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LB ROSS

Université du Nouveau­Mexique

L'ÉTRANGE CAS DE JEAN COUSTAIN


OU COMMENT « NE PAS » ÉCRIRE UN THRILLER

1. Introduction

Il s'agit d'un curieux cas de tentative d'assassinat qui eut lieu à la cour de Bourgogne vers la
fin du règne de Philippe le Bon, et qui est longuement relaté par Georges Chastellain dans ses
Chroniques, et plus succinctement par Jacques Du Clercq dans ses Mémoires1 . 2. En dehors de
ces deux sources, nous ne trouvons pas de documents indépendants relatifs à cet événement
sordide, peut­être le résultat d'une suppression délibérée de la part de la cour ducale en raison de
son caractère sensible, qui rend toute vérification objective plutôt problématique. Ayant dû
m'appuyer sur le récit historique pour les détails factuels de cet épisode plutôt trouble, j'examinerai
en particulier comment Chastellain, le plus doué des deux chroniqueurs, l'a présenté à ses
lecteurs. Il s'agit d'un exemple rare d'une affaire élevée au rang de littérature criminelle dans une
œuvre de la fin du Moyen Âge, et d'un document intrigant sur les goûts contemporains, car il illustre
le large fossé entre l'époque de Chastellain et l'époque moderne dans l'appréciation des romans
policiers.
En fait, cela montre cet écrivain par ailleurs talentueux en train de laisser tomber presque
Ce qui nous semblerait une occasion parfaite de créer un thriller mémorable.

2. Le récit de Chastellain

Lorsqu'on le considère dans le contexte de l'ensemble des Chroniques, deux qualités de ce


segment frappe immédiatement le lecteur : premièrement, c'est l'un des passages les plus longs

1 G. Chastellain, Chroniques, dans Œuvres, éd. JBMC Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1864, Genève,
1971, t. 4, l. VI, pages 234 à 269 ; J. Du Clercq, Mémoires, éd. F. de Reiffenberg,
2e éd., Bruxelles, 1836, t. 3, l. IV, p. 212­218. Du Clercq date l'épisode de 1462, à commencer par
l'arrestation de Coustain le dimanche, jour de fête de saint Jean et de saint Christophe.

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consacré à un seul épisode (trente­cinq pages réparties sur dix chapitres du livre VI, par ailleurs
fragmentaire), et deuxièmement, son protagoniste Jean Coustain est un homme de modeste
extraction. Si ces éléments soulignent à eux seuls le caractère exceptionnel de l'affaire, l'auteur le
confirme en captant l'attention du lecteur dès le premier paragraphe avec toute la force de
ses talents rhétoriques, d'une manière qu'il réserve habituellement à ses œuvres poétiques : «
une [ matière] maintenant, outrepasse des autres, effrontable et hideuse, se vient présenter à
ma plume et choquant impétueusement contre ma main [...] : c'est d'un homme de basse
condition, que fortune dérisoirement avoit monté, et lequel, après estre enyvré de ses dons,
dont n'estoit digne, l'a mené à fin si confondre que son nom n'est digne d'entrer en bouche [ . ]
Peu faisoit pour autrui sans profit ; et n'y avoit amitié, ne noblesse qui ne fut mise derrière pour
promesse argent. N'évitez la vertu une seule en luy, par quoy il soit de mémoire, mais vices,
rudesses et descognoissemens par déturpation voyable.

Estoit luxueux outre­bord, glouton en vin et viandes, grossier et gros de conscience, indocte et
sans lettres, irrévérend aux bons, de nulle vertu tenant compte ; et si à aucuns portoit amitié ou
faveur, sy n'avançoit­il que méchantes personnes de semblable qualité à luy et nuls autres »2.

En quelques traits de plume, Chastellain dresse le portrait d'un méchant par excellence tel
que le conçoit la société courtoise de l'époque : vulgaire, ignorant, cupide et ingrat envers ses
supérieurs. La carrière rapide de Coustain irrite l'écrivain.
Ce jeune Bourguignon était devenu valet de chambre personnel du duc Philippe parce qu'il avait
hérité de cette fonction de son oncle, qui avait été un fidèle serviteur, et non en raison de qualités
personnelles. Il s'est bien marié et est devenu puissant et craintif, gonflé d'une fierté imméritée.
Son épouse était dame d'honneur et intime de la belle­fille du duc, la comtesse de Charolais,
mais il devint vite évident que le comte de Charolais (futur duc Charles le Téméraire) n'approuvait
pas cette amitié. Le couple commença à craindre pour leur avenir sous la direction d'un nouveau
duc, une peur rendue encore plus urgente par le fait que le vieux duc avait la soixantaine et était
souvent malade. Ils décidèrent de se débarrasser de l'héritier.

Ayant établi le mobile du meurtre, Chastellain passe rapidement à la phase de planification.


Coustain décide d'empoisonner le comte et quitte la cour pour sa Bourgogne natale sous
prétexte d'affaires personnelles, mais en réalité pour se procurer un poison à action lente. Là, il
convainc l'honnête mais pauvre chevalier Jean de Vy, avec des promesses de récompenses et
d'honneurs, de lui procurer un poison en Italie, apparemment par l'intermédiaire de la petite amie
savoyarde de de Vy. De Vy sait apparemment que le prénom de la victime prévu est Charles,
puis fini par découvrir son identité complète, mais accepter quand même de coopération. Les
Les détails de ces traités n'intéressent évidemment pas l'auteur, qui écarte cette phase du drame en
quatre courtes pages. Mais en réalité, cette période cruciale s'étend sur quatre à cinq mois,
provoquant une absence prolongée et inexpliquée du tribunal qui inquiète le meurtrier potentiel.
Finalement (et probablement après s'être procuré le poison), Coustain revient à Bruxelles pour
retrouver le comte de Charolais en 2.

2 G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 234, 237.

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résidence, voiture son père est malade. Pour habituer sa victime à accepter des boissons de
sa part, il lui offre un verre de vin sûr sans le test habituel, en plaisantant en disant que le
fils devrait apprendre à lui faire confiance comme son père. Charles accepte la boisson
sans méfiance.

Soudain, un imprévu précipite le drame. L'oublié de Vy arrive en ville pour réclamer sa


récompense, mais Coustain le traité avec mépris et refuser de payer. Le complice déçu se
confronte alors à Pierre de Hagenbach, chevalier au service de Charles, à une diatribe
furieuse dans laquelle il fait sombrement allusion à quelque savoir secret qui pourrait ruiner
le traître. A ce stade, nous sommes informés que de Vy est en possession d'une ou
plusieurs lettres incriminantes de Coustain : « Voyez­vous bien, ce dit, ce ribaud vilain, Jehan
Coustain, là où il passe plein d'orgueil et de descognoissement . ? Par la mort ! bien je veul que
vous sachiez, et tout le monde avecques, qu'en moy est bien de le déshonorer et de le faire le
plus courroucié qu'oncques homme fust, car git sa vie et sa mort en ma main, et de le faire
descendre aussi bas qu'oncques il est monté haut [...] Ne me chaut qui l'oye ou qui luy
rapporte. C'est un mauvais faux traître et non digne qu'il marche sur terre. Et s'il ne m'apaise
et contente, et de bref, je le feray mourir de male et honteuse mort »3.

Si le discours véhément de l'homme déçu sonne vrai (et il aurait été facile pour Chastellain
d'obtenir un témoignage oculaire), le lecteur ne peut s'empêcher de remarquer comment
l'écrivain utilise un acteur pour réitérer ses propres attaques personnelles contre le valet
méprisé. . Hagenbach, qui ignore la nature du différend entre les deux hommes, semble
inexplicablement peu curieux et suggère une rencontre entre eux pour régler le problème. La
rencontre ne donne apparemment aucun résultat et Coustain va jusqu'à demander à Hagenbach
de tuer l'importun, ce que ce dernier refuser raisonnablement de faire. De Vy s'approche alors
de Tristan de Toulongeon, chevalier au service du duc, lui faisant encore allusion à un grave
secret. Toulongeon, qui semble plus alerter qu'Hagenbach, prend l'autre à témoin et tous deux
interrogent de Vy en privé. Ce dernier révèle naïvement tout le complot aux deux chevaliers
choqués et leur montre même la lettre de Coustain, mais cache prudemment les détails de son
propre rôle dans cette affaire. Les deux le convainquent d'écrire des aveux complets et de
promettre de la clémence de sa part. Pour faire bonne mesure, ils l'enferment dans une pièce
jusqu'à ce qu'il ait fini d'écrire.

Le drame se concentre désormais sur le démasquage du coupable dans un long chapitre.


Pierre et Tristan se rendent directement chez le comte de Charolais et lui révèlent en secret ce
qu'ils ont appris, lui montrant la lettre de Coustain et les aveux écrits de Vy. S'en suit une
conférence improvisée avec d'autres chevaliers de la Toison d'Or, le Bâtard Antoine, Simon de
Lalaing, les frères Croy, le seigneur de Créqui, Adolf de Clèves et le seigneur d'Auxi, capitaine
des archers du comte. Ils conseillent le comte sur la meilleure façon de procéder pour dénoncer
un favori aussi puissant à son père, afin d'éviter la probable réaction hostile que l'émotion de
Charles pourrait susciter.

3 G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 243.

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les attaques contre les serviteurs du duc étaient connus pour rassembler4. Ainsi la scène suivante à un

touche surréaliste, alors que Charles fait de son mieux pour discuter calmement de sa mort imminente,
et son père semble tout aussi désinvolte l'accepter. Mais lorsque Charles révèle le nom du meurtrier
potentiel et présente la lettre incriminante, le duc doit faire face à une réalité choquante : « Monseigneur,
ce dit le comte, les mots son tels : je suis menacé de mort et sur le point d'y encheoir ; et en est la
conclusion prise et délibérée par final effet [...] Et est emprès vous Jehan Coustain que vous avez
eslevé, celuy qui en ma mort labeure et qui est souverain acteur du cas et de ma perdition [...] Et alors,
atout le mot, tira avant les lettres et les bailla au duc, qui tout confondre et esbahi se vit d'un tel cas,
jusqu'à peine ne savoir répondre ; car abhominoit le cas, abhominoit la personne et abhominoit sa
nourriture et privauté donnée si prochaine à si mauvais homme [ . ] Sy en rongea le duc son frein et le
prend à aigre, non pas que courrouchié fust du descuevrement, mais que [Pierre de Hagenbach et Tristan
de Toulongeon] venus n'estoient devers luy, premiers que devers son fils, pour luy en donner l'annonce
première, car estoient à luy de son serment [...] »5.

Chastellain, avec une perspicacité psychologique, capture le subtil changement d'humeur du duc,
du choc à la colère, qu'il redirige contre les deux messagers pour s'être précisé directement à son
fils au lieu de l'approcher d'abord avec l'information. Puis, comme d'habitude, le vieux duc termine
l'entretien en demandeur à son fils de reporter tout jugement au lendemain matin6. Mais alors qu'il se
se retirent pour la nuit, les archers du comte surveillent sous­repticement le suspect. Pour un lecteur familier
avec les Chroniques , la réaction de Philippe ne doit pas être attribuée tant à un ressentiment superficiel
à propos du protocole qu'à la nécessité de garder toute suggestion selon laquelle le pouvoir lui
échappait des mains des informateurs du rusé roi Louis XI.

Cela explique l'accent mis par l'auteur sur la réaction du duc et le chapitre de trois pages qui suit
consacré à ce qui pourrait être interprété à tort comme un aparté frivole : ici le duc réprimande Tristan,
son propre serviteur, élevé dans sa maison et juré de lui faire allégeance à lui seul, pour avoir trahi la
confiance de son maître en ne l'ayant pas prévenu au préalable du complot et ne lui ayant pas permis
d'arrêter le scandale. Tristan, dans une longue réponse, proteste de ses intentions honorables inspirées par la
nécessité impérieuse d'empêcher un meurtre, et le duc finit par lui pardonner, mais — ajoute
l'auteur — il n'a jamais pardonné à Hagenbach7.

Le récit revient maintenant au coupable, lentement pris dans la corde. Le lendemain matin,
Coustain se retrouve étroitement surveillé par le Bâtard et le

4 Voir, par exemple, l'interruption brusque du duc lorsque Charles accusa le seigneur de Croy par
l'intermédiaire de son avocat. J. Du Clercq, Mémoires, op. cit., p. 189.
5 G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 252­254.
6 Philippe donne à son fils un conseil similaire dans le cas du bâtard de Rubempré. P. de Commynes,
Mémoires, éd. J. Calmette et G. Durville, 3e tir., Paris, 1981, t. 1, p. 6.
7 Mais Charles récompense leur fidélité : Pierre deviendra bailli de Ferrette et Tristan gouverneur
d'Auxerre. R. Vaughan, Charles le Téméraire le Dernier Valois Duc de Bourgogne,
Londres­New York, 1970, Woodbridge, 2002, pp. 89, 252.

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les archers du comte. Alors son propre maître lui ordonne de suivre le capitaine des archers, le
seigneur d'Auxi, jusqu'à un lieu tenu secret. Au début, Coustain est méfiant. Il s'attarde devant sa
chambre, invitant les passants à le rejoindre pour déjeuner et taquine les archers, le tout dans un
spectacle de bravade. Puis, exaspéré par l'incertitude, il se dirige vers l'oratoire où le
duc est en prière, frappe à la porte à plusieurs reprises et, comme l'huissier refuse d'ouvrir la
porte, il entre de force. Là, il affronte brutalement le duc pour avoir abandonné son serviteur. s'en , et
va en claquant la porte : « Voire ! ce dit Coustain, quand est­ce tout ? Qu'est­ce que j'aurai de mon
service ? Par la mort ! digne beau sire, j'ai bien employé mon temps. Il me vaudrait mieux d'avoir
servi un porche. Et atout le mot, malgré et plein de félonie, sans ployer genoux, ne
sans dire un mot courtois, part de l'oratoire et tire l'huys après luy si grossièrement qu'oncques
n'évitez pas que c'est vu fait pareil. Bien entendu toutes voies que le duc, sur son si vilain parler
dernier, lui répondit froidement : « Jehan, Jehan ! je t'ai nourri trop gras »8.

La scène entière est décrite rapidement en trois pages, mais constitue l'un des moments les
plus dramatiques de toutes les Chroniques et se déroule de manière significative dans le
même oratoire qui, à peine six ans plus tôt, avait été témoin d'une violente altercation entre
Philippe et fils fils9. Ayant obtenu l'effet dramatique souhaité, l'auteur adopte un ton sombre en
racontant la progression du coupable vers son destin inévitable.
Coustain suit Auxi à l'extérieur des portes de la ville, où il est vraisemblablement arrêté et lui montre
la lettre incriminante, et à ce stade, il se voit perdu. Il est conduit au château de Rupelmonde où son
complice de Vy est déjà retenu prisonnier. Le lendemain Charles, Croy, le Bâtard et l'évêque de Tournai
viennent interroger séparément les deux hommes. Coustain avoue volontiers, ne
s'attendant pas à être exécuté – pourquoi, l'auteur ne le dit pas. Charles, de son côté, est pressé
de voir l'exécution avoir lieu, de peur que son père ne trouve le temps de céder et de pardonner à son
valet de chambre. Après un long échange avec le frère qui le confesse, Coustain est rapidement
décapité. Vient ensuite le tour de Vy d'être conduit à l'exécution, mais ce jeune homme naïf, qui
semble perpétuellement indigné, ne peut croire à la choquante réalité car il se croit encore
apparemment sauvé par ses premiers aveux : « Comment déa ! j'ai accusé la trayson, et sauvé
de mort monseigneur de Charolois, et me veut­on faire mourir ! Où est­oncques trouvé ce droit, ne où
est cœur d'homme qui pourroit consentir à ce ? [...] ­ Brigade des stupéfiants ! ce dit­on lors,
l'estriver n'y vaut rien; vous estes mort et condamné, et est mort votre auteur Jehan Coustain, et en
deux pièces. Par ainsi avisez à votre âme, car venir vous y faut.
— Saint­Jehan ! non feray, ce dit lors de Jehan de Vy. Si je ne vois le corps de Jehan Coustain au
point où vous dites, jà ne croiray que mort soit, ne que je doye mourir ; mais vous me voulez
espouventer peut­estre, pour d'autres fins. — Jehan ! l'espouvantement n'y est autre que tout à
certes pour vous. Venez et vous verrez ce que vous querez »10.

8 G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 259.


9 Ibid., l. IV, p. 232­234.
10 G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 264.

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Les exécutions terminées, Chastellain rappelle les qualités morales négatives de l'homme,
qu'il mêle désormais aux qualités physiques, comme pour laisser au lecteur un portrait indélébile
de cet individu méprisable : « sa personne n'estoit belle, ne révérende, ne n'évitez mœurs en luy,
ni parole par quoy homme et pris grâce; ains estoit grossier en ses mots er rébarbatif en son parler,
malgré aux moindres, fier envers ses meilleurs, convoiteux outre­mesure, rapineux à tous lez,
glouton et friant de bouche, excessif en vif ; aime vilains et meschans gens, et de nul ne tenoit
compte, sinon de ceux­là où pouvoit avoir acquest; estoit luxueux; moult avoit face bouffie, yeux
comme boeuf, boutans dehors, court col, parole drue et légière, corps rondelet et courtes jambes
»n
.

Il n'a pourtant pas terminé et ajoute un épilogue pointu en deux courts chapitres, avec une
preuve supplémentaire de la malhonnêteté de Coustain. Alors que le duc, lésé, confisque l'immense
richesse de son valet de chambre autrefois bien­aimé, une cache de biens volés est retrouvée
dans sa chambre : un plat en or massif orné de pierres précieuses qui avait disparu lors des
banquets organisés à Paris pour le sacre de Louis XI, et du vol dont les Français avaient été
injustice accusée, et une bourse contenant cinq mille écus
que le duc avait cru déplacé. Maintenant que le comportement indescriptible de Coustain envers
son maître a enfin fait surface, d'autres courtisans osent se plaindre du fait que de nombreux
cadeaux du duc leur avaient été refusés, en partie ou en totalité, par le valet avide. Finalement, les
deux enfants de Coustain sont placés dans des monastères pour mettre fin à la lignée familiale,
mais le duc chevaleresque préserve intacte la richesse de la veuve.

3. Pas un thriller mais un drame familial

Il s'agit d'une pièce de théâtre magnifiquement construite, avec de longs dialogues (et, nous
l'espérons, au moins en partie inventés), une action dramatique soutenue et beaucoup de suspense.
Il montre Chastellain à son meilleur en tant qu'écrivain habile, dramaturge accompli et psychologue
passionné, alors qu'il développe la distribution des personnages et leurs motivations à travers des
échanges émotionnels1 2. Les différents chapitres pourraient facilement être convertis en actes
d'une pièce de théâtre : le criminel intrigant et sa femme. le complot du mauvais acte, l'obtention
compliquée du poison, les accusations et les aveux du complice en colère, le piégeage plein de
suspense du coupable, sa confrontation choquante avec le duc et la double exécution. Il s'agit de
l'un des épisodes des Chroniques les plus rythmés et celui qui comporte la plus grande partie
de dialogues, car l'auteur, habituellement volontairement présent dans ses pages, préfère cette
fois laisser les acteurs se révéler à travers leurs propres mots. En général, Philippe parle peu et à
voix basse.

11 Idem, p. 265.
12 Paradoxalement, Chastellain réussit ici bien mieux que dans ses « pièces de théâtre »
actuels, comme la guindé La plainte d'Hector (G. Chastellain, dans Œuvres, éd. JBMC Kervyn de
Lettenhove, Bruxelles, 1864, Genève, 1971, t. 6, pp. 167­202) ou La paix de Péronne (G.
Chastellain, dans Œuvres, éd. JBMC Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1865, Genève, 1971,
t. 7, p. 423­452).

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tons, Coustain est brusque et arrogant, tandis que l'émotif ­ et pas trop brillant ­ de Vy parle sans
cesse. L'accent est mis sur les personnalités : la naïve comtesse du Charolais qui suit les penchants de
son beau­père et se lie d'amitié avec celui de Coustain.
épouse intrigante; le valet de chambre vulgaire et impitoyable qui ruine son propre plan à cause de
la cupidité ; le complice excitable et crédule aveuglé par l'attrait de l'argent ; les deux chevaliers
Pierre et Tristan, qui veulent marquer des points auprès du futur seigneur mais réussir au contraire
à bouleverser l'actuel ; l'anxieux Charles, obligé de faire preuve de prudence en raison du
sentiment de propriété épineux de son père envers ses serviteurs ; et les divers courtisans, qui
détestent mais craignent la brute et finissent par s'élever contre lui dans un chœur de dénonciations.

Pourtant, l'histoire laisse le lecteur moderne perplexe et pas du tout confus. Quel était le poison
et que lui est­il arrivé ? Étant donné que le nom de la victime était apparemment nécessaire pour
que le poison soit efficace, suggérant une composante magique, pourquoi cet élément, si important
dans les procès de l'époque, n'est­il pas exploité ?13. Commentaire Coustain at­il pu envisager
d'administrer le poison sans être immédiatement pointé du doigt, alors qu'il n'avait pas pour habitude de
servir le comte à table ? Pourquoi at­il déçu son complice alors même que ce
dernier a commencé à proférer de sérieuses menaces ? Surtout, pourquoi at­il révélé ses intentions
par écrit ? Et, en corollaire, quel était le contenu du principal élément de preuve, la fameuse lettre
inculpante ? Nous sommes particulièrement surpris par la facilité avec laquelle les aveux des deux
hommes ont été obtenus (apparemment) sans torture.

Le fait est que nous lisons cette histoire comme un thriller : une trahison de confiance, une victime
sans méfiance, une arme du crime et un renversement surprise de la situation sur l'agresseur.
Pourtant pour Chastellain il ne s’agit pas d’un thriller mais d’un drame familial. Il ne s'intéresse pas
à la mécanique de l'intrigue, mais plutôt à transmettre une thèse qu'il élabore depuis quelques
années : comment la disparition physique et mentale du vieux duc et son manque de confiance en
son successeur menaçait l'avenir. du duché à une époque d'hostilité renouvelée avec la France.
Cette période, qui comprend grosso modo les années 1458 à 1464, marque aussi une phase où
Chastellain commence à remarquer le jeune héritier et à lui témoigner de la sympathie, le
considérant comme une victime des complots concoctés par les serviteurs de Philippe au profit de l
'intrigant Louis. XI14.

L'intention de Chastellain devient évidente lorsqu'on compare son récit avec celui, plus factuel,
de Du Clercq. En seulement huit pages et dans un style journalistique concis, le magistrat raconte
à peu près les mêmes faits que Chastellain, mais dans un récit moins dramatique et moins opiniâtre,
mais plus logique et informatif.

13 Voir par exemple comment la sorcellerie joue un grand rôle dans les accusations portées contre Gilles de Rais.
G. Bataille, Le procès de Gilles de Rais, Paris, 1965, 1972, pp. 210­214, 217­220.
14 Selon Jean­Claude Delclos, cette première partie du livre VI, à laquelle appartient cet épisode, était en
préparation entre 1463 et 1464, époque où les véritables intentions du roi de France à l'égard de la Bourgogne
étaient devenues bien apparentes. J.­C. Delclos, Le témoignage de Georges.
Chastellain, historiographe de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, Genève, 1980,
p. 6.

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Il commence par rapporter l'arrestation de Coustain hors de Bruxelles par les seigneurs de Crèvecoeur et
de Daussy (Auxi), qui l'emmènent à Rupelmonde où il est exécuté quelques jours plus tard. Il explique
ensuite que Coustain était accusé d'être allé en Bourgogne pour convaincre Jean Diny (de Vy), un pauvre
gentilhomme qui avait servi sous le maréchal de Bourgogne, de lui procureur en Lombardie un poison pour
tuer le comte de Charolais. Coustain n'a pas payé son complice, alors ce dernier s'est plaint à Hagenbach,
qui l'a forcé à raconter l'histoire au comte (Tristan n'apparaît pas dans cette version, et il n'y a donc
aucune scène dans laquelle le duc lui reproche d'avoir révélé le complot à son fils). Le complice demande
grâce au comte, lui remet « plusieurs » lettres de Coustain au sujet du poison, et est chargé de se
présenter à Rupelmonde. Charles montre les lettres à son père, qui reconnaît l'écriture de Coustain et
accepter de rendre justice. Seulement ici, presque après coup, Du Clercq esquisse rapidement le parcours
du coupable : il était très riche et avait obtenu sa position grâce à son oncle qui avait été le gardien des
bijoux du duc. Au matin, Philippe informe un Coustain sans méfiance qu'un homme de Rupelmonde
l'accuse pour une question d'honneur, et le valet de chambre accepte avec empressement d'aller se
disculper (aucune mention de la scène de l'oratoire, qui aurait évidemment été cachée aux étrangers) .
Bien habillé et accompagné d'une suite nombreuse, il rejoint ses escortes les seigneurs de Daussy et de
Crèvecoeur, mais hors de la ville ils l'établissent formellement et lui font changer de monture. À ce stade, il
pâlit et semble craintif.

Une fois arrivé au château de Rupelmonde, il est rapporté en secret par sa victime prévue, l'évêque
de Tournai et d'autres, puis il se retrouve face à Diny, et une altercation s'ensuit entre les deux (il est
étrange que Chastellain ait renoncé à un scénario aussi réaliste dramatique). scène). Maïs
Lorsque Diny le confronte aux lettres incriminantes, Coustain avoue volontiers qu'il s'est rendu seul deux
fois dans le Piémont — ou en Lombardie — pour se procurer un poison, mais que, ne pouvant le faire, il
a demandé de l'aide à Diny (et ce changement inattendu dans les plans explique la longue absence du
valet du tribunal). Suit une observation importante, malheureusement formulée de manière ambiguë, à
l'effet que « lui » (Coustain ou son complice ? probablement ce dernier) avait pensé dans un premier
temps à une potion non pas pour tuer le comte, mais « pour estre en sa grâce », une déclaration bizarre.
cela invite à spéculer sur l'utilisation des philtres d'amour comme outils pour garantir l'emploi ! Le plan
d'administrer le poison au mois d'août suivant lors d'une série de banquets qui se tiendraient à la
cour du duc (donc vraisemblablement à doses répétées), et la victime devait mourir dans un délai d'un
un. Cette élucidation de l'intrigue, que Chastellain omet complètement, répond à la question de savoir.
comment le poison pourrait être administré en toute impunité, dans la confusion de nombreux banquets,
quand des mains supplémentaires aidant au service de table passeraient inaperçues, et par des effets
attendus à long terme qui masquerait la date réelle de son administration15.

Il réhabilite également le criminel auprès du lecteur, ne serait­ce qu'en ce qui concerne son intelligence et

15 A propos d'un poison à action prolongée qui détruirait lentement certains organes vitaux, Du
Clercq ajoute un détail curieux à la fin du récit : après l'exécution de Coustain, le bruit courait
qu'il avait empoisonné la femme d'Adolf de Clèves, la dame de Ravestein, décédée après une longue

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prévoyance. Selon Du Clercq, le valet de chambre ajoutait qu'il était conscient de son manque de
faveur auprès du comte et qu'il craignait qu'après la mort de son maître, le successeur ne lui
enlève ses richesses et peut­être même sa vie (ce qui ajoute une touche de légitime défense au
crime). ). Diny, de son côté, a avoué qu'il n'avait dénoncé son complice que « par convoitise »,
c'est­à­dire parce qu'il n'avait pas été payé, un acte de bêtise stupéfiant de sa part, qui confirme le
portrait plutôt stupide que dresse Chastellain. Quelques jours plus tard, les deux hommes furent
décapités l'un après l'autre sur une tour du château.
Coustain, après avoir révélé au comte un autre terrible secret qui semblait l'effrayer, exigea que son
corps soit enterré entier en terre consacrée (et cela explique que l'exécution privée ne fut pas
suivi du démembrement d'usage).
Alors que Diny était conduit à l'exécution, il ne voulait pas croire que Coustain était mort jusqu'à ce
qu'on lui montre sa tête. La richesse considérable de Coustain fut confisquée, mais fut bientôt
restituée à la veuve et aux enfants, qui restèrent dans le bien du duc.
grâce.

4. Une question de goût

Dans l'ensemble, les deux récits présentent des similitudes considérables. L'intention de Du
Clercq est cependant d'informer et non d'horrifier, et de sa plume émergent les faits essentiels,
dénués de fioritures artistiques, mais dans une séquence plus logique. Coustain n'apparaît pas
comme un monstre, mais plutôt comme un immédiatement audacieux et réfléchi, le seul point obscur.
de l'histoire restante, comme dans la version de Chastellain, les mystérieuses lettres dans lesquelles
il révèle inexplicablement son intention. Les faits étaient alors disponibles pour assembler les
pièces du puzzle, mais Chastellain les a préférablement dédaignés au profit de l'action dramatique.
Le principal facteur à garder à l'esprit est que, même si son intention était littéraire, la littérature
policière en tant que telle n'était pas appréciée par les contemporains. Cela ne veut pas dire que
le public de courtisans visés par Chastellain ne se souciait pas des mystères. Au contraire, ils n'en
N'avaient jamais assez, en témoigne le thème populaire du bel inconnu répandu dans la littérature
chevaleresque et mis en scène dans les tournois, comme dans le pas de la Pèlerine, où l'identité de
l'entrepreneur était cachée aux challengers16. . La fascination contemporaine pour les mystères ne
s'est cependant pas traduite par une fascination pour l'esprit criminel ou le mécanisme du crime.
Le crime était trop sordide pour être détaillé, même lorsqu'il était commis par des princes, et le
le travail de la police n'était pas réputé comme une activité noble17.

maladie débilitante (qui suggère un cancer au lecteur moderne). J. Du Clercq, Mémoires, op.
cit., p. 218. Curieusement Chastellain, qui décrit sa longue agonie et sa mort dans le même Livre VI,
ne rapporte pas la rumeur. G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 216­218.
16 O. de la Marche, Mémoires, éd. H. Beaune et J. d'Arbaumont, Paris, 1884, t. 2, pages
118­129 ; M. d'Escouchy, Chronique, éd. G. du Fresne de Beaucourt, Paris, 1863, t. 1, p. 244­263.
17 Par exemple, la littérature sur le meurtre de Louis d'Orléans s'attaque aux aspects pathétiques du
crime, comme dans E. de Monstrelet, Chronique, éd. L. Douët­d'Arcq , Paris, 1857, t. 1, pp. 154­166,
ou, plus communément, sur le scénario politique qui ya conduit, comme dans Le livre des trahisons
de France envers la maison de Bourgogne dans Chroniques relatives à l'histoire de la Belgique
sous la domination des ducs de Bourgogne, éd. JBMC Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1873, t. 2,
XX, 20­22, p. 000 ; J. le Fèvre, Chronique, éd. F. Morand, Paris, 1876, t. 1, p. 6 ; T.
Bassin, Histoire de Charles VII, éd. C. Samaran, Paris, 1933, t. 1, p. 13­21.

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Le thriller moderne n'a commencé qu'au milieu du XIXe siècle, alors que la révolution
industrielle et la culture de masse qui en découlait battaient leur plein. J'oserais même suggérer
qu'il est le petit­fils des Lumières, avec leur accent sur la rationalité, et le fils du positivisme,
avec sa conviction que tout peut être expliqué scientifiquement. Dans son ouvrage classique sur
la naissance du système pénal moderne, Surveiller et punir, Michel Foucault commente avec
éloquence la différence de vision du crime et du criminel entre les temps modernes et le début
des temps modernes (et qui peut facilement s'étendre à la fin du Moyen Âge). , ONU

changement d'orientation qui se reflète dans les goûts littéraires : « C'est, en apparence, la
découverte de la beauté et de la grandeur du crime ; de fait c'est l'affirmation que la grandeur
aussi a droit au crime et qu'il devient même le privilège exclusif de ceux qui sont réellement
grands [...]
Quant à la littérature policière, à partir de Gaboriau, elle fait suite à ce premier déplacement :
par ses ruses, ses subtilités, l'acuité extrême de son intelligence, le criminel qu'elle représente
s'est rendu insoupçonnable; et la lutte entre deux purs esprits — celui de meurtrier, celui de
détective — constituera la forme essentielle de l'affrontement »18.

Avec les temps modernes, l'épicentre du drame est passé de l'aveu suivi rapidement d'une
exécution macabre à l'enquête, qui révèle pas à pas la « grandeur » de l'auteur. L'essor du
roman policier en tant que genre ne pourra se faire qu'à partir de cette nouvelle mentalité, qui en
forgera également quatre caractéristiques principales. d'abord, l'accent est mis sur le criminel,
qui pense et agit seul et est toujours intelligent, en fait supérieur à la personne moyenne.

L'enquêteur l'est à peine plus, et est soit une figure officielle, soit – le plus souvent – une figure
officieuse, de préférence dotée de quelques excentricités pour le rendre plus intéressant.
Chastellain, au contraire, jette sur scène toute une série de personnages, chacun jouant dans
une scène distincte. De plus, il régale le lecteur avec de nombreuses preuves de l'arrogant
égocentrisme et de la planification superficielle de Coustain, alors qu'il accumule des ennemis et
négligent un dangereux complice. Deuxièmement, le thriller montre peu ou pas de sympathie
pour la victime, qui est généralement remplaçable (un cadavre sans vie, ou qui le sera bientôt).
Son intention est de susciter un intérêt purement cérébral, centré sur le mécanisme de l'intrigue, et
non sur ses conséquences humaines. Mais le mécanisme de l'intrigue est précisément ce qui
manque au récit de Chastellain, par ailleurs riche en détails pathétiques et psychologiques.
Parfois, l'intrigue des thrillers peut effectivement se dérouler à travers le dialogue (en fait, de
nombreux thrillers ont été interprétés avec succès sous forme de pièces de théâtre ou de films),
mais dans le cas de Chastellain, ce n'est pas le cas. Au contraire, l'auteur semble ici faire parler
ses personnages uniquement pour révéler des contrastes de personnalités, comme lorsqu'il
demande au duc Philippe d'étouffer les accusations dramatiques de son fils avec sa réponse.
calme et doucement ironique. Troisièmement, le suspense vient du processus de découverte du
projet meurtrier. Le but de l'enquête est de différencier le criminel de la masse des innocents,
car ses qualités « mimétiques » sont attaquées méthodiquement et scientifiquement pour
extirper les déviants de la société. Chastellain révèle dans ses premiers mots non seulement qui
est le criminel et ce qu'il prévoit

18 M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, 1975, 1993, p. 82.

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faire, mais aussi ce qui le distingue de la société courtoise. Quant à l'enquête, si on peut l'appeler ainsi,
elle se limite à l'interrogatoire astucieux par Tristan d'un témoin consentant. Enfin, le thriller
peut être conçu comme une réaffirmation de l'individualisme dans une société de masse, car il met
en garde le lecteur contre la peur, car quelqu'un dans la foule anonyme est un tueur.
et un tueur intelligent, un message qui peut être interprété comme démocratique. , dans le sens
où le fait même de comploter un crime confère un statut particulier.
Mais Chastellain ne se lasse pas de montrer la médiocrité de Coustain, frisant parfois la bêtise.
Dans l'esprit aristocratique de l'écrivain, seuls les princes méritent le mystère19.

Le XVe siècle est connu pour être plus tolérant à l'égard du crime que le nôtre, et cet
l'épisode témoigne en effet d'une attente largement répandue de sursis non seulement de la part des
deux coupables, mais aussi de la partie lésée, qui hâte leur exécution20. On peut cependant affirmer
que les exemples de clémence de la fin du Moyen Âge ne semblent pas inclure les crimes
commis (ou même seulement planifiés) contre des individus appartenant à un groupe social
supérieur. Ce paradoxe viole le principe des thrillers modernes selon lequel un meurtre est un
meurtre quel que soit le statut de la victime, et est tout à fait évident lorsque l'on considère l'attitude
incongrue de Chastellain envers les deux conspirateurs. S'il condamne Coustain à chaque
instant, il fait preuve d'une indulgence confinant à la sympathie pour de Vy, qu'il présente comme un
« bel escuyer et de grand cœur, mais povre »21. Étant donné que pour les deux hommes le
mobile du meurtre était l'argent, la réaction incohérente de l'auteur peut nous laisser perplexe. Mais
aux yeux de Chastellain, de Vy était moins coupable parce qu'il n'avait pas désigné le comte
comme sa victime, tandis que le péché de Coustain était d'avoir commis une
sorte de parricide, puisqu'il avait mordu la main qui le nourrissait, d'abord par ses vols, puis
salle de bains. à travers le meurtre planifié. Pour cet écrivain émotif qui s'identifiait si fortement
au milieu courtois, Coustain était indigne de pitié.

En revanche, l'indignation qui imprègne le récit de Chastellain ne se retrouve pas dans le


thriller moderne. Avons­nous, avec notre soif de complots, investissons le criminel de noblesse,
comme le suggère Foucault ? Et avons­nous, dans ce processus, dépersonnalisé les autres
acteurs au point de décourager la pitié envers la victime ? À mesure que ce genre évolue pour
suivre le rythme de la science, il a perdu sa nouveauté et aussi, en partie, sa dépendance
originelle à la psychologie qui était une composante si importante des œuvres d'Émile Gaboriau et
d'Arthur Conan Doyle. Aujourd'hui, il est obsédé par le matériel

19 Soit dit en passant, on peut affirmer que l'histoire de Chastellain ne peut pas être interprétée comme un
thriller à proprement parler, car le meurtre n'a jamais eu lieu. Mais les lecteurs du célèbre Jour du Chacal
(1971) de Frederick Forsyth peut rétorquer à juste titre que savoir d'avance que le crime allait avorter
n'enlève rien au suspense du récit ni au caractère du thriller.

20 Pour des commentaires récents sur l'acceptation généralisée de la violence au XVe siècle, voir par
exemple B. Guenée, Un meurtre, une société l'assassinat du duc d'Orléans, 23 novembre.
1407, Paris, 1992, pp. 89, 95­96 ; R. Muchembled, L'invention de l'homme moderne, Paris, 1988, pp.
16­19.
21 G. Chastellain, Chroniques, op. cit., p. 239.

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des indices sur lesquels concocter des intrigues toujours plus bizarres et improbables, un peu
comme les mystères artificiels qui assaillent la littérature chevaleresque. Tandis que le portrait
dramatique de Chastellain d'un criminel rusé mais imparfait et de ses complices et victimes, même
à travers une évolution des goûts vieille de plusieurs siècles, offre une représentation beaucoup
plus crédible du crime tel qu'il est perpétré et subi dans la réalité.

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