en quel-
terminée et établissant le maintien de l’inté- de sorte que cet « oubli » dans l’article 1322,
alinéa 2, n’aura vraisemblablement pas de que sorte d’un label de qualité délivré par
grité du contenu de l’acte : il s’agit ici de dé- l’administration. Ce régime d’accréditation
terminer quelles sont les conditions que doit conséquences (49).
est cependant libre, de sorte qu’il n’est pas
remplir la signature électronique pour être re- On remarquera que le principe de neutralité obligatoire pour une autorité de certification
connue. En fait, il faut prouver que la signature technologique apparaît a priori respecté dans d’être accréditée pour pouvoir délivrer des si-
électronique en est bien une. Il faudra non seu- la mesure où le texte est rédigé de manière fort gnatures parfaites. Néanmoins, les signatures
lement démontrer l’imputabilité de la signatu- large et ne fait explicitement référence à aucu- délivrées par une autorité de certification ac-
re à une personne déterminée mais également ne technique particulière de signature électro- créditée bénéficieront de facto d’un avantage
que l’intégrité du contenu de l’acte a été sau- nique (50). sur les autres dans la mesure où la seule preu-
vegardée. Sous le terme « imputabilité » sont ve de l’accréditation de l’autorité de certifica-
comprises les fonctions d’identification et tion qui aura délivré la signature devrait suffi-
d’adhésion au contenu de l’acte (48). En bref, re pour que le principe de l’assimilation
il faudra rapporter la preuve que le procédé de B. — Les paragraphes 4 et 5 s’applique. Pour les signatures délivrées par
signature électronique identifie la personne de l’article 4 de la loi du 9 juillet 2001 des autorités de certification non accréditées,
dont il émane, manifeste son consentement au la preuve du respect des exigences posées par
contenu de l’acte et qu’il garantit que l’acte 1. — L’article 4, § 4, énonce que : « sans pré- les trois annexes de la loi devrait en principe
2 0 0 2 n’a pas été modifié ou altéré lors du transfert judice des articles 1323 et suivants du Code être rapportée, même si en pratique, il est en-
de l’information. La définition fonctionnelle civil, une signature électronique avancée réa- visageable de limiter les éléments à vérifier

558 lisée sur la base d’un certificat qualifié et con- (54).


çue au moyen d’un dispositif sécurisé de créa- Notons au passage que la personne à qui l’on
tion de signature électronique, est assimilée à impute une signature électronique, même par-
no 23. Cette interprétation n’est cependant pas una- une signature manuscrite, qu’elle soit réalisée
nime. Voy égalem. les travaux préparatoires de la loi faite, conserve la possibilité de ne pas recon-
par une personne physique ou morale ». naître cette signature, conformément aux
du 9 juillet 2001 (Doc parl., Chambre, 50, 322/007,
p. 4). Cet article assure la transposition de la clause articles 1323 et suivants du Code civil. Indé-
(45) Rapport de la Commission de la justice, p. 29. d’assimilation prévue à l’article 5.1 de la di- pendamment de l’adéquation peu évidente de
(46) Ainsi l’article 970 du Code civil relatif au testa- rective sur les signatures électroniques. Con- l’article 4, § 4, de la loi P.S.C. avec les textes
ment olographe prescrit que le testament doit être crètement, les signatures électroniques qui relatifs à la dénégation d’écriture et à son co-
« écrit en entier, daté et signé de la main du répondront à ces conditions seront automati- rollaire, la procédure en vérification d’écritu-
testateur », ou encore l’article 1326 du même Code quement considérées comme signatures. re (art. 883 et s., C. jud.), on peut se poser la
qui prévoit que dans le cas d’une convention unilaté- question de savoir s’il était opportun de lais-
rale, l’acte sous seing privé doit être écrit de la main La loi définit les notions de signature électro- ser cette faculté au signataire présumé d’un
et celui qui s’engage ou que sa signature soit précé- nique avancée (art. 2, al. 2, 2o), de certificat document électronique. En effet, le degré de
dée de la mention manuscrite « bon pour » ou qualifié (art. 2, al. 2, 4o), et de dispositif sécu- fiabilité offert par une telle signature est bien
« approuvé ». On peut remarquer que relativement à risé de création de signature électronique plus élevé que celui d’une signature manus-
ce dernier article, la loi française sur la signature (art. 2, al. 2, 7o), en renvoyant pour l’essentiel crite, aisée à contrefaire. En outre, la charge
électronique a remplacé les termes « de sa main » aux annexes I, II et III de la loi. Par commodi- de la preuve appartiendrait alors à la personne
par « par lui-même » (art. 5), permettant dès lors té, ce type de signature sera désigné par le ter- qui tente d’imputer la signature à son auteur
l’usage de la signature électronique dans cette hypo- me de « signature parfaite », emprunté à présumé, tâche ardue et malaisée dans le
thèse. On relèvera également l’article 17, § 2, de meilleur des cas. Signalons cependant que
l’avant-projet de loi belge sur le commerce électro-
P. Lecocq et B. Vanbrabant (51).
cette question n’est pas tranchée et que les
nique qui prévoit notamment que l’exigence d’une On notera au passage que le paragraphe 4 pré-
mention écrite de la main de celui qui s’oblige peut voit explicitement la possibilité d’attribuer
être satisfaite par tout procédé garantissant que la une signature à une personne morale, ce qui
mention émane de ce dernier ». (52) Sur la signature électronique des personnes mo-
constitue une innovation, et ce même si les rales, voy. B. Vanbrabant, « La signature électroni-
(47) La Convention de Genève du 7 juin 1930 qui amendements qui ont été apportés au projet en
fixe les règles d’établissement d’un chèque, d’un que des personnes morales », in C.U.P., Formation
billet à ordre ou d’une lettre de change, demeure in- permanente, La preuve, vol. 54, mars 2002, pp. 173
changée. Il est donc actuellement impossible d’éta- à 228.
blir un chèque par voie électronique. De même, (49) Voy sur ce point les réflexions émises par (53) L’accréditation suppose en effet que le presta-
l’article 17 de la loi sur le crédit à la consommation, E. Montéro, op. cit., no 35. taire de services de certification ait satisfait aux exi-
même s’il ne précise pas que la signature doit être (50) Même s’il ne fait aucun doute sur le fait que ce gences de l’annexe II, que ses certificats soient con-
manuscrite, prévoit néanmoins en son alinéa 2 que : soit la technique de la cryptographie asymétrique qui formes à l’annexe I et que les dispositifs de création
« Le consommateur doit faire précéder sa signature ait été prise comme modèle technologique pour la ré- de signature utilisés répondent à l’annexe III (art. 17,
de la mention manuscrite et en toutes lettres : “ lu et daction du texte. § 1er, de la loi). Bien que parmi ces exigences ne fi-
approuvé pour ... francs à crédit. ”. Il doit y apporter (51) P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. cit., no 80, et la gure pas celle que la signature électronique soit
également la mention manuscrite de la date et de note 185. M.-E. Storme désigne quant à lui ce type avancée, on conviendra avec P. Lecocq et B. Van-
l’adresse précise de la signature du contrat. » de signature par les termes « gekwalificeerde elek- brabant que si les exigences des annexes I, II et III
(48) Rapport de la Commission de la justice p. 30 et tronische handtekening », M.-E. Storme, op. cit., sont rencontrées, la signature qui sera créée sera né-
justification de l’amendement no 12 à ladite proposi- no 37, tandis qu’E. Montéro adopte la dénomination cessairement avancée (P. Lecocq et B. Vanbrabant,
tion de loi (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1999- de « signature électronique qualifiée », E. Montéro, op. cit., no 106 et la note 236.)
2000, no 38/006). op. cit., no 6, note 11. (54) P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. cit., no 107.
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auteurs divergent quant à « qui » devra prou- » — qu’elle ne repose pas sur un certificat tive (et donc de l’article 4, § 5, de la loi), une
ver ou à ce qu’il faudra prouver (55). Une par- qualifié ou fois la signature électronique déclarée receva-
tie de la doctrine (56) précise cependant que » — qu’elle ne repose pas sur un certificat ble, le juge était libre de lui accorder force
dans l’hypothèse où le signataire contesterait qualifié délivré par un prestataire accrédité de probante ou non en fonction des éléments qui
avec succès sa signature, celui-ci n’en reste- service de certification, ou lui étaient soumis, au contraire du système
rait pas moins tenu d’indemniser l’autre partie » — qu’elle n’est pas créée par un dispositif prévu par l’article 5.1 de la directive (ou 4,
sur la base de la responsabilité aquilienne. Les sécurisé de création de signature ». § 4, de la loi), où le juge devait accorder force
paragraphes 1 er et 2 de l’article 19 de la loi probante à la signature parfaite, conséquence
P.S.C. précisent en effet en substance que le Il s’agit de la transcription littérale de logique de son assimilation à la signature ma-
titulaire d’une signature électronique est res- l’article 5.2 de la directive européenne sur les nuscrite. Cette interprétation se base notam-
ponsable de la confidentialité de la clé privée signatures électroniques, relatif à la clause de ment sur les travaux préparatoires de la loi
(§ 1er) (57). Si un doute naît quant à cette con- non-discrimination. Ce paragraphe a été ajou- P.S.C. (64) et sur la formulation actuelle de
fidentialité, il appartient donc au titulaire de té au projet de loi à la fin de son parcours lé- l’article 1322, alinéa 2 (65). On remarquera
faire révoquer le certificat (§ 2) (58). A défaut gislatif, afin d’assurer la transposition la plus cependant que la distinction entre recevabilité
pour lui de le faire, il engagerait sa responsa- complète possible de la directive. Le législa- et force probante de la signature électronique
bilité extracontractuelle à l’égard de la partie teur souhaitait en effet réaliser « l’équivalen- dans le cadre de la clause de non-discrimina-
qui se prévaut de la signature, puisqu’il n’a ce absolue entre la signature électronique et la tion peut paraître quelque peu artificielle. En
pas pris les mesures nécessaires pour signature manuscrite, tant pour les procédures effet, en vertu de l’article 1322, alinéa 2 nou-
« bloquer » sa signature électronique en sa- judiciaires qu’extrajudiciaires » (61). Cet veau, du Code civil, dès lors qu’un mécanis-
chant que celle-ci n’était plus sous son seul ajout ainsi que sa place dans cette loi, peuvent me technique que l’on prétend être une signa-
contrôle. Le dommage serait alors pour l’autre sembler surprenants dès lors que la clause de ture électronique assure les fonctions d’impu-
partie la non-conclusion du contrat (59). La non-discrimination faisait en principe déjà tabilité et d’intégrité prévues par ce texte, il
seule possibilité pour le signataire d’éviter l’objet d’une transposition via l’article 1322, faut considérer que l’on est bien en face d’une
une quelconque part de responsabilité serait alinéa 2 nouveau, du Code civil. Cela tient signature, et partant d’un acte sous seing privé
de démontrer que sa signature électronique a probablement au fait que le législateur consi- (en partant du principe que les mots « peut
été « piratée » et utilisée à son insu, situation dérait que l’assimilation de la signature élec- satisfaire » se lisent comme « satisfait »). Le
qui risque de se présenter rarement en prati- tronique à la signature manuscrite telle que rôle du juge se limiterait en conséquence à vé-
que et dont la preuve risque d’être impossible prévue par l’article 1322, alinéa 2, n’était que rifier « simplement » si ces deux fonctions
à rapporter (60). Cette question est d’impor- facultative (62). Nous avons cependant préci- sont remplies. Soit elles ne le sont pas et le
tance puisqu’un régime trop strict pourrait sé que si la formulation de cet article laisse juge doit déclarer le document électronique
constituer un frein important au développe- supposer une simple faculté de reconnaissan- irrecevable, soit elles le sont et le juge doit dé-
ment de la confiance tant recherchée, que la ce d’une signature électronique, l’analyse de clarer le document recevable et, partant, lui
réglementation sur la signature électronique la gestation législative du texte ouvre la porte accorder force probante, puisqu’il s’agit d’un
devait promouvoir. à une interprétation selon laquelle la recon- écrit signé (sous réserve de la dénégation 2 0 0 2
naissance doit être acquise pour autant que les d’écriture). Il s’agit, pour reprendre l’expres-
2. — Le paragraphe 5 de l’article 4 dispose conditions énumérées dans cet article soient sion de P. Lecocq et B. Vanbrabant, d’une rè-

559
quant à lui : « Une signature électronique ne remplies (voy. pt A 1.). Quoi qu’il en soit,
peut être privée de son efficacité juridique et gle du tout ou rien (66). Du reste, en décider
l’ajout de ce paragraphe 5 n’est pas sans con-
ne peut être refusée comme preuve en justice séquence, comme nous le verrons par la suite.
au seul motif :
» — que la signature se présente sous forme De manière claire, comme déjà évoqué ci-des-
électronique, ou sus lors de l’analyse de l’article 5.2 de la di- 11 février 2000, disponible sur http://www.droit-
rective, la loi interdit donc notamment de dé- technologie.org; Th. Verbiest et E. Wéry, avec la
clarer irrecevable comme preuve en justice un collaboration de A. Salaün et D. Gobert, Le droit de
document dont une partie prétend qu’il est si- l’internet et de la société de l’information, droit
gné électroniquement pour le seul motif que la européen, belge et français, Collection Création-
(55) Voy. sur cette question P. Lecocq et B. Vanbra- Information-Communication, Larcier, Bruxelles,
bant, op. cit., nos 109 à 112; D. Gobert et E. Mon- signature est électronique. Notons cependant
qu’il est toujours possible de considérer com- 2001, nos 667 et 668.
téro, J.T., op. cit., pp. 114 et s., estiment quant à eux (64) Voy Doc. parl., Ch., 50 322/001, sess. ord. 99/
qu’une signature parfaite bénéficie d’une présomp- me irrecevable une signature électronique (ou
plutôt le document que l’on souhaite produire 00, p. 13 : « Pour résumer le lien entre les deux pro-
tion réfragable selon laquelle les fonctions d’imputa- jets de loi, on peut dire que le projet relatif aux auto-
bilité et d’intégrité sont remplies. Selon ces auteurs : à titre de preuve sur laquelle elle est apposée)
pour d’autres motifs que ceux énoncés dans rités de certification accorde force probante aux si-
« un signataire peut toujours, comme pour la signa- gnatures électroniques avancées créées par un
ture manuscrite, contester sa signature puisque la cet article, par exemple le fait que la signature dispositif sécurisé de création de signature et combi-
présomption est réfragable, avec néanmoins la diffé- ne serait pas avancée. Cet article vise donc nées à un certificat qualifié. Ces signatures bénéfi-
rence fondamentale qu’il ne lui suffit plus de désa- toutes les signatures qui ne sont pas parfaites, cient des mêmes effets juridiques que ceux qui sont
vouer sa signature mais qu’il doit renverser la c’est -à-d ire les sign at ures « simp les » , reconnus aux signatures manuscrites (...) Par contre,
présomption »; R. de Corte, « Elektronische handte- « avancées » et « avancées avec certificat le projet relatif au droit de la preuve se limite à créer
kening en de identificatie in de virtuele wereld », qualifié ». Si les deux dernières doivent être le principe de la recevabilité de tout type de signatu-
11 juill. 2001, non publié; de manière plus nuancée, déclarées recevables (la première pouvant re, même électronique, le juge étant alors libre d’ap-
voy E. Montéro, op. cit., p. 46. l’être), il appartient cependant à celui qui s’en précier la valeur probante à accorder à celle-ci (il
(56) E. Montéro, op. cit., nos 43 à 45; R. Mougenot, prévaut de démontrer qu’il s’agit bien d’une pourrait très bien accorder une valeur probante équi-
La preuve, 3e éd. (mise à jour par D. Mougenot), signature électronique. valente à celle de la signature manuscrite s’il estime
Larcier, no 158, à paraître; D. Gobert, C.U.P., op. que les différentes fonctions de la signature sont réa-
cit., pp. 153 à 158. Certains auteurs (63) ont précisé que dans les lisées avec une certitude raisonnable) ».
(57) Le paragraphe 1er énonce : « Dès le moment de hypothèses visées par l’article 5.2 de la direc-
(65) Cette interprétation est en effet confortée par le
la création des données afférentes à la création de si- choix par le législateur des termes « peut satisfaire à
gnature, le titulaire du certificat est seul responsable l’exigence d’une signature... » de l’article 1322,
de la confidentialité de ces données ». (61) Voy. les travaux préparatoires de la loi du alinéa 2, du Code civil. Nous avons néanmoins si-
(58) Le paragraphe 2 énonce quant à lui : « En cas 9 juillet 2001, Doc. parl., Chambre, 50, 322/7, p. 4. gnalé au point A que cette formulation pouvait se lire
de doute quant au maintien de la confidentialité des (62) Voy. les travaux préparatoires de la loi du comme « satisfait », de sorte que le pouvoir d’appré-
données afférentes à la création de signature ou de 9 juillet 2001, Doc. parl., Chambre, 50, 322/7, p. 4, ciation qui semble être laissé au juge sur ce point est
perte de conformité à la réalité des informations con- ainsi que Doc. parl., Sén. 2-662/3, sess. ord. 00/01. inexistant.
tenues dans le certificat, le titulaire est tenu de faire (63) D. Gobert et E. Montéro, « La signature dans (66) P. Lecocq et B. Vanbrabant, « La preuve du
révoquer le certificat ». les contrats et les paiements électroniques : l’appro- contrat par voie électronique », in Le commerce
(59) Qui ne s’identifie cependant pas nécessaire- che fonctionnelle », op. cit. n o 55; D. Gobert et électronique : un nouveau mode de contracter, actes
ment au dommage qui aurait été considéré contrac- E. Montéro, « L’ouverture de la preuve littérale aux du colloque organisé par la Faculté de droit de Liège
tuel si le désaveu de signature n’avait pas abouti écrits sous forme électronique », op. cit., pp. 119 et (Unité de droit privé) et la Conférence libre du Jeune
avec succès. 120; D. Gobert, « Belgique : projet de loi “ signature barreau de Liège le 19 avril 2001, a.s.b.l. Editions du
(60) Comp., D. Gobert, op. cit., p. 155. électronique ” déposé à la Chambre », actualité du Jeune barreau de Liège, 2001, op. cit., nos 96 et 99
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autrement reviendrait à créer une distorsion l’article 4 de la loi. Enfin, et la précision est C. — L’articulation des articles 1322
juridique sérieuse et non justifiée entre le ré- d’importance, l’article 17 de l’avant-projet de du Code civil et 4, §§ 4 et 5,
gime de la signature manuscrite et celui de la loi sur certains aspects juridiques des services de la loi du 9 juillet 2001
signature électronique, puisque dans l’envi- de la société de l’information confirme selon
ronnement « papier » le juge ne peut pas dé- nous de manière non équivoque cette solution. La question ne se pose pas vraiment pour les
clarer un acte sous seing privé recevable et lui Cet article précise en effet que : « signatures parfaites », dont le statut est ré-
dénier ensuite toute force probante (67). Ce- « § 1er. Toute exigence légale ou réglementai- glé par l’article 4, § 4, de la loi, soit la clause
pendant, la controverse existante en doctrine re de forme relative au processus contractuel d’assimilation pure et simple, qui ne laisse
sur cette question n’est peut-être qu’une que- est réputée satisfaite à l’égard d’un contrat par subsister aucun doute quant aux conditions à
relle de mots, dans la mesure où les thèses en voie électronique lorsque les qualités fonc- remplir pour ce type de signature et quant aux
présence reconnaissent toutes deux au juge un tionnelles de cette exigence sont préservées. effets à leur accorder, que l’on envisage ou
pouvoir d’appréciation, mais à des stades dis- non la signature sous l’aspect probatoire.
tincts. Fondamentalement, il s’agira toujours » § 2. Pour l’application du paragraphe 1er, il
y a lieu de considérer : Au contraire, pour les signatures « non par-
de démontrer à celui-ci que le procédé techni- faites », il semble a priori que deux disposi-
que utilisé est bien une signature et qu’il doit » . . . . . . . . . . . .
tions concurrentes soient applicables : l’arti-
se voir attribuer les mêmes effets. Il n’est cle 1322, alinéa 2, du Code civil et l’article 4,
donc pas impossible que l’impact de la con- » que l’exigence, expresse ou tacite, d’une si-
qnature est satisfaite dans les conditions re- § 5, de la loi du 9 juillet 2001. Nous avons
troverse soit limité dans la pratique quotidien- déjà précisé que la clause de non-discrimina-
ne de la matière. vues soit à l’article 1322, alinéa 2, du Code ci-
vil, soit à l’article 4, § 4, de la loi du 9 juillet tion devait initialement être transposée par
Une autre conséquence non négligeable pro- 2001 fixant certaines règles relatives au cadre l’article 1322, alinéa 2, du Code civil. Celui-
vient du libellé de l’article 4, § 5 et de la sup- juridique pour les signatures électroniques et ci va cependant plus loin qu’une simple ex-
pression dans l’article 4, § 4, de la référence à les services de certification ». pression d’un principe de non-discrimination
l’article 1322 (référence qui existait jusqu’à des signatures électroniques. Il traduit dans
l’amendement du texte par le Sénat). D’une Il est donc ici fait expressément référence aux un texte législatif la définition fonctionnelle
part, l’article 4, § 5, parle de la recevabilité de articles 1322, alinéa 2, du Code civil et 4, § 4, de la signature et énonce des règles plus stric-
la signature électronique en justice et de l’ef- de la loi P.S.C. pour définir ce qu’il faut ou tes que l’article 5.2. de la directive, soit les
ficacité juridique des signatures électroniques non considérer comme une signature, en de- fonctions que doit remplir la signature, con-
et, d’autre part, l’article 4, § 4, s’est affranchi hors du strict domaine de la preuve. Bien qu’il ditions que ne contient pas l’article 5.2. de la
de son lien avec l’article 1322 du Code civil, ne s’agisse que d’un avant-projet, et que ce- directive. Il s’agit probablement de la raison
qui semblait le cantonner au domaine de la lui-ci ne vise que « le processus contractuel », principale pour laquelle un paragraphe 5 a été
preuve (68). Ceci tend à démontrer que tant la il peut s’en déduire que ces articles consti- ajouté à l’article 4 de la loi du 9 juillet 2001,
clause d’assimilation que la clause de non- tuent le socle juridique sur lequel s’appuie la reprenant fidèlement le texte même de la di-
discrimination, transposées en droit belge, ne notion juridique de signature électronique, rective (72). Néanmoins, cet ajout est venu
2 0 0 2 concernent pas uniquement le droit de la preu- quel que soit le rôle ou le domaine dans lequel perturber l’attribution des rôles respectifs que
ve mais doivent être appliquées à chaque fois celle-ci est envisagée. Du reste, pourquoi fau- l’on reconnaissait traditionnellement à

560
que le terme « signature » apparaît dans une drait-il aller chercher ailleurs une définition l’article 1322, alinéa 2, du Code civil (clause
norme juridique. Ces deux clauses ont donc déjà complète de la signature (surtout au re- de non-discrimination) et l’article 4, § 4, de
une portée générale en droit belge, ce qui a gard des annexes de la loi P.S.C.)? Une multi- la loi du 9 juillet 2001 (clause d’assimila-
pour conséquence qu’il ne sera théoriquement plication des définitions ne ferait qu’accroître tion).
pas nécessaire de modifier tous les textes où le les difficultés d’application d’une législation L’agencement de ces deux dispositions peut
mot « signature » apparaît, en y mentionnant déjà fort complexe. selon nous être résumé comme suit : si
que la signature électronique est aussi accep- l’article 4, § 5, contient de manière certaine
tée. A titre d’exemple, l’article 1034ter, 6 o , les principes de la recevabilité et de l’efficaci-
du Code judiciaire, qui prévoit que la requête té des signatures électroniques, il ne détermi-
doit être signée par le requérant ou son avocat ne pas les conditions ni les critères qui doivent
à peine de nullité, ne devra en principe pas être rencontrés pour qu’un procédé technique
être modifié pour permettre aux avocats de si- déterminé puisse accéder au rang de signatu-
gner électroniquement une requête. Cette in- re. Il faut pour cela s’en référer au contenu de
terprétation large (69) n’est pas retenue par l’article 1322, alinéa 2, du Code civil, et au
une partie de la doctrine (70), mais ressort besoin, au contenu des annexes de la loi
clairement du considérant 19 de la directive P.S.C. Il peut donc s’en déduire qu’une signa-
sur les signatures électroniques et d’une partie ture non parfaite sera considérée comme une
de l’exposé des motifs de la loi P.S.C. (71). signature par une application combinée des
Elle est également confirmée par la formula- articles 4, § 5, de la loi P.S.C. et 1322, alinéa
tion actuelle des paragraphes 4 et 5 de 2, du Code civil. Dans le domaine probatoire
sensu stricto cependant, l’article 1322,
alinéa 2, se suffit à lui même (73). Il n’est en
(voy. égalem. les mêmes auteurs, op. cit., nos 96 et effet pas nécessaire de faire le détour par
99); En ce sens égalem. E. Montéro, op. cit., no 23. l’article 4, § 5, de la loi P.S.C. pour trouver
(67) Toujours sous réserve de la dénégation d’écriture. l’expression du principe de la recevabilité des
(68) Signalons cependant que l’article 4, § 4, fait signatures électroniques comme preuve en
toujours référence aux articles 1323 et suivants, de justice, puisque l’article 1322 le contient déjà.
sorte que la « filiation » de la matière avec le droit de Cet article était en effet déjà en vigueur avant
la preuve subsiste. l’adoption de l’article 4, § 5, de la loi P.S.C.,
(69) Voy. en ce sens E. Montéro, op. cit., nos 17 et sans qu’il ait été contesté que le principe de
18. Voy. égalem. P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. recevabilité était bien concrétisé par cette dis-
cit., nos 81, 88 et 116 à 119 s’appuyant sur le princi- position (74). Du reste, il nous semble plus
pe d’interprétation conforme du droit national par
rapport au doit communautaire.
(70) Voy. notam., M. Antoine et D. Gobert, (72) Sur ce point, voy. E. Montéro, op. cit., nos 19 et
J.T.D.E., 2000, op. cit., pp. 73 et s., no 14; D. Gobert 20 et les différentes notes citées par l’auteur sous ces
et E. Montéro, J.T., 2001, op. cit., p. 116; comp. numéros.
l’opinion de D. Mougenot dans R. Mougenot, La (73) En ce sens, P. Lecocq et B. Vanbrabant, op. cit.,
preuve, 3e éd. (mise à jour par D. Mougenot), Lar- no 117; comp. R. De Corte, op. cit., nos 102 et 103;
cier, no 122-3, in fine, à paraître. (74) Comp. Y. Poullet et M. Antoine, « Vers la con-
(71) Doc. parl., Ch. repr. Doc. 50, no 322/007, pp. 3 fiance ou comment assurer le développement du
et 4. commerce électronique », in Authenticité et infor-
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cohérent de placer dans le Code civil un prin- des conditions fixées par le Roi, par arrêté dé-

C
cipe général applicable à la preuve des obliga- libéré en conseil des ministres ». Ainsi la loi
tions et à la recevabilité des moyens de preuve en reconnaîtrait dès à présent la validité, mais
en particulier, plutôt que dans une loi spécifi- laisserait une certaine marge de manœuvre CONCLUSION
que. pour l’introduction effective de cette disposi-
tion, en laissant au conseil des ministres le
soin d’en élaborer le cadre technique (76). Par Après un parcours législatif long et jalonné de
ailleurs, on ne peut perdre de vue qu’en cette diverses modifications, la signature électronique
D. — Quelques observations matière se pose également la question de la dispose maintenant d’un cadre législatif. Ayant
passation d’un acte authentique à distance, fait son entrée par le droit de la preuve, elle sem-
La possibilité de donner date certaine à un qui soulève elle aussi de nombreuses interro- ble s’imposer de manière naturelle dans toutes
acte électronique contre les tiers par le biais gations. les branches du droit. Bien que certaines zones
d’un enregistrement électronique n’est pré- d’ombre subsistent encore, il est maintenant ac-
vue par aucun texte. L’article 1328 du Code Enfin, signalons que la définition de la signa- quis que la signature électronique doit fonda-
civil reste à ce jour inchangé. Le recours à un ture permet de conserver une distinction entre mentalement permettre d’identifier son auteur,
tiers de confiance, qui enregistrerait la tran- la signature manuscrite et d’autres formes de de s’assurer de son consentement relativement
saction et lui garantirait sa date n’aura donc signatures. Cela permet de conserver le régi- au contenu du document signé et de garantir
effet qu’entre les parties au contrat et ne sera me juridique classique concernant la signature l’intégrité du contenu de ce dernier. Quel que
pas opposable aux tiers. Il s’agit là d’une la- manuscrite ordinaire, qui continuera à coexis- soit le stade auquel ces éléments devront être
cune de taille à laquelle il conviendrait de re- ter avec celui de la signature électronique rapportés, leur réunion conférera au document
médier au plus vite. A titre d’illustration, un (77). électronique la qualité d’acte sous seing privé.
bail signé électroniquement ne pourrait pas Quant à savoir avec quelle aisance, qui du signa-
être enregistré, sauf à en établir un exemplai- taire, du cocontractant ou du tiers, pourra dé-
re papier, à le signer manuscritement et à pré- (76) Signalons à cet égard la loi française sur la si-
montrer que le procédé utilisé répond ou non à
senter ce document manuscrit à l’enregistre- gnature électronique (L. no 2000-230 du 13 mars ces conditions, il s’agit d’une question que la ju-
ment, ce qui enlève toute utilité au contrat 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux risprudence devra résoudre. Il reste à espérer
électronique. La solution consisterait à don- technologies de l’information et relative à la signatu- que celle-ci sera la plus uniforme possible, afin
ner à un tiers de confiance la mission qui ne re électronique, J.O., 14 mars 2000) qui envisage que l’utilisation des contrats électroniques puis-
serait plus de certifier l’identité des parties, également la possibilité de signer un acte authenti- se se généraliser tant dans le chef des consom-
mais de certifier qu’un acte a été accompli à que électroniquement, par l’ajout d’un alinéa 2 à mateurs que des professionnels, ce qui, à n’en
un moment déterminé (75). L’administration l’article 1317 du Code civil qui énonce que « Il pas douter, constituait l’objectif premier des lé-
de l’enregistrement, une fois dotée du maté- (l’acte authentique) peut être dressé sur support élec- gislateurs belge et européen lors de la rédaction
riel adéquat, pourrait remplir ce rôle qui lui tronique s’il est établi et conservé dans des condi- des textes relatifs à la signature électronique.
est actuellement dévolu dans l’environne- tions fixées par décret en Conseil d’Etat ».
ment papier. (77) D. Gobert et E. Montéro, D.A.O.R., op. cit., Laurent GUINOTTE 2 0 0 2
p. 36. Avocat et assistant à l’U.Lg.

561
Il ne serait pas inopportun que les articles 883
et suivants du Code judiciaire, relatifs à la
procédure en vérification d’écriture, fassent
l’objet d’un remaniement, afin d’être entière-
ment adaptés aux nouveaux procédés de si-
gnature électronique. Ces textes ont en effet
été rédigés à une époque où seuls des docu-
ments « papier » pouvaient servir de support à
une signature. En outre, pour les signatures
électroniques qui font appel à une autorité de
certification, cette dernière pourrait être ame-
née à jouer un rôle important dans le règle-
ment de l’incident. Ce rôle pourrait ne pas être
purement passif et une obligation de collabo-
ration, voire de participation à la procédure
n’est peut-être pas à exclure.
Les textes belges restent muets sur le sujet des
actes authentiques. Il n’est donc pas possible,
dans l’état actuel de la législation, de signer
électroniquement une acte authentique. Il est
vrai que ni la directive sur les signatures élec-
troniques, ni la directive commerce électroni-
que n’imposent de pousser la réforme jusqu’à
ce stade. Il s’agit pourtant d’une évolution
inéluctable à terme, sur laquelle des travaux
sont déjà menés. L’avant-projet de loi belge
sur certains aspects juridiques des services de
la société de l’information dispose en effet en
son article 31 que l’article 1317 du Code civil
serait complété par un alinéa libellé comme
suit : « Il (l’acte authentique) peut être dressé
sur tout support s’il est établi et conservé dans

matique / Authenticiteit en informatica, congrès de


la Fédération royale du notariat belge, Bruxelles,
2000, Kluwer et Bruylant, 2000, no 10.
(75) De tels organismes existent déjà. Concrète-
ment, ils attribuent aux documents électroniques une
« marque de temps » indélébile de manière à pouvoir
garantir leur origine chronologique.

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