LA VOIX DU NORD MERCREDI 22 FÉVRIER 2023
A deux pas de chez nous
L’ancien canal des Hybernois s’écoulait ici.
Rue du Molinel, les archéologues
remettent au jour le passé de Lille
Commencées fin janvier, les fouilles préventives menées rue du Molinel par l’INRAP se révèlent
passionnantes. Le chantier dévoile l’extension de la ville à partir de 1603 avec des vestiges
comme des façades de maison, des descentes de cave et des ponts.
PAR FRÉDÉRICK LECLUYSE
PHOTOS HÉLÈNE DECAESTECKER
lille@lavoixdunord.fr
CENTRE. La rue du Molinel
n’a pas toujours été cette large
artère que les Lillois empruntent
aujourd’hui. « Nous sommes ici
sur le tracé des anciens remparts
médiévaux du treizième siècle »,
confirme Ludovic Debs, respon-
sable des recherches archéolo-
giques à l’INRAP (*). Cette en-
ceinte a disparu au début du
XVIIe. À l’époque, Lille et ses
35 000 âmes étouffent dans une
cité trop exiguë. Il faut agrandir.
Et (re)pousser les murs.
Nous sommes ici
sur le tracé des anciens
remparts médiévaux
du treizième siècle.
À partir de 1603, les maçons
construisent à tour de bras. Des
habitations, principalement. Ce
sont les vestiges de ces maisons
– bombardées pendant la guerre
14-18 – que les archéologues re-
mettent au jour : restes de façades
en briques rouges, fondations en
pierres blanches de Lezennes et
quelques curiosités aussi.
UN CANAL ANCIEN ET LE RÊVE
D’UNE PORTE MÉDIÉVALE…
« On découvre des burguets, ap-
puie ainsi l’archéologue. Ce sont
ces escaliers qui mènent dans les
caves. Généralement, celles-ci sont
occupées par des ateliers quand
elles ne sont pas également habi-
tées. » La misère est, en effet, une
constante dans le Lille de l’An-
Pendant les fouilles menées actuellement rue du Molinel, on peut remonter l’histoire de la ville dans sa période moderne.
Un âge d’or, selon les historiens.
cien Régime. Les techniciens ont
également retrouvé la voûte de
l’ancien canal, dit des Hybernois.
Au Moyen Âge, celui-ci est
connecté au large fossé qui cerne
les remparts. C’est devenu un
égout.
C’est aussi dans ce secteur que
Une descente de cave, un burguet dans le langage
des hommes de l’art.
doit être située l’ancienne porte
médiévale, qui permet jusqu’à la
fin du XVIe siècle de franchir les
remparts. « On sait grâce à des tra-
vaux effectués en 1926 qu’elle
existe. Des éléments avaient été dé-
couverts, précise Sandrine Vistel,
la responsable du chantier Moli-
Valenciennois B
Une des anciennes traverses en bois qui accueillaient les rails
du tramway.
contemporaine, les fouilles ont
aussi permis de découvrir les
restes des anciennes traverses en
bois du tramway.
Après les épouvantables destruc-
tions de la Première guerre mon-
diale, les urbanistes décident de
tracer la rue actuelle. Dans cette
voie qui mène à la gare, le tram-
way y circule dès 1920.
En ces lieux ne subsistent que
quelques rares habitations – par-
fois murées et étayées – du XVIIe
dont l’état de conservation ne
respire pas la santé.
(*). Institut national de recherches archéolo-
giques préventives.
UN DIAGNOSTIC
DE DEUX MOIS
Attaqués côté place du Vieux-
Marché-aux-Chevaux, les sondages
menés par l’INRAP vont remonter
jusque la rue de Tournai. En tout,
deux mois sont prévus pour mener
à bien ce diagnostic qui constitue
le préalable du chantier de rénova-
tion de la rue du Molinel que la
MEL commencera dès le départ
des archéologues, fin mars.
Cette métamorphose, selon la
promesse de la ville, doit s’achever
en 2024. Le rapport des archéo-
logues sera, lui, transmis à la
direction régionale des affaires
culturelles (DRAC) qui peut – ou
non – décider d’opérer des fouilles
plus complètes, comme ce fut le
cas à l’hospice Gantois, rue du
Tournai ou avenue du Peuple-
Belge.
nel. On rêve aujourd’hui de les re- En attendant, d’autres fouilles
trouver. » Des anciens remparts attendent les femmes et les
élevés au Moyen Âge, il ne reste hommes de l’institut de recherches
plus, en effet, que la Noble Tour. préventives, notamment la rue
Pierre-Mauroy dont on sussure
LES TRAVERSES DU TRAMWAY qu’elle pourrait remonter à
En attendant, remontant l’His- l’époque romaine. Une épopée.
toire vers sa période la plus
1311.