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découvert à Die
(Drôme, France) :
une authepsa
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Marie Gagnol, Christine Ronco, avec la collaboration de Pierre Rigaud
La découverte d’un objet issu du contexte scien- IIe siècle ; en revanche, l’obtention du titre colonial
tifique privilégié qu’est une fouille archéologique est postérieure à 245 1. La ville antique débute sans
préventive est toujours une avancée notable. Mais doute comme une station de bord de voie qui se déve-
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la découverte d’un objet extrêmement rare dans un loppe et se monumentalise à la fin du Ier s. apr. J.-C.,
contexte aussi singulier qu’une destruction violente sans présenter de schéma d’urbanisme défini, jusqu’à
est exceptionnelle, et devait faire l’objet d’une atteindre au IIe siècle une superficie de 35 ha.
réflexion approfondie, encouragée par ce colloque. Dans le cadre du réaménagement des abords de
la cathédrale de Die, une fouille archéologique a été
réalisée place de la République par une équipe d’ar-
Le contexte de la découverte chéologues de l’Inrap durant l’hiver 2012-2013. Les
% niveaux antiques, très profonds, n’ont été que très peu
touchés par le projet d’aménagement et n’ont donc
Die (Drôme) se situe sur un axe de passage privi- été abordés que ponctuellement dans une future
légié entre la vallée du Rhône et l’Italie. Cette voie fosse de plantation d’arbres. De nombreuses décou-
emprunte la vallée de la Drôme, le col de Cabre vertes anciennes permettent d’envisager une riche
pour atteindre Gap et rejoindre la voie Domitienne occupation sur tout le secteur de la cathédrale. Cette
reliant l’Espagne et l’Italie par le bassin de la hypothèse est largement confirmée par la présence
Durance et le col du Montgenèvre. La ville, instal- désormais attestée d’un bâtiment qui apparaît dans
lée en rive droite de la Drôme sur un coteau au pied la seconde moitié du Ier s. apr. J.-C., mais qui est
du Glandasse, barrière rocheuse constituant l’extré- détruit par un violent incendie vers la fin du IIe siècle.
mité méridionale du Vercors, appartient au terri- On n’en connaît qu’un angle de mur comprenant
toire des Voconces qui s’étend sur une partie des une élévation en terre sur un soubassement maçonné.
actuels départements de l’Isère, de la Drôme, des Le parement sud-ouest est recouvert d’un enduit
Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence et du de tuileau avec le négatif d’un décor marmoréen.
Vaucluse. Il comporte, autre particularité, deux chefs- Si la nature de cet édifice n’est pas envisagée avec
lieux pour une unique civitas, Vaison-la-Romaine et certitude, on s’oriente tout de même plutôt vers un
Luc-en-Diois qui sera remplacé par Die. riche habitat urbain. La qualité de cet ensemble se
Le nom de Die, Dea Augusta Vocontiorum, n’ap- caractérise avant tout par un important décor peint
paraît dans l’épigraphie qu’à la fin du Ier siècle. Son retrouvé en partie en élévation, mais aussi effondré
titre n’est mentionné que vers la fin du IIIe siècle, en place. Son style découle du IIIe style pompéien
sur un sarcophage d’Arles : col(onia) Dea Aug(usta) qualifié de « style à candélabre », et il est daté de la
Voc(ontiorum) (CIL XII, 690), alors que Luc-en-Diois seconde moitié du Ier s. apr. J.-C. 2. Le sol de cette
n’est plus qu’une simple station de bord de voie pièce est constitué d’un simple béton lissé. La petite
au IVe siècle. Le transfert de capitale entre Luc et surface dégagée laisse toutefois penser que la pièce
Die semble se situer entre la fin du Ier et la fin du a été abandonnée dans l’état après l’incendie : les
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peintures portent en effet des traces de rubéfaction alimentée à l’aide de charbons de bois incandescents
liées à la combustion du mobilier (coffre ou lit ?), par un orifice de 5 cm de diamètre s’ouvrant laté-
et une authepsa a été retrouvée sur le sol, sous les ralement dans la panse. Le cou se termine par un
niveaux de démolition de la toiture et des murs. bec verseur.
Lors de sa découverte (fig. 1 ; pl. coul. XV), l’objet Le réservoir est fabriqué d’une seule pièce, aux
reposait sur le sol à proximité d’un couvercle à colle- parois très fines (2 mm), et présente une panse d’en-
rette en céramique à pâte kaolinitique (KAOL E6). viron 28 cm de hauteur pour un diamètre maxi-
En raison de ses dimensions et de sa forme, il est mum de 27 cm. L’extrémité haute de la chambre
possible d’envisager une utilisation de cette céra- de chauffe est brasée avec un mélange étain-plomb
mique comme support de l’authepsa et réceptacle au niveau de l’orifice latéral de la panse et à la base
pour les cendres, évitant ainsi le contact direct de sur le socle. L’ouverture basse est obstruée par une
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celles-ci avec le meuble ou le sol. demi-sphère perforée d’un trou central de 3,5 cm de
diamètre. Elle est maintenue par deux tiges transver-
sales croisées (5 mm de section) perforant le socle de
Reconstitution et description l’authepsa (fig. 2, C). Cette demi-sphère est destinée
% à retenir les charbons et à laisser s’écouler les cendres.
Contrairement à l’ensemble de l’objet, conçu en
;; Le récipient • alliage cuivreux, cette partie est en fer et semble avoir
fait l’objet d’une réfection postérieure, peu soignée.
Les authepsae sont des récipients en alliage Une intervention semblable est observée sur le socle
cuivreux ou en argent destinés à chauffer ou main- de l’authepsa, comportant deux petites ouvertures
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tenir au chaud un liquide. Leur nom leur vient des carrées, de 6 mm de côté, qui paraissent avoir été
auteurs antiques, du grec ancien αὐθέψης (authépsês), percées rapidement et avec peu d’application. Ces
de αὐτός (autos), « auto », et ἕψω (hépsô), « bouillir » 3. ouvertures sont utilisées comme évents pour faciliter
L’objet découvert présente une hauteur totale la circulation d’air et la combustion. Nous pouvons
de 43 cm 4 et est composé de deux compartiments raisonnablement conclure au remplacement de la
distincts : un réservoir/déversoir (fig. 2, B) destiné à demi-sphère originelle en alliage cuivreux, sans doute
contenir un liquide et, en son centre, une chambre de meilleure facture, mais abîmée par le temps et le
de chauffe (fig. 2, A) reposant sur un pied consti- contact avec les braises, par une partie en fer, moins
tué d’un cylindre de 6 cm de hauteur et 14 cm onéreuse, et ne permettant pas une aussi bonne
Fig. 2. Proposition de diamètre. La chambre de chauffe pouvait être combustion. Il aurait alors été nécessaire d’effectuer
de reconstitution de l’authepsa des percements postérieurs sur le socle pour amélio-
de Die (réal. P. Rigaud
et Chr. Ronco, Inrap). rer l’arrivée d’air et favoriser le tirage. Une brasure
grossière, probablement un alliage plomb-étain, est
également employée pour l’attache de l’anse.
;; Le décor de l’anse •
L’anse de l’authepsa (fig. 3) se termine dans sa
partie basse par la représentation d’un chien allongé,
les oreilles en arrière, le museau posé entre les pattes
avant. Il tient une proie non identifiable dans la
B B gueule. Les yeux sont représentés par deux billes
d’argent. Réalisée avec la technique de la cire perdue,
cette anse présente des détails anatomiques remar-
A A quables, comme le retroussement des babines ou la
figuration gravée des poils, des sourcils et du contour
des yeux. Le reste de l’anse est orné d’une série de
cannelures verticales et d’une stylisation du pelage de
C C
01 5 10 cm l’animal (ou d’un décor végétalisant). Ce motif d’un
chien allongé, le museau posé entre les pattes avant,
brasures
est connu dans le répertoire des vases pompéiens 5,
parties en fer mais aussi dans des représentations plus tardives des
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Typologie et utilisation
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Teodora Tomasevic-Buck a entrepris la classifi-
cation de ces objets selon leur forme et leur système
d’utilisation 8. Dans sa typologie, elle distingue
deux formes fondamentales d’authepsae : la forme
« mobile » (type A) et la forme « stationnaire »
(type B). Le groupe « mobile » peut être divisé en
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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NOTES
1. PLANCHON, BOIS, CONJARD-RÉTHORÉ 2010, 8. TOMASEVIC-BUCK 2002. de suo modo ac numero, ut tritura lenis habea-
p. 113-122. 9. TOMASEVIC-BUCK 2002, p. 221. tur. His omnibus paratis supermittis vini lenis
sextaria XVIII. Carbones perfecto aderunt. »
2. Information : J. Boislève, Inrap. 10. TCHERNIA, BRUN 1999, p. 36.
12. OLLAGNIER, JOLY 1994, p. 143.
3. Aucun exemplaire en argent n’a été retrouvé, seules 11. « Mellis pondo XV in aeneum uas mittuntur,
des sources littéraires attestent de leur existence. praemissis vini sextariis duobus, ut in coctura 13. KAPELLER 2003, p. 139-140.
4. Les mesures ont été revues depuis la parution mellis vinum decoquas. Quod igni lento et aridis 14. MUTZ 1972, p. 170.
de notre article dans la revue Instrumentum : lignis calefactum, commotum ferula dum coqui- 15. TOMASEVIC-BUCK 2002, p. 217.
GAGNOL, RONCO 2014. Elles ont été réalisées à tur, si effervere coeperit, vini rore conpescitur, prae- 16. TOMASEVIC-BUCK 2002, p. 221-222.
partir de l’objet entièrement dégagé et démonté. ter quod subtracto igni in se redit. Cum perfrixerit,
rursus accenditur. Hoc secundo ac tertio fiet, ac 17. MISCHKER 1991.
Toutefois, le remontage et la restauration n’ont pas
encore été réalisés. tum demum remotum a foco postridie despumatur. 18. « Authepsa illa quam tanto pretio nuper mercatus
Tum mittis piperis uncias quattor iam triti, masti- est ut qui praetereuntes quid praeco enumeraret
5. TASSINARI 1993, p. 217.
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cis scripulos III, folii et croci dragmae singulae, audiebant fundum uenire arbitrarentur. »
6. KAUFMANN-HEINIMANN 1994, p. 123. datilorum ossibus torridis quinque, isdemque dacti-
7. TASSINARI 1993, fig. 13955. lis vino mollitis, intercedente prius suffusione vini
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