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Couverture

Dédicace
Préface
Une invitation
PARTIE I - Histoires de naissance
PARTIE II - Les essentiels de l’accouchement
Chapitre 1 - Le corps et l’esprit : une connexion
puissante
Chapitre 2 - Ce qui se passe pendant le travail
Chapitre 3 - Plaisir ou douleur : l’énigme du
ressenti
Chapitre 4 - La Loi des sphincters
Chapitre 5 - Ce qu’il faut savoir sur la grossesse
et son suivi
Chapitre 6 - La mise en route du travail
Chapitre 7 - Accoucher : permettre à la liberté de
mouvement et à la pesanteur de faciliter le travail
Chapitre 8 - La puissance oubliée du vagin versus
l’épisiotomie
Chapitre 9 - La troisième phase du travail
Chapitre 10 - Quelques jalons dans l’art d’être
sage-femme
Chapitre 11 - Ce à quoi une femme enceinte
s’attend le moins
Chapitre 12 - Accouchement vaginal après
césarienne (AVAC)
Chapitre 13 - Choisir un praticien
Chapitre 14 - Une vision de la sage-femme et de
la mère au XXIe siècle
Annexe
Glossaire
Crédits iconographiques
Notes
Biographie
MamaScope
Grossesse et accouchement
Allaitement
Soins des enfants
Du même auteur
Chez le même éditeur
Mentions légales
Ina May GASKIN

LE GUIDE
DE LA NAISSANCE
NATURELLE
Retrouver le pouvoir de son corps

Traduit de l’américain et adapté


par Claire Bernet-Rollande
Préface
du Dr Michel Odent

MAMA EDITIONS
Aux femmes et aux médecins qui m’ont aidé
à devenir sage-femme.
PRÉFACE

Quels sont les points communs entre une mère de famille, ex-
hippie californienne, et un ex-chirurgien de la région parisienne ? Ina
May Gaskin et moi nous sommes posé la question la première fois
que l’organisatrice d’une conférence nous a demandé de nous
associer pour parler des accouchements par le siège. Nous avons
vite compris qu’entre nous les points communs étaient plus forts que
les différences.
Tout d’abord, nous avons l’un et l’autre été impliqués dans la
naissance des bébés à la suite de circonstances fortuites. En 1970,
Ina May Gaskin faisait partie d’une caravane de cent soixante-dix
hippies idéalistes qui quittèrent San Francisco et traversèrent les
États-Unis pour inventer une nouvelle façon de vivre et pour
« sauver le monde ». Ils s’arrêtèrent finalement dans une zone
pauvre du Tennessee où ils créèrent une communauté appelée The
Farm. Bien entendu, au cours de ces pérégrinations, et après
l’installation de la communauté, des femmes ont mis au monde des
bébés. C’est ainsi qu’Ina May Gaskin, qui avait une expérience de
mère, est devenue sage-femme. Quant à mon intérêt pour
l’accouchement, il s’est lui aussi développé selon des voies
inhabituelles. Ma formation chirurgicale date des années 1950,
époque où s’est répandue la technique nouvelle de césarienne qui
rendait l’opération infiniment moins risquée. La plupart des médecins
accoucheurs de l’époque, qui étaient avant tout des experts en
forceps, devaient faire appel au chirurgien pour les césariennes.
Pendant la guerre d’Algérie, au cours des années 1958-1959, les
hasards du service militaire m’ont fait pratiquer toutes sortes
d’opérations d’urgence à l’hôpital de Tizi-Ouzou, y compris des
césariennes. En 1962, parce que j’étais à l’aise avec la nouvelle
technique, je me suis occupé officieusement de la petite maternité
de l’hôpital de Pithiviers, alors qu’officiellement je prenais la seule
responsabilité du service de chirurgie. C’est ainsi que s’est développé
mon intérêt pour la physiologie de l’accouchement. Les sages-
femmes et moi avons multiplié les remises en cause des pratiques
obstétricales conventionnelles, à tel point que le nombre
d’accouchements est passé de deux cents à mille par an… Je n’avais
plus le temps d’être chirurgien.
L’autre point commun est que les années 1970 ont été pour l’un
comme pour l’autre des années charnières. Nous étions soumis,
directement ou indirectement, à des influences similaires. Dans la
baie de San Francisco aussi bien qu’en France, ce sont les années
qui ont suivi les révoltes d’étudiants. L’après Mai 1968 était une
période d’audace et de créativité où l’on agissait comme si tout était
permis. Nous étions imprégnés de mots d’ordre tels que « il est
interdit d’interdire ». Il est significatif que, sans nous connaître et
séparés par l’Atlantique, nous avons publié notre premier livre à la
même époque (Spiritual Midwifery* en 1975 et Bien Naître en 1976).
Finalement, notre point commun essentiel est le fait que, par des
chemins différents, nous sommes arrivés à des conclusions voisines
sur de nombreux sujets. C’est ce qu’ont compris les organisateurs de
conférences qui trouvent tout naturel de nous associer. C’est ce qu’a
compris Michka, l’éditrice de ce livre, qui m’a demandé de présenter
Ina May Gaskin au public français. Je le fais avec d’autant plus
d’enthousiasme qu’en France, les sages-femmes sont devenues des
« médecins à compétence limitée issus du tronc commun », et que
la redécouverte de la sage-femme authentique est particulièrement
urgente. Dans un tel contexte, la publication des propos d’Ina May
Gaskin est un évènement nécessaire.

Dr Michel Odent
Directeur du service de chirurgie
et de la maternité de l’hôpital de Pithiviers pendant vingt ans,
fondateur du Primal Health Research Centre,
auteur traduit en une vingtaine de langues.
* « La spiritualité dans l’art de la sage-femme » (N.d.T.).
Une invitation

Quelle que soit la raison qui vous ait poussé à ouvrir ce livre, je
rends hommage à votre curiosité et à votre désir d’en savoir
davantage sur l’acte majeur d’enfanter. Que ceux qui attendent un
enfant sachent que j’ai particulièrement pensé à eux en écrivant ces
pages.
Ce livre est une invitation à découvrir les véritables facultés du
corps de la femme pendant le travail et l’accouchement. Il ne s’agit
pas d’un abrégé des connaissances médicales actuelles, ou d’une
simple vulgarisation du jargon de l’obstétrique. Les rayons des
librairies regorgent de ce type d’ouvrages. Quand je parle des
véritables facultés du corps des femmes, je fais allusion à celles dont
elles font l’expérience dans leur corps, que celles-ci soient reconnues
ou non par l’autorité médicale. À mon sens, la connaissance la plus
juste du corps féminin pendant l’accouchement conjugue le meilleur
de ce que la science médicale nous a offert au cours du siècle
dernier et ce que les femmes ont toujours su découvrir quant à leurs
propres facultés, avant que la naissance se déroule à l’hôpital.
L’objet de ce livre est de vous apporter le meilleur de l’information
actuellement disponible sur les vraies facultés des femmes pendant
le travail et l’accouchement, et de vous montrer comment celles-ci
peuvent s’allier à une utilisation optimale de la technologie médicale.
Mon intention est de vous encourager et de vous informer.
Je suis sage-femme dans une communauté, aux États-Unis, depuis
plus de trente ans. Dans mon village, les femmes et les jeunes filles
n’ont pas peur de l’accouchement, ou à peine. Avec les autres sages-
femmes de ce village, nous avons assisté à la naissance de plus de
2 200 bébés, pour la plupart venus au monde à domicile ou dans
notre maison de naissance. Cette expérience m’a permis de
découvrir sur les femmes des choses que l’on ignore généralement
dans le milieu médical. Les femmes de mon village ont-elles moins
peur de l’accouchement parce qu’elles savent que nos facultés
dépassent la compréhension scientifique, ou bien parce qu’elles
savent que, en l’absence d’anxiété, ces facultés sont décuplées ?
Difficile à dire. En fait, les deux sont vrais.
Le village où je vis s’appelle The Farm. Il se trouve près de
Summertown, dans le sud du Tennessee. En 1971, avec plusieurs
centaines de personnes, mon mari et moi-même avons fondé ce
village, où nous continuons à vivre et à travailler. L’un des traits
remarquables de notre communauté est que, depuis qu’elle existe,
les hommes n’ont jamais interféré avec notre volonté, à nous les
femmes, de créer notre propre système d’accompagnement de la
naissance. En même temps, ils nous ont toujours apporté leur
soutien et leur expertise en matière de technologie, de façon à
améliorer notre système de soins et à le rendre plus accessible. Ils
n’ont jamais imposé le lieu ou la façon dont les bébés devaient
naître.
Laissez-moi clarifier mes propos au sujet de la peur et de
l’accouchement à The Farm. Je n’essaie pas de dire que les femmes
de mon village n’ont jamais connu la moindre anxiété à la
perspective d’accoucher ou qu’elles ne se sont jamais demandé si
elles étaient vraiment capables d’accomplir cet acte apparemment
irréalisable. Je pense que nous sommes nombreuses à nous être
posé la question, à un moment ou un autre. Toute femme, ou
presque, se la pose. Il est vrai que le phénomène de la naissance
n’est pas forcément une évidence pour les gens qui grandissent au
sein d’une culture civilisée – surtout celles où l’on est coupé des
animaux. Mais dans notre village, quand les femmes sont prises d’un
doute, elles peuvent se raccrocher à la certitude que leurs meilleures
amies, leurs sœurs et leurs mères en ont été capables. Cela leur
permet de croire qu’elles aussi peuvent y arriver, qu’elles aient ou
non été témoin d’une naissance. À The Farm, les femmes ont
réappris avec succès des comportements considérés comme
inhabituels chez les femmes des cultures civilisées – ces
comportements mêmes qui dépassent la compréhension médicale
classique du corps des femmes et du processus de la naissance.
Mon expérience de sage-femme m’a enseigné que le corps des
femmes fonctionne toujours. Ces lignes vous offrent l’occasion de
porter un regard neuf sur un savoir ancestral et d’élargir vos
connaissances sur la naissance. Peu importe où et comment vous
avez l’intention de mettre votre enfant au monde, votre expérience
aura des répercussions sur vos émotions, sur votre esprit, sur votre
corps et sur votre âme pour le restant de vos jours.
Les femmes de mon village1 s’attendent à accoucher par voie
basse, comme le font toutes les femmes de notre communauté, à
l’exception d’une ou deux sur cent. Certes, il nous arrive de devoir
emmener une femme à l’hôpital pour une césarienne ou une
délivrance instrumentale, mais ce type d’intervention est
relativement rare chez les femmes qui accouchent à The Farm.
(Notre taux de césariennes jusqu’en 2000 était de 1,4 % ; notre
taux d’extraction aux forceps ou à la ventouse était de 0,05 %. Le
taux de césariennes aux États-Unis s’élevait à 31,1 % en 2001 et
celui des extractions instrumentales avoisinait les 10 %.2) À The
Farm, les femmes savent que le travail peut être douloureux, mais
nombreuses sont celles qui savent aussi que le travail et
l’accouchement peuvent être extatiques – voire orgasmiques. Mais
surtout, qu’elles aient souffert ou non pendant le travail, elles ont
découvert que, dans la vie d’une femme, accoucher est un passage
qui apporte un formidable sentiment de puissance.
Si vous n’avez jamais entendu parler du travail et de
l’accouchement de manière positive, vous n’êtes pas seul dans ce
cas. L’un des secrets les mieux gardés est que l’enfantement peut
être une expérience fortifiante et extatique. Comme vous allez le
découvrir à la lecture des témoignages recueillis dans ce livre, un
accouchement extatique est source de puissance et de sagesse pour
la femme qui le vit. Même quand elles trouvent le travail douloureux,
les femmes de mon village savent que les sensations associées au
travail et à l’expulsion peuvent être rendues tolérables sans le
recours à des médicaments qui engourdissent les sens. Elles
comprennent qu’il est préférable de garder tous leurs sens en éveil si
elles veulent connaître la véritable sagesse et la puissance que
l’accouchement peut leur apporter.
Dans la première partie de ce livre, vous entendrez la voix de ces
femmes vous raconter comment elles ont mis leurs enfants au
monde. Certains témoignages appartiennent à la génération des
pionnières qui, ensemble, ont créé cette culture de la naissance dans
notre village ; d’autres nous sont livrés par leurs filles ou leurs
belles-filles, qui ont grandi dans cette culture ou y ont été exposées
par leur partenaire. Quelques-uns sont ceux de femmes nées à la
maison, elles aussi élevées dans cette culture, et qui ont accouché
avec d’autres sages-femmes indépendantes. D’autres témoignages,
enfin, viennent de femmes qui ont décidé de tirer profit de ce que
nous avions à offrir en venant accoucher dans notre maison de
naissance. Si vous êtes enceinte, ou si vous prévoyez une grossesse
dans un futur proche, vous aurez peut-être envie de lire et de relire
ces histoires de naissance, pour renforcer votre esprit en préparation
à l’accouchement.
Au moment de sa parution en 1975, Spiritual Midwifery,3 mon
premier livre, fut l’un des premiers ouvrages à traiter de l’art de la
sage-femme et de la naissance. Il s’est rapidement vendu à plus
d’un demi-million d’exemplaires et a été traduit en plusieurs langues,
me faisant connaître non seulement auprès d’une génération de
femmes enceintes et de leurs partenaires, mais également auprès
d’un nombre surprenant de médecins et professionnels de la
naissance. Dans certains pays, ce livre allait figurer au programme
des écoles de sages-femmes. Des médecins de plusieurs nationalités
m’ont confié l’avoir lu pour se remettre des aspects les plus
effrayants de leur formation en obstétrique. J’ai commencé à
rencontrer une catégorie de médecins qui se donnaient le nom de
MD (Midwife in Disguise4). Grâce à la parution de Spiritual
Midwifery,5 et des statistiques qui y étaient publiées, j’ai été invitée
dans le monde entier à partager mes conclusions et celles de mes
consœurs avec des professionnels de la naissance et des femmes de
cultures et de nationalités très diverses. Cette expérience
interculturelle m’a offert un regard élargi sur la grossesse et la
naissance et m’a permis de constater à quel point certaines
pratiques obstétriques enracinées dans divers pays ne font
qu’entraver le bon fonctionnement du corps de la femme. Mon
expérience m’a aussi enseigné que le rôle des sages-femmes est
primordial dans toute société, et combien il est important que cette
profession existe à part entière – indépendamment de l’obstétrique,
tout en étant capable de collaborer avec les obstétriciens dans les
cas relativement rares où le besoin s’en fait sentir.
Récemment, un obstétricien m’a fait la remarque suivante : « Les
deux pages les plus intéressantes de Spiritual Midwifery sont les
deux dernières. » Il faisait allusion aux pages où figurent les
statistiques sur les naissances qui ont eu lieu à The Farm. Il a
ajouté : « Il faut que vous expliquiez comment vous avez obtenu ces
résultats pour que nous, qui travaillons en milieu hospitalier,
puissions adopter vos pratiques. » La deuxième partie de ce livre
s’adresse à lui, et à tous ceux qui ont envie de comprendre pourquoi
la culture de la naissance à The Farm est couronnée d’un tel succès.
J’y décris les principes de base qui caractérisent et définissent notre
pratique, et j’explique comment ces principes peuvent être
transposés d’un accouchement à domicile à un accouchement à
l’hôpital.
Dans la deuxième partie, j’examine les raisons pour lesquelles un
tel mystère entoure le fonctionnement du corps de la femme qui
accouche et comment, à The Farm, nous avons pu lever le voile sur
une partie de ce mystère, et en retirer une connaissance pratique
valable pour toutes, ou presque, au sein de notre communauté. J’y
explique pourquoi, d’une femme à l’autre, accoucher peut être une
expérience si différente et pourquoi on rencontre tant d’avis
divergents sur ce qui constitue une pratique à risque, ou au contraire
tout à fait sûre, lors de la naissance. Il existe une explication logique
à tout ceci. Il en va de même pour la douleur ressentie pendant le
travail. J’étudie comment l’accouchement peut être vécu comme une
expérience sans douleur – voire orgasmique – et pourquoi il est
généralement vécu comme l’expérience la plus douloureuse qui soit
dans nos pays civilisés. Vous allez découvrir que l’utérus d’une
femme en travail peut tout aussi bien se fermer que s’ouvrir, et dans
quelles conditions le travail peut stagner ou même régresser. Vous
allez aussi apprendre par quels moyens pratiques vous pouvez
laisser la sexualité de la naissance travailler pour vous, et non pas
contre vous.
Cette partie offre aussi une vue d’ensemble sur les pratiques et les
soins que l’on peut rencontrer dans les hôpitaux, assortie d’un guide
qui explique lesquels sont étayés par des études scientifiques solides
et lesquels ne le sont pas.
La naissance fait tellement partie intégrante de la vie – elle est si
commune – que les choix qui s’y rapportent sont souvent livrés au
hasard. Nous avons tendance à faire comme tout le monde, partant
du principe que cela doit être ce qu’il y a de mieux. Comme nous
vivons dans une société où la technologie est omniprésente, nous
sommes portés à croire que le meilleur est ce qui coûte le plus cher.
Cela s’avère généralement vrai en ce qui concerne les téléphones
portables, les appareils photo, les voitures ou les ordinateurs. Mais
quand il s’agit de la naissance, ce n’est pas forcément le cas.
PARTIE I
Histoires de naissance

Introduction aux histoires de naissance

Quel soutien psychologique extraordinaire que d’appartenir à un


groupe de femmes qui ont de belles histoires à partager sur leur
expérience de la naissance ! C’est exactement ce qui se passe dans
notre village.
Quand on parle de naissance, tant d’histoires horribles circulent
qu’il devient difficile de croire qu’accoucher puisse être une
expérience bénéfique. Si vous êtes enceinte depuis un certain
temps, vos amis ou votre famille vous ont probablement raconté
quelques effroyables histoires d’accouchement. C’est tout
particulièrement vrai si vous vivez aux États-Unis, où raconter des
histoires effrayantes aux femmes enceintes est un passe-temps
national depuis au moins un siècle. Maintenant que l’accouchement
est devenu un thème de prédilection des séries télévisées
dramatiques ou comiques, cette tendance s’accentue. Personne n’a
mieux résumé la situation que Stephen King dans sa nouvelle La
Méthode respiratoire.6 Parlant de la peur de l’accouchement si
répandue chez les femmes, son personnage remarque : « Tu peux
me croire, si l’on t’affirme que quelque chose va être douloureux, tu
auras mal. Pour l’essentiel, la douleur, c’est dans la tête, et quand
une femme s’imprègne de l’idée que donner naissance est
atrocement douloureux – quand sa mère, ses sœurs, ses amies et
son médecin le lui disent –, cette femme s’apprête à éprouver une
douleur atroce. » Stephen King, vous l’ignorez peut-être, est le père
de plusieurs enfants nés à la maison.
Pour contrer l’effet des histoires horribles, je ne connais rien de
mieux que de lire ou d’entendre des histoires qui nous apportent un
sentiment de puissance. Je veux parler de celles qui nous changent,
quand on les lit ou quand on les entend, parce qu’elles nous
apprennent quelque chose, ou nous font changer d’opinion. Voilà
pourquoi la première partie de ce livre est largement dédiée aux
histoires racontées par des femmes qui ont décidé d’accoucher à
domicile ou en maison de naissance, auprès de moi et de mes
consœurs. C’est sans doute la partie que vous aurez le plus envie de
lire pendant votre grossesse. À The Farm, les seules histoires
horribles qu’on entende à ce sujet concernent des accouchements
précédents, qui ont eu lieu dans des conditions radicalement
différentes de celles qu’offrent nos sages-femmes. Quand les
femmes ont commencé à vivre l’accouchement comme une
expérience positive, leurs récits ont apaisé la peur et l’inquiétude de
celles qui n’avaient encore jamais eu d’enfant. La confiance que ces
femmes se sont communiquée les unes aux autres a eu une
influence considérable ; elle explique en partie pourquoi
l’accompagnement de la naissance à The Farm a donné d’aussi bons
résultats.
Les histoires transmettent un enseignement qui reste gravé dans
notre mémoire. On y découvre que chaque femme vit
l’accouchement à sa manière, et à quel point ces vécus sont
différents les uns des autres. Quelquefois, on y apprend l’absurdité
de certaines pratiques, largement répandues à une époque avant de
tomber en désuétude. On y voit la différence qui existe entre le
savoir médical officiel et les phénomènes physiques vécus par les
femmes – y compris ceux qui ne sont jamais relatés dans la presse
spécialisée et dont l’existence n’est pas reconnue par le corps
médical. Elles démontrent aussi la connexion qui existe entre le
corps et l’esprit, mieux que ne peuvent le faire les recherches
médicales. Le récit de celles qui ont activement participé à leur
accouchement est souvent une source d’information, de sagesse et
d’inspiration. Le témoignage de femmes qui ont vécu de magnifiques
expériences en accouchant transmet de façon irremplaçable la
connaissance de ce qu’une femme est capable d’accomplir pendant
la grossesse et l’accouchement.

La naissance de James
16 novembre 1986
par Karen Lovell

Huntsville, Alabama, États-Unis – la « ville fusée », là où « même


le ciel n’est pas une limite ». Mon mari, Ron, était parti travailler
pour le constructeur des superordinateurs les plus performants au
monde et séjournait au centre de vol spatial Marshall de la NASA. En
fait, tout donnait l’impression que nous étions résolument tournés
vers la technologie de pointe, vers ce qu’il y avait de plus
sophistiqué, y compris en matière d’accouchement. Alors pourquoi
choisir The Farm pour accoucher ?
La réponse commence avec la naissance de mon premier fils,
Christopher. Je venais de terminer ma formation d’enseignante.
J’avais le projet de prendre un poste dès la rentrée, à l’automne,
mais avant même que l’opportunité ne se présente, je me suis rendu
compte que j’étais enceinte. Et voilà que je me retrouvais
fraîchement diplômée, avec un bon bagage en sciences, et pourtant
l’impression de ne rien savoir sur l’accouchement. Bien sûr, je
connaissais le processus, comment le corps réagissait, ce qui se
passait, mais j’ignorais tout des pratiques médicales et hospitalières
relatives à la naissance. Quand j’ai découvert quelles possibilités
s’offraient à moi, je me suis mise à chercher une alternative.
La première visite chez l’obstétricien qui m’avait été vivement
recommandé s’est avérée très désagréable. Il a commencé par me
dire qu’il n’était pas possible de moduler la température en salle de
naissance, que seul l’éclairage pouvait l’être. Quand j’ai demandé à
ne pas avoir d’épisiotomie, il a complètement éludé la question en
me demandant à quel genre d’épisiotomie je faisais allusion, sans
jamais me dire s’il en ferait ou pas. Cela m’a contrariée, mais voyant
bien qu’il s’était déjà montré aussi magnanime qu’il en était capable,
j’ai laissé courir. Pour l’instant, je bénéficiais d’un suivi prénatal de
qualité. Je pourrais toujours changer de médecin plus tard.
Cependant, plus le temps passait et plus j’avais des doutes à son
égard. Petit à petit, j’en vins à me méfier de lui. Au fil des
consultations, de petits indices révélaient que nous n’étions pas sur
la même longueur d’ondes. Le plus marquant fut quand, au sixième
mois de grossesse, il m’envoya une lettre recommandée qui n’avait
aucun sens, à moins de comprendre qu’il s’agissait d’un
avertissement : l’accouchement se passerait à sa façon ou pas du
tout. Pour finir, au septième mois, il m’annonça que je n’allais pas
pouvoir accoucher selon la méthode Leboyer,7 après m’avoir laissé
croire le contraire pendant des mois. C’est là que j’ai su qu’il n’était
pas question que cet homme me touche. Or, les examens internes
devaient débuter deux semaines plus tard. J’ai compris qu’il fallait
que je trouve quelqu’un d’autre.
Une infirmière en obstétrique qui pratiquait des accouchements à
domicile de manière clandestine m’a conseillé un obstétricien d’une
ville voisine, susceptible de m’apporter un accompagnement plus
respectueux. Avec lui, j’ai pu avoir une naissance Leboyer, mais les
masques et les blouses d’hôpital destinés à créer un environnement
stérile donnaient justement une impression de stérilité et de froideur
intimidante. Par ailleurs, j’ai dû rester allongée pendant tout le
travail à cause du monitoring et, pour finir, j’ai eu droit à une grande
épisiotomie et une extraction aux forceps.
Une des femmes enceintes, devenue mon amie après la naissance
de mon fils, avait un exemplaire de Spiritual Midwifery8 qu’elle
chérissait comme une bible et dont elle avait même arraché des
pages et des photos qu’elle avait collées au mur. La naissance de sa
fille, à la maison, m’a profondément marquée. En mon for intérieur,
je me suis dit qu’un jour, j’aurais peut-être un enfant dont la venue
au monde serait réellement pleine d’amour et de spiritualité.
Ma deuxième grossesse est passée presque inaperçue au début,
comme si le bébé s’était faufilé en moi et ne posait pas de problème.
Les seuls signes de grossesse étaient l’absence de règles en mars et
en avril et la sensation que mes vêtements me serraient un peu à la
taille. Je n’ai pas perdu un instant pour dénicher le plus
« conciliant » des obstétriciens de la ville. Je n’ai eu aucun problème
avec lui et je l’ai trouvé très franc à mon égard. Il m’a annoncé sans
détour qu’il tenait à ce que je sois sous perfusion et que l’hôpital
exigeait le monitorage interne précisant qu’il était néanmoins
possible de signer une décharge si je n’en voulais pas. Je m’étais
résignée à avoir ce type d’accouchement si nécessaire, mais j’ai
décidé de continuer mes recherches. J’ai fini par dégotter un
exemplaire de Spiritual Midwifery9 dans un magasin de produits bio à
Nashville, la ville où j’ai grandi. Quelques semaines plus tard, j’ai
écrit aux sages-femmes de The Farm, et Deborah Flowers m’a
répondu.
J’ai tout de suite eu le sentiment qu’une prière intime venait d’être
entendue et j’ai formulé le vœu d’accoucher là-bas si c’était le bon
endroit pour moi. Quand j’ai annoncé à Ron qu’une sage-femme de
The Farm m’avait répondu, je crois que ça l’a inquiété. Après tout,
cette fois-ci, j’avais eu l’air tout à fait satisfaite et l’hôpital n’était
qu’à dix minutes de chez nous. Pourquoi aller accoucher à The Farm,
à plus de cent kilomètres ?
Ron et moi avons continué à épiloguer sur ce projet d’accoucher à
The Farm. Nous avons finalement décidé d’aller visiter le lieu avec
un esprit ouvert (je dois reconnaître que je n’avais pas l’esprit aussi
ouvert que Ron ; j’étais sûre de vouloir accoucher là-bas). À notre
arrivée, nous avons été accueillis par Deborah Flowers et Pamela
Hunt, qui nous ont fait faire le tour des installations avant de
m’examiner. Deborah m’a annoncé que j’étais à un centimètre de
dilatation avec un col mou, une progression que j’attribue à sa
douceur extrême et à la forte complicité que je sentais entre elle et
moi.
Ron a été agréablement surpris de découvrir que la maison de
naissance était équipée pour procéder à la stabilisation d’un
nouveau-né en cas d’urgence. Il a également été impressionné
d’apprendre que les sages-femmes étaient formées en médecine
d’urgence et qu’elles étaient très qualifiées pour leur travail. Il était
donc partant pour que j’accouche à The Farm, à condition que notre
assurance-maladie en accepte la prise en charge. Nous avons appris
quelques jours plus tard que c’était le cas.
Deborah était ma sage-femme de référence et je me serais confiée
tout entière à elle. Je savais que tout allait bien se passer. The Farm
avait tout pour plaire : des sages-femmes « complices », une maison
de naissance, une clinique à l’approche holistique, et une assistance
médicale et hospitalière en cas de besoin. J’appréciais aussi certains
détails subtils dans leur pratique, comme d’aider la tête du bébé à
dilater la mère sans provoquer de déchirure, de ne pas s’en remettre
à des équipements froids comme l’échographie ou le monitorage
fœtal interne, de savoir accompagner les naissances par le siège et
d’avoir foi en l’univers.
Quand mes contractions ont commencé, de retour à Huntsville, je
n’y ai d’abord pas cru et j’ai persisté dans mon intention de nettoyer
tous les tapis de la maison. Par moments, je me reposais un peu sur
le lit pour calmer les contractions. C’est seulement à 16 h que j’ai fini
par admettre que je ne pouvais plus continuer à nettoyer des tapis.
J’ai attendu un peu pour être sûre de mes sensations et, à 17 h, j’ai
appelé Ron pour lui demander de rentrer. Il est arrivé, a chargé la
voiture et nous avons pris la route après avoir appelé les sages-
femmes.
Les contractions étaient fortes et régulières. Ron les
chronométrait. Elles étaient à sept minutes d’intervalle. Comme je
suis restée assise le plus tranquillement possible, elles ont gardé leur
rythme. À chaque contraction, j’avais mal au dos, ce qui m’étonnait.
Le trajet a duré un peu plus de deux heures ; j’étais soulagée que la
circulation soit fluide. Quand nous sommes arrivés à The Farm, Ron
a appelé Deborah, qui est venue nous accueillir. Je me suis traînée
jusqu’au lit où elle m’a examinée. Pendant que Ron déchargeait la
voiture, Deborah m’a aidé à gérer les contractions. Chris s’était
endormi sur une chaise pliante près de nous. Comme j’avais très mal
dans le dos, Ron s’est assis sur le lit pour m’aider. Deborah
empoignait mes cuisses pendant que Ron m’appuyait sur le dos.
Cela me soulageait et je le leur ai dit.
Je sentais le bébé descendre. J’ai pensé à Kim, cette jeune femme
en train d’accoucher dans une vidéo que Deborah m’avait montrée.
Elle était très calme, elle qui n’avait pas de mari sur qui compter.
Quelle poule mouillée j’étais, à geindre : « Oh mon dos ! »
Au moment de la phase de transition,10 j’ai gémi : « J’ai vraiment
trop mal au dos. » Puis, et c’était une vraie prière :« Oh, mon Dieu,
aidez-moi ! » À cet instant précis, j’ai senti tout mon entrecuisse
enfler. Les sages-femmes ont fait des commentaires sur la souplesse
de mon périnée. J’ai poussé et elles ont vu apparaître la tête du
bébé. J’ai poussé encore une fois et sa tête est sortie. Quel
soulagement. Après ça, le reste de son corps est passé comme un
rien. Ron a pu couper le cordon ombilical qui avait été clampé et
Chris s’est réveillé juste à temps pour le voir faire. Quelques minutes
plus tard, j’ai expulsé sans difficulté la masse spongieuse du
placenta.
J’avais un magnifique petit garçon, né aux alentours de 23 h 50,
avec la tête à peine allongée. Il avait envie de se reposer avant de
téter. Nous l’avons admiré sous tous les angles avant de le confier à
Joanne pour qu’elle le pèse et l’habille, pendant que Deborah et
Pamela me faisaient deux points de suture, pour une petite
déchirure.
J’étais heureuse d’avoir eu une grossesse si facile et que la
naissance de mon enfant ait pu être non seulement un évènement
d’ordre psychologique et social, mais aussi spirituel. J’étais
reconnaissante d’être entourée par des sages-femmes aussi
attentionnées et affectueuses, et par un mari si prévenant et aimant.
J’avais la certitude que c’était la bonne manière de mettre un bébé
au monde. J’ai beaucoup apprécié la façon dont les sages-femmes
étaient attentives à chaque détail, tout en ayant sur les choses un
regard à la fois pragmatique et intuitif.
Le lendemain, je me sentais parfaitement bien. Je me prélassais
dans la chaleur du soleil en contemplant le bleu limpide du ciel en ce
mois de novembre et les dernières feuilles brunes encore accrochées
aux chênes. C’est là que je me suis rendu compte que j’étais
réellement bénie et qu’il y avait vraiment des domaines que la
technologie ne pouvait pas améliorer – comme le processus de la
naissance d’un être humain, dont l’évolution s’étend sur des milliards
d’années. Certains pourront trouver ça archaïque ; à mes yeux,
c’était parfait.

La naissance de Harley
19 octobre 1995
par Celeste Kuklinski

Vers 17 h, j’ai commencé à ressentir des crampes inhabituelles. De


peur de donner une fausse alerte, je n’ai rien dit. J’avais un cours de
G.E.D.11 ce soir-là, mais je n’avais pas très envie d’y aller. Jouant les
pionnes de service, Donna, qui est mon mentor et mon amie, m’y a
conduite en voiture. Mary, la prof, m’a dit que c’était sans doute des
fausses contractions (dites de Braxton-Hicks). Je suis rentrée tôt,
incapable de me concentrer.
Les crampes étaient de plus en plus fortes, j’avais chaud et je me
sentais excitée. Je ne voulais toujours pas appeler ces crampes des
« contractions » au cas où ce ne serait pas le vrai travail. Je les ai
chronométrées et elles se suivaient à quatre minutes d’intervalle.
Donna m’a demandé si je voulais voir une sage-femme, mais j’ai
décidé d’attendre encore un peu, histoire d’être certaine de ne pas
m’emballer pour rien.
Finalement, en plein milieu d’une rediffusion de Star Trek, alors
que je n’arrêtais pas de me tortiller dans le fauteuil pour essayer de
trouver une position confortable, j’ai fini par décider qu’il valait
mieux aller voir une sage-femme. Donna et moi sommes allées chez
Pamela en voiture. Après m’avoir examinée, elle m’a appris que
j’étais à trois centimètres de dilatation et que j’allais probablement
accoucher dans la nuit. Aussi surprises que ravies, nous sommes
rentrées à la maison pour nous préparer.
Le moment était enfin venu. Pamela n’a pas tardé à arriver, suivie
d’Ina May et de Deborah. À ce stade, ma capacité à faire la
conversation s’était nettement dégradée. J’essayais seulement de
gérer ce qui se passait dans mon corps. Tout s’enchaînait très vite.
Je ne cherchais pas à réprimer les contractions. Je me contentais de
les accueillir à leur rythme, sachant que cela allait favoriser une
naissance rapide. Tout me paraissait parfaitement naturel. Je n’ai fait
que « me laisser aller ». Je me suis laissé aller à prendre un bain, ce
qui m’a beaucoup aidé à me relaxer, tandis que Ina May et ma mère
m’apportaient leur soutien. Ina May m’a montré comment respirer
profondément et calmement.
À la minute où j’ai suivi ces conseils, j’ai été submergée par une
contraction plus forte que les autres. Il a fallu que je me lève. Une
sorte de truc gris sanguinolent a dégouliné avant de tomber dans
l’eau du bain. À ce moment-là, j’ai commencé à dire : « Oh, mon
Dieu ! » Je suis sortie de la salle de bains et j’ai fait ce que j’avais à
faire, que ce soit m’accroupir, me pencher en avant, arpenter la
pièce, dire « Oh, mon Dieu ! » ou sautiller comme une grue. Les
contractions devenaient très intenses. J’avais à peine le temps de me
reposer dans l’intervalle qui les séparait.
Je me souviens d’avoir regardé toutes ces femmes qui étaient là
autour de moi, qui elles aussi étaient passées par là plus d’une fois,
et de m’être dit qu’elles étaient folles !
Je suis allée sur le lit et je me suis tortillée. Ma mère a dit quelque
chose à propos de laisser faire la pesanteur ; et c’est vrai que je l’ai
senti agir. Tout en regardant le bébé descendre dans mon ventre, je
me suis efforcée de respirer correctement et de laisser la naissance
se poursuivre le mieux possible.
Puis est arrivé le moment où j’ai ressenti le besoin de pousser.
Instinctivement, j’ai commencé à masser mes portes de vie pour les
aider à s’ouvrir. Puis j’ai senti la tête du bébé au couronnement,
prête à sortir. Les contractions étaient tellement fortes que je n’avais
qu’une envie : qu’elles cessent. Alors, j’ai rassemblé toutes mes
forces et avec une grande poussée, bruyamment accompagnée de
cris et de grognements primitifs, j’ai enfin réussi à faire émerger la
tête du bébé hors de moi. À la poussée suivante, le reste de son
corps a glissé au dehors. Quel soulagement !
Moi qui jusqu’ici n’avais pas été capable de dire grand-chose
d’autre que « Oh, mon Dieu ! » et « Oh, mon bébé ! », j’étais à deux
doigts de dire : « Sortez l’appareil photo ! »
Quand je contemple Harley, mon cœur déborde d’amour. Je suis
saisie par sa présence pure, son innocence, ses expressions et ses
petits bruits adorables, par la merveilleuse douceur de son petit
visage endormi. Même si lui donner naissance a été douloureux, ce
n’est pas ainsi que je le décrirais ; je dirais que c’était INTENSÉMENT
NATUREL.
Le travail de Pamela pour la naissance de son premier bébé m’a
paru interminable (à elle aussi, je pense). Après être restée auprès
d’elle pendant près de vingt-quatre heures, j’ai eu l’idée d’appeler
notre amie commune, Mary, qui avait accouché quelques jours
auparavant. La plupart des femmes de notre communauté étaient en
admiration devant la faculté de Mary à mettre ses enfants au monde
avant même de se rendre compte qu’elle était en travail ou avant
que nous, les sages-femmes, ayons eu le temps d’arriver :

De femme à femme
13 février 1992
par Mary Shelton

J’avais donné naissance à mon second fils une ou deux semaines


plus tôt quand on m’a téléphoné pour savoir si je pouvais aider
Pamela, dont l’accouchement s’avérait plutôt long et laborieux.
Comme la naissance de mon fils avait été facile, stimulante et
merveilleuse, Ina May pensait que je pourrais peut-être aider
Pamela.
L’après-midi même où mon fils Jon est né, j’étais plongée dans la
lecture d’ Ici et maintenant de Ram Dass, qui m’apportait une
sensation de centrage et d’euphorie. Je me rappelle m’être
particulièrement laissé imprégner par un mot et sa signification :
s’abandonner. J’ai commencé à avoir des contractions et à sentir de
grandes vagues d’énergie en mouvement. J’ai visualisé mon yoni12
comme une grande grotte sous-marine balayée par de gigantesques
courants déferlants dans un va-et-vient continu. Quand une vague
s’engouffrait dans ma grotte, ma contraction grandissait, gonflait et
la remplissait jusqu’à atteindre un pic puis refluait doucement. Je
m’abandonnais encore et encore, submergée par ces grandes
vagues qui m’engloutissaient. C’était vraiment délicieux – très
orgasmique et vivifiant. Michaël, mon mari, était allongé avec moi et
nous avons partagé l’expérience de cette merveilleuse effervescence
pendant un certain temps.
Finalement, quand le moment est venu d’appeler les sages-
femmes, la ligne téléphonique était en dérangement si bien que mon
mari a accueilli Jon lui-même. Tout s’est passé en douceur et Michaël
et moi étions très clairs, concentrés et euphoriques.
J’étais encore pleine de l’énergie revigorante de la naissance de
Jon quand je suis allée à l’accouchement de Pamela. Elle avait
beaucoup travaillé pour se dilater pendant des heures ; elle était
fatiguée et elle avait peur. Je sentais qu’elle avait peur de ne pas
arriver à faire sortir ce bébé. J’avais envie de me connecter
profondément à elle pour lui faire partager mon expérience récente
et l’aider à se détendre et à s’ouvrir. Pamela était nue, calée dans
des coussins sur le lit, elle se tenait les genoux. Je me suis
déshabillée (j’ai seulement gardé ma culotte et ma serviette
hygiénique, car j’avais encore des saignements suite à la naissance
de Jon) et j’ai grimpé sur le lit pour la rejoindre. Je me suis allongée
contre elle – tête contre tête, poitrine contre poitrine, utérus contre
utérus. Je lui ai parlé de ma grotte, de l’océan et de l’effervescence,
de la plénitude et de l’ouverture. Je lui ai parlé de la sensation de
s’abandonner encore et encore et de lâcher prise. Nous avons
commencé à ressentir ses contractions à l’unisson. Nous nous
sommes serrées dans les bras et nous avons partagé l’effervescence
et l’exaltation. Bien qu’il soit vide, mon utérus enflait et se
contractait aussi. Je sentais le sang s’écouler avec les contractions,
mais en petite quantité – je savais qu’il n’y avait pas d’inquiétude à
avoir.
À mesure que Pamela s’est détendue et a partagé avec moi la
merveilleuse énergie de son accouchement, elle a commencé à
s’ouvrir et à se dilater facilement. En peu de temps, elle a donné
naissance à un beau petit garçon serein. Quelle expérience
fabuleuse !

La naissance de Ramez
30 mai 2003
par Njeri Emanuel

Quand j’étais enceinte, je pensais que j’allais sûrement demander


la péridurale parce qu’on m’avait dit que les contractions allaient être
atrocement douloureuses. On parlait beaucoup de la douleur
pendant les cours de préparation à la naissance. Au début, j’ai
même pensé que je préférais peut-être une césarienne pour ne pas
avoir besoin de pousser, car j’avais entendu dire que pousser était la
partie la plus difficile. Mais en y réfléchissant un peu, j’ai su que je
ne voulais pas de césarienne parce que la cicatrisation serait longue.
(Ma mère avait souvent assisté à des accouchements aux côtés des
sages-femmes de The Farm pendant les cinq années où nous avions
vécu là-bas, j’avais donc quelques connaissances en matière
d’accouchement naturel.)
Quand le travail a vraiment commencé, j’ai pris une douche
pendant un bon moment, mais cela ne soulageait pas les douleurs
dans les reins aussi efficacement que le simple fait de marcher. À
l’hôpital, la sage-femme n’arrêtait pas de me demander si je voulais
m’allonger sur le lit, mais je lui répétais : « Non, je préfère
marcher. » Ma tante Carolyn est restée avec moi et elle appuyait sur
mon dos pendant les contractions.
Pousser s’est finalement avéré la partie la plus facile – un grand
soulagement. Quelqu’un tenait un miroir pour que je puisse observer
mes progrès quand je poussais. On m’a dit de m’attendre à une
sensation de brûlure, mais je n’ai rien ressenti de tel. Je n’ai pas eu
d’épisiotomie ni de déchirure et ma mère m’a raconté que mon fils,
Ramez, est né les yeux grands ouverts. Après sa naissance, j’étais
plus heureuse que fatiguée. En tout, mon accouchement a duré huit
heures. Ramez a 6 semaines maintenant et il tète bien. Il a pris deux
kilos depuis sa naissance.

La naissance de Brianna Joy


20 juin 1995
par Bernadette Bartelt

À l’âge de 38 ans, je me suis retrouvée enceinte de mon premier


enfant. J’étais vraiment ravie. Ma grossesse s’est bien passée, sans
nausée ou autre complication. Je m’entraînais régulièrement au club
de gym à pratiquer les exercices de low-impact13 que mon
obstétricien m’avait conseillés. J’avais prévu d’accoucher à Nashville,
où je vivais depuis plus d’une dizaine d’années. Lors de l’échographie
à quatre mois de grossesse, j’ai eu peur de regarder les clichés
parce qu’on parle tellement des risques d’anomalies à partir de 35
ans.
Tard dans ma grossesse, au mois de mars, tracassée par le fait
que mon obstétricienne était trop occupée pour nous accorder assez
de temps à Rick (mon mari) et moi, j’ai décidé d’aller rendre visite
aux sages-femmes de The Farm. J’avais vécu à The Farm vers mes
20 ans, quand mon père, mes frères et sœurs et moi avions
emménagé là-bas. La façon dont les sages-femmes m’ont examinée
m’a tout de suite mise à l’aise. Leur clinique n’était pas aussi high-
tech que le cabinet de mon obstétricienne, mais il y régnait une
atmosphère plus amicale. Après avoir effectué quelques recherches
et posé beaucoup de questions, j’ai pris la décision d’accoucher avec
elles. Je savais que si mon travail durait plus de douze heures, mon
obstétricienne serait plus encline que les sages-femmes de The Farm
à s’alarmer du fait de mes presque 39 ans, ce qui augmenterait le
risque d’avoir une césarienne.
J’espérais qu’Ina May pourrait être présente à mon accouchement,
mais il y avait un problème. Elle devait participer à une conférence
de sages-femmes et n’allait pas être de retour avant le 19 juin. Carol
m’a examinée le 12 juin et m’a dit que j’étais à un centimètre de
dilatation. Je suis allée faire une grande promenade le jour suivant.
Mon utérus s’est beaucoup contracté pendant les deux jours qui ont
suivi. La nuit du 15, j’ai à peine réussi à dormir à cause des
contractions qui revenaient toutes les dix minutes. Carol est arrivée
le lendemain matin pour m’examiner et m’a dit que mon col
s’effaçait et que j’étais à trois centimètres de dilatation. Elle m’a
conseillé de continuer à marcher, ce que j’ai fait. Je me suis couchée
ce soir-là, mais j’ai eu de nouveau du mal à dormir à cause des
contractions. Cette fois-ci, elles étaient beaucoup plus intenses. Rick
et moi sommes descendus à pied jusqu’au ruisseau, où je suis restée
assise les pieds dans l’eau pendant un moment. C’était tellement
rafraîchissant et relaxant. Ce soir-là, j’ai bu du soda avec un peu de
vin, pensant que ça m’aiderait à dormir, mais ça n’a pas marché. J’ai
fait les cent pas une partie de la nuit. Quand Carol m’a examinée de
nouveau, elle avait une bonne nouvelle. J’étais à cinq centimètres de
dilatation.
Le 18 juin au matin, Carol pensait visiblement que mon travail
avait besoin d’être stimulé puisqu’elle est arrivée avec de l’huile de
ricin.14 J’étais presque à six centimètres de dilatation, mais je
pouvais manger, dormir (brièvement, entre deux contractions),
marcher et continuer à fonctionner. Je suis allée à un dîner chez une
des sages-femmes. Cette nuit-là, Carol est restée auprès de moi et
m’a aidé à gérer les contractions comme je n’arrivais pas à fermer
l’œil. J’ai essayé beaucoup de positions. Je suis restée assise sur un
tabouret de naissance pendant un certain temps. Je me suis
agenouillée au pied du lit, penchée en avant sur un oreiller. Je me
suis pendue à une corde fixée au plafond. C’était difficile de rester
détendue. J’ai essayé de me concentrer sur ma respiration et non
pas sur la douleur incroyable que je ressentais dans les reins. À ce
stade, je comprenais vraiment pourquoi les femmes peuvent en
arriver à faire appel aux antidouleurs. J’étais à sept centimètres de
dilatation. J’appréciais vraiment le soutien que Carol m’apportait et
ça m’aidait à ne pas m’inquiéter des douleurs à venir. Il faut savoir
que je connais beaucoup de femmes qui ont accouché à la maison et
je me disais que si elles avaient pu le faire, je le pouvais aussi.
Le 19 juin, les sages-femmes m’ont encouragé à prendre un petit-
déjeuner. J’ai mangé des tartines avec de la confiture. J’étais un peu
nerveuse, mais je savais que j’étais entre de bonnes mains et que
tout allait bien se passer. J’ai mangé un peu de soupe vers midi et
Carol est revenue avec une boisson fortifiante pour m’aider à
rassembler l’énergie nécessaire pour le travail qu’il me restait à faire.
Rick est allé à l’étage pour se reposer un peu parce qu’il n’avait pas
trop dormi les nuits précédentes, à force de faire en sorte que je me
sente mieux. Ina May m’a téléphoné depuis l’aéroport et m’a dit
qu’elle serait là dans deux heures. Elle est venue directement et m’a
dit qu’elle allait rester avec moi jusqu’à ce que le bébé soit né.
Elle m’a tout de suite encouragée à essayer de me reposer. J’ai
dormi un peu et Rick m’a massé les pieds. J’ai eu la nausée et j’ai
vomi, après quoi je me suis sentie un peu mieux. J’ai commencé à
avoir des contractions plus fortes dans le bas-ventre et une
douloureuse sensation de brûlure. Quand on m’a réexaminée, j’étais
à huit centimètres. J’ai essayé beaucoup d’autres positions et j’ai pris
une douche. Ina May, qui m’avait entendue faire du bruit, m’a aidé à
respirer plus lentement et plus profondément. Cela m’a permis de
me relaxer, car j’avais besoin de me concentrer sur autre chose que
sur mes douleurs dans les reins. Quand elle m’a examinée de
nouveau, j’étais à neuf centimètres de dilatation – gros progrès. Puis
j’ai cru que j’avais besoin d’aller aux toilettes alors qu’en fait j’étais
en train de pousser mon bébé. Je suis allée des toilettes jusqu’au
tabouret de naissance et, très vite, le sommet de sa tête a
commencé à apparaître. Je sentais que j’avais besoin de m’appuyer
contre quelqu’un, alors Rick s’est assis derrière moi. J’ai continué à
me concentrer pour garder une respiration lente entre les besoins
impérieux de pousser. Les sages-femmes disaient que j’étais
courageuse, car je ne me plaignais pas et je ne luttais pas contre
mes sensations. En fait, j’étais soulagée de pousser et j’ai aimé cette
partie de l’accouchement. Je n’aurais jamais pensé que ça allait être
le cas, mais maintenant, je me souviens de cette partie comme de la
plus agréable. Ça allait très vite et je savais que bientôt j’allais voir
mon bébé.
Quelqu’un a tenu un miroir et j’ai aperçu ses cheveux. Sa tête était
tellement plissée qu’elle ne ressemblait pas vraiment à une tête. La
partie la plus intense a été quand elle est sortie. J’ai eu une
douloureuse sensation de brûlure et on m’a conseillé de prendre
mon temps. J’ai poussé pendant près de trois quarts d’heure. C’est
devenu plus facile à partir du moment où la tête du bébé est sortie –
en fait, sa main est sortie en même temps. Le reste du corps a
vraiment glissé vite et facilement.
Elle s’est mise à pleurer tout de suite et on me l’a immédiatement
posée sur le ventre. Elle pesait 3,6 kg et se portait à merveille. J’ai
ressenti un tel soulagement après l’accouchement. Deborah m’a
préparé un petit-déjeuner. Cela m’a fait un bien fou de recommencer
à manger. Brianna Joy était le 1 937e bébé à naître à The Farm.
Après la naissance, j’étais trop excitée et trop contente pour pouvoir
dormir.

La naissance d’Abigail Rosalee


21 avril 2000
par Katie Hurgeton

George mon mari était né à la maison de naissance de The Farm


près de vingt-trois ans avant que nous nous apercevions que j’étais
enceinte et, en tant que fervent partisan de l’accouchement naturel
à domicile, il tenait absolument à ce que notre enfant y naisse aussi.
Je n’ai pas été trop difficile à convaincre que c’était la meilleure
façon de donner naissance, et la meilleure façon de naître.
Je m’attendais à ce que ma mère soit enthousiaste et enchantée
d’apprendre notre décision d’accoucher à la maison, accompagnés
par les sages-femmes les plus renommées du pays. En réalité, elle
n’était ni enthousiaste ni enchantée. Au contraire, mon père et elle
se sont ligués pour me convaincre que je mettais non seulement ma
vie en danger, mais aussi celle de leur futur petit-enfant. Chaque fois
que je discutais avec elle, elle me racontait une de ces affreuses
histoires de naissance qui finissent invariablement par « … et si elle
n’avait pas accouché à l’hôpital, elle serait morte. » Après avoir
épuisé son stock d’histoires de ce genre, elle s’est mise à épiloguer
sur ma décision d’accoucher sans péridurale.
« Tu en auras besoin », répétait-elle avec un sourire affable. Pour
finir, il a fallu que George et moi en arrivions à dire à mes parents
que nous étions au courant de leur opinion, que nous allions quand
même faire les choses à notre façon et que le débat était clos. Nous
leur avons aussi fait savoir que s’ils continuaient à attaquer ou à
remettre en question notre décision à ce sujet, nous serions obligés
de cesser de leur rendre visite. Ils ont arrêté d’évoquer la question –
en tout cas avec nous. Ma mère a entrepris d’appeler mon pédiatre,
mon médecin, sa meilleure amie – qui travaille dans le service
d’obstétrique de l’hôpital Vanderbilt – ainsi que mon ancien
gynécologue obstétricien pour vérifier les références des sages-
femmes de The Farm. Elle a fini par m’avouer que tout le monde lui
avait dit qu’elles étaient les plus expérimentées et les plus
compétentes qui soient, qu’elles savaient ce qu’elles faisaient et
qu’elle-même ferait bien de se DÉTENDRE !
Mais ce n’était que le début.
Au cours de ma visite prénatale suivante, Ina May et Pamela m’ont
posé toute une série de questions pour savoir si j’avais été exposée,
depuis le début de ma grossesse, à l’une des maladies listées.
Quand elles ont mentionné la rubéole, je les ai arrêtées. « Au cours
de mon premier mois de grossesse, j’ai reçu un vaccin contre la
rubéole, obligatoire pour mon entrée à l’université. » Elles se sont
figées et m’ont regardée en souriant d’un air incrédule. Ina May a
déclaré : « Mais ils sont censés s’assurer que tu n’es pas enceinte
quand ils font ce vaccin. »
« Eh bien, ils m’ont posé la question, ai-je expliqué, mais je
prenais la pilule et je n’avais pas de retard de règles, alors ils m’ont
vaccinée. » Elles n’en ont pas dit davantage. J’ai commencé à me
sentir nerveuse. « Peut-être que je me trompe. Je vais appeler mon
médecin demain pour en savoir plus. »
« Oui, a dit Ina May, toujours incrédule, appelle-le et tiens-nous au
courant. » Je n’ai pas posé de question, mais quand George et moi
sommes rentrés à la maison, j’ai cherché rubéole dans mon
exemplaire de What to expect when you’re expecting 15 et j’ai passé
le reste de la soirée à pleurer. La question formulée dans le livre
disait à peu près : « Devrais-je avorter si j’ai été exposée à la
rubéole pendant les trois premiers mois de ma grossesse ? », et la
réponse commençait par : « Pas obligatoirement. » Le livre indiquait
aussi que la rubéole pouvait entraîner des risques de malformations
cardiaques. J’étais choquée et accablée de chagrin. Quand j’ai
téléphoné à mon médecin le lendemain, il m’a dit que cette injection
n’était qu’un rappel et qu’il ne pensait pas qu’elle puisse avoir
d’effets secondaires sur le fœtus. À vingt-deux semaines,
l’échographie confirma que ma grossesse était toujours à faible
risque et qu’elle pouvait être prise en charge par la maison de
naissance.
Notre deuxième visite à l’hôpital arriva de manière assez
inattendue. Nous nous étions rendus à ce qui devait être l’une des
dernières visites prénatales avec les sages-femmes de The Farm
avant l’accouchement. Elles ont pris ma tension, comme à chaque
visite, avant de se lancer dans le questionnaire de routine.
– Des maux de tête ?
– Oui.
C’était réellement mon premier mal de tête sérieux depuis le début
de ma grossesse.
– Quand ?
– Ce matin.
– Est-ce que tu as pris quelque chose pour le faire passer ?
– Oui, du paracétamol, mais ça n’a rien fait.
– Je vais reprendre ta tension. Elle est élevée.
Je n’en ai pas pensé grand-chose. Les sages-femmes ont quitté la
pièce pour se concerter. Quand elles sont revenues, Ina May s’est
approchée de la table où j’étais encore allongée et a déclaré : « On
pense que tu as suffisamment de symptômes pour te demander – là,
George et moi retenions notre respiration, convaincus qu’Ina May
allait nous demander de nous installer tout de suite dans la maison
de naissance parce qu’elles pensaient que mon travail était sur le
point de commencer ; notre joie à cette idée fut de courte durée –
d’aller à l’hôpital pour faire une série d’examens. Tu as des
symptômes d’hypertension gestationnelle. » George et moi nous
sommes soudain sentis vidés. L’hôpital ? De l’hypertension
gestationnelle ? Après qu’elles nous ont expliqué de quoi il s’agissait
et quels en étaient les risques, nous avons pris la route, le cœur
lourd, pour les retrouver à l’hôpital. Si je souffrais réellement
d’hypertension gestationnelle, les sages-femmes n’accompagneraient
pas la naissance à The Farm et il me faudrait accoucher à l’hôpital.
À l’hôpital, on m’a donné une chambre et une blouse et on m’a
posé un appareil pour enregistrer mon rythme cardiaque et ma
tension artérielle. Au bout d’une heure d’observation, le médecin a
constaté que ma tension était redevenue normale avant d’ajouter :
« Peut-être votre hypertension résulte-t-elle de votre angoisse à
l’idée d’accoucher à The Farm ». (Le terme médical employé pour
décrire mon symptôme est « hypertension de la blouse blanche ».)
Cependant, ce petit incident ne fit qu’accroître l’angoisse de mes
parents. Ma mère me procura un tensiomètre de poignet qui
mesurait périodiquement ma tension à la maison. Environ deux jours
après l’épisode de l’hôpital, le tensiomètre indiquait une tension
anormalement élevée. Mon mari était au travail, en conférence
téléphonique, j’ai donc appelé ma mère, qui m’a immédiatement
suggéré d’aller à l’hôpital. Malheureusement, l’hôpital où travaillait le
médecin qui avait établi le premier diagnostic se trouvait à au moins
deux heures de chez nous. Et comme ma mère aurait été
grandement soulagée que j’accouche à l’hôpital, j’ai décidé d’appeler
son amie, Anne, qui travaille au service obstétrique de l’hôpital
Vanderbilt, sachant qu’elle s’était montrée d’un grand soutien dès le
début et qu’elle avait un effet étonnamment apaisant sur ma mère.
Cette fois-ci néanmoins, elle était du même avis qu’elle. Elle trouvait
que je présentais suffisamment de symptômes et que ma tension
était beaucoup trop élevée. Au cours de la précédente série
d’examens, l’équipe médicale n’avait pas effectué d’analyse
sanguine. Anne était contrariée par cet oubli et insistait pour que
j’en fasse une. Pour ce faire, il fallait que le médecin de l’hôpital qui
avait établi le premier diagnostic appelle celui que je m’apprêtais à
consulter. Il n’était pas ravi d’avoir à passer ce coup de téléphone.
Au cours de l’entretien téléphonique assez froid que nous avons eu,
elle a de nouveau affirmé qu’elle pensait que mon hypertension était
due à mon angoisse à l’idée d’accoucher à The Farm, avant d’ajouter
qu’elle allait donc suggérer à Ina May que j’accouche à l’hôpital pour
cette raison. Après quoi, elle a effectivement appelé le médecin que
j’allais consulter sur les recommandations d’Anne. Celle-ci m’avait
promis de me recommander un obstétricien qui n’aurait pas
tendance à déclencher l’accouchement.
Mon mari a quitté le travail et nous sommes allés à l’hôpital
Vanderbilt. Une fois sur place, j’ai été examinée par un médecin
avant mon admission dans le service d’obstétrique où on m’a
attribué une chambre. De nouveau, on m’a mise sous monitoring
fœtal et tensiomètre pendant que nous attendions les résultats de la
prise de sang.
Nous avons tous les deux prévenu nos familles, au cas où
l’obstétricien déciderait de me déclencher. Mais les résultats de
l’analyse n’indiquaient pas d’hypertension. On nous a renvoyés chez
nous avec l’assurance que « les sages-femmes peuvent prendre en
charge la naissance de ce bébé en toute sécurité. » Mes parents ne
savaient plus s’ils devaient se sentir soulagés ou encore plus
anxieux.
J’ai perdu les eaux à 4 h du matin le 21 avril, le jour même des
funérailles de mon grand-père. C’était le dernier de mes grands-
parents. Nous avons appelé Ina May pour lui demander si nous
devions prendre la route immédiatement. Elle nous a conseillé
d’essayer de nous détendre une heure ou deux d’abord.
J’ai eu ma première contraction à 4 h 22. On a pris la route deux
heures après sur les conseils de ma mère, qui m’avait dit : « Les
contractions ne sont pas une partie de plaisir. Mais en voiture, elles
le sont encore moins. » On a pris nos affaires et on a décollé. En
dehors du fait qu’il est moins pratique de vomir dans une voiture que
dans des toilettes, je ne me souviens pas d’avoir ressenti une grande
différence de perception quant à mes contractions.
Nous sommes arrivés à la maison de naissance un peu après 7 h
du matin. Il faisait froid ce jour-là, mais les sages-femmes avaient
allumé le chauffage, ce qui créait une atmosphère accueillante. Ina
May et Pamela sont arrivées peu de temps après et m’ont examinée.
« C’est une bonne chose que tu aies décidé de venir maintenant, a
déclaré Ina May, tu es déjà à huit centimètres de dilatation. »
Pendant les contractions, j’ai essayé de garder un œil sur la
pendule pour pouvoir me rappeler ensuite combien de temps
l’accouchement avait duré et le noter avec précision. Pourtant, en
dehors de l’heure de ma première contraction et de l’heure à
laquelle Abigail est née, je ne me souviens plus très bien du
déroulement chronologique. Quand j’ai relaté les faits dans mon
journal, j’ai écrit que les contractions avaient duré environ quatre
heures et que j’avais ensuite poussé pendant environ deux heures.
Ina May m’a expliqué qu’il y a des femmes qui préfèrent les
contractions et d’autres qui préfèrent pousser. Moi, j’ai préféré
pousser. Cela m’a clairement paru le moyen le plus efficace d’en finir.
Après environ deux heures passées à pousser et après que sa tête
n’eut été visible que le temps d’une poussée, Abigail Rosalee est
née. Elle est née à 10 h 22 du matin, soit six heures exactement
après ma première contraction. Ina May et Pamela l’ont prise pour
lui faire un brin de toilette, la peser – 3,7 kg – et l’habiller de sa
layette la plus douillette.
Nous avons appelé mes parents depuis la maison de naissance et
ils ont répondu sur leur portable juste au moment où ils sortaient de
la voiture pour se rendre à la chambre funéraire. Ils ont annoncé à
tous les amis et les membres de la famille qu’ils étaient fiers de
devenir grands-parents. (C’était leur premier petit-enfant.) Ils nous
ont raconté que les gens n’arrêtaient pas de venir les voir pour leur
serrer la main en disant « Félicitations ! » immédiatement suivi d’un
« Toutes nos condoléances. » Ma mère m’a dit que c’était pour elle
un rappel fort du cycle de la vie et de la mort et du fait que Dieu
nous tient dans Sa main.

La naissance d’Autumn Apple Windseed


11 novembre 1970
par Kim Trainor
La naissance de mon premier enfant à Manhattan s’est déroulée
selon le protocole hospitalier standard. Pour commencer, on m’a
laissée seule dans une chambre, livrée à mes propres peurs et une
infirmière m’a percé la poche des eaux. Ensuite, on m’a collée dans
un service plein de femmes en travail qui criaient et hurlaient. La
plupart d’entre elles ne parlaient pas un mot d’anglais. Les médecins
du service étaient tous chinois et parlaient à peine anglais ou
espagnol.
On m’a mise sous ocytocine pour accélérer le travail (l’ocytocine de
synthèse est une hormone administrée aux femmes en vue de
déclencher ou d’accélérer les contractions). On m’a dit de ne pas
bouger. À un moment, je me suis redressée pour m’asseoir, et la
sage-femme de service m’a attachée en position allongée sur le lit
en disant d’un ton réprobateur : « Arrêtez d’essayer de vous
accroupir ! »
Quelqu’un a allumé et orienté un néon droit sur moi pour que
l’équipe médicale puisse bien voir en entrant dans la pièce. Comme
les accouchements étaient visiblement faits à la chaîne dans cet
hôpital, le néon est resté allumé et on m’a laissée là, sanglée au lit,
seule avec mes contractions. Après un temps qui m’a paru durer une
éternité (quinze heures en réalité), j’ai senti la tête du bébé entre
mes cuisses.
J’ai appelé la sage-femme en criant que je pensais être sur le point
d’accoucher. On m’a emmenée illico en salle d’accouchement, on m’a
enfilé les pieds dans les étriers et on m’a fait l’épisiotomie de routine
– douze points de suture. Le bébé est littéralement sorti de moi
comme un boulet de canon, hurlant et écarlate et il a été emmené
avant même que j’aie pu voir si c’était une fille ou un garçon. Puis on
m’a shootée à l’éther pour recoudre l’épisiotomie inutile. Quand je
me suis réveillée, on m’a finalement informée que j’avais donné
naissance à une petite fille en bonne santé, pesant 4 kg.
J’ai ensuite essayé de l’allaiter, mais on ne m’a accordé qu’une
vingtaine de minutes pour y arriver. J’avais du mal, alors j’ai
demandé de l’aide. Une puéricultrice exaspérée a essayé à
contrecœur de me montrer comment allaiter mon bébé. Elle m’a
brutalement pressé les seins avant de décréter que je n’étais pas le
genre de femmes qui pouvait allaiter. Quand elles ont pris ma fille
pour l’emmener à la nurserie juste après cette tentative
infructueuse, j’ai couru après mon bébé qui pleurait. J’ai rattrapé la
puéricultrice et me suis emparée de ma fille pour la consoler. C’est là
que j’ai été alpaguée par deux aides-soignants. On m’a séparée de
mon bébé, ramenée à ma chambre où on m’a administré un puissant
sédatif qui m’a laissée éveillée, mais incapable de bouger. Cette
expérience a été incroyablement traumatisante. Je suis ressortie
meurtrie de mon accouchement, ayant été brutalisée, droguée et
dépossédée de mon instinct maternel et de toute confiance en moi.
Après un tel traumatisme, je savais que plus jamais je
n’accoucherais dans des conditions aussi inhumaines.

La naissance de Lily Rose Heart


20 novembre 1976
par Kim Trainor

Il s’est écoulé six années avant que je m’apprête de nouveau à


donner la vie. J’étais certaine de vouloir accoucher à la maison avec
une sage-femme, mais je ne savais pas comment m’y prendre. Une
de mes amies m’a parlé de The Farm et de l’aide qu’on apportait aux
femmes qui ne voulaient pas avorter, mais ne bénéficiaient d’aucun
soutien. Je savais que je voulais cet enfant. Son père n’était pas là
pour nous, alors j’avais le sentiment qu’il fallait au moins que
j’accouche dans un lieu favorable à l’accouchement naturel.
Je suis allée m’installer sur place quatre mois avant la naissance
du bébé et j’ai vécu dans une vieille tente de l’armée montée sur
une charpente en bois, une sorte d’hybride entre une maison et une
tente. Je me suis faite à la vie dans les bois du Tennessee, entourée
de beaucoup d’autres parents et de leurs familles élargies. Nous
formions une communauté d’environ quatre cents habitants quand je
suis arrivée. J’étais toujours occupée à une activité communautaire
ou une autre et ma fille de 5 ans faisait partie d’un groupe d’enfants
de la communauté ; elle s’occupait des chevaux, jouait dans les bois
et était gardée par d’autres mères quand je travaillais. Avec quatre
autres mères, je gardais un groupe d’enfants quand je n’étais pas
prise par un autre travail.
À l’approche de mon terme, j’avais déjà fait ample connaissance
avec celles qui allaient être mes sages-femmes. Je me sentais en
pleine forme grâce à l’alimentation strictement végétarienne de la
communauté. De toute évidence, ma fille, mon bébé et moi
prospérions.
Quand j’ai perdu les eaux, j’ai appelé Leslie, une des sages-
femmes de garde, pour lui faire savoir que mon travail était sur le
point de commencer. Elle s’est empressée de venir m’examiner pour
évaluer ma dilatation. Tout se passait dans une ambiance détendue
et affectueuse. Ma fille entrait et sortait de la chambre, mais une
femme était là pour s’occuper d’elle pendant mon travail. Les
contractions étaient fortes et régulières. J’étais entourée de cinq
femmes merveilleuses, qui avaient toutes accouché à la maison et
savaient ce que je ressentais. Elles m’ont encouragée, massée,
amusée et embrassée. J’ai eu le sentiment d’être quelqu’un de
précieux en train de donner naissance à un précieux bébé.
Quand je suis arrivée à dilatation complète, j’ai eu le souffle coupé
et j’ai pensé que je ne pouvais pas continuer. C’est là que la femme
qui était derrière moi a dit : « Voilà ce dont tu as besoin » et elle m’a
donné un baiser. Ça m’a fait rire. Puis j’ai commencé à pousser et j’ai
trouvé cette sensation extra. C’était tellement bon. J’ai poussé des
gémissements très graves, qui ressemblaient presque aux
meuglements d’une vache. La nuit et le froid ont commencé à
tomber, alors nous avons allumé la lampe à pétrole et relancé le feu
dans le poêle à bois.
L’extase de la naissance était vraiment magnifique. Ma fille a glissé
hors de moi, toute longiligne et gracieuse – avec ses 4 kg, sans la
moindre déchirure. Toutes, nous avons ri. Quel sentiment
d’exaltation. Les sages-femmes ont posé Lily sur ma poitrine et,
ensemble, nous l’avons admirée et adorée. J’ai remercié les sages-
femmes et elles aussi m’ont remercié d’avoir été si facile à
accompagner dans la naissance. Le lien entre mon bébé et moi s’est
tissé tout naturellement. Elle a tété facilement et bien volontiers, et
j’éprouvais un sentiment de force et de puissance. Je me disais que
si j’avais pu faire ça, je pouvais tout faire. Cette communauté de
gens honnêtes et travailleurs m’a montré comment être celle que je
suis vraiment. J’ai décidé de rester vivre parmi eux, d’en faire ma
tribu et ma famille.

La naissance d’Otis Francisco


12 juillet 1980
par Kim Trainor

L’année de l’éruption du mont St Helens a connu l’un des étés les


plus chauds dont je me souvienne, et je commençais à sentir que
mon bébé voulait naître. Les contractions régulières ont commencé à
5 h du matin. Le soleil se levait à peine, mais il faisait déjà très
chaud. J’avais dormi au rez-de-chaussée la nuit précédente parce
que j’avais trop chaud et que je me sentais agitée. Je me suis levée
et j’ai commencé à me préparer pour un long accouchement par une
chaude journée.
Quelques heures plus tard, le reste de la maisonnée s’est levé et
j’ai annoncé à tout le monde que j’allais bientôt avoir mon bébé. Les
sages-femmes sont venues pour m’examiner et ont constaté que
mon col était à environ cinq centimètres de dilatation. Je n’avais pas
perdu les eaux, contrairement à ce qui s’était passé lors de mes
deux premiers accouchements. Les sages-femmes m’ont suggéré
d’aller faire une promenade dans les bois avec mon mari pour que la
pesanteur facilite la dilatation. Nous nous sommes promenés
pendant une heure ou deux, et j’avais l’impression d’être dans une
dimension intemporelle où les odeurs et les sons étaient plus forts et
les couleurs plus lumineuses. Je sentais mon bébé bouger et
m’ouvrir, et quand l’intensité d’une contraction augmentait, je
m’appuyais simplement contre un arbre. Les contractions sont
devenues plus intenses et se sont rapprochées. J’ai décidé de
remonter la colline et de retrouver mon lit.
Quand nous sommes rentrés, j’étais presque à huit centimètres de
dilatation, mais la poche des eaux était toujours intacte. J’ai fait les
cent pas près du lit pendant un moment. Quand j’ai perdu les eaux,
à dilatation presque complète, une quantité d’eau impressionnante
s’est écoulée hors de moi. C’est alors que j’ai senti la tête du bébé
appuyer directement contre mon col et que j’ai immédiatement
ressenti le besoin impérieux de pousser.
C’était tellement bon de pousser. La tête du bébé n’a pas tardé à
se montrer et à sortir. Ina May m’a dit d’arrêter de pousser et elle a
prestement enlevé le cordon ombilical qui avait fait trois tours autour
du cou du bébé – blop ! blop ! blop ! Puis le reste du bébé est sorti,
tout entier d’un violet si profond qu’on aurait presque dit qu’il avait
la peau noire. C’était incroyable. Otis avait le cordon ombilical le plus
long que les sages-femmes aient jamais vu. Il mesurait près d’un
mètre vingt et était noué à un endroit. Otis était tellement content
d’être sorti. Les sages-femmes l’ont posé sur ma poitrine
immédiatement. Il est né affamé et pesait plus de 4,5 kg.
Peu de temps après, j’ai décidé de descendre au rez-de-chaussée.
Il faisait très chaud et le ciel était violet foncé, comme mon fils à sa
naissance. Je me souviens du vent qui a soufflé dans l’escalier alors
que je descendais avec mon fils, si beau, dans les bras. Puis le
tonnerre et les éclairs ont éclaté et la pluie a commencé à tomber,
apportant une agréable fraîcheur. J’étais reconnaissante d’avoir eu
mon bébé en compagnie de ma famille et de mes amis. Il a été
accueilli et admiré par toute la maisonnée.

La joie de donner naissance à Grace


30 avril 2000
par Kathryn B. Van de Castle
On pourrait penser que je suis une candidate improbable pour
accoucher dans une maison de naissance du Tennessee rural. Je suis
une bourgeoise américaine typique, qui n’aime pas avoir mal. J’ai
grandi en sachant que ma mère avait eu beaucoup de mal à
accoucher de moi. J’ai la tête qui tourne dès que j’entends un mot
comme phlébotomie. Il faut savoir qu’en plus j’ai épousé Keith (qui
est médecin) à l’âge de 37 ans, après qu’il m’eut fait la cour pendant
huit mois, et que nous avons conçu notre premier enfant deux
semaines plus tard. De toute évidence, nous avons continué à faire
connaissance quand j’étais enceinte. Keith a été un partenaire
incroyablement merveilleux tout au long de ma grossesse, qui a
parfois été difficile en raison de nausées prolongées et d’un décès
dans ma famille. Il faisait les courses pour trouver des aliments qui
me fassent envie quand j’avais de telles nausées que j’étais
incapable d’entrer dans un supermarché ; il m’a aidé à adopter un
régime alimentaire adapté quand mon médecin en Virginie a décidé
que je souffrais de diabète gestationnel et il a toujours fait en sorte
que je garde le moral.
Ma sœur, qui travaille dans un service d’obstétrique, m’a donné un
bon conseil. « Ne lis pas tout un tas de livres, m’a-t-elle dit, et ne
rédige pas de projet de naissance. Plus tu rédiges avec précision la
façon dont tu voudrais que ça se passe et moins tu as de chance
que ça se passe comme ça. » Elle m’a expliqué que trop de lecture
pouvait m’empêcher de me laisser aller aux messages que mon
corps allait me donner. Elle m’a convaincue et je n’ai jamais parcouru
le moindre livre de préparation à l’accouchement.
Quant au choix du lieu de naissance, je savais instinctivement que
j’aurais du mal à supporter l’effervescence et les routines
hospitalières. Je me voyais déjà me refermer au fil des incessantes
allées et venues de l’équipe médicale. Et bien que Keith soit
médecin, il a une grande familiarité avec les naissances à la maison
puisqu’il a vécu quinze ans à The Farm avant de commencer ses
études de médecine. Il avait confiance en The Farm et ses sages-
femmes, et moi j’avais confiance en lui.
Nous nous sommes installés là-bas un mois avant la naissance.
Cela m’a permis de me détendre, de marcher pendant des heures
chaque jour et de bien manger. Pendant les promenades, je parlais à
Grace, je lui demandais de m’aider pour sa naissance et je lui
promettais qu’elle naîtrait en toute sécurité. Elle m’a entendue et
s’est positionnée la tête en bas trois mois avant la naissance. Mes
contractions ont commencé vers 4 h 30 du matin, onze jours avant
mon terme. J’ai décidé de ne pas réveiller Keith, car elles n’étaient
encore qu’à dix minutes d’intervalle. Plus tard, il s’est réveillé, nous
avons regardé un film et fait une promenade avant de nous rendre
chez notre sage-femme pour déjeuner. Une fois arrivée, j’ai pris une
bouchée de tourte et j’ai vomi. Mes contractions sont devenues plus
fortes.
Ina May a essayé de m’aider à me détendre en me massant les
cuisses, mais il m’en fallait davantage. Keith m’a rappelé que j’avais
prévu de me relaxer en prenant un bain. Quand je suis entrée dans
l’eau chaude, j’étais à un centimètre de dilatation et quand j’en suis
ressortie sept heures plus tard, j’étais à dilatation complète. Pendant
tout ce temps-là, j’ai eu besoin d’être rassurée à plusieurs reprises
parce que ça me faisait peur de sentir une telle puissance dans mon
corps.
Keith m’a répété un millier de fois que j’allais bien et m’a aidé à
respirer de manière à pouvoir supporter les contractions. Mon amie
Cynthia m’avait dit quelques jours plus tôt qu’elle avait eu
l’impression que gérer les contractions, c’était comme surfer. Je n’ai
pas arrêté d’y repenser pendant les heures que j’ai passées dans la
baignoire. Keith m’a aidé encore et encore à surfer la vague.
Pendant qu’il m’aidait à respirer lentement et profondément, je
n’arrêtais pas de me concentrer sur un dessin de fleur violette
accroché au mur au-dessus de lui. J’ai commencé à me répéter :
« Je suis une fleur en train de s’ouvrir. » Avec tout ce soutien, j’ai
réussi à rester forte. Je ne me suis pas laissé submerger par les
contractions.
Ina May, Pamela et Stephanie, la fille de Pamela, m’ont elles aussi
rassurée tout au long de mon travail en me répétant que j’allais bien
et en m’informant de ce qui allait se passer ensuite. Je me suis
rendu compte que je pouvais choisir entre avoir des pensées
négatives ou me réjouir des joies de mon existence. J’ai appris à me
discipliner pour revenir au présent, respirer avec Keith, affirmer que
j’allais bien et écouter les autres déclarer que je faisais du bon
boulot.
Le cycle de mon travail suivait le schéma suivant : quand Keith
remarquait qu’une contraction arrivait, il commençait à respirer
lentement et profondément et je me calais sur son rythme. Je fixais
mon regard sur la fleur au-dessus de lui, puis je me laissais aller soit
à des pensées positives, soit à des pensées négatives, et j’écoutais
les gens dire que j’allais bien, ou je me le répétais en moi-même.
Entre les contractions, je me reposais et me détendais. Puis le cycle
recommençait.
J’ai remarqué que quand j’essayais de regarder quelque chose,
j’entrais dans un mode intellectuel tandis que quand j’écoutais,
j’étais davantage en mode émotionnel et instinctif. Par exemple,
entendre que j’allais bien m’aidait vraiment à me sentir mieux. Par
écrit, la même affirmation ne m’aurait pas aidé autant à me sentir
mieux. Penser était effrayant. Ressentir ne l’était pas. Quand j’étais
dans le ressenti, les choses étaient moins éprouvantes.
Quand je suis arrivée à dilatation complète, Keith m’a aidé à
marcher jusqu’au lit. Ces dix pas m’ont paru les plus longs de ma
vie. J’espérais vivement ne pas avoir de contraction dans le couloir.
Je me suis assise sur le lit un instant, mais je ne m’y sentais pas
bien et je ne savais pas comment dissiper cette sensation. Keith m’a
rappelé que j’avais été curieuse à l’idée d’essayer le tabouret de
naissance. Les sages-femmes l’ont apporté, je me suis assise dessus
et j’ai commencé à pousser de toutes mes forces.
Pousser a été une expérience complètement grisante. J’ai adoré.
J’ai commencé à pousser des cris incroyablement graves et forts, qui
m’aidaient à faire descendre Grace. J’étais extatique quand je l’ai
poussée hors de moi.
Le processus de l’accouchement naturel m’a donné une grande
confiance en moi. J’ai renoncé à mon petit confort et à la culture
dans laquelle j’avais grandi. J’ai appris que je pouvais surmonter des
situations effrayantes et douloureuses et être forte et présente
quand il le fallait. Ma peur de ne pas savoir être une bonne mère
s’est évanouie au fur et à mesure que la confiance en mon amour
instinctif pour Grace a grandi. J’ai senti mon corps investi d’une
énergie et d’une force de vie incroyables et j’en suis vraiment
ressortie plus heureuse, en meilleure santé et avec une plus grande
confiance en moi. J’ai découvert que je pouvais choisir de fixer mon
attention sur le côté obscur ou sur le côté lumineux de tout ce qui
m’entoure. J’ai choisi le côté lumineux et j’ai la discipline de m’y
tenir.

La naissance de Shannah
22 mai 1985
par Mary Ann Curran

La raison majeure qui nous a décidés à arrêter de voir nos


obstétriciens a été les cours de préparation à la naissance naturelle
selon la méthode Bradley16 que nous avons suivis pendant la
deuxième moitié de ma grossesse. C’est grâce à ces cours que nous
avons compris que certaines pratiques qui faisaient partie du
protocole standard à l’hôpital où j’allais accoucher étaient
dangereuses, comme le monitorage fœtal électronique et les
perfusions de Syntocinon® pour intensifier les contractions. Ces
cours nous ont véritablement ouvert les yeux et m’ont permis de
réaliser que je compromettais beaucoup de choses importantes en
me conformant aux instructions des médecins. Mon souhait initial
d’accoucher dans un lit ordinaire, assistée de sages-femmes,
apparaissait de plus en plus comme la meilleure chose à faire. Puis,
sur les conseils de notre instructeur de la méthode Bradley, nous
avons essayé de modifier le formulaire de consentement aux soins
que nous avions signé lors de notre inscription à l’hôpital. Nous
n’avions pas la moindre idée du tapage qui allait s’ensuivre !
Ce n’est que le jour suivant que je me suis sentie prête à couper
les ponts avec le corps médical. J’avais une consultation avec un de
mes obstétriciens, qui avait appris par l’hôpital que nous avions
essayé de changer notre formulaire de consentement. Je pense
pouvoir dire sans exagérer qu’il était outré. Sa façon de pratiquer
l’examen interne a été nettement plus brutale qu’avant, et il a
ensuite passé trois quarts d’heure à me faire un sermon sur la
relation de confiance médecin/patient. Au bord des larmes, j’ai
essayé plusieurs fois de lui expliquer notre sentiment, mais je ne
pense pas avoir réussi à me faire entendre. De retour à la maison, je
savais que si mon travail se déclenchait cette nuit-là, c’est à The
Farm que j’irais !
En dépit de tout ça, nous pensions, mon mari Jim et moi, qu’il
était plus sûr de garder nos obstétriciens « en cas d’urgence ». Mais
lors de la consultation suivante, la dernière, l’obstétricien commença
à parler de césarienne car j’avais dépassé mon terme théorique.
Comment pouvais-je avoir dépassé mon terme alors que la visite se
passait le jour même du terme selon sa propre estimation ? Cet
épisode nous contraria passablement et après avoir appelé la hotline
pour la prévention contre la césarienne, nous avons décidé de
couper définitivement les ponts. Nous avons fait transférer mon
dossier médical à la maison de naissance de The Farm et ne l’avons
jamais regretté.
Nous avons quitté l’Alabama, en route pour The Farm, le soir où
mon travail s’est déclenché. Il pleuvait des cordes à notre arrivée et
il a plu toute la nuit. Joanne et Deborah, mes sages-femmes, m’ont
conseillé d’essayer de me reposer pour prendre des forces pour la
naissance. J’ai tenté de dormir, mais les contractions m’en
empêchaient. Elles étaient à deux minutes d’intervalle et j’essayais
tellement de me détendre entre les contractions que c’était pire. J’ai
fini par comprendre que ce n’était pas la bonne solution et que je
pouvais tout simplement dormir entre deux contractions, même si,
dans un premier temps, dormir par tranche de deux minutes
seulement ne me paraissait pas très reposant. J’ai mis en application
les exercices de relaxation et de respiration que nous avions appris
pendant les séances de la méthode Bradley. Ça m’a aidée, mais
j’avais quand même mal, chose à laquelle je ne m’attendais pas. Je
pensais que les respirations et les exercices élimineraient la douleur
ou la maintiendraient à un minimum, mais ça ne marche pas comme
ça pour tout le monde.
À demi consciente par intermittence, j’ai vu le jour se lever. Jim et
les sages-femmes se sont réveillés et ont commencé à se préparer.
Joanne m’avait examinée deux ou trois fois pendant la nuit et l’a fait
à nouveau dès le réveil. J’étais un peu découragée parce que ma
dilatation était restée à quatre centimètres depuis 22 h. À 10 h du
matin, Joanne m’a encore examinée et m’a dit que j’étais à cinq
centimètres. Peu de temps après, j’étais presque à dilatation
complète et Joanne a percé la poche des eaux.
Très vite, mes contractions sont devenues beaucoup plus fortes.
J’entrais dans la phase de transition et si vous l’avez déjà traversée,
vous savez de quoi je parle. J’avais l’impression d’être dans un autre
monde, complètement déconnectée du monde réel de tous les jours.
Le monde dans lequel j’étais porte le nom de Travail et mon seul but
dans la vie était de donner Naissance. C’était une phase de
concentration intense et je me sentais assez fébrile. Jim et les sages-
femmes étaient tous là pour m’apporter leur soutien et pourtant
j’avais peur de les regarder dans les yeux. J’avais peur d’y déceler de
l’inquiétude ! J’ai fini par oser regarder Jim et j’ai vu qu’il n’avait pas
l’air inquiet du tout, juste très calme. Je n’ai pas eu le loisir de me
retourner pour regarder les sages-femmes – les contractions étaient
trop fréquentes et fortes – mais je sentais Joanne me serrer le pied
au pic de chaque contraction pour me faire savoir qu’elle la traversait
avec moi. Pendant ce temps-là, mon utérus et mon bébé travaillaient
intensément à rendre la naissance imminente. Je percevais qu’une
contraction arrivait en sentant le pied de Shannah pousser contre le
haut de mon utérus, sa tête contre mon col, et les muscles utérins
se contracter progressivement – comme un poing qui se serre – pour
culminer dans une sensation d’étau. Puis de manière tout aussi
graduelle, la contraction s’estompait.
Finalement, Joanne m’a examinée et, à mon grand soulagement,
j’étais arrivée à dilatation complète. « Tu as traversé la phase de
transition en beauté », m’a confié Joanne. « Ah, c’était ça la phase
de transition ? » ai-je demandé. C’est dire à quel point j’étais dans
un autre monde.
Et voilà que j’étais adossée contre le torse de Jim, prête à pousser.
Voici la partie agréable, ai-je pensé. Et cela l’était sans aucun doute.
Pousser a été un DUR labeur. Mais ne vous méprenez pas : c’était
tellement gratifiant et satisfaisant, je ne sais pas comment
l’expliquer. J’ai eu l’impression que ça progressait lentement jusqu’à
ce que la tête du bébé apparaisse et je me concentrais tellement
que je n’ai même pas regardé dans le miroir que tenait Deborah.
Une fois le sommet du crâne visible, il a encore fallu que je me d-i-l-
a-t-e et que je pousse pour que la tête de Shannah sorte.

Les réflexions de Barbara


par Barbara Wolcott

J’imagine que la chose la plus importante que j’ai comprise, c’est que l’attitude
et la manière avec lesquelles on aborde l’accouchement sont de la plus haute
importance. En d’autres termes, il est capital d’aborder chaque naissance comme
un taureau, avec toute sa force, sans peur et sans hésitation, avec la conviction
qu’on peut le faire et qu’on ne va pas y mettre de frein. C’est le moment de se
rappeler sa puissance en tant que femme, sans se laisser aller à la moindre
inhibition. Ces contractions sont des vagues de puissance, chacune rapprochant
le bébé de sa naissance. Votre bébé ressent votre force et aussi vos peurs. Les
sages-femmes m’ont tellement aidée sur ce point ; elles n’ont pas cessé de me
rappeler ma puissance.

Une fois sa tête dehors, le reste de son corps est sorti en une
poussée et voilà qu’elle était là, dans toute sa splendeur ! Bien sûr,
on a pu la prendre dans nos bras immédiatement.
J’étais comblée par des sentiments d’accomplissement,
d’émerveillement, d’excitation et de soulagement.
J’avais accompagné la naissance de Sara Jean en 1971. Ayant vécu
à The Farm pendant ses jeunes années, Sara Jean a grandi au sein
d’une culture où les femmes s’attendaient à enfanter sans
médication, dans l’intimité de leur foyer, accompagnées par des
sages-femmes qu’elles connaissaient bien. Quand elle est tombée
enceinte pour la première fois, Sara vivait dans un État où les
compagnies d’assurance ne prennent pas en charge les
accouchements à domicile. Elle a choisi d’accoucher en maternité
accompagnée d’une sage-femme indépendante.

L’histoire de Sara Jean


5 décembre 1999
par Sara Jean Schweitzer

Il ne restait plus que trois jours avant mon terme et j’étais


impatiente. Gerrie Sue, amie proche de la famille et ancienne sage-
femme de The Farm, avait accepté d’être présente à mon
accouchement pour m’apporter son soutien. Elle m’avait dit qu’il
valait mieux essayer d’avoir ce bébé un peu plus tôt que tard.
Comme je suis petite, elle ne voulait pas que j’accouche d’un gros
bébé. J’ai testé toutes sortes de méthodes pour déclencher le travail.
Chaque jour, je me promenais dans les collines, je demandais à mon
mari Richard de me faire l’amour et de me sucer les seins. J’ai même
essayé de déclencher les contractions en me faisant masser les
points de réflexologie plantaire. Je ne voulais pas que l’appréhension
empêche le bébé d’arriver alors je m’efforçais de ne pas m’attarder à
penser à l’accouchement. Je me disais que si je devais sauter d’une
falaise, il ne servirait à rien de penser à l’avance à comment j’allais
m’y prendre. Il suffirait de sauter.
Rester active était important pour moi et cela semblait m’aider. La
veille de la naissance de Luca, je suis allée faire de la randonnée en
montagne avec des amis. Je les ai devancés tout du long, pensant
que si je gardais une allure vive et énergique, le bébé allait être
secoué dans son petit cocon serein et se déciderait à en sortir.
Quand nous sommes rentrés, ma sœur était à l’étage, dans
l’appartement de ma mère, en train de pleurer à cause d’un
problème personnel. Je suis allée la consoler, mais j’ai eu
l’impression de mettre de côté mon bébé et tout ce dont j’avais
besoin pour accoucher. Je savais qu’il pouvait arriver d’un instant à
l’autre, mais j’avais vraiment besoin de parler à ma sœur. Je
ressentais sa peine comme si c’était la mienne. Tout au long de ma
grossesse, toutes les émotions, toutes les vibrations auxquelles
j’étais exposée semblaient être transmises directement à mon bébé.
Ce soir-là, je suis restée réveillée jusqu’à 2 h à parler avec ma sœur
sans que l’angoisse que je ressentais au sujet du bébé me quitte un
seul instant.
Quand j’ai fini par m’endormir, j’ai rêvé que j’avais des crampes
menstruelles. Le lendemain matin, j’ai été réveillée par ces crampes.
J’ai appelé ma mère qui m’a dit d’appeler Gerrie Sue. Je ne voulais
pas la réveiller, alors j’ai patienté pendant trois quarts d’heure durant
lesquels Richard et moi avons chronométré l’intervalle entre les
crampes. J’ai dit à Gerrie Sue qu’elles persistaient, s’intensifiaient et
se rapprochaient. Elle a supposé que j’étais en travail et qu’il fallait
que j’appelle ma sage-femme. Celle-ci m’a dit de continuer ma
journée comme d’habitude et, éventuellement, d’aller faire une
promenade. D’après elle, je pouvais aussi bien accoucher dans la
journée que dans une semaine. Quand j’ai répété ces paroles à
Gerrie Sue, elle a rétorqué : « Je pense vraiment que tu vas
accoucher aujourd’hui, je serai là dans peu de temps. » Elle a aussi
souligné que les femmes de The Farm avaient tendance à entrer en
travail rapidement. Pendant que j’étais sous la douche, j’ai perdu le
bouchon muqueux. Richard était à l’ordinateur, mais il suivait
toujours le rythme de mes contractions grâce à mes gémissements.
Ma mère est descendue chez moi, accompagnée de quelques amis
et membres de la famille pleins d’enthousiasme. Dès qu’elle m’a
regardée dans les yeux, dès qu’elle a vu mes larmes et mon air de
concentration intense, elle a compris que j’étais sérieusement en
travail. À peine arrivée, Gerrie Sue m’a examinée. Elle a trouvé que
j’étais suffisamment dilatée pour déclarer : « Il faut l’emmener à
l’hôpital tout de suite et appeler sa sage-femme. »
Tout le monde s’est agité pour rassembler les affaires et charger
les voitures. Richard et moi avons fait le trajet avec Gerrie Sue ; moi
assise sur un sac en plastique au cas où je perdrais les eaux. C’était
excitant d’être en route pour l’hôpital. Mon cœur battait la chamade
et je pensais à la nouvelle vie qui nous attendait avec notre petit
bébé dans quelques heures à peine. J’avais des contractions très
fortes, devenues plus intenses avec le trajet en voiture.
Nous sommes arrivés à l’hôpital aux alentours de midi. J’ai signé
quelques papiers et suis allée directement en salle de naissance. J’ai
été mise sous perfusion, on m’a passé une blouse d’hôpital et posé
quelques questions supplémentaires. Je sentais que je pourrais à
peine supporter davantage de questions et de formalités.
Gerrie Sue m’a conseillé de pousser des gémissements graves
pendant les contractions pour rester calme. Ça m’a vraiment aidée.
Elle m’a aussi suggéré d’aller prendre une douche bien chaude pour
décontracter mes muscles. Je suis restée sous la douche pendant au
moins deux heures, pendant que Richard me massait le dos ; c’était
tellement agréable. Quand je suis sortie, j’ai vomi des litres, en tout
cas, c’est l’impression que j’ai eue. (Ma sage-femme m’avait
recommandé de boire des jus de fruits pour garder un bon niveau
d’énergie pendant le travail. Je n’avais aucun appétit, mais comme
ma glycémie était basse, j’avais vraiment besoin de nourriture.) On
m’a dit que vomir était un signe que la naissance était imminente et
que les poussées allaient bientôt commencer.
Je me suis allongée sur la table d’accouchement pour que ma
sage-femme puisse m’examiner. Six centimètres – j’étais dilatée à
plus de la moitié. Plus tard, elle a percé la poche des eaux, j’ai
encore eu des contractions puis on m’a dit de commencer à pousser.
Encore un peu plus tard, j’ai ressenti un impérieux besoin de
pousser, comme si j’avais la plus grosse envie d’aller à la selle de ma
vie. Avec le recul, je pense que c’est seulement à ce moment-là que
j’aurais dû commencer à pousser et pas avant, pour économiser mon
énergie qui n’était pas illimitée. J’ai poussé encore et encore pendant
trois quarts d’heure sans progression aucune. J’ai essayé diverses
positions : accroupie sur le sol, pendue à une barre au-dessus de la
table d’accouchement ou bien debout, appuyée à la table, mais en
vain. Je commençais à me sentir vraiment fatiguée, j’avais chaud et
soif, on m’a donné de la glace à mâchouiller et un linge humide pour
mon visage. J’avais l’impression que ça allait traîner encore et
encore.
J’ai continué à pousser pendant près de vingt minutes. On m’a
mise sous monitoring fœtal. On entendait le rythme cardiaque du
bébé ralentir de plus en plus à chaque poussée. Mon cœur
s’alourdissait. La sage-femme m’a expliqué que le cordon était
probablement compressé par sa tête, enserrée dans ma petite
ossature. Je savais que l’heure était grave et que si je paniquais
j’allais gaspiller une énergie précieuse, ne faisant qu’empirer la
situation. J’ai compris que seule, je n’allais pas pouvoir pousser mon
bébé et que mon énergie s’amenuisait. J’ai concentré toute mon
attention sur l’énergie qui me restait et la vie de mon bébé. J’ai
demandé si on pouvait me donner quelque chose qui pourrait
m’apporter un regain d’énergie et une aide-soignante a injecté du
glucose dans ma perfusion. Ma sage-femme s’est empressée
d’appeler l’obstétricien. La tête du bébé commençait à se faire voir,
mais je n’avais pas la pêche pour le pousser seule.
L’obstétricien est arrivé et m’a immédiatement mise sous oxygène.
Il a demandé la participation d’à peu près toutes les personnes
présentes dans la salle et m’a dit de faire exactement tout ce qu’il
allait me demander. Évidemment, j’ai plus qu’acquiescé.
L’atmosphère était intense et précipitée. Ma mère pleurait dans un
coin de la pièce, qui se remplissait rapidement d’intervenants
hospitaliers et d’internes. Richard s’est assis derrière moi pour me
soutenir pendant que j’étais adossée contre lui avec les jambes
écartées et les genoux repliés. Une lumière très vive dégageait de la
chaleur juste au-dessus de moi. L’obstétricien a essayé de sortir le
bébé à l’aide d’une ventouse obstétricale qui ressemblait exactement
à une ventouse de plombier. J’ai poussé aussi fort que j’ai pu – et il a
tiré de toutes ses forces, mais le bébé ne bougeait toujours pas.
Nous avons essayé encore et encore – mais rien à faire. Son rythme
cardiaque était terriblement lent maintenant – on aurait dit qu’il n’y
avait qu’un battement toutes les quelques secondes. Un sentiment
de panique régnait dans la pièce. Je sentais qu’il fallait que je lutte
contre ce sentiment pour que la vie de mon bébé soit sauve, alors
j’ai consacré toute mon attention à rester calme, optimiste et
centrée. J’ai fait abstraction de tout le monde dans la pièce pour
n’entendre que les instructions que l’obstétricien me donnait.
Il a décidé qu’une épisiotomie accélérerait la naissance. On m’a fait
une anesthésie locale et on m’a incisée tellement vite que je n’ai rien
vu venir ! L’obstétricien m’a demandé de pousser le plus fort possible
une dernière fois. J’ai poussé encore si fort que j’ai cru que mes
yeux allaient sortir de leurs orbites et que mon visage allait exploser.
Aarrgh, enfin le bébé est sorti !
Il était 17 h 14. L’obstétricien a quasiment balancé le bébé dans
les bras de la puéricultrice en disant : « Voilà votre bébé. » Puis vite,
il a continué son travail avec moi, en me disant de pousser encore
pour délivrer le placenta. L’accouchement a duré près de huit heures
à partir de la première contraction. Ils ont testé la vitalité du bébé,
elle était bonne. Il pesait 3,6 kg ! Rien d’étonnant à ce qu’il ait été si
difficile de lui donner naissance. J’ai pris un bain et on m’a brossé les
cheveux. J’aurais aimé voir mon bébé tel qu’il était à la naissance –
avant d’être nettoyé.
Après l’expulsion du placenta, l’obstétricien m’a dit de ne pas me
toucher le ventre ou en dessous pendant qu’il recousait
soigneusement plusieurs couches de muscles et de peau. Ça a pris
presque une heure. Je regardais mon bébé, juste là tout près, sur la
table voisine, mais j’arrivais à peine à le distinguer, car mes yeux
étaient encore tout gonflés et ma vue trouble à force d’avoir tant
poussé. J’ai demandé à Richard d’aller le regarder et de me dire à
quoi il ressemblait. Il était absolument parfait, beau et en bonne
santé, même pour ma vision floue.
Sa tête était couverte de boucles blond platine et sa peau était
d’une belle teinte rose orangé. Je suis immédiatement tombée
amoureuse de lui. Il me semblait si familier. Je n’en pouvais plus
d’attendre pour le prendre dans mes bras, mais j’avais l’impression
d’avoir été percutée par un camion un soir de brouillard et d’avoir
échappé de peu à la mort. En plus, j’étais clouée à la table pendant
qu’on me recousait. Ma mère a commencé à escorter quelques-unes
des personnes qui patientaient dans la salle d’attente pour leur
montrer notre bébé. Je ne voulais pas que tout le monde entre, je
me sentais dépassée, j’avais toujours les jambes écartées et j’étais
certaine d’avoir une mine affreuse. J’avais hâte que les procédures
médicales s’achèvent pour pouvoir enfin vivre nos premiers instants
en famille, mais ça traînait. Quand j’ai enfin été recousue, j’ai pu
tenir notre petit bébé d’amour et l’allaiter. Il a pris le sein
immédiatement. J’ai eu l’impression que c’était une façon si naturelle
de l’aimer et de le nourrir.
Plus tard, j’ai essayé d’uriner, mais sans succès. Mes tissus étaient
traumatisés et j’étais toujours ballonnée à cause des jus de fruits ;
on a dû me poser une sonde. On m’a administré des antalgiques
puissants et on m’a conduite en salle de repos pour que je dorme
avec notre bébé. J’ai cru que j’allais enfin pouvoir passer un peu de
temps avec lui, mais sa température corporelle était un peu basse
alors on l’a emmené pour le mettre sous une lampe chauffante
pendant près d’une heure. Richard l’a suivi pour s’assurer qu’il était
entre de bonnes mains.
Quand on me l’a ramené, je l’ai allaité de nouveau et je lui ai dit
combien j’étais fière de la bravoure et de la force dont il avait fait
preuve pendant sa naissance. Je lui ai fait savoir à quel point j’étais
heureuse qu’il soit sorti sain et sauf de notre périple.
Cette nuit-là, dans notre chambre, j’ai pris conscience de
l’incroyable cadeau qu’était notre bébé, mais j’ai aussi ressenti de la
tristesse et une sensation de perte au fond de moi. Je savais que
c’était le commencement de sa vie et la fin de mon égoïsme et de la
partie en moi qui voulait rester enfant. Ma vie n’était désormais plus
seulement la mienne. Ce fut le plus beau jour de ma vie et le plus
spirituel aussi. J’étais tellement reconnaissante d’avoir Luca.
J’étais la sage-femme de Janet, la mère de Rosey, quand elle lui
avait donné naissance à The Farm en 1974 :

L’histoire de Rosey
20 septembre 1994
par Rosemary Larson

J’avais pris mes dispositions pour accoucher avec des sages-


femmes indépendantes sur la côte californienne, à une heure et
demie de chez moi. Il n’y avait pas trop le choix en matière de
sages-femmes indépendantes dans ma région. Il y en avait bien une
dans mon secteur, mais elle ne pratiquait qu’en clinique. La rumeur
courait que des sages-femmes privées accompagnaient les
accouchements à la maison, mais elles étaient difficiles à trouver et
l’assurance-maladie ne remboursait pas leurs interventions. J’étais
résolue à avoir mon bébé à la maison, dans la mesure du possible.
J’avais lu et entendu trop d’histoires horribles à propos
d’accouchements à l’hôpital et je me sentais bien plus en confiance à
l’idée d’une naissance à la maison. J’étais moi-même née à The Farm
et mes deux sœurs à la maison.
Ma grossesse s’était déroulée normalement, malgré quelques
inquiétudes, car ma tension était un peu élevée. Je n’étais pas
inquiète et je sentais que le bébé allait arriver avant terme. J’avais
eu deux ou trois faux débuts de travail à la suite desquels je m’étais
retrouvée dilatée à trois centimètres et tout à fait prête à prendre la
route pour la côte californienne. (C’était arrivé juste avant ma
trente-sixième semaine de grossesse.) J’étais légèrement inquiète à
propos du trajet. La route était longue et pleine de virages. J’avais
prévu d’accoucher dans un chalet que les sages-femmes mettaient à
la disposition des femmes qui habitaient trop loin pour se rendre à
leur domicile.
À trente-sept semaines, une nuit de pleine lune, je me suis
réveillée à 3 h avec l’envie de faire pipi. Comme j’avais eu la
certitude que j’allais accoucher ce soir-là, je me souviens d’avoir été
déçue par l’absence de contractions. Pendant que je faisais pipi, j’ai
entendu un bruit de bouchon qui saute et j’ai senti un liquide chaud
s’écouler. Je me suis mise debout pour voir si je perdais les eaux ou
si c’était mon imagination qui travaillait. Pas de doute, de l’eau
dégoulinait le long de mes cuisses. La lune était toujours haute et
claire dans le ciel. J’ai couru jusqu’à ma chambre pour annoncer,
tout excitée, à mon mari, Aaron, que je venais de perdre les eaux. À
moitié endormi, il m’a répondu : « Ah bon ? » Je rigolais en allant
chercher une serviette de toilette. Nous avons téléphoné à Suzan,
l’une des sages-femmes. Elle m’a dit de retourner me coucher en
attendant que les contractions se déclenchent et qu’elles deviennent
fortes et régulières. Retourner me coucher ? Quelle folie ! ai-je
pensé. Mais je me suis quand même allongée et peu de temps après
j’ai senti la première contraction. C’était une sensation beaucoup
plus forte que les fausses contractions de Braxton-Hicks que j’avais
ressenties auparavant. Contre toute attente, j’ai réussi à dormir un
peu. Quand je ne dormais pas, j’étais tout à fait détendue. Avec le
recul, je constate que je n’avais aucune pensée « subsidiaire »
pendant tout ce temps-là. Je ne pensais ni à comment
l’accouchement allait se passer ni au fait que bientôt j’aurais un
nouveau-né dans les bras. Je le savais, mais je n’y pensais pas à ce
moment-là.
J’ai appelé ma mère Janet aux alentours de 6 h 30 pour lui
annoncer que j’étais en travail et lui demander de venir nous
chercher. Elle avait vraiment très envie d’être là pour la naissance, sa
voiture était plus grande et plus confortable que la nôtre et elle avait
proposé de nous conduire jusqu’à la côte. Je pensais que ça lui ferait
tellement plaisir, une joie immense, de pouvoir assister à mon
accouchement. J’étais juste un peu inquiète à l’idée que mon mari
ne se sente pas tout à fait à l’aise de partager l’intimité de la
naissance avec ma mère, mais finalement tout s’est très bien passé
entre eux. Mes contractions devenaient de plus en plus fortes, mais
je les gérais bien toute seule et j’ai réussi à préparer mes affaires
pour la route. J’ai bu une tisane de feuilles de framboisier, j’ai mangé
une banane et pris mes vitamines de grossesse. Je n’avais pas faim.
Je pensais juste que ça me donnerait des forces pour le travail qui
m’attendait. Le trajet fut plus agréable que d’habitude, même si les
contractions devenaient de plus en plus intenses. J’avais une
serviette de toilette entre les jambes pour absorber les petites
quantités de liquide amniotique qui s’écoulaient de temps à autre. À
l’avant de la voiture, ma mère et mon mari discutaient comme si de
rien n’était et je me sentais un peu négligée à l’arrière, en train de
me concentrer sur mes contractions. Ma mère, percevant peut-être
mon isolement, m’a demandé si j’avais toujours des contractions
parce qu’elle n’avait pas l’impression que mon comportement était
celui d’une femme en travail. Je lui ai affirmé que je l’étais bel et
bien. À partir de là, j’ai décidé de ne plus me lamenter sur mon sort
et de ne pas me sentir mal à l’aise étant donné que l’expérience que
j’étais sur le point de vivre allait être super si je faisais en sorte que
ça le soit.
Nous étions partis vers 8 h, il était déjà presque 10 h et nous
n’étions plus qu’à quelques kilomètres du chalet. Mes contractions se
sont vraiment intensifiées alors que l’on parcourait les dix derniers
kilomètres le long de l’océan. Elles se suivaient toutes les deux ou
trois minutes. J’en ai fait part à ma mère et à mon mari qui ont bien
vu à mon comportement que je ne plaisantais pas. Dès que nous
sommes arrivés au chalet, ma mère s’est précipitée sur le téléphone
pour prévenir les sages-femmes que j’étais sur le point d’accoucher.
Suzan était surprise de l’apprendre, étant donné que nous ne lui
avions pas donné de nouvelles depuis mon coup de téléphone à 3 h,
quand j’avais perdu les eaux. Dix minutes après, elle était là. Quand
elle m’a examinée, j’étais à sept centimètres de dilatation. Tout le
monde était étonné, sauf moi. Je me sentais toujours détendue et
l’esprit clair. Les contractions sont devenues tellement fortes que j’ai
commencé à compter sur Aaron pour m’aider à les surmonter. Je
m’accrochais à ses épaules et je mettais la tête dans son cou. Je
sautillais légèrement au pic de chaque contraction, en essayant de
garder la bouche détendue. Suzan a fait remarquer qu’on n’aurait
pas dit que j’étais à sept centimètres de dilatation. Elle a ajouté que,
personnellement, elle était toujours un peu grognon à ce stade. Je
ne voyais aucune raison de l’être. En fait, cette pensée m’a paru
ridicule. Être grognon aurait tout gâché.
Suzan était occupée à préparer son matériel et à appeler Dawn,
une autre sage-femme qui était son assistante. Suzan était une
sage-femme solide, sur qui on pouvait compter. De temps en temps,
elle surveillait le rythme cardiaque du bébé, puis me laissait
tranquille, libre de suivre mon instinct pour gérer le travail. J’ai
découvert que les toilettes étaient l’endroit le plus confortable pour
moi. Je faisais beaucoup pipi, de toute manière. Au bout d’un
moment, j’ai eu envie de retourner dans la chambre. J’avais eu très
chaud, puis très froid et la nausée. (Signes que j’entrais dans la
phase de transition mais, sur le coup, je n’ai pas fait le lien.) J’étais
plongée à l’intérieur de mon corps. Je n’avais pas la moindre
perception d’un « moi ». Je ne regardais pas autour de moi et je
n’accordais pas la moindre attention à ce que les autres faisaient. Je
me rendais tout juste compte que ma mère prenait des photos et
que Suzan stérilisait son matériel. Je suis allée sur le lit. Tout à coup,
j’ai senti que j’allais vomir. Je l’ai calmement fait savoir à Aaron et on
m’a vite apporté une casserole. Juste au moment où Dawn arrivait,
j’ai vomi sur tout le lit. J’ai rigolé et je lui ai dit qu’elle tombait à pic.
Voilà que je me retrouvais assise au beau milieu du lit complètement
souillé. Je me sentais beaucoup mieux après avoir vomi.
J’en suis arrivée à un point où les contractions ne me laissaient
plus de répit. Le minuscule intervalle entre deux contractions, s’il y
en avait un, était encore si intensément intense que la pensée m’est
finalement venue que je devrais essayer de pousser. Je l’ai dit à
Suzan qui a demandé à Dawn de m’examiner pour voir si j’étais bien
à dilatation complète. Dawn a déclaré que tout ce qu’elle pouvait
sentir c’était la tête du bébé – le col était complètement effacé. Pour
en avoir parlé avec d’autres femmes, je pensais que la phase
d’expulsion allait être relativement facile, un soulagement par
rapport à l’intensité des contractions. En fait, ça s’est avéré un dur
labeur et la phase la plus intense de toute l’expérience. Je n’ai
jamais ressenti l’envie de pousser, je continuais simplement à penser
que c’était ce qu’il fallait faire.
Autour de moi, tout était extraordinairement clair et intense. Il
était presque midi et les rayons du soleil filtraient à travers la fenêtre
au-dessus du lit, tout dorés et sacrés. L’énergie de tout le monde
dans la pièce a changé et l’ambiance est devenue très douce.
Chacun était occupé à quelque chose. Ma mère prenait des photos
et Dawn faisait tiédir de l’huile d’olive et préparait des lingettes
chaudes, qui se sont révélées l’une des choses les plus agréables.
Elles m’ont apporté du réconfort quand j’en étais à un stade où rien
ne semblait pouvoir me soulager. Suzan continuait à surveiller le
rythme cardiaque du bébé, qui allait bien. Elle m’a aussi donné des
informations sur quand et comment pousser, et ces informations
étaient tellement en accord avec ce que je faisais que j’ai presque
cru qu’elle arrivait à le sentir. Elle était mon pilier, ma stabilité,
m’apportant l’ancrage nécessaire quand mon corps était submergé
par l’intensité des contractions. Aaron était assis sur le lit ; il me
réconfortait, me massait et me soutenait quand j’étais accroupie. À
un moment donné, c’était drôle, Suzan et Dawn ont suggéré que
j’essaye de m’accroupir, mais j’ai répondu : « Non, ce serait trop
intense » et elles m’ont rétorqué, à l’unisson avec ma mère : « C’est
ce qu’il te faut ! Il faut que tu te lances. » Alors c’est ce que j’ai fait.
Je m’accroupissais et je poussais, puis je me rallongeais, une fois la
contraction terminée. Elles m’ont demandé si je voulais voir la tête
du bébé et je n’arrivais pas à croire qu’elle était suffisamment
descendue pour qu’on la voie alors que je n’avais pas beaucoup
poussé. Un miroir de poche est apparu comme par magie et j’ai pu
apercevoir le petit quart de tête gris violacé et tout plissé de mon
bébé. Le miroir m’a aidé à me concentrer. Je le regardais quand je
m’accroupissais et que je poussais et j’étais tellement absorbée que
la douleur semblait lointaine. Les sages-femmes ont demandé à
Aaron s’il voulait sentir la tête et quand il l’a sentie, il a été stupéfait.
L’expulsion devenait imminente et Dawn a pris les choses en main,
s’occupant des lingettes et de l’huile chaude. Elle m’a donné des
instructions pour quelques poussées particulièrement fortes et j’ai
hurlé que ça faisait mal. Je l’ai dit de manière factuelle, pas comme
une plainte. J’avais juste besoin que ça sorte. Puis j’ai signalé que ça
me faisait mal juste en haut et en bas de l’entrée du canal de
naissance. Elles ont regardé et ont constaté que je me déchirais aux
deux endroits. Mais que pouvais-je faire d’autre que de continuer ?
Je savais que je n’avais pas d’autre choix que de continuer à
pousser. C’était dur. Au moment où la tête commençait à apparaître,
j’étais bien fatiguée. C’était juste tellement intense. J’ai poussé une
dernière fois et la tête du bébé est sortie, toute violette et ratatinée,
faisant face à ma cuisse droite. Voir sa tête m’a fait sourire. Je ne
pouvais vraiment plus pousser alors Dawn l’a tiré pour l’aider à sortir
tout entier et l’a posé sur mon ventre. Toute la douleur et la force
que j’avais ressenties un instant auparavant s’étaient complètement
évanouies. J’ai reconnu mon bébé dès que je l’ai vu. J’ai regardé si
c’était une fille ou un garçon ; c’était bien un garçon ! Il pleurait fort,
d’un air de dire : « Je suis là ! » Je lui ai fait savoir qu’il pouvait
arrêter de pleurer en lui disant : « Bonjour, bébé » et en continuant
à lui parler. Il était tout rose, dodu et en bonne santé. Il a tout de
suite trouvé mon regard et s’est consolé en enfournant son poing
dans la bouche. J’ai essayé de l’attirer jusqu’à mon sein, mais Dawn
m’a arrêtée parce que le cordon ombilical était trop court pour aller
aussi loin. Mon placenta est sorti rapidement après que le cordon eut
cessé de battre et qu’Aaron l’eut coupé. J’ai soulevé le bébé jusqu’à
mon sein et il a commencé à téter comme s’il l’avait toujours fait.
Aaron s’est lové contre moi pour faire connaissance avec notre
nouveau-né. J’étais suffisamment déchirée pour que plusieurs points
de suture soient nécessaires, mais comme toute mon attention était
centrée sur notre bébé, c’était le dernier de mes soucis. Il était un
peu plus de 13 h.
Au bout d’une heure passée à faire connaissance avec notre
enfant, nous l’avons pesé et nous avons découvert qu’il pesait 3,6 kg
exactement. Un peu plus tard, nous avons pris le repas le plus
délicieux de ma vie. Tout ce travail m’avait creusé l’appétit. Dans la
foulée, encore un peu chancelante, j’ai pris une douche ; Aaron
m’aidait pendant que ma mère tenait le bébé dans ses bras. Les
sages-femmes étaient satisfaites que les choses se soient si bien
passées ; elles ont plaisanté sur le fait qu’elles n’allaient même pas
rentrer tard.

L’expérience la plus douloureuse, la plus


merveilleuse et la plus belle qui soit : un
accouchement à The Farm
17 mai 1997
par Tracey Sobel

Le jeudi, j’ai passé toute la journée au jardin ou à courir à diverses


occupations. Je n’ai pas eu le grand regain d’énergie dont tout le
monde parle, mais j’en ai quand même eu un petit. J’avais le
sentiment que le bébé allait arriver le lendemain. (Ce qui n’a pas été
le cas, puisque mon travail a duré quarante et une heures.)
Ce soir-là, je n’ai pas trouvé le sommeil avant 2 h. Puis je me suis
réveillée à 4 h pour aller aux toilettes. J’ai perdu un peu de sang. Je
ne sentais pas de contraction, même si c’est sans doute ce qui
m’avait réveillée. J’ai réveillé Dan pour lui dire que nous étions peut-
être sur le point d’avoir notre bébé, mais j’ai décidé de ne pas
appeler les sages-femmes et de rester encore un peu allongée. Je
voulais attendre au moins une heure parce qu’au cours des deux
semaines précédentes, j’avais eu plusieurs « faux » débuts de travail
qui avaient duré une heure avant de s’arrêter. Cette fois-ci, les
contractions revenaient toutes les quatre à huit minutes, et elles
n’ont plus cessé.
Vers 6 h, j’ai appelé Pamela. Elle a dit qu’elle serait là dans
quelques instants. Quand elle m’a examinée, j’étais à deux
centimètres et demi. « Pas de doute, tu es en travail », a-t-elle
confirmé. Elle pensait, d’après le rythme de mes contractions, que
mon travail allait être rapide. Elle est restée pendant un certain
temps, a installé son matériel, a rangé un peu et a préparé à
manger, mais mon travail ne s’est pas intensifié. Pamela a alors
décidé de nous laisser seuls, Dan et moi, en nous disant d’appeler
s’il y avait du nouveau. Des heures et des heures plus tard, elle est
revenue et m’a examinée. Je n’étais qu’à trois centimètres de
dilatation !
À ce moment-là, je commençais vraiment à fatiguer et nous nous
sommes allongés pour faire la sieste. Je dormais pendant deux ou
trois minutes puis j’étais réveillée par la contraction suivante. C’était
plus douloureux quand j’étais allongée que quand j’étais assise ou
debout. Tout ce que je voulais, c’était dormir, mais je n’arrêtais pas
d’être réveillée par la douleur.
La plus grande partie du vendredi s’est écoulée. Quand les sages-
femmes sont revenues, je n’étais toujours qu’à trois centimètres.
J’avais la sensation que les contractions devenaient de plus en plus
fortes même s’il ne se passait pas grand-chose. Je suis entrée dans
la baignoire vers 21 h. Le bain a beaucoup soulagé la douleur des
contractions. Quand j’en suis sortie, une heure plus tard, Mary, la
mère de Dan était là. Il était prévu qu’elle accueille le bébé à la
naissance.
« Allonge-toi et repose-toi », m’ont conseillé les sages-femmes. Je
m’endormais effectivement deux ou trois minutes après chaque
contraction, mais je me réveillais systématiquement à la suivante.
Quelle que soit la personne qui se trouvait à mes côtés, je lui
demandais : « J’ai dormi combien de temps ? » J’avais l’impression
que ça faisait des heures, mais on me répondait : « Quatre
minutes. »
Ina May est venue pour m’examiner vers 5 h. Cette fois-ci, j’avais
progressé : quatre centimètres et demi. Les contractions devenaient
toujours plus fortes. À 6 h, j’étais à six centimètres et demi. Ina May
a pensé que mon travail risquait de s’accélérer et elle a appelé la
mère de Dan et Pamela. Tout le monde est accouru et j’ai passé
toute la journée dans la baignoire. Ina May et Pamela se sont
relayées pour me masser ce qui m’apportait un vrai soulagement. Il
y avait toujours quelqu’un assis à mes côtés, ce qui était une bonne
chose parce que je m’endormais dans la baignoire entre deux
contractions. J’y ai même mangé parce que je m’y sentais tellement
bien.
« Imagine une fleur en train d’éclore , m’a dit Pamela alors que
j’étais dans le bain, pendant que la fleur s’ouvre, le bébé est poussé
vers l’extérieur. » Cela m’a rappelé l’histoire de Poucette. Cette
métaphore a été un véritable déclic et m’a beaucoup aidée. À partir
de là, même quand j’en étais à un stade très avancé du travail, je
n’arrêtais pas de penser à cette vision – une belle grosse fleur en
train de s’ouvrir et le bébé en train de sortir.
Tout à coup, dans l’après-midi, je n’ai plus pu rester assise. Les
contractions étaient tellement fortes qu’il fallait que je me tienne
debout, penchée au-dessus du lit pour les supporter. À chaque fois
que j’allais faire pipi, les contractions devenaient plus fortes. J’ai
commencé à redouter d’aller faire pipi parce que cela faisait encore
plus mal quand j’étais assise. Il fallait que je bouge.
Les trois sages-femmes étaient du même avis : « Tu pourrais aller
te promener. » J’avais du mal à m’imaginer faire une promenade,
mais je ne pouvais pas rester assise non plus. Au lieu d’arpenter la
maison, Dan et moi sommes allés nous promener dans les bois.
Chaque fois que j’avais une contraction, je me cramponnais à lui
pour ne pas tomber. Il fallait que je plie les genoux au pic de la
contraction, sinon la douleur était pire. Je ne pouvais pas
m’empêcher de plier les genoux. Mon corps faisait ce qu’il avait à
faire.
Dans les bois, les arbres, les fleurs et toutes les plantes étaient
tellement saisissants et pleins de vie. C’est l’expérience de la réalité
la plus forte que j’aie jamais connue – une telle perception de
l’instant présent et une telle clarté.
Nous nous sommes arrêtés pour nous asseoir un moment. On
essayait de s’embrasser, mais chaque fois que j’avais une
contraction, on se rendait compte que ça ne marchait pas. Ina May
nous avait dit que le fait de s’embrasser pouvait faire venir le bébé
plus vite, mais une fois assise, à la contraction suivante, j’ai dit :
« Ce n’est pas possible. » Dan a dû m’aider à me relever et nous
avons continué à nous promener. Je ne voulais pas rentrer tout de
suite. Nous avons traversé un champ de fleurs à l’orée du bois, puis
la pâture des chevaux. Il y avait là une jument qui était pleine. À
peine une semaine plus tôt, j’étais venue dans ce pré, j’avais collé
mon ventre contre le sien et on nous avait pris en photo.
Quand nous sommes rentrés à la maison, j’ai continué à faire les
cent pas. Chaque fois que je sentais une contraction arriver, je
cherchais à qui ou à quoi m’accrocher tandis que quelqu’un – Dan ou
l’une des sages-femmes – exerçait une pression dans mon dos. Cela
rendait la contraction tellement plus supportable. Si personne ne me
massait, c’était trop.
Chaque contraction s’achevait distinctement. C’était sans
équivoque. C’était tellement fort, et puis tout à coup c’était fini.
C’était la meilleure sensation au monde. Une fois la contraction
terminée, j’étais euphorique. Juste après une contraction, c’était le
moment où ma perception était la plus limpide. Je me sentais
tellement bien.
J’ai continué à arpenter la maison. Chaque fois que j’essayais de
m’asseoir, j’avais l’impression que la tête du bébé était déjà à moitié
sortie et que j’étais assise dessus. (Sa tête n’était pas du tout sortie,
mais c’est l’impression que j’avais.) Pendant un certain temps, il ne
s’est rien passé. Je ne faisais que gérer les contractions. Quand Ina
May m’a examinée à nouveau, j’étais à huit centimètres et demi.
Pamela a suggéré que je me mette à quatre pattes, ce que j’ai fait,
et les contractions sont devenues encore plus fortes. Elle me
répétait : « Respire entre les contractions. » Quand j’étais en pleine
contraction, elle me rappelait : « Respire bien pour la laisser faire. »
J’avais commencé à crier. Ina May est entrée et m’a dit de faire
« Pfffff » entre les contractions, comme font les chevaux en soufflant
et en faisant vibrer leurs lèvres. C’est ce que j’ai fait et chaque fois
ça me faisait rire, ce qui m’aidait à me détendre.
Mais je commençais à penser : « Oh mon Dieu ! Comment faire
pour arrêter ça ? » J’avais l’impression d’être sur des montagnes
russes. Tout le circuit est effrayant, ça monte et ça descend, ça
monte et ça descend ; on arrive au point le plus haut et on se
retrouve sur le point d’attaquer la descente la plus abrupte – et on
pense, je vais mourir, je veux descendre. C’est ce que je ressentais,
mais je me répétais qu’il était impossible de tout arrêter. Maintenant
que j’y suis, j’y reste. Deux ou trois fois, je me suis dit qu’il n’était
pas étonnant que les gens aillent à l’hôpital pour avoir une
anesthésie. Je n’aurais pas voulu en avoir, mais quand j’étais dans la
partie la plus folle, je n’arrêtais pas de me dire : pas étonnant que
les gens fassent ce choix.
Je n’avais pas la moindre idée de qui était dans la pièce. Je savais
que Dan était à ma droite. Je lui serrais la main et quelquefois je
m’agrippais à lui. À un moment, pendant une contraction, je me suis
penchée vers lui et je l’ai mordu ! À un autre moment, je m’appuyais
sur l’épaule de Pamela et j’ai failli la mordre. Je me suis arrêtée dès
que je me suis rendu compte de ce que j’allais faire. C’était juste une
réaction. Il y avait des moments où je me disais : « Je ne vais pas y
arriver, c’est trop dur, je ne vais pas y arriver. » À plusieurs reprises,
Pamela a mis son visage à quelques centimètres du mien, m’a
enlevé les cheveux du visage et m’a dit : « Tu fais du bon travail. Tu
es en train de donner naissance à un beau bébé. Continue à
respirer. » Cela m’aidait.
Pendant un moment, je suis restée sur les genoux, le buste
redressé, pendant les contractions. Entre les contractions, je me
reposais à quatre pattes, la tête posée sur le lit. Puis la tête du bébé
est encore descendue et cette position est devenue plus douloureuse
que confortable. Tout à coup, je ne pouvais plus rester à quatre
pattes. Il fallait que je sois à la verticale. Je sentais qu’il arrivait. Mon
corps a commencé à pousser. J’avais l’impression que le bébé allait
sortir par mon derrière. Les sages-femmes m’ont assuré que ce
n’était pas le cas. « Je sais ce que je dis, je le sens », ai-je répondu.
Je croyais que quelque chose clochait, et j’avais peur de pousser.
Pamela était juste en face de moi et Dan à côté. Je le serrais de
toutes mes forces et Pamela continuait à m’enlever les cheveux du
visage et à me guider. Puis ça a commencé à me brûler
méchamment et j’ai crié. J’entendais sortir de moi ces cris qui ne
sonnaient pas humains. Ils semblaient bestiaux, primitifs. Mon corps
tout entier se concentrait dans mon bassin pour essayer de faire
sortir ce bébé.
Finalement, j’ai pensé que j’allais pouvoir m’allonger. Quand je me
suis allongée, les sages-femmes ont vu que la tête du bébé se
montrait. Elles n’arrêtaient pas de m’essuyer le visage avec un gant
de toilette et je me disais : « Mais pourquoi ne me versez-vous pas
carrément un seau d’eau sur la tête ? » Mais les mots ne sortaient
pas. Elles ont vaporisé de l’huile sur moi, et la tête du bébé est
sortie immédiatement. (En fait, en regardant ensuite la vidéo, je me
suis rendu compte que ça avait pris quelques minutes, mais sur le
moment ça m’a paru instantané.)
La mère de Dan était prête à accueillir le bébé et son contact était
agréable. J’ai senti la tête du bébé passer. Le reste de son corps est
sorti comme une flèche. C’était une sensation différente de la tête
mais c’était tellement bon. J’étais tellement soulagée. Je me suis
allongée et j’ai pris une grande inspiration qui m’a paru être la
première depuis un an.
En poussant, je pensais : « Plus jamais. On ne m’y reprendra plus
jamais. » Mais dès qu’il est sorti – à la seconde où on l’a posé sur
moi – j’ai pensé : « Ouah, quelle splendeur ! Pour toi, ça valait le
coup. Tu es si beau. »
Puis elles ont commencé à parler de la délivrance du placenta et je
me suis dit : « Oh non, ce n’est pas fini ! » J’ai demandé si ça allait
être aussi dur que de pousser le bébé, mais elles m’ont répondu que
ça allait être beaucoup plus facile.
Je n’avais jamais voulu d’enfant. Les deux ou trois fois où j’avais
tenu un bébé dans les bras, je m’étais sentie vraiment mal à l’aise.
Quand je suis tombée enceinte, ça ne m’a pas posé de problème,
mais j’étais encore inquiète. Je savais que j’allais l’aimer, mais
j’espérais que j’allais l’adorer. À la seconde où il est sorti, j’ai eu
l’impression qu’il avait toujours été avec moi, comme s’il était fait
pour être avec moi. Il n’y avait là rien d’étrange. Ça paraissait
tellement naturel, et parfait. Je l’ai tout simplement pris dans mes
bras, je l’ai regardé et j’ai pensé : « Tu es ce qui manquait dans ma
vie. »
Au début de ma carrière, j’ai accompagné une naissance pendant
laquelle j’ai appris une technique importante pour diminuer les
douleurs du travail chez les femmes pour qui c’est culturellement
acceptable :

Qui l’eût cru ?


Anonyme

Les sages-femmes sont arrivées et m’ont aidé à respirer


profondément pendant les contractions. Ces respirations profondes
ont effectivement soulagé les douleurs. Puis les contractions sont
devenues encore plus intenses et j’ai eu peur de ne plus pouvoir les
supporter. Ina May s’en est rendu compte et elle a suggéré que
j’embrasse mon mari pendant la contraction suivante. C’était la
dernière idée qui me serait venue à l’esprit, mais j’ai suivi son
conseil. Il faut que je précise que notre relation était plutôt
tumultueuse depuis quelque temps, et la façon dont on s’embrassait
n’avait jamais été très satisfaisante pour moi. Bref, pendant que
nous nous embrassions, les contractions continuaient avec beaucoup
de force. Ina May était assise au pied du lit et elle m’a conseillé
d’ouvrir suffisamment la bouche pour entourer celle de mon mari.
C’est alors que je me suis sentie plus excitée que jamais ! Il n’y avait
pas de douleur – seulement le plaisir sexuel le plus extrême et une
ouverture totale. C’était orgasmique. Je suis sûre que ça n’a duré
que quelques secondes, au cours desquelles j’ai traversé la phase de
transition, et avant même d’avoir eu le temps de m’en apercevoir, j’ai
commencé à pousser mon bébé. Je n’aurais pas pu être plus
surprise. Non seulement j’avais un fils nouveau-né, mais maintenant
j’avais aussi un sentiment totalement neuf vis-à-vis de mon mari. Ce
qui m’a le plus étonnée, c’est que non seulement la dernière phase
du travail n’avait pas été douloureuse, mais qu’elle avait même été
carrément agréable. Cela fait maintenant plus de trente ans que
mon mari et moi sommes mariés, et nous avons deux petits-enfants.
J’aime leur raconter comment s’est passée la naissance de mon fils
parce que je sais que cette expérience m’a beaucoup apporté, tout
au long de nos années de mariage – elle a renforcé ma confiance en
ce lien à la fois fragile et sacré.

La naissance de Galen
16 septembre 1972
par Anita Staengl

Le matin du jour où mon fils est né, j’ai commencé à ressentir des
sortes de crampes. Luke mon mari a patienté un peu avant d’appeler
les sages-femmes. C’était une belle journée ensoleillée, et j’ai passé
quasiment tout mon temps dehors à me promener.
Les contractions ont commencé à devenir plus fortes. J’ai perdu les
eaux. « J’ai peur », ai-je dit. Ina May s’est plantée devant moi et m’a
demandé : « De quoi ? » Je pensais que c’était évident. J’avais peur
de cette incroyable douleur en train de me foudroyer.
À la contraction suivante, j’ai compris que je me laissais aller à
m’apitoyer sur mon sort. Je me suis dit : « Non, là, je suis censée
avoir un bébé, pas penser à ma petite personne ! » J’ai commencé à
suivre les instructions d’Ina May et à prendre de grandes respirations
à chaque contraction. J’avais l’impression que j’allais me retourner
comme un gant à chaque poussée. Me redresser en position assise
m’aidait à utiliser toute l’énergie de la contraction, si bien que je ne
ressentais pas vraiment de douleur.
Galen est né après quelques poussées, une heure et demie après
que j’ai perdu les eaux. Quand il est sorti, il était d’un rouge violacé.
J’ai cru qu’un de mes organes glissait hors de moi quand il a
commencé à apparaître. Il est resté immobile, comme une statue
aztèque bleue. Nous avons tous retenu notre souffle et, tout
doucement, son corps a commencé à rosir. Une des sages-femmes
lui a nettoyé le nez et il a commencé à pleurer en serrant les poings
et en écartant les doigts tour à tour.
Il a immédiatement pris le sein.
Nous avons dormi. Le jour suivant, Luke m’a paru si beau avec ses
cheveux et sa peau dorés par le soleil. Il chantait : « C’est ainsi que
Dieu l’a créé parce que c’est ainsi qu’Il l’a voulu. »
Un parfum exquis émanait de la petite tête de Galen. Cette odeur
a persisté pendant des jours, embaumant toute notre chambre.
Depuis, j’ai entendu dire qu’un doux parfum révèle la présence des
anges. Je crois qu’ils étaient là.

La naissance de Samuel
18 juillet 1979
par Patricia Lapidus

Ce soir-là, en me couchant, je savais que je n’allais pas passer une


nuit comme les autres. Je n’avais pas encore beaucoup de
contractions. J’avais juste tendance à planer – j’avais l’impression de
déborder d’une incroyable énergie et j’étais toute prête à m’en servir
! Nous avons décidé d’aller faire un petit somme tant qu’il en était
encore temps.
À un moment, pendant cette parenthèse hors du temps, Marie-
Louise, l’une des sages-femmes, m’a brossé les cheveux avec une
douceur apaisante. Elle était attentionnée au point de comprendre
que j’avais besoin de recracher la glace à chaque contraction et de la
sucer à nouveau entre deux vagues.17 Ce genre de détails était
devenu important, et j’avais à peine besoin de m’expliquer.
À chaque fois que je sentais une vague arriver, je regardais Don en
lui disant : « Prêt, chéri ? », et il souriait. Je plongeais mon regard
dans le sien, et on riait. Et tout le monde riait avec nous. J’ai réalisé
que c’était à moi, la femme en travail, de donner le ton. Quand je
décidais d’avoir du bon temps, on en avait tous. J’avais l’impression
de surfer sur des vagues gigantesques. Je suis originaire de la côte
du Maine, alors les vagues, je sais ce que c’est. Cette impression
d’être balayée par les vagues m’a aidé à laisser l’univers faire son
œuvre. Elles battaient le rivage en granite de ma chair. J’étais au-
delà du choix, au-delà de la raison.
Leslie, ma sage-femme, a dirigé mon travail avec beaucoup de
finesse. Elle a suggéré que je m’asseye au bord du lit et que je
m’appuie sur Don, pour que la pesanteur m’aide à m’ouvrir. Il a été
merveilleux, si stable, si présent et si patient, avec son corps fort et
immuable. Je me cramponnais à lui pour rester ancrée dans la
réalité physique. Je trouvais magique sa capacité à rester immobile.
Maintenant, c’était lui le rivage de granite, et moi, la vague. Une
immense contraction me prenait tout entière, chaque muscle jusqu’à
mon cuir chevelu – pas seulement ceux de mon utérus, autour du
bébé. Les contractions étaient si intenses maintenant qu’elles
entraînaient les muscles de mon cou dans leur rythme, avant de se
retirer, laissant mon cou complètement mou et ma tête retomber
contre le torse de Don.
Chaque fois qu’une vague déferlait, les sages-femmes acclamaient,
maintenant qu’elles ne se préoccupaient plus de créer une
atmosphère feutrée. « En voilà une belle ! », m’encourageaient-elles.
Je me suis dit que j’étais censée pouvoir tenir ma tête – même si je
n’arrivais plus à contrôler mes muscles. Pendant que Leslie et les
autres acclamaient mes progrès, j’ai compris que, quoi qu’il arrive,
c’était bien ainsi. Je pouvais me lâcher si je voulais.
Au moment d’accoucher, je me suis mise à mugir comme une
vache. Leslie m’a expliqué que garder la bouche ouverte et détendue
facilitait l’ouverture de mon entrecuisse.
Puis elles m’ont fait une jolie surprise. Au moment où je
m’apprêtais à pousser, ma grande amie Kay Marie (elle aussi sage-
femme) est entrée dans la pièce. Elle vivait à Washington D.C., mais
était venue à The Farm pour participer à une conférence de sages-
femmes. Sachant qu’elle n’avait pas pu être présente pour accueillir
mon fils aîné, les sages-femmes l’avaient invitée à accueillir Samuel.
Leslie, qui s’était tellement investie pour m’accompagner pendant
toutes ces heures, lui a cédé la place avec un sourire, aussi ravie
que moi de la voir arriver. Après tant d’heures passées à
m’accompagner, elle n’avait aucun ego à satisfaire. Je lui en étais
tellement reconnaissante.
Après quelques poussées, Samuel est apparu, la tête la première,
suivie des épaules, un peu aidé par Kay Marie, qui le soutenait en
douceur. J’ai eu l’impression qu’il glissait avec facilité, après tous ces
efforts.
Elle a posé le bébé sur mon ventre. « Regarde-le, mon amour ! »,
me suis-je exclamé en m’adressant à Don. Puis, comme tous les
parents, nous nous sommes mis à examiner notre enfant. Il avait les
yeux ouverts. Il avait l’air de nous voir. C’était une vieille âme, venue
s’incarner à nos côtés dans un corps jeune, avec son propre dessein
impénétrable. Il inspirait le respect et le dévouement.
Angelika et Viktor sont allemands. Angelika est tombée enceinte
pendant qu’ils voyageaient en Amérique du Nord :

L’histoire d’Angelika
18 juin 1991
par Angelika et Viktor Engelmann

Angelika : Cela faisait déjà quinze ans que nous étions mariés
quand je suis tombée enceinte. Ma grossesse nous a d’autant plus
surpris qu’on était ensemble depuis si longtemps sans avoir jamais
pratiqué de contraception. Sans enfant, il était facile de voyager de
par le monde dans notre camping-car. L’histoire a commencé alors
que nous étions employés dans une usine de transformation du
poisson pour quelques semaines, le temps de gagner un peu
d’argent. Un jour, nous étions en train de travailler avec une sorte de
poisson muni d’un double pénis. Des Amérindiens qui travaillaient à
l’usine lançaient des blagues parce qu’on dit chez eux que manipuler
ce poisson rend les gens fertiles. J’imagine que dans notre cas, c’est
ce qui s’est passé.
Viktor : Angelika m’a dit : « Tiens-toi debout derrière moi et tâte-
moi ces seins ! » Aucun doute, ils étaient différents. Nous avions
déjà évoqué la possibilité qu’elle soit enceinte, et nous savions que
ses règles étaient en retard. Cela lui était déjà arrivé d’avoir du
retard, mais les seins gonflés, c’est ce qui m’a convaincu. J’avais
déjà échafaudé des projets à d’autres occasions où nous avions cru
qu’Angelika était enceinte – par exemple, une fois en Crête, quand
ses règles avaient eu beaucoup de retard. Je m’étais dit qu’il faudrait
qu’on fasse une sorte de nid et qu’on se pose. Mais là, en Arizona,
alors que nous étions confrontés, cette fois-ci, à une vraie grossesse,
Angelika m’avait convaincu que nous n’aurions pas à nous poser,
qu’on pourrait avoir le bébé et continuer à voyager.
Angelika : Au début de ma grossesse, j’ai décidé que je ne voulais
pas annoncer la nouvelle à ma famille, en Allemagne. Je savais qu’il
y avait une possibilité de fausse couche à mon âge et je ne voulais
inquiéter personne. Par ailleurs, je ne voulais pas de tous les « bons
conseils » qui me seraient prodigués au passage. On nous aurait
conseillé de rentrer au pays sur-le-champ. On m’aurait énuméré tous
les dangers et toutes les difficultés d’être enceinte à l’âge de 38 ans.
Et pour couronner le tout, on nous aurait rebattu les oreilles de
l’incompatibilité de notre mode de vie avec une grossesse ou avec
un bébé.
En janvier, j’ai commencé à sentir le bébé donner des coups de
pied. À cette période, nous étions au Mexique, près de Ciudad
Valles. Nous avons commencé à rêver au futur. Je tricotais un pull
pour Viktor pendant qu’il lisait des histoires du Décaméron de
Boccace. Nous avons passé quatre semaines chez un ami, au Texas.
Là-bas, nous avons fait la connaissance d’une femme enceinte dont
le terme était un mois avant le mien.
Après un arrêt en Louisiane, dans le Mississipi et un autre en
Alabama, nous sommes arrivés à The Farm, dans le Tennessee, vers
la fin mars. Le lendemain, j’ai eu mon premier examen prénatal à la
maison de naissance. Le bébé devait naître début juin. Quel bonheur
de faire cet examen prénatal et d’apprendre que tout allait bien.
Viktor a écouté les battements de cœur du bébé. C’était un plaisir
d’être entourés par ces sages-femmes. Cela ne les inquiétait pas du
tout que j’attende mon premier bébé à 38 ans. Nous avons
commencé à avoir hâte que le bébé naisse. Après encore quelques
semaines passées à voyager, Viktor et moi avons décidé de retourner
à The Farm pour la naissance.
À minuit, six jours après mon terme, j’ai commencé à avoir des
contractions, à trente minutes d’intervalle. Puis l’intervalle s’est
raccourci. Viktor a appelé Pamela vers 5 h. Elle est arrivée,
accompagnée d’Ina May, peu de temps après notre coup de fil. Elles
ont constaté que mon col n’était qu’à un centimètre de dilatation et
que les contractions semblaient s’estomper. On devrait profiter plus
souvent de l’atmosphère qui règne à l’aube, quand les oiseaux
chantent et que la première lumière apparaît. Je me suis dit qu’à
l’avenir, j’allais probablement en profiter plus souvent que je ne le
souhaiterais. Je me sentais bien, d’autant mieux que je n’avais plus
de contractions depuis un moment.
J’en ai eu par intermittence tout au long de la journée, mais elles
n’étaient pas encore très fortes. Cette nuit-là, je n’ai pas fermé l’œil.
Entre rester allongée sur le lit, m’asseoir dans la chaise à bascule et
aller aux toilettes, je me vidais. J’étais heureuse d’avoir un temps de
repos après chaque contraction pour me détendre et imaginer de
quelle manière j’allais gérer la suivante. Je me sentais désolée pour
Viktor parce qu’il n’avait pas fermé l’œil non plus et qu’il fallait qu’il
se réveille pour chaque contraction. Il a mis un oreiller et un sac de
couchage dans la chaise à bascule et m’a massé le dos. Malgré le
petit somme que nous avions fait dans la matinée, nous étions assez
épuisés. Le lendemain matin, j’étais trop fatiguée pour tirer
réellement profit des conseils que Pamela me donnait. Ça m’a fait un
peu peur quand elle a parlé de femmes qui se fatiguent tant qu’elles
finissent par aller à l’hôpital. Viktor et moi n’avions pas trop le moral
à ce moment-là. Quand Pamela m’a examinée, mon col n’avait pas
vraiment bougé. Je savais qu’il fallait que je change d’attitude, que
je me lâche.
Comme mon col n’avait pas encore commencé à s’ouvrir, les
sages-femmes nous ont laissés seuls, toute la journée. Je n’ai pas
perdu mon temps à regarder l’horloge. Mes contractions
continuaient, de toute façon, et j’étais contente de me retrouver
seule avec Viktor. L’atmosphère agréable, une courte visite d’Ina
May, et même la partie de Scrabble, furent un plaisir. Viktor était
distrait pendant la partie ; il dit que c’est pour ça que j’ai gagné.
Deux jours ont passé. J’avais le sentiment que l’évènement se
rapprochait, mais je n’arrivais pas à imaginer comment ça allait se
passer. J’étais tellement contente que Viktor soit avec moi, qu’il ne
perde pas patience à force d’attendre l’arrivée du bébé. Il m’a
bichonnée et fait savoir qu’il m’aimait. Dans l’après-midi, j’ai tricoté
un moment, et je me suis demandé si le bébé allait être en bonne
santé. J’en étais arrivée à cette réflexion parce que je pensais que
ma poche des eaux s’était peut-être fissurée. Pamela a fait un test
pour voir si c’était le cas. Mais non. Je me suis demandé combien de
femmes faisaient ce test parmi celles qui s’apprêtaient à accoucher à
la maison, et quelle était la procédure habituelle quand une femme
de plus de 35 ans pense être en travail depuis plus de deux jours
déjà. J’étais très heureuse qu’une fois de plus nous soyons au bon
endroit au bon moment. Je ne pouvais pas imaginer de lieu plus
agréable que la forêt, avec les oiseaux qui chantaient et les chiens
qui passaient nous rendre visite chaque soir, pressentant que
quelque chose de spécial se préparait. Nous avons même eu la visite
d’un cerf sur notre porche. Comme tout ici était tellement naturel,
mes peurs que le bébé soit anormal se sont très vite évanouies et
j’ai commencé à croire en la prophétie selon laquelle j’allais bientôt
avoir un beau bébé en bonne santé. Mais je me demandais quand
allait être ce « bientôt ».
Ina May : J’ai rendu visite à Angelika et Viktor plusieurs fois au
cours des quelques jours où nous attendions que son travail
s’intensifie. À un moment, elle m’a confié qu’ils se disputaient
rarement, mais qu’ils se querellaient presque systématiquement
après une partie de Scrabble. « Comment se fait-il qu’une partie de
Scrabble provoque une dispute ? », ai-je demandé, surprise.
Ocarina mexicain.

« Eh bien, d’abord, m’a répondu Angelika, une partie de Scrabble


en allemand peut prendre deux ou trois jours, parce que certains
mots sont très longs. » « Ah ! », ai-je dit, perplexe. « Et puis, tout le
chocolat revient au gagnant. »
Pour ça, j’avais une solution. « Pourquoi ne pas laisser au gagnant
la satisfaction d’avoir gagné et partager le chocolat ensuite ? », ai-je
demandé.
« Oh vous, les Américains, déclara Angelika, vous avez toujours
plein d’idées pour changer les choses ! »
Je ne me souviens plus laquelle de mes consœurs avait fait
l’observation suivante mais, qui que ce soit, elle m’avait confié
l’échange qu’elle avait eu à ce sujet avec Viktor et Angelika. Nous
nous disions qu’ils avaient vraiment l’air de s’aimer, et que ce bébé
avait bien de la chance d’arriver dans cette famille. Cependant, cette
sage-femme avait remarqué qu’ils ne s’exprimaient pas de manière
très aimable quand l’un demandait un service à l’autre. On aurait
plutôt dit un ordre, si bien que l’autre semblait moins heureux de
faire ce qui lui était demandé. La sage-femme avait alors suggéré un
moyen simple de remédier à ce petit problème de communication :
« Vous pourriez exprimer vos requêtes avec gentillesse, pour que
l’autre soit plus heureux de les satisfaire. »
Viktor et Angelika s’étaient regardés et avaient ri. « Vous, les
Américains, vous avez vraiment de bonnes idées pour faire changer
les choses ! »
Angelika : Les contractions ont commencé à devenir plus intenses.
Après chaque contraction, il fallait que je me dandine au lieu de
marcher. Je me sentais de plus en plus proche de la mère gorille que
nous avions vue sur Discovery Channel, penchée en avant comme
elle, à la recherche de quelque chose à tenir entre les mains. Ina
May, Pamela et la sage-femme assistante se sont assises avec moi.
Je ne pensais pas que cela allait durer encore très longtemps et
puis, en quelque sorte, le temps a disparu. Les blagues ne
suffisaient plus à me distraire des contractions, qui étaient devenues
fréquentes et fortes. J’adorais qu’on me masse le dos, le cou et les
jambes. Je me suis rappelé que la nuit précédente, je ne supportais
plus le moindre contact. J’avais repoussé les draps, les couvertures
et les mains de Viktor. Maintenant, je ne supportais pas que les
sages-femmes me massent le ventre dans le sens inverse des
aiguilles d’une montre, et je le leur ai dit. Mon col était à quatre
centimètres de dilatation, et il était tellement fin qu’Ina May l’a
ouvert à cinq centimètres. Je n’ai rien senti. Par moments, je ne
voyais que Viktor à mes pieds, ou à mes côtés. Je le regardais dans
les yeux, ou je lui serrais la main, et j’étais heureuse qu’il y ait des
pauses entre les contractions.
Ina May avait apporté plusieurs objets mexicains avec elle. Il y
avait un ocarina qui avait l’apparence d’une femme en train
d’accoucher, avec la tête du bébé déjà sortie, et un masque Huichol
avec un cerf pour protéger les enfants. Il y avait aussi un superbe
bâton de pluie arborant Quetzalcoatl, le serpent à plumes, sculpté
dans un bois sombre. On aurait dit qu’il pleuvait dans la pièce alors
que dehors, paraît-il, le ciel était dégagé, et on voyait Jupiter, Vénus
et Mars, ainsi que la lune à moitié pleine. C’était exactement ce que
j’avais souhaité pour le jour de la naissance.
Puis je me suis demandé si tout ça allait vraiment m’aider à
supporter les heures à venir. Chaque fois que j’avais l’impression
d’être entre la vie et la mort, j’envoyais une petite prière là-haut. J’ai
demandé à Viktor d’allumer nos deux dernières bougies et, assise
dans la chaise à bascule, j’ai regardé les flammes sans mes lunettes,
en pensant que j’allais bientôt savoir à quoi ressemblait mon bébé.
J’avais hâte de savoir si c’était une fille ou un garçon.
Vers 23 h, Ina May a percé la poche des eaux à l’aide d’un
instrument qui ressemblait à une aiguille à crochet, et un liquide
chaud s’est écoulé. Maintenant, la tête du bébé, qui pesait comme
une pierre contre mon col de l’utérus, allait achever de l’ouvrir. Les
vagues étaient fortes et il fallait que j’utilise une autre technique
respiratoire pour les gérer. Pendant que je respirais profondément, et
que j’expirais en faisant vibrer mes lèvres comme le font les
chevaux, j’ai commencé à avoir envie de pousser. Quand je poussais,
des sons archaïques sortaient de moi. Je me suis demandé si je
faisais trop de bruit ou si quelqu’un pouvait m’entendre au-dehors.
Ces pensées me traversaient l’esprit entre les poussées, mais alors
j’entendais : « Bien, parfait, voilà de belles vocalises de naissance »,
« Tu es si jolie », et ainsi de suite.
Le rythme cardiaque du bébé restait dans la fourchette normale,
entre 120 et 140, et j’étais allongée sur le lit avec des coussins
derrière moi. À chaque vague, je ramenais mes jambes plus près de
mon corps. J’étais hors du temps. J’ai essayé de pousser à quatre
pattes, en fourrant ma tête dans les coussins. Le besoin impérieux
de pousser venait de l’intérieur, mais je n’arrivais pas à être efficace.
Il manquait quelque chose. C’était Ina May qui tapait quelque chose
sur son ordinateur ; ça me dérangeait. J’ai regardé par-dessus mon
épaule, et tout de suite, elle est venue me voir. J’ai essayé une autre
position, assise sur les genoux de Viktor. Je sentais ses cuisses
trembler. Cette position me semblait complètement instable, et nous
en avons adopté une autre, au bout du lit, d’où je pouvais me
pendre à la corde qui passait à travers deux fers à cheval fixés à la
poutre au-dessus du lit. Si ça ne suffit pas à me porter chance, ai-je
pensé… J’avais froid, alors j’ai mis mes grandes chaussettes, celles
que je portais à l’usine de poisson.
Ina May était allongée sur le lit et je l’enviais. J’aurais voulu
m’allonger là, simplement, et dormir. J’en rêvais. Les cordes
m’apportaient une meilleure prise, mais même en me laissant
pendre, je ne faisais pas beaucoup de progrès. J’avais peur de
perdre du sang sur le tapis, ce qui m’avait déjà préoccupée quand
j’étais sur le lit sans l’alaise en dessous de moi. Nous sommes donc
allés dans la toute petite salle de bains, où je me suis assise sur le
pot. J’avais l’impression que je pouvais me lâcher, et après avoir
entendu quelqu’un parler de ventouse, pour je ne sais quelle raison,
j’ai compris qu’il fallait que je réussisse à faire descendre le bébé.
Viktor était debout en face de moi, et j’ai passé mes bras autour de
son cou et je l’ai tiré vers le bas. Tout mon corps a participé à une
puissante poussée. Le rythme cardiaque du bébé est descendu à 90
battements, et on m’a donné de l’oxygène.
Tout doucement, la tête du bébé a fait son chemin, et avec chaque
contraction, la sensation de brûlure est devenue plus présente. Elles
ont commencé à voir la tête du bébé et elles m’ont suggéré de
retourner sur le lit. C’était quasiment impossible, étant donné que je
sentais déjà sa tête entre mes cuisses et que ça me brûlait
terriblement. Je me suis cramponnée à Viktor. Je ne sais pas qui m’a
soutenue de l’autre côté. J’ai grimpé sur le lit et me suis mise à
quatre pattes – sur les coudes et les genoux. À partir de là, tout est
allé très vite. Comme ça me brûlait, j’ai mis la main entre mes
cuisses pour sentir ce qui se passait. J’ai compris que c’était la tête
du bébé, et non pas la main d’Ina May, qui provoquait cette
sensation.
Je ne voulais pas avoir de déchirure. C’était un sentiment très
profondément ancré. J’ai essayé de faire tout ce qu’on me
conseillait. Il fallait que je halète comme un chien, et Ina May m’a
assuré que j’avais un « bon derrière d’Allemande ». J’ai senti la tête
du bébé sortir, puis une épaule après l’autre, et pour finir le reste du
corps glisser hors de moi. J’avais réussi ! Tout m’a paru aller au
ralenti. Viktor et moi nous sommes serrés dans les bras, puis nous
avons regardé qui Ina May tenait dans les bras. Nous étions sûrs que
c’était une fille. Puis nous avons vu le cordon, et autre chose : nous
avons découvert que c’était un garçon. Quelle surprise pour nous !
J’étais heureuse que Viktor, qui avait été entouré par tant de femmes
depuis que nous nous connaissions, ait enfin un compagnon
masculin.
Felix était sur mon ventre et il s’est mis à téter immédiatement.
Nous n’avions d’yeux que pour ce petit être.
Pamela a commencé à ranger ; elles ont pesé Felix, elles l’ont
habillé et ont mesuré son énorme crâne. Trente-huit centimètres.
Allongée sur le lit, j’ai attendu que le placenta sorte. Il est sorti une
demi-heure après Felix. Viktor est allé l’enterrer dans la forêt le
lendemain, parce nous n’étions pas trop partants pour un ragoût à la
Kitzinger. Viktor m’a lavée et elles ont tout rangé. Notre petite famille
était allongée sur le lit, et nous nous regardions les uns les autres.
Les sages-femmes étaient fatiguées et elles ont pris congé en nous
embrassant et en nous serrant dans leurs bras. Au bout de deux
heures, nous avons décidé qu’il était temps d’informer nos familles,
en Allemagne, que nous avions eu un bébé. Comme ils apprenaient
ma grossesse et la naissance du bébé d’un seul coup, ils avaient un
peu de mal à croire ce qu’on leur disait.
Ina May : Quand j’ai tendu l’ocarina à Angelika, elle l’a pris, l’a
tourné et retourné dans ses mains. Je lui ai dit que je pensais que
cette flûte était, dans la tradition mexicaine, une façon de faire
savoir aux femmes qu’il est possible de donner naissance. J’ai pris la
précaution de lui préciser que ce ne sont pas seulement les femmes
à la peau brune qui peuvent enfanter, parce que je voulais qu’elle
sache que les femmes à la peau claire y parviennent tout aussi bien.
Quand elle m’a finalement rendu l’ocarina, elle avait un air différent
– un peu plus détendu.
Plusieurs heures plus tard, quand Angelika était à quatre pattes en
train de pousser et que la tête du bébé était sur le point de sortir,
elle s’est retournée, m’a regardée et m’a demandé précipitamment :
« Est-ce que je vais avoir une déchirure ? » « Pas avec ce bon
derrière d’Allemande ! », ai-je répondu sans réfléchir. Angelika a ri
en entendant ma réponse – comme si elle était surprise. Mais ce
qu’il y a de merveilleux, c’est que ce rire, lâché au moment le plus
intense de la dilatation, a eu pour effet de détendre le périnée
d’Angelika suffisamment pour que, malgré la sensation de brûlure,
elle donne naissance sans la moindre déchirure à un bébé dont le
périmètre crânien était de trente-huit centimètres. La naissance de
Felix nous a semblé une vraie victoire sur la peur.

La naissance d’Evan
24 janvier 1998
par Diana Janopaul

À l’âge de 17 ans, j’ai déniché un exemplaire de Spiritual


Midwifery18 dans une librairie de la Huitième rue, à New York. Je ne
suis même pas sûre si je savais à l’époque ce qu’était une sage-
femme mais, grâce à ce livre, j’ai été saisie par la grâce et la beauté
de la naissance. Je suis restée fascinée par l’accouchement, avec le
souhait de devenir sage-femme.
Ce n’est que bien des années plus tard, à l’âge de 30 ans, que je
me suis préparée pour la naissance de mon premier enfant. J’avais
confiance dans le fait que mon corps allait fonctionner comme prévu
et que la naissance allait bien se passer. J’avais choisi d’être suivie
par une sage-femme qui m’avait été vivement recommandée par
plusieurs de mes amies. Je savais que l’hôpital où j’allais accoucher
avait un taux de césariennes de 33 %, mais jamais je n’aurais
imaginé que ça allait me concerner.
J’ai perdu les eaux chez moi, un soir, une semaine après mon
terme. Je suis restée à la maison toute la nuit, à essayer de trouver
le sommeil et à espérer que les contractions se déclenchent. Le
lendemain matin, nous sommes allés à l’hôpital. J’avais de légères
contractions et j’étais seulement à un centimètre de dilatation. La
sage-femme a conseillé une injection de Pitocin®19, que nous avons
acceptée. La suite n’a été qu’une série d’interventions que je n’avais
jamais envisagées : enregistrement du rythme cardiaque fœtal,
administration de Stadol® (un narcotique), antibiothérapie en
intraveineuse pour combattre l’infection qui s’était déclarée, et pour
finir la péridurale. Ma dilatation ne progressait que très lentement,
en dépit des contractions intenses provoquées par les injections de
Pitocin® en intraveineuse ; je me sentais complètement dépassée,
et en échec. Ma sage-femme n’est restée auprès de moi qu’une
trentaine de minutes en tout sur les dix-huit heures que j’ai passées
sur place. Elle était occupée à d’autres accouchements et a même
quitté l’hôpital pendant un moment. Je me sentais complètement
délaissée. Mon mari et ma famille ne pouvaient rien faire pour
m’aider. Je me souviens des larmes qui coulaient sur les joues de
mon mari. Cela ne ressemblait pas à ce que nous avions imaginé.
La sage-femme est revenue vers minuit et m’a annoncé que j’étais
à dilatation complète et que je pouvais commencer à pousser. On a
arrêté les injections de péridurale, mais je n’avais pas retrouvé le
contrôle de mes jambes, et je n’ai jamais ressenti le besoin de
pousser. (Plus tard, j’ai découvert que la péridurale interfère souvent
avec la capacité à pousser d’une femme en travail.) Au bout de
quelque temps, la sage-femme est repartie et j’ai poussé pendant
près de deux heures, assistée par ma famille et par une aide-
soignante bienveillante. Quand la sage-femme est enfin revenue,
elle m’a examinée et m’a dit qu’il n’y avait aucun progrès. Elle s’est
aussi aperçue que j’avais poussé alors qu’il restait un bourrelet
antérieur du col qu’elle n’avait pas remarqué auparavant. En d’autres
termes, je n’étais pas vraiment à dilatation complète pendant les
deux heures où j’avais poussé si fort. Pas étonnant que tous ces
efforts n’aient servi à rien. Nous avons commencé à percevoir des
signes de détresse dans le rythme cardiaque du bébé. Lucas est né
par césarienne, peu de temps après. Il pesait 4,5 kg. La sage-femme
a déclaré qu’il était tout bonnement trop gros.
Après la naissance, j’ai eu le sentiment de ne pas avoir été à la
hauteur, d’avoir échoué ; et j’ai aussi ressenti de la colère. Je
m’entendais justifier ma césarienne à de parfaits inconnus. « Vous
avez un gros bébé ! », disaient-ils. « Oui, il est né par césarienne »,
était ma réponse.
Quand j’ai découvert que j’étais de nouveau enceinte, j’ai eu envie
d’essayer un accouchement vaginal après césarienne – un AVAC. J’ai
choisi une autre sage-femme et un autre hôpital. Je ne voulais pas
accoucher à l’hôpital mais, à cause de ma première césarienne,
personne dans ma région ne pouvait m’aider. Les sages-femmes qui
pratiquaient les accouchements à domicile dans mon secteur
n’accompagnaient pas les AVAC en dehors de l’hôpital, par manque
d’assistance obstétricale en cas de complications. J’ai dépassé mon
terme de deux semaines. Je savais que je préparais un autre gros
bébé, mais je ne voulais pas qu’on m’administre encore du Pitocin®.
Mon travail a fini par se déclencher spontanément, avec des
contractions toujours espacées d’au moins cinq ou six minutes.
Néanmoins, cela progressait, et je sentais que les choses allaient
bien. J’étais à cinq centimètres de dilatation en arrivant à l’hôpital.
La tête du bébé était mobile et j’ai tout de suite compris que l’équipe
médicale interprétait ça comme un signe que le bébé n’allait pas
passer. J’ai continué mon travail jusqu’à sept centimètres de
dilatation avant d’accepter une césarienne. Kenna pesait 5 kg, avec
un périmètre crânien de trente-huit centimètres. Un obstétricien m’a
dit, pendant le travail, que j’avais un « bassin de taille adéquate pour
un bébé de taille moyenne ». (Le même obstétricien m’a dit plus
tard qu’une femme blanche ne pouvait pas accoucher d’un bébé de
5 kg !) Je me rappelle m’être fait la réflexion que jamais je n’aurais
un bébé de « taille moyenne » et qu’il était donc exclu pour moi
d’accoucher normalement.
Après la naissance de Kenna, ma sage-femme a suggéré que, si je
devais un jour attendre un autre enfant, il serait préférable de
programmer une césarienne. Mais je continuais à croire que si je
recevais le soutien nécessaire, et si on m’épargnait les interventions
de routine à l’hôpital, j’arriverais à mettre moi-même mes enfants au
monde. Quand je suis tombée enceinte de nouveau, j’ai décidé que
si je voulais que les choses se passent autrement, il fallait que je
change radicalement d’approche. J’ai appelé The Farm et j’ai parlé
avec Pamela. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas me garantir un
accouchement par voie basse. Je lui ai répondu que je n’attendais
aucune garantie, mais juste qu’on m’accorde une vraie chance.
J’ai fait un suivi prénatal auprès d’une merveilleuse sage-femme
indépendante qui pratiquait les accouchements à domicile dans ma
région. Nous sommes arrivés à The Farm environ deux semaines
avant la date prévue pour la naissance. Une semaine avant mon
terme, j’ai perdu les eaux. Pamela m’a examinée, et elle a constaté
que j’étais à un centimètre et demi de dilatation. Mes contractions
ont démarré dans la foulée, tout en restant assez espacées. Pamela
m’a encore examinée le lendemain matin, et j’étais à trois
centimètres et demi. Elle est restée avec moi à la maison de
naissance, et j’ai vraiment apprécié d’apprendre à la connaître
pendant ce temps-là. Ina May est arrivée en début d’après-midi. Elle
nous a envoyés, mon mari Steve et moi, faire une promenade.
Pendant les deux heures où nous nous sommes baladés, je me
pendais à ses épaules à chaque contraction, ou bien je
m’accroupissais pour les rendre plus fortes. À 16 h, Pamela m’a
examinée de nouveau, et je n’étais toujours qu’à trois centimètres et
demi. Pamela m’a assuré que mon col s’effaçait et que la tête du
bébé était descendue, mais j’étais découragée par le manque de
progrès. Je m’interrogeais vraiment sur ma capacité à supporter un
long travail. (Pour mes accouchements précédents, un des
problèmes était justement que je m’étais dégonflée et que j’avais fini
par demander quelque chose pour soulager la douleur.)
Carol, une autre sage-femme, a suggéré que Steve et moi nous
embrassions pendant les contractions – elle disait que cela l’avait
vraiment aidée pendant ses accouchements. Nous nous sommes
donc embrassés. La distraction était vraiment bienvenue et m’aidait
à me sentir connectée à mon merveilleux mari ! J’ai progressé de
trois centimètres et demi à neuf et demi en près de cinq heures. La
partie la plus difficile de mon travail a été de « stagner » à neuf
centimètres et demi pendant plus de trois heures. J’avais
l’impression de ne plus pouvoir en supporter davantage, et j’étais de
nouveau découragée par le manque de progrès. Mais les sages-
femmes m’ont tellement soutenue, tellement encouragée, que j’ai su
que j’allais pouvoir continuer. Finalement, Pamela m’a encore
examinée et a poussé le bourrelet de col derrière la tête du bébé.
J’étais à dilatation complète !
Pousser était une nouvelle aventure, étant donné que je n’en avais
jamais ressenti le besoin lors de mes autres accouchements. Au
début, je me suis installée sur un tabouret de naissance, ce qui m’a
vraiment aidé à faire descendre le bébé rapidement. C’était une
chaise en bois matelassée avec les pieds suffisamment courts pour
que j’aie les genoux pliés quand j’étais assise dessus. La partie du
siège où se trouvait mon entrecuisse était trouée pour laisser au
bébé la place de sortir. J’ai poussé avec toutes les forces que je
pouvais rassembler. Je m’entendais rugir comme un lion. On aurait
cru que ça venait de quelqu’un d’autre, mais c’était super. Au bout
d’un peu plus d’une heure passée à pousser, j’ai mis la main entre
mes cuisses, et j’ai senti la tête du bébé émerger. En peu de temps,
j’ai donné naissance à mon fils, Evan Alexander. J’ai baissé les yeux
et je l’ai vu sur le lit, entre mes jambes, et j’ai tenu ses petits pieds
dans mes mains pendant que les sages-femmes s’occupaient de lui.
Je l’ai pris contre moi et je l’ai mis tout de suite au sein – toutes ces
choses que je n’avais pas pu faire avec mes autres enfants. Carol a
dû aller chercher une autre balance, car celle de la maison de
naissance n’allait que jusqu’à 4,5 kg ! Evan pesait 4,8 kg et avait un
périmètre crânien de trente-huit centimètres – plus que mon premier
bébé qui, d’après la sage-femme, était « tout bonnement trop
gros » ! Une petite déchirure nécessitait quelques points de suture.
La naissance d’Evan m’a tellement appris. Je suis beaucoup plus
forte que je l’avais imaginé – j’ai ressenti une telle puissance en
poussant ce gros bébé pour le faire naître ! J’ai aussi appris à quel
point nous sommes influencés par les perceptions et les croyances
d’autrui. Les sages-femmes de The Farm avaient entièrement
confiance en moi, et en mon corps. Elles n’avaient pas le moindre
froncement de sourcil, ou l’air inquiet, que j’avais connu auparavant.
Elles ne pensaient pas que je progressais trop lentement. Je pense
qu’elles avaient davantage foi en moi que quiconque auparavant, y
compris moi-même. J’ai aussi appris que mon bassin de taille
« adéquate » était plus qu’adéquat pour un bébé de « taille
moyenne ». C’est juste que mes bébés de taille moyenne pèsent
plus de 4,5 kg. J’ai découvert que je suis parfaitement conçue pour
les enfanter.
Pas un jour ne passe sans que j’y repense, d’une manière ou d’une
autre. Je pense que les prises de conscience que j’ai eues depuis
qu’Evan est né sont aussi puissantes que la naissance elle-même. La
première chose que j’ai remarquée, c’est que la tristesse et le
chagrin omniprésents que je ressentais à la pensée de mes autres
accouchements ont disparu. Je ne ressens plus ce besoin
irrépressible de pleurer quand j’y repense. En ce sens, la naissance
d’Evan a vraiment été une expérience de guérison.
Le changement le plus étonnant, c’est combien je me sens plus
forte en tant que personne. Une amie m’a dit un jour qu’après la
naissance de son fils, elle avait eu la sensation qu’elle aurait pu
escalader une montagne. Je croyais qu’elle faisait allusion à
comment elle se sentait physiquement, mais maintenant je
comprends qu’elle voulait dire beaucoup plus que cela. Elle se
sentait investie d’une nouvelle puissance. On m’a toujours dit, et j’ai
toujours dit aux autres que l’accouchement est une expérience qui
apporte un sentiment de puissance. Mais je n’avais jamais eu
l’occasion de ressentir à quel point c’était vrai. Mes deux premiers
accouchements ne m’ont pas du tout apporté ce sentiment. J’en suis
ressortie déprimée, découragée, avec un sentiment d’échec et une
déception à peine supportables.
Après la naissance d’Evan, je me sentais physiquement endolorie
et fatiguée. Mais à l’intérieur, je me sentais si forte et si victorieuse.
Un soir, peu de temps après la naissance d’Evan, mon mari et moi
étions en train de regarder les Jeux olympiques d’hiver et je me suis
retrouvée en train de m’adresser aux athlètes que je regardais faire
de la luge, du saut à ski et du patinage artistique. « Han !, pouffais-
je, ce n’est rien. Je pourrais le faire. Essaie un peu de pousser un
bébé de 4,8 kg, et après on en reparle ! » Drôles de mots dans la
bouche d’une femme qui avait des points de suture au périnée et
des hémorroïdes à gogo. À ce moment-là, je n’aurais pas pu faire de
saut à ski, même si ça avait été une question de vie ou de mort.
Mais j’avais un tel sentiment de puissance !
Combien de femmes ne ressentiront jamais cette puissance ? Le
véritable prix à payer pour une césarienne inutile n’est sans doute
pas la cicatrice, ou la déception, ou la douleur postopératoire, mais
la perte de ce sentiment de puissance. J’ai une photo de moi avec
Evan dans les bras, peu de temps après sa naissance. Je suis
épuisée et j’ai les traits tirés, mais j’ai cet air – l’air que j’ai vu sur le
visage d’autres femmes, quand elles tendent les bras pour prendre
leur bébé qui vient de naître. Enfin, je le vois sur mon visage. La
joie, l’accomplissement, la force et la sérénité. C’est tellement beau !
Beaucoup de gens ne savent pas à quel point les bébés peuvent
adopter toutes sortes de positions et naître malgré tout par voie
basse :

« C’est un nez ! »
22 décembre 1982
par Valerie Gramm

J’avais 33 ans et j’allais accoucher de mon troisième bébé à The


Farm, où mes deux filles étaient nées. Cette fois, nous espérions
avoir un garçon. La grossesse s’était bien passée et j’étais en train
de faire mon examen prénatal du neuvième mois à la maison de
naissance. Ina May, notre sage-femme et amie, m’a examinée. Au
bout de quelques minutes, j’ai senti qu’il y avait peut-être un
problème, surtout quand elles ont appelé le médecin qui vivait à The
Farm.
Elles avaient senti une protubérance, ou une bosse, qui n’était
certainement pas la surface lisse habituelle d’un crâne de bébé.
Dubitative, Ina May a appelé l’obstétricien de ville pour lui annoncer
que nous allions lui rendre visite. Je me sentais en bonnes mains
puisque Ina May et mon mari David m’accompagnaient. Quand elle
est passée me prendre, je lui ai dit que je pensais que j’étais en
début de travail.
Nous avons filé sur les nids-de-poules et les routes poussiéreuses
de The Farm. Je savais qu’il n’y avait toujours pas de raison de
s’inquiéter. Assise à l’avant, Ina May m’avait assurée qu’elle avait
déjà accouché une femme dans une voiture. Et puis, c’est elle qui
avait accompagné mon accouchement précédent. J’avais confiance
en elle. Sans problème.
Nous sommes arrivés au cabinet de l’obstétricien, et bien sûr il a
fallu que j’attende encore et encore, mais, hein, qu’est-ce que je
voulais de plus ? Comme j’étais un peu inquiète, je voulais juste être
sûre que mon bébé allait bien. Finalement, le médecin m’a examinée
et il a ri. « C’est un nez », a-t-il dit. La plupart des médecins vous
diraient : « C’est un garçon » ou « C’est une fille », mais voilà qu’il
m’annonçait : « C’est un nez. » J’étais tellement soulagée
d’apprendre que la petite bosse que les sages-femmes avaient sentie
n’était qu’un petit nez pointé vers la sortie. Nous sommes rentrés à
la maison pour nous préparer à la naissance.
Ina May : C’est l’obstétricien qui nous a dit que nous pouvions
rentrer avec Valerie à The Farm, et accompagner son accouchement
en toute sécurité.
Valerie : Ina May préférait que j’accouche à la maison de
naissance, plutôt que chez moi, pour avoir l’équipement médical
sous la main en cas de besoin. Plus tard, les contractions sont
devenues un peu plus fortes. Ce travail s’est avéré plus long que les
deux précédents, mais sinon, semblable en tous points. J’étais
entourée de sages-femmes affectueuses et du père de mes enfants.
J’étais tellement contente d’être là et non pas dans l’environnement
stérile d’un hôpital. Comme Ina May exerce son métier avec
beaucoup de talent, je savais que je n’allais pas subir de césarienne.
Plusieurs heures plus tard, les choses ont finalement pris tournure.
Ça m’a demandé beaucoup de force, mais mon amour pour notre
bébé a surpassé la douleur. C’est certain, voilà qu’un nez arrivait en
premier, pointé en l’air, direction la sortie. Avec une dernière
poussée, notre rêve s’est réalisé : un garçon ! Il était un peu
contusionné, mais tout s’était résorbé dès le lendemain soir. Mon fils
était en bonne santé, il était fort et beau !
La naissance de Heaven Morgaine
22 décembre 1990
par Beth Colton

Mark et moi commencions notre premier trimestre à la fac quand


nous avons découvert que j’étais enceinte. Après le test de
grossesse positif que nous avions fait à la maison, nous sommes
immédiatement allés voir un obstétricien. Cette nouvelle
s’accompagnait de sentiments ambivalents. Je pensais que tout allait
bien se passer, jusqu’à ma conversation avec la secrétaire de mon
obstétricien. Nous étions estomaqués qu’un accouchement normal,
par voie basse, coûte si cher à l’hôpital du coin. J’ai essayé
d’expliquer que nous venions juste de commencer la fac et qu’en
aucun cas nous ne pourrions disposer d’une telle somme,
maintenant ou dans trois mois. Mark et moi sommes ressortis du
cabinet avec des sentiments encore plus ambivalents qu’en y
entrant. Nous savions tous les deux que nous voulions garder cet
enfant, mais nous n’arrivions pas à voir comment, sur le plan
financier.
Nous ne savions pas vraiment quoi faire jusqu’à ce qu’une de mes
copines de fac nous dise qu’elle avait entendu parler d’un endroit
appelé The Farm, où il y avait une maison de naissance. Près d’un
mois plus tard, nous sommes allés à The Farm pour ma première
visite prénatale. Pamela s’est entretenue avec nous un moment et a
précisé que ce serait un accouchement naturel. J’étais toujours
partie du principe que la péridurale faisait partie intégrante de
l’accouchement, et il ne m’était jamais venu à l’esprit de faire
autrement ; j’étais assez choquée de découvrir que je n’allais avoir ni
péridurale ni analgésie. À The Farm, il n’y en avait pas. Pamela nous
a donné un exemplaire de Spiritual Midwifery20 et j’ai réussi à en lire
une bonne partie pendant les cinq heures de route pour rentrer à
Atlanta.
J’étais sidérée. Je n’avais jamais pensé que la naissance d’un
enfant puisse être aussi merveilleuse. Certains des témoignages que
je lisais étaient très touchants. J’étais soulagée d’apprendre que
certaines pratiques qui font partie du protocole dans les hôpitaux
n’avaient pas cours à The Farm. Plus j’avançais dans la lecture, plus
je comprenais que les analgésiques n’étaient pas nécessaires, et que
ça valait la peine de s’en passer.
À l’approche de mon terme, nous avons décidé de passer les
vacances de Noël avec une partie de la famille, à Decatur, en
Alabama, qui n’est qu’à une heure et demie de route de The Farm.
Quand mon travail s’est déclenché, un matin, nous étions tous
excités, à l’exception du frère de Mark, qui était inquiet. Il avait plu
pendant trois jours d’affilée et les routes commençaient à être
inondées. Le frère de Mark a commencé à suggérer que je devrais
peut-être envisager d’aller à l’hôpital. J’avais déjà plié bagage, et
j’attendais juste qu’on prenne la route pour The Farm, pas pour
l’hôpital. Comme j’avais lu qu’il n’était pas rare qu’une femme arrive
à faire régresser son travail, je ne me faisais pas trop de souci quant
à arriver à The Farm à temps.
Vers 14 h, nous étions prêts à partir. Il pleuvait vraiment à
torrents, mais le bruit de la pluie battante sur la voiture était
apaisant et j’étais contente qu’il pleuve. Les contractions devenaient
incontestablement plus fortes et mon esprit divaguait. Avant de
quitter l’Alabama, j’avais passé un certain temps à jouer à un jeu
vidéo. Chaque fois qu’une contraction commençait, mon esprit se
concentrait à fond sur ce jeu, j’imaginais de nouvelles stratégies
pour gagner, tandis que la bande-son du jeu résonnait bruyamment
dans ma tête. C’était dingue, et je ne sais pas si je peux l’expliquer
de manière suffisamment claire pour que quelqu’un d’extérieur en
comprenne l’intensité. Maintenant, je crois sincèrement qu’on n’a
pas besoin d’être droguée aux analgésiques pendant le travail, parce
que le corps fabrique lui-même sa propre drogue.
Nous sommes arrivés à The Farm vers 16 h et mes contractions
étaient à quatre minutes d’intervalle. Nous nous sommes installés
dans la maison de naissance. Ina May m’a examinée et, pendant
l’examen, je suis arrivée à trois centimètres de dilatation.
Au bout d’un moment, Ina May a suggéré que je prenne un bain
chaud. C’était la meilleure nouvelle depuis des heures. Je n’oublierai
jamais cette baignoire. C’était la plus spacieuse, la plus luxueuse que
j’aie jamais vue. Je pouvais m’étendre de tout mon long sans en
toucher les bouts. J’y suis restée un long moment. Mark a été super.
Il m’a frotté le dos et m’a tenu compagnie. À un moment donné, je
me suis complètement immergée ; seul mon visage n’était pas sous
l’eau. Puis mon mental a vraiment lâché prise, tout est devenu très
vague et je n’ai plus eu l’impression d’être moi-même. J’avais
l’impression d’être un nuage.
Nous sommes retournés à l’étage et Ina May m’a de nouveau
examinée. J’étais maintenant à sept centimètres et demi. Ina May a
suggéré que je trouve une position confortable. Mark était derrière
moi et j’étais allongée entre ses jambes. Quand ça devenait
douloureux, j’étendais les bras et je serrais très fort ses jambes et
ses bras. À ce stade, j’avais commencé à faire des bruits plutôt
bizarres.
À l’approche de la dilatation complète, j’ai perdu la tête. Je pensais
tout simplement que je n’allais pas y arriver. Je n’arrêtais pas de
répéter : « Je ne peux pas continuer ! » J’ai commencé à paniquer,
et c’était vraiment flippant, mais Ina May m’a rassurée ; elle m’a
rappelé que tout ça était normal et que plus je répétais que je
n’allais pas y arriver, plus j’étais en train d’y arriver.
Il faisait chaud dans la pièce et la lumière était tamisée. Ce que
j’apprécie avec le recul. À l’hôpital, l’éclairage est si fort et
l’atmosphère si froide. Je n’aurais vraiment pas pu faire face à
l’atmosphère intense d’un hôpital dans cet état mental. À un
moment, un changement s’est fait entendre dans les bruits que je
faisais ; je suis passée de sons graves, voilés et gutturaux, à des
sons aigus, presque des cris. Je percevais vraiment la différence. Si
je m’efforçais de garder une tonalité grave, je restais détendue
tandis que les cris faisaient l’effet d’un crissement d’ongle sur un
tableau, très dérangeant et crispant.
C’était vraiment beau de commencer à pousser. Je me sentais
aimée et en sécurité. C’était exactement le genre d’environnement
dans lequel je voulais que mon enfant naisse. C’est vrai quand on dit
que c’est comme de chier une boule de bowling – pas par rapport à
la douleur, même si c’est vrai que c’est douloureux. Je m’étais
souvent demandé comment on pouvait s’arrêter pour haleter alors
qu’on était en train de pousser. J’avais toujours pensé qu’une fois
que j’aurais commencé à pousser, je n’allais certainement pas
m’arrêter en chemin, surtout une fois la tête sortie. Je pensais :
« Laisse tomber, je continue jusqu’au bout. » Mais, ça n’a pas été si
difficile de s’arrêter. En réalité, c’était nécessaire. Je commençais
vraiment à fatiguer et j’avais besoin de faire des pauses
Je me rappelle avoir dit à Ina May : « Ça fait vraiment mal, là,
maintenant » et elle de demander : « Est-ce que ça pique ? » J’ai
répondu oui et elle m’a dit : « C’est parce que la tête du bébé est
sortie. » Encore une ou deux poussées et j’ai eu cette sensation de
glissement. L’instant d’après, j’avais sur le ventre un bébé qui me
fixait de ses gigantesques yeux bleus.
Quand elles ont annoncé à Mark que nous avions une fille, je n’ai
pas été surprise. Je le savais depuis un mois – l’intuition maternelle.
Près de cinq minutes plus tard, Ina May m’a rappelé qu’il restait
encore à expulser le placenta. Je lui ai dit que je n’avais plus la force
de pousser, et elle m’a répondu : « Oh ! C’est la partie facile. Ça n’a
pas d’os. »
J’ai trouvé ça drôle et elle avait raison. Ina May et son assistante
nous ont nettoyés, le bébé et moi, puis elles ont rangé le matériel
d’accouchement, elles m’ont montré comment allaiter, se sont
assurées que j’allais bien et elles nous ont laissés, Mark et moi, avec
notre nouveau-né.
Tom et Suzi Mitchell sont venus à The Farm pour un accouchement
vaginal après césarienne (AVAC) :

La naissance de Dylan Zade


le 1er mars 1991
par Suzi Mitchell

Mardi soir était un soir de pleine lune. J’avais du mal à croire que
j’avais des contractions alors j’ai commencé par m’assurer qu’elles
persistaient. Je n’en ai pas parlé à ceux qui séjournaient dans le
chalet de naissance avec nous. Peu après, j’ai commencé à chanter
pendant les contractions tandis que Kirk (notre ami) et Tom mon
mari ont commencé à les chronométrer. Comme elles se
rapprochaient, Tom a appelé Ina May et nous avons rapidement
changé de lit. Kirk est allé s’installer à l’étage avec Jojo, notre fils, et
Tom et moi avons pris nos quartiers dans le lit du rez-de-chaussée
pour accoucher.
Je me souviens d’avoir regardé l’heure. Il était presque minuit et
les choses prenaient tournure rapidement. Quand Ina May est
arrivée, elle m’a examinée et j’étais à sept centimètres de dilatation.
Pendant les contractions, je psalmodiais, à gorge déployée, une
vocalise libératoire « Ommmm, Ommmm ». Deborah a suggéré que
je prenne une grande inspiration et que je « souffle des
framboises » entre mes lèvres. Ina May a ajouté que c’était une
bonne idée parce qu’il était impossible que mon col demeure
contracté pendant que je soufflais ainsi. (Ina May : Voir au chapitre
4 l’explication que je donne à ce sujet.) C’était bon à savoir et Tom
et moi l’avons fait. Après, je me suis reposée pendant un moment.
J’avais l’impression d’être plus détendue à ce stade qu’auparavant.
Et puis les contractions ont commencé à devenir plus fortes et
Deborah a suggéré que je plonge mon regard dans celui de
quelqu’un d’autre. Je me suis souvenue d’avoir lu un témoignage qui
en parlait dans Spiritual Midwifery21 et j’étais contente d’essayer de
plonger mon regard dans celui de Deborah. Il semblait me donner la
force nécessaire pendant la contraction. À la fin de la contraction, je
me connectais à Tom de nouveau.
Vers 6 h, j’ai commencé à perdre mon calme. Je n’arrivais plus à
rester tranquille pendant les contractions. J’ai commencé à vomir et
elles m’ont toutes dit que c’était bon signe parce que cela voulait
dire que je me préparais à avoir mon bébé. « Vous ne m’aurez pas.
C’est mon corps qui réagit avec violence à la douleur ! », ai-je
répondu. J’ai voulu prendre une douche, mais je savais que c’était
pour fuir.
Sous la douche, les contractions étaient vraiment fortes et
rapprochées. Ce passage a été le plus difficile pour moi. Je n’avais
pas de temps de repos, ce que je souhaitais plus que tout. Je
chantais de plus en plus fort. Je n’arrêtais pas d’espérer que
quelqu’un me vienne en aide, ce que Deborah a fait. Elle est entrée
dans la salle de bains et s’est tenue près de la cabine de douche,
aspergée par l’eau tandis qu’elle me parlait. Elle me disait que mon
travail n’avait pas été vraiment long et je savais de quoi elle parlait
vu que pour la naissance de Joey, il avait duré longtemps. J’ai réalisé
que mon travail se déroulait à merveille et que tout allait
magnifiquement bien. J’avais songé à aller à l’hôpital pour qu’ils me
donnent une potion magique qui ferait partir la douleur. Je me suis
demandée si cette envie ne me venait pas de la césarienne que
j’avais eue. Pendant un instant, j’avais oublié qu’à l’hôpital, ils vous
enlèvent la douleur certes, mais toutes les sensations et le bébé
avec. Deborah m’a dit que tout ce que j’avais à faire, c’était de
décider ce que je voulais et que le reste suivrait.
Je l’ai écoutée un moment puis je lui ai demandé d’appeler Tom.
Je savais que je pouvais plaider auprès de Tom et qu’il m’aiderait à
prendre la bonne décision. Il est entré et il m’a dit qu’il savait que je
pouvais y arriver et qu’aller à l’hôpital n’était pas vraiment ce dont
j’avais envie. Il a ajouté que les sages-femmes disaient que je m’en
sortais à merveille ce qui, indéniablement, était plus encourageant
que ce que les sages-femmes avaient dit pour la naissance de Joey.
Je suis sortie de la douche et j’ai essayé de plus belle. Je ne m’en
suis pas si bien sortie pour la première contraction. À ce moment-là,
Pamela est entrée et m’a raconté son premier accouchement. C’était
réconfortant de l’écouter raconter son expérience. Après elle m’a
rappelé l’histoire de The Little Engine That Could.22 Elle ignorait que
je venais précisément de lire cette histoire à Joey la veille au soir.
C’est l’une de ses préférées. J’ai commencé à répéter : « Je crois
que je peux le faire. » Puis :« Je sais que je peux le faire. »
(Ina May : Juste après que Suzi eut commencé à dire : « Je crois
que je peux le faire », ses mots ont été accompagnés d’un effort
expulsif assorti d’un grondement alors que la tête du bébé passait le
col de l’utérus. C’était assez spectaculaire.)
Après deux contractions, Tom et moi étions suffisamment
détendus pour nous embrasser. Nos baisers étaient si délicieux que
je ne les oublierai jamais et qu’ils resteront une source d’inspiration
jusqu’à la fin de mes jours.
Ensuite, j’ai commencé à pousser. Ce n’était pas un effort
volontaire. Mon corps a pris le dessus. L’effort de poussée rendait les
contractions bien plus supportables.
Le bébé a commencé à sortir et c’était comme si tous mes besoins
étaient satisfaits tandis que je flottais à la dérive dans un cocon
douillet. Les sages-femmes me répétaient qu’elles voyaient une tête
foncée. Je voulais en voir et en savoir davantage. Deux ou trois
poussées de plus et Tom me montrait la tête du bébé dans le miroir.
J’avais l’impression d’être une jument. J’ai commencé à avoir une
sensation de brûlure et Ina May a mis une giclée d’huile sur mon
périnée, ce qui m’a soulagée un peu. Quand la tête du bébé a
commencé à pousser contre mon périnée, je n’étais pas très sûre de
vouloir qu’il sorte mais, de toute façon, il sortait. D’abord une tête,
suivie des épaules et le voilà qui était sur mon ventre ! Oh, merci !
Je n’ai eu ni épisiotomie ni déchirure, j’ai eu mon accouchement
vaginal après césarienne et mon fils avec une naissance parfaite.
C’était l’extase.

La naissance de Felicia
le 21 novembre 1973
par Susan Levinson

Mes enfants font tellement partie de ma vie et en sont si distincts


à la fois. Je les ai vus chaque jour pendant deux décennies. Ils font
leur vie depuis quelques années maintenant. Je suis si fière de leur
indépendance et, cependant, je suis si excitée quand ils me
demandent conseil. Je ne pense pas m’être trop mêlée de leurs
affaires. J’ai atteint un objectif auquel tout parent aspire : nous nous
apprécions mutuellement.
Quand Ralph et moi sommes arrivés dans le Tennessee en 1972,
nous venions de nous marier en Virginie occidentale. Nous vivions
déjà ensemble depuis deux ans et demi. La dernière fois que je
m’étais occupée d’enfants, c’était pour veiller sur leur sommeil. Je
considérais ce job uniquement comme une belle occasion de passer
du temps à bavarder au téléphone. Quoi qu’il en soit, quand je suis
arrivée à The Farm et que j’ai vu toutes ces familles, j’ai senti que
moi aussi j’en voulais une. Je suis tombée enceinte sans tarder. Tout
semblait plus ou moins couler de source et dans ma béatitude,
j’étais loin d’imaginer ce que les neuf mois – et, en l’occurrence, les
quelques décennies – à venir me réservaient. J’ai eu une grossesse
facile et merveilleuse. Je ne crois même pas que l’idée qu’il puisse
en être autrement m’ait effleurée. Mes exigences à l’égard de la vie
étaient minimes et mon adaptation au changement facile.
Jusqu’aux contractions. Puis, je me suis dit : « Aucune
importance. » J’ai changé d’avis. Passons à autre chose. J’ai eu tout
le loisir de me faire à l’idée, étant donné que mon accouchement a
duré deux jours. J’ai eu l’impression d’être davantage dans
l’observation que dans l’action pendant la majeure partie du temps.
Je savais qu’on allait attendre beaucoup de moi – mais pas dans
l’immédiat. Les sages-femmes étaient très attentionnées et
confiantes. Les choses allaient doucement et je ne ressentais aucun
empressement. (Inutile de paniquer tant que ce n’est pas
nécessaire.) Quatre autres femmes étaient en travail en même
temps. Je pouvais attendre et c’est ce que j’ai fait.
Mais les choses avançaient, jusqu’au moment où elles ont paru
stagner. Ina May faisait régulièrement une apparition et elle a fini
par décider qu’il était temps de percer la poche des eaux. C’est alors
que les choses ont vraiment pris tournure et qu’il est devenu plus
difficile de rester détachée. Pour accoucher, il y avait une sorte de
formule toute faite qui ne me convenait pas vraiment. Me dévêtir –
en présence de tout ce monde ? Embrasser mon mari – tout de
suite, là ? Je suis occupée. Mon subconscient en train de mettre un
frein à tout ça ? Meuh non ! Ce qui a fini par me faire arriver à
dilatation complète, c’est le fait qu’Ina May m’examine et déclare
que si je n’y arrivais pas, il faudrait peut-être aller à l’hôpital pour en
finir.
Maintenant au comble de leur activité, les sages-femmes me
frottaient avec de l’huile. Je croyais savoir ce que le mot pousser
voulait dire, mais j’avais vraiment tort. J’ai fini par comprendre. Son
crâne est apparu et Felicia est née sans tarder. Cela nous a pris des
jours de lui donner un nom. Elle était arrivée depuis si peu de temps
que c’était difficile de penser à quelque chose d’aussi permanent et
immuable qu’un prénom.
J’étais très fière d’avoir accouché comme je l’avais fait et je
considère la naissance de mes enfants comme des moments très
forts de ma vie. Accoucher de manière physiologique n’a pas
engendré le moindre problème de santé et j’ai toujours été
reconnaissante envers la communauté de The Farm de m’avoir
montré ce que c’était que d’élever un enfant et de m’avoir donné la
confiance nécessaire pour avoir les miens.
À l’occasion (une fois ou deux sur cent accouchements), mes
consœurs et moi nous retrouvons dans la nécessité de transférer à
l’hôpital un bébé qui a besoin de soins néonatals plus poussés. Jake,
le fils de Lorrell et de Tomm Friend, a été l’un de ces bébés nés à
The Farm à faire son premier voyage en voiture peu après sa
naissance.
Lorrell et Tomm élèvent des chevaux et les font courir. Entre ses
grossesses, il arrive à Lorrell d’être jockey :

La naissance de Jake
le 31 mai 1989
par Lorrell Friend

Tasha, la jument des enfants, avait un problème aux yeux. Quand


« Doc », notre véto, est venu pour la soigner, il a regardé mon
ventre et m’a demandé : « C’est pour quand ? » Je lui ai répondu.
Les années d’expérience se reflétaient dans ses yeux quand il a
tourné la tête de droite à gauche. « Tu crois qu’elle va attendre aussi
longtemps, Tomm ? », a-t-il demandé à mon mari.
Le lendemain matin, les bagages étaient bouclés et nous étions en
route pour le Tennessee. Après avoir eu cinq enfants à la maison,
nous avions décidé que Jake allait naître à The Farm. Je savais que
Jake était beaucoup plus gros que nos autres enfants. J’avais aussi
pas mal souffert tout au long du deuxième trimestre d’une sorte de
grippe dont je n’avais pas réussi à me débarrasser.
À The Farm, Tomm et moi nous sommes installés dans le chalet de
naissance situé sur Tower Road. Nous nous sommes promenés sur la
piste Natchez.23 Nous avons observé un troupeau de cerfs au bord
d’une rivière dans le parc national de Davy Crockett. Nous sommes
montés au sommet de la tour d’incendie sur la route d’Hohenwald.
Sur les marches en métal de l’escalier du deuxième niveau, nous
avons trouvé un nid, confectionné à la perfection par un rouge-gorge
qui y avait déposé ses trois œufs bleus, également parfaits.
Cette balade s’est soldée, le 30 mai au soir, par la rupture
spontanée de ma poche des eaux. J’ai appelé notre sage-femme,
Deborah, qui était heureuse pour moi et m’a dit que je voulais peut-
être en profiter pour dormir un peu avant que le travail commence.
L’absence de contractions me préoccupait et je n’arrivais pas à
dormir. Deux ou trois heures plus tard, le travail a démarré pour de
bon. En l’espace de quatre heures environ, j’étais arrivée à dilatation
complète.
Pousser un bébé pour le mettre au monde, c’est une chose que je
sais faire, mais celui-ci m’a franchement donné du fil à retordre.
Nous avons progressé lentement. Sa tête est sortie sans problème,
mais il est resté coincé au niveau des épaules. Les sages-femmes se
sont concertées et Deborah m’a demandé si je voulais essayer
quelque chose de nouveau. Elles m’ont fait mettre à quatre pattes.
J’étais plus que ravie de m’exécuter. Cette nouvelle position semblait
changer la sensation de pression que je ressentais. Avec un tour de
main habile (il est bon d’avoir une sage-femme aux mains fines),
Jake est sorti. Un beau garçon costaud, mais c’est à peine s’il
respirait. Les sages-femmes ont utilisé un aspirateur de mucosités
pour lui dégager les voies respiratoires, mais il avait toujours
beaucoup de mal à respirer. Margaret a passé un coup de fil au
Maury Regional Hospital pour leur faire savoir que Jake était en
route. Deborah est restée à mes côtés pour la délivrance du
placenta.
Alors que la Volvo roulait vers Columbia, Pamela tenait Jake dans
ses bras. Elle méditait avec lui. Ils respiraient doucement en rythme
à l’unisson, car il semblait qu’un hoquet ou un éternuement aurait
suffi pour que Jake nous quitte.
Aux urgences, l’équipe médicale connaissait Ina May et Pamela et
savait que la situation était grave. Le directeur de l’hôpital est venu à
leur rencontre. Il a fait en sorte que tout aille très vite. Jake a été
mis sous respiration artificielle et on lui a administré de l’ampicilline
et de la gentamicine. La radio de son torse a révélé la présence de
liquide autour des poumons. Le médecin a tendu à Tomm une
encyclopédie médicale ouverte à la page des streptocoques du
groupe B, qui mentionnait une mortalité de 50 à 80 %. Le médecin a
alors appelé l’ambulance « Angel One » du service néonatal du CHU
Vanderbilt à Nashville. Jake était transporté d’urgence à Vanderbilt
avant même que j’arrive à l’hôpital Maury Regional. Quelle
expérience radicalement différente de celles que nous avions
connues pour la naissance de nos autres enfants.
Lorsque nous sommes arrivés à Vanderbilt, nous avons poireauté.
Finalement, Tomm a expliqué au médecin de garde que Jake et moi
avions besoin de nous voir.
Jake était allongé dans un caisson en plastique transparent. Il
faisait peine à voir : maculé de sang et légèrement jaune. Après un
instant d’hésitation, je l’ai touché et une vague d’énergie est passée
entre nous. Il a tressailli comme s’il m’avait reconnue, puis il a
retrouvé son calme.
Un peu plus tard, nous avons découvert que l’infirmier de Jake,
Andrew, était un ancien de The Farm et que sa femme y avait donné
naissance à leur enfant. Il nous a promis de garder un œil sur Jake.
Nous sommes rentrés à la maison et nous sommes tous les deux
tombés dans un profond sommeil. Tôt le lendemain matin, nous
avons pris la route touristique de Natchez en direction de Nashville
et nous nous sommes arrêtés à un endroit où elle frôle presque
l’ancienne piste Natchez. Là, nous avons marché sous les arbres et
nous avons prié.
Quand nous sommes arrivés à Vanderbilt, on nous a fait savoir que
Jake allait bien. Il n’était plus souffrant. Il avait bien réagi aux
antibiotiques. Il allait encore s’écouler six longues journées avant
qu’il ne prenne son premier vrai repas, mais il était hors de danger.
La considération que les deux hôpitaux ont montrée pour Ina May,
Pamela et les autres sages-femmes a fait toute la différence pour
nous aider à supporter cette expérience éprouvante. Il y a un fort
pourcentage d’issues défavorables en cas de dystocie des épaules à
la naissance. Nos sages-femmes n’ont pas cédé à la panique. Leur
compétence sereine et l’ingéniosité de la manœuvre Gaskin ont fait
de Jake notre bébé miraculé.
Quand, enfin, nous avons pu rentrer à la maison avec Jake, il avait
huit jours. Il n’était pas trop sûr de savoir dans quel monde il était
né. Il pleurait quand nous l’avons installé dans son siège auto entre
nous deux. Quand nous avons pris la route, j’ai enfoncé une bonne
vieille cassette de reggae dans l’autoradio, celle sur laquelle nous
avions swingué pendant le trajet pour aller accoucher à The Farm.
On a alors entendu le tube Comin’in from the Cold de Bob Marley.
Tout à coup, silence de la part de Jake. Un air de reconnaissance
véritable est passé sur son visage comme pour dire : « Ils m’ont
trouvé. » Ensuite, il est tombé dans son premier sommeil profond.

La naissance de Joel
le 6 juillet 1973
par Kathleen Rosemary

Nous nous attendions à un bébé du 4 Juillet24 et le travail a


effectivement commencé ce jour-là. David avait pratiquement
terminé de poncer le parquet de notre nouvelle petite maison. Nous
avons fait un brin de ménage avant d’appeler les sages-femmes,
mais elles ont répondu que les contractions étaient encore trop
espacées. J’ai été surprise de les entendre dire qu’il valait mieux que
je continue à m’affairer à mes tâches domestiques. J’avais à l’esprit
l’idée que tout le monde allait s’empresser autour de moi
simplement parce que mon utérus se contractait. J’avais du compost
à mettre en terre, des fleurs à entretenir et des repas à préparer,
mais mon attention était rivée sur mon ventre. Enfin, le lendemain
soir, les choses ont pris tournure et Pamela et une autre sage-femme
ont commencé à me demander si j’avais envie d’aborder un sujet,
quelque chose dont j’aurais besoin de parler. Ça, c’était le choc.
Qu’entendaient-elles par là ?
En sondant mes sentiments et mes pensées intimes, j’ai fini par
trouver quelque chose. Des peurs étaient profondément enfouies en
moi sur mon nouveau rôle de mère et sur l’envie et la capacité de
David à entretenir cette nouvelle famille. De toute évidence, j’avais
besoin de verbaliser ces sentiments pour en libérer mon corps et
qu’il laisse sortir ce bébé. Pendant les quelques heures qui ont suivi,
David et moi avons été coachés sur la manière d’améliorer notre
façon de nous parler et j’ai senti qu’un changement s’opérait en lui.
Quant à moi, j’ai appris que le fait de me plaindre était
contreproductif. Cela avait une influence différente sur l’énergie si je
me contentais de faire état de mes sentiments et de mes besoins
sans blâmer quiconque.
J’ai ressenti une foule de sensations désagréables ; des frissons
par un soir d’été un peu frais, des tressautements dans les jambes
par moments et bien sûr, la tension des contractions. J’avais
l’impression d’être dans un camp d’entraînement où j’étais censée
me livrer à des performances alors même que j’étais la proie des
émotions et que mon corps ne coopérait pas. Quand je me plaignais
ou que je râlais, mes sages-femmes m’encourageaient avec affection
à changer d’attitude et à essayer de ressentir les contractions
comme des rushs d’énergie. À cette époque de ma vie, je n’avais
qu’une piètre conscience de l’énergie. J’étais essentiellement
empêtrée dans la croyance que ce que je ressentais était pénible et
que j’étais censée m’en plaindre, comme on le voit dans les films !
Pour couronner le tout, je m’en voulais de ne pas m’éclater à fond
comme certaines femmes de The Farm me l’avaient décrit.
Cet accouchement a été ma première grande occasion de
constater que le corps et l’esprit ne font qu’un. Le fait de sentir un
changement s’opérer en David et de travailler sur ma propre attitude
m’a permis de formuler des affirmations positives et aimantes pour
lui dire combien ce bébé et lui comptaient pour moi. Au moment où
j’ai ouvert la bouche et où j’ai prononcé ces paroles bienveillantes,
mon col de l’utérus s’est ouvert. Nous avons continué ce travail,
entrecoupé de moments où l’on consacrait notre attention aux
contractions, assimilées à des rushs, et à la respiration pour surfer
ces vagues d’énergie. Maintenant, je comprenais ce qu’elles
entendaient par énergie ! Je sentais vraiment des vagues monter en
moi et me traverser et je savais à quel point cet épisode de ma vie
était un moment de grâce. J’ai eu un sentiment de gratitude
renouvelé – envers les sages-femmes, envers David et Dieu qui
m’accompagnaient dans l’enfantement d’un bébé en bonne santé.
Joel est sorti en pleurant de colère comme pour dire : « Il était
temps ! » et nous avons tous ri. J’ai aimé tous ceux qui étaient
présents dans la pièce et j’ai tout de suite donné le sein à mon fils.
Quand je repense à ce jour, vingt-trois ans plus tard, je me rends
compte que cette expérience m’a enseigné à quel point la
manifestation de notre réalité « matérielle » est influencée par nos
pensées. J’ai découvert ce jour-là un nouvel instrument pour
observer le monde, et je continue de m’en servir. En fait, ma
vocation est d’enseigner aux gens à prendre conscience de leurs
pensées pour qu’à leur tour, ils puissent être les créateurs de leur
réalité. J’ai cessé de me plaindre, car j’ai compris à quel point cela
me mettait en colère et m’emplissait de reproches. J’essaie plutôt de
faire attention à mes pensées en pratiquant des exercices de
conscience. J’introduis des pensées positives, affirmatives et des
pensées de gratitude dans le fil de ma conscience. Je les dirige
comme un radeau filant sur les eaux vives d’un esprit agité.

La magie de la vie
le 13 mars 1990
par Tazio Qubeck
Ma belle-mère Nancy est médecin. Elle travaillait trois à quatre
jours par semaine quand elle était enceinte de mon frère. Elle avait
deux heures de trajet entre chez nous, à Waynesboro, et son travail.
Dans la famille, nous avions mis en place un roulement pour que
mon père ou moi l’accompagnions en voiture à son travail, vu qu’elle
était beaucoup trop enceinte pour être au volant. À une semaine de
la date qu’elle s’était fixée comme début de congé maternité, ce
rythme effréné commençait à nous user.
C’était mon tour d’accompagner Nancy à Nashville et je me
demandais ce qui se passerait si son travail se déclenchait alors que
j’étais avec elle. S’il démarrait, il était prévu qu’elle me bipe pour que
je la conduise jusqu’à chez nous, car elle voulait accoucher à la
maison. Par hasard, notre trajet tombait un jour de pleine lune et je
me disais que cela allait peut-être avoir une influence sur le
déclenchement de son travail. J’avais le pressentiment qu’un
évènement de taille nous attendait. Par chance, nous sommes
rentrées à la maison sans encombre et tout semblait paisible.
Steve mon père et Theron mon frère ont allumé les lampes à
pétrole et ont préparé un bon repas de truites et de poissons-chats,
fruits de leur pêche du jour. L’atmosphère était très agréable et
détendue, rehaussée par la lueur toujours magique de la pleine lune
qui filtrait à travers les fenêtres. Enfin, je me sentais à l’abri du
risque de devoir gérer l’accouchement de ma belle-mère. Sur le
chemin du retour, Nancy m’avait dit que chaque cahot de la voiture
lui déclenchait une contraction. Pourtant, en m’endormant ce soir-là,
la naissance était la dernière chose à laquelle j’aurais pensé.
À 6 h, j’ai été tirée d’un profond sommeil par des bruits de remue-
ménage qui venaient du rez-de-chaussée. Ma tante et ma cousine
s’empressaient et j’ai entendu quelqu’un parler des « sages-femmes
de The Farm ». J’ai tout de suite compris ce qui se passait. Le travail
de ma belle-mère démarrait avec trois semaines d’avance. Pendant
au moins cinq minutes, je suis restée au lit à essayer de me faire à
l’idée de cette nouvelle réalité. Je n’avais pas encore accepté l’idée
qu’un bébé allait vivre avec nous dans cette maison, encore moins
que j’allais le voir naître. Quand je suis descendue, tout était comme
dans un rêve et j’ai été absorbée par les préparatifs de la naissance.
Avant même que je m’en aperçoive, Nancy était sur son lit, prête à
accoucher.
Même si j’étais un peu nerveuse à l’idée d’assister pour la première
fois à un accouchement, je savais que j’allais apprécier l’expérience.
Ma mission était de prendre des photos, j’étais donc aux premières
loges. Dans un premier temps, j’ai eu du mal à me plonger dans
l’atmosphère de la naissance et je me suis sentie mal à l’aise mais,
petit à petit, ce sentiment est passé. J’ai commencé à me détendre
et à me sentir plus à l’aise derrière l’objectif. Tout semblait se passer
en douceur et je voyais le ventre de Nancy se métamorphoser sous
mes yeux. Le bébé était quasiment prêt à sortir.
C’est alors que j’ai vécu l’une des expériences les plus incroyables
de ma vie. Je me tenais au pied du lit quand la poche des eaux s’est
rompue et m’a trempée de la taille aux pieds. Vous parlez d’un
choc ! J’étais tellement surprise sur le coup que, pendant un instant,
je n’ai pas su quoi faire. La sensation d’un liquide corporel chaud,
répandu sur moi, aurait pu me donner la nausée, j’imagine, mais ça
ne m’a pas vraiment gênée. Je me suis changée en un éclair et je
suis revenue voir la suite de la naissance.
Je ne pense pas que beaucoup de gens se sont retrouvés trempés
suite à une rupture de poche des eaux, mais je ne crois pas que ce
soit la raison pour laquelle cette expérience a été si importante pour
moi. J’ai le sentiment que l’énergie qui unit les parents à leur enfant
m’a touchée, donnant un aspect spirituel à notre trio, Nancy, le bébé
et moi. Le temps d’un instant, j’ai été prise par la magie de la vie et
je baigne encore dans l’euphorie trois jours après. Une des
personnes présentes à la naissance a comparé le fait d’être trempée
par la rupture de la poche des eaux à un baptême, et c’est vrai que
c’est tout à fait comparable. Assister à une naissance est une
expérience tout à fait magique. Cela apporte un éclairage
merveilleux et très réaliste sur la vie. Cette expérience inhabituelle
m’a stupéfaite et a créé un souvenir sur lequel je peux toujours
revenir pour me remémorer l’intense énergie de vie que j’ai
ressentie. Je ne suis pas tout à fait sûre de savoir comment cela
m’affectera mais, pour l’heure, je suis reconnaissante du fait que
mon frère soit en bonne santé et que les liens qui unissent notre
famille se soient resserrés.
En 1974, dans le premier livre publié par notre communauté : Hey,
Beatnik ! This Is The Farm Book25, nous autres sages-femmes
proposions aux femmes qui envisageaient de se faire avorter de
venir accoucher à The Farm si elles étaient tentées par une
alternative qui comprenait des soins gratuits et l’opportunité, au
choix, de garder le bébé ou de le confier à des parents adoptifs. Je
n’avais pas le sentiment que l’avortement devrait être illégal, mais
j’avais l’impression que certaines femmes se tourneraient plus
volontiers vers une autre solution, si elle existait. Près de trois cents
femmes ont répondu à notre offre au cours des années où nous
avons été en mesure de la faire, parmi lesquelles un certain nombre
n’envisageait pas l’avortement, mais avait besoin d’un soutien
financier et/ou émotionnel. Rita, qui raconte son histoire ici, est l’une
d’entre elles.

La naissance de Harry
le 2 août 1976
par Rita Winningham

J’ai appelé The Farm en 1974 pour demander à l’une des sages-
femmes si je pouvais venir y accoucher de mon bébé. Presque
immédiatement, Mary Louise, de sa douce voix, m’a répondu oui. Il
n’a pas fallu me le dire deux fois. J’étais là, à New York, avec le
sentiment d’avoir été séduite et abandonnée. La moindre chanson
avec un refrain du genre « Il est parti et m’a quittée » me faisait
fondre en larmes. L’autre version de l’histoire devait être que j’étais
tout bonnement trop crédule.
Des amis qui m’ont vu broyer du noir, ne sachant ni où aller ni que
faire pour accoucher du bébé, m’ont parlé de The Farm. D’après la
description qu’ils m’en faisaient, j’avais l’impression que mes prières
avaient été entendues. Il ne m’a pas fallu longtemps pour me
débarrasser de mes robes en soie et de mes talons hauts, rendre les
livres en retard à la bibliothèque et donner mes chats. Une amie m’a
accompagnée en voiture jusque dans le Tennessee.
Soudain, nous étions en pleine campagne – la campagne
profonde. Ici, pas de Greenwich Village,26 de trottoirs ou de gratte-
ciel. Rien que des arbres et des champs. J’ai vite été invitée à passer
de l’accueil à une maison de taille modeste (pour The Farm, à
l’époque) connue sous le nom de The Hutch. Elle abritait trois
couples, sept jeunes enfants et une mère célibataire. Ils étaient tous
marrants et amicaux, honnêtes, espiègles et pleins de sagesse. J’ai
passé les premières semaines à apprendre comment faire des petits
pains, des biscuits et du pain de maïs, sans parler des tortillas.
Mais le principal, c’est que je suis allée à la maison de naissance
de The Farm, en consultation avec les sages-femmes. J’étais trop
ignorante sur l’état dans lequel je me trouvais pour avoir ne serait-ce
qu’un peu d’appréhension à l’idée d’accoucher. Je n’avais pas
vraiment prêté oreille aux histoires qui racontaient que c’était
douloureux. J’acceptais totalement l’approche de The Farm qui
concevait l’accouchement comme un rite de passage dont les
femmes ressortaient plus fortes. Cela avait du sens pour moi. En
toute franchise, les sages-femmes m’ont regardée sans ciller et
m’ont annoncé que, de ma vie, je n’avais jamais rien connu de plus
difficile et que je ne pouvais plus faire marche arrière. Ce n’était pas
un problème. J’étais là pour ça.
Je me suis forgée une idée de ce qui allait se passer pendant
l’accouchement en lisant les témoignages de naissances recueillis
dans Spiritual Midwifery.27 J’ai été particulièrement émue par les
histoires dans lesquelles un compagnon égoïste et sans égard pour
sa femme se transformait en un mari aimant en la voyant accoucher.
Cela peut paraître naïf, mais j’ai envoyé un exemplaire du livre à
mon amant aux abonnés absents dans l’espoir de le métamorphoser
en prince au cœur sensible. En vain. Toutefois, les témoignages
émouvants de femmes fortes et braves étaient stimulant.
Les gens avec qui je vivais se sont montrés d’une gentillesse et
d’une patience infinies. Ce que j’ai profondément apprécié, c’est que
les femmes mariées me laissent le loisir de bavarder avec leur mari.
Pas pour draguer, pas pour leur voler quoi que ce soit, mais
simplement parce qu’ils m’offraient la compagnie et l’attention
masculines dont une femme comme moi a besoin. Je me disais à
l’époque, et je le sais maintenant, que c’était incroyablement
généreux de leur part.
Un dimanche après-midi au début du mois d’août, après la grande
promenade que j’ai faite avec l’un des enfants pour aller chercher de
la nourriture pour chat, Susan, une sage-femme pleine de
perspicacité, m’a annoncé que mon heure était arrivée. La dilatation
avait commencé, mais n’était pas très avancée et Susan et Mary
Louise ont décidé que je pouvais prendre un bain. C’est pendant que
je paressais dans mon bain que le moment de vérité est arrivé. J’ai
commencé à avoir mal – rien de pire que de fortes douleurs
d’aérophagie – mais ce n’était pas facile. Je me suis dit : « Elles ne
t’ont pas laissé venir ici et ne t’ont pas donné tout ce soja à manger
pour que tu leur tapes une crise maintenant. Alors, prends ton
courage à deux mains. » Et c’est ce que j’ai fait.
C’est à ce moment-là que j’ai reçu un coup de fil de deux amis de
New York. Ils m’ont donné leur bénédiction, ce qui m’a beaucoup
aidée. Ensuite, on m’a accompagnée jusqu’au lit où j’allais
accoucher. La lumière était tamisée et l’ambiance paisible dans la
petite mezzanine. Quatre femmes fortes et bienveillantes étaient là,
à mes côtés. Elles m’encourageaient, riaient avec douceur et me
taquinaient. Mary Louise a dit les paroles magiques qui ont fait toute
la différence pour moi pendant le travail : « Tu es si bonne avec ce
bébé. »
Elle voulait dire qu’une attitude raisonnablement calme concourrait
à une naissance plus facile mais, avec ces mots, elle a effacé une
bonne partie des doutes et des inquiétudes que peut ressentir une
mère célibataire.
Je voguais au gré de la houle des contractions. Entre deux vagues,
je profitais de la pause pour m’assoupir quelques secondes et,
pendant ces instants furtifs, j’ai pu travailler sur les nombreux
sentiments d’attachement que je ressentais envers le père du bébé.
J’ai fini par atteindre un stade où je me suis sentie détachée de tout
ce que j’avais connu, en train de tourbillonner dans le cosmos. J’ai
demandé : « Quand est-ce que je vais arriver au moment où je suis
censée vomir et me fâcher ? » – qui est la description qu’on m’avait
faite de la phase de transition. Les sages-femmes ont ri et ont dit :
« Tu y es, là. »
Puis est arrivé le moment du vrai labeur – pousser. D’ordinaire, les
mots ne me manquent pas, mais là, je me suis retrouvée en train de
grogner : « Moi pas parler, moi pousser. » Grâce à l’usage généreux
d’huile et à un massage habile, Mary Louise m’a facilité le travail. Je
n’arrêtais pas de penser : « C’est elle qui fait tout le boulot. » Et
puis, Harry, mon garçon, mon ange, est venu au monde doucement,
lentement, gracieusement. Accueilli avec enthousiasme, il a porté
son regard bien alerte et conscient sur le monde qui l’entourait. Je
savourais toute cette approbation. Vu que je m’étais montrée sous
un jour si nerveux depuis mon arrivée en terre inconnue, au milieu
des bois, mes colocataires s’attendaient vraiment à ce que je flippe
et à ce que je fasse crise sur crise pendant l’accouchement. Ils
étaient donc épatés de me découvrir sous les traits d’une accouchée
si sereine. Avec le soutien de tant d’amour et d’affection
bienveillante, je ne pouvais pas me permettre d’être autrement.
Je suis convaincue que grâce à toute la bonté et la cordialité qui
m’ont soutenue et nourrie pendant tout ce temps, mon garçon,
Harry, a pu naître dans un véritable état de grâce. Cela a forgé son
caractère dès le premier instant. Je suis si reconnaissante envers cet
esprit communautaire.

La naissance de Mulci
le 13 octobre 1974
par Jeanne Madrid

(Jeanne Madrid est sage-femme certifiée en Floride.)


Mon premier bébé est né au cours des débuts de The Farm. Après
avoir passé un samedi après-midi en amoureux, pour couronner le
tout, Mark et moi avons pris un long bain chaud ensemble. Après
tous ces baisers et ce bon bain, j’ai commencé à ressentir des
picotements dans le bas du dos. Il n’a pas fallu longtemps avant que
ça devienne plus fort. J’ai décidé qu’il était temps d’appeler ma
chère amie, Mary Louise, l’une des sages-femmes de notre
communauté. Elle m’a avertie que le travail allait certainement
gagner en puissance encore et encore et m’a rassurée en me disant
que je serais en mesure de le supporter. Elle avait raison.
Elle nous a suggéré de prendre un peu de repos, car nous étions
déjà le soir et la nuit s’annonçait longue. C’était assez réconfortant
de me blottir contre mon homme, bercée par les crépitements du
feu dans le poêle à bois. Nous sommes sûrement tombés dans un
profond sommeil. Aux alentours de minuit, j’ai été réveillée par la
puissance des contractions, qui étaient de plus en plus fortes. Mary
Louise m’a examinée. Elle était surprise et ravie de m’annoncer que
j’étais quasiment prête à pousser.
Elle a appelé Ina May pour la tenir au courant, car les sages-
femmes travaillent en équipe. En attendant que les autres arrivent,
j’ai commencé à avoir la nausée, ce qui est assez courant pendant la
phase de transition. Mary Louise et Mark ont continué à me
réconforter. J’ai essayé de centrer mon attention sur toutes les
femmes qui, dans le monde entier, étaient en train d’accoucher, elles
aussi. Je savais simplement que je n’étais pas la seule.
Je ne me souviens pas d’avoir ressenti un besoin impérieux de
pousser. Je me souviens, en revanche, d’avoir beaucoup poussé et
beaucoup vomi. Aussi horrible que cela puisse paraître, vomir a son
utilité. Un bon haut-le-cœur tire sur le col de l’utérus pour l’ouvrir et
pousse le bébé à descendre, mais pas suffisamment pour qu’il sorte.
J’ai passé la plus grande partie de la nuit à pousser en position
semi-assise, en tirant mes genoux vers moi. Mark et Mary Louise se
sont relayés pour me soutenir au niveau du dos. Toute la nuit
durant, j’ai poussé, vomi, poussé, vomi. Tout ce que les sages-
femmes suggéraient, je l’essayais, mais il m’arrivait de le faire à
contrecœur, par fatigue pure et simple. Je n’étais pas épuisée, mais
j’étais fatiguée. Tout le monde voulait que je m’accroupisse. Oh, ce
que ça faisait mal ! Elles m’ont toutes encouragée quand je me suis
accroupie. Ina May et Mary Louise ont continué à m’examiner pour
savoir comment la descente du bébé progressait dans mon bassin.
Petit à petit, il y avait du progrès.
À un moment donné, Ina May a suggéré que je ne sois pas si
posée. Elle voulait que je sois plus athlétique et que j’essaie de
parler avec une voix plus grave. D’accord, ai-je pensé. Plus jeune,
j’avais été nageuse de compétition, bonne en endurance.
Maintenant, je me remémorais en partie mon entraînement de
nageuse : canaliser mon énergie pour garder le contrôle, établir une
allure et se bouger les fesses pour la dernière étape. À l’église,
j’avais chanté aussi bien en soprano qu’en alto dans le chœur, mais
pour la naissance du bébé, j’ai penché vers mon côté alto. J’ai mis
les bouchées doubles et j’ai continué comme ça toute la nuit.
À l’aube, j’ai pensé : « Bon, le jour se lève et j’en ai marre. Est-ce
que tout ceci a une fin ? Allez-y, coupez-moi et aidez mon bébé à
sortir. » Oups ! Je suis en train de me plaindre. Je sais que ça ne me
mènera nul part.
Quelqu’un m’a donné un bonbon rayé à la menthe et il est resté
dans mon estomac. Mark et les sages-femmes ont continué à me
masser pour libérer mon corps de ses tensions. Un peu de sucre et
d’amour peuvent faire des miracles.
Ensuite, j’ai entendu Ina May dire qu’il allait bientôt falloir qu’elle
parte chercher son mari. Là, ça suffisait. J’ai décidé d’accoucher
avant qu’elle ne parte. J’étais résolue. Pendant que je poussais de
toutes mes forces, Ina May m’a aidée, de l’intérieur, en s’efforçant
de pousser avec ses mains pour ouvrir mon bassin. Mark et moi,
nous nous souvenons tous les deux d’avoir entendu le grincement
que les os de mon bassin ont fait en s’écartant pendant cette
poussée. La tête du bébé a continué à descendre, les sages-femmes
m’encourageaient à chaque poussée : « On voit la tête du bébé. On
t’aime. Regarde, tu peux voir la tête de ton bébé dans le miroir. »
Enfin, moi aussi je voyais sa tête et je sentais sa chaleur en la
touchant. Quelle sensation et quelle vision magnifiques. Elle était
réelle. Ça me brûlait, mais peu m’importait. J’étais tellement
contente. Ina May a soulagé la sensation de brûlure en s’huilant les
mains pour en soutenir mes tissus étirés.
À la contraction suivante, j’ai pris une grande inspiration, j’ai
empoigné mes genoux, j’ai rejeté ma tête en arrière et j’ai rugi aussi
fort que j’ai pu. Sa tête sortait. Mark m’a remonté la tête juste à
temps pour voir son corps sortir comme un boulet de canon. Une
fille, c’est bien ce que je pensais. C’était la meilleure sensation de
toute ma vie. Elle était si belle et si mignonne. Les sages-femmes
l’ont emmitouflée de manière attentionnée et nous ont assuré qu’elle
allait bien. Peu de temps après, elle était blottie dans mes bras. Elle
était si parfaite et si forte. Tout ce long travail en valait la peine.
Les sages-femmes ont veillé sur nous jusqu’à ce qu’elles soient
certaines que l’une et l’autre nous allions bien et n’avions besoin de
rien. Mark et moi avons fait la sieste avec notre précieux petit bébé
blotti entre nous deux. Nous avons caressé sa douce petite tête
duveteuse en nous endormant. Lorsque nous nous sommes réveillés,
nous avons découvert que sa tête était miraculeusement bien ronde.
C’était dimanche et nous avions été bénis. Nous l’avons prénommée
Mulci, en souvenir de l’arrière-grand-mère de Mark.

La naissance de Robin
le 24 juillet 1983
par Susy Jenkins Viavant

Nous avons emménagé à The Farm deux mois avant la naissance


de mon fils. J’ai décidé d’accoucher là-bas parce qu’avant mon
mariage, j’avais vécu au sein de cette communauté où j’avais passé
mes dernières années d’adolescente, entourée d’enfants nés
naturellement. Mes amies avaient toutes accouché à The Farm de
manière naturelle.
Quand le travail a commencé vers 1 heure, je me suis réveillée
avec de sérieuses contractions et j’ai demandé à Chris d’appeler les
sages-femmes. Ruth est arrivée sur le champ et a commencé à
préparer le lit. Pamela, ma bonne amie sage-femme était présente
aussi, elle me guidait et m’apportait son soutien. J’ai perdu les eaux
pendant un de ces haut-le-cœur que j’avais eus tout au long de ma
grossesse.
À environ huit centimètres de dilatation, je regrettais de m’être
embarquée dans tout ça. Et puis, j’ai compris qu’il fallait que je
garde mon attention sur le fait de rester ouverte, de mon esprit
jusqu’à mon col de l’utérus, pour être comme un canal par lequel
l’énergie de vie pouvait passer.
Tout ce que je voulais, c’était pousser et faire quelque chose pour
me sortir de cette situation. J’étais résolue à avoir ce bébé
rapidement parce que je n’avais pas envie de pousser sous le
cagnard du Tennessee. Je voulais le mettre au monde avant que la
chaleur ne se lève. Chris m’a aidée en s’asseyant derrière moi et en
calant les articulations de ses doigts dans le creux de mes reins
pendant que je m’appuyais sur lui. Il frottait et les contractions ont
gardé leur puissance. J’avais invité toutes mes meilleures amies à
venir fêter « la sortie », mais mon attention était surtout rivée sur
Ina May qui m’examinait, respirait avec moi et me tenait au courant
des progrès que je faisais. Elle faisait un très bon guide et elle me
disait de faire confiance à mon corps, qu’il ne ferait rien qu’il ne soit
capable de supporter.
Pamela m’a aussi donné de bons conseils en me disant de souffler
à partir de mon diaphragme pendant les contractions pour relâcher
un peu la tension que je ressentais dans les reins. Quand, deux
heures plus tard, je suis arrivée à dix centimètres de dilatation,
j’étais prête à pousser. Je me suis donnée à fond pendant quarante-
cinq minutes. Finalement, quand la tête de Robin est sortie, il était
alerte et regardait autour de lui. Les sages-femmes voulaient que je
regarde sa tête dans le miroir. J’avais tellement hâte d’être enfin
soulagée que tout ce que je voulais c’était pousser et, dans une
grande éclaboussure, il est sorti tout entier. Elles l’ont mis sur mon
ventre et Chris a coupé le cordon. Robin était là à me regarder et à
tenir le doigt de son père. Hors du temps, nous sommes restés
allongés, émerveillés par l’incroyable périple que nous venions
d’accomplir, prêts à embarquer pour un autre incroyable voyage pour
le reste de notre vie.
La naissance de Vanessa
21 janvier 1990
par Susy Jenkins Viavant

Après avoir eu Robin à The Farm, nous avons déménagé vers


l’ouest des États-Unis. J’aurais adoré revenir à The Farm pour
accoucher de Vanessa, mais ce n’était pas pratique pour nous à
l’époque. Après avoir accouché de mon premier bébé dans un chalet
au milieu des bois du Tennessee, j’étais effrayée à l’idée d’accoucher
de mon deuxième à l’hôpital, d’autant plus que la première
expérience avait été si extraordinaire. La relation de confiance que
j’avais eue avec les sages-femmes me manquait. Même si je savais
que dans le cadre de notre nouvelle assurance santé, mon
accouchement allait être pris en charge par une sage-femme, il était
impossible de prévoir laquelle serait de garde au moment de
l’accouchement. Cette contrainte semblait rendre impossible
l’instauration d’une relation de confiance.
Comme nous venions tout juste de souscrire à cette assurance, ma
première visite avec une sage-femme eut lieu seulement trois
semaines avant mon accouchement. À trois centimètres de
dilatation, je n’avais encore rencontré qu’une seule des sages-
femmes du groupe. Ne sachant pas qui allait m’accompagner, je ne
me sentais pas en sécurité. J’avais peur de devoir me battre bec et
ongles pour ne pas avoir de lavement ou de perfusion. Et surtout, je
ne voulais pas être transférée de la salle de travail à la salle de
naissance au moment où la tête du bébé commencerait à poindre.
Après mon premier accouchement, je savais, par expérience, à quel
point je serais impatiente à ce stade.
Nous avons suivi un cours de préparation à l’accouchement
naturel. Pendant le cours, nous nous sommes présentés et avons
parlé de la naissance de notre premier bébé. Lorsque nous avons
raconté qu’il était né dans le Tennessee, après trois heures de travail
seulement, dans un chalet au milieu des bois, tout le monde a été
choqué. L’animatrice a déclaré qu’il n’était pas « normal »
d’accoucher d’un premier bébé en si peu de temps et a conseillé aux
autres de ne pas s’y attendre. C’était comme si elle leur enfonçait
dans le crâne que l’accouchement allait être une expérience très
douloureuse, longue et traumatisante. J’étais heureuse d’avoir vécu
une première expérience qui m’avait enseigné qu’il pouvait en être
autrement. Si je ne l’avais pas su, j’aurais peut-être cru cette femme.
Je pense que j’aurais été très tendue de m’attendre au pire.
Le travail a commencé avec la rupture de la poche des eaux. Je
n’avais pas de contractions. J’ai appelé l’hôpital, j’étais déprimée
parce que ma baby shower28 était prévue pour le lendemain. En
précisant que je n’avais pas de contractions, j’ai demandé s’il fallait
que je passe à l’hôpital. Ils m’ont répondu qu’il fallait que je vienne
et que je m’attende à rester.
Une heure plus tard, j’ai commencé à avoir des crampes légères,
comme pendant les règles. Nous sommes partis à l’hôpital. Quand ils
m’ont examinée, ils m’ont dit que c’était une bonne chose que je
sois venue, car j’étais déjà à huit centimètres de dilatation. Pour
l’instant, je n’avais encore que de légères contractions. La tête du
bébé était toujours haut dans le canal de naissance. J’ai demandé à
aller en salle nature,29 mais on m’a répondu qu’il fallait d’abord
vérifier que je remplissais les critères. La sage-femme qui s’occupait
de moi, Alicia, est entrée dans la pièce et m’a demandé si j’avais
accouché de mon premier bébé à The Farm. J’ai répondu par
l’affirmative et je lui ai demandé comment elle le savait. Elle avait
remarqué dans mon dossier que je n’avais pas été hospitalisée et
que j’avais accouché à Summertown dans le Tennessee, c’est
comme ça qu’elle avait fait le rapprochement. Je lui ai demandé
comment elle connaissait The Farm et elle m’a dit qu’elle avait
travaillé sur le livre d’Ina May, Spiritual Midwifery.30 Elle a ajouté qu’il
été sa planche de salut pendant ses années d’études d’infirmière,
prérequis des études de sage-femme hospitalière.31 Elle savait
maintenant à quel type d’accompagnement j’étais habituée et elle
m’a fait transférer immédiatement en salle nature. Elle a tout
expliqué à la sage-femme et, à aucun moment, elles n’ont essayé de
me faire un lavement ou de me mettre sous perf. Ne pas avoir à me
battre sur les conditions dans lesquelles j’allais donner naissance à
mon bébé m’a apporté un immense soulagement. Je suis certaine
que cela m’a permis d’être plus sereine pendant l’accouchement,
raison pour laquelle j’ai sans doute accouché plus rapidement et
avec plus de plaisir.
À minuit, j’ai ressenti une sensation de mouvement. Chris est allé
chercher Alicia qui a déclaré que j’étais à dix centimètres.
J’entendais la sage-femme crier dans la salle d’à côté : « Allez, on
pousse ! On pousse ! » J’ai ensuite dit à Alicia que je n’allais pas
attendre l’arrivée de la sage-femme et que cela m’allait très bien que
ce soit elle qui accueille le bébé. À ce stade, j’avais instauré une
grande relation de confiance avec elle. Elle m’a répondu : « Eh bien,
c’est exactement ce qui va se passer, alors allez-y, poussez un
peu ! » J’ai commencé à pousser et la sage-femme est arrivée en
courant, s’est lavé les mains et a attrapé le bébé après seulement
trois poussées. Une petite fille, née quatre minutes après minuit !
J’avais espéré que ce soit une fille. Chris et moi étions si excités.
Malgré ses 3,8 kg et son bras par-dessus la tête, je n’ai pas eu la
moindre déchirure. Elle était belle, avec des cheveux noir de jais et
elle ressemblait à un bébé eskimo. Elles l’ont laissée avec moi
pendant près d’une heure avant de lui donner un bain, ce qui nous a
laissé amplement le temps de nous attacher l’une à l’autre. Elle est
restée dans la chambre avec nous toute la nuit et nous avons quitté
l’hôpital le lendemain.
Alicia et la sage-femme ont toutes les deux fait remarquer qu’elles
pensaient que mon attitude m’avait permis d’accoucher facilement et
qu’elles aimeraient que toutes les naissances se passent aussi bien.
J’attribue mon attitude à l’expérience de vie que j’ai eue à The Farm,
entourée d’enfants nés naturellement et de gens qui considèrent la
naissance comme un processus normal, physiologique.

L’histoire de Lois
le 7 mai 1977
par Lois Stephens
Je mets, au moins en grande partie, le fait d’avoir eu des
accouchements rapides et faciles sur le compte des séances de
visualisation que j’ai faites quotidiennement pendant ma grossesse.
Chaque soir, au moment de m’endormir, surtout pendant le troisième
trimestre, je me représentais les changements que mon corps aurait
besoin de faire pour que mon col de l’utérus s’ouvre. (J’étais plutôt
bien informée sur le processus physiologique de la naissance.)
Allongée au lit, je m’imaginais en travail, en train d’encourager les
sensations et d’accueillir le processus d’ouverture. Je visualisais la
tête du bébé en train d’appuyer sur le col de l’utérus qui s’ouvrait
régulièrement. Comme à l’époque où je vivais à The Farm j’avais
découvert le pouvoir des mots, je savais que pendant le travail, il me
serait possible de dire « tout ce que je veux, c’est m’ouvrir » ou bien
« j’accepte cette sensation », et que l’affirmation formulée pouvait
se réaliser.
J’étais incroyablement chanceuse d’avoir vécu à The Farm pendant
les années où tant de bébés y naissaient et d’avoir été l’amie de
toutes ces femmes qui glorifiaient leur accouchement. C’était la
seule réalité que je connaissais. Je n’ai pas eu à faire le tri dans les
messages subliminaux empreints de confusion et de fantasmes que
les médias, la famille, les amis et les autres véhiculent de nos jours.
Je n’ai jamais ressenti de peur à l’égard de l’accouchement à
domicile, mais à l’égard de l’accouchement à l’hôpital par contre, si.
J’éprouvais une confiance sans réserve envers nos sages-femmes.
C’est très important d’avoir confiance en sa sage-femme ou son
praticien. D’ailleurs, il est essentiel que seules soient présentes à
l’accouchement des personnes que l’on connaît et en qui l’on a
confiance et, inversement, d’éviter d’être en contact avec des
personnes que l’on ne connaît pas ou en qui l’on n’a pas confiance.
Quand mon travail a commencé, les contractions arrivaient, l’une
après l’autre, comme des vagues. Elles prenaient de plus en plus de
force et finissaient par culminer, puis elles s’estompaient doucement
avant de revenir progressivement. Je n’arrêtais pas de me dire des
trucs du genre : « Je veux que ça devienne plus fort. C’est pour mon
bébé. Je veux m’ouvrir. » Aussitôt que j’avais intégré un degré, ça
devenait plus fort. Dans la foulée, je devais repousser mes limites
pour intégrer la contraction suivante. Il ne fallait pas que je décroche
un instant.
Comme je n’étais qu’à trois centimètres de dilatation, Mary est
partie pour passer un peu de temps avec son mari et m’a dit qu’elle
allait revenir plus tard. L’une des sages-femmes assistante est restée
avec moi. Quand elle m’a examinée à nouveau, j’étais passée de
trois à sept centimètres de dilatation et nous avons appelé Mary sur-
le-champ. Cela a mobilisé toute mon attention d’intégrer les
contractions en respirant aussi doucement et profondément que
possible. Quand j’y arrivais vraiment, elles ne me faisaient pas mal.
Elles étaient puissantes et pures.
Mary n’a pas tardé à être de retour. Elle m’a dit que je devrais
laisser Thomas me toucher davantage. Elle avait remarqué que
j’étais irritable à son égard dans ce domaine. J’ai dit « Ouais » et
tout le monde a ri. J’étais reconnaissante que ces belles femmes
m’aident à traverser cette expérience remarquable.
À un moment donné, Mary a dit : « C’est la partie la plus
costaud » et je me suis dit que si c’était ça le plus difficile, je pouvais
le faire. J’ai commencé à avoir envie de pousser avant d’être arrivée
à dilatation complète. Je me suis penchée en avant. Peu après, j’ai
senti la tête du bébé s’engager dans le canal de naissance. Mon
corps a tout simplement pris le dessus quand j’ai commencé à
pousser et j’ai adoré ça ! En poussant, de puissants grognements
graves sont sortis de ma gorge. Je n’ai même pas fait ces bruits de
manière intentionnelle. Il n’a pas fallu longtemps pour que les sages-
femmes voient sa tête poindre. Il est sorti doucement avec la
bouche grande ouverte. Je l’ai bien regardé. Après que Mary eut
vérifié qu’il n’avait pas de tour de cordon, j’ai juste poussé un coup
et il a glissé tout entier. J’avais une telle hâte de le tenir. Et voilà qu’il
était sur mon ventre. J’ai posé mes mains sur lui et un flot d’amour
nous a inondés. Je l’ai regardé et il a souri. Je me sentais chanceuse
et plus heureuse que jamais.
Sortir du désespoir
32
par Charmaine O’Leary

L’histoire de ma grossesse remonte à plusieurs années avant la


naissance de ma fille aînée. Avant d’attaquer un troisième cycle à la
fac, j’ai pris des vacances dans le Vermont pour mon dernier été de
libre. J’ai passé la meilleure partie de l’été perchée dans une cabane
dans les arbres, en compagnie d’un homme merveilleux qui
m’enseignait l’italien. Jusque-là, j’avais toujours été infaillible en
matière de contraception mais, d’une manière ou d’une autre, je suis
devenue négligente et je me suis retrouvée avec la ferme intuition
que je venais de tomber enceinte.
L’idée de mettre un bébé au monde à ce stade de ma vie était
hors de question pour moi. Cependant, en faisant route vers le Sud
pour me faire avorter, je sentais en moi la présence du bébé.
Quelque part, au fond de moi, j’étais probablement en train de
discuter avec lui. Mes espoirs et mes rêves étaient de trouver un
jour une tribu dont les individus partageraient des affinités, une tribu
qui en saurait long sur les bébés et, alors, j’essaierais de faire
revenir ce bébé. J’espérais sincèrement que les choses se feraient
ainsi, car la douleur de devoir me faire avorter était insupportable.
Tout a fonctionné exactement comme je l’avais espéré. Juste après
mon doctorat, j’ai commencé à enseigner à l’université. Des amis
intimes qui étaient en fac de cinéma avaient entendu parler d’une
communauté intuitive où les gens parlaient vrai, étaient végétariens
et faisaient naître eux-mêmes leurs bébés. Il ne m’a pas fallu
longtemps pour me rendre à The Farm et me joindre à la
communauté.
J’ai fait la connaissance de mon futur mari au cours de cette
première visite. Il donnait l’impression d’être entier et passionné, et
nous avons commencé à sortir ensemble peu de temps après mon
emménagement dans la communauté. Je me souviens de l’avoir vu
sous bien des facettes, y compris sous celle d’un jeune garçon en
colère. Mais, je me sentais dans l’air du temps et pleine d’assurance
d’avoir eu, en quelque sorte, la vision de cette fabuleuse
communauté dans mes rêves. Je pensais que rien ne pouvait aller de
travers. J’avais le vent en poupe et puis je me disais que je pourrais
l’aider à changer.
Je suis tombée enceinte sans tarder et je me souviens m’être
sentie bénie de porter ce bébé. J’étais enceinte de trois mois et en
visite chez mes beaux-parents quand il est apparu évident que le
père de mon bébé et moi avions une conception très différente de
l’existence. Notre relation a pris une tournure définitivement
conflictuelle à partir de ce moment-là.
Les sages-femmes semblaient très conscientes que notre relation
était bancale. Pourtant, ce n’était que l’un des nombreux aspects sur
lesquels j’étais dans le déni ; l’avortement quelques années
auparavant en était un autre. La grossesse s’est déroulée sans
problème, mais au fur et à mesure que le bébé grandissait, un
sentiment étrange a commencé à me hanter, celui de ne pas être
digne d’être mère ou de ne pas y être prête.
L’accouchement en lui-même a marqué une pause agréable dans
notre relation, qui n’était plus faite que de malentendus et de prises
de tête. Les douze heures de travail ont été pour moi un moment
magique où je me suis sentie en connexion. J’avais le sentiment fort
d’être en lien avec toutes les femmes qui avaient donné la vie avant
moi. À chaque stade, je m’émerveillais devant l’élasticité et la
puissance des changements qui affectaient mon corps.
Les sages-femmes dormaient à l’arrière de notre car scolaire
douillettement aménagé et je sentais leur douce présence. C’était
comme s’il y avait des anges dans l’air. Tout ce que j’avais à faire,
c’était avoir confiance en ma capacité à supporter ce que mon corps
offrait et tout irait bien. J’ai passé la plus grande partie de la nuit,
alors que tout le monde dormait, à imaginer que je méditais au
milieu d’une nuée de moustiques qui me piquaient. Je trouve
intéressant de constater qu’on a tendance à s’appuyer sur des forces
dont on a déjà testé la résistance. On ne sait jamais ce qui va nous
tirer d’affaire.
Pousser le bébé a tourné à la grosse fête. Les trois sages-femmes
et mon mari meuglaient comme des vaches à chaque poussée et ils
m’ont fait meugler aussi, c’était vraiment drôle. Le bébé est sorti
plutôt bleu et inerte. Pendant que ma sage-femme le secouait et le
tripotait, j’ai senti que peut-être il n’allait pas bien. À ce stade, je me
suis complètement détachée de mon corps et ce que j’ai vu ensuite,
je l’ai vécu du dessus, en regardant vers le bas. Ma belle sage-
femme s’est penchée avec grâce sur mon enfant et a insufflé deux
expirations dans sa bouche. Ma fille s’est animée en un instant et,
d’une teinte bleue, son corps a pris une teinte rose qui, à partir du
cœur, a irradié jusque dans ses extrémités.
À la surprise générale, l’enfant, qui ne respirait même pas
quelques secondes auparavant, paraissait extrêmement alerte. Elle
semblait tendre le cou pour voir tous ceux qui étaient dans la pièce.
Je me souviens d’avoir demandé à tout le monde de ne pas
s’empresser de la laver. Je voulais savourer ce moment où elle était
encore imprégnée des liquides de naissance aussi longtemps que
possible. Nous sommes restés longtemps comme ça. Je me souviens
d’avoir ressenti une gratitude immense d’avoir eu la chance de
trouver les quelques personnes dans ce pays qui avaient compris la
sacralité de la naissance à la maison.
Les dépressions post-partum étaient rares à The Farm. Je pense
que les soins attentifs prodigués par les sages-femmes dans les
semaines qui suivaient l’accouchement aidaient à prévenir cette
complication. J’ai été victime d’un cas de dépression grave du post-
partum qui a débuté environ sept mois après la naissance de mon
enfant. (Je n’étais pas à The Farm à ce moment-là.) Je raconte notre
histoire pour donner du courage à toute personne susceptible de
traverser cette épreuve. C’est un trouble très effrayant, mais qui se
soigne très bien.
J’ai toujours été quelqu’un de très intuitif. J’ai une grande
confiance en mon intuition et cela m’a toujours bien servie. En fait,
j’aime me mettre dans des situations aventureuses qui font travailler
mon intuition, comme faire du stop pour des destinations éloignées,
partir toute seule pour de longs périples en Europe et plus loin
encore, et même, à l’occasion, voyager dans des trains de
marchandises. La vie est une grande aventure qui réclame notre
confiance et se savoure pleinement.
Je n’aurais jamais imaginé ne pas faire confiance à cette petite
voix à l’intérieur de moi. Elle avait toujours été si fiable. Pourtant, à
l’époque où mon bébé est né, certaines circonstances m’ont amenée
à écouter une voix qui ne me guidait vraiment pas sur le droit
chemin. Cette voix était pleine de colère, de méchanceté et de
noirceur. Je pense que mon incapacité à détecter que cette petite
voix m’égarait tenait en grande partie au fait que j’avais le sentiment
de ne pas mériter d’être mère puisque j’avais tué mon premier bébé
en avortant. J’avais l’impression qu’on allait me prendre cet enfant
pour me punir. Tout ceci était alors inconscient, car jamais il ne m’est
arrivé de penser à l’avortement à cette époque. Ce n’est que bien
des années plus tard que j’y ai repensé.
J’ai commencé à me replier sur moi-même. Au fur et à mesure que
cette voix dans ma tête prenait des proportions énormes, j’ai
commencé à croire que j’entendais la voix de Dieu. Pourtant, Dieu
me demandait de faire des choses horribles à mon bébé. Je me
souviens d’avoir passé plus d’une nuit à la tenir tandis que,
complètement terrorisée, j’étais harcelée par cette voix intérieure,
mais forte, qui me répétait d’avoir confiance en Dieu et de faire du
mal à ma chère petite fille. Je ne pouvais parler à personne de cette
bataille désespérée qui faisait rage dans ma tête depuis des mois.
Ma mère est venue me rendre visite et était horrifiée de l’état dans
lequel je me trouvais. Les symptômes visibles de la maladie n’étaient
pour l’essentiel qu’un regard très terrifiant et une façon raide de
bouger et de réagir, mais ma mère savait qu’il y avait quelque chose
qui clochait terriblement. Elle n’arrêtait pas de dire : « Tu n’es pas
toi-même. »
J’ai gardé secret mon tourment intérieur et me suis raccrochée à
mon bébé de toutes mes forces. Après des mois et des mois de
culpabilité implacable, j’ai décidé de mettre fin à mes jours. Alors, au
moins, je ne pourrais pas faire de mal à mon bébé. J’ai fini par faire
un séjour dans un hôpital psychiatrique après cette tentative – par
chance – ratée. C’est là qu’une patiente m’a fait remarquer que mon
mariage avait l’air d’être un fiasco et m’a demandé s’il ne valait pas
mieux que je trace ma propre route et que je m’en libère. Cette
remarque a fait tomber un voile, et à partir du moment où j’ai été
consciente de ce premier déni, j’ai pu commencer à sortir du
désespoir.
Le retour à la santé a été long et difficile. J’avais besoin d’aide
pour mon bébé ; un couple d’une grande gentillesse s’est occupé
d’elle pendant un temps et elle a prospéré auprès d’eux. Je suis allée
séjourner dans un foyer où les gens croyaient sincèrement qu’une
personne peut changer et j’ai commencé à changer petit à petit, au
quotidien. Je me disais que chaque jour était comme une naissance
et que j’étais un être nouveau. J’ai beaucoup balayé le sol et j’ai fait
plein d’autres tâches ménagères pour faire en sorte d’aider, ne
serait-ce qu’un petit peu. Finalement, j’ai fini par apprendre à
discerner et identifier les pensées négatives et à les éloigner de mon
esprit. Après des mois passés à éliminer cette voix critique de mon
esprit, j’ai fait des progrès. J’ai lu sur la nutrition et j’ai découvert
que je souffrais d’une carence en vitamines B. Combler cette carence
a été d’un grand secours.
Un atout intéressant est venu me récompenser d’avoir connu ce
trouble si effrayant : je pouvais déceler la dépression du post-partum
chez les autres. J’ai pu travailler avec les femmes qui souffrent de ce
trouble avec un certain succès, car j’étais la preuve vivante qu’on
pouvait en guérir. Une expression semble attirer l’attention d’une
femme qui souffre de ce trouble. Il suffit de lui demander si elle vit
une expérience sur le « plan mythique ». C’est l’endroit où le bien et
le mal se livrent bataille. Dieu et le diable sont des entités très
réelles sur ce plan de la réalité. La marche à suivre pour sortir de ce
plan mythique fait appel à la volonté. Le problème, c’est que
beaucoup de gens n’ont pas de mots pour décrire cette expérience.
Un autre problème est que ce plan mythique peut être séduisant et il
m’est arrivé de rencontrer des femmes qui le préfèrent à la réalité,
parce qu’il peut être divertissant et magique. Ces femmes ont besoin
qu’on leur fasse entendre raison pour leur propre sauvegarde et celle
de leurs enfants.
La guérison totale de mon trouble n’est survenue que des années
plus tard. Ma fille était âgée de huit ans et elle était en train de me
regarder prendre mon bain. C’est alors qu’elle m’a demandé si j’avais
eu d’autres enfants avant elle. Je lui ai parlé en toute honnêteté de
l’avortement. À ma grande surprise, elle a dit très simplement :
« Maman, c’était moi. » Je me souviens avoir senti les poils se
hérisser sur mes bras en lui demandant de me pardonner. Elle m’a
serrée dans ses bras et m’a dit d’un ton désinvolte qu’il n’y avait
aucun problème, qu’à l’époque je n’étais pas encore prête à
l’accueillir. J’ai ressenti un étrange soulagement ce soir-là quand elle
est sortie de la salle de bains.

De passage

La plupart des gens qui sont venus d’un autre État pour accoucher
à The Farm s’étaient, à l’origine, organisés pour accoucher plus près
de chez eux. Le fait que des personnes sensées et bien informées
fassent le choix d’un tel revirement dans leurs projets en cours de
grossesse révèle que l’on n’offre toujours pas aux femmes un large
éventail de choix en matière d’accouchement. Les témoignages
suivants ont été écrits par celles et ceux qui, pour diverses raisons,
ont pensé qu’il valait la peine de faire le déplacement jusqu’à un lieu
de naissance où ils se sentaient en sécurité.
Notre règle d’or pour accompagner l’accouchement d’une femme
est de la laisser choisir comment accoucher. En tant que sages-
femmes, nous n’avons pas de position que nous préférons que la
mère adopte pendant le travail ou l’expulsion. De temps à autre, il
arrive qu’une mère choisisse une position qui n’avantage pas la
progression du travail et alors seulement, nous lui en suggérons une
autre pour que son travail continue à progresser avant qu’elle
n’arrive à épuisement.

La naissance de Sebastian
le 12 juillet 1986
par Ellen Coss
Je me rappelle m’être réveillée avec la sensation de dériver sur les
flots. J’ai jeté un œil sur le réveil : 4 h 15 et une autre vague a
déferlé. Cinq minutes plus tard, la sensation a culminé et, d’un coup,
j’ai compris que mon travail avait enfin commencé.
J’ai réveillé Tom et j’ai appelé Deborah, en essayant de rassembler
mes esprits à toute vitesse. La seule chose à laquelle je pouvais
penser, c’était à ce bébé que j’allais bientôt rencontrer. Deborah est
arrivée et m’a conseillé de continuer mes activités. Tom et moi
sommes allés nous promener jusqu’à la baignade, nous avons joué
un peu au basket et nous avons essayé de ne pas trop nous
emballer à l’idée que je sois en début de travail.
Le soir venu, mon travail continuait à plein régime. Je continuais à
marcher, mais j’avais le pas lourd maintenant. J’arpentais
furieusement la pièce avant de m’appuyer lourdement sur Tom ou de
me jeter la tête la première sur le canapé.
Vers minuit, Deborah est partie chercher quelques affaires et Tom
s’est endormi. Livrée à moi-même, j’ai fait les cent pas et j’ai fini par
me diriger vers la baignoire où je me suis assise en faisant couler de
l’eau chaude sur mon corps. Quand Deborah est revenue, je suis
allée sur le lit et elle m’a massé le dos, ce qui m’a relaxée au point
de me plonger dans un demi-sommeil.
Peu après, j’étais de retour dans la baignoire et Deborah veillait
sur moi. J’étais tellement crevée qu’elle avait peur que je m’endorme
dans le bain. Finalement, je me suis sentie suffisamment calme pour
pouvoir essayer de dormir encore. Armée d’un coussin chauffant
pour mon dos, je suis donc retournée me coucher, pour dormir bien
sûr.
Vers 3 h, j’ai perdu les eaux. J’étais si stupéfaite par le flot qui
s’écoulait que je me suis mise à danser. Plus surprenante encore
était la force de mon travail après la rupture de la poche des eaux.
Mon premier réflexe a été de me recroqueviller sur le lit, le visage
enfoui dans les oreillers. Deborah, elle, avait d’autres projets. Elle
m’a envoyée arpenter les couloirs, avec, pour seules pauses, les
encouragements et les massages qu’elle et Tom me prodiguaient. À
peu près à ce moment-là, Joanne a fait son apparition pour relayer
Deborah. Elle et Tom ont essayé de ne pas me laisser sombrer dans
la folie pendant que je hurlais, que je grognais et que je marchais.
Arrivée à huit centimètres et demi, je voulais pousser. Joanne m’a
dit que mon col était enflé et qu’il ne fallait pas que je pousse avant
son signal. Deborah s’est réveillée à ce moment-là et a pris la relève.
Ina May est aussi arrivée et m’a redonné des forces. Elles m’ont
toutes dit de garder le visage détendu, les yeux ouverts et, pendant
les moments les plus intenses, de faire vibrer mes lèvres quand
j’expirais. J’avais l’impression d’être un chameau, mais le truc
fonctionnait. Pendant que je les regardais dans les yeux, nous
respirions calmement de concert et l’inconfort s’évanouissait. Elles
m’ont toutes donné beaucoup de courage.
Puis est arrivé le moment de pousser. Quelle sensation
merveilleuse ! J’étais tellement contente d’avoir quelque chose à
faire. J’ai tourné comme une folle pendant quelques instants avant
de finir par m’accroupir auprès du lit. Au bout de deux ou trois
bonnes poussées, j’ai bondi sur le lit. J’avais l’impression que j’allais
me fendre en deux, mais bizarrement ça n’avait pas d’importance.
Tout ce qui comptait, c’était de faire sortir ce bébé.
En regardant dans un miroir, j’ai vu une petite bosse violacée faire
son apparition et se transformer en une énorme tête, toute couverte
de cheveux noirs. Les épaules du bébé sont sorties en même temps
au lieu de l’une après l’autre mais, vu la position dans laquelle j’étais
(à quatre pattes), il n’est pas resté coincé. Tout à coup, le bébé tout
entier a glissé hors de moi – un garçon en bonne santé, indemne.
D’une manière ou d’une autre, elles se sont occupées de moi, le
bébé dans les bras. J’ai cherché quelque chose de magistral à dire,
mais les mots ne sont pas venus, juste une joie indicible, du genre à
embraser mon âme d’amour pour notre fils : Sebastian.

Un moment miraculeux
le 23 décembre 1986
par Rebecca Salonsky
Quand j’ai découvert que j’étais enceinte, je suis allée consulter
mon gynécologue. J’étais tout excitée et j’avais un tas de questions
à propos de la naissance. Je voulais connaître le pourcentage
d’épisiotomies et de césariennes qu’il avait pratiquées. Il ne l’avait
pas sous la main, mais j’ai insisté pour qu’il me donne une
estimation de tête. Avec un taux de 66 % de césariennes et 80 %
d’épisiotomies, je me sentais comme un poulet affolé avant
l’abattage. Naturellement, j’ai commencé à chercher une alternative.
Après deux ou trois visites à The Farm, j’accordais à mes sages-
femmes et à l’accouchement physiologique toute la confiance dont
j’avais besoin. Elles me témoignaient un intérêt véritable et je me
souvenais de la façon dont l’obstétricien s’était montré lassé par mon
enthousiasme et offensé par mes questions au sujet de sa pratique.
Cependant, au cours de mon septième mois, je suis allée rendre
visite à ma sœur qui travaille avec un gynécologue. Elle m’a
demandé si je pouvais venir faire une échographie pour qu’elle et ma
mère puissent connaître le sexe du bébé. Il était clair que je ne
voulais pas le savoir, mais j’étais d’accord pour faire l’échographie à
condition qu’elles gardent le secret. Finalement, il leur a été
impossible de déterminer le sexe du bébé. Il était en siège et il était
très gros, telle était leur conclusion. Ma famille a commencé à
paniquer.
De retour dans le Tennessee, Joanne m’a dit avec sérénité :
« Nous allons t’indiquer des postures pour aider le bébé à se
retourner. Si ça ne fonctionne pas, nous essaierons de le retourner à
l’aide d’une manœuvre externe. » J’étais rassurée et le bébé s’est
retourné après que j’ai pratiqué la posture tête en bas, allongée sur
un plan incliné.
Le bébé était prévu pour le 23 décembre. J’ai perdu le bouchon
muqueux le 20 et j’ai appelé Joanne. Elle m’a dit de prendre mon
temps, mais de venir m’installer pour la nuit. C’est ce que nous
avons fait et Deborah m’a examinée. Le lendemain, Pamela est
restée auprès de nous. Mes contractions étaient fortes, mais mon col
ne s’ouvrait pas et je n’avais pas perdu les eaux. J’avais envie de
faire pipi, mais je n’y arrivais pas. Finalement, le 23, elles ont appelé
le médecin pour voir s’il fallait me poser un cathéter. Il a suffi d’y
faire allusion pour que j’y arrive ! J’ai fait pipi.
Le travail est devenu vraiment fort et elles ont percé la poche des
eaux. Quel soulagement ! J’avais l’impression que le bébé était déjà
né. Elles m’ont si bien préparée pour la phase de transition que je ne
l’ai jamais sentie passer. J’ai reçu un soutien fabuleux de la part de
mon mari Stephen et de ces dames. Pendant les contractions, j’avais
l’impression de tomber de très haut à toute vitesse. Quand je
demandais à Stephen de me rattraper, nous nous embrassions et on
aurait dit qu’il avait placé un gros ballon sous moi pour amortir ma
chute.
À 19 h 32, Taylor a fait son apparition avec les yeux grands
ouverts. Il était beau et alerte. Il n’était pas fâché jusqu’à ce que
Joanne ait besoin de lui dégager les voies respiratoires, mais il a vite
retrouvé son calme. Il avait juste besoin de faire savoir au monde
qu’il fallait le compter au nombre des vivants. Il a même relevé la
tête et a souri un peu. Elles l’ont mis sur moi, et Stephen a coupé le
cordon – offrant à Taylor ses premiers instants de vie autonome. Je
me sentais si forte, primitive et puissante. J’ai ressenti une confiance
en mon corps comme jamais auparavant. Pendant qu’elle s’occupait
de Taylor, je suis allée prendre une douche et me faire propre pour
l’allaiter. Pas d’épisiotomie, bien sûr.
Je n’oublierai jamais le morceau qu’on écoutait pendant que j’étais
en travail : Morning with Roses. Nous avions des bougies et du
champagne pour accueillir notre petit ange, sorti tête la première à
une heure très décente. Il ne pesait que 2,8 kg le jour de son terme
et avait un score Apgar de 9 sur 10. Notre pédiatre nous a dit que
les bébés sont chanceux quand ils ont un score Apgar de 7 à
l’hôpital.
Mais surtout, je n’oublierai jamais le son de la pluie qui tombait
doucement sur le toit. Elle me rappelait de rester calme et sereine
pour savourer ce moment miraculeux. Calme et sereine, j’ai bien
senti le côté sacré.
L’histoire d’Annah
le 28 mai 1992
par Lais Sonkin

Nous sommes originaires du Brésil. Nous sommes arrivés aux


États-Unis en 1990 en tant que touristes. Nous voulions faire une
pause côté boulot pour découvrir le monde. Nous avons vendu notre
maison, acheté un camping-car à Miami et nous avons commencé à
voyager. Ce que nous n’avions pas prévu, c’est que j’allais tomber
enceinte.
Cela faisait longtemps déjà que nous étions ensemble, Mauricio et
moi. Il avait 46 ans et moi 36. J’étais très contente, mais nous
avions l’impression que cela allait nous obliger à rentrer au pays et
je n’en avais pas envie. Jamais je n’aurais cru possible d’avoir un
bébé tout en continuant à mener la vie que nous menions dans le
camping-car. Après tout, l’une des principales raisons pour lesquelles
nous avions décidé que nous pouvions voyager était que nous
n’avions pas d’enfant !
J’ai commencé les visites prénatales mensuelles et, apparemment,
tout allait bien. Néanmoins, les choses n’étaient pas très détendues.
À commencer par l’attitude et les pratiques des obstétriciens
américains qui ne m’étaient pas très familières. Au Brésil, le médecin
vous reçoit sur rendez-vous. Il vous pose des questions, remplit
votre dossier, vérifie votre tension et le reste. C’est lui qui est avec
vous tout le temps, qu’il vous prenne la tension ou qu’il vous parle.
En somme, il passe du temps avec vous.
Aux États-Unis, à chaque fois que j’allais consulter un obstétricien,
je devais remplir un questionnaire et voir une infirmière. Ensuite
seulement, je voyais le médecin pendant quelques minutes durant
lesquelles il lisait le questionnaire que j’avais rempli. Puis, je suivais
un couloir sur lequel donnaient de nombreuses portes. À chacune
d’elles pendait le dossier d’un patient. Quand nous arrivions devant
une salle libre, l’infirmière m’en désignait la porte. Ensuite, je me
déshabillais et je restais allongée sur la table en attendant qu’elle
revienne prendre ma tension ou faire ce qu’il fallait pendant que le
médecin était en consultation avec une autre patiente. J’entendais
les portes s’ouvrir et se fermer et les gens parler pendant que j’étais
allongée. Enfin, le médecin revenait, m’examinait et repartait. Puis,
l’infirmière revenait. Ensuite, je me rhabillais et j’attendais encore
pour voir le médecin dans son bureau. Je n’aimais pas du tout cette
procédure ; c’était tellement impersonnel, tellement déshumanisé.
À Los Angeles, alors que j’étais enceinte de cinq mois, j’ai fait une
visite prénatale avec un médecin qui m’a fichu la trouille. Il me
conseillait de faire des examens en raison de mon « âge avancé »
selon ses termes. Il pensait qu’il fallait que je fasse une
amniocentèse et un dépistage de Tay-Sachs, car mon mari et moi
sommes juifs.33 Il était froid, tout comme l’hôpital où il nous a
envoyés. Il a fait l’amniocentèse et le bébé était normal, d’après les
résultats. Mais cet épisode nous a alarmés et j’ai commencé à
m’inquiéter pour toutes sortes de raisons, de mon âge jusqu’aux
vibrations de notre camping-car sur les routes, en passant par
l’absence de suivi global – auprès d’un seul et même praticien.
Au début, je pensais accoucher à l’hôpital. Mais j’ai commencé à
avoir le mal du pays, mes amis me manquaient et j’avais envie de
trouver un meilleur endroit que la salle des urgences d’un hôpital
pour mettre mon bébé au monde. J’avais peur des injections et des
médicaments qu’on m’administrerait à l’hôpital. J’avais déjà été
hospitalisée une fois et j’en avais souffert aussi bien physiquement
qu’émotionnellement.
Alors que nous étions en Louisiane, nous nous sommes souvenus
de The Farm et, comme nous n’étions qu’à quelques centaines de
kilomètres, nous avons eu l’idée d’aller y faire un tour. Longtemps
auparavant, j’avais lu Spiritual Midwifery34 et j’en avais gardé une
forte impression. L’expérience de The Farm était célèbre et beaucoup
de mes amis et moi-même avions rêvé de vivre dans une
communauté comme celle-ci. Je me souviens qu’au Brésil nous
avions davantage regardé les photos que lu les témoignages.
J’ai donc téléphoné à The Farm et j’ai reçu la permission de venir
faire une visite prénatale pour mon septième mois de grossesse. Il
arrive dans la vie qu’on oublie ses rêves, alors c’est vraiment
chouette de les retrouver un jour.
Quand Mauricio et moi avons franchi le porche de The Farm, nous
nous sommes immédiatement sentis à l’aise. Il y avait quelque chose
de nouveau et d’amical dans l’air. Quelqu’un s’est tout de suite arrêté
en voiture pour nous saluer, ce qui n’est pas si courant aux États-
Unis. Au début, nous étions simplement venus pour jeter un coup
d’œil, visiter la maison de naissance et nous entretenir avec les
sages-femmes. Mon mari s’était mis en tête que je devais accoucher
à l’hôpital. Je n’étais pas aussi décidée que lui, mais j’étais soucieuse
de la santé de notre enfant et aller à l’hôpital était ce qui me venait
naturellement à l’esprit en pensant à l’accouchement.
Nous avons campé près de la mare à côté de l’entrée, nous
sommes allés à la maison de naissance à deux reprises et nous
avons fait quelques rencontres. Au fur et à mesure que nous nous
détendions, nous avons changé d’avis. Nous avons rencontré toutes
les sages-femmes : Ina May, Pamela, Deborah et Joanne et nous
avons compris que nous étions en train de faire toute une histoire à
propos de ce bébé qui arrivait, tandis qu’à The Farm, tout le monde
– et pas seulement les sages-femmes – était « pro » dans ce
domaine. Les habitants de The Farm nous ont montré comment les
choses pouvaient être simples. En somme, c’est le premier cadeau
que les sages-femmes nous ont fait : elles ont rendu les choses
simples.
Nous savions que dans un hôpital américain, nous aurions toute la
technologie possible. Mais je savais aussi que, dans un hôpital de ce
genre, je n’aurais jamais ce dont j’avais vraiment besoin : un
accompagnement professionnel assorti de l’amitié et de la
compassion que je trouvais chez ces sages-femmes. Chaque visite
prénatale auprès d’elles était un plaisir. La salle d’attente est une
salle pleine de gaieté où les gens rient et discutent, où l’on compare
son ventre et où l’on ressent de bonnes vibrations. Même dans la
salle de consultation, on retrouve ce climat jovial. Je ne veux pas
faire de sexisme, mais il est beaucoup plus facile pour moi de me
soumettre à un acte aussi intime qu’un toucher vaginal quand il est
pratiqué par une femme qui a elle-même déjà eu des enfants. Être
exclusivement prise en charge par des femmes m’a aussi permis de
poser des questions et de parler de mes peurs comme jamais je
n’aurais pu le faire avec un obstétricien.
Nous avons décidé de louer une petite maison à The Farm pour
deux mois et nous avons commencé à préparer notre nid en vue de
la naissance. Nous sommes devenus amis avec les Cramer et les
Gavin, des habitants de The Farm qui avaient eu leur bébé à la
maison. C’était agréable de voir leurs enfants beaux et sains. Les
enfants étaient eux-mêmes très à l’aise avec les bébés. Ils nous ont
raconté un tas d’histoires au sujet des enfants dont ils s’étaient tous
occupés – ceux qui avaient été adoptés, ceux qui étaient handicapés
et les milliers de naissances. J’étais enchantée de découvrir que la
communauté de The Farm tout entière était une grande maison de
naissance.
Mes contractions – mais j’aime le mot que les gens utilisent plus
volontiers ici : rush – ont commencé à 3 h 15. Mauricio était juste à
côté de moi et m’aidait à gérer ces vagues d’intensité variable.
Quand elles sont devenues plus fortes, il a fallu que j’aille sur les
toilettes tous les quarts d’heure. M’y asseoir pendant les contractions
était plus confortable. Quand elles ont commencé à être plus
puissantes et plus rapprochées, nous avons appelé Pamela. Il était 6
h. Je voulais qu’elle ait une bonne nuit de sommeil et je ne me
sentais pas mal. Elle est arrivée et m’a examinée. Pamela est super
parce qu’on dirait qu’elle a toujours le sourire aux lèvres.
« Tu es à dilatation complète, m’a-t-elle dit après ce premier
toucher vaginal, aujourd’hui, tu vas mettre ton bébé au monde. »
Je me souviens de mon étonnement en entendant ces paroles. Il
m’était arrivé si souvent pendant le dernier mois d’avoir de petites
contractions et de croire que le bébé arrivait. Je n’ai pas cessé de
demander à Pamela si elle en était certaine. Ina May et Deborah
n’ont pas tardé à arriver.
Les sages-femmes ont fait un beau travail d’équipe. Elles étaient
toutes les trois autour de moi, mais elles n’ont pas envahi notre petit
coin de lit. Elles ont été si bonnes. Elles m’ont massée et nettoyée.
J’ai bu de l’eau, ce qui était merveilleux, car j’ai tout le temps soif et
on m’a raconté qu’à l’hôpital, on n’a pas le droit de boire quand on
est en travail. Les sages-femmes se sont adressées à moi d’une voix
douce et chaleureuse. Dans notre chambre, l’éclairage était le plus
tamisé possible sans qu’il y fasse trop sombre pour autant. Je me
suis sentie respectée. J’étais incroyablement sensible au bruit, à la
lumière et à tout le reste et, tout cela, elles le comprenaient. Je n’ai
pas eu à faire de sacrifice pendant le travail et j’ai pu adopter toutes
les positions que je voulais. Quand j’ai commencé à pousser fort, les
sages-femmes m’ont massée et m’ont aidé à rester détendue.
Tout à coup, mon bébé était là, d’abord dans les mains d’Ina May
puis dans celles de Mauricio. Il l’a mise sur ma poitrine en cette
matinée de printemps ensoleillée. C’était l’émotion la plus
merveilleuse que j’avais jamais connue. Annah était née. Ma
gratitude envers ces sages-femmes est éternelle. Annah est restée
dans mes bras. Je ne pouvais pas la quitter et les sages-femmes le
comprenaient. Personne ne l’a prise pour la laver. Personne ne l’a
emmenée. Je n’ai pas été obligée de dormir. Nous sommes restés
ensemble, Mauricio, Annah et moi. Pamela, Deborah et Ina May
étaient présentes aussi pendant un petit moment, mais elles
n’étaient pas là en tant que personnel en service, mais en tant
qu’amies, mes sages-femmes – exactement comme sur les photos
qu’on voit dans Spiritual Midwifery.35
Pour venir accoucher de leur premier bébé à The Farm, Sue et
Chris Topf ont fait face à plus de péripéties que la plupart des
couples. Ils n’avaient aucun moyen de savoir s’ils arriveraient à
temps pour la naissance, car ils avaient prévu de traverser
l’Atlantique sur un petit voilier, le Fri. Avant de quitter Amsterdam,
où j’étais en visite, je leur avais fourni un petit kit de premiers soins,
au cas où leur bébé naîtrait en mer. Nous étions tous heureux de
voir que Sue avait réussi à traverser l’Atlantique et à arriver jusque
dans le Tennessee toujours enceinte.
Sue a eu une approche de son premier accouchement très fluide
et instinctive. Il semblait en quelque sorte que la traversée de
l’Atlantique en voilier avait été une excellente préparation à
l’accouchement. Son corps mince laissait présager un accouchement
court et intense, du genre qui peut être douloureux et effrayant si la
mère est en proie à la crainte. (Les femmes minces ne semblent pas
avoir la masse musculaire nécessaire pour résister à la puissance du
travail comme les femmes plus massives le font parfois. Bien sûr, il y
a toujours des exceptions.) Néanmoins, Sue n’a jamais donné signe
de peur. Peut-être que son expérience en tant que membre d’un
équipage sur un voilier lui offrait la possibilité d’être en confiance
vis-à-vis de nous et du processus de la naissance. Ou peut-être que
le fait d’avoir vécu si près des éléments pendant les quelques mois
précédents l’avait mise en accord avec la nature et ses propres
instincts. Quoi qu’il en soit, je me souviens d’avoir été impressionnée
par sa capacité à « garder le nez au vent » et à se débrouiller seule
pour accoucher. L’attention constante de Chris aidait sans conteste
Sue à accoucher en beauté dans la sérénité. Cette naissance n’était
pas la première aventure qu’ils vivaient ensemble :

La naissance de Lisa
le 22 avril 1983
par Sue et Chris Topf

Sue : Notre logis, un voilier de 35 mètres, lieu de vie de notre


communauté à flot, devait transporter une cargaison pour
l’association humanitaire internationale créée par The Farm : Plenty
(www.plenty.org) qui s’occupait à l’époque de fournir des colis
humanitaires à des communautés caribéennes. Alors que nous
travaillions à préparer le voilier pour la traversée transatlantique vers
les États-Unis, Chris et moi avons découvert, à notre plus grande
joie, que j’étais enceinte.
Nous avions fait la connaissance d’Ina May aux Pays-Bas, à
Amsterdam, et avions parlé de l’activité de The Farm concernant la
naissance. Nous l’avons contactée dans le Tennessee et il ne nous a
pas fallu longtemps pour convenir que j’accoucherais à The Farm et
que nous passerions quelques mois sur la terre ferme pendant que
notre bateau ferait la tournée des Caraïbes.
En raison de divers retards et contretemps dans la préparation du
bateau pour la traversée et des nombreux jours encalminés au beau
milieu de l’Atlantique sous un soleil magnifique, nous sommes arrivés
aux États-Unis quelque peu en retard par rapport au planning,
seulement trois semaines avant le jour prévu pour la naissance de
Lisa. Il nous a fallu dix jours de plus pour réussir à parvenir jusqu’à
The Farm. Lorsque nous avons fini par arriver, nous avons poussé un
grand soupir de soulagement à l’idée que notre long périple
s’achevait et qu’enfin nous étions prêts à faire la connaissance de
notre bébé.
Nous nous sentions bien préparés pour la naissance. En mer, nous
étions toujours face à l’éventualité d’une crise qu’il nous aurait fallu
gérer seuls. Notre exemplaire de Spiritual Midwifery36 était bien usé
à force d’avoir servi de livre de référence non seulement à Chris et
moi, mais aussi à d’autres membres de l’équipage qui avaient,
comme nous, envie d’être bien préparés, au cas où ! Du coup, être à
The Farm, entourés de sages-femmes, était un véritable luxe.
Deux jours avant mon terme, j’étais dans un remarquable état de
conscience aiguisée – les couleurs semblaient plus éclatantes, vives
et limpides. J’étais songeuse et tendre. Cela n’a pas été une grande
surprise quand, peu de temps après être allée au lit, j’ai commencé
à avoir des contractions régulières.
Le souvenir que je garde de la naissance de Lisa n’est pas linéaire
dans le temps, c’est plutôt un imbroglio d’excitation intense. J’étais
là à chevaucher les fantastiques vagues de l’enfantement comme un
bateau fonçant toutes voiles dehors, vent en poupe et fier équipage
à bord !
Chris : Au fur et à mesure que le travail de Sue s’est intensifié, le
temps a vraiment perdu tout son sens. Nous nous sommes blottis
l’un contre l’autre et je lui ai massé le dos et son ventre délicieux qui
grondait comme un volcan en faisant pointer son nombril vers les
cieux. Nous nous sommes engloutis dans les bras l’un de l’autre et
nous avons dérivé sur les vagues des contractions. Ina May a
examiné Sue et a constaté que son col s’effaçait et s’ouvrait. Elle a
envoyé chercher Katsi, une sage-femme mohawk qui était de
passage et Lidewij, une jeune sage-femme hollandaise fraîchement
diplômée, toutes deux des amies que l’on avait convié à assister à la
naissance. Maintenant, les contractions se suivaient avec force et
régularité et Ina May m’a conseillé de m’asseoir derrière Sue, elle-
même assise sur le lit. De cette manière, Sue pouvait s’abandonner
dans mon giron pendant que je lui massais les reins, le ventre ou les
cuisses quand je sentais la contraction s’épanouir ou quand Sue
m’en faisait la demande à l’aide d’une pression sur mes jambes. Cela
paraissait trop beau pour être vrai.
Peu à peu, les contractions ont pris de la puissance et certaines
duraient davantage et, tout en expirant, Sue a commencé à souffler
des bulles entre ses lèvres frémissantes.
Ina May : J’ai découvert que le fait d’expirer de cette manière, en
faisant vibrer les lèvres, aide à détendre le col de l’utérus pendant
un travail intense. Sans indication de ma part, Sue s’est mise à
expirer de cette façon à l’approche de la dilatation complète.
Chris : Katsi et Lidewij sont arrivées avec des yeux pétillants. Elles
se fondaient admirablement bien dans l’atmosphère qui régnait dans
la pièce. L’ambiance était détendue et sacrée. Tout semblait
parfaitement juste, comme si nous étions tous un seul et même
esprit dont le centre était celui qui s’apprêtait à naître. Sue devait
ressentir la même chose alors que ses contractions devenaient de
plus en plus fortes et qu’à la fois la gamme et la puissance de ses
vocalises augmentaient avec sa dilatation. Maintenant, pendant les
contractions, elle me serrait les mains avec plus de force qu’un
lutteur professionnel et nous avons bien sué.
Le temps s’est écoulé et le kit de naissance a été déballé juste à
temps. Sue s’est ouverte en grand, ses contractions n’ont pas cessé
de s’intensifier, de même que les étranges vocalises qui filaient entre
ses lèvres. Cela paraissait si intense et à la fois si juste et pur. Entre
les contractions, Sue soupirait et laissait retomber sa tête dans mes
bras juste le temps de se relaxer pendant quelques respirations et
de boire une gorgée d’eau avant que la prochaine vague de
contractions nous emmène au large. À ce rythme effréné, la
dilatation n’a pas tardé à être complète et la tête du bébé à poindre
avec les quelques poussées suivantes. Ina May a demandé à Sue de
haleter pendant un petit moment et elle a soutenu son périnée le
temps qu’il s’étire autour de la tête du bébé. De cette manière, elle
est apparue progressivement et, quelques poussées plus tard, elle
est sortie, légèrement bleue et très en pointe, face vers le bas avant
de faire une rotation vers la jambe droite de Sue. De ce que je
voyais, elle avait le visage tout rouge et elle était toute fripée, assez
chauve et couverte de vernix. Surfant sur la poussée suivante, elle a
glissé dehors en braillant. Une onde de joie a inondé mon cœur et
mon corps.
Sue : Je me souviens avoir posé la main entre mes cuisses et avoir
senti la tête de Lisa au couronnement. Avec la poussée suivante, elle
a glissé dehors. En l’espace de quelques secondes, elle était dans
mes bras et moi dans ceux de Chris. Elle était glissante et chaude et
absolument magnifique. Il ne lui a pas fallu longtemps pour trouver
mon téton et se mettre à téter. Nous nous sommes sentis si forts, si
satisfaits, si comblés.
Chris : Nous étions follement heureux, avec cette créature toute
neuve en pleine santé, présentée au ventre de Sue. Elle était là,
toute petite, bienheureuse, parfaite et rose, à se faire entendre
d’une voix claire et nos cœurs se sont unis comme trois rivières
mêlant leurs flots. Sa lèvre du bas tremblait et ses jambes et ses
bras exécutaient leur première danse. Ina May a clampé et coupé le
cordon et la petite s’est essayée pour la première fois à sucer le sein
de sa mère. Je ne pouvais pas quitter des yeux ce nouveau petit être
parfait. Il n’y a pas de mots pour refléter les sentiments qui
débordent des portes de l’émotion lors d’une première rencontre
comme celle-ci. Pendant que nous faisions connaissance, Ina May a
doucement tiré sur le cordon pour la délivrance du placenta. Tout
s’est très bien passé et Sue n’a eu ni déchirure ni saignement. Après
deux ou trois heures et quelques embrassades, les sages-femmes
nous ont laissés seuls pour le reste de la nuit. Peu de temps après,
la première lueur illuminait le ciel, tranquille et magique et la
première pluie depuis longtemps martelait le toit en zinc.
Pour la naissance de leur fille Chelsea, Marbeth et Steve sont
venus d’Haïti à The Farm :

La naissance de Chelsea
le 22 juillet 1987
par Marbeth et Stephen Dunn

Marbeth : Nous sommes arrivés à The Farm un mois avant le


terme et nous nous sommes installés dans un chalet rustique qui
avait déjà vu naître beaucoup d’autres bébés. Nous y avons fait
notre nid, nous avons créé des liens avec toutes les merveilleuses
sages-femmes d’ici et nous avons remis la naissance entre les mains
de Dieu.
Le 22 juillet, à 6 h, j’ai senti quelque chose cogner mon col de
l’utérus. J’ai pensé : « Tiens, le bouchon muqueux. » Puis, j’ai perdu
les eaux et mes contractions ont commencé à se suivre toutes les
sept minutes. Stephen a appelé Deborah une heure plus tard et, en
moins de deux minutes, elle était à nos côtés. Comme mon col de
l’utérus était à deux centimètres de dilatation, elle a appelé les
autres sages-femmes pour leur faire savoir que mon travail avait
commencé. Alors que mes contractions devenaient plus fortes, elles
sont arrivées : Pamela, Joanne et Ina May. Il y avait aussi une
étudiante en médecine, Nan, qui partageait notre chalet pendant
qu’elle était en apprentissage auprès des sages-femmes. C’était
merveilleux d’être entourée de toute cette énergie féminine. Joanne
était venue avec sa fille, Ida, pour qu’elle s’occupe de Shanna, notre
fille de cinq ans, pendant que j’étais en travail.
Tandis que mes contractions devenaient toujours plus intenses, je
ne cessais d’exprimer ma gratitude envers Dieu de me trouver là,
entourée de toutes ces merveilleuses sages-femmes. Je me
concentrais sur le fait de m’ouvrir, de garder ma bouche détendue et
de remercier le ciel de m’offrir un accouchement parfait et facile.
Vers 15 h, j’étais arrivée à dix centimètres de dilatation et j’étais
prête pour la deuxième phase – pousser pour mettre mon bébé au
monde. J’avais pas mal lu sur l’accouchement. La naissance de
Shanna s’était soldée par une extraction aux forceps après sept
heures d’efforts expulsifs ardus et, pour cette naissance, je voulais
qu’il en soit autrement. J’étais tombé sur un texte qui expliquait que
l’effort d’expulsion n’était pas souhaitable, car il donnait à la
naissance une tournure athlétique. L’auteure racontait que l’utérus
expulsait le bébé de lui-même. Elle avait essayé cette technique pour
son deuxième accouchement et elle était ravie de la facilité avec
laquelle il s’était déroulé, comparé au premier. Après avoir lu cela, je
m’étais dit qu’à la naissance de Shanna, le problème avait été, entre
autres, que je m’étais épuisée en commençant à pousser trop tôt
mais que, cette fois-ci, je n’allais pas pousser. J’allais laisser mon
utérus pousser à ma place.
Les contractions ont gagné en intensité et les sages-femmes m’ont
dit qu’il allait falloir que je pousse pour faire naître le bébé. Deborah
m’a dit qu’elle avait déjà eu affaire à une situation similaire
auparavant, et que, dans ce cas-là, pousser était essentiel. J’ai
accepté et j’ai effectivement poussé pendant les contractions les plus
fortes, les plus irrépressibles, mais il manquait quelque chose. Ina
May a décidé de m’examiner pour voir comment je poussais pendant
les contractions. En m’examinant de cette manière, elle a pu m’aider
à diriger l’énergie des poussées au bon endroit car, jusqu’à présent,
je l’avais dispersée.
L’un de mes problèmes était que je craignais d’effrayer ma fille en
faisant du bruit. Mais quand j’en ai fait part aux sages-femmes, elles
m’ont dit d’y aller, de faire du bruit. Elles m’ont même encouragée à
me laisser totalement aller sur le plan sonore. Elles ont expliqué à
Shanna que j’allais bien et que j’avais besoin de faire du bruit pour
faire sortir le bébé. Elle s’en est tirée comme une championne.
Mais quelque chose clochait encore et Ina May, en regardant ma
poitrine (j’avais enlevé ma chemise de nuit à ce stade), a suggéré à
Stephen de stimuler mes tétons pour libérer une sécrétion
d’ocytocine. C’est ce qu’il a fait et la contraction suivante a été aussi
puissante qu’un raz-de-marée. Toutes les sages-femmes se sont
mises à m’encourager alors que je commençais à comprendre ce
que POUSSER voulait dire.
Le bébé, pourtant, ne sortait toujours pas, alors, avec ses doigts à
l’intérieur, Ina May a écarté les os de mon bassin et lentement, j’ai
commencé à faire de véritables progrès. Après quelques poussées,
elle a demandé à Pamela de la remplacer et, en ouvrant les yeux
pendant une contraction, j’ai vu les bras de Pamela trembler de
fatigue. « Bien ! Tu as fait descendre ton bébé d’un bon
centimètre ! », m’a-t-elle dit. C’était déjà plus difficile de rester
reconnaissante, mais j’y suis arrivée et j’ai béni ces merveilleuses
femmes pour leur amour et leur dévouement. Ina May a pensé que
si deux sages-femmes resserraient le haut de mes hanches, le bas
allait s’ouvrir avec plus de facilité (comme pour une pince à linge).
Ina May : « La presse pelvienne » est une technique que j’ai
apprise en lisant Artemis Speaks37 de Nan Koehler et que j’avais déjà
employée (avec succès) lors d’une naissance difficile avec
présentation du front, la fameuse présentation pour laquelle on
considère généralement l’accouchement par voie basse comme
exclu.
Marbeth : Deborah et Nan se sont placées chacune d’un côté et
ont exercé une pression latérale sur mes crêtes iliaques à chaque
contraction. Stephen était toujours derrière moi à m’encourager avec
amour et à stimuler la libération d’ocytocine en manipulant mes
tétons.
Et pour finir, Ina May est venue en renfort à Pamela pour écarter
les os de mon bassin et la tête est sortie ! Encore quelques minutes
et ma belle Chelsea Ray était née et blottie sur mon ventre. En tout,
l’accouchement a duré douze heures dont trois que j’ai passées à
pousser.
On a découvert après coup que Chelsea avait la main le long de la
tête, ce qui entravait sa progression dans mon bassin. Une fois sa
tête sortie, Ina May est allée attraper sa main et l’a tirée pour faire
glisser dehors le reste de son corps – 3,2 kg de bébé en bonne
santé.
J’aurai un sentiment de gratitude éternelle d’avoir pu pousser
Chelsea moi-même (avec l’aide des sages-femmes). Je sais quelle
tournure les choses auraient pris à l’hôpital (forceps, césarienne ou
ventouse obstétricale). Pour moi, il n’y a pas d’alternative à The
Farm pour ce qui est de mettre un bébé au monde.
En 1976, un terrible tremblement de terre dévastait le Guatemala.
Les résidents de l’antenne de The Farm à Mobile, en Alabama, furent
parmi les premiers à apprendre la nouvelle du désastre sur les ondes
libres et relayèrent l’information à l’opérateur de la radioamateur de
The Farm. Nous avions déjà créé l’association Plenty pour fournir
une aide humanitaire en cas de désastre dans le Tennessee et les
États voisins. Plenty a donc envoyé un couple de The Farm au
Guatemala pour déterminer quelle aide apporter après les dégâts du
tremblement de terre. Au cours des mois et des années qui ont suivi,
Plenty a constitué une équipe humanitaire de terrain qui comprenait
des charpentiers, des fermiers, des experts en agriculture et en
transformation du soja, des urgentistes et du personnel paramédical.
Mon mari Stephen et moi sommes allés plusieurs fois au Guatemala
entre 1976 et 1980 pour superviser le projet et pour accompagner
l’équipe de Plenty depuis le Tennessee jusque dans les endroits où
elle devait œuvrer.
Au cours de mon premier voyage, j’ai eu l’occasion d’apprendre
une technique importante qui m’a été transmise par une sage-
femme du nom de Etta Willis et que l’on utilise pour libérer les
épaules d’un bébé coincé pendant l’accouchement. Etta, originaire
du Belize, avait suivi sa formation de sage-femme dans cette
ancienne colonie britannique. Au moment où j’ai fait sa
connaissance, elle avait travaillé pendant plusieurs années en tant
que sage-femme pour le compte de l’État guatémaltèque. Dans la
région qu’elle supervisait, les sages-femmes indigènes lui avaient
enseigné la technique qu’elle m’enseigna à son tour pour les cas de
dystocie des épaules. C’est une complication qui résulte du blocage
des épaules dans la cavité pelvienne maternelle une fois la tête du
bébé déjà sortie. Ces sages-femmes suivaient le cours régulier
qu’elle proposait pour s’assurer que leur pratique était à la hauteur
des standards établis par les autorités sanitaires guatémaltèques.
Quand j’ai demandé à Etta ce qu’elle faisait en cas de dystocie des
épaules, elle m’a expliqué : « Il faut que la mère se mette à quatre
pattes. Cela marche toujours. », en soulignant que la méthode
qu’elle avait apprise des sages-femmes indigènes (toutes illettrées)
était supérieure aux manœuvres qu’on lui avait enseignées au cours
de sa propre formation de sage-femme.
De retour dans le Tennessee, quand cette complication (qui
n’arrive qu’une fois ou deux sur cent) s’est présentée de nouveau,
j’ai suivi son conseil. Vous pouvez lire le témoignage de « la
naissance de Reuben » ci-dessous. Cela a toujours fonctionné quand
mes consœurs et moi-même avons utilisé cette manœuvre ; sans
causer de dommages corporels à la mère. Souvent, le bébé naissait
rapidement et facilement. Dans les cas les plus sérieux, j’ai
découvert qu’en plus de faire adopter cette position à la mère, il
fallait que j’insère deux doigts sous l’aisselle du bébé pour le tirer
dehors ou pour localiser l’une de ses mains, l’attraper et tirer le bébé
par le bras pour entraîner le reste du corps. À partir du moment où
nous avons utilisé cette manœuvre de positionnement à quatre
pattes, aucun dommage corporel n’a plus été infligé à aucun bébé
présentant une dystocie des épaules. Elle est connue pour être l’une
des complications susceptibles de se solder par l’infliction d’un
dommage corporel à l’enfant ou à la mère quand les techniques
conventionnelles sont employées.
Les résultats que nous avons obtenus pour nos trente-cinq cas de
dystocie des épaules ont été publiés dans le numéro de juin 1991 du
Journal of Family Practice dans un article coécrit par le Dr Anna
Meenan et moi-même. Un autre article basé sur des données
d’archives comprenant quatre-vingt-deux cas de dystocie des
épaules pris en charge par des sages-femmes libérales et des
médecins de famille a été publié dans le Journal of Reproductive
Medicine, 1998 ; 3 :439-443, dans lequel mon coauteur était le Dr
Joseph Bruner. La publication de ce dernier article m’a valu la
distinction de devenir la seule sage-femme de l’histoire (à ma
connaissance) à donner son nom à une manœuvre obstétricale – la
« manœuvre Gaskin ».a, b Cette manœuvre figure au programme du
volet obstétrical de l’ALS (Advanced Life Support) tel qu’on l’enseigne
au Royaume-Uni et aux États-Unis. Elle est aussi enseignée dans un
important manuel d’obstétrique américain.c Quand je suis retournée
au Guatemala et que j’ai demandé aux sages-femmes indigènes où
elles avaient appris cette technique, la doyenne a pointé un doigt
vers les cieux et a dit : « Dios. Nous la tenons de Dieu. »

La naissance de Reuben
le 15 avril 1977
par Barbara Bloomfield

Nous sommes arrivés à The Farm au cours de l’hiver 1977 pour


donner naissance à notre deuxième enfant auprès des sages-
femmes de la communauté. J’avais essayé d’accoucher de mon
premier enfant à la maison et sans l’assistance d’une personne
expérimentée mais, au bout de vingt heures de travail et d’efforts de
poussée avant la dilatation complète, nous nous étions découragés.
Il nous avait fallu rouler quarante-cinq minutes sur des routes
sinueuses pour nous tourner vers notre solution de repli, un médecin
dont le cabinet était équipé pour les accouchements. Après une dose
de Pitocin® et une épisiotomie, ma fille était sortie d’un coup.
Nous savions qu’il existait un moyen plus doux de mettre un
enfant au monde. Je n’avais jamais voulu aller à l’hôpital, que je
considérais comme un lieu destiné à soigner les personnes
gravement malades. Bien que mon père soit médecin, je ne suis pas
à l’aise dans cet environnement et je n’ai jamais voulu m’attarder sur
la possibilité que les choses tournent mal, car je suis en bonne santé
et en pleine forme et que je vois la naissance comme un processus
naturel de notre cycle de vie.
Pour Reuben, mon travail a commencé dès l’instant où je me suis
réveillée après une bonne nuit de sommeil. Mon terme était dépassé
depuis trois semaines et il me tardait d’accoucher, car ma sœur était
sur le point de se marier et je risquais de manquer son mariage si le
bébé et moi n’étions pas en mesure de voyager. J’ai commencé à
sentir mes muscles se contracter à intervalles réguliers, pour s’ouvrir.
Mon mari Neal s’est occupé d’accompagner notre fille de 22 mois
chez une amie pour qu’on puisse se concentrer sur la tâche qui nous
attendait. Les sages-femmes sont arrivées et m’ont examinée avant
de nous laisser passer la matinée ensemble pendant que je me
dilatais progressivement. C’était très rassurant qu’elles me donnent
confiance et m’assurent que tout se passait bien. Au fur et à mesure
que l’après-midi avançait, les contractions se rapprochaient,
devenaient plus fortes, et ma petite chambre se remplissait
lentement de sages-femmes et de stagiaires. Je ne les connaissais
pas toutes, mais mon attention était tellement rivée sur la naissance
du bébé que je faisais abstraction des personnes qui m’entouraient.
Le moment fort de la naissance de Reuben est arrivé peu de temps
avant la fin, quand sa tête était déjà sortie. J’avais beau pousser et
pousser encore, je n’arrivais pas à le faire avancer (car son épaule
était bloquée par l’os de mon pubis). Ina May m’a dit qu’il allait
falloir que je me retourne ; et d’une façon ou d’une autre – avec
l’aide de Neal et d’autres sages-femmes – je me suis mise à quatre
pattes. Dans cette nouvelle position, j’ai poussé à quelques reprises
comme une forcenée et un petit gars de 4,5 kg est sorti. Je me suis
quand même un peu déchirée, mais Reuben était en bonne santé et
nous étions heureux de le tenir enfin dans nos bras.

La naissance de Mariahna Margaret


le 2 octobre 1980
par Carol Nelson

Mariahna Margaret était mon quatrième enfant. Le jour de mon


terme, je suis allée me promener, j’ai fait une virée en ville (avec les
incontournables cahots de la route qui mène à The Farm) et je suis
encore retournée me promener. J’ai commencé à avoir des
contractions irrégulières peu après la deuxième balade. Après avoir
donné le bain aux enfants et les avoir bordés dans leur lit, je me suis
allongée et j’ai pensé que j’étais partie pour accoucher, mais qu’il ne
serait certainement pas mauvais de dormir un peu. Je n’ai pas tardé
à m’assoupir et j’ai dormi profondément pendant environ quarante-
cinq minutes avant d’être réveillée par la rupture de la poche des
eaux inondant tout le lit. Je me sentais très reposée et bien prête, à
ce stade. En l’espace de quinze minutes, mes contractions ont
commencé à être très rapprochées. Judith, notre chère amie et
assistante sage-femme, est arrivée et m’a examinée. J’étais à quatre
centimètres de dilatation. SUPER ! Ça y est ! Toutes les inquiétudes
que j’avais eues pendant la grossesse s’étaient envolées à ce stade
et les contractions étaient si fortes qu’il fallait que je reste bien
centrée pour les accueillir l’une après l’autre. Je n’avais tout
simplement pas le temps de m’inquiéter.
Je savais que c’était un gros bébé – au moins aussi gros que notre
Sally Kate, qui pesait 4,5 kg à la naissance. Mon travail a été très
rapide et puissant, d’une durée de deux heures et demie en tout. Je
sentais qu’il allait falloir que je m’ouvre plus que jamais. Je pense
que le fait d’avoir perdu les eaux rend les contractions plus fortes
aussi, car la tête du bébé appuie directement sur le col au lieu d’être
amortie par un coussinet d’eau.
J’ai fait tout ce que j’ai pu pour stimuler le travail, même s’il était
déjà très intense. Don et moi nous sommes assis en tailleur l’un en
face de l’autre, les mains dans les mains et les yeux dans les yeux
pendant les contractions. On se fondait l’un dans l’autre et on riait. Il
m’a communiqué une grande force et nos rires m’ont aidé à me
détendre. Finalement, j’en suis arrivée à un point où je ne pouvais
plus rester assise alors nous nous sommes allongés, câlinés et
embrassés. Le travail a pris une tournure très sensuelle et érotique.
Ces sensations l’ont rendu plus facile à supporter et je sentais que je
m’ouvrais. Don et moi nous embrassions et cela m’a aidé à passer le
stade des contractions fortes de la transition. Il n’a pas fallu
longtemps pour que je me mette à faire des plaintes gutturales et
graves et que je ressente le besoin impérieux de pousser.
Mary, ma sage-femme, m’a examinée, toujours en prenant soin
d’être douce et discrète. Elle a constaté que j’étais presque à
dilatation complète. Il restait seulement un bourrelet de col antérieur
sur la tête du bébé. J’ai encore eu quelques contractions et j’ai
commencé à trouver difficile de tenir le coup. J’avais vraiment envie
de pousser. Mary et les autres sages-femmes me massaient
profondément les cuisses et les mollets, ce qui était divin et m’aidait
vraiment à me détendre. Mary m’a encore examinée et a trouvé qu’il
restait encore un petit bourrelet de col. Pourtant, elle m’a dit que je
pouvais y aller, que je pouvais pousser lentement et qu’avec ses
doigts, elle allait essayer de repousser le bourrelet de col par-dessus
la tête du bébé. Et ça a marché. Je suis arrivée à dilatation
complète, vraiment prête à pousser. Le bébé est descendu
rapidement, en l’espace de deux ou trois contractions. Je l’ai sentie
glisser à travers le col et le bassin, la tête la première dans le canal
de naissance. Quel sentiment intense et satisfaisant à la fois. Elle a
commencé à apparaître à la vulve. J’essayais d’y aller en douceur
sachant que c’était important si je ne voulais pas me déchirer. Mary
me donnait des instructions pour m’indiquer quand et avec quelle
force pousser. Quand la tête du bébé a été à moitié sortie, c’était
tellement intense que j’ai de nouveau commencé à me demander si
j’allais réussir à tenir le coup. À ce stade, Mary m’a fait état de la
progression et m’a dit que le plus dur était en train de se passer et
qu’à la contraction suivante, la tête du bébé serait certainement
sortie tout entière. C’était si bon d’être réconfortée de la sorte. J’ai
tellement apprécié Mary pour sa compassion à mon égard, sa façon
de sentir exactement quelles étaient mes sensations et mes
émotions. Je me suis dit : « OK, je peux le faire, pas de problème. »
À la poussée suivante, sa belle grosse tête est sortie – sacré
soulagement ! Mary m’a examinée et m’a dit qu’il n’y avait pas de
tour de cordon. À ce stade, mes contractions ont ralenti. J’ai encore
poussé une fois ou deux, mais les contractions avaient perdu de leur
puissance et il est devenu de plus en plus évident que ce bébé
n’allait pas sortir davantage. Ses épaules étaient coincées.
Le temps s’est arrêté. L’atemporalité vous laisse l’opportunité
d’observer clairement à quel point la frontière entre la naissance, la
vie et la mort est mince si les bonnes décisions ne sont pas prises
rapidement. Les secondes passaient. J’ai encore essayé de pousser
et j’ai replié mes jambes un peu plus en arrière. J’ai levé une jambe
en l’air pour la faire passer par-dessus l’autre ; et, un peu allongée
sur le flanc, j’ai essayé de pousser, mais sans succès. La tête du
bébé a commencé à perdre ses couleurs. Les mains de Mary étaient
occupées et on essayait différentes choses. Je continuais à pousser,
mais je n’arrivais pas à faire bouger le bébé. Les secondes défilaient.
Je voyais la tête du bébé bleuir de plus en plus. Nous savions tous
que l’heure était grave et qu’il fallait trouver une solution
rapidement.
Diane, une autre sage-femme, a suggéré que je me mette à
quatre pattes. Mary a demandé à Don de m’y aider. Quand Diane a
fait cette suggestion, ma première pensée a été : « Elle plaisante,
j’imagine. Jamais je ne pourrai bouger ! » Puis la gravité de la
situation m’est revenue à l’esprit et je me suis dépêchée de bouger,
avec l’aide de Don. Tout le monde s’est activé. En quelques
secondes, j’avais réussi à changer de position et je poussais de
nouveau. J’ai immédiatement senti un progrès. La pesanteur aidait
et je sentais que j’avais beaucoup plus de force et d’appui pour
pousser. Je priais aussi, à ce stade. Je savais que nous avions besoin
d’aide pour faire sortir cette petite grassouillette. J’ai encore poussé
et fiou ! Elle est sortie ! J’ai eu le sentiment que me mettre à quatre
pattes lui avait sauvé la vie.
Elle avait un bon tonus musculaire et elle s’est mise à respirer
immédiatement pour nous faire savoir qu’elle allait bien. Elle a
attrapé le doigt de Mary et s’est accrochée à elle. On lui a administré
un peu d’oxygène et elle s’est mise à pleurer et à rosir dans la
foulée. Environ deux minutes ont été nécessaires pour la sortir tout
entière, une fois sa tête déjà sortie mais, visiblement, elle se portait
bien.
Je me suis retournée et je l’ai prise sur mon ventre. Elle était si
mignonne, si belle, si alerte, intelligente et grasse ! C’était tellement
bon de la voir dehors, forte et en bonne santé. La balance qu’on
avait n’allait que jusqu’à 4,5 kg et elle pesait plus lourd. Le
lendemain matin, elle pesait 4,7 kg. Elle avait déjà fait pipi et caca
plusieurs fois, on savait donc qu’à la naissance, elle pesait au moins
cent grammes de plus. Elle avait l’air d’avoir deux mois, mais on
voyait bien que c’était un nouveau-né. Qu’elle était mignonne ! Je
l’aimais tant d’être aussi forte et de vouloir être ici autant qu’on la
voulait.
Je suis heureuse d’avoir été à la maison, entourée de sages-
femmes expérimentées qui ont su quoi faire dans cette situation
d’urgence. Je n’ai pas eu de déchirure ni d’épisiotomie, ce qui est
extra. Quand sa tête était au couronnement, Mary a massé mon
périnée avec de l’huile pour bébé tiédie. J’ai vraiment essayé de
rester détendue pendant que sa tête sortait et tout ce qui a suivi. Le
fait de garder les muscles de mon visage et de mon cou détendus et
d’émettre des sons graves a bien aidé, de même que tous les mots
d’encouragement et de réconfort que les sages-femmes et Don
m’ont prodigués.
Nous étions tous ravis qu’elle soit sortie et en bonne santé. C’est
très agréable de pouvoir mettre au monde son bébé à la maison,
entourée de bonnes amies dont on sait qu’elles tiennent à vous et à
votre bébé. J’étais reconnaissante envers les médecins qui nous
avaient suivis d’avoir accepté que j’accouche à la maison en dépit
des complications que j’avais eues pendant ma grossesse.
Notre équipe de reporters a fait un superbe petit film de la
naissance. Il montre clairement comment changer de position et se
mettre à quatre pattes en cas de dystocie des épaules. Il montre que
c’est facile et que ça marche vraiment.
Liza est née à la fin de l’été 1990. À cette époque, j’étais en
voyage avec Stephen. Quelques jours auparavant, j’avais donné une
conférence à des médecins de l’université du Nouveau-Mexique, à
Albuquerque, sur l’accouchement en siège et la dystocie des
épaules. J’étais loin de me douter que je serais appelée à
accompagner une naissance de cet acabit pendant mon périple. La
dystocie des épaules est une complication difficile à pronostiquer.
Bien qu’elle touche généralement les gros bébés, il arrive aussi
qu’elle survienne chez les bébés dont le poids est inférieur à 3,5 kg.
La clé du succès réside dans la capacité à cerner les positions dans
lesquelles les dimensions pelviennes de la mère sont les plus
grandes et à comprendre que le mouvement permet souvent de
dégager un bébé coincé :

La naissance de Liza
Esalen, Big Sur, Californie
le 19 septembre 1990
par Karrie Dundas

Karrie : La naissance de Liza a donné un sens nouveau au mot


travail. J’ai senti que je travaillais dur, très dur, sans savoir
exactement à quoi je travaillais.
Ina May : La sage-femme de Karrie a fait un saut au pavillon où
j’étais en train de dîner et m’a dit qu’elle aimerait que j’accompagne
l’accouchement de Karrie. J’ai répondu que j’étais d’accord, mais que
je ne savais pas si Karrie, elle, le serait puisque nous ne nous
connaissions pas. Quand j’ai vu à quel point elle était absorbée par
son travail, je l’ai saluée et je suis repartie. J’ai été réveillée vers 1 h
30 par un homme m’expliquant que la sage-femme réclamait ma
présence à l’accouchement.
Karrie : Vers 2 h, j’étais à cinq centimètres de dilatation. Ma vessie
était complètement pleine et bloquait l’énergie des contractions. Une
fois ma vessie vidée à l’aide de la sonde, mon travail a repris de plus
belle avec le soutien assidu d’Ina May et des techniques de
visualisation qu’elle me proposait. (Ina May : Je lui montrais avec
mes mains à quel point elle allait s’ouvrir pour faire naître son bébé.)
En l’espace d’une heure, j’étais à dilatation complète.
Ina May : Le travail de Karrie allait bon train quand je suis arrivée
à son chalet qui, du haut d’une falaise, surplombait l’océan Pacifique.
Comme elle avait déjà perdu les eaux depuis un certain temps, je
n’ai pas fait d’examen interne, mais sa sage-femme m’a informé que
son col était très effacé et qu’elle était à environ six centimètres de
dilatation. J’ai expliqué à Karrie que la deuxième moitié de la
dilatation n’allait pas prendre autant de temps que la première
moitié, ce qui semblait soulager ses inquiétudes. Sa contraction
suivante a même été plus forte que la précédente. Quand elle a
commencé à secouer la tête de droite à gauche, je lui ai suggéré de
se dérider le front, de rester tranquille et d’expirer doucement et
calmement – que cela aiderait son col de l’utérus à arriver à
dilatation complète. Visiblement, cela a fonctionné et il n’a pas fallu
longtemps avant qu’elle soit prête à pousser.
Le mari de Karrie, Greg, était assis au bout du lit, car il était prévu
qu’il attrape le bébé. C’est à cet endroit que je me tenais également,
vérifiant de temps à autre la progression de la dilatation et faisant
des suggestions sur la manière d’obtenir la meilleure progression du
bébé à chaque effort de poussée. Elle avait l’air assez fatigué à ce
stade et je ne voulais pas qu’elle arrive à bout de force. Au début,
elle était adossée contre un oreiller et elle tirait ses jambes vers
l’arrière. Ensuite, j’ai suggéré qu’elle se pende à la barre accrochée
au-dessus du lit. Cette position était assez efficace. Plus tard, elle est
revenue à une position assise dans laquelle une autre sage-femme
et moi-même exercions une pression latérale sur chacune de ses
hanches pour élargir le bas de son bassin et raccourcir la durée de
l’expulsion. En tout, Karrie a poussé pendant deux heures et la tête
du bébé est arrivée au couronnement en douceur pour sortir sans
déchirure ni épisiotomie. Le premier indice qui laissait penser qu’il y
avait un problème est que le cou du bébé n’était pas visible. La
poussée suivante a été inefficace et j’ai donc demandé à Greg et aux
autres sages-femmes d’aider Karrie à se mettre à quatre pattes. À ce
stade, une des sages-femmes a pris la place de Greg, mais elle n’a
pas réussi à dégager les épaules du bébé bien que je stimulais les
mamelons de Karrie pour susciter un bel effort de poussée. La sage-
femme m’a ensuite demandé de la remplacer.
Il a fallu que j’aille chercher très haut l’arrière de l’aisselle du bébé.
La seule idée que j’avais en tête était qu’il fallait que je fasse sortir
ce bébé. Ma première tentative de traction a été infructueuse mais,
à la suivante, j’ai légèrement fait pivoter le corps du bébé et il est
sorti jusqu’à la taille. Le reste a été facile. Le bébé avait essayé de
respirer à trois reprises pendant les trois minutes qu’il m’a fallu pour
le tirer dehors. Ses scores Apgar étaient bons – 8 au bout d’une
minute et 10 au bout de cinq minutes. Elle pesait 3,7 kg.
Karrie : J’ai vraiment eu mal quand Ina May a glissé sa main en
moi pour crocheter son doigt sous l’aisselle de Liza. Maintenant que
j’y repense, cela a été la seule vraie douleur que j’ai ressentie. Le
reste n’était finalement que de puissants mouvements que mon
corps savait faire.
Respirer m’a vraiment aidée. La plupart du temps, j’étais dans un
état de transe, avec les yeux clos. Même une fois les épaules de Liza
dégagées, il a fallu que je pousse encore trois ou quatre fois pour
que son corps sorte. J’ai été surprise, car je pensais qu’elle allait
glisser comme un savon dans le bain.
Une fois qu’elle est sortie, je me suis retournée et je l’ai vue dans
les bras de son papa. J’ai oublié tout ce qui s’était passé au cours
des trente-six dernières heures et j’ai baigné dans toutes sortes
d’énergies. Quand tout le monde est parti et que mon mari s’est
endormi, Liza et moi nous sommes regardées, tout émerveillées.
Nous savions toutes les deux que ce n’était que le début.

Comment Corbett est né


le 17 décembre 1994
par Nancy Presley

J’ai 47 ans. J’ai deux fils de 18 et 14 ans. Mon mari Van est arrivé
dans nos vies quand les garçons avaient 10 et 6 ans et il a été un
père merveilleux pour eux. Il y a trois ans, j’ai fait une fausse couche
à quatre semaines, ce qui fut un évènement triste, mais rassurant
dans la mesure où il apportait la preuve que nous pouvions fabriquer
un bébé.
La deuxième grossesse arriva comme une vraie surprise. Nous
avions complètement lâché prise avec l’idée de procréer et j’avais
vaguement commencé à lire sur la ménopause.
Après les premières semaines et leur lot de souffrance affective,
quand nous avons réussi à croire que, cette fois-ci, nous allions
arriver à avoir un bébé en bonne santé, j’ai enfin pris plaisir à être
enceinte. Rapidement, ma grossesse est devenue visible et j’ai averti
mes collègues que, quand je suis enceinte, je deviens énorme. En
dépit de ma petite ossature, j’avais pris plus de vingt kilos pour
chacune de mes deux précédentes grossesses, même si les garçons
ne pesaient que 2,8 kg et 3,3 kg à la naissance. J’étais confiante vis-
à-vis de l’accouchement, car les deux autres avaient été relativement
exempts de complications, et le deuxième tellement plus facile que
le premier.
Par chance, j’avais été d’humeur sportive avant de tomber
enceinte. J’étais à mon poids idéal et en assez bonne forme. La
fatigue a fait partie du décor les premiers et les derniers mois ; au
deuxième trimestre, j’ai commencé à être gênée par des
hémorroïdes. Ces symptômes étaient les seuls à être liés à l’âge,
mais ils ont réellement affecté ma capacité à faire de l’exercice. Au
milieu du septième mois, j’avais déjà pris plus de vingt kilos et je me
traînais tellement au bureau que mes collègues s’inquiétaient à l’idée
du poids que j’allais encore prendre.
Au moment de prendre la route en direction du Tennessee pour
aller accoucher à The Farm (où j’avais vécu et où mes deux premiers
étaient nés), j’avais pris du repos et j’étais plutôt rétablie. Quand
nous sommes arrivés, les sages-femmes ont confirmé que j’étais
prête et m’ont dit que ce bébé allait être plus gros que les deux
autres. Deux semaines passèrent. La lune était pleine et la nuit
paraissait parfaite pour mettre un bébé au monde.
Une nuit, à 1 h 30, alors que je dormais profondément, j’ai perdu
les eaux. Je n’avais jamais perdu les eaux de manière spontanée
auparavant et Ina May m’avait prévenue que c’était un beau bazar.
Effectivement, ça l’était ! En fait, j’ai perdu les eaux en trois fois –
une fois dans le lit, une fois debout à côté du lit et, environ une
heure plus tard, assise sur la chaise à bascule dans la chambre. Van
a vraiment été occupé à courir avec des serviettes.
Ina May et Pamela sont arrivées vers 7 h. J’étais vraiment contente
de les voir. Ina May avait été en déplacement pendant mes autres
accouchements et j’appréciais qu’elle veuille m’accompagner pour
celui-ci. Pamela, quant à elle, m’avait aidé à mettre Asa au monde
dix-huit ans plus tôt. Il y avait aussi Cynthia, une autre amie de
longue date, dont la famille mettait à notre disposition leur chambre
de naissance.
Vers 9 h, j’étais à huit centimètres de dilatation et le travail était
puissant. Les contractions étaient devenues très prenantes à ce
stade et pour les intégrer, je disais « Ohhhhhhhh ! » avec une voix
grave de telle sorte qu’en le disant avec plus de force, on aurait dit
que je rugissais. Je passais du temps en privé avec Van, à le
regarder dans les yeux, et au moment où j’approchais de la
transition, je me suis permis de laisser ma voix exprimer un certain
désarroi face à l’intensité des sensations que je ressentais. Je l’ai vu
pâlir et je me suis souvenue que c’était son premier accouchement.
Je ne voulais pas entacher son expérience ou l’effrayer en me
plaignant. Cette motivation est devenue très importante pour moi et
m’a aidé à tenir bon. (Plus tard, quand j’ai discuté avec Van, il m’a
rassurée en me disant qu’à ce moment-là, il n’avait tout simplement
pas mangé depuis un certain temps et qu’il n’avait pas été effrayé.)
Le temps n’a pas de sens dans ces moments-là et ce n’est
qu’après coup, en lisant les notes prises pendant l’accouchement,
que j’ai pris conscience que cette phase du travail avait duré deux
heures. Carol Nelson, une autre de mes sages-femmes, n’arrêtait
pas de masser le petit bourrelet de col et de me rassurer en
m’affirmant qu’il devenait de plus en plus petit. Elle a suggéré que
j’essaie différentes positions – à quatre pattes, par exemple. À un
autre moment, elle a suggéré que je me mette debout et que Van
me soutienne.
J’aimerais pouvoir dire que j’ai été d’un courage indéfectible. Je me
souvenais de la vidéo de Carol et de la manière dont ses yeux
brillaient et dont elle souriait quand elle soufflait doucement entre
les contractions : « Fiou-ou-ou… » Mes yeux étaient exorbités et
j’avais oublié toute pudeur quant à faire du bruit dans une maison
pleine de jeunes hommes. Je rugissais, point. Entre les contractions,
j’ai commencé à dire des trucs comme « Ça y est, il a disparu ? »
(quand elle surveillait le bourrelet de mon col) et « Pas de doute, je
serai bien contente quand ce passage sera derrière moi. » Carol sait
s’y prendre pour que les mères tiennent le coup ; elle riait et disait :
« Tu continues à progresser » et « J’imagine bien. »
Je ne soupçonnais pas que pendant ce temps-là, elle était
confrontée à un dilemme. Quelqu’un a suggéré que je commence à
pousser malgré le bourrelet de col, car parfois cela le faisait
disparaître, mais Carol m’a raconté plus tard que je devenais toute
rouge et que j’y mettais toutes mes forces alors que je n’avais pas
de contractions d’expulsion pour accompagner mon effort et qu’elle
ne sentait aucune différence au niveau de la tête du bébé. Du coup,
elle m’a demandé d’arrêter. Carol et Ina May se sont concertées
dans une autre pièce au sujet de la possibilité que je reste bloquée à
ce stade, en train de m’épuiser en vain. Devaient-elles me transférer
à l’hôpital pour une césarienne ? « Si tu avais été à l’hôpital, m’a-t-
elle raconté, il ne fait aucun doute qu’ils t’auraient emmenée au bloc
opératoire. »
Elles ont décidé de m’examiner encore une fois. Cette fois-ci, Ina
May a massé le bourrelet de mon col pendant la contraction avant
de déclarer : « Il est parti, je ne le sens plus du tout. Tu es prête à
pousser ! » Un sursis, quelle joie ! L’arrivée était en vue !
Pour la naissance de mon premier fils, le plus petit, il m’a fallu
pousser une heure, pour celle de mon deuxième, douze minutes.
Nous ne savions pas encore à quel point le beau garçon qu’on avait
cette fois-ci était joufflu, mais j’ai passé quarante minutes à pousser
pour le mettre au monde. Van a pu voir sa tête au bout de cinq
minutes et je le sentais dans mon bassin. Pendant un moment, il
descendait à chaque contraction, mais remontait entre-temps. Van
n’arrêtait pas de me regarder de ses grands yeux bleus et de me
dire : « Tu t’en sors comme une chef, tu peux le faire. » Sa foi en
moi voulait tout dire.
Peu après, Ina May m’a demandé si je poussais, que j’en ressente
le besoin ou non. Honnêtement, je n’en savais rien. Pour moi, ce
n’était rien d’autre qu’un concours d’endurance. Elle m’a suggéré de
respirer et de me détendre pendant la première partie de la
contraction et ensuite seulement de retenir ma respiration et de me
laisser guider par les contractions. Ce conseil a vraiment été
merveilleux. Maintenant, je savais quoi faire et mon corps aussi. Dès
que je retenais ma respiration, une puissance irrésistible s’emparait
de moi. La progression était toujours lente, mais je sentais que
j’alliais mes forces à celles d’une puissance naturelle qui menait la
danse.
Aux picotements que j’ai ressentis au niveau de mon périnée, j’ai
su que la tête approchait. Van a essayé de la retenir en douceur
pour que ma peau puisse s’étirer autour d’elle. Le grand moment est
arrivé et la tête est sortie. Van a dit qu’on aurait cru qu’elle avait été
taillée dans la pierre, un énorme visage de guerrier. Le cou n’était
pas sorti et les épaules étaient sérieusement coincées. Carol a
suggéré à Van d’essayer de faire pivoter la tête. C’est ce qu’il a fait,
mais elle n’a pas bougé d’un pouce. Il a faufilé ses doigts à
l’intérieur de moi, le long du bras le plus haut, pour essayer de le
crocheter et l’extraire. Il a attrapé l’aisselle, mais le bras n’a pas
bougé. Il a essayé avec l’autre bras, le plus bas, mais sans succès.
Il y avait un caractère inéluctable à la situation qui évoquait une
justice immanente. Je ne me souviens pas d’y avoir pensé ou que
cela m’ait troublée pendant que des mains tendues m’aidaient à me
retourner pour me mettre à quatre pattes. Van et Carol travaillaient
en équipe maintenant. Non seulement Carol est experte en tant que
sage-femme, mais elle l’est aussi en tant que formatrice pour avoir
formé des centaines de sages-femmes. Elle savait comment laisser
Van faire tout ce qu’il pouvait et comment reprendre les choses en
main quand c’était nécessaire et, instinctivement, Van se débrouillait
très bien. Ina May a pris une photo de leurs quatre mains à
l’intérieur de moi en train de manipuler le bébé jusqu’à ce que le
bras du haut soit sorti. Avec encore quelques efforts, l’autre bras a
été dégagé à son tour et Van s’est mis à défaire les tours de cordon
qui passaient derrière la nuque et autour du torse du bébé.
Même avec toute cette aide, ma participation n’était pas terminée.
On m’a encore demandé de pousser pour faire sortir ce torse
drôlement charpenté, et encore pour faire sortir les hanches. Cela a
été le plus dur labeur que j’aie jamais fait ; avec ce bébé, j’avais
l’impression d’accoucher d’un individu de mon gabarit. J’ai empoigné
les barreaux du lit et j’ai donné tout ce que j’avais. Il y a eu des
transports d’exultation, des exclamations pour dire que c’était un
gros bébé, dans les 4,5 kg ! Quand j’ai pu reprendre des forces et
me retourner, ce que j’ai vu m’a stupéfaite. Quatre paires de mains
s’affairaient sur ce jeune géant violet qui bougeait et faisait de petits
bruits, mais ne respirait pas. Ina May écoutait son cœur et disait que
son rythme cardiaque était bon. Van et Pamela le massait. Carol lui
faisait du bouche à bouche. J’étais si heureuse qu’il soit dans un
endroit si calme et plein d’amour, entouré de gens si sages et pour
qui l’aider à démarrer dans la vie importait tant. Van a dit qu’il avait
l’air calme, qu’il n’avait pas l’air d’avoir peur.
Quatre minutes s’étaient écoulées entre le moment où sa tête était
sortie et où il était né tout entier. Il avait l’air satisfait d’être là tout
simplement, sans vraiment comprendre l’importance de respirer.
Quand enfin il a pleuré, il l’a fait de manière si charmante et
délicate ; ce n’était pas les vigoureux sanglots que nous voulions
entendre. Carol a agité le tube à oxygène sous son nez et il a rosi de
manière flagrante. Van me l’a tendu. Je l’ai bercé dans mes bras et
j’ai posé mes lèvres sur sa petite tête à la fragrance si douce, pleine
de gratitude qu’il soit ici et qu’il aille bien. J’ai su que je l’aimais
depuis le début, mais je n’avais pas vraiment l’impression que c’était
un de mes enfants tellement il était gros. Il allait falloir que je
m’habitue à avoir sauté toute la phase du nouveau-né.
Je ne peux pas mettre de mots sur l’effet que cela m’a fait de voir
Van et son petit garçon. Nous avions prévu de l’appeler Corbett
Marks Presley.
Et comment la vieille mère s’est-elle remise de la naissance d’un si
gros bébé ? Je dois bien dire avec une lenteur frustrante mais, au
final, complètement. J’étais horrifiée par mes hémorroïdes qui
allaient au-delà de mes cauchemars les plus délirants. Mais Pamela
m’a dit : « Oh ! Ce n’est rien, elles vont complètement disparaître. »
J’étais stupéfaite quand, effectivement, elles ont disparu, environ
trois semaines plus tard.
Et je profite à fond de cette grande blague cosmique : être mère
de nouveau. C’est comme faire du vélo : ça ne s’oublie pas. Et mon
pédiatre avait raison quand il disait que, dans sa pratique, les
enfants arrivés tardivement dans une famille semblaient toujours
être une source de grande joie pour leurs parents, lesquels sont en
mesure d’apprécier pleinement chaque moment en sachant, par
expérience, combien tout ceci est fugace et comme le temps file.
Quand Heidi et Rudy sont venus nous voir pour la naissance de
leur premier enfant, il ne m’a pas fallu longtemps pour m’apercevoir
que leurs peurs à propos de la naissance étaient plus profondes que
celles de la plupart des futurs parents que j’avais rencontrés. Leur
problème ? Ils étaient tous les deux médecins, en fin de
spécialisation pour devenir obstétriciens. Ils avaient eu affaire à de
multiples situations effroyables en rapport avec la grossesse et
l’accouchement et ils savaient tous les deux qu’une opération
chirurgicale inutile pouvait être dangereuse. Au cours de l’une de
leurs visites prénatales, j’ai appris que deux ou trois femmes en
bonne santé étaient mortes des suites de leur césarienne. (Aucune
de ces morts n’était due à la césarienne que ces femmes avaient
subie au CHU où Heidi et Rudy travaillaient. Elles étaient plutôt la
conséquence d’une césarienne précédente.) Pas étonnant qu’ils aient
voulu que leur enfant vienne au monde en mettant toutes les
chances de leur côté pour éviter une césarienne inutile. Sachant
qu’ils devaient également redouter l’idée que leur enfant vienne au
monde aussi loin d’un hôpital, je leur ai donné, au cours de leur
première visite prénatale, un tableau des résultats des quelque deux
mille naissances que j’avais accompagnées à l’époque, depuis la
première à laquelle j’avais assisté :
Van serre Nancy dans ses bras pendant qu’elle pousse.
« Docte heure » en médecine
par le Dr Heidi Rinehart

Après avoir attendu sept ans pour concevoir un enfant, mon mari
Rudy et moi attendions notre premier enfant. Nous avions attendu
pendant nos années de médecine générale et nous avions attendu
pendant nos quatre années de spécialisation en obstétrique et voilà
qu’arrivait l’heure où nous allions, à notre tour, faire comme nos
patients. Rudy et moi étions en train de devenir parents.
J’avais découvert pour la première fois l’existence des
accouchements à domicile en 1985 lors d’un congrès d’étudiants en
médecine. À l’occasion d’une campagne spéciale dont la mission
était de sensibiliser à la médecine humaniste, l’AMSA (American
Medical Student Association)38 – qui n’a aucun lien avec l’AMA39 –
avait sponsorisé l’intervention du Dr Stanley Sagov et d’Ina May
Gaskin pour donner une conférence sur l’accouchement à domicile.
Intuitivement, cela avait tellement de sens qu’un nouveau-né arrive
à la maison, entouré de sa famille ! Je ne me souviens pas de leurs
propos sur l’accouchement à domicile, mais je me rappelle avoir
pensé : « Cette approche holistique des soins, voilà ce qui m’a
donné envie de faire médecine. »
Quand j’ai commencé mes études, je n’avais pas beaucoup de
peurs au sujet de l’accouchement. Ma mère en parlait comme d’un
dur labeur – douloureux, certes, mais aussi comme d’une expérience
physique intense couronnée par une formidable récompense une fois
le travail accompli. J’adorais l’écouter raconter ma naissance et celle
de mon frère et de ma sœur. Enceinte de nous, elle refusait
d’écouter les horribles histoires que des femmes voulaient lui
raconter. En matière d’accouchement, ma mère préférait rester dans
l’ignorance plutôt que dans la peur. Elle a instillé en moi la foi que
l’accouchement est, sans aucun doute, quelque chose de normal vu
le nombre de gens qui vivent sur cette planète. Pour moi, cela
n’avait aucun sens que la grossesse et l’accouchement fassent partie
du cursus médical au même titre que toutes ces maladies qu’on
étudiait.
La médecine se penche sur le diagnostic et le traitement de la
maladie. Pour autant que je puisse le dire, elle ne se penche pas sur
la promotion de la santé, elle ne porte pas sur la prévention de la
maladie, elle n’est pas centrée sur le fait de donner aux gens les
moyens d’améliorer leur bien-être global. Au fur et à mesure, je me
suis rendu compte que le dépistage de la maladie et son traitement
constituent l’algorithme dominant en médecine. Le temps que je
comprenne que la médecine n’était pas la carrière idéale pour
promouvoir la santé, j’avais déjà investi une somme d’argent et de
travail considérables dans mes études ; il me semblait que la
meilleure chose à faire était de changer la médecine de l’intérieur.
J’ai donc continué mes études, en dépit du sentiment d’inadéquation
qui me tourmentait. Mon mari, lui, savait exactement quelles étaient
mes convictions et, le jour où j’ai reçu mon diplôme, il m’a offert une
plaque à mon nom où l’on pouvait lire : Heidi Rinehart, MD –
Midwife in Disguise.40
Rudy n’a pris la décision de se spécialiser en obstétrique et en
gynécologie qu’en troisième année, mais moi, je l’avais prise dès le
début. La reproduction nous fascinait tous les deux, nous prenions
plaisir à travailler auprès des femmes et nous éprouvions de l’intérêt
pour l’importance que les gens accordent à leur potentiel de
procréation et les choix qu’ils font à ce sujet. Un sentiment
d’accomplissement nous emplit chaque fois que nous assistons à une
naissance.
Puisque la médecine porte toute son attention à la pathologie, j’ai
abordé mon internat avec une certaine appréhension. Je savais que
je ne serais pas formée à prendre en charge la majorité des femmes
qui sont en bonne santé et n’ont pas besoin de la technologie
médicale pour accoucher. J’étais inquiète à la perspective de quatre
années d’endoctrinement par la culture de l’obstétrique
pathologique.
La médecine est une culture à part entière ; elle fixe ses propres
standards. Je savais que j’allais être immergée dans cette culture
une centaine d’heures par semaine, avec très peu de temps pour
prendre du recul par rapport à notre pratique. À mon sens, il est
incroyable de constater à quel point les croyances et les valeurs de
la culture médicale influencent la recherche « scientifique » et les
conclusions qu’on en tire. Toute démarche scientifique est influencée
par les croyances de ceux qui mènent la recherche, mais ce fait n’est
ni reconnu ni contesté en médecine. Quand la croyance en vigueur
est que l’acte d’enfanter est jalonné de dangers, comment faire pour
conserver ma conviction que la grossesse et l’accouchement sont
naturels ?
J’ai donc décidé d’écrire à Ina May pour lui demander si je pouvais
venir à The Farm. Aux États-Unis, The Farm fait figure de Mecque
pour ceux qui veulent reconquérir l’art du métier de sage-femme et
réhabiliter l’accouchement physiologique. En allant à The Farm,
j’avais en tête d’acquérir des bases solides en matière
d’accouchement sain, normal, avant d’avoir à affronter l’immersion
dans la culture de la maladie. Sur place, j’ai passé deux semaines
d’études intensives – j’assistais à des naissances, je lisais, je
regardais des vidéos d’accouchements, j’observais les soins donnés
par les sages-femmes et je m’entretenais avec elles. Cette
expérience a profondément changé ma vision. À l’hôpital, je n’avais
jamais perçu l’anxiété et le mauvais pressentiment qui transpirent
vis-à-vis de la naissance jusqu’à ce que j’en ressente l’absence
auprès des sages-femmes. Avec elles, la paix, l’intimité et
l’émerveillement étaient infiniment plus grands. Quelle différence
flagrante !
Lors de son accouchement, une femme s’est mise à perdre
beaucoup de sang après la naissance de son bébé. En observant ma
réaction et celles des sages-femmes, j’ai pris conscience que ce sont
les compétences (intellectuelles, manuelles, analytiques et intuitives)
du professionnel qui déterminent la qualité des soins, pas
l’environnement. À cause de ma formation, je me serais servie
d’instruments médicaux sans commencer par en évaluer la nécessité
réelle. Les sages-femmes sont intervenues en douceur ; elles n’ont
pas réagi de manière démesurée. Quand cela a été nécessaire, elles
se sont servies d’instruments médicaux, mais l’usage qu’elles en ont
fait a été beaucoup plus limité qu’à l’hôpital.
J’ai étudié la dangerosité des accouchements extrahospitaliers.
Pour une femme en bonne santé, assistée d’un praticien
expérimenté, l’accouchement à domicile ou en maison de naissance
ne présente pas plus de risque qu’en milieu hospitalier, en termes de
mortalité. Il est probable qu’il présente même moins de risques en
ce qui concerne le nombre d’interventions faites sur la mère ou de
dommages corporels infligés à la mère ou au bébé. Les femmes qui
ont besoin d’accoucher à l’hôpital ne représentent en réalité qu’une
minorité et, à domicile, les issues déplorables n’auraient souvent pas
pu être évitées à l’hôpital (complications périnatales à l’issue fatale,
dystocie des épaules, etc.).
Mon internat a été tel que je l’avais escompté. C’était éreintant : le
nombre d’heures, l’intensité, l’endurance nécessaire, les drames dont
nous étions témoins. Une naissance normale y était si rare. Nous
n’apprenions ni comment la faciliter ni comment l’assister. Nos
interventions perturbaient le processus physiologique. Je peux me
remémorer à présent de nombreux cas où j’ai utilisé une technique
médicale (la péridurale, l’ocytocine de synthèse, la rupture artificielle
des membranes ou même la césarienne) alors que mon intervention
n’a fait qu’entraver le processus physiologique ou précipiter la
survenue d’une complication. Même en tant que praticienne la moins
interventionniste, je me suis sentie poussée par l’impératif
obstétrique à faire quelque chose, quand tout ce qui était réellement
nécessaire n’était qu’un soutien, une réévaluation affinée ou de la
patience.
J’ai tenté d’offrir un modèle de soins peu médicalisés aux femmes
que j’ai accompagnées dans ma pratique hospitalière. Quelle
déception de m’apercevoir que même les femmes motivées,
informées et qui m’avaient choisie pour mon inclination en faveur de
l’accouchement physiologique devaient se battre avec la routine
institutionnelle qui avait sa propre inertie. La plus petite entorse au
protocole de routine nécessitait une requête préalable, une
négociation ou la « permission » accordée à une femme de
s’octroyer de l’autonomie. Les termes que tout le monde utilisait
reflétaient bien qui détenait le pouvoir : « Nous l’avons laissé
manger, marcher, ne pas avoir de perfusion, etc. » ainsi que « Ils
m’ont laissé garder mon bébé auprès de moi toute la nuit. » Qu’il est
frustrant et difficile de changer l’atmosphère d’un accouchement à
l’hôpital !
Lorsque je suis tombée enceinte, je savais que je voulais faire le
suivi de grossesse avec des sages-femmes, accoucher naturellement
et me sentir en sécurité par rapport à cet état de vulnérabilité qu’on
ressent pendant la grossesse et l’accouchement. Ce troisième point
était le plus délicat. Le milieu médical m’a endoctrinée (comme tous
mes collègues) et m’a fait croire que les médecins ne sont pas
censés avoir de doutes ou d’interrogations ni être vulnérables. Pour
moi, il était primordial que les praticiens qui allaient m’accompagner
comprennent que j’étais sensible et vulnérable comme toute femme
enceinte l’est. Il fallait qu’ils soient en mesure de nous accepter,
Rudy et moi, comme nous étions – farcis de savoir obstétrique avec
tout son cortège de complications, mais profanes concernant l’aspect
physique et émotionnel de l’expérience. J’avais besoin de me
soustraire à l’anxiété ou à l’inhibition d’une course à la performance
pendant l’accouchement. Rudy et moi avions tous les deux besoin
d’être rassurés et guidés pendant que nous attendions notre bébé et
que nous devenions parents.
Nous avons décidé de faire le suivi de grossesse à The Farm (130
kilomètres aller) parce que nous nous sentions plus à l’aise avec les
sages-femmes qui exerçaient sur place. Pamela Hunt et Ina May ont
trois fois plus d’expérience en matière d’accouchement par voie
basse que Rudy et moi réunis. Cette expérience leur a conféré une
telle confiance en elles-mêmes et en leur pratique qu’accompagner
deux obstétriciens ne les impressionnait pas le moins du monde.
Cela nous a permis d’avoir confiance dans le fait qu’elles pouvaient
nous guider au long d’une grossesse et d’un accouchement
physiologiques – territoire qu’il nous était arrivé de croire que nous
connaissions !
Rudy et moi avons chéri le fait que nos longues visites prénatales
remettent en perspective la pathologie dont nous étions témoins
dans notre pratique ; cela nous offrait l’occasion de verbaliser
l’émerveillement que nous procurait notre propre expérience de la
grossesse et d’affirmer que la grossesse et l’accouchement étaient
naturels. Nous nous sommes sentis extrêmement nourris, aimés et
épaulés par nos sages-femmes. Elles ont partagé notre plaisir et
nous ont aidé à combattre nos difficultés. Il fallait que je puisse
exprimer mon besoin énorme de faire plaisir aux figures d’autorité et
que ce que nous étions en train de faire n’allait pas plaire à celles de
notre milieu ! J’avais aussi besoin de parler de tous les rêves que je
faisais au sujet de ma grossesse où des complications surgissaient ;
les mêmes que celles auxquelles j’avais récemment été confrontée
dans ma pratique. Rudy, quant à lui, était inquiet au sujet des soins
néonatals, même s’il avait eu entre les mains des centaines de
nouveau-nés.
Pendant la grossesse, j’ai choisi d’être suivie en parallèle par un
obstétricien. J’ai fait ce choix pour plusieurs raisons : la première est
que le stress physique et émotionnel de l’internat semble exposer les
médecins à un plus grand risque de prématurité et de pré-éclampsie.
J’ai décidé de me faire suivre par un obstétricien pour le cas où
j’aurais besoin d’accoucher à l’hôpital. Je ne voulais pas avoir à
négocier une entorse au protocole avec quelqu’un que je ne
connaissais pas. Deuxièmement, même si nous ne faisions pas de
notre projet un secret, je n’avais pas toujours envie d’en parler. Il y
avait les collègues (sages-femmes et obstétriciens) qui nous
soutenaient, ceux qui ne connaissaient pas les tenants et les
aboutissants mais se montraient curieux et ceux qui ne posaient pas
de questions à propos de ce qu’ils ne voulaient pas savoir ! Quand
un collègue susceptible de se montrer frileux par rapport à nos choix
demandait : « Tu es suivie par qui ? », je pouvais répondre sans
mentir. L’obstétricien qui nous suivait m’écoutait avec tact et
perspicacité et, bien qu’il n’abondât pas dans notre sens, il se
montrait très respectueux.

La naissance de Julianna
le 6 mars 1993
par le Dr Heidi Rinehart
Le jour du terme théorique de ma grossesse, les contractions que
je ressentais depuis des semaines ont changé. Elles se sont
installées dans le bas du dos et sont devenues un peu plus
douloureuses. Mes pertes blanches étaient devenues de plus en plus
abondantes au fil de la semaine et, le jour du terme, elles étaient
teintées de sang. Rudy et moi avons compris que le bébé pouvait
arriver à n’importe quel moment. Nous sommes sortis dîner ce soir-
là et j’ai eu des contractions toutes les cinq à dix minutes pendant
tout le dîner. Elles étaient vraiment douces. À la sortie du restaurant,
alors que nous marchions vers la voiture, Rudy m’a dit : « C’était
peut-être notre dernier dîner en tête à tête. »
Vers 2 h, j’ai été réveillée par une contraction suffisamment
douloureuse pour me tirer brusquement du sommeil et me faire
sauter du lit pour y faire face. Je me suis rendormie et j’en ai eu une
autre semblable vers 2 h 30. Vers 3 h, les contractions ont
commencé à se suivre toutes les cinq ou dix minutes. Elles étaient
légèrement inconfortables, douloureuses au niveau des reins. Rudy
somnolait et me massait le dos quand j’avais mal. Vers 5 h, il
semblait que le travail avait commencé, nous nous sommes donc
levés et douchés, nous avons fait deux trois trucs dans la maison et
nous avons mangé un bol de céréales. J’ai appelé Pamela pour la
prévenir que nous étions en chemin pour The Farm.
Il faisait jour quand nous avons quitté la maison ; il y avait un peu
de givre sur le pare-brise, mais le temps était ensoleillé et le ciel
clair. Le trajet a été calme. Les contractions se sont espacées au
rythme d’une toutes les dix minutes mais, en voiture, elles étaient
beaucoup plus inconfortables. Pamela nous attendait à la maison de
naissance sur Tower Road quand nous sommes arrivés vers 7 h 30.
Nous avons apporté quelques affaires à l’intérieur et nous sommes
installés pour discuter un peu. Pamela nous a préparé un petit-
déjeuner. Carol, une autre sage-femme, et Ina May sont passées
nous voir. Ce matin-là, Ina May était censée participer à un colloque
pour la réforme du système de soins qui se tenait à Nashville, mais
elle avait aussi très envie d’être présente à mon accouchement. Trois
personnes avaient rêvé que mon accouchement serait très rapide et,
étant donné que ma mère avait eu des accouchements rapides, il
semblait raisonnable de penser que le mien le serait aussi. J’ai dit à
Ina May qu’elle pouvait aller au colloque, car les contractions étaient
toujours douces et relativement irrégulières. Quand Pamela m’a
examinée, je n’étais qu’à trois centimètres de dilatation, Ina May a
donc pris la route pour Nashville après m’avoir laissé le numéro où
elle serait joignable.
Comme nous n’avions pas beaucoup dormi cette nuit-là et qu’on
savait qu’on allait avoir du pain sur la planche, Rudy et moi sommes
allés nous allonger pour faire une petite sieste ; Carol et Pamela sont
parties un moment. J’avais toujours quelques contractions, mais
elles n’étaient pas vraiment fortes. Pamela et Carol sont revenues
jeter un coup d’œil et, voyant qu’on dormait, elles s’apprêtaient à
nous laisser un mot. Alors qu’elles étaient dehors en train de l’écrire,
j’ai eu une contraction vraiment forte pendant laquelle j’ai roulé hors
du lit et je me suis appuyée sur le comptoir. Au sommet de la
contraction, j’ai eu un moment de panique, ne sachant pas comment
gérer la douleur, et je me suis prise à espérer que Pamela et Carol
reviennent pour m’aider. Précisément à cet instant, elles ont ouvert
la porte et j’ai dit d’un air un peu pitoyable : « Celle-ci m’a vraiment
fait mal. » À partir de ce moment-là, elles sont restées. Carol a
suggéré que nous allions faire une promenade pour changer d’air
aux alentours de 10 h 15.
C’était une belle journée. Comme on était début mars, il y avait
quelques jonquilles, une esquisse de verdure par terre et des
bourgeons charnus sur les arbres. Le soleil brillait et la température
avoisinait les 18o C. Nous nous sommes promenés sur une route de
terre bordée de pins et de champs. Nous nous sommes simplement
promenés et Rudy me massait les reins. Les contractions étaient
douces et nous en avons profité pour parler et nous taquiner. Rudy
s’inquiétait à l’idée de ne pas être d’un grand soutien pendant
l’accouchement, alors il faisait le compte de ses « bons et mauvais
points » en tant que mari. Nous passions vraiment un moment
agréable ensemble, dehors, et nous étions enthousiastes de me
savoir en travail. C’était tellement beau et nous étions si heureux
d’être en train d’avoir notre bébé – cette promenade restera toujours
un souvenir à part. Au bout d’environ une demi-heure, j’ai eu une
contraction longue et forte qui m’a poussée à me pendre à Rudy. J’ai
senti le bébé descendre. Cette sensation m’a fait brusquement vomir
ce qui ne m’a pas gênée, mais m’a laissée un peu frissonnante.
Nous sommes rentrés pour que je puisse me laver le visage et me
rincer la bouche. J’ai mis mes lentilles de contact, car il semblait que
les choses prenaient tournure et que, peut-être, je ne serais plus
capable de les mettre plus tard. Sage décision ! Quand je suis allée
aux toilettes, j’ai perdu une grosse masse de bouchon muqueux. Il
était environ 11 h. Nous pensions retourner nous promener, mais le
travail était nettement plus fort. À partir de là, le temps est devenu
flou, les évènements ne se sont plus clairement inscrits dans une
chronologie et ma conscience des choses a changé. Par exemple,
beaucoup plus tard pendant le travail, les autres sages-femmes,
Deborah et Joanne, sont arrivées pour aider. Je n’ai pas vu à quel
moment elles sont arrivées ni ce qu’elles ont fait, mais à un moment
donné j’ai remarqué leur présence. Je ne les ai pas saluées ; j’ai
juste enregistré leur présence, en quelque sorte.
Pamela m’a examinée à ce moment-là, et j’étais entre trois et
quatre centimètres de dilatation. Elle a décidé d’appeler Ina May et
lui a dit de ne pas traîner parce qu’elle pensait que les choses
pouvaient aller vite. À chaque contraction, j’avais vraiment mal au
dos jusque tout en bas, au niveau du sacrum. Cela m’aidait d’avoir
quelqu’un qui frottait ou appuyait là pendant les contractions.
Parfois, j’étais assise sur une chaise avec le front posé sur le ventre
de Rudy ou de Pamela et, à d’autres moments, j’étais pendue au cou
de Rudy. Le temps d’arriver à dilatation complète, j’étais aussi
passée sous la douche, je m’étais agenouillée, les genoux bien
écartés et les bras passés autour du cou de Rudy, et je m’étais
assise sur les toilettes ou allongée sur le côté. Quand une
contraction commençait, si Pamela ou Carol n’étaient pas déjà en
train de me masser, je criais : « S’il vous plaît, quelqu’un peut
s’occuper de mon dos ? » J’imagine que Deborah et Joanne ont
aussi prêté main-forte, mais je n’avais pas vraiment conscience de
quelles mains me massaient à quel moment. Grogner et gémir m’a
aussi beaucoup aidée. Je n’aurais jamais pu rester allongée au lit
avec le monitoring fœtal pendant le travail ; c’était trop intense et je
n’aurais jamais supporté le travail si je n’avais pas pu me mouvoir
librement.
Vers 15 h, mon père a téléphoné. Il est pilote de ligne et faisait
escale pour la nuit à Nashville. Il appelait à The Farm parce que
nous n’étions pas à la maison comme prévu. Rudy était parti
chercher quelque chose à grignoter et c’était donc à moi de
répondre au téléphone. J’ai dit : « Papa, je suis en travail et je n’ai
qu’une minute. J’ai deux ou trois choses à te dire. »
Sur le ton de la conversation, il m’a demandé : « À quel rythme tes
contractions se suivent-elles ? » Comme je sentais une contraction
arriver, je lui ai dit : « Tais-toi ! Je n’ai pas le temps ! » et je lui ai
donné les instructions nécessaires pour son passage à la maison. La
contraction suivante est arrivée avant que je n’aie eu le temps de
raccrocher et comme je n’avais pas commencé à respirer
profondément dès le début, elle a été beaucoup plus difficile à
supporter.
Pendant le travail, je transpirais abondamment, mais quelques
minutes plus tard j’avais froid. Je sais qu’on a allumé et éteint le
chauffage à plusieurs reprises. Rudy et moi avons tous les deux
pensé que j’avais peut-être contracté une infection et que c’était la
fièvre qui me donnait ces sensations, alors que nous aurions dû
savoir que ce n’était que l’intensité du travail (ou l’exorcisme des
démons de l’obstétrique !) qui provoquait ces variations thermiques.
L’un comme l’autre, nous avons songé à de multiples causes
pathologiques susceptibles d’induire différentes choses qui se sont
passées pendant le travail. Par exemple, le cœur du bébé battait à
140 la plupart du temps, mais à un moment où Carol m’a auscultée,
il battait à 160. Cela m’a inquiétée, car un rythme cardiaque accéléré
peut être le signe d’une infection ou d’une détresse chez le fœtus.
J’ai demandé à Carol de vérifier de nouveau quelques minutes plus
tard, car j’avais peur. Bien évidemment, il était redescendu à 140.
Une chose qui nous a rassurés, Rudy et moi, pendant le travail,
c’est que le bébé n’a pas cessé de donner des coups de pied et de
gigoter jusqu’à sa naissance. Je l’ai même senti donner un coup de
pied quand je poussais pendant l’expulsion. Et quand j’étais pendue
au cou de Rudy, nous la sentions tous les deux donner des coups de
pied entre nous.
Mais d’autres choses encore nous ont inquiétés. Le bébé est resté
haut dans mon bassin jusqu’à ce que je sois quasiment à dilatation
complète. Nos études nous avaient enseigné, à Rudy et moi, qu’un
premier bébé qui reste haut dans le bassin alors que le travail est
bien avancé est un bébé qui aura du mal à sortir et qui nécessitera
souvent le recours aux forceps ou à la césarienne. Au fur et à
mesure que les heures passaient et que je n’avais pas l’impression
que le bébé soit descendu (d’après la localisation de mes sensations
dans le dos), nous nous demandions l’un et l’autre ce qui le retenait.
Ina May : Nous, les sages-femmes, pensions toutes que le bébé
restait haut en raison de la peur qu’Heidi et Rudy ressentaient.
Heidi : J’ai continué à croire que mon bassin était normal et que le
bébé n’était pas gros et qu’il pouvait donc sortir. Mais je me
demandais si j’allais pouvoir supporter le travail par les reins aussi
longtemps qu’il allait durer. Rudy, lui, se demandait tout bonnement
si le bébé allait pouvoir sortir.
Quand Pamela m’a examinée la fois suivante, Rudy a demandé s’il
pouvait m’examiner aussi. Les sages-femmes sentaient les doutes de
Rudy quant à la possibilité que le bébé sorte et elles ont pensé que
cela pourrait l’aider. Elles avaient une confiance absolue dans le fait
que le bébé allait sortir, mais Rudy ne la percevait pas et le soutien
qu’il m’apportait n’était plus inébranlable. Pendant le travail, à deux
ou trois reprises, les touchers vaginaux de Rudy ont été
désagréables ; quand nous en avons reparlé par la suite, il m’a
avoué que, ces fois-là, il m’avait « examinée » par peur plutôt que
pour me rassurer.
Quand Rudy m’a examinée, j’étais entre huit et neuf centimètres
de dilatation et mon col était mou et très effacé. La tête du bébé
était en position que nous, obstétriciens, appelons « occipito-iliaque
transverse ». Il m’a dit qu’il fallait que je pousse le bébé à la
contraction suivante et quand je l’ai fait, sa tête est descendue sans
problème. À ce moment-là, le visage de Rudy s’est éclairé, il m’a
regardée dans les yeux et il m’a dit : « Tu peux le faire… Ce bébé va
sortir ! » À partir de là, Rudy s’est montré constant dans ses
encouragements.
Cela m’a aidée d’avoir la confiance de Rudy. Il est très mauvais
menteur ; il n’aurait pas pu feindre cet air sur son visage et ce ton
dans sa voix quand il a dit que je pouvais y arriver. Même si j’étais
encore plus vulnérable et sensible pendant les deux derniers
centimètres de dilatation et que je commençais à exprimer mes
peurs et mes émotions plus librement (« Tu me le dirais si quelque
chose clochait pour moi ou pour le bébé, pas vrai ? » et « Est-ce que
le bébé arrive vraiment ? »), j’étais portée par la confiance de Rudy.
Quand le travail était fort, sa puissance était accablante. J’avais
mal aux reins et c’était dur à supporter, mais je savais que cette
douleur ne m’infligeait aucune blessure. Le côté effrayant était cette
force. C’était comme si j’étais en train de courir sur une voie ferrée
avec une locomotive à vapeur fonçant droit sur moi et que j’étais sur
le point de me faire écraser. Je ne me suis pas rendu compte à ce
moment-là que le fait de libérer cette puissance faisait avancer le
travail et que je ne courais aucun risque « de me faire écraser ».
Après coup, Carol et moi en avons discuté. Elle a décrit la sensation
de manière plus juste : on a l’impression d’être à l’avant d’une
locomotive qui fonce à 240 km/h. On ne risque ni de tomber ni de se
faire écraser, mais la course exige qu’on s’abandonne à sa puissance
avec toute notre foi.
Quand cela devenait trop accablant, je faisais le vœu d’avoir un
peu de répit et les contractions s’espaçaient comme par miracle. Je
m’allongeais pendant un moment et je fermais les yeux. Cela s’est
produit à trois ou quatre reprises et les sages-femmes m’ont fait
remarquer qu’on aurait dit que je pouvais le faire à volonté. Quand
le travail m’a de nouveau semblé trop fort, j’ai dit : « J’aimerais me
reposer » et, de fait, le travail s’est calmé. Le problème, c’est que
ces pauses me laissaient l’occasion de songer à de nouvelles peurs,
ce qui ne rendait pas les choses plus faciles.
Ina May : C’est à peu près à ce moment-là que Heidi a dit qu’elle
ne pensait pas pouvoir continuer. Je lui ai demandé d’essayer de
formuler une affirmation positive pendant les contractions suivantes
avant d’abandonner. « Moi aussi, je peux encore m’ouvrir d’un
centimètre ; moi aussi, je peux encore m’ouvrir d’un centimètre »,
s’est-elle mise à répéter pendant les contractions qui lui ont fait
traverser la transition. Cette technique, qu’on appelle mantra dans la
tradition hindoue, est assez efficace pour dépasser les peurs
profondes, car le simple fait de formuler des affirmations positives
confère un sentiment de puissance.
Heidi : Enfin, je suis arrivée à neuf centimètres de dilatation et j’ai
demandé à Ina May de me percer la poche des eaux dans l’espoir
d’accélérer le travail (et maintenant, je l’avais compris, cette
impression d’être à l’avant d’une locomotive), car il me tardait de
pousser et de mettre mon bébé au monde. Peu de temps après, je
poussais effectivement. L’effort expulsif était un changement
bienvenu, mais la douleur dans le dos n’a cessé qu’une fois que le
bébé a été assez bas.
Les sensations que j’ai eues quand sa tête a commencé à pousser
contre mon périnée étaient hallucinantes. Je sentais les muscles à
l’entrée de mon vagin s’écarter pendant que sa tête sortait. Les
sensations étaient suffisamment nettes pour que j’aie le loisir de
percevoir les différents groupes de muscles. Comme c’était étrange !
Au moment où sa tête sortait, j’ai posé une main sur ma vulve, car
j’avais l’impression que ça m’aidait à pousser plus doucement pour la
faire sortir lentement. Je pensais que cela allait être plus douloureux,
le moment où elle allait naître ; alors qu’en réalité, c’était juste
intense, parce que chaque nerf sensitif envoyait une impulsion. Au
bout d’environ une heure d’efforts expulsifs dont quinze minutes de
couronnement, Julianna est née à 19 h 48.
Quel soulagement… physique et psychique, et quelle délivrance
des peurs, car elle était en bonne santé et a commencé à respirer
immédiatement, et soulagement que cette épreuve soit terminée. Au
début, j’étais abasourdie ; je ne me rappelle pas grand-chose, sauf
qu’il planait une sensation de bien-être. J’ai demandé aux sages-
femmes de couper le cordon, car il était court et me tiraillait quand
elles m’ont mis ma fille sur le ventre. Rudy et Joanne étaient
occupés à s’assurer que tout allait bien pour elle pendant qu’on m’a
fait un brin de toilette. Ensuite, on a pu la prendre dans nos bras et
elle y est encore.
Je suis si reconnaissante pour toute cette aide ; Rudy et les sages-
femmes ont été merveilleux. Je n’aurais jamais réussi à accoucher
sans médication à l’hôpital, car j’aurais été trop inhibée pour
m’octroyer la liberté de faire ce qui pouvait vraiment m’aider (être
nue, grogner ou, poser une main sur la tête de Julianna qui poussait
contre mon périnée) et j’aurais senti la contrainte de la routine
hospitalière. L’intimité et l’intensité émotionnelle de cette naissance
n’ont fait qu’ajouter à l’émerveillement. Rétrospectivement, Rudy et
moi sommes contents que l’accouchement n’ait pas été rapide. Nous
avions besoin de temps pour apprendre à travailler avec les
contractions et pour prendre de la distance par rapport à ce que
nous croyions savoir sur l’accouchement. Nous ressentons une
gratitude immense pour la qualité de cette expérience.
Je chéris l’expérience qu’a été la naissance de Julianna,
particulièrement au niveau symbolique, pour ses premières heures
de vie sur terre. Comme je n’avais reçu aucune médication, elle était
parfaitement alerte et à aucun moment nous n’avons été séparées.
Joanne l’a manipulée avec amour quand elle l’a examinée et lui a
mis du collyre dans les yeux. Pas une seule fois, elle n’a été
manipulée de manière brusque ou impersonnelle. Nous avons eu le
loisir de la couvrir d’amour toute la nuit après sa naissance. Quelle
bénédiction !
Le récit qui suit est un témoignage de la deuxième génération,
étant donné que la mère de Mariahna a elle-même accouché de
Mariahna à The Farm comme elle le raconte p. 145 :

La naissance de Ajahna
le 14 mai 2000
par Mariahna Nelson-Schaefer
Nous étions jeudi soir, le 11 mai 2000. J’espérais vraiment avoir
mon bébé pendant le week-end, même s’il restait encore une
semaine avant le terme. Je n’arrivais pas à trouver le sommeil et,
vers minuit, des contractions douces ont commencé. Elles étaient
irrégulières, j’en avais une toutes les demi-heures. J’ai essayé de me
reposer entre deux contractions. Eric, mon mari, n’était pas là et ne
serait pas de retour avant le lendemain soir, alors j’essayais de me
retenir. Il fallait que je tienne jusqu’à son retour.
Le lendemain matin, j’avais des contractions régulières. Ma mère
(qui est aussi sage-femme) m’a examinée ; j’étais à deux
centimètres de dilatation. J’ai eu des contractions toute la journée,
qui sont devenues plus fortes et plus rapprochées au fur et à mesure
que les heures passaient.
Avant le retour d’Eric ce soir-là, je suis allée faire une promenade
jusqu’à l’endroit où des amis faisaient un grand feu de joie. Le feu
éclairait tant que j’en voyais danser les flammes à bonne distance en
remontant la route. C’était une belle nuit. La lune était pleine et
lumineuse, éclairant la piste aussi loin que le regard pouvait se
poser. Il y avait de la magie dans l’air. Je sentais l’énergie du bébé
m’envelopper.
Quand Eric est arrivé, nous avons traîné un moment dehors. Puis
nous avons fait l’amour. Nous savions que c’était la dernière fois
avant quelques semaines. Cela a vraiment rendu les contractions
plus fortes. Eric a dormi toute la nuit mais moi, pas trop. Les
contractions étaient suffisamment fortes et rapprochées pour me
tenir éveillée.
À 5 h, le lendemain, j’étais à six centimètres de dilatation. Bon,
c’était encourageant – plus de la moitié de faite ! Mais d’un autre
côté, six, seulement ! J’avais l’impression que j’aurais dû être plus
dilatée. J’avais eu des contractions régulières – même si elles
n’avaient pas été vraiment rapprochées – pendant un jour et demi
déjà. J’avais bu et mangé pour garder des forces, mais je
commençais quand même à fatiguer.
J’ai beaucoup changé de positions. J’ai tout fait. J’ai marché, je me
suis accroupie, je me suis allongée sur un côté, puis sur l’autre. Je
me suis mise à quatre pattes. J’ai monté et descendu les escaliers.
J’ai pris quelques douches et quelques bains chauds. Je me tenais
debout, penchée, je bougeais les hanches, dansant parfois sur la
musique que j’aime. J’ai fait beaucoup d’allers-retours aux toilettes.
Cela faisait du bien, le simple fait d’y rester assise. J’ai marché au
grand air, je me suis assise dans un arbre, je me suis même pendue
à l’une de ses branches. J’ai aussi eu quelques contractions assise à
califourchon sur une grosse branche, adossée au tronc. Tout cela
avait l’air tellement naturel. Je ne voulais pas rester immobile. Il
fallait que je bouge sans cesse pour essayer de trouver ce qui allait
me faire du bien et me rendre le travail plus confortable tout en
m’aidant à progresser. Beaucoup d’émotions m’ont traversée. J’étais
si contente et j’aimais tout le monde et, d’un autre côté, les
sensations étaient si fortes et intenses. J’ai ri, j’ai pleuré et j’ai
ressenti de la frustration, parfois tout cela le temps d’une
contraction. Parfois, je pleurais de douleur.
Mon neveu, Lance, qui avait 3 ans à ce moment-là, venait me voir
et, d’un air triste, il me tenait la main. À un moment, il m’a dit :
« Tante Mari, est-ce que tu crois qu’un jour tu n’auras plus mal et tu
iras mieux ? » Je lui ai assuré que ce serait certainement le cas, une
fois le bébé sorti.
J’ai continué à essayer de rester centrée et détendue, mais c’était
dur. Les contractions étaient fortes – différentes de tout ce que
j’avais connu jusqu’ici. Quelquefois elles étaient comme de fortes
crampes. Parfois, une sensation d’étau m’enserrait si fort que je
pensais que mon utérus allait se déchirer et se disloquer sous la
force de la contraction. Parfois, je me frictionnais le ventre et je le
pressais avec force pendant la contraction et cela me faisait vraiment
du bien. Cela rendait la contraction plus forte, mais j’avais
l’impression que cela m’aidait à progresser davantage. J’ai beaucoup
marché. J’ai respiré doucement et profondément pendant chaque
contraction. J’ai respiré si profondément que je sentais mon
inspiration aller jusqu’à chaque cellule de mon corps. J’ai essayé
d’accueillir les contractions une par une sans penser à ce qui allait
suivre. J’ai l’impression que cela m’aidait vraiment. Je ressentais une
grande douleur et une grande tension dans les reins. Cela me
soulageait que quelqu’un me les masse avec de l’huile, qu’on me
masse et qu’on exerce des points de pression le long de la colonne
vertébrale et sur le sacrum. Je me suis beaucoup servie de la
bouillotte. La chaleur me faisait du bien. Elle m’aidait à me détendre
et à soulager en partie la douleur.
Quand elles auscultaient le cœur du bébé, les sages-femmes se
servaient d’un doppler et on l’entendait résonner dans la chambre.
C’était si agréable à entendre. Cela me donnait confiance et me
permettait de savoir que tout allait bien. Je savais qu’il ne me restait
plus beaucoup de temps à entendre son petit cœur battre à
l’intérieur de moi. Bientôt, elle serait sortie.
Ma mère m’a encore examinée vers 22 h et m’a dit que j’étais
presqu’à dilatation complète, mais qu’il restait un bourrelet de col.
J’en étais à ce stade depuis plusieurs heures déjà. À ce moment-là,
elle m’a dit que si je n’avais pas progressé sous peu, il faudrait
songer à aller à l’hôpital. Elle sentait que cela n’allait pas, comme si
quelque chose empêchait le bébé de descendre. Elle savait que je
commençais à être très fatiguée et que cela allait faire la troisième
nuit que j’étais en travail.
C’est là que j’ai décidé que j’allais laisser le travail être plus
douloureux. J’étais déterminée à avoir mon bébé à la maison. J’avais
un petit bourrelet de col qui ne voulait pas s’effacer. Ma mère a
essayé de le repousser à plusieurs reprises, mais je n’arrivais pas à
le supporter. Elle a appliqué de l’huile d’onagre sur mon col vers
23 h 15. À 23 h 40, mon autre sage-femme et amie Sharo, a aidé à
repousser le bourrelet par-dessus la tête du bébé. Une fois à
dilatation complète, pendant que je commençais à pousser, ça allait
mieux. Il était 23 h 45.
Nous avions un miroir dans lequel je pouvais suivre la progression
du bébé. À partir du moment où j’ai aperçu sa tête et ses cheveux,
j’ai été déterminée à la faire sortir, peu importait la douleur. Il n’était
plus question de faire marche arrière. C’était si intense, j’avais
l’impression de perdre pied. Je ressentais une grande pression. Sa
tête étirait mes tissus. C’était une douleur aiguë et ça piquait fort. Je
voulais vraiment qu’elle sorte, mais j’avais aussi très envie d’attendre
le jour de la fête des Mères, qui approchait à grands pas.
Quand elle est née, une minute après minuit, ce fut un grand
soulagement. Je n’oublierai jamais à quel point elle était chaude,
douce et soyeuse. Elle sentait si bon, une odeur sucrée et de
nouveau-né. Quelle petite puce ! Elle pesait 3,8 kg et mesurait 54,5
cm. Elle a tout de suite pris le sein et s’est mise à téter dans les
minutes qui ont suivi.
Il s’est avéré qu’elle avait les deux mains autour du visage. On
appelle cela un « bras nucal ». Avec elle, c’était les deux bras ! C’est
pour cela que ça a pris tant de temps. C’est aussi pour cette raison
que j’avais un travail par les reins si fort. Ses petits coudes
appuyaient d’abord sur ma colonne et ensuite sur mon sacrum.
Tout cela a été si intense, j’étais tellement contente que ce soit
terminé. Elle a maintenant 20 mois et elle continue de porter les
mains à son visage et ses oreilles quand elle tète ou qu’elle a
sommeil. Quelle adorable petite choupette à l’odeur délicieuse. Elle
m’a fait travailler très dur, mais elle en valait tellement la peine. Je
l’aime tant !
Quel bonheur de ne pas avoir eu à aller à l’hôpital et que Eric, mes
sages-femmes, mon amie Lily et ma famille aient tous été là pour
moi. Ma sœur Sally a tout filmé. Je n’y serais jamais arrivée sans
eux. Je ressens une telle gratitude de recevoir tant de soutien et
d’amour de ma famille.
Ajahna Kaya Sky Nelson-Schaefer est née à 00 h 01, le 14 mai
2000. Mon vœu s’est exaucé. C’était le week-end, la fête des Mères
et elle était belle, en bonne santé, charmante ; une jolie petite fille
souriante.
PARTIE II
Les essentiels de l’accouchement

Introduction

Il va sans dire ou presque que les accouchements relatés dans la


première partie de ce livre sont différents de ceux que vivent la
plupart des femmes américaines. Dans l’ensemble, ces récits sont
trop optimistes ; on y parle trop de joie, d’extase et
d’épanouissement. Ils ne témoignent pas du taux habituel
d’extractions instrumentales ou de délivrances par césarienne. (Pour
les femmes qui accouchent à The Farm, le taux approximatif de ces
interventions, toutes confondues, est inférieur à 2 % contre une
moyenne nationale d’au moins 30 à 40 % aux États-Unis.)41
Pour la plupart, ces femmes ont accouché à domicile (AAD) ou
dans notre petite maison de naissance, très souvent entourées par
bien plus de sages-femmes que d’ordinaire. Au vu de ces
particularités, vous vous demandez peut-être en quoi ces
témoignages et, plus globalement, l’expérience des femmes que
nous avons accompagnées, mes consœurs et moi-même, peuvent
vous apportez quelque chose.
À la question : « Les femmes qui témoignent ici sont-elles des
êtres hors norme ? », la réponse est : non. Si les femmes qui ont
accouché à The Farm jouissent des mêmes capacités physiques que
les autres Occidentales – et c’est le cas, j’en suis certaine – il est
évident que notre expérience est instructive. Ces témoignages
recèlent des leçons qui peuvent vous transmettre leur puissance et
vous aider à mettre votre enfant au monde sans intervention
technologique, quel que soit le lieu où vous avez choisi d’accoucher.
Mais dans notre contexte social, l’acte d’enfanter est devenu assez
difficile à comprendre, étant donné l’ensemble des mythes culturels
largement répandus à son sujet. Par exemple, contrairement à une
croyance très populaire, il est rare que les caractéristiques physiques
d’une femme interfèrent avec sa capacité à accoucher. Autrement
dit, votre bassin est probablement assez large pour permettre un
accouchement par voie basse. Ce constat s’applique à presque
toutes les femmes. En revanche, les attitudes mentales et les
émotions entravent, bien plus qu’on ne le pense, la capacité d’une
femme à accoucher.
Dans la deuxième partie de ce livre, j’explique comment nous,
sages-femmes de The Farm, sommes parvenues à des résultats
aussi excellents – avec, au moment opportun, l’assistance de
quelques médecins, services hospitaliers et membres de la
communauté – et ce dès le début, quand mes consœurs et moi-
même n’avions encore que très peu d’expérience. Avant que la
première césarienne ne s’avère nécessaire, 186 bébés étaient nés (le
187e était en présentation transverse et ne pouvait plus se
retourner). La deuxième césarienne fut nécessaire à la 324e
naissance. Nous avons obtenu ce taux d’interventions
remarquablement bas sans mettre en péril la vie des mères ou de
leurs enfants.
La raison pour laquelle les statistiques de The Farm (voir annexe
A) sont si bonnes tient à notre réussite, en tant que communauté, à
éviter les écueils. Avant même de commencer à faire des
recherches, nous étions déjà dans le vrai sur beaucoup de points. Et
plus les choses étaient faites comme il faut, plus une synergie se
faisait sentir. Isolé, chacun de ces points peut paraître insignifiant
pour celui qui cherche une recette miracle. Comment rendre aux
femmes leur accouchement ? Les nourrir ? Les laisser dormir, tout
simplement ? Attendre le déclenchement spontané de leur travail ?
Ne pas leur faire peur ? Pourtant, combinées, ces simples mesures
créent une alchimie qui donne des mères détendues, heureuses,
enthousiastes, et des bébés en bonne santé. Certes, nous avons
toujours besoin d’obstétriciens et de services hospitaliers mais,
comme les statistiques de The Farm le montrent, quand la femme
est en bonne santé et qu’elle est bien préparée, rares sont les cas
qui les nécessitent.
La deuxième partie présente aussi les protocoles de routine tels
qu’ils se pratiquent souvent dans les services obstétriques
hospitaliers et comment ils peuvent influencer le cours du travail et
affecter le processus physiologique de la naissance.
Si je souligne que nous étions dans le vrai depuis le début, c’est
pour illustrer une vérité essentielle à propos de l’accouchement : la
naissance est un processus physiologique. Seul le métier de sage-
femme pouvait nous permettre, à mes consœurs et moi-même, de
démarrer en novices, de veiller nous-mêmes à notre instruction, tout
en réussissant à obtenir, en toute sécurité, des résultats qui
surpassaient largement ceux des professionnels de santé qui
exercent en milieu hospitalier et disposent des dernières avancées
de la technologie. Jamais nous n’aurions pu devenir dentiste ou
chirurgien de la même manière.
Je partage mon expérience de sage-femme pour vous encourager
et vous informer.
Il est important de se rappeler qu’à l’évidence, notre corps
fonctionne plutôt bien ; autrement, il n’y aurait pas tant d’êtres
humains sur cette planète.
Les informations contenues dans ce livre sont particulières parce
qu’elles ont été découvertes et mises en pratique par des femmes
qui ont appris, ensemble, qu’en développant un accompagnement
prénatal centré sur la mère, on pouvait permettre aux femmes
d’accéder à une connaissance de leur physiologie intrinsèque dont
elles n’avaient jamais entendu parler auparavant.
CHAPITRE 1

Le corps et l’esprit :
une connexion puissante

Avez-vous pour habitude de penser que votre corps et votre esprit


sont séparés ? Si c’est le cas, vous êtes comme presque toutes les
femmes de culture occidentale. Dès notre plus jeune âge, nous
sommes, pour la plupart, bombardées de messages qui véhiculent
l’idée que nos pensées et nos sentiments n’ont aucun lien avec le
fonctionnement de notre corps. De la même façon, la médecine
occidentale suppose une séparation totale du corps et de l’esprit. On
considère que les pensées et les sentiments n’ont aucun rapport
avec le bien-être physique. Quand quelque chose va mal sur le plan
physique, notre culture nous enseigne que les médicaments ou la
chirurgie sont nécessaires.
L’effet placebo fait figure d’exception dans cette conception
médicale qui suppose que l’esprit n’est pas impliqué dans les
processus corporels. Ce phénomène se produit lorsque quelqu’un, à
qui l’on a donné un « médicament » qui n’est en réalité qu’un
comprimé de sucre, croit qu’il contient une substance active.
Certaines personnes guérissent après avoir pris ces comprimés. En
fait, leur esprit a été conditionné à croire que le corps se rétablirait.
C’est cette croyance qui déclenche ou accélère un véritable
processus de guérison. Le placebo est donc une supercherie qui
incite la personne à penser de manière positive. Bien que le corps
médical reconnaisse son existence, la médecine orthodoxe n’accorde
que peu d’importance à l’intime connexion qui existe entre le corps
et l’esprit quand il s’agit d’une femme en travail et de son
accouchement.
Parmi les dix premiers accouchements auxquels j’ai assisté, deux
naissances m’ont enseigné à quel point la connexion corps/esprit
peut être forte pendant le travail et l’accouchement. Les huit
premières femmes ont eu un travail conforme à la description faite
dans les précis d’obstétrique. Après la mise en route des
contractions, leur col (à savoir le sphincter qui se trouve à l’entrée
de l’utérus) s’est ouvert à un rythme régulier. Pour les deux autres
femmes, il en alla autrement. Après avoir atteint environ sept
centimètres (dix centimètres étant la dilatation complète),
l’ouverture du col a stagné pendant plusieurs heures, en dépit des
efforts fournis par la mère pour respirer lentement et profondément
et du calme avec lequel elle acceptait chaque contraction. Dans les
deux cas, leur col de l’utérus ne semblait pas différent de celui d’une
autre femme. Pourtant, il fallait se rendre à l’évidence qu’il ne se
comportait pas de la même façon. Je me demandais pourquoi, et
mes manuels d’obstétrique n’offraient aucun indice pour apporter
une réponse.
Dans le premier cas, la visite d’une amie proche de la femme en
travail influença très notablement le cours du travail. Invitée à entrer
dans la pièce où la mère accouchait, elle demanda : « Est-ce que
Sheila (la femme en travail) vous a dit pour sa mère ? » À ces mots,
un grand frisson parcourut mon corps. J’appris ensuite que la femme
qui accouchait avait été adoptée et qu’elle avait un jour confié à
cette amie qu’elle avait grandi dans la crainte que sa mère
biologique soit morte en couches. Elle était apparemment trop gênée
ou incapable de s’exprimer pour admettre qu’elle avait peur de
mourir si elle s’abandonnait à la puissance des contractions. Une fois
sa peur profonde évoquée à haute voix, son col de l’utérus s’est
détendu et s’est montré capable d’accomplir le travail qui semblait
impossible auparavant. En peu de temps, il était à dilatation
complète et, moins de deux heures après la révélation de cette peur
secrète, un bébé en bonne santé naissait. J’étais impressionnée
d’apprendre que le simple fait de taire une pensée terrible suffisait à
altérer à ce point l’aptitude d’une femme à accomplir un acte
physiologique normal. Mais j’étais aussi ravie de découvrir qu’en
verbalisant la situation, on pouvait éliminer le besoin de recourir à
une médication, une intervention mécanique ou un acte chirurgical.
Dans le deuxième cas, le col de l’utérus de la femme en travail
s’était dilaté jusqu’à sept centimètres et avait stagné à ce stade
pendant plus d’une journée, en dépit de fortes contractions. Comme
pour la mère précédente, c’était son premier bébé et elle était très
heureuse d’être enceinte. J’étais certaine que Pamela n’avait pas
peur de mourir pendant son accouchement et le fait que son travail
ne progressait pas me laissait perplexe. Après des heures de travail
infructueux, j’ai fini par lui demander si quelque chose l’inquiétait. À
ma grande surprise, sa réponse fut affirmative. Elle n’arrêtait pas de
penser aux vœux qu’elle et son mari avaient écrits pour leur
cérémonie de mariage plusieurs mois auparavant. Elle avait voulu y
inclure la promesse d’un engagement pour la vie, mais son mari
s’était montré réticent à aller aussi loin. Pendant qu’elle se confiait à
moi, un grand frisson parcourut mon corps, semblable à celui que
j’avais eu lors de l’intervention de l’amie de Sheila.
Ne sachant que faire d’autre, j’ai décidé d’en parler à Stephen,
mon mari, qui était un ami proche de Pamela. Il proposa d’offrir au
couple l’occasion de « re » formuler leurs vœux de mariage, cette
fois-ci avec la promesse « jusqu’à ce que la mort nous sépare ».
Quand je leur ai demandé s’ils en avaient envie, ils ont acquiescé.
Entre les contractions, ils ont formulé ces vœux, plus exhaustifs, et
en moins de deux heures, leur fils naissait en bonne santé.
Je n’ai jamais oublié ces naissances. J’ai un souvenir
particulièrement net des premières centaines d’accouchements
auxquels j’ai assisté, et ceux-là sont parmi les premiers. La raison
pour laquelle ils sont tous les deux restés gravés dans ma mémoire
est qu’ils m’ont enseigné quelque chose d’extrêmement précieux
dont je n’avais pas conscience auparavant. J’ai découvert que
prononcer des mots justes peut parfois détendre les muscles du
bassin en permettant de décharger des émotions qui bloquaient
effectivement la progression du travail.
Une autre naissance, à laquelle j’ai assisté deux ou trois ans plus
tard, fut tout aussi mémorable, car c’est alors que j’ai compris à quel
point le corps et l’esprit d’une femme sont en étroite collaboration
pendant le travail. Je voyageais avec ma famille et des amis, et il se
trouve que nous étions de passage dans une ville où une amie allait
accoucher. Le premier bébé de Dawn était né à la maison en
présence de mes consœurs. Elle aurait accouché à la maison
également si ce deuxième bébé n’avait pas présenté des risques de
prématurité (de plusieurs semaines). Elle avait appris que l’hôpital
qui prenait en charge les grossesses à haut risque materno-fœtal42
de sa ville menait une étude pour tester un nouveau protocole
médicamenteux afin de retarder un début de travail prématuré. Si
elle participait à cette étude, elle pouvait être accompagnée par une
sage-femme, mais il fallait que la naissance ait lieu à l’hôpital même
si la grossesse arrivait à terme, ce qui fut le cas.
À mon grand étonnement, on me demanda de me rendre à
l’hôpital quand le travail de Dawn commença. En traversant les
grands couloirs de cet hôpital tout neuf, au sol reluisant et équipé de
tables d’accouchement dernier cri, je pensais que je n’étais pas très
sûre de savoir ce qu’on attendait de moi. En entrant dans le service
d’obstétrique, j’aperçus au mur le grand tableau noir sur lequel était
inscrit le nom des femmes en travail, le numéro de leur chambre et
la dilatation de leur col. Tout à coup, une alarme retentit et tout le
monde se mit à courir dans tous les sens. Une sage-femme se
précipita vers le tableau pour y écrire le mot complète à côté du
nom d’une femme, dans la colonne dilatation du col. Plus loin dans
le couloir, un obstétricien et plusieurs sages-femmes se précipitèrent
dans la chambre de la femme sur le point d’accoucher.
Alors que j’arrivais à la chambre de Dawn, sa sage-femme se
présenta à moi et m’invita tranquillement à la suivre. Elle me confia
qu’elle pensait que l’accouchement imminent qui monopolisait
l’attention de tout le service était l’opportunité d’offrir à sa patiente
ce qu’elle désirait le plus – que je sois sa sage-femme – et qu’elle-
même pourrait en profiter pour assister à son premier
« accouchement à domicile ». Elle m’expliqua brièvement que sa
formation de sage-femme ne lui avait jamais offert l’occasion
d’assister à une naissance ailleurs qu’en milieu hospitalier. Elle ajouta
qu’elle avait observé sa chienne mettre bas ses petits. Tout en
parlant, elle se dirigea jusqu’à la porte et attira mon attention sur un
détail qui m’avait échappé : un verrou, installé pour empêcher les
interruptions intempestives pendant les accouchements. Elle le
ferma. Voilà que nous nous retrouvions là, avec l’assurance que
l’atmosphère paisible que nous étions sur le point d’instaurer au
cœur du rythme effréné d’un grand hôpital ne serait pas troublée par
un intrus ou par la curiosité d’un membre du personnel.43
Dawn était tellement soulagée de voir que le plan qu’elle avait
élaboré avec sa sage-femme se déroulait à merveille qu’un sourire
de gratitude illuminait son visage pendant tout le travail. Au bout
d’un moment, alors que je faisais un toucher vaginal pour estimer le
degré de dilatation de son col de l’utérus, elle dit : « Tout ce que je
souhaite, c’est m’ouvrir et laisser sortir ce bébé. » À l’instant où elle
prononçait ces paroles, son col s’ouvrit de deux centimètres sous
mes doigts. Je venais d’être témoin d’un phénomène que je n’avais
pas l’habitude d’observer, car c’était la première fois que j’entendais
une femme formuler le souhait que son col de l’utérus s’ouvre alors
même que mes doigts étaient posés dessus, prêts à confirmer que
son vœu se réalisait. Plutôt chouette, ai-je pensé, de pouvoir dire à
son corps exactement ce qu’on veut qu’il fasse, et qu’il s’exécute. Je
me suis demandé si j’aurais pu en faire autant. Peu de temps après,
Dawn poussait sa fille dans mes mains tendues, prêtes à l’accueillir.
À l’exception d’une paire de gants, de deux pinces pour clamper le
cordon, d’une paire de ciseaux pour le couper et d’une serviette pour
envelopper le bébé, les nombreux accessoires réunis pour la
naissance ne furent pas nécessaires. Dawn avait eu son
« accouchement à domicile » au cœur d’un hôpital et une sage-
femme, habituée à travailler en milieu hospitalier, en retira une
approche nouvelle de ce que peut être un accouchement quand il se
déroule dans une atmosphère où règnent le calme et la confiance au
lieu de l’anxiété et la peur.
Des années plus tard, à Édimbourg en Écosse, je donnais une
conférence devant une assemblée de sages-femmes et de mères. Je
venais de raconter l’anecdote de mon amie dont le col de l’utérus
s’était ouvert à l’instant même où elle en avait formulé le souhait à
voix haute. Une femme, assise au fond de la salle, attira mon
attention par la vivacité des expressions qui animaient son visage
pendant qu’elle m’écoutait. Elle voulait partager l’expérience qu’elle
avait eue lors de la naissance de son premier bébé. Elle était restée
assise sur son lit pendant la première phase de l’accouchement
(durant laquelle le col de l’utérus se dilate), enlacée par son mari. Il
lui avait chuchoté à l’oreille : « Tu es merveilleuse ! » et elle était
certaine d’avoir senti son col s’ouvrir à ces mots. « Dis-le-moi
encore, s’il te plaît ! », lui avait-elle demandé. Il avait répété ces
paroles et, de nouveau, elle avait senti son col s’ouvrir. « Je sais que
vous allez croire que je suis folle, avait-elle dit, s’adressant à son
mari et à sa sage-femme, mais est-ce que vous pourriez continuer à
me le dire ? » Son mari, rejoint par la sage-femme, avait continué sa
mélopée. Peu de temps après, arrivée à dilatation complète, elle
poussait son bébé pour le mettre au monde.
Je crois pouvoir dire que toute l’assemblée était enchantée d’avoir
reçu ce merveilleux témoignage illustrant parfaitement les
possibilités qu’offrent l’énergie d’une femme et d’un homme quand
elles se conjuguent de manière puissante et gracieuse. Ce que j’aime
le plus avec les témoignages, c’est la force avec laquelle ils nous
révèlent l’existence de possibilités dont nous n’aurions pas
conscience autrement. Quoi de plus libérateur pour un futur père
que d’apprendre que ses mots d’amour peuvent apporter force et
énergie à sa compagne et faciliter son accouchement – parfois au
point que l’expérience puisse s’aventurer dans les méandres de
l’extase ?
Une autre preuve de la connexion corps/esprit pendant
l’accouchement est visible juste après la naissance, au moment où le
placenta se détache des parois utérines. Il arrive que l’utérus d’une
femme ne se contracte pas suffisamment pour arrêter les
saignements qui surviennent à l’endroit où le placenta s’insérait.
Dans ces cas-là, on utilise le plus souvent un médicament ou des
plantes pour augmenter la force des contractions et faire cesser les
saignements. Parfois, pourtant, les mots suffisent. Plusieurs fois, il a
suffi que je demande à une mère d’arrêter de saigner pour qu’elle le
fasse.

Une ambiance défavorable peut entraver ou faire


régresser le travail

S’il existe un processus physiologique qui requiert un état de


relaxation maximum, c’est bien l’accouchement. De toute notre vie,
rien de plus gros qu’un bébé n’est appelé à sortir par l’un de nos
orifices.
À The Farm, mes consœurs et moi avons appris par l’observation
et l’expérience que, parfois, la présence d’une seule personne peut
suffire à entraver le travail, si celle-ci n’est pas en harmonie avec les
sentiments de la mère. Toutes les femmes sont sensibles. Certaines
le sont incroyablement. Cette vérité, nous l’avons apprise en
observant à maintes reprises un accouchement s’interrompre ou
ralentir, suite à l’arrivée de quelqu’un que la mère ressentait comme
un intrus. Lorsque la personne en question quittait la pièce, le travail
reprenait avec le même rythme et la même intensité qu’auparavant.
Au cours de la troisième année que j’ai passée à accompagner des
naissances, j’ai pu observer un phénomène dont je n’avais encore
jamais entendu parler ou été témoin. J’ai découvert que le col de
l’utérus d’une femme peut « se refermer » après s’être déjà ouvert
de plus de la moitié. Judith, avec qui j’étais amie, était en train
d’accoucher de son premier bébé. Elle était en travail depuis trois ou
quatre heures et tout semblait se dérouler facilement et avec
sérénité. Elle et son homme se câlinaient et s’embrassaient pendant
les contractions, blaguant de temps en temps entre eux ou avec
nous, les sages-femmes. Judith me demanda de l’examiner et je
constatai qu’elle était presque à dilatation complète (huit
centimètres). À peu près à ce moment-là, son travail prit une autre
tournure. Judith eut cet air intériorisé qu’ont les femmes quand elles
sentent arriver une autre contraction qu’elles pressentent plus forte
que ce qu’elles ont connu jusque-là. Pendant la contraction, elle s’est
tenue comme si elle était assise sur les coquilles d’œufs les plus
fragiles au monde. Ensuite, elle est restée silencieuse, sur le qui-
vive, très sérieuse. Les quelques contractions suivantes furent
beaucoup plus faciles ; si faciles, qu’elle me demanda de l’examiner
de nouveau, sachant que j’avais prévu de partir en déplacement
dans les deux ou trois heures à venir. C’est alors que je fis cette
découverte palpitante – son col de l’utérus s’était refermé et, de huit
centimètres de dilatation, il était revenu à près de la moitié. Comme
j’étais restée à ses côtés pendant tout le travail et qu’elle était restée
assise, quasiment immobile, je sentais que c’était elle, par la force
de l’esprit, qui avait refermé son col.
Intuitivement, je savais que Judith arriverait sûrement à rouvrir
son col, à condition qu’elle se laisse aller à rire. « Si tu peux, essaie
de te décrisper », ai-je dit de la manière la plus douce et la plus
encourageante possible. Et c’est précisément ce qu’elle fit. Sa fille ne
tarda pas à naître, bien avant qu’il ne me faille partir. Tout excitée
par ma découverte, j’ai commencé à rechercher dans la littérature
médicale ce qui avait été écrit sur la faculté, volontaire ou non, d’une
femme en travail à refermer son col ou à faire machine arrière.
Après avoir épluché une quantité considérable d’articles
d’obstétrique et avoir profité de plusieurs conférences pour
interroger les sages-femmes à ce sujet, j’ai compris que je n’allais
rien trouver. Trop de sages-femmes hospitalières me confièrent
qu’en cas de litige entre leur estimation de l’état du col et celle du
médecin (ce qui arrive souvent), c’était toujours le médecin qu’on
croyait. Elles m’ont aussi souvent confié que, dans ces cas-là, il était
rare, voire exceptionnel, que le médecin veuille bien croire que le col
était réellement plus ouvert avant que lui-même ne l’examine. Pour
le médecin, il est plus commode de penser que la sage-femme s’est
trompée plutôt que de concevoir que le corps de la femme possède
une faculté qui n’est pas mentionnée dans les manuels de médecine.
En obstétrique, le manque de communications de ce genre est un
véritable fléau. Pendant leurs études, il est rare que les médecins
aient l’occasion de rester auprès d’une femme en travail pendant des
heures. En général, ils apprennent à intervenir dans le cours normal
du travail si fréquemment et de manière si précoce qu’ils n’ont
jamais l’occasion d’assister à un travail et une naissance
physiologiques. De toute évidence, l’observation prolongée est le
meilleur moyen de connaître la connexion qui existe entre le corps et
l’esprit. Elle seule permet d’être témoin des nuances subtiles qui
colorent les émotions qui vont et viennent tout au long du travail.
C’est l’occasion unique de corréler les changements émotionnels
avec les changements physiques.
Par la suite, j’ai su que les médecins qui rédigent les précis
d’obstétrique n’ont jamais eu l’opportunité d’observer le
comportement dont j’ai été témoin. C’est là que j’ai commencé à me
demander si les livres de médecine avaient toujours omis cet
exemple précis de connexion corps/esprit pendant le travail. En me
plongeant dans les textes écrits avant que l’accouchement migre
vers l’hôpital, j’ai découvert que les médecins des générations
précédentes avaient gardé une connaissance empirique qu’on
retrouve dans les livres de médecine du XIXe siècle. Beaucoup font
référence au phénomène de régression dans le travail tel que j’avais
pu l’observer. Il semblerait que certaines femmes puissent faire
remonter leur bébé quand elles n’apprécient pas la tournure des
évènements. C’était aussi vrai autrefois que ça l’est aujourd’hui mais,
à l’époque, c’était connu. Au XIXe siècle, les médecins n’ignorent pas
l’importance de rester en dehors de la chambre d’une femme en
travail et de n’y entrer qu’à l’approche de la naissance ou si leur
assistance a été expressément requise par l’une des accoucheuses.
Ils enseignent à leurs étudiants en médecine (uniquement des
hommes à l’époque) la nécessité de respecter le consensus des
accoucheuses.

Betschler (1880) mentionne un accouchement pendant lequel « les


douleurs furent interrompues par une violente tempête et le col,
bien que largement dilaté, se referma. Le travail ne reprit qu’au bout
de 10 jours. »1
Cazeaux (1884) : « Chaque jour, nous sommes témoins de
l’interruption des douleurs pendant une demi-heure et parfois même
plusieurs heures, après avoir rendu visite à une femme dont la
pudeur a été choquée par notre présence. »2 À cette époque, il était
encore relativement rare qu’un homme soit présent dans la pièce où
une femme accouchait.

Dewees (1847) : « En 1792, je fus appelé auprès d’une certaine


me
M C., sa sage-femme étant déjà occupée. Arrivé aux abords de la
maison, on me pria expressément de me hâter, car il n’y avait pas un
instant à perdre. Je fis donc une apparition soudaine dans la
chambre de Mme C., à qui on expliqua ma présence par
l’indisponibilité de sa sage-femme. Alors que j’entrais dans la pièce,
Mme C. se remettait tout juste d’une douleur – la dernière ce jour-là.
Après avoir attendu le retour des contractions pendant plus d’une
heure, je pris congé et je ne fus rappelé à son chevet qu’au bout de
deux semaines, jour pour jour. Le docteur Lyal dit : “Nous avons été
informés par un praticien respectable qu’un travail qui touchait à sa
fin avait été interrompu pendant plus de deux semaines après qu’un
gentilhomme eut été introduit auprès de la patiente, laquelle s’en
était offensée.” Tout accoucheur a pu être témoin de l’interruption
temporaire des douleurs suite à sa première apparition auprès de la
parturiente, mais que l’interruption dure jusqu’à deux semaines reste
exceptionnel. »3
A. Curtis (1846) : « Dès votre arrivée, laissez au mari ou à une
amie le soin de vous annoncer auprès de la dame et restez dans
l’antichambre jusqu’à ce qu’elle vous fasse appeler. Une surprise
soudaine, surtout si elle s’accompagne de la crainte d’un traitement
grave, retardera grandement le processus et dans la plupart des cas,
aura pour effet de faire remonter le fœtus. Lorsque vous entrez dans
la pièce, faites en sorte que votre esprit soit calme et serein et que
vos sentiments entrent en empathie avec ceux de la patiente. »4
Francis H. Ramsbotham (1861) : « En arrivant à la demeure de la
patiente, il est préférable de ne pas se présenter de manière
abrupte, à moins qu’une nécessité immédiate ne l’exige. Il faut
s’enquérir auprès de la sage-femme afin de déterminer si le travail a
réellement commencé. Après avoir été introduit dans sa chambre, il
conviendra de s’entretenir avec la patiente de quelques généralités
et d’en profiter pour noter la fréquence, la durée, la force et la
nature des douleurs. Notre ligne de conduite sera élaborée en
conséquence. »5
W. A. Newman Dorland (1901) : « Au sujet des “douleurs” ou
contractions utérines : une émotion, de quelque nature que ce soit,
en atténuera l’intensité et pourra même les faire cesser
complètement ; l’entrée du médecin dans la pièce peut avoir le
même effet. » 6

J’étais fascinée d’apprendre qu’autrefois la plupart des médecins


savaient que la contrariété occasionnée par une présence indésirable
pouvait suffire à entraver le travail. Ils le savaient comme un fermier
le sait pour la mise-bas de ses bêtes – c’était un fait notoire, un
savoir acquis par l’observation et transmis d’une génération à l’autre.
Mais au fur et à mesure que l’accouchement à la maison s’est fait de
plus en plus rare, ce savoir s’est perdu. Le fait est que les médecins
ne sont plus en mesure de constater que leur présence en salle de
naissance ou leurs manières pressées retardent souvent le travail. Il
ne faut pas perdre de vue que l’interrelation du corps et de l’esprit,
telle qu’elle est décrite dans les ouvrages du XIXe siècle, demeure
une réalité de nos jours.
Chapitre 2

Ce qui se passe pendant le travail

« Chut ! Quelqu’un vient ! » dit le plombier à la jeune fille


alors qu’ils étaient là, allongés sur la plage. « Chut !
répondit-elle, c’est moi ! »

Anonyme
Les modifications physiques qui se produisent dans le corps d’une
femme pendant le travail sont sans doute les plus importantes que le
corps humain connaisse. Ces modifications supposent davantage de
mouvements, de changements morphologiques de plusieurs
organes, de sensations corporelles prolongées et d’efforts que celles
qui accompagnent les autres fonctions physiologiques que sont
bâiller, avaler, roter, éternuer, tousser, rire, pleurer, digérer, respirer,
uriner, vomir, déféquer, péter et jouir – fonctions que nous
expérimentons plus fréquemment. L’accouchement – du point de vue
de la mère – c’est l’Everest des fonctions physiologiques chez tous
les mammifères. À moins d’avoir déjà eu l’occasion d’en être témoin,
on arrive difficilement à concevoir que quelque chose d’aussi gros
puisse sortir d’un orifice qui, d’ordinaire, paraît si petit. Et pourtant,
cela arrive tous les jours.
Étant donné qu’il n’est pas si évident de comprendre comment
c’est possible, penchons-nous sur les données élémentaires, à
commencer par les modifications que connaît l’utérus pendant la
grossesse et le travail.
Aucun autre organe ne peut s’apparenter à l’utérus. Si les hommes
avaient un organe comme celui-ci, ils s’en vanteraient. Et c’est
d’ailleurs ce que nous devrions faire.
La poche membraneuse, presque transparente et remplie d’un
liquide salé – un océan miniature – abrite le bébé et son cordon
ombilical. Partant de son nombril, ce cordon rattache le bébé au
placenta, organe de courte longévité mais néanmoins fantastique
qui, enraciné dans la paroi utérine et raccordé à ses vaisseaux
sanguins, accomplit une multitude de fonctions pendant la
grossesse. Le placenta remplit les fonctions qui seront ensuite
assurées par les poumons, le système digestif, le foie, les organes
excrétoires et les deux chambres cardiaques lesquelles, pour
l’essentiel, ne sont pas encore actives pendant la vie intra-utérine.
Dans certaines langues, le mot placenta se traduit par gâteau
maternel, peut-être par reconnaissance du rôle vital qu’il joue dans
la croissance intra-utérine du bébé.44 Le placenta nourrit
littéralement l’enfant.
Le col de l’utérus, orifice circulaire dont la forme s’apparente à un
goulot de bouteille et qui se trouve à l’extrémité la plus basse de
l’utérus, est un anneau musculaire puissant qui le maintient bien
fermé jusqu’au début du travail. Imaginez une bourse en maille dont
la fermeture est assurée par un cordon. Cet épais muscle cervical45
doit être assez puissant pour maintenir l’utérus fermé malgré la
pression qu’exercent sur lui les 7 kg, ou presque, que pèsent le
bébé, le placenta et la poche des eaux – et même considérablement
plus dans les cas de jumeaux et de grossesses multiples. Le muscle
cervical est capable de rester fermé sans effort dans la phase qui
précède le travail. (Une fois le travail commencé, sa tâche consiste à
s’effacer et à s’ouvrir.) Pendant la grossesse, le col de l’utérus est
scellé par un bouchon de mucus épais, qui est expulsé dans les
heures qui précèdent le travail. Il est habituellement légèrement
teinté de sang, ce qui lui confère une couleur rougeâtre ou brunâtre.
L’expulsion de ce mucus, appelé bouchon muqueux, signale que le
début du travail est proche.
Le reste de l’utérus est aussi fait de tissu musculaire, mais d’un
genre différent de celui du col de l’utérus. Les trois couches de fibres
musculaires qui constituent le corps de l’utérus sont incroyablement
puissantes, élastiques et souples. Elles doivent s’étirer au point de
pouvoir accueillir une grossesse multiple tout en gardant la capacité
d’expulser tout leur contenu à l’issue du travail, quelles que soient la
taille du bébé et la quantité de tissus.
Avant la grossesse, l’utérus est un organe musculaire de la forme
et de la taille d’une poire à l’envers. Il est situé dans le bas-ventre de
la femme et maintenu en place par de puissants ligaments. Après la
conception, l’œuf fécondé est balayé de la trompe de Fallope jusqu’à
l’intérieur de l’utérus où il se niche dans la paroi utérine et fabrique
un placenta et une poche des eaux contenant un futur être humain.
Au fur et à mesure que le bébé et le placenta grandissent, l’utérus
grandit avec eux. Pendant la grossesse, l’utérus grossit jusqu’à
atteindre la taille d’une grosse pastèque s’il abrite un seul bébé – et
davantage s’il y en a plusieurs. Au moment où le bébé est prêt à
naître, le sommet de l’utérus s’est développé au-delà des dernières
côtes de la cage thoracique et a repoussé l’estomac au-dessus de sa
position habituelle. (C’est la raison pour laquelle, souvent, les
femmes enceintes trouvent nécessaire de manger moins mais plus
fréquemment pendant les dernières semaines de grossesse afin
d’éviter les brûlures d’estomac. Certaines n’y échappent pas.)
À l’approche du travail, les parois de l’utérus sont relativement
fines. Pourtant, leur capacité à se contracter pendant le travail est
suffisante pour pousser un gros bébé à travers le col de l’utérus
ouvert pour qu’il s’engage dans le vagin, lequel doit également
s’étirer et s’ouvrir.
Au cours des derniers jours de grossesse, les hormones qu’on
appelle prostaglandines ont pour effet de ramollir et de raccourcir
l’épais anneau musculaire du col en prévision du travail. Ce
processus s’appelle la maturation du col. Le col de l’utérus, qui
pointe comme un nez pendant la grossesse, devient extrêmement
mou au toucher lorsqu’il arrive à maturité, et perd alors sa forme
distinctive de goulot de bouteille pour se fondre dans le corps de la
bouteille.
La première phase de l’accouchement, au cours de laquelle le col
de l’utérus s’ouvre, est appelée dilatation ou travail. Chez la plupart
des mammifères, les femelles livrées à leur instinct restent actives
pendant cette phase de l’accouchement, car c’est l’étape au cours de
laquelle, s’il n’était pas déjà bien positionné, le bébé va être poussé,
ballotté, gigoté et tourné dans la position la plus avantageuse pour
s’engager dans le canal de naissance. Les ongulés ont tendance à se
présenter les pieds en premier. Les primates, comme les humains et
les grands singes, naissent généralement la tête la première, bien
qu’un accouchement vaginal par le siège ou les pieds soit également
possible.
Une fois le col complètement dilaté, une combinaison de
contractions utérines et abdominales pousse le bébé à l’extérieur du
corps de la mère. Cette deuxième phase de l’accouchement s’appelle
l’expulsion. Elle dure jusqu’à la naissance du bébé. La pesanteur
peut grandement influencer la progression du bébé pendant cette
partie du travail ; de même que beaucoup d’autres facteurs, mais
nous y viendrons plus tard.
Quant à la poche des eaux, elle se perce parfois avant le travail46,
plus souvent pendant le travail et, plus rarement, il arrive qu’elle soit
intacte à la naissance et qu’il faille la percer et l’ouvrir pour que le
bébé puisse prendre son premier souffle. Parfois cette poche est
percée volontairement pour tenter d’accélérer le travail. La rupture
intentionnelle de la poche des eaux47 peut être dangereuse lorsque
le bébé est encore trop haut et qu’une partie du cordon risque d’être
entraînée par le liquide amniotique qui s’écoule. Dans ces cas-là, il
arrive que cette partie du cordon se retrouve pincée entre le bébé et
le col en train de se dilater, ce qui entrave la circulation du sang et
réduit l’apport en oxygène pour le bébé.
Pendant la dilatation, les contractions rythmiques de la partie
supérieure de l’utérus effacent et ouvrent le col. Au cours de la
deuxième phase, l’expulsion, ces contractions poussent aussi la
partie du bébé qui fait face au col pour l’engager dans la partie
inférieure du bassin. Il est rare que la taille du bassin (ou pelvis)
d’une femme empêche la naissance de son bébé. (Toutefois, au XIXe
siècle, les femmes des villes souffraient souvent de déformations du
bassin causées par une carence en vitamine D, et ce genre de
difformités présentait effectivement une entrave à l’accouchement
par voie basse.) À ce stade, le crâne du bébé – qui, comme le
bassin, est composé de plusieurs os maintenus ensemble par des
ligaments – a la capacité de s’adapter temporairement aux
dimensions du bassin maternel pour le traverser plus facilement.

Même après trente ans de pratique en tant que sage-femme, l’efficacité et la


conception remarquables du corps de la femme telles qu’elles se manifestent
pendant le travail et l’accouchement forcent toujours autant mon admiration et
mon respect. En réalité, avec les années, mon émerveillement ne fait que croître
face au fonctionnement parfait du corps – quand on lui offre les circonstances
favorables. Les naissances que nous accompagnons à The Farm démontrent
combien il est rare que des complications et des difficultés se présentent quand
les femmes sont bien préparées à l’accouchement et que les interventions
technologiques restent minimes – à savoir quand elles sont pratiquées seulement
lorsqu’elles s’avèrent nécessaires. 94 % des femmes ont accouché à domicile ou
dans notre maison de naissance. Moins de 2 % ont eu une césarienne. Moins de
1 % des naissances ont nécessité le recours aux forceps ou à la ventouse
obstétricale.

Une des spécificités les plus appréciables du travail est l’existence


de pauses entre les contractions. Presque personne n’en parle dans
les ouvrages de préparation à l’accouchement, pourtant c’est l’une
des caractéristiques les plus merveilleuses du travail. Savourez-en
chaque seconde. Appréciez-les. Ces pauses vous offrent l’opportunité
de vous relaxer et d’apprécier le sentiment d’être « normale » et en
vie. Ces temps de pause peuvent durer dix minutes – même
quinze – en début de travail. Dans la deuxième phase du travail,
elles peuvent ne durer qu’une minute ou deux jusqu’à la naissance
du bébé.
La troisième phase de l’accouchement, qu’on appelle la délivrance,
s’étend de la naissance du bébé à l’expulsion du placenta. L’utérus
continue à se contracter après la naissance du bébé, se rétractant
rapidement jusqu’à la taille du placenta. Les contractions suivantes
détachent le placenta de la paroi utérine. Cette étape se manifeste
généralement par l’expulsion de sang rouge foncé dans les quinze à
vingt minutes qui suivent la naissance. D’autres contractions
expulsent le placenta. La pesanteur et une légère traction exercée
sur le cordon peuvent accélérer cette dernière phase.

Les hormones de l’accouchement

Un mélange complexe et savamment dosé d’hormones est


nécessaire pour activer toutes les fonctions du travail et de
l’accouchement décrits ci-dessus. L’interaction subtile et complexe
des fluctuations hormonales pendant l’accouchement compte parmi
les aspects les plus fascinants et les plus méconnus de la grossesse
et de la naissance dans le monde moderne. Les prostaglandines,
l’ocytocine, l’adrénaline et les endorphines entrent dans la synthèse
des composés chimiques naturels les plus importants que le corps
d’une femme élabore pendant le travail et l’accouchement. Elles
jouent un rôle clé dans la régulation et le rythme des contractions
utérines pendant le travail et l’accouchement. Elles stimulent les
réactions de la mère et du bébé (émotions et actions) qui sont
vitales pour sa survie.
J’ai déjà mentionné le rôle que les prostaglandines naturelles
jouent sur la maturation du col de l’utérus en prévision du travail.
L’ocytocine induit les contractions utérines. Plus tard, lorsque la plus
grande partie du bébé passe dans le vagin, un pic d’ocytocine chez
la mère et le bébé stimule la chorégraphie instinctive à laquelle ils se
livrent et que l’on appelle, le plus souvent, tomber amoureux. Ils se
contemplent l’un l’autre avec gratitude et émerveillement.
Venons-en à l’adrénaline. Si l’ocytocine joue le rôle d’accélérateur
de l’accouchement (puisqu’elle stimule les contractions de l’utérus et
le pousse à travailler pour s’ouvrir), alors l’adrénaline joue celui de
frein. L’adrénaline nous « booste ». Un niveau élevé d’adrénaline
accélère le rythme cardiaque et nous rend plus fort et plus rapide
pour nous permettre de combattre ou de fuir. Il arrive – comme je
l’ai signalé dans le chapitre précédent – qu’elle provoque l’arrêt du
travail. Il ne faut pas sous-estimer les effets de l’adrénaline, surtout
en ce qui concerne les naissances qui ont lieu dans les hôpitaux très
actifs. Je pense qu’un niveau d’adrénaline accru est la raison pour
laquelle tant de femmes en travail voient leurs contractions s’arrêter
lorsqu’elles arrivent à l’hôpital.
Je n’oublierai jamais cette femme qui m’a raconté son premier
accouchement, pris en charge par un jeune interne (étudiant en
médecine) qui n’avait pas su dissimuler son horreur à la vue de la
tête du bébé en train d’écarter les lèvres de sa vulve. Apparemment,
le bébé se présentait le visage en premier48 et c’était la première fois
que l’interne voyait cela (en général, c’est le sommet du crâne qui se
présente d’abord). Il croyait découvrir une horrible malformation.
L’expression sur son visage terrifia la mère qui sentit instantanément
son bébé remonter avec une force telle que l’une de ses côtes se
cassa. Une sage-femme pleine de sang-froid prit alors les choses en
mains et réussit à relancer la deuxième phase du travail en appuyant
sur l’utérus de la mère. Le bébé naquit en bonne santé.
Le premier accouchement de ma sœur illustre l’effet inverse que
l’adrénaline peut avoir – à savoir accélérer le travail au lieu de le
ralentir. Alors qu’un médecin impatient l’avait avertie qu’une
césarienne serait nécessaire si elle n’était pas parvenue à dilatation
complète dans les vingt minutes suivantes, elle réussit à arriver à
dilatation complète – alors qu’elle n’était qu’à cinq centimètres –
pour échapper à l’intervention chirurgicale. « Je n’avais vraiment pas
envie de me faire cisailler ! », m’a-t-elle raconté ensuite.
L’obstétricien français Michel Odent décrit l’expérience de ma sœur
comme un exemple de réflexe d’éjection fœtale – une élévation
soudaine du niveau d’adrénaline procure l’afflux d’énergie nécessaire
pour accomplir le travail de l’accouchement.
La troisième catégorie d’hormones majeures dans le processus de
l’accouchement est celle des endorphines. Ce sont des opiacés
naturels. Lorsque nous déployons un gros effort physique, les
niveaux d’endorphines augmentent en conséquence, surtout si l’on a
assez chaud, que l’on se sent aimé et soutenu et si, par-dessus tout,
on n’a pas peur. Les endorphines sont une bénédiction dans la
mesure où elles bloquent la perception de la douleur. Elles nous
apportent ce sentiment de satisfaction qui résulte d’un travail bien
fait ou qui progresse bien.
Voilà, en quelques mots, ce qui se passe pendant le travail. Quand
Jessica Mitford, l’auteure de The American Way of Birth49, cherche à
capturer l’essence de l’accouchement, elle reprend la description de
sa mère (comme le font souvent les femmes) : « C’est comme
d’essayer de pousser une orange pour la faire sortir par la narine. »
J’ai tout aimé dans ce livre, à l’exception de cette affirmation.
Accoucher n’a rien à voir avec faire sortir une orange par sa narine.
Les narines n’ont pas été créées pour accomplir quoi que ce soit de
semblable. Rien de plus n’en sort qu’un peu de morve. Un vagin a la
capacité de s’adapter à la forme et la taille de ce qu’il contient, qu’il
s’agisse d’un pénis ou d’un bébé. Le grand « secret » est qu’un vagin
présente une plus grande capacité à accomplir cette tâche lorsqu’on
l’imagine ou qu’on la « visualise » en train de se produire.
Il faut garder à l’esprit que, sous l’emprise de la peur, une mère a
tendance à secréter des hormones qui prolongent ou entravent le
travail. C’est vrai pour tous les mammifères, cela fait partie de la
nature. Celles qui ne sont pas terrifiées sont davantage à même de
sécréter abondamment les hormones qui facilitent le travail et le
rendent moins douloureux – parfois même agréable. Dans le
chapitre suivant, nous allons examiner de plus près la connexion
corps/esprit pour mieux comprendre le rôle que ce phénomène joue
dans la progression normale du travail.
CHAPITRE 3

Plus la civilisation a progressé et plus elle a affirmé que


l’accouchement était une épreuve douloureuse et
dangereuse.

Grantly Dick-Read
L’Accouchement sans douleurs :
les principes et la pratique de l’accouchement naturel

Plaisir ou douleur :
l’énigme du ressenti

La croyance selon laquelle l’accouchement est extraordinairement


douloureux a beaucoup voyagé de par le monde. Personne ne remet
en question le fait que l’accouchement soit une expérience
douloureuse pour beaucoup de femmes. On sait moins que certaines
femmes, indépendamment de leur culture, connaissent un travail qui
n’est pas douloureux. Cela soulève deux questions. La première,
comment est-il possible que le même acte puisse être vécu de
manière diamétralement opposée ? La deuxième, quelles conclusions
peut-on tirer de ce constat en vue de se préparer à l’accouchement ?
Pour répondre à ces questions, il peut être utile d’envisager le
travail et l’accouchement sous un angle différent. Considérons un
autre acte qui, comme l’accouchement, implique les organes
reproducteurs féminins – l’acte sexuel. Un rapport sexuel peut être
extrêmement douloureux ou, à l’inverse, source d’un plaisir
extatique, selon l’habileté et la sensibilité du partenaire et le
consentement de la femme. La taille de ce qui pénètre le vagin a, en
réalité, moins à voir avec les sensations physiques de la femme
pendant l’acte sexuel que les autres facteurs que je viens de
mentionner. Le même constat peut être fait quand il s’agit de la mise
en place d’un tampon. Un tampon est plus petit que le pénis d’un
homme adulte. Pourtant, sa mise en place peut elle aussi s’avérer
douloureuse si la femme a bu trop de café ce matin-là, qu’il fait trop
froid ou qu’elle essaie de le mettre trop vite. Cela dépend surtout
d’un facteur essentiel : est-elle prête pour cette expérience ? Partant
de là, on est moins surpris de constater qu’il existe une telle
diversité dans la façon dont les femmes décrivent les sensations
qu’elles ont ressenties pendant le travail et l’accouchement.
Un autre aspect intéressant de cette question de la douleur est la
perception qu’en ont les femmes ; elle dépend largement de leur
pays et de leur culture d’origine. Dans certains pays, y compris les
États-Unis, la plupart des femmes considèrent sans doute le fait
d’accoucher sans la moindre analgésie comme une épreuve. Il y a
des exceptions, bien sûr, notamment les femmes de The Farm ou
celles de la communauté amish, par exemple. Dans d’autres pays
tout aussi développés – les Pays-Bas et le Japon en sont l’illustration
parfaite – la plupart des femmes ne s’attendent pas à recevoir
d’analgésie lors d’un processus physiologique normal comme
l’accouchement. Si douleur il y a, elle n’est pas au cœur des
préoccupations. Cela fait partie de la nature et il n’y a pas matière à
s’en inquiéter. Contrairement aux États-Unis, où les sages-femmes
indépendantes, bien que de plus en plus nombreuses, ne prennent
encore en charge que 10 % des accouchements, aux Pays-Bas
comme au Japon, la plupart sont pratiqués par des sages-femmes.
Une étude comparant les attentes relatives à la douleur pendant le
travail chez un groupe de Néerlandaises et chez un groupe
d’Américaines a trouvé des disparités frappantes.7 Les deux groupes
de femmes accouchaient en milieu hospitalier et ont répondu à un
questionnaire dans les deux jours qui ont suivi leur accouchement.
Quelles avaient été leurs attentes relatives à la douleur, avaient-elles
reçu une médication pour y pallier, et comment préféreraient-elles
que la douleur soit gérée lors d’un prochain accouchement ? Les
deux groupes connaissaient les effets secondaires indésirables qui
peuvent survenir suite à une analgésie pendant le travail. Près des
deux tiers du groupe de femmes néerlandaises n’avaient pas reçu de
médication antidouleur contre seulement un sixième dans le groupe
des Américaines. Les deux tiers du groupe d’Américaines avaient
reçu un narcotique pendant le travail ainsi qu’une anesthésie locale
pour la naissance. Les Américaines s’attendaient à ce que le travail
soit plus douloureux que les Néerlandaises et elles s’attendaient à
recevoir une médication contre la douleur. Dans les deux groupes, le
nombre de femmes qui s’attendaient à ressentir de la douleur était
quasiment identique au nombre de femmes qui avaient reçu une
médication antidouleur.
L’anthropologue Brigitte Jordan commente la différence d’attitude
par rapport à la douleur de l’accouchement entre les Américaines et
les Néerlandaises dans son ouvrage fondamental, Birth in Four
Cultures.50 Elle écrit : « Aux Pays-Bas, les professionnels de la
naissance ont l’intime conviction que le corps des femmes recèle une
sagesse intrinsèque et que, pourvu qu’on lui en laisse le temps, la
nature suivra son cours. »8 Quand je suis allée au Japon, j’ai trouvé
une conviction similaire chez les femmes et les sages-femmes que
j’ai rencontrées. « L’accouchement est naturel, m’ont affirmé
plusieurs d’entre elles ; j’aurais peur d’un tremblement de terre,
mais pas d’accoucher sans analgésie. Les femmes sont faites pour
ça. Et puis, sous anesthésie, on n’a pas l’extase. On se prive de
l’euphorie. »
Une autre étude compare la perception de la douleur pendant le
travail entre deux groupes d’Américaines : celles qui accouchaient à
l’hôpital et celles qui accouchaient à domicile. Celles qui avaient
accouché à l’hôpital estimaient la douleur plus grande que celles qui
avaient accouché à la maison.9 Il existe de bonnes raisons pour
expliquer pourquoi la douleur de l’accouchement semble moindre
aux femmes qui accouchent à la maison. Pour commencer, elles ont
beaucoup moins de risques qu’on les force à rester allongées, sans
manger ni boire, ou de se trouver entourées d’inconnus pendant le
travail. Les besoins essentiels de la vie de tous les jours – être libre
de ses mouvements, de manger et de boire – sont tout aussi forts
pendant le travail, quand ils ne le sont pas davantage. Ensuite, les
femmes qui accouchent en dehors de l’hôpital ont plus de chance
que les autres de recevoir l’assistance constante d’une personne en
qui elles ont confiance, autre facteur qui diminue la perception de la
douleur pendant le travail.
Par certains côtés, la douleur est une catégorie étrange de
l’expérience humaine. Nous les femmes semblons la concevoir de
manière différente en fonction de ce qui la provoque. Il est probable
que nous ayons toutes connu les foudroyantes douleurs en coup de
poignard de l’aérophagie – ce qu’une de mes amies appelle un pet
coincé. Sachant la douleur vive que peut engendrer la pression
exercée sur les intestins par la présence d’un petit volume de gaz
coincé, on comprend mieux pourquoi la douleur fait souvent partie
de l’expérience du travail et de l’accouchement.
La douleur du travail offre un éventail de sensations plus large et
plus nuancé que nos croyances culturelles ne l’admettent. Quand je
dis « nuancé », je ne parle pas tant du ressenti de la douleur des
contractions que de l’attitude qui peut en altérer la perception. J’ai
souvent vu une femme en travail passer, en l’espace de quelques
secondes, de l’enfer au paradis après avoir dépassé la terreur pure
et compris comment travailler avec l’énergie de la naissance.
Bien sûr, il est beaucoup plus facile de prêter attention à ces
changements subtils d’état d’esprit lorsqu’on reçoit le soutien continu
d’une personne qui n’est pas elle-même effrayée par
l’accouchement. Pendant une contraction, il se peut que vous ayez la
sensation d’être horriblement blessée dans votre chair, mais le calme
de votre sage-femme, son attitude sereine ou ses paroles
rassurantes vous disent qu’aucune blessure ne vous est réellement
infligée. En avoir la certitude dans ce genre de moments est
tellement rassurant qu’il devient possible de sentir la douleur
diminuer, ou votre faculté à la supporter croître. Il m’est impossible
de dire combien de fois j’ai vu les yeux d’une femme s’écarquiller
d’effroi en ressentant la puissance brute des contractions qui
accompagnent la dilatation complète du col de l’utérus. Quand je
vois ce regard, je connais les paroles qui soulageront la peur
irrationnelle qui s’est emparée d’elle.
Je lui dis : « N’aie crainte. Je n’ai jamais vu une femme exploser
ou se fendre en deux. » Le soulagement est souvent immédiat et
complet.
Si je constate que mes paroles ont eu un effet apaisant, je
poursuis : « Seul le bébé va sortir. Ton corps est d’une grande
sagesse. Il n’expulse que ce qui doit l’être. »
Dans ces cas-là, le soulagement et la gratitude s’accompagnent
d’une décharge d’endorphines, les opiacés naturels du corps. La
douleur diminue. Il s’ensuit un soulagement, de la gratitude et une
meilleure efficacité des endorphines. La femme acquiert une
compréhension nouvelle de la sagesse de la nature telle qu’elle
s’exprime dans son corps. Quand elle commence à comprendre que
le fait de se réjouir et d’être reconnaissante facilite le cours du
travail, elle commence à cultiver ces sentiments. Le travail peut
continuer avec force, mais dorénavant elle y met tout son cœur. Au
lieu d’avoir peur de son corps, elle lui accorde sa confiance.

Nous sommes, bien entendu, entièrement disposés à croire que l’enfantement


peut, et devrait, être aussi exempt de danger et d’affaiblissement durable pour la
femme civilisée qu’il l’est pour la femme sauvage.
Thomas Huxley

Accoucher sans douleur


Comme je l’ai déjà mentionné, il existe des femmes pour qui
l’accouchement s’avère être une expérience exempte de douleur.
Certaines ne se rendent compte qu’elles sont en travail qu’au
moment où le bébé s’apprête à naître. Enceinte de son premier
bébé, mon amie Mary pensait que les crampes qu’elle ressentait à
neuf mois de grossesse étaient à mettre sur le compte d’une grippe
intestinale. Elle alla s’asseoir sur les toilettes. Quelques minutes plus
tard, leur fils naissait, attrapé par son père une seconde avant de
tomber dans l’eau des toilettes. Je devrais préciser ici que mes
accouchements n’ont rien à voir avec cette expérience. J’ai toujours
su que j’étais en train d’accoucher. Néanmoins, il arrive que des
femmes aient une expérience similaire, même pour un premier
accouchement. Parfois, le père du bébé ressent une douleur plus
vive que la mère qui accouche.
Un jour, j’ai regardé l’émission à sensation de Maury Povich,
diffusée en 1996. Trois femmes y livraient leur récit d’accouchements
relativement peu douloureux. Aucune ne s’était rendu compte qu’elle
était enceinte. L’une d’elles n’avait jamais accouché (son médecin lui
avait dit qu’elle était stérile) et elle n’avait pas ressenti de douleur
suffisamment forte pour se dire qu’elle devait aller à l’hôpital.
Comparables à une grippe intestinale, ses sensations l’avaient juste
poussée à s’immerger dans un bain sans qu’elle comprenne qu’elle
était en train d’accoucher – jusqu’à ce que la tête du bébé
apparaisse.
Des témoignages aussi remarquables sont parfois consignés par
écrit. Un livre de préparation à l’accouchement, écrit il y a près d’un
siècle par Alice B. Stockham, relate les suivants :
L’anecdote du Dr Douglas qui, appelé par une famille londonienne en 1828, apprit
qu’en réalité le bébé était né avant qu’on l’appelle. La femme avait accouché pendant
son sommeil et ne s’en était rendu compte que quand sa fille de cinq ans l’avait
réveillée, effrayée par le nouveau-né qui pleurait et bougeait.10
Dans un autre cas relaté par le Dr Douglas : « Une dame fort respectable accoucha
une nuit dans son sommeil. Alarmée de trouver une personne de plus dans le lit, elle
s’empressa de réveiller son mari, un homme de haute noblesse. »
La voisine d’Alice Stockham accoucha de chacun de ses quatre enfants avant que le
Dr Stockham n’ait eu le temps d’arriver, bien qu’elle habitât juste en face. Suite à
l’arrivée précipitée de son premier bébé, à l’approche de son terme, elle faisait dormir
le docteur avec ses souliers déjà lacés.
L’une de mes sœurs m’a appris qu’au moment de leur premier
accouchement, certaines femmes ont une expérience qui leur
permet de mettre la douleur en perspective. Je venais de les assister,
elle et son mari, pour la naissance de leur premier bébé à la maison
et je remarquais qu’elle semblait avoir eu un accouchement
relativement facile pour une première fois.
« J’attendais le moment où les contractions deviendraient aussi
douloureuses que mes crampes prémenstruelles, me confia-t-elle. À
une époque, j’avais des crampes si fortes qu’il fallait que je reste au
lit les deux premiers jours. » Une femme qui a fait une fausse
couche ou qui est habituée à avoir des crampes prémenstruelles très
fortes a déjà une expérience de la douleur qui peut l’aider à
accoucher sans en avoir une crainte démesurée.
Dans son célèbre livre L’Accouchement sans douleurs : les
principes et la pratique de l’accouchement naturel, le Dr Grantly
Dick-Read raconte l’histoire de l’un des premiers accouchements
dont il fut témoin pendant ses études de médecine à Londres en
1913. Croyant à l’époque que l’accouchement était forcément
douloureux, il fut surpris que la femme en travail décline sa
proposition d’inhaler un peu de chloroforme. C’était la première fois
de sa carrière qui, comme il l’admet lui-même, n’en était qu’à ses
débuts, qu’il voyait une femme refuser le chloroforme. S’apprêtant à
prendre congé après la naissance, il lui demanda pourquoi elle avait
refusé l’inhalation.
« Elle ne répondit pas d’emblée, raconte-t-il, son regard se posa
d’abord sur la vieille dame qui l’avait assistée, puis sur la fenêtre à
travers laquelle perçaient les premières lueurs de l’aube ; enfin, elle
se tourna timidement vers moi et dit : “Ce n’était pas douloureux. Ce
n’était pas censé l’être, n’est-ce pas, Docteur ?” »
Pendant la Première Guerre mondiale, alors que Dick-Read était
médecin sur le champ de bataille, il fut témoin de deux
accouchements inoubliables. Pour le premier, la femme avait fait
appeler un médecin, et après avoir improvisé un coin intime, Dick-
Read l’examina et s’aperçut qu’elle était déjà à un stade avancé du
travail. Le bébé ne tarda pas à naître, sans aucun problème. Ne
prêtant apparemment aucune attention à la guerre qui sévissait
autour d’elle, la jeune femme « s’assit sur le brancard, laissa
échapper un rire et prit immédiatement l’enfant dans ses bras. »
Le deuxième accouchement était celui d’une Flamande. Elle était
appuyée contre le talus d’un champ où elle avait visiblement
travaillé. À la façon qu’elle avait de se tenir debout, Dick-Read pensa
que quelque chose lui arrivait. Ils ne parlaient pas la même langue,
mais elle parvint à lui faire comprendre qu’elle était en train
d’accoucher, qu’elle n’avait pas peur et qu’elle n’avait pas besoin de
son assistance. Il décida de rester à proximité, de fumer sa pipe et
de rester disponible au cas où son aide serait nécessaire. Pendant ce
temps, la femme ne faisait que rire et sourire, visiblement heureuse.
Quand ses contractions reprirent, son visage prit « un air concentré,
sans signe de peur ou de douleur, mais avec l’air grave de l’espoir. »
Le bébé naquit peu de temps après. La mère sourit presque
immédiatement, mais laissa le bébé quelques minutes à terre.
Après ce qui parut un long moment, le bébé commença à hurler, la
mère le prit dans les bras et, d’une manière ou d’une autre, coupa le
cordon. Elle enveloppa le bébé dans une étoffe qu’elle portait sur les
épaules, se retourna vers Dick-Read, qui était sidéré, et « rit
gaiement ». Cinq minutes plus tard, elle eut des contractions et le
placenta fut expulsé sans saignement apparent. Dick-Read n’oublia
jamais cette expérience, si différente des accouchements en milieu
hospitalier où les femmes avaient peur. Il écrit : « Une chose
m’interpelle, c’est l’esprit de joie, l’esprit de bonheur et de fierté à
l’arrivée de l’enfant… Mes visions d’hémorragie du post-partum, de
bébés bleus qui ne respirent pas, d’utérus qui ne se contractent pas
et de placentas qui ne se détachent pas semblaient toutes tellement
éloignées de cette expérience d’accouchement, menée avec une
efficacité supérieure à tout ce que j’aurais pu espérer dans mes
moments les plus ambitieux. »11 J’ai lu L’Accouchement sans
douleurs : les principes et la pratique de l’accouchement naturel à
l’âge de 16 ans. Cette lecture m’a préparée à l’accouchement – ne
serait-ce qu’à échapper au protocole de routine en vigueur dans les
hôpitaux au milieu des années 1960, protocole qui empêchait les
femmes d’avoir un travail non médicalisé et un accouchement sans
épisiotomie et sans forceps ni ventouse obstétricale.
La question de savoir si l’accouchement est destiné à être
douloureux est débattue depuis plus d’un siècle et demi – à peu près
depuis que les médications visant à supprimer la douleur du travail
ont commencé à être employées. Au XIXe siècle, John Dye, un
médecin américain, a posé une question intéressante à ceux qui
affirmaient que la douleur de l’accouchement était imputable à la
colère divine contre la désobéissance de la première femme (ce que
l’on appelle parfois « la théorie du châtiment d’Ève »). Sa question
était la suivante : « Si tel est le dessein et que la douleur est
réellement nécessaire à l’accouchement, comment se fait-il que
certaines femmes souffrent considérablement plus que d’autres ? »
Et Dye de poursuivre : « Comment se fait-il que ces médecins – tout
à fait disposés à attribuer la douleur de l’accouchement à la colère
divine – se tournent si promptement vers les drogues fabriquées par
l’homme pour supprimer cette douleur infligée par la main de
Dieu ? »12 La fascination de Grantly Dick-Read pour le mystère de la
douleur pendant le travail – pourquoi certaines femmes souffrent et
d’autres non ? – a dirigé sa vie et sa carrière. Étudiant en médecine,
il put observer des sages-femmes expérimentées à l’œuvre dans un
hôpital londonien. Il remarqua que, parfois, les femmes qui
arrivaient à l’hôpital dans l’agonie d’un travail douloureux étaient
apaisées et soulagées par l’attention d’une sage-femme en empathie
avec elles. La sage-femme s’approchait de la femme qui était
« l’incarnation de l’agonie et de la torture » pour lui caresser les
cheveux et lui parler de telle manière que la douleur, si ce n’est
l’effort, semblait s’évanouir. Jour après jour, il put observer comment
les sages-femmes attentionnées s’occupaient de chaque femme en
travail avec une douceur maternelle pour apporter paix et réconfort
à celles qui avaient été admises sous l’étiquette de « cas de terreur
anormale ».

Naissance orgasmique
Dans certaines cultures – y compris la nôtre – beaucoup de
femmes acceptent ou réclament une médication contre la douleur
avant même d’avoir essayé un accouchement non médicalisé. Il
m’est arrivé un jour, au cours d’une conférence, de demander à
l’auditoire si quelqu’un avait entendu parler de femmes qui auraient
eu une expérience orgasmique au cours du travail ou de l’expulsion.
Alors que je balayais du regard le visage des auditeurs, je pouvais
y lire avant tout une expression de surprise ou un air interrogateur.
Puis, j’ai remarqué une petite blonde dont le visage était
particulièrement animé. « Oui ! Je suis si heureuse de vous entendre
soulever la question ! J’ai eu l’orgasme le plus long et le plus
extraordinaire de ma vie en accouchant il y a maintenant dix-sept
ans. Je pensais être la seule personne au monde à qui c’était arrivé
et je me disais juste que je devais être bizarre. »
Elle continua en expliquant que sa détermination à avoir un travail
non médicalisé s’était heurtée à l’opinion de son médecin. « On ne
vous donnera pas de médaille pour avoir accouché sans
antidouleur », lui avait-il dit. Elle nous raconta qu’alors que l’intensité
du travail allait en grandissant et que la naissance devenait
imminente, elle avait commencé à sentir des fourmillements dans
tout le corps. Puis elle avait ensuite fait quelque chose qu’elle
regretta par la suite : elle avait confié à son médecin qu’elle avait
l’impression d’avoir un orgasme.
« Savez-vous ce qu’il m’a répondu ?, nous demanda-t-elle. Il s’est
exclamé : “Vous êtes cinglée ! Vous êtes la patiente la plus bizarre
que j’ai jamais eue !” Voilà ce qu’il m’a dit. Je comprends aujourd’hui
que l’embarras que j’ai ressenti chaque fois que je me suis rappelé
mon accouchement était, en réalité, imputable uniquement à son
ignorance et à sa grossièreté. » Elle marqua une pause avant
d’ajouter : « Mais l’orgasme valait le coup ! »
J’ai rencontré un certain nombre de femmes qui avaient eu une
expérience semblable : indépendamment de ce qu’elles s’attendaient
à ressentir pendant l’accouchement, elles avaient découvert qu’en
partie au moins, l’expérience s’était avérée extrêmement agréable.
Quelques-unes avaient été surprises de ressentir des sensations si
agréables tout en étant entourées d’inconnus qui ne se rendaient
pas compte de ce qu’elles étaient en train de vivre – d’autant plus
que jamais elles n’avaient entendu dire qu’il était possible d’avoir du
plaisir en accouchant. Caroline, qui donne des cours de préparation
à la naissance en Caroline du Sud, m’a confié qu’elle avait préféré ne
pas parler de ses sensations au médecin et à la sage-femme qui
étaient présents : « J’ai laissé faire et j’y ai pris plaisir. Et je n’en ai
jamais parlé à personne. Je me suis toujours demandé pourquoi on
n’en parle jamais. »
Curieuse de savoir combien je pourrais trouver de femmes qui
avaient eu une expérience orgasmique pendant le travail ou
l’expulsion, j’ai décidé de mener une petite enquête auprès de mes
amies. Parmi les 151 femmes interrogées, j’en ai trouvé 32 qui
témoignaient avoir eu au moins un accouchement orgasmique. Ce
chiffre est considérablement plus élevé que celui auquel je
m’attendais. La plupart ont accouché à The Farm, mais il est
intéressant de noter qu’un certain nombre d’entre elles disent avoir
eu un orgasme alors qu’elles accouchaient à l’hôpital. Je cite
quelques passages de leurs témoignages, car ils peuvent révéler
quels facteurs leur ont permis de vivre ce genre d’expérience. (J’ai
changé les prénoms par respect pour leur intimité.)
Julia : J’ai eu un orgasme pour la naissance de mon quatrième
enfant. C’est arrivé pendant que je poussais. Nous étions allés à
l’hôpital, car mon travail stagnait à neuf centimètres depuis un
certain temps alors que j’essayais d’accoucher à la maison, entourée
de sages-femmes qui me rendaient nerveuse. Arrivée à l’hôpital, à
peine avais-je franchi le seuil de la porte que je fus prise d’un besoin
irrésistible de pousser ce bébé HORS de moi ! J’ai eu un orgasme
pendant que le bébé naissait. Ils ont tout juste réussi à m’installer
sur la table d’accouchement à temps pour sa naissance, mais j’étais
loin de toutes ces préoccupations, accaparée par les sensations si
agréables qui accompagnaient sa sortie.
Margaret : J’ai eu un orgasme d’union cosmique, un état de
béatitude. Dans un certain sens, j’en ai gardé une empreinte. Je
peux toujours retrouver cet état.
Vivian : Être en travail, c’était du boulot ; mais accoucher, le
processus même de laisser passer tout le corps du bébé hors de
mon utérus (qui fut d’ailleurs de courte durée) a été incroyablement
indicible, en particulier la première fois.
Marilyn : Mon dernier accouchement a été très orgasmique
pendant un long moment, comme si je surfais les vagues d’une
béatitude orgasmique. Je savais davantage à quoi m’attendre, j’avais
moins peur et j’essayais de m’en remettre à cette puissance au lieu
d’y résister ou d’essayer de l’éviter comme je l’avais fait la première
fois. L’effet a certainement été avant tout d’ordre psychologique,
grâce à l’énorme satisfaction que j’ai ressentie d’avoir pu traverser
une épreuve si difficile en toute sécurité. Je me suis sentie très bien
pendant des mois, ce qui m’a aidé à avoir une image positive de
moi-même en général. Du coup, ça a eu une influence sur ma
manière de me percevoir sur le plan sexuel. Je pense aussi que,
pour moi, apprendre à me laisser aller et à faire confiance à mon
corps pendant le travail (au lieu de le vivre de manière trop
cérébrale tout du long !) m’a aidé à mettre le doigt sur une partie de
moi que je ne connaissais pas jusque-là et m’a aidé à être davantage
disposée à me laisser aller en faisant l’amour.
Janelle : Pour la naissance de mon deuxième et de mon troisième
enfant, accoucher s’est apparenté à des sensations pré- et post-
orgasmiques, mais je n’ai pas ressenti les pulsations qui
accompagnent le sommet de l’orgasme. Être en harmonie avec les
contractions, pousser, me relaxer profondément entre deux
contractions, tout cela a été une expérience très puissante et
sexuelle, mais plus remarquable qu’un orgasme, qui est davantage
égocentrique et de courte durée. Accoucher est une expérience
tellement spirituelle, tellement miraculeuse – on se trouve en accord
avec Dieu, on perçoit la divinité en chacun – que l’aspect sexuel
n’est pas si important. On est totalement immergée dans l’amour
sans ego, si bien que les sensations d’extase sexuelle et de
béatitude sont un effet secondaire, un cadeau pour avoir laissé le
corps faire ce qu’il sait faire tout en étant en état d’expansion de la
conscience.
Paula : Je me penche sur la question depuis un certain temps. J’ai
toujours senti que le travail et l’accouchement étaient une sorte
d’orgasme de grande envergure. Les contractions étaient comme des
vagues de plaisir ondulant dans mon corps. Seuls les quelques
derniers centimètres de dilatation m’ont paru extrêmement puissants
et un peu moins agréables. Mais j’ai vraiment ressenti le travail et
l’expulsion comme un orgasme prolongé. Je ne peux pas dire que ce
soit comme l’orgasme pendant un rapport sexuel où je me retrouve
engloutie et perdue dans la vague orgasmique. L’expérience
orgasmique que j’ai connue pendant l’accouchement était une
sensation plus prenante qui réclamait davantage mon attention que
celles que j’ai pendant les rapports sexuels. Cependant, je l’ai
ressentie comme un orgasme. La naissance en elle-même est très
orgasmique quand le bébé passe par les voies maternelles – c’est
extrêmement agréable et satisfaisant.
Maria : Il m’a fallu plusieurs jours de réflexion pour répondre à
cette question. Tout d’abord, je me suis dit : « Non », mais c’est
certain que pendant la phase de dilatation, j’ai eu des sensations
d’une incroyable intensité quand Ted m’embrassait ou que je nichais
ma tête dans son cou pendant une contraction. Je n’ai pas connu de
moment particulièrement difficile pendant la première partie de mes
accouchements et je me souviens d’en avoir apprécié l’essentiel.
L’excitation générale, les afflux d’énergie et tous les câlins ont été
très agréables. Les sensations n’ont pas été exactement les mêmes
que celles d’un orgasme, mais quand une contraction s’achevait, elle
me laissait dans un état de relaxation extatique très similaire à celui
que je ressens après un orgasme (et que j’appelle l’effet nouille
cuite). Dans mon cas, néanmoins, la deuxième phase, c’était une
autre histoire. Je me souviens de ne pas avoir aimé cette partie à
cause de la sensation de picotement intense qui accompagnait
l’étirement des tissus. J’ai toujours pensé que c’était étrange que
j’aime la première phase sans jamais réussir à vraiment m’approprier
la deuxième. En tout cas, il va sans dire que la force agréable des
contractions demeure un plaisir et que, même si j’ignore si mes
muscles intimes palpitaient à intervalles réguliers ou pas, accoucher
a été la plus grande marée d’énergie que j’ai jamais connue. Je
pense que c’est très probablement une expérience plus magistrale
que l’extase d’un orgasme ou en tout cas, incontestablement
différente.
Autre chose : je n’étais peut-être pas encore experte dans l’art
d’avoir des « superorgasmes » quand j’étais jeune et que j’ai eu mes
enfants. Depuis, avec les années, j’ai acquis une certaine aisance
dans cet art. Je me demande si le manque d’expérience a pu
m’empêcher de connaître ce genre de sensations pendant
l’accouchement.
Plutôt qu’un orgasme à proprement parler, certaines femmes
témoignent d’une euphorie qui offre des similarités avec la béatitude
associée au plaisir sexuel.

Elayne : Je n’ai pas eu d’orgasme, mais j’ai ressenti quelque chose


qui s’en approchait quand j’ai accouché de mon premier enfant.
C’est arrivé au moment de la transition, peu de temps avant de
commencer à pousser. Pendant un instant, j’ai eu la sensation d’être
au bord de l’orgasme – l’ivresse, la douleur et la peur de ce qui va
suivre. Toutes ces sensations à la fois.
Alicia : Non, je ne qualifierais pas l’expérience d’ « orgasmique ».
Je dirais plutôt « euphorique ». Dire que l’expérience était
orgasmique reviendrait presque à niveler l’expérience par le bas. Je
dirais plutôt que c’était spirituel.
Nanette : Je ne dirais pas que j’ai eu un orgasme pendant le
travail ou l’expulsion. Néanmoins, je dirais que la sensation de
perdre le contrôle était comparable. Ma sœur dit qu’accoucher a été
« comme » le plus gros orgasme de sa vie – mais seulement
« comme » – ce qui donne une appréciation qualitative. Je me
rappelle quand tu m’as dit que mon cerveau avait migré dans mon
bassin, là où on avait besoin de lui et je pense que tu avais raison –
la naissance de mes trois enfants a été délicieusement floue, grâce
au fait que j’en faisais l’expérience avec mon corps, et non avec ma
tête.
Avant de laisser la question des accouchements orgasmiques, je
voudrais faire remarquer combien il est rare que cette possibilité soit
mentionnée aux femmes qui se préparent à accoucher. Je vois
plusieurs explications possibles à ce silence. La première est que la
plupart des professionnels de la naissance ignorent tout bonnement
que cela se passe. La deuxième est que, quand cela arrive, personne
n’en parle, car il est généralement admis que c’est un sujet trop
intime pour en parler en société. La troisième est que ceux qui
savent que c’est possible ne veulent pas susciter un faux espoir chez
des femmes qui pourraient se sentir léser si leur expérience ne
« souffre pas la comparaison ». Et pour finir, à ma connaissance, le
travail et l’accouchement orgasmiques semblent plus rares chez les
femmes dont le travail est médicalisé à l’aide de narcotiques, de
barbituriques ou d’une péridurale. Le fait que, dans notre société, on
administre si souvent une médication aux femmes pendant le travail
explique sans doute partiellement que ce phénomène soit à ce point
méconnu des professionnels et du public en général.

La douleur de l’accouchement est différente

À The Farm, les femmes savent que l’accouchement est


généralement douloureux – au moins la première fois – mais elles
savent aussi que c’est une douleur différente de celle ressentie en
cas de blessure. Quand on se blesse et qu’on ressent de la douleur,
le message est « Fuis ! » ou « Défends-toi ! On t’inflige une
blessure. » C’est une information pour notre sauvegarde. La douleur
du travail et de l’accouchement communique un message
complètement différent. Elle dit : « Relâche les muscles de ton
bassin. Laisse-toi aller. Abandonne-toi. Laisse-toi porter. Ne lutte pas.
C’est plus grand que toi. » C’est un message très différent du
« Protège-toi ! » ou « Fuis ! » qui accompagne une blessure.
Pourtant, beaucoup de femmes réagissent à la douleur du travail
comme elles réagissent à celle d’une blessure. Elles se tournent vers
une médication et ne voient aucun bénéfice à faire l’expérience d’un
travail non médicalisé. Elles ignorent qu’un changement de position,
d’attitude, d’atmosphère dans la salle de travail et de nombreux
autres facteurs peuvent totalement changer la perception interne du
travail. En général, les femmes ne savent pas à quel point elles
peuvent adoucir la tension qu’elles ressentent en refusant de penser
en termes de « contractions utérines » pour penser plutôt en termes
de « sensations intéressantes qui réclament toute leur attention. »

Kathryn se trouve une position efficace et confortable pour pousser.


La dernière chose que vous ayez envie d’entendre à propos de la
douleur pendant le travail (si vous l’avez déjà connue) est qu’elle
puisse avoir quoi que ce soit de subtil. À l’évidence, il est bien plus
facile de prêter attention aux subtilités quand on est entourée
d’amies proches qui se trouvent justement être expertes dans l’art
d’aider les femmes à accoucher. Vous pouvez même avoir
l’impression qu’on vous inflige une blessure interne terrible au cours
d’une contraction, mais la sérénité de votre sage-femme, sa maîtrise
dans l’art de trouver l’attitude ou les mots justes, vous disent
qu’aucun dommage ne vous est infligé. Le savoir dans ce genre de
moments est tellement rassurant que, bien souvent, il est possible
de sentir la douleur diminuer ou la capacité à la supporter croître.

Le succès des histoires d’accouchements qui font peur

En Amérique du Nord, la plupart des femmes se font une première idée de


l’accouchement par le biais de la caricature qu’en font les séries et autres
feuilletons télévisés. La télévision se nourrit souvent d’évènements à sensation ou
empreints de danger. Si un accouchement figure dans le script, l’incident, la mort
ou un procès seront nécessaires pour alimenter la tension dramatique de
l’intrigue. En général, il y a une scène au tribunal ou au bloc opératoire. Les
femmes qui n’ont qu’une petite connaissance concrète de l’accouchement sont
particulièrement vulnérables aux messages négatifs que transmettent ces drames
télévisés.

Les exigences de l’industrie cinématographique et audiovisuelle ont conduit à


la propagation d’un grand nombre de mythes et d’idées fausses au sujet du
travail et de l’accouchement en général. Voici un exemple qui illustre comment
notre mythologie culturelle de l’accouchement en est affectée. Dans la vie, le
début du travail se manifeste souvent de manière relativement progressive. Dans
les fictions, il est habituellement foudroyant. La femme se brosse les cheveux ou
se délecte d’un bon repas au restaurant quand soudain, en l’espace de quelques
secondes, son travail se déclenche avec une force telle qu’on l’emmène d’urgence
à l’hôpital pour la mettre hors de danger. Abreuvées de ce genre de scènes,
celles qui n’ont pas accès à une connaissance plus exacte de la réalité se mettent
à associer douleur du travail et danger. La douleur est dépeinte comme pouvant
être fatale. Ma belle-mère avait coutume d’appeler cela être « trop bien élevée
pour bien engendrer. »
La télévision pourrait être un moyen efficace de réduire la peur de
l’accouchement. Si l’on nous permettait réellement d’être témoins de ce qui se
passe quand la sexualité de l’accouchement est honorée, je crois que notre peur
commencerait à se dissiper.

J’ai souvent entendu des femmes justifier leur besoin d’avoir une
péridurale à un stade précoce du travail en prétextant qu’elles ne
peuvent pas supporter la moindre douleur. Bien entendu, j’accorde
davantage de crédit à ce genre d’argument de la part d’une femme
qui n’a pas les oreilles percées, qui ne porte pas de tatouages ou
d’implants mammaires, qui ne s’est pas fait faire de chirurgie
esthétique et qui ne porte pas de chaussures inconfortables. Autant
d’exemples où la femme aurait choisi délibérément de se laisser
infliger une douleur – traumatique à un degré ou un autre – en
ayant l’impression qu’elle avait quelque chose à y gagner.

Mère (Terese) en extase


pendant la naissance
de son premier enfant,
sans analgésie médicamenteuse.

Certains qualifient l’accouchement non médicalisé de « sport


extrême ». Qu’une femme choisisse d’accoucher de manière
naturelle et la voilà taxée de Wonder Woman ou de martyre,
d’incarnation délirante de la soumission féminine au machisme. C’est
de la caricature, pas la réalité. En fait, il est fréquent qu’une femme
qui se tourne vers un travail non médicalisé le fasse par crainte des
conséquences d’une intervention médicale inutile, y compris le
traumatisme et la douleur postopératoire d’une césarienne. Les
femmes de The Farm affichent un respect salutaire pour la chirurgie
et cherchent, autant que possible, à l’éviter.
Je voudrais que vous compreniez bien que je ne vous promets pas
un travail orgasmique ou sans douleur si vous refusez d’accoucher
sous anesthésie ou autre analgésie médicamenteuse. Personne ne
peut faire pareille promesse. Tout ce que je sais, c’est que lorsque
j’étais dans mes années fertiles, j’avais envie de connaître toutes les
possibilités qui s’offrent à une femme en travail.

Aussi heureuse qu’on peut l’être.

Pour quelle raison la femme photographiée sur ces pages sourit-


elle ? Certainement pas suite à une médication ; elle n’a pris aucun
médicament analgésique ou sédatif pendant le travail. Elle sourit
parce qu’elle est en extase. Le bébé qu’elle met au monde est son
premier, il pèse 3,5 kg. Son travail a duré vingt-quatre heures. Aucun
de ces facteurs n’a éliminé la possibilité d’un accouchement
orgasmique. Je présume que cela n’arrive pas aussi facilement chez
les femmes qui sont en proie au découragement, à la peur ou la
colère – en tout cas, je n’ai jamais vu une femme qui l’était avoir un
accouchement orgasmique. Ce sont elles qui font de leur mieux pour
comprendre les contractions et aller dans leur sens qui, je pense,
sont les plus aptes à avoir un accouchement orgasmique. En même
temps, comme nous l’avons déjà vu, il arrive qu’une femme ait un
accouchement orgasmique alors qu’elle ignorait que c’était possible.

Respectons notre corps

Je crois que la douleur du travail normal a effectivement un sens.


Ce qui est intéressant avec la douleur, c’est son côté net. Quand elle
s’achève, elle a disparu. On ne peut pas la ressentir de nouveau par
la force de l’esprit. La douleur du travail est d’un type particulier :
elle se manifeste presque toujours sans dommage pour le corps.
Quand éviter la douleur devient le principal souci pendant
l’accouchement, un effet paradoxal survient ; un plus grand nombre
de femmes se retrouve à devoir supporter une douleur après la
naissance de leur enfant. Le recours fréquent à la péridurale
augmente le nombre de césariennes et d’extractions instrumentales
(aux forceps ou à la ventouse). La péridurale provoque des douleurs
dorsales au long cours chez près d’une femme sur cinq. Parfois, le
recours aux forceps ou à la ventouse obstétricale inflige une blessure
à la mère ou au bébé. Les perfusions sont douloureuses pendant
toute la durée de leur mise en place et encore quelques jours après.
Plus on bouge, plus ça déplace la canule dans la veine et plus c’est
douloureux. Aux femmes qui subissent une césarienne, on insère un
cathéter dans l’urètre avant l’opération. Ce petit tuyau est maintenu
en place pendant au moins vingt-quatre heures. Tant que le cathéter
est en place, beaucoup de femmes ressentent une envie constante
d’uriner. Et comme, bien sûr, elles sont tout le temps « en train de
faire pipi », il n’est plus possible de satisfaire cette envie. Une
césarienne implique généralement la mise en place d’un drain
chirurgical dans la partie de la plaie la plus à même de bien drainer
le sang et la lymphe hors de la cavité abdominale. Les femmes
trouvent douloureux le retrait de ce drain au cours du troisième jour,
particulièrement quand on ne leur a pas administré d’antalgique
environ une heure avant. Pour finir, les gaz intestinaux qui se
forment suite à toute opération chirurgicale de l’abdomen (y compris
la césarienne) sont extrêmement douloureux. La douleur
postopératoire peut entraver l’aisance avec laquelle une femme peut
tenir son nouveau-né. Chacune des procédures et des conditions
que je viens de mentionner implique une douleur après la naissance.
À l’inverse, une femme qui accouche sans intervention médicale
est plus susceptible d’en avoir fini avec la douleur après la naissance.
Souvent, elle est euphorique, stimulée par la décharge hormonale
qui suit la naissance du bébé. L’ocytocine, ou hormone de l’amour,
est libérée au cours de la dilatation finale du périnée, au moment où
la tête et le corps du bébé passent ; sensation plaisante pour la
plupart des femmes. La douleur, si elle était là quelques secondes
auparavant, est souvent oubliée ou reléguée à l’arrière-plan. De plus,
la femme a élaboré des techniques de relaxation puissantes,
éprouvées pendant l’expérience la plus intense et la plus mémorable
de sa vie. Elle a appris de quelle manière une respiration lente et
profonde peut changer ses sensations corporelles et la teneur de ses
pensées. Elle a sûrement une nouvelle image et estime de son
corps. Elle a ressenti l’extraordinaire mélange de vulnérabilité, de
puissance et de connexion avec le principe féminin qui caractérise le
travail et l’accouchement.
CHAPITRE 4

Je te loue de ce que j’ai été fait d’une étrange et


merveilleuse manière.

Psaume 139 :14

La Loi des sphincters

La Loi des sphincters est le nom que je donne aux principes de


base avec lesquels mes consœurs et moi travaillons lors d’un
accouchement. Nous respectons la Loi des sphincters. Nous sommes
certaines qu’elle prévaut.
Au lieu de s’appuyer sur la Loi des sphincters, la plupart des
Américaines et quasiment tous les médecins s’appuient sur une série
d’hypothèses que les obstétriciens appellent la Loi des trois P. Les
trois P sont le Passager (le bébé), le Passage (le bassin et le vagin)
et la Puissance (la force des contractions utérines). Je pense que
cette prétendue loi est à l’origine d’un manque de compréhension
des capacités réelles du corps féminin, tant de la part des
obstétriciens que de celle des femmes, ce qui se traduit par la
pratique non nécessaire d’un grand nombre de césariennes,
d’extractions instrumentales et autres interventions. Il est probable
que la différence philosophique majeure entre la Loi des sphincters
et la Loi des trois P est que cette dernière reporte sur la femme la
responsabilité de ce que la médecine appelle « travail dystocique ».
(Comme ceux de Pamela et de Sheila – voir p. 32-33 et 184 – à la
différence près que nous ne leur avons pas mis l’étiquette
« dystocique », nous avons simplement pensé qu’ils étaient plus
longs que de coutume.) D’après la Loi des trois P, si le travail d’une
femme ne permet pas la naissance du bébé dans le temps imparti,
c’est de sa faute : elle a conçu un bébé trop gros, elle a un vagin
trop petit ou bien un utérus trop faible. D’après la Loi des sphincters,
si un travail ne se conclut pas par un accouchement normal au
terme d’une durée « raisonnable », c’est qu’il est ralenti ou entravé
par le manque d’intimité, la peur et la stimulation d’une partie du
cerveau qui n’est pas la bonne. Je vais développer cette hypothèse
dans ce chapitre.
En général, les obstétriciens ne comprennent pas que la Loi des
sphincters relève de l’obstétrique parce qu’on ne la leur a pas
enseignée en faculté de médecine et qu’ils ont rarement – pour ne
pas dire jamais – eu l’opportunité d’observer ce qui pouvait se
passer si elle était respectée. Au lieu de cela, on leur inculque la Loi
des trois P, un peu comme si accoucher était un problème de
physique plutôt qu’un processus physiologique vieux de plus d’un
million d’années. Ce qui est remarquable avec cette Loi des trois P,
c’est à quel point elle explique peu de choses en pratique. Un des
diagnostics les moins significatifs en obstétrique est celui de
disproportion fœto-pelvienne (DFP), un terme basé sur la théorie
des trois P – le bébé est trop gros pour passer par le bassin de sa
mère. Le taux de DFP varie énormément d’un hôpital à l’autre, et
d’un pays à l’autre. Il nous est souvent arrivé, à mes consœurs et
moi-même, d’accompagner sans problème des accouchements par
voie basse chez des femmes qui avait reçu un diagnostic de DFP
(voir le témoignage de Diana p. 84, par exemple).
Il arrive, dans quelques cas extrêmes, qu’un écart trop important
entre le poids du bébé et la taille du bassin de la mère entrave
réellement un accouchement par voie basse. Les problèmes de ce
genre étaient beaucoup plus courants au XIXe siècle, quand les
femmes présentaient des difformités pelviennes dues au rachitisme.
(De nos jours, rares sont les femmes qui souffrent de rachitisme
dans les pays développés.) Un problème en relation avec l’un des
trois P n’est pas la raison pour laquelle tant de femmes finissent pas
subir une intervention obstétricale – comme l’injection d’ocytocine,
l’épisiotomie, la césarienne ou l’extraction aux forceps ou à la
ventouse – quand leur travail n’aboutit pas à la naissance du bébé
au bout de plusieurs heures. Le non-respect de la Loi des sphincters
en est l’une des causes les plus probables.
Pour être valable en obstétrique, la description d’une vérité
biologique devrait être vérifiable systématiquement, pas uniquement
de manière occasionnelle. Prenons, par exemple, la loi de la
pesanteur :
Chaque fois que l’on tient quelque chose en l’air et qu’on le lâche, il tombe.
L’eau s’écoule toujours vers le bas.

Si la Loi de trois P était réellement caractéristique des capacités


intrinsèques des femmes, il n’y aurait que peu de variations dans le
nombre de femmes qui ont besoin d’une intervention obstétricale au
cours de l’accouchement. La Loi des trois P n’offre pas la moindre
explication quand on essaie de comprendre pourquoi le taux de
césariennes chez les femmes qui accouchent à The Farm est
infailliblement bas (toujours moins de 2 %) dans un pays où le taux
de césariennes dépasse les 31,8 %. Le problème avec la Loi des
trois P est qu’elle fait fi de toutes les données probantes qui
démontrent l’importance du caractère affectif, psychologique et
spirituel de l’accouchement. Il en ressort que trop de médecins
pensent que beaucoup de femmes sont nées avec une déficience qui
les empêche d’accoucher sans une importante intervention
technologique alors qu’en réalité, elles pourraient presque toutes
accoucher sans intervention si on leur apportait les conditions et le
soutien adéquats. Au fil du temps, des sages-femmes ont proposé
d’ajouter quelques P pour compléter la Loi des trois P – comme
Psyché, Position, Personnel Professionnel, (em)Placement de la
naissance, Personnes Présentes, Politique, Procédure et Pression –
dans la mesure où tous ces facteurs sont susceptibles d’influencer la
facilité ou la difficulté à accoucher.
Quand j’ai élaboré le concept de la Loi des sphincters pour décrire
les principes de base qui guident ma pratique, je pensais
évidemment aux sphincters impliqués dans l’excrétion, le travail et
l’expulsion. La connaissance des lois qui gouvernent les sphincters
est inscrite dans les pratiques obstétricales des cultures
traditionnelles du monde entier depuis des temps immémoriaux. Ces
cultures, qui ont traversé les siècles, ont vraiment une certaine
sagesse à enseigner à notre société technologique en ce qui
concerne la naissance. Les médecins dont la curiosité intellectuelle
reste entière se demandent pourquoi les femmes des cultures
traditionnelles ont généralement plus de facilité à accoucher que les
femmes qui ont une connexion plus ténue avec la nature.

Les bases de la Loi des sphincters

Les sphincters cervical, vaginal et excrétoire (du col de l’utérus, de la vessie et du


rectum) fonctionnent avec une plus grande efficacité dans une atmosphère d’intimité
et de pudeur – par exemple, une salle de bains munie d’un verrou ou une chambre
où une interruption est improbable ou impossible.
Ces sphincters ne peuvent pas s’ouvrir par la seule volonté et n’obéissent pas aux
ordres (tels que « Pousse ! » ou « Relâche ! »).
Quand un sphincter est en train de s’ouvrir, il peut se refermer brusquement si la
personne en question est contrariée, effrayée, humiliée ou gênée. Pourquoi ? Un taux
élevé d’adrénaline dans le sang ne favorise pas (parfois même entrave réellement)
l’ouverture du sphincter. Ce facteur inhibant est l’une des principales raisons pour
laquelle les femmes des sociétés traditionnelles ont presque toujours choisi – sauf
circonstances exceptionnelles – d’être entourées de femmes pendant le travail et
l’accouchement.
L’état de relaxation de la bouche et des mâchoires est en corrélation directe avec la
capacité des sphincters cervical, vaginal et anal à arriver à dilatation complète. (Je
vous conseille de garder ce phénomène à l’esprit s’il vous arrive de souffrir
d’hémorroïdes et que vous redoutez d’aller à la selle. Cette caractéristique de la Loi
des sphincters peut s’avérer d’une aide précieuse dans cette situation également.)
Afin d’expliquer ce que j’entends par Loi des sphincters, je
commencerai par décrire les fonctions et caractéristiques des divers
sphincters excrétoires du corps – la vessie et le rectum, ainsi que
ceux impliqués dans le processus du travail et de l’accouchement, le
col de l’utérus et le vagin.

Les sphincters qui participent à l’excrétion et à la


reproduction

Les sphincters sont constitués d’un ensemble circulaire de muscles


qui restent habituellement contractés afin que l’ouverture de certains
organes demeure fermée jusqu’à ce que quelque chose ait besoin
d’être évacué. La fonction d’un sphincter est de se relâcher et de se
dilater pour s’ouvrir facilement et suffisamment pour permettre le
passage de ce qui doit sortir. L’élimination et l’accouchement sont
deux fonctions physiologiques qui impliquent l’ouverture de
sphincters.
Le Dr Michel Odent, célèbre obstétricien français, a largement
contribué à notre compréhension de la physiologie de
l’accouchement en expliquant la fonction du cerveau humain dans le
processus du travail et de l’accouchement. Il fait la distinction entre
le néocortex – la partie la plus récente et la plus rationnelle de notre
cerveau qui joue un rôle dans la pensée abstraite – et le cerveau
primitif, qui gouverne l’instinct. Le cerveau primitif, également
nommé archaïque ou reptilien, est aussi considéré comme une
glande qui libère des hormones. Toutes les femelles mammifères, y
compris les femmes, libèrent un certain nombre d’hormones comme
l’ocytocine, les endorphines et la prolactine au cours de
l’accouchement. La stimulation du néocortex51, en revanche, peut
interférer avec le processus de l’accouchement en inhibant l’action
du cerveau primitif dans la libération d’hormones.
Comment stimule-t-on le néocortex ?
On peut le stimuler de plusieurs manières : en demandant à la
femme en travail de répondre à des questions qui font appel à la
réflexion, en se tenant près d’elle d’une manière qui la dérange, en
la soumettant à un éclairage trop vif et en ne respectant pas son
intimité.13 De nombreuses déclarations faites par des médecins du
e
XIX siècle (où la plupart des femmes accouchaient encore à la
maison), y compris celles que j’ai citées p. 192 et 193, illustrent le
fait que le corps médical avait à l’époque une meilleure
compréhension de la Loi des sphincters que les médecins de nos
jours. Certes, ils ne la désignaient pas sous le nom de Loi des
sphincters ; ils parlaient plutôt de « pudeur ».
Une récente étude sur le cerveau14 a été menée sur la façon dont
le cerveau primitif coordonne les muscles lisses de la vessie avec la
relaxation des muscles du sphincter. L’étude utilisait l’imagerie
médicale du cerveau. La première tâche des chercheurs consistait à
trouver les personnes qui allaient leur servir de cobayes. Pour que
l’imagerie médicale puisse être utilisée, les cobayes devaient pouvoir
uriner en présence d’un observateur. Comprenant que cette aptitude
n’est pas donnée à tout le monde, les chercheurs commencèrent par
sélectionner ceux qui arrivaient à uriner chez eux en présence d’un
observateur. Ces personnes furent ensuite soumises à la même
procédure, mais en milieu hospitalier, pendant que l’imagerie
médicale enregistrait leur activité cérébrale. Cependant, les
chercheurs furent confrontés à un problème qu’ils n’avaient pas
prévu : une grande partie de ceux qui avaient été en mesure d’uriner
chez eux, en présence d’un observateur, étaient incapables de le
faire en milieu hospitalier.15 Les femmes qui accouchent à l’hôpital
sont confrontées aux mêmes facteurs d’inhibition.
Les sphincters vésical et anal permettent à la vessie et au rectum
de fonctionner comme des réservoirs capables de retenir leur
contenu afin que l’élimination se fasse à intervalles appropriés plutôt
qu’en continu. Chez les enfants, ces sphincters n’ont pas atteint la
maturité suffisante pour rester contractés jusqu’à ce qu’il soit
socialement convenable qu’ils se relâchent. Le contrôle des
sphincters est l’objectif de l’apprentissage à la propreté, qui se
produit habituellement entre la deuxième et la troisième année chez
les enfants des pays industrialisés.
Pour la plupart des gens qui ont grandi dans ces pays, un certain
degré d’intimité ou de familiarité est nécessaire pour que la tension
des muscles du sphincter se relâche suffisamment pour permettre
l’élimination, même en présence d’une forte envie. (Il existe, de
toute évidence, une différence à cet égard entre la vessie et le
rectum, étant donné que la vessie présente une plus grande capacité
que le rectum.)
Tout comme les muscles involontaires, les sphincters sont affectés
par les émotions. Ils fonctionnent plus facilement dans une
atmosphère détendue, sans tension affective. C’est probablement
parce que nos organes excrétoires sont si proches des organes
reproducteurs – voire, dans le cas des hommes, se fondent en un
seul et même organe, excrétion des selles mise à part – que les
toilettes publiques sont généralement séparées entre les deux
genres. Nos normes sociétales réclament l’intimité que nous
procurent les cloisons entre les cabinets et les portes munies de
verrous.
Comprendre le véritable processus du travail et de l’accouchement
devient plus facile quand on sait que l’ouverture de l’utérus (le col de
l’utérus) et celle du vagin sont aussi commandées par des
sphincters. Par bien des aspects, ils fonctionnent comme les autres
sphincters du corps humain. Ils accomplissent des fonctions
corporelles normales. Le travail est visiblement une tâche ardue et
intense (d’où son appellation). Il réclame toute l’attention de la mère
et peut exiger plusieurs heures d’effort, de transpiration et de
respiration profonde. Néanmoins, il n’en reste pas moins qu’il s’agit
d’un processus physiologique normal, que les femmes et les autres
femelles mammifères accomplissent depuis qu’elles existent. Pour
comprendre ce processus physique, il est nécessaire de comprendre
comment fonctionnent les sphincters.

Les propriétés des sphincters

Les sphincters n’obéissent pas aux ordres


Il est relativement courant dans les pratiques hospitalières de la
plupart des pays industrialisés d’ordonner énergiquement aux
femmes en travail de pousser dès qu’elles arrivent à dilatation
complète. Ces ordres sont donnés dans l’ignorance que, en général,
la mère ressentira spontanément le besoin impérieux de pousser. Les
poussées se produiront d’elles-mêmes sans que la mère ait besoin
que quiconque lui crie quand et comment le faire. Nombreuses sont
celles qui réussissent à mettre leur bébé au monde pendant qu’on
leur crie ce qu’il faut faire, mais il est probable qu’elles y parviennent
malgré cette distraction plutôt que grâce à elle. Il n’est pas de
besoin corporel plus impérieux que celui induit par les contractions
utérines qui poussent le bébé dans les voies maternelles, une fois le
col de l’utérus arrivé à dilatation complète. Je me souviens d’une
remarque du Dr Christiane Northrup qui, au cours de son travail,
avait ressenti pour la première fois le besoin de pousser. Elle venait
de terminer son internat en obstétrique. Elle jura qu’elle ne
demanderait plus jamais à une femme en travail d’arrêter de pousser
pendant l’expulsion, contrairement à ce que certains de ces
professeurs lui avaient enseigné.16 Ceux qui n’ont jamais ressenti
quel effet cela fait d’enfanter pendant que quelqu’un leur crie ce qu’il
faut faire peuvent se faire une idée de la gêne occasionnée en
s’imaginant en train de déféquer pendant qu’un inconnu planté à un
mètre leur crie comment s’y prendre.

Les sphincters fonctionnent plus facilement dans une atmosphère


intime et familière
Une de mes proches amies m’a offert la démonstration de cet
axiome au cours d’un périple en voiture d’une semaine où nous
sommes parties de l’Iowa pour aller jusqu’en Californie. C’était au
début des années 1960, alors que nous étions encore étudiantes.
Nous campions dans des parcs nationaux pour réduire les frais. À
l’époque, dans ces parcs, les sanitaires se limitaient souvent à de
petits cabanons et autres toilettes sèches d’extérieur. C’était la
première fois que mon amie traversait le pays. Elle trouva tous les
sanitaires entre l’Iowa et la Californie si précaires qu’elle devint de
plus en plus constipée au fur et à mesure que les jours passaient.
Elle pouvait uriner, mais c’était tout. Chaque matin, elle me faisait un
rapport sur sa constipation. Quel que soit l’état de propreté des
toilettes des stations-service sur notre route, elle ne parvint pas à se
soulager de tout le voyage. Quand nous avons fini par arriver chez
des membres de sa famille en Californie du Sud, elle fonça tout droit
aux toilettes. Elle en ressortit quelques minutes plus tard avec un
large sourire de soulagement. Ce qui avait fait la différence, selon
elle, c’était de se sentir chez elle dans les toilettes d’un membre de
sa famille. Cette différence avait permis à son corps de fonctionner
normalement. Lorsque nous nous sommes remémoré ce voyage
récemment, elle m’a confié qu’elle rentrait tout juste d’un voyage de
quinze jours en Tchécoslovaquie. Ne pas y avoir de famille lui avait
apparemment posé problème, car elle n’avait pas réussi à aller à la
selle pendant les deux semaines que son séjour avait duré. Il y a des
choses qui ne changent pas.
Lisa Goldstein, une sage-femme de Caroline du Nord, inclut dans
ses cours de préparation à la naissance pour les couples une
manière humoristique de faire comprendre aux pères comment
l’inhibition peut entraver l’ouverture des sphincters. Elle commence
par sortir un billet de 50 dollars. Ensuite, elle place une cuvette en
inox par terre au milieu des dix ou quinze couples qui sont autour
d’elle. Elle offre ensuite le billet de 50 dollars à l’homme qui pourra
s’avancer et uriner dans la cuvette devant tout le monde. Bien que
cela fasse des années qu’elle réitère son offre, jamais personne n’a
gagné les 50 dollars.
Les sphincters peuvent se refermer brusquement sous l’effet de la
peur ou de la surprise
Les sphincters peuvent se refermer brusquement sans que cela
soit volontaire. La contraction soudaine des muscles préalablement
détendus d’un sphincter peut être une réaction engendrée par la
peur. Cela fait partie de la réponse naturelle de « Flight or Fight »52
lorsqu’un danger est perçu. Les catécholamines (dont la plus connue
est l’adrénaline) sont libérées dans le sang quand l’organisme est
sous le coup de la peur ou de la colère. À l’état sauvage, les femelles
du règne animal, comme les gazelles ou les gnous, sur le point de
mettre bas, peuvent inverser le processus si un prédateur les
surprend. Ce n’est que l’un des systèmes instinctifs de défense dont
les mammifères disposent pour assurer leur survie au cours de ce
moment de vulnérabilité qu’est la mise bas. Pendant le travail, les
mêmes comportements prennent le dessus chez les humains, sans
que nous comprenions nécessairement la sagesse évolutionnaire à
l’origine de notre comportement.
Il existe une quantité de blagues qui reposent sur la connaissance
que les gens ont de cette réaction physique particulière. Mon mari
m’a raconté que si quelqu’un entre brusquement et bruyamment
dans des toilettes publiques, cela « coupe le jet » de certains
hommes en train de se soulager. Cela peut prendre quelques
instants de relaxation avant qu’ils puissent continuer à uriner.
Je me rappelle un accouchement où j’ai appris qu’un toucher
vaginal indélicat et brutal peut faire régresser la dilatation du col de
l’utérus chez une femme en travail. J’accompagnais l’accouchement
d’une primipare qui avait de la fièvre. Il apparut vite que celle-ci
était causée par une infection de la vessie. Bien qu’elle soit arrivée à
sept centimètres de dilatation, l’ouverture du col ne progressait plus.
J’ai donc décidé qu’il valait mieux la transporter à l’hôpital. Lorsque
nous sommes arrivés à l’hôpital de Nashville (avec une dilatation de
sept centimètres – je l’ai examinée juste avant notre arrivée), elle fut
prise en charge par un obstétricien à l’air renfrogné et aux manières
hostiles. Sans lui demander son assentiment ni l’inviter à se
détendre, il l’examina de manière si brutale qu’elle poussa un cri de
douleur – réaction qu’elle n’avait pas eue lors des touchers vaginaux
que je lui avais faits auparavant. Il marmonna que son col n’était
qu’à quatre centimètres de dilatation, avant de quitter la pièce pour
quelques minutes. Pendant son absence, j’ai procédé à un toucher
vaginal pour vérifier et, effectivement, le col n’était plus qu’à quatre
centimètres de dilatation. J’étais certaine que c’était le toucher
vaginal brutal qu’elle venait de subir qui avait refermé son col à ce
point. Après cela, son travail n’a jamais repris un cours normal, si
bien que son enfant est né par césarienne. Pour le néocortex de
cette femme, cet homme était peut-être obstétricien, mais pour son
col de l’utérus et son cerveau primitif, il n’était qu’un prédateur.
Étant donné le mystère inhérent au corps des femmes, seule
l’observation fondée sur une présence continue peut permettre
d’accéder à une expérience approfondie. Quoi de plus mystérieux
qu’un processus physiologique qui change en fonction des individus
présents ?
Quelques sceptiques se demandent peut-être s’il y a eu de bonnes
raisons à ce que les hommes (hormis ceux de la famille) soient
exclus de la chambre d’accouchement. Serait-il possible que leur
présence, ou celle de femmes qui sont étrangères à la femme en
travail, inhibe réellement le travail ?
Je suis certaine que la réponse à ces deux questions est oui. La
présence d’une personne étrangère dans la salle d’accouchement,
tout particulièrement si cette personne est un homme qui n’est pas
un proche de la femme en travail, ralentit ou interrompt souvent le
travail (mais pas toujours). De nos jours, bien sûr, il est possible de
relancer ou d’intensifier le travail à l’aide d’ocytocine de synthèse
administrée en intraveineuse. Cela peut servir en cas de nécessité
réelle, mais les médicaments administrés en intraveineuse pour
entretenir les contractions entravent la liberté de mouvement des
femmes et génèrent des contractions plus douloureuses. Changer de
position, marcher, manger et se tenir debout pendant le travail sont
des facteurs importants pour permettre aux femmes d’accoucher par
leurs propres moyens. De plus, aucune substance médicamenteuse
administrée pendant le travail et l’accouchement n’est exempte
d’effets secondaires indésirables.
Le rire facilite l’ouverture des sphincters
Les endorphines, ces substances antidouleur, opiacés naturels
synthétisés par le corps, sont instantanément efficaces et ne
présentent aucun effet secondaire. Un sourire, c’est déjà bien. Un
rire, encore mieux. Un bon éclat de rire est l’une des formes
d’anesthésie les plus efficaces. Une jeune femme, qui participait
récemment à l’un de nos ateliers d’assistante sage-femme, m’a
raconté qu’elle s’était rendu compte à quel point le rire pouvait
l’aider à atteindre son objectif : s’offrir un accouchement magnifique,
en toute conscience et sans médication.
« Je n’ai quasiment pas arrêté de rire pendant le travail, raconte-t-
elle, c’est une manie chez moi quand je suis face à une situation
stressante ; comme en avion, au décollage et à l’atterrissage. »
Je me souviens des soirées pyjamas à l’époque où j’étais une
jeune adolescente. Mes amies et moi piquions des fous rires jusqu’à
ce que l’une d’entre nous en vienne à faire pipi dans sa culotte. Bien
sûr, je comprends qu’il soit difficile pour celles qui ont déjà eu un
travail douloureux de croire que rire aurait pu aider à éliminer la
douleur. Néanmoins, seules celles qui ont essayé peuvent le savoir.
Oubliez les jeux de mots et les boutades. Ils ne marchent pas.
L’humour absurde, grivois ou au-dessous de la ceinture – voilà
autant de possibilités, en fonction de votre humeur. Pour illustrer la
dernière catégorie, je prends plaisir à raconter la blague de mon
beau-père à l’hôpital. C’était un homme austère, à l’air impassible la
plupart du temps. Un matin, une infirmière s’était arrêtée à son
chevet et lui avait joyeusement demandé : « Sommes-nous allés à la
selle aujourd’hui ? » « Moi, oui. Et vous ? », avait-il rétorqué.
La plupart de mes blagues sur les fonctions corporelles font appel
aux noms courts que le langage familier utilise pour désigner les
parties du corps, les liquides et les processus corporels. Ces mots
suscitent plus de rire que leurs équivalents latins. Les blagues de ce
genre servent un double objectif. Non seulement, elles peuvent
déclencher le rire, mais elles rassurent aussi la mère sur le fait que
je ne m’indignerai pas si elle fait un peu caca au cours de la phase
d’expulsion. Rassurée, elle ne craint plus l’humiliation ou l’embarras
susceptibles de ralentir ou d’interrompre son travail.

Une respiration lente et profonde facilite l’ouverture des sphincters


D’autres facteurs et pratiques influencent la facilité avec laquelle
les sphincters peuvent s’ouvrir. Une profonde respiration abdominale
induit une relaxation générale des muscles du corps et plus
particulièrement du plancher pelvien. Ce type de respiration est
enseigné par les professeurs de yoga. Ruth Bender enseigne la
méthode suivante dans son livre Yoga Exercises for More Flexible
Bodies.53 17
Allongez-vous sur le dos et pliez les genoux en posant vos pieds à
plat sur le sol ou le tapis. Posez vos mains sur votre abdomen juste
au-dessous du nombril pour mieux sentir ce qui se passe. À présent,
laissez votre ventre se gonfler doucement (sans effort) puis laissez-le
rentrer progressivement. Seul votre ventre doit bouger pendant cet
exercice. Ne pensez pas à votre respiration. Laissez simplement
votre ventre sortir avant de le rentrer. Faites cet exercice de manière
lente et détendue une dizaine de fois, sans mouvements saccadés.
Répétez l’exercice avec les yeux fermés pour mieux percevoir ce
qui se passe dans votre corps. Vous sentirez que, quand votre ventre
sort, vous inspirez. Quand il rentre, vous expirez.
Beaucoup de femmes ont été conditionnées à se sentir mal à
l’aise, par peur d’avoir un gros ventre, quand elles relâchent leur
ceinture abdominale. Pourtant, contracter et relâcher en alternance
les muscles abdominaux est un bon moyen de les renforcer et de les
raffermir. Non seulement cette respiration abdominale a un effet
relaxant sur le cœur, le système nerveux et le mental, mais elle
favorise aussi une plus grande ouverture des poumons. Du coup, ils
peuvent contenir une plus grande quantité d’oxygène. Cela peut
contribuer à vous relaxer suffisamment pour trouver le sommeil. Qui
plus est, cette respiration exerce un massage doux sur les organes
abdominaux, stimule le péristaltisme (mouvements ondulatoires des
intestins) ainsi que la circulation sanguine dans les organes
abdominaux, ce qui les aide à mieux fonctionner.
D’autres facteurs qui facilitent l’ouverture des sphincters pendant
le travail
L’immersion dans un bain chaud peut aussi avoir un effet très
calmant sur la femme en travail. Quand on est immergé dans l’eau
chaude, il est très difficile de garder les muscles tendus et crispés.
Si l’on doit pénétrer un sphincter – qu’il soit vaginal, cervical (du
col de l’utérus) ou anal –, l’expérience s’avère beaucoup moins
désagréable pour celui qui la subit quand on garde présents à l’esprit
certains principes :
Tout d’abord, il faut demander la permission. C’est de la politesse de base, mais
cela répond aussi à une nécessité d’ordre pratique. Quand la permission est accordée,
la résistance des muscles du sphincter est moindre, ce qui se traduit par moins
d’inconfort et de douleur.
Ensuite, il est utile de placer un doigt sur le pourtour du sphincter et d’attendre
quatre ou cinq secondes.
Enfin, une fois que vous sentez le sphincter se relâcher, il est possible d’entrer
progressivement, en douceur.

Ces principes sont valables pour examiner le col de l’utérus et le


vagin. Quand ils sont appliqués, il y a moins de risque que le col de
l’utérus se referme.

En haut, comme en bas

Au début de ma carrière de sage-femme, j’ai pu observer un autre


aspect fascinant de la Loi des sphincters. J’ai remarqué la forte
corrélation entre, d’une part, le sphincter de la bouche et celui de la
gorge et, d’autre part, celui du col de l’utérus et du yoni.54 Une
bouche détendue coïncide avec un col de l’utérus plus souple. Les
femmes dont la bouche et la gorge sont ouvertes et détendues
pendant le travail et l’expulsion ont rarement besoin d’être recousues
après l’accouchement. À condition qu’elles ne poussent pas le bébé
trop rapidement, elles accouchent généralement sans déchirure ni
épisiotomie. À l’inverse, les femmes qui font la grimace et qui
crispent la mâchoire pendant l’expulsion sont plus souvent victimes
de déchirures parce que les tissus de leur périnée manquent de
souplesse. J’ai souvent pu observer les muscles du périnée se
détendre chez une femme qui détendait les lèvres ou la mâchoire.
Cette technique de relaxation a permis d’éviter et de limiter les
déchirures et les épisiotomies au fil des années. La plupart des
femmes arrivent plus facilement à détendre la mâchoire que le
derrière.
Comprendre cette relation entre le haut et le bas du corps peut
soulager la douleur et l’inconfort de la constipation, du syndrome
prémenstruel, des règles, du travail, de l’expulsion et des suites de
couches. Si l’envie vous prend de grincer des dents ou de serrer la
mâchoire, ressaisissez-vous ! Prenez une grande inspiration et
expirez en relâchant les muscles de votre bouche et de votre gorge.
L’effet sera renforcé si vous poussez un soupir à l’expiration. Émettez
un son suffisamment grave pour que votre poitrine vibre.
Au printemps de l’année 1972, une de mes amies donnait
naissance à son premier enfant. Alors que la tête du bébé
commençait à s’engager dans le canal de naissance, elle fut prise
d’un accès de détresse et de panique. Elle n’avait qu’une envie, se
lever et fuir la douleur. Il fallait que je trouve comment l’aider à se
calmer pour que la tête du bébé sorte sans déchirer les tissus du
périnée. Il était tout aussi important qu’elle ne m’éjecte pas hors du
lit. C’est alors qu’il me vint une idée. Elle était chanteuse, elle avait
donc acquis une certaine maîtrise de la bouche et de la gorge.
C’était une aptitude à laquelle on pouvait avoir recours, j’ai donc
suggéré qu’elle se mette à chanter pendant la contraction suivante.
Elle accepta sans hésiter, prête à essayer tout ce qui pourrait l’aider
à garder son calme. Dès qu’elle se mit à chanter, sans la moindre
fausse note (elle n’aurait pas pu crier et chanter à la fois), son bébé
commença à pousser contre le périnée. En l’espace de quelques
minutes, il était né.
Toutes les femmes ne sont pas chanteuses professionnelles, mais
tout le monde peut trouver quelque chose à chanter en accouchant.
Quand on chante, la capacité d’ouverture des sphincters corporels
est meilleure. Les sons les plus à même de faciliter cette fonction
sont ceux qui viennent du plus profond du corps, ceux qui font vibrer
toute la cage thoracique. Même une femme qui reste silencieuse
pendant l’expulsion peut s’efforcer de garder la bouche et la gorge
détendues quand elle pousse. Si elle fait en sorte de garder la
bouche et la gorge ouvertes plutôt que de serrer la mâchoire et les
dents, son périnée fera de même. Ses tissus musculaires gagneront
immédiatement en souplesse et s’ouvriront plus facilement au
passage de la tête et du corps du bébé sans se déchirer ou
nécessiter une incision.
Il m’est impossible de dire combien de fois j’ai pu observer des
femmes faire l’expérience du même effet relaxant sur leur sphincter
cervical quand des paroles apaisantes et aimantes étaient
prononcées, au moment le plus intense du travail (le plus souvent
quand le col de l’utérus arrive à dilatation quasi complète). Après
l’accouchement de Dawn (voir p. 186 –188), il m’est arrivé de
raconter son histoire à des femmes en travail – l’influence que ses
paroles avaient eue sur l’ouverture de son col de l’utérus. Je voulais
tout particulièrement illustrer l’effet bénéfique des paroles positives
sur le corps et l’esprit d’une femme en travail. Bien souvent, la
femme comprenait qu’elle n’avait rien à perdre en s’exprimant de
manière positive. Ensuite, elle disait à son mari, son bébé, ses
sages-femmes, ses amis à quel point elle les aimait. Je peux affirmer
de manière catégorique qu’il ne m’est jamais arrivé d’observer un col
de l’utérus rester fermé et inflexible alors que des paroles aimantes
et positives étaient prononcées.
Il m’est aussi arrivé de sentir un col de l’utérus s’ouvrir de
quelques centimètres tandis que mes doigts étaient posés dessus
pour en mesurer la dilatation. Au début de ma carrière, j’ai pu
observer beaucoup de femmes en travail avec la bouche et la gorge
ouvertes, en état de relaxation, faire des sons qui s’apparentaient à
ceux qu’on peut faire au cours d’un rapport sexuel qui apporte du
plaisir. Forte de mon expérience, j’ai souvent fait une démonstration
des sons qui facilitent la dilatation : des grognements graves et des
soupirs orgasmiques. Une femme qui a besoin de soutien pendant
cette phase du travail peut reproduire ces sons. Mes consœurs et
moi avons aussi remarqué que beaucoup de femmes trouvent utile
qu’on leur propose de meugler comme une vache pour réussir à
garder la bouche et la gorge ouvertes et détendues. Si faire ces
bruits les fait rire, c’est encore mieux, car rire aide aussi à se relaxer.
Au cours des premières années de ma carrière, j’ai trouvé une
autre technique pour aider les femmes à garder la bouche et la
gorge détendues pendant l’accouchement. Je l’appelle « les lèvres
du cheval » ou « les framboises ». Quand on relâche complètement
les lèvres et que l’on souffle un bon volume d’air avec une certaine
pression pour les faire doucement vibrer, cela évoque le bruit que
fait un cheval quand ses lèvres vibrent. Je trouve que quand une
femme en travail essaie de faire ce bruit – même si elle n’y arrive
pas – cela l’aide notablement à détendre la bouche, la gorge et aussi
le bas (col de l’utérus et périnée). Les femmes qui ont essayé cette
technique pendant leurs règles trouvent que cela soulage leurs
douleurs de manière étonnante. Je la conseille aussi aux personnes
extrêmement constipées – y compris celles qui souffrent
d’hémorroïdes – qui ont de bonnes raisons de redouter la douleur
susceptible d’accompagner l’ouverture du sphincter anal à l’excrétion
des selles. Au passage, je ne conseille pas de la substituer aux
traitements contre les hémorroïdes, comme les laxatifs ou le
changement de régime alimentaire, je la conseille seulement comme
adjuvant.
Cette technique des « lèvres du cheval » est efficace d’une autre
manière encore. J’ai récemment pris en charge la naissance à la
maison d’un gros bébé – le deuxième bébé de cette mère. Le col de
l’utérus était à dilatation quasi complète, mais le peu qui lui restait à
atteindre l’épuisait. Elle n’était pas sûre de « pouvoir continuer ».
C’est alors que son fils de 2 ans est entré dans la pièce en trottinant
pour la voir. Le père a aidé le petit garçon à monter sur le lit pour
s’asseoir entre sa mère et lui. J’ai continué à encourager la mère en
lui disant qu’elle serait bientôt prête à pousser, qu’elle pouvait y
arriver et que je comprenais le défi que c’était pour elle. Puis, je lui
ai fait une démonstration des lèvres du cheval, en lui disant que si
elle essayait cette technique, cela pourrait faciliter la dilatation
complète de son col de l’utérus. C’est alors que son fils s’est mis à
m’imiter. Il avait l’air si mignon qu’elle en oublia son découragement
et se mit à lui sourire. Évidemment, comme il était content de la voir
sourire de nouveau, il continua à faire le cheval et elle se joignit à
lui. Son amusement, son sourire et la technique des lèvres du cheval
tout à la fois lui permirent d’arriver à dilatation complète en
quelques minutes. Peu de temps après, sa fille de 4,5 kg naissait.
Acquérir une compréhension de la Loi des sphincters est
incontournable pour appréhender la connexion corps/esprit. Comme
la confiance est un sentiment si puissant et si précieux, il est
important qu’une femme enceinte soit prise en charge par une
personne en qui elle a confiance. L’amour est un autre sentiment
très puissant qui amène guérison et soulagement. Confiance et
amour facilitent la relaxation. Je pense que les meilleures sages-
femmes sont celles qui ressentent de la bienveillance et de l’amour
pour les femmes dont elles s’occupent. Cela signifie qu’elles ne
portent pas sur les femmes un regard critique s’attardant sur leurs
défauts et autres faiblesses. Au contraire, ces sages-femmes
apprécient les femmes telles qu’elles sont. Quand la mère aime sa
sage-femme ou son médecin et lui accorde sa confiance, elle peut
plus facilement se détendre en sa présence – y compris dans son
intimité. Ce sentiment de sécurité facilite non seulement le travail et
l’accouchement, mais les rend aussi moins douloureux.
Il m’est arrivé un jour de faire une blague à l’effet heureux. Une
jeune femme qui accouchait de son premier enfant luttait contre la
sensation de ce que les amish appellent les « douleurs de
poussées ». Par expérience, je savais qu’elle avait du mal à croire
qu’elle avait suffisamment de place pour que quelque chose d’aussi
gros que la tête d’un bébé puisse passer et, de fait, elle essayait de
protéger son périnée. Je pressentais qu’elle était dans le même
genre de disposition que moi à 8 ans, quand j’étais déprimée et
malade et que j’aurais voulu refaire le monde pour qu’il réponde à
mes besoins (en l’occurrence, j’aurais voulu que ma mère puisse
aller faire pipi à ma place pour ne pas avoir à sortir du lit).
« Il y a des moments comme ça où l’on se prend facilement à
imaginer que la nature pourrait être mieux faite, ai-je dit. Par
exemple, les os du bébé pourraient ne se former qu’après sa
naissance et non pas avant. Ainsi, à la naissance, il suffirait de le
laisser glisser hors de nous. »
À ces mots, elle s’égaya un peu. Mais la logique imposa une autre
pensée et j’ajoutais : « Mais après, il faudrait le trimballer dans un
saladier, le temps que ses os se développent. »
Elle rit. À la poussée suivante, elle poussa avec ardeur et ne tarda
pas à donner naissance à son bébé.
L’une des naissances que nous avons accompagnées à The Farm
au cours des années 1980 relevait du défi. Six ans auparavant, nous
avions déjà accompagné cette mère (que j’appellerai Sara) pour la
naissance de son premier enfant, une petite fille de 2,8 kg. Cet
accouchement avait été l’un des rares qui ait nécessité des forceps.
Je n’avais pas assisté au travail mais, d’après mes consœurs, il avait
été long. Après plusieurs heures d’efforts infructueux, sa fatigue
était telle qu’elle n’avait pas pu pousser son bébé seule. Six ans plus
tard, Sara était de retour à The Farm, un mois avant le terme de sa
deuxième grossesse. À sentir le bébé dans son ventre, je pouvais
dire qu’il pesait déjà plus de 2,8 kg. Si elle accouchait au terme
normal de 40 semaines, il y avait de grandes chances pour que ce
bébé pèse alors près de 3,5 kg. J’avais besoin de savoir si le bassin
de Sara était assez large. Trois d’entre nous l’ont examinée et nous
en arrivions toutes à la conclusion que son bassin était assez large
pour qu’elle accouche par voie basse d’un bébé d’environ 3,5 kg.
Nous ne savions pas exactement ce qui avait posé problème au
cours de son premier accouchement. Selon Sara, c’était le fait de
n’avoir jamais ressenti le besoin impérieux de pousser qui l’avait
conduite à un tel épuisement.
Cette fois-ci, lorsque son travail commença, Sara était en
excellente disposition. Elle était heureuse d’être en travail. Elle
accueillait chaque contraction avec l’envie de s’y abandonner. Entre
les contractions, elle discutait avec Mark son mari (qui était assis
derrière elle sur le lit) et nous, les sages-femmes. Mark est du genre
gros ours. Sara prenait visiblement plaisir à être adossée contre lui.
L’une d’entre nous fit remarquer combien cela avait l’air de leur
convenir.
« Oh, quel réconfort de s’appuyer sur lui, déclara Sara. J’étais
adossée contre lui exactement de cette manière quand j’étais en
travail pour la naissance de Candace. À dire vrai, je ne l’ai pas laissé
bouger pendant quatorze heures d’affilée. »
« C’est vrai, renchérit Mark. Et j’ai eu envie de faire pipi pendant
les douze dernières heures ! »
Nous, les quatre sages-femmes, nous nous sommes regardées.
Nous pensions à la même chose : rester adossée contre un grand
homme vigoureux qui n’est pas en mesure de se détendre à fond,
voilà peut-être la raison pour laquelle Sara elle-même n’avait pas
réussi à se détendre complètement. Il ne fait aucun doute que cela
entrave la dilatation du col de l’utérus. Une chose était claire : cette
fois-ci, personne n’allait rester assis pendant le travail à se retenir de
faire pipi. Nous avons beaucoup plaisanté à ce sujet.
Le deuxième enfant de Sara et Mark pesait près de 3,5 kg à la
naissance. Elle est venue au monde poussée par la seule force de sa
mère et n’a jamais connu la traction métallique des forceps.
Le fonctionnement optimal de nos divers sphincters est facilité dès
lors que l’on acquiert une meilleure compréhension de la façon dont
on peut faire concorder nos pensées avec les besoins de notre
intimité. Il m’arrive souvent de dire que le bas de notre corps
fonctionne mieux quand le haut – notre esprit – porte un regard
amusé ou reconnaissant sur les frasques et les occupations de notre
intimité. Il est étonnant de constater à quel point notre derrière
fonctionne mieux quand on y pense avec humour et tendresse plutôt
qu’avec terreur, révulsion ou pire que tout, quand on s’en détourne
avec honte. Dieu sait qu’on ne peut pas tourner le dos à son
derrière.
CHAPITRE 5

Ce qu’il faut savoir


sur la grossesse et son suivi

Les deux modèles d’accompagnement périnatal

Les témoignages d’accouchements et les chapitres qui ont suivi


vous ont apporté une connaissance de base sur les merveilleuses
capacités du corps de la femme, sur le type d’atmosphère qui
favorise un travail optimal et sur les facteurs qui peuvent entraver le
travail ou le faire régresser. Le présent chapitre est destiné à vous
donner une idée de l’éventail proposé en matière de suivi de
grossesse et à vous fournir quelques critères susceptibles de vous
aider à choisir l’accompagnement qui vous conviendra le mieux.
Il est important de comprendre qu’il existe deux manières
d’appréhender la grossesse et l’accouchement. De ces visions
radicalement différentes du corps de la femme et de la signification
de la naissance sont nés deux modèles bien distincts en matière de
soins périnatals : d’une part, l’accompagnement physiologique,
héritage de la sage-femme traditionnelle et de la médecine
humaniste, et d’autre part, l’accompagnement technico-médical.
La sociologue Barbara Katz Rothman est la première à avoir
désigné et décrit ces différences18. Elle souligne que l’approche
physiologique est centrée sur la femme. C’est elle qui accouche –
elle n’est pas accouchée. Elle est au centre du mystère par lequel la
vie jaillit de la vie. L’approche physiologique de l’accompagnement
périnatal reconnaît l’étroite connexion qui existe entre le corps et
l’esprit, et le pouvoir des femmes à donner la vie. Barbara Katz
Rothman conçoit la grossesse et l’accouchement comme un
processus fondamentalement sain, et la mère et le bébé comme une
unité indissociable. Dans cette perspective, on considère que les
émotions de la femme ont un impact très réel sur le bien-être du
bébé. Lorsque les besoins affectifs de la mère sont satisfaits, les
risques sont moindres pour l’enfant. Car, en réalité, le bébé n’a pas
d’autre choix que de ressentir les émotions de sa mère. Les visites
prénatales proposées dans le cadre d’un accompagnement périnatal
physiologique ont tendance à durer beaucoup plus longtemps et à
mieux répondre aux interrogations des femmes qu’une visite
prénatale conduite selon le protocole technico-médical. L’approche
physiologique reconnaît qu’une bonne nutrition est le meilleur moyen
de prévenir la plupart des complications de la grossesse. Elle met en
avant l’importance de l’empathie et de la réassurance comme
moyens de minimiser les interventions médicales au cours de
l’accouchement. Elle n’impose pas de limite de temps arbitraire pour
l’accomplissement d’un processus physiologique.
La recherche montre que, quand l’approche physiologique est
suivie, entre 85 % et 95 % des grossesses normales (à bas risque
obstétrical) se concluent par une naissance sans intervention
chirurgicale ni recours à des instruments (forceps et ventouse
obstétricale). Dans l’approche physiologique, un geste médical est
considéré comme inapproprié à moins d’être réellement nécessaire.
Le travail suit son propre rythme et l’on ne s’attend pas à ce qu’il
s’inscrive dans une durée préétablie. Il peut se déclencher puis
s’interrompre, accélérer ou ralentir, sans que cela relève d’un
caractère anormal. On laisse la femme en travail se mouvoir
librement, boire, manger et se livrer à des ébats avec son partenaire
(si c’est ce qui stimule le mieux son travail). Autant d’activités qui
facilitent la progression du travail. L’accompagnement physiologique
reconnaît, bien sûr, qu’une intervention médicale est parfois
nécessaire et qu’elle devrait être pratiquée dans les cas qui le
réclament. Cependant, cette approche soutient que l’intervention
médicale peut être néfaste quand elle est pratiquée pour des raisons
de commodité ou de profit financier.

L’accompagnement périnatal physiologique s’articule autour du postulat que la


grossesse et l’accouchement sont des étapes normales de la vie d’une femme.
Cette approche comprend : l’évaluation du bien-être physique, psychologique et
social de la mère au cours de la grossesse ; une éducation, des conseils et des
soins personnalisés, une disponibilité immédiate et constante pendant le travail et
l’accouchement, un soutien au cours du post-partum ; une diminution des
interventions technico-médicales ; et le dépistage et la réorientation médicale des
femmes qui nécessitent un suivi médicalisé. Il a été démontré que, quand elle est
suivie, cette approche, centrée sur la femme, se traduit par une diminution du
nombre d’accidents et autres traumas de la naissance ainsi que du nombre de
femmes césarisées. (© The Midwifery Task Force)

L’accompagnement périnatal technico-médical, contrairement à


l’accompagnement physiologique, est relativement récent sur la
scène mondiale, puisqu’il existe depuis deux siècles à peine. Élaboré
par la gent masculine, ce modèle de soins est un produit de la
révolution industrielle. Comme l’anthropologue Robbie Davis-Floyd19,
20 l’a décrit en détail, sous-jacente au modèle de soins
technocratique de notre époque, se trouve l’hypothèse que le corps
humain est une machine et que le corps de la femme, en particulier,
est une machine pleine de défauts et de défaillances. La grossesse
et l’accouchement sont envisagés sous l’angle de la maladie qui,
pour ne pas être dommageable à la mère et à l’enfant, doit être
prise en charge par une médication et un arsenal médical. Au sein
de ce modèle technico-médical de la naissance, certaines
interventions médicales sont jugées nécessaires pour tout
accouchement, et celui-ci n’est considéré sans danger qu’a
posteriori. D’après ce modèle, une fois le travail commencé, la
naissance doit avoir lieu dans les vingt-quatre heures.
Le corps et l’esprit sont considérés comme séparés. C’est la raison
pour laquelle l’atmosphère émotionnelle n’a d’importance que quand
il s’agit de vendre le service proposé. Là où ce modèle technico-
médical domine, la femme qui accouche est généralement allongée
sur le dos, branchée à un monitoring fœtal, une perfusion
intraveineuse et un tensiomètre. Boire et manger lui sont
généralement interdits. La douleur du travail est le plus souvent
considérée comme inacceptable et le recours à l’analgésie et à
l’anesthésie encouragé. L’épisiotomie de routine (incision chirurgicale
qui vise à élargir l’orifice du vagin) fait souvent partie du protocole,
perpétuée par la croyance que l’accouchement avec un périnée
intact n’est pas possible ou que, s’il l’est, il comporte un risque pour
la mère ou l’enfant. Au lieu d’être le personnage principal de son
accouchement, la femme devient passive, presque comme un objet
inerte – représentant un obstacle potentiel à l’arrivée du bébé dans
le monde extérieur. Les femmes sont traitées comme un groupe
homogène avec des variations individuelles minimes.
Le modèle technico-médical de l’accompagnement périnatal
domine depuis un siècle en Amérique du Nord [et dans le monde
occidental]55. Dans les années 1920, la société aux États-Unis et au
Canada est devenue la première dans l’histoire de l’humanité à
dévaloriser l’art traditionnel de la sage-femme. [En France, à la
même période, la naissance en milieu médicalisé se répand aussi,
surtout dans les grandes villes. Les obstétriciens prennent en charge
de plus en plus de naissances. Néanmoins, les sages-femmes ne
souffrent pas d’une dévalorisation aussi flagrante qu’en Amérique du
Nord.] Quelques décennies plus tard, il est néanmoins devenu
évident que les femmes souhaitaient toujours s’entourer de sages-
femmes et que certaines d’entre elles (comme mes consœurs et
moi-même) étaient prêtes à réinventer cet art traditionnel s’il le
fallait. Nous sommes nombreuses à partager l’objectif de reconquérir
l’art de la sage-femme (et de l’accompagnement physiologique) afin
que, dans un futur proche, le nombre de sages-femmes
indépendantes soit suffisant pour permettre à toute femme qui
souhaiterait faire appel à nos services de le faire.56 Bien qu’exercer
en tant que sage-femme indépendante soit légal aux États-Unis et
au Canada [ainsi qu’en France, en Belgique et en Suisse], les sages-
femmes ne prennent encore en charge que moins de 10 % de tous
les accouchements dans ces deux pays. Ces pourcentages sont
nettement inférieurs à certains pays d’Europe de l’Ouest et du reste
du monde où les sages-femmes – qu’elles travaillent en milieu
hospitalier ou extra-hospitalier – prennent en charge la grande
majorité des accouchements. [En France, dans le secteur public, les
sages-femmes pratiquent seules les deux tiers des
accouchements. ] 57

Dans les pays qui présentent les taux de décès maternels et


infantiles les plus bas, plus de 70 % des naissances se déroulent
sous la seule supervision d’une sage-femme – et non d’un médecin –
en salle de naissance. En Allemagne, une loi fédérale garantit la
présence d’une sage-femme à chaque accouchement – même dans
les cas où un obstétricien doit pratiquer une césarienne ou une
délivrance instrumentale.
Faire la distinction entre accompagnement périnatal physiologique
et technico-médical n’est pas toujours aussi évident qu’on pourrait le
croire. Pour commencer, il existe un large éventail de pratiques au
sein même de ces deux approches. Par exemple, bien que la plupart
des maternités et des obstétriciens soient adeptes de l’approche
technico-médicale, il en existe dont la pratique est voisine de
l’approche physiologique proposée par les sages-femmes
indépendantes, ou qui travaillent en collaboration avec celles-ci. Il en
résulte un abaissement des interventions médicales comme la
césarienne ou l’extraction instrumentale et une plus grande marge
de liberté laissée à la femme en travail en fonction de ses besoins
individuels. À l’inverse, bien que l’on puisse s’attendre à ce que toute
sage-femme indépendante ait une pratique en accord avec les
principes d’un accompagnement physiologique, la réalité est parfois
autre. Beaucoup de sages-femmes indépendantes travaillent en
milieu hospitalier où le modèle technico-médical domine. Dans ces
cas-là, elles servent à attirer les femmes qui souhaitent un
accouchement non médicalisé, mais il se peut qu’elles soient
soumises à la pression constante d’un cadre qui impose une
hypermédicalisation.58 Vous aurez sans doute à creuser un peu plus
la question afin de déterminer si, oui ou non, l’accompagnement
périnatal qu’on vous propose se rapproche du modèle physiologique
ou au contraire du modèle technico-médical. Essayez de recueillir le
témoignage de femmes qui ont accouché avec les praticiens que
vous envisagez de choisir. [Un projet de label « Naissance
respectée », déclinaison francophone du label inspirée de la MBFCI
(Mother-Baby-Friendly Childbirth Initiative) est en cours d’élaboration
par le Ciane.59 Ce label vise à aider les futurs parents à choisir une
maternité susceptible de proposer un accompagnement périnatal
physiologique.]

La sous-estimation de l’importance d’une bonne


nutrition

La plus grande divergence entre l’accompagnement physiologique


et l’accompagnement technico-médical est probablement le rôle
qu’ils attribuent à la nutrition pendant la grossesse. Dans l’approche
physiologique, on considère qu’un des facteurs les plus importants
pour avoir une grossesse normale et pour prévenir les risques de
complications consiste à adopter un régime alimentaire équilibré.
Vous offrez ainsi à votre bébé et à vous-même les meilleures
chances. Une des complications les plus courantes et les plus fatales
de la grossesse, la toxémie gravidique (couramment appelée pré-
éclampsie) peut généralement être évitée en adoptant, de manière
préventive, une alimentation équilibrée et une meilleure gestion du
stress. Une alimentation équilibrée permet aussi de prévenir divers
types d’anémies et d’infections aussi bien chez la mère que chez
l’enfant. La pré-éclampsie se caractérise par une élévation de la
tension artérielle (hypertension), la présence d’albumine dans les
urines (protéinurie) et une prise de poids (avec œdème) supérieure
à celle que les femmes connaissent ordinairement suite à
l’augmentation du volume sanguin pendant la grossesse. Dans ses
formes les plus sévères, cette maladie peut provoquer un
décollement prématuré du placenta (mettant en danger la vie du
fœtus), des convulsions et la mort du fœtus et/ou de la mère. Aux
États-Unis, entre 14 % et 20 % des primipares et entre 6 % et 7 %
des multipares développent une pré-éclampsie. [En France, la pré-
éclampsie survient chez 3 à 7 % des primipares et 1 à 3 % des
multipares.]
L’expérience de The Farm confirme l’opinion selon laquelle, dans la
plupart des cas, la pré-éclampsie peut être prévenue par une
alimentation équilibrée. Dans une étude publiée compilant les
dossiers médicaux et le régime alimentaire de 775 femmes de la
communauté de The Farm, seule une femme a développé une pré-
éclampsie (0,1 %). Sa toxémie était modérée et ses enfants sont
tous nés par voie basse.21 Les femmes de notre communauté ont un
régime végétarien riche en protéines (issues essentiellement de
dérivés du soja, de diverses variétés de légumineuses et
d’oléagineux) ainsi qu’en légumes et en céréales complètes. L’eau
est la boisson principale. En tant que sages-femmes, nous
n’imposons pas de restriction sur la consommation de sel. Les
femmes enceintes que nous suivons salent leurs plats à leur
convenance. Plusieurs études menées en divers endroits confirment
le rôle bénéfique d’une bonne alimentation pendant la grossesse
pour prévenir la pré-éclampsie.22, 23, 24, 25, 26
Savoir qu’il est possible de la prévenir, c’est la bonne nouvelle. La
mauvaise, c’est que, dans l’accompagnement périnatal technico-
médical, on ignore le lien qui existe entre régime alimentaire
inadéquat et pré-éclampsie. Dans cette approche, l’hypothèse de
base qui dicte l’attitude par rapport à la pré-éclampsie est que peu
importe ce que la mère boit ou mange puisque, de toute façon, son
bébé sera capable d’une manière ou d’une autre de puiser ce dont il
a besoin en dépit des éventuelles carences du régime alimentaire de
sa mère. La raison pour laquelle les obstétriciens accordent si peu
d’importance au lien qui existe entre l’alimentation et la santé tient
au fait qu’ils ne reçoivent pour ainsi dire aucune formation en
nutrition au cours de leurs études. Au contraire, on les conforte dans
l’idée que les causes de la pré-éclampsie sont inconnues et qu’il
n’existe aucun moyen de la prévenir.
Divers traitements médicaux de la pré-éclampsie se sont succédé
au cours des deux derniers siècles. Au XIXe siècle, les médecins la
traitaient en pratiquant des saignées.27 Au cours des années 1930 et
1940, le corps médical a commencé à prescrire un régime sans sel
en guise de prévention. Pendant les années 1960 et 1970, on y
ajouta la prescription de puissants diurétiques pour limiter la prise
de poids à une dizaine de kilos au cours de la grossesse. Pour ma
première grossesse, j’ai été suivie par un obstétricien qui était
particulièrement strict à ce sujet. Il ne tolérait pas la prise de poids
au-delà de 5 à 7 kilos et me prescrivait des diurétiques. Ces
médicaments ne sont plus aussi couramment prescrits de nos jours
qu’ils l’étaient dans les années 1960 et 1970, mais de nombreux
obstétriciens limitent toujours la consommation de sel quand la
tension est élevée, que l’hypertension soit associée ou non à
d’autres symptômes de pré-éclampsie ou d’autres causes probables.
En obstétrique moderne, le traitement de la pré-éclampsie est
l’accouchement précoce – qu’il soit déclenché artificiellement ou par
césarienne programmée – et la prescription de sulfate de
magnésium, de Valium® (diazepam) ou de calcium.
Tom Brewer, l’auteur de Metabolic Toxemia of Late Pregnancy60,
est un médecin généraliste américain qui a consacré sa vie et sa
carrière à rechercher les causes de la pré-éclampsie et à enseigner
aux femmes et aux praticiens comment la prévenir. Entre 1963 et
1976, il était à la tête d’un dispositif de soins prénatals en Californie
(dans le comté de Contra Costa) qui couvrait une population de plus
de sept mille mères issues de la couche sociale la plus défavorisée
de la région de la baie de San Francisco. Selon toute probabilité, la
plupart des femmes de ce milieu défavorisé étaient davantage
exposées aux risques de pré-éclampsie et leur bébé au risque d’avoir
un faible poids de naissance. Sur des populations identiques, à la
même époque, l’incidence de la pré-éclampsie allait de 20 à 35 %,
pourcentage28 qu’on ne retrouve absolument pas dans l’étude
menée dans le comté de Contra Costa où, grâce à la persévérance
du Dr Brewer, les femmes avaient reçu des conseils nutritionnels tout
au long de leur grossesse. Seulement 0,5 % de ces femmes ont fait
une pré-éclampsie et aucune n’a fait d’éclampsie réelle.29 La
publication de ces résultats a convaincu un grand nombre de sages-
femmes, mais peu d’obstétriciens et de chercheurs – de toute
évidence parce que les travaux de Brewer n’ont pas été menés en
double aveugle. Ce protocole de recherche – suivant lequel les
individus sont divisés de manière aléatoire (randomisée) en deux
groupes, chaque groupe étant soumis à un traitement différent à
l’insu des participants, et dont les résultats sont ensuite comparés
par des chercheurs qui ignorent eux aussi à quel groupe
appartiennent les individus – est considéré comme le moyen
d’investigation « par excellence » puisqu’il vise à éliminer la partialité
du patient et celle de l’examinateur. Néanmoins, l’inconvénient d’un
tel moyen d’investigation en matière de prévention nutritionnelle de
la pré-éclampsie est qu’il faudrait délibérément soumettre l’un des
deux groupes de femmes enceintes à un mauvais régime alimentaire
pour pouvoir ensuite en comparer les résultats avec ceux d’un
groupe de femmes enceintes qui auraient une alimentation saine.
Malheureusement, en médecine moderne, la recherche est
généralement orientée sur les traitements qui impliquent une
prescription médicamenteuse ou une intervention chirurgicale plutôt
que sur de simples mesures préventives.
Tout jardinier sait qu’il faut nourrir le sol pour avoir des plantes
saines. Il faut arroser les plantes correctement, surtout quand les
graines sont en train de germer et de sortir de terre, et il faut les
planter dans un sol riche en nutriments. Pourquoi en irait-il
autrement des besoins nutritionnels d’un nouvel être humain ? Je
suis certaine qu’il n’en est rien. Les fermiers, les éleveurs et les
vétérinaires savent qu’il est nécessaire de bien nourrir une femelle
pleine, et de lui donner suffisamment de sel et d’eau pour offrir les
meilleures chances de survie à ses petits. Il est absurde de croire
que les humains seraient les seuls mammifères dont les enfants
auraient la capacité d’extraire de leur mère des nutriments qu’elle ne
consomme pas.
Je ne connais aucun gardien de zoo qui nourrirait une femelle
gravide avec des aliments dénutris – de la junk food – en espérant
qu’elle mette bas des petits en parfaite santé. Le bon sens ne peut
qu’admettre qu’une alimentation saine est une bonne chose. Même
si cela n’avait aucune influence sur l’incidence de la pré-éclampsie
(et je suis convaincue du contraire), qu’aurait-on à perdre en
adoptant un régime alimentaire équilibré ?
Je vous conseille donc de manger sain, à savoir manger de
véritables aliments. Évitez de consommer ce qui n’est pas de la
nourriture, c’est-à-dire des conservateurs, des additifs de synthèse
et tout ce qui n’a pas été élaboré par la nature. Lisez les étiquettes.
Il en va de même pour ce que vous buvez. Si vous êtes accro aux
sodas, essayez de vous en passer pendant la grossesse et
l’allaitement et remplacez-les par de l’eau. Veillez à consommer
suffisamment de protéines en mangeant entre 50 et 75 g par jour
d’aliments comme les produits laitiers, les légumineuses, les
oléagineux ou la viande. Buvez à volonté et salez à votre
convenance. Mangez des légumes à feuilles vert foncé comme les
épinards, le chou frisé ou les blettes ainsi que des légumes orange
comme les carottes, les ignames, les patates douces, car ils sont
riches en vitamines particulièrement précieuses pour la grossesse.
Que vous choisissiez d’être suivie par un praticien – ou une
équipe – adepte de l’approche technico-médicale ou, au contraire,
de l’approche physiologique, il faut savoir qu’un certain nombre
d’examens seront effectués au cours de chaque visite prénatale. On
testera vos urines et on prendra votre tension. On mesurera votre
hauteur utérine. On tâtera vos chevilles. L’appréciation de ces
paramètres vitaux est reconnue comme essentielle dans les deux
modèles de soins.
Toute une batterie d’examens prénatals optionnels a vu le jour
depuis le courant des années 1970. Parmi ces nouvelles
technologies, on trouve l’échographie, la biopsie du trophoblaste,
l’amniocentèse et le dosage de l’alpha-fœtoprotéine. À l’origine, la
cible de ces examens, mis au point comme moyen d’investigation,
était la grossesse à risque. Depuis, ils ont tous été banalisés dans un
grand nombre de pratiques obstétriques. Dans l’approche technico-
médicale, la plupart des femmes sont maintenant soumises à ces
examens dans le cadre du protocole de routine de leur suivi de
grossesse. La plupart des contrats d’assurance santé prennent en
charge ces examens, ce qui a pour effet d’inciter les femmes à s’y
soumettre. [On observe le même phénomène en France avec les
examens pris en charge par la Sécurité sociale.] Mais il existe de
bonnes raisons de prendre ses précautions avant de soumettre son
bébé et soi-même à de tels examens, surtout si vous êtes opposée à
l’idée d’avorter dans le cas où une malformation ou une anomalie
génétique serait dépistée. Parmi les femmes qui accouchent à The
Farm, rares sont celles qui choisissent de se soumettre à ces
examens prénatals et aucune n’a jamais exprimé de regrets par
rapport à ce choix.

L’échographie

L’imagerie par échographie est apparue quelques années après


une vaste étude qui démontrait une augmentation du risque de
cancer chez les enfants qui avaient été exposés aux rayons X in
utero.30 Au cours des années 1970, l’échographie a beaucoup gagné
en popularité auprès des médecins et des femmes enceintes. Cette
technologie médicale a été mise au point par un obstétricien
écossais qui, ayant emprunté un appareil industriel à ultrasons
servant à détecter les défauts dans le métal, s’en est servi sur les
femmes enceintes en dépit du manque de recherche sur les
éventuels effets secondaires encourus. Dès 1980, l’échographie
obstétricale était devenue routinière dans de nombreux pays, dans
une grande majorité desquels elle était prise en charge par le
contribuable.
L’usage de l’échographie est particulièrement populaire et peu
contrôlé aux États-Unis. La FDA (Food and Drug Administration)61a
cédé à la pression de l’industrie et des syndicats médicaux en
renonçant à contrôler la quantité d’ultrasons émise par les nouveaux
appareils d’échographie utilisés en obstétrique. À l’heure actuelle, il
n’existe pas de réglementation visant à vérifier régulièrement la
calibration des appareils d’échographie (échographes).31 N’importe
qui peut acheter un échographe et s’en servir sur une femme
enceinte, que ce soit pour déterminer le sexe de l’enfant ou pour
faire des clichés échographiques pour l’album de famille. [Cette
technique « commerciale » s’est récemment développée en France,
provoquant la réaction du Collège national des gynécologues et
obstétriciens français, qui condamne cette utilisation prolongée des
ultrasons.]
Les recherches visant à évaluer l’éventuelle nocivité de
l’échographie ont été limitées si l’on considère l’usage souvent
intensif qui en est fait. Aucun problème n’a été détecté à court
terme pour les enfants exposés à cette technologie pendant la
grossesse ou l’accouchement, mais cette technologie n’est pas
utilisée depuis suffisamment longtemps pour qu’on en connaisse les
effets secondaires à long terme. En réalité, nous n’avons aucune
idée des effets secondaires qui peuvent être entraînés par
l’exposition d’un fœtus aux ultrasons d’un échographe.
L’idée que l’échographie rend systématiquement la grossesse et
l’accouchement moins risqués est erronée. Plusieurs études
d’envergure ont été menées pour évaluer l’utilité des échographies
de routine, mais jusqu’à présent, aucune n’a démontré l’utilité de
l’exploration échographique de routine sur l’amélioration de la santé
de la mère ou de l’enfant, comparée à l’exploration échographique
réalisée suite à une indication médicale précise. L’échographie peut
être utile pour évaluer la vitalité du fœtus, son âge (seulement en
début de grossesse), le nombre de fœtus, l’insertion du placenta, la
position du fœtus et, lorsque deux échographies sont réalisées à
deux semaines d’intervalle, sa croissance. L’échographie peut
déterminer le sexe du bébé, mais il faut savoir qu’il arrive que le
médecin se trompe. Je connais beaucoup de gens à qui cela est
arrivé et ce en dépit du fait que plusieurs échographies avaient été
réalisées. J’ai aussi connu des cas de diagnostic erroné de grossesse
gémellaire alors qu’il n’y avait qu’un seul bébé. Enfin, j’ai rencontré
des cas où le poids du bébé avait été mal estimé de près de deux
kilos.
Dans l’approche technico-médicale de l’accompagnement périnatal,
les échographies de routine sont souvent considérées comme
indispensables. Il faut se poser la question de savoir en quoi votre
grossesse profitera d’une exploration échographique avant de
décider d’en faire une. Jeter un regard précoce à l’intérieur n’est pas
toujours rassurant, et ne vous prépare pas nécessairement à ce qui
va suivre. Cela me rappelle la confidence que me fit ma cousine un
jour en m’avouant qu’elle avait ressenti de la tristesse pendant toute
la deuxième moitié de sa grossesse après avoir découvert le sexe de
son deuxième bébé (qui était le même que celui de son premier
enfant). Plus tard, elle se prit d’amour pour son deuxième enfant,
mais ce fut après avoir passé plusieurs mois accablée par une
information qui n’avait été d’aucun bénéfice ni pour elle ni pour son
bébé.
Si vous préférez ne pas faire l’échographie que votre médecin ou
votre sage-femme réclame, je vous suggère de lui demander quelles
informations précises il ou elle souhaite en obtenir. Si c’est dans le
but de confirmer le terme de la grossesse, peut-être est-il possible
d’utiliser d’autres informations (comme la date de vos dernières
règles) afin de déterminer quand votre bébé a été conçu. En tout
cas, signalez que vous préférez ne pas faire d’échographie. Un
praticien compétent peut en savoir long juste à l’aide de ses mains,
comme le faisaient les sages-femmes et les médecins avant
l’apparition de l’échographie.
Certains obstétriciens s’en servent pour mesurer les dimensions
pelviennes d’une femme. D’après mon expérience, il s’agit d’un
mauvais usage d’une technologie dont on ne connaît pas les effets à
long terme. Les sages-femmes de The Farm conçoivent la
pelvimétrie comme un art plutôt que comme une science exacte –
une estimation faite par expérience plutôt qu’un système précis de
mesure. D’après nous, cette évaluation se fait mieux à la main qu’en
utilisant une technologie de l’imagerie médicale comme
l’échographie ou la radiographie. Je me permets d’avancer cet avis,
car mes consœurs et moi-même avons pris en charge
l’accouchement de plus de vingt-cinq femmes qui s’étaient vu
attribuer un diagnostic de disproportion fœto-pelvienne (DFP) (aussi
appelée disproportion fœto-maternelle ou céphalo-pelvienne) – leur
bassin étant considéré trop étroit, sur la base d’un examen
échographique ou radiographique, pour permettre un accouchement
normal par voie basse. À deux exceptions près, ces femmes ont pu
accoucher par les voies naturelles. À The Farm, on estime depuis
toujours la taille du bassin et celle du bébé à la main plutôt qu’à
l’aide de moyens mécaniques ou radiographiques. Aucune d’entre
nous ne trouve nécessaire ou même particulièrement utile d’avoir
recours à l’échographie ou la radiographie pour prédire si une femme
pourra accoucher par voie basse, quelle que soit la taille du bébé.
Nos mains savent estimer la taille d’un bassin par rapport à celle du
bébé qui devra le traverser, comme tous ceux qui exécutent une
tâche de manière répétée et prennent l’habitude de jauger à l’œil.
Une autre raison de refuser de faire une échographie dans le but
de détecter une éventuelle disproportion fœto-pelvienne est que les
dimensions du bassin changent en fonction de la position que l’on
adopte (phénomène que la plupart des médecins ignorent). Une des
plus grandes failles dans le fait de mesurer le bassin d’une femme à
l’aide d’une échographie repose sur l’hypothèse erronée que le
bassin est invariable dans sa taille et sa forme. Ce serait vrai si
c’était un os en forme d’anneau. En réalité, il se compose de quatre
os distincts reliés entre eux par des ligaments aux jointures. Une
hormone, la relaxine, provoque le relâchement de ces ligaments en
fin de grossesse pour préparer l’accouchement en facilitant leur
étirement et permettre une plus grande mobilité des os du bassin.
Le bassin, qui peut être un peu petit lorsqu’on est allongé sur le dos,
s’élargit de façon significative quand on est à quatre pattes.
Janet Balaskas, réputée pour ses cours de yoga et de préparation
à la naissance, propose un exercice merveilleux pour le sentiment de
puissance qu’il donne en nous faisant prendre conscience de ce
phénomène. Voici une brève explication pour le pratiquer. Mettez-
vous debout ou agenouillée et posez une main sur votre pubis à
l’avant et l’autre main sur votre coccyx. Prenez conscience de la
distance qui sépare vos deux mains. Maintenant, penchez-vous en
arrière le plus possible (en prenant soin de ne pas vous faire mal) et,
de nouveau, prenez conscience de la distance qui sépare vos deux
mains. Ensuite, penchez-vous en avant jusqu’à ce que votre buste
soit parallèle au sol.32 La plupart des gens trouvent étonnant de
sentir à quel point la distance entre leurs mains varie pendant cet
exercice. En effet, la plupart d’entre eux remarquent que la distance
qui sépare leur os du pubis et leur coccyx s’agrandit quand ils sont
penchés en avant. Rien d’étonnant à ce que les singes (qui sont
bâtis un peu comme nous) aient tendance à se pencher en avant
pour mettre bas.

La biopsie du trophoblaste
(ou CVS – prélèvement des villosités choriales)

La biopsie du trophoblaste (CVS) est une technique invasive


servant à rechercher les anomalies chromosomiques (comme la
trisomie 21). Cet examen se pratique avant la douzième semaine de
grossesse. Son principal avantage est qu’il peut être pratiqué plus tôt
pendant la grossesse que l’amniocentèse. Les femmes qui ont déjà
eu un enfant présentant une anomalie chromosomique ainsi que les
femmes âgées de plus de 35 ans [38 ans en France et en Belgique]
sont susceptibles de se voir proposer cet examen. La biopsie du
trophoblaste, comme les autres procédures invasives, peut
provoquer une fausse couche. Le taux de fausse couche suite à une
biopsie du trophoblaste était de 4 % au moment d’une vaste étude
réalisée par l’OMS. Plus rarement, la biopsie du trophoblaste peut
causer des dommages aux bras, aux jambes, aux doigts et aux
orteils de l’embryon.
Si vous savez que vous ne souhaiterez pas avorter si les examens
révèlent que vous attendez un enfant porteur de trisomie 21, il est
préférable de refuser cet examen. En effet, le cas échéant, il ne
ferait que rendre la grossesse plus stressante.

L’amniocentèse

L’amniocentèse est un autre moyen d’exploration invasif qui peut


déceler un certain nombre de maladies et de malformations chez le
fœtus. Cette analyse implique le prélèvement d’un échantillon de
liquide amniotique à l’aide d’une longue et fine aiguille pendant que
le médecin utilise l’échographie pour limiter au maximum les risques
de blesser le fœtus. Comme l’échographie et la biopsie du
trophoblaste, cet examen permet de déterminer le sexe du bébé. Il
permet aussi de dépister les anomalies chromosomiques et les
malformations du tube neural comme le spina-bifida et
l’anencéphalie. Dans le cadre d’un suivi de grossesse technico-
médical, l’amniocentèse est systématiquement proposée aux
femmes âgées de plus de 35 ans,62 car à cet âge la probabilité
d’avoir un enfant porteur d’une anomalie chromosomique est à peu
près égale ou supérieure à celle d’infliger une blessure au fœtus ou
de provoquer une fausse couche en pratiquant l’amniocentèse. Les
risques qu’une amniocentèse entraîne une fausse couche ou blesse
le fœtus sont d’environ 1,5 %. Les médecins ont commencé à
conseiller à des femmes plus jeunes de faire cet examen suite à une
vague de procès intentés par des parents dont l’enfant était porteur
de trisomie 21 à l’encontre de leur médecin, car celui-ci ne les avait
pas informés de l’existence de cet examen. L’amniocentèse précoce
est généralement pratiquée entre la 15e et la 18e semaine de
grossesse et les résultats sont disponibles au bout de deux à trois
semaines. Il arrive qu’il faille faire un deuxième prélèvement.
Certaines femmes trouvent l’amniocentèse rassurante, mais
d’autres auraient préféré être averties des émotions qu’on ressent
souvent en attendant les résultats. À ce stade, il est courant que la
mère sente déjà très nettement son bébé bouger. La sociologue
Barbara Katz Rothman explique de manière éloquente que
l’amniocentèse génère des conflits dans beaucoup de familles. Selon
elle, l’amniocentèse « demande aux femmes d’accepter leur
grossesse et leur bébé, de prendre soin du bébé qu’elles abritent,
tout en étant prêtes à en avorter. »33 Toute femme qui fait une
amniocentèse doit savoir que cet examen va de pair avec deux
possibilités infimes : l’une est d’apprendre que l’on attend un enfant
porteur de la trisomie 21, l’autre est de faire une fausse couche,
suite à l’amniocentèse. Souvenez-vous en : cette intervention n’a
jamais guéri personne.
Dépistage sanguin de la trisomie 21
(dosage de l’HT 21)

Ces deux tests sont généralement effectués lors d’une prise de


sang unique (dosage couplé de l’HCG – hormone chorionique
gonadotrope – et de l’AFP – alpha-fœtoprotéines) entre la 15e et la
16e semaine d’aménorrhée (autrement dit entre la 13e et la 14e
semaine de grossesse). Ils n’ont pas valeur de diagnostic, mais
permettent de faire un calcul de la probabilité de risques. À l’heure
actuelle, on les propose presque systématiquement à toutes les
femmes (particulièrement dans un suivi de grossesse technico-
médical). Il faut savoir que cet examen ne permet pas d’affirmer que
le bébé est en bonne santé. Il permet uniquement d’évaluer les
risques (que votre bébé soit porteur de certaines anomalies) en
termes de probabilité ; il ne permet pas de savoir si l’enfant à naître
est réellement porteur de ces anomalies. Lorsque la probabilité est
supérieure ou égale à 1/250, une amniocentèse ou une échographie
est proposée. Environ 5 % des tests donnent des résultats positifs
(> 1/250) alors que le bébé est parfaitement sain (faux positif). Ce
pourcentage élevé d’erreurs est dû en partie à une mauvaise
estimation de l’âge gestationnel ou bien à la présence de jumeaux.
L’American Congress of Obstetricians and Gynecologists (ACOG)63
conseille à ses membres de proposer cet examen à toutes les
femmes dans le cadre d’une recommandation liée à la responsabilité
civile médicale.34 C’est donc une recommandation utile aux
médecins, pas aux femmes. Celle-ci est destinée à prémunir ces
derniers contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Bien que le test
soit décrit comme rassurant, les femmes qui ont un résultat positif
affichant un risque élevé (y compris celles qui ont un « faux
positif ») le trouvent tout sauf rassurant. Les résultats du dosage HT
21 sont peut-être rapides, mais ceux de l’amniocentèse proposée si
les risques s’avèrent élevés (>1/250) impliquent généralement
plusieurs semaines d’attente. Le recours systématique à cet examen,
anxiogène pour beaucoup de femmes, est remis en question, car
rares sont celles qui auront réellement un problème. [En France,
l’arrêté du 23 juin 2009 fixe les règles en matière de dépistage et de
diagnostic anténatal : « Lors de la consultation médicale prévue à
l’article R. 2131-2 du code de la santé publique, toute femme
enceinte, quel que soit son âge, est informée de la possibilité de
recourir à un dépistage combiné permettant d’évaluer le risque de
trisomie 21 pour l’enfant à naître. Ce dépistage associe le dosage
des marqueurs sériques du premier trimestre (l’HT 21), réalisé à
partir d’un prélèvement sanguin, et les mesures échographiques de
la clarté nucale et de la longueur cranio-caudale. Lorsque le
dépistage de la trisomie 21 conduit à la réalisation d’un prélèvement
à visée diagnostique, la femme enceinte est associée au choix de la
technique de ce prélèvement.64 » La Haute Autorité de Santé (HAS)
précise : « Il sera capital de respecter les positions éthiques de
chaque femme qui se voit proposé et jamais imposé le dépistage. »]
Une chose est sûre : si vous faites déjà une amniocentèse, il est
inutile de faire un dosage HT 21.

Dépistage du diabète gestationnel

Si votre praticien travaille selon l’approche technico-médicale de


soins périnatals et qu’il y a des antécédents de macrosomie fœtale
(gros bébé) dans votre famille, il vous conseillera certainement de
faire un dépistage de diabète gestationnel. Le diabète gestationnel
(DG) n’est pas une maladie à proprement parler. Il indique un taux
élevé de glucose dans le sang (hyperglycémie) par rapport à la
moyenne pendant la grossesse. Il est mis en évidence par le test de
tolérance orale au glucose (TTG) – dit d’hyperglycémie provoquée.
Contrairement au diabète sucré, le diabète gestationnel disparaît
spontanément après la naissance. Nombreux sont les médecins qui
prescrivent cet examen à toutes leurs patientes entre la 24e et la 28e
semaine d’aménorrhée. Malheureusement, il n’est pas très fiable.
Soumises une deuxième fois à cet examen, entre 50 % et 70 % des
femmes obtiennent un résultant différent. Les données probantes
dont on dispose montrent qu’il n’existe pas de traitement du diabète
gestationnel – que ce soit par un régime alimentaire ou des
injections d’insuline – susceptibles d’améliorer la santé de la mère ou
de l’enfant à naître. En résumé, l’anxiété qui accompagne souvent le
dépistage du diabète gestationnel n’est pas compensée par le
bénéfice de l’information obtenue. Il arrive que, quand les résultats
du dépistage sont positifs, votre médecin vous encourage à en faire
d’autres ou à suivre des traitements qui sont onéreux et dont le
bénéfice reste à prouver. [En France, la HAS concluait en juillet 2005
dans sa synthèse sur le diabète gestationnel : « Il n’existe aucune
preuve directe de l’efficacité d’un dépistage systématique ou ciblé du
diabète gestationnel à partir de la 24e semaine de grossesse pour
réduire la mortalité et la morbidité périnatales. » Elle ajoutait : « Par
ailleurs, le diagnostic et la prise en charge du diabète gestationnel
ne seraient pas dénués d’effets indésirables : anxiété, accroissement
du nombre de consultations et d’examens complémentaires,
accroissement des taux de césariennes même en l’absence de
macrosomie fœtale, accroissement du taux de déclenchements et du
passage en réanimation néonatale des nouveau-nés. »]
En plus du dépistage de routine que nous effectuons à l’aide de
bandelettes urinaires lors des visites prénatales, mes consœurs et
moi-même utilisons un petit appareil appelé glycomètre qui nous
permet de dépister les femmes susceptibles de bénéficier d’un
changement de régime alimentaire quand on détecte des taux de
glucose trop variables dans leur sang. Le glycomètre est un lecteur
de glycémie qui prélève une goutte de sang au bout du doigt à l’aide
d’une aiguille et donne instantanément le taux de glucose sanguin.
Nous y avons recours quand plusieurs des symptômes suivants sont
présents à partir de la 28e semaine de grossesse :
Prise de poids rapide.
Sensation d’avoir la tête qui tourne après les repas.
Soif intense.
Fringale de sucre.
Antécédents familiaux de diabète.
Antécédents de bébés de plus de 4 kg.
On procède à une lecture de la glycémie quinze à trente minutes
après le petit-déjeuner, puis de nouveau une heure plus tard. Nous
avons rencontré quelques femmes dont la glycémie était élevée
(>2,5 g/l) dans cet intervalle et est redevenue normale (<1,2 g/l)
dans l’heure suivante. Ce sont ces femmes qui ont la tête qui tourne
après un repas et dont l’élévation de la glycémie ne serait pas
détectée par un test de tolérance au glucose (TTG). On découvre en
général qu’elles ont mangé quelque chose qu’elles ne tolèrent pas
bien pendant la grossesse – du sucre et de la farine blanche, par
exemple. Sur le moment, la meilleure façon d’abaisser la glycémie
est de se lever, si possible, et de faire un peu d’exercice. Si la femme
veut mettre toutes les chances de son côté, il lui faut éliminer la
farine blanche, les pâtes, ainsi que les autres aliments riches en
hydrates de carbone, et enfin le sucre, de son alimentation.

Dépistage du streptocoque B

Bien que nous ayons tendance à penser que les bactéries induisent
des maladies, notre corps – notre gorge, notre vagin et nos
intestins, par exemple – en abrite un grand nombre sans aucun
problème. Une souche assez répandue, le streptocoque B – aussi
appelé strepto B – se retrouve en ligne de mire chez la femme
enceinte. La flore bactérienne vaginale normale d’une femme est
quelquefois porteuse du streptocoque B. Près d’une femme sur cinq
en est porteuse dans sa flore vaginale (« colonisée », pour
reprendre les termes médicaux). Il y a une différence entre être
porteuse du strepto B – colonisation saprophyte – (comme beaucoup
d’entre nous le sont) et être infectée par le strepto B – colonisation
pathogène.
En général, la présence du streptocoque B ne provoque pas de
symptôme chez la femme qu’il colonise. Il arrive qu’elle soit victime
d’infections urinaires et beaucoup plus rarement qu’elle développe
une infection au niveau du placenta qui provoque une rupture
prématurée des membranes et un déclenchement précoce du travail.
Chez les 15 à 20 % de femmes en travail dont la flore vaginale est
colonisée par un streptocoque B,65 près de la moitié des bébés
seront colonisés au moment de l’accouchement. Mais cela ne signifie
pas que ces bébés développeront une infection. En réalité, au moins
98 % des bébés colonisés par un streptocoque à la naissance ne
contractent pas d’infection. Cependant, quand une infection se
développe, il faut la prendre au sérieux étant donné que l’issue est
fatale dans 10 % des cas. Toutefois, il est important de garder à
l’esprit que seuls deux bébés pour mille développent une infection.
Le problème est qu’il n’existe pas de moyen de dépister avec
efficacité quels sont les deux bébés qui tomberont malades.
Certains facteurs semblent exposer le bébé à un risque plus
important de développer une infection par le streptocoque B. Parmi
ces facteurs, on trouve :
un faible poids de naissance ou une naissance prématurée.
une rupture des membranes (poche des eaux) plus de dix-huit heures avant la
naissance.
un travail prolongé, surtout quand il est assorti de multiples touchers vaginaux.
une intervention obstétricale : déclenchement, pose d’un monitoring fœtal interne,
extraction à la ventouse ou aux forceps.
un rythme cardiaque fœtal particulièrement rapide pendant le travail.
un état fiévreux de la mère pendant le travail.
une colonisation particulièrement importante par le streptocoque B de la flore
vaginale maternelle.
une réanimation néonatale.

Plusieurs mesures préventives ont été élaborées pour lutter contre


les infections dues au streptocoque B. La première est de pratiquer
un prélèvement vaginal chez toutes les femmes enceintes pour
déterminer si elles sont porteuses d’un streptocoque B. Celles qui
sont en porteuses sont traitées aux antibiotiques. Le problème est
que cette stratégie (testée par des chercheurs) ne marche pas ; elle
n’a pas d’incidence sur le nombre de bébés infectés. Elle ne s’est
avérée efficace que chez les femmes qui souffraient d’infections
urinaires causées par un streptocoque B.
Pendant des années, l’ACOG (American College of Obstetricians
and Gynecologists), le CDC (Centers for Disease Control) et l’ACNM
(American College of Nurse Midwives) ont recommandé l’adoption de
l’une des deux stratégies suivantes :
Procéder à un prélèvement et mettre sous antibiotiques pendant le travail toute
mère qui présente un risque élevé : rupture prématurée des membranes, travail
prématuré, rupture des membranes depuis plus de dix-huit heures, antécédent de
bébé infecté par le streptocoque B ou état fiévreux pendant le travail (y compris les
femmes chez qui la fièvre est induite par la péridurale, car il n’est pas possible de
déterminer si la fièvre est la conséquence de la péridurale ou d’une infection causée
par le strepto B).
Pratiquer un prélèvement chez toutes les femmes entre la 35e et la 37e semaine
d’aménorrhée. Proposer l’administration d’antibiotiques pendant le travail à toutes les
femmes porteuses du streptocoque B. Prescrire des antibiotiques aux femmes
porteuses du streptocoque B quand la poche des eaux est percée depuis plus de dix-
huit heures ou à celles qui sont fiévreuses pendant le travail.

Plus récemment, ces différents organismes (ACOG, CDC, ACNM)


ainsi que l’AAP (American Academy of Pediatrics) sont tombés
d’accord pour abandonner la première stratégie – qui consistait à ne
traiter que les mères présentant un risque élevé – et pour adopter
systématiquement la deuxième stratégie, consistant à procéder à un
dépistage vaginal chez toutes les femmes. Cette nouvelle approche
implique qu’un très grand nombre de femmes66 sont mises sous
antibiotiques pendant le travail (antibiothérapie maternelle
« préventive » per partum) alors que leur bébé n’aurait jamais
déclaré d’infection de toute manière. [En France, la même stratégie
est recommandée par le collège des obstétriciens (Cngof) dans les
recommandations publiées en 1997 et prévaut depuis plusieurs
années.] Même avec l’adoption de cette stratégie, des bébés qui
nécessiteraient un traitement peuvent ne pas être détectés.
Ce nouveau protocole n’est pas complètement dénué de risque. Le
recours abusif aux antibiotiques est connu pour être à l’origine du
développement de souches bactériennes résistantes – résistantes
aux traitements antibiotiques prescrits. Ce nouveau protocole risque
d’aggraver cette situation. De plus, les antibiotiques sont quelquefois
responsables d’effets secondaires indésirables comme le
développement de mycoses ou de muguet chez la mère et le bébé,
ou encore de diarrhées. Le Centers for Disease Control estime que la
prescription systématique de pénicilline (le médicament de choix) à
toutes les femmes porteuses du streptocoque B causerait le décès
d’une dizaine de femmes par an suite à une réaction allergique grave
(choc anaphylactique).
Pour toutes les raisons mentionnées dans le paragraphe
précédent, il faut savoir que vous pouvez refuser le dépistage
vaginal ou bien l’administration d’antibiotiques si vous avez fait le
test et qu’il est positif. Vous pouvez légèrement minimiser les
chances que votre bébé soit infecté en refusant autant
d’interventions que possible (y compris les touchers vaginaux,
surtout si la poche des eaux est déjà rompue) et en exigeant que
toutes les personnes se lavent les mains avant de toucher votre
nouveau-né (certaines infections par le streptocoque B se
développent au cours des trois premiers mois de la vie d’un
nourrisson.)

L’injection prénatale systématique


d’immunoglobulines anti-D (immunoprophylaxie
systématique du troisième trimestre)

Lors de vos examens médicaux prénatals, vous avez fait une


analyse de sang pour connaître votre facteur rhésus. Environ 85 %
de la population de type européen est rhésus positif (RhD positif)
tandis que les 15 % restants sont rhésus négatif (RhD négatif). Si
vous êtes rhésus positif ou si vous-même et le père du bébé êtes
tous les deux rhésus négatif, vous n’avez pas particulièrement besoin
de chercher à comprendre les tenants et les aboutissants de
l’immunoprophylaxie systématique du troisième trimestre. En
revanche, si vous êtes rhésus négatif alors que le père du bébé est
rhésus positif, les conséquences d’une incompatibilité fœto-
maternelle de rhésus peuvent devenir de plus en plus
problématiques à chaque nouvelle grossesse (allo-immunisation
fœto-maternelle Rh).
Être rhésus négatif n’est pas un problème en soi. Mais des
conséquences néfastes peuvent survenir si le sang d’une personne
rhésus négatif se mélange à celui d’une personne rhésus positif. En
temps normal, les globules rouges (hématies) du bébé ne traversent
pas le placenta qui agit comme une barrière. Cependant, il arrive
qu’au cours de la grossesse, du travail et de l’accouchement, une
petite quantité de sang du bébé passe dans la circulation sanguine
de la mère. Quand c’est le cas et que l’enfant est RhD positif alors
que sa mère est RhD négatif, le sang (plus précisément, l’antigène D
présent à la surface des globules rouges) du bébé est identifié
comme étranger et le corps de sa mère se met à fabriquer des anti-
corps (IgG anti-D) pour « combattre » ce corps étranger. Le sang
d’une mère rhésus négatif est dit « sensibilisé » une fois que cette
réaction s’est produite. Les interventions obstétricales comme
l’amniocentèse, la version par manœuvres externes et l’épisiotomie
augmentent les risques de sensibilisation rhésus de la mère.
L’allo-immunisation rhésus est rare chez la primipare, à moins
qu’elle n’ait déjà eu une fausse couche ou un avortement, ou qu’elle
ait été victime d’une erreur de transfusion. Mais dès lors que des
anticorps sont présents chez la mère, la santé d’un fœtus de RhD
positif peut être compromise, car ces anticorps sont susceptibles de
traverser la membrane placentaire (bien que le sang ne le puisse
pas) pour attaquer les globules rouges du bébé. Les problèmes
susceptibles de se produire suite à cette incompatibilité rhésus vont
de l’ictère modéré à la maladie hémolytique du nouveau-né, qui peut
être fatale pour le bébé.
Un produit de synthèse, les immunoglobulines anti-D
(commercialisé sous le nom de Rhogam® aux États-Unis et en
Belgique, Anti-D au Royaume-Uni, [de Rophylac® en France et en
Suisse, et de WhinRho® au Canada]), est généralement administré
aux mères qui ont eu un bébé de RhD positif dans les soixante-
douze heures qui suivent l’accouchement ainsi qu’après tout
évènement traumatique, survenu au cours de la grossesse,
susceptible d’avoir provoqué un échange sanguin entre la mère et
son bébé.67 L’injection d’immunoglobulines anti-D est relativement
efficace pour prévenir la formation d’anticorps qui pourraient nuire
au fœtus RhD positif. Depuis que l’injection post-partum fait partie
du protocole obstétrical, on a constaté une baisse importante du
nombre de décès suite à la maladie hémolytique du nouveau-né.
Malgré les avantages incontestables apportés par l’administration
d’immunoglobulines anti-D, certaines femmes hésitent à se laisser
administrer ce produit sanguin. Les fabricants fournissent la liste des
effets secondaires connus parmi lesquels on trouve : inflammation
locale, malaise, frissons, fièvre et exceptionnellement, choc
anaphylactique. Certaines femmes signalent une irritation cutanée
survenue suite à une injection d’immunoglobulines anti-D. Un autre
débat est soulevé par l’utilisation de mercure comme conservateur,
additif que certaines femmes souhaitent éviter en raison de sa
toxicité potentielle. Une autre question problématique encore est
celle d’une transmission virale. Au début de l’utilisation du Rhogam®
aux États-Unis, certaines femmes ont contracté une hépatite C ou le
virus du sida par le biais de Rhogam® infecté. Aucun de ces virus ne
risque plus d’être transmis par l’injection d’immunoglobulines anti-D
de nos jours puisqu’ils sont tous les deux dépistés et rendus
inoffensifs par les procédés de purification des fabricants. Il demeure
néanmoins le risque d’une contamination par un virus (non encore
répertorié) qui ne serait pas détruit par les traitements couramment
pratiqués.35
Si vous êtes rhésus négatif et que le service obstétrique qui vous
suit est plus proche de l’approche technico-médicale que de
l’approche physiologique, il est probable qu’on vous incite à accepter
une injection prénatale d’immunoglobulines à la 28e semaine
d’aménorrhée, que le génotype fœtal RhD soit connu ou non (et
donc positif ou négatif). La logique sous-jacente à cette injection
prénatale (controversée à l’échelle internationale) est que, d’après
certains, ce serait la meilleure façon de prévenir des cas d’allo-
immunisation rhésus « silencieuse », susceptibles de se produire
pendant la grossesse. Une étude a démontré une baisse de
l’incidence d’immunisation passant de 1,12 % (sans injection
prénatale de Rhogam®) à 0,28 % (avec injection prénatale de
Rhogam®), mais certains critiquent cette étude, arguant que cette
baisse peut être attribuable à d’autres facteurs comme le fait de ne
pas proposer d’injection prénatale de Rhogam® à des femmes qui
présentaient des facteurs à risques.36 Le problème avec l’injection
prénatale d’immunoglobulines anti-D est que les enfants qui seront
exposés à ce produit sont nombreux alors même qu’ils sont eux
aussi RhD négatif et qu’il n’y a donc aucune incompatibilité sanguine
entre la mère et le bébé. Or, aucune étude n’a été menée à ce jour
pour évaluer les effets secondaires à long terme de l’injection
prénatale d’immunoglobulines anti-D sur les bébés.37 Dans le cadre
de notre pratique, mes consœurs et moi-même – comme beaucoup
d’autres sages-femmes – déconseillons aux femmes d’accepter une
injection prénatale d’immunoglobulines anti-D à moins d’avoir subi
un traumatisme corporel. Si une mère de RhD négatif a été exposée
à un risque de sensibilisation rhésus pendant sa grossesse, nous
l’informons des bénéfices et des risques d’une injection prénatale
d’immunoglobulines, ainsi que des risques de l’allo-immunisation
rhésus et libre à elle de décider si elle souhaite accepter ou non
cette injection.
L’injection d’immunoglobulines anti-D dans les soixante-douze
heures qui suivent la naissance d’un bébé RhD positif chez une mère
RhD négatif (prophylaxie post-partum) est beaucoup moins
controversée qu’une injection au cours du troisième trimestre de
grossesse. Pourtant environ 90 % des mères RhD négatif qui
donnent naissance à un enfant RhD positif n’ont pas besoin d’une
injection post-partum d’immunoglobulines, car il n’y a pas eu de
passage d’hématies fœtales dans le sang maternel et donc pas de
« sensibilisation rhésus ». Malheureusement, il n’existe pas de
moyen d’investigation fiable pour déterminer si vous faites partie des
10 % qui seront sensibilisées sans injection d’immunoglobulines
anti-D.
La décision d’accepter ou non une injection post-partum
d’immunoglobulines n’est pas toujours facile à prendre. Si la femme
ne prévoit pas d’autres grossesses dans le futur, elle la refuse
généralement. Les femmes qui ont des convictions religieuses
opposées à l’administration de produits sanguins refusent aussi
l’injection d’immunoglobulines. Les femmes qui ont subi une
intervention médicale au cours de l’accouchement sont davantage
susceptibles d’être sensibilisées.
Parfois les femmes choisissent de faire le test Kleihauer pour
déterminer si des hématies fœtales sont passées dans leur
circulation sanguine. Si le test est négatif, elles peuvent
éventuellement décider que les chances d’allo-immunisation après la
naissance d’un enfant de rhésus positif sont suffisamment faibles
pour qu’elles refusent une injection d’immunoglobulines. Néanmoins,
le test Kleihauer n’est pas toujours fiable.

Le consentement libre et éclairé

L’éthique médicale veut que le consentement du patient soit requis


avant qu’on le soumette à un traitement médical ou un acte
chirurgical. Avant que vous acceptiez de suivre un protocole ou un
traitement médical, le professionnel de santé doit vous fournir
l’information nécessaire pour vous permettre de décider si vous
souhaitez ou non vous y soumettre. Souvenez-vous cependant que
l’information que vous donne votre médecin ou votre sage-femme,
même si elle est vraie, peut être biaisée. Avant de vous soumettre à
un examen, vous aurez peut-être envie de trouver d’autres sources
d’information en lisant un livre de préparation à la naissance, en
surfant sur Internet ou en consultant un conseiller en génétique.
Quel degré de consentement aurez-vous réellement pendant votre
accouchement ? Par expérience, nous savons que, pour la plupart
d’entre nous, lire est la dernière chose que nous souhaitons faire
pendant le travail. En matière de consentement éclairé, la politique
varie d’un hôpital à l’autre. Certains hôpitaux réclament le
consentement avant chaque procédure majeure proposée tandis que
d’autres demandent, dès l’admission, « carte blanche » pour toute
procédure que l’obstétricien jugerait nécessaire. Quel que soit
l’endroit où vous avez prévu d’accoucher, informez-vous sur les
procédures auxquelles vous êtes susceptibles d’être soumise. Faites-
vous une idée de ce que vous êtes prête à accepter et de ce que
vous ne voulez pas.
[En France, la loi du 4 mars 2002 – dite loi Kouchner – précise
qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué
sans le consentement libre et éclairé de la personne et (que) ce
consentement peut être retiré à tout moment ».]
CHAPITRE 6

La mise en route du travail

À l’approche de votre terme, il est probable que vos pensées


tournent surtout autour de la meilleure façon de mener votre barque
au cours du voyage vers la maternité. Selon l’endroit où vous
prévoyez d’accoucher, il existe un large éventail de protocoles de
routine susceptibles de vous accueillir dès votre arrivée le jour de
l’accouchement. Par exemple, chaque hôpital a son protocole de
routine et son règlement, et il est probable que vous découvriez des
différences drastiques entre les hôpitaux et cliniques d’un même
secteur géographique. Comment distinguer les gestes médicaux
optionnels de ceux qui ne le sont pas ? Le simple fait qu’une
pratique soit protocolaire dans un service hospitalier ne signifie pas
qu’elle soit obligatoire ou même pertinente au plan scientifique.
Quelles interventions de routine sont susceptibles d’être remises en
question sur une base scientifique ? Si certains gestes médicaux
injustifiés font partie du protocole de routine de votre hôpital,
quelles pratiques alternatives pouvez-vous négocier avec l’équipe
médicale ?

En travail ou pas ?
La première décision majeure pour une femme en travail est
généralement de savoir à quel moment partir pour la maternité ou,
dans le cas d’un accouchement à domicile, quand appeler la sage-
femme. Allez-vous vous précipiter pour arriver à destination le plus
tôt possible ou au contraire allez-vous prendre votre temps ? De
toute évidence, la réponse à cette question dépend, dans une
certaine mesure, du temps de transport nécessaire pour arriver à
l’hôpital. Si c’est la première fois que vous êtes en travail, vous
n’avez aucune référence vous permettant de connaître l’intensité
qu’il doit atteindre au moment où la naissance devient imminente.
Vous serez peut-être encline à vous rendre sur le lieu de votre
accouchement le plus tôt possible, car personne n’a envie
d’accoucher dans une voiture. (Ces accouchements se passent
généralement sans complications, d’ailleurs.) Mais avant de foncer
dès la première manifestation d’un début de travail, souvenez-vous
qu’il y a de bonnes raisons pour ne pas vouloir se rendre trop tôt à
la maternité.
Tous ceux qui travaillent dans un service obstétrique connaissent
bien ce scénario : une primipare arrive à l’hôpital et se présente à
l’accueil, croyant être déjà bien avancée dans son travail, se soumet
à toutes les procédures d’admission et, quand finalement elle arrive
en salle de travail ou de naissance, son travail a quasiment cessé. Si
les procédures d’admission suffisent à enrayer votre travail, je vous
suggère de rentrer chez vous. Il faut savoir qu’il n’est pas rare que le
travail s’arrête une ou deux fois avant de devenir suffisamment
intense pour se conclure par l’accouchement. Cette situation est
susceptible de se produire en début de travail, dans la phase de
latence. Si vous pensez être en travail et que la journée est déjà
bien entamée, essayez de prendre un bain chaud, de boire un verre
de vin et d’aller vous coucher un moment. Vous serez ainsi peut-être
en mesure de prendre un peu de repos avant que le vrai travail
intense ne démarre. Ce serait une bonne chose, car cela diminue vos
chances de voir votre travail stagner une fois arrivée à l’hôpital, cela
vous permet de garder un maximum d’énergie et il se peut même
que votre travail progresse bien pendant ce temps de repos. Même
un travail déjà bien avancé peut ralentir ou stagner suite au trajet
vers l’hôpital ou la maison de naissance.
Dans le cadre d’un suivi périnatal physiologique, quand le travail
d’une femme commence, nous, sages-femmes, passons un coup de
fil ou rendons une petite visite à la mère pour voir comment vont les
choses. Si le travail vient à stagner ou à ralentir, nous nous
contentons habituellement de rentrer chez nous et d’attendre le
prochain coup de fil. Nous savons qu’il n’est pas rare qu’un travail
physiologique ait une progression en dents de scie. La femme suit
alors le cours de sa vie et n’appelle sa sage-femme que lorsque le
travail reprend. Il peut arriver qu’un travail s’arrête trois ou quatre
fois avant de continuer ininterrompu jusqu’à la naissance. Ce type de
progression discontinue est parfaitement normal et ne met pas en
danger la vie du bébé tant que la poche des eaux est intacte. Alors
pourquoi ne pas patienter ? Vous n’avez rien à perdre.
Avant que l’utilisation des ocytociques (hormones de synthèse
utilisées pour déclencher ou accélérer le travail) ne se généralise, la
plupart des services obstétriques renvoyaient les femmes en début
de travail à leur domicile si les contractions n’étaient pas régulières.
Ou bien les femmes en travail arpentaient les couloirs tant que leurs
contractions n’étaient pas assez fortes pour effacer et dilater leur col
de l’utérus. De nos jours, une fois que les femmes sont admises en
maternité, de nombreuses équipes médicales les découragent de
rentrer chez elles, même si leur travail s’est arrêté. Avec le large
éventail d’ocytociques disponibles et le peu de connaissances que le
public a des effets secondaires de ce type de produits, il devient
moins capital de se contenter des méthodes naturelles pour stimuler
le travail. En dépit de cette banalisation des ocytociques, si votre
travail n’en est qu’à ses débuts, il est possible que vous puissiez
négocier le fait de déambuler ou bien de rentrer chez vous pour ne
revenir que lorsque votre travail sera plus avancé. Si votre travail
n’est pas intense et que vous restez à l’hôpital, vous serez tenue par
la contrainte horaire, souvent de mise dans les hôpitaux, qui consiste
à ne pas laisser un travail durer plus de douze à vingt-quatre heures.
Il arrive que la durée devienne une contrainte même dans le cas
d’un accouchement à domicile. Il y a des années de cela, j’étais en
déplacement en Californie du Sud et alors que j’avais un emploi du
temps chargé, je me suis retrouvée chez ma belle-sœur Sherry au
moment où son travail commençait.

Le bras de fer : un moyen peu ordinaire,


mais efficace d'accélérer le travail.

Comme elle avait déjà accouché à l’hôpital, elle eut envie que
j’accompagne cet accouchement à la maison et décida rapidement
de changer de plan. Le seul problème était que mon emploi du
temps ne me permettait pas de rester plus de vingt-quatre heures ;
après, j’avais un impératif. Son travail semblait prendre de l’intensité
en proportion directe avec l’attention qu’elle y accordait. Elle annula
une partie de cartes prévue avec les voisins, ce qui contribua à une
meilleure concentration sur son travail. Une heure et quelque plus
tard, il me vint à l’esprit une idée susceptible de nous aider : j’ai
demandé à Sherry si elle était d’accord pour faire, entre les
contractions, un bras de fer avec notre amie Margaret. Je savais
qu’elle allait la battre assez facilement et je me doutais que la
stimulation apportée par la victoire allait aider son travail à gagner
en intensité. C’est exactement ce qui s’est passé. Ma belle nièce
Christina est née au petit matin, plusieurs heures avant mon départ.
Nous avons célébré sa naissance avec mon mari, lui aussi présent.
Avoir à contracter les muscles du bras pendant le travail offre une
distraction à la femme et contrarie sa tendance à contracter le
plancher pelvien et les cuisses pour se « protéger » de la douleur du
travail.

Déclenchement du travail

Un des choix auxquels est confrontée une Américaine sur trois [et
une Française sur cinq68] en fin de grossesse concerne le
déclenchement artificiel du travail. Il existe des raisons médicales
légitimes de le déclencher. Parmi ces pathologies d’appel, on compte
le cancer, l’hypertension, le diabète, l’insuffisance rénale, le retard de
croissance intra-utérin, le manque de liquide amniotique ou le décès
intra-utérin du fœtus sans déclenchement naturel de l’avortement
(au bout de plusieurs semaines, pas seulement quelques jours).
Dans ces cas, les risques qui accompagnent le déclenchement sont
susceptibles d’être inférieurs à ceux associés à l’attente d’un
déclenchement naturel du travail. Nombreuses sont les études qui
s’accordent pour conclure que moins de 10 % des femmes
nécessitent un déclenchement artificiel pour raison médicale. Une
conférence interrégionale organisée par l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) sur le thème de la « Technologie appropriée à
l’accouchement » qui s’est tenue à Fortaleza, au Brésil, en 1985,
concluait qu’« aucune région du monde ne devrait afficher un taux
de déclenchements supérieur à 10 % ».38 De toute évidence, les
raisons non médicales de déclencher le travail (déclenchement de
« convenance » ou de « principe ») se sont multipliées au cours des
dix dernières années pour la simple et bonne raison que les femmes
actives et les obstétriciens s’évertuent à vouloir en faire toujours plus
avec des emplois du temps déjà surchargés et que, de surcroît, de
nouveaux ocytociques sont sortis sur le marché. Aux États-Unis, le
taux de déclenchements a doublé entre 1989 et 1998 (de 9 % à
19,2 %) [tandis qu’en France, il a doublé entre 1981 et 2003 (de
10,4 à 20 %)], et continue apparemment de croître, bien qu’il n’y ait
aucune justification telle une augmentation du poids moyen chez les
bébés, un allongement de la durée des grossesses ou une plus
grande incidence des pathologies d’appel exigeant un
déclenchement.39, 40, 41 Avec un tel pourcentage de déclenchement
de principe, une conception erronée se répand, laissant croire que
les obstétriciens peuvent déclencher les accouchements à volonté
sans que cette intervention ait d’effet délétère sur leur déroulement.
La plupart des femmes actives ne disposent que de six semaines de
congé de maternité aux États-Unis [et dix semaines, ou dix-huit
semaines à partir du troisième enfant, en France]. On comprend
pourquoi les femmes sont prêtes à être déclenchées si la
programmation ne présente pas de risques à leur connaissance. Elles
supposent – souvent à tort – que les professionnels les informeront
des risques qu’un déclenchement de convenance pourrait comporter.

Les risques du déclenchement pour la mère

Le travail (y compris sa mise en route) implique une interaction


extrêmement complexe d’hormones [et de neurotransmetteurs]
qu’on ne peut altérer sans bouleverser le cours physiologique normal
du processus de l’accouchement. Changer le déroulement normal de
ce processus physiologique induit souvent des complications, qui
nécessitent davantage d’interventions obstétricales. Un travail
déclenché est très différent d’un travail spontané. Les femmes ont
tendance à avoir des contractions plus fortes et notablement plus
douloureuses lorsque le travail est déclenché de manière chimique
(perfusion d’ocytociques ou administration intravaginale de
prostaglandines) si bien qu’une femme qui peut supporter la douleur
d’un travail spontané pense généralement qu’elle a besoin d’une
analgésie ou d’une anesthésie pour supporter les contractions plus
violentes d’un travail déclenché. Quand le travail est déclenché par
injection intraveineuse d’ocytociques (voir p. 285), une perfusion doit
être posée. La mobilité de la femme en travail s’en trouve
automatiquement réduite en raison de l’inconfort provoqué par
l’aiguille de la perfusion et de la longueur limitée de la tubulure qui
la rattache aux poches de produits perfusés. Bien que les montants
pour perfusion soient munis de roulettes, ils sont loin d’être faciles à
manœuvrer en plein travail. Rarement, mais beaucoup plus souvent
qu’en cas de travail spontané, il arrive que le déclenchement
provoque une rupture utérine et qu’il faille pratiquer une césarienne
d’urgence et quelquefois une hystérectomie (ablation de l’utérus).
Une augmentation des saignements en post-partum est un autre
inconvénient associé au déclenchement artificiel du travail.

Les risques du déclenchement pour le bébé

La principale raison invoquée pour justifier le déclenchement du


travail est l’abaissement des complications néonatales. Le problème
est que le déclenchement artificiel présente lui-même souvent un
risque pour la santé du bébé. Les déclenchements par ocytociques
(administrés en perfusion intraveineuse) et par prostaglandines (gel
ou tampon intravaginal) sont connus pour provoquer une
modification des contractions en allongeant leur durée et en
amplifiant leur force ; ce qui a pour effet d’interférer avec
l’approvisionnement en oxygène du bébé via la circulation
placentaire. Pour que le monitoring puisse enregistrer le rythme
cardiaque fœtal (ERCF), il faut que la mère soit allongée. Si elle veut
profiter d’une plus grande mobilité, elle peut opter pour un
monitoring interne dont le capteur est directement appliqué sur la
tête du fœtus, mais cela peut être douloureux pour le bébé et
nécessite la rupture de la poche des eaux, ce qui augmente les
risques d’infection pour la mère et l’enfant.
Un autre inconvénient est l’augmentation du risque de souffrance
fœtale par rapport au travail spontané. Les risques qu’une
césarienne soit nécessaire sont aussi plus grandes en cas de
déclenchement artificiel. Une étude a révélé un risque de césarienne
– suite à une anomalie du rythme cardiaque fœtal – multiplié par
deux en cas de déclenchement artificiel.42 Pendant le travail, les
contractions utérines expriment le liquide qui se trouve
naturellement dans les poumons du bébé pendant la grossesse.
Quand le bébé naît par césarienne, ce processus est court-circuité et
les poumons du bébé sont davantage susceptibles de contenir
encore du liquide à la naissance, ce qui entraîne des difficultés
respiratoires.
Les déclenchements par ocytociques ou par prostaglandines sont
connus, dans un cas comme dans l’autre, pour augmenter le
passage de méconium dans le liquide amniotique pendant le travail,
probablement parce que le fœtus est davantage stressé qu’il ne
l’aurait été au cours d’un travail spontané. Plusieurs études ont mis
en évidence une plus grande fréquence de présence de méconium
dans le liquide amniotique dans les accouchements déclenchés avec
du Cytotec®, le dernier cri en matière de prostaglandines.43, 44, 45,
46, 47 En cas de liquide amniotique méconial pendant le travail, il
arrive que le bébé inhale du méconium au cours de sa première
respiration et souffre ensuite de sérieux problèmes respiratoires.
L’ictère (jaunisse) du nouveau-né est une autre complication que l’on
rencontre plus fréquemment chez ceux dont la naissance a été
déclenchée de manière artificielle. Que le nourrisson ait inhalé du
méconium ou qu’il ait déclaré un ictère, il est probable qu’il soit
amené à recevoir des soins néonatals en nurserie au lieu de passer
tranquillement ses premiers jours dans les bras de sa mère.
Peut-être avez-vous déjà entendu parler de prématurité
« iatrogène » ? Ce terme, qui signifie que la prématurité a été
induite par le corps médical, a été créé suite à la naissance
prématurée d’un très grand nombre d’enfants, à cause de
déclenchements artificiels et de césariennes effectués sur la base
d’une estimation erronée du terme de la grossesse. Le problème
vient du mythe selon lequel l’obstétrique serait une science si
avancée qu’il ne serait désormais plus possible de faire erreur sur le
terme de la grossesse. En réalité, la prématurité iatrogène est
beaucoup plus courante que la plupart des médecins veulent bien
l’admettre. Trop souvent, la prématurité survient à cause d’un
déclenchement de convenance, pratiqué pour des raisons non
médicales.
Les techniques de déclenchement artificiel

Les techniques les plus couramment utilisées pour déclencher le


travail sont la rupture artificielle des membranes (amniotonie ou
RAM) et plusieurs méthodes de déclenchement chimique : la
perfusion intraveineuse d’ocytocine synthétique et l’application de
prostaglandines directement sur le col de l’utérus. (Cytotec®,
Cervidil®, Prepidil® [et Propess®]).

La rupture artificielle des membranes (amniotonie)


La rupture artificielle des membranes est un moyen peu délicat,
mais quelquefois efficace, pour déclencher l’accouchement quand le
travail d’une femme est sur le point de se mettre en route
spontanément. Cette méthode suffirait à elle seule à déclencher le
travail dans les vingt-quatre heures chez 70 à 80 % des femmes. Le
problème est que les 20 à 30 % restantes seraient, de fait, exposées
à un risque accru d’infection intra-utérine.48 La rupture artificielle
des membranes ne présente pas, en soi, un risque accru de rupture
utérine. Cependant, cette méthode impose une limite temporelle
entre le début et la fin du travail dans la plupart des hôpitaux en
raison du risque accru d’infection pour l’enfant à naître. Il arrive que
l’amniotonie se solde par une procidence du cordon qui risque alors
de se faire pincer entre le col de l’utérus et la tête du bébé ou bien
de s’enrouler autour du cou, ce qui cause une situation d’urgence où
la vie du bébé est en danger.
La perfusion d’ocytocine synthétique (ocytociques)
Le Pitocin® [ou le Syntocinon®] est une version synthétique de
l’ocytocine, hormone naturelle secrétée par l’hypophyse en quantité
infime pendant (et pas avant) le travail. Administrée en intraveineuse
pour le déclencher, la perfusion d’ocytocine de synthèse
(ocytociques) représente une quantité d’ocytocine beaucoup plus
grande que celle naturellement secrétée par le corps en début de
travail et elle va être encore augmentée régulièrement jusqu’à ce
que le rythme des contractions corresponde à celui recherché. Un
déclenchement artificiel par perfusion d’ocytociques est beaucoup
plus susceptible de se conclure par une délivrance instrumentale
(assortie d’une épisiotomie) ou par une césarienne en raison du
risque de souffrance fœtale induit par la trop grande intensité des
contractions utérines. L’administration d’ocytociques multiplie par
deux les risques de souffrance fœtale, car les contractions utérines
induites par l’ocytocine de synthèse sont d’une intensité telle qu’elles
ont tendance à entraver l’afflux de sang oxygéné de la mère à
l’enfant. Un autre risque lié au déclenchement artificiel par
ocytociques est l’augmentation de la fréquence des hémorragies du
post-partum (hémorragies de la délivrance). Les ocytociques sont
d’ailleurs aussi utilisés pour renforcer les contractions quand le
travail stagne.
Il arrive que le travail ne démarre pas après un déclenchement par
ocytociques, même combiné à une rupture artificielle des
membranes. C’est particulièrement vrai quand le col de l’utérus n’est
pas favorable (pas assez « mûr » ou mature, c’est-à-dire court, mou
et effacé). On peut essayer de déclencher le travail chez certaines
femmes pendant trois ou quatre jours sans jamais arriver à mettre
en route les contractions.
Il n’y a pas si longtemps, on enseignait aux obstétriciens de ne
jamais laisser seule une femme dont le travail avait été déclenché
par ocytociques.49 En cas d’overdose (certaines femmes sont plus
sensibles aux produits que d’autres) – qui se traduit par des
contractions anormalement fortes et longues – la perfusion
intraveineuse peut être interrompue. Le Pitocin® a une demi-vie de
dix à quinze minutes.
Le risque de rupture utérine est beaucoup plus grand quand le
travail est déclenché « chimiquement » que quand il est spontané.
Généralement, un utérus non cicatriciel69 ne se contracte pas au
point de se rompre quand le travail est spontané. Quand le travail
est déclenché, le risque de rupture utérine se situe entre 1 et 3 %.
En cas d’utérus cicatriciel combiné à un déclenchement artificiel, le
risque est encore majoré. Dans une étude, près de 6 % des femmes
avaient été victimes de rupture utérine après un déclenchement
artificiel.50
Les prostaglandines
Les prostaglandines sont des substances naturellement
synthétisées par le corps afin de ramollir le col et le segment
inférieur de l’utérus. Au cours des dernières décennies, les chimistes
en ont élaboré plusieurs versions synthétiques. Vers le milieu des
années 1990, deux de ces produits, le Prepidil® et le Cervidil® ont
reçu une autorisation de mise sur le marché. Le Prepidil® est un gel
de prostaglandines que l’on applique directement sur le col de
l’utérus et le Cervidil®, un petit tampon qui libère des
prostaglandines de synthèse.70 Leur administration est souvent suivie
d’une perfusion d’ocytociques. Certaines femmes souffrent de
nausées, de vomissements et de diarrhées quand on les leur
administre. En cas d’hyperstimulation utérine, le gel de Prepidil®
peut être essuyé et le tampon de Cervidil® retiré. Il arrive
néanmoins qu’en dépit de ces précautions et de l’administration de
terbutaline pour relâcher les fibres musculaires de l’utérus, une
rupture utérine se produise.
Le dernier produit mis sur le marché pour compléter la panoplie du
déclenchement artificiel s’appelle le Cytotec® (dont le nom
générique est misoprostol). Cette minuscule pilule blanche n’a pas
tardé à devenir le produit préféré des obstétriciens pour déclencher
le travail dans les hôpitaux américains vers la fin des années 1990
bien qu’il n’ait pas reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM)
pour un usage chez la femme enceinte. L’autorisation de mise sur le
marché a été accordée pour prévenir les ulcères. Son usage chez les
femmes enceintes, bien que hors AMM, est légal mais douteux au
niveau de l’éthique médicale, car aucune recherche formelle n’a été
menée avant que son utilisation ne se généralise dans la
pharmacopée obstétricale.71 G. D. Searle, la compagnie qui
commercialise le Cytotec®, a déclaré qu’elle ne prévoit pas de
demander d’autorisation de mise sur le marché auprès de la FDA
pour l’utilisation du Cytotec® pour déclencher l’accouchement.51 Ce
qui signifie qu’il n’existe aucune garantie contre des effets
secondaires désastreux ou des résultats imprévisibles.
Quand une compagnie pharmaceutique fait une demande
d’autorisation de mise sur le marché pour un médicament
concernant une indication thérapeutique particulière, il est soumis à
une batterie de tests sur un grand nombre de cobayes humains. Ces
essais sont destinés à découvrir la nocivité potentielle des effets
secondaires, ainsi que la posologie adéquate. Bien que le Cytotec®
n’ait pas été soumis à ces essais dans le cas du déclenchement de
l’accouchement, il est malgré tout utilisé à ces fins de plus en plus
souvent. Bien qu’il y ait eu beaucoup d’études faites sur l’utilisation
du Cytotec® pour déclencher le travail, « les essais n’ont pas été
menés à suffisamment grande échelle pour pouvoir exclure la
possibilité d’effets secondaires indésirables rares », selon un rapport
publié dans une revue médicale anglaise respectable en 1999.52
Il n’existe pas de posologie conseillée par le fabricant du Cytotec®
concernant son utilisation pour déclencher un accouchement, ce qui
veut dire que les obstétriciens l’utilisent selon une posologie qui leur
est propre, souvent en fonction de critères qui n’ont rien à voir avec
la sécurité de la mère ou du bébé. Un groupe de chercheurs
gynécologues obstétriciens a décidé d’introduire un cachet entier de
100 microgrammes dans le vagin des femmes (les effets secondaires
de ce médicament n’ont été testés que pour une prise par voie orale
dans la prévention des ulcères) pour déclencher le travail, en
précisant qu’ils avaient choisi ce dosage « car il est facile à
mesurer. »53 On suppose qu’ils ont finalement cessé d’administrer
cette dose après qu’un consensus de chercheurs a décidé qu’il y
avait une trop grande incidence de ruptures utérines associée à ce
dosage. Même s’il est exact de dire que partager un cachet en deux
ou en quatre est trop approximatif, leur décision de prescrire le
cachet entier de 100 microgrammes semble extrêmement sommaire
– surtout au vu des rapports inquiétants quant aux conséquences
pour la mère ou l’enfant avec l’administration de seulement un demi
ou un quart de cachet de 100 microgrammes, rapports qui avaient
déjà été publiés avant la conduite de cette étude.54 Accessoirement,
G. D. Searle a déclaré qu’ils n’envisageaient pas de commercialiser le
Cytotec® en cachets d’un dosage inférieur à 100 microgrammes.
Comme nous le verrons au chapitre 11, il s’est produit des décès
maternels et d’autres complications majeures même avec
l’administration de la plus petite dose possible de Cytotec®.
Après avoir entendu dire par des infirmières en obstétrique, des
sages-femmes et des médecins que le Cytotec® a parfois des effets
secondaires redoutables (décès ou lésions cérébrales infantiles,
hémorragies massives, hystérectomies et ruptures utérines), j’ai
décidé de recenser tous les effets secondaires délétères que je
pouvais trouver dans la littérature médicale. Quarante-neuf études
couvraient au total une population de 5 439 femmes à qui on avait
administré du Cytotec® pour déclencher le travail. Elles
recensaient :
25 ruptures utérines.
16 décès infantiles.
2 hémorragies massives avec hystérectomie d’urgence.
2 décès maternels.

Dans plusieurs études, un quart des bébés furent admis en unité


de soins intensifs néonatals. Les femmes ayant un utérus cicatriciel
(suite à un antécédent chirurgical comme la césarienne) étaient
particulièrement exposées aux risques de ruptures utérines.
Après les révélations publiées dans certains magazines sur les
effets secondaires du Cytotec®, Searle a adressé un courrier à deux
cent mille professionnels de santé pour les avertir que
« l’administration de Cytotec® sous quelque forme que ce soit est
contre-indiquée chez la femme enceinte en raison des risques
d’avortement. » La compagnie pharmaceutique signalait que toute
utilisation, hors prescription d’usage, comportait des risques de
rupture utérine, d’hystérectomie et de décès maternel et infantile.
L’auteur des révélations parues dans le magazine Mother Jones72 a
découvert par l’intermédiaire du Freedom of Information Act
(FOIA)73 qu’entre 1998 et 2001, la FDA avait reçu le rapport d’une
trentaine de cas de rupture utérine suite à l’administration de
Cytotec®, dont huit cas de décès intra-utérins fœtaux et deux
autres de décès maternels.54 Un journal hebdomadaire de la Silicon
Valley fait état du décès de quatre femmes, de deux autres qui ont
frôlé la mort et d’un cas de paralysie motrice infantile, tous associés
à l’administration de Cytotec® et dont la FDA a été informée.55
J’ai déjà fait référence aux statistiques du CDC qui montrent que le
taux de déclenchements a doublé au cours des années 1990,
passant d’environ 10 % à près de 20 %. Pendant la même décennie,
le CDC fait état d’une hausse significative de la fréquence des
naissances pendant les jours de semaine (du lundi au vendredi).
L’une des raisons de la popularité du Cytotec® est visiblement sa
capacité à aider les obstétriciens à programmer les accouchements
de leurs patientes pour qu’ils se déroulent en journée et en
semaine.56 Il arrive que ce soit la femme qui réclame un
déclenchement au Cytotec® parce que l’obstétricien ou la sage-
femme de son choix a prévu de prendre quelques jours de congé au
moment où elle arrive à terme. Ignorant le plus souvent les risques
associés, ces femmes choisissent d’être déclenchées pour éviter
d’être prise en charge par un ou une collègue de leur sage-femme
ou de leur obstétricien. (J’en connais beaucoup qui auraient
finalement préféré tenter leur chance avec le ou la collègue en
question et regrettent d’avoir demandé un déclenchement.)
Certains praticiens ont recours au Cytotec® pour déclencher le
travail chez des femmes dont ils craignent que le travail ne se
déclenche pas spontanément avant la 42e semaine de grossesse
(date à laquelle la réglementation en vigueur dans beaucoup d’États
impose que l’accouchement ait lieu en milieu hospitalier si la sage-
femme souhaite garder sa licence). Il y a de bonnes raisons de
croire que les réglementations de ce genre sont contre-productives,
car elles risquent de provoquer davantage de complications qu’elles
n’en évitent. Laissez-moi m’expliquer. Les recherches sur les risques
d’une « grossesse prolongée », ou dépassement de terme (toutes
publiées avant les études sur le Cytotec® de la fin des années
1990), montrent qu’il n’y a rien à gagner avec un déclenchement
avant 41,5 semaines de grossesse. Même au-delà de 41 semaines et
demie, les quelques études dont on dispose montrent qu’environ 500
femmes doivent être déclenchées pour prévenir 1 décès périnatal.
Parmi 500 déclenchements au Cytotec®, il est assez probable que le
taux de décès périnatal excéderait ce qu’il aurait été sans
déclenchement.
Il n’y a pas suffisamment de recherches valables pour étayer
l’hypothèse sous-jacente à la réglementation et aux décisions de
justice sur la durée maximum d’une grossesse – à savoir qu’il
existerait une semaine particulièrement indiquée comme étant la
meilleure pour accoucher. Nous, les femmes, ne sommes pas toutes
faites sur le même moule. Parmi les cinquante premières naissances
que j’ai accompagnées, par exemple, six femmes ont accouché après
la 42e semaine de grossesse – sans aucun préjudice. À l’époque où
les médecins n’étaient pas si aptes à déclencher le travail à volonté,
42 semaines étaient considérées comme une durée normale – voire
optimale – avant que le travail ne commence. Quelques jours avant
ou après 42 semaines était tout aussi bien. Le déclenchement était
considéré comme un acte risqué, il fallait donc qu’il soit largement
justifié. Une des indications incontestables était une grossesse à
terme avec une diminution de la quantité de liquide amniotique ou
un changement dans le tracé du rythme cardiaque fœtal (signes qui
indiquent une détérioration du placenta).
Au cours des années 1980, la tendance a basculé et les soignants
ont pris une part plus active à l’approche du terme, en grande partie
pour se prémunir contre les risques de poursuites pour erreur
médicale. La majorité des médecins ont conscience du fait que leurs
collègues sont plus souvent attaqués en justice pour avoir perdu un
bébé, ou pour ne pas avoir pratiqué une césarienne à temps, plutôt
que pour en avoir pratiqué une trop tôt, induisant une prématurité
iatrogène ou causant un dommage corporel à la mère. Dans les
années 1990, il n’était pas rare d’apprendre qu’une femme avait été
déclenchée à 39 ou 40 semaines de grossesse – au cas où la
première tentative (et même les suivantes) serait infructueuse.
Je crois que les femmes et leurs enfants seraient mieux servis par
une réglementation qui poserait une limite à la 43e semaine de
grossesse plutôt qu’à la 42e – et ce serait mieux encore si ce type de
réglementation était abandonné. Il existe presque toujours des
signes clairs indiquant qu’un enfant est mis en danger par un séjour
prolongé dans le ventre de sa mère.
L’accompagnement périnatal physiologique

Dans l’accompagnement périnatal physiologique, on fait


généralement confiance au corps de la femme pour déclencher
spontanément le travail. On a conscience du fait que les données
probantes montrent qu’en l’absence de signes spécifiques de danger
(diminution de la quantité de liquide amniotique ou altération du
rythme cardiaque fœtal, par exemple), il n’existe qu’une légère
augmentation du risque quand une femme dépasse son terme de
deux semaines. Environ 2,5 ‰ des bébés qui naissent à 40
semaines de grossesse meurent pendant le travail ou peu après. À
42 semaines, environ 4,5 ‰ meurent. Un quart de ces bébés sont
anormaux et seraient morts de toute façon à la naissance.57
Les sages-femmes proposent parfois des méthodes non
pharmacologiques pour déclencher le travail, méthodes qui sont
efficaces sans être invasives ou dangereuses.

Les rapports sexuels


Malheureusement, certains livres de préparation à la naissance
continuent à entretenir le mythe selon lequel les rapports sexuels
pendant la grossesse seraient nocifs. Une vaste étude portant sur
quatre milles femmes n’a trouvé aucune corrélation entre l’acte
sexuel pendant la grossesse et un mauvais pronostic pour la mère
ou l’enfant.58 En réalité, le sperme est la source la plus concentrée
de prostaglandines, la substance même que le Cervidil®, le
Prepidil® et le Cytotec® tentent d’imiter, ce qui signifie qu’au cours
des dernières semaines de grossesse, l’acte sexuel aide le corps de
la femme à entrer en travail. Un chercheur a découvert que deux à
quatre heures après un rapport sexuel, la concentration de
prostaglandines dans le mucus cervical était dix à quinze fois
supérieure à la normale.59 Mes consœurs et moi avons remarqué tôt
dans notre carrière de sage-femme que les femmes qui sont
sexuellement actives pendant leur grossesse sont davantage
susceptibles que les autres d’entrer en travail autour de la 40e
semaine de grossesse. Incidemment, les prostaglandines présentes
dans le sperme n’ont jamais été associées à une hyperstimulation de
l’utérus, des contractions utérines plus douloureuses, une souffrance
fœtale ou une rupture utérine. Néanmoins, les femmes qui ont un
antécédent de fausse couche, d’accouchement prématuré ou qui
présentent un risque accru de fausse couche devraient éviter la
stimulation et l’excitation sexuelles jusqu’à ce que leur bébé arrive à
terme.

La stimulation des seins


Toutes celles qui ont déjà allaité un bébé auront probablement
remarqué que leur utérus se contractait pendant la tétée. La
stimulation des mamelons déclenche une libération d’ocytocine dans
la circulation sanguine maternelle, et cette ocytocine stimule les
contractions du muscle utérin. Qu’elle soit manuelle ou orale, la
stimulation des mamelons a le même effet sur la libération
d’ocytocine. Si la stimulation d’un mamelon n’amène pas l’effet
escompté, on peut stimuler les deux simultanément. Au regard de la
bienséance, certains hôpitaux préfèrent stimuler les mamelons à
l’aide d’un tire-lait ou d’un électrostimulateur, appareil qui stimule la
contraction des tissus par l’intermédiaire d’un faible courant
électrique véhiculé par des pastilles appliquées sur la peau. La
stimulation manuelle ou orale des mamelons ne provoque pas de
rupture utérine. Si une telle stimulation provoquait effectivement des
contractions utérines excessivement longues (ce que je n’ai jamais
constaté), il suffirait de l’interrompre pour qu’elles diminuent. La
stimulation des mamelons est particulièrement efficace pour
déclencher le travail à terme quand elle est associée au rapport
sexuel. À moins que votre compagnon ne soit un piètre partenaire
sexuel, ce cocktail est de loin la méthode de déclenchement la plus
plaisante qui soit. (Voir la section « Souvenez-vous : accoucher est
sexuel » au chapitre 7.)
L’huile de ricin
De par le monde entier et depuis des siècles, les peuples indigènes
utilisent l’huile de ricin pour déclencher le travail. Par voie orale,
l’huile de ricin est laxative, or, quand la grossesse est à terme, la
stimulation des intestins déclenche souvent le travail. Personne ne
sait exactement pourquoi l’huile de ricin est efficace pour déclencher
le travail. Quand il n’y a pas de profit financier à en tirer, la
recherche scientifique est généralement succincte, voire nulle.
Comme personne n’a trouvé le moyen de faire fortune avec le
commerce de l’huile de ricin, par manque de financement, ce
phénomène n’a reçu que peu d’attention. Au demeurant, l’huile de
ricin semble relativement sans danger. Lors d’une étude réalisée
dans une grande maternité, sur près de 11 000 femmes enceintes,
11 % l’ont utilisée pour déclencher le travail, sans effets secondaires
délétères.60 À The Farm, on recommande de démarrer un
déclenchement à l’huile de ricin au petit-déjeuner, après une bonne
nuit de sommeil. Une cuillère à soupe d’huile de ricin est incorporée
à des œufs brouillés ou mélangée à un jus de fruits pour une
ingestion plus agréable. Si nécessaire, la femme en reprend une
deuxième cuillère à soupe une heure après la première.
Le décollement des membranes
Le praticien insert deux doigts juste à l’intérieur du col de l’utérus
et sépare doucement la poche des eaux de l’intérieur de l’utérus.
Cela a pour effet de stimuler la production de prostaglandines au
niveau du col de l’utérus. Deux études indiquent que le décollement
des membranes a effectivement induit le travail dans la moitié des
cas.61, 62 Cette méthode ne présente pas l’inconvénient de
surstimuler l’utérus ni de causer de souffrance fœtale. En revanche,
si le praticien ne fait pas attention, il est possible de rompre
accidentellement la poche des eaux.

Le monitoring fœtal électronique

Le monitoring fœtal électronique (MFE) a été introduit à grande


échelle au cours des années 1970 en partant du principe que cela
allait apporter plus de sécurité au bébé. Les hôpitaux ont commencé
à recourir au monitoring électronique avant que des preuves
scientifiques viennent étayer cette hypothèse, et beaucoup l’ont
intégré à leur protocole de routine. En dépit de sa grande popularité
dans les hôpitaux (aux États-Unis, plus de 80 % des femmes
accouchent sous monitoring), cette machine omniprésente n’est pas
associée à une baisse notable de la mortalité infantile. Les
recherches montrent que l’auscultation intermittente du rythme
cardiaque fœtal à l’aide d’un stéthoscope obstétrical74 est tout aussi
capable de détecter une souffrance fœtale. Du point de vue de la
mère, l’auscultation intermittente est bien meilleure – moins
douloureuse et moins susceptible d’induire un travail inefficace et
une césarienne.
Lorsque l’utérus se contracte, le sang ne peut plus affluer vers le
placenta aussi facilement, ce qui signifie que le fœtus reçoit moins
d’oxygène. Les bébés tolèrent généralement assez bien ces
fluctuations de l’approvisionnement en oxygène. En général, les
contractions utérines ne durent pas assez longtemps pour entraîner
des dommages par manque d’oxygène. Si un bébé en est privé, le
tracé de son rythme cardiaque en est généralement altéré. Dans ce
cas-là, il est nécessaire de le faire naître rapidement.
Le monitoring fœtal électronique (MFE) se pratique de deux
manières. La méthode la plus courante consiste à poser sur le ventre
maternel deux électrodes maintenues en place par une ceinture.
Dans la deuxième, on pose une petite électrode directement sur le
crâne du bébé jusqu’à sa naissance (monitoring interne). L’électrode
est reliée à un fil qui est introduit dans le vagin. Dans les deux cas,
le tracé de l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal (ERCF) est
imprimé sur papier.
De nombreuses recherches montrent que l’ERCF induit parfois les
obstétriciens et les sages-femmes en erreur, les portant à croire qu’il
y a un problème alors qu’en réalité tout va bien. Quelqu’un
interprète mal le tracé enregistré, donne l’instruction de faire une
césarienne d’urgence et un bébé en parfaite santé voit le jour, sans
aucun signe de détresse fœtal. La mère, elle, en revanche, doit se
remettre d’un acte chirurgical majeur, pratiqué par erreur. Une
césarienne ou une extraction instrumentale sont moins susceptibles
d’être pratiquées quand le rythme cardiaque fœtal (RCF) est écouté
de façon intermittente à l’aide d’un doppler ou d’un stéthoscope
obstétrical (auscultation intermittente).
Malgré cela, dans beaucoup d’hôpitaux, on procède à
l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal en plaçant toutes les
femmes sous monitoring fœtal pendant une vingtaine de minutes
après leur admission (CTG intermittente) et dans beaucoup d’autres,
on les place sous monitoring pendant toute la durée du travail (CTG
en continu). On obtient le tracé du rythme cardiaque de l’enfant
dont on se sert pour évaluer l’état de santé. Se soumettre à l’ERCF
continu simplement parce que le protocole hospitalier l’impose peut
signifier que vous allez commencer votre séjour à l’hôpital dans la
position la plus douloureuse et la moins efficace qui soit, à savoir
allongée sur le dos. Il se peut que l’enregistrement du rythme
cardiaque fœtal relève de la routine dans beaucoup d’hôpitaux, mais
il n’existe aucune preuve tangible qu’il devrait être obligatoire.
L’ERCF (ou CTG en continu) n’a pas :
abaissé le taux de mortalité infantile.
diminué l’incidence de la paralysie motrice centrale. En réalité, les études tendent à
indiquer une légère hausse de la paralysie motrice centrale chez les enfants dont le
RCF a été enregistré en continu.63, 64

Il existe un aspect de l’ERCF dont on parle peu. Les femmes qui


accouchent ont souvent l’impression que l’appareil accapare
l’attention de la sage-femme à leur détriment. En entrant dans la
pièce, la sage-femme ou l’infirmière se dirige tout droit vers le
moniteur et étudie le tracé, parfois sans s’adresser à la femme en
travail. Il arrive même que des membres de la famille se laissent
fasciner par le moniteur et négligent la femme elle-même.
L’alternative à l’ERCF est l’auscultation intermittente tous les quarts
d’heure ou demi-heure (en tout cas, plus fréquemment pendant
l’expulsion) à l’aide d’un stéthoscope obstétrical75, qui se tient à la
main. Ceci explique que l’auscultation intermittente exige davantage
de personnel et d’attention que l’ERCF. Une des raisons pour
lesquelles les hôpitaux apprécient l’ERCF est que cela leur permet de
réduire les coûts. Le tracé donne l’impression que chaque femme
reçoit toute l’attention d’une sage-femme pendant toute la durée du
travail alors qu’en réalité l’ERCF rend possible la surveillance
simultanée de quatre à cinq parturientes par sage-femme. Il est
évident qu’une sage-femme en charge de tant de femmes à la fois
ne peut pas passer beaucoup de temps à les encourager
individuellement pendant le travail.

Quelles routines hospitalières refuser ?

Le rasage du pubis
Dans certains endroits reculés perdurent d’autres routines
hospitalières que vous pouvez, d’après les conclusions d’études
médicales de référence, décliner en toute sécurité. Par exemple, il
n’est pas nécessaire d’avoir le pubis rasé pour accoucher. Cette
pratique fut introduite au début de l’accouchement en milieu
hospitalier en guise de mesure préventive contre les infections. Des
études ont révélé par la suite que le rasage du pubis ne faisait en
réalité que majorer les risques d’infections, raison pour laquelle la
plupart des services ont délaissé cette pratique. Les personnes qui
se sont déjà fait raser les poils du pubis savent combien les coupures
du rasoir peuvent être désagréables et à quel point la repousse des
poils s’accompagne de démangeaisons.
Le lavement
Une autre pratique de routine que vous devez refuser est le
lavement intestinal. À une époque, il était considéré comme
nécessaire dans la plupart des hôpitaux et il se pratiquait peu après
l’admission dans le service. C’est devenu plus rare. Deux études ont
démontré que les lavements ne raccourcissent pas la durée du
travail et ne réduisent pas le taux d’infections. Si on ne vous fait pas
de lavement (et parfois même si on vous en fait un), vous ferez une
petite crotte au moment où la tête du bébé sortira. Il n’y a aucune
raison de s’en inquiéter puisqu’elle sera facilement enlevée. Cela
étant dit, il m’est arrivé d’assister à des naissances où un lavement a
permis de stimuler un travail qui démarrait lentement.
La diète imposée
Vous vous demandez peut-être si vous devriez boire ou manger
pendant le travail. Beaucoup d’hôpitaux limitent la prise de boissons
ou d’aliments dès l’admission dans le service obstétrique. Certains
suivent à la lettre le règlement qui exclut toute absorption par voie
orale. Les raisons de cette restriction sont davantage historiques que
scientifiques. Elle trouve son origine dans la crainte qu’en cas de
césarienne d’urgence, la femme, inconsciente suite à l’anesthésie
générale, se mette à vomir et inhale une partie de ce reflux. En
limitant la prise alimentaire et les boissons, les initiateurs de ce
protocole espéraient pouvoir garantir l’absence de bol alimentaire
dans l’estomac, pour les rares cas où une anesthésie générale serait
pratiquée.
Pourtant, des recherches menées ultérieurement ont démontré
que le fait de proscrire la prise d’aliments et de boissons après
l’admission à l’hôpital ne permettait pas de garantir un estomac vide.
Pendant le travail, la digestion est plus lente qu’à l’accoutumée, il en
résulte que la nourriture consommée plusieurs heures avant
l’admission en maternité se trouve probablement toujours dans
l’estomac. De plus, même « vide » depuis plusieurs heures,
l’estomac sécrète des sucs gastriques qui peuvent être vomis et
inhalés sous anesthésie générale. Ce type d’inhalation peut brûler la
muqueuse des poumons ou causer une pneumonie par aspiration, ce
qui est une maladie grave. Dans certains hôpitaux, avant une
anesthésie générale, les anesthésistes administrent aux femmes des
antiacides pour diminuer l’acidité gastrique ; mesure qui a pour effet
de réduire les risques de pneumonie par aspiration, mais pas de les
éliminer complètement.
Avant que l’usage de la péridurale ne se répande, les césariennes
se pratiquaient forcément sous anesthésie générale. Les femmes
césarisées sous péridurale sont moins sujettes aux nausées et, s’il
leur arrive de vomir, elles ne sont pas inconscientes, ce qui écarte le
risque d’inhaler le reflux gastrique. De toute manière, une bonne
maîtrise de l’anesthésie écarte les risques de pneumonie par
aspiration.
La perfusion intraveineuse de routine
Les hôpitaux qui n’autorisent pas la consommation de boissons et
d’aliments pendant le travail imposent généralement à toutes les
femmes une perfusion intraveineuse de sérum glucosé (de l’eau
sucrée). Les études montrent que les sérums administrés en
perfusion intraveineuse de routine ne sont pas sans danger.65, 66, 67
De grands volumes de solutés de perfusion peuvent induire une
détresse respiratoire et une crise de convulsions chez le nouveau-né
suite à une hypoglycémie et un taux de sodium sanguin trop bas.
Quand ces solutés sont administrés plus vite que la femme ne peut
les éliminer, elle peut souffrir de convulsions ou ses poumons
peuvent se remplir comme dans le cas d’une noyade.
Certains hôpitaux – souvent ceux où les sages-femmes ont su
influencer le règlement en s’appuyant sur des études probantes –
autorisent la consommation de boissons et d’aliments à volonté
pendant le travail. Aucun effet délétère n’a été observé suite à ce
changement de protocole. Lever l’interdit sur la consommation de
boissons, en particulier, évite la déshydratation de la mère, le
manque d’énergie pendant le travail et les complications induites par
les solutés de perfusion.
Dans une vaste étude menée dans un service d’obstétrique, Judith
Rooks et ses collègues ont examiné le dossier de 11 814 femmes qui
avaient mangé et bu à volonté pendant le travail. 22 % des femmes
en question avaient choisi de consommer de la nourriture pendant le
travail.68 Aucun cas de mortalité ou de morbidité suite à une
pneumonie par aspiration n’était signalé bien que certaines d’entre
elles aient subi une césarienne d’urgence. Les données de The Farm
confirment ces conclusions. Aux Pays-Bas, la pratique obstétrique
reflète une compréhension plus fine de la part des sages-femmes
des besoins de la femme en travail. Une étude néerlandaise récente
montrait que 80 à 85 % des sages-femmes et des obstétriciens
néerlandais laissent aux femmes la décision de manger ou boire
pendant le travail et ce, visiblement, sans préjudice pour la santé
des femmes ou des bébés.68 Une autre étude néerlandaise
comparait un groupe de femmes qui avaient mangé pendant le
travail avec un autre groupe qui s’était contenté de boire. Le groupe
qui n’avait pas mangé présentait une plus grande incidence de
femmes dont la phase d’expulsion s’était avérée laborieuse. Comme
il serait merveilleux de voir ce bon sens néerlandais mis en pratique
dans les hôpitaux du monde entier.
L’accouchement est le seul travail de force où les aliments et la
boisson sont frappés de proscription médicale. Je pense que la
« dystocie utérine » observée dans les hôpitaux peut être attribuée à
une hypoglycémie induite par une abstinence alimentaire de
plusieurs heures. Judith Goldsmith, auteure de Childbirth Wisdom
from the World’s Oldest Societies,76 nous raconte que dans la plupart
des cultures dont on garde une trace écrite, si la mère avait un fort
désir de manger ou de boire, on ne l’en empêchait pas. En fonction
de sa culture, la femme se voyait offrir un porridge léger, du poulet,
du chevreau, ou un bol de riz accompagné d’un œuf.69 Parmi les
sages-femmes qui accompagnent les naissances extra-hospitalières,
je n’en connais aucune qui interdise de boire ou de manger pendant
le travail. En fait, je pense que certaines femmes ont besoin de se
sustenter pendant le travail. Je l’ai toujours pensé. Je n’ai jamais
accouché en moins de douze heures, et chaque fois, j’ai ressenti le
besoin de manger un sandwich de salade de tofu à un stade
relativement avancé du travail et de boire quelques gorgées d’eau à
intervalles réguliers pour me sentir en forme et relativement à l’aise.
Je sais que pour certains accouchements auxquels j’ai assisté,
quelques bouchées ont apporté à la mère la force nécessaire pour
pousser son bébé sans forceps ni ventouse. Dans ces cas-là, la
femme bénéficiait immédiatement de s’être un peu restaurée. Ses
contractions retrouvaient presque instantanément la vigueur perdue
et elle retrouvait suffisamment d’énergie pour pousser son bébé
alors que, quelques instants auparavant, cela semblait impossible.
Jamais une femme dont nous avons accompagné l’accouchement n’a
souffert d’avoir mangé ou bu pendant le travail. Il est arrivé qu’elle
vomisse après avoir mangé, mais cela ne cause aucun souci dans la
mesure où la femme n’est pas inconsciente. Vomir facilite
généralement la dilatation, selon la Loi des sphincters.
Beaucoup de femmes ne ressentent jamais le besoin de manger
pendant le travail qui progresse si rapidement que manger serait une
contrainte pour elles. Si le travail progresse bien et que la mère ne
veut pas manger, je trouve préférable d’aller dans son sens. Elle sait
ce qu’il lui faut. D’un autre côté, beaucoup de femmes, surtout celles
qui accouchent pour la première fois, peuvent avoir un travail qui
dure beaucoup plus longtemps que six heures. Mes consœurs et
moi-même offrons toujours à manger aux femmes en travail qui le
désirent. En général, leur préférence va plutôt aux aliments qui ne
nécessitent pas de mastication tout en étant nourrissants – par
exemple, une soupe ou un peu de sherbet (sorte de « crème
glacée » végétale à base de soja). D’autres ont envie d’une part de
pizza ou d’un hamburger. La requête la plus étrange qu’il m’ait été
donné d’entendre est celle d’une jeune maman qui – juste avant de
pousser – a demandé à son mari un pot de beurre de cacahuète et
s’est mise à en avaler deux cuillères à soupe bombées, qu’elle a
ensuite fait descendre avec près d’un litre d’infusion de feuilles de
framboisier avant de se mettre à pousser son bébé. J’étais
impressionnée.
Boire est plus important que manger pour la plupart des femmes.
Nombreuses sont celles qui respirent suffisamment par la bouche
pendant la phase la plus intense du travail pour apprécier le
soulagement qu’offre une gorgée par-ci par-là. Mes consœurs et
moi-même aimons avoir de l’eau et des boissons isotoniques à
disposition pour la femme et la laisser choisir ce qui lui fait le plus
envie. Naturellement, une femme qui se désaltère pendant le travail
a besoin d’uriner. Quand les femmes font régulièrement pipi pendant
le travail, il est rare que leur urètre enfle au point qu’il soit
nécessaire de placer un cathéter pour vider leur vessie – situation
que j’ai vue se produire chez des femmes qui n’avaient pas
suffisamment bu pendant le travail. De plus, sortir du lit pour aller
aux toilettes peut être un bon moyen de faciliter la descente du
bébé.
Il est aussi important de garder à l’esprit que la limite de temps
qu’on impose aux femmes qui accouchent à l’hôpital (souvent douze
heures, parfois moins) est en corrélation immédiate avec l’habitude
d’interdire de boire et de manger pendant le travail. Quand les
femmes se mettent à avoir faim au bout de plusieurs heures de
travail, celui-ci est généralement devenu moins efficace. Les solutés
de perfusion peuvent combler le besoin d’hydratation, mais
n’empêchent pas la faim de sévir et d’affaiblir. Nombre des
naissances que mes consœurs et moi-même avons accompagnées
ont duré plus de vingt-quatre heures. Invariablement, les femmes
ont eu besoin de manger pour alimenter leur endurance. Les
femmes qui mangent et qui boivent pendant le travail peuvent
supporter un travail qui dure plus de vingt-quatre heures sans
préjudice pour elles ni pour leurs enfants.
CHAPITRE 7

Accoucher : permettre à la liberté de mouvement


et à la pesanteur de faciliter le travail

Quel que soit le lieu que vous ayez choisi pour accoucher, il est
utile de savoir que la plupart des femmes en travail ont besoin de
pouvoir changer de position et de se mouvoir à leur guise. En début
de travail, le mouvement facilite grandement la dilatation du col de
l’utérus et aide au positionnement le plus favorable du bébé pour
son passage dans le bassin. Ne soyez pas surprise si vous ne tenez
pas en place en début de travail. Vous aurez peut-être envie de vous
asseoir sur les genoux de votre compagnon, sur un tabouret ou un
ballon de naissance ou sur les toilettes. Si votre liberté de
mouvement n’est pas entravée par une perfusion intraveineuse, un
monitoring fœtal ou une péridurale – à moins qu’elle ne soit de type
ambulatoire – il vous sera généralement plus facile d’adopter les
positions qui facilitent la dilatation cervicale et, dans un deuxième
temps, la descente du bébé. L’ERCF77 n’induit aucune douleur, mais
quand vous vous déplacez alors que vous êtes reliée au monitoring,
il arrive souvent que le capteur ne détecte plus les battements du
cœur du bébé et que, tout alarmée, une sage-femme se précipite
dans la chambre pour voir ce qui se passe. La plupart des
péridurales paralysent temporairement vos membres inférieurs.
Même la péridurale dite « ambulatoire » ne mérite pas forcément
son nom, et les sages-femmes l’appellent quelquefois la péridurale
« traîne-la-patte » étant donné qu’elle limite malgré tout la plupart
des mouvements.

Scène d’accouchement au XIXe siècle en


Californie la pression qu’exercent
les femmes qui tirent de chaque côté
sur le drap enroulé autour du ventre
de la mère est un autre moyen de mettre
en œuvre la pratique de la presse pelvienne.
(Source : Witkowski)

Dans les sociétés traditionnelles, les femmes adoptent presque


toujours une position verticale pendant le travail. Ce consensus
universel semble indiquer que les femmes ne choisissent pas de
s’allonger pendant le travail et l’accouchement à moins que la
pression culturelle ne les y incite. Les femmes des cultures
traditionnelles adoptent pendant le travail la position assise,
agenouillée, debout, accroupie ou à quatre pattes. Quelquefois, ces
positions s’articulent autour d’un support : une suspension en tissu
ou en corde que la mère peut utiliser pour s’étirer, un tabouret de
naissance, une perche plantée dans le sol ou le soutien du mari ou
celui d’une assistante. Les bénéfices des positions verticales sont
notamment :
une utilisation optimale de la pesanteur.
une optimisation des échanges sanguins entre la mère et l’enfant (la tête du bébé
ne comprime pas les vaisseaux sanguins de la mère).
un meilleur alignement du bébé pour franchir la filière pelvienne.
un renforcement de la puissance des contractions.
une augmentation des dimensions pelviennes en position agenouillée ou accroupie.

Scène d’accouchement
au XIXe siècle à San Luis Potosi
au Mexique.
(Source : Engelmann)
Scène d’accouchement
chez les Indiens
de l’Orénoque, au XIXe siècle.
(Source : Witkowski)

Le premier témoignage d’une femme allongée sur le dos pendant


le travail remonte à l’accouchement de Louise de la Vallière, une
maîtresse du roi Louis XIV en 1663.70 Le choix de la position ne fut
probablement pas le sien, mais plutôt celui de son amant. Assis
derrière un rideau, il voulait être témoin de l’émergence du bébé.
Scène d’accouchement
chez les Iroquois, au XIXe siècle
au Mexique.
(Source : Witkowski)

Scène d’accouchement
d’une femme Tonkawa,
au XIXe siècle.
(Source : Engelmann)
En tant que roi, il bénéficiait de privilèges auxquels les autres
hommes ne pouvaient prétendre. À l’époque, la présence d’un
homme – y compris celle du père de l’enfant à naître – dans la
chambre d’accouchement était taboue. Moins de cent cinquante ans
avant l’accouchement de Louise de la Vallière, le Dr Wertt de
Hambourg avait été brûlé sur le bûcher pour avoir osé se travestir
afin d’assister à un accouchement. (Apparemment son déguisement
ne suffit pas à convaincre les femmes présentes.)

Scène d’accouchement
d’une femme Tonkawa, au XIXe siècle.
(Source : Engelmann)

L’interdiction des hommes en salle de naissance commença à


disparaître avec l’apparition des forceps en France et en
Angleterre. Ces instruments renforcèrent la mode grandissante pour
la position allongée sur le dos, car cette position est la meilleure
pour leur utilisation. En 1668, François Mauriceau publia un traité
d’obstétrique qui recommandait que les femmes s’allongent sur le
dos pour accoucher. Cette recommandation était faite pour le
bénéfice du médecin, de l’accoucheur qui pouvait avoir besoin
d’utiliser les forceps, pas pour celui de la femme qui accouchait.
Deux cents ans plus tard, la reine Victoria fut la première femme
d’Angleterre à avoir recours au chloroforme pendant l’accouchement.
Rapidement, l’anesthésie sous diverses formes gagna en popularité,
ce qui conduisit un nombre significatif de femmes influentes à
accoucher en position allongée.
Femme africaine en travail,
au XIXe siècle.
(Source : Witkowski)

Vers la fin du XIXe siècle, les tabourets de naissance étaient tombés


en désuétude. Dans les cercles mondains, les femmes ne se voyaient
pas accoucher autrement qu’allongées. Accoucher en position
accroupie prit une connotation triviale, contraire à la bienséance. Vu
sa genèse, il n’est pas excessif de considérer la position allongée
pendant l’accouchement comme une invention de la révolution
industrielle.
Femme en travail en Géorgie (États-Unis),
au XIXe siècle. (Source : Engelmann)

À l’initiative de la gent masculine, cette position est adoptée pour


le confort de l’accoucheur. Comme le comprennent bien des femmes
une fois qu’elles se retrouvent comme « une tortue sur le dos », il
peut être bien difficile de travailler contre la pesanteur quand on
pousse un bébé pour le mettre au monde.

Scène d’accouchement d’une femme


Kootenay (Ktunaxa), au XIXe siècle.
(Source : Engelmann)

Toutes les femmes n’avaient pas forcément envie de se plier à


cette mode de la position allongée pour accoucher. En 1882, George
Engelmann citait la lettre d’un médecin avec qui il entretenait une
correspondance et qui avait assisté à deux accouchements d’une
femme aisée.
Au cours de son premier accouchement, l’expulsion tardait sans
raison apparente. Il n’y avait aucun signe d’obstruction ni d’inertie ;
cependant la tête ne progressait pas. Elle accompagnait chaque
douleur de violents efforts pendant lesquels elle ramenait son buste
vers l’avant. J’avais décidé de recourir aux forceps, mais c’est alors
qu’avec la venue d’une violente douleur, elle se redressa et
s’accroupit ; l’effet fut miraculeux. Cette position parut assister
l’expulsion de manière tout à fait remarquable, car la tête se mit à
progresser rapidement et la femme ne tarda pas à mettre au monde
son bébé sous le coup d’une puissante douleur qui parut
interminable. Pour l’accouchement suivant, le travail parut
extrêmement douloureux et sa progression lente comme la première
fois ; je l’autorisais à adopter la même position étant donné que je
me souvenais de son accouchement précédent, et elle mit au monde
son bébé immédiatement, en position accroupie.71
Nous autres, sages-femmes et femmes de notre communauté,
nous étions libres d’expérimenter toutes les positions qui nous
venaient à l’esprit. Avant d’établir notre communauté dans la
campagne du Tennessee, mon mari et moi, ainsi que trois cents
autres personnes, avons fait un grand périple pour traverser le pays.
C’est au cours de cette période que j’ai commencé à accompagner
des naissances. Nous avions appelé notre groupe La Caravane. La
plupart des femmes de La Caravane restaient assises, d’une façon ou
d’une autre, pendant leur accouchement en raison du peu de place
disponible dans les camping-cars et les bus dans lesquels nous
vivions. Une fois acquis notre terrain dans le Tennessee, l’étendue de
nos quartiers et de nos choix s’agrandit. Parmi les premières femmes
qui accouchèrent sur place, quelques-unes choisirent d’enlacer un
arbre pendant le travail et trouvèrent que cela les aidait
énormément. Nous avons pu remarquer au cours des cinquante
premières naissances que certaines femmes ont besoin d’être en
position verticale ou à quatre pattes pour mettre un enfant au
monde. Les femmes font souvent ce choix de manière spontanée. Je
me souviens en particulier d’un accouchement auquel j’ai assisté en
1978, des années avant que j’aie eu l’opportunité de voir des
illustrations de femmes de tribus primitives en train d’accoucher.
C’est au cours de cette naissance que j’ai découvert combien il peut
être important de suggérer la position verticale aux femmes qui ne
l’ont pas découverte par elles-mêmes. La mère – appelons-la Kathy –
accouchait de son premier bébé après trois fausses couches. Je fus
appelée pour l’assister alors que son travail avait déjà commencé
depuis deux jours et progressait lentement. Elle était presque à
dilatation complète, mais sa fatigue était grande. Celle de son mari
aussi. Son bébé semblait plutôt gros pour son gabarit. Une fois la
tête clairement engagée, je n’arrêtais pas d’espérer que Kathy se
lève et se laisse pendre à quelque chose. Pousser alors qu’elle était
adossée à quarante-cinq degrés ne semblait pas être d’une grande
efficacité, et la fatiguait. J’avais le pressentiment que l’effet de la
pesanteur combiné au fait de s’étirer grâce à une corde suspendue
au plafond pourrait l’aider à faire descendre ce bébé. J’ai fini par le
lui suggérer. Son mari s’empressa de suspendre au plafond au-
dessus du lit une corde à laquelle elle pouvait s’agripper et se laisser
pendre. Il se tenait derrière elle pour la soutenir pendant qu’elle
poussait. La différence fut pour le moins remarquable. La tête du
bébé glissa au point d’être visible et Kathy ne tarda pas à mettre au
monde un fils de 3,5 kg en pleine forme.
Quand j’ai découvert le livre de George Englemann Labor among
Primitive Peoples,78 j’ai été enchantée, mais absolument pas
surprise, de découvrir que les femmes des quatre coins du monde
adoptaient la même position que celle que nous avions découverte
pendant l’accouchement de Kathy. Après cette découverte, mes
consœurs et moi-même avons souvent proposé aux mères d’adopter
une position verticale quand leur bébé tardait à descendre.
Engelmann écrit :
Si nous voulons nous faire une idée de la position naturelle, il est
utile d’observer celle adoptée par la femme gouvernée par l’instinct
et non par la pudeur ; et, de nos jours, ce n’est que parmi les
peuplades sauvages que nous la trouverons. Pour accomplir cette
fonction purement animale, l’instinct sera un meilleur guide pour la
femme que les diverses coutumes au fil des époques.
Il ajoute :
…ce n’est que lorsque j’ai entrepris cette étude et que j’ai
commencé à considérer les positions adoptées pour l’accouchement
par les peuplades primitives et les peuples civilisés que j’ai
commencé à comprendre qu’il y avait une logique dans les
mouvements instinctifs de la femme en fin de travail. Je les avais
vues s’agiter et j’avais cherché à faire en sorte qu’elles se calment ;
je les avais priées d’être patientes et de rester tranquillement
allongées sur le dos ; mais depuis que je mène cette étude, j’ai
appris à considérer leurs mouvements sous un éclairage très
différent. Je les ai observées avec intérêt et profit, et je pense avoir
appris à les comprendre.72
Malheureusement, la plupart des médecins n’ont pas lu l’ouvrage
du Dr Engelmann, qu’on ne trouve plus que dans les collections de
livres rares de certaines bibliothèques médicales.79

Médication contre la douleur

Si vous vous préparez à accoucher pour la première fois et que


vous prévoyez de le faire à l’hôpital, vous envisagez peut-être déjà
de prendre une médication contre la douleur pendant
l’accouchement. Avant de vous arrêter sur une décision, il est
important de connaître les avantages et les inconvénients de celles
qu’on peut vous proposer (ou vivement vous inciter à prendre). Bien
sûr, mes propos ne concernent pas l’anesthésie nécessaire en cas de
césarienne ou toute autre opération chirurgicale. Mon attention se
porte ici sur l’analgésie – les médicaments que l’on utilise pour
diminuer ou éliminer la douleur pendant l’accouchement. Je suis
heureuse de savoir que l’on dispose d’analgésiques dont l’usage est
relativement sûr en obstétrique. En même temps, je crois que les
femmes doivent être tenues au courant des risques qui
accompagnent la prise d’un analgésique pendant l’accouchement, et
savoir qu’il est préférable de s’en abstenir, dans la mesure du
possible.

Les tranquillisants
Il n’y a pas d’avantage à prendre des tranquillisants pendant
l’accouchement. Les tranquillisants (le Valium® étant le plus
répandu) sont censés diminuer l’anxiété et la nervosité, mais ils
traversent la barrière placentaire et interfèrent avec la capacité du
bébé à respirer, à téter et à maintenir un bon tonus musculaire (les
nouveau-nés sous tranquillisants ont tendance à être moins
toniques). Les tranquillisants, les sédatifs et les somnifères ont tous
des effets délétères sur le bébé et n’apaisent pas la douleur.
Les morphiniques (analgésie opiacée)80
Pris en quantité suffisante, les morphiniques seraient efficaces
pour apaiser la douleur de l’accouchement de manière significative.
Le problème est que les doses nécessaires pour lutter contre la
douleur ne sont pas sans danger pour la mère et l’enfant, ce qui
oblige à administrer des doses moins fortes. Aux États-Unis, le
Demerol® est le morphinique le plus souvent utilisé dans les
services obstétriques. Administrée en intraveineuse ou en injection,
une dose relativement sans danger peut induire une certaine
somnolence et souvent des nausées, des vomissements et une chute
de tension. Cependant, ne vous attendez pas à ce que la douleur
soit apaisée de manière significative.
Diverses études ont révélé les effets secondaires à long terme sur
les bébés exposés au Demerol®. Ils peuvent être irritables, manquer
d’appétit et être atteints de somnolence.73 [Le Dolosal®, équivalent
français du Demerol®, est de moins en moins utilisé en France, car
il provoque un rythme cardiaque fœtal (rcf) aplati et des difficultés
respiratoires chez le nouveau-né. On lui préfère souvent le protocole
Nubain®.]
On utilise aussi couramment d’autres morphiniques comme le
Nubain®, le fentanyl et le butorphanol.81 Leur effet n’est pas aussi
prolongé que celui du Demerol® – seulement une heure ou deux –
mais c’est préférable, car les risques de souffrance fœtale sont
également moindres.

Les médicaments antinauséeux


Quand le travail en lui-même ou les médicaments comme le
Demerol®, le butorphanol, le fentanyl ou le Nubain® donnent la
nausée, du Trilifan® (Trilafon) (perphénazine) et du Phenergan®82
(prométhazine) sont souvent prescrits. Néanmoins, les médicaments
antinauséeux peuvent provoquer des vertiges et une certaine
torpeur.74 Une étude a montré que la prométhazine interfère avec la
capacité de coagulation sanguine du nouveau-né.75

L’analgésie par inhalation de gaz volatils (protoxyde d’azote)


Les mélanges à base de protoxyde d’azote sont utilisés en
Angleterre [et en France] depuis un siècle et demi pour soulager la
douleur de l’accouchement, à la maison ou à l’hôpital. Les femmes
inhalent le mélange de gaz à travers un masque qu’elles tiennent
appliqué sur la bouche et le nez pendant le pic de la contraction.
L’effet est immédiat et de courte durée. Aucun effet secondaire chez
l’enfant n’a été mis en évidence. Parmi les inconvénients de cette
méthode, notons la difficulté d’expliquer aux femmes comment se
servir convenablement du masque et le fait qu’un grand nombre
d’entre elles n’aiment pas l’utiliser.
L’anesthésie péridurale (APD)
L’anesthésie péridurale est la méthode la plus utilisée à l’hôpital
pour soulager la douleur des contractions. Le cocktail anesthésiant
est injecté dans le bas du dos, sur la colonne vertébrale – dans
l’espace qui entoure la membrane protectrice (dure-mère) de la
moelle épinière – à l’aide d’un petit cathéter en plastique qu’on laisse
en place pour pouvoir réinjecter du produit si nécessaire. Pour que le
produit soit injecté, la femme doit se pencher en avant pour
augmenter l’espace entre deux vertèbres. La péridurale insensibilise
et, de fait, paralyse le bas du corps. Pour la plupart des femmes,
c’est l’analgésie la plus efficace. Dans certains hôpitaux américains,
plus de 85 % des femmes accouchent sous péridurale. [En France,
selon une enquête de la Drees de 2006, 80 % des femmes
interrogées déclarent avoir bénéficié d’une péridurale, dont 5 % sans
l’avoir demandée. D’après l’enquête périnatale de 2003, 63 % des
femmes avaient accouché sous péridurale.]
Cette anesthésie ne se pratique pas dans les maisons de naissance
ou dans le cadre d’un accouchement à domicile.
La péridurale présente certains avantages par rapport à d’autres
types d’anesthésie obstétricale :
Elle ne provoque ni nausées ni vomissements, contrairement à une anesthésie
générale, et la mère reste consciente.
Administrée convenablement, elle ne provoque pas de céphalées posturales
contrairement à la rachianesthésie.
D’un point de vue institutionnel, les péridurales ont l’avantage de rendre les
femmes plus calmes et statiques pendant le travail.

Pour ces raisons, la péridurale est l’anesthésie de prédilection en


cas de césarienne, si l’on dispose de suffisamment de temps pour la
poser (ce qui prend entre dix et vingt minutes).
La péridurale présente toutefois un certain nombre
d’inconvénients :
Elle provoque parfois une forte chute de tension qui peut mettre en danger à la fois
la mère et son enfant (par effondrement du rythme cardiaque). Pour cette raison, les
femmes à qui on pose une péridurale sont obligatoirement mises sous perfusion afin
d’écarter le danger en permettant un retour rapide à une tension artérielle normale
par réhydratation.
Chez environ une femme sur cinq, la péridurale provoque une élévation de la
température corporelle qu’on ne peut pas distinguer d’une fièvre résultant d’une
infection intra-utérine. Chaque fois qu’une femme en travail a de la fièvre, son enfant
est soumis à une série d’analyses qui implique généralement plusieurs prélèvements
par piqûre, quelquefois une ponction lombaire et presque systématiquement une
séparation plus ou moins longue de la mère et de l’enfant.
La péridurale n’est pas toujours efficace. Même lorsqu’elle est administrée comme il
faut, elle n’apporte aucun soulagement de la douleur dans environ 3 % des cas.
Environ 12 % des femmes bénéficient d’un certain soulagement sans qu’il soit pour
autant complet. Les 85 % restants ressentent un soulagement complet.
Il arrive que des femmes qui souhaitent une péridurale n’en soient pas satisfaites
et se plaignent de se sentir détachées de ce qui se passe dans leur corps.
Dans environ 2 % des cas, l’anesthésiste perfore la dure-mère, c’est-à-dire que le
cathéter est introduit trop profondément et perfore la membrane qui entoure les
vertèbres. Dans ces cas-là, l’anesthésiant ne peut pas être injecté et la femme souffre
de maux de tête violents qui peuvent durer de quelques jours à plusieurs semaines.
Un certain nombre de femmes souffrent de démangeaisons après la pose d’une
péridurale.
Posée trop tôt pendant le travail, la péridurale a souvent pour effet de ralentir la
dilatation, la descente du fœtus et l’engagement optimal de la partie du bébé qui se
présente en premier.
Un accouchement sous péridurale a plus de chance de se solder par une
césarienne qu’un accouchement naturel.
Un accouchement sous péridurale a plus de chance de se solder par une extraction
instrumentale (à l’aide de forceps ou d’une ventouse obstétricale) qu’un
accouchement naturel.
L’endroit où la péridurale a été posée est susceptible de s’infecter.
Une femme à qui la péridurale procure un grand soulagement de la douleur est
davantage exposée à des blessures causées par un soignant peu attentif, car elle n’en
ressent pas la douleur.
Les enfants dont les mères ont eu une péridurale souffrent parfois de détresse
respiratoire et d’une mise au sein difficile.
Très rarement (environ une fois sur cinq mille), la péridurale peut causer la mort
maternelle ou une paralysie irréversible.

D’un hôpital à l’autre, il existe une grande variation dans le


pourcentage de péridurales pratiquées. Aux États-Unis, les taux sont
souvent plus élevés dans les services d’obstétrique où les
anesthésistes arpentent les couloirs pendant la journée pour
informer les femmes de leurs horaires de travail et de la nécessité de
demander la péridurale avant qu’ils aient terminé leur journée. [En
France, les taux de péridurales varient aussi beaucoup d’un hôpital
et d’une clinique à l’autre. Néanmoins, on remarque que les taux
sont en moyenne plus élevés dans les maternités de niveau 2 et 3,
c’est-à-dire celles qui possèdent un service de néonatalogie ou de
soins intensifs néonatals sur place ou à proximité et d’un service de
réanimation néonatale. Elles sont spécialisées dans le suivi des
grossesses pathologiques (hypertension sévère, diabète).83]
Beaucoup de femmes m’ont confié avoir accepté une péridurale à
un moment où elles n’en ressentaient pas le besoin parce que
l’anesthésiste était venu les y pousser sous prétexte qu’il finissait sa
journée une demi-heure plus tard et que les chances d’être soulagée
de la douleur allaient s’évanouir avec son départ.
L’anesthésie générale
À une époque, l’anesthésie générale a été la forme d’anesthésie
obstétricale de prédilection avant d’être délaissée, pour l’essentiel,
quand la péridurale est arrivée sur la scène. L’anesthésie générale
s’accompagne d’une incidence relativement élevée de difficultés
respiratoires chez les nouveau-nés. Quelquefois, elle provoque des
nausées et des vomissements chez la mère et, exceptionnellement,
conduit à une pneumonie d’aspiration [Syndrome de Mendelson].
Toutefois, elle présente l’avantage de pouvoir être faite plus
rapidement qu’une péridurale et c’est la raison pour laquelle elle est
toujours utilisée quand une césarienne d’urgence est nécessaire.
Contrairement à la péridurale, l’anesthésie générale ne provoque pas
de chute de tension.
La rachianesthésie
La rachianesthésie ressemble à la péridurale : on commence par
poser une perfusion intraveineuse et faire une anesthésie locale dans
la région lombaire. Le soulagement qu’elle procure pour pratiquer
une césarienne est aussi efficace qu’avec une péridurale, parfois
même meilleur. Néanmoins, on ne laisse pas en place le cathéter ce
qui veut dire qu’on ne peut pas réinjecter de dose supplémentaire.
Les éventuelles complications engendrées par la rachianesthésie
sont similaires à celles de la péridurale. Une rachianesthésie peut
provoquer une chute de tension importante et brutale. Environ 1 %
des femmes souffrent de céphalées après l’accouchement.

Quelques suggestions pour mettre de votre côté


toutes les chances d’avoir un travail et un
accouchement non médicalisés à l’hôpital

Peut-être êtes-vous certaine que vous vous sentirez plus en


sécurité en accouchant à l’hôpital, tout en ayant quand même envie
de mettre toutes les chances de votre côté d’avoir un travail et un
accouchement non médicalisés. Dans ce cas, j’ai quelques
suggestions à vous faire.
Prenez une doula
Si vous pouvez en trouver une près de chez vous, une doula est
une compagne de travail précieuse et compatissante qui, en règle
générale, offre une préparation prénatale et reste à vos côtés
pendant toute la durée de l’accouchement. Son travail consiste à
vous rendre ce moment le plus confortable possible, et à rassurer
votre compagnon.
Près d’une douzaine d’études menées avec beaucoup de soin le
démontrent de manière probante : c’est simple, être accompagnée
d’une doula divise par deux le risque d’avoir une césarienne inutile et
de subir une extraction instrumentale (forceps ou ventouse
obstétricale). Et ce n’est pas tout ! Être accompagnée d’une doula
raccourcit le travail en diminuant le stress, la douleur et l’anxiété. Au
sein d’un service obstétrique type aux États-Unis, la doula qui vous
accompagne est sûrement la seule personne dont l’unique
préoccupation est de veiller à votre confort et de vous aider à avoir
un travail aussi efficace que possible. [En France, les doulas ne sont
pas forcément bien acceptées par le corps médical et l’accès en salle
de naissance leur reste difficile, la plupart des maternités n’y
acceptant qu’un seul accompagnant. Néanmoins, n’hésitez pas à
dialoguer avec l’équipe médicale à ce sujet.]
Si le père de votre bébé prévoit de rester à vos côtés pendant tout
le travail, vous vous interrogez peut-être sur l’utilité de prendre une
doula. La réponse est oui, c’est tout à fait utile. Le père a souvent
son lot de peurs et d’angoisses à propos de l’accouchement. L’effet
apaisant qu’une doula peut avoir sur lui est tout aussi notable que
sur la mère en travail. Klaus, Klaus et Kennell, les auteurs de
Mothering the Mother,84 un ouvrage remarquable sur les doulas,
signale avec sagesse que notre société exige davantage d’un homme
qui s’apprête à devenir père pour la première fois qu’elle n’en exige
d’un étudiant en médecine. En mentionnant qu’on s’attend à ce
qu’un étudiant en médecine pâlisse et sue quand, pour la première
fois, il est exposé à une nouvelle situation médicale, ils font
remarquer qu’il n’y a aucune conséquence quand l’étudiant doit
sortir. Or, la tolérance n’est pas aussi grande quand il s’agit d’un
homme sur le point de devenir père. S’il lui faut quitter la salle, la
mère reste seule et éprouve souvent du ressentiment envers son
compagnon pour son absence. Le dilemme qu’un médecin relate
dans Mothering the Mother au sujet de son expérience de jeune
père est particulièrement poignant. Il raconte aux auteurs : « “Pour
la naissance de notre premier enfant, j’étais si bouleversé que j’étais
incapable de faire la moindre observation rationnelle de ce qui se
passait et, à chaque étape de l’accouchement, je croyais réellement
qu’un danger imminent menaçait.” Beaucoup de femmes de
médecins doivent faire face à cette situation à chaque fois qu’elles
accouchent étant donné que les médecins redoutent davantage les
complications de l’accouchement que la personne lambda. Une doula
peut se révéler d’une aide particulièrement précieuse dans ce genre
de situations. »
Quels que soient le dévouement et le soin avec lequel un père
s’est préparé à l’accouchement, il aura besoin de faire une pause
pour grignoter un morceau ou aller aux toilettes si l’accouchement
dure plus de quelques heures – ce qui est probable. Une doula peut
lui apporter ce répit en s’assurant que la parturiente reçoit toute
l’attention dont elle a besoin. De plus, beaucoup d’hommes seront
mieux à même de toucher leur femme de la manière qui lui convient
une fois qu’une doula leur aura montré comment s’y prendre.
En général, une doula passe du temps avec les futurs parents pour
les informer et établir une relation de confiance et de respect
pendant la grossesse. Certaines proposent des cours de préparation
à la naissance, tandis que d’autres préfèrent rencontrer les couples
individuellement pour établir une relation plus intime. Les doulas ne
font pas partie du personnel hospitalier et n’ont de comptes à rendre
qu’à la mère. Contrairement aux sages-femmes de l’hôpital, elles ne
prennent pas congé une fois leur garde terminée. Certaines doulas
demandent une rémunération, d’autres travaillent bénévolement.85

Vos propres vêtements


Emportez votre chemise de nuit préférée avec vous pour ne pas
être obligée d’enfiler la blouse d’hôpital. Cela vous aidera à garder à
l’esprit que vous n’êtes pas malade.

Buvez et faites pipi


Assurez-vous de boire abondamment pendant le travail et d’aller
aux toilettes toutes les heures ou presque. Boire beaucoup vous
prémunira contre la déshydratation pendant l’accouchement. Cela
stimule aussi le besoin d’uriner, ce qui vous fera faire un petit tour
aux toilettes. C’est un bon point, car cela stimule un réflexe de
détente des muscles pelviens au moment où vous vous asseyez sur
les toilettes. Cela augmentera la pression contre le col de l’utérus si
vous êtes encore en phase de dilatation ou facilitera la descente du
bébé si vous êtes en phase d’expulsion.

Essayez l’hydrothérapie
Je viens de mentionner une sorte d’hydrothérapie – boire de l’eau.
Une autre sorte d’hydrothérapie utile pendant l’accouchement est de
prendre une douche ou, mieux, de s’immerger dans un bon bain
chaud (si la poche des eaux est intacte). La plupart des femmes
ressentent un soulagement immédiat grâce à l’hydrothérapie. Être
dans l’eau est apaisant et relaxant. En fait, il est difficile de rester
tendu dans un bain chaud. L’eau aide les femmes à entrer dans l’état
méditatif favorable à un travail efficace.

Souvenez-vous : accoucher est un acte sexuel


On ne prend pas un grand risque en affirmant que la dimension
sexuelle de l’accouchement est presque toujours ignorée dans les
hôpitaux. La raison principale en est que les médecins ont du
minimiser la nature sexuelle de l’accouchement pour se faire
accepter dans la pièce où une femme accouchait aux XVIIIe et XIXe
siècles, époque à laquelle presque toutes le faisaient en la seule
présence d’une sage-femme. Quand, dans la plupart des pays
industrialisés, l’accouchement migra à l’hôpital et sous le contrôle
direct des médecins, ce déni de la dimension sexuelle de
l’accouchement fut institutionnalisé.
En réalité, la sexualité est au cœur du comportement reproducteur,
et cela de la conception jusqu’à la naissance. Si l’aspect sexuel du
travail et de l’accouchement est ignoré, cela ne fait qu’entraver leur
déroulement. Évidemment, l’inverse est tout aussi vrai ; le respect
de cette dimension sexuelle peut rendre le travail plus efficace et
moins douloureux sans recours à l’analgésie pharmacologique. Le
docteur Peter Curtis, né en Angleterre et membre du Department of
Family Medicine de l’Université de Caroline du Nord (UNC), m’a
donné une illustration parfaite des enjeux considérables qui tournent
souvent autour de cette question dans les hôpitaux. J’ai fait la
connaissance de Peter au début des années 1980. Formé en
Angleterre à la fois par des obstétriciens et par des sages-femmes, il
était habitué à un système de soins centré sur la femme, à l’hôpital
comme à domicile et, de fait, il se sentait à l’aise en présence de
femmes qui souhaitaient accoucher naturellement. Il m’a raconté
qu’un jeune couple l’avait familiarisé pour la première fois avec la
technique de la stimulation des mamelons pour renforcer le travail. Il
surveillait la progression du travail de la jeune femme qui accouchait
pour la première fois. L’accouchement se déroulait en pôle
physiologique (aussi appelée salle « nature » ou salle
d’accouchement physiologique). Malheureusement, son travail n’était
pas très efficace et après plusieurs heures de contractions, sa
dilatation n’avait pas progressé. La sage-femme en chef avait
commencé à faire allusion devant le Dr Curtis à la nécessité de la
mettre sous ocytocine par voie intraveineuse pour accélérer le
travail. Mais quand il en informa le couple, ils lui demandèrent de les
laisser d’abord recourir à la stimulation des mamelons dont ils
avaient eu connaissance en lisant Spiritual Midwifery.86 Il n’en avait
jamais entendu parler, mais pouvait y déceler une logique ; il
accepta. Toutefois, il n’eut pas l’occasion d’avertir la sage-femme en
chef de ce changement de stratégie, car elle s’était rendue auprès
d’une autre femme. Curtis raconte ainsi la suite de l’histoire :

À peu près vingt minutes après notre conversation, la sage-femme


et moi-même sommes retournés dans la salle « nature » et avons
découvert le mari pendu au sein de notre patiente, en train de le
sucer avec enthousiasme tandis qu’un ami s’adonnait à la même
occupation avec l’autre sein. À mes côtés, la sage-femme pâlit
visiblement, m’agrippa le bras en quête de soutien, l’air très perturbé
par ce comportement manifestement choquant. Nous sommes
ressortis précipitamment pour débattre de la question et nous
ressaisir avant de rentrer de nouveau pour évaluer la progression du
travail. Étonnamment, le travail progressait maintenant rapidement,
avec des contractions efficaces et une dilatation cervicale qui allait
bon train. Deux heures plus tard, un petit garçon en bonne santé
naissait sans difficulté.76
Un mois plus tard, une situation similaire persuada le Dr Curtis
qu’il devait bel et bien exister une relation de cause à effet entre la
stimulation des mamelons et une efficacité renforcée du travail. Il se
mit à étudier comment on pouvait utiliser la stimulation des
mamelons pour abaisser le recours à la pose d’ocytociques pour
accélérer le travail (de 30 % dans son service). Il découvrit que cette
méthode était utilisée traditionnellement depuis des siècles pour
accélérer le travail chez les peuples de diverses régions du monde et
que les écrits obstétriques du XVIIIe et du XIXe siècles, aussi bien en
France qu’en Allemagne ou en Angleterre, recommandaient la
stimulation des mamelons comme méthode efficace en cas de défaut
de progression du travail.
Ce qu’il n’avait pas anticipé, c’est l’opposition qu’il rencontra de la
part de ses collègues : ils « faisaient preuve d’un certain cynisme
mêlé à de fortes opinions quant à mon côté “excentrique” »,
rapporte-t-il. Plusieurs années s’écoulèrent avant que le Dr Curtis et
ses assistants puissent mener une étude clinique pour tester
scientifiquement l’efficacité de la stimulation des mamelons.
Pourquoi ? Parce que plusieurs services d’obstétrique et de
gynécologie (y compris celui de l’hôpital où travaillait Curtis)
rejetèrent sa demande, prétextant que cette hypothèse n’était pas
suffisamment orthodoxe et qu’une recherche aussi douteuse
« ternirait la réputation du service obstétrique. »77 Étant né et ayant
été élevé dans la patrie d’origine du puritanisme victorien, le Dr
Curtis fut forcé d’admettre, au vu des difficultés auxquelles il se
heurta pour étudier la stimulation des mamelons, que les États-Unis
étaient devenus un pays plus puritain que le Royaume-Uni.
Si vous prévoyez d’accoucher dans un établissement où le modèle
médicalisé est particulièrement prévalent et que votre travail ralentit,
on vous proposera probablement une injection d’ocytocine par voie
intraveineuse plutôt que de vous encourager à la stimulation des
mamelons pour relancer le travail. Dans les établissements qui
s’alignent sur un modèle moins médicalisé, la stimulation des
mamelons sera suggérée avant le recours aux ocytociques, car c’est
une technique moins invasive que l’administration d’un médicament.
Je vous conseille de ne pas laisser le puritanisme interférer avec
votre accouchement. Ne vous souciez ni des regards réprobateurs ni
des moues outrées que la stimulation des mamelons (ou tout autre
contact qui aurait une connotation sexuelle) pendant le travail risque
d’engendrer. Les bénéfices dépassent largement les risques. Si vous-
même et votre compagnon arrivez à créer une atmosphère
suffisamment sensuelle pour qu’elle profite au bon déroulement de
votre accouchement, vous arriverez peut-être même à évincer
l’assistance déplaisante et la voir remplacer par des auxiliaires plus
bénéfiques.

Le besoin d’intimité
La douleur ressentie pendant les contractions peut être soulagée
de différentes manières qui ne nécessitent pas le recours à la
panoplie pharmaceutique de l’hôpital. La mode pendant les années
1980 était de créer une atmosphère de chambre à coucher dans la
salle de naissance et l’idée était bonne. Toutefois, certaines des
caractéristiques les plus importantes d’une chambre à coucher
manquaient souvent, comme par exemple, la possibilité d’en
interdire l’accès aux visiteurs inopportuns ou de tamiser la lumière.
Ce qui est nécessaire pour permettre un travail efficace, caractérisé
par un faible niveau d’hormones de stress, c’est un lieu confortable,
douillet, avec une lumière tamisée, pour faciliter l’accès à la partie
primitive de votre cerveau, qui régule les processus hormonaux et
détermine la facilité avec laquelle se déroule le processus normal de
la naissance. Nous partageons ce besoin d’intimité pendant le travail
avec presque toutes les autres femelles mammifères.87
Explorez le contact physique
Le contact physique et les massages peuvent apporter un
soulagement incroyable quand le travail est douloureux. Vous savez
certainement si vous apprécierez cette forme d’analgésie. Le
massage des cuisses et les points de pression exercés dans le bas du
dos m’ont été d’un grand secours. L’un et l’autre m’ont semblé divins
pendant le travail.
Voici une sorte de toucher dont vous n’avez peut-être pas
connaissance. Secouer les puissants muscles des fesses ou des
cuisses est un moyen efficace d’aider certaines mères – à
commencer par moi – à se détendre pendant le travail. Même si cela
peut ne pas sembler confortable aux observateurs, les femmes en
travail apprécient souvent la relaxation qu’apporte le fait d’être
secoué en rythme. (Les germanophones appellent cela « secouer les
pommes. »)
Il y a fort longtemps, j’ai assisté au premier accouchement d’une
femme. Elle était mince, très tendue, apeurée et étonnamment
forte. Sa peur était grande et je n’avais pas encore trouvé le moyen
de la calmer. D’ordinaire, l’intensité des contractions relâche la
tension dans les jambes. En dépit de l’intensité de ses contractions,
les muscles de ses jambes étaient durs comme du bois. Le défi était
de trouver comment l’aider à se détendre et à relâcher la tension de
ses jambes. Les muscles moins puissants du bassin suivraient
naturellement, permettant au col de l’utérus de se détendre et de
s’ouvrir. Je lui massais les pieds et les mollets pendant une
contraction. Ce genre de massage s’était montré efficace chez la
plupart des trente-cinq femmes dont j’avais déjà accompagné
l’accouchement. Mais elle, avec sa musculature puissante,
accumulait la tension dans les jambes plus vite que je n’arrivais à la
dissiper par mes massages. Chaque contraction semblait plus
puissante que la précédente et elle se décomposait à vue d’œil. Je
continuais à lui pétrir les mollets et les cuisses tout en lui montrant
comment adopter une respiration abdominale lente et profonde, la
meilleure pour faciliter la dilatation. Ses yeux commencèrent à rouler
en signe de panique. C’est alors que j’ai utilisé une technique que je
n’avais jamais employée ni même songé à employer lors d’un
accouchement. Il arrivait de temps en temps que Stephen me
secoue les muscles des cuisses et des fesses et je trouvais que
c’était relaxant. Employant la même technique, j’empoignais les
muscles de ses cuisses pendant une contraction et je commençais à
les ballotter doucement et régulièrement de droite à gauche. Au
début, elle avait les cuisses tellement crispées que j’arrivais à peine
à faire les faire ballotter. Puis elle poussa un petit soupir et je
continuais. C’était un peu comme de voir un bébé en pleurs se
détendre à force de bercements. Pendant que je faisais ballotter ses
cuisses, elle s’abandonnait de plus en plus au bercement rythmique.
Les muscles des mollets et des cuisses finirent par se détendre et, à
la sensation de chaleur qui commença à se diffuser au niveau de
mon col de l’utérus, je savais que le sien était probablement en train
de s’ouvrir. Au bout d’une vingtaine de minutes à se laisser ballotter
et à respirer profondément, ses cuisses étaient devenues molles,
chaudes et douces comme celles d’une femme sur le point
d’accoucher. Son col de l’utérus était à dilatation complète et, enfin,
elle s’apprêta à pousser son bébé pour le mettre au monde.
Depuis, j’ai souvent employé cette technique. Parfois, c’est le
compagnon de la femme qui lui ballotte les fesses de haut en bas ou
de droite à gauche ; quelquefois, c’est l’arrière des cuisses qu’on
ballotte. J’utilisais cette technique depuis quelques années déjà
quand j’ai découvert qu’elle était mentionnée dans les pratiques
ancestrales des cultures traditionnelles du monde entier78.
Une sage-femme de Floride m’a parlé d’un obstétricien qui avait
largement sillonné la Chine rurale. Il avait observé qu’en cas
d’accouchement long et difficile, les sages-femmes faisaient ballotter
la femme. À deux ou trois, elles se mettaient à faire ballotter tout le
corps de la mère très vigoureusement. L’obstétricien en fut témoin
plusieurs fois. Et chaque fois, la technique porta ses fruits.
La sage-femme essaya elle-même cette technique au cours d’un
travail dont la progression était particulièrement lente.
Nous avions tout essayé, y compris de longues promenades ou des
balades en jeep sur des routes cahoteuses. Tout à coup, je me suis
rappelée cet article et j’ai expliqué à tout le monde en quoi cela
consistait. À trois, nous avons ballotté tout le corps de la mère aussi
fort et aussi longtemps que possible pendant qu’elle se tenait
debout, penchée en avant, les bras en appui sur une commode. Je
pensais que cela allait être douloureux, car les contractions étaient
très fortes. À notre étonnement, elle déclara que c’était agréable !
Nous avons ri et nous avons continué jusqu’à en avoir mal aux bras.
La femme arriva enfin à dilatation complète et donna naissance à un
petit garçon en pleine forme quelques heures plus tard. Je pense
que l’avoir ballottée a fait toute la différence.
Le fait que tant de peuplades du monde entier aient découvert
cette technique sans communiquer entre elles témoigne sans
conteste de la valeur universelle de ce ballottage musculaire pendant
le travail.

Laissez faire la primate en vous

Supposons que vous soyez à l’affût de conseils pour vous aider à


accoucher. Ma réponse la plus courte est : laissez faire la primate en
vous. (Au passage, ce conseil vaut pour n’importe quelle activité
physique susceptible d’être entravée par le mental, qu’il s’agisse de
rafting, de bien danser, de faire des plongeons ou d’accoucher.)
Laisser faire la primate qui est en vous pendant le travail n’est que
la manière courte de vous dire qu’il ne faut pas laisser votre mental
hyperactif interférer avec la sagesse ancestrale de votre corps. Pour
vous donner une idée de ce que j’entends par-là, voici quelques
exemples d’activités auxquelles les femelles singes et gorilles –
contrairement aux femmes – ne s’adonnent pas pendant le travail,
et qui entravent le bon déroulement de l’accouchement :
Les guenons ne pensent pas qu’il est indispensable de recourir à la technologie
pour accoucher.
Les guenons ne passent pas leur temps à penser que leur corps n’est pas bien
conçu.
Les guenons ne rendent personne responsable de l’état dans lequel elles se
trouvent.
Les guenons ne font pas de calculs savants pour essayer de deviner combien de
temps l’accouchement va (encore) durer. (Un exemple typique serait : cela m’a pris
huit heures pour arriver à cinq centimètres de dilatation, ce qui veut dire que cela va
encore prendre huit heures pour que j’arrive à dilatation complète.)
Pendant le travail, les guenons adoptent la position qui leur convient, pas celle
qu’on leur dit de prendre.
Les guenons ne sont pas gênées à l’idée de faire du bruit, de péter ou de déféquer
pendant le travail. Même les reines, les duchesses et les stars de cinéma font caca –
tous les jours, si elles sont en bonne santé.

Comment « laisser faire la primate en vous » en milieu


hospitalier ? Je crois qu’il est bon de se préparer mentalement à
l’idée d’être un peu déchaînée quand vous y serez. Essayez de vous
comporter comme vous le feriez dans votre propre chambre. Ayez
pour objectif de sortir des convenances si cela peut aider au bon
déroulement de votre accouchement.
Un jeune couple m’a raconté comment ils avaient réussi à se
soustraire à la routine de soins « à la chaîne » en vigueur dans le
service hospitalier où leur premier bébé allait naître, pour s’offrir un
accouchement naturel à la sauvette. Ils menaient une course contre
la montre étant donné que leur bébé se présentait par le siège, ce
qui rendait tous les obstétriciens de la maternité nerveux, à
l’exception du leur (un expert en présentation du siège). Un
obstétricien avait même pris la liberté d’entrer dans la chambre de la
mère pour le réprimander : « Vous voulez dire qu’elle est toujours en
travail ? Mais qu’attendez-vous pour la transférer au bloc ? »
La mère racontait qu’elle avait senti son col de l’utérus se crisper à
chaque intrusion et il y en avait déjà eu plusieurs. Finalement, la
pression de ses collègues finit par convaincre son obstétricien de
décréter qu’à moins qu’elle n’arrive à dilatation complète dans
l’heure, la césarienne était inévitable. Désireuse d’échapper à toute
intrusion supplémentaire, elle décida de se réfugier dans la petite
salle de bains attenante à la salle de travail. Elle s’assit sur la cuvette
des toilettes pour les contractions suivantes. Pendant qu’elle se
relaxait à chaque contraction, ses jambes retombaient mollement de
chaque côté et elle sentait son col de l’utérus s’ouvrir. Mais il y avait
encore un problème : la pièce était si exiguë qu’à chaque fois qu’elle
se détendait et laissait ses jambes s’alourdir, l’une d’elle touchait le
chauffage fixé au mur. Après avoir examiné la situation avec son
mari, ils décidèrent d’enfiler leur manteau à la dérobée pour aller
faire un petit tour sur les pelouses de l’hôpital. Ce qu’ils firent sans
demander la permission. Le temps que les sages-femmes retrouvent
la trace des fugueurs, la femme était à dilatation complète, prête à
pousser. Elle retourna en salle de naissance et poussa sans
encombre son bébé pour le mettre au monde, portée par le
sentiment extatique d’avoir vaincu le système.
Un autre couple de ma connaissance m’a raconté l’injection
d’ocytocine que la femme avait reçue pour la naissance de son
premier bébé, à cause d’une hypertension. Cet hôpital particulier
avait un protocole de routine qui imposait que tout passe par voie
intraveineuse, et « rien par voie buccale », pour toutes les
parturientes. Heure après heure, la jeune femme avait arpenté les
couloirs de la maternité, poussant le montant de sa perfusion tout
en passant devant les distributeurs automatiques et la salle où les
sages-femmes mangeaient un morceau tandis que son utérus se
contractait régulièrement et que son estomac gargouillait. Au bout
de vingt-huit heures, elle arrivait quasiment à dilatation complète et
voulait toujours essayer, mais son énergie commençait à faiblir et
son mari se demandait comment elle allait pouvoir tenir le coup sans
manger ni dormir. L’un comme l’autre, ils avaient suffisamment surfé
sur Internet pour savoir combien les arguments en faveur de la
proscription d’une prise d’aliments ou de boissons pendant le travail
sont remis en cause. Il alla donc lui chercher un sandwich qu’elle
mangea pendant qu’ils étaient seuls en salle de travail. Avec le
regain d’énergie apporté par l’encas, elle arriva à dilatation complète
et ne tarda pas à pousser son bébé pour le mettre au monde.

Apprendre à aimer la primate qui est en vous

Nous sommes nombreux à avoir grandi bercés par la croyance


qu’être apparenté aux primates est honteux ou dégradant. Étant
donné que, contrairement à nous, êtres humains civilisés, les autres
primates sont réputés pour mettre au monde sans difficulté, il
semblerait sage de prendre exemple, autant que faire se peut, sur
ces femelles. Mon mari a souvent souligné les similarités qui existent
entre les humains et les autres primates et ne trouvent rien de
dégradant au fait d’être apparenté aux singes.
Pour ma part, je n’ai pas trop de mal à m’imaginer comme un
membre de la famille des grands singes puisqu’il m’arrivait souvent
d’imaginer que j’étais un cheval, un lion ou un chien quand j’étais
petite. En général, je m’imaginais dans la peau d’un cheval quand il
fallait que je coure et dans celle d’un chien à l’allure racée (un
border collie ou un berger allemand) quand j’étais assise avec mon
frère et ma sœur à l’arrière de la voiture de mon père et que je
m’ennuyais pendant ces longs trajets que nous faisions pour rendre
visite à la famille qui vivait à la campagne. En travail pendant la
naissance de mon fils aîné, une vingtaine d’années plus tard, sans
chercher à savoir pourquoi, j’ai renoué avec cette vieille habitude en
m’imaginant être un lion de montagne. M’imaginer dans la peau d’un
animal m’a permis d’accéder plus facilement à la puissance que je
sentais instinctivement nécessaire pour accoucher.
Je conseille régulièrement aux femmes enceintes d’imaginer
qu’elles sont un grand mammifère quand elles sont en travail.
Souvent, elles disent que cela les aide à trouver la femme sauvage
qui sommeille en elles et à se connecter au savoir ancestral du
potentiel féminin.

Le bébé qui reste « coincé » pendant l’expulsion


La presse pelvienne : Pamela et Ari exercent
une pression latérale sur les hanches de Stephanie.
Il arrive parfois que les efforts de poussée commencent et que la
tête du bébé descende jusqu’à un certain point – et puis qu’elle ne
descende pas davantage. Dans l’approche médicalisée, le traitement
habituel dans cette situation sera l’extraction instrumentale (avec
recours aux forceps ou à la ventouse obstétricale qui, l’un comme
l’autre, occasionne de temps à autre un dommage corporel à
l’enfant). Dans notre pratique en tant que sages-femmes, mes
consœurs et moi avons recours à une autre technique qui donne de
bons résultats dans la plupart des cas de ce genre. Au lieu
d’appliquer un instrument sur la tête du bébé, nous mettons à
contribution la flexibilité et l’amplitude de mouvements des os du
bassin de la mère. La technique, que l’on appelle « presse
pelvienne », consiste à exercer une pression latérale sur le haut des
hanches (les crêtes iliaques) de la mère pendant qu’elle pousse. La
compression latérale des crêtes iliaques a pour effet de rapprocher le
haut de ses hanches et d’en écarter le bas, libérant au passage la
tête du bébé. La première fois que j’ai employé cette technique
(après l’avoir découverte dans le livre de Nan Koehler, Artemis
Speaks88), elle s’avéra suffisamment efficace pour rendre possible la
naissance d’un bébé qui arrivait avec l’une des pires présentations
qui soit – la présentation du front. Celle-ci nécessite presque
toujours une césarienne à moins d’avoir recours à la presse
pelvienne. Pourtant, notre petit bébé en présentation du front naquit
sans instruments, sans épisiotomie et sans causer de dommage au
périnée de sa mère (ce qui n’est pas le cas de l’extraction
instrumentale, qui occasionne presque toujours des dommages
périnéaux considérables nécessitant de nombreux points de suture).
CHAPITRE 8

La puissance oubliée
du vagin versus l’épisiotomie

… au cours d’un travail normal, la bouche de l’utérus


s’ouvre par une opération secrète ; ou à tout le moins,
sans l’intervention d’une force apparente.

Dr William Dewees, 1847

Quand, pour la première fois, il nous est donné de voir


les tissus maternels étirés par la partie que l’enfant
présente au point de prendre une finesse diaphane et que,
selon toute apparence, ils s’apprêtent à céder, l’impulsion
de placer une main sur la chair enflée devient presque
instinctive. Nous ne devons toutefois pas oublier que ces
tissus sont non seulement élastiques, mais vivants et
sensitifs – et encore plus important – que le processus de
l’accouchement est un acte strictement physiologique. La
nature, dans toutes ses activités, se préoccupe d’adapter le
moyen à la fin et le périnée ne fut certainement pas créé
pour se déchirer en l’absence du soutien de la main d’un
médecin.

Dr William Goodell, 1879

Des cinquante premières naissances que Pamela et moi avons


accompagnées, quarante-trois se sont déroulées sans épisiotomie ni
déchirure. Les sept femmes qui ont nécessité des points de suture
n’avaient que de petites déchirures sans complications. Cette
expérience au tout début de ma carrière (dès la première naissance
que j’ai accompagnée, je n’ai pas cessé de noter nos statistiques –
les miennes et celles de mes consœurs – et ce, donc, bien avant
mes études de sage-femme) m’a enseigné que la plupart des
femmes sont bien équipées pour accoucher sans le moindre
dommage dans la mesure où elles sont correctement assistées,
préparées, considérées et qu’elles se trouvent dans une atmosphère
appropriée. Au fur et à mesure que mes consœurs et moi-même
avons acquis une plus grande expérience, nous sommes devenues
plus expertes dans l’art d’aider les femmes à donner naissance sans
endommager leur vagin ou leur périnée.
Si vous avez peur d’être « trop étroite pour enfanter », voici une
méditation qui pourra vous aider comme elle a aidé Judy, la femme
qui me l’a inspirée. Bien que cela fît déjà vingt ans que
j’accompagnais des naissances et que je considérais avec respect la
puissance impressionnante de l’entrecuisse féminin, Judy me
démontra quelque chose de nouveau et de passionnant. Enceinte de
son premier bébé, elle arriva dans notre maison de naissance parce
qu’il se présentait en siège. Plusieurs personnes avaient essayé de
l’intimider pour qu’elle opte pour une césarienne en l’avertissant que
la tête du bébé risquait de rester coincée à la naissance. Je lui ai
raconté que, d’après mon expérience, les fesses de son bébé allaient
en réalité largement préparer la voie pour le passage de la tête. En
joignant le bout de mes doigts pour créer un cercle afin de lui
montrer la dilatation que son vagin allait progressivement atteindre
(à peu près la taille d’un gros pamplemousse), j’ai ajouté « tu seras
grande ouverte ».
Une semaine plus tard, les fesses de son fils commençaient à se
montrer au bout de dix-sept heures de travail. Avant même que les
fesses appuient directement contre le périnée, le vagin de Judy s’est
dilaté et ouvert à un point qui m’a sidérée. J’avais déjà été témoin
de ce phénomène chez des femmes qui avaient déjà eu sept ou huit
enfants, mais jamais chez une femme qui accouchait pour la
première fois.89 Le vagin de Judy aurait pu laisser passer un bébé
beaucoup plus gros que son fils de 3,5 kg sans la moindre déchirure.
Quelques jours plus tard, alors que Judy et moi étions en train de
parler de son accouchement, je lui ai confié ma surprise d’avoir vu
son vagin se dilater avant même que le bébé n’exerce de pression
dessus. (J’en étais encore sidérée.) Judy me répondit : « Je me suis
servie du mantra que tu m’avais appris. »
« Du mantra ? », ai-je répété, sans savoir à quoi elle faisait
allusion.
« Oui, pendant que je poussais, je n’arrêtais pas de me répéter, je
vais être grande ouverte. Je vais être grande ouverte ! », répondit-
elle.
La seule chose que Judy ait faite de différent par rapport aux
autres femmes dont j’avais accompagné l’accouchement était de se
concentrer sur ce mantra pendant qu’elle poussait. Une méditation
de ce genre ne peut pas vous nuire, alors autant tenter votre
chance. J’ai souvent repensé à cet accouchement pour les leçons
qu’il recèle et la démonstration sans équivoque qu’il offre d’une
aptitude humaine que je n’avais jamais pu observer. Judy m’avait
enseigné qu’une femme peut réellement ouvrir son vagin pendant
l’accouchement en dirigeant son attention de manière adéquate. À
partir de ce moment-là, j’ai commencé à chercher d’autres façons de
parler aux femmes de leur vagin. Voyez si ça résonne en vous.
Les hommes tiennent pour acquis la capacité de leurs parties
génitales à grossir puis à reprendre leur taille initiale sans encombre.
Si les obstétriciens (et les femmes) arrivaient à comprendre qu’il en
va de même pour les parties génitales féminines, les taux
d’épisiotomies et de déchirures pourraient chuter du jour au
lendemain. Mais les obstétriciens des générations précédentes ont
inculqué la croyance (toujours largement répandue) que la nature a
joué un mauvais tour aux femmes en ce qui concerne les tissus de
leur vagin et de leur périnée (étirez-les un bon coup et ils sont
foutus, comme un élastique bas de gamme) et beaucoup de femmes
adhèrent à l’idée que leur entrecuisse n’est pas de première qualité.
Évidemment, personne ne s’attend à ce qu’on puisse tirer sur le
pénis d’un homme pour qu’il se dilate et s’étire comme il le fait avec
aisance pendant l’érection et la turgescence. Pourquoi s’attendre à
ce que le vagin d’une femme atteigne sa dilatation maximale sans
turgescence ?
J’aime demander à un public féminin ce qui se passe pendant un
baiser langoureux. Quelle sensation ressent-on ? Les femmes
commencent par rouler des yeux et par prendre des airs gênés
quand je pose cette question. Finalement, l’une d’elles se jette à
l’eau et désigne son bas-ventre en disant : « Ça chatouille partout
là. » Puis nous tombons d’accord : c’est la turgescence qui arrive.
L’accouchement est l’un des actes qui dilate le vagin. (L’excitation
sexuelle en est un autre.) On peut probablement dire que la grande
différence entre la turgescence d’un homme et celle d’une femme
est que lui peut l’observer de ses yeux, ce qu’elle ne peut pas faire.
Mais celle de la femme est tout aussi réelle et importante – surtout
quand elle accouche. Si ses tissus ne sont pas suffisamment
turgescents, et donc ne sont pas complètement assouplis et dilatés
au moment où la tête du bébé apparaît, son utérus continue à
pousser la tête, forçant le passage. C’est ainsi qu’une déchirure se
produit. Dans l’idéal, il faudrait que toutes les femmes soient
turgescentes au moment de la naissance, cela réduirait les points de
suture. Néanmoins, il faudrait changer le climat dans les services
obstétriques pour que cela soit possible.
Il ne fait aucun doute que les femmes qui ont plusieurs grossesses
rapprochées connaissent un relâchement tissulaire du périnée et de
la ceinture pelvienne si elles ne prennent pas le temps de rééduquer
ces muscles après avoir accouché. Les exercices de Kegel pour la
rééducation périnéale consistent à contracter les muscles du périnée
pendant cinq à dix secondes, et ce jusqu’à quatre-vingts fois par
jour. Plusieurs civilisations ancestrales reconnaissent la nécessité
d’une rééducation des muscles du périnée après l’accouchement par
les danses que les femmes pratiquent. La hula et autres danses
chaloupées des îles du Pacifique, la danse orientale et la danse
africaine sont autant d’exemples de danses qui renforcent les
muscles du bassin et du périnée.
Disons que la nature a conçu les femmes pour qu’elles aient le
potentiel d’être grande ouverte comme Judy et que, à l’instar de
l’érection masculine, ce phénomène se produit avec d’autant plus de
facilité que l’atmosphère s’y prête. (Je n’ai jamais vu une femme se
déchirer alors qu’elle était en train d’embrasser son compagnon
pendant les efforts de poussées, ou de se toucher pendant que la
tête de son bébé sortait.) Les sages-femmes et les autres femmes
bienveillantes qui apportent leur soutien tout au long de
l’accouchement savent ce que le corps et l’esprit d’une femme – qui
n’est pas dérangée – sont capables d’accomplir pendant le processus
de l’accouchement. Ce qui se passe réellement peut s’avérer si
difficile à croire que cela peut paraître impossible au profane.
(Souvenez-vous des mots de William Goodell que j’ai cités en début
de chapitre.) Je n’oublierai jamais ceux d’une mère, alors âgée de 36
ans, enceinte jusqu’à la gorge de son premier bébé, qui se présenta
pour une visite prénatale au cours de sa dernière semaine de
grossesse. Nous étions en train de parler de la naissance qui
approchait et elle avoua sa plus grande inquiétude – très répandue
chez les femmes qui ont trop peu été témoin de la puissance et des
capacités du corps de la femme pendant l’accouchement. « Je
n’arrive tout simplement pas à comprendre comment quelque chose
d’aussi gros – elle tapota son gros ventre rond en prononçant ces
paroles – peut sortir d’un endroit aussi petit. » Je me souviens d’une
autre histoire qui illustre la difficulté émotionnelle qu’une femme
peut ressentir, par manque d’information, en se retrouvant
confrontée à la réalité de ce qui se passe pendant l’accouchement. Il
y a quelques années, j’intervenais en tant que conférencière lors
d’un congrès de sages-femmes dans le sud de l’Arkansas. Comme à
mon habitude, je projetais quelques vidéos de femmes en train
d’accoucher. Ensuite, j’eus l’occasion de m’entretenir avec Anna Mary
Sykes, une sage-femme traditionnelle, qui avait environ 70 ans à
l’époque. « Je n’ai jamais rien vu de tel dans mon enfance, me
confia-t-elle, les yeux pétillants d’amusement ; lorsque j’étais en
train d’accoucher de mon premier bébé, je ne savais même pas par
où il allait sortir ! » « Vraiment ? », ai-je dit, à demi ébahie par son
anecdote, tout en sachant qu’elle était sincère. « On ne nous disait
rien, même quand on se mariait, poursuivit-elle. Une fois le travail
commencé, alors que j’étais seule, j’ai cherché partout. J’essayais de
trouver par où ce bébé allait sortir. J’avais un miroir et je cherchais
sur tout mon corps. Quand j’ai ouvert la bouche, je me suis dit que
ça devait être par là. Quand j’ai aperçu ce petit truc au fond [sa
glotte], j’ai cru que c’était le gros orteil du bébé. Je pensais que
j’allais devoir vomir le bébé. Ce n’est que lorsque la sage-femme est
arrivée et m’a lavée entre les jambes que j’ai compris que c’était
par-là que le bébé allait sortir. »
On ne peut pas tromper un homme sur ses parties génitales
comme on peut tromper une femme sur les siennes. La convexité
des hommes les révèle au grand jour autant que la concavité des
femmes les dissimule mystérieusement (y compris à elles-mêmes).
J’imagine que c’est la raison pour laquelle tant de civilisations
façonnent des statuettes qui représentent le vagin de la femme
grand ouvert, souvent pendant l’acte de l’enfantement. Je me suis
servie des représentations que l’on voit p. 79 et p. 339 au cours de
plusieurs accouchements et je crois qu’elles ont réellement aidé les
femmes à mieux comprendre ce dont leur corps était capable. La
première (p. 79) vient du Mexique et je l’ai depuis longtemps.
Remarquez à quel point son visage est serein alors même que la tête
du bébé émerge du vagin. Elle m’a aidée dans plus d’un
accouchement. Les petites filles qui grandissent en la regardant sont
moins susceptibles de laisser un obstétricien les couper d’un coup de
ciseaux que celles qui n’ont jamais été sensibilisées à l’idée qu’une
femme peut accoucher sans dommage et sans peur, intacte.
Les historiens et les archéologues sont fascinés depuis longtemps
par la signification des sculptures représentant la Sheela-Na-Gig (p.
339) en Irlande, au Pays de Galles, en Écosse, en Angleterre et dans
d’autres parties d’Europe. Ces bas-reliefs de l’époque médiévale
représentant une femme nue qui expose ses parties génitales se
rencontrent en haut des tourelles des châteaux construits entre le
e e
XV et le XVII siècles. (La plupart des Sheela-Na-Gigs furent détruites
par les patriarches au XIXe siècle.)

Sheela-Na-Gig.

Certains prétendent qu’il s’agit d’une figure démoniaque, destinée


à protéger du diable et des attaquants ; pour d’autres, il s’agirait
d’une représentation de la déesse de la fertilité. En ce qui me
concerne, je pense que cette figure était là pour rassurer les jeunes
femmes au sujet de l’aptitude de leur corps à enfanter. Ellen
Prendergast, dans un article rédigé pour un magazine d’histoire
irlandais, fait la remarque suivante : « Après avoir observé ces bas-
reliefs tout au long de ma vie, je suis convaincue que leur
signification trouve racine dans la sphère de la fertilité et que ce qui
est représenté… est l’acte d’enfanter. »79 Qu’Ellen Prendergast et
moi-même ayons tort ou raison, je peux témoigner du fait qu’une
Sheela-Na-Gig peut être d’un grand secours lors d’un accouchement.
Comme vous pouvez le voir, la vulve de cette figure accroupie est
suffisamment ouverte pour permettre le passage de sa propre tête.
Une telle vision est encourageante pour une femme en travail.
J’aimerais voir de grandes reproductions de la Sheela-Na-Gig décorer
les salles de naissance des services obstétriques. Je crois depuis
longtemps que la télévision pourrait jouer un grand rôle dans
l’information des femmes au sujet des aptitudes réelles de leur
corps. Malheureusement, les mœurs puritaines actuelles laissent les
spectateurs des chaînes de télévision nationales assister à l’incision
chirurgicale de l’utérus pour une césarienne, mais jamais à la
dilatation naturelle d’une vulve non incisée au moment où la tête du
bébé sort. La vue des poils pubiens est strictement proscrite. On ne
doit pas voir un sphincter se relâcher. Ces tabous empêchent la
diffusion de vidéos d’accouchements naturels sur les chaînes de
télévision publiques alors même que ces documents sont ceux qu’on
aurait besoin de diffuser pour combattre la peur et l’ignorance qui
entourent le processus de l’accouchement. Il y a quelques années de
cela, la productrice de l’émission de Geraldo Rivera me persuada
d’envoyer plusieurs de mes vidéos à New York pour une éventuelle
diffusion pendant l’émission (où on voyait souvent des strip-teasers
– homme et femme – entre autres). Deux jours après que j’ai
envoyé les vidéos, la productrice me rappela pour s’excuser. Mes
vidéos – au demeurant très fascinantes et instructives pour les
membres de l’équipe de production en âge de procréer – étaient
trop « crues » pour l’émission de Geraldo Rivera. Quel est mon
propos ? Ce tabou a besoin d’être dépassé si l’on veut vraiment voir
régresser la peur des femmes modernes vis-à-vis de l’accouchement.

L’épisiotomie est-elle vraiment nécessaire ?


Pour prévenir les risques de déchirures,
une mère m’aide à soutenir son périnée.
L’épisiotomie, l’acte chirurgical le plus banal en Amérique du Nord,
est une blessure que l’on fait subir délibérément à une femme dans
le but (d’après celui qui l’inflige) d’empêcher une blessure encore
plus grave. Des données probantes indiquent pourtant à quel point
l’épisiotomie de routine est inutile.
Dans nombre de pays occidentaux, les obstétriciens pratiquent
l’épisiotomie de routine – notre version de la mutilation des parties
génitales de la femme – sur des dizaines de milliers de femmes
depuis plus d’un siècle, confiants dans leur croyance que ce
traumatisme épargne à la mère une déchirure grave, améliore la
sexualité de son mari (de nos jours, certains arguent même que cela
améliore aussi sa sexualité à elle), la sauve de l’incontinence urinaire
et fécale, sauve son bébé de la dystocie de l’épaule, facilite le travail
de chirurgie en matière de suture postnatale, et enfin prévient
l’anoxie (manque d’oxygène), le retard mental et le traumatisme
cérébral chez le bébé. Toutes ces affirmations furent avancées et
largement acceptées, sans preuve pour les étayer, par les médecins
et les hôpitaux des quatre coins des États-Unis [et d’ailleurs]. Le
problème (ou plutôt, la bonne nouvelle) est qu’aucune d’entre elles
n’est vraie.
Beaucoup de recherches ont été faites et évaluées dans ce
domaine. La science médicale sait désormais que l’épisiotomie de
routine n’est d’aucun bénéfice et qu’elle est assortie d’un grand
nombre d’inconvénients.

L’épisiotomie :
s’accompagne d’une douleur à la cicatrisation qui dure parfois des semaines voire
des mois.
augmente la perte sanguine.
occasionne des déchirures plus graves (déchirures de 3e et 4e degrés), car un
périnée entaillé est moins résistant qu’un périnée intact.
la cicatrice s’infecte souvent.
est associée aux risques de rupture cicatricielle, d’abcès, de dommage permanent
des muscles du plancher pelvien et autres complications qui peuvent entraîner une
incontinence (par exemple, une fistule recto-vaginale – une communication anormale
entre le vagin et le rectum).
entrave l’allaitement chez beaucoup de femmes en raison de la douleur qu’elle
occasionne.

Dans quelques cas rares, une épisiotomie peut se justifier, comme


lorsqu’un bébé sur le point de naître souffre de détresse fœtale ou
quand un bébé de sexe masculin se présente par le siège, les
testicules en premier. L’examen attentif des données probantes
montre qu’un taux d’épisiotomie supérieur à 20 % ne se justifie en
aucune manière.
À ce jour, aucun sondage à l’échelle nationale n’a été réalisé pour
évaluer ce que pensent les femmes des épisiotomies qu’elles ont
subies.90

Voici quelques conseils pour augmenter vos chances de ne pas


subir d’épisiotomie inutile ou de déchirure grave :
Choisissez un praticien ou un service dont le taux d’épisiotomies est inférieur à
20 %.
Choisissez un praticien ou un service qui pratique plutôt des épisiotomies médianes
que des épisiotomies médio-latérales (l’incision est verticale en direction de l’anus
plutôt qu’oblique en direction d’une fesse). Les épisiotomies médio-latérales sont
particulièrement douloureuses à la cicatrisation.
Poussez uniquement quand le besoin impérieux s’en fait sentir. La plupart des
femmes aiment pousser deux ou trois fois pendant la contraction en reprenant une
petite inspiration entre chaque.
Au moment où la tête du bébé s’apprête à sortir, prenez le plus de temps possible
pour la pousser.
Les femmes aiment parfois stimuler leur clitoris au moment où la tête du bébé sort.
Cette pratique semble favoriser la turgescence vaginale, ce qui expliquerait pourquoi
je n’ai jamais été témoin de la moindre déchirure chez les femmes qui utilisaient cette
technique de relaxation pendant l’accouchement. Seriez-vous disposée à en parler
avec votre obstétricien ou à essayer cette technique si elle est en mesure de vous
aider ? Sinon, peut-être vous serait-il bénéfique d’assister à une représentation de la
pièce de théâtre, Les Monologues du vagin, écrite par Eve Ensler.
Si faire des vocalises pendant les efforts de poussée vous aide, essayez de les faire
le plus grave possible afin qu’elles vibrent dans le bas du corps. Des grognements
graves et sensuels sont bénéfiques.

Il peut être utile de savoir que pour la naissance d’un premier


bébé, il est normal que la tête progresse à l’effort de poussée et
régresse une fois l’effort terminé. Les femmes qui ne sont pas
informées de ce phénomène pensent parfois qu’elles régressent
quand la tête du bébé recule entre deux poussées. J’explique
souvent que ce phénomène est bénéfique dans la mesure où il
permet une dilatation progressive de la vulve pour atteindre
l’ouverture nécessaire à l’expulsion. La circulation sanguine de la
zone est stimulée grâce à l’alternance de pression, relâchement,
pression, relâchement.
L’ignorance affichée à la fois par les femmes qui ne comprennent
pas comment quelque chose d’aussi gros qu’un bébé peut sortir de
leur vagin et par Mme Sykes, la sage-femme de l’Arkansas, perdure
de nos jours et est perpétuée par la pruderie de notre culture. Même
les chaînes de télévision qui diffusent des documentaires sur
l’accouchement censurent les plans sur la vulve des femmes au
moment de l’expulsion. Le filtre flouté voile ce que les femmes
auraient le plus besoin de voir, et, du même coup, l’opportunité pour
les femmes de voir leur peur de l’accouchement régresser est
perdue. Qu’y gagne-t-on ?
Aussi longtemps que les femmes continueront à accepter les
épisiotomies, on continuera à les cisailler. Ce n’est que le jour où
elles se regrouperont pour constituer des groupes de pression et
remettre en cause cette pratique, le jour où elles refuseront de se
confier aux soins des professionnels dont le taux d’épisiotomie est
élevé, que cette pratique obstétricale inutile, et parfois même à
risque, pourra changer. Toutefois, il est important de prendre
conscience du peu de choix dont les femmes disposent en raison de
l’organisation du système de santé. Malheureusement, il y a tant de
profit à tirer de l’accompagnement de la naissance que cet acte
personnel et physiologique est devenu politique.
CHAPITRE 9

La troisième phase du travail

Le clampage du cordon ombilical

Le délai entre la naissance du bébé et le clampage du cordon


ombilical varie selon le lieu où le bébé naît. Quand il naît à domicile
ou en maison de naissance, ce sont généralement ses parents qui
décident à quel moment couper le cordon (le plus souvent une fois
que les pulsations ont cessé dans ses vaisseaux). En milieu
hospitalier, en revanche, on a tendance à couper le cordon ombilical
dès que possible. Les détracteurs de cette approche à la chaîne
arguent que hâter un processus physiologique est susceptible de
majorer les risques de complications comme la rétention du
placenta, l’hémorragie du post-partum et la détresse respiratoire
néonatale. Les études montrent que le clampage tardif du cordon
permet une augmentation de 20 à 50 % du volume sanguin du
bébé. De plus, le clampage précoce du cordon est associé à des taux
d’hématocrite et d’hémoglobine plus faible chez le nouveau-né
(moins de globules rouges). Les sages-femmes s’accordent pour dire
que les prématurés profitent particulièrement d’un clampage tardif
du cordon.
Si vous projetez d’accoucher à l’hôpital et que vous souhaitez que
le cordon ombilical de votre bébé soit clampé tardivement, prenez
soin d’en informer l’équipe soignante. Les données probantes vont
dans votre sens.

La délivrance du placenta

Même si votre bébé est né, vous n’en avez pas encore fini avec
l’accouchement. Il reste encore à votre corps une tâche à
accomplir : expulser le placenta qui n’est plus nécessaire à la
nutrition du fœtus. Si vous accouchez à domicile ou en maison de
naissance, il est probable que le processus normal d’expulsion du
placenta soit respecté. Il se produit le plus souvent dans la demi-
heure qui suit la naissance. À The Farm, nous avons pour habitude
de mettre le nouveau-né en contact peau à peau sur la poitrine de
sa mère et de le recouvrir d’une couverture bien chaude. Ce contact
peau à peau maintient la température corporelle du bébé et favorise
les prémices de la communication entre la mère et son enfant. Nous
ne massons pas vigoureusement l’utérus, nous n’administrons pas
systématiquement d’ocytociques et nous ne tirons pas non plus sur
le cordon pour accélérer la délivrance du placenta. Nous avons
toujours des ocytociques sous la main en cas d’hémorragie, mais
nous n’y avons recours que trois ou quatre fois sur une centaine de
naissances. Nous préférons respecter le processus naturel. Nous ne
séparons pas la mère de son enfant. Nous les gardons tous les deux
au chaud – si possible, en contact peau à peau. Nous n’avons aucun
protocole de routine susceptible d’entraver l’atmosphère euphorique
qui règne dans la pièce juste après la naissance. À un moment
donné, nous inspectons le bébé et nous appliquons un antiseptique
sur le nombril, mais tout cela peut être pratiqué au moment le plus
opportun pour la mère et l’enfant. Ils accomplissent quelque chose
de plus important en étant simplement ensemble. Ils sont en train
de tomber amoureux. Nous avons plaisir à assister à ce processus,
tout en prenant soin de ne pas l’entraver.
Si une mère est allongée après la naissance, qu’elle tient son bébé
depuis un quart d’heure ou vingt minutes, et que le placenta s’est
détaché mais qu’il n’a pas encore été expulsé, nous l’aidons souvent
à adopter une position verticale. Celle-ci, qui facilite la descente du
bébé, favorise aussi l’expulsion du placenta, tout comme la
stimulation des mamelons.
Dans un grand nombre d’hôpitaux, la primauté est surtout donnée
à l’achèvement de cette phase de l’accouchement dans un délai
imparti. L’accoucheur essaie quelquefois d’accélérer l’expulsion du
placenta en exerçant une légère traction sur le cordon ombilical.
Mais cette intervention présente le risque de séparer le cordon du
placenta, et par conséquent d’augmenter la perte de sang. Peut-être
souhaiterez-vous négocier avec l’équipe soignante une diminution
des interventions pendant le déroulement de cette phase de
l’accouchement.
Quel que soit le lieu où vous accouchez, la personne qui donne les
soins doit être préparée à une éventuelle hémorragie du post-
partum. En milieu hospitalier, environ 8 à 9 % des femmes saignent
très abondamment après la naissance ou l’expulsion du placenta. La
fréquence des hémorragies du post-partum dans ma pratique et
celle de mes consœurs est toujours inférieure à 2 %.
L’ocytocine de synthèse est en général le médicament de
prédilection pour arrêter ce type d’hémorragie en milieu hospitalier,
en maison de naissance et même à domicile. Parmi les sages-
femmes qui accompagnent les accouchements à domicile, certaines
préfèrent avoir recours aux simples (plantes médicinales) en tisanes
ou en teintures mères comme la bourse-à-pasteur, le colosh bleu
(Caulophyllum thalictroides) ou l’agripaume.

Gardez votre trophée

Votre bébé est né sans encombre. Si vous êtes chez vous ou dans
une maison de naissance, votre bébé restera avec vous autant que
vous le désirerez. Si vous accouchez à l’hôpital, il est possible que
vous ayez à négocier pour pouvoir le garder constamment à vos
côtés après la naissance. Le protocole de routine en place dans
certains établissements incite le personnel soignant à s’empresser de
le laver (y compris pour le débarrasser de son précieux vernix), de le
peser, de le mesurer, de lui administrer du collyre et de lui faire les
soins du cordon. Faites en sorte de convaincre le médecin, la sage-
femme ou l’infirmière, de retarder ces interventions pour que vous
puissiez profiter d’un moment ininterrompu avec votre bébé. Vous
pouvez aussi spécifier que vous préférez qu’on lui laisse sa couche
de vernix.
Choisissez un hôpital qui offre la possibilité de garder le bébé dans
votre chambre plutôt qu’en nurserie. Le garder dans votre chambre
vous offrira les meilleures chances de bien démarrer l’allaitement.
Plusieurs actes de routine pratiqués sur les nouveau-nés sont
banals dans les maternités. L’un d’entre eux consiste à pratiquer une
aspiration des voies aériennes (nez et bouche) juste après la
naissance. Il arrive que les parents s’imaginent ainsi que leur bébé
est en danger alors qu’il ne s’agit que d’un acte de routine
hospitalière.
Un effort particulier sera fait pour garder le bébé au chaud. Les
salles de naissance des hôpitaux sont souvent assez fraîches et les
nouveau-nés encore tout humides peuvent facilement souffrir d’une
chute de température corporelle. Le meilleur endroit où votre bébé
puisse atterrir est votre poitrine nue, avant d’être recouvert d’une
petite couverture bien chaude. Le bébé peut rester dans vos bras
pendant qu’on l’examine. En revanche, s’il a besoin d’une
réanimation, il faudra généralement y procéder dans un endroit
mieux chauffé.
Les yeux de votre bébé seront traités à l’aide d’un onguent aux
antibiotiques pour prévenir les risques d’ophtalmie à gonocoques ou
à chlamydia. En général, l’onguent est à base de tétracycline ou
d’érythromycine. [En France, il semble que de plus en plus de
maternités délaissent la prévention par administration systématique
de collyre ou d’onguent antibiotique et lui préfèrent une
antibioprophylaxie ciblée, assortie d’une vigilance accrue vis-à-vis de
tous les nouveau-nés.] Souvent, les parents apprécient de pouvoir
échanger un regard avec leur enfant avant que cet onguent ne soit
appliqué, étant donné qu’il est suffisamment visqueux pour
interférer légèrement avec la vision pendant un moment.
La vitamine K est administrée par injection (ou oralement dans
certains hôpitaux) pour prévenir la maladie hémorragique du
nouveau-né. [En France, l’administration de vitamine K se fait
uniquement par voie orale.] Cette maladie est rare et les
complications graves qu’elle peut entraîner sont encore plus rares.
N’oubliez pas que vous êtes en droit de refuser tout traitement ou
acte, même s’il fait partie du protocole de routine de l’hôpital où
vous accouchez.

Évitez la dépression du post-partum

La dépression du post-partum (DPP) survient chez 3 à 20 % des


mères. Elle peut survenir à n’importe quel moment au cours de
l’année qui suit la naissance de l’enfant, de quelques jours à
plusieurs mois plus tard. Elle peut affaiblir la mère au point
d’interférer sérieusement avec sa capacité à prendre soin de son
enfant ou d’elle-même. Les symptômes de la dépression du post-
partum peuvent prendre la forme d’un sentiment de désespoir,
d’insomnies, d’un manque d’appétit, de cauchemars, de peurs ou de
phobies, de pensées étranges, de sentiments d’inadéquation ainsi
que de pensées à caractère hostile ou suicidaire. Dans un cas sur
mille, la dépression évolue vers la psychose du post-partum. Dans la
plupart des cas – mais pas tous – la dépression et la psychose du
post-partum peuvent être évitées en apportant beaucoup de soutien
à la mère durant les semaines qui suivent l’accouchement. En effet,
ces pathologies résultent en grande partie de l’isolement et de
l’épuisement.
Le premier pas pour prévenir la dépression du post-partum est de
prendre le temps de dormir après l’accouchement, quel que soit
votre degré d’euphorie. Essayez de dormir le plus possible quand
votre bébé dort. Envisagez d’embaucher une aide à domicile (ou une
doula du post-partum) si aucun membre de votre entourage ne peut
venir préparer les repas et faire le ménage chez vous pendant les
deux semaines qui suivent la naissance. N’ayez pas l’impression de
devoir satisfaire tous ceux qui souhaitent vous rendre visite. Quand
votre famille ou vos amis viennent vous voir, demandez-leur de ne
pas rester trop longtemps ou bien suggérez leur de faire la vaisselle,
de préparer à manger ou de laver du linge. Prenez votre temps pour
envoyer les mots de remerciements à ceux qui vous auront envoyé
une carte ou un cadeau. Évitez de déménager ou d’opérer de grands
changements dans votre vie autour de la naissance. Choisissez
d’allaiter votre enfant. Confiez-vous à votre compagnon ou à vos
amis et, si vous pensez qu’il est possible que vous souffriez de
dépression du post-partum, consultez un professionnel qui a
l’habitude de traiter ce genre de choses.
Dans ma communauté, le taux de DPP est bien inférieur à la
moyenne nationale. Je crois que la qualité des soins que nous
prodiguons après la naissance ainsi que la communication étroite qui
existe entre les mères ont pour effet de diminuer la sensation
d’isolement que celles-ci ressentent souvent dans notre société
essentiellement axée autour de la famille nucléaire. Le maternage
est souvent le rôle le plus isolé qui soit, mais il ne devrait pas l’être.

La doula du post-partum

À une époque où les choses étaient moins complexes qu’elles ne le


sont aujourd’hui, l’entourage prenait soin de la femme qui venait
d’enfanter pendant les semaines suivant la naissance. À The Farm,
nous nous relayons entre femmes pour prendre soin les unes des
autres. À notre époque, avec les membres de la famille souvent
éparpillés de-ci de-là, des centaines de femmes se retrouvent
confrontées à une solitude qu’elles n’avaient encore jamais connue,
et ce au moment même où elles ont la charge nouvelle de prendre
soin d’un petit être. Il arrive que les femmes soient surprises de se
retrouver si déprimées quelques jours à peine après avoir ressenti la
joie et l’euphorie de l’enfantement.
Aux Pays-Bas, l’accompagnement de la naissance tient compte, de
manière unique, des avantages apportés par le soutien de la mère
au cours des huit jours qui suivent la naissance. Quels que soient
leurs revenus, les mères peuvent faire appel à des aides à domicile
qu’on appelle kraamverzorgende et dont le tarif horaire est
raisonnable (elles sont en partie prises en charge par l’État). Ces
aides assistent à la naissance du bébé aux côtés de la sage-femme
ou du médecin de famille ; elles se rendent au domicile des parents
après la naissance et prennent soin de la mère et du bébé. Elles
donnent aussi des conseils de santé, font le ménage, préparent les
repas, promènent le chien, s’occupent des bambins, vont chercher
les plus grands à la sortie de l’école et donnent des conseils en
matière d’allaitement. Même si d’autres pays offrent certains de ces
services, les Pays-Bas en ont le système le plus complet. Cet
accompagnement postnatal est proposé aussi bien aux 35 % de
Néerlandaises qui accouchent à domicile qu’à celles qui accouchent à
l’hôpital.
Dans beaucoup d’endroits, les doulas offrent des services similaires
à ceux proposés par les aides à domicile aux Pays-Bas. Si vous
embauchez une doula pour vous aider après la naissance de votre
bébé, vous aurez peut-être le temps de faire une sieste, de prendre
un bain, de faire vos exercices de rééducation postnatale et autres
activités qu’il vous serait impossible de faire sans cette aide. Par
ailleurs, vous diminuerez notablement vos risques de faire une
dépression du post-partum. [Voir le MamaScope en fin d’ouvrage
pour trouver une doula.]
CHAPITRE 10

Quelques jalons dans l’art d’être sage-femme

Qui décerne les prix d’excellence en matière d’accompagnement


périnatal ? Qui devrait le faire ? Avant de répondre à cette question,
il faut s’assurer que nous prenons bien en compte tous les
concurrents. L’une des personnes à qui mon vote irait est Mme
Margaret Charles Smith. Née en 1906 et orpheline à l’âge de 3
semaines, elle fut élevée par une femme qui avait été achetée
comme esclave pour 3 dollars et qui vécut jusqu’à l’âge de 101 ans.
Mme Smith est décédée en 2004 à Eutaw en Alabama, une ville de
cinq mille habitants où elle a accompagné de nombreuses familles
qui attendaient un enfant de 1943 à 1981.
Dans notre mythologie nationale de l’enfantement, de la
technologie et de ce qui rend l’accouchement sans danger, elle et
d’autres matrones91 se virent interdire d’exercer sous prétexte du
danger que leur pratique présentait par rapport à celle des médecins
qui les remplacèrent. Les déclarations des commissions
gouvernementales sur la nécessité d’interdire l’exercice de leur
métier à des sages-femmes comme Mme Smith affirmaient que leur
manque de formation entravait leur capacité à exercer en toute
sécurité. Les médecins avaient reçu une formation en obstétrique au
cours de leur internat de médecine, tandis que Mme Smith et les
autres accoucheuses traditionnelles de sa génération avaient appris
l’art et la science du métier de sage-femme auprès de leurs aînées,
lesquelles n’avaient jamais mis les pieds dans un hôpital.
À l’époque où elle accompagna pour la dernière fois une
naissance, en 1981, Mme Smith était toujours en bonne santé,
vaillante et vive d’esprit, mais, comme ses consœurs, elle manquait
de poids au niveau politique et de preuves écrites pour justifier de sa
longue expérience pratique. La difficulté du monde civilisé à
reconnaître la pratique des accoucheuses traditionnelles vient en
partie du manque de données écrites. Notre culture repose avant
tout sur le compte rendu écrit. Je me souviens de cette accoucheuse
traditionnelle brésilienne qui, se tenant devant une assistance de
2 000 médecins et sages-femmes ayant suivi un cursus officiel, leur
demanda sur un ton exaspéré : « Ne vous arrive-t-il jamais de croire
à quelque chose que vous n’avez pas lu dans un livre ? » Peu
d’accoucheuses traditionnelles ont eu l’occasion de tenir des comptes
rendus sur leur pratique. Mme Smith, cependant, fait figure
d’exception. Son histoire est relatée dans sa biographie, Listen to Me
Good92, écrite en collaboration avec Linda Janet Holmes.80 Au cours
de sa longue carrière – qui aurait été bien plus longue si elle-même
et les familles résidant à Eutaw et ses environs avaient eu leur mot à
dire – elle a accompagné près de 3 000 naissances, avec très peu de
décès infantiles et pas un seul décès maternel. Mme Smith gardait le
compte rendu des naissances qu’elle accompagnait mais,
malheureusement, ils furent détruits lors d’un incendie qui réduisit
sa maison en cendres. J’ai eu l’occasion de corroborer ses
statistiques avec celles de deux médecins – Ruker Staggers et Joe
Bethany – qui répondaient à ses appels à l’aide occasionnels, au
cours des années où ils ont collaboré avec elle. Les deux m’ont dit
qu’ils considéraient comme impossible que Mme Smith ait dissimulé
un décès, et qu’elle était extrêmement compétente – selon les
paroles du Dr Bethany : « Une légende en son temps. » Le Dr
Staggers utilisa son influence pour lui permettre de garder son droit
d’exercer, mais il finit par céder à la pression de ses collègues qui ne
voulaient pas de sage-femmes du tout, aussi douées fussent-elles.
Les statistiques de Mme Smith sont d’autant plus remarquables si
l’on considère les handicaps avec lesquels elle travaillait – par
rapport aux sages-femmes qui accompagnent aujourd’hui les
accouchements à domicile. Elle ainsi que les autres matrones de son
temps n’étaient habilitées ni à prendre la tension dans le cadre du
suivi de grossesse, ni à administrer de médicaments en cas
d’hémorragie du post-partum, ni à utiliser d’oxygène pour réanimer
un bébé. Elle n’avait ni voiture, ni vélo, ni monture d’aucune sorte et
il n’existait pas de transport en commun. La plupart des familles à
qui elle offrait ses services gagnaient moins de 2 dollars par jour.
Beaucoup n’étaient tout simplement pas en mesure de la payer pour
ses soins. Quand elle diagnostiquait une complication comme de
l’hypertension chronique chez la mère, il lui incombait de trouver
comment l’accompagner chez le médecin ou à l’hôpital, à une
trentaine de kilomètres. Cela voulait dire trouver une bonne âme
pour les y conduire. Certaines familles vivaient dans des coins
reculés, à l’écart des routes fréquentées.
Les femmes dont Mme Smith s’occupait n’avaient pas accès aux
contraceptifs, à une époque où ils étaient devenus accessibles aux
femmes de la classe moyenne. Elle a souvent accompagné
l’accouchement de femmes qui eurent plus de dix enfants.
Nombreuses étaient les femmes malnutries et surchargées de travail.
à cette époque, les femmes de la campagne n’avaient pas d’accès
gratuit aux vitamines prénatales ni aux comprimés de fer ou de
calcium. L’aspect sans doute le plus honteux du manque de soutien
que Mme Smith et ses consœurs ont eu à surmonter est que, si une
femme avait laissé une ardoise pour un accouchement précédent,
elle se voyait refuser l’hospitalisation, même si sa vie était en
danger. Si l’on trouvait un moyen de la conduire à plus de 300
kilomètres de là, à Tuskegee, elle pouvait y être hospitalisée
gratuitement, mais cela restait une solution à peine envisageable
sans ambulance ou autre transport sanitaire d’urgence. Mme Smith
essaya un jour de faire hospitaliser une femme qui souffrait
d’hypertension et qui s’évanouissait pendant le travail, mais se vit
intimer par un médecin (ni le Dr Staggers ni le Dr Bethany) l’ordre
de la raccompagner à son domicile et de l’y abandonner. Elle resta
dans la voiture, aux côtés de la femme – qui était inconsciente –
pendant l’accouchement et les douze heures qu’elle passa ensuite
entre la vie et la mort. L’enfant et la mère, qui lui voua une
reconnaissance éternelle, survécurent.
Pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, les statistiques de
me
M Smith sont remarquables – particulièrement en ce qui concerne
l’absence de décès maternel. Les obstétriciens auraient bien fait de
s’intéresser à la manière dont elle s’y est prise pour accomplir cet
exploit (sans aucune formation officielle).
Catharina Schrader est une autre accoucheuse remarquable qui a
conservé les archives de sa pratique. Vrouw Schrader exerça aux
Pays-Bas actuels de 1693 à 1745 et accompagna 3 017 naissances.81
Elle tenait un journal où elle consignait ses notes sur chaque
accouchement. Certains n’étaient accompagnés que par ses soins,
tandis que pour d’autres – généralement les plus compliqués – son
aide en tant qu’experte avait été sollicitée par des consœurs.
L’accouchement naturel et spontané s’était produit dans 94 % des
cas. (Il est de 94,5 % à The Farm). La césarienne ne comptait pas
parmi les possibilités à son époque. Dans les cas où la césarienne
serait considérée comme une nécessité absolue de nos jours, Vrouw
Schrader et ses consœurs devaient faire avec les moyens du bord
pour sauver la vie des femmes. L’une de ces complications est le
véritable placenta prævia (le placenta recouvre entièrement l’orifice
interne du col de l’utérus), ce qui présente un danger aussi bien
pour la mère que pour l’enfant. Avec la dilatation progressive du col
de l’utérus (comme c’est le cas pour une naissance normale),
surviennent des saignements qui risquent d’être fatals à la mère. Il
est généralement admis que le seul moyen de sauver la vie de la
mère et celle de son enfant est de faire une césarienne.
Des 3 017 accouchements que Schrader a consignés dans son
journal, seules 20 femmes moururent. Dans 6 de ces cas, son aide
avait été sollicitée à un stade de gravité déjà trop avancé pour
qu’une intervention puisse faire la différence. Seuls les 14 autres
décès (soit 4,6 ‰) lui sont directement imputables. Pour mettre ce
résultat en perspective, le taux de mortalité maternelle aux États-
Unis en 1935 s’élevait à 5,9 ‰ – et ce bien que la plupart des
femmes qui le nécessitaient aient alors accès aux médecins, aux
forceps, aux césariennes et aux hôpitaux. Si Vrouw Shrader avait eu
un taux de décès maternel comparable à celui des États-Unis en
1935, 3 ou 4 femmes de plus seraient mortes entre ses mains.
Imaginez un peu ce dont elle aurait été capable au XXIe siècle !

Margaret Charles Smith, une sage-femme remarquable, avec Ina May Gaskin.
Le professeur G. J. Kloosterman, qui vit à Amsterdam, a
méticuleusement analysé les données de Catharina Schrader. Il
remarque que le taux élevé d’accouchements spontanés est d’autant
plus surprenant quand on considère que, dans sa pratique, elle était
davantage exposée à des grossesses et des accouchements à risque
que la moyenne. Par exemple, on retrouve un taux de 2,4 % de
grossesses multiples et de 2 % de placenta prævia recouvrant, l’une
des complications les plus dangereuses qui soit pour toute
grossesse.
En raison de la dangerosité du placenta prævia, la césarienne est
la méthode appliquée dans ces cas-là depuis le début du XXe siècle.
Il y eut 10 cas de placenta prævia parmi les accouchements que
Schrader accompagna. Le premier cas fut la 661e naissance, et
Vrouw Schrader perdit la mère. Il est probable qu’elle ignorait à
l’époque l’existence d’une telle complication. Mais elle y repensa. Elle
arriva visiblement à la conclusion qu’il lui faudrait agir plus
rapidement si le cas venait à se présenter de nouveau. La 1 250e
naissance fut son deuxième cas de placenta prævia et elle mit à
exécution son plan de faire accoucher la femme le plus rapidement
possible. À l’instar de Louise Bourgeois, la fameuse sage-femme
française et sa quasi contemporaine, elle sortit le placenta en
premier et fit tourner le bébé en présentation par les pieds afin de le
tirer. La mère et l’enfant eurent la vie sauve cette fois-ci comme
dans 7 autres des 10 cas de placenta prævia auxquels elle fut
confrontée. Le fait qu’il n’y ait eu que 2 décès maternels sur 10 cas
de placenta prævia recouvrant au XVIIe siècle est remarquable, on
peut même dire phénoménal.
Le taux élevé d’accouchements spontanés dans la pratique de
Schrader est aussi étonnant qu’instructif. Il témoigne à la fois de ses
talents d’accoucheuse et de ses connaissances. Il démontre, par
ailleurs, les capacités intrinsèques d’une femme à mettre au monde
un enfant.
Martha Bellard, qui exerça dans le Maine de 1785 à 1812, a elle
aussi consigné dans son journal tous les accouchements qu’elle a
accompagnés. Au total, 814 naissances, avec seulement 5 décès
maternels. Ce qui revient à 1 décès maternel pour 198 naissances.82
Jusque dans les années 1930 (époque à laquelle on disposait déjà
de médecins, d’hôpitaux et l’on pouvait recourir à la césarienne), il y
avait un décès maternel pour 150 naissances aux États-Unis.83
Une sage-femme, qui vivait et exerçait à Kendal en Angleterre
depuis les années 1660 jusque dans les années 1670, a tenu avec
soin un registre des 412 naissances qu’elle a accompagnées. Il n’y a
pas eu le moindre décès maternel parmi ces accouchements.84
Pratiques d’obstétrique avec un faible taux de
césariennes et de délivrances instrumentales (et un
faible taux de mortalité)

Au cas où vous penseriez que les femmes qui accouchent à The


Farm sont des êtres tellement à part que personne d’autre ne saurait
prétendre obtenir des taux de césariennes et de délivrances
instrumentales aussi faibles que les nôtres, laissez-moi vous parler
d’autres pratiques obstétriques dont les résultats sont similaires aux
nôtres. La première dont j’ai eu connaissance était un cabinet
spécialisé dans l’accouchement à domicile (aad) à Victoria, en
Australie, au sein duquel le Dr John Stevenson a collaboré avec
plusieurs sages-femmes qui se sont lancées dans l’exercice de leur
métier à peu près de la même manière que moi. Leur taux de
césariennes pour les 1 190 naissances accompagnées de 1976 à
1983 fut de 1,6 %. Le pourcentage de transfert à l’hôpital fut de
4,9 %. Comme à The Farm, les bébés en siège (23) et les jumeaux
(16 paires) sont nés à domicile. Lorsque j’ai fait la connaissance du
Dr Stevenson et de quelques-unes des sages-femmes qui
travaillaient avec lui, j’ai découvert un homme humble et aimable,
qui avait débuté sa carrière médicale tardivement par rapport à la
majorité de ses collègues. C’est une patiente souffrant d’agoraphobie
et terrifiée à l’idée d’accoucher à l’hôpital qui marqua le début de sa
pratique de l’accouchement à domicile. À force de harcèlement, il
s’était laissé convaincre d’accompagner son accouchement – en
dépit du bon sens, m’a-t-il confié. Il fut fasciné de constater à quel
point cet accouchement avait semblé plus facile que la plupart de
ceux qu’il accompagnait en milieu hospitalier. La nouvelle ne tarda
pas à se répandre et ses services à être sollicités de nouveau.
J’ai été frappée par la similarité entre leur taux de césariennes
(1,6 %) et le nôtre (1,4 %). Le Dr Stevenson m’a confié : « Si j’avais
accompagné moins d’une centaine d’accouchements à domicile,
j’aurais mis cela sur le compte de la chance, mais avec plus de 1 100
patientes en huit années de pratique, cela va au-delà de la chance
pure et simple. » J’étais d’accord. En dépit de ces excellents
résultats, le Dr Stevenson fut radié de l’Ordre des médecins de
Victoria en 1984 après avoir été reconnu coupable par cet organisme
de « conduite inacceptable ». Comme toujours dans les chasses aux
sorcières de ce genre, le jugement portait essentiellement sur le
manque d’orthodoxie de sa pratique, en particulier sur la non-
qualification de ses assistantes accoucheuses, qu’il formait lui-même.
Il n’a jamais eu le droit d’exercer de nouveau.
Au début des années 1990, j’ai lu dans la revue The Lancet un
article sur le service obstétrique de la clinique des femmes Ignace
Semmelweis, à Vienne. Le Dr Alfred Rockenschaub en fut le chef de
service de 1965 à 1985. Lorsqu’il était en fonction, plus de 44 500
accouchements s’y déroulèrent avec un taux de césariennes qui
dépassait à peine 1 % et un taux de mortalité infantile inférieur à
ceux de Vienne à l’époque, où le taux de césariennes dépassait
pourtant les 10 %.85 Pendant la période où il était en fonction à la
clinique des femmes Ignace Semmelweis, le Dr Rockenschaub
dispensait également des cours en qualité de professeur à l’école
des sages-femmes et il exerça une grande influence sur l’éducation
dans ce domaine – à défaut de gagner le respect des autres
obstétriciens autrichiens. Ces sages-femmes assuraient la prise en
charge primaire (à savoir hors complication) des accouchements qui
avaient lieu à la clinique, car le système de soins en vigueur en
Autriche (comme dans la plupart des pays européens) ne repose pas
sur des infirmières spécialisées en obstétrique.93 Après le départ du
Dr Rockenschaub en 1985, le taux de césariennes grimpa en flèche.
En 1999, 19 % des femmes vivant à Vienne accouchaient par
césarienne. Malheureusement, le travail du Dr Rockenschaub est à
peine connu, car aucune des deux éditions de son livre n’a été
traduite de l’allemand.
Toute personne ayant un penchant pour les sciences devrait
trouver fascinant que trois pratiques obstétriques en différents
endroits du monde donnent des résultats aussi proches. Il existe des
points de concordance flagrants entre elles :
une préparation psychologique méthodique pendant la grossesse.
les sages-femmes qui accompagnent les accouchements sont en mesure d’assurer
une présence constante auprès des femmes en travail.
l’assistance obstétrique assurée par des médecins confiants dans les aptitudes des
femmes qui accouchent et des sages-femmes qui les accompagnent.
une philosophie qui se plaît à penser que les femmes sont magnifiquement et
admirablement conçues pour enfanter.

Le Dr John O. Williams, Jr. a été le mentor dévoué qui a apporté


son merveilleux soutien à notre pratique obstétrique pendant quinze
ans. Il se trouve que le Dr Stevenson, le Dr Rockenschaub et moi-
même nous sommes tous entendu dire, à un moment ou à un autre
– par des médecins qui ne pouvaient pas concevoir que des taux de
mortalité et de morbidité aussi bas soient compatibles avec des taux
de césariennes et de délivrances instrumentales aussi faibles – que
nos résultats étaient « incroyables ». Et pourtant, ils sont possibles.
Nous y sommes tous parvenus. Il y a certainement quelque chose de
juste dans notre pratique – que d’autres peuvent reproduire.
À The Farm, nous nous appuyons sur des techniques et des
procédures que nous avons apprises du corps médical mais aussi sur
un autre panel de techniques que, pour l’essentiel, nous avons
« imaginées ». Les techniques du deuxième panel (par exemple les
positions verticales où les femmes s’étirent à l’aide de poignées ou
d’une barre de traction accrochées au-dessus d’elles, pendant
l’expulsion ; la stimulation des mamelons pour renforcer les
contractions utérines ; et la position à quatre pattes en cas de
dystocie des épaules) se retrouvent toutes dans les cultures où l’art
indigène de la sage-femme a survécu. En pensant à l’obstétricien
que j’évoquais dans les toutes premières pages de ce livre – celui qui
voulait que j’explique comment nous étions parvenues à de tels
résultats – je dirais que nous avons essayé de prendre ce que les
peuplades traditionnelles et la médecine moderne avaient de mieux
à offrir. Donner naissance à domicile signifiait que nous pouvions
offrir une pratique aussi souple que possible (dans le sens où nous
n’étions pas soumises à des conventions sociales ridicules, des
routines hospitalières ou un équipement institutionnel.) Cependant,
nous nous sommes tenu informées par la littérature médicale et
nous sommes équipées du matériel médical portatif adapté à notre
pratique extra-hospitalière (tensiomètre de poignet, médicaments
antihémorragiques, bouteilles d’oxygène, kit de suture et gants
stériles, par exemple).
Le travail de feu Dr Galba de Araújo, originaire de l’État de Ceará,
au Brésil, est un exemple fascinant et innovant de mariage entre la
profession médicale et les accoucheuses traditionnelles. Le
professeur Araújo a trouvé le moyen de satisfaire à la fois les mères,
les bébés, les étudiants en médecine et les parteiras (accoucheuses
traditionnelles du Brésil). Il demandait aux étudiants en médecine de
prendre des tours de garde aux côtés des parteiras qui
accompagnaient les accouchements à domicile afin qu’ils apprennent
à respecter le processus normal d’une naissance physiologique, et le
travail des accoucheuses par la même occasion. Grâce à son travail
novateur, une nouvelle génération d’obstétriciens a vu le jour qui,
pour la plupart, sont aujourd’hui des porte-parole du « Mouvement
pour l’humanisation de la maternité » qui prend de l’ampleur au
Brésil et dans d’autres parties de l’Amérique latine où les taux de
césariennes sont les plus élevés au monde (plus de 80 %, dans
certaines villes).
Le Dr G. J. Kloosterman a mis en place un système similaire aux
Pays-Bas dans les années 1940, à l’époque où il avait une forte
influence en matière d’enseignement obstétrical. En grande partie
grâce à lui, le système de soins continue à assurer la prise en charge
des accouchements normaux (non dystociques) par des sages-
femmes. Les Néerlandaises qui souhaitent que leur accouchement
soit pris en charge par un obstétricien doivent le payer de leur
poche. Aux Pays-Bas, les étudiants en médecine qui se spécialisent
en obstétrique apprennent d’abord les principes qui gouvernent un
accouchement physiologique avant d’étudier les cas pathologiques.
Cela les aide à comprendre et à respecter le travail des sages-
femmes auprès des femmes enceintes ou en train d’accoucher et à
se sentir à l’aise au sujet des accouchements à domicile.
Il existe beaucoup de domaines de l’œuvre humaine pour lesquels
il est facile et évident de déterminer qui mérite le prix d’excellence.
Je pense à la course automobile, le basket, le piano, par exemple.
Dans ces domaines, on ne peut pas tromper les gens. En ce qui
concerne l’accompagnement de la naissance, les choses sont bien
différentes. Si vous décidez de vous intéresser à l’histoire de
l’obstétrique, vous découvrirez que beaucoup de ses grands
pionniers (et je pense plutôt à des médecins en disant cela) furent
calomniés par leurs confrères tout au long de leur vie. Dans les
années 1840, près d’un siècle avant que l’on commence à recourir
aux antibiotiques, Ignace Semmelweis découvrit le mode de
transmission de la fièvre puerpérale – une cause majeure de décès
maternels aux XVIIIe et XIXe siècles – et du même coup, son mode de
prévention. Oliver Wendell Holmes tenta de persuader ses confrères
américains que Semmelweis avait raison sur le fait que c’étaient les
médecins et non les victimes elles-mêmes qui étaient à l’origine de la
maladie. L’un comme l’autre conseillèrent à leurs confrères de se
laver les mains après une autopsie et avant d’examiner une femme
en train d’accoucher. Plus de vingt ans après que Holmes eut rédigé
son premier article sur le mode de prévention de la fièvre
puerpérale, certains médecins affirmaient toujours que la maladie
était causée par « la séduction, le remords et l’inquiétude et que les
germes provenaient du lieu de vie de la patiente » ou bien « des
vapeurs toxiques » qui s’échappaient des égouts. Ignace
Semmelweis lui-même mourut tragiquement dans un asile
psychiatrique d’une infection suite à une blessure qu’il s’était faite au
cours d’une bagarre avec un surveillant. Quelques années plus tard,
son fils de 25 ans se suicida de désespoir à l’idée que les
enseignements de son père ne fussent jamais acceptés. Ils le furent
finalement, mais après qu’un nombre inavouable de vies furent
perdues durant tout le temps où les médecins refusèrent d’admettre
le mal qu’ils causaient par leur étroitesse d’esprit. Bien que les noms
de Semmelweis et Holmes aient enfin acquis leurs lettres de
noblesse en 1910, des épidémies occasionnelles de fièvre puerpérale
continuèrent à sévir dans les maternités hospitalières jusque dans
les années 1940. Si vous souhaitez en savoir davantage sur la vie
d’Ignace Semmelweis, lisez le roman de Morton Thompson, Tu
enfanteras dans la souffrance,94 qui est sa biographie romancée. Je
vous le recommande vivement, mais ne le lisez pas pendant votre
grossesse, car le thème est assez sinistre.
Visiblement, à l’époque de Semmelweis, les Viennoises savaient
que la maternité hospitalière tenue par les sages-femmes était un
endroit plus sûr pour accoucher que la maternité hospitalière tenue
par les médecins. Si elles ne pouvaient pas être admises dans le
pavillon tenu par les sages-femmes, les femmes préféraient
accoucher dans la rue plutôt que dans le pavillon des médecins. À
l’époque, les gens étaient davantage en mesure de se donner le
mot. De nos jours, avec l’apogée des médias, les gens tirent leurs
informations des émissions télévisées et des films, lesquels
enseignent généralement que la technologie est nécessaire pour
mettre au monde un enfant en toute sécurité. J’espère que nous
trouverons un moyen d’utiliser les médias pour promouvoir la santé
publique à travers le système de soins périnatals plutôt que pour le
profit des grandes industries.
CHAPITRE 11

Les femmes ne meurent pas des suites de maladies que


l’on ne sait pas traiter. Elles meurent parce que les sociétés
n’ont pas encore pris la décision que leur vie valait la peine
d’être sauvée.

Mahmoud Fathallah

Ce à quoi une femme enceinte s’attend le moins

Dans la mesure où elle bénéficie d’un bon suivi pendant la


grossesse, l’accouchement et le post-partum, il est extrêmement
rare, en tout cas dans les pays riches, qu’une mère décède ou
subisse un dommage corporel grave. La mortalité maternelle dans
les pays industrialisés est si faible qu’on la comptabilise en nombre
de décès pour 100 000 naissances. Cela dit, il existe des signes
inquiétants qui indiquent que les États-Unis pourraient améliorer leur
performance en matière de prévention des décès maternels.
Le premier signe préoccupant est que le taux de mortalité
maternelle n’a pas baissé depuis 1982 aux États-Unis. C’est
significatif, car il avait baissé chaque année à partir du milieu des
années 1930 et jusqu’en 1982. Dans la plupart des pays riches, le
taux de mortalité maternelle a continué à diminuer de 1982 jusqu’à
aujourd’hui.
Malheureusement, nous ne disposons pas de l’information
nécessaire pour comprendre exactement pourquoi le taux de
mortalité maternelle reste, comparativement, si élevé aux États-Unis.
L’absence de cette information vitale explique en partie pourquoi
jusqu’à présent, nous n’avons fait aucun progrès par rapport au taux
de mortalité maternelle, objectif fixé il y a déjà une génération.
L’objectif du Healthy People 200095 était un taux de mortalité
maternelle de 3,3 pour 100 000 naissances. À l’évidence, nous n’y
sommes pas parvenus (sauf dans l’État de Washington et le
Massachusetts) et c’est donc resté l’objectif du Healthy People 2010.
[En France, l’objectif 44 de la loi de santé publique d’août 2004 n’est
pas atteint : il préconisait une diminution de la mortalité maternelle
à 5 pour 100 000 naissances et une diminution du taux d’évitabilité
des décès maternels.96]
Aux États-Unis, de 1982 à 1996, la mortalité maternelle a été
d’environ 7,5 décès pour 100 000 naissances de bébés vivants, sans
signe d’évolution dans la bonne direction. En 2005, la mortalité
maternelle était de 15,1 décès pour 100 000 naissances. [Dans le
Rapport du Comité national d’experts sur la mortalité maternelle
(Cnemm97) de 2001-2006, on trouve un état des lieux pour la
France : « Depuis 1990, le nombre de décès maternels n’a pas cessé
de fluctuer d’une année à l’autre, aléatoirement, en raison de la
rareté de ce phénomène. Mais, la tendance des taux est
significativement à la baisse. Des taux supérieurs à 10 pour 100 000
ont été enregistrés en 1992, 1996 et 2002 sans explication connue.
Inversement, l’année 2005 a montré le taux officiel le plus bas
jamais enregistré dans notre pays ; 5,8 pour 100 000 naissances. »
En 2008, il était remonté à 7,7 pour 100 000.98]
Les décès maternels sont nettement plus élevés chez les Afro-
Américaines, qui meurent quatre fois plus que les autres. Pire, cette
différence s’est accentuée au cours des dernières années (de 3,4 fois
plus de risque de mourir qu’une femme blanche en 1987 à 4,1 fois
plus de risque en 1990). Les femmes d’origine hispanique ont 70 %
de plus de chance de mourir que les femmes blanches.86 [En France,
le rapport du Cnemm de 2001-2006 précise que : « Les femmes de
nationalité non européenne ont une mortalité maternelle supérieure
à celles des Françaises ou des Européennes. Ceci se vérifie une fois
encore, d’autant plus que la baisse générale de la mortalité
maternelle a été significative et plus importante pour les Françaises
(moins 35 %) et inversement non significative pour les non
Européennes et faible (moins 9 %). »]

Les risques des nouvelles technologies et pratiques


obstétriques

L’obstétrique évolue constamment avec l’introduction de nouvelles


technologies, de nouveaux traitements, de nouveaux médicaments.
Certaines de ces innovations – les antibiotiques et les techniques qui
permettent de purifier le sang avant une transfusion, par exemple –
ont sauvé un nombre incalculable de vies. D’autres, dans le même
temps, ont causé des dommages imprévus. La radiographie
prénatale a été pratiquée sur les femmes enceintes pendant un
demi-siècle avant qu’un chercheur ne découvre vers le milieu des
années 1950 qu’elle était associée à un nombre élevé de cancers
chez l’enfant.87
Un nouvel œstrogène de synthèse – le diethylstilbestrol (DES)
(Distilbène®) – devint populaire chez les médecins américains
pendant les années 1940 et 1950 pour prévenir les fausses-couches
et fut administré à environ deux millions de femmes pendant trois
décennies. La FDA a interdit l’administration de DES aux femmes
enceintes en 1971 après qu’on eut découvert qu’il provoquait des
formes rares de cancers du vagin chez les jeunes femmes et des
anomalies génitales chez les femmes et les hommes enfantés par
des mères à qui l’on avait prescrit du DES pendant la grossesse.88
Les anomalies se retrouvent jusque chez la troisième génération
dans certaines familles qui ont été exposées à ce médicament des
dizaines d’années auparavant.
La thalidomide, un médicament mis sur le marché en Allemagne et
au Royaume-Uni dans les années 1950 comme sédatif et anti-
nauséeux, fut prescrite à des dizaines de milliers de femmes
enceintes pendant le premier trimestre de leur grossesse. Environ
24 000 bébés sont nés avec des malformations congénitales
(absence d’un membre ou de son extrémité ou raccourcissement du
segment intermédiaire) dont les deux tiers sont morts à la
naissance.88
Suite à ces deux dernières tragédies, de grandes réformes ont eu
lieu dans le domaine de l’autorisation de mise sur le marché des
médicaments dans le monde entier. Cependant, il demeure des
lacunes aux États-Unis où l’on autorise la prescription de
médicaments ou de traitements qui ne sont pas sans danger pour
les femmes enceintes. [En France, même s’il ne concerne pas les
femmes enceintes, le scandale du Médiator® (retiré du marché en
2009, au bout de trente ans) témoigne lui aussi de lacunes en
matière de pharmacovigilance.]
Le Cytotec®
Au chapitre 6, j’ai mentionné le Cytotec® (misoprostol), la
nouvelle mode nationale en matière de déclenchement artificiel et
j’ai parlé des effets secondaires qui ont affecté certaines femmes
ayant pris ce médicament. Jusqu’à présent, au moins sept décès
maternels sont avérés imputables à l’usage de Cytotec® (dans des
journaux médicaux ou par la FDA) et des infirmières en obstétrique,
des médecins et des sages-femmes m’ont rapporté des décès
maternels supplémentaires, postérieurs à la publication des journaux
médicaux ou des rapports de la FDA. Cinq des sept décès
mentionnés dans les articles ou les rapports sont dus à une embolie
amniotique, que Searle, le laboratoire qui commercialise le
Cytotec®, cite comme une complication possible mais, étant donné
que les publications médicales n’en mentionnent qu’un cas, elle n’est
généralement pas reconnue par les médecins américains qui
pratiquent l’obstétrique. L’embolie amniotique est connue pour être
susceptible de se produire quand on cherche à provoquer de
manière artificielle la contraction de l’utérus, que ce soit à l’aide de
Pitocin®99 ou de prostaglandines. Mais cette complication
dramatique est beaucoup plus courante aujourd’hui aux États-Unis.
Dans mon entourage, cinq femmes sont mortes d’une embolie
amniotique suite à l’administration de Cytotec® pour déclencher leur
accouchement.
On peut se demander pourquoi la FDA choisit de laisser les
femmes et les médecins dans l’ignorance à propos du nombre
d’embolies amniotiques survenues suite à un déclenchement au
Cytotec®.
Certaines des complications maternelles les plus dangereuses
associées à l’administration de Cytotec® sont survenues chez des
femmes à qui l’on avait administré une seule dose de la plus petite
quantité de Cytotec® jamais administrée (25 microgrammes, un
quart de comprimé). Deux femmes à qui l’on avait administré la
dose minimale une seule fois firent une hémorragie massive au
cours des douze à trente heures qui suivirent et subirent une
hystérectomie d’hémostase.89
De 1990 à 1999, l’utilisation de Cytotec® pour déclencher
l’accouchement se répandit rapidement, y compris chez les femmes
avec antécédent de césariennes. À cette époque, j’ai vu beaucoup
de protocoles hospitaliers avec un déclenchement au Cytotec® qui
ne mentionnaient aucunement qu’il présentait un risque accru chez
les femmes avec un utérus cicatriciel. Deux études publiées en 1999,
portant sur près de 250 femmes ayant un utérus cicatriciel,
montraient que les risques de rupture utérine étaient multipliés par
28 en cas de déclenchement au Cytotec®. Ces études faisaient
mention de trois décès infantiles.90, 91 En novembre 1999, l’ACOG
(American College of Obstetricians and Gynecologists) modifia son
bulletin sur l’utilisation de Cytotec® dans les déclenchements en
recommandant de ne pas s’en servir chez les femmes avec
antécédents de césarienne ou de chirurgie utérine majeure.92 Nous
savons maintenant que le Cytotec® ne devrait jamais être utilisé en
cas d’AVAC (accouchement vaginal après césarienne) – après au
moins une décennie pendant laquelle il a été utilisé sur des femmes
qui n’avaient généralement pas la moindre idée des risques qu’elles
encouraient. Le Cytotec® illustre bien pourquoi les médicaments ne
devraient pas être administrés avant d’avoir été testés en bonne et
due forme.
En dépit de tous les avertissements donnés au sujet de l’emploi de
Cytotec®, beaucoup de médecins américains et certaines sages-
femmes continuent de s’en servir pour déclencher le travail. Il ne
s’agit pas de nier son efficacité. Néanmoins, je suis convaincue qu’un
grand nombre de femmes se seraient tournées vers une autre
solution si on leur avait délivré une information claire et complète au
sujet des risques potentiels associés à un déclenchement au
Cytotec®. Les femmes devraient recevoir une information complète
concernant les risques avant de se voir administrer un médicament
susceptible de provoquer leur décès.
Je fais partie d’une liste de discussion (sur Internet) constituée
d’une quarantaine de femmes qui ont vécu des complications
horribles suite à un déclenchement au Cytotec®. Plusieurs d’entre
elles ont subi une hystérectomie d’urgence et ont frôlé la mort à
cause d’une hémorragie massive. Ce qui met ces femmes le plus en
colère, c’est le fait de ne pas avoir été informées des effets
secondaires du Cytotec® qui se sont manifestés chez elles.
L’embolie amniotique
La complication que j’ai mentionnée plus haut – l’embolie
amniotique (EA) – est assez mystérieuse. Cette complication est si
rare que les manuels estiment sa fréquence à 1 pour 50 000 à
80 000 naissances. [En France, d’après le dernier rapport du Cnemm
(2001-2006), le taux de mortalité par embolie amniotique est de
0,497/100 000 naissances vivantes alors qu’il était de 1,50 dans la
série de 1996-1998. Le rapport précise : « On peut penser que
l’évolution constatée dans notre série entre 1996-1998 et 1999-2001
est plus aléatoire que réelle ».] Cependant, elle semble se produire
beaucoup plus fréquemment ces dernières années – du moins aux
États-Unis. La journaliste Deanna Isaacs, dont la fille est décédée
d’une embolie amniotique en 1994 après un déclenchement de
routine, apprit à sa grande surprise – ni elle ni sa fille n’avaient
jamais entendu parler d’embolie amniotique auparavant – qu’à
l’hôpital Phoenix où sa fille est décédée, l’incidence de l’EA est d’1
pour 6 500 naissances.93 Isaacs souligne dans son article que le taux
officiel de mortalité maternelle par embolie amniotique est d’environ
1 pour 5 000 naissances. Si tous les hôpitaux américains affichaient
une incidence aussi élevée d’embolie amniotique, on pourrait
s’attendre à ce que près de 300 femmes y décèdent chaque année
de cette complication. D’après le CDC, l’embolie amniotique est à
l’heure actuelle une des causes principales de décès maternels aux
États-Unis avec plus de 30 femmes par an décédant de cette
complication.94, 95

L’embolie amniotique tue plus de la moitié des femmes qui en sont


victimes. Elle survient presque toujours pendant ou après le travail
et, dans près de la moitié des cas signalés, elle est associée à des
contractions extrêmement fortes et rapprochées, comme les femmes
en ont quand le travail est déclenché au Pitocin®100 ou aux
prostaglandines comme le Cytotec®, le Cervidil® et le Prepidil®.
Les cliniciens pensent que cette complication est plus susceptible de
se produire quand une quantité massive de liquide amniotique
(contenant des cellules de peau, du vernix et des cheveux du fœtus)
est déversée dans la circulation sanguine maternelle, provoquant un
arrêt cardiaque. Toutefois, l’obstétricien américain Steven Clark –
désormais l’éminence américaine en matière d’embolie amniotique –
n’en est pas si sûr. Pendant deux décennies, il a avancé la théorie
selon laquelle certaines femmes particulièrement sensibles ne
peuvent tolérer la présence de liquide amniotique dans leur sang,
tandis que d’autres le peuvent – tout comme la plupart des gens
peuvent être piqués par une abeille sans réaction allergique grave
tandis qu’un petit nombre de gens en meurent. En dépit de la
pléthore d’articles soulignant l’association entre l’EA et la stimulation
artificielle du travail, Clark minimise le lien de cause à effet. La
campagne qu’il a menée pour miner la compréhension que les
cliniciens se forgent à propos de l’embolie amniotique a
effectivement fait diverger le consensus américain selon lequel la
stimulation artificielle du travail peut favoriser la survenue d’une
embolie amniotique. La dernière édition de Williams Obstetrics – un
des deux manuels d’obstétrique les plus influents – ne fait plus du
tout mention de cette éventualité.96 La plupart des obstétriciens
américains n’estiment plus nécessaire de rester à l’hôpital lorsqu’une
mère sous leur garde subit un déclenchement ou une stimulation
artificielle du travail. Si l’issue est défavorable et donne lieu à un
procès, l’obstétricien ne sera pas souvent blâmé par le juge ou le
jury. Qui surveille les mères ?
Dans une interview avec Deanna Isaacs, Clark déclarait : « Ce qui
est effroyable [concernant l’EA], c’est que si [vous êtes enceinte et
que] vous n’avez pas de chance [au niveau génétique], vous y
passez… et il n’y a malheureusement pas moyen, pour l’instant, de
le prévoir. » Isaacs, qui, suite au décès de sa fille, interviewa un
grand nombre d’obstétriciens dans plusieurs pays, note dans son
article détaillé et exhaustif publié en 1998 qu’elle n’est pas
convaincue par la théorie de Clark sur l’origine génétique de cette
complication. Elle écrit : « Au final, il est possible que l’embolie
amniotique s’avère ne pas être imputable à une allergie rare. Il y a
beaucoup d’indices dans la littérature médicale qui suggèrent qu’un
grand volume de liquide amniotique (surtout d’une femme en travail)
charriant du méconium, du vernix et d’autre substance ou particules
de matière soit toxique s’il entre dans la circulation sanguine
maternelle. Il semble à peine nécessaire de supposer une sensibilité
spécifique de nature allergique ou “une fragilité génétique” pour
expliquer les ravages qu’un tel déversement peut provoquer. »97
Commentant le fait qu’elle prenait conscience que Clark travaillait à
« réécrire » la doctrine existante sur l’embolie amniotique – à savoir
nier le rapprochement établi jusqu’alors entre le déclenchement
artificiel et cette complication mortelle – elle explique : « Clark lui-
même a fourni ce qui s’apparentait à la preuve du contraire quand il
signala que dans les cas qu’il étudia au cours de l’étude qu’il mena
en 1995, 50 % des patientes avait reçu de l’ocytocine pendant le
travail. »98
Serait-ce que la fréquence de l’embolie amniotique augmente de
concert avec la fréquence des déclenchements ? Mon pressentiment
d’experte est que oui. Jusqu’à ce que nous disposions de recherches
plus poussées, il me semble sage d’éviter le déclenchement artificiel
dans la mesure du possible. Le travail est moins susceptible d’être
déclenché dans le cadre d’un accouchement à domicile ou en maison
de naissance. Cela dit, si vous prévoyez un accouchement extra-
hospitalier, je vous invite vivement à questionner votre sage-femme
sur sa pratique en matière de déclenchement. Je vous conseille
d’éviter d’engager quelqu’un qui flirte avec le modèle médical en
ayant recours aux ocytociques ou aux prostaglandines (dont le
Cytotec®) pour déclencher ou stimuler le travail.

Une nouvelle technique de suture de l’utérus après césarienne


Une autre pratique en vogue ces dernières années n’est pas du
domaine pharmacologique mais chirurgical. Une nouvelle technique
de suture de l’utérus après une césarienne est en vogue aux États-
Unis. Cette technique préconise la suture en un seul plan de la
brèche utérine au lieu de la traditionnelle suture en deux plans.101
Pour la plupart des obstétriciens anglophones du monde industriel,
la méthode de suture en deux plans constitue la norme depuis
environ soixante-quinze ans. La plupart de nos statistiques sur les
taux de ruptures utérines et certaines anomalies placentaires (qui
surviennent plus fréquemment en cas d’antécédent de césarienne)
sont basées sur la méthode de suture traditionnelle (en deux plans).
Lors de la conférence annuelle du National Association of
Childbearing Centers en 1999, le Dr Kurt Benirschke, clinicien de
renom et auteur de manuels d’obstétrique, mettait en garde la
profession vis-à-vis de la nouvelle méthode de suture en un seul
plan (et peut-être de l’utilisation de fil résorbable plutôt que de fil
non résorbable). En effet, selon lui, il est probable que
l’augmentation spectaculaire de l’incidence des anomalies
placentaires dangereuses dont il est témoin depuis quelques années
soit liée à cette nouvelle méthode de suture. Il faisait remarquer qu’il
avait rencontré près de 10 cas de placenta percreta chaque année
pendant trois années consécutives à l’hôpital métropolitain de San
Diego – une incidence extraordinairement élevée pour ce qui était
connu jusqu’alors comme une complication extrêmement rare (une
sur 12 500 naissances).99 Avant de s’installer à San Diego où la
suture en un seul plan avait supplanté la suture traditionnelle, il
n’avait jamais, au cours de sa longue carrière, rencontré cette
complication. En cas de placenta percreta, une femme court le
risque de saigner jusqu’à ce que mort s’ensuive, car le placenta s’est
non seulement inséré sur la cicatrice utérine mais, en plus, les
villosités trophoblastiques placentaires ont pénétré le myomètre
(couche musculeuse de l’utérus) et l’ont même traversé jusqu’à
atteindre la membrane séreuse, voire les organes avoisinants comme
la vessie. (D’ordinaire, les villosités trophoblastiques placentaires ne
s’insèrent que dans l’endomètre (muqueuse utérine) de la cavité
utérine et non pas dans le muscle ou le tissu conjonctif de l’utérus).
Le Dr Benirschke n’est pas le seul de la profession à noter une
augmentation de l’incidence de placenta percreta aux États-Unis. Le
Dr Rebecca Baergen, clinicienne new-yorkaise, m’a dit qu’elle voyait
« un cas de placenta percreta par mois » à l’hôpital où elle travaille.
Il semble qu’il y ait d’autres complications possibles suite à une
suture en un seul plan. Une étude, menée à Montréal sur 2 142
femmes, qui comparait la nouvelle technique de suture de l’utérus
avec la technique traditionnelle en deux plans a découvert un risque
quatre fois plus élevé de rupture utérine avec la technique de suture
en un seul plan.100 Les auteurs de l’étude concluait : « Étant donné
la généralisation de la technique de suture en un seul plan et son
impact apparent sur les risques accrus de rupture utérine, il est
urgent et capital que d’autres mènent des recherches sur ce lien de
cause à effet. Du fait de la morbidité comparable en cas de suture
sur un plan ou sur deux plans, les chirurgiens devraient envisager le
recours à la suture en deux plans chez les femmes susceptibles de
faire un jour un essai de travail [en vue d’un AVAC]. » La parution de
cette étude dans sa forme la plus préliminaire a suffi pour que le
directeur du département de médecine fœto-maternelle de l’hôpital
de Yale-New Haven annonce que la technique de suture sur un seul
plan devrait être abandonnée jusqu’à ce que davantage de preuves
de son innocuité soient avancées. Des obstétriciens m’ont informée
de quatre décès maternels directement imputables à la suture en un
seul plan. Dans trois cas, la mort est survenue au cours de la
grossesse suivante, dans le quatrième, la femme s’est mise à saigner
au niveau de la plaie après l’opération.
Au cours d’une discussion en ligne à laquelle participaient des
chirurgiens généralistes travaillant en gynécologie, des obstétriciens
et des gynécologues de divers endroits du monde, un obstétricien
américain fit remarquer qu’un petit hôpital de campagne qui
adressait les patientes présentant des complications au centre
hospitalier universitaire où il travaillait se mit soudain à leur envoyer
des patientes qui souffraient de saignements ou de difficultés de
cicatrisation. Ces cas les rendaient perplexes, lui et ses collègues,
jusqu’à ce que l’hôpital de campagne les informe qu’ils avaient
changé de technique pour adopter celle de la suture sur un seul
plan. Quand ils firent marche arrière et reprirent l’ancienne
technique de suture en deux plans, il n’y eut « plus de problème »
de saignements ou de cicatrisation de la plaie.
Consciente de tous ces faits, j’ai commencé à interroger des amis
médecins au sujet de cette nouvelle méthode de suture et j’ai
découvert que c’est dorénavant cette technique qui est enseignée,
de préférence à la méthode traditionnelle, dans beaucoup d’écoles
de médecine américaines. Bon nombre d’obstétriciens n’ont pas
beaucoup d’expérience en matière de suture sur deux plans et d’un
point de vue financier, on préfère le chirurgien qui recoud en cinq
minutes à celui qui recoud en dix minutes ou plus. En effet, recoudre
l’utérus sur plusieurs plans demande plus de temps.
Une chose est claire. Les raisons ne reposent pas sur des données
probantes, car quasiment aucune étude n’a été menée pour vérifier
l’innocuité de la suture sur un seul plan. En 2000, la CDSR (Cochrane
Database of Systematic Reviews)102 ne répertoriait que deux études
répondant à leurs critères pour évaluer les procédés chirurgicaux et
les médicaments et les études en question ne portaient que sur 382
femmes qui avaient eu une suture sur un seul plan. Elles précisaient
que la nouvelle technique de suture faisait gagner quatre à cinq
minutes par opération, mais aucune étude n’était d’envergure
suffisante pour mettre en évidence son innocuité – surtout sur une
question aussi importante que la mortalité maternelle.101
Pendant que la recherche universitaire ignorait la nouvelle
technique de suture, deux publications gratuites (marketing) et
largement lues : Contemporary Ob/Gyn et OBG Management
faisaient l’éloge de la nouvelle méthode. L’une se concentrait sur la
méthode tandis que l’autre affirmait que la suture sur un seul plan
limite la perte sanguine, favorise une meilleure cicatrisation et des
suites d’opérations moins douloureuses.102, 103 En omettant de
considérer l’issue des grossesses suivantes, les deux articles
ignoraient complètement les éventuels dommages causés aux
mères.
Je connais beaucoup de bons médecins qui suturent sur un seul
plan. La plupart d’entre eux sont très occupés et n’ont pas le temps
de passer du temps dans les bibliothèques à éplucher attentivement
les publications médicales. La plupart n’ont pas nécessairement été
amenés à faire la différence entre marketing subtil et science, étant
donné que le sens critique n’est pas une compétence enseignée
dans la plupart des écoles de médecine. Quelles sont les chances
que le sens critique soit encouragé dans les écoles de médecine dès
lors que les étudiants sont incités à recoudre l’utérus des femmes
selon une méthode expérimentale sans qu’on les en informe ou
qu’on leur demande leur consentement ?
Pour parler concrètement, il n’est pas très difficile de deviner
pourquoi la nouvelle technique de suture est vite devenue à la mode
dans les années 1990 aux États-Unis. Les décisions concernant la
politique à adopter reposent généralement davantage sur des
facteurs économiques que sur le meilleur choix en matière de santé
publique. La plupart des quelques études qui évaluaient quelque
aspect que ce soit de la suture sur un seul plan reconnaissaient
qu’elle permet, en tout cas, une économie au niveau du matériel
nécessaire et que le temps passé au bloc opératoire est réduit de
manière significative, de même que, souvent, la durée du séjour
postopératoire. Tous ces facteurs indiquent en tout cas des
économies financières pour les hôpitaux et les mutuelles, à défaut
de garantir une plus grande sécurité pour les femmes césarisées.
Je vous conseille – en tout cas aux États-Unis – de préciser que si
vous deviez subir une césarienne, vous souhaitez que la suture de la
brèche utérine soit faite sur deux plans. Si vous avez déjà eu une
césarienne et que vous êtes de nouveau enceinte, prenez soin de
faire vérifier que le placenta ne s’est pas inséré sur la cicatrice
utérine avant de faire un essai de travail en vue d’un AVAC.

Césarienne programmée : l’histoire non révélée


Le choix du Dr Brenda Sylvester (un pseudonyme) pour la
naissance de son second bébé fut réellement motivé par la façon
dont s’était déroulée la naissance du premier. Bien qu’elle se fût
préparée à un accouchement par voie basse en suivant des cours de
préparation à la naissance selon la méthode Lamaze (accouchement
« sans douleur »), son premier bébé s’avéra être en siège au
septième mois et toutes les tentatives de versions par manœuvres
externes échouèrent. Certaine qu’aucun obstétricien des hôpitaux de
la ville n’accompagnerait un accouchement par voie basse pour une
présentation du siège pour quelque mère que ce fut, encore moins
pour une collègue accouchant de son premier bébé, le Dr Sylvester
se résigna à une césarienne programmée. Elle vécut cette
expérience avec la satisfaction d’avoir fait le meilleur choix pour son
bébé. L’opération chirurgicale ne fut pas une partie de plaisir, mais
elle n’avait jamais espéré qu’elle le fût.
Deux ans et demi plus tard, un nouveau test de grossesse positif à
la main, elle savait à l’avance qu’une deuxième césarienne se
profilait. Elle était consciente qu’un AVAC était possible, mais elle
n’était pas certaine de vouloir tenter sa chance. Elle pensait qu’une
césarienne itérative103 était moins risquée qu’un essai de travail.
Jeune trentenaire, elle était en excellente santé et n’avait eu aucune
complication pendant sa grossesse. Sa césarienne fut pratiquée par
l’un des médecins respecté et très expérimenté d’un groupe
d’obstétriciens et de sages-femmes. Après la naissance du bébé, un
petit garçon en bonne santé et tout à fait à terme, des étudiants en
médecine (futurs obstétriciens en formation) furent chargés de la
surveillance postopératoire. Si une complication survenait, il était de
leur responsabilité d’en informer le médecin de garde.
Le lendemain de l’opération, les infirmières qui s’occupèrent du Dr
Sylvester furent inquiètes de ne pas réussir à entendre de
borborygmes à l’auscultation abdominale. De plus, elles trouvaient
qu’elle se plaignait de douleurs abdominales plus que de raison et sa
température était légèrement élevée. Elles essayèrent d’alerter les
étudiants à plusieurs reprises à propos de ces symptômes, mais ils
leur rétorquèrent de ne pas s’inquiéter, car eux avaient bien entendu
des borborygmes et ils étaient en liaison avec le médecin de garde.
Trois jours après l’opération, les analyses sanguines du Dr Sylvester
montraient une légère augmentation du taux de globules blancs
(hyperleucocytose) et d’autres analyses furent faites. En l’espace de
vingt-quatre heures, elle faisait un choc septique et était mise sous
respiration artificielle. Trois jours plus tard, elle décéda des suites
d’une infection massive provoquée par une blessure intestinale
infligée au cours de la césarienne qui n’avait pas été repérée par les
médecins et les étudiants. Toutes les infirmières du service étaient
furieuses, car elles savaient que ce décès aurait pu être évité si leurs
inquiétudes avaient été prises au sérieux. Ce qui les rendit encore
plus tristes fut que la famille du Dr Sylvester n’eut pas conscience
que les infirmières avaient essayé sans succès d’alerter le médecin
de garde de son état au moment où quelque chose aurait encore pu
être tenté pour la sauver. Aucune d’elles ne put se permettre de
« cracher le morceau », aussi gardèrent-elles le silence et leur
travail. L’une d’entre elle, pourtant, m’a raconté toute l’histoire.
La plupart des gens n’ont pas conscience qu’il arrive que des
femmes meurent des suites d’une césarienne, même si elle était
programmée et non pas faite en urgence. Il est rare qu’une tragédie
comme celle-ci soit médiatisée. La plupart des décès maternels aux
États-Unis sont gardés secrets. Peu de gens ont les moyens de
savoir que la plupart des décès maternels ont lieu à l’hôpital ou
qu’une intervention chirurgicale inutile peut s’avérer mortelle. Le
début du XXIe fut marqué par la révélation de l’Institute of Medicine
of the National Academies of Science qui déclarait qu’aux États-Unis,
environ 100 000 personnes meurent chaque année des suites d’une
erreur médicale. Certaines d’entre elles – trop nombreuses – sont
des femmes enceintes.
Comment les femmes peuvent-elles faire un choix éclairé s’il leur
manque une partie de l’information utile ? Combien sont-elles à
savoir, par exemple, que parmi les risques associés à la césarienne
(y compris programmée), on trouve :
une hémorragie nécessitant une transfusion.
une hystérectomie (ablation de l’utérus) pour contrôler une hémorragie massive.
une blessure accidentelle des intestins susceptible d’induire une péritonite, une
éventuelle colostomie ou le décès.
une incision accidentelle de l’artère utérine.
un dommage chirurgical sur la vessie ou l’uretère.
une infection du post-partum.
une rupture de la cicatrice, une douleur ou une insensibilité à son niveau.
des complications liées à l’anesthésie (notamment de sévères douleurs dorsales
persistantes, la paralysie et le décès).
une embolie pulmonaire.

Quand la césarienne est programmée, qu’elle n’est donc pas


pratiquée en urgence, les risques de décès maternel sont trois fois
plus élevés qu’en cas d’accouchement par voie basse.104
La césarienne comporte des risques pour l’enfant également. Si
elle est pratiquée en urgence, il est probable que les risques associés
à l’intervention soient moindres par rapport à ceux encourus au cas
où elle ne serait pas pratiquée. Mais si la césarienne n’a pas
d’indication thérapeutique et que le bébé ne présente pas de
difficultés, l’opération chirurgicale lui fait courir un risque inutile. Les
risques dans ces cas-là sont :
coupures cutanées lors de l’intervention (2 % de toutes les césariennes ; en cas de
présentation du siège, l’incidence est même de 6 %).105
détresse respiratoire, une cause majeure de mortalité néonatale ; le risque est
nettement abaissé si la césarienne n’est pratiquée qu’une fois le travail en route.
Néanmoins, la plupart des femmes qui font le choix d’une césarienne n’entrent jamais
en travail, car programmer l’opération représente une priorité pour elle et leur
obstétricien.106, 107
prématurité accidentelle induite par une césarienne pratiquée de manière trop
précoce (prématurité iatrogène). Même après plusieurs échographies, le risque d’une
prématurité iatrogène ne peut être écarté.

Les risques encourus par la femme suite à une césarienne ne se


limitent pas à la grossesse actuelle, mais peuvent concerner les
grossesses futures en raison de la cicatrice utérine.
Une césarienne peut entraîner :
une fertilité réduite.
des adhérences abdominales susceptibles d’induire une occlusion intestinale. Cette
complication peut survenir même sans grossesse ultérieure et comporte un risque
vital. Je connais deux femmes qui ont souffert d’occlusions intestinales graves vingt-
cinq ans après leur césarienne. L’une d’elle, une de mes bonnes amies, en est morte.
un risque accru de grossesse extra-utérine.
un risque accru de placenta prævia (le placenta s’est inséré sur le col de l’utérus).
un risque accru de placenta accreta (le placenta s’insère trop profondément dans la
paroi utérine pour pouvoir s’en détacher facilement ; une hémorragie massive et
souvent mortelle en résulte).
un risque accru d’hématome rétro-placentaire (le placenta se décolle
prématurément de la paroi utérine, privant le bébé de sa seule source d’oxygène).
un risque accru de rupture utérine.

Le professeur G. J. Kloosterman, célèbre obstétricien néerlandais,


fit l’observation suivante en 1984 : « Nous ne pouvons en aucune
manière améliorer la grossesse normale et le travail normal chez la
femme en bonne santé ; nous pouvons la modifier, mais pas
l’améliorer. »108 Cette déclaration est toujours vraie, en dépit de
l’interventionnisme galopant en obstétrique.
La césarienne et, plus rarement, le déclenchement artificiel du
travail sont quelquefois nécessaires pour la sécurité de la mère ou de
l’enfant. Il faut néanmoins reconnaître que la césarienne présente un
risque vital plus grand pour la mère. Ce risque peut encore
augmenter si de nouvelles pratiques chirurgicales se répandent
avant que leur éventuelle nocivité n’ait été convenablement évaluée.
Je vous prie de comprendre que je ne souhaite pas effrayer, mais
informer. Dans ce chapitre, j’ai gardé à l’esprit les mots que j’ai
entendus dans la bouche d’un trop grand nombre de femmes :
« J’aurais aimé le savoir avant d’accoucher. »
Au cours des trente dernières années, j’ai pu observer les
différentes modes qui se sont succédé et qui ont influencé
l’obstétrique moderne. Une chose n’a malheureusement pas
changé : la quête de la panacée susceptible de résoudre la douleur
et les inconvénients de l’enfantement continue de conduire un grand
nombre d’obstétriciens et de sages-femmes à expérimenter – ou au
moins à convaincre les femmes qu’une telle panacée existe
dorénavant – alors que les femmes n’ont pas conscience de ce
phénomène.
CHAPITRE 12

Accouchement vaginal après césarienne (AVAC)104

Depuis plus d’une génération, plus d’un cinquième des Américaines


accouchent par césarienne. [À l’heure actuelle, c’est même 1 sur 3.
La proportion est la même en Suisse tandis qu’au Canada, en France
et en Belgique, c’est environ 1 femme sur 5 qui accouche par
césarienne (et même 1 primipare sur 4 en France).105] Avec un taux
aussi élevé de naissances chirurgicales, la question du mode
d’accouchement après une césarienne antérieure se pose pour de
plus en plus de femmes. Si vous êtes l’une d’entre elles, vous aurez
probablement déjà remarqué qu’il règne une grande confusion, voire
des contradictions, dans les informations qui circulent à propos de
l’accouchement vaginal après césarienne (AVAC).
Les données médicales au sujet de l’AVAC sont en réalité plus
claires que certaines interprétations médicales et médiatiques ne le
laissent entendre. La césarienne est un acte chirurgical qui présente
les mêmes risques pour la mère que toute chirurgie abdominale
majeure et donc une majoration considérable des risques par
rapport à un accouchement par voie basse. Avec une césarienne
itérative (répétée), elle a 3 fois plus de chances de mourir et
approximativement 5 à 10 fois plus de risques de souffrir de
complications à court terme – infection, perte sanguine grave,
transfusion, complication suite à l’anesthésie, dommage de la vessie,
des intestins ou de l’urètre – de même qu’elle s’expose, à plus long
terme, à une occlusion intestinale, une hystérectomie, une grossesse
extra-utérine, une infertilité et des complications placentaires
dangereuses. Plus une femme subit de césariennes et plus les
risques qu’elle encourt sont majorés. La plupart des complications
précitées réclament, au bas mot, des semaines de convalescence et
s’accompagnent de désagréments, de traumatismes émotionnels et
de frais. Selon le Dr Marsden Wagner, pédiatre expert en
néonatologie et en périnatalité et ancien responsable du
département des soins maternels et infantiles à l’OMS, si les femmes
perdaient la possibilité d’un AVAC, on pourrait s’attendre aux États-
Unis à au moins 12 décès maternels par an à cause des suites d’une
césarienne inutile, sans parler des milliers de dommages corporels et
autres pathologies.
L’AVAC, d’un autre côté, ne présente pas de risques quand les
autres facteurs de majoration des risques comme le recours au
Cytotec® et autres déclenchements aux prostaglandines n’y sont
pas associés. Le risque de rupture utérine chez une femme qui a
subi une incision « segmentaire basse » (localisation la moins
risquée pour une suture) a toujours été et demeure d’environ 0,5 %.
[Précisons ici que, sous le terme de « rupture utérine », on
regroupe souvent la simple déhiscence et la rupture utérine
complète. Le muscle utérin – composé de fibres musculaires – est
entouré d’une membrane. Lors de l’accouchement (même sans
antécédent de césarienne), il peut arriver qu’en s’étirant, les fibres
s’écartent et que l’utérus ne soit plus fermé que par la membrane
qui l’entoure. Il s’agit d’une déhiscence. Cela n’entraîne
généralement pas de complications – il arrive néanmoins que le
travail s’en trouve ralenti et qu’on pratique une césarienne pour
défaut de progression – et peut même passer inaperçu. Ce n’est que
lorsque la membrane se déchire que la rupture utérine est dite
complète. Ce genre de rupture ne se produit généralement pas de
manière brutale. Des signes annonciateurs (rythme cardiaque fœtal
inquiétant, défaut de progression, douleur qui persiste entre les
contractions) laissent penser qu’une rupture de la membrane utérine
risque de survenir et qu’il faut intervenir.]
Changements d’opinion par rapport à l’AVAC

Au cours de la plus grande partie du XXe siècle, les obstétriciens


nord-américains ont automatiquement programmé une césarienne
itérative chez les femmes précédemment césarisées, car ils
craignaient la rupture de l’utérus cicatriciel au cours de
l’accouchement. (Leurs confrères européens ont, pour la plupart,
compris depuis longtemps que l’AVAC est sans danger dans la
plupart des cas.) Beaucoup d’obstétriciens nord-américains partaient
du principe que ces femmes avaient eu une première césarienne du
fait d’une malformation, laquelle était susceptible de persister à la
grossesse suivante. Aucune de ces allégations ne s’est avérée.
[La technique de la césarienne a beaucoup évolué tout au long du
e
XX siècle. Aussi longtemps que l’incision classique (verticale et
corporéale) du muscle utérin est restée la technique employée, les
obstétriciens étaient en droit de redouter une rupture de l’utérus
cicatriciel. Or, à partir des années 1950, une nouvelle technique,
l’incision segmentaire basse, a progressivement supplanté l’ancienne
technique. Son principal atout étant la bonne qualité de la cicatrice
utérine.]106
Au cours des années 1970, à l’heure où le mouvement pour
l’accouchement à domicile battait son plein aux États-Unis, une autre
campagne attira promptement l’attention de la nation. Alors que la
plupart des femmes précédemment césarisées suivaient le conseil de
leur médecin et subissaient des césariennes itératives, quelques
femmes sceptiques et combatives argumentèrent auprès de leurs
obstétriciens et gagnèrent leur coopération pour essayer un
accouchement par voie basse. Après avoir réussi, elles écrivirent des
livres et créèrent des associations qui remettaient en question les
hypothèses acceptées de longue date par les obstétriciens au sujet
de l’AVAC, de la rupture utérine et des aptitudes des femmes. Au
début des années 1980, un de ces livres, Silent Knife107 de Nancy
Wainer, a fait la une du Wall Street Journal qui titrait « La bible (de
la prévention en matière de césarienne) ». Quand beaucoup d’autres
femmes suivirent ce mouvement et qu’une poignée de médecins
devinrent de fervents partisans de l’AVAC, les statistiques sur l’AVAC
commencèrent à paraître pour la première fois. Les résultats étaient
encourageants et rassurants. En comparant les femmes qui
essayaient l’AVAC avec celles qui subissaient des césariennes à
répétition, les chercheurs trouvèrent que :
les tentatives d’AVAC représentaient un moindre risque pour les mères (avec
antécédents de césarienne « segmentaire basse ») et un risque égal pour les bébés
que les césariennes itératives.
près de 80 % des femmes qui faisaient une tentative d’AVAC accouchaient
effectivement par voie basse.

En 1988, quand le taux de césariennes atteignit 25 % aux États-


Unis, l’ACOG108 se rallia aux rangs des défenseurs du droit des
femmes à essayer, dans la plupart des cas, d’accoucher par voie
basse après une césarienne. Le taux d’AVAC augmenta
considérablement entre 1970 – où seules 2 % des femmes
essayaient l’AVAC – et 1996 – où 28 % des femmes précédemment
césarisées accouchaient par voie basse. (Depuis 1996, le taux
d’AVAC aux États-Unis a chuté drastiquement pour les raisons que je
donne plus bas.) En 1995, le taux de césariennes aux États-Unis
était redescendu à 21 %, en grande partie grâce au nombre
croissant d’AVAC.109 [En effet, l’antécédent de césariennes arrive en
tête de liste en France (24,6 % en 2001) des indications pour
lesquelles une césarienne est pratiquée. Ainsi, en 2001, 68,8 % des
femmes qui accouchaient avec un antécédent de césarienne ont été
de nouveau césarisées.109 On comprend la corrélation entre le taux
d’AVAC et celui des césariennes.]
L’ACOG publie des bulletins sur les AVAC depuis la fin des années
1980. Celui de 1995 recommandait de limiter les césariennes en ne
pratiquant que celles médicalement nécessaires. Les obstétriciens
étaient incités à encourager les femmes à essayer d’accoucher par
voie basse, car cela permettrait de réduire la durée de
l’hospitalisation, de diminuer le nombre de transfusions et la
présence de fièvres du post-partum, ainsi que d’économiser plus de
quatre mille dollars par naissance.110 Non seulement cette politique
serait préférable pour la santé des mères, déclarait l’ACOG, mais elle
ne présenterait pas de majoration des risques pour leur bébé.
L’ACOG précisait aussi que si elles souhaitaient essayer d’accoucher
par voie basse, les femmes ayant déjà subi deux césariennes (ou
davantage) ne devaient pas être découragées de tenter un AVAC,
dans la mesure où elles ne présentaient pas de contre-indications, et
qu’il ne fallait pas non plus automatiquement décourager celles qui
attendaient un gros bébé ; enfin, les AVAC ne devaient pas être
l’apanage exclusif des grands hôpitaux. Toutes ces recommandations
étaient étayées par des données publiées citées dans les notes du
bulletin.
Toutefois, en dépit des recommandations de l’ACOG en 1995 et
des données sur lesquelles elles s’appuyaient, certains médecins
continuèrent à préférer la commodité d’une césarienne itérative
programmée, laquelle présentait de surcroît la sécurité d’un risque
médico-légal minoré. À la question : « Devrait-on repenser les
critères d’indications de l’AVAC ? » publiée dans un magazine
spécialisé, lu par un grand nombre d’obstétriciens, on trouvait, entre
autres, ces réponses :
« Risque médico-légal = procès multimillionnaire : un seul procès suffit à ruiner
votre vie et l’avenir de votre famille. »

(Remarquez que la préoccupation de ce médecin est son propre


bien-être et celui de sa famille et non pas celui de la parturiente et
de son enfant.)
« Les risques pour la mère et l’enfant avec un AVAC sont bien plus grands qu’on ne
l’admet. La césarienne, exécutée par un chirurgien compétent en obstétrique, n’est
qu’une autre façon de mettre au monde un enfant. »
« J’ai été le témoin direct de cas graves présentant une rupture utérine ou vésicale,
particulièrement dans des cas où la péridurale ou les utérotoniques (ocytocine et
prostaglandines) étaient utilisés. »
« Ce sont les césariennes de première intention, pas les AVAC, qui mettent les
femmes en danger… Pourquoi les césariennes de première intention sont-elles plus
fréquemment pratiquées entre 10 h et 18 h ? »

(Cette réponse, visiblement faite par un obstétricien qui pense


qu’on pratique trop de césariennes, met l’accent sur le facteur de
convenance.)
En 1998, l’ACOG faisait un brusque revirement par rapport à sa
position d’encourager l’AVAC en publiant un nouveau bulletin
relativement différent sur la question.111 Une nouvelle version de ce
document, publiée en 1999112, annulait les recommandations de
1995 selon lesquelles « les césariennes itératives ne devraient pas
être pratiquées de façon systématique, mais plutôt en cas
d’indication spécifique » et recommandait fortement qu’un
obstétricien capable d’exécuter une césarienne d’urgence soit
« immédiatement disponible » quand une femme fait un essai de
travail (EDT) en vue d’un éventuel AVAC. Les mêmes
recommandations précisaient que le personnel et le matériel
nécessaires pour faire une anesthésie et une césarienne d’urgence
devraient être disponibles dans tous les hôpitaux où les femmes
seraient autorisées à faire un essai de travail.113 Relativement peu
d’hôpitaux sont en mesure d’offrir un service d’urgence vingt-quatre
heures sur vingt-quatre à hauteur de ce que ces documents
stipulent, si bien que, depuis les publications des bulletins de 1998
et de 1999 de l’ACOG, un nombre croissant de femmes qui
souhaitent faire un essai de travail signalent que leur praticien
prévoit une césarienne itérative. Dans beaucoup de régions aux
États-Unis, celles qui choisissent d’accoucher à l’hôpital ne peuvent
plus faire d’essai de travail.
[En France, le Cngof n’a pas publié de Recommandation pour la
pratique clinique (RPC) au sujet de l’AVAC. En revanche, ses
équivalents suisse et canadien (respectivement la SGGG et la SOGC)
l’ont fait. La SOGC conclut : « L’essai de travail devra être envisagé,
à la suite d’une discussion appropriée, chez les femmes ayant déjà
subi une césarienne qui ne présentent aucune autre contre-
indication. L’efficacité et l’innocuité de l’essai de travail chez les
parturientes ayant déjà subi une césarienne, sélectionnées de façon
appropriée, au sein d’un hôpital disposant des ressources
nécessaires à l’exécution d’une césarienne opportune, sont bien
étayées. Le soutien de la patiente en travail, y compris la
surveillance étroite de l’état de cette dernière et de son fœtus en
vue de déceler toute complication, est recommandé. »110 La SGGG,
en collaboration avec la SPO111 publie, dans une feuille d’information
à destination des femmes enceintes (et rédigée d’après les RPC de la
SGGG) : « Pour autant qu’il n’y ait pas une indication claire à une
césarienne planifiée, le choix entre les deux modes d’accouchement
reste ouvert. Les deux modes d’accouchement présentent des
avantages et des inconvénients (risques, complications)… Dans tous
les cas, votre situation individuelle doit être évaluée par votre
médecin et discutée avec vous. »]
Les derniers bulletins de l’ACOG stipulent qu’il est controversé de
permettre un EDT en cas de présentation du siège, de grossesse
multiple, de pronostic de gros bébé (macrosomie fœtale), ou encore
de dépassement du terme (expression qui semble signifier, pour
certains praticiens, le lendemain de la date présumée
d’accouchement et non plus au-delà de la 42e semaine comme
auparavant). Toutes les recommandations susmentionnées de
« contre-indications » d’essai de travail en vue d’un AVAC ne
reposent sur aucune donnée probante. Tandis que le bulletin de
1995 de l’ACOG offre une argumentation scientifique destinée à
convaincre, ceux de 1998 et de 1999 sont truffés d’allégations sans
fondements et lourdes d’implications. À titre d’exemple : « Les
études indiquent que les complications maternelles et infantiles sont
aussi associées à un essai de travail infructueux. De plus en plus, ces
complications survenues au cours d’un essai de travail mènent à des
poursuites judiciaires pour erreur médicale. » Aucune source n’est
citée pour étayer l’affirmation concernant les complications
maternelles et infantiles, car aucune étude ne la soutient.
L’allégation au sujet des poursuites pour erreur médicale, elle, en
revanche, fait référence à trois sources. Incidemment, la crainte de
l’ACOG face au litige médico-légal (jamais mentionné dans le bulletin
de 1995) transparaît dans la recommandation faite aux obstétriciens
d’« informer la patiente des risques et des avantages associés à
l’AVAC » sans que soit suggérée la nécessité d’en faire autant pour
les risques et les avantages d’une césarienne itérative.
Malheureusement, les dernières recommandations de l’ACOG
ferment la porte de l’AVAC à la plupart des femmes césarisées. Pour
elles, c’est le retour aux années 1970, quand peu d’obstétriciens
concédaient qu’une femme avec des antécédents de césarienne
puisse avoir le choix du mode d’accouchement ultérieur.
[Le taux d’AVAC aux États-Unis s’en ressent d’ailleurs puisqu’il a
chuté de manière spectaculaire depuis le pic de 28,3 % atteint en
1996. En effet, il est retombé à 16,4 % en 2001, puis à 8,5 % en
2007. Au Québec, le taux d’AVAC a beaucoup progressé, passant de
1,5 % en 1981-82 à 36,4 % en 1999-2000.112]

L’AVAC à The Farm

À The Farm, mes consœurs et moi-même accompagnons des


accouchements par voie basse après césarienne depuis près de vingt
ans. Plus de 98 % des femmes qui ont fait un essai de travail auprès
de nous ont pu accoucher ainsi. Seules 2 femmes ont nécessité un
transfert à l’hôpital en cours de travail, car nous suspections une
déhiscence (amincissement extrême ou désunion de la cicatrice)
susceptible de se solder par une rupture utérine. Leur bébé
naquirent par césarienne et aucune d’elles n’eut de rupture utérine.
Tous les bébés dont les mères ont eu un AVAC avec nous étaient en
bonne santé. Nous connaissons des femmes de la communauté
amish qui, après une césarienne pour leur premier bébé, ont eu
ensuite 12 ou 13 AVAC sans aucun problème. Mes consœurs et moi-
même pensons que nos résultats probants en matière d’AVAC sont
en partie dus au fait que nous n’avons pas recours aux
prostaglandines ou aux ocytociques (utérotoniques), que ce soit
pour déclencher ou pour accélérer le travail.
Nous savons qu’en cas d’urgence, nous pouvons téléphoner à
l’hôpital de notre secteur, faire une description de l’urgence en
question et prendre la route, sûres que l’équipe hospitalière se
prépare à l’arrivée de notre patiente. Le délai qui s’écoule entre la
décision de faire une césarienne et l’incision chirurgicale en elle-
même est inférieur à celui de la plupart des hôpitaux.
Nous avons été en mesure de proposer un accompagnement
extra-hospitalier à la majorité des femmes qui souhaitaient tenter un
AVAC auprès de nous. La liste qui suit mentionne les cas dans
lesquels nous ne nous sentons pas à l’aise de proposer un AVAC
extra-hospitalier :
Les femmes dont le placenta est inséré sur la cicatrice utérine.
Les femmes qui ont déjà eu au moins 3 césariennes (à moins qu’elles n’aient
accouché par voie basse depuis).
Les femmes dont la césarienne a été faite avec la méthode classique (incision
corporéale verticale), à moins qu’elles n’aient déjà accouché par voie basse depuis.

Nous avons accompagné l’AVAC en milieu hospitalier d’une femme


qui avait eu 4 césariennes, puis nous avons accompagné son
accouchement suivant, un AVAC en milieu extra-hospitalier. Nous
autres sages-femmes de The Farm continuerons à accompagner les
AVAC aussi longtemps que les femmes en auront envie. Nous
commençons par nous assurer que le placenta n’est pas inséré sur la
cicatrice utérine. Si nous découvrions un cas de placenta accreta
(increta ou percreta) à l’échographie (ce qui n’a jamais été le cas),
nous en référerions à un obstétricien hautement qualifié pour un
suivi médical spécifique. Le Dr Mayer Eisenstein témoigne lui aussi
d’une pratique à domicile de l’AVAC avec un taux de réussite
remarquable. En vingt-sept ans de pratique et plus de 14 000
accouchements à domicile, il a accompagné plus de 1 000 AVAC.
Plus de 90 % des femmes qui ont fait un essai de travail ont pu
mettre leur enfant au monde par voie basse.114
Il serait possible de développer des réseaux obstétricaux grâce
auxquels les femmes qui souhaiteraient faire un essai de travail en
vue d’un AVAC pourraient le faire à la maison, en maison de
naissance, [sur plateau technique] ou en petite maternité, sous la
surveillance étroite de leur sage-femme et en présence de leur
entourage. Un tel réseau nécessiterait une correspondance et une
collaboration étroites entre les praticiens de périnatalité (sage-
femme, obstétricien, pédiatre, etc.).113

Optimisez vos chances d’avoir un AVAC


Il est probable que le meilleur moyen d’augmenter vos chances
d’accoucher par voie basse après une ou plusieurs césariennes est
encore de choisir d’accoucher avec un praticien dont le taux de
réussite pour les AVAC est supérieur ou égal à 70 %. Il existe des
praticiens qui affichent un tel taux de réussite. En dépit de la phobie
du risque médico-légal, beaucoup savent que les chances de réussite
d’un AVAC n’ont pas changé et s’investissent pour offrir aux femmes
le type d’accompagnement qu’elles désirent. En bref, choisissez
quelqu’un qui croit en l’AVAC.
Évitez le recours aux prostaglandines et aux ocytociques pour
déclencher ou accélérer le travail. Si vous êtes inquiète en raison
d’une dilatation trop lente, essayez de vous immerger dans un bain
ou d’arpenter les couloirs et de retrouver une atmosphère d’intimité.
Refusez la perfusion intraveineuse de routine et assurez-vous d’avoir
bien mangé avant de vous rendre à l’hôpital (si vous comptez y
aller). Essayez d’en trouver un où l’on vous laissera libre de boire et
de manger pendant le travail. Enfin, limitez au maximum les
touchers vaginaux. Un praticien expérimenté peut généralement
estimer le degré de dilatation du col en observant la respiration et le
langage corporel de la mère. Si on vous incite à faire une péridurale,
essayez de résister. (Il y a des cas, en fin de travail, où une
péridurale peut aider mais selon moi, on ne devrait pas recourir à la
péridurale en début de travail dans le cas d’un essai de travail en vue
d’un AVAC.)
Pour finir, passez votre grossesse à chérir votre utérus et votre
bébé. Je veux dire littéralement. La pensée positive influence
favorablement l’issue de la naissance, alors allez-y !
CHAPITRE 13

Choisir un praticien114

L’issue de votre accouchement, surtout en termes de médication et


d’interventions médicales, sera largement influencée par le praticien
qui l’accompagnera et donc, en amont, par votre choix. Qui
choisirez-vous pour vous accompagner dans cet acte majeur de
votre vie sexuelle et de la vie de votre enfant ? Évidemment, votre
choix sera influencé par l’opinion du père, le niveau de risque115 de
votre grossesse et la position des professionnels que vous
rencontrerez. En effet, leur position ne sera pas uniforme. La
pratique d’un professionnel découle de sa formation, de son
expérience, de la mise à jour de ses connaissances, d’un consensus
d’usage, de ses croyances personnelles, du cadre dans lequel il
exerce, etc. Autant de données qui ne sont pas toujours actualisées
ni même objectives et qui ne prennent pas forcément en compte
votre individualité. Dans tous les cas, il peut être judicieux de se
tourner vers un professionnel qui évalue régulièrement sa pratique,
la questionne, la confronte aux résultats des dernières études et des
données probantes, l’adapte aussi pour respecter le droit à la
différence. Recherchez un professionnel ouvert au dialogue. Cela
étant dit, souvent, vous n’aurez pas affaire à un seul praticien mais à
plusieurs travaillant en équipe ou en réseau dans un continuum plus
ou moins harmonieux. En effet, le contexte périnatal actuel ne vous
offrira que rarement la possibilité d’un accompagnement global, à
savoir être suivie tout au long de votre grossesse, de votre
accouchement et de vos suites de couches par le même praticien (en
général une sage-femme).
Dans nos pays riches, le système de santé vous garantira plus
volontiers un accompagnement technico-médical que physiologique.
Pourtant, une vision maximaliste du risque – qui conçoit a priori
toute grossesse comme à « haut risque » – entraîne une
surmédicalisation des grossesses physiologiques (80 % des
grossesses) et un interventionnisme susceptible d’entraîner des
complications pour la mère ou l’enfant, comme le souligne le rapport
de la mission périnatalité, rédigé en 2003 à la demande du ministre
de la Santé français par un épidémiologiste, un gynécologue-
obstétricien et un pédiatre : « Si la nécessité de soins intensifs ne
fait aucun doute dans les situations à haut risque, le débat est
beaucoup plus ouvert dans les situations à faible risque. Dans ces
situations, il a été montré que l’excès de surveillance pouvait être
iatrogène116. Les données disponibles laissent penser qu’il faudrait à
la fois faire plus et mieux dans les situations à haut risque et moins
(et mieux) dans les situations à faible risque. » De plus en plus
d’études montrent qu’il est sage de partir plutôt du principe que la
grossesse est un évènement a priori physiologique qu’il faut
surveiller.
Il ne sera pas toujours facile de déterminer d’emblée si
l’accompagnement qu’on vous propose correspond à vos souhaits,
d’autant que votre position ne sera pas forcément tranchée ni
éclairée (par la présentation d’une information loyale, claire et
appropriée de la part des praticiens de santé).117 Il vous faudra peut-
être un peu de temps pour faire le tri entre vos peurs et vos envies,
entre vos croyances et celles des autres. Le choix d’un praticien – et
a fortiori d’une équipe de praticiens – n’est pas toujours un
processus rapide. Il nécessite souvent un ajustement entre l’offre et
la demande.
Néanmoins, votre choix restera limité par deux contraintes : le
« niveau de risque » de votre grossesse et l’offre de soins
accessibles dans un rayon géographique raisonnable. Il est évident
qu’une quadragénaire avec un antécédent de césarienne ou un bébé
en siège aura un choix plus restreint qu’une trentenaire avec un
bébé en présentation céphalique, et ce d’autant plus que l’offre sera
limitée dans son secteur. Cela dit, la détermination de la mère à être
actrice de son accouchement plutôt que de se « laisser accoucher »
permettra peut-être à la première d’avoir un accouchement plus libre
qu’à la deuxième.
À l’heure actuelle, en France, les options en matière de lieu
d’accouchement sont au nombre de trois : la maternité (et son
pendant privé, la clinique), le domicile et, exceptionnellement, le
pavillon de naissance (aussi appelé projet pilote ou préfiguration de
« maison de naissance »). Heureusement, l’offre est un peu plus
élargie qu’il n’y paraît. En effet, certaines maternités offrent la
possibilité d’accoucher en pôle physiologique (aussi appelé « salle
nature ») tandis que certaines cliniques (et quelques rares
maternités) ouvrent leur plateau technique aux sages-femmes
libérales qui proposent un accompagnement global. Au Québec, en
Belgique et en Suisse, les femmes auront de plus la chance de
pouvoir accoucher dans de véritables maisons de naissance.

L’accompagnement morcelé
118

L’accouchement en salle de naissance classique d’une maternité


La salle d’accouchement, même quand elle s’appelle salle de
naissance, n’est pas l’endroit idéal pour vivre un accouchement
physiologique et certainement pas un accompagnement global (à
moins que votre sage-femme libérale n’ait accès au plateau
technique de la maternité). Vos chances de bénéficier de soins
personnalisés seront d’autant plus faibles que vous accoucherez
dans le service obstétrique d’une grande structure, une de ces
« usines à bébés », comme on les appelle parfois. Vous risquez
d’être soumise à des gestes médicaux inutiles, mais protocolaires.
N’hésitez pas cependant à discuter, à rédiger un projet de naissance,
à poser des questions sur les pratiques et les statistiques de cette
maternité. En France, ayez en tête la loi du 4 mars 2002, qui stipule
que les praticiens doivent requérir le consentement libre et éclairé
des patients et accepter leur refus de se soumettre à un traitement
après les avoir informés des éventuelles conséquences de ce refus.
Les recommandations professionnelles publiées par la Haute Autorité
de Santé en avril 2005 : « Comment mieux informer les femmes
enceintes ? » insistent aussi sur la délivrance d’une information de
qualité. Vous avez donc droit au dialogue, à l’information et au refus
de certaines pratiques.
Ne vous laissez pas impressionner par le paternalisme adopté par
certains professionnels. Ne vous laissez pas infantiliser au moment
où vous vous apprêtez à devenir les parents d’un petit être. Prenez
plusieurs avis, consultez plusieurs sources d’information, même
quand votre bébé est en siège, « en retard », que vous avez déjà eu
une césarienne, etc. Et pensez à vous méfier des diagnostics hâtifs
et alarmistes de placenta prævia,119 de disproportion fœto-
maternelle ou encore de retard de croissance ou de dépassement de
terme.120 Gardez à l’esprit que la sécurité apportée par la technologie
n’est pas la seule à pouvoir influencer favorablement l’issue de votre
accouchement. La technologie pourra même parfois présenter un
risque accru. Par exemple, le monitoring continu pendant le travail
d’une femme à faible risque est associé à une augmentation du
nombre de césariennes en urgence, sans aucun bénéfice de santé à
long terme. De même, l’utilisation de la péridurale durant le travail
augmente le recours aux forceps et à la ventouse.121
L’accompagnement technico-médical n’est pas forcément synonyme
d’accouchement sécuritaire – surtout pour les grossesses
« normales ». La sécurité affective joue, elle aussi, un grand rôle,
comme le souligne le premier des treize points du document « Suivi
et accompagnement des grossesses physiologiques par les
maternités – Fondamentaux » rédigé par le groupe de travail issu de
la Commission nationale de la naissance (CNN – récemment devenu
Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant) :
« La grossesse et l’accouchement sont des processus physiologiques
et naturels qui nécessitent un accompagnement respectant la
sécurité affective et un suivi médical assurant une prise en charge
adaptée. »
L’accouchement en pôle physiologique au sein d’une maternité
Même si les parents ne peuvent prétendre à un accompagnement
global auprès d’une équipe périnatale hospitalière, ils peuvent
parfois demander un accouchement physiologique en « salle
nature ». Les pôles physiologiques, au sein des maternités, se
multiplient à l’heure actuelle, mais tous les futurs parents n’auront
pas la chance d’en avoir un dans leur secteur. Par ailleurs, pour
accoucher en « salle nature », il faut que la grossesse reste dans le
cadre de la physiologie et que les parents manifestent le souhait
d’un accompagnement physiologique lors du suivi de grossesse (au
cours de l’entretien du 4e mois, par exemple).
La « salle nature » est moins équipée au plan médical (appareil de
surveillance médicale, perfusion ou péridurale) qu’une salle de
naissance classique et l’accouchement sera orienté vers une prise en
charge plus physiologique. Néanmoins, toute complication ou tout
désir d’anesthésie pourra conduire au transfert de la femme en salle
d’accouchement classique. Les pôles physiologiques sont souvent
équipés d’un lit normal ou d’un « divan d’accouchement » (qui
remplacent ou complètent la table d’accouchement), et de divers
attributs et accessoires allant de la baignoire au ballon de naissance,
en passant par la suspension en tissu et le tabouret de naissance.
Certaines salles seront plus « natures » que d’autres dans ces
espaces physiologiques. Mais, en général, vous pourrez compter sur
l’auscultation intermittente du rythme cardiaque du bébé au lieu du
monitoring fœtal continu, sur des techniques de gestion de la
douleur autres que le recours à la médication, sur une plus grande
liberté de mouvements pendant le travail et de positions pendant
l’expulsion.

L’accompagnement global

L’accompagnement global vous permet d’avoir un seul praticien


comme référent et donc d’établir une relation avec la personne qui
accompagnera la naissance de votre enfant. Il apporte généralement
à la mère un sentiment de sécurité affective dont on sait qu’il est un
facteur favorable à l’issue de l’accouchement, notamment en
abaissant le taux d’interventions médicales. Non seulement le jour
de l’accouchement la sage-femme vous sera familière, mais en plus,
vous bénéficierez de sa présence quasi continue pendant le travail
(autre facteur bénéfique)122. L’accompagnement global est
généralement proposé par une sage-femme exerçant son activité en
tant que libérale. La sage-femme est la spécialiste de la grossesse
normale et de l’accouchement normal. Elle jouit de l’autonomie
nécessaire pour assurer seule l’accompagnement périnatal. Elle peut
proposer un accompagnement global et prendre en charge le suivi
périnatal, de la déclaration de grossesse à l’accouchement des
grossesses à bas risque. Elle a le devoir d’en référer à un
obstétricien en cas de complication qui dépasserait le cadre de ses
compétences. À l’issue d’un accompagnement global,
l’accouchement peut avoir lieu en pavillon/maison de naissance, ou
sur plateau technique en maternité ou en clinique, ou encore à la
maison, auquel cas la mère et/ou la sage-femme pourront toujours
opter pour un transfert en maternité le jour J pour des raisons
médicales ou pour recourir à la péridurale ou une autre analgésie.
L’accouchement en pavillon de naissance (équivalent canadien :
Centre de naissance)
Un pavillon de naissance est le nom que les usagers donnent aux
projets pilotes français de « maisons de naissance ». Une « maison
de naissance » accueille un nombre limité de naissances (350
maximum par an), les femmes y restent le plus souvent peu de
temps après l’accouchement et sont ensuite suivies à domicile ; elle
est gérée de façon autonome par des sages-femmes. Comme le
précise le rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale de
2011 : « À la différence de ce qui se pratique dans d’autres pays
développés (Allemagne, Belgique, Suisse, Pays-Bas, Autriche,
Québec, États-Unis), il n’existe pas officiellement de maisons de
naissance [en France]. De fait, l’expérimentation de maisons de
naissance, annoncée dès 2001 par le gouvernement, puis reprise par
le plan périnatalité 2005-2007, n’a pu à ce jour être mise en œuvre.
[…] En l’absence de cadre juridique, des préfigurations de maisons
de naissance ont néanmoins été lancées depuis quelques années
[…]. Ces démarches ne constituent pas de véritables
expérimentations, car l’accouchement ne peut pas s’y dérouler
légalement, obligeant le recours au plateau technique de la
maternité attenante, ce qui ne permet pas l’équilibre économique de
ce mode de prise en charge. La mise en œuvre de cette
expérimentation dans un cadre juridique approprié est donc
souhaitable pour autant qu’elle fasse l’objet d’une évaluation
médico-économique rigoureuse. » À l’heure actuelle, les femmes qui
accouchent dans ces « pavillons/maisons de naissance » sont
transférées en fin de travail pour accoucher dans la salle
d’accouchement de l’hôpital auquel le pavillon est annexé.123 Quel
est l’intérêt de commencer un accouchement physiologique pour finir
par être transférée à un moment aussi peu opportun ? Peut-être
celui de l’accompagnement global proposé par les sages-femmes qui
travaillent dans ces « pavillons/maisons de naissance »,
accompagnement orienté vers un accouchement physiologique,
malgré le transfert en salle de naissance classique en fin
d’accouchement. Vous pouvez vous tenir informé à ce sujet en
consultant le site du Ciane (Collectif interassociatif autour de la
naissance).
L’accouchement sur plateau technique avec une sage-femme
libérale
Plus simplement, l’accouchement sur plateau technique signifie
que vous accoucherez dans une maternité publique ou une clinique
privée en compagnie de votre sage-femme libérale, celle qui vous
aura accompagnée tout au long de votre grossesse. À l’heure
actuelle, en France, les sages-femmes ayant accès à un plateau
technique sont peu nombreuses (probablement une vingtaine).124 Et
pour cause : les démarches pour accéder au plateau technique d’une
maternité sont lourdes. La sage-femme doit obtenir l’aval du
directeur de l’ARH (Agence régionale de l’hospitalisation), de la
Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales),
du directeur de l’hôpital, du chef de service et du conseil
d’administration. Cette procédure entrave le développement de cette
formule, qui a pourtant l’avantage de ne nécessiter aucune
restructuration profonde du système hospitalier tout en permettant
d’offrir des soins radicalement différents, à commencer par
l’accompagnement global. En cas de besoin, l’accès à la péridurale
ou à la césarienne d’urgence est quasi immédiat. Cela étant dit, les
sages-femmes libérales se sentent souvent moins libres dans leur
pratique (notamment quant à la durée de l’accouchement) sous le
regard de l’équipe hospitalière.

L’accouchement à domicile
Enfin, votre sage-femme peut accompagner votre accouchement à
domicile (AAD). C’est sans doute ainsi que la sage-femme jouit le
plus de sa liberté et de son autonomie. Il n’en reste pas moins que
ces dernières ont un prix, celui d’une grande responsabilité, car les
tarifs proposés par les compagnies d’assurance en France sont
totalement prohibitifs (de l’ordre de 17 000 à 25 000 euros par an).
Même si l’AAD en soi n’est pas interdit en France, il devient litigieux
quand les sages-femmes travaillent sans assurance, puisqu’elles
doivent légalement contracter une assurance en responsabilité civile
qui couvre tous les aspects de leur pratique (loi en vigueur depuis
2002) et qu’elles sont susceptibles d’être radiées le cas échéant.
D’après le rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale de
2011, sur les 72 sages-femmes libérales qui déclarent pratiquer les
accouchements à domicile en France, seules 4 sont assurées pour
cette activité. Or, depuis 2004, le manquement à l’obligation
d’assurance peut entraîner une amende de 45 000 euros et une
interdiction d’exercer. On comprend dès lors que les sages-femmes
qui offrent cette possibilité aux parents se trouvent dans une
position précaire et que celles qui envisagent d’adopter cette
pratique restent frileuses. Malheureusement, le rapport de la Cour
des comptes propose comme unique solution de : « faire strictement
respecter l’interdiction de réaliser des accouchements à domicile
programmés sans couverture assurantielle. » On s’étonne qu’il ne
préconise pas plutôt de trouver une solution pour que les sages-
femmes puissent être assurées pour cette activité à un tarif
compatible avec leurs revenus.
Ce problème d’assurance représente un frein certain à la prise en
charge des accouchements à domicile par les sages-femmes. L’Ansfl
(Association nationale des sages-femmes libérales) souligne que
« actuellement, les parents qui font la démarche de l’accouchement
à domicile sont donc prévenus que, en cas de problème, leur recours
envers la sage-femme sera limité à la hauteur des biens personnels
de celle-ci. En attendant l’aboutissement de discussions permettant
une réelle et complète assurance responsabilité civile professionnelle
des sages-femmes [pour la pratique des accouchements à domicile],
il s’agit donc d’un “risque” partagé dont sont informés parents et
professionnels concernés. »
Cette situation n’a pas empêché le nombre de naissances à
domicile de doubler entre 2008 (1052) et 2009 (1939).125 Et encore,
d’après une enquête menée auprès des sages-femmes libérales par
l’Ordre des sages-femmes, en 2008, 4 500 demandes de parents qui
souhaitaient accoucher à domicile n’ont pu être satisfaites (contre
3900 en 2007).
En tout cas, si vous envisagez d’accoucher à domicile, il faudra très
certainement que votre grossesse reste dans le cadre de la
physiologie – mais 80 % des grossesses sont considérées comme
« normales », ne l’oublions pas – pour qu’une sage-femme accepte
de vous accompagner dans votre projet. Vous jouirez d’une sécurité
affective du fait d’être chez vous et d’avoir établi un lien avec la
sage-femme de votre choix. Cette pratique se développe
actuellement pour la simple et bonne raison qu’elle répond à une
demande croissante des parents, même si elle ne concerne encore
que 2 à 3 % des accouchements.]

Interroger un praticien

Il n’est pas toujours facile de déterminer l’approche d’un


professionnel uniquement par le cadre dans lequel il exerce, sa
formation, etc. Les sages-femmes n’ont pas toutes la même
approche physiologique de l’accouchement, de même que tous les
obstétriciens n’ont pas forcément une approche technico-médicale,
axée sur la pathologie. Les femmes ne seront pas nécessairement
plus sensibles que les hommes en ce qui concerne
l’accompagnement périnatal.
Ce que je vous conseille, c’est de prendre votre temps pour choisir
auprès de qui vous allez faire votre suivi de grossesse et où vous
souhaitez accoucher. L’un des meilleurs moyens d’en savoir plus sur
les différents types d’accompagnement qui s’offrent à vous dans
votre secteur est de vous entretenir avec plusieurs praticiens. Soyez
attentive à votre ressenti pendant et après l’entretien. Gardez à
l’esprit que certains praticiens peuvent adapter leur discours en
fonction de ce que vous laissez transparaître de vos attentes. Vous
demanderez peut-être : « Quelle est votre pratique en matière
d’épisiotomie pour les primipares ? Quelles sont vos statistiques ? »
Ayez confiance en votre intuition. Si les réponses à vos questions
sont « bonnes », mais que vous ne vous sentez pas à l’aise en
présence d’un praticien, il est plus sage de continuer à chercher la
bonne personne.
Voici une liste de questions spécifiques que vous pourrez poser
aux praticiens avec lesquels vous vous entretiendrez.
Sage-femme pratiquant les accouchements à domicile
À quand remontent vos études de sage-femme et où les avez-vous faites ?
Quel est votre parcours ?
Avec quel médecin ou quelle équipe collaborez-vous, notamment en cas de
transfert à l’hôpital ?
Tenez-vous un registre de vos statistiques ? Pourrais-je les voir ?
Parmi les femmes que vous suivez, combien d’autres seront à terme à la même
période que moi ?
Que se passerait-il si l’une d’entre elles était en travail en même temps que moi ?
Travaillez-vous en collaboration avec une consœur ? Quel est son parcours ?
Avez-vous recours aux ocytociques ou aux prostaglandines pour déclencher le
travail ?
Quels examens prénatals prescrivez-vous ?
Quel régime alimentaire conseillez-vous aux femmes enceintes ?

(Montrez-vous méfiante à l’égard des praticiens qui conseillent de


limiter la prise de poids à 14 kg. Si vous êtes en surpoids, vous ne
devriez pas être encouragée à maigrir ou à limiter votre prise de
poids à un nombre définis de kilos. Méfiez-vous des praticiens qui
limitent la quantité de sel.)
Venez-vous avec une bouteille d’oxygène le jour de l’accouchement ?
Quelles méthodes suggérez-vous pour soulager la douleur ?
Êtes-vous capable de réanimer un nouveau-né ?
À quel hôpital serai-je transportée en cas de besoin ? Viendrez-vous avec moi ?
À quel rythme me rendrez-vous visite pour le suivi du post-partum ?
Participez-vous à des réunions régulières entre consœurs ?

Sage-femme d’une équipe hospitalière


Combien avez-vous de femmes sous votre surveillance en même temps ?
Qui accompagnera mon accouchement si vous n’êtes pas de garde ce jour-là ?
Quels examens prénatals prescrivez-vous ?
Quels sont les gestes médicaux de routine dans votre service ?
Est-il possible d’être accompagnée d’une doula en plus du père ?
Aurai-je le droit de boire et de manger pendant le travail ?
Est-il possible de surveiller le cœur du bébé à intervalles réguliers plutôt que de
l’enregistrer en continu ?
Quelles méthodes suggérez-vous pour soulager la douleur ?
Les salles de travail sont-elles équipées de baignoires ou de douches ? Est-il
possible de s’en servir ?
Devrai-je avoir accouché dans un temps imparti ?
Pourrez-vous mettre le bébé sur ma poitrine (en contact peau à peau) après sa
naissance ?
Attendrez-vous que toute pulsation du cordon ait cessé avant de le couper ?
Quels soins du post-partum faites-vous ?

Obstétricien
Quelles sont les chances que vous soyez présent le jour de mon accouchement ?
Si vous n’êtes pas là, qui le sera ?
Pourrais-je rencontrer tous vos collaborateurs ?
Quelle est votre politique en matière d’échographie ?
Quel type d’anesthésie conseillez-vous ?
Combien de femmes donnent naissance sans péridurale ou autre analgésie dans
vos services ?
Que pensez-vous des doulas ?
À quel rythme viendrez-vous me voir pendant le travail ?
Quels examens prénatals prescrivez-vous systématiquement ?
Quels gestes médicaux pratiquez-vous systématiquement pendant le travail ?
Quelles méthodes proposez-vous pour soulager la douleur ?
Est-il possible de surveiller le cœur du bébé à intervalles réguliers plutôt que de
l’enregistrer en continu ?
Pratiquez-vous l’épisiotomie de routine ? Quel est le pourcentage de femmes qui
accouchent sans épisiotomie dans vos services ? [Et quel pourcentage de primipares
en particulier ?]
Serai-je libre de boire et de manger pendant le travail ?
Le jour de l’accouchement, si mon travail ralentit alors que je ne suis encore qu’en
début de dilatation, pourrai-je rentrer chez moi – même après avoir été admise dans
le service ?
Quel est votre taux de déclenchements ? Quelle méthode utilisez-vous ?
Pourrai-je déambuler pendant le travail ?
Devrai-je accoucher dans un temps imparti ? Combien de temps pourrai-je
pousser ?
Pourrai-je adopter la position de mon choix pour accoucher ? Pourrai-je accoucher
à quatre pattes si j’en ai envie ?
Quel est votre taux de césariennes ?
Cela peut paraître un peu personnel, mais (s’il s’agit d’une femme) pourrais-je vous
demander si vous avez déjà accouché par voie basse ?
Cela peut paraître un peu personnel, mais (s’il s’agit d’un homme), pourrais-je vous
demander si au moins un de vos enfants est né par voie basse ?
Quel est votre taux d’extractions instrumentales ? Utilisez-vous les forceps ou la
ventouse obstétricale ?
Attendrez-vous que les pulsations aient cessé dans le cordon avant de le couper ?
Pourrez-vous mettre le bébé sur ma poitrine (en contact peau à peau) après sa
naissance ?

Doula
Quelle est votre formation ?
Avez-vous d’autres impératifs susceptibles de vous empêcher d’être disponible le
jour de mon accouchement ?
Pourriez-vous me donner vos références ?
Combien de naissances avez-vous déjà accompagnées ?
Pouvez-vous me dire à quels types de situations vous avez déjà été confrontée ?

Souvenez-vous que le rôle d’une doula du post-partum est de


prendre soin de vous pour que vous puissiez prendre soin de votre
bébé. Elle peut s’occuper de la maison ou faire la cuisine. Vous
cherchez quelqu’un de mature qui peut vraiment être à votre écoute,
quelqu’un qui gardera son calme quand vous vous sentirez dépassée
et stressée.
S’il advient que l’une de vos questions suscite du ressentiment,
des sarcasmes, de l’hostilité, des réponses vagues ou
condescendantes, de la manipulation par la peur, continuez à
chercher. Vous ne vous laisseriez pas traiter de la sorte au
restaurant. Trouver la bonne personne pour vous accompagner
pendant la grossesse et l’accouchement est certainement bien plus
capital que de trouver un bon restaurant.
CHAPITRE 14

Une vision de la sage-femme et de la mère au XXIe


siècle

Alors que je m’apprêtais à écrire ce dernier chapitre, le téléphone


sonna. À l’autre bout de la ligne, une femme, appelant de la part de
ses voisins, des amish. Quand un couple ou une sage-femme amish
décident de solliciter l’aide des sages-femmes de The Farm, le
scénario typique est que le mari amish se rend chez les « Anglais »
les plus proches pour profiter de leur ligne téléphonique.
(« Anglais » est le nom que les amish donnent à ceux d’entre nous
qui ne sont pas amish). Il passe le message au voisin en question,
qui nous appelle, tandis que le mari retourne auprès de sa femme.
Comme vous pouvez l’imaginer, ce système ne permet pas d’obtenir
beaucoup de détails – le mari amish et son voisin « anglais » n’étant
ni l’un ni l’autre sage-femme. Ce jour-là, le coup de fil était au sujet
d’un accouchement, déjà en cours, pour lequel notre assistance – la
mienne ou celle de mes consœurs – n’avait pas été requise au
préalable.
« J’ai déjà appelé toutes les autres sages-femmes, expliqua la
voisine, mais vous êtes la seule que j’ai réussi à joindre. La femme
d’Amos Y. est en travail depuis minuit hier soir, précisa-t-elle. Elle est
en difficulté et sa belle-mère demande votre assistance. »
« Je ne connais pas cette femme, dis-je, c’est son combientième
enfant ? »
« Le septième ».
Je me sentais tiraillée. J’avais un délai à respecter vis-à-vis de mon
éditeur, mais j’étais sage-femme avant tout. Quand la situation
l’exige, l’écrivaine doit laisser place à la sage-femme. J’ai attrapé
mon kit d’accouchement après avoir demandé à la voisine de
prévenir la famille que j’arriverais aussi vite que possible. Lorsque je
pris la route pour une quarantaine de kilomètres, le soleil plongeait à
l’horizon. J’espérais arriver à destination avant qu’il ne fasse nuit
noire.
Localiser une maison amish où l’on va pour la première fois n’est
pas chose facile, surtout le lendemain du troisième jour de pluie
ininterrompue, quand toute la région est inondée au point que
personne ne se souvienne d’avoir vu pire. On s’attend à trouver
beaucoup de boue, car l’accès des maisons amish se limite souvent à
un chemin de terre, à l’écart des routes goudronnées. On sait qu’il
n’y aura pas de lumière pour éclairer le porche. Pendant le trajet,
j’avais en tête les multiples possibilités susceptibles de m’attendre.
J’ai songé à la prière du canonnier du navire de Horatio Hornblower
qui, chaque fois qu’ils entraient en bataille, demandait : « Seigneur
Dieu, rends nous sincèrement heureux de vivre ce qui nous attend. »
Au moment même où le dernier rayon de lumière s’éteignait à
l’ouest, je posais le pied sur le porche de la ferme et j’essuyais mes
semelles boueuses sur le paillasson de chiffon. C’est là qu’Amos
m’accueillit. Il me conduisit à la cuisine. La lampe à pétrole qu’il avait
à la main était le seul éclairage. Il m’accompagna auprès de sa
femme, Emma, qui se tenait assise dans une chaise à bascule en
hickory, enveloppée d’une couverture brune en polyester. J’étais
heureuse de constater qu’elle était toujours alerte et en travail. Je ne
les avais jamais rencontrés auparavant, ni elle ni son mari, mais la
« belle-mère », en revanche, s’avéra être une sage-femme amish
que je connaissais assez bien. Elle était aux côtés d’Emma depuis le
petit matin et elle ne comprenait pas trop ce qui retardait la
naissance. Je savais qu’elle aurait diagnostiqué une présentation
dangereuse (présentation de l’épaule ou transverse, par exemple).
Après avoir été témoin de deux ou trois vives contractions, je
pouvais dire que l’utérus d’Emma était toujours plein de vigueur.
Un toucher vaginal me permit de constater que le col – situé si
haut que la palpation était à peine possible – était relativement
effacé et dilaté, mais que la tête du bébé était toujours relativement
haute à ce stade du travail. J’ai discuté avec elle de la possibilité de
percer la poche des eaux avec précaution. Avec son accord, je l’ai
légèrement percée. Tandis que le liquide amniotique s’écoulait tout
doucement, la tête du bébé s’est mise à pousser directement contre
le col de l’utérus et à en faciliter l’ouverture pendant les contractions
suivantes. En l’espace de quelques minutes, la tête du bébé
commença à apparaître. D’abord le front, puis les yeux, le nez, les
joues plus que joufflues, et enfin le menton – mais pas de cou. Les
efforts d’Emma pour expulser le corps du bébé étaient vains, ses
épaules étaient fermement enclavées.
« Il va falloir te mettre à quatre pattes », ai-je dit à Emma
(éventualité que j’avais déjà mentionnée).
« Je ne vais pas pouvoir ! », répondit-elle. Je savais que sa longue
robe n’allait pas faciliter la manœuvre (chez les amish, il est
coutumier d’accoucher en tenue de tous les jours).
« Tu vas y arriver », ai-je affirmé. Elle a roulé sur elle-même et,
dans un grand effort de volonté, elle s’est mise à quatre pattes avec
l’aide d’Amos. Elle a poussé fort, une épaule est sortie, puis la
deuxième. J’ai délicatement inséré mes doigts sous les aisselles du
bébé pour tirer le reste de son corps dodu. Il pesait plus de 4,5 kg ;
500 grammes de plus que le plus gros de ses frères et sœurs. Ni
déchirure ni épisiotomie et pas de convalescence pour la mère ou
son bébé. Deux heures plus tard, je reprenais la route sous un ciel
d’hiver étoilé et une lune presque pleine, heureuse d’avoir vécu ce
qui s’était présenté à moi.
De retour au XXIe siècle avec mon ordinateur portable, l’électricité
et le téléphone à portée de main, j’en ai un peu plus à dire sur
l’accompagnement périnatal que je souhaite à mes petits enfants et
aux vôtres. Je visualise un florilège des meilleures idées au monde.
Il se peut que je sois passée à côté de quelques-unes d’entre elles
(je n’ai pas encore été partout), mais la liste suivante récapitule, à
mon avis, les besoins les plus fondamentaux :
Davantage de sages-femmes, progressivement, jusqu’à atteindre une proportion
sages-femmes/obstétriciens qui permette de donner aux femmes qui portent ou
donnent la vie un sentiment de puissance – plutôt que d’en donner l’illusion. Dans
cette proportion, les sages-femmes sont bien plus nombreuses que les gynécologues-
obstétriciens.
Un système efficace qui recueille les données sur les décès et les dommages
maternels.
Des comités d’études composés d’usagers (parents) et de praticiens de périnatalité
(sages-femmes, obstétriciens, etc.) qui élaborent ensemble les plans de périnatalité.
Un suivi du post-partum à domicile pendant dix jours – comme celui proposé aux
Pays-Bas – offert à toutes les femmes et partiellement financé par l’État (voir chapitre
9).
Une réforme de la formation obstétricale des étudiants en médecine leur
permettant de découvrir le processus de la naissance physiologique – que des sages-
femmes leur enseignent – avant d’être exposés aux complications et autres
pathologies périnatales.
Plusieurs filières de formation au métier de sage-femme sont accréditées.
Les futurs praticiens de périnatalité s’exercent à habiller un nouveau-né sans le
faire pleurer.
L’art de l’accouchement vaginal des présentations du siège est conservé et transmis
à la génération de praticiens suivante.
Le recours à la technologie est rare pour les tâches qu’un être humain accomplit le
mieux.
Chaque mère est libre de choisir le lieu de son accouchement.
L’accouchement vaginal après césarienne (avac) est une option ouverte à toutes les
femmes qui le souhaitent.
Aucune femme n’est soumise d’office à la chirurgie par décret.
Toutes les maternités portent le label « Hôpital Ami des mamans » (iham).
Interdiction de la publicité à destination du grand public pour les médicaments.
La psychose du post-partum est une pathologie reconnue et un problème de santé
publique.
Le congé maternité (ou paternité) est étendu à neuf mois.
Les crèches d’entreprise et autres modes de garde sur le lieu de travail sont
répandus.
Le maire de Harderwijk, aux Pays-Bas, souhaite la bienvenue au 40 000e habitants de la
commune dans la chambre de ses parents, lieu de sa naissance.
Les Néerlandais sont des précurseurs pour favoriser un système
qui considère l’accouchement à domicile comme un évènement
normal, socialement acceptable. Il n’y a qu’aux Pays-Bas où l’on
puisse voir un maire se faire photographier en train de féliciter un
couple de jeunes parents pour la naissance de leur bébé dans leur
chambre à coucher. Mon amie, Marie Striekwold-Ebben, grand-mère
de la sage-femme néerlandaise Mary Zwart, me fit cette remarque
pleine de sagesse : « Même quand on ne roule pas sur l’or, il faut se
souvenir que la chambre à coucher est la pièce la plus importante de
la maison. Amour et peine se partagent sous la couette et c’est le
meilleur endroit pour donner la vie ou pour passer ses derniers
instants sur terre. » Naturellement, Mary a grandi en sachant qu’il
est convenable d’y recevoir des invités. Repensant aux paroles de sa
grand-mère sur l’importance de la chambre à coucher, elle a ajouté
un autre de ses adages avisés : « Les réconciliations se font sous la
couette. »
Peut-être qu’un de ces jours, on rendra hommage, dans la
chambre d’un couple américain, à un bébé né le soir du nouvel an.
Je vais continuer à œuvrer dans ce sens.
Une chose est certaine : cet objectif ne sera pas atteint tant que
les femmes resteront convaincues que leur corps est mal conçu pour
enfanter. Si je ne vous ai persuadé que d’une chose dans ce livre,
j’espère que c’est de celle-ci : votre corps n’est pas un citron que
l’on peut presser.
ANNEXE

The Farm : nos statistiques pour 2 844 grossesses


(1970-2010)
Sur la période de 1970 à 2000, soit 2028 grossesses, on comptait
5,4 % de déclenchements (dont 4,9 % à l’huile de ricin et 0,5 % par
décollement des membranes.)
Pendant le travail, 29,1 % des femmes ont mangé et 49,9 % ont
bu.
Le taux d’allaitement a été de 100 % (4 ou 5 femmes ont utilisé
des biberons de complément).
Le taux de dépression post-partum était de 1 %.
GLOSSAIRE

AAD : Accouchement à domicile.


Acidose : Trouble de l’équilibre acido-basique correspondant à
une acidité accrue des fluides corporels. Elle est associée à une
détresse respiratoire.
Adhérence abdominale : Croissance, dans l’abdomen, d’un tissu
cicatriciel fibreux responsable d’adhérences entre les organes.
Adrénaline : Hormone qui a pour effet d’induire un rythme
cardiaque accéléré, une hypertension artérielle, une hyperglycémie,
une vasoconstriction au niveau de la peau et un afflux sanguin accru
dans les muscles.

Amniotomie : voir Rupture artificielle des membranes.


AVAC : Accouchement vaginal après césarienne (parfois appelé
VBAC : Voie basse après césarienne). La femme qui a eu une
césarienne lors d’un accouchement précédent accouche par voie
basse au terme d’une grossesse ultérieure. Auparavant, toute femme
césarisée une première fois l’était systématiquement pour les
grossesses suivantes (« Césarienne un jour, césarienne toujours »).
Bradycardie fœtale : Ralentissement du rythme cardiaque
fœtal.

Chung : Vocable chinois qui désigne le fait de ballotter la mère en


travail pour la détendre. Les Allemands appellent cela « secouer les
pommes ».
Colostomie : Opération chirurgicale qui consiste à créer une
communication artificielle entre le gros intestin (colon) et la paroi
abdominale. Les selles s’évacuent par cet abouchement.

Contractions de Braxton-Hicks : Contractions non


douloureuses qui surviennent au cours de la grossesse.

Diurétique : Qui augmente le volume des urines.


Doula : Femme expérimentée qui accompagne d’autres femmes
pendant leur grossesse, l’accouchement et après la naissance. À
l’origine, ce mot signifie « esclave » en grec ancien.
Dystocie des épaules : Les épaules du bébé sont enclavées
dans le bassin, ce qui empêche le dégagement du reste du corps
alors que la tête du bébé est déjà sortie.

Éclampsie : Grave pathologie métabolique de la grossesse,


associée à une mauvaise alimentation et une augmentation
anormale du volume sanguin maternel. Elle est souvent fatale
(convulsions).

Embolie amniotique : Complication dangereuse et souvent


mortelle qui survient au moment du travail. Elle résulte du passage
de liquide amniotique dans la circulation sanguine maternelle.

Embolie pulmonaire : Obstruction des vaisseaux sanguins du


poumon.

Endomètre : La muqueuse utérine (dans laquelle s’insèrent


normalement les villosités du placenta).
Endorphines : Neurotransmetteurs qui ont un effet analgésique
et induisent l’euphorie.

Épisiotomie : Incision chirurgicale des tissus du périnée en vue


d’élargir l’orifice vaginal au moment de l’expulsion du bébé.
Essai de travail (EDT) : La femme qui a subi une césarienne à
l’issue d’une grossesse précédente tente, cette fois-ci, d’accoucher
par voie basse. Si elle réussit, il s’agit d’un AVAC.

Forceps : Instrument d’extraction du fœtus composé de deux


grandes cuillères en métal réunies et articulées en leur milieu.
Insérées dans le vagin, les cuillères enserrent la tête du bébé afin
que l’opérateur puisse la tracter pour aider sa progression et sa
délivrance.
Grande multipare : Femme qui a eu plus de cinq enfants.
Grossesse multiple : La femme attend des jumeaux, des triplés
ou davantage de bébés.

Hématome rétroplacentaire : Également appelé placenta


abruptio, il s’agit du décollement prématuré du placenta de la paroi
utérine.

Hystérectomie : Ablation chirurgicale de l’utérus.

Intubation : Insertion d’un tube dans les voies aériennes pour


permettre une ventilation artificielle.
Morbidité : Pathologie ou dommage corporel.

Myomètre : Le muscle utérin.


Néocortex : Le « cerveau de la pensée ».

Ocytocine : Hormone secrétée pendant le travail, et responsable


des contractions utérines. Dans les hôpitaux, l’ocytocine de synthèse
est administrée par voie intraveineuse pour déclencher ou accélérer
le travail. Elle est parfois injectée pour faire cesser les saignements
en cas d’hémorragie de la délivrance.
Parturiente : Femme en travail d’accouchement.

Périnée : Bande musculaire allant du vagin à l’anus.


Péridurale : Anesthésie loco-régionale réalisée en injectant le
cocktail anesthésiant dans l’espace péridural qui entoure la dure-
mère au niveau du bas du dos. Elle a pour effet de faire diminuer ou
disparaître la douleur des contractions.

Péritonite : Infection de la cavité abdominale.

Pelvimétrie : L’art de mesurer l’ossature du bassin.


Pitocin® : Ocytocine de synthèse.

Placenta abruptio : voir Hématome rétroplacentaire.


Placenta accreta : Les villosités du placenta s’insèrent dans la
paroi utérine (couche superficielle du myomètre).

Placenta increta : Les villosités du placenta s’insèrent encore


plus profondément dans la paroi utérine (dans l’épaisseur du
myomètre).

Placenta percreta : Les villosités du placenta traversent la


totalité de l’épaisseur du myomètre pour atteindre la séreuse et
même les organes avoisinants. Cette complication survient sur un
utérus cicatriciel.

Placenta praevia : Le placenta s’insère sur le col de l’utérus ce


qui expose la mère et l’enfant à un grand danger au moment où le
col de l’utérus commence à se dilater.
Pneumonie d’aspiration : Pneumonie causée par l’inhalation du
contenu gastrique suite à des vomissements quand le sujet est
inconscient.
Pré-éclampsie : Forme moins grave de l’éclampsie. (Voir
Éclampsie).

Prématurité iatrogène : Naissance prématurée induite par un


déclenchement ou une césarienne programmée avant que le bébé
n’ait atteint un âge gestationnel suffisant.
Présentation céphalique : Le bébé se présente la tête la
première.

Présentations dystociques : Toute autre présentation que celle


du sommet de la tête fœtale.
Primipare : Femme qui accouche pour la première fois.
Procidence : Descente du cordon ombilical avant le fœtus, ce qui
le comprime et a pour effet d’entraver l’apport de sang, donc
d’oxygène, au bébé.
Prostaglandines : Substances qui stimulent les muscles lisses
comme ceux du col de l’utérus.

Pubis : Os situé à l’avant du bassin.


Relaxine : Hormone sécrétée au cours des dernières semaines
de grossesse et pendant l’allaitement. Elle a pour effet d’assouplir et
de détendre les ligaments, notamment ceux du bassin.
Rupture artificielle des membranes (RAM) : Aussi appelée
amniotomie. Geste médical qui consiste à percer la poche des eaux
de manière délibérée, en vue d’accélérer le travail.
Rupture prématurée des membranes (RPM) : La poche des
eaux se perce ou est percée avant le début des contractions.
Sacrum : Os de forme pyramidale qui est l’élément central
postérieur du bassin.

Stadol® : Médicament morpho-mimétique utilisé pour diminuer


les sensations douloureuses du travail.
Syntocinon® : Ocytocine de synthèse.

Tour de cordon : Le cordon ombilical est enroulé une ou


plusieurs fois autour du cou (circulaire du cordon), du torse ou des
membres du bébé.
Tranchées : Contractions du post-partum qui permettent à
l’utérus de reprendre sa taille initiale.

Toxémie gravidique : Éclampsie et pré-éclampsie.


Urètre : Canal d’excrétion de l’urine.
Ventouse obstétricale : Instrument d’extraction fœtale qui se
fixe sur la tête du bébé.
CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES

Les dessins au trait du chapitre 7 sont réalisés par Jackie Aher à


partir d’illustrations des livres de G. Engelmann, Labor Among
Primitive Peoples (Second Edition). St Louis : J. H. Chambers, 1883,
et du Dr Witkowski, Histoire des accouchements chez tous les
peuples. Paris : G. Steinheil, 1887.
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Valerie Gramm
Photographie : Valerie Gramm
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Ina May Gaskin
Photographie : Stephen Gaskin
Photographie : Studio Merjenburgh
Photographie : Jeanne Kahan
1 Il faut savoir que nous disposons d’une école, d’une clinique,
d’un réseau de distribution d’eau, d’une usine de production
d’aliments à base de soja et de plusieurs entreprises, y compris une
petite usine qui manufacture et commercialise un détecteur
individuel de radiation, inventé dans notre village.
2 En France, le taux de césariennes s’est stabilisé autour de 20 %
depuis 2007 (source : Rapport de la cour des comptes de 2011 sur
la Sécurité sociale) et le taux d’extraction instrumentale est de 11 %
(source : Enquête périnatale de 2003) (N.d.T.).
3 Op. cit.
4 Midwife in Disguise : Sage-femme masquée. Jeu de mots portant
sur le titre MD (Medical Doctor, ou Docteur en médecine) (N.d.T.).
5 Op. cit.
6 À lire après avoir accouché, car c’est une histoire d’horreur,
même si le côté effrayant ne concerne pas l’accouchement.
7 La méthode décrite par le docteur Frédérick Leboyer dans son
ouvrage Pour une naissance sans violence invite à créer un éclairage
tamisé au moment de la naissance, à parler à voix basse et à donner
au nouveau-né un bain à la température du corps.
8 Op. cit. : le premier livre d’Ina May Gaskin (N.d.T.).
9 Op. cit.
10 La phase de transition fait référence au moment où la dilatation
est presque complète, juste avant la phase dite « d’expulsion » où le
bébé s’engage dans le canal de naissance.
11 General Education Development, dispositif d’enseignement
permettant aux adultes qui n’ont pas terminé leurs études
secondaires d’obtenir une équivalence (N.d.T.).
12 Mot sanskrit pour vagin, généralement traduit par « espace
sacré » ou « temple sacré » (N.d.T.).
13 Low-impact Aerobics, exercices conçus pour avoir un impact
cardiovasculaire modéré (N.d.T.).
14 Voir chapitre 6 : « L’huile de ricin ».
15 « À quoi s’attendre quand on attend un enfant ? » (N.d.T.).
16 La méthode Bradley est une approche naturelle de
l’accouchement issue du travail du Dr Robert Bradley, l’un des
premiers adeptes de la méthode de Grantly Dick-Read. Alors qu’il
suivait sa formation d’obstétricien, Bradley fut influencé par sa
femme qui lisait l’ouvrage de Dick-Read, Childbirth Without Fear
(« L’accouchement sans peur », publié en français sous le titre
L’Accouchement sans douleurs : les principes et la pratique de
l’accouchement naturel). Il est l’auteur de Husband-Coached
Childbirth (L’accouchement coaché par le mari). Son travail est
poursuivi par Marjie et Jay Hathaway, qui ont fondé l’American
Acadamy of Husband-Coached Childbirth (P.O. Box 5224, Sherman
Oaks, CA 91413, États-Unis).
17 À The Farm, les femmes emploient souvent le mot « vague »
(rush) au lieu de « contraction » car, comme l’explique Ina May :
« Au début de ma carrière de sage-femme, j’ai pris la liberté de
changer le langage qui entoure la naissance pour aider les femmes à
mieux supporter les douleurs de leur travail. J’ai une maîtrise
d’anglais et j’avais conscience de la force avec laquelle le langage
peut conditionner notre réponse à un processus physiologique,
émotionnel et spirituel comme le travail de la naissance. J’ai pris
l’habitude d’employer le mot “ vague ” plutôt que contraction.
Pourquoi, me disais-je, utiliser un mot qui suggère une sensation de
crispation et de contracture musculaire alors qu’un travail efficace
exige la dilatation du col. » (N.d.T.).
18 Op. cit.
19 En France, l’ocytocine de synthèse est commercialisée sous le
nom de Syntocinon® (N.d.T.).
20 Op. cit.
21 Op. cit.
22 « La petite loco qui pouvait ». The Little Engine That Could est
un album jeunesse qui traite des vertus de l’optimisme et du labeur.
Il a parfois été décrit comme une métaphore du rêve américain. La
petite locomotive répète tout au long du livre : « I think I can »,
qu’on peut traduire par : « Je crois que je peux le faire » (N.d.T.).
23 Natchez Trace : Il s’agit d’une piste historique de 710 km qui
suit à peu près l’ancienne piste empruntée par les Amérindiens, et
qui reliait trois fleuves, le Mississipi, le Cumberland et le Tennessee
(N.d.T.).
24 Jour de la fête nationale aux États-Unis, qui commémore la
Déclaration d’indépendance proclamée le 4 juillet 1776 (N.d.T.).
25 « Hé Beatnik ! Voici le livre de The Farm » (N.d.T.).
26 Greenwich Village est un quartier « branché » de New York,
réputé pour son pittoresque, ses artistes et sa culture alternative
(N.d.T.).
27 Op. cit.
28 Fête organisée aux alentours du huitième mois de grossesse
pour célébrer l’arrivée du bébé. Les amies de la future mère offrent
des cadeaux pour le bébé à naître (N.d.T.).
29 Salle moins équipée sur le plan médical et proposée dans le
cadre d’un accouchement physiologique (N.d.T.).
30 Op. cit.
31 Plus précisément nurse midwife, c’est-à-dire d’infirmière
spécialisée en obstétrique. Une nurse midwife est l’assistante de
l’obstétricien. Elle ne prend pas en charge un accouchement seule,
aussi physiologique soit-il (N.d.T.).
32 Un pseudonyme.
33 On a constaté un taux plus important de la maladie de Tay-
Sachs dans la population juive d’Europe orientale (N.d.T.).
34 Op. cit.
35 Op. cit.
36 Op. cit.
37 « Artémis parle » (N.d.T.).
38 AMSA : Association américaine des étudiants en médecine
(N.d.T.).
39 AMA : American Medical Association (N.d.T.).
40 Midwife in Disguise : Sage-femme masquée. Jeu de mots
portant sur le titre MD (Medical Doctor, ou Docteur en médecine)
(N.d.T.).
41 En France, la moyenne nationale avoisine les 31 % (d’après
l’enquête périnatale 2003) (extractions instrumentales et césariennes
confondues) (N.d.T.).
42 En France, on appelle cela une maternité de niveau 3. Ces
maternités sont munies d’une unité de réanimation néonatale
(N.d.T.).
43 Il faut savoir que cet accouchement date du milieu des années
1970, au pic du mouvement pour l’AAD (Accouchement à domicile).
Il arrivait alors que les hôpitaux se plient aux souhaits des femmes
en travail et des sages-femmes, et c’est probablement la raison pour
laquelle des verrous avaient été installés à l’intérieur des chambres.
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas entendu parler d’un verrou
intérieur dans une chambre d’hôpital.
44 En latin, placenta signifie « gâteau » (N.d.T.).
45 Du mot cervix qui signifie « cou », « col » en latin (N.d.T.).
46 RPM : rupture prématurée des membranes (N.d.T.).
47 RAM : rupture artificielle des membranes (N.d.T.).
48 La présentation de la face est rare (0,5 à 1 % des naissances)
(N.d.T.).
49 « La naissance à l’américaine » (N.d.T.).
50 « L’accouchement dans quatre cultures » (N.d.T.).
51 Ou plutôt de certaines zones du néocortex comme le laissent
penser les recherches les plus récentes. Voir à ce sujet le petit livre
de Fabienne Cazalis, Curiosités de l’enfantement, éditions L’instant
présent, 2011 (N.d.T.).
52 L’adrénaline est communément appelée l’hormone du « Fight or
flight », ce qui signifie littéralement « Fuir ou se battre » (N.d.T.).
53 « Des exercices de yoga pour avoir un corps souple » (N.d.T.).
54 Mot sanskrit signifiant littéralement « espace sacré » et qui
désigne le vagin (N.d.T.).
55 Les passages entre crochets ont été ajoutés par la traductrice
pour les besoins de l’adaptation (N.d.T.).
56 Aux États-Unis, pour devenir sage-femme, il existe plusieurs
filières qui débouchent sur plusieurs statuts. Une nurse midwife est
une infirmière spécialisée en obstétrique. Elle n’a pas le droit de
prendre en charge un accouchement – même s’il est à bas risque
obstétrical. (N.d.T.).
57 Source : Rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale
2011 (N.d.T.).
58 En France, la situation est parfois similaire pour les rares sages-
femmes libérales qui ont accès à un plateau technique (voir le
chapitre 13). Elles ne se sentent pas toujours libres dans leur
pratique, notamment en ce qui concerne la durée de l’accouchement
(N.d.T.).
59 Collectif interassociatif autour de la naissance (voir le
MamaScope) (N.d.T.).
60 « La toxémie métabolique dans la grossesse tardive » (N.d.T.).
61 Food and Drug Administration, organisme qui délivre
l’autorisation de mise sur le marché des médicaments (N.d.T.).
62 En France, l’amniocentèse est systématiquement proposée et
prise en charge par la Sécurité sociale quand la femme est âgée de
38 ans et plus, ou en cas d’indication médicale (N.d.T.).
63 L’acog est une association regroupant près de 90 % des
gynécologues/obstétriciens qui pratiquent aux États-Unis.
L’équivalent français est le Cngof (Collège national des gynécologues
et obstétriciens Français) (N.d.T.).
64 Amniocentèse ou biopsie du trophoblaste (N.d.T.).
65 En France, la prévalence du streptocoque B chez les femmes
enceintes est plutôt de 10 % (N.d.T.).
66 20 à 30 % en France (N.d.T.).
67 C’est ce que l’on appelle la prophylaxie ciblée (par opposition à
la prophylaxie systématique) (N.d.T.).
68 D’après l’enquête périnatale de 2003 (N.d.T.).
69 C’est-à-dire sans antécédent de chirurgie de l’utérus
(notamment de césarienne) (N.d.T.).
70 En France, on utilise aussi le Propess® qui se présente sous la
forme d’un petit tampon qu’on insère dans le vagin. Ces trois
produits (Propess®, Cervidil® et Prepidil®) contiennent la même
molécule : la dinosprostone (N.d.T.).
71 En France, le Cytotec® est couramment utilisé pour les IVG
(interruption volontaire de grossesse), les ITG (interruption
thérapeutique de grossesse) et pour déclencher l’accouchement en
cas de mort fœtale. Il semblerait néanmoins que certains hôpitaux
l’expérimentent également pour les déclenchements à terme – à la
place de la dinoprostone. Par ailleurs, il semblerait que le Cytotec®
soit tératogène (risques de malformations) si la femme en prend
pendant la grossesse. (cf. Centre de référence sur les agents
tératogènes CRAT) (N.d.T.).
72 Bimestriel américain de journalisme d’enquête qui dénonce les
travers du monde de l’entreprise, du gouvernement et des grands
médias (N.d.T.).
73 Loi signée en 1966 et fondée sur le principe de la liberté
d’information qui oblige les agences fédérales à transmettre leurs
documents à quiconque en fait la demande, quelle que soit sa
nationalité (N.d.T.).
74 Ou d’un doppler (N.d.T.).
75 Ou d’un doppler (N.d.T.).
76 « La sagesse de l’enfantement dans les sociétés
traditionnelles » (N.d.T.).
77 ercf : enregistrement du rythme cardiaque fœtal (N.d.T.).
78 « L’accouchement chez les peuplades primitives » (N.d.T.).
79 Ce livre est désormais disponible sous forme numérique (e-
book) à télécharger gratuitement sur Internet (N.d.T.).
80 Ou plus exactement les morphino-mimétiques (N.d.T.).
81 En France, le fentanyl et le sufentanyl sont utilisés dans le
cocktail administré par l’anesthésiste pour l’anesthésie péridurale. Le
butorphanol est réservé à un usage vétérinaire (N.d.T.).
82 En France, l’usage du Phenergan® est interdit en obstétrique.
On lui préfère un autre antihistaminique de type H1 : l’Atarax®
(N.d.T.).
83 Source : Palmarès des maternités 2011, réalisé par Doctissimo
en partenariat avec Le Guide Santé (N.d.T.).
84 « Materner la mère » (N.d.T.).
85 En France, il existe plusieurs formations pour devenir doulas.
Voir le MamaScope en fin d’ouvrage (N.d.T.).
86 Op. cit.
87 Le Dr Michel Odent insiste particulièrement sur ce besoin
d’intimité (privacy) qui, pour lui, est la clé de voûte de
l’accouchement physiologique (N.d.T.).
88 Op. cit.
89 Il existe une vidéo de cette naissance. Judy est la cinquième
femme à accoucher dans le documentaire intitulé Assisting a Vaginal
Breech Birth. (« Accompagner une naissance par le siège ») (N.d.T.).
90 Pour les francophones, il existe le site www.episio.info qui
regroupe des témoignages, des articles, etc. (N.d.T.).
91 En anglais, Ina May Gaskin emploie ici le terme de « grand
midwives » et signale par une note de bas de page que ce terme
était celui que les accoucheuses traditionnelles du sud des États-Unis
préféraient à celui de « granny midwives » (granny est un terme
familier que l’on pourrait traduire par bonne-maman, mamie…) qu’on
leur attribuait aussi mais qu’elles trouvaient péjoratif (N.d.T.).
92 « écoutez-moi bien » (N.d.T.).
93 Contrairement aux États-Unis. Voir notes sur les nurse midwives
(N.d.T.).
94 The Cry and the Convenant. Les francophones pourront aussi
lire La Vie et l’œuvre d’Ignace Philippe Semmelweis que l’on
considère comme la première œuvre littéraire de Louis Ferdinand
Céline. Il s’agit à l’origine de la thèse de son doctorat de médecine,
qu’il soutint en 1924 à la faculté de Paris (N.d.T.).
95 Healthy People est un plan de prévention d’envergure nationale
dont l’objectif est d’améliorer la santé des Américains. Un nouveau
plan est établi tous les dix ans (Healthy People 2000, Healthy People
2010…) (N.d.T.).
96 Rapport du Comité national d’experts sur la mortalité
maternelle 2001-2006, p. 66 (N.d.T.).
97 Comité national d’experts sur la mortalité maternelle, mis en
place en 1996 et qui a depuis publié trois rapports portant
respectivement sur les années 1996-1998, 1999-2001 et 2001-2006.
Rapport du Comité national d’experts sur la mortalité maternelle
(Cnemm) 2001-2006 Institut de veille sanitaire 19 janvier 2010, p. 6
(N.d.T.).
98 Rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale, 2011 ;
chap. 6, p. 185 (N.d.T.).
99 Syntocinon® en France (N.d.T.).
100 Syntocinon® en France (N.d.T.).
101 Il semble qu’en France, les obstétriciens connaissent
seulement la suture en un seul plan depuis déjà un certain nombre
d’années (N.d.T.).
102 Il s’agit d’une des six bases de données de la bibliothèque
Cochrane. Elle contient les revues Cochrane et les protocoles des
revues annoncées et en cours, portant sur les études d’évaluation
des interventions en santé et sur la méthodologie de ces études
(N.d.T.).
103 Répétée (N.d.T.).
104 L’avac est également appelé VBAC : Voie basse après
césarienne (qui coïncide avec le sigle anglais VBAC : Vaginal Birth
After Cesarean) (N.d.T.).
105 Voir le site consacré à la césarienne : www.cesarine.org
(N.d.T.).
106 Dr Michel Odent, Césariennes : questions, effets, enjeux. Le
Souffle d’or, 2005 (N.d.T.).
107 « Le couteau silencieux » (N.d.T.).
108 American College of Obstetricians and Gynecologists, dont
l’équivalent français est le Cngof (Collège national des gynécologues
et obstétriciens français), et l’équivalent québécois est l’Aogq
(Association des obstétriciens et gynécologues du Québec). Au
Canada, il existe aussi la sogc (Society of Obstetricians and
Gynaecologists of Canada) (N.d.T.).
109 La pratique des césariennes 1998-2001, Drees (N.d.T.).
110 Feuille d’information pour les femmes enceintes avec
antécédent de césarienne, décembre 2007 (N.d.T.).
111 Organisation suisse des patients (N.d.T.).
112 Menacker, F., Curtin, SC. Trends in Cesarean Birth and Vaginal
Birth after Previous Cesarean, 1991-99. National Vital Statistics
Reports 2001 ; 49 (13) :1-15. ; National Vital Statistics Reports
2003 ; 51 (11) : 1-20 ; ACOG Practice bulletin No. 115, August
2010 : Vaginal Birth After Previous Cesarean Delivery ; Le Journal
d’obstétrique et gynécologie du Canada (JOGC), février 2005
(N.d.T.).
113 Ainsi que, en ce qui concerne la France, un accès facilité aux
plateaux techniques selon la loi sur la réforme hospitalière du 31
juillet 1991 (article 711-5) (N.d.T.).
114 Les pages qui suivent (jusqu’à la p. 404) ont été adaptées
pour répondre à la situation des lectrices francophones.
115 Les niveaux de risque étant bas, moyen, haut. L’Audipog
(Association des utilisateurs de dossiers informatisés en pédiatrie,
obstétrique et gynécologie) définit comme à bas risque en début de
grossesse les femmes de 18 à 35 ans, sans antécédents médicaux
ou gynécologiques nécessitant une surveillance particulière, ni
antécédents de prématurité ou de mortalité périnatale. Au fil de la
grossesse, ces critères sont complétés par l’absence de pathologie
pendant la grossesse, la présence d’un seul fœtus et sa présentation
céphalique, tant pour les patientes primipares que multipares. Ces
grossesses à bas risque sont aussi désignées sous le nom de
« grossesses physiologiques » (N.d.T.).
116 Troubles engendrés par un traitement médical ou un
médicament (N.d.T.).
117 Ce qu’exige pourtant le code de déontologie médicale (N.d.T.).
118 La femme est suivie par plusieurs praticiens (sages-femmes
et/ou gynécologues-obstétriciens) au cours de la grossesse, de
l’accouchement et du post-partum. C’est le contraire de
l’accompagnement global (N.d.T.).
119 Le Dr Michel Odent précise dans son ouvrage Césariennes :
questions, effets, enjeux que : « Le diagnostic d’authentique
placenta prævia ne peut se faire qu’en fin de grossesse […].
L’expression placenta prævia ne devrait jamais être utilisée en milieu
de grossesse. » (p. 102) (N.d.T.).
120 La détermination de l’âge du fœtus faite au cours de la
première échographie n’est pas infaillible. Or, le corps médical se
base souvent sur cette détermination pour évaluer un dépassement
de terme et parfois un retard de croissance (N.d.T.).
121 Anim-Somuah M., Smyth R., and Howell C. Epidural versus
non-epidural or no analgesia in labour. Cochrane Database of
Stystematic Reviews Issue 4, 2005 (N.d.T.).
122 Hodnett Ed, Gates S, Hofmeyr GJ and Sakala C. Continuous
support for women during childbirth (Cochrane Review). In : The
Cochrane Library, 3, 2003 (N.d.T.).
123 Sauf à Pontoise (Val-d’Oise) où le statut de salariées des
sages-femmes et la configuration des locaux autorisent, sous réserve
de la présence d’un personnel paramédical dédié, le déroulement
d’accouchements au sein de la maison de naissance. (Source :
Rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale – 2011)
(N.d.T.).
124 D’après le dossier « Les Plateaux techniques désertés » réalisé
par Agnès Masselot-Guir, Profession Sage-femme n°115 (N.d.T.).
125 Rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale – 2011
(N.d.T.).
NOTES

PARTIE I : Histoires de naissance

a. Meenan, A., and Gaskin, I., et al. A new (old) maneuver


for the management of shoulder dystocia, The Journal of
Family Practice, 1991;32:625-29.
b. Bruner, J., and Gaskin, I., et al. All-fours maneuver for
reducing shoulder dystocia, The Journal of Reproductive
Medicine, 1998;43:439-43.
c. Gabbe, S. G., Niebyl, J. R., and Simpson, J. L. Obstetrics:
Normal & Problem Pregnancies, 4th ed. New York: Churchill
Livingstone, 2002.

CHAPITRE1 : Le corps et l’esprit : une


connexion puissante

1. Betschler (1880), cité dans Engelmann, G. Labor among


Primitive Peoples. St. Louis : J. H. Chambers, 1882. Réédité
New-York : AMS Press.
2. Cazeaux, P. Obstetrics : The Theory and Practice, 7th ed.
Philadelphia : P. Blakiston, Son&Co., 1884.
3. Dewees, William P. Compendious System of Midwifery,
4th ed. Philadelphia : Carey & Lea, 1830.
4. Curtis, A. Lectures on Midwifery. Philadelphia, 1846.
5. Ramsbotham, Francis H. The Principles and Practice of
Obstetric Medicine and Surgery. New York, 1901.
6. Dorland, W. A. Newman. Modern Obstetrics. New York,
1901.

CHAPITRE 3 : Plaisir ou douleur : l’énigme du


ressenti

7. Senden, I.P.M., et al. Labor Pain : A comparison of


parturients in a Dutch and an American teaching hospital.
Obstetrics & Gynecology, 1988 ; 71 (4).
8. Jordan, Brigitte. Birth in Four Cultures : A Cross-Cultural
Investigation of Childbirth in Yucatan, Holland, Sweden and
the United States. Montreal : Eden Press, 1983.
9. Morse, J. M., and Park, C. Home birth and hospital
deliveries : A comparison of the perceived painfulness of
parturition. Research in Nursing Health, 1988 ; 11 :175-81.
10. Stockham, Alice, MD. Tokology.1882.
11. Thomas, A. N. Doctor Courageous. London : William
Heinemann Ltd., 1957.
12. Dye, J. N. Painless Childbirth. Buffalo, NY : Baker, Jones
& Co., 1888.

CHAPITRE 4 : La Loi des sphincters

13. Johnson, Jessica, and Odent, Michel. Nous sommes tous


des enfants de l’eau. Vivez Soleil, 1996.
14. Brain. November 1998.
15. Brain. November 1998.
16. Northrup, Christiane. Women’s Bodies, Women’s
Wisdom. New York : Bantam Books, 1994.
17. Bender, Ruth. Yoga Exercises for More Flexible Bodies.
Avon, CT : Ruben Publishing, 1978.

CHAPITRE 5 : Ce qu’il faut savoir sur la


grossesse et son suivi

18. Rothman, Barbara Katz. In labor : Women and Power in


the Birth-place. New-York : W. W. Norton, 1972.
19. Davis-Floyd, Robbie E. Birth as an American Rite of
Passage. Berkeley : University of California Press, 1992.
20. Davis-Floyd, R. et St John, G. From Doctor to Healer :
The Transformative Journey. New Brunswick, N.J. : Rutgers
U. Press, 1998.
21. Carter, J. P., et al. Preeclampsia and reproductive
performance in a community of vegans. Southern Medical
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eclampsia. Lancet, 1952 ; 1 :64.
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pregnancy. Journal of The Canadian Dietetic Association,
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27. Speert, Harold. Obstetrics and Gynecology in America :
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Woman Should Know : The Truth about Diets and Drugs in
Pregnancy. New York : Random House, 1977.
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county prenatal nutrition education project : A preliminary
report. Journal of Reproductive Medicine, 1974 ; 13 :175.
30. Stewart, A., Webb, J., Giles, D., and Hewitt, D. Malignant
disease in childhood and diagnostic irradiation in utero,
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31. Haire, D. B. In Encyclopedia of Childbearing : Critical
Perspectives, Ultrasound in Obstetrics : A question of safety.
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32. Robertson, A. Empowering Motherhood. Camperdown,
NSW, Australia : ACE Graphics, 1994.
33. Rothman, B. K. The Tentative Pregnancy : Prenatal
Diagnosis and the Future of Motherhood. New York : Viking,
1986
34. Rothman, B. K., ed. The Encyclopedia of Childbearing :
A guide to Prenatal Practices, Birth Alternatives, Infant Care
and Parenting Decisions for the ‘90s. New York : Henry Holt
and Company, 1993.
35. Wickham, S. Anti-D in Midwifery : Panacea or Paradox ?
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36. Maybe, S., et al. Rate of RhD sensitisation before and
after implementation of a community based antenatal
prophylaxis programme. British Medical Journal, 1997 ;
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37. Urbaniak, S. Proceedings of the Consensus Conference
on Anti-D prophylaxis. British Journal of Obstetrics and
Gynaecology, 1998 ; 105 :18, 24.

CHAPITRE 6 : La mise en route du travail

38. Wagner, M. Pursuing the Birth Machine : The Search for


Appropriate Birth Technology. Camperdown, NSW, Australia :
ACE Graphics, 1994.
39. Wing, D.A. Labor induction with misoprostol. American
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Induction of labor.
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cervical ripening agent. British Journal of Obstetrics &
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prostaglandin E2 gel for preinduction cervical ripening and
labor induction. American Journal of Obstetrics & Gynecology,
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Obstetrics, Gynecology & Reproductive Biology, 1998 ;
78 :37-40.
69. Goldsmith, J. Childbirth Wisdom from the World’s Oldest
Societies. Brookline, MA : East-West Health Books, 1990.

7 : Accoucher : permettre à la liberté


CHAPITRE
de mouvement et la pesanteur de faciliter le
travail

70. Graham, H. Eternal Eve. London : William Heinemann,


Ltd., 1950.
71. Engelmann, G. Labor among Primitive Peoples, 2nd ed.
St. Louis : H. J. Chambers, 1883.
72. Ibid.
73. Brackbill, Y., et al. Obstetric premedication and infant
outcome, American Journal of Obstetrics & Gynecology,
1974 ; 188 :347-84.
74. Rosen, M. Benefits and Hazards of the New Obstetrics,
ed. Chard, T., and Richards, M. London : Heinemann, 1977.
75. Inch, S. Birthrights. New York : Random House, Inc.,
1982.
76. Curtis, P. Birth, June 1999 ; 26 :123-6.
77. Ibid.
78. Engelmann, op. cit.

CHAPITRE 8 : La puissance oubliée du vagin


versus l’épisiotomie

79. Prendergast, E. A Fertility figure from Tullaroan, Old


KilKenny Review, 1992

CHAPITRE10 : Quelques jalons dans l’art de la


sage-femme

80. Smith, Margaret Charles, and Holmes, Linda J. Listen to


Me Good : The Story of an Alabama Midwife. Columbus : Ohio
State University Press, 1995.
81. Marland, H., Kloosterman, G. J., and van Leiberg, M. J.
Mother and Child Were Saved : The Memoirs (1693-1740) of
the Frisian Midwife Catharina Schrader. Bilthoven, the
Netherlands : Catharina Schrader Stichting, 1987.
82. Ulrich, Laurel Thatcher. A Midwife’s Tale. New-York :
Random House, 1990.
83. Tucker, Beatrice, and Benaron, Harry. Maternal mortality
of the Chicago maternity center. American Journal of Public
Health, January 1937 ; Volume 27.
84. Tew, Marjorie. Safer Childbirth ? A Critical History of
Maternity Care. London : Chapman and Hall, 1990.
85. Rockenschaub, Alfred. Gebären ohne Aberglaube.
Vienna : Facultas Universitätsverlag, 2001.

CHAPITRE 11 : Ce à quoi une femme enceinte


s’attend le moins

86. Maternal mortality – United States, 1982-1996. The


Morbidity and Mortality Weekly Report, 1998 ; 47 :34, 705-7.
87. Stewart, A., Webb, J., Giles, D., and Jewitt, D. Malignant
disease in childhood and diagnostic irradiation in utero. The
Lancet, 1956 ; 2 :447-9
88. Katz Rothman, B. Encyclopedia of Childbearing : Critical
Perspectives. Phoenix, AZ : The Oryx Press, 1993.
89. Wing, D., and Paul, R. H. A Comparison of differing
dosing regimens of vaginally administered misoprostol for
preinduction cervical ripening and labor induction. American
Journal of Obstetrics and Gynecology, 1996 ; 175 :158-64
90. Plaut, M. M., Schwartz, M. L., and Lubarsky, S. L.
Uterine rupture associated with the use of misoprostol in the
gravid patient with a previous cesarean section. American
Journal of Obstetrics and Gynecology, 1999 ; 180 :1535-42.
91. Blanchette, H. A., Nayak, S., and Erasmus, S.
Comparisons of the safety and efficacy of intravaginal
misoprostol (prostaglandin E1) with those of dinoprostone
(prostaglandin E2) for cervical ripening and induction of labor
in a community hospital. American Journal of Obstetrics and
Gynecology, 1999 ; 180 :1551.
92. Induction of labor with misoprostol. ACOG Committee
Opinion, November 1999.
93. Isaacs, D. Code Blue Birth. The Chicago Reader, May
15, 1998. Disponible sur www.inamay.com.
94. Maternal Mortality and Morbidity Review in
Massachusetts : A Bulletin for Health Care Professionals,
Number 1, May 2000.
95. Berg, C. J., Atrash, H. K., Koonin, L. M., and Tucker, L.
Pregnancy-related mortality in the United States, 1987-1990.
Obstetrics & Gynecology, 1996 ; 88 :161-7.
96. Cunningham, F. G., Gant, N. F., et al. Williams
Obstetrics, 21st ed. New York : McGraw-Hill Medical
Publishing Division, 2001.
97. Isaacs, op. cit.
98. Isaacs, op. cit.
99. Gabbe, S. G., Niebyl, J. R., and Simpson, J. L.
Obstetrics : Normal & Problem Pregnancies, 2nd ed. New
York : Churchill Livingstone, 1991.
100. Bujold, E., Bujold, C., Hamilton, E. F., and Gauthier, R.
J. The Impact of a Single-Layer or Double-Layer Closure on
Uterine Rupture.
101. The Cochrane Database of Systematic Reviews, The
Cochrane Library, 2000.
102. Bivins, J. A., Jr., and Gallup, D. G. C/S Closure
techniques : which work best ? OBG Management, April 2000,
98-108.
103. Chez, R. A., and Stark, M. The Misgav Ladach method
of cesarean section. Contemporary Ob/Gyn, June 1998, 81-
88.
104. Hall, M. and Bewley, S. Maternal mortality and mode of
delivery. The Lancet, 1999 ; 354 :776.
105. Smith, J., Hernandez, C., and Wax, J. Fetal lacerations
injury at cesarean delivery. Obstetrics & Gynecology, 1997 ;
90 :344-6.
106. Lomas, J. and Enkin, M. Variations in operative delivery
rates. In Effective Care in Pregnancy and Childbirth, eds.
Chalmers, I., Enkin, M., and Keirse, M. Oxford University
Press, 1989.
107. Cohen, M., and Carson, B. S. Respiratory morbidity
benefit of awaiting onset of labour after elective caesarean
section. Obstetrics & Gynecology, 1985 ; 65 :818-824.
108. Kloosterman, G. J. Lecture to the Second Annual
Conference of the Midwives’ Alliance of North America,
Toronto, Ontario, Canada, May 1984.

CHAPITRE 12 : Accouchement vaginal après


césarienne (AVAC)

109. ACOG Practice Bulletin No. 5, July 1999 : Vaginal birth


after previous cesarean delivery.
110. ACOG Practice Patterns Number 1, August 1995 :
Vaginal birth after previous cesarean birth.
111. ACOG Practice Patterns No. 1, August 1998 : Vaginal
birth after previous cesarean birth.
112. ACOG Practice Bulletin No. 5, July 1999 : Vaginal birth
after previous cesarean delivery.
113. Ibid.
114. Eisenstein, Mayer. Safer Medicine : Towards Clinical
Scientific Evidence-Based Medicine. Chicago : CMI Press,
2000.
BIOGRAPHIE

Ina May Gaskin a grandi dans l’Iowa, où elle a vu les animaux


mettre bas.
En 1970, elle quitte San Francisco avec son mari Stephen Gaskin,
icône de la « révolution hippie », à la tête d’une caravane composée
de soixante bus aménagés. Sillonnant les États-Unis, ils finissent par
s’arrêter dans le Tennessee rural où ils fondent une communauté,
The Farm, qui a été décrite comme « le premier écovillage dans le
monde ». De façon imprévue, l’une des femmes du groupe met au
monde un bébé, secondée par Ina May, qui a déjà un enfant. Cette
première naissance est une révélation et, dans un premier temps,
Ina May va apprendre le métier de sage-femme de façon
pragmatique.
Quarante ans plus tard, près de trois mille bébés sont nés à
The Farm, dans des conditions si remarquables qu’Ina May Gaskin a
reçu, fin 2011, à Stockholm, le prestigieux prix Nobel alternatif (The
Right Livelihood Award). À cette occasion, elle y a été déclarée l’une
des quatre personnalités les plus importantes de la planète pour son
approche naturelle de la naissance, approche qui a démontré,
chiffres à l’appui, son excellence pour la santé et le bien-être de la
mère et de l’enfant. En 2009, la faculté de médecine de Thames
Valley (Londres) avait déjà mis Ina May Gaskin à l’honneur en lui
accordant le titre de docteur honoris causa. Enfin, honneur suprême,
elle est la seule femme dont le nom ait été donné à une manœuvre
obstétricale (qui lui a été enseignée par des sages-femmes
guatémaltèques traditionnelles).
Les livres d’Ina May Gaskin, vendus à plus d’un million
d’exemplaires, sont publiés en quatorze langues et font aujourd’hui
partie de l’enseignement officiel d’écoles de sages-femmes dans
divers pays. Elle est à l’origine d’un mouvement mondial, Spiritual
Midwifery, qui œuvre en faveur de la renaissance et de l’autonomie
du métier de sage-femme.
MamaScope
Grossesse et accouchement

Francophonie
Sites d’information / Blogs / Forums
Accouchement naturel
Un témoignage personnel sur les préparations à l’accouchement,
sur une naissance naturelle et sur l’allaitement maternel.
accouchement.chez.com
Césarine
Association d’usagers d’information et de soutien sur les
naissances par césarienne.
www.cesarine.org
Contact général : info@cesarine.org
Forum de discussion : forum.cesarine.org
Co-naître
Organisme qui forme les professionnels pour une approche plus
respectueuse de la naissance.
Contacts en France, Belgique et Canada sur le site : www.co-
naitre.net
Forum Les Maternelles
Le forum de l’émission présentée sur France 5 pour toutes les
questions à se poser entre mères ou futures mères.
http://forums.france5.fr/lesmaternelles/liste_categorie.htm
Infobébés
Un portail d’information généraliste.
www.infobebes.com
Libre Choix Naissance
Une association qui présente de nombreuses informations pour
aider à construire un projet de naissance, médicalisé ou non.
www.libre-choix-naissance.com
Magicmaman.com
Portail sur tout ce qui concerne les bébés et les mères.
www.magicmaman.com
Mama is Comic
Blog de BD d’une mère américaine. En anglais.
www.mamaiscomic.com
Maman bébé aujourd’hui
Des dossiers, des quiz, des vidéos pour préparer l’arrivée du bébé.
http://maman-bebe.aujourdhui.com
Maternage
Un site documenté, avec de nombreux articles scientifiques et des
témoignages d’accouchement.
http://maternage.free.fr
Materneo
Site sur le maternage.
www.materneo.com
Naissance consciente
Un site avec de nombreuses informations sur la grossesse et
l’accouchement.
www.naissanceconsciente.fr
Neuf mois en moi
Une association qui a mis en place un forum sur la conception,
l’infertilité, la grossesse, la maternité et la paternité.
www.9moisenmoi.com
Portail Naissance
Ce portail fournit de nombreux liens intéressants « pour une
approche citoyenne de la naissance ».
http://portail.naissance.asso.fr
Projet de naissance
Un blog écrit par une sage-femme pour élaborer son « projet de
naissance », avec des informations juridiques et les démarches à
entreprendre pour un accouchement serein.
www.projetdenaissance.com

France
Associations / Collectifs
AFAR – Alliance francophone pour l’accouchement
respecté
Une association pour informer et soutenir les parents dans leur
projet de naissance.
afar_contact@yahoo.fr
www.afar.info
Blog : www.blog.afar.info
Association Maman Blues
Association de soutien aux personnes concernées par la difficulté
parentale.
Association Maman Blues, Nadège Beauvois-Temple,
47, rue Pierre-Curie, 91600 Savigny-sur-Orge.
info@maman-blues.fr
www.maman-blues.fr
CIANE – Collectif interassociatif autour de la naissance
Le Ciane est un collectif d’associations agréées pour la
représentation des usagers dans le système de santé.
Association Ciane, 9, rue Boulitte, 75014 Paris
Gilles Gaebel : 06 22 54 01 12
collectif_ciane@yahoo.fr
http://ciane.net
Collectif Maisons de naissance
L’objectif du collectif est de militer auprès des pouvoirs publics
pour promouvoir l’ouverture des maisons de naissance et soutenir le
métier de sage-femme.
collectif-mdn@yahoogroupes.fr
http://maisonsdenaissance.wordpress.com
Doulas de France
Cette association a pour but d’informer sur les doulas et
l’accompagnement non médicalisé de la naissance.
Annuaire de doulas sur le site : www.doulas.info
L’arbre à bébés
Association créée en 2003, à l’initiative de jeunes parents, pour
échanger sur l’accompagnement respectueux des enfants : la
naissance respectée, l’allaitement, le portage.
Contact : arbreabebes@ml.free.fr (ou via le forum)
http://larbreabebes.free.fr
Naître chez soi
Collectif de parents pour promouvoir la naissance à domicile.
naitrechezsoi@neuf.fr
Groupe de discussion :
http://fr.groups.yahoo.com/group/naitre_chez_soi
www.naitre-chez-soi.info
NaitreOmonde
Une association pour préparer à la naissance, voire à la
conception, via des ateliers dans plusieurs villes de France.
Tél. : 07 60 48 19 73
www.naitreomonde.com
SMAR – Semaine mondiale de l’accouchement respecté
Mobilisation internationale en faveur du respect de la naissance,
chaque année en mai, créée en 2004 par l’AFAR.
Contacts presse pour la SMAR : smar@mdncalm.org
Catherine Bernard : 06 28 04 41 16 ;
Laure Delpierre : 06 80 47 31 28
www.smar.info
SOS Préma
Association d’aide aux parents d’enfants prématurés.
Par courrier :
SOS Préma, 6, rue Escudier,
92100 Boulogne-Billancourt
Permanence téléphonique : 0811 886 888
info@sosprema.com
www.sosprema.com
Sages-femmes
Association nationale des sages-femmes libérales
Pour trouver les coordonnées d’une sage-femme libérale :
http://ansfl.org/page.php?id=12
Pour toute autre raison : contact@ansfl.org
www.ansfl.org
Collège national des sages-femmes
En complémentarité avec le Conseil national de l’ordre des sages-
femmes, il défend la profession de sage-femme.
Collège national des sages-femmes, 136, avenue Émile-Zola,
75015 Paris
www.cnsf.asso.fr
Conseil national de l’Ordre des sages-femmes
Il veille au respect du code de déontologie des sages-femmes.
Tél. : 01 45 51 82 50
Conseil national de l’ordre des sages-femmes,
168, rue de Grenelle, 75007 Paris
contact@ordre-sages-femmes.fr
www.ordre-sages-femmes.fr
Midwifery Today
Site anglophone pour le soutien des sages-femmes dans le
monde ; organise régulièrement des colloques et des conférences (y
compris en Europe).
Tél. : +1 541 344 7438
conference@midwiferytoday.com
www.midwiferytoday.com
Blogs de sages-femmes et de doulas
Dix Lunes
http://10lunes.canalblog.com
Femmes sages-femmes
http://femmes-sagesfemmes.over-blog.org
Les mères veilleuses
Blog d’une doula.
http://lesmeresveilleuses.over-blog.com
Ma sage-femme et moi
http://masagefemmeetmoi.com
Passion sage-femme
http://passionsagefemme.e-monsite.com

Île-de-France
Associations / Collectifs
ABDOLOG – Institut de Gasquet
Un institut qui dispense des cours de yogas pour les mères et les
bébés, des préparations à la naissance, une rééducation des muscles
après la naissance.
Tél. : 01 43 20 21 20
89, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris
www.degasquet.com
Association française de maternologie
Association qui étudie la dimension psychique de la maternité et
les difficultés de la relation mère-enfant.
1, rue Raymond-Lefebvre, 78210 Saint-Cyr-l’École
Tél. : 01 30 07 27 00 – Fax : 01 30 23 03 17
materno@sfr.fr
http://materno.perso.sfr.fr
CALM – Comme à la maison
Association en partenariat avec la maternité des Bluets, pour
permettre un accouchement naturel, dans un espace peu médicalisé.
6, rue Lasson, 75012 Paris
Tél. : 01 44 75 85 93
http://mdncalm.org
Réseau sages-femmes Paris – Île-de-France
Pour consulter en ligne l’annuaire des sages-femmes en Île-de-
France.
www.sages-femmes-idf.fr

Maisons de naissances / Maternités


Association PaMaNa
Association pour soutenir le projet de maison de naissance à
Pontoise.
http://pamana.test.free.fr
Groupe Naissances
Composé de sages-femmes, d’obstétriciens et de psychologues, ce
groupe propose une approche naturelle de la grossesse et de
l’accouchement.
Deux adresses :
Maternité Mona-Lisa, clinique Léonard-de-Vinci,
95, avenue Parmentier, 75011 Paris
Clinique Ambroise-Paré, 2, rue Léon-Bloy, 92340 Bourg-La-Reine
Tél. : 06 35 95 15 32
groupenaissances@me.com
www.groupenaissances.org
Maternité des Lilas
La maternité des Lilas est un hôpital privé à but non lucratif géré
par l’association Naissance, pionnière en matière d’accouchement
physiologique. La remise en cause par les pouvoirs publics de sa
reconstruction pour agrandir sa capacité signe leur volonté de mettre
un terme à son activité.
12-14, rue du Coq-Français, 93260 Les Lilas
Standard : 01 49 72 64 65
www.maternite-des-lilas.com
Site pour sauver la maternité des Lilas :
www.la-maternite-des-lilas-vivra.com
Maternité Les Bluets
Maternité permettant un accouchement naturel.
Hôpital Pierre-Rouques Les Bluets,
4, rue Lasson, 75571 Paris Cedex 12
Standard : 01 53 36 41 00
www.bluets.org

Sud-Ouest
Maternités / Divers
Centre hospitalier d’Orthez
Le centre offre une piscine de prétravail et la mise à disposition du
plateau technique à deux sages-femmes libérales.
Centre hospitalier d’Orthez, rue du Moulin, B.P. 118, 64301 Orthez
Cedex
Tél. : 05 59 69 70 70 – Fax. : 05 59 69 70 00
www.ch-orthez.fr
Clinique Sarrus Teinturiers
Elle propose des salles de naissance « nature », avec des écharpes
de traction, des gros ballons, un tabouret de naissance, une
baignoire, etc.
49, allée Charles-de-Fitte, 31076 Toulouse Cedex 3
Standard : 05 61 77 33 33
www.clinique-sarrus-teinturiers.fr
Maison Arc-en-Ciel
Maternité qui propose des accouchements physiologiques, dans la
région de Bordeaux.
Polyclinique Bordeaux Rive Droite,
24, rue des Cavailles, 33310 Lormont
www.maison-de-naissance.fr
Maternité de l’hôpital Joseph-Ducuing
Elle favorise un accouchement le plus naturel possible.
Tél. : 05 61 77 34 87
15, rue de Varsovie, 31076 Toulouse Cedex 3
www.hjd.asso.fr

Sud-Est
Associations / Maternités
Association Béziers périnatalité
Elle organise des rencontres sur la périnatalité.
Contact : Nathalie Esteve
Permanence :06 58 16 00 75
2, avenue de la Pléiade, 34500 Béziers
perinatalite@gailhac.com
www.beziers-perinatalite.fr
Aurore
Un réseau de maternités, de services de pédiatrie, de
professionnels et d’associations dans la région Rhône-Alpes, pour
accompagner la grossesse, la naissance et le développement de
l’enfant.
aurore-perinat@chu-lyon.fr
www.aurore-perinat.org
Clinique du Champ-Fleuri
Maternité permettant un accouchement naturel (dans les environs
de Lyon).
Tél. : 08 26 96 99 99
224, avenue Jean-Jaurès, 69150 Décines
clinique-champ-fleuri@sersante.com
www.sersante.com/clinique-champ-fleuri/index2.html
NAD – Naissances à domicile
Association qui soutient la liberté d’accoucher à domicile.
Emmeline : 04 68 38 91 46
Juliet : 06 85 50 72 68
naitrechezsoi@gmail.com
http://nad-66.blogspot.com
Réseau naissance allaitement
Association qui a créé un réseau d’échanges entre parents en
Ardèche.
contact@nouvellesnees.com
www.nouvellesnees.com
Réseau périnatal Alpes-Isère
Réseau de maternités autour de Grenoble, pour un meilleur suivi
de la grossesse.
www.rpai-perinat.org
Réseau périnatal des Deux-Savoies
Réseau de maternités en Savoie et en Haute-Savoie.
www.rp2s.fr
Est
Associations / Maternités
Maternité clinique Sainte-Anne
Elle propose des salles de naissance avec baignoire, ballon, et des
solutions alternatives pour gérer la douleur, comme l’acupuncture ou
la réflexothérapie.
Information inscription : 03 88 45 81 21
Visite maternité : 03 88 45 81 65
rue Philippe Thyss, 67085 Strasbourg Cedex
http://sainteanne.ghsv.org
Naître autrement
Association de parents pour vivre la naissance autrement et choisir
en toute connaissance de cause un accouchement qui respecte la
mère et l’enfant.
71, rue Mazelle, 57000 Metz
Tél. : 03 87 74 64 02
naitre.autrement@free.fr

Ouest
Associations / Maternités
Association Bien Naître
Elle a pour but d’informer les parents et de promouvoir des
conditions de naissance plus respectueuses.
2, rue Malherbe, 44000 Nantes
biennaitre.nantes@gmail.com
www.biennaitre-a-nantes.fr
Association Maman Blues Rennes
Antenne de l’association Maman Blues, elle organise des groupes
de parole mensuels gratuits avec la participation d’un psychologue.
Association Sources,
2, allée de Lucerne, 35000 Rennes
Inscription : 02 99 32 26 95
ou par mail : mamanblues35@gmail.com.
Clinique Jules-Vernes
Maternité qui propose une naissance naturelle.
2-4, route de Paris, 44300 Nantes
Tél. : 02 51 17 17 17
www.cliniquejulesverne.fr
Maternité du CHU d’Angers
Elle propose un accouchement « autrement », avec baignoire,
lianes en tissu, etc.
Tél. : 02 41 35 42 19
1, allée de la Maine, 49000 Angers
www.maternite-chu-angers.fr
Belgique
Accoucher à domicile
Cette association a pour mission de soutenir les parents dans leur
projet de naissance naturelle.
marcia@babykriebels.be
www.accoucheradomicile.be
Alter-Natives ASBL – Pour une naissance à visage humain
Association qui vise à aider les couples à développer leur projet de
naissance.
339, rue de la Tour-Carrée, 5300 Andenne
Tél. : 04 77 47 49 63
contact@alternatives.be
www.alternatives.be/philosophie.htm
Association francophone des doulas de Belgique
Elle propose des formations pour devenir doula et un annuaire
pour trouver une doula proche de chez vous.
Tél. : 04 77 83 48 54
27, rue Armand-Bellery, 4570 Marchin
www.doulas.be
Carrefour Naissance
Site de l’association belge de parents concernés par la naissance
naturelle, consciente et responsable.
http://users.swing.be/carrefour.naissance/

Sages-femmes
Maison de la naissance
Un groupe de sages-femmes qui proposent des accouchements à
domicile ou dans différentes maternités dans la région de Bruxelles.
www.maisondelanaissance.be
Union professionnelle des sages-femmes belges
Pour les futurs étudiants sages-femmes ou pour les parents qui
cherchent une sage-femme en Belgique.
203, rue de Baume, 7100 Haine-Saint-Paul
Tél. : 04 97 25 80 22
contact@sage-femme.be
www.sage-femme.be

Maisons de naissance
L’Arche de Noé
Maison de naissance à Namur.
39, rue Loiseau, 5000 Namur
info@maison-de-naissance.be
www.maison-de-naissance.be
Liste des maisons de naissance en Belgique
http://www.libre-choix-
naissance.com/pages/Maisons_de_Naissance_ailleurs-455227.html
Québec
Hypnonaissance
Cours prénatals d’hypnonaissance à Montréal.
Tél. : (514) 592 4946
4020, St-Ambroise, suite 472 Montréal, Québec, H4C 2C7
ilona@hypnonaissance.com
www.hypnonaissance.com
Maman Chérie
Site qui propose des informations sur une naissance
démédicalisée, une boutique en ligne, des cours prénatals, à Laval.
Tél. : (450) 661 6629
info@mamancherie.ca
www.mamancherie.ca/fr

Associations / Organismes
Alternative Naissance
Organisme communautaire de soutien périnatal.
6006, avenue de Bordeaux, Montréal, Québec, H2G 2R7
Tél. : (514) 274 1727
info@alternative-naissance.ca
www.alternative-naissance.ca
Étoile de Mère
Centre d’accompagnement à la naissance à Montréal.
Tél. : (514) 278 3769
info@etoiledemere.com
www.etoiledemere.com
Groupe MAMAN – Mouvement pour l’autonomie dans la
maternité et pour l’accouchement naturel
631, Jacques-Brodeur, Laval, Québec, H7E 2W4
Tél. : (450) 664 0441
info@groupemaman.org
www.groupemaman.org
Le Regroupement Naissance – Renaissance
Organisme qui défend les droits des femmes pendant la période
périnatale.
Tél. : (514) 392 0308
info@naissance-renaissance.qc.ca
www.naissance-renaissance.qc.ca
Les Relevailles de Montréal
Centre d’accompagnement après la naissance.
Bureau 341, 14115, rue Prince-Arthur, Pointe-aux-Trembles,
Montréal, H1A 1A8
Tél. : (514) 640 6741
www.relevailles.com
MAM – Autour de la maternité
Réseau d’accompagnement pour les jeunes parents, qui propose
notamment des marraines d’allaitement.
Tél. : (514) 990 9626
info@mam.qc.ca
www.mam.qc.ca
Mère et Monde
Mère et Monde est un centre de maternité à Montréal qui fournit
aux femmes enceintes l’information et le soutien pour vivre
pleinement leur grossesse en toute sécurité.
Tél. : (514) 362 0177
info@mereetmonde.com
www.mereetmonde.com
Réseau des centres de ressources périnatales du Québec
Ce réseau regroupe plusieurs centres de ressources périnatales
afin de proposer des services plus complets aux parents.
Tél. : (418) 704 2562
reseaudescrp@videotron.ca
www.reseaudescrp.org
Sages-femmes / Doulas
Maison de naissance Mimosa
Pour trouver une liste de maisons de naissance au Québec.
182, rue de l’Église, Saint-Romuald, Québec, G6W 3G9
Tél. : (418) 839 0205
www.mimosa.qc.ca
Ordre des sages-femmes du Québec
Informations sur les maisons de naissance et les sages-femmes au
Québec, ainsi que leur formation.
Tél. : (514) 286 1313
administration@osfq.org
www.osfq.org
Réseau québécois d’accompagnantes à la naissance
Réseau de doulas du Québec.
information@naissance.ca
www.naissance.ca

Suisse
Associations
ANSFD – Association neuchâteloise des sages-femmes à
domicile
Pour le canton de Neuchâtel, Les Franches-Montagnes et le vallon
de Saint-Imier.
Tél. : 079 280 48 28
Centre Brazelton
Association qui dispense des cours et des formations pour
l’accompagnement des parents.
www.brazelton.ch
Swiss Maman Blues
L’association Maman Blues sur la dépression du post-partum.
www.swissmamanblues.ch

Sages-femmes / Doulas
Association de sages-femmes à domicile
Permanence téléphonique : 022 329 05 55
www.arcade-sages-femmes.ch
Doula Suisse romande
Pour trouver une doula en Suisse.
www.doulasuisse.org
Fédération suisse des sages-femmes
25 C Rosenweg, 3000 Berne 23
Tél. : 031 332 63 40
info@hebamme.ch
www.sage-femme.ch

Maisons de naissance
IGGH-CH – Association suisse des maisons de naissance
Liste des maisons de naissance dans toute la Suisse.
www.maison-de-naissance.ch
Centre Agapê
Préparation individuelle ou en groupe à la grossesse et à la
naissance, soins après l’accouchement, soutien à l’allaitement,
médecine douce pour les enfants.
20, chemin Rieu, 1208 Genève
Tél. : 022 347 21 22
Maison de naissance des Dix Lunes
45, route de Presinge, 1241 Puplinge
Tél. / Fax : 022 700 42 31
contact@dixlunes.ch
www.dixlunes.ch
Maison de naissance Tilia
9, chemin des Valangines, 2000 Neuchâtel
Tél. : 032 724 12 23
info@tilia-naissance.ch
www.tilia-naissance.ch
Livres sur l’accouchement
Accoucher par soi-même, Le Guide de la naissance non assistée, Laura Kaplan
Shanley (Mama Editions, 2012)
Bien-être et maternité, Bernadette de Gasquet (Albin Michel, 2009)
Bien naître, Dr Michel Odent (Seuil, 1976)
Bouger en accouchant, Blandine Calais-Germain (Éditions Désiris, 2009)
Césariennes : questions, effets, enjeux. Alerte face à la banalisation, Dr Michel
Odent (Éditions Le Souffle d’or, 2007)
Devenir mère. Histoire secrète de la maternité, Jean-Marie Delassus (Dunod, 2007)
Histoires de naissances, Dr Michel Odent (Desclée De Brouwer, 1991)
HypnoNaissance : la méthode Mongan, Marie F. Mongan (Éditions du Petit Monde,
2009)
Intimes naissances. Choisir d’accoucher à la maison, Juliette et Cécile Collonge (La
Plage éditeur, 2008)
J’accouche bientôt et j’ai peur de la douleur, Maïtie Trelaün, préface de Michel
Odent (Éditions Le Souffle d’Or, 2008)
La Naissance orgasmique. Guide pour vivre une naissance sûre, satisfaisante et
agréable, Elizabeth Davis, Debra Pascali-Bonaro (Éditions du Hêtre, 2010)
Le bébé est un mammifère (nouvelle édition enrichie de Votre bébé est le plus
beau des mammifères), Dr Michel Odent (Éditions l’Instant Présent, 2011)
Le Droit des mères. La grossesse et l’accouchement, Sophie Gamelin-Lavois,
Martine Herzog-Evans (L’Harmattan, 2003)
Le Guide de la naissance naturelle, Retrouver le pouvoir de son corps, Ina May
Gaskin (Mama Editions, 2012)
Le Périnée féminin et l’accouchement, Blandine Calais-Germain (éditions Désiris,
1999)
Le Sens de la maternité, Jean-Marie Delassus (Dunod, 2011)
Les Droits des mères. Les premiers mois, Sophie Gamelin-Lavois, Martine Herzog-
Evans (L’Harmattan, 2003)
Ma grossesse, mon bébé bio, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau et Martine
Laganier (Eyrolles, 2009)
Parents et sage-femme : l’accompagnement global, Paloma Chaumette (éditions
Yves Michel, 2005)
Pour une naissance à visage humain, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau (éditions
Jouvence, 2007)
Trouver sa position d’accouchement, Bernadette de Gasquet (Marabout, 2009)
Vivre sa grossesse et son accouchement : une naissance heureuse, Isabelle
Brabant (Éditions Chronique sociale, 2003)
Allaitement

Francophonie
Sites d’information / Blogs / Forums
ADJ+ Allaitement des jumeaux et plus
Site spécialisé dans l’allaitement des jumeaux et plus.
questions-espace-allaitement@allaitement-jumeaux.com
www.allaitement-jumeaux.com
Allaitement et droit – Blog de Martine Herzog-Evans
Informations sur les aspects juridiques de l’allaitement maternel,
par l’auteur d’Allaitement maternel et droit.
http://allaiteretdroit.blogspot.com
Allaitement pour tous
Liste de discussion.
http://fr.groups.yahoo.com/group/allaitement_pour_tous
À tire d’Ailes
Le blog des femmes qui allaitent et travaillent.
www.lactissima.com/blog
Info Allaitement
Site d’information sur l’allaitement qui regroupe le Centre
ressource documentaire pour l’allaitement maternel et l’association
Information pour l’allaitement.
www.info-allaitement.org
Le Lien lacté
Ce site a pour but d’aider les mères qui désirent s’informer sur
l’allaitement maternel et qui cherchent du soutien.
http://lelienlacte.com
Vêtements
Ma Belle
Vêtements pour les femmes qui allaitent.
http://www.mabelle.ch
MamaNANA
Site de vente en ligne de vêtements d’allaitement.
www.mamanana.com
Blog de Mamanana : http://blog.allaitement.mamanana.com

Associations
ADLF – Association des lactariums de France
Cette association collecte les dons de lait maternel en France via
des lactariums.
26, boulevard Brune, 75014 Paris
www.lactariums-de-france.fr
AFCL – Association française des consultants en lactation
Elle regroupe les consultants en lactation dans toute la France, via
un annuaire.
www.consultants-lactation.org
AMF
Fondé par La Leche League, Allaitement maternel-formation est un
organisme de formation spécialisé dans l’accompagnement de
l’allaitement maternel, l’accueil du nouveau-né et le soutien du lien
parental.
www.allaitement-maternel-formation.com
CERDAM – Centre de ressource documentaire pour
l’allaitement maternel
Il met à disposition des informations scientifiques sur l’allaitement.
165, chemin du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite
Tél. / Fax : 04 78 42 09 16. Port. : 06 75 81 42 53
cerdam@info-allaitement.org
CO-FAM – Coordination française pour l’allaitement
maternel
Cette association soutient l’allaitement et participe notamment à
l’organisation de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel.
Liste d’associations par région sur le site.
http://coordination-allaitement.org
IPA – Information pour l’allaitement
Cette association soutient l’allaitement auprès des professionnels.
http://www.info-allaitement.org/association-ipa.html
La Grande Tétée
Association de parents pour défendre l’allaitement maternel, qui
organise une tétée collective publique dans plusieurs villes de
France.
www.grandetetee.com
La Leche League – France
Antenne française de la Leche League pour défendre et
encourager l’allaitement.
Conseils et informations ainsi qu’un répertoire des permanences
téléphoniques dans votre région sur le site.
www.lllfrance.org
Mosaïques d’allaitements
Association de soutien pour les mères qui allaitent.
http://reseau-allaitement.com
Solidarilait
Réseau d’associations de soutien à l’allaitement, présent dans
toute la France.
www.solidarilait.org

France (Est)
Action pour l’allaitement
Association de soutien à l’allaitement en Alsace-Lorraine.
Tél. : 03 88 27 31 72
http://action-allaitement.fr
Info allaitement 54
Association de soutien à l’allaitement dans la Meurthe-et-Moselle.
Tél. : 03 83 35 00 42
info.allaitement54@free.fr
http://info.allaitement54.free.fr

France (Nord)
Materlait
Association de soutien à l’allaitement dans le Nord-Pas-de-Calais.
Tél. : 03 28 59 00 09
associationmaterlait@gmail.com
http://materlait.e-monsite.com
Solidarilait Nord
Antenne de l’association Solidarilait.
Tél. : 03 20 78 08 00
contact@solidarilait-nord.fr
www.solidarilait-nord.fr
France (Ouest)
Allaiter à Nantes
Association de soutien à l’allaitement.
http://allaiteranantes.canalblog.com
Allô Allaitement 44
Association de soutien à l’allaitement dans le département de
Loire-Atlantique.
alloallaitement44@free.fr
http://alloallaitement44.free.fr
Bébé Koala
Association de soutien à l’allaitement et cours de portage en
écharpe à Saint-Brieuc.
Permanence à partir de 14 h : 02 56 40 10 08
http://bebekoala.e-monsite.com
Renoal
Ce site recense les associations de soutien à l’allaitement en
Normandie.
www.renoal.fr

France (Sud-Est)
Association 83
Association de soutien à l’allaitement dans les environs de Toulon.
allaitement83@hotmail.fr – http://allaitement83.over-blog.com
CADRAR – Collectif allaitement Drôme-Ardèche
Association de soutien à l’allaitement à Valence.
Tél. : 04 75 83 73 25
cadrar2607@gmail.com
www.cadrar.org
Galaectee – Groupe allaitement lyonnais accueil conseil
témoignage écoute entraide
Association de soutien à l’allaitement, avec une permanence
téléphonique.
4, rue Bodin, 69001 Lyon
Boîte vocale : 04 72 07 01 00
www.galactee.org
Lactea
Association de soutien à l’allaitement dans la région du Vaucluse.
lactea@orange.fr
http://lactea.free.fr
La Voie lactée
Association de soutien à l’allaitement à Grenoble.
contact@voielactee38.com
http://voielactee38.com/
Le Tétou
Association de soutien à l’allaitement à Béziers.
Tél. : 06 26 36 00 70
Maison de la vie associative, 15, rue du Général-Margueritte,
34500 Béziers
le_tetou@hotmail.com
http://tetoublog.canalblog.com
MAM – Montpellier allaitement maternel
Association de soutien à l’allaitement à Montpellier.
http://allomam.canalblog.com

France (Sud-Ouest)
Conseil en allaitement
Site d’une consultante en lactation dans la région de Toulouse.
barrio.edith@gmail.com
http://conseilallaitement.fr
Solidarilait Gironde
Antenne de l’association Solidarilait en Gironde.
http://sites.google.com/site/solidarilaitgironde
Belgique
Allaitement-Infos
Association de soutien à l’allaitement. Numéros des permanences
téléphoniques via le site.
www.allaitement-infos.be
Infor-Allaitement
Association de soutien à l’allaitement.
Permanence téléphonique : 02 242 99 33
11, rue de Braives, 4210 Vissoul (Burdinne)
info@infor-allaitement.be
www.infor-allaitement.be
La Leche League Belgique
Pour trouver le numéro d’une animatrice : 02 268 85 80
www.lllbelgique.org

Québec
Allaitement Québec
Association de soutien à l’allaitement à Québec.
Tél. : 418 704 3575
Permanence téléphonique : 418 623 0971 ou 1 877 623 0971
177, 71e Rue Est, 2e étage, Québec, G1H 1L4
info@allaitementquebec.org
http://allaitementquebec.org
Allaitement maternel
Liste de groupes de soutien dans chaque région du Québec.
www.allaitementmaternel.ca
Chantelait
Groupe de soutien à l’allaitement.
1320, rue Saint-Paul, L’Ancienne-Lorette, G2E1Z4
Tél. : 418 877 5333
chantelait@videotron.ca
www.chantelait.org
Entraide Naturo-Lait
Association de soutien à l’allaitement.
Permanence téléphonique : 663 2711
info@entraidenaturolait.com
www.entraidenaturolait.com
Fédération québécoise Nourri-Source
Mouvement d’entraide pour l’allaitement maternel.
110, rue Sainte-Thérèse, bureau 001,
Montréal, Québec, H2Y 1E6
Tél. : (866) 948 5160 ou (514) 948 9877
http://www.nourri-source.org
La Leche League Canada
www.lllc.ca
Liste des organismes offrant des services en allaitement :
Les P’tits Gobe-lait :
www.allaitementmaternel.ca/ptitsgobelait/index.htm
Maison de la famille Éveil-Naissance :
www.eveilnaissance.com
La Nichée :
www.lanichee.org
Association Parents-Ressources des Bois-Francs :
www.parentsressources.org
Allaitement-Soleil : www.allaitement-soleil.org
Centre Ressources naissance :
www.ressourcesnaissance.ca
Maison de la famille des Chenaux :
www.maisondelafamilledeschenaux.com
Maison de la famille Drummond inc :
http://maisonfamille.drummond.net
Maison des familles de Mékinac :
mdfmekinac@globetrotter.net
Maison des familles Chemin-du-Roi : www.mfcdr.org
Centre en périnatalité L’Étoile de mère :
www.etoiledemere.com
Collectif de Sept-Îles pour la santé des femmes :
www.collectifsante.org
Allaitement Sein-Pathique :
http://seinpathique.weebly.com
Les Amies de l’allaitement de la Matawinie :
www.lesamiesdelallaitement.org
Naissance – Renaissance des Hautes-Laurentides –
La Mèreveille : www.telebecinternet.com/mereveille

MAM – Autour de la maternité


Association qui accompagne les familles lors de la période
périnatale. On peut choisir une marraine d’allaitement sur le site.
Tél. (ligne dédiée à l’allaitement) : 514 990 9MAM (626)
info@mam.qc.ca
www.mam.qc.ca

Suisse
IBCLC – Association suisse des consultantes en lactation
www.stillen.ch
GIFA – Association genevoise pour l’alimentation infantile
Association de soutien à l’allaitement à Genève.
Tél. : 022 798 91 64
info@gifa.org
www.gifa.org
La Fondation suisse pour la promotion de l’allaitement
maternel
Schwarztorstrasse 87, 3007 Bern
Tél. : 031 381 49 66
contact@stiftungstillen.ch
www.allaiter.ch
LLL Suisse romande – La Leche League Suisse
Réunions mensuelles de partage d’expérience sur l’allaitement et
le maternage et contact d’animatrices sur le site.
http://romandie.stillberatung.ch
Livres sur l’allaitement
Allaitement maternel et droit, Martine Herzog-Evans (Éditions L’Harmattan, 2007)
Allaiter, c’est bon pour la santé, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau (Éditions
Jouvence, 2004)
Anthologie de l’allaitement maternel, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau et Dr
Michel Odent (Éditions Jouvence, 2002)
L’Allaitement maternel : la voie lactée, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau
(Éditions Jouvence, 2003)
L’Art de l’allaitement maternel, La Leche League (First Éditions, 2009)
Le Guide de l’allaitement naturel, Nourrir son enfant en toute liberté, Ina May
Gaskin (Mama Editions, 2012)
Petit Guide de l’allaitement pour la mère qui travaille, Claude-Suzanne Didierjean-
Jouveau (Éditions Jouvence, 2009)
Soins des enfants

Sites d’information / Blogs / Forums / Produits


France
Association française de massage pour bébé
Site d’information sur le massage, avec des adresses de cours de
massage partout en France.
www.massage-bebe.asso.fr
Bébé au naturel
Des produits pour bébés et femmes enceintes (couches lavables,
jouets, vêtements de grossesse et d’allaitement, etc.).
www.bebe-au-naturel.com
Brindilles
Produits bio pour les enfants et les mères.
www.brindilles.fr
Ces doux moments
Virginie Clavier, consultante et instructrice en massage pour bébé.
Tél. : 06 09 36 19 35
cesdouxmoments@gmail.com
www.cesdouxmoments.blogspot.com
Ecopitchoun
Le spécialiste de l’hygiène naturelle infantile (HNI) ou encore
« bébé sans couche » (informations et produits).
www.ecopitchoun.com
Forum Féminin Bio
Forum dans lequel de bonnes adresses de soins naturels pour
bébé s’échangent.
http://www.femininbio.com/forum/les-soins-naturels-pour-
bebe.html
Je porte mon bébé
Des informations, des vidéos d’explication, une boutique en ligne
pour apprendre à porter son bébé.
http://jeportemonbebe.com
Lilinappy
Couches lavables et produits naturels pour les mères et les bébés.
www.lilinappy.fr
Massage bébé
Un site avec des conseils et des vidéos pour réaliser des massages
pour bébés, mais aussi des adresses pour effectuer des formations
de massage partout en France.
www.massage-bebe.net
Natiloo
Produits bio pour les bébés.
www.natiloo.com
Porte-bonheur
Produits pour bébé (écharpes de portage, coussin d’allaitement,
couches lavables, etc.).
www.porte-bonheur.fr
Porter son bébé, tout un art
Réseau national de monitrices de portage des bébés. Sur le site,
une carte de France pour trouver un atelier près de chez vous.
www.portersonenfant-toutunart.fr
Île-de-France
Mama Luna
Une association qui propose des ateliers sur le portage, le
massage, l’alimentation et la communication préverbale des bébés.
Tél. : 06 23 77 05 32
vbardainne@yahoo.fr
http://mama-luna.typepad.com
Mamanzen
Ce site propose des massages pour bébés et femmes enceintes.
Séances à Paris, Créteil et Charenton-le-Pont, ou à domicile.
contact@mamanzen.com
www.mamanzen.com
Mum and Babe
Un espace dans Paris où l’on peut suivre des ateliers sur le
portage, le massage, la communication gestuelle, mais aussi prendre
un moment pour soi (coiffure, soin) pendant que l’on s’occupe de
votre bébé.
3, rue Keller, 75011 Paris
Tél. : 01 43 38 83 55
contact@mumandbabe.fr
www.mumandbabe.fr
Natbe
Une boutique de puériculture pour une approche naturelle.
Elle organise également des ateliers de chant prénatal, de
massage et de portage.
10, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.
Tél. : 09 50 42 62 82
http://natbe.fr/
Tapovan
Massages et cures ayurvédiques pour femmes enceintes, mères et
bébés.
9, rue Gutenberg, 75015 Paris.
Tél : 01 45 77 90 59
www.tapovan.com.fr

Sud-Ouest
Bébé Bien-être
Ateliers de portage en écharpe et cours de massage pour bébés
à Toulouse et dans sa région.
Tél. : 06 14 45 01 20
bebebienetre@gmail.com
www.bebebienetre.fr
Bébés Bohèmes
Ateliers de portage et de massages pour bébés.
Villa 64, 7, route de Saint-Simon, 31100 Toulouse
Tél. : 06 61 50 26 61
contact@bebesbohemes.fr
http://bebesbohemes.fr
La Maison des bébés
Un espace à Bordeaux qui propose des ateliers de massage et de
portage.
Tél. : 05 56 07 23 56 ou 06 28 02 67 36
lamaisondesbebes@yahoo.fr
http://lamaisondesbebes.wifeo.com
Massage Bébé Bordeaux
Tél. : 06 03 60 61 80
contact@massagebebe-bordeaux.fr
www.massagebebe-bordeaux.fr
Sud-Est
Bébé terrien
Boutique de produits naturels pour les bébés.
4, rue Romarin, 69001 Lyon
Tél. : 04 72 00 27 72
contact@bebe-terrien.com
www.bebe-terrien.com
Périnatalité Massage Bébé
Espace d’échanges autour de la périnatalité et en particulier du
massage pour bébés dans l’Hérault et la Région Provence-Alpes-Côte
d’Azur.
Tél. : 06 12 09 20 54
ginko2207@gmail.com
http://perinatalite.over-blog.net/
Porter son enfant
Association pour l’information et la promotion du portage, mais
aussi des adresses pour trouver des ateliers de portage en France et
en Belgique.
Tél. : 04 50 19 03 06 ou 06 11 70 32 23
info@portesonenfant.fr
www.portersonenfant.fr
Porter en écharpe
Ateliers de portage en écharpe dans la région de Montpellier.
Tél. : 06 22 17 34 33
portageenpartage@gmail.com
http://porter-en-echarpe.lescigales.org
Tout contre mon cœur
Ateliers de portage en écharpe à Lyon, Vienne, Beaurepaire et les
environs.
Tél. : 06 88 24 06 30
contact@toutcontremoncoeur.com
www.toutcontremoncoeur.com
Ouest
Bébé Planète
Boutique à Rouen qui propose des produits naturels pour les
mères et leur bébé, des ateliers de massage, de portage, etc.
11, rue du Général-Leclerc, 76100 Rouen
bebeplanete@live.fr
www.bebe-planete.com
Jamaril
Cours de réflexologie pour les mères et leur bébé.
34, avenue du Corniguel, 29000 Quimper
Tél. : 06 24 80 63 66
jamarilcontact@orange.fr
www.reflexologie-quimper.fr
Naïna
Une boutique de produits naturels pour bébés à Rennes.
10, rue Saint-Melaine, 35000 Rennes
Tél. : 02 99 36 29 81.
contact@naina-bebe.com
www.naina-bebe.com
Tribu Koala
Des cours de portage organisés en Bretagne.
Contact sur le site pour des cours organisés près de chez vous.
http://tribukoala.fr
Est
Cœur de bulle
Ateliers de portage près de Nancy.
http://coeurdebulle54.e-monsite.com
Massage Bébé
Cours de massage pour bébés en Alsace.
Tél. : 03 89 47 36 28
giselejost@orange.fr
www.massage-bebe.com
Belgique
Association belge de massage pour bébés
Des informations et des adresses pour apprendre le massage pour
bébés.
Consulter le site pour trouver un animateur près de chez vous.
www.abmbb.be
Ecole de massage autour de la naissance et de l’enfance
Cours de massage pour bébés à Namur, Brabant Wallon, Charleroi
ou à domicile.
Tél. : 04 98 57 14 13
contact@massage-bebe.be
www.massage-bebe.be
Ecole de portage
Cours de portage dans toute la Belgique.
Sur le site, liste des animatrices par région.
www.ecoledeportage.be
Mamzelle Zonzon
Boutique en ligne qui propose des couches lavables et autres
accessoires pour mères et enfants.
www.mamzellezonzon.be
Sebio
Produits bio pour toute la famille, ateliers de massage, de portage
et d’aromathérapie.
101A, rue du Monténégro, 1190 Bruxelles
www.sebio.be
Suisse
Association suisse de massage pour bébés
Cours de massage pour bébés.
3, Ch. du Ruisselet, 1009 Pully
Tél. : 02 17 29 81 42 ou 07 86 34 31 09
m.jayet@hispeed.ch
www.coursmassagebebe.com
Kidsup
Espace pour les enfants qui propose des cours de portage, de
massage pour bébés et de signes pour communiquer.
Tél. : 07 92 08 21 12
info@kidsup.ch
www.kidsup.ch
Jubilane
Vêtements pour femmes enceintes et allaitantes, objets pour
bébés.
www.jubilane.ch/fr/
Portail suisse des parents
Liste d’instituts de bien-être pour enfants et femmes enceintes.
www.naissance.ch/massage-bebe-portage-bebe-suisse.html
Terralana
Magasin de produits bio pour bébés.
www.terralana.com

Canada
Centre du bien-être corporel et yoga
Massage prénatal et pour bébés.
Villa Maria, 4578, rue Harvard, Montréal, QC H4A 2X2
Tél. : 514 488 4544
elyse@yogaplus.net
http://www.yogaplus.net/french/massage.htm
Chimparoo
Informations sur le portage, boutique en ligne et évènements
organisés au Québec autour de cette pratique.
Tél. : 514 905 64 84
www.chimparoo.ca
La Câlinerie
Soins pour toute la famille, cours de portage, langage des signes
pour bébés.
3095, boul. Wilfrid-Hamel, local 101, Québec, QC G1P 4C6
Tél. : 418 907 9479 ou 888 907 9479
www.lacalinerie.com
Massage bébé Linda Coté
Cours de massage pour bébés à Montréal et Longueuil.
Tél. : 514 524 8112
massagebebe@sympatico.ca
www.massagebebe.ca
Livres
L’Art de porter bébé. Nouages et positions, Manuella Favreau (La Plage éditions,
2009.)
Peau à peau. Technique et pratique du portage, Ingrid Van Den Peereboom
(éditions Jouvence, 2009.)
Porter bébé. Avantages et bienfaits, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau (éditions
Jouvence, 2006.)
Du même auteur :

Le Guide de l’allaitement naturel,


Nourrir son enfant en toute liberté
Mama Editions, 2012
Birth Matters: A Midwife’s Manifesta
Pinter & Martin (Angleterre),
Seven Stories Press (États-Unis), 2010
Spiritual Midwifery
The Book Publishing Company, 1987, 2002
Babies, Breastfeeding & Bonding
Bergin & Garvey Publishers, 1987
Chez le même éditeur :

COLLECTION CHAMANISMES

Les Huit Circuits de conscience


Chamanisme cybernétique & pouvoir créateur
Laurent Huguelit
Lui-même praticien chamanique, l’auteur défriche le futur et nous fait découvrir une
cartographie inédite de la psyché. Un outil précieux pour un monde en pleine
transformation, un livre audacieux et lumineux, qui réussit à marier chamanisme
traditionnel, psychologie et channeling.
Préambule d’Ervin Laszlo.

La Voie du chamane
Un manuel de pouvoir & de guérison
Michael Harner
Un manuel irremplaçable qui permet de comprendre et de pratiquer la transe chamanique
sans plantes, avec pour seule aide un tambour. Une référence mondiale, entièrement mise à
jour et préfacée par Laurent Huguelit, auteur de Les Huit Circuits de conscience et coauteur
de Le Chamane & le Psy.

Le Chamane & le Psy


Un dialogue entre deux mondes
Laurent Huguelit, Dr Olivier Chambon
Réalité des esprits, plantes rituelles, substances psychédéliques, vie après la mort, rapports
entre chamanismes et psychothérapies sont au cœur de cette conversation éclairante. Un
dialogue d’avant-garde.
Avant-propos de Michael Harner

Plantes & chamanisme


Conversations autour de l’ayahuasca & de l’iboga
Jan Kounen, Jeremy Narby, Vincent Ravalec
Réunies pour la première fois, trois personnalités témoignent librement d’une pratique qui
échappe à l’ordinaire : la découverte et l’expérience du chamanisme par des Occidentaux.

COLLECTION LES LIVRES DE SETH


Seth parle
L’éternelle validité de l’âme (tomes I & II)
Un livre de Seth, par Jane Roberts
Seth est considéré par des millions de lecteurs comme le maître spirituel qui leur a ouvert la
porte vers d’autres niveaux de réalité.
Dès les années 1960, avant Deepak Chopra ou Eckhart Tolle qu’il a inspirés, Seth se situe à
la source du mouvement actuel de développement personnel.

La Nature de la réalité personnelle


Comment résoudre vos problèmes quotidiens et enrichir votre vie
(tomes I & II)
Un livre de Seth, par Jane Roberts
Seth est considéré par des millions de lecteurs comme le maître spirituel qui leur a révélé
d’autres niveaux de réalité. Un enseignement pratique, particulièrement en phase avec
notre époque, et qui donne des clés pour modifier notre rapport au monde.

Le Matériau de Seth
Une initiation (tomes I & II)
Un livre de Seth, par Jane Roberts
Une introduction éclairante et d’accès particulièrement facile au message de Seth, l’entité
considérée par des millions de lecteurs comme l’un des grands maîtres spirituels de notre
époque.
Présenté par Jane Roberts, qui lui prêta sa voix.

COLLECTION TÉMOIGNAGES

De la main gauche, Journal 1


Sexe, drogues & guérison
Michka
Un petit livre intime et attachant, affranchi de bien des tabous, où les sujets les plus
profonds sont abordés avec élégance.

De la main gauche, Journal 2


Une femme dans l’herbe
Michka
Dans ce deuxième tome, la sexualité, l’enfantement ou la marijuana sont traités de manière
à la fois crue et pudique.
Un livre iconoclaste qui fait du bien.
De la main gauche, Journal 3
Une femme reverdit
Michka
Peut-on guérir en changeant son contenu mental ?
La résolution d’un cheminement, aboutissement d’une trilogie riche de questions
fondamentales.

Mr Nice
Une autobiographie
Collector Edition
Howard Marks
Hier recherché par toutes les polices, aujourd’hui star internationale, Howard Marks, le
contrebandier de hasch aux quarante-trois identités devenu héros d’un film, raconte.
Confessions d’une légende vivante, figure emblématique du mouvement pour la légalisation
du cannabis. (Photos et épilogue inédits). .

Carnets de voyages intérieurs


Ayahuasca medicina, un manuel
Jan Kounen
Cinéaste, voyageur et explorateur de la psyché, Jan Kounen se met à nu dans ces carnets
intimes. Un témoignage hors norme, doublé du premier guide d’approche de la médecine
traditionnelle de l’ayahuasca en Amazonie.
Préface d’Alejandro Jodorowsky.

De l’ombre à la lumière
Voyages d’un guérisseur chez les chamanes
Metsa Niwue
François Demange, un Français au destin hors-norme, découvre le chamanisme à la suite
d’une expérience de mort imminente.
Initié à diverses traditions d’Amazonie et d’Amérique du Nord, il sera finalement adopté
dans ces différentes cultures comme le fils spirituel de grands guérisseurs.

COLLECTION JARDINAGES

Culture en intérieur
Master Edition : la bible du jardinage indoor
Jorge Cervantes
Plantes et fleurs exotiques sous lumière artificielle, été comme hiver : le manuel de
référence pour l’horticulture high-tech, du jardin pour amateurs aux installations les plus
sophistiquées.
JardinoScope inclus (annuaire d’adresses utiles).

Culture en intérieur
Basic Edition : l’abc du jardinage indoor
Jorge Cervantes
L’horticulture high-tech simplifiée pour tous.
JardinoScope inclus (annuaire d’adresses utiles).

HORS COLLECTION (SEMI-POCHES)

Cannabis médical
Du chanvre indien au THC de synthèse
Michka et collectif
Un état des lieux richement illustré, avec la participation de médecins et de patients :
variétés, modes d’absorption, législations, bénéfices thérapeutiques, nouveaux
médicaments, coffeeshops renommés, dispensaires d’herbe dans le monde, etc.
CannaScope inclus (annuaire d’adresses utiles).

Mr Nice
Une autobiographie
Howard Marks
Hier recherché par toutes les polices, aujourd’hui star internationale, Howard Marks, le
contrebandier de hasch aux quarante-trois identités devenu héros d’un film, raconte.
Confessions d’une légende vivante, figure emblématique du mouvement pour la légalisation
du cannabis.

COLLECTION NAISSANCES

Le Guide de l’accouchement naturel


Retrouver le pouvoir de son corps
Ina May Gaskin
Accoucher chez soi, en maison de naissance ou en maternité… La sage-femme la plus
célèbre au monde révèle les capacités insoupçonnées du corps de la femme.
Un best-seller enfin en français.
Préface du Dr Michel Odent.
MamaScope inclus (annuaire d’adresses utiles).

Le Guide de l’allaitement naturel


Nourrir son enfant en toute liberté
Ina May Gaskin
Une bible d’informations précieuses et de témoignages réunis par la sage-femme la plus
célèbre au monde, après quarante années d’expérience.
Le best-seller de l’allaitement enfin en français.
Préface du Dr Michel Odent.
MamaScope inclus (annuaire d’adresses utiles).

Accoucher par soi-même


Le Guide de la naissance sans assistance
Laura Kaplan Shanley
Ce petit livre inspirant et soigneusement documenté nous rappelle que tous les mammifères
s’isolent pour enfanter, comme l’ont toujours fait les femmes des peuples premiers ; et que
ces conditions sont particulièrement propices à un accouchement facile, pour peu que nous
dépassions nos peurs.

À PARAÎTRE

COLLECTION GRANDES VOIX DU CHANNELING

Tuning In
Six channels d’aujourd’hui
de David Thomas
Ce livre réunit des interviews de six des plus éminents channels actuels. Il passionnera
aussi bien ceux qui connaissent les livres de Seth – textes fondateurs du channeling – que
ceux qui découvrent ce phénomène contemporain.
Ces channels abordent, entre autres, la « loi de l’attraction », le concept de Dieu, la façon
dont nous créons notre réalité et l’émergence d’un nouveau niveau de conscience humaine.

Catalogue en ligne : www.mamaeditions.net


© Mama Editions (2012)
Tous droits réservés pour tous pays
eISBN : 978-2-84594-078-9
Mama Editions, 1 rue Pétion, 75011 Paris (France)

Version ePub par Les Impressions Électroniques

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