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Yoga « tantrique » : le gourou qui violait

pour atteindre le nirvana - Charlie
Hebdo
LORRAINE
7-8 minutes

C’est une rue banale de Paris, un immeuble quelconque, coincé entre

un restaurant japonais et une borne Vélib’. Impossible pour un quidam
de se douter qu’un appartement du rez-de-chaussée de ce bâtiment du
13e arrondissement est utilisé par Gregorian Bivolaru, un gourou du
yoga, pour y violer ses adeptes. Ce Roumain de 71 ans a été interpellé
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la semaine dernière ainsi que 40 autres suspects, tous poursuivis pour

« traite de personnes », « séquestration en bande organisée » et « abus
de faiblesse en bande organisée par des membres d’une secte ».
Bivolaru a une accusation supplémentaire à son tableau : « viol ».
Fondateur du Misa, acronyme de Mouvement d’intégration spirituelle
dans l’absolu, Greg, comme le surnomment ses adeptes, n’est pas un
inconnu des services de police. Né en Roumanie, où il a connu la
dictature de Ceausescu, il est condamné dans son pays à un an de
prison pour diffusion d’images pornographiques à l’âge de 24 ans.
Gracié, il persiste dans la désobéissance civile en se faisant choper en
pleine méditation quelques années plus tard, alors que cette pratique
est interdite par le « génie des Carpates ». Il faudra attendre les années
1990 pour que le yoga soit à nouveau autorisé en Roumanie. Une
aubaine pour Greg, qui fonde sans attendre le Misa, une organisation
promettant d’enseigner l’évolution spirituelle grâce au yoga tantrique
via des techniques de méditation, des exercices de respiration et autres
bla-bla occultes. L’idée séduit rapidement et s’exporte aussitôt à
l’international : en quelques années, le Misa se développe dans une
trentaine de pays.
Mais le vernis aura beau être reluisant, il s’écaillera toujours. Greg,
fort de son aura mystique, se met à isoler ses adeptes, ou plutôt ses
victimes. Le schéma classique d’une organisation sectaire se met en
place : embrigadement, racket, punitions. Pour les femmes, c’est
encore pire. Exploitées, filmées, violées, elles se retrouvent dans des
vidéos pornographiques vendues à l’étranger afin de financer les
« ashrams », des lieux où l’on pratique le yoga. La justice garde un œil
soupçonneux sur ses activités, mais Bivolaru réussit toujours à s’y
soustraire, allant même jusqu’à réclamer l’asile politique en Suède,
plaidant la persécution en Roumanie. Accordé. Poussant encore le
vice, il exige une compensation de son pays de naissance pour avoir
été opprimé sous le régime communiste. Visé par un mandat d’arrêt
d’Interpol, c’est en France que Greg finira par trouver refuge.

Des viols pour protéger son « karma »

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« J’ai découvert le yoga tantrique en 2011, complètement par 08/12/2023, 20:31
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hasard », raconte à Charlie Déborah*, une ancienne adepte de Greg.

En voyage en Inde et sur le conseil de ses amis, la jeune femme
s’inscrit à un cours d’initiation au Misa. Séduite par les méditations,
quoiqu’un peu interloquée par les sous-entendus sexuels, elle rentre
chez elle, à l’étranger, et devient une élève assidue. En contact régulier
avec un formateur proche de Greg, qui finira par lui « casser le larynx
en forçant une gorge profonde non consentie », elle est invitée à une
grande conférence en Roumanie, sorte de colloque annuel sur les bords
de la mer Noire réservé aux pratiquantes les plus motivées. Sur place,
les femmes y sont photographiées sous tous les angles : des clichés
ensuite directement envoyés à Greg afin qu’il puisse faire son
« casting ».
Vous êtes choisie ? Alors, direction Paris ! « À la descente de l’avion,
nous avons été accueillies par un chauffeur roumain qui nous a mis
des lunettes teintées sur les yeux avec interdiction de les enlever. »
C’est dans une grande maison de trois étages en banlieue parisienne
que les « élues » atterrissent. Pendant une dizaine de jours, elles seront
conditionnées avant la rencontre avec le « maître » : obligation de
regarder des films pornographiques, régime à base de produits
périmés, pratique forcée du lesbianisme, interdiction de sortie,
confiscation des papiers d’identité… À la suite de quoi, elles gagnent
le 13e arrondissement de Paris pour le « rituel d’initiation ». « Pour
moi, c’était un honneur d’être là. Nous avons fait l’amour pendant
plus de quatorze heures. À la fin, il m’a demandé de m’asseoir sur son
visage et de lui uriner dans la bouche. Je n’y arrivais pas, alors il a
aspiré si fort que j’en ai saigné. » Déborah finira son séjour parisien
dans un autre appartement, non loin de là, avant de retourner dans son
pays.
Dans les nombreux témoignages que Charlie a pu consulter, toutes les
victimes racontent une relation d’emprise les empêchant de reculer.
Marie*, par exemple, s’est retrouvée en République tchèque pour
devenir « cam-girl » (s’exposant de manière sexuellement explicite sur
Internet), une autre au Japon pour s’adonner à des activités de
prostitution, quand Shana*, elle, a fini son séjour avec une infection
des voies urinaires et des reins. Outre la violence physique, la violence
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psychologique, elle aussi, est largement pratiquée. « J’ai été révulsée

par Gregorian et son appartement, mais je me suis blâmée, j’ai pensé
que c’était dû à ma superficialité et à mon manque de spiritualité,
raconte Marie. Je n’avais pas particulièrement envie d’aller jusqu’au
bout, mais je croyais que c’était une opportunité spirituelle, et je
voulais aussi en finir pour pouvoir quitter l’appartement minuscule et
oppressant où je me sentais comme une prisonnière. J’avais tellement
peur du « karma négatif ». »

Le yoga, porte d’entrée vers les dérives

Ce vaste coup de filet permettra-t-il de braquer les projecteurs sur les

pratiques du « bien-être » ? Depuis 2021, la Miviludes s’inquiète en
effet de la recrudescence des signalements dans ce domaine. Porte
d’entrée vers les dérives sectaires, le yoga, notamment, est au cœur de
nombreuses affaires judiciaires en France et à l’international. Par
exemple, en 2020, dans la Vienne, un professeur de yoga a été
condamné à quatre ans de prison pour « abus de faiblesse à
connotation sectaire ». Rebelote dans le Loiret, cette fois-ci c’est une
affaire de travail dissimulé : des bénévoles auraient travaillé six jours
par semaine, de huit à douze heures par jour, en échange de cours de
yoga.
Certains professionnels flirtent aussi avec la « conspiritualité », une
fusion entre le complotisme et la spiritualité, enjoignant par exemple à
leurs adeptes de cesser leurs traitements médicaux et de se tourner vers
du « sunyoga », comprenez du yoga face au soleil. Bivolaru lui-même
prétendait ainsi que « le monde était dirigé par un culte satanique
international », que la franc-maçonnerie voulait sa peau, que la
concentration acharnée permettait la guérison de maladies ou encore
que le fait pour un homme de retenir son éjaculation rendait beau et
intelligent. Évidemment, l’homosexualité était bannie au sein du Misa.
Enfin… sauf pour les femmes, qui étaient invitées à se lécher l’anus
lors de rituels pour honorer Shakti, une divinité féminine hindoue.
Drôle de position pour honorer…
*Les prénoms ont été changés.
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