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Parle à mon utérus...

Aut·eur·rice : Lucie Rondou

Catégorie(s) : Lire

Etiquette(s) : erotisme, livreutérus

Date : 25 mars 2016

Lettres à mon utérus : dans la lignée des Monologues du Vagin, seize femmes écrivent à
leur utérus. D'où émergent des relations complexes...

Utérus fatigué, utérus pardonné mais utérus... libéré. Marlène Schiappa, auteure et blogueuse,
avait envie d'en finir avec la vision dichotomique des femmes : soit maman, soit putain.
Puisque, comme elle le dit si justement, "pour devenir mère il faut avoir eu des relations
sexuelles".

Ce paradoxe, Marlène Schiappa, auteure, élue et mère de famille, le vit au quotidien. Lors de la
présentation de Lettres à mon utérus à La Musardine, librairie et maison d'édition érotique
parisienne, elle s'en amuse: "Je suis venue en taxi, du ministère où je travaille. En arrivant
devant La Musardine, le chauffeur me demande, inquiet : on s'est trompé d'endroit ?".

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L'aventure de Lettres à mon utérus commence lorsque Marlène Schiappa lit un commentaire
sur son blog "Maman travaille". A propos d'un débat sur les politiques publiques liées à la
maternité, un lecteur pense clore le débat en lui lançant : "De toute façon vous pensez avec
votre utérus".

"J'ai trouvé cela à la fois complètement con et hyper intéressant", s'amuse-t-elle. A défaut de
penser avec son utérus, elle a souhaité penser l'utérus. Elle a donc décidé de réunir dans
Lettres à mon utérus, les textes de 16 auteures ; des journalistes, des écrivaines, des poètes,
des danseuses, des musiciennes... qui parlent toutes de la complexité de cet organe, entre vie
sexuelle, reproductive et maternité. Toute sexuées et sexuelles, mères et non moins femmes.
Les Nouvelles NEWS sont allées à la rencontre de quatre de ces auteures et vous dévoilent
des extraits de leurs lettres...

Julia Palombe. L'outil utérin

Le temps passait et rien ne venait

alors on m'a piquée,
On m'a ouverte et écartée de tous côtés.
"J'avais tout raté."
Mes rêves de mettre au monde avec les dauphins comme une sirène en pleine
mer, se sont envolés...

Pour le deuxième, je ne veux rien sentir, ne rien voir venir, faudra me droguer...
Deux mois avant et deux mois après !

Perfecto en cuir et cheveux noirs coiffés en banane, Julia Palombe est une artiste. Écrivaine et
chanteuse, elle fut longtemps une danseuse de haut niveau. Pour cela elle déclare "Mon corps
était mon outil, pour mener de front toutes mes vies". A propos de la maternité elle dit : "J'ai
emmené mon utérus avec moi à l'aventure, j'avais confiance et il m'a trahie." Dans sa lettre,
Julia Palombe raconte les heures de souffrance à la maternité, plus de 20 heures de
contractions, et la solitude dans ce moment.

"Je suis tellement en colère contre toutes ces connes", souffle-t-elle dans un rire. "Toutes les
femmes disent qu'on se rappelle l'accouchement comme un moment magnifique et qu'on oublie
la douleur. C'est faux". A travers cette lettre à son utérus, Julia Palombe s'adresse à toutes les

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femmes, mère, sœurs, amies, qui n'ont pas eu la délicatesse de la prévenir. "Mes enfants,
garçons ou filles, seront éduqués dans la vérité", conclut la chanteuse, optimiste.

Camille Emmanuelle. Un utérus nommé désir

Cher utérus,

Je vais te raconter quelque chose d'intime. Ça va tu ne vas pas faire ton prude, je
te rappelle que tu es un organe sexuel. Après ton opération sous anesthésie
générale, le chirurgien m'a dit : "Pas de pénétration pendant un mois".

Cette contrainte -imposée par la guérison de ton col- nous a permis (mon
amoureux et moi) d'explorer encore plus tous les jeux de bouche et de caresses.
Donc, cher utérus, même si tu m'as fait peur, je te remercie quelque part, de tout
cela. Je garderai toujours en tête ce mois de septembre 2014, un mois de
guérison te concernant, un mois d'exploration pour moi et mon amour.

Camille Emmanuelle, blonde pimpante aux allures de Marylin, est une "sexperte". Auteure de
Sexpowerment et de nombreuses chroniques du genre, elle profite de cette lettre pour se
réconcilier avec son utérus. Pourtant, quand Marlène Schiappa lui présente le projet, elle est
dubitative : "Je veux bien t'écrire lettre à mon clitoris ou lettre à ma vulve", mais lettre à
l'utérus?

Son utérus lui avait donné du fil à retordre : des règles douloureuses, des cellules cancéreuses,
promesses de maladies. C'est le sexe qui vient finalement les réconcilier. Depuis cette lettre,
Camille Emmanuelle est tombée enceinte. "En voyant mon mec jaloux de ma grossesse, j'ai
compris que mon utérus était aussi ma force. "

Gaëlle Renard. Les femmes, la nature et le viagra

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Ô matrice pourquoi m'as-tu abandonnée ?

On s'est mis à me parler de ton âge, de ta forme... Un médecin (mâle) m'a dit : "Ça
ne marche plus bien, tout ça." Un autre a suggéré que je faisais un caprice, qu'il
fallait se résigner, accepter la nature... J'ai eu envie de lui crier que la nature et
l'âge l'avaient fait débander et que ça ne l'empêchait sûrement pas de se shooter
au viagra. Viagratise-moi la matrice, mon gars !

C'est là que j'ai appris que tu avais changé de nom. On ne devait plus dire Matrice,
on devait dire Utérus. Tu sais quoi Utérus ? Ton nouveau nom, il est trop con.

Gaëlle Renard est journaliste, chroniqueuse et auteure de plusieurs ouvrages dont le dernier Au
secours j'ai 40 ans. Lors de la présentation du livre, elle relit sa lettre et s'étonne : "Je ne me
savais pas si en colère!". Au travers de cette lettre à l'utérus qui lui a refusé son troisième
enfant, Gaëlle Renard met le doigt sur les violences gynécologiques et le double standard
hommes/femmes face aux possibilités de "tricher" avec son corps.

L'anecdote rapportée ci-dessus en est témoin. Elle ajoute : "Les femmes sont toujours du côté
de la Naturalité. Elles sont critiquées si elles veulent en sortir. Par contre les hommes peuvent
tranquillement prendre une aspirine quand ils ont la gueule de bois". Favorable aux utérus
artificiels ou aux gestations ex-utéro, Gaëlle Renard est de celles qui veulent "augmenter" les
femmes.

Marie Minelli. La féminité connectée

Cher utérus,

J'ai une montre connectée. Cette montre discrète, repérée uniquement par les
experts, reconnait les autres montres similaires qui passeraient pas là et s'y
connecte, afin de leur envoyer des informations sur mon rythme cardiaque et le
nombre de pas que j'ai faits dans la journée.

Sans le savoir, toi aussi mon utérus, tu es un objet connecté, qui a cette

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formidable capacité à repérer les autres utérus et à échanger avec eux.

Blogueuse et auteure du livre Les filles bien n'avalent pas, Marie Minelli s'intéresse au
"phénomène du dortoir". Une vieille croyance populaire dit que les cycles menstruels des
femmes se synchronisent sur celui de la femelle "Alpha" lorsqu'elles sont en contact prolongé
les unes avec les autres, comme dans les anciens dortoirs des internats pour jeunes filles.
Dans cette petite nouvelle entre sexe, fiction et réalité, Marie Minelli raconte les aventures d'une
"femelle" qui n'arrive pas à savoir si elle est Alpha ou Gamma. Elle avoue aux Nouvelles NEWS
qu'elle n'a toujours pas la réponse : "J'aime penser que je suis une femelle Alpha mais j'aime
aussi être une suiveuse. Au restaurant, par exemple, je demande toujours la même chose que
le dernier a commandé !"

Marie Minelli aura le mot de la fin :

"Et si l'utérus, au delà de l'organe de reproduction ou de l'essence biologique des femmes,

représentait surtout l'ultime preuve de l'avenir de la solidarité féminine : la féminité connectée ?"

Lettres à mon Utérus, aux éditions La Musardine (2016)

Ouvrage dirigé par Marlène Schiappa. Textes de Cassia Carrigan, Nadia Daam,
Octavie Delvaux, Géraldine Durand, Camille Emmanuelle, Sandra Franrenet, Marie
Lafragette, Johanna Luyssen, Maïa Mazaurette, Marie Minelli, Olivia Moore, Julia
Palombe, Delphine Philbert, Gaëlle Renard, Léa Rivière, Juliette Speranza.

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