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Les Agents de l' Apocalypse

Anton Parks

Les Agents
de l'Apocalypse
« Project Rising Nibiru »

Éditions Nouvelle Terre


- Le monde en d'autres perspectives -
1re et 4• de couverture : Anton Parks & Hanael Parks

Site officiel : www.antonparks.net

© 2022, Anton Parks, tous droits réservés


© 2022, Éditions Nouvelle Terre
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Ce livre, protégé par des droits d'auteurs,


n'existe qu'en format papier.
Toute version numérique n'est que contre-
façon dont le téléchargement, illégal,
est passible de poursuites judiciaires.
À mon ami et éditeur Pierre Mazé
des éditions Nouvelle Terre.

Pour l'homme qu'il est,


pour l'espoir qu'il garde au milieu des ténèbres de ce monde,
pour la Cause et pour son soutien durant toutes ces années incroyables.
...
TABLE DES MATIERES

Introduction de l'auteur ............................................................................... 13

1re PARTIE:
LA MÉSOPOTAMIE ET LA JUDÉE,
TERRES HISTORIQUES DE TOUS LES POUVOIRS .......................... 17
1. Le pays de Sumer, la famille Rothschild
et les lignées royales de l'aigle et du lion ............................... 23
1. Lorsque la royauté descendit du Ciel ......................................... 24
2. Les Rothschild, leurs nobles protecteurs de la branche
maçonnique des illuminés «Chevaliers Bienfaisants
de la Cité Sainte» et la Révolution française ............................. 29
3. La famille Rothschild et son blason inspiré des symboles
de la lignée royale du dieu sumérien Enlfl ................................ 38
4. L'origine sumérienne de l' «Étoile de David»
et l'apparition des premiers rois historiques
lors de la «naissance de Vénus» ................................................... 44
II. Les ancêtres du Livre : de Babylone au Moyen Âge .............. 55
1. Le rôle de la prêtrise à Babylone ................................................. 56
2. Les raisons de la prospérité du peuple du Livre
de la diaspora babylonienne au Moyen Âge ............................ 61
III. Rothschild & archéologie : l'argent et le pouvoir
aux source de la haine et de la guerre
1. Napoléon Bonaparte : les origines orientales
de la franc-maçonnerie et la campagne d'Égypte .................... 67
2. La rivalité entre la France et la Grande-Bretagne : Napoléon
Bonaparte au cœur de l'échiquier des Rothschild .................... 74
3. Des routes en Égypte et en Mésopotamie
pour protéger les Indes britanniques ......................................... 82
4. L'intérêt pour la Mésopotamie
et les premières fouilles archéologiques .................................... 84

2°PARTIE:
LES COULISSES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE -
QUI A PROFITÉ DU CRIME? ................................................................... 91
I. La guerre du pétrole
1. La Grande-Bretagne et son Élite secrète .................................... 93
2. John D. Rockefeller et la ruée vers l'or noir .............................. 96
3. Le gouvernement britannique n'est pas intéressé
par le pétrole contrairement aux familles Rockefeller,
Rothschild et Nobel ..................................................................... 98
4. La Grande-Bretagne face à la croissance massive
de l'Allemagne et de ses projets en Orient .............................. 101
5. La Serbie, pont nécessaire pour la liaison Berlin-Bagdad ..... 103
6. La Grande-Bretagne se réveille
et tisse sa toile avec les Alliés .................................................... 104
7. Pourquoi les puissantes compagnies pétrolières alliées
approvisionnent-elles toujours les Allemands
durant tout le conflit? .................................................................. 110
Il. Les accords secrets
1. La montée du sionisme: la Palestine ou rien! ......................... 117
2. Les déclarations Balfour et Cambon :
accords secrets entre vainqueurs et sionistes .......................... 122
3. Petits accords entre faux-amis :
à la conquête du pétrole en Orient ........................................... 130
4. Comment les firmes et banques américaines ont contribué
à l'accession d'Hitler au pouvoir et soutenu le III• Reich ...... 132

3°PARTIE:
LES AGENTS DE L'APOCALYPSE ......................................................... 139
1. Sur les traces de Zecharia Sitchin
et de ses futurs associés entre 1912 et 1945
1. Isaac Charchat, l'agent venu du froid ........................................ 141
2. Tel-Aviv, la Levant Fair et la progression
du futur agent Zecharia Sitchin ................................................. 149
3. Robert B. Anderson et !'Opération Lys d'or ........................... 160
4. L'or nazi : l'agent Isaac Charchat, mule
pour le compte des Alliés et transporteur d'or
de la Seconde Guerre mondiale ................................................. 167
II. Des millions de morts supplémentaires
pour «des raisons inavouables»
1. La capitulation de l'Allemagne torpillée
par Franklin D. Roosevelt dès 1943 .......................................... 177
2. Les bombardements de Dresden au phosphore
et les camps du Rhin ................................................................... 186
3. Le nombre de 6 millions de juifs en danger
dans le monde annoncé dans la Presse
bien avant la Seconde Guerre mondiale .................................. 194
4. L'Allemagne doit payer des milliards de dommages
sur plusieurs générations, mais pas les banques
de Wall Street et de Londres ...................................................... 205
III. La conquête de la Terre promise ............................................ 211
1. «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre» .............. 212
2. Isaac Charchat et l'opération « Goshen » .................................. 215
3. L'agent Zecharia Sitchin est envoyé à New York en 1952 ..... 217
4. Les conflits du canal de Suez
et l'intervention de Robert B. Anderson .................................. 220
5. La nationalisation du canal de Suez
et les réactions extérieures ......................................................... 232
6. Zecharia Sitchin en 1957 ............................................................. 237
7. L'armement nucléaire secret d'Israël ........................................ 239
IV. Le dossier John F. Kennedy
1. John F. Kennedy et ses choix avant
et après son accession au pouvoir ............................................ 245
2. John F. Kennedy et la centrale nucléaire israélienne
«qui n'existe pas» ....................................................................... 251
3. Zecharia Sitchin et la construction du pavillon américano-
israélien de la New York World's Fair de 1964-1965 ................. 255
4. L'assassinat de John F. Kennedy,
le 22 novembre 1963 à Dallas .................................................... 258
V. Ne surtout laisser aucune trace
1. Robert B. Anderson : entre In terser et la CIA .......................... 277
2. Zecharia Sitchin dans la tourmente du conflit israélo-
palestinien: la New York World's Fair de 1964-1965 ................. 283
3. Les accords secrets entre la République
fédérale d'Allemagne et Israël ................................................. 298
4. L'intercontinental Trailsea Corporation
et la guerre des Six Jours ........................................................... 300
VI. Les principes, la foi, la gloire et l'argent
1. Isaac Charchat, entre fierté et loyauté ...................................... 307
2. Robert B. Anderson, la chute del' Aigle Noir .......................... 311
3. Zecharia Sitchin, sous la coupe
de la Fondation Rockefeller ....................................................... 317

4• PARTIE:
«PRO/ECT RISING NIBIRU » .................................................................. 325
1. Les preuves du mythe « Nibiru, planète des Anunna au
cycle de 3600 années» inventé par Zecharia Sitchin ........... 327
1. La thèse de Zecharia Sitchin ....................................................... 332
2. Liste des seules sources sur argile évoquant Nibiru ............... 333
3. Le cycle de 3600 années pour Nibiru imaginé par Sitchin ..... 334
4. Le CV de Zecharia Sitchin, fabriqué de toutes pièces ............ 339
5. Les sources invisibles de Zecharia Sitchin ............................... 342
6. Les prétendues traductions
de tablettes sumériennes de Sitchin .......................................... 344
7. Zecharia Sitchin et sa dernière mission .................................... 349
II. Annexe
1. Joseph-Henri Rosny aîné et Les Xipéhuz .................................. 357

Bibliographie ............................................................................................... 363


INTRODUCTION
DE L'AUTEUR

Novembre 2019. Je suis à mon bureau avec, comme toujours, plu-


sieurs projets de livre en cours de rédaction. Lorsqu'un ouvrage dépasse
la centaine de pages, je sais que ce sera le prochain à publier et tous mes
efforts se concentreront sur sa finalisation. Le plus urgent à cette date est
L'Oracle de L'Oiseau Tonnerre, attendu depuis presque dix ans. Ma femme
Hanael et moi avons déménagé plusieurs fois et j'ai besoin de penser à
autre chose que mes projets. Je profite de cette occasion : je ne saurai jamais
assez remercier nos amies Nathalie Knepper et Barbara Ghyse, ainsi que
leurs maris, pour nous avoir aidés à récupérer nos affaires en Alsace. De
plus, Hanael et moi attendons un heureux événement pour la fin du prin-
temps 2020. Nous sommes comblés.

Il y a longtemps que j'attends qu'un auteur ou un universitaire se


penche sur le travail de l' écrivain Zecharia Sitchin. Beaucoup prétendent
que ses traductions en sumérien posent problème. Traduisant moi-même
du sumérien depuis de nombreuses années, j'ai pu constater que les tra-
vaux de Sitchin reposent souvent sur d'autres traductions déjà existantes,
mais avec cette particularité inédite chez lui qu'est la présence d'une pla-
nète dénommée « Nibiru » que Sitchin prétend avoir repérée dans des
textes sur argile vieux de 4000 à 5000 ans. Grâce à cette idée farfelue qui
ne correspond absolument à rien dans les archives de l'ancienne Mésopo-
tamie, il va susciter un certain sensationnalisme et surtout faire peur à des
millions d'individus. Les milliers de personnes impactées à cette époque
(anxiété, dépression et pour certaines formes extrêmes de désespoirs ayant
conduit au suicide1) ne sont pas étrangères à la thèse de Sitchin: l'emploi
de l'épouvantail Nibiru et du thème de la prophétie apocalyptique sont
pour certains types de médias et de gourous des sujets de prédilections ...
Le passé de Zecharia Sitchin est troublant. Nous ne savons abso-
lument rien sur cet homme énigmatique qui se lance dans une carrière
d'auteur à l'âge de la retraite! Des bruits courent qu'il aurait été un agent,
mais un agent de quoi et au service de qui? Je me remémore alors une
discussion téléphonique que j'ai pu avoir en 2006 avec Gerry Zeitlin et

1. Notamment signalé en France par BFMTV qui reprenait un communiqué de la NASA


rapportant son inquiétude quant à l'augmentation du nombre de suicides d'adolescents
spécifiquement identifiés comme ayant attenté à leurs jours peu avant la supposée fin du
monde du 21 décembre 2012 : https:/ /www.bfmtv.com/meteo/fin-du-monde-la-nasa-s-
inquiete-du-nombre-de-suicides-d-ados
14 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

sa femme Marie-Louise que tous ses amis surnommaient «Malou». Les


Zeitlin venaient de lire mon premier ouvrage et nous discutions de cette
manne d'informations. Le sujet de Sitchin fut abordé et Malou n'hésita pas
un seul instant à me dire en français, avec son petit accent suisse: «Ah oui
Sitchin, c'est un agent, il travaille sur le Project Rising Nibiru. »Je n'ensau-
rais pas plus, du moins pour le moment.
Jusqu'à la mort des Zeitlin, le doute persistera - j'avais de toute
façon bien d'autres projets en tête. Mais peu avant la mort de Gerry en
2014, ce dernier se confia à moi en me lançant par exemple que sa femme
et lui avaient tous deux été des agents de la NSA, Malou ayant été un
agent secret qui avait travaillé pour le gouvernement américain à l'époque
des deux mandats de George Herbert W. Bush, l'un comme vice-président
(1981-1989) et l'autre comme président des États-Unis entre 1989 et 1993.

Me remémorant tous ces détails, je me lance en 2019 sur ce projet


avec la ferme intention de faire le point sur la thèse de Sitchin. L'idée de
départ est de rédiger un petit dossier qui sera en libre accès sur mon site
Web. Les mois passent et mon éditeur m'attend pour les éditions complé-
tées des Chroniques du Gfrkù ainsi que pour L'Oracle de L'Oiseau Tonnerre.
Je manque de temps ... En tentant d'en savoir davantage sur la carrière de
Sitchin, je mets au jour des documents inédits ou peu connus du grand pu-
blic; je suis alors rapidement en contact avec un informateur de première
main. Le sujet est délicat, ultra-sensible. Tout en déroulant le fil de l'his-
toire de Zecharia Sitchin, lequel s'avère effectivement être un agent sio-
niste et très probablement du Mossad, je fais face à un réseau, une histoire
tentaculaire. Des sujets sensibles se retrouvent inextricablement liés au fur
et à mesure de mon enquête : trafics d'armes, financement du régime nazi,
CIA, Rothschild, Rockefeller, l'origine et la fondation de l'État d'Israël,
réseaux bancaires internationaux, affaires d'États ... Ce simple dossier de-
vient rapidement un projet de livre. Mon projet initial - à savoir analyser
rigoureusement la thèse de Sitchin basée sur ses hypothèses et traductions
du sumérien - se retrouvera finalement consigné en fin d'ouvrage, relégué
au rang de quasi-anecdote compte tenu des découvertes révélées par mon
enquête.

Étant habitué à travailler depuis de nombreuses années sur !'His-


toire ancienne, je trouve ici des pistes incroyables, des parallèles inédits
à faire entre les mythologies, l' Antiquité et les périodes comprises entre
le début du siècle dernier et l'époque actuelle. Les lecteurs familiers des
thèmes évoqués dans l'introduction des Chroniques du Gfrkù retrouveront
dans cet essai quelques éléments précédemment portés à leur connais-
sance, mais cette fois présentés sous des aspects inédits. Ceux qui n'ont pas
pris connaissance de ces éléments pourront plonger avec empressement
dans un monde nouveau fait de nouvelles perspectives, où mensonge et
vice se travestissent sous les oripeaux de la justice et de la vertu. Vous vous
INTRODUCTION DE L'AUTEUR 15

apprêtez ainsi, amis lecteurs, à plonger dans les coulisses de }'Histoire en


suivant le fil d'une enquête de longue haleine effectuée sans compromis
aucun.
tre PARTIE
, ,
LA MESOPOTAMIE ET LA JUDEE,
TERRES HISTORIQUES
DE TOUS LES POUVOIRS
L 'Orient fascine, mais cette région étendue ne captive pas seule-
ment travers son histoire, ses monuments ou sa beauté, elle
à
intéresse depuis longtemps l'Occident en tant que zone stratégique et sujet
géopolitique à part entière. La Mésopotamie, que l'on nomme aujourd'hui
l'Irak, se trouve au carrefour de l'Europe et de l'Asie. Cette vaste étendue
est depuis les temps les plus reculés un centre politique et économique. En
raison de sa situation stratégique et de son sol riche grâce aux fleuves Tigre
et Euphrate, nombre d'Empires et de royaumes tentèrent un jour de la
conquérir. La Mésopotamie fut successivement envahie par les Sumériens,
les Akkadiens, les Grecs avec Alexandre le Grand, les Perses, les Romains,
les Mongols, plus récemment par les Ottomans, les Britanniques et pour
finir par les États-Unis lors de la guerre du Golfe (1990-1991) et la guerre
d'Irak (2003-2011). Ainsi, avant de nous lancer dans les coulisses de !'His-
toire avec ses agents secrets, nous allons effectuer un bref retour historique
sur la Mésopotamie et expliquer son lien avec le peuple juif, dépositaire de
la Torah, à savoir les cinq premiers livres de la Bible.

Au fil des siècles, les récits bibliques des voyageurs de l' Antiquité
jusqu'au Moyen Âge ont pu révéler quelques noms fameux de lieux ou
personnages au monde occidental et, partant, exciter l'imaginaire des plus
profanes d'entre nous : le jardin d'Eden, Adam et Eve, les Anges de Yahvé,
le Serpent, le Tigre et !'Euphrate, Babylone et sa Tour, le Déluge, les Nephi-
lim responsables de l'infection de l'humanité ... La fragilité des vestiges
des grandes cités du Proche-Orient explique bien souvent cet oubli du
passé : les matériaux utilisés étaient constitués d'argile mélangée avec de
la paille et moulée sous forme de briques séchées au soleil. Bien souvent,
les Mésopotamiens reconstruisaient leurs bâtiments et ziggourats (pyra-
mides) au-dessus de vestiges effondrés. Ils nivelaient de cette manière ces
restes pour en faire des fondations et bâtissaient sur elles de nouveaux édi-
fices. Chaque souverain babylonien avait pour obligation institutionnelle
et morale de rénover ou reconstruire tout sanctuaire de ses prédécesseurs à
partir des pierres de fondation contenant le plan de l'édifice. En supposant
que ces cités prestigieuses du passé ne s'étaient pas décomposées avec le
temps, qu'elles n'avaient pas connu d'inondation ou brûlé lors d'incendies
ou de destructions volontaires, leurs reliquats se retrouvaient alors enfouis
sous des tonnes de sable et oubliés de tous depuis des millénaires.
Dans cette vaste région se trouvait la Tour de Babel, la fameuse zig-
gourat de Bel-Marduk, mais c'est également à Babylone que les Hébreux
furent retenus en captivité à partir de 597 av. J.-C. Le roi babylonien Nabu-
chodonosor s'était acharné sur la Judée qu'il avait débarrassée de la domi-
20 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

nation égyptienne en 605 av. J.-C. Attisé par sa soif de çonquête et par son
obligation millénaire d'assujettir les quatre régions de son royaume, Na-
buchodonosor revint en 587 av. J.-C pour ravager Jérusalem et son fameux
Temple ainsi que pour déporter davantage de captifs, particulièrement les
plus prospères. Albert Réville, théologien français, spécialiste d'exégèse
biblique et d'histoire religieuse (1826-1906 ), ajoute à ce sujet : «C'est une
erreur traditionnelle de croire que toute la population fat déportée par ordre du
vainqueur sur les bords de ['Euphrate. Un grand nombre, les plus pauvres, les
artisans, les simples laboureurs farent laissés sur le sol natal. Les uns, privés de
tout par la guerre s'adonnèrent au brigandage; les autres, qui se remirent à culti-
ver, farent en butte aux maraudeurs des pays voisins, vieux ennemis d'Israël. Le
fanatisme patriotique n'était pas entièrement éteint. La preuve en est que Gédalia,
partisan des Chaldéens [Babyloniens], que le vainqueur en partant avait préposé
à la garde de sa conquête, fat tué lui et ses soldats, surpris par une émeute. Cela
ne pouvait mener à rien; après cet accès de désespoir, la peur de Nabuchodonosor
chassa du pays ceux qui osaient encore prétendre à un semblant d'aristocratie,
ils se réfagièrent en Égypte, et il ne resta en Judée qu'un troupeau de misérables
accablés par la pauvreté et la terreur. Le roi de Babylone les laissa végéter sur
leur glèbe[ ... ]. On ne peut pas dire que l'autorité chaldéenne [babylonienne] ait
opprimé outre mesure ces vaincus sans patrie. On les laissa libres de s'organiser
entre eux comme ils l'entendaient. Les chefs de famille conservèrent leur autorité,
peut-être donna-t-on dès les premiers temps un patron indigène, le Resch Galutha
(prince des exilés), qui servit d'intermédiaire entre eux et la cour babylonienne. Ce
qui est certain, c'est que, tout en devant subir les vexations de détail et les inévi-
tables misères attachées à leur position de bannis au milieu d'un peuple ennemi,
ils purent se maintenir et même améliorer peu à peu leur position matérielle. C'est
de là qu'il faut partir pour comprendre comment ils parvinrent à s'élever à une
hauteur religieuse auparavant inconnue2. »

On notera la franchise des propos concernant «l'amélioration maté-


rielle» des exilés par rapport à leur vie à Jérusalem, mais aussi leur « éléva-
tion religieuse auparavant inconnue». Les Judéens exilés de force à Babylone
connurent la fête de l' Akitu, une cérémonie annuelle codifiée se dérou-
lant le Premier de l' An mésopotamien (premier jour du mois de Nisan
à Babylone), donc entre mars et avril, période qui marquera plus tard la
Pâque juive. Lors des festivités de l' Akitu, le peuple juif aura pu, avant sa
libération et son retour en Judée, observer cinquante-huit fois les grands
récits mythologiques babyloniens. Les Judéens auront écouté et assimilé
la version mésopotamienne de la Création, mais aussi la Passion du Fils
de Dieu dont on trouve dans le Nouveau Testament un écho qui inter-
pelle. L'archéologie et les archives babyloniennes nous démontrent que
les exilés juifs travaillant au sein de la société babylonienne possédaient

2. Albert Réville, «Le judaïsme depuis la captivité de Babylone», d'après les nouvelles
recherches d'un historien hollandais, in Revue des Deux Mondes, l" mars 1872, seconde
période, vol. 98, n° 1, p. 116-117.
LA MÉSOPOTAMIE ET LA JUDÉE, TERRES HISTORIQUES... 21

des structures sociales et religieuses parallèles. Pendant que le peuple juif


cultivait la terre le long des rives de !'Euphrate jusqu'au golfe Persique, à
Shatt El-Arab, les prêtres judéens vaquaient librement à leurs occupations
intellectuelles et religieuses et purent avoir accès à la grande bibliothèque
de Babylone. Ils découvrirent également d'autres archives comme celles
de Nippur où se trouvaient les textes de l'Eden sumérien3 • À Nippur rési-
daient également des trésoriers juifs, restés après l'exil, lesquels créèrent
les premières banques de l'histoire4 • Nombre de juifs babyloniens possé-
daient même des esclaves attestant de leur place éminente au sein de la
société, comme l'indique le chapitre 2 du Livre d'Esdras.
Naeim Giladi, un juif irakien ayant autrefois pris part au mouve-
ment sioniste, ajoute à ce sujet : «Ces colonies se sont finalement transformées
en villes et les anciennes institutions s'établirent, créant des communautés auto-
nomes sur les questions de religion, d'héritage, de langue et de culture. Ainsi, les
Institutions sociales se fixèrent. Tout cela a permis aux exilés juifs de préserver
leur mode de vie distinct, ce que les autorités locales leur permirent de faire. Ainsi
ils jouissaient d'une pleine autonomie et, sur une période de temps, il y eut un
nombre relativement important d'auteurs, de poètes et d'artisans parmi les exilés.
Ils ont commencé par des versets religieux et ont continué à écrire '/'Histoire des
rois d'Israël'. Ils produisirent une grande quantité de riches et divers matériaux
lesquels servirent de base au Livre des livres 5• »Ainsi, du Levant à l'Occident,
sur une durée de près de deux millénaires, donc bien avant les premiers
coups de pioches des archéologues en Orient, seuls les récits de la Bible
et ensuite du Coran pouvaient témoigner de l'origine du monde et des
sources les plus anciennes de notre passé.

*
* *

Depuis l' Antiquité, les récits de voyageurs ayant découvert en


Babylonie quelques ruines éparpillées se résument à la description d'an-
ciens sites gardés par des bêtes monstrueuses émergeant des sables. Des
auteurs classiques comme Hérodote eurent la chance de découvrir Baby-
lone partiellement en ruine. Dans son Enquête (I,178-187), il décrit entre
autres la Tour de Babylone à huit étages, restaurée au siècle précédent par
Nabuchodonosor. Les voyageurs, historiens, géographes et philosophes se
succédèrent siècle après siècle pour rendre compte des ruines de la plus
ancienne civilisation mentionnée dans la Bible.

Au XII• siècle, le rabbin Benjamin de Tudèle, à la fois explorateur et

3. Voir à ce sujet, Anton Parks, Eden, 2011, réédition complétée de 2021 aux éditions Nouvelle
Terre.
4. Cf. Anton Parks, Corpus Deae, 2017, réédition aux éditions Nouvelle Terre, 2020, p. 214.
5. Naeim Giladi, Ben Gurion's Scandais - How the Hagannah and The Mossad Eliminated /ews,
Tempe (Arizona), Dandelion Books Publication, 2003 - Internet edition, p. 59 et 60.
22 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

historien, retracera son périple de huit années en Orient (1165-1173), de la


Syrie, en passant par le Liban, à la Palestine et au nord de la Mésopotamie
qu'il appelle Senaar ou Shinar". L'ouvrage décrit les sites et les communau-
tés juives qu'il rencontre ainsi que la géographie de son époque. Là-bas,
dans cet Orient mystérieux se trouve Bagdad et ses vingt-huit synagogues.
Les juifs qui habitent la capitale sont des «professionnels de la sagesse, dont
ils sont les disciples et possèdent de grandes richesses 7• »
A trois jours de voyage, il y a Babylone et les restes du palais de
Nabuchodonosor dont les ruines sont inaccessibles; « [ ... ] c'est un repaire de
dragons et de bêtes venimeuses. Il n'y a pas plus de vingt mille pas de là au lieu
où habitent vingt mille juifs. [... ] Le chemin est de quatre miles pour aller à la
Tour qu'on avait commencé à bâtir au temps de la division des langues, et qui était
construite de cette sorte de brique qu'on appelle en arabe Lagzar8», nous précise
Benjamin de Tudèle.

6. Cf. Benjamin de Tudèle, Sefer ha-Massa'ot (Le livre des voyages), Ms. British 27089.
7. Voyages autour du Monde (en Tartarie et en Chine), compilés par Vincent de Beauvais.
Impression par le gouvernement français à Paris, août 1830, p. 64.
8. Ibidem, p. 65-66.
1
Le pays de Sumer, la famille Rothschild
et les lignées royales de l'aigle
et du lion

Le pays Senaar que visite de Tudèle provient du mot hébreu Shinar


mentionné dans la Bible pour désigner la Mésopotamie; pour les Occi-
dentaux, il s'agit simplement du pays de Sumer. Shinar semble proche du
Sanharu utilisé par les Hittites et les Syriens pour désigner la Babylonie.
Cette appellation provient vraisemblablement de l'akkadien Sînu-arhu,
«cycle de la lune9 ». Sînu correspond au dieu lunaire sumérien-akkadien
Sîn dont les cultes et les cycles permettaient de mesurer le temps grâce au
calendrier luni-solaire de Mésopotamie.
Les Mésopotamiens élaborèrent des modèles mathématiques so-
phistiqués pour décrire leurs observations célestes. Ils prirent en compte
les changements de vitesse apparents de la Lune et du Soleil en raison
de l'orbite elliptique de la Terre. Afin de rendre ce travail d'observation
le plus précis possible, ils dressèrent des listes de multiplications, de ra-
cines carrées, de racines cubiques, de réciproques, etc. On retrouvera par
exemple des tables avec des entrées à 7 et 17 unités sexagésimales, soit
respectivement 11 et 29 décimales pour nous. Les Grecs adopteront les
mesures d'angle sexagésimales ainsi que l'astronomie et l'arithmétique de
Babylone, lesquelles se transmettront par la suite à tout l'Occident.
Le rôle de Sîn semblait fondamental dans les observations astrolo-
giques et les présages que les Sumériens et Akkadiens en tiraient. Shinar
(Sumer) est le domaine où les dieux Anunna(ki) descendirent sur Terre
pour régner sur le genre humain. Ceux venus du Ciel se nommaient

9. En langue akkadienne du nord de la Mésopotamie, Sînu veut dire« lune, croissant lunaire»
et Arhu, «cycle, mois».
24 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

«Anunna» et ceux vivant sur Terre portaient le nom d'«Anunnaki». Fils


du grand Enlil - le Satam en chef, «administrateur» des dieux - le dieu Sîn
symbolisait la royauté divine descendue sur Terre. On lui attribue comme
fille la déesse Inanna-IStar. Tous les prêtres et prêtresses de Mésopotamie
étaient de famille royale, donc supposés provenir de la lignée d'Enlil, de
son fils Sîn et de leur descendante Inanna-IStar. Nous allons découvrir que
le symbole familial et souverain de la lignée d'Enlil mêlait deux figures
royales, à savoir l'aigle et le lion.

1. «Lorsque la royauté descendit du Ciel»

La plus ancienne trace de l'aigle royal se trouve sur l'empreinte d'un


sceau-cylindre de Nippur, la ville souveraine du dieu Enlil et des Anun-
naki située en Mésopotamie. Le sceau porte le numéro de catalogue CBS
14309 et se trouve à l'Université de Pennsylvanie. Il date de la période du
dynastique archaïque, qui débute 2900 ans avant notre ère.
À Ur, ville majeure de Mésopotamie et lieu de culte du dieu Sîn (fils
d'Enlil), les archéologues retrouvèrent de nombreux sceaux représentant
des aigles royaux. Ur fut une puissance politique d'où émergèrent plu-
sieurs souverains importants. L'un d'eux figure même l'aigle et le lion,
symboles de puissance, d'autorité, de souveraineté et de majesté.

1. Ce sceau-cylindre sumérien montre la puissance et la majesté de l'aigle, associées à


l'autorité et à la souveraineté du lion sur les animaux. En sumérien, le mot «animaux» se dit
Â-DAM, terme d'où provient probablement Je nom biblique d'«Adam». Rappelons ici que
dans les textes mésopotamiens, les dieux assimilaient le genre humain à des animaux.
Empreinte U.18413 de la ville d'Ur

À Lagas, ville royale sous la protection du Grand Enlil, les différents


souverains de cette cité évoquent constamment la divine protection de leur
dieu tutélaire et d'un autre de ses fils dénommé Ningirsu. Les textes royaux
de Lagas rabaissent continuellement les habitants des régions alentour à
de simples humains laborieux juste bons à travailler pour le royaume de
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 25

Lagas et à se soumettre à leurs rois et dieux tutélaires. Le royaume de Lagas


est dénommé SIR-BUR-LA en sumérien dont la traduction est l' «Oiseau de
!'Éternelle Jeunesse». La liste royale de Lagas précise :

«Afin de creuser les canaux, de nettoyer les rigoles pour irriguer la vaste
[Edin], pour qu'une eau abondante se répande pour arroser prés et champs,
[les dieux] mirent à la disposition des Hommes pioches, bêches, le panier et
la charrue qui animent le pays. Alors les Hommes se mirent à faire croître
le grain».
BM 23103, Liste royale de Lagas, lignes 50 à 56

2. Sceau-cylindre où l'oiseau royal


surplombe le genre humain au
travail dans les champs.
Empreinte U.15659 de la ville d'Ur

Selon le prisme sur argile WB 444 - document le plus complet de


la liste royale sumérienne connue à ce jour - les cinq premières cités anté-
diluviennes à endosser la royauté sont : Eridu, Bad-Tibira, Larak, Sippar
et ~uruppak. NAM-LUGAL AN-TA È-DÉ-A-BA, «Lorsque la royauté des-
cendit du Ciel» nous dit la première ligne de ce document. Huit rois my-
thiques auraient régné dans ces cinq cités pendant des millénaires, entre
la Création et le Déluge «biblique» généralement situé entre 3100 et 2900
avant notre ère :

Alulim d'Eridu = 28 800 ans


Alalgar d'Eridu = 36000 ans
Enmenluanna de Bad-Tibira = 43200 ans
Enmengalanna de Bad-Tibira = 28800 ans
Dumuzi de Bad-Tibira = 36000 ans
Ensipazidanna de Larak = 28800 ans
Enmenduranna de Sippar = 21000 ans
Ubartutu de ~uruppak = 18600 ans

En fin d'ouvrage, nous verrons que l'agent Zecharia Sitchin, dont


il sera régulièrement question dans cette enquête, se servira précisément
de ce document pour comptabiliser le nombre de cycles de sa prétendue
planète X qu'il nomme «Nibiru». Beaucoup d'assyriologues et de cher-
26 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

cheurs mettent en doute ces incroyables durées de règnes qui impliquent


des parties totalement inconnues de notre histoire et surtout des rois aux
vies anormalement longues. Certains universitaires et auteurs, comme
le philologue suisse et traducteur de Platon Rudolf Rufener (1906-1972),
sont d'avis que ces durées sumériennes, dites «années royales» ou «an-
nées cosmiques», ne seraient en aucun cas des durées modernes comme
nous l'entendons aujourd'hui. Rufener pense que ce type de calcul serait
fondé sur le décompte babylonien qui utilise le nombre 60 comme base de
calcul de temps et d'espace (1heure=60 minutes= 602 secondes et 360° =
6 X 60°). Ainsi, 200 ans terrestres feraient écho à 72000 années cosmi-
ques10.
Cette façon de compter les années dans WB 444 n'explique pas
pourquoi il faudrait calculer ainsi au début de ce document. En effet,
à la suite des rois antédiluviens, les souverains sumériens leur suc-
cèdent en ayant des règnes allant de 1200 ans à 625 ans (colonnes 1 et
II) pour finir à 126 années pour le héros Gilgames. Ce n'est qu'à partir
de la ligne 21 de la colonne III que les règnes passent à des «durées
humaines» avec une trentaine d'années pour le fils de Gilgames de la
dynastie d'Uruk. Ensuite, les rois se succèdent encore sur quatre autres
colonnes avec des durées de vie et de règne de plus en plus courtes
pour se finir sur un règne de onze années pour le roi Sinmagir ...

On retrouve à la fois en Égypte et en Mésopotamie les premières


traces écrites de l'organisation monarchique autour de la figure d'un
roi. L'origine divine de la royauté figure un don des dieux ayant pour
objectif de repousser le chaos sur Terre. En Égypte ancienne, le début
de cet espace-temps régi par les dieux se nomme Zep Tepi. Le concept de
Zep Tepi marque le début d'un temps où le chaos et le monde organisé
par les dieux ne sont pas séparés. L'Univers et la Terre étant constam-
ment menacés par le désordre, le monde est régi par des cycles où se
trouve Maât (l' «ordre») ordonné par les dieux.
Chez les Sumériens, le pouvoir royal était soumis à l'usure du
temps et subdivisé en BALA («cycles»). Il était remédié à chaque chan-
gement de cycle mettant en scène la mort d'un roi ou une catastrophe
à travers des lamentations ainsi que des festivités impliquant des ban-
quets pour finir par l'intronisation du roi grâce à la déesse Inanna-IStar.
La «Lamentation sur Nippur » nous apporte quelques précisions quant
à l'importance des dieux dans ce rituel:« Au terme du processus, c'est par
le rétablissement du lien organique entre le roi humain [... ] qui accomplit un
sacrifice de bœufs et de chevaux parfaits, et le dieu destinataire de l'offrande
que le retour à l'ordre et à la prospérité est entériné. Pour le nouveau roi, les
dieux garantissent un règne long, propice et incomparable. 'Enlz1 et Ninlz1
dressèrent [leur] trône dans l'Ekur, ils y dînèrent copieusement et goûtèrent à
la douceur des boissons alcoolisées. Ils décidèrent après délibération de rendre
10. Rudolf Rufener, Platon: Der Staat, Munich, Artemis Verlag, 2007, p. 503.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 27

sûres les demeures [de l'humanité]'»(« Lamentation sur Nippur», lignes


204 à 206 11 ).
Dès le III• millénaire avant notre ère, que cela soit dans la vie cou-
rante ou celle des rois sumériens en charge du pouvoir, le père donne
souvent le nom de son grand-père en vue de porter les responsabilités
et fonctions familiales. De cette façon, la royauté ne pouvait réellement
disparaître à la fin d'un cycle royal. Dans les chroniques, plusieurs sou-
verains mésopotamiens se réclament d'une parenté à la fois humaine et
divine. Contrairement à l'Égypte ancienne où l'inceste pratiqué au cœur
d'une famille royale était monnaie courante et su de tous, l'union inces-
tueuse (entre frères et sœurs ou parents et enfants) semble dissimulée en
Mésopotamie grâce à l'évocation des noms de paires divines. Pourtant, ces
unions suivent le principe des généalogies des premiers dieux. Ainsi, la
tablette assyro-babylonienne, BM 74329 (intitulée «Théogonie de Dunnu»
ou «Harab Myth»), nous rapporte l'histoire d'une succession d'individus
originaires d'une famille primordiale dont les actions avaient pour objec-
tif initial de coloniser la Terre. L'entreprise ne se réalise malheureusement
pas dans la sérénité, mais plutôt dans un enchaînement de parricides et
de matricides qui aboutit systématiquement à une suppression de la géné-
ration antérieure et une nouvelle prise de pouvoir par la lignée suivante.
Le cycle infernal s'achève au bout de la septième génération, le père de
la sixième génération n'étant pas supprimé, mais emprisonné. Intervient
ensuite plus loin dans les cassures du texte une nouvelle génération de di-
vinités, à savoir celle du panthéon des dieux suméro-akkadiens composé
d'Enlil et de son fils Ninurta, généralement responsables de la royauté sur
Terre 12 •

3. Le roi ~ulgi d'Ur (2094-


2047 av. J.C.), souverain
de Sumer et d' Akkad, se
voit concéder la royauté
des dieux par les mains
d'un Dragon symbolisant
la monarchie Usumgal, à
savoir celle des dieux de
Mésopotamie. Un hymne
consacré à ce souverain
précise d'ailleurs : « ~ulgi
est né d'un Usumgal
('Grand Dragon')».
BM116719

Suivant cette trame généalogique des origines, les souverains de


11. Corinne Bonnet, «Le vin et 'les vrais rois' - Approche comparée du lien entre ivresse et
transmission du pouvoir», ASDIWAL- Revue genevoise d'anthropologie et d'histoire des religions,
n° 12, 2017, p.77.
12. Cf. à ce sujet les traduction et analyse complète de cette tablette dans Eden - La version su-
mérienne de la Genèse d' Anton Parks, réédit0 complétée, Lopérec, Édit 0 Nouvelle Terre, 2021.
28 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Mésopotamie se réclamaient être les fils et héritiers des dieux fondateurs


de la royauté divine. Entre la fin du III• et du début du 11• millénaire avant
notre ère, la dynastie royale héréditaire découle souvent d'une lignée de
gouverneurs. Inanna-IStar, fille de Sîn et petite-fille d'Enlfl, contribue à
conférer les attributs de la royauté. Plusieurs textes et hymnes la désignent
comme la déesse qui octroie AGA (la «tiare»), GIS-GU-ZA (le «trône») et
GIDRI (le «Sceptre»). Au dixième jour de la fête annuelle babylonienne
de l' Akitu, le roi, sous les traits de Marduk, célébrait son mariage avec la
déesse Inanna-IStar incarnée par la plus haute prêtresse de Babylone. Le
roi devait confirmer les destins glorieux promis au pays entier en s'unis-
sant à l'énergie d'Inanna-IStar. La prêtresse de haut rang - représentant
la Dame du Ciel et de la Terre - octroyait ainsi prospérité et royauté pour
l'année nouvelle. Un hymne à Inanna de la dynastie d'lsin (entre 2017 et
1817 av. J.-C.), ainsi que les écrits d'Hérodote (Histoire, Livre I, 181) confir-
ment ce rituel royal1 3• Marie-Thérèse Barrelet, archéologue et ancienne
directrice de recherche au CNRS, ajoute à ce propos: «D'après la leçon des
textes et des monuments les plus anciens, la même déesse est vénérée dans toute la
Mésopotamie au début du Ill' millénaire, que ce soit à Lagas par les Sumériens, à
Mari, par les Sémites. Dans l'inscription de la stèle des Vautours, on trouve déjà
énumérés, semble-t-il, différents aspects de la déesse, qui seront encore siens à
l'époque assyrienne: elle 'nomme' le roi, l'appelle son 'époux chéri', le 'prend par
le bras', lui donne la royauté de KiS1 4• »
La stèle des Vautours mentionnée par Marie-Thérèse Barrelet est
un document historique. Daté de 2450 av. J.-C., il commémore la victoire
de la cité royale de Lagas sur ses ennemis. On observe sur une partie
de cette stèle (face dite «mythologique») la présence du dieu Ningirsu-
Ninurta tenant dans sa main gauche le symbole de la royauté de son père,
l'aigle léontocéphale dénommé Anzu. Cet animal fantastique tient dans
ses serres deux lions formant les poignées d'un gigantesque filet où s'en-
tassent les ennemis de Lagas. Le nom akkadien Anzu provient du sumé-
rien AN-ZU, «connaissance élevée» ou «savoir du Ciel». Les traditions
mésopotamiennes comme Le Mythe d'Anzu racontent qu' Anzu était un ser-
viteur d'Enlfl, maître incontesté de la royauté. Enlfl possédait les «Tables
du Destin», lesquelles permettaient de régner et de commander aux dieux
et au genre humain. Rêvant de dépendance et de puissance, Anzu profita
du bain de son maître pour lui dérober les tables de pouvoir et s'enfuir. Le
mythe explique que le fils d'Enlfl, Ningirsu-Ninurta, se lança à la pour-
suite de l'oiseau fabuleux que les textes nomment parfois «Oiseau Tem-
pête». La fin des deux récits connus à ce jour est brisée, mais l'on com-
prend qu' Anzu est battu, peut-être même tué, même si le texte demeure
trop lacunaire pour le certifier.

13. Voir à ce sujet: Anton Parks, Corpus Deae, éditions Pahana Books, 2017; réédition Nouvelle
Terre, 2020, p. 256-257.
14. Marie-Thérèse Barrelet, «Les déesses années et ailées», magazine Syria, tome 32,
fascicule 3-4, 1955, p. 238.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 29

4. Plaque votive en albâtre du roi Uman~ de Laga!!, représentant l'aigle léontocéphale Anzu,
symbole de la lignée royale du dieu sumérien Enlfl. L'aigle royal à tête de félin se trouve ici
sur deux lions. A07283 du musée du Louvre

2. Les Rothschild, leurs nobles protecteurs de la branche maçonnique


des Illuminés «Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte»
et la Révolution française

L'oiseau Anzu est un aigle royal avec une tête de lion. L'aigle et le
lion se retrouvent aujourd'hui sur de nombreuses armoiries et blasons du
monde entier. Il est par contre plus rare de repérer ces deux animaux dans
un même blason, comme celui des Rothschild. Nous verrons cela en détail
dans le prochain chapitre.
Des auteurs comme Laurence Gardner (Genesis of the Grail Kings)
et David Icke (The Biggest Secret et The Children of the Matrix) expliquent
que les dieux sumériens Anunnaki créèrent des lignées consanguines pour
gouverner l'humanité en leur nom. Ces lignées formeraient des familles
puissantes et occultes qui contrôleraient le monde aujourd'hui encore. Da-
vid kke précise à ce sujet: «Les familles de la Fraternité [babylonienne] sont
obsédées par la souche consanguine et l'héritage génétique: elles s'unissent entre
elles sans égard pour l'amour. Les familles royales (famille!) et aristocratiques de
l'Europe et les familles du soi-disant establishment de l'Est américain en sont
des exemples flagrants . Elles sont de la même tribu et sont génétiquement appa-
30 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

rentées. C'est pourquoi les familles de la Fraternité ont toujours été obsédées par
les croisements consanguins, tout comme l'étaient les Anunnaki selon les tablettes
sumériennes. Ils ne se marient pas entre eux par snobisme, mais pour conserver
une structure génétique qui leur donne certaines habilités 15 [ ••• ]. » Icke ajoute
également dans un autre ouvrage : «Les Rothschild en constituent un exemple
patent. Ils descendent d'une lignée Anunnaki. Ils s'appelaient Bauer avant de
changer leur nom en Red Shield [«rot schild» en allemand] au moment de la
fondation de leur dynastie de banquiers à Francfort, en Allemagne. Et il était de
notoriété publique que la famille 'occulte' des Bauer remontait au Moyen Âge. Le
mot Roth donna naissance à diverses appellations telles Roads, Rhoads et Rhodes,
d'où sortit Cecil Rhodes, cette créature immonde qui apporta la dévastation et le
génocide Afrique du Sud 16• »
Nous évoquerons plus loin le cas de Cecil Rhodes. Même si l'auteur
David lcke est catalogué comme « complotiste », je retiens néanmoins ces
travaux dans le contexte de cette démarche d'analyse, car, par définition,
un complotiste est une personne qui réfute la version officielle d'un évé-
nement en cherchant à démontrer le raisonnement logique insoupçonné
qui pourrait appuyer l'articulation de certains faits, dont les origines sont
a priori négligées à travers des explications à l'emporte-pièce. Ceux qui
connaissent déjà mes nombreux travaux et lisent cet ouvrage seront sans
doute tentés me classer dans cette catégorie. Nul besoin de se lancer dans
ce genre de débat pour constater que le juif allemand Meyer Amschel Roth-
schild (1744-1812) est effectivement né Meyer Amschel Bauer en 174417 avant
de changer son nom de famille en Rothschild. Pour ceux qui ne le savent
pas, il s'agit du père de la finance internationale, le fondateur de la dynas-
tie banquière des Rothschild. En 1570, son ancêtre Isaac (Izaak) Elchanan
Bauer Bacharach18 avait déjà pris le patronyme du blason Zum Roten Schild,
«À l'écusson rouge», de la maison familiale qu'il avait fait construire, de-
meure située dans la partie sud et plus élégante de la Judengafle, «la rue aux
juifs» de Francfort-sur-le-Main en Allemagne. Cette rue de trois cent trente
mètres de long regroupait la communauté juive la plus importante d' Al-
lemagne depuis au moins trois cents ans. La Judengafle comportait trois
portes de la ville qui étaient fermées la nuit et les dimanches, ainsi que les
jours fériés des chrétiens.

15. David Icke, The Biggest Secret. Édition française: Le plus grand secret (tome 1), Saint-Zénon
(Québec), Éditions Louise Courteau, 2001, p. 31.
16. David Icke, The Children of the Matrix. Édition française : Les enfants de la matrice (tome 2),
Saint-Zénon (Québec), Éditions Louise Courteau, p. 38.
17. Certaines biographies annoncent plutôt 1743.
18. Isaac Elchanan Bauer portait aussi le nom Bacharach-surnom familial utilisé sur plusieurs
générations-car leur ancêtre, Uri Feibesch Bacharach, né en 1475, portait Je nom de la ville de
Bacharach d'où il provenait et qui se trouve à 88 km de Francfort.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 31

5. La Judengafie
en forme d'arc (à
Francfort). D'après
une gravure de
Matthaus Marian
datant de 1628.
Domaine public

Des siècles de contraintes au niveau des lois auront forcé les juifs à se
lancer dans le commerce de l'argent et des marchandises. La ville de Franc-
fort-sur-le-Main, électorat des rois allemands depuis 1356, était devenue à
l'époque le berceau de la fortune des plus grands financiers d'Europe. La
Judengafle est une ruelle étroite, le ghetto des juifs de Francfort. La vie pour
les juifs y est austère malgré la présence de son centre d'études juives répu-
té dans toute l'Europe. La famille Bauer avait quitté la maison Zum Roten
Schild - «À l'écusson rouge» - en 1664 à cause du petit fils d'Isaac qui avait
dû vendre la demeure familiale, contraignant ainsi la famille à s'installer
au nord de la Judengafle, dans le Zur Hinterpfann, «derrière la casserole»,
humble logement situé derrière la maison dénommée Zur Pfanne, «À la
casserole». Pendant longtemps les numéros de rue n'existaient pas et les
demeures familiales se distinguaient uniquement entre elles par un écus-
son de couleur placé au-dessus des portes. Pourquoi la famille avait-elle
dû déménager et sans doute revendre la maison construite par Isaac? À
l'époque d'Isaac Elchanan, la famille Bauer devait prospérer, mais pour
une raison nullement mentionnée dans les archives, la famille connut un
déclin à partir du petit fils, Naftali Hirz.

Descendant d'une ancienne famille de rabbins de la branche ash-


kénaze, Meyer Amschel Bauer est le fils d'un brocanteur qui jouait aussi
le rôle de cambiste, à savoir« spécialiste dans les opérations de change».
Le jeune Bauer est destiné par ses parents à devenir rabbin, mais cette
32 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

vocation lui fait défaut et il préfère de loin collectionner les médailles et


les monnaies anciennes. Chaque matin, il va pourtant à l'école juive où il
reçoit une éducation traditionnelle fondée sur la connaissance de la Torah,
du Talmud et du Zohar, ce dernier livre étant une pièce maîtresse de la Kab-
bale juive. En 1755, ses parents l'envoient poursuivre ses études à l'école
juive de Fürth, à trois jours de fiacre de Francfort. Mais à douze ans, Meyer
Amschel perd son père, qui meurt au cours d'une épidémie de variole. Il
est alors envoyé par sa mère à Hanovre comme apprenti chez de riches
banquiers du nom d'Oppenheim spécialisés dans le négoce international
et le prêt aux plus riches.

Hanovre n'est pas Francfort : Hanovre appartient à la Couronne


d'Angleterre et la ville semble bien plus tolérante à l'égard des juifs. La
mère Bauer meurt quelques semaines plus tard et Meyer Amschel restera
huit ans loin de chez lui afin de subvenir aux besoins de sa famille. À Ha-
novre, le jeune Bauer fait connaissance du général von Estorff, véritable
collectionneur passionné de monnaies. Lui ayant donné quelques pièces
rares de sa collection, le général remercie le jeune homme en l'introdui-
sant auprès de la famille princière de Hesse. Cette relation va jouer un
rôle incroyable sur la destinée du jeune Bauer et celle de sa famille, bientôt
rebaptisée «Rothschild» ...
De retour à Francfort en 1764 et fort de son apprentissage chez les
Oppenheim, Meyer Amschel devient conseiller et fournisseur d'impor-
tants collectionneurs grâce à son activité qui lui permet de collecter des
monnaies en tout genre ainsi que des œuvres d'art et des objets de luxe
souvent destinés à une clientèle aristocratique. Meyer Amschel ne sait pas
d'où provient son nom de famille de Bauer. Ses aïeuls portent depuis des
générations ce nom allemand qui veut dire «paysan». Il est souvent très
difficile de retracer les lignées de nombreuses familles d'origine hébraïque,
car beaucoup portent le nom de leur père et souvent celui de la localité
où ils habitent. On sait qu'à la fin du XVIII• siècle, l'empereur d'Autriche
Joseph II et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II rendirent obligatoire
pour les juifs l'utilisation de noms de familles héréditaires afin de régler ce
problème.

Depuis fort longtemps, le nom de Bauer est associé à des marchands


ambulants spécialisés dans le commerce pratiqué de village en village.
Suite à son succès dans ses nouvelles activités à Francfort, Meyer Amschel
décide d'abandonner définitivement Bauer pour adopter le nom de Roth-
schild, comme l'avait fait avant lui son ancêtre Isaac. À seulement 25 ans,
son principal client est Guillaume IX de Hesse-Cassel, l'une des plus
grandes fortunes d'Europe.
Meyer Amschel n'est en contact avec de riches clients qu'à l'occa-
sion des foires annuelles. En septembre 1769, à la suite d'une supplique
complaisante, Guillaume IX accordera à Meyer Amschel Rothschild le titre
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 33

officiel de «facteur de cour». Cela signifie que le jeune marchand juif, dé-
sormais âgé de 26 ans, devient« agent de la cour de Hesse-Hanau» et qu'il
peut inscrire sa nouvelle fonction sur l'enseigne de sa boutique francfor-
toise. Cette carte de visite lui permet alors de sortir enfin de son ghetto et
de se mettre en rapport avec d'autres princes pour réaliser de fructueuses
affaires. Meyer Amschel est ambitieux, il sillonne alors les routes pour pro-
poser ses collections de monnaies aux riches bourgeois dans l'intention
d'étancher leur soif d'argent. Tous ces nobles ont accès aux bourses prin-
cières; l'ayant bien compris, le jeune Rothschild fera tout pour se rendre
indispensable. Un an après, en août 1770, Meyer Amschel Rothschild se
marie avec Guttle Schnapper, la fille d'un riche négociant juif du ghetto,
lui-même facteur de cour. C'est un mariage arrangé, la jeune fille de 17 ans
lui apportant une dot de 2400 florins, chose qui témoigne de la position
importante qu'occupe déjà Meyer Amschel au sein du ghetto de Franc-
fort19.

6. La maison Zum
Grünen Schild des
Rothschild dans la
Judengafle de Francfort.
Domaine public

Les affaires allant bon train, le couple peut se payer une nouvelle
19. Tristan Gaston-Breton, La saga des Rothschild, Paris, Éditions Texto, 2019, p. 36.
34 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

demeure en 1784, au numéro 148 de la Judengafle, connu sous le nom Zum


Grünen Schild, «À l'écusson vert». C'est la huitième maison au sud de la
synagogue. Elle appartient à la famille Schiff, dont le fils Jacob émigrera en
Amérique du Nord en 1866 pour devenir en 1885 le principal banquier de
la firme Kuhn, Loeb & Co. La maison est toujours occupée par la famille
Schiff lors de l'achat: les Rothschild ne s'y installeront qu'en 1786. Zum
Grürien Schild ne se trouve plus dans une arrière-cour, mais donne direc-
tement sur une partie lumineuse de la Judengafle. La demeure possède un
puit et une pompe, un véritable luxe pour l'époque. Il s'y trouve aussi des
coffres à serrures secrètes et des placards dissimulés dans les murs afin de
cacher la fortune grandissante de la famille.

*
* *

En 1782, le palais de Wilhelmsbad abrite le célèbre Congrès ou


« Convent» maçonnique européen principalement constitué de Français et
d' Allemands. Ce rendez-vous important a depuis suscité de nombreuses
spéculations à propos de la Révolution française de 1789. L'historien Lud-
wig Hammermayer de l'université de Munich dit à ce propos : «Le franc-
maçon F. Runkel, qui reconnaissait en 1931, l'honnêteté des délégués du Convent
[de 1782] dans leur démarche dé 'paix et de concorde', croyait cependant devoir
mettre en garde contre leurs 'idées cosmopolites' parce qu'à Wilhelmsbad aussi
bien 'le caractère apatride propre aux Jésuites' que l'esprit de la Révolution de
1789 avaient été à l'œuvre. Peu après, des chercheurs nationaux-socialistes tels
que A. Rossberg recoururent à la légende comploteuse contemporaine, selon la-
quelle à Wilhelmsbad, l'ordre des Illuminés, partisan des Lumières radicales, avait
triomphé et noué de sinistres intrigues pour préparer la Révolution. D'avantage
même: c'est à Wilhelmsbad que les 'derniers entretiens préparatoires en vue de la
Révolution de 89' auraient eu lieu 20• » Deux princes de Hesse-Cassel - frères
de Guillaume IX avec qui Meyer Amschel Rothschild fait des affaires - se
trouvent sur place durant cet événement : le prince Charles de Hesse-Cas-
sel (né Karl en 1744, devenu franc-maçon en 1775) et son frère Frédéric de
Hesse-Cassel (né en 1747, entré en Stricte Observance Templière en 1777).
Ce fameux Congrès maçonnique de 1782 a tenté de redéfinir les objectifs,
les moyens et rituels de l'Ordre maçonnique de la Stricte Observance qui
traversait une grave crise. Pour l'essentiel, deux branches ont défendu
leurs idées : la branche maçonnique des Illuminés, dite «mystique, spi-
ritualiste, martiniste », incarnée par le système lyonnais à hauts grades
C.B.C.S. «Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte» et celle des Illumi-
nati d'Adam Weishaupt qui se réclamait de la philosophie des Lumières,
laquelle voyait le triomphe de la raison sur la foi et la croyance de même
que le triomphe de la bourgeoisie sur la noblesse et le clergé. La branche

20. Ludwig Hammermayer, «La crise de la franc-maçonnerie européenne et le Convent de


Wilhelmsbad (1782)», Dix-huitième siècle, n° 19, 1987, p. 73.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 35

C.B.C.S. des Illuminés sortit vainqueur de ce Congrès, grâce notamment à


la fermé et subtile influence de son adepte, Charles de Hesse-Cassel, frère
de Guillaume IX.
On se souviendra que Meyer Amschel Rothschild est le protégé de
Guillaume IX de Hesse-Cassel. La famille Rothschild fera bientôt la for-
tune du prince Guillaume. Nul besoin de se référer à un quelconque ou-
vrage quittant les sentiers battus - catalogué « conspirationniste » par les
adeptes de la pensée unique - pour trouver trace d'au moins deux fils de
Meyer Amschel dans la franc-maçonnerie. Le 10000 Famous Freemasons de
W. R. Denslow indique dans son volume IV que James Mayer Rothschild
et son frère Nathan Mayer, créateurs des branches française et anglaise de
la banque Rothschild, seront respectivement des francs-maçons du Rite
écossais du 33° degré et de la loge« Emulation» de Londres21.

La même année de ce Convent de Wilhelmsbad, le quartier géné-


ral de la maçonnerie illuminée est installé à Francfort. Deux ans à peine
après cette réunion historique, une sorte de chasse aux sorcières est lancée
en vue de démanteler la loge des Illuminati d'Adam Weishaupt. Depuis
plusieurs années, la cour de Bavière soupçonnait l'existence d'une secte
supposée s'infiltrer dans la franc-maçonnerie. Le 22 juin 1784, son Altesse
Électorale Charles Théodore de Bavière interdit «toute activité de tout type
de communauté, société et confraternité secrète ou non approuvée par l'État».
Mais la branche des Illuminés qui avaient des frères à la Cour même pour-
suit ses assemblées.
Monseigneur Henri Delassus (1836-1921), prêtre catholique et doc-
teur en théologie, explique que lorsque la maçonnerie anglaise apparut
en France, elle eut pour objectif de détruire les traditions françaises et de
transformer la France en «une autre France». Voltaire fut en quelque sorte
un agent des Anglais, un traître qui prépara la Révolution et la future sépa-
ration de l'Église et de l'État. Delassus signale encore : « Voltaire a été l'un
des premiers et des plus puissants agents de la Révolution[ ... ]. Conçut-il ce projet
de lui-même, ou lui fut-il suggéré? Condorcet [dans sa Vie de Voltaire] ne le dit
point, mais il nous donne cette information : 'Ce fut en Angleterre que Voltaire
jura de consacrer sa vie à ce projet; et il a tenu parole' ... Or, à son premier voyage
en ce pays (1725-1728), Voltaire fut reçu franc-maçon [... ]. C'est de l'époque du
voyage de Voltaire en Angleterre et de son initiation dans la franc-maçonnerie par
les Anglais, que date la fondation des premières loges en France, du moins de celles
constituées pour préparer la Révolution. Elles furent établies par des Anglais, et
dans des villes où les relations avec eux étaient fréquentes. Telles furent celles de
Dunkerque et de Mons en 1721, de Paris en 1725, de Bordeaux en 1732, de Valen-
ciennes en 1735, du Havre en 1739. L'Angleterre a eu toujours une grande part
dans les révolutions du continent, et toujours elle a su en tirer 'un grand profit.
21. William R. Denslow, 10 000 Famous Freemasons, Vol. IV - «Transactions of the Missouri Lodge
of Reasearch», volume n° 17, Board of Publication, 1957, p. 74; l'avant-propos de cet ouvrage
disponible en ligne est rédigé par Harry S. Truman, 33• président des États-Unis, lui-même
Grand Maître maçon de la loge du Missouri.
36 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

La Révolution française a anéanti notre flotte, nous a fait perdre nos colonies, et a
assuré à l'Angleterre l'empire des mers dont elle jouit depuis lors 22• »

En 1797 paraît au Royaume-Uni, Proofs of a Conspiracy, rédigé par


John Robison, un mathématicien écossais, lui-même franc-maçon. Robison
explique ainsi que les Illuminati auraient pénétré les loges européennes
pour renverser le pouvoir et détruire la religion chrétienne. Il accuse Mira-
beau et Talleyrand d'avoir été des Illuminati infiltrés pour lancer « l' opé-
ration 1789». Peu de temps après, un autre ouvrage du jésuite Augustin
Barruel, intitulé Mémoires pour servir à l'Histoire du Jacobinisme (en quatre
volumes), exprime les mêmes idées en insistant sur le dessein de labour-
geoisie de s'emparer du pouvoir. Bien entendu, John Robison et Augustin
Barruel seront taxés de conspirationnistes. On reprochera aussi à Barruel
un fond antisémite, en raison de sa volonté de démontrer qu'il existerait
selon ses dires des sociétés secrètes qui auraient à leur tête une «secte ju-
daïque monopolisant les réserves d' or23 ».
On se sera jusqu'à aujourd'hui donné bien du mal pour tenter de
minimiser l'implication de la franc-maçonnerie dans la Révolution fran-
çaise, alors que nombre d'historiens et de francs-maçons revendiquent
eux-mêmes cette responsabilité. Pour ceux qui savent lire entre les lignes et
comprendre où se situerait une forme de complot, encore faudrait-il faire
la différence entre Illuminati et Illuminés. Nous avons vu plus haut que
lors du Convent maçonnique européen de Wilhelmsbad, deux branches
se sont affrontées : la branche maçonnique des Illuminés, dite « mys-
tique, spiritualiste, martiniste », incarnée par le système à hauts grades
C.B.C.S. «Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte», et celle des Illuminati
d'Adam Weishaupt qui se réclamait de la philosophie des Lumières. L'his-
toire et ensuite la légende auront montré du doigt les Illuminati d'Adam
Weishaupt, alors que cet ordre bavarois ne possédait plus de structure et
n'existait plus à partir de 1784. Cette «chasse aux sorcières» datant de 1784
qui visait à abattre l'ordre des Illuminati et à créer ainsi le mythe que l'on
connaît, n'était-elle pas finalement là pour détourner notre attention des
véritables protagonistes de cette histoire? Détourner l'attention en mon-
trant le mauvais endroit, une tactique rodée et utilisée en magie comme en
politique. L'historien Ludwig Hammermayer nous donne un début de ré-
ponse : «La notion d'Illuminés englobe les partisans du système martiniste lyon-
nais et des systèmes mystico-piétistes et théosophico-swedenborgiens réguliers de
hauts grades [... ]. Le qualificatif Illuminati se limite en revanche clairement à
l'alliance secrète de [Adam] Weishaupt, de tendance rationaliste radicale et même
potentiellement pseudo-maçonnique. Ces deux notions souvent irrémédiablement
confondues et interverties d'Illuminés et Illuminati deviennent exemplairement
22. Henri Delassus, La conjuration antichrétienne - Le Temple Maçonnique voulant s'élever sur les
ruines de l'Eglise Catholique, Société Saint-Augustin, Desclée de Brouwer & Cie, Lille, 1910,
p. 119-121.
23. Yves Pagès, «Le Pseudo-complot Illuminati - l'étrange destin d'une conspiration
imaginaire (1797-2015)», La Découverte, n° 1, p. 132-133.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 37

distinctes et définissables au Convent de Wilhelmsbad. Il [résulta] de ce fait, dans


l'histoire des idées et de la pensée, une place durable en Europe24• »

*
* *

Dès 1786, Guillaume IX utilise Meyer Amschel Rothschild comme


«démarcheur pour le placement de ses capitaux» auprès des princes alle-
mands. En 1789, la Révolution française s'en prend à l'Europe. Une coa-
lition se forme entre l'Autriche et la Prusse pour repousser les Français,
lesquels ont dépassé le Rhin en 1793 et se lancent en direction de Francfort.
La guerre coûte beaucoup d'argent et Guillaume IX cède 8000 soldats au
Royaume-Uni qui s'est joint à la coalition. Meyer Amschel Rothschild est
chargé des négociations des traites remises en paiement par le Royaume-
Uni. Cette opération lui rapporte beaucoup d'argent. Les événements de
la première guerre de coalition permettent aux intermédiaires du prince
Guillaume IX, dont les Rothschild, de réaliser d'énormes fortunes.
Le souverain souhaite augmenter davantage sa fortune et se met
à prêter des fonds avec intérêts. Guillaume IX réalise souvent des crédits
importants en passant par des agents juifs comme les Rothschild. Les be-
soins de Guillaume IX augmentant, les services de Meyer Amschel s' ac-
croissent en proportion. Avec la guerre, l'escompte des traites anglaises
devient sa priorité! Les bénéfices de guerre réalisés se trouvent à l'origine
de l'extraordinaire richesse de départ des Rothschild. Il devient alors im-
possible pour Meyer Amschel de cacher sa richesse malgré ses ruses. Les
Rothschild passent de 2000 florins d'imposition à 15000 en 1795, l'année
même où le décret du 3 ventôse an III établit un régime de séparation des
églises et de l'État en France. La fortune de ces derniers est estimée à un
million de florin à la fin du XVIII• siècle. La remise de traites et d'espèces,
et l'achat de marchandises au Royaume-Uni réclament un représentant de
l'autre côté de la Manche. Meyer Amschel s'était associé depuis des années
avec ses trois fils aînés. Nathan, le plus jeune, est désigné pour être envoyé
en Angleterre comme agent à Manchester puis à Londres pour créer la
branche commerciale des Rothschild 25 • Son rôle entre le Royaume-Uni et
Napoléon sera décisif, comme nous le verrons plus loin.

24. Hamrnermayer, «La crise de la franc-maçonnerie européenne et le Convent de


Wilhelmsbad », ap. cit., p. 83-84.
25. Jean Péron, Les Rothschild, Paris, Éditions Nouvelles, 1942, p. 9 à 14.
38 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

3. La famille Rothschild et son blason inspiré des symboles


de la lignée royale du dieu sumérien EnHl

Le fondateur de la dynastie Rothschild et ses cinq garçons vont peu


à peu prospérer dans toute l'Europe, de Francfort à Londres et de Vienne à
Naples en passant par Paris. Tous deviendront banquiers et s'installeront
dans la plupart de ces villes européennes. En 1813, les cinq fils de Meyer
Amschel seront nommés membres du conseil privé du Commerce par le
roi de Prusse. En 1815, ils seront nommés membres du conseil des Finances
de la cour de Hesse par Guillaume IX. En 1822, l'empereur d'Autriche,
François 1er, ancien empereur des Romains, accordera le titre de baron à
la famille Rothschild ainsi que ses armoiries. Voyons maintenant certains
blasons des familles Bauer26 et celui des Rothschild :

7. Blason de la famille Bauer de Vienne 8. Blason de la famille Bauer de Francfort-


avec un aigle héraldique. sur-le-Main avec deux ailes (d'aigle)
Description : Coupé : au 1 : d'azur, à l'aigle déployées et trois étoiles qui symbolisent la
d'or; au 2: de gueules, à la fasce ondée d'argent. finesse d'esprit.
Description: De sinople, au vol d'azur, au chef
du même, ch. de trois étoiles d'or.

26. Description des armoiries des familles Bauer : www.euraldic.com


LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 39

9. Blason ou armoiries de la famille


Rothschild.
Description : Écartelé : en 1 : d'or à l'aigle
de sable; en 2 : d'azur à un dextrochère de
carnation tenant 5 flèches d'argent; en 3 :
d'azur à un senestrochère de carnation tenant
5 flèches d'argent; en 4 : d'or au lion rampant
de gueules; sur le tout de gueules chargé d'une
cible ovale [bouclier] avec une pointe au centre
d'argent posé en barre.© SanglierT

Les armoiries des Rothschild regroupent aujourd'hui les branches


de Francfort, de Naples, de Vienne, de Londres et de Paris. Sur le haut
des blasons de la branche des Bauer de Vienne et le blason des Rothschild
se trouve un aigle bec ouvert, ailes et pattes déployées avec griffes tran-
chantes. L'aigle représenté sous cette forme - généralement appelé «aigle
héraldique» - symbolise la royauté, l'empire, la majesté et la victoire. Il
fut adopté comme insigne militaire par les rois de Perse et les Ptolémées
d'Égypte. Les Romains l'employèrent également, de même que Charle-
magne, puis les empereurs d'Allemagne, d'Autriche, de Russie ainsi que
Napoléon Bonaparte. On dit que les princes flamands l'auraient emprunté
pendant les Croisades aux monnaies et aux étendards des Turcomans,
maîtres del' Asie Mineure. Les anciens Turcs récupérèrent sans doute ce
symbole des Perses qui l'adoptèrent des Assyro-Babyloniens. Comme
nous l'avons vu plus haut, ces derniers empruntèrent le symbole del' aigle
héraldique aux Akkadiens et aux Sumériens qui l'utilisaient pour arborer
la majesté et la royauté de la lignée du dieu Enlil.
Sur le blason des Rothschild se trouve également un lion. Le roi des
animaux est visible sur de nombreux sceaux sumériens comme symbole
d'autorité et de souveraineté. On le retrouvera plus tard comme symbole
du Royaume de Juda dont les prêtres formaient la classe noble; ce fut ce
symbole fort que les rois de Judée revêtaient pour afficher leur royauté.
Étant lui aussi associé à la royauté, le lion se retrouve dans la religion
judéo-chrétienne avec le Christ issu de la tribu royale de Juda, le Christ
étant appelé «le lion de Juda». Le lion représente les qualités de l'âme et
la perfection morale. Sa représentation classique sur les blasons montre
le roi des animaux dressé en position verticale; cette attitude dénote une
extension vers le haut, vers le Ciel et exprime la dignité et la supériorité du
lion, «car seul l'homme est un animal debout 27 ».
27. Gérard de Sorval, Le langage secret du blason, Paris, Éditions Dervy, 1981, p. 119.
40 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Les armoiries des Rothschild présentent encore deux bras dont les
mains tiennent cinq flèches ainsi qu'un bouclier situé au centre. Dans le
contexte héraldique, ces bras représentent la force et la puissance. Les
flèches sont des symboles de la puissance politique et militaire du roi :
elles figuraient le pouvoir monarchique dans l' Antiquité. Il s'agit d'un em-
blème fort provenant d'Orient que les Romains empruntèrent aux Perses.
Mais les Perses le tenaient de la Babylonie et des Sumériens. En Mésopo-
tamie, le guerrier et héros des dieux n'était autre que Ningfrsu-Ninurta,
fils d'Enlfl. Le texte cunéiforme «Le retour de Ninurta à Nippur » indique
par exemple des lignes 41 à 43 : «Je porte la tempête qui attaque les humains,
qui est mon arc et mon carquois. Je porte celui qui emporte les temples des terres
rebelles qui est mon bâton de jet et mon bouclier. » Les Romains pensaient que
le bouclier, ou ancile, était tombé du Ciel. Ils reliaient les boucliers sacrés
au culte. de Mars, donc à la guerre. Le bouclier symbolise la protection, la
guerre et la longévité (la durée dans le temps).

10. Ninurta, fils d'Enlfl et


bras armé des Anunnaki
est présenté en tant que
conquérant de l'aigle
léontocéphale dénommé
Anzu ou «Oiseau
Tempête».
Cylindre-sceau PML 1948a

Meyer Amschel Bauer «Rothschild» a développé son empire finan-


cier en installant ses cinq fils dans les cinq principaux centres financiers eu-
ropéens pour y faire des affaires. Les cinq flèches dans la main du guerrier
représenteraient les cinq dynasties gérées par les fils de Meyer Amschel.
Plusieurs chercheurs pensent que ces cinq flèches font également référence
au Psaume 127:3-4 de la Bible : «C'est l'héritage de Yahvé que des fils, récom-
pense que le fruit des entrailles; comme les flèches dans la main du guerrier, ainsi
sont les fils de la jeunesse.»

Comme on le voit, plusieurs parties importantes du blason des


Rothschild peuvent être mis en rapport avec le héros Ninurta, conquérant
de l'aigle léontocéphale Anzu et fils de la lignée royale du dieu Enlfl et de
sa cité SIR-BUR-LA, «l'Oiseau de l'Étemelle Jeunesse» ... Mieux encore,
nous avons vu dans le chapitre précédent que le nom akkadien Anzu veut
dire «connaissance élevée» ou «savoir du Ciel» en sumérien. Pourtant, les
Sumériens nommaient tout à fait différemment l'oiseau-lion et l'écrivaient
sous la forme IM-DUGUD, traduisible par «sang noble». Concevoir des
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 41

lignées nobles a toujours été l'objectif des dieux, des rois et des membres
de l'oligarchie et de l'aristocratie. Cette obsession se retrouve naturelle-
ment chez les Rothschild, car sur les dix-huit mariages contractés par les
petits-enfants de Meyer Amschel Bauer-Rothschild, seize l'ont été entre
cousins au premier degré! Vaincre ou posséder AN-ZU/IM-DUGUD,
c'est finalement détenir le secret de la connaissance et de l'immortalité de
la lignée royale sumérienne. Nous retrouvons ici une idée biblique très
connue : posséder la sagesse, la connaissance et l'immortalité peuvent
rendre l'homme égal à Dieu.

Reprenons maintenant notre réflexion amorcée plus haut au sujet


de Meyer Amschel Bauer (1744-1812), père de la finance internationale et
fondateur de la dynastie banquière des Rothschild, qui changea son nom
de Bauer en Rothschild. On sait qu'à la fin du XVIII• siècle, l'empereur
d'Autriche Joseph II et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II rendirent
obligatoire pour les juifs l'utilisation de noms de familles héréditaires, ce
qui n'était pas le cas jusqu'à cette époque. Les plus répandus en Allemagne
étaient suivis du suffixe allemand et yiddish -er, comme Bauer. Beaucoup
de familles d'une même localité adoptèrent les noms de métiers qu'ils
exerçaient de génération en génération comme : Schneider («tailleur»);
Schumacher («cordonnier»); Metzger («boucher») ou encore Bauer (« pay-
san») ...
Bauer, véritable nom de la lignée des Rothschild, est un patronyme
quel' on retrouve beaucoup en Alsace, mais qui se portait en Allemagne au
XIX• siècle. Le terme allemand Bauer («paysan») serait tiré du verbe bauen,
«construire», mais il signifiait autrefois «cultiver la terre». On retrouvera
plus tard Bauer dans l'anglais boor qui désignait un paysan au XV" siècle
et dans le néerlandais et flamand boer, «paysan». Le Bauer allemand pos-
sèderait une racine plus ancienne encore puisqu'il est noté dans la Bible
en goth - écrite au IV' siècle par l'évêque et missionnaire Wulfila - sous la
forme Bauan qui veut dire «habiter la terre28 ». Il est intéressant de noter
que ces différents termes trouvent leur écho en sumérien en exprimant des
définitions assez semblables :

Allemand Bauer, «paysan»/ sumérien BA-U-ER, «apporter la nourriture


et les rations»
Allemand Bauen, «cultiver la terre»/ sumérien BA-U-EN, «le Grand prêtre
de la nourriture et des rations»
Allemand Bauan, «habiter la terre»/sumérien BA-U-AN, «l'élevé de la
nourriture et des rations»

Comme on peut le voir, les différents noms associés au mot alle-


mand Bauer («paysan») expriment en sumérien le fait de fournir de la
nourriture et des rations - en tant que paysan ou bien en qualité de grand
28. Patrick Jouannès, entrée « Bauer », in geneawiki.com
42 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

prêtre. La branche allemande de la famille Bauer, devenue Rothschild, sa-


vait-elle tout cela? A-t-elle utilisé de façon intentionnelle les symboles de
la branche royale sumérienne d'Enlfl et de ses enfants Ninurta et Sin pour
former ses armoiries? Savait-elle que le bras du héros, armé de flèches et
d'un bouclier, sont des attributs de Ninurta? Savait-elle également que le
mélange de l'aigle et du lion renvoie au symbole sumérien IM-DUGUD
(Anzu ), «sang noble»?
Les Rothschild sont d'origine ashkénaze. En Genèse 10, le patriarche
biblique, Ashkenaz, est un des descendants de Japhet, lui-même fils de
Noé. Dans la Bible, Ashkenaz correspond également à un peuple situé
entre la mer Noire et la mer Caspienne, à proximité du cours supérieur
de l'Euphrate. Les ancêtres des Rothschild provenaient-ils d'une lignée
judéenne noble ayant connu la diaspora babylonienne? Nous verrons plus
loin que le nom Bauer existe également sous une forme babylonienne.

Nous tenterons de répondre progressivement à toutes ces questions,


mais nous pouvons déjà remarquer que Meyer Amschel Bauer-Rothschild
était durant son enfance allé avec sa mère au vieux cimetière juif pour
rendre hommage aux morts pendant le mois d'Elul. Il en profita pour épe-
ler les noms hébreux gravés sur les pierres tombales de ses ancêtres. Possé-
dant une grande intelligence et des sens éveillés grâce à ses connaissances
acquises à l'école talmudique de Francfort, il réussit à reconstituer la gé-
néalogie de sa famille sur 200 ans. Au début, l'absence d'un nom patrony-
mique constant lui avait posé problème, mais la coutume juive d'octroyer
le prénom du père défunt lui fut d'un grand secours29 • Il put ainsi aller
jusqu'à son aïeul Isaac Elchanan Bauer Bacharach (1475-1546) qui avait fait
construire la maison familiale Zum Roten Schild, «À l'écusson rouge», et
qui utilisa pour la première fois ce patronyme sous la forme Rothschild.

11. Meyer Amschel


Bauer-Rothschild vers la
trentaine.
Domaine public

29. Marcus Eli Ravage, Grandeur et décadence de la Maison Rothschild, Paris, Albin Michel
éditeur, 1931, p. 13-14.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 43

Nous savons également que Meyer Amschel avait acquis des


connaissances sur la religion et les traditions ancestrales grâce à ses cours
du matin à l'école talmudique de Francfort, réputée dans toute l'Europe.
Pour rappel, on y apprenait à cette époque le Talmud, la stricte observance
des commandements et la Torah. Dans les prophéties orales de la Torah se
trouve par exemple une citation qui dit «Tu reviendras moins 6 millions»,
exprimant que le peuple hébreu retournera en Terre Promise avec six mil-
lions de personnes manquantes30 • À quoi ce nombre fait-il référence?
S'agit-il des prétendus 6 millions de juifs que le roi David dirigeait? Seuls
les initiés de la Kabbale le savent. Nous lèverons par la suite le voile sur ce
mystère.
Parmi les compositions que Meyer Amschel étudie se trouvent aus-
si des textes ésotériques comme le Zohar qui appartient à la Kabbale. Le
Zohar (entre les Jer et ne siècles de notre ère) synthétise d'anciennes études
dont les préceptes et traditions s'ancrent au plus profond de la vie sociale
du peuple juif. Pour rappel, la Kabbale, «réception», représente la Loi orale
et secrète offerte par YHWH à Moïse sur le mont Sinaï. Originellement
produit pour un cercle restreint d'initiés, le Zohar regroupe des données
occultes transmises de génération en génération.
La première version du Zohar en yiddish fut traduite et imprimée
en 1711 à Francfort grâce au collège rabbinique de la ville. Jusqu'alors, le
Zohar circulait uniquement au sein des milieux savants. À partir de cette
date, ce texte fut disponible parmi les couches moyennes de la société
juive, particulièrement à l'école juive de Francfort où se rendait tous les
matins Meyer Amschel. À cette époque encore, des experts en «science
de la Kabbale» autorisaient l'impression de textes mystiques pour «le bien
de tous, grands et petits, femmes et ignorants». C'est aussi le cas du texte Kav
Ha-yashar, imprimé en version bilingue à Francfort en 1705 - «ouvrage
utile pour l'âme et le corps» comprenant de nombreuses sources mystiques,
comme des extraits de la Merkaba, du Livre d'Hénoch et des citations mi-
drashiques. On y trouve également des allusions à la Kabale pratique31 •
Ainsi, dès le début des années 1700, des thèmes mystiques pénètrent
diverses couches sociales des juifs de Francfort dont faisait partie la fa-
mille Bauer-Rothschild. Comme nous allons le découvrir peu à peu, Meyer
Amschel Bauer-Rothschild et ses enfants étaient très probablement au fait
de l'utilisation de symboles babyloniens qu'utilisaient les Kabbalistes du
Moyen Âge. L'hexagramme - l' «Étoile de David» - utilisé comme sym-
bole sioniste depuis 1897 en fait partie. Nous reviendrons là-dessus, mais
rappelons brièvement que le soutien bancaire au sionisme sera le fait d'Ed-
mond de Rothschild ...

30. Pour plus de détails : Ben Weintraub, The Holocaust Dogma of /udaism, published by Robert
L. Brock, 1995, p. 3-4.
31. Jean Baumgarten,« L'impression de livres yiddish à Francfort aux XVII' et XVIII• siècles»,
Bulletin du centre de recherche français de Jérusalem, décembre 2009.
44 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

4. L'origine sumérienne de «!'Étoile de David» et l'apparition


des premiers rois historiques lors de la «naissance de Vénus»

Très officiellement, l'hexagramme X:X, plus communément appelé


«Étoile de David» ou «sceau de Salomon», est une figure géométrique à
six branches, composée de deux triangles équilatéraux superposés: l'un
dirigé vers le haut et l'autre vers le bas. L'origine de ce symbole se perd
dans les méandres de l'histoire humaine, c'est pourquoi les historiens ne
s'embarrassent jamais avec ce sujet et préfèrent le cataloguer parmi les
figures «Universelles». Certes, cette figure se retrouve dans l'art, particu-
lièrement en Asie et plus tardivement dans la péninsule arabique, à travers
les motifs islamiques. Elle semble illustrer la fameuse phrase d'Hermès
Trismégiste : «Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas», laquelle
laisse entendre la présence d'un équilibre et d'une harmonie entre le Ciel
et la Terre ou entre le masculin et le féminin, ou encore entre l'esprit et la
matière.
Afin de répondre au problème de ses origines, beaucoup de cher-
cheurs pensent que l'antique hexagramme serait tiré du pentagramme en
forme d'étoile à cinq branches. L'ecclésiastique Alphonse-Louis Constant,
dit Éliphas Lévi (1810-1875), annonce dans son ouvrage, Dogme et rituel de
la haute magie, que le pentagramme représenterait le microcosme et que le
sceau de Salomon serait l'étoile brillante du macrocosme; en fait ce concept
provient de la Kabbale juive. Platon et les pythagoriciens reprirent aussi
cette idée. Au V' siècle avant notre ère, le pentagramme servit de signe
de reconnaissance aux adeptes de Pythagore alors que l'hexagramme était
déjà employé comme amulette protectrice dans le Bassin Méditerranéen
et la péninsule ibérique. Ces deux symboles se retrouvèrent ensuite au
Moyen Âge - de manière bien souvent indifférenciées - comme pentacles
utilisés lors d'opérations magiques. C'est officiellement à cette époque
qu'il sera associé au peuple hébraïque.

Venons-en au fait : ces deux figures proviennent très clairement


de Mésopotamie, plus particulièrement de Sumer. On retrouve le penta-
gramme à cinq branches dans le signe archaïque sumérien UB (cf. M.É.A.
30632 ) «parties de l'univers» ou« régions». Ce terme est fréquemment uti-
lisé pour désigner les souverains en tant que LUGAL-AN-UB-DA-LIMMU-
BA, «roi des quatre régions du monde» ou «roi des quatre régions du
Ciel». Mais ce signe, sous la forme AR, exprime aussi la « dévastation» :

32. L'abréviation M.É.A. renvoie au Manuel d'épigraphie akkadienne de René Labat & Florence
Malbran-Labbat, voir bibliographie.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 45

12. Signe archaïque sumérien UB,


«régions» et «parties de l'univers»
ou AR, «dévastation». Il n'est pas
surprenant que ce pentagramme
très ancien soit utilisé aujourd'hui
encore, sous sa position droite,
lors de rites ésotériques, et sous sa
position inversée, pour des rituels
malveillants, voire sataniques. Les
définitions sumériennes de cet antique
symbole renferment des concepts en
relation avec, sous sa forme positive,
UB, <d'universalité» et, sous sa forme
négative, AR, «la destruction».

13. Sceau sumérien de la ville d'Ur où l'on


peut distinguer le signe UB, «régions» et
«parties de l'univers», placé en hauteur et
surplombant une représentation de faune
et de flore. Il semble culminer comme une
étoile radiante à cinq branches.
Sceau U. 14169

14. En Égypte, le symbole usuel de l'étoile


possède cinq branches. Le chiffre cinq est
celui de Vénus, !'Étoile du Matin - !'Étoile
Flamboyante - !'objet céleste qui figure Neb-
Heru «le Seigneur Horus» et la royauté. Cette
étoile égyptienne à cinq branches rappelle
le signe sumérien UB sumérien utilisé dans
le titre royal «roi des quatre régions du
monde»/« roi des quatre régions du Ciel»

«Roi des quatre régions du monde» est un titre prestigieux reven-


diqué par nombre de monarques de l'ancienne Mésopotamie. En tout,
vingt-sept souverains portèrent ce titre pour marquer l'universalité de leur
règne. Cette qualification fait certes référence aux quatre coins ou régions
de la Mésopotamie, mais elle renferme tout autant l'idée de« roi des quatre
parties de l'univers», donc de l'univers connu sur Terre comme au Ciel. Ce
titre s'interprète plus simplement en tant que« roi du monde» ou« roi uni-
versel». Comme tous les souverains de l'ancienne Mésopotamie ne por-
taient pas ce titre, il est possible que seuls les rois ayant finalisé leurs cam-
pagnes militaires sur les quatre points cardinaux aient eu le privilège de
46 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

se l'approprier. Cette souveraine qualification se retrouve dans plusieurs


mythologies comme, par exemple, sur le prisme en argile WAM 48.1802
(hymne du temple de Kes), où elle est associée au dieu Enlû. Ce type de lit-
térature évoque également quatre fleuves principaux s'écoulant des quatre
régions du monde, à savoir Subar (l'Assyrie), Martu (la Syrie), Elam (sud-
ouest du plateau iranien/Khûzistân) et Sumer (sud de l'Irak). Ces quatre
fleuves rappellent les quatre fleuves bibliques du jardin d'Eden ...
Les versions les plus primitives du signe UB, «régions» et «parties
de l'univers», se retrouvent sur plusieurs autres sceaux en argile prove-
nant de Sumer. Elles représentent assez clairement l'hexagramme connu
aujourd'hui sous les noms d' «Étoile de David» ou de «sceau de Salo-
mon». En voici deux exemples :

15. Le signe sumérien UB, sous ses formes les plus archaïques connues à ce jour, est ici présenté
dans des scènes où se trouvent végétation et formes géométriques. Cette étoile exprime des
«parties de l'univers» et des «régions». De gauche à droite : CBS 3116614 et U. 18399

Le roi babylonien Nabuchodonosor, responsable de la déportation


de l'élite juive à Babylone et de la destruction du Temple de Jérusalem, ne
porta pas le titre de «roi des quatre régions du monde». Par contre, le roi
perse Cyrus, à qui le peuple juif doit sa libération, revendiqua ce titre royal
à partir de 539 av. J.-C., date correspondant à sa conquête de Babylone. Son
titre est ainsi gravé dans le document dit «Cylindre de Cyrus», rédigé en
akkadien et utilisé comme pierre de fondation du temple Ésagil dédié au
dieu babylonien Marduk.
Prétendre que l'hexagramme - l' «Étoile de David» - n'apparaîtrait
chez le peuple juif qu'à partir du Moyen Âge semble aujourd'hui hors
de propos. On le voit déjà sur les murs de la synagogue de Capharnaüm
édifiée à partir du second siècle de notre ère dans l'ancienne province de
Galilée, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade. Le peuple juif adopta ce
signe comme emblème du roi David grâce à des légendes prétendant que
David utilisait cette étoile sur son bouclier et celui de ses soldats lors de
ses batailles; ce signe possèderait une valeur magique et repousserait les
démons. Cette étoile serait également le symbole du Messie de la lignée
davidique. Cette tradition provient certainement de la prophétie biblique
de Balaam qu'on trouve dans Nombres, 24:17: «Un astre issu de Jacob de-
vient chef, un sceptre se lève, issu d'Israël.»
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 47

Rentrons ici dans ce qu'évoque l'un des thèmes phares de cette en-
quête : dès sa retraite bien méritée en qualité d'ancien agent sioniste et du
Mossad ainsi que de lobbyiste pour le compte d'Israël, l'espion Zecharia
Sitchin repéra le signe sumérien UB dans son ouvrage de 1985, The War of
Gods and Men (traduit en français par: Les guerres des dieux et des hommes).
Son obsession a toujours été d'associer les traditions bibliques aux récits
mésopotamiens afin d'établir un lien de filiation entre le monde hébraïque
et les antiques Sumer et Akkad ainsi que la Babylonie. Pour atteindre
son objectif et celui de la famille Rockefeller pour le compte de laquelle il
œuvrait, Sitchin n'a jamais reculé devant l'utilisation parfois abusive de
traductions aux interprétations extrapolées ainsi que l'emploi de passages
décontextualisés. Ainsi, à la page 180 de son ouvrage précité (version an-
glophone), utilise-t-il le sceau CBS 3116614 (sans citer sa référence) pour
annoncer que le dieu sumérien du Soleil, UTU /Shamash, aurait pris place
dans la cité de SU-LIM (SHU-LIM) qu'il traduit par «le lieu suprême des
quatre régions (sic)» et qu'il associe à Jérusalem sous la forme Ur-Sulim 33 •
Bien entendu, Sitchin ne donne aucune information sur la tablette qu'il tra-
duit librement, ni son numéro de musée, ni même son lieu de découverte.
Une méthode qu'il utilisera tout au long de sa carrière littéraire et qui lui
permettra, dans nombre de cas, de faire obstacle à toute vérification ulté-
rieure. Sitchin se contente de donner un titre à cette archive deux pages au-
paravant; s'agit-il seulement du même document, Ising the Song of the Mo-
ther of the Gods, «Je chante le chant de la mère des dieux»? Une recherche
approfondie dans les documents en écriture cunéiforme ne donne aucun
résultat; ce titre n'est relié à aucun texte de l'ancienne Mésopotamie34 •
Afin de créditer ses propos, Sitchin utilise donc l'hexagramme
«Étoile de David» pour l'associer à Jérusalem et ainsi faire de cette localité
une ancienne cité antédiluvienne connue des Sumériens. SU-LIM ne veut
pas dire« lieu suprême des quatre régions» en sumérien, mais se traduirait
plutôt par «la puissance mille» ou «force millénaire». En conséquence,
SU-LIM n'a rien à voir avec «les quatre régions du monde» comme l' af-
firme Sitchin; la translittération en sumérien de ce titre royal s'écrit plutôt
UB-DA-LIMMU-BA, comme indiqué plus haut.
Plus sérieusement, la Bible prétend que le roi David unifia les douze
tribus d'Israël en un seul royaume à partir de Jérusalem. Certains assurent
que le nom divin de la sainte ville tirerait son origine du sumérien URU-
SILIM, «la ville de la bonne santé (ou de la paix)», mais il n'est pas ques-
tion de Sumériens dans cette localité sans cesse conquise par l'Égypte et
l'Assyrie, à une époque où le langage sumérien ne se pratiquait que par

33. Zecharia Sitchin, The War of Gods and Men, Rochester (Vermont), Bear & Co. Publishing,
1985, p. 180.
34. Une recherche plus approfondie me reverra sur la tablette du British Museum, BM 87535.
Le titre que donne Sitchin correspond simplement à la traduction de la première ligne de ce
document référencé sous le nom Hymne ta Belet-illi, «hymne de la mère des dieux». C'est
continuellement le même problème avec Sitchin : il prétend faire des révélations en ne
donnant jamais ou peu souvent la possibilité de vérifier ses propos.
48 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

écrit par quelques lettrés. D'après le nom assyrien Urû-Salîmu, la première


Jérusalem devait former à l'origine un tout petit village, le mot Urû vou-
lant dire «étable». Urû-Salîmu se traduirait ainsi par «l'étable de la paix»
ou «l'étable de la faveur divine». En utilisant un jeu de mots astucieux
avec l'homophone Ûru, Ûru-Salîmu pourrait se traduire par «le toit de la
paix» ou «le toit de la faveur divine». Selon la légende, cette ville fut fon-
dée par le dieu assyrien Salîmu (Shalem) associé au Soleil couchant et à
Vénus, l'étoile du Matin35 •

*
* *

Rappelons brièvement la thèse concernant Vénus sur laquelle je tra-


vaille depuis de nombreuses années. Depuis 2007, je démontre qu'il aurait
autrefois existé une planète dans notre Système Solaire qui, selon les pro-
pos des tablettes chaldéennes, portait le nom de Mulge. Traduit en sumé-
rien, ce mot nous donne MUL-GE 6, l'«Astre Noir». Cette Mulge aurait
explosé il y a 12000 à 10000 ans et ses restes constitueraient aujourd'hui la
ceinture d'astéroïdes gravitant entre Mars et Jupiter ainsi que la ceinture
de Kuiper, située au-delà d'Uranus et Neptune. Cette ancienne planète dé-
nommée Mulge en Mésopotamie pourrait très bien former les débris de la
ceinture d'astéroïdes et, pour ceux éjectés plus loin, les fragments « proto-
planétaires » de la ceinture de Kuiper. Selon une thèse de J. A. Femandez et
W.H. Ip du Max-Planck-Institut (Icarus, Vol. 52, n° 1, 1984), Uranus, Nep-
tune et nombre d'objets transneptuniens (ceinture du Kuiper) se seraient
formées près de Jupiter et auraient ensuite migré grâce à un phénomène
d'échange de moment cinétique entre les planètes Jupiter et Saturne. Les
distances très éloignées entre les deux ceintures expliqueraient leurs struc-
tures distinctes. Cette hypothèse résoudrait le problème de masse de cette
ancienne planète suffisamment grande pour avoir eu une planète de la
taille de la Terre comme satellite, à savoir la future Vénus éjectée lors de
l'explosion de cette même planète.
L'explosion de cet astre géant propulsa son ancien satellite qui erra
dans notre Système Solaire pendant plusieurs milliers d'années avant de
se stabiliser à la place qu'il occupe aujourd'hui et que nous connaissons
sous le nom de Vénus. Ces dramatiques événements cosmiques se réper-
cutèrent sur notre planète qui connut les bouleversements cataclysmiques
dont il est question dans de nombreuses traditions du monde.
Le Compte Long maya pointe vers le 4 Ahaw 8 Kumku de l'an
0.0.0.0.0. Pour nous, cette date correspond au 11 août 3114 av. J.-C. Notre
calendrier grégorien fonde son commencement sur la date présumée de la
naissance du Christ, mais à quoi correspondrait donc le 11 août de l'année
- 3114? En fait, les Mayas assurent que le début du Compte Long marque la
naissance de Vénus, donc sa première apparition dans notre Ciel. Comme
35. Parks, Corpus Deae, op. cit., p. 56 de la réédition de 2020.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 49

l'attestent de nombreuses sources, Vénus ne semblait pas être à la place


qu'on lui connaît aujourd'hui avant 3000 av. J.-C. Son arrivée décala sans
doute l'ensemble des planètes de Mercure à Jupiter. C'est certainement ce
qui amena la Terre à passer subitement de 360 à 365 jours, comme en font
par exemple état les textes de l'Inde tels quel' Aryabhatiya (traité de mathé-
matique et d'astronomie), les anciens calendriers des Mayas ou encore le
Livre de Sothis (par le prêtre égyptien Manéthon). Ces cinq jours sont qua-
lifiés d' épagomènes en Égypte. Il s'agit de cinq jours dits «dangereux»
ajoutés à l'année fixe de 360 jours.

La future Vénus provoqua ainsi des déluges et d'importants pro-


blèmes climatiques sur Terre. Sa dernière apparition comme comète, vers
3000 av. J.-C., marque la fin de l'ère des Suivants d'Horus et le commence-
ment des temps historiques connus et répertoriés. C'est pourquoi la pla-
nète Vénus est associée à la fois à Horus et à tous les Pharaons historiques
dans la pensée de l'Égypte ancienne. Les tablettes mésopotamiennes in-
diquent que Neberu (ou Nibiru) était un astre nomade qui bouleversa pé-
riodiquement les affaires des dieux et des humains. Son origine se nomme
«le lieu de la bataille céleste», selon l' Enûma Elis (l'épopée babylonienne
de la Création). Les Textes des Pyramides nous apprennent qu'Osiris serait
mort pendant, ou peu de temps avant, l'explosion de la Colline Primor-
diale de l'Horizon du Ciel (l'ancienne Mulge). Cette catastrophe cosmique
libéra le satellite de Mulge dénommé Neb-Heru («le Seigneur Horus») en
égyptien et Neberu (ou Nibiru) en akkadien. Les traditions égyptiennes
d'Edfu nomment plutôt cet objet cosmique l'«Œil du Son». Cet œil rap-
pelle l'émeraude de Lucifer tombée lors de sa chute, comme rapporté par
les traditions hermétiques du Moyen Âge.
50 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Neb-Heru, «Seigneur Horus»

Depuis plusieurs décennies déjà, les astrophysiciens émettent l'hy-


pothèse que Vénus pourrait avoir été une autre« planète bleue»; la tempé-
rature pourrait y avoir été tempérée, des océans d'eau liquide couvraient
peut-être sa surface nous précise le magazine français Science & Vie (dé-
cembre 2020). Mais un jour, un incompréhensible effet de serre observé sur
Vénus s'est installé, rendant impossible toute vie sur la planète, réchauf-
fant les océans et provoquant leur évaporation, emprisonnant peut-être
dans son atmosphère des formes de vie réduites à des bactéries. Les pho-
tographies effectuées par les satellites de la Nasa, du JPL et de l'Esa nous
montrent une Vénus qui aurait fait une chute spectaculaire. Sa croûte est
anormalement mince; sa lithosphère varie de 10 à 20 km maximum compa-
rativement à Mars et la Terre qui font 50 à 100 km d'épaisseur ... En 1997, le
satellite Soho détecta et analysa une zone «plasmique» émanant de Vénus
ressemblant nettement à une queue de comète. Son amplitude est telle que
son extrémité touche la Terre. Le New Scientist Magazine de mai 1997 nous
montre même un schéma où l'on peut observer l'amplitude du phéno-
mène: la queue de comète de Vénus fait 45 millions de kilomètres de long ...

Les différentes rencontres entre la Terre et Vénus en tant que comète


doivent nécessairement se retrouver dans le sol de notre planète, parti-
culièrement lors du dernier passage de Vénus lorsqu'elle avait fini par se
stabiliser. Le dioxyde de carbone constitue plus de 96 % de l'atmosphère
vénusienne et il a un volume 2500 fois plus important que sur Terre. Le
reste de l'atmosphère vénusienne se compose de dioxyde de soufre, de
deutérium et de méthane, pour n'en citer que les principaux éléments. En
septembre 1992, le magazine Science News publie les derniers résultats de
Pioneer-Venus-Orbiter, envoyé en 1978 par la N asa. L'inexplicable présence
de méthane étonne les scientifiques qui, pour expliquer ce phénomène in-
solite, prévoient un méthane primitif fraîchement libéré depuis l'intérieur
de la planète, estimant par la même occasion qu'une telle quantité provien-
drait d'une éruption volcanique qui ne se produirait qu'une fois tous les
100 millions d'années environ ... De même, le ratio deutérium/hydrogène
détectée par Pioneer-Venus-Orbiter apporte une confirmation à la théorie
de l'échappement atmosphérique de Vénus lorsqu'elle devint une comète,
et expliquerait l'énigmatique effet de serre que produit son atmosphère.
À l'époque où Vénus fut une comète et qu'elle suivit une orbite ex-
centrique autour du Soleil et de Jupiter, elle était obligatoirement accom-
pagnée d'essaims cométaires provenant de l'ancienne planète désintégrée.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 51

Ses passages s'accompagnant de sa queue ionisée provoquèrent nécessai-


rement des impacts d'astéroïdes et des explosions atmosphériques, ce qui
expliquerait les nombreux cratères présents sur la Terre, la Lune ou encore
Mars. Il faut le rappeler : ce type de cratère est inexistant sur Vénus et la
science ne se l'explique pas. La seule explication se trouve dans le fait que
Vénus était une comète qui est elle-même à l'origine des cratères des pla-
nètes du Système Solaire intérieur.
Ces impacts d'astéroïdes et les explosions causées par Vénus engen-
drèrent une augmentation de la poussière atmosphérique et de la couver-
ture nuageuse, laquelle déboucha sur de l'humidité, de fortes augmen-
tations des précipitations ainsi qu'un refroidissement global sur la Terre.
En 1978, le climatologue de renommée mondiale Hubert Lamb publie
un diagramme des précipitations dans la vallée de !'Indus au cours des
10000 années précédant notre ère. Vers -10 000 (date présumée de l'explo-
sion del' ancienne planète présente entre Mars et Jupiter), les précipitations
passent subitement de 400 mm à 700 mm par an. Vers 7500 ans avant notre
ère, apparaît un pic spectaculaire de près de 1000 mm, un autre de 750 mm
vers - 6500, et un autre encore plus extraordinaire de 12000 mm en - 6000.
Deux derniers pics importants apparaissent : un en 4900 et un dernier en
3900 avant notre ère. À cette date intervient une chute fantastique des pré-
cipitations jusqu'en 1500 avant J.-C où ces précipitations reprennent un
niveau «normal» entre 300 et 400 mm par an.

RAINFAU

---•1111 mm
- - - Sutnmer monSOOft
1000

800

600

Orler
••rUer 400

Dry
period 200
16. Les précipitations au
cours des 10 000 années
précédant notre ère dans la
--t---.---.-.........,...._.,__....,....~__,-.--..---'O vallée de !'Indus; d'après
10 9 7115 4321 0
Thou11nd1 of yeara 990 Lamb et Al., 1978.

Lonnie Thomson (paléoclimatologue à l'université d'État de l'Ohio),


spécialiste mondial dans le domaine des forages de carottes de glace, a
démontré entre 2006 et 2007 que la Terre connut une baisse de 5° au nord
52 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

du .Kilimandjaro et une baisse de 2° en Israël en 3200 av. J.-C. À la même


époque, la science détecte un pic de méthane dans une carotte extraite du
Groenland et des traces de refroidissement sur des pièces de bois en Ir-
lande.

À partir de cette période, les grandes civilisations émergent et une


nouvelle ère débute; l'ère des hommes remplace celle des dieux et des
demi-dieux. C'est précisément à cette époque que démarre la période his-
torique de la liste royale sumérienne WB 444 dont nous avons parlé plus
haut. Ainsi, aux alentours de 3200 et 3000 ans av. J.-C., le monde se réveille
d'un long chaos et l'histoire marque ses premiers pas d'une empreinte
indélébile encore visible dans le sol. Cette époque située après le dernier
Grand Déluge voit naître les premiers arts et les premières civilisations his-
toriques. Si l'on en croit les manuels d'histoire, des arts et des techniques
totalement révolutionnaires et inédits apparaissent déjà formés «à partir
de rien». Au-delà de cette période, nos livres d'histoire ne mentionnent
rien, si ce n'est cette éternelle et énigmatique préhistoire qui débuta avec
la naissance de l'homme dont les experts peinent encore à définir la date
d'apparition. Ainsi, entre 3200 et 3000 ans av. J.-C., sous une énigmatique
impulsion d'une durée de deux à trois siècles seulement, et sans aucune lo-
gique scientifiquement explicable, le monde surgit pratiquement ex nihilo
et les premiers rois historiques dominent et civilisent le genre humain de
l'Égypte à Sumer36 ...
Les passages bibliques del' Apocalypse 22:16 et 2:26-28 confirment
le lien entre l'Étoile du Matin et la royauté : «Moi, Jésus, j'ai envoyé mon
Ange pour attester ces choses dans les Églises. Je suis le rejeton et la postéri-
té de David, ['Étoile brillante du Matin. [... ] Le vainqueur, celui qui restera à
mon service jusqu'à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les Nations : c'est avec un
sceptre de fer qu'il les mènera comme on fracasse des vases d'argile! Ainsi, moi-
même j'ai reçu ce pouvoir de mon Père. Et je lui donnerai l'Étoile du Matin.»
Faire de l'Étoile du Matin le signe royal par excellence renvoie aux tradi-
tions égyptiennes des Textes des Pyramides, lesquelles décrivent chaque
Pharaon comme étant une image de Neb-Heru, «le seigneur Horus», lui-
même identifié à Vénus, donc à l'Étoile du Matin. Les divers Pharaons
possédaient plusieurs bâtons de pouvoir, souvent en bois. Cependant, seul
l' Ankh (ou croix de vie), qui préfigure le signe de Vénus, était fait en métal.
Ces passages del' Apocalypse reprennent les cosmogonies égyptienne et
mésopotamienne qui identifient l'Étoile du Matin au roi de la Terre et du
Ciel. Celui qui suivra le chemin du roi et sa parole sera le grand vainqueur,
il sera glorifié par le souverain ou le Christ lui-même. L'adepte à l'écoute
des paroles du roi des quatre régions terrestres et célestes pourra dominer
le monde en brisant la matière, symbolisée par les vases d'argile.
36. Voir la thèse d' Anton Parks concernant Vénus dans l'étude« Neb-Heru, !'Étoile du Matin»
publiée dans l'ouvrage L'Oracle de !'Oiseau Tonnerre, éditions Nouvelle Terre, 2021 & «Les
origines secrètes de Vénus et Lucifer» dans le magazine français Inexpliqué, n° 8 à 11 (dossier
en quatre parties sur quatre numéros), 2021.
LE PAYS DE SUMER, LA FAMILLE ROTHSCHILD ... 53

17. L'orbite actuelle de la planète Vénus forme un pentagramme inversé, symbole de


destruction.

Nous savons que les anciens Hébreux provenaient d'Égypte avant


qu'ils ne conquièrent la Judée. Ils portaient avec eux la connaissance des
traditions de l'Égypte ancienne et celle de ses divinités, subtilisées par
«Moïse». Je rappelle qu'à l'époque de Moïse, l'ancienne Palestine, et donc
Urushalim (Jérusalem), se trouvaient sous juridiction égyptienne avec
comme seule langue diplomatique l'akkadien, à savoir la langue parlée en
Mésopotamie par les successeurs des Sumériens. Les échanges commer-
ciaux et culturels abondants de cette époque entre l'Égypte et la Mésopo-
tamie ne sont plus à prouver.
Une fois en captivité en Babylonie près de 700 ans après avoir quitté
l'Égypte et conquis Canaan, les Judéens furent confrontés à des symboles
et à des traditions communs à l'Égypte et à Babylone. Les découvertes ci-
dessus démontrent que l'étoile royale symbolisée par le signe sumérien
UB - qu'elle soit sous la forme d'un hexagramme ou d'un pentagramme
- représente les quatre régions du monde ou les quatre points cardinaux
conquis par les meilleurs souverains sumériens et babyloniens; d'où le
titre royal de LUGAL-AN-UB-DA-LIMMU-BA, traduit par «roi des quatre
régions du monde», «roi des quatre régions du Ciel» et «roi des quatre
régions de l'univers». Ce symbole qui se retrouve dès les premières dy-
nasties de Sumer et d'Égypte représenterait !'Étoile du Matin, la planète
Vénus venue victorieuse des quatre régions de l'univers pour bouleverser
et guider le monde des dieux et des humains.

En 1354, Charles IV, le roi de Bohême, accorda aux juifs de Prague


un drapeau rouge où se mêlaient le bouclier de David et le sceau de Salo-
mon. C'est exactement ce symbole qu'utilisa Meyer Amschel Bauer avant
de changer son nom de famille en Rothschild, suivant ainsi la décision de
54 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

son ancêtre Isaac qui avait déjà pris le patronyme du blason de la mai-
son familiale Zum Roten Schild, «Au bouclier rouge», à Francfort-sur-le-
Main en Allemagne. Comme nous l'avons relevé plus haut, ce symbole
provient de Babylonie et originellement de l'antique pays de Sumer. Il fut
probablement rapporté par des juifs babyloniens dont faisaient partie les
ancêtres des Rothschild. Les Bauer, ancêtres des Rothschild, provenaient
très probablement d'une de ces lignées judéennes nobles ayant connu la
diaspora babylonienne et l'étoile royale de la conquête des quatre régions
du monde.

Sous sa forme d'hexagramme ou «d'étoile de David», l'antique


étoile royale deviendra le symbole du sionisme à partir du Congrès de
Bâle de 1897. Cet emblème fut originellement proposé par Theodor Herzl,
père du mouvement sioniste. Le soutien financier au lobby sioniste et à
la conquête de la Palestine sera le fait d'Edmond James de Rothschild!
Pas seulement réputé pour être un «banquier philanthrope», cet homme
acheta également de nombreuses terres en Palestine, spéculant ainsi sur un
projet d'occupation à très long terme. Il y a fort à parier que l'hexagramme
fut très probablement suggéré par le clan Rothschild, dépositaire de la
puissante signification ésotérique de ce symbole et de ses origines occultes.
Certains auteurs et chercheurs insistent sur le rôle de l'hexagramme
«étoile de David» comme étant un symbole satanique en raison de son
utilisation sous la forme d'une amulette magique largement employée
dans la plus haute Antiquité et aussi du fait que les mages kabbalistes s'en
servaient au Moyen Âge. Nous venons de décrypter cette figure en remon-
tant à ses origines mêmes en découvrant qu'elle provient de Sumer sous la
forme d'un symbole royal extrêmement puissant, lequel figure les quatre
«régions» et «parties de l'univers» que les anciens rois devaient conquérir
afin de marquer leur puissance et suprématie. Nous allons découvrir peu
à peu que l'utilisation de cette étoile comme symbole du sionisme et de
l'État d'Israël n'est pas due au hasard.
II
Les ancêtres du Livre:
"
de Babylone au Moyen Age

Lorsque le peuple juif est exilé en Babylonie à l'époque de Nabucho-


donosor, la majorité de ses membres représente l'élite du pays, les classes
dirigeantes, l'aristocratie et les artisans. Ils arrivent dans un pays riche
ponctué de villes commerçantes, l'ensemble se trouvant dans une large
plaine fertile irriguée par les deux grands fleuves, le Tigre et l'Euphrate.
Le roi Nabuchodonosor a réalisé d'importants travaux de fortification à
Babylone en ajoutant une grande enceinte extérieure à l'est de la ville, le
côté ouest étant naturellement protégé par l'Euphrate. Subdivisée en dix
quartiers, la vaste cité aux quarante-trois sanctuaires est protégée par une
double muraille. Les textes cunéiformes attestent l'écriture phonétique
Ba-bi-lu ou Ba-bi-lam pour Babylone, pourtant les archives sumériennes la
nomment souvent KÂ-DIGIR-RA, «la porte des dieux».
Les déportés ne seront pas prisonniers, mais plutôt considérés
comme des étrangers aux droits limités. La majorité d'entre eux seront
affectés à des travaux de construction ou embauchés comme maçons,
d'autres travailleront dans les champs. Contrairement aux dix tribus dé-
portées en 722 avant notre ère par le roi assyrien Sargon Il, les exilés ne
seront pas dispersés, mais plutôt regroupés dans des villages. À la .mort
de Nabuchodonosor, en 562 av. J.-C., les constructions cessent et les exi-
lés vont obtenir davantage de liberté; ils pourront alors travailler la terre
de leurs parcelles et s'adonner à l'artisanat et au commerce. Guidés par
les prêtres et les savants, les juifs babyloniens auront pris conscience de
leur particularité et de leur identité lors de leur séjour au sein du royaume
babylonien37 •

37. Marianne Picard, Juifs et Judaïsme (de -700 à +70), Paris, Éditions Biblieurope, 2006, p. 69-
78.
56 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

1. Le rôle de la prêtrise à Babylone

Lors de l'Exil en Babylonie, la codification sacerdotale judéenne va


nécessairement se retrouver fortement influencée par les prêtres de Baby-
lone. Le prêtre Ezéchiel faisait partie des exilés. Il ne fut pas seulement un
simple Judéen arraché à sa terre natale, mais surtout un prêtre du Temple
de Jérusalem. Il fut déporté avec sa femme dans un village appelé Tel-
Aviv, sur le canal Kebar, près de Nippur. De prêtre, il deviendra prophète.
Jamais un prêtre judéen n'avait également été prophète avant lui, jouissant
ainsi des deux prérogatives de manières concomitantes. Le prophétisme et
le sacerdoce fusionnaient abondamment à Babylone et cette double fonc-
tion des prêtres influença fortement les exilés.
Le terme de grand prêtre n'est sans doute pas utilisé dans les ar-
chives antérieures à l'Exil de Babylone38 nous assure Laëtitia Graslin-Tho-
mé, chercheuse spécialisée dans le monde sémitique et l'histoire ancienne.
En effet, le futur retour des Judéens à Jérusalem semble encadré par des
chefs de famille, de simples prêtres et des lévites, mais aucun grand prêtre.
De la même façon, le Livre d'Esdras mentionne uniquement le gouver-
neur de Juda et les anciens des juifs, sans évoquer de grand prêtre39 • Nous
n'irons pas jusqu'à prétendre que la fonction de Kohen Cadol, «grand
prêtre», n'existait pas à l'époque du Premier Temple, mais cette activité
connaîtra de nombreuses influences à partir du retour des juifs de Baby-
lone.

En Babylonie, les grands prêtres interagissent entre les dieux et les


humains. Le premier grand prêtre est le roi lui-même. Cette tradition re-
monte aux anciens temps où chaque roi de Mésopotamie se prévalait de ce
titre. Ses fonctions royales ne lui permettant pas d'exercer cet office à plein
temps, le roi se mit à déléguer cette tâche à l'un de ses fils. Le grand prêtre
détient aussi son pouvoir du fait de la volonté des dieux qui le désignent à
travers des présages.
Les dieux mésopotamiens étaient généralement compris comme
bons par nature, mais les textes les dépeignent souvent comme suscep-
tibles et exigeants de nombreux sacrifices. Le texte DP82 de la ville de
Lagas, nous rapporte exhaustivement la liste des offrandes que le grand
prêtre doit faire à la déesse Nan8e (femme du dieu Ningirsu-Ninurta, fils
du dieu Enlîl), lors d'une des cérémonies en son honneur : un mouton, un
chevreau, de la bière forte et de la bière noire, différents pains provenant
des brasseries, des bottes de légumes, de l'orge grillé et des dattes. Durant
les fêtes religieuses sumériennes comme celles qui se tenaient dans la ville
38. L'expression ne se retrouve que dans quatre occurrences antérieures à !'Exil babylonien et
ressemblant à des retouches postérieures selon Roland de Vaux, in Les institutions de l'Ancien
Testament- tome 2, Paris, éditions du Cerf, 1960.
39. Laëtitia Graslin-Thomé, «De Jérusalem à Babylone. Les relations entre le temple de
Jérusalem et les souverains achéménides et hellénistiques», Topoi, volume 19/l, 2014, p. 62-
67.
LES ANC~TRE DU LIVRE : DE BABYLONE AU MOYEN ÂGE 57

d'Uruk, le sacrifice de plusieurs centaines d'ovins était fréquent afin de


garnir pendant un mois durant les tables du temple des dieux Anunna-
ki. Les documents de la période babylonienne nous montrent que sous
le règne de Nabuchodonosor, la déesse Inanna-Istar aurait perçu chaque
jour une offrande alimentaire susceptible de nourrir 300 personnes!! Nous
sommes en pleine période de captivité des exilés juifs à Babylone. Les Su-
mériens, et les Babyloniens à leur suite, semblaient relever des défis colos-
saux en vue d'alimenter des dieux «tirés de leur imagination». Où allaient
toutes ces offrandes? Il n'est pas mentionné qu'elles étaient destinées à la
famille royale ou aux prêtres ... Laissons ici ce sujet que je détaille dans
mes Chroniques du Gfrkù.

Témoin d'une véritable réglementation de l'acte d'offrir, la compta-


bilité sumérienne enregistrait séparément les entrées et sorties des ovins
dans les bergeries des palais royaux. L'habitude sumérienne plaçait tou-
jours après l'énumération des bestiaux à sacrifier, à la fois les noms des
personnes qui soignaient les animaux et les noms des dieux auxquels ils
étaient destinés. Chaque liste de produits sacrifiés est suivie du nom du
destinataire, plus précisément d'une divinité ou d'un sanctuaire. Il existait
plusieurs sortes d'offrandes chez les Sumériens. Parmi elles on trouve le
NfG-GIS-TAG-GA, «offrande». Le NfG-GIS-TAG-GA tardif de l'époque de
la splendeur de la cité-État de Lagas - ville du «Grand administrateur»
Enlil, chef des dieux - était généralement effectué par les personnages
princiers et adressé aux dieux, la ville de Lagas ayant à sa charge la part
la plus élevée des offrandes. Le sacrifice accompli d'ordinaire par la prin-
cesse aux dieux Anunnaki se repère dans la comptabilité _par une sortie
de stocks. On trouve également l'offrande nommée MAS-DA-RI-A cor-
respondant à l'offrande, la redevance ou encore, la dîme. Par contre, les
MAS-DA-RI-A étaient des dons aux familles princières venant des prêtres
ou des serviteurs d'un rang élevé, ce type d'offrande étant imposé aux
prêtres, aux fonctionnaires supérieurs et aux chefs d'équipe des labou-
reurs et des bergers. La tablette de comptabilité DP-67 indique encore des
offrandes de farine, de bière, d'huile, de dattes, d' entremets et de poissons
pour la déesse Bau et le dieu Ningirsu-Ninurta (fils d'Enlil), alors que les
familles princières en percevaient en moins grande quantité que les dieux.
Véritable système d'entretien alimentaire, la dîme pour les dieux était ré-
glementée et calculée d'après la surface des terrains exploités. L'offrande
qui leur était servie dans chaque sanctuaire était manifestée par plusieurs
présentations de repas par jour. Les archives de Nippur, la ville d'Enlil,
nomment cette ration alimentaire journalière SÂ-DUG4, litt. «ordonner et
obtenir». La réglementation stricte des dieux et leur besoin maladif de tout
contrôler dans leur pays apparaît dans le Grand Document Juridique de la
ville de Nippur qui se trouve aux Archives du Département des Antiquités
Orientales du Musée du Louvre à Paris. Ce document est un acte nota-
rié très détaillé où sont précisés la disposition et le sort des différents lots
58 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

répartis en quinze lieux, composant un gigantesque domaine agricole régi


par le pontife d'Enb1. Une autre offrande journalière de l'époque paléo-
babylonienne servait à nourrir les Anunnaki. Son nom est KURUM 6 (ou
KUR6 ), littéralement «ration» ou «panier à nourriture40 ». Tous ces sacri-
fices et offrandes étaient organisés par des grands prêtres de Mésopota-
mie. Ce type de fonctionnement se retrouvera chez les prêtres judéens dès
le retour de !'Exil babylonien.

Nous posions plus haut la question suivante : les ancêtres des Roth-
schild provenaient-ils d'une lignée ayant connu la diaspora babylonienne?
Les Bauer («paysan» en allemand), ancêtres des Rothschild - du sumérien
BA-U-ER, «apporter la nourriture et les rations» ou BA-U-EN, «le Grand
prêtre de la nourriture et des rations» - auraient-ils acquis la culture et le
sens des affaires de Babylonie? Leur nom se retrouve aussi en akkadien
- langue parlée en Babylonie lors de la diaspora - sous les formes Ba'û-
errêsu, «rencontrer le cultivateur», Ba'û-êribu, «rencontrer le commerçant»
ou encore Ba'û-erû, «rencontrer l'aigle». Cet aigle rappelle le symbole de la
royauté, de l'empire, de la majesté et de la victoire des anciens Sumériens.
Nous l'avons vu plus haut, l'aigle lagocéphale renvoie à l'JM-DUGUD su-
mérien dont le sens est «sang noble»; il s'agit du symbole royal du dieu
Enlil et de son fils Ningirsu-Ninurta.
L'auteur Fritz Springmeier, taxé de « conspirationniste », dit à pro-
pos des Rothschild : «Selon des témoins oculaires qui étaient assez bien placés
pour fréquenter une des demeures des Rothschild au Royaume-Uni, les Rothschild
adorent un autre dieu : Satan. Ils mettent à leur table un couvert pour lui. Cela fait
des générations que les Rothschild sont satanistes. [En effet], plusieurs satanistes
des hautes sphères, finalement arrachés au satanisme par la toute-puissance de
Dieu, ont dit avoir vu de leurs propres yeux Satan apparaître chez les Rothschild.
Ce qu'ils ont vu chez les Rothschild, c'est que Satan est apparu sous la forme d'un
homme extrêmement beau, à l'exception de ses sabots qui auraient été fendus. Il
portait un smoking noir pour parier et jouer aux cartes (les gains n'étaient pas de
l'argent, mais des victimes sexuelles), et un smoking blanc quand il ne venait que
pour fréquenter ses suppôts41 • »
Il serait pour n'importe qui d'entre nous difficile de se prononcer sur
la nature de ce témoignage: ce qui est certain c'est qu'il reprend les sym-
boles essentiels intimement liés à Satan. L'homme incarnant sous forme
humaine le Mal est décrit comme «beau» car, bien souvent, personne ne
commet jamais le mal ostensiblement. Se retrouvent également le thème
des sabots à la place des pieds (probable réminiscence de motifs païens), la
présence de jeu de hasard (proscrit par l'Église et intimement lié au monde
païen) ainsi que le thème classique de la promiscuité sexuelle. Dans ce
40. Yvonne Rosengarten, Le régime des offrandes dans la société sumérienne, CNRS/Paris,
Éditions E. de Boccard, 1960, p. 33-44, cité in Anton Parks, Adam Genisis, Lopérec, Éditions
Nouvelle Terre, 2020, note 113 de l'édition intégrale en français.
41. Fritz Springmeier, Livre jaune n ° 8 - les lignées Illuminati (extrait et sa note dans la traduction
française), Barcelone, Éditions Ethos, 2019, p. 248-249.
LES ANC~TRE DU LIVRE : DE BABYLONE AU MOYEN ÂGE 59

cas précis, ils' agit de« victimes» impliquant l'idée d'absence de consente-
ment; Satan étant celui qui se passe et se joue du consentement de quelque
autorité que ce soit, abusant même de la foi de ses propres disciples et
serviteurs selon les mythes et légendes. Ce témoignage puise dans une
iconographie qui dépasse les considérations théologiennes appuyant leur
réflexion sur la nécessité logique de l'existence du principe du Mal. Ici,
le principe est incarné dans le corps d'un gentlemen pervers et puissant,
loin des considérations abstraites, c'est un être qui pense, qui respire et
qui se trouve objectivement «au-dehors». L'auteur a-t-il tenté de désigner
quelqu'un ou quelque chose par périphrase, par métaphore? D'aucuns
penseraient à l'évident parallèle entre le personnage de Dracula du roman
de Bram Stocker comme allégorie de l'impérialisme britannique vivement
critiqué sous l'apparente innocence de la licence littéraire fantastique ...

Cette mention me fait tout de même penser à quelque chose que j'ai
découvert et commenté à de nombreuses reprises dans plusieurs de mes
ouvrages: le dieu Enlil, avec lequel les Bauer-Rothschild semblent connec-
tés, porte dans de nombreuses tablettes le nom de SATAM, lequel veut dire
en sumérien «administrateur»; «administrateur territorial» ou «chef de
contrée42 ». Une statue sumérienne du musée du Louvre, numérotée AO
5681, porte ce nom de SATAM. Elle représente l'un des petits-fils du roi
d'Uruket d'Ur, vers 2400 av. J.-C. Ce petit-fils du roi LUGAL-KISAL-SI était
très probablement l'administrateur en chef du royaume de son grand-père.
Du SATAM sumérien découle assurément le Satan biblique devenu
«l'adversaire» chez les Hébreux. Rappelons que chaque famille de Ju-
déens, tout au long de leur exil, eut à faire à un Satammu, «administrateur,
régisseur», nom tiré du SATAM sumérien ... Le dieu Enlû était lui-même
l'administrateur des domaines des dieux sumériens Anunnaki. Comme
indiqué plus haut, Enlil est le LUGAL-AN-UB-DA-LIMMU-BA, «roi des
quatre régions du monde», ce que deviendront les Rothschild à leur tour :
les rois de la finance mondiale, les SATAM, «administrateurs» des quatre
coins de la planète. Les Rothschild se trouveront géographiquement et pro-
fessionnellement dans divers camps en même temps, ce qui leur permettra
de manipuler plusieurs gouvernements et d'accroître leur fortune grâce
à de nombreuses entreprises opportunistes, notamment des financements
de projets liés à la guerre. J'ai beaucoup de peine à concevoir qu'il puisse
s'agir de simples coïncidences. Pourtant, ceci n'est que le commencement
d'une longue liste de nombreuses occurrences qui ne cesseront de nous
interpeler tout au long de cette enquête ...

42. Cf. M.É.A., n° 355. Le dieu Enlil porte ce nom à quatre reprises dans les tablettes suivantes
que j'ai traduites pour l'ouvrage Eden (2011); CBS 8383-a, colonne 3, ligne 10; CBS 8383-a,
colonne 4, ligne 3; CBS 11065-c, colonne 5, lignes 18 et 30. J'ai annoncé la découverte du
Satan sumérien dès mon premier ouvrage en 2005. Il est très étonnant qu'aucun assyriologue
n'ai relevé cela avant cette date. Cela démontre sans doute les vulgarisation et diffusion
défaillantes de certains domaines savants qui touchent à la religion et aux origines des
traditions bibliques.
60 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

18. Mayer Amschel Sauer-Rothschild et ses fils, les grands administrateurs du monde de la
finance, éparpillés aux quatre coins du monde. Ôsterreichische Nationalbibliothek, domaine
public
LES ANC~TRE DU LIVRE : DE BABYLONE AU MOYEN ÂGE 61

2. Les raisons de la prospérité du peuple du Livre


de la diaspora babylonienne au Moyen Âge

Durant la diaspora, les exilés juifs, étant obligés d'abandonner leurs


cultes et sacrifices pour l'Éternel, et les prêtres n'ayant également plus le
droit de célébrer les liturgies habituelles, s'adonnèrent alors à la prière ré-
gulière. La compilation, l'élaboration et la rédaction de la Torah primitive
(les cinq premiers livres de la Bible) devinrent la préoccupation principale
de la classe religieuse. Rappelons que la Torah serait la tradition dictée par
Dieu à Moïse sur le Mont Sinaï, mais aucune trace écrite de la Torah n'existe
qui serait antérieure aux Textes de Qumran (Manuscrits de la mer Morte),
dont les plus anciens sont datés entre les troisième et deuxième siècles
avant J.-C.; en fait, beaucoup d'entre eux proviennent du début du chris-
tianisme. Les experts s'accordent aujourd'hui à dire que la Torah serait une
collection de textes rassemblés par des scribes à partir de l'Exil babylonien
et après. Ernest Axel Knauf, de Université de Berne en Suisse, explique :
«[ ... ]après la chute de l'État et de ses institutions (587 av. /.-C.), c'est l'opposi-
tion qui s'est naturellement sentie légitimée et qui posa le fondement du nouveau
départ, duquel résultèrent, à l'époque perse, la Torah et les livres prophétiques
canoniques. La survie de la religion judéenne en exil et la persistance de la querelle
des partis depuis le dernier siècle du royaume davidique doivent vraisemblable-
ment être attribuées à la possession de livres hors du Temple et du palais. [... ] Il est
assez vraisemblable qu'à l'époque, un intérêt pour la conservation des antiquités
prit naissance en Judée et qu'on rassembla ainsi les matériaux à partir desquels
devaient ultérieurement être composés la Torah et 'l'histoire deutéronomique'43• »
Pendant que les lettrés se chargeaient de compiler les traditions ba-
byloniennes avec celles qu'ils avaient déjà récupérées d'Égypte au temps
de Moïse, d'autres exilés comprirent toute l'opportunité que représentait
leur présence en Babylonie. Les nouveaux déportés retrouvèrent ainsi les
précédents comme, par exemple, les dix anciennes tribus du royaume du
Nord de la Palestine, exilées en 722 avant notre ère par le roi assyrien Sar-
gon Il. Elles s'étaient depuis longtemps fondues dans la masse babylo-
nienne et beaucoup portaient des noms assyro-babyloniens ...
Le chercheur Théo Truschel indique dans son monumental La Bible
et l'archéologie que plusieurs documents babyloniens découverts lors de
fouilles démontrent l'apparition progressive de noms hébreux de dépor-
tés dans les registres des grandes entreprises commerciales ou bancaires
de Babylone, bien souvent à des postes de responsabilités, voire à la tête
de ces établissements. Entre 1875 et 1876, on exhuma à 6 km de Babylone
plusieurs milliers de tablettes cunéiformes contenues dans des jarres et
sur lesquelles sont énumérées les activités privées et commerciales de la
famille Egibi. Cette famille fortunée, dont les archives courent sur cinq
générations, était spécialisée dans l'entrepreneuriat agricole et la collecte

43. Ernest Axel Knauf, in Tomas Rêimer, Introduction à l'Ancient Testament, Genève, Éditions
Labor et Fides, 2004, p. 58.
62 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

de taxes au profit de la couronne babylonienne. Elle devint probablement


une banque à partir de 581 et prospéra grâce aux prêts. Cette entreprise
employait tous les membres de la famille qui se mariaient entre cousins.
De la même façon, les archives de la famille Murashu et fils - constituées
de 730 tablettes cunéiformes découvertes à Nippur - montrent que cette
lignée d'origine israélite avait fondé une firme bancaire qui jouait le rôle
d'intermédiaires entre la royauté et la noblesse perse en accordant des
prêts importants via ses agents financiers 44 •
Les familles judéennes mirent par écrit la mémoire de leurs généa-
logies et de leurs appartenances tribales. Bien qu' exilés, ils parvinrent à
maintenir leur identité ethnique et religieuse. Ils continuèrent à observer le
sabbat et la circoncision, un héritage culturel issu de leur séjour en Égypte.
Même en privé ou en petite assemblée, ils ne cessèrent d'écouter les mes-
sages de leurs prophètes traversés par la parole de YHW. Mais cette cohé-
sion se dilua le jour où le roi perse Cyrus le Grand conquit Babylone en
539 av. J.-C. Cyrus signa alors un édit rapporté au début du Livre d'Esdras
permettant aux juifs de regagner la terre d'Israël. D'après la Bible (Esdras,
chapitre 2), 49897 juifs, y compris leurs esclaves et domestiques, entre-
prennent de retourner en Palestine. Pourtant, il ne s'agit que de dix pour
cent de la population judéenne captive en Babylonie. De nombreux juifs
babyloniens prospérèrent en Mésopotamie et ne voulurent en aucun cas
revivre la pauvreté en Judée et reprendre contact avec sa population, qu'ils
redoutaient. L'historienne Marianne Picard précise à ce sujet que «la majo-
rité des juifs, bien installés en Babylonie, ne voulaient pas abandonner leurs biens
matériels. Beaucoup de juifs craignaient un voyage long et pénible. Ils redoutaient
une vie trop difficile en Judée. Ils n'avaient guère envie de partager leurs biens avec
les juifs pauvres restés en Judée. [... ]Ils demeurèrent [volontairement] en exil: la
Diaspora se constitua, la communauté juive y vivra prospère tout en restant en
relation avec la Judée4 5• »
À propos de la libération des déportés, le grand assyriologue fran-
çais André Parrot ajoute à son tour dans son ouvrage, Babylone et l'Ancien
Testament, que : «Lorsque Cyrus proclama son édit autorisant ceux parmi les exi-
lés qui le désiraient de retourner à Jérusalem, nombreux furent ceux qui décidèrent
de rester, ne voulant pas sacrifier leur aisance et même leur fortune à un avenir
problématique[ ... ]. [Ils] continuèrent à œuvrer et à s'enrichir. À lui seul, Esdras
devait apporter à Jérusalem pour plus de 37 millions d'or et d'argent. À l'époque
d'Artaxerxés 1er et Darius II, nous savons qu'à Nippur, une maison de commerce,
les 'Murashu et fils', brassait des affaires sur une très grande échelle. Il s'agissait
tout à la fois d'une banque, d'une entreprise de gérance foncière et d'une organisa-
tion commerciale. Le siège en était à Nippur, mais par ses ramifications, sa soixan-
taine d'agents, elle couvrait un réseau de quelque 200 localités s'étendant du nord
de Babylone au 'pays de la Mer' (rivages du nord du Golfe persique). Or parmi les
clients de la banque, on retrouve un nombre inusité de noms juifs - on y rencontre
44. Théo Truschel, La Bible et l'archéologie, Dijon, Éditions Faton, 2010, p. 192.
45. Picard, Juifs et Judaïsme (de -700 à +70), op. cit., p. 83-84.
LES ANC~TRE DU LIVRE : DE BABYLONE AU MOYEN ÂGE 63

le nom de Jahvé, sous la forme Jahu, Jama ou Ja - ce qui atteste l'importance de


la population juive, restée en Babylone, plus de cent ans après l'édit de Cyrus 46• »

*
* *

Avant de clôturer ce chapitre, et dans l'objectif de saisir toutes les im-


plications de plusieurs sujets traités dans cette enquête, nous allons devoir
aborder le thème brûlant - et plus particulièrement les raisons - de l' anti-
sémitisme. Depuis longtemps, les chrétiens accusent le peuple juif d'être
responsable de la mort du Christ; justification sous le couvert de laquelle
bien des crimes de haine et des règlements de compte politiques furent
commis. À titre de rappel, les Saintes Écritures (Évangiles synoptiques de
Marc, Mathieu et Luc) imputent au peuple juif le procès de Jésus et donc sa
mise à mort. Présidé par le grand-prêtre Sanhédrin, le conseil constitué de
71 membres - notamment d'anciens grands prêtres, des membres de l' aris-
tocratie laïque et de scribes - se rassemble en pleine nuit pour examiner le
cas de Jésus. Au terme du procès, le Sanhédrin décide que Jésus «mérite la
mort» (Marc 14:64). Chez Luc, cette sentence n'est pas explicitement pro-
noncée, mais Jésus est emmené chez Pilate. À l'époque de la conquête ro-
maine, et même un peu avant, certains marchands juifs ainsi que des prêtres
du Temple de Jérusalem, devenus riches et puissants, ne cessèrent d'être
condamnés par les prophètes. Jésus-Christ répudia et traita de voleurs les
autorités du Temple de Jérusalem, car dans sa conception et celles de cer-
tains prophètes avant lui, seule la pauvreté permet d'être proche de Dieu.

Dans le contexte culturel et religieux hébraïque, posséder des ri-


chesses n'est pas considéré comme honteux, mais plutôt comme une béné-
diction divine - plus précisément une manifestation de l'assentiment et du
soutien de Dieu - étant donné que s'enrichir permet de donner. «La charité
sauve de la mort» indique le passage 10:2 du Livre des Proverbes. Grâce
à ce genre de précepte, le judaïsme va encourager la Tsedaka («charité»)
entre juifs qui consiste en de l'aide matérielle accordée aux nécessiteux.
Cette idée biblique et judaïque se répandra par la suite dans la culture des
peuples occidentaux, particulièrement chez les chrétiens. L'économiste et
ancien conseiller d'État français Jacques Attali précise à ce propos : «Pour
un juif, la pauvreté est intolérable. Pour un chrétien, c'est la richesse qui l'est.[ ... ]
Pour la Bible, la richesse est un moyen de servir Dieu, d'être digne de lui. L'un des
textes fondateurs dit : 'Tu aimeras Dieu de toutes tes forces' et l'un des commen-
taires précise: 'Cela veut dire de toutes tes richesses'. Donc: 'Plus tu seras riche,
plus tu auras de moyens pour servir Dieu'. La richesse est un moyen, pas une fin 47• »

46. Parrot André, Babylone et l'Ancien Testament, Cahiers d'archéologie biblique n° 8, Paris,
Éditions Delachaux & Niestlé, 1956, p. 98-99.
47. Jacques Attali, interview d'Éric Conan, «Les juifs, les chrétiens et l'argent», L'Express,
n° 2636, semaine du 10 au 16 janvier 2002.
64 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

L'origine de cette conception semble prendre racine dans les réfé-


rences bibliques relatives à l'interdiction de l'intérêt sur les prêts présentes
dans l'Ancien Testament. Ainsi, dans Ézéchiel 18:13, dans les Psaumes 15:5
et dans l'Exode, 23:24, on peut trouver une condamnation assez précise
concernant la perception d'un montant d'intérêt sur un prêt. Pourtant,
le Deutéronome 23:21, indique la chose suivante : «À l'étranger tu pour-
ras prêter à intérêt, mais tu prêteras sans intérêt à ton frère, afin que Yahvé ton
Dieu te bénisse.» C'est cette dernière citation biblique qui permettra pour-
tant aux juifs de prêter avec intérêt aux rois, aux princes, aux notables et
à l'ensemble de la population chrétienne durant tout le Moyen Âge avec,
bien souvent, la bénédiction de l'Église48 • Comme les lois chrétiennes inter-
disaient aux juifs «sans terres à cause de leurs fautes commises envers le
Christ» de pratiquer de nombreux métiers et professions lucratives, ces
derniers n'eurent pas d'autre choix que de reprendre ce type d'activité
économique que leurs ancêtres pratiquaient déjà du temps de la diaspora
babylonienne ... Dans cette perspective, prétendre que cette activité pro-
vient du Moyen Âge est erroné. Mais c'est bien durant cette période que
de nombreuses familles juives, influencées par le contexte politico-éco-
nomique se lancèrent sous couvert de plusieurs Papes dans ces activités
fructueuses en s'enrichissant considérablement. Certaines communautés
juives n'étaient tolérées que si elles acceptaient d'assurer cette fonction.
Voilà qui requiert quelques explications.

Les pontifes et les rois, souvent à court de liquidités à cause des


guerres et des dépenses prirent pour habitude d'avoir un banquier ou
des prêteurs juifs auprès d'eux ou à leur cour, car l'Église interdisait toute
forme de prêt impliquant de l'usure (de l'intérêt) aux chrétiens. Plusieurs
Conciles œcuméniques condamnèrent l'usure au fil des siècles, mais le
plus significatif est le quinzième Concile de Vienne de 1311, lequel, par la
voix du Pape Clément V, condamna comme «coupables d'hérésie ceux qui
assureraient avec opiniâtreté que l'usure n'est point un péché».
Suite aux passages du Deutéronome 23:21, du Livre des Pro-
verbes 10:2 et du Traité «Baba Metsia » inscrit dans le Talmud de Babylone,
il devient impératif de prêter, au nom de la charité, de l'argent à un juif,
donc sans aucun intérêt, mais il est autorisé de prêter avec intérêt à un non
juif. Pour le peuple juif, la fertilité des biens étant saine, il n'y a aucune
raison d'interdire le prêt à intérêt à un non juif, car l'intérêt est la preuve
de la fertilité de l'argent. Le christianisme aura donc proscrit le prêt à inté-
rêt pour plusieurs raisons. Jacques Attali énumère trois d'entre elles avec
beaucoup de clarté : « 1° Pour les chrétiens, comme pour les Grecs, le temps
n'appartenant pas aux hommes, ils n'ont le droit ni de le vendre ni de le faire fruc-
tifier. 2° Le prêt est une activité malsaine qui permet de gagner de l'argent sans

48. Nabil Khoury, «La condamnation de l'usure dans le Christianisme et dans l'Islam»,
Assurances et gestion des risques, Faculté des sciences de l'administration, Université Laval,
Volume 85, numéro 1-2, juin 2018, p. 4.
LES ANC~TRE DU LIVRE : DE BABYLONE AU MOYEN ÂGE 65

travailler. 3° Le prêteur peut s'enrichir, ce qui concurrence le projet de l'Église


d'être le lieu principal d'accumulation des richesses. L'Église assimile donc le prê-
teur au Diable: il est comme le dealer qui fournit de la drogue, une nouvelle forme
de la tentation 49• »

Le sujet peut donc être rapidement résumé ainsi : les activités pro-
fessionnelles hautement qualifiées vont donc intéresser le peuple juif par
nécessité et non par choix! On notera parmi elles la médecine qui demande
des études approfondies dont était dispensée la majorité des enfants du
tiers-état (le peuple) au Moyen Âge, envoyés rapidement aux champs dès
leur plus jeune âge! Guillaume de Chartres indique vers 1276 que nombre
de conseillers déclaraient au roi Saint Louis la chose suivante : «Le peuple
ne pouvait vivre sans prêt, ni les terres être cultivées, ni les métiers et commerces
être exercés et qu'il valait mieux que les juifs - déjà damnés - exercent l'office
de cette damnation, plutôt que certains chrétiens qui, ce faisant, opprimaient le
peuple d'usures encore plus lourdes.» Sur 132 cas liés aux juifs et relevés dans
les rapports du XIIIe siècle, conservés dans les registres des Archives natio-
nales, 69 % à 80 % (selon des expertises récentes) sont certainement des
prêteurs. Ils sont répartis à travers la Normandie, le Maine, l'Anjou, la
Touraine, le Poitou, l'Artois et le Bas LanguedoCXJ.
Le système du prêt et des banques est très bien étudié en Italie grâce
aux archives du Moyen Âge. Durant cette époque, c'est uniquement aux
Papes que revient le droit de concéder des banques de prêts aux juifs dans
les pays des États de l'Église, mais aussi dans d'autres États. Dès la Renais-
sance, les juifs jouissent de la possibilité de posséder des banques de prêts
sous les Papes Alexandre VI (1492-1503), Léon X (1513-1521), Clément VII
(1523-1534) et Paul III (1534-1549). En 1483, une sorte de concession pon-
tificale est par exemple attribuée aux juifs de Toscanella qui les exonère
de conséquences juridiques d'éventuelles transgressions qu'ils auraient pu
commettre dans l'exercice de leurs fonctions51 •••
Les facilités accordées aux prêteurs et banquiers juifs seront annu-
lées durant les fonctions des Papes Paul IV et Pie V, mais en grande par-
tie restituées par Sixte-Quint, qui ne refusait pas les conseils avisés des
capitalistes juifs, précise l'historien Ludovico Pastor dans sa Storia dei Papi
(1928, vol. X, 88). Cette décision favorable fait aussi suite au besoin pres-
sant et impérieux de crédit que le gouvernement pontifical n'était plus en
mesure de satisfaire. De fait, les mesures du Pape Sixte-Quint auront pré-
servé les États de l'Église d'une ruine financière comme celle qu'a connue
la domination espagnole. À cette époque charnière, la découverte de voies
maritimes vers les Indes diminuait le trafic et le commerce via l'Italie; les
49. Attali, «Les juifs, les chrétiens et l'argent», op. cit.
50. Gérard Nahon,« Le crédit et les juifs dans la France du XIII• siècle», in Annales. Économies,
sociétés, civilisations, 24• année, n° 5, 1969, p. 1123 et 1141.
51. Ermanno Loevinson, «La concession de banques de prêts aux Juifs par les Papes des
seizième et dix-septième siècles. Contribution à l'histoire des finances d'Italie», in Revue des
études juives, tome 92, n° 183, janvier-mars 1932, p. 2-3.
66 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

décisions du gouvernement pontifical permirent aux institutions juives de


crédit à atténuer et limiter les graves conséquences de la régression écono-
mique générale52 •

En guise de conclusion, laissons la parole à l'historien Ermanno Loe-


vinson, Hermann Lovinson de son vrai nom, décédé le 23 octobre 1943
dans le camp de concentration d'Auschwitz : «Les concessions papales eurent
pour effet d'accentuer et de développer la tendance des familles juives à s'occuper
d'affaires de nature financière. [... ] Les matériaux recueillis ici peuvent constituer
la base de l'histoire économico-financière d'une partie importante des juifs d'Ita-
lie, car on peut établir ainsi les éléments qui leur fournirent les forces suffisantes
pour faire plus tard des capitalistes de grand style, lorsque, grâce à la domination
française, c'est-à-dire napoléonienne, à la fin du XVIII' siècle et au début du XIX',
disparurent pour eux les obstacles politiques et économiques 53• »

52. Loevinson, «La concession de banques de prêts aux Juifs par les Papes des seizième et
dix-septième siècles. Contribution à l'histoire des finances d'Italie», op. cit., p. 27-29.
53. Ibidem, p. 28-29.
III
Rothschild & archéologie :
argent et pouvoir
aux sources de la haine et de la guerre

1. Napoléon Bonaparte - Les origines orientales


de la franc-maçonnerie et la Campagne d'Égypte

Les Croisades auront participé à entretenir et déployer de nom-


breuses routes commerciales en direction de l'Orient. Depuis la création,
en 1600, de la Compagnie britannique des Indes orientales (East India
Compagny), la Grande-Bretagne ne se soucie que des routes maritimes la
reliant à son second empire de l'Est. La stratégie navale des Britanniques
explique le déploiement massif des flottes anglaises à l'échelle mondiale et
leur suprématie sur les mers du globe. C'est n'est qu'à partir de la Cam-
pagne d'Égypte (1798-1801) de Napoléon Bonaparte que les Britanniques
s'intéressent subitement à l'Orient et à ses enjeux stratégiques. Jusque-là,
les ambitions de la Grande-Bretagne se focalisaient exclusivement sur leur
monopole des comptoirs européens en Inde où la Compagnie britannique
des Indes a réussi à prospérer face aux Portugais, Néerlandais, Danois et
autres Français. La France, justement, ne fait plus partie du décor de cette
région à partir de la signature du traité de Paris de 1763, lequel met fin à la
guerre de Sept Ans et consacre la Grande-Bretagne comme première puis-
sance mondiale. À cette date, les jeux semblent faits concernant la rivalité
entre la France et la Grande-Bretagne; cette dernière évince la France de
presque tous ses espaces coloniaux indiens et nord-américains ...

Plus de trente ans plus tard, la Campagne d'Égypte dirigée par le


général Bonaparte semble vouloir redistribuer les cartes et relancer le gi-
68 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

gantesque bras de fer qui oppose la Grande-Bretagne et la France depuis


de nombreuses générations. La France n'étant pas capable de mener une
offensive de front contre la Grande-Bretagne, elle s'apprête à barrer la
route des Indes à la puissance commerciale britannique. L'objectif de cette
expédition est aussi de s'emparer de l'Égypte, porte de l'Orient, pour y
développer une politique commerciale.
Le 19 mai 1798, à 6 heures du matin, plus de 300 navires quittent
les rades de Toulon et de Marseille dans une direction inconnue. D'autres
navires partiront d'Italie, précisément de Gênes le 21 mai et de Civita-
vecchia le 26 mai. À bord, 38000 soldats, 16000 marins et 154 techniciens
civils, ingénieurs et savants, formant la «commission des sciences et des
arts». Une fois embarqué, le général Bonaparte en dévoile la destination :
l'Égypte! Ce sera à la fois une campagne militaire et savante.
En France, beaucoup d'intellectuels pensent à l'époque que l'Égypte
est le berceau de la civilisation occidentale. Une vision mystique de l'Égypte
s'est développée parmi les voyageurs et intellectuels depuis les Croisades;
c'est ainsi la mode de l'Orientalisme, voire de l'Égyptomanie plus parti-
culièrement depuis les XVII• et XVIII• siècles. Parmi eux se trouvent beau-
coup de francs-maçons faisant partie du Grand Orient.
Officiellement, Bonaparte n'a jamais été franc-maçon, mais il baigne
dans un contexte socioculturel profondément maçonnique; son père
Charles, ses frères Joseph, Lucien, Louis, Jérôme, sa sœur Caroline sont
initiés à l'ordre. Son épouse, Joséphine, le sera également selon Pierre
Mollier, conservateur de la bibliothèque du Grand Orient de France. Mais
des doutes persistent quant à sa non appartenance à l'ordre maçonnique,
car Bonaparte aurait été initié au sein d'une loge écossaise au cours de la
première année de la Campagne d'Égypte (1798), indique Jacques-Olivier
Boudon, président de l'Institut Napoléon54 • Sébastien Joseph de Corneau
de Charry (1771-1844), chef d'état-major de l'armée de Napoléon, signale
à ce propos: «Bonaparte lieutenant était franc-maçon. À Paris en 1814 on m'a
affirmé de source sérieuse que Bonaparte, à Marseille, étant lieutenant-colonel, fut
initié à la loge du Grand Orient. En Italie, il fut agrégé à la loge égyptienne d'Her-
mès. À Paris, il devient chevalier écossais moyennant le sacrifice du sang (le duc
d'Enghien). En 1809, après Wagram, Napoléon fut par Metternich, Montgelas et
autres, reçu illuminé de Weishaupt. En 1813, il succomba à la guerre que lui firent
les Philadelphes. En 1815, le Grand Orient le repoussa et il en perdit la tête55• »
Plusieurs documents semblent montrer un lien entre Napoléon et la franc-
maçonnerie comme, par exemple, une gravure du XIX• siècle appartenant
au musée Carnavalet de Paris (G. 40543) où l'on voit Napoléon posant
avec un cordon maçonnique, le tout accompagné du titre« Napoléon, pro-
tecteur de la Maçonnerie».
L'assurance tous risques des militaires de la Grande Armée napo-

54. «Napoléon, Empereur des francs-maçons», Historia, n° 676, avril 2003, p. 56 et 60.
55. Baron de Corneau, Souvenirs des guerres d'Allemagne pendant la Révolution et l'Empire, Paris,
Pion-Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, 1900, p. 194-195.
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 69

léonienne porte un nom : la franc-maçonnerie. Sur 26 généraux, 18 étaient


francs-maçons. Parmi les officiers de l'infanterie de ligne, 98 % des colonels
et 74 % des capitaines et lieutenants font partie de la franc-maçonnerie. Par
leurs signes de reconnaissance, les francs-maçons de l'armée de Napoléon
pouvaient s'identifier sur le champ de bataille. S'ils étaient blessés ou faits
prisonniers, c'était un gage de sécurité et la possibilité d'être secouru et
soigné plus rapidement lors des combats56 •

En franc-maçonnerie, l'étoile flamboyante sous forme de penta-


gramme symbolise «la maîtrise». Son origine égyptienne ne fait aucun
doute chez la majorité des francs-maçons. Mais nous avons vu plus haut
que, sous forme de pentagramme ou d'hexagramme, ce signe d'origine
sumérienne représente précisément les quatre régions du monde ou les
quatre points cardinaux conquis par les meilleurs souverains sumériens
et babyloniens. De ce symbole provient le titre royal LUGAL-AN-UB-DA-
LIMMU-BA, traduit par «roi des quatre régions du monde», «roi des
quatre régions du Ciel» et «roi des quatre régions de l'univers».
Tout initié à l'Ordre doit« rassembler autour de lui ce qui est épars»,
telle est la devise. L'équerre et le compas sont des outils de la conscience
qui permettent à l'initié, destiné à être Maître, de construire l'Œuvre de
l'architecture alchimique : relier les quatre éléments à travers un cinquième
qui les rassemble pour former une unité. Selon les préceptes de la franc-
maçonnerie, l'équerre et le compas réunis forment l'Œuvre accompli et
parfait. Tout initié sait depuis des siècles que l'assemblage de l'équerre et
du compas forment un hexagramme, donc l'Étoile de David.

19. L'assemblage de l'équerre et du


compas forme un hexagramme,
donc !'Étoile de David. Ce signe
d'origine sumérienne, prononcé
« UB », représente à !'origine les
quatre régions du monde ou les
quatre points cardinaux. Les rois
sumériens et babyloniens qui avaient
conquis les quatre régions du monde
portaient !'attribut magique de !' UB
parmi leurs titres royaux.

D'après ce qu'il ressort de témoignages disponibles concernant les


«travaux spirituels» réalisés dans le contexte des loges maçonniques, le
franc-maçon ne doit cesser de dégrossir, tailler, polir et affiner la pierre
56. «Napoléon, Empereur des francs-maçons», op. cit., p.64 et 68.
70 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

brute qui est en lui afin de lui permettre de lui donner la forme adéquate
à son insertion dans l'édification du «Temple parfait», image du Temple
de Salomon. De cette pierre brute, matière initiale de l'Œuvre - véritable
pierre philosophale - sortira la lumière et l'Étoile Flamboyante. En Égypte
ancienne, cette pierre est le Garâal, ~-0~é'.'.l , «la pierre de Lumière qui
fait ascensionner». Les Textes des Pyramides parlent du même concept,
mais avec des termes différents. Le Pharaon doit retrouver la pierre lu-
mineuse tombée du front du dieu Horus, à savoir sa force vitale perdue
pour la «reconstruire», la polir en vue de la maîtriser. Dans un prochain
ouvrage intitulé La Chute d'Eden, nous découvrirons que certains symboles
et concepts de la franc-maçonnerie proviennent également de l'ancienne
Mésopotamie.

*
* *

Le ter juillet t798, Bonaparte et ses troupes débarquent à Agâmi,


près d'Alexandrie, ainsi qu'à Rosette et à Damiette. La victoire est totale.
L'arrivée des troupes françaises génère un choc dans ce pays en proie à
une tourmente sociale et politique depuis de nombreuses générations. Le
débarquement des Français secoue les consciences du monde arabe et lui
fait réaliser son manque d'anticipation et de préparation face aux ambi-
tions impérialistes occidentales. L'objectif de Bonaparte est de profiter de
l'effet de surprise pour se diriger au plus vite vers Le Caire.
La traversée du désert est harassante pour les troupes françaises
nullement adaptées à une chaleur écrasante. Le découragement gagne les
soldats. Une partie de la flottille, porteuse de provisions, escorte le mou-
vement depuis le Nil. Une bataille contre les mamelouks se déroule le
t3 juillet. C'est l'occasion pour le général français de tester sa formation en
carré qui repousse des attaquants laissant près de 600 morts sur le champ
de bataille. Le 2t juillet, les troupes parviennent à douze kilomètres des
Pyramides. Bonaparte va une nouvelle fois user de sa tactique de forma-
tion en carré sur laquelle va se briser l'armée mamelouke. La victoire est
écrasante. La voie vers Le Caire est ouverte. Le 24 juillet, soit moins d'un
mois après son arrivée, le général Bonaparte atteint Le Caire et soumet
les princes mamelouks dirigeant la province ottomane. Il se présente à la
population comme le libérateur du joug mamelouk et comme l'ami des
musulmans. Après une conquête relativement aisée, l'occupation française
se heurte à de nombreux problèmes.

Le ter août, la flotte française est détruite par l'escadre du général


Nelson dans la baie d' Aboukir. Onze navires sur treize sont coulés. La
Royal Navy prend ainsi le contrôle de la Méditerranée orientale et empêche
la venue d'éventuels renforts. Napoléon ne peut plus rentrer en France
comme prévu. Obligé de rester sur place avec ses troupes, il régit Le Caire
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 71

et l'Égypte comme s'il en est le souverain absolu. Il impose de nombreuses


réformes et cette occupation est mal vécue par les Égyptiens. Une révolte
survient le 21 octobre 1798 suite à des transformations drastiques et à de
nouveaux impôts sur les propriétés exigés par les Français. La population
se soulève et se fortifie sur de nombreux points de la capitale. Les troupes
françaises repoussent les autochtones dans le désert, massacrant sur leur
passage près de 5000 hommes. De nombreux instruments de l'équipe
scientifique française sont détruits. La situation dans la capitale va peu à
peu se détériorer.
Le comportement de l'armée de Bonaparte ne va rien arranger. Les
villages refusant de payer l'impôt sont incendiés et ses habitants souvent
passés au fil de l'épée! La leçon sert généralement à obliger les villages
alentour à payer l'impôt de l'occupant. Les soldats de Bonaparte volent
et ramènent au camp céréales, bétail, poules, oies, moutons et parfois des
femmes prises en otage ... L'armée française s'adonne souvent à des des-
tructions sur son passage : actes de pure barbarie, pillages, traitements
ignobles, viols et meurtres gratuits sans que les généraux ne paraissent y
prêter attention57 •

Suite aux révoltes de la capitale, l'armée française ne s'arrête pas


là. Elle va poursuivre le reste de l'armée mamelouke en Haute Égypte (au
sud). L'armée est suivie par les membres de l'expédition scientifique de
Napoléon. L'expédition militaire et savante tombe sur des paysages tour-
mentés, totalement abandonnés, dans lequel surgissaient du sable les restes
de nombreux temples. L'équipe de la «Commission des Sciences et des
Arts» se met à la tâche. L'objectif des scientifiques est multiple : ils doivent
dresser un tableau détaillé de l'Égypte, de ses antiquités, de son architec-
ture, de la langue, des structures sociales, de l'état sanitaire, de l'artisanat,
etc. Ils dessinent et peignent à l'aquarelle ou au lavis. Certains des scien-
tifiques travaillaient déjà sur divers sites entre la Basse Égypte et Le Caire
quelques semaines auparavant. Une exploration minutieuse est entamée
malgré les entraves liées au climat, à la guerre et aux maladies comme la
peste et le choléra. L'ambiance générale n'est pas propice à la contempla-
tion et à l'étude. La progression des scientifiques est aussi souvent ralentie
par les opérations militaires des soldats de Napoléon. S'ajoutent à cela les
désaccords réguliers entre les militaires et les savants à tel point que ces
derniers se lancent souvent dans des explorations secrètes de peur qu'elles
ne soient interdites par les militaires ...

57. Collectif d'auteurs, La campagne d'Égypte, 1789-1801, Mythes et réalités, Actes du colloque
des 16et17 juin 1998 à !'Hôtel national des Invalides, Paris, Éditions In Forma/Maisonneuve
et Larose, 1998, p. 108-109.
72 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

20. Bonaparte devant le Sphinx. Jean-Léon Jérôme, 1886. Domaine public

Pendant ce temps, l'armée napoléonienne ne cesse de gagner du


terrain, mais au prix de nombreux soldats. Napoléon apprend que Djez-
zar Pacha de Syrie souhaite reprendre les terres d'Égypte. Ce dernier s'est
emparé du fort d'El-Arich, à proximité de la frontière entre l'Égypte et la
Palestine. En février 1799, les troupes françaises prennent les devants et
partent en direction de la Syrie. Les hommes de Bonaparte remportent des
combats à El-Arich, Gaza et Jaffa au prix de sanglants massacres. Pendant
deux jours et deux nuits, entre 3500 et 4000 prisonniers de Jaffa sont passés
au fil de l'épée, fusillés ou décapités. De nombreux soldats français sont
touchés par la peste et meurent sur place.
L'armée se dirige ensuite vers Saint-Jean-D'acre. La forteresse ré-
siste à huit assauts et l'armée napoléonienne doit faire demi-tour. Après
quatre mois d'absence, l'armée de Napoléon regagne Le Caire en prati-
quant la politique de la terre brûlée. Les pertes sont lourdes; les Français
reviennent avec 1800 blessés. Ils ont perdu 1200 soldats au combat et 600
sont morts de la peste.
Les armées turques regagnent du terrain, soutenues par les Britan-
niques. Les conquêtes françaises sont reprises une à une. Ne souhaitant
pas capituler ou être relié directement à l'échec de la Campagne, Bona-
parte décide de rentrer en France où, paraît-il, le Directoire est en difficulté.
Il voit là l'occasion de revenir pour prendre le pouvoir. Napoléon Bona-
parte quitte secrètement l'Égypte le 23 août 1799 de nuit pour ne pas in-
quiéter ses troupes. Après un mois et demi de voyage, il arrivera en France
le 8 octobre.
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 73

Le corps expéditionnaire français survit péniblement et doit faire


face à la pression militaire des Britanniques. Jean-Baptiste Kléber a repris le
commandement, il sait pertinemment que la France ne pourra pas garder
l'Égypte. Beaucoup pensent que Napoléon va revenir avec des renforts,
mais acculés par les forces britanniques, Kléber tente de négocier une capi-
tulation honorable et une évacuation des troupes françaises. Les Anglais
contestent cette proposition et exigent que les Français soient considérés
comme des prisonniers de guerre. Kléber refuse, il reprend les armes et
écrase l'armée turque lors de la bataille d'Héliopolis. De leur côté, les Bri-
tanniques gagnent d'autres batailles, acculant de plus en plus Kléber et ses
soldats.
Face à la masse ahurissante de matériel recueilli par les savants
français, Kléber décide de regrouper tous les travaux pour une future pu-
blication. Les savants français ont relevé de nombreux plans de temples,
d'édifices sacrés et ils ont dessiné la flore et la faune de l'Égypte. Ils ont col-
lecté des sarcophages, des papyrus, des amulettes, des momies, d'énormes
pierres gravées et aussi recopié des centaines d'inscriptions hiérogly-
phiques sans les comprendre ... Malheureusement pour les Français, Jean-
Baptiste Kléber est assassiné le 14 juin 1800. Le général Jacques de Menou
lui succède du fait de son grade.
Les savants français de la Commission égyptienne sont regroupés à
Alexandrie et attendent de pouvoir regagner la France. On déplore parmi
eux une trentaine de décès : tous tombés au combat ou décédés suite à
une maladie. Après de nombreuses négociations entre le général Menou
et les Britanniques, ils obtiennent enfin l'autorisation de quitter l'Égypte le
13 mai 1801. Mais les Britanniques ne les laisseront passer qu'à la condition
que leur soit cédé tout leur matériel, leurs découvertes, notes, croquis et
leurs milliers de pièces archéologiques ... Les tractations durent des mois
et ce n'est qu'en septembre que les premiers membres de la commission
scientifique peuvent enfin regagner la France. Mais ils auront dû laisser
aux Anglais dix-sept objets, les plus lourds, dont la plupart se retrouveront
ensuite au British Museum, comme la fameuse pierre de Rosette.
De cette manne d'information extraordinaire revenue d'Égypte va
naître La Description de l'Égypte, totalement financée par les fonds de l'État
français. Cette œuvre majeure est la première encyclopédie consacrée
exclusivement à l'Égypte. Elle comportera neuf volumes de textes et de
douze volumes regroupant 974 planches. Il faudra 25 ans pour l'imprimer,
ce qui nécessitera 294 graveurs, burinistes, aquafortistes et cinq graveurs.
Son influence sera retentissante dans le monde entier, faisant de l' égypto-
logie une discipline intellectuelle tout autant qu' archéologique.
Pour le reste, la Campagne d'Égypte est un échec du point de vue
militaire. Les Français capitulent le 31 août 1801. Jacques de Menou ob-
tient des Britanniques quel' armée française soit rapatriée par les vaisseaux
anglais ... La France connaîtra pourtant une forme de revanche vingt-et-un
ans plus tard, revanche intellectuelle grâce à Jean-François Champollion
74 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

qui découvrira la clé du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens à partir


des relevés de la pierre de Rosette effectués par les savants français de la
Commission égyptienne. Les Britanniques qui avaient« récupéré» la pierre
de Rosette lors du départ des savants français ne s'en sont jamais remis.

2. La rivalité entre la France et la Grande-Bretagne -


Napoléon Bonaparte au cœur de l'échiquier des Rothschild ...

De retour d'Égypte en octobre 1799, Bonaparte, étant le général de


l'armée de la République, est sollicité par le Conseil des Cinq cents pour
repousser un coup d'État. Napoléon et son frère, Lucien Bonaparte - qui
en est le président -, profitent tous deux de la situation pour mettre fin au
Directoire et imposer la nomination de Napoléon comme Premier Consul.
À 30 ans, Napoléon Bonaparte devient le nouveau chef de l'État français.
Son ascension est fulgurante. En 1800, il lance sa deuxième campagne
d'Italie et inflige une rude défaite à l'archiduché autrichien, ce qui obligera
l'Autriche à faire la paix.
Ces nouvelles victoires amènent les Britanniques à signer la paix
d'Amiens qui ne durera que treize mois. Ils' agit de la seule période de paix
générale en Europe entre le début des guerres de la Révolution française
débutées en 1792 et la première abdication de Napoléon en 1814. Cette
paix éphémère n'apporte rien aux puissants, si ce n'est à Bonaparte qui
profite de cet apaisement pour bloquer les réseaux industriels et les impor-
tations nécessaires au Royaume-Uni qui n'est pas autosuffisant. Bonaparte
met aussi cette période à profit pour récupérer de nouveaux marchés au
détriment des Britanniques. La chose ne sera guère du goût des Rothschild
quis' occupent de nombreuses importations et des fonds du Royaume-Uni
depuis le début du nouveau siècle! La paix d'Amiens s'achève donc au
bout de treize mois, suite à la prise du pouvoir du Britannique William Pitt
le Jeune en tant que Premier ministre. Ce dernier va se lancer dans l'éta-
blissement d'une nouvelle coalition contre Napoléon Bonaparte. Face à la
suprématie navale britannique et à la situation lointaine des Amériques,
Napoléon Bonaparte doit vendre l'immense territoire de la Nouvelle
France (Louisiane) aux États-Unis. Ces terres de 2145000 km2 coupent lit-
téralement l'Amérique du Nord en deux. La vente s'élève à 80 millions de
francs français au total, soit quelque 256 millions de dollars actuels.

Alors qu'il est sacré empereur des Français le 2 décembre 1804 en


présence du Pape Pie VII, Napoléon tient une bonne partie de l'Europe
entre ses mains. À cette époque, il attribue la dignité électorale à Guil-
laume IX de Hesse qui devient électeur du Saint-Empire romain germa-
nique. Près d'un an après, le Royaume-Uni est sur le point de constituer
une coalition contre la France pour empêcher tout débarquement des ar-
mées françaises. La Russie s'allie avec les Britanniques, mais ces derniers
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOCIE : ARGENT ET POUVOIR... 75

cherchent à obtenir l'adhésion de l'Autriche qui, après avoir hésité, finit


par accepter. L'Empereur Napoléon souhaite mettre fin à la domination
navale du Royaume-Uni en tentant d'envahir les îles Britanniques, il va
cependant connaître une cuisante défaite lors de la bataille navale de Tra-
falgar : grâce à cette victoire, le Royaume-Uni dominera les mers pour le
siècle à venir.

*
* *

Quelques années plus tôt, en 1798, Nathan Rothschild était envoyé


par son père Meyer Amschel à Manchester avec un capital de 20000 livres
sterling. Nathan allait centraliser de Manchester, puis de Londres les mar-
chandises et traites vers Francfort. À partir de la maison familiale des
Rothschild, Meyer Amschel redistribue ensuite la manne anglaise dans
toute l'Europe. Désormais les Rothschild, père et fils, se trouvent géogra-
phiquement et professionnellement dans divers camps en même temps et
peuvent ainsi jouer avec les plus puissants de ce monde. Aux quatre coins
de l'Europe, les Rothschild ont fondé une puissance financière sans équi-
valent dans !'Histoire. Nathan est devenu l'auxiliaire du gouvernement
britannique, Salomon et James voyagent en France et se lancent dans la
contrebande de monnaies, Charles et Anselme soutiennent Guillaume IX
de Hesse-Cassel réfugié dans les duchés danois, puis à Carlsbad à Prague,
sur les terres de l'empereur d' Autriche58 • Depuis 1794, des millions de
livres sterling sont dépensées chaque année en soutien aux alliés de l' An-
gleterre. Et qui paye donc dès le début des années 1800 ces sommes astro-
nomiques pour contrer la France? Les banques Rothschild! Une demande
de crédits pour «usage continental» est déposée en février 1805; ce sera le
premier indice d'une nouvelle coalition mise en place pour empêcher la
l'extension du pouvoir de la famille Bonaparte en Europe.

58. Jean Bouvier, Les Rothschild, Paris, Éditions Fayard, 1967, p. 25 et 28.
76 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

21. Caricature des frères Bonaparte où l'on voit la famille régner sur l'Europe. Napoléon
gouverne la France et la Belgique, Louis, la Hollande, Jérôme, une bonne partie del' Allemagne,
Eugène, Élisa et Murat, l'Italie, Joseph, l'Espagne, Marmont, une partie de la Yougoslavie, et
Junot, le Portugal. Les Bonaparte comme les Rothschild se partagent respectivement les terres
et les marchés monétaires comme le faisait les anciens Sumériens, lesquels usaient de la magie
avec leur UB, J), représentant les quatre régions du monde ou les quatre points cardinaux
à conquérir. Lithographie anonyme de 1808 montrant Napoléon et ses frères régnant aux
quatre coins de l'Europe et des pays soumis.

C'est la maison Rothschild qui est employée pour le transfert de ces


fonds spéciaux. Elle a des facilités grâce à l'existence de sa succursale de
Londres tenue par Nathan Rothschild. Mais à cette époque, les Rothschild
effectuent des virements au lieu de transporter l'argent comme aupara-
vant. Or, les Rothschild ont trouvé un stratagème pour augmenter leurs
dividendes : ils prélèvent la même commission que celle appliquée lors
des transports de fonds. Cette nouvelle méthode de transfert d'argent par
virement aura octroyé deux avantages aux Rothschild : elle annule tout
risque lors du transport de l'argent et elle aura permis aux Rothschild de
toucher des sommes considérables59 • Mais leurs profits ne s'arrêtent pas là.
L'influence du Royaume-Uni pour lancer la Russie et l'Autriche dans une
nouvelle coalition contre la France génère un lourd déficit pour les nou-
veaux amis des Britanniques. Peu importe! Le Royaume-Uni et la banque
Rothschild sont là pour octroyer des facilités; le 11 avril 1805, le Parlement
59. Péron, Les Rothschild, op. cit., p. 17.
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 77

de Londres vote un financement de 1,25 million de livres sterling pour


100000 hommes de troupe. Il est aussi stipulé que la Russie touchera trois
mois de subvention «Comme première mise pour entrer en campagne», à
compter du jour où ses troupes passeraient la frontière. Quant à l'Autriche,
qui se trouve en première ligne avant les Russes, elle obtient un versement
de cinq mois de subvention. Pour le Royaume-Uni et les Rothschild, ce
système onéreux de subventions aux peuples alliés est le seul moyen de
maintenir l'autorité anglaise sur le continent60.

Près d'un mois et demi après sa défaite lors de la bataille de Trafal-


gar, Napoléon Bonaparte remporte la grande bataille d'Austerlitz contre
les armées autrichiennes et russes réunies. Malgré ses succès réguliers et la
mise en place de sa famille aux quatre coins de l'Europe, !'Empereur fran-
çais n'arrive pourtant pas à contrecarrer le plan des Britanniques et des
Rothschild. Bonaparte ne se soucie guère des Rothschild à cette époque,
famille dont il ne connaît peut-être que le nom. Aucune force armée, au-
cune dictature n'est en mesure de contrer les échanges internationaux ainsi
que les traites des banquiers. En dépit de l'occupation française, les opéra-
tions financières des Rothschild en Europe passent entre les mailles de la
police à l'apogée du Grand Empire de Napoléon Bonaparte. Grâce à leurs
banques, les Rothschild peuvent servir les investisseurs en obligations
gouvernementales beaucoup plus rapidement que quiconque. À la faveur
de leurs banques et de leurs services financiers, les Rothschild inondent
les marchés européens de leurs capitaux et aident ainsi le gouvernement
anglais à convertir rapidement les devises de tout pays en livres sterling.

Depuis des années, le prince-électeur Guillaume de Hesse-Cassel


a adopté un statut de neutralité vis-à-vis de la France et de l'Autriche.
Lorsque la France entre de nouveau en guerre avec la Prusse en août 1806,
Guillaume vend 20 000 soldats au roi de Prusse tout en tentant de négocier
avec !'Empereur français. Fatigué de son refus de rejoindre la Confédéra-
tion du Rhin, Bonaparte lance alors ses troupes sur Cassel. Guillaume est
réveillé à temps et doit s'enfuir dans la nuit sombre, accompagné d'un de
ses domestiques. Il part pour le Danemark, mais avant son départ, il a juste
eu le temps de prévenir son frère Buderus à qui il a confié ses «affaires», à
savoir ses titres et objets précieux. Buderus se tourne vers Meyer Amschel
Rothschild. Les deux hommes vont alors s'employer à gérer et faire fruc-
tifier les affaires et l'énorme fortune du prince-électeur en exil. Tout cela
très discrètement et bien dissimulé à la France grâce à une comptabilité
clandestine61 •
Sous le nez des autorités françaises d'occupation, il y aura toujours
un ou deux Rothschild au service de Guillaume, opérant à la fois comme

60. Précis de la campagne de 1805 en Allemagne et en Italie, Bruxelles, Librairie militaire C.


Mucquardt/Merzbach & Falk éditeurs, 1886, p. 13-14.
61. Gaston-Breton, La saga des Rothschild, op. cit., p. 51-52.
78 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

ambassadeur, intendant, courrier postal ou agent secret. Actions, créances


et emprunts d'État du prince Guillaume, tout est dissimulé dans une cave
secrète sous la cour de la maison de Meyer Amschel. On y accède en em-
pruntant un passage secret découpé dans un coin du sous-sol du bâtiment
que commande une porte dissimulée sous l'escalier. Une deuxième cave
voutée se trouve sous la maison et est accessible par une trappe cachée
dans le bureau.
Le commerce entre le prince et les Rothschild finit par se savoir
du côté de la police secrète de Napoléon. Les domestiques du prince ont
craqué sous la menace de l'occupant français; «les Rothschild s'occupent
de tout! » C'est sans compter sur un plan inventé de toute pièce par le
père Rothschild. Meyer Amschel, subitement alité, est transformé en vieil
homme sénile. La mère reste aux fourneaux et ne connaît de tout façon rien
aux affaires familiales. Pour le reste de la famille, les fils, feignant d'être
des simples d'esprit, passent leur temps à la synagogue tandis que les filles
font de la couture! Chacun jouera son rôle avec zèle et talent. La police
française ne trouvera rien malgré une fouille méthodique de la maison. Les
caves dérobées ne seront jamais découvertes, ni les coffres à serrures occul-
tées et les placards dissimulés dans les murs. Meyer Amschel aura tout de
même laissé quelques «éléments à charge», histoire de donner à la police
quelque chose à se mettre sous la dent et surtout l'occasion de distribuer
quelques blâmes dérisoires.

Parallèlement, Meyer Amschel Rothschild poursuit ses propres af-


faires et s'est spécialisé dans la contrebande suite à l'embargo imposé par
}'Empereur français contre l'Angleterre. Napoléon a beau occuper Ham-
bourg et tous les rivages jusqu'à la frontière espagnole, la France ne peut
surveiller des centaines de kilomètres de côtes, particulièrement celles de
la Hollande et de l'Allemagne du Nord, points de passage des marchan-
dises anglaises. Les produits coloniaux sont à la fête; tabac, cotonnades,
sucre de canne, indigo ... Tout cela se vend à des prix de famine et repré-
sente des profits considérables. Depuis Londres, Nathan Rothschild expé-
die les marchandises clandestines jusqu'en Hollande et en Allemagne et
son père gère leur acheminement jusqu'à Francfort depuis sa ]udengafie.
Meyer Amschel se fait aider par plusieurs négociants de Francfort. Tout
ce trafic «à la Rothschild» passe et est vérifié par la maison-mère, et un
dépôt est même ouvert à Hambourg, clef du trafic anglo-rothschildien vers
l'Europe du centre et du sud-est, jusqu'aux pays scandinaves et même la
France. En octobre 1810, l'ambassadeur autrichien von Hugel porte ce
témoignage face à cette situation incroyable à Francfort; «Le luxe s'y est
développé d'incroyable façon. L'argent y circule beaucoup plus vite[ ... ]. Le com-
merce et l'industrie y sont florissants et tout donne lieu à une vive spéculation
[... ].Malgré toutes les difficultés, l'activité des négociants et des banquiers y est
remarquable. Le volume des marchandises en transit y est extrêmement élevé,
aussi le veau d'or règne-t-il également à Francfort et tout s'y mesure suivant le
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 79

degré d'opulence, la pompe extérieure ou l'artifice.» Les Français, quelque peu


en retard, finissent par comprendre que quelque chose cloche et font des
rapprochements avec les Rothschild. À la fin du même mois, des milliers
de soldats français bouclent la ville de Francfort et fouillent systématique-
ment chaque maison et entrepôt. Les stocks anglais de contrebande sont
brûlés en pleine rue. Les denrées coloniales entrées en fraude font alors
l'objet d'un impôt élevé; Meyer Amschel Rothschild fait partie des 234 né-
gociants pris sur le fait. Mais connaissant notre homme, le père Rothschild
devait avoir d'autres stocks en dehors de la ville62 •

La police française tente de resserrer l'étau autour des Rothschild.


Les forces de l'ordre se donnent bien du mal pour tenter de comprendre
comment les Rothschild communiquent entre eux, car force leur est de
constater qu'ils ne communiquent pas du tout par la voie postale tradition-
nelle. Les Rothschild possèdent leur propre bureau de Poste entre Franc-
fort et Prague ainsi que leur propre flotte transportant argent, valeurs et
lettres, grâce à Nathan basé à Londres. Outre-Manche, des capitaines de
confiance, grassement payés, leur apportent tout ce qui est nécessaire. De
Dunkerque aux Pyrénées, les frères Rothschild s'occupent des affaires les
plus importantes et délèguent le reste à des coursiers sûrs. Tous leurs mes-
sages sont codés et aucun nom n'est mentionné. Les missives entre frères
sont volontairement écrites en mauvais allemand, truffées de fautes d'or-
thographe et de mots hébreux avec l'ajout de nombreuses ratures. Chaque
nom est associé à un pseudonyme et les transactions anglaises portent des
noms de rabbins selon les événements. Tout est fait pour décourager les
meilleurs experts. La ruse fonctionne! Malgré l'interception de plusieurs
lettres suspectes, les Rothschild ne seront jamais inquiétés par les autorités
françaises.

Meyer Amschel Rothschild s'éteint subitement à Francfort à l'âge de


68 ans, le 19 septembre 1812. Sa vitalité était déclinante depuis 1808, année
où il avait déjà dû subir une opération. Déclaré guéri, il ne s'en était jamais
véritablement remis. Vers la fin de l'année 1811, il était une fois de plus
obligé de se mettre au lit, ironie du sort lorsqu'on se remémore que le fait
des' aliter faisait partie d'un de ses stratagèmes pour déjouer les fouilles de
la police française. Après une maladie de plusieurs mois, il semble de nou-
veau sur pied. Le 16 septembre - le jour des expiations - malgré les aver-
tissements de son médecin et les objections de sa famille, il insista pour
jeûner pendant vingt-quatre heures et passer toute la journée à genoux en
prière à la synagogue. Le lendemain, sa vieille blessure se réveilla et s'in-
fecta. Un notaire et un témoin furent précipitamment appelés, et en leur
présence, Meyer dicta un nouveau testament pour remplacer celui qu'il
avait fait quatre ans plus tôt. Il lui restait à peine assez de force pour signer
le document, indique Marcus Eli Ravage, biographe des Rothschild. Des
62. Bouvier, Les Rothschild, op. cit., p. 34-36.
80 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

appels furent envoyés à ses fils dispersés, mais seulement deux, Amschel
et Kalman, arrivèrent à temps. Meyer Amschel s'éteignit tôt dans la soirée.
Il fut ensuite enterré dans l'ancien cimetière juif de sa ville natale, auprès
des sept générations de ses ancêtres63 •
Guttle Rothschild, la femme de Meyer Amschel, aura eu plus de
chance que son mari. Elle lui survivra 37 ans pour voir ses fils devenir les
hommes les plus puissants du monde. Mais elle restera tout au long de
sa vaste existence la même femme au foyer simple et modeste. Elle res-
tera à la Judengafle dans la demeure familiale, et ceci malgré la décision
du grand-duc de Francfort de supprimer l'obligation de résider dans le
ghetto - Meyer Amschel et elle y avaient passé tant d'années heureuses.
Ses fils lui enverront des bijoux et des foulards en dentelle des quatre coins
de l'Europe et elle acceptera avec plaisir tous leurs présents. Guttle Roth-
schild sera très fière de ses garçons. Quand, quelques années plus tard, une
pauvre femme viendra à elle en pleurant parce que son fils unique va être
envoyé à la guerre, Guttle la rassurera en lui disant; «N'ayez crainte, il n'y
aura pas de guerre[ ... ]. Je dirai à mes garçons de ne pas prêter leur argent64. » Sur
ce point, par contre, on ne peut pas dire qu'elle aura été entendue.

Le gouvernement britannique cherchait depuis un moment à contrer


l'emprise exercée par l'Empire français sur la majeure partie de l'Europe.
De 1792 à 1814 se succèdent six coalitions européennes contre la France.
Entre 1811 et 1815, les frères Rothschild achemineront près de 40 millions
de livres en Europe pour servir la lutte contre Napoléon. Les apparitions de
Nathan Rothschild sont désormais scrutées avec grand intérêt à la bourse
de Londres. Du bureau du commissaire général J.C. Herries à Londres,
Nathan fait transiter des centaines de milliers de livres en or, des guinées
anglaises, des ducats hollandais, les pièces d'or de Napoléon frappées
entre 1809et1814- qu'elles soient collectées en France ou même frappées
à Londres - le tout est envoyé en Espagne pour nourrir, habiller et financer
les troupes britanniques d'Arthur Wellesley de Wellington. Ces transferts
de fonds clandestins à destination des soldats britanniques permettent à
Wellington de gagner de nombreuses batailles et de libérer le Portugal et
l'Espagne. Acclamé en héros, Wellington est fait duc.
Une septième coalition est formée en toute hâte en mars 1815, suite
au retour de Napoléon, tout juste évadé de l'île d'Elbe où il était resté en
exil pendant près de 300 jours65 • Le duc de Wellington est envoyé en Bel-
gique avec ses troupes et celles du Royaume uni des Pays-Bas où ils doivent
retrouver l'armée prussienne. Des bruits courent que l'armée de l'Empire
français n'attaquerait qu'en juillet. L'objectif de l'Empereur Napoléon est
63. Marcus Eli Ravage, Five Men of Frankfort - The Story of the Rothschilds, New York, Lincoln
Mac Veagh-The Dia! Press, 1929, p. 136-137.
64. Ibidem, p. 138.
65. C'est après une série de défaites militaires que Napoléon fut déchu par Je Sénat Je 3 avril
1814 et exilé sur l'île d'Elbe. Il y resta près de 300 jours avant de s'évader et de reprendre le
pouvoir. Un pouvoir éphémère qui durera près de 100 jours jusqu'à sa défaite à Waterloo.
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 81

de se diriger rapidement vers Charleroi pour vaincre les Prussiens, ensuite


les Britanniques et pour en finir avec les Autrichiens et les Russes station-
nés de l'autre côté du Rhin.

Le 15 juin, les troupes de Napoléon entrent en Belgique et sur-


prennent l'armée de Wellington et des Prussiens qui ne les attendent que
dans plusieurs semaines. Le 16 juin, les différentes armées se déploient
et les véritables combats commencent. À l'issue de la journée, aucun des
adversaires n'a pris l'avantage, mais les Français ont maintenu leur percée.
Le 17 juin, les Français poursuivent leur lancée vers l'Est et font tout pour
empêcher une jonction entre les troupes britanniques et prussiennes. Cette
jonction se fera au petit matin du 18 juin, suite à la marche des Prussiens
démarrée à quatre heures du matin. Ce mouvement passe inaperçu dans le
camp de Napoléon. Suite à cette jonction, l'armée française finit par se faire
prendre en étau entre les forces britanniques et prussiennes.
Un coursier de Nathan Rothschild prend aussitôt la route vers le
port d'Ostende, sur les rives de la Belgique. Quelques heures auparavant,
le duc de Wellington en personne lui a confirmé la défaite de l'Empe-
reur français! D'Ostende, le coursier arrive à Douvres, en Angleterre, en
pleine nuit. Quelques heures plus tard, le mystérieux personnage arrive
à Londres au petit matin. Aucune nouvelle de Belgique n'est encore par-
venue en Angleterre. Dans les milieux de la finance, une majorité pense
que Napoléon sortira victorieux de cette bataille. Le coursier fait part de
la nouvelle à Nathan Rothschild. L'historien Tristan Gaston-Breton nous
raconte l'enchaînement incroyable qui s'en suit: «Dès qu'il apprend la nou-
velle, il entreprend d'acheter massivement des obligations. Un risque considérable
alors que les détails de la bataille ne sont pas encore connus et que rien ne permet
de dire si l'Europe en a définitivement terminé avec Napoléon. En misant sur la fin
de la guerre et la victoire définitive des Britanniques, Nathan fait en réalité le pari
que les emprunts publics vont fortement baisser, entraînant à la hausse les obliga-
tions. Et c'est bien ce qui se passe! Un an durant, le banquier achète des quanti-
tés considérables d'obligations, suscitant l'inquiétude de ses frères installés sur le
continent. Lorsqu'il se décide enfin à vendre à l'été 1816, les titres qu'il a achetés
ont gagné 40 % depuis juin 1815. À la clé, un gain estimé à plus de 600 millions
d'euros actuels. Une opération d'une audace époustouflante66. »

66. Gaston-Breton, La Saga des Rothschild, op. cit., p. 59-61.


82 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

22. Nathan Rothschild, portait


de 1853, d'après Moritz D.
Oppenheim.
Domaine public

La bataille de Waterloo mit fin à des siècles d'hostilités entre la France


et l'Angleterre. Elle acheva l'épopée napoléonienne autant qu'elle fit le
bonheur de la famille Rothschild. Napoléon Bonaparte retourna à Paris le
22 juin 1815 pour abdiquer en faveur de son fils. Un mois après sa défaite
à Waterloo, il se livra aux Anglais qui le bannirent sur l'île de Sainte-Hé-
lène, un rocher perdu au beau milieu de l'Atlantique. Napoléon Bonaparte
mourut le 5 mai 1821. Sa mort est sujet à controverses : certains pensent
à un cancer de l'estomac et d'autres à un empoisonnement à l'arsenic.

3. Des routes en Égypte et en Mésopotamie


pour protéger les Indes britanniques

La trame de notre enquête se déroule peu à peu. À partir des années


1810 démarre la période appelée «siècle impérial britannique» par les his-
toriens. La défaite et le retrait de Napoléon laissent la Grande-Bretagne sans
adversaire à l'exception des Russes en Asie. Le Royaume-Uni domine les
mers depuis plusieurs centaines d'années et s'attribue naturellement le rôle
de policier du globe pour une période de plus d'un siècle, également inti-
tulée Pax Britannica, la «paix britannique». Le contrôle de ses nombreuses
colonies lui confère une position dominante dans le commerce mondial.
Les navires anglais sillonnent les zones stratégiques de la mer Rouge et du
golfe Persique, lesquelles sont considérées comme des «lacs britanniques».
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 83

Au XIX• siècle, il fallait approximativement de six à huit mois de mer


pour relier la Grande-Bretagne aux Indes britanniques, en passant par le
Cap de Bonne-Espérance, à l'extrême Sud del' Afrique. Sous la contrainte
du lobby London Committee for Establishing Steam Communication with India
via Red Sea, le gouvernement britannique mandate l' écrivain Thomas L. Pea-
cok, embauché au sein de la Compagnie anglaise des Indes orientales, pour
trouver de nouvelles voies de communication entre l'Angleterre et l'Inde.
Deux d'entre d'elles retiennent l'attention: couper la route par l'Égypte ou
rejoindre le chenal du Chatt-el-Arab du golfe Persique en descendant l'Eu-
phrate par bateau. La peur d'une invasion des Indes par les Français ou les
Russes motive également ce projet. La route égyptienne est initialement
retenue, mais cet itinéraire n'est pas praticable en raison de la mousson qui
rend la mer Rouge très dangereuse pour la navigation pendant au moins
quatre mois de l'année. La route mésopotamienne semble donc la plus
sûre. Entre mai et août 1830, les Britanniques montent une première expé-
dition en projetant de reproduire en Mésopotamie l'expérience américaine
de l'exploration des rives du Mississippi à l'aide de bateaux à vapeur. La
descente du fleuve de Jaffa à Bagdad finit en bain de sang, John Taylor et
son expédition sont décimés par les tribus yézidis alors qu'ils venaient de
quitter Mosoul et qu'ils s'apprêtaient à rejoindre la Méditerranée. Le projet
survit à cette catastrophe et se prolonge entre 1835 et 1836. Les navires à va-
peur Tigris et Euphrates connaissent une série de catastrophes; le Tigris cha-
vire et est envoyé par le fond lors d'une tempête. Le fleuve Euphrate n'est
pas aussi facile à naviguer que prévu. Vers la fin de l'année 1836, les fonds
votés pour l'expédition s'épuisent et la situation oblige les Britanniques
à abandonner l'idée d'une liaison maritime via l'Euphrate et le Tigre67 •

L'expansion impérialiste de la Grande-Bretagne dans le Sud-Est


asiatique conduit les Britanniques à entrer en guerre contre la Chine. Lan-
cée dans le trafic d'opium, la Grande-Bretagne y exporte 1400000 tonnes
provenant d'Inde et souhaite taxer la Chine. L'objectif: affaiblir la Chine et
la forcer à faire du commerce avec l'Occident. La Grande-Bretagne déve-
loppe ainsi la dépendance des Chinois à l'opium et se sert de cette drogue
comme Cheval de Troie. Britanniques et Chinois se lancent dans la pre-
mière guerre de l'opium qui verra la capitulation chinoise et le droit de la
Grande-Bretagne à poursuivre son libre commerce de l'opium.
En parallèle à son jeu sordide opéré contre la Chine, la Grande-Bre-
tagne poursuit son étude sur l'exploitation des terres mésopotamiennes
afin de couper au plus court vers l'Inde et la Chine, cette dernière étant
devenue selon certains historiens son «empire informel». Dès 1840, un
premier schéma de ligne ferroviaire appelée l'Euphrates Valley Railway est
imaginé, un projet qui doit bouleverser le cours de l'histoire mondiale.

67. Enki Baptiste, «Moyen-Orient ou Proche-Orient, Middle East ou Near East? Retours
historiques sur l'invention d'un espace géographique», Les Clés du Moyen-Orient, novembre
2017, lesclesdumoyenorient.com ·
84 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Cette voie ferrée de 1300 km doit traverser des terres s'étendant de la Mé-
diterranée au golfe Persique. L'objectif impérialiste de la Grande-Bretagne
est d'apporter avec elle les arts, les sciences et la civilisation de l'Occident
et d'assurer la protection des Indes britanniques. Il s'agit là d'un chemin
de fer à l'ambition «essentiellement commerciale» en dépit de sa portée
politique. Pourtant, ce projet n'aboutira pas non plus ...

4. L'intérêt pour la Mésopotamie et les premières fouilles archéologiques

Dès les années 1840, la rivalité franco-britannique pour le contrôle


de la route des Indes marque le point de départ de fouilles archéologiques
et de découvertes en Mésopotamie. À cette époque, la Mésopotamie se
retrouve au beau milieu d'intrigues économiques et politiques. Désormais,
les Français et les Anglais ne se livrent plus bataille sur le terrain, mais
plutôt d'un point de vue intellectuel. Le besoin de posséder les meilleures
pièces archéologiques et de remplir le Louvre et le British Museum y est
pour beaucoup.
Plusieurs résidents anglais de la Compagnie des Indes se pas-
sionnent pour le passé du Proche-Orient. À cette époque, on ne connaît
l'Orient ancien qu'à travers les écrits de la Bible. Suivant les découvertes
et sondages de Claudius James Rich qui semblait avoir retrouvé les traces
de Ninive, Persépolis et Babylone, les premiers chercheurs de cette région
vont mettre à jour d'autres palais assyriens. Les relevés topographiques de
Rich semblent indiquer que la Bible aurait rendu compte d'une façon assez
réelle de ses récits anciens. Une frénésie s'empare alors des chercheurs bri-
tanniques et français prêts à éventrer cette terre obscure en partie baignée
par deux des quatre fleuves de l'Eden biblique, le Tigre et de !'Euphrate.
Les agents politiques et les consuls tiennent lieu d'archéologues. La quête
d'objets pour la France oblige par exemple le consul Paul-Émile Botta de
travailler vite, parfois même avec des explosifs. Il trouvera le palais de Sar-
gon II à Khorsabad qu'il croit être les ruines de Ninive. Assisté par 300 ou-
vriers, Botta dégagera quatorze salles, trois cours et d'immenses bas-reliefs
de taureaux androcéphales aillés. Ces découvertes se retrouveront dans le
premier musée assyrien d'Europe, inauguré au Louvre en mai 1847.
Peu à peu, des découvertes fondamentales vont enrichir le British
Museum et le Louvre : bas-reliefs, statuettes, pièces en métal, fragments
de reliefs, et bien entendu, des centaines, puis des milliers de tablettes en
argile rédigées en cunéiforme, forme écrite d'une langue encore inconnue.
Plusieurs savants vont se pencher sur le déchiffrement de ces signes. Les
campagnes de fouilles se succèdent, ainsi que les mois et les années. La
civilisation akkadienne surgit progressivement du néant, suivie des traces
encore plus anciennes, et donc plus profondément enfouies, de la civilisa-
tion sumérienne située au sud de la Mésopotamie. Les textes assyro-ba-
byloniens et sumériens témoignent de strates de temps qui s'étendent sur
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 85

plus de 3000 ans, précisément entre 3300 av. J.-C. et le début de l'ère chré-
tienne. Le dernier texte cunéiforme babylonien retrouvé à ce jour est un
almanach d'Uruk daté de 75 après J.-C, à l'époque des Parthes.
Entre 1847 et 1849, l'archéologue et historien britannique Henry
Layard met au jour près de 20 720 tablettes cunéiformes ainsi que des mil-
liers de fragments tirés de la bibliothèque du roi assyrien Assurbanipal à
Ninive; toutes ces pièces appartiennent au British Museum.

23. Infime partie de la bibliothèque du roi assyrien Assurbanipal exposée au British Museum.
Photographie de Gary Todd

Entre-temps, les savants cherchaient toujours à percer le code de


ces tracés énigmatiques que l'on baptise «cunéiformes». Le monument de
Behistun, en Iran, aidera grandement à percer ce mystère. L'inscription de
Behistun se trouve sur un relief géant gravé dans une falaise. Cette com-
position monumentale se situe à une soixantaine de mètres de hauteur, sur
une surface aplanie de 7 mètres de haut et de 18 mètres de large. Certains
comparent ce document à ce que la pierre de Rosette est aux hiéroglyphes
égyptiens. Le texte décrit les conquêtes de Darius Jer en vieux persan, en
élamite et en babylonien. Le vieux-persan contient 414 lignes sur cinq co-
lonnes; le texte élamite comprend 593 lignes en huit colonnes et le babylo-
nien, 112 lignes. Le vieux persan avait été partiellement déchiffré en 1802
par le philologue allemand Georg Friedrich Grotefend, à partir d'un pre-
mier relevé du monument de Behistun copié en 1621.
86 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

24. Le monument
de Behistun en
Iran décrivant les
conquêtes du roi
Darius I"' en vieux
persan, en élamite et en
babylonien.
Domaine public

Dès 1835, l'officier britannique et orientaliste-assyriologue Henry C.


Rawlinson démarre à son tour sa laborieuse traduction du texte de Behis-
tun. Avec près d'un tiers du syllabaire en vieux persan mis à sa disposition
grâce aux travaux de Grotefend, Henry C. Rawlinson compte bien achever
la traduction du texte. Retournant plusieurs fois sur le site de Behistun,
avec l'aide de jeunes garçons de la région, il escaladera la falaise, suspendu
à des cordes, afin de faire de nouveaux relevés et réaliser des moulages
en papier mâché. Il aura fallu presque dix ans pour déchiffrer totalement
la section en vieux perse du monument de Behistun. D'autres chercheurs
auront aussi aidé à cette tâche pour la partie babylonienne comme Julius
Oppert, Edward Hincks, William F. Talbot et Edwin Norris. Le déchiffre-
ment du babylonien (sud de la Mésopotamie) et de l'assyrien (nord de la
Mésopotamie) - tous deux englobés dans la langue akkadienne - ne sera
officiellement validé qu'en mai 1857, suite à la lecture en public de quatre
traductions différentes réalisées par des philologues européens d'un
prisme d'argile d' Assur relatant les campagnes du roi Tiglath-Phalazar 1•r
(1114-1076 av. J.-C.}.

Suite aux recherches pour traduire les signes cunéiformes et à la dé-


couverte de la bibliothèque d' Assurbanipal, l'assyriologue George Smith
traduit en 1872 le récit babylonien du Déluge, dont on sait aujourd'hui que
la Bible s'en est librement inspirée pour son histoire de Noé. Une frénésie
s'empare des archéologues et se répand dans toute la Mésopotamie! Les
Américains sont désormais sur le terrain, suivis des Allemands grâce à
leur contrat signé avec les Ottomans pour créer un chemin de fer entre
Berlin et Bagdad; nous en reparlerons un peu plus loin.
En 1877, le diplomate et archéologue français Ernest de Sarzec
met au jour, à Suse, les vestiges d'une civilisation plus ancienne que les
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 87

Assyriens et Babyloniens. Enterrées à plus de cinq mètres de profondeur,


comparativement aux vestiges des Babyloniens, les cités sumériennes sur-
gissent de leur silence millénaire et réapparaissent peu à peu. En 1895,
François Thureau-Dangin entre au Louvre. Ernest de Sarzec lui, donne pour
mission d'étudier les inscriptions de Tello. Bien qu'inscrite en cunéiforme,
cette nouvelle écriture semble plus ancienne que l'akkadien et ne paraît
cette fois-ci rattachée à aucun langage connu. François Thureau-Dangin
jouera un rôle majeur dans l'étude et le déchiffrement du sumérien grâce
à ses publications s'étalant de 1898 à 1938. L'assyriologue français Jean
Bottéro indique à propos du langage sumérien; «Nos archives cunéiformes
nous ont du moins permis d'explorer et de parcourir en tous sens ce vénérable
univers culturel, effacé de la mémoire humaine. Nous avons appris à en connaître
les peuples et les langages [... ],la présence archaïque et le rôle essentiel d'une po-
pulation hétérogène dont le parler (le sumérien) était aussi différent de l'akkadien
sémitique que le chinois du français. Ces deux idiomes disparates et totalement
sortis de la mémoire humaine, nous en avons reconstitué, non sans peine, la gram-
maire et le vocabulaire, nous rendant de la sorte à même, non seulement de lire,
mais de comprendre l'entière documentation cunéiforme remontée peu à peu de la
terre; rédigée plutôt en sumérien jusque vers la fin du Ill' millénaire, l'akkadien y
prévalut ensuite; le sumérien demeurant toutefois jusqu'au bout un usage savant,
cultivé, religieux, un peu comme chez nous, le latin jusqu'à la Renaissance68. »

En près d'un siècle, la majorité des sites anciens seront découverts


et déblayés ainsi que des centaines de milliers de tablettes cunéiformes dé-
terrées. Il faudra souvent de longues négociations pour obtenir des Otto-
mans le droit de fouiller. Les Turcs ne le verront pas toujours d'un bon œil :
creuser et trouver des objets antérieurs à la religion d'Allah n'est pas bien
perçu. Il y aura parfois des fouilles sauvages. Mais il faut surtout négocier
avec les pachas locaux, moyennant souvent de grosses sommes. Parfois
cela ne suffit pas, les tribus arabes ignorant l'autorité des pachas, inventent
leur propre loi. L'insécurité est constante, même avec des papiers officiels.
Dans certains cas, les archéologues négocient directement avec les locaux,
moyennant des sommes moins élevées et en embauchant les villageois
pour les excavations. Mais cette méthode pose problème, car les tribus
arabes comprennent vite ce que les archéologues recherchent et vont à leur
tour effectuer leurs propres fouilles clandestines et ainsi trouver des objets
qui resteront à jamais dans le circuit fermé du marché noir.

68. Jean Bottéro, Au commencement étaient les dieux, Paris, Éditions Tallandier, 2004, p. 38.
88 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

25. Fouilles dans le cimetière royal d'Ur en 1900. Domaine public

En 1900, alors que les archéologues américains de l'université de


Pennsylvanie finissent leur campagne de fouille à Nippur, des conflits
surviennent avec la population locale. Des dissensions grandissantes les
obligent à récupérer, sans aucun discernement et dans la panique la plus
complète, des milliers d'objets et près de 40000 tablettes sumériennes ti-
rées d'une école de scribes. Cette collection fait pourtant partie des plus
fameuses au monde et ses tablettes restituent de nombreux types d'œuvres
littéraires69 • Parmi ces tablettes se trouve celle du Jardin d'Eden que j'ai eu
l'honneur de traduire et de publier en 2011 chez mon éditeur, Nouvelle
Terre.

C'est un choc culturel de grande ampleur. Les cités resurgissent peu


à peu et révèlent leurs secrets gardés depuis des millénaires. Le sol méso-
potamien est tel un linceul prêt à faire émerger ses secrets. Les informations
collectées paraissent correspondre aux descriptions et aux récits bibliques.
La redécouverte des antiquités de Mésopotamie et d'Égypte relance les
connaissances historiques et incite à des études bibliques en les replaçant
dans leur cadre culturel, politique, économique et social d'origine. Rien ne
sera plus comme avant et l'histoire du monde devra même dans certains
cas être réécrite.

69. Brigitte Lion & Cécile Michel, Histoires de déchiffrements - Les écritures du Proche-Orient à
/'Égée, Paris, Éditions Errance, 2009, p. 29.
ROTHSCHILD & ARCHÉOLOGIE : ARGENT ET POUVOIR... 89

Ce sera le cas, en 1976, avec l'ex-agent israélien, Zecharia Sitchin,


dont nous auront tout le loisir de retracer le trajet. Avant de nous intéresser
à cet agent et à plusieurs de ses complices - lesquels seront impliqués dans
la récupération de trésors de guerre et des ventes d'armes tout en œuvrant
pour des programmes occultes -, nous allons devoir nous intéresser aux
dessous des deux Guerres mondiales. Tout le travail historique effectué
depuis le début de cette enquête nous permet ainsi de déblayer progres-
sivement le terrain afin de vous offrir un champ de vision suffisamment
large pour comprendre ce qui va vous être révélé.
2e PARTIE

'
LES COULISSES DE LA PREMIERE
GUERRE MONDIALE
,
QUI A PROFITE DU CRIME?
1
La guerre du pétrole
«On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. »
Anatole France dans l'Humanité du 18juillet1922

1. La Grande-Bretagne et son Élite secrète

La Première Guerre mondiale fut une abominable hécatombe : on


décompte aujourd'hui près de 10 millions de morts rien que parmi les mili-
taires70, on évoque souvent une fourchette de 16 à 20 millions de morts
en tout, directement ou indirectement dus à la guerre 1914-1918. Tout
démarre très officiellement le 28 juin 1914 à Sarajevo. Le meurtre de l'ar-
chiduc Franz-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, assassiné par
un Serbe extrémiste est le détonateur de la Grande Guerre. C'est ce qu'on
nous apprend à l'école et dans les livres d'histoire.
Mais ce que ne raconte pas l'histoire de France, c'est le véritable
objectif du président de la République française, Raymond Poincaré, lors
de sa visite du 20 au 23 juillet 1914 à Saint-Pétersbourg. Officiellement,
cette visite diplomatique aura servi à unifier les deux nations pour la paix
et pour consolider leurs intérêts communs. En vérité, Poincaré est là pour
promettre au tsar Nicolas II que la France sera à ses côtés, mais aussi pour
l'encourager à commencer immédiatement des préparatifs militaires pour
une guerre contre l'Allemagne. Gerry Docherty et Jim McGregor exposent
les faits sans détour : « [ ... ] les grandes-duchesses Anastasia et Miltza, les
épouses respectives du grand-duc Nicolas et du grand-duc Pierre, se montraient
enthousiastes à cette perspective que 'la guerre est sur le point d'éclater. Il ne res-
tera rien de l'Autriche. Vous récupérerez l'Alsace-Lorraine. Nos armées se rejoin-
dront à Berlin. L'Allemagne sera annihilée'. Leurs pensées brûlaient, à cette idée,
d'une joyeuse anticipation. De fait, comme ailleurs en Europe, la haute société
70. François Héran, «Générations sacrifiées: le bilan démographique de la Grande Guerre»,
Populations & Sociétés, n° 510, avril 2014.
94 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

voyait la guerre comme une solution aux troubles sociaux, au chômage et au dé-
chaînement de discours révolutionnaires 71 • »

Le 28 juillet suivant, après d'innombrables négociations, l'Autriche


déclare la guerre à la Serbie qu'elle tient responsable de l'assassinat. L'his-
toire retiendra que la guerre démarre à cet instant précis. Dès le lendemain,
la Russie ordonne par précaution une mobilisation de ses troupes. Le jour
même, l'empereur allemand Guillaume II envoie un télégramme au tsar
Nicolas pour l'implorer de suspendre la mobilisation de ses soldats. Ce
dernier semble hésitant -1' est-il vraiment? -, mais poursuit tout de même
le déploiement de ses militaires sous l'extrême pression de son haut com-
mandement!
Le lendemain, l'ambassadeur allemand à Saint-Pétersbourg se voit
obligé de présenter au tsar une déclaration de guerre à la Russie, puis,
d'après des témoins de la scène, fond en larmes et sort de la pièce en cou-
rant. Face aux engagements de défense bilatéraux passés entre la France et
la Russie, l'Allemagne évalue que la France doit être attaquée rapidement,
prévoyant à juste titre que la Russie, même si elle a déjà commencé son
déploiement, mobiliserait beaucoup plus lentement ses troupes. Le 3 août
1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France et les troupes allemandes
lancent l'offensive pour percer la frontière belge et attaquer la France. La
Grande-Bretagne ne perd pas de temps et riposte une semaine seulement
après la déclaration de guerre autrichienne contre la minuscule Serbie :
«Le gouvernement de Sa Majesté a décrété qu'un état de guerre existe entre la
Grande-Bretagne et l'Allemagne à partir de 23h, le 4 août» indique un message
du ministère des Affaires étrangères à l'ambassade de Berlin à Londres.
L'économiste et journaliste américain William Engdahl s'étonne de l'entrée
en guerre aussi rapide des Britanniques étant donné que l'économie de
leur pays et la livre sterling - à l'époque le moyen de payement principal
du monde du commerce et de la finance - étaient en totale banqueroute72 !

Mon éditeur, Pierre Mazé, évoque très bien les origines de la Grande
Guerre dans la vidéo promotionnelle pour l'édition française de l'ouvrage
Les origines secrètes de la Première Guerre mondiale de Gerry Docherty et Jim
McGregor, publiée en 2017 aux éditions Nouvelle Terre:

«Des hommes sans scrupules dont les racines et la culture étaient britan-
niques ont voulu une guerre pour écraser l'Allemagne et ont tout orchestré pour
organiser l'événement. Si 1914 est généralement considéré comme le point de
départ du désastre qui a suivi, les décisions qui ont concerné cette guerre ont été
prises bien auparavant.

71. Gerry Docherty & Jim McGregor, Les origines secrètes de la Première Guerre mondiale,
Lopérec, éditions Nouvelle Terre, 2017, p.350-351.
72. William Engdahl, A Century ofWar -Anglo-American Oil Politics and the New World Order,
Revised edition, Londres, Pluto Press, 2004, p. 35-36.
LA GUERRE DU PÉTROLE 95

En 1891, une société secrète sera créée à Londres par quelques individus
avec l'intention d'assoir son contrôle sur le monde. Ces personnages vont délibéré-
ment fomenter la guerre des Boers de 1898-1902 pour mettre la main sur les mines
d'or du Transvaal (Afrique du Sud). Ces hommes étaient animés d'une ambition
qui foulait littéralement l'humanité au pied. Même s'ils ont eux-mêmes délibé-
rément organisé la Première Guerre mondiale, on a soigneusement caché toutes
leurs actions alors que toute une génération avait disparu dans les tranchées de
1914 pour la soi-disant 'liberté de la civilisation'.
L'ouvrage [de Gerry Docherty & Jim McGregor] met en exergue la
façon dont ces banquiers internationaux et ces industriels ont, avec leurs agents
politiques, fructueusement utilisé la guerre pour, dans un premier temps, détruire
les Républiques boers d'Afrique du Sud, et dans un second mouvement détruire
l'Allemagne elle-même à travers le conflit de la Première Guerre mondiale et tout
cela sans jamais avoir à rendre de comptes.
Au cas où certains lecteurs seraient trop rapidement tentés d'en conclure
qu'on a affaire à une théorie du complot délirante, je ne saurai trop leur conseiller
de consulter les travaux du Professeur Carroll Quigley, l'un des historiens du
XX' siècle les plus respectés. On sait à partir des travaux de ce personnage que
Cecil Rhodes, le millionnaire du diamant, avait décidé de créer une société secrète
à la fin du XIX' siècle, avec pour ambition de renouer, d'une part, les liens entre
la Grande-Bretagne et les États-Unis, et d'autre part, diffuser dans le monde ce
qu'elle considérait comme valable et bon des traditions britanniques. Les indivi-
dus impliqués pensaient que l'individu blanc d'origine anglo-saxonne trônait au
sommet d'une supériorité raciale qui reposait finalement sur la supériorité dans
le domaine du commerce et de l'industrie et sur l'exploitation des autres races.
Pour eux le choix était grave : soit prendre des mesures drastiques pour étendre et
protéger l'Empire britannique, soit se résigner à ce que l'Allemagne finisse par les
rabaisser au rôle de figurants sur la scène internationale.
Les membres de cette Élite secrète n'étaient que trop conscients que l'Alle-
magne allait bientôt les dépasser dans toutes les branches de la technologie, de la
science, de l'industrie et du commerce. Ils voyaient également l'Allemagne comme
un coucou dans le nid de l'Empire britannique et s'inquiétaient de son influence
grandissante en Turquie, dans les Balkans et au Moyen-Orient. Ils vont donc en-
treprendre de se débarrasser de ce coucou en professant que leurs intentions étaient
pour le bien de la civilisation. Une civilisation qu'ils contrôleraient, approuve-
raient, dirigeraient et rendraient profitable.
Ils étaient pour cela prêts à faire tout ce qui serait nécessaire. Ils feraient
des guerres pour la civilisation. Ils massacreraient des millions de gens pour cette
dernière. Tout cela drapé dans la grande bannière de la civilisation allait donner
une société secrète sans précédent. Non seulement aurait-elle le privilège de la
fortune, mais elle se dissimulerait également derrière un voile d'altruisme comme
on peut encore le voir aujourd'hui. Ces hommes visaient à s'arroger le monde pour
le sauver de lui-même73 • »

73. Pierre Mazé, vidéo promotionnelle (https:/ /www.youtube.com/watch?v=tqnu75RG-


Kk) d'Olivier Caillebot & des édit0 Nouvelle Terre pour la sortie de Les origines secrètes de la
% LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Gerry Docherty et Jim McGregor expliquent que le désastre de la


Première Guerre mondiale est le fait d'une clique de comploteurs anglo-
américains qui ont délibérément prolongé les conflits en fournissant à l' Al-
lemagne denrées alimentaires, munitions, pétrole et argent. Leur objectif
final était de détruire par une guerre d'usure la florissante Allemagne en
tant que concurrente industrielle, économique et impériale. Les membres
de l'élite secrète inventée par Cecil Rhodes savaient l'Allemagne cernée
de toute part par ses ennemis et ils avaient anticipé le fait qu'elle ne pour-
rait supporter une guerre prolongée, même si elle était artificiellement et
secrètement financée par leurs soins. Mais l'histoire est bien plus sordide
encore ...

2. John D. Rockefeller et la ruée vers l'or noir

Il faut revenir quelques années plus tôt, voire un peu plus encore,
pour entrapercevoir des débuts de réponses. Depuis longtemps déjà,
l'Empire turc historiquement connu sous le nom d' «Empire ottoman»
s'est retrouvé au centre d'interactions entre les mondes de l'Orient et de
l'Occident. Du )(le au XVIe siècle, l'Empire ottoman contrôlait une grande
partie de l'Europe du sud-est, des parties de l'Europe centrale, le Proche et
le Moyen-Orient (de Jérusalem à Bagdad), le Causase et de grandes parties
de l'Afrique du Nord (d'Alger jusqu'à l'Égypte). Vers la fin des années
1800, l'Empire ottoman a perdu nombre de ses territoires, mais il lui reste
tout de même une gigantesque superficie que lui envient les pays occiden-
taux, à savoir : la Turquie actuelle, la Syrie, Chypre, l' Anatolie, la Palestine,
le Liban et la vaste Mésopotamie. Ce territoire étendu aura créé de vives ri-
valités entre grandes les puissances comme la Russie, la Grande-Bretagne,
l'Allemagne et la France.

A cette époque charnière, la boue noire et nauséabonde que nous


appelons «pétrole» n'intéresse .pas grand monde si ce n'est les Allemands
qui avaient découvert, à partir de 1853, l'utilisation de ce nouveau com-
bustible pour éclairer les fameuses lampes à pétrole. Dès l'été 1859, dans
l'optique de récupérer le précieux carburant noir censé remplacer l'huile
de baleine pour l'éclairage, l'entrepreneur américain Edwin Drake est le
premier aux États-Unis à forer un puits de pétrole. Dès le premier jour de
forage, avec un rendement quotidien de huit à dix barils, Edwin Drake
multiplie par deux la production mondiale de pétrole! Sa découverte sus-
cite rapidement l'engouement et provoque une ruée vers l'or noir aux
États-Unis. Malheureusement dépourvu du sens des affaires, Drake ne
pense pas à faire breveter son système de forage et finira par sombrer dans
la pauvreté.
En 1863, John David Rockefeller, jeune industriel américain spécia-
1" Guerre mondiale de Gerry Docherty & Jim McGregor, aux édit0 Nouvelle Terre, 2017.
LA GUERRE DU PÉTROLE 97

lisé dans les céréales, entend parler d'Edwin Drake et des champs pétroli-
fères de la Pennsylvanie. L'idée de se lancer dans ce secteur et d'exploiter
le pétrole le séduit progressivement, ainsi propose-t-il à son associé, Henry
Flagler, d'investir dans la société qu'il monte avec Samuel Andrews. Pla-
gier accepte à condition d'en devenir associé à hauteur de 25 % des actions
de la nouvelle entreprise Rockefeller, Andrews et Flagler. Le 10 janvier
1870, le partenariat entre Rockefeller et ses deux collaborateurs s'organise
en une nouvelle société par actions établie à Cleveland : la très célèbre
Standard Oil. Le nom «Standard» est choisi pour indiquer que le pétrole
livré sera garanti au meilleur niveau de qualité. En seulement deux ans, la
Standard Oil devient le leader de l'industrie américaine du raffinage du
pétrole en produisant 10000 barils par jour74 •

26. John David


Rockefeller en 1895.
Domaine public

Une partie du succès de la Standard Oil provient des accords que


John David Rockefeller a secrètement conclus avec les compagnies ferro-
viaires du magnat Thomas Scott. Rockefeller a réussi à négocier de très
faibles taux de transport du pétrole brut en contrepartie d'une nombre ré-
gulier et élevé d'expéditions. En 1872, en deux mois seulement, 21 compa-
gnies pétrolières sur les 26 de Cleveland passent aux mains de la Standard
Oil! Rockefeller dicte ses prix aux compagnies de chemin de fer trans-
portant ses barils. Son influence est telle qu'il leur impose son monopole
74. Flagler Museum à Palm Beach, en Floride : flaglermusuem.us
98 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

en les forçant à refuser de transporter les barils de ses concurrents. Mais


John David Rockefeller reste soucieux de ne pas atteindre les 100 % de
contrôle de son secteur; il confessera plus tard avoir volontairement laissé
se maintenir en vie les moins dangereux de ses concurrents. Les plus récal-
citrants s'unissent contre la Standard Oil via la Petroleum Producer's Agency
en fixant le baril à un prix minimum de 5 dollars. Rockefeller fait mine
d'accepter, mais il rompt le contrat un an après sous prétexte que les pro-
ducteurs ne limitent pas assez leurs productions. En 1875, de nombreux
producteurs s'endettent lourdement et doivent vendre pour éviter la fail-
lite. C'est alors qu'interviennent les agents de Rockefeller qui entendent
racheter les raffineries à un prix dérisoire. Face à leur refus, la Standard
Oil utilise toujours le même stratagème : obliger les compagnies de che-
min de fer de cesser les acheminements de Titusville vers l'ensemble des
États-Unis. En 1878, lorsque quelques producteurs indépendants tentent
d'échapper au monopole de Rockefeller en construisant un pipeline, ce
dernier les met à genoux en achetant des vallées entières pour leur couper
la route. Rapidement, la Standard Oil finit par contrôler 90 % du raffinage
et de la distribution du pétrole aux États-Unis.

3. Le gouvernement britannique n'est pas intéressé par le pétrole


contrairement aux familles Rockefeller, Rothschild et Nobel

En septembre 1882, à l'occasion d'un discours public devant l'esta-


blishment britannique, le capitaine Fisher (futur amiral lord Fisher) lance
l'idée selon laquelle la Grande-Bretagne devait moderniser sa flotte pro-
pulsée au charbon avec son problème de stockage, en vue de l'équiper
de machines fonctionnant au pétrole. En ce début de siècle, la Grande-
Bretagne est la première puissance maritime du monde grâce à ses flottes
commerciale et militaire qui assurent le contrôle des échanges du Com-
monwealth. Fisher et quelques amis à lui insistent sur l'idée que la pro-
pulsion au pétrole permettrait aux Britanniques de garder leur monopole
du contrôle des mers. Un navire de guerre propulsé au charbon génère
des fumées repérables à dix kilomètres à la ronde contrairement à un mo-
teur diesel alimenté au pétrole qui ne produit aucune trace. Un moteur à
charbon requiert entre quatre à neuf heures pour atteindre sa pleine puis-
sance, alors qu'un moteur à pétrole est opérationnel en trente minutes. Le
pétrole permet de diminuer le poids du tonnage journalier de carburant
de presque trois quarts par rapport au charbon, facteur crucial pour une
flotte commerciale ou militaire. Autre argument, douze hommes seraient
nécessaires pendant douze heures pour embarquer le pétrole d'un navire
de guerre tandis que l'équivalent énergétique pour un bateau à charbon
requiert habituellement cinq cents hommes pendant cinq jours. Pourtant,
à cette époque, Fisher passe pour un doux rêveur aux yeux de ses pairs
anglais. En 1885, soit trois ans après le discours de Fisher, l'ingénieur alle-
LA GUERRE DU PÉTROLE 99

mand Gottlieb Daimler fabrique le premier moteur à pétrole opérationnel


capable de propulser un véhicule routier. Bien qu'à cette époque les auto-
mobiles soient encore considérées comme des jouets destinés aux riches, le
potentiel économique de l'ère du pétrole fait clairement son chemin chez
les Américains et les Allemands 75 • Au même moment, grâce à ses multiples
malveillances et à son succès, la Standard Oil de Rockefeller déménage son
siège à New York ...

Durant cette période, la famille suédoise Nobel, spécialisée dans


les industries de l'armement et du pétrole, doit compter avec deux redou-
tables adversaires : la Standard Oil de Rockefeller et les Rothschild. Ces
derniers sont entrés sur le marché russe à partir de 1883 en participant
au financement du chemin de fer transcaucasien - Bakou-Batoum - entre
la mer Caspienne et la mer Noire. Bakou est une ville portuaire située à
proximité d'importants gisements de pétrole. L'objectif est de rompre l'iso-
lement de Bakou en permettant l'exportation de son pétrole vers l'Europe.
C'est ici, dans la colline Balakhani de Bakou, que fut creusé le premier
puits de pétrole de l'histoire. Profond de 35 mètres, une inscription gra-
vée sur une pierre trouvée sur place donne le nom du maître-mineur et la
date de forage : Allahyar Mammad Nuroglu, 1594. En 1636 et 1683, deux
hommes rapportent la présence de puits à Bakou, respectivement le voya-
geur allemand Adam Olearius et le secrétaire de l'ambassade de Suède,
Engelbert Kaempfer.
Les familles Nobel et Rothschild détiennent à Bakou des puits de
pétrole, des raffineries, des tankers, des chemins de fer et des hôtels depuis
1873. Entre 1897 et 1907, on recensera plus de 3000 puits de pétrole à Ba-
kou. Grâce aux milliers de puits de l'Azerbaïdjan, l'Empire russe devien-
dra durant cette période le premier producteur de pétrole du monde. En
1883, lorsque le tronçon du chemin de fer transcaucasien reliant Bakou
est achevé grâce au baron français Alphonse de Rothschild, ce dernier va
rapidement fonder la Compagnie Pétrolière de la Caspienne et de la mer
Noire, et établir des sociétés de distribution au Royaume-Uni. C'est un
coup dur pour la famille Nobel. La Standard Oil de Rockefeller pointe
alors le bout de son nez à la même époque, lorsque son représentant légal
à l'étranger, W.H. Libby, ouvre des pourparlers avec les Nobel pour une
éventuelle association tout en négociant secrètement avec Alphonse de
Rothschild. Les négociations n'aboutiront à rien si ce n'est de déclencher
une violente guerre des prix. L'historien Tristan Gaston-Breton ajoute que
«dans sa volonté de forcer le marché russe, la Standard Oil ira même jusqu'à
soudoyer des ingénieurs de Nobel pour qu'ils ajoutent de l'eau dans le kérosène
distribué par [la société de la famille Nobel] Branobel76• »

75. Engdahl, A Century ofWar, op. cit., p. 19-20.


76. Tristan Gaston-Breton, «Les Nobel et la saga du pétrole russe», historyandbusinessfr, 8 juin
2018.
100 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

27. Puits de pétrole à Bakou au début du XX• siècle. Domaine public

Comme l'a fait Rockefeller aux États-Unis avec les petits produc-
teurs de pétrole endettés à cause de son monopole, la dynastie Rothschild
relance rapidement son immense fortune en absorbant entreprises et
banques en faillite. Le contrôle par les frères Nobel d'une partie de l'in-
dustrie du pétrole à Bakou n'est qu'une façade qui masque en réalité les
intérêts des Rothschild. L'avantage que ces derniers trouvent en Russie se
situe aussi dans le fait qu'ils servent de banquiers au tsar. Les Rockefeller
et les Rothschild semblent se lancer dans une concurrence acharnée; pour-
tant de nombreux éléments démontrent que les deux familles s'entendent
en coulisses depuis 1892 pour maintenir les prix du marché à leur avan-
tage mutuel. C'est cette année-là que le baron français Alphonse de Roth-
schild accepte l'invitation de se rendre à New York au siège de la Standard
Oil pour discuter secrètement de certains arrangements. John Archbold, le
porte-parole en chef de la Standard Oil, rapportera à son patron Rockefel-
ler qu'ils étaient rapidement arrivés à un accord provisoire, en signalant
qu'on «estimait souhaitable d'un côté comme de l'autre que l'affaire demeurât
confidentielle». Alphonse de Rothschild était d'avis de maintenir les frères
Nobel hors de ces discussions, la rivalité opposant les familles Rockefeller
et Rothschild devant rester une façade bien pratique au moins jusqu'à la
Grande Guerre 77 •••

77. Jim McGregor & Gerry Docherty, 1914-1918 - Prolonger l'agonie, tome 2, Lopérec, Éditions
Nouvelle Terre, 2018, p. 62-63.
LA GUERRE DU PÉTROLE 101

4. La Grande-Bretagne face à la croissance massive


de l'Allemagne et de ses projets en Orient

Pendant que les Rockefeller, Rothschild et autres Nobel semblent


s'affronter en Russie, les Allemands poursuivent leurs fructueuses affaires
avec les Turcs. À partir de 1885, le sultan Abdülhamid II souhaite moder-
niser l'Empire ottoman en l'équipant de voies ferrées. L'Empire ottoman
est sous la coupe des banques françaises, mais Abdülhamid II souhaite
échapper à cette tutelle et se tourne vers les Britanniques et les Allemands.
Londres approuve le projet, mais les banques britanniques comme celle de
Rothschild jugent le projet trop risqué et refusent le financement. Suite à de
nombreuses négociations, financiers, diplomates et ingénieurs allemands
emportent plusieurs marchés importants dont le chemin de fer de Bagdad,
la fameuse Bagdad-Bahn. La présence du chemin de fer allemand soulève
la question du pétrole mésopotamien à partir de 1890, lorsque le sultan
et le grand vizir, par un décret impérial de la division administrative de
Mossoul daté d'avril 1890, promettent à un groupe de banquiers et d'in-
dustriels allemands mené par la Deutsche Bank la priorité pour les droits
de prospection minière de pétrole de part et d'autre de la voie ferrée qu'ils
construisent, et ce, sur un rayon de 25 miles (40 km) autour de la voie78 •

Deux ans avant, un consortium placé sous l'égide de la Deutsche


Bank crée «la Compagnie des chemins de fer anatoliens» et se lance dans
la construction et l'exploitation d'un chemin de fer reliant Haïdar-Pacha,
dans la banlieue de Constantinople, à Ankara. Le chantier se finit tellement
en avance qu'il est décidé de poursuivre la construction jusqu'au sud de
Konia. Le chemin de fer reliant Konia entre en service en 1896, déroulant à
travers les hautes terres anatoliennes un tronçon de près de mille kilomètres
de nouvelles voies construites en moins de huit ans dans une région à la
fois déserte, pauvre et jusque-là coupée du monde. C'est là une prouesse de
construction et d'ingénierie.L'antique et fabuleuse vallée cernée par le Tigre
et !'Euphrate, que les Sumériens nommaient Edin, se trouve ainsi reliée au
monde moderne grâce à un chemin de fer payé par les Allemands. Jusqu'à
cette époque, les quelques infrastructures du Moyen-Orient comme celles de
la Syrie sont britanniques ou françaises, toutes tracées sur de courts tronçons
et prévues pour rejoindre des villes portuaires importantes, mais jamais des-
tinées à ouvrir des arrière-pays à la motorisation et à les relier à l'industrie
occidentale. Cette nouvelle liaison ferroviaire procure un lien économique
fondamental à Constantinople et à l'Empire ottoman. Cette liaison, prévue
d'être étendue vers Bagdad et de se poursuivre jusqu'au Koweït, doit consti-
tuer le trajet le plus rapide entre l'Europe et tout le sous-continent indien79•

78. Philippe Tristani, «L'iraq Petroleum Compagny de 1948 à 1975 - Stratégie et déclin d'un
consortium pétrolier occidental pour le contrôle des ressources pétrolières en Irak et au
Moyen-Orient», Thèse de doctorat, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2014, p. 40.
79. Engdahl, A Century of War, op. cit., p. 22-23.
102 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Pour les Britanniques, le problème se trouve bien là! Robert G. O.


Laffan, conseiller militaire britannique attaché à l'armée serbe, signale que
«Si le projet Berlin-Bagdad se réalise, un large bloc de territoires continentaux
produisant toutes sortes de richesses économiques et ne pouvant être attaqué par
des forces navales serait sous le contrôle allemand». Il ajoute que« par cette bar-
rière, la Russie serait séparée de ses amis occidentaux : la Grande-Bretagne et la
France. À cette distance, les armées allemandes et turques pourraient facilement
mettre en danger nos intérêts égyptiens et, par le golfe Persique, notre empire des
Indes serait menacé. Le port d'Alexandrette et le contrôle des Dardanelles donne-
raient bientôt à l'Allemagne une énorme puissance navale en Méditerranée[ ... ].»
Fort de ces remarques, Laffan établit la stratégie britannique à même de
saboter la liaison Berlin-Bagdad : « [... ] Un coup d'œil sur la carte du monde
nous montre comment la chaîne des États s'étire de Berlin à Bagdad : l'Empire
germanique, l'Empire austro-hongrois, la Bulgarie et la Turquie. Une seule petite
bande de territoire bloque la voie et empêche les deux extrémités de la chaîne de
se rejoindre. Cette petite ceinture, c'est la Serbie. La Serbie est petite, mais reste
rebelle entre l'Allemagne et les grands ports de Constantinople et Salonique, gar-
dienne des portes de l'Orient[ ... ]. La Serbie est la première ligne de défense de nos
possessions orientales. Si elle venait à être brisée ou attirée dans le système Berlin-
Bagdad, notre vaste empire mal défendu subirait rapidement le choc de la pression
germanique vers l'esf80. »
Robert G. D. Laffan détailla ainsi en quelques lignes la stratégie
britannique capable de saboter la liaison Berlin-Bagdad, mais aussi, sans
le savoir, la future implication de la Serbie dans le meurtre de l'archiduc
Franz-Ferdinand, véritable détonateur de la Grande Guerre de 1914-1918 ...

80. Ibidem, p. 23-24.


LA GUERRE DU PÉTROLE 103

28. Construction de la Bagdad-Bahn au début du )()(•siècle. Domaine public

5. La Serbie, pont nécessaire pour la liaison Berlin-Bagdad

Revenons un peu en arrière. Depuis longtemps déjà, l'Allemagne


avait pour objectif de créer une liaison ferroviaire «Berlin-Vienne-Salo-
nique-Constantinople-Bagdad » grâce à sa politique colonialiste et com-
merciale amorcée via son projet du Drang nach Osten, «La marche vers
l'Est». Mais la Grande-Bretagne avait dès la fin de la guerre de Crimée
(1853-1856) sut tirer parti de la clause du traité de Paris qui neutralisait
les Bouches du Danube jusqu'à son delta situé en mer Noire, dans le seul
but d'accaparer le trafic des Balkans. En 1874, une compagnie anglaise
construisit le chemin de fer de Varna à Roustchouk (Bulgarie), et dix ans
après la prise de Sébastopol, les débouchés du marché britannique s'éten-
daient jusqu'à Viddin, toujours en Bulgarie, en remontant le Danube.
Grâce aux tronçons de lignes amorcés dans les ports grecs de Dédéagatch
et de Salonique, les manufactures britanniques purent investir l'intérieur
des provinces turques et ainsi refouler les produits de l'Allemagne et de
l' Autriche-Hongrie81 •••
Les milieux des affaires germano-atistro-hongrois préconisaient le
tracé d'une voie ferrée directe, via Belgrade, en vue de détourner le com-
merce des Balkans de toute influence des Britanniques. Depuis le couron-

81. Jean Erdic, En Bulgarie et en Roumélie mai-juin 1884, Paris, Alphonse Lemerre éditeur, 1885,
p. 233.
104 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

nement de François-Joseph ter et d'Élisabeth d'Autriche (compromis aus-


tro-hongrois de 1867) étaient apparus des désaccords entre l'Autriche et
la Hongrie, la première encourageant un tracé par la Bosnie-Herzégovine,
qui passerait à Vienne, la seconde préconisant le tracé par la Serbie, qui
conduirait à Budapest82• La Serbie demeurant communément vassale de la
Turquie se trouvait prise entre ses intérêts économiques et les stratèges de
ses grands voisins. Craignant d'être écarté par ces derniers, le gouverne-
ment de Belgrade déploya une intense activité diplomatique pour que la
ligne puisse passer par la Serbie, tout en souhaitant garder son indépen-
dance. De son côté, la Turquie était prête à donner son accord à une liaison
à travers la Serbie à la seule condition d'en avoir le contrôle.

Lorsque la guerre russo-turque éclate en 1877, des ingénieurs fran-


çais en mission en Serbie sont obligés de mettre fin à leur travail d' élabo-
ration d'une voie ferrée reliant Belgrade. Ce conflit se soldera en 1878 par
la victoire de la Russie. Henry Jacolin (ancien ambassadeur de France en
Bosnie-Herzégovine de 1993 à 1995) nous raconte la suite de cette histoire:
«La Serbie, qui avait reçu des Russes quelques promesses d'agrandissement, est
mécontente. Au lieu de récolter les fruits de la victoire contre les Turcs, elle a
l'impression d'avoir été lésée par la création de la grande Bulgarie. La Serbie se
tourne alors vers l'Autriche-Hongrie. Enfin l'annexion par la Russie de la Dobro-
gea, enlevée aux Turcs, mettait désormais les Balkans à portée de l'armée russe.
Inquiets de ce coup de force diplomatique, Londres et Vienne exigent la révision du
traité. Une conférence est convoquée à Berlin le 13 juin 1878 sous la présidence de
Bismarck83. »
Ainsi, suite à cette guerre et aux conséquences du traité de Berlin
daté de juin 1878, une nouvelle confrontation indirecte se dessine entre
l'Allemagne et la Grande-Bretagne. De ce traité résulte, entre autres, la
dépendance de la Serbie et son obtention de territoires bulgares situés
au sud-est, du côté de Pirot, mais surtout sa mise sous tutelle ferroviaire
au profit de la diplomatie austro-hongroise! Ces quelques exemples dé-
montrent que le jeu principal de la Grande-Bretagne consistait à saboter
toute tentative allemande quant à l'aboutissement de la liaison ferroviaire
«Berlin-Vienne-Salonique-Constantinople-Bagdad» ...

6. La Grande-Bretagne se réveille et tisse sa toile avec les Alliés

À la fin des années 1800, face à l'ambition allemande et grâce aux


conseils appuyés de Lord Lionel Walter Rothschild, la Grande-Bretagne
commence à saisir l'importance stratégique du pétrole! Réalisant leurre-

82. Henry Jacolin, «L'établissement de la première voie ferrée entre l'Europe et la Turquie.
Chemins de fer et diplomatie dans les Balkans», Revue d'histoire des chemins de fer, n° 35, 2006,
p.9.
83. Ibidem, p. 15-16.
LA GUERRE DU PÉTROLE 105

tard, ces derniers ne disposent pas de ressources de pétrole domestiques et


sont clairement dépendants de l'approvisionnement des Américains, des
Russes ou encore du Mexique. La subite décision du gouvernement britan-
nique de faire passer la propulsion de sa flotte du charbon au pétrole aug-
mente son intérêt pour la Mésopotamie, zone de toute façon stratégique
pour les Anglais vis-à-vis de la route des Indes.
Il ne faut pas oublier que le grand projet de l'Élite secrète est de
relier les vastes territoires coloniaux anglais, lesquels incluent : les riches
mines d'or et de diamants de Cecil Rhodes en Afrique du Sud, la Consoli-
dated Gold Fields des Rothschild, l'Égypte et son canal de Suez - passage
vital du commerce - et au-delà, la Mésopotamie, le Koweït, la Perse et
l'Inde. La puissance capable de dominer ce vaste ensemble contrôlerait
les matières premières stratégiques les plus importantes du monde, ainsi
que le pétrole qui s'impose déjà comme la ressource énergétique indispen-
sable de l'ère industrielle moderne. Avec cette configuration géopolitique,
les nations de la planète entière tomberaient sous le joug de l'Empire bri-
tannique. La guerre des Boers (1899-1902) est un projet de l'Élite secrète,
financé et personnellement soutenu par Cecil Rhodes en vue d'assurer
le contrôle britannique sur les vastes richesses minérales de la région du
Transvaal, contrôlée par la minorité boer d'origine hollandaise. On pensait
à cette époque que cette région était la plus riche du monde84• À l'issue de
cette guerre ce vaste territoire sera intégré à l'Empire britannique.

À l'aube de 1914, l'Allemagne arrive en tête en termes de croissance


des usines et des exportations. Le gouvernement britannique ne le voit
pas d'un très bon œil. Une conversation entre Arthur Balfour, à l'époque
ex-Premier ministre du Royaume-Uni, et le diplomate américain Henry
White, illustre la mentalité britannique d'avant-guerre :
Balfour : «Nous sommes probablement fous de ne pas trouver une raison
de déclencher la guerre à l'Allemagne avant qu'elle ne construise trop de navires
et nous rafle notre commerce. »
White : «Si vous souhaitez faire concurrence au commerce allemand, tra-
vaillez plus fort!»
Balfour : «Cela signifie abaisser notre niveau de vie. Peut-être serait-il
plus simple pour nous d'avoir une guerre[ ... ]. Est-ce une question de bien ou de
mal? Peut-être qu'il s'agit simplement de garder notre suprématie85. »
Le gouvernement allemand reste cependant dépendant du pétrole
d'un petit nombre de producteurs, de raffineries et de distributeurs in-
ternationaux. Tout comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne possède de
grosses réserves de charbon, mais pas de pétrole. Heureusement, la Stan-
dard Oil de Rockefeller s'est acquise une position de choix dans l' approvi-
sionnement de l'Allemagne.

84. Engdahl, A Century of War, op. cit., p. 48-49.


85. Allan Nevins, Henry White: Thirty Years of American Diplomacy, New York, Harper &
Brothers, 1930, p. 257-258.
106 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

29. Raffinerie n° 1 de la Standard Oil à Cleveland, dans l'Ohio, en 1899. Domaine public

La technique de la Standard Oil est d'acheter des compagnies exis-


tantes et de les administrer sous leur ancien nom pour créer l'illusion
qu'elles sont toujours du même pays. Dépourvue de pétrole, l'Allemagne
est particulièrement ciblée par cette stratégie américaine. Derrière les
portes closes de la voracité des chefs d'entreprises, une telle stratégie pro-
tège la Standard Oil d'un tollé général contre ce qui serait décrit comme
une société étrangère. En 1912, la Standard' opère de cette façon sous la
bannière de la Deutsche Petroleum-Verkaufsgesellschaft qui contrôle 91 %
des ventes allemandes de pétrole. La Deutsche Bank est autorisée à inves-
tir dans la société, mais sa prise de participation ne se monte qu'à un peu
plus de 9 % de l'actionnariat total. Dépourvue d'une source d'approvision-
nement assurée et indépendante, l'Allemagne se retrouve quasiment sous
la coupe de la Standard Oil. Du point de vue de l'Élite secrète, l'Allemagne
représente la menace la plus dangereuse pour ses ambitions à long terme.
Entre 1910et1912, la Standard Oil se trouve mêlée à une dispute acharnée
avec l'empire austro-hongrois dans une« guerre du pétrole». Déterminée à
maintenir son monopole européen, la Standard', via sa filiale autrichienne
Vacuum Oil Compagny AG de Vienne, emploie un type de concurrence
sournois pour affaiblir les producteurs autrichiens. Les gouvernements
austro-hongrois et américain se retrouvent tous deux mêlés à cette affaire.
LA GUERRE DU PÉTROLE 107

Le département d'État américain y est tellement impliqué qu'il établira un


intéressant précédent en termes de «mondialisation» au vingtième siècle.
Cet épisode démontrera très clairement que les affaires, même celles de
l'importance de la Standard Oil, dépendent du soutien diplomatique de
leurs gouvernements86•

L'Allemagne comprend que son approvisionnement en pétrole dé-


pend de forces extérieures qui ne resteront peut-être pas toujours amicales.
Pour cette raison, le gouvernement allemand s'intéresse depuis longtemps
au pétrole de la Mésopotamie grâce à son projet de Bagdad-Bahn. Depuis
la fin des années 1800 jusqu'en 1914, l'Allemagne poursuit l'avancée de
son immense chantier ferroviaire, lequel mobilise des dizaines de milliers
d'ouvriers pour la pose des rails et la construction de viaducs, ponts et
tunnels traversant les montagnes de l'Asie Mineure jusqu'au désert de la
Mésopotamie.
Pourtant, plusieurs facteurs changent les règles du jeu sur le sol
ottoman: la révolution turque de 1908-1909, l'intérêt subit de la Grande-
Bretagne pour le pétrole et les difficultés financières de l'Allemagne et
de l'Empire ottoman. La chute d' Abdülhamid II compromet également
la présence allemande au Moyen-Orient. Sous l'impulsion du banquier
d'affaires et ambassadeur anglais Sir Ernest Cassel, l'objectif est de renfor-
cer la présence financière et économique anglaise dans l'Empire ottoman,
particulièrement dans les affaires pétrolières. Il est assisté par l'homme
d'affaires Calouste Gulbenkian, un Arménien de nationalité ottomane re-
présentant des producteurs de pétrole russes à Londres et qui est devenu
conseiller économique et financier des ambassades turques de Paris et de
Londres87•

En 1909, la National Bank of Turkey est fondée grâce aux capitaux


de trois actionnaires britanniques. Mais les Britanniques ne détiennent
encore aucune promesse de concession pour le pétrole. De leur côté les
Allemands détiennent des options sur le pétrole à découvrir, mais ils ne
peuvent en tirer profit, car la pose de leur monumentale voie ferrée fait
face à des difficultés financières. Une association entre Allemands et Bri-
tanniques devient inéducable. En 1911, les deux nations s'associent pour
créer l' African and Eastern Concession Syndicate. En 1912, cette société
devient la Turkish Petroleum Compagny (TPC) qui comprend la National
Bank of Turkey (50 %), l' Anglo Saxon Oil Company (25 %) et la Deutsche
Bank (25 %). L'objectif est d'acquérir des concessions sur le territoire ira-
kien, car l'Irak regorge d'un pétrole que les Sumériens et Akkadiens utili-
saient déjà à leur époque88 • La Deutsche Bank apporte avec elle son accord

86. McGregor & Docherty, 1914-1918- Prolonger l'agonie, tome 2, op. cit., p. 56-57.
87. Tristani, « L'iraq Petroleum Compagny de 1948 à 1975», op. cit., p. 41.
88. Les Sumériens et Akkadiens utilisaient pour leurs constructions le bitume tiré du pétrole.
La Bible évoque la Tour de Babel (Babylone) en précisant que «la brique leur servit de pierre
108 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

signé avec la Compagnie des Chemins de Fer anatoliens lui autorisant à


prospecter du pétrole de part et d'autre de la voie ferrée dans un rayon de
40km.
L'Empire ottoman est désormais, et plus que jamais, divisé en
sphères d'influence étrangère. Tout est fait pour contrer les Turcs. Lorsque
le gouvernement ottoman tente en 1910 d'emprunter 30 millions de dol-
lars à l'étranger, garantis par les recettes douanières de son propre pays,
il est rapidement repoussé à Paris et à Londres, mais cette somme lui est
versée à Berlin sans aucune hésitation. Il est important de souligner que
les futures puissances alliées de la guerre qui se profile ont imposé à l' Alle-
magne un règlement divisant la Turquie en «sphères d'intérêt» à la place
du projet allemand qui proposait une coopération internationale dans la
reconstruction économique de la région89 •

L'objectif officiel de l'association anglo-allemande est aussi de


contrer l'offensive des Américains qui avaient proposé en 1911 la construc-
tion de trois voies ferrées grâce auxquelles ils recevraient les mêmes avan-
tages que ceux attachés à la construction de la Bagdad Bahn des Allemands.
Face à l'offensive américaine, Britanniques et Allemands font pression
sur Constantinople. Berlin dénonce la manœuvre américaine comme un
plan de contrôle des ressources pétrolières de l'Empire ottoman. Même en
1913, au moment où l'Empire ottoman se trouve face à de graves difficul-
tés financières, Constantinople refuse à la Standard Oil des Rockefeller le
droit exclusif d'exploiter le pétrole dans l'Empire ainsi que le commerce
exclusif des pétroles. Fin 1912, la Turkish Petroleum Compagny (TPC) et
la Deutsche Bank signent un nouvel accord. Le capital de la TPC passe
à 80000 livres sterling et la répartition des actions s'effectue de la façon
suivante : 25 % à la Deutsche Bank, 20 % à la National Bank of Turkey,
15 % à Gulbenkian, 15 % à sir Ernest Cassel et 25 % à la Royal Dutch-Shell.
L'accord à peine signé, le piège se referme sur l'Allemagne : le gouverne-
ment anglais revendique son souhait de vouloir entrer dans la nouvelle
compagnie avec la volonté de la contrôler. Le docteur en Histoire des rela-
tions internationales et de l'Europe Philippe Tristani, ajoute : «En effet, face
à l'évolution de la puissance de la flotte allemande, Winston Churchill, alors Lord
de ['Amirauté, veut posséder des sources de ravitaillement pétrolier importantes et
sûres. Sans cela, la production américaine serait la seule susceptible de ravitailler
la flotte anglaise, ce qui est difficile à concevoir pour un gouvernement soucieux de
maintenir l'indépendance nationale et impériale et la liberté de ses relations mari-

et le bitume leur servit de mortier» (Genèse 11:3). Ils utilisaient le bitume comme mortier
et pour l'étanchéité des toits, murs, salles de bains, toilettes, réserves, terrasses, conduits
d'eau, pour calfeutrer les bateaux, pour coller, comme mastic pour fixer les manches à outils,
pour faire brûler des torches, etc.; in Sylvie Lackenbacher, «Le bitume, un enjeu à l'époque
d'Hammurabi », Revue des ttudes anciennes, tome 94, 1992, p. 328.
89. Caroll Quigley, Tragedy and Hope - A History of the World in our Time, vol. 1-8, New York, The
Macmillan Compagny, 1966, p. 113-114.
LA GUERRE DU PÉTROLE 109

times à travers le monde90• » Les préparatifs de la Première Guerre mondiale


révèlent clairement que le Royaume-Uni a cruellement besoin de garantir
la sécurité de ses ressources en pétrole ...

Les autorités britanniques semblent vouloir jouer le jeu en appa-


rence seulement. Le 19 mars 1914, le Foreign Office Agreement est signé sous
la direction des gouvernements britanniques et allemands. La National
Bank of Turkey et sir Ernest Cassel cèdent intentionnellement leur place à
la société britannique Anglo-Persian Oil Company (APOC), mais pas leurs
actions qui sont partagées entre la Deutsche Bank et l' APOC. Philippe Tris-
tani précise: «Dès le 20 mai 1914, le gouvernement anglais, par l'intermédiaire
de /'Amirauté, a acquis l'AIOC. En cause, l'augmentation du prix du pétrole alors
que sous l'action de lord Fischer et de Churchill, /'Amirauté généralise la chauffe
au fuel de la flotte de guerre britannique; dans ces conditions, la concession de la
compagnie en Perse sauvegarderait le ravitaillement en carburant à bon marché
de la marine royale. Dans le reste du Moyen-Orient, les intérêts anglais dominent
largement, qu'ils soient publics comme l'AIOC ou privés comme la Royal Dutch-
Shell et ses filiales. La Deutsche Bank et Gulbenkian n'ont que des positions su-
balternes et ni les Américains, ni les Français, ni d'autres groupes étrangers ne
participent à ces sociétés91 • »

30. L'archiduc Franz-Ferdinand et son épouse Sophie, quelques heures avant leur assassinat.
Domaine public

Le 28 juin 1914 - jour même de l'assassinat de l'archiduc Franz-


Ferdinand et de sa femme à Sarajevo - le grand vizir turc confirme à la

90. Tristani, « L'iraq Petroleum Compagny de 1948 à 1975», op. cit., p. 41-42.
91. Ibidem, p. 43.
110 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Turkish Petroleum Compagny la promesse d'une concession couvrant


les provinces de Bagdad et de Mossoul, mais le déclenchement de la
Première Guerre mondiale va retarder les pourparlers. Le Français
Philippe Simonnot, docteur ès Sciences économiques et chroniqueur
au journal Le Monde, indique que : «Les Allemands n'avaient pas voulu
la guerre en 1914 et ils devaient la gagner parce qu'ils étaient les meilleurs;
ils étaient supérieurs à tous points de vue, économique, industriel, technique,
scientifique, culturel et même moral. L'Empire germanique n'était peut-être
plus ni 'saint' ni 'romain', mais il pouvait prétendre à nouveau à la couronne
mondiale à cause de sa supériorité éthique. Non seulement les Allemands
pensaient cela, mais 'leurs juifs' avaient dit, par la voix de l'un de leurs
plus grands philosophes de l'époque, Hermann Cohen (1840-1918), qu'ils
le pensaient aussi et que leur Messie avait ressuscité au sein de l'esprit alle-
mand92. »

7. Pourquoi les puissantes compagnies pétrolières alliées


approvisionnent-elles toujours les Allemands durant tout le conflit?

Au moment où la guerre éclate en 1914, le contrôle du pétrole


mondial est aux mains d'un nombre relativement restreint de puis-
santes compagnies pétrolières derrière lesquelles se dissimulent la
dynastie des Rothschild et l'empire américain des Rockefeller. Il s'agit
essentiellement de la Standard Oil (américaine-Rockefeller) et de la
Royal Dutch/Shell (hollandaise/britannique-Rothschild), aux côtés de
la Mexican Eagle Petroleum Compagny 93 (britannique) et de l' Anglo-
Persian Oil Company (britannique), cette dernière ayant tout juste été
acquise par le gouvernement britannique quelques jours avant que la
guerre ne soit déclarée! C'est là une initiative de Churchill destinée à
garantir du pétrole pour sa marine tout en soumettant le golfe Persique
aux autorités britanniques. Bien qu'il semble que les Rockefeller et les
Rothschild se fassent une concurrence acharnée, ils s'étaient depuis
1892 entendus pour maintenir les prix à leur mutuel avantage. Des
banques allemandes très importantes - toutes impliquées dans l'ache-
minement du pétrole vers l'Allemagne - comme la Deutsche Bank, la
Bleichroder Bank et la Disconto-Gesellschaft Bank sont partiellement
ou totalement sous le contrôle des Rothschild. Gerry Docherty et Jim
McGregor ajoutent : «[Les Rothschild] endormaient la conscience que le
public avait de leur rôle dans les centaines de sociétés bancaires, pétrolières
et industrielles qu'ils contrôlaient, mais maximisaient l'impact qu'elles pou-
92. Philippe Simonnot, Le siècle Balfour, 1917-2017, Paris, éditions Pierre-Guillaume de Roux,
2018, p. 49.
93. Compagnie pétrolière fondée au Mexique et gérée en 1909 par le Britannique Weetman
Pearson. En octobre 1918, soit un mois avant l' Armistice, Pearson sera en négociation pour
vendre sa société. La Mexican Eagle Petroleum Compagny sera finalement cédée le 2 avril 1919
pour 75 millions de dollars américains à la Royal Dutch/Shell gérée par les Rothschild.
LA GUERRE DU PÉTROLE 111

vaient avoir sur les gouvernements, quel que fût le côté où ces gouvernements
combattaient lors d'une guerre ou d'une autre 94 • »
Même si l'Allemagne dispose encore de quelque influence grâce à
la Deutsche Bank, une grande partie de l'actionnariat lié au pétrole rou-
main et russe est détenue par la dynastie Rothschild. Une mainmise aussi
implacable sur les approvisionnements en pétrole aurait dû signifier un
désastre pour l'Allemagne. Mais tel n'est pas le cas. La véritable question
que l'on est en droit de se poser est la suivante: pourquoi le gouvernement
britannique n'a-t-il pas forcé les multinationales du pétrole basées chez lui
- pratiquement toutes gérées par les Rothschild - à user de leur influence
pour empêcher l'Allemagne d'être approvisionnée95 ?

Sylvestre Mauperthuis, l'ancien agent consulaire de France en Syrie,


résume en quelques lignes la situation explosive au cœur de l'Empire otto-
man dans le magazine français La Science et la Vie (aujourd'hui Science &
Vie), daté de mars 1916 : «Bagdad est donc le point où se heurtent les deux
influences allemande et anglaise sur le cours des deux fleuves qui arrosaient autre-
fois les États des empereurs assyriens, dont Ninive (Mossoul) était, avec Babylone,
une des plus fameuses capitales. La France, l'Angleterre et l'Italie ont également
acquis dans l'Asie Mineure des intérêts considérables en matière de chemin de
fer, comme le montre la carte [suivante en pleine page, p. 329 du magazine
de l'époque]. Mais la Bagdad-Bahn coupe le pays en deux et leurs zones d'in-
fluence se trouvent forcément lù;nitées en profondeur. Un jour viendra certaine-
ment où il sera nécessaire de procéder à l'expulsion violente des Allemands hors
de l'Asie Mineure si, par malheur, la guerre actuelle n'avait pas pour résultat d'y
ruiner à jamais leur influence%. »

94. McGregor & Docherty, 1914-1918 - Prolonger l'agonie, tome 2, op. cit., p. 66.
95. Ibidem, p. 83.
96. Sylvestre Mauperthuis, «Les voies ferrées en Asie Mineure et la Bagdad-Bahn », in La
Science et la Vie, n° 25, mars 1916, p. 336.
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LA GUERRE DU PÉTROLE 113

Alors que les U-Boote allemands coulent régulièrement les navires


de la Royal Navy dans la mer du Nord, les compagnies américaines ne
cessent de fournir du pétrole grâce auquel ces mêmes sous-marins fonc-
tionnent. Comble de l'hypocrisie, le 9 juillet 1916 - alors que nous sommes
au cœur de la guerre - le sous-marin de commerce Deutschland se trouve
dans les eaux du port de Baltimore, aux États-Unis, pour «faire affaire».
Contre de la teinture chimique, des pierres précieuses et du matériel médi-
cal, le sous-marin allemand repart avec 341 tonnes de nickel, un minerai
essentiel pour durcir l'acier destiné à la production d'armes, 93 tonnes
d'étain et 348 tonnes de caoutchouc. Lors d'un nouveau voyage dans le
Connecticut en novembre 1916, le sous-marin allemand reprend tranquil-
lement la mer pour sa patrie avec une cargaison comprenant 6,5 tonnes
d'argent en lingots. Non seulement l'Amérique fournit-elle du pétrole à
l'Allemagne, mais elle {(aide aussi à financer son effort de guerre. Ce scé-
nario trompeur ne se limite pas qu'aux Américains. Le blocus maritime
britannique ferme les yeux devant les approvisionnements en pétrole à
destination de l'Allemagne. La guerre est délibérément prolongée par des
compagnies pétrolières aux mains des Rothschild et Rockefeller. La Royal
Dutch/Shell aurait raisonnablement pu s'étiqueter britannique, mais elle
préfère jouer la carte de la neutralité que détient la Hollande. La Standard
Oil de Rockefeller fait de même avec ses connexions autrichiennes. Les
banques françaises contrôlent le gisement franco-roumain Aquila, mais
elles ne font rien. Appuyer sur un simple bouton aurait suffi à stopper
l'agonie et évité des millions de morts supplémentaires. Les banques et so-
ciétés Rothschild, concentrées rue Laffitte à Paris, possèdent et fournissent
la majeure partie du pétrole à destination de l'Allemagne. Rien n'est fait
pour stopper le massacre97 !

97. McGregor & Docherty, 1914-1918- Prolonger l'agonie, tome 2, op. cit., p. 89-91.
114 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

31. L'U-boot de commerce Deutschland à Baltimore, le 9juillet1916. Il va y récupérer 341 tonnes


de nickel, 93 tonnes d'étain et 348 tonnes de caoutchouc grâce à des sociétés américaines.
Domaine public

Encore plus fort, des documents du Foreign Office de Londres, datés


d'octobre 1916, montrent que «l'Allemagne est prête à proposer la paix à la Bel-
gique, quelle que soit la position de la Grande-Bretagne. Herbert Hoover, qui di-
rige le scandaleux Programme d'Aide à la Belgique, avertit le Foreign Office que
le gouvernement allemand projette de négocier avec le gouvernement belge en exil.
Il a appris que l'Allemagne propose d'évacuer le pays, de lui garantir une complète
liberté économique et politique et de lui payer des indemnités destinées à sa recons-
truction. En outre, dans le but de mettre un terme au conflit avec la France, elle est
prête à céder toute la province de Lorraine à condition que les Français promettent
de fournir chaque année cinq millions de tonnes de minerai de fer à l'Allemagne.
Ces 'conditions' comprennent également l'indépendance de la Pologne et un
'arrangement' non spécifié dans les Balkans 98• » Le projet est finalisé le 12 dé-
cembre 1916 sous forme de note diplomatique, tenue prête à cet usage
et transmise à Paris, Londres et Petrograd. Le Français Aristide Briand
(président du Conseil des Affaires étrangères), les Britanniques Herbert
Asquith (Premier ministre) et Lloyd George (ministre des Finances) ainsi
que le Russe Nikolaï Pokroviski (ministre des Affaires étrangères) écartent
immédiatement cette offre99 • Pour !'Élite secrète qui avait investi, financé

98. Ibidem, p. 186.


99. «La Paix des Empires Centraux 1916-1918 », in Revue des Deux Mondes, vol. 53, n °1,
LA GUERRE DU PÉTROLE 115

et facilité la guerre, le moment était mal choisi, car aucun de ses objectifs
n'était encore atteint. De fait, la cessation de la guerre serait un plus grand
désastre encore que l'immensité des pertes humaines dans ce conflit qui
doit perdurer pour écraser une fois pour toutes l'Allemagne! Le coût de la
paix ne méritait pas qu'on s'y penchât. Le matériel historique de première
main compilé et consigné par Jim McGregor et Gerry Docherty fait froid
dans le dos; j'invite tout lecteur intéressé par ces sujets à se reporter à leurs
ouvrages précités.

«En repensant à l'histoire militaire de la Première Guerre mondiale, il


est clair que l'ensemble de la guerre était une opération de siège contre l'Alle-
magne» dira l'historien américain Carroll Quigley. Sur le plan militaire,
l'Allemagne répondra au blocus britannique tout autant qu'elle tiendra
ses ennemis occidentaux dans les tranchées grâce à une politique d'usure
jouée de concert entre les Allemands et les Français. La fabrication entre
1916et1917 de presque 200 U-Boote allemands permet de couler près d'un
million de tonnes de navires pour le seul mois d'avril 1917. Quigley ajoute
que c'est uniquement le danger d'une défaite britannique, revêtue de l'ha-
bit de propagande et d'indignation hypocrite face à l'iniquité des attaques
sous-marines allemandes, qui amènera les États-Unis dans la guerre en
avril 1917. Le président américain T. Woodrow Wilson ayant été réélu cinq
mois plus tôt, le non interventionnisme ne sera plus d'actualité! L' arri-
vée de nouvelles forces grâce aux Américains sera fatale à l'Allemagne qui
aura tenu jusque-là. L'Allemagne aura tenu bon, mais le blocus et la marée
montante de la main-d'œuvre américaine auront donné aux dirigeants al-
lemands le choix entre la capitulation ou un bouleversement économique
et social complet100•
En optant pour la première possibilité, à savoir la reddition, l' Alle-
magne ne pourra pas éviter la seconde. En 1918, l'Allemagne se trouve
dans une situation critique sur les plans économiques et militaires. Elle
l'était déjà depuis plusieurs années à cause du financement de la guerre.
Dévastée aux niveaux social et psychologique, l'Allemagne est aussi écra-
sée par le blocus de la Triple-Entente (Royaume-Uni, France et Russie) qui
l'enfonce dans une grave inflation engendrant misère et pénurie.

septembre 1929, p. 63.


100. Quigley, Tragedy and Hope, op. cit., p. 206-207.
II
Les accords secrets

1. La montée du sionisme : la Palestine ou rien!

Entre 1880 et 1914, près de deux millions et demi de juifs de langue


yiddish traversèrent les pays occidentaux en passant par l'Allemagne. Beau-
coup d'entre eux, surtout entre 1880et1903, provenaient d'Europe de l'Est,
principalement de Russie et de Roumanie. Les premiers à quitter l'Empire
russe fuyaient les pogroms (persécutions meurtrières et radicalement anti-
sémites) lors des grandes émeutes qui balayèrent l'Ukraine et la Russie entre
1881 et 1884, suite à l'assassinat du tsar Alexandre Il Ces pogroms firent
prendre conscience à certains intellectuels juifs qu'il leur serait impossible
de poursuivre leur intégration dans ces vastes régions. La majorité d'entre
eux étaient des juifs d'origine khazare, un ancien peuple nomade s'étant
établi aux abords de la mer Caspienne et converti au judaïsme vers 750 de
notre ère. Une fois convertis, les Khazars, en rupture avec leur véritable his-
toire ancestrale, ne cessèrent de chercher de véritables liens avec les ancêtres
du Livre. L'historien israélien Shlomo Sand donne son avis sur ce sujet : «La
tendance courante des convertis à rechercher, par tous les moyens, une filiation di-
recte avec les pères du mythe fondateur biblique n'a pas épargné nombre des fils de
Khazars, qui eux aussi préférèrent s'imaginer comme des juifs descendant des tribus
d'Israël. La conscience de l'appartenance religieuse prit une importance de plus en
plus déterminante chez les fils des convertis et elle prédomina au fil des temps sur
les identités tribales antérieures associées au paganisme. [... ] Pourquoi l'histoire
des Khazars était-elle plus complexe que d'autres chapitres de l'histoire des juifs?
[... ].L'explication pourrait tenir au fait que ces mystérieux Khazars n'entraient pas
exactement dans la catégorie des 'descendants ethnobiologiques d'Israël' et que leur
histoire s'écartait du métadiscours juif 01 • »
101. Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Paris, Éditions Fayard, 2008, p. 313 et
324.
118 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Une partie des juifs fuyant les pogroms de l'Est arriva sur le
continent américain alors que moins de 3 % choisirent d'émigrer vers
la Palestine ottomane. Ce flux de population aura pour conséquence de
favoriser la résurgence de l'hostilité sous-jacente existant traditionnel-
lement en Allemagne, pays qui aura servi de point de passage à cette
vague d'exode massive 102 •
Les juifs de cette époque ne fuyaient pas seulement l' antisémi-
tisme, mais aussi la misère. L'émigration en provenance de l'Est sus-
cita l'inquiétude en Europe centrale et occidentale. Les pays concernés
recherchèrent tous les moyens pour venir en aide à ces «étrangers» ou
encore pour s'en débarrasser. Alors que les communautés juives alle-
mandes les incitaient à rejoindre le port d'Hambourg pour poursuivre
leur voyage vers les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne tentèrent
d'autres pistes pour endiguer le flux de réfugiés. Environ 100 000 juifs
étaient déjà arrivés en Grande-Bretagne à cette époque. Pour répondre
à ce problème, le baron et financier Maurice de Hirsch fonda en 1891
la f ewish Colonisation Association pour soutenir l'émigration des juifs en
Argentine. Depuis 1882, le baron Edmond de Rothschild, fondateur de
la branche de Paris, achetait déjà des terres en Palestine pour accueillir
les immigrés et en faire de véritables colons.

Les archives nous font comprendre que les émissaires du baron


de Rothschild étaient tellement autoritaires et interventionnistes dans
la gestion des colonies palestiniennes qu'ils provoquèrent une révolte
en 1887. Suite à ce soulèvement, Rothschild ordonna l'expulsion d'une
trentaine de meneurs. Les colons restants durent alors signer un engage-
ment les mettant dans une dépendance totale vis-à-vis de l'administra-
tion Rothschild. Cette dernière dut même parfois faire appel à la police
ottomane pour mater les récalcitrants. Malgré ces difficultés, le baron
de Rothschild développa dans chaque colonie des services médicaux
et scolaires ainsi qu'une synagogue 103 • Toutefois cette aventure devint
rapidement un gouffre financier, l'émigration s'avérant trop clairsemée
par rapport aux ambitions de départ. En 1899, Edmond de Rothschild
transférera à la f ewish Colonisation Association les 25 000 hectares de terres
agricoles palestiniennes qu'il avait rachetées, ainsi que les colonies qui
s'y trouvaient. Étant profondément impliqué dans l'idée d'offrir aux
juifs une terre d'asile, de Rothschild soutiendra financièrement ce projet
jusqu'à sa mort. Le baron Edmond de Rothschild est aujourd'hui salué
comme étant le père de la colonisation juive en Palestine. Il dépensa des
sommes colossales, en particulier dans le domaine de l'agriculture, pour
organiser et améliorer les conditions des colonies juives en Palestine. On

102. Sand, Comment le peuple juiffut inventé, op. cit., p. 351.


103. Marc Rémy, Proche-Orient, 1914-2010 - Les origines du conflit israélo-palestinien, Pantin,
Éditions Les Bons Caractères, 2010, p. 7.
LES ACCORDS SECRETS 119

totalise 30 millions de dollars en tout, une somme colossale à l'époque,


dédiée à la création d'environ 40 colonies de peuplement 104 •
Durant cette période naissait peu à peu l'idée d'un retour du
peuple juif à Sion, Sion étant le nom d'une des collines de Jérusalem,
mais aussi un synonyme utilisé pour évoquer Jérusalem elle-même et
par extension la terre d'Israël. La Palestine était cette terre ancestrale
qui, d'après la Bible, fut offerte par Dieu au peuple élu, à savoir les juifs.

Le mouvement sioniste est né en Europe centrale et orientale


après le déchaînement des pogroms en Russie. Il fut initié indirectement
par des étudiants juifs de Kharkov et des sphères intellectuelles juives
de Russie. Leur projet se focalisait sur l'idée de coloniser la Palestine
en vue d'y poser les fondations d'une communauté nationale, première
étape de l'établissement d'une nation juive.
En février 1896, Theodor Herzl, un journaliste austro-hongrois et
activiste acharné, rédigea en quelques semaines son ouvrage de réfé-
rence, Der fundenstaat, «L'État des juifs». Dans ce livre, Herzl propose
un programme sur la façon de créer un État juif, cette idée faisant écho
à l'entité nationale juive qui avait existé dans l'antiquité en Palestine.
Tout en se demandant si des colonies en Argentine seraient véritable-
ment viables pour une immigration durable qui pourrait régler le pro-
blème de l'antisémitisme, Herzl n'oublie pas l'option de la Palestine
déjà acquise chez Edmond de Rothschild : « [ ... ] la Palestine est notre
inoubliable patrie historique. Ce nom à lui seul serait un puissant cri de ral-
liement pour notre peuple. Si Sa Majesté le sultan nous donnait la Palestine,
nous pourrions nous engager à régler complètement les finances de la Turquie.
Pour l'Europe nous y formerions une partie du mur contre l'Asie, nous assu-
rerions le service avant-poste de la culture contre la barbarie. En tant qu'État
neutre nous resterions reliés à l'ensemble de l'Europe, cela pour garantir notre
existence. Pour les lieux saints de la chrétienté, une forme d'exterritorialisa-
tion au regard du droit international pourrait être constatée. Nous formerions
la garde d'honneur autour des lieux saints et serions responsables par notre
existence de l'accomplissement de ce devoir. Cette garde d'honneur serait le
grand symbole et la solution de la question juive après dix-huit siècles entiers
de tourments pour nous tous 105 • »
La barbarie évoquée par Herzl n'est autre que la culture arabe.
Comme on le voit dès le départ chez les membres proches du mouve-
ment sioniste, l'idée d'acquérir la Palestine ne semblait réclamer au-
cune réflexion quant au sort des habitants résidant sur place depuis de
nombreuses générations et qui occupaient aussi les lieux saints avec les
chrétiens. La question se posait tout de même : «Que faire de ces popu-

104. Pierre Hillard, Sionisme et mondialisme - Le sionisme, de ses origines au Ill' Reich (1895-1941),
Lopérec, Éditions Nouvelle Terre, 2020, p. 114.
105. Theodor Herzl, Der Judenstaat, Leipzig und Wien, M. Breitenstein's Verlags-
Buchhandlung, 1896/Édition Projekt Gutenberg-DE, 2005, p. 42-43.
120 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

lations qui avaient le malheur de vivre sur la 'patrie perdue des juifs'? Herzl
lui-même évoqua comme solution leur 'transfert' dans un autre pays» nous
indique l'auteur Marc Rémy 106 •

Ayant connu des débuts modestes, le sionisme prit un nouveau


souffle lors du premier congrès sioniste qui se tint à Bâle entre les 29 et
31 août 1897. L'événement fut présidé par Theodor Herzl. Le sionisme,
avec l'appui obstiné de Herzl, imposa rapidement son idée de revendi-
quer la Palestine comme étant «la patrie perdue des juifs». Le ministère
des Colonies du Royaume-Uni va cependant orienter Theodor Herzl vers
d'autres pistes comme Chypre, la presqu'île du Sinaï ou el-Arich, au nord
de la péninsule du Sinaï. Les deux derniers sont assez proches de la Pales-
tine où il serait peut-être possible de s'établir un jour ... Tous ces territoires
étaient placés sous l'hégémonie de la Grande-Bretagne. Pour Chypre,
l'idée fut vite réglée : il y avait déjà une forte population chrétienne
à laquelle les Anglais se devaient d'apporter un soutien. Pour les deux
territoires proches du Sinaï, les délégués et mandataires britanniques en
Égypte formulèrent de vives objections. L'idée fut donc à son tour rejetée.
Lors d'une seconde rencontre entre Herzl et le ministère des Colonies du
Royaume-Uni, le secrétaire aux colonies, Joseph Chamberlain, fit à Herzl
une contre-proposition : l'Ouganda. Cette colonie britannique avait besoin
de peuplement et elle pouvait être cédée gratuitement au peuple juif. Le
sionisme était ainsi reconnu pour la première fois comme un mouvement
légitime aux yeux de l'élite britannique. Ce fut un tournant décisif dans
l'histoire du sionisme et des nouvelles relations qu'allaient entretenir les
Anglais avec le peuple juif1°7•

106. Rémy, Proche-Orient, 1914-2010 - Les origines du conflit israélo-palestinien, op. cit., p. 11.
107. Shlomo Sand, Comment la terre d'Israël fut inventée, Paris, Éditions Flammarion, 2012,
p.127.
LES ACCORDS SECRETS 121

32. Photographie de
Theodor Herzl.
Domaine public

Theodor Herzl poursuivra sa quête de la «Terre promise» auprès


de nombreux pays et personnages influents en politique comme dans la
finance. Donnons quelques exemples: le 17 mars 1902, Herzl est autorisé
à obtenir trois lettres de crédit, chacune d'un million de francs auprès de
banques de Paris, Berlin et Londres pour les déposer dans des banques
turques; Herzl se trouve du 4 au 7 mai 1902 à Berlin où il s'entretient avec
le directeur de la Deutsche Bank pour lui annoncer que le mouvement sio-
niste souhaite racheter la Deutsche Palastinabank; en 1902, Herzl rencontre
le Sultan Abdülhamid II de l'Empire ottoman, lequel propose des terres
en Mésopotamie pour le peuple juif, mais Herzl décline cette offre parce
qu'elle «ne comprend pas la Palestine»; le 15 janvier 1903, Herzl demande à
Lord Rothschild de transférer 3 millions de livres de la /ewish Colonisation
Association sur le compte de la /ewish Eastern Compagny; le 26 mai 1903,
Herzl rencontre l'ambassadeur du Portugal à Vienne pour lui demander
un territoire habitable et cultivable en Europe; en juillet 1903, suite à de
nombreux pourparlers et grâce aux bonnes relations de Theodor Herzl
avec le gouvernement britannique, l' Anglo-Palestine Bank ouvre sa pre-
mière succursale, la Zionist Bank, à Jaffa 108 • Et ce ne sont ici que quelques
exemples d'un planning extrêmement chargé, digne d'un véritable chef
d'État.

Le 6• congrès sioniste a lieu du 23 au 28août1903. Sur l'insistance du


108. Cf. : archive.jewishagency.org/herzl/content/25336
122 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

gouvernement britannique, Theodor Herzl propose «le projet Ouganda».


L'intense pression que s'impose le sionisme à la recherche d'une terre pour
les ancêtres du Livre a pour résultat de faire adopter l'idée de l'Ouganda
au terme d'un débat houleux. Les sionistes n'ont pas la moindre intention
de s'établir en Ouganda; l'Afrique subsaharienne n'est pas «la Terre pro-
mise»! Theodor Herzl rappellera que le projet de l'Ouganda n'est qu'une
mesure temporaire, soulignant ainsi que la Palestine demeure l'objet final
du sionisme. Malgré l'opposition des sionistes russes, le congrès laissera
une commission examiner la faisabilité de cette proposition ... juste pour la
forme et pour contenter le gouvernement britannique.

Theodor Herzl va poursuivre son marathon diplomatique en quête


de reconnaissance du mouvement sioniste, de terres et d'argent. Il fait face
à de nombreux obstacles, parfois même de juifs aisés qui barrent la route à
son idéal. Le 25 janvier 1904, le Pape Pie X le reçoit et déclare qu'il ne peut
soutenir le retour des juifs en Terre sainte parce qu'ils n'ont pas reconnu
Jésus-Christ comme étant le Messie. Le Pape lui demande s'il y a quelque
obligation impérative à s'installer à Jérusalem, Herzl lui répondra: «Nous
ne demandons pas Jérusalem, mais la Palestine, seulement le pays laïc.» Et le
Pape de lui rétorquer : «Nous ne pouvons y être favorables 1œ. » Ce dernier
finira par lui dire que si les juifs s'installent en Palestine, ils devront être
prêts à se faire baptiser -1' audience aura duré vingt-cinq minutes.
Theodor Herzl donne beaucoup de sa personne. Souffrant malheu-
reusement d'une maladie du cœur, il meurt prématurément le 3juillet1904
à l'âge de 44 ans, très probablement d;une crise cardiaque. Le 7• congrès
sioniste aura lieu durant l'été 1905, cette fois-ci sans son leader charisma-
tique. Sans que personne n'en ait véritablement été surpris, il sera convenu
que l'implantation du peuple juif ne pourra pas se faire en Ouganda. La
Palestine restant l'ultime objectif des sionistes. La grande ambition du sio-
nisme ne fait que commencer.

2. Les déclarations Balfour et Cambon : accords secrets


entre vainqueurs et sionistes

«On sait que, par la déclaration Balfour, les Anglais, sans doute à la suite d'engagements
pris, au moment des emprunts de guerre, vis-vis des financiers juifs internationaux,
avaient promis aux Juifs d'organiser en Palestine un 'fewish National Home'110.,,
Robert Laurent-Vibert,
Ce que j'ai vu en Orient, 1923-1924

Entre la fin des années 1910 et le début de la nouvelle décennie,


109. Hillard, Sionisme et mondialisme, op. cit., p. 138.
110. Robert Laurent-Vibert, Ce que j'ai vu en Orient - Mésopotamie, Palestine-Syrie, Égypte-
Turquie - Notes de voyage 1923-1924, Paris, éditions G. Crès & Cie, 1924, p. 58.
LES ACCORDS SECRETS 123

l'Allemagne s'effondre rapidement sous les coups d'une inflation sans


précédent. Le Traité de Versailles signé le 28 juin 1919 par les vainqueurs
de la Grande Guerre l'aura lourdement pénalisée. Un traité de paix non
signé avec les premiers intéressés, l'Allemagne et ses alliés n'ayant pas été
conviés lors de cet accord! L'article 231 du Traité conclut à la responsabi-
lité seule et entière de l'Allemagne dans le déclenchement de la guerre.
L'Allemagne doit payer toutes les réparations : 132 milliards de marks-or.
Ces informations suscitent de vives réactions de la part de la population
allemande qui avait cru comprendre, si l'on regardait l'armistice du 11 no-
vembre 1918, qu'il n'y avait eu aucun vainqueur ni vaincu. Les réparations
exigées à l'Allemagne sont parfaitement irréalisables et empêcheront la
reconstruction économique du pays. Tout le monde le sait, mais c'est là
l'objectif. Pourtant, nous dit l'historien Gerald Messadié, «il aurait suffi de
quelques dollars pour payer la totalité de la dette allemande, si celle-ci avait pu
être réglée en marks-papier : à la stabilisation de la devise allemande en novembre
1923, un dollar valait, en effet, 4,2 milliards de marks-papier111 [ ... ]. »
La guerre va aussi faire que les parts allemandes de la Turkish Pe-
troleum Company seront placées sous séquestre, des parts que la France
s'empressera de récupérer après le conflit en tant que butin de guerre.
L'Allemagne sera aussi amputée de plusieurs de ses territoires et privée de
ses colonies, tout cela ayant été prévu par les Britanniques et les Français
avant la guerre.

Revenons quelques mois en arrière pour comprendre ce qui s'est


réellement passé. La déclaration Balfour, datée du 2novembre1917, n'aura
sans doute rien arrangé à une situation explosive consécutive à la Première
Guerre mondiale. Rédigée par Arthur James Balfour, le ministre britan-
nique des Affaires étrangères et adressée à son ami, Lord Lionel Walter
Rothschild - lui-même président de la fédération sioniste de Grande-Bre-
tagne -, cette lettre de cent vingt-deux mots est tapée à la machine, sur un
papier sans en-tête officiel, juste signée à la main par son auteur, sans que
ne soit même mentionné son titre ministériel. .. Voici sa traduction en fran-
çais:

«Cher Baron Rothschild,


J'ai le plaisir de vous transmettre, de la part du gouvernement de Sa Majesté,
la déclaration suivante de sympathie avec les aspirations juives sionistes qui a été
soumise au cabinet et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Pales-
tine d'un foyer national pour le peuple juif et fera tout ce qui est en son pouvoir
pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera
fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés
non juives en Palestine, ainsi qu'aux droits et au statut politique dont les juifs
disposent dans tout autre pays.

111. Gerald Messadié, Histoire générale de l'antisémitisme, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès,
1999, p. 383.
124 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Je vous serais reconnaissant de porter cette déclaration à la connaissance de /'Or-


ganisation .sioniste.
Arthur James Balfour»

La déclaration est publiée sept jours plus tard dans le Times de


Londres, soit le 9novembre1917. Il est intéressant de noter qu'au moment
où cette lettre est écrite et publiée, la Palestine appartient toujours à l'Em-
pire ottoman (l'Empire turc)! Autre point intéressant, nous sommes prati-
quement un an avant l' Armistice, donc avant la fin de la Première Guerre
mondiale. La Société des Nations ne proposera une résolution attribuant
un mandat sur la Palestine au Royaume-Uni qu'en avril 1920, lors de la
conférence de San Remo. Pourquoi Arthur James Balfour fait-il une telle
offre au Baron Rothschild et aux sionistes? Balfour et le Baron Rothschild
savaient-ils trois ans à l'avance que les Britanniques obtiendraient un man-
dat pour gérer la Palestine? Encore plus fort, comment la Grande-Bretagne
peut-elle promettre solennellement un foyer national au peuple juif sur
des terres qui appartiennent aux Arabes palestiniens?

En réalité, la déclaration Balfour faisait suite aux accords secrets


Sykes-Picot, signés en mai 1916, lesquels prévoyaient le découpage des
Proche- et Moyen-Orient à la fin de la guerre ainsi que le partage entre la
France et le Royaume-Uni des possessions de l'Empire ottoman, allié de
l'Allemagne. Ces accords secrets seront finalement révélés au grand public
le 23 novembre 1917 dans le grand journal russe Ivestia, soit 14 jours après
la publication de la déclaration Balfour. Il était important de mettre la main
sur ces territoires étant donné que l'Empire ottoman représentait une posi-
tion stratégique : il reliait l'Europe, l'Afrique et l'Asie en passant par les
territoires pétrolifères de la Mésopotamie ...

La déclaration d'Arthur James Balfour marque une date importante


pour le mouvement sioniste puisqu'elle sera considérée comme l'une des
premières étapes de la création de l'État d'Israël. Pour nombre d'historiens,
le gouvernement britannique, en quête de fonds pour financer la guerre,
souhaitait obtenir rapidement de l'argent des banques juives d'Angleterre
et des États-Unis grâce aux Rothschild. On se souvient qu'à partir de 1882,
le Baron Lionel Walter Rothschild avait fortement contribué à financer les
premières colonies juives en Palestine. En échange d'un apport financier
au Royaume-Uni, Balfour et le gouvernement de Sa Majesté assureraient
le mouvement sioniste de tout leur soutien pour la création d'un foyer
national juif en Palestine ...
LES ACCORDS SECRETS 125

33. Arthur James Balfour (à gauche) et Lord Walter Rothschild. Domaine public

Nous savons aujourd'hui que la déclaration Balfour fut élaborée


lors de plusieurs réunions du cabinet de Guerre du Premier ministre bri-
tannique David Lloyd Georges. Une version quasi identique fut esquis-
sée par l'homme d'État Alfred Milner lors d'une réunion s'étant tenue le
4 octobre 1917112, soit près d'un mois avant la déclaration officielle. Milner
était l'homme le plus influent de ce cabinet et fut impliqué dans chaque
décision politique majeure prise par le cabinet du Premier ministre britan-
nique pendant la Première Guerre mondiale.
En creusant davantage cette affaire, nous tombons sur l'une des
nombreuses communications entre Arthur J. Balfour et Lord Walter Roth-
schild. Le document GT 1803 des archives nationales britanniques indique
«une correspondance considérable 113 » ainsi qu'une lettre de Lord Roth-
schild adressée à Balfour, datant du 18 juillet et où l'on peut lire :

« Dear M. Balfour,
At last, I am able ta send you the formula you asked me for. If His Majesty's Gover-
ment will send me a message on the lines of this formula, if they and you approve
of it, I will hand it on ta the Zionist Federation and also announce it at a meeting
called for that purpose [... ].,,

«Cher M. Balfour,
Je suis enfin en mesure de vous envoyer la formule que vous m'aviez demandée. Si
112. McGregor & Docherty, 1914-1918 - Prolonger l'agonie, tome 2, op. cit., p. 241.
113. Ibidem, p. 242.
126 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

le gouvernement de Sa Majesté m'envoie un message qui reprend les lignes de cette


formule, et si Celui-ci et vous-même y donnez votre approbation, je le transmettrai
aux fédérations sionistes et l'annoncerai également au cours d'une réunion que je
convoquerai à cet effet114 [ ••• ]. »

Il ressort de l'extrait de ce document une recommandation explicite


de la part de Walter Rothschild et du mouvement sioniste à l'attention
du ministre britannique des Affaires étrangères et du cabinet de Guerre
britannique. Comme l'indiquent Jim McGregor et Gerry Docherty, il s'agit
là de complicité! Par l'intermédiaire de Walter Rothschild (président de la
fédération sioniste de Grande-Bretagne), le mouvement sioniste dicta ses
projets au cabinet de Guerre britannique dirigé par Alfred Milner : cette ac-
tion avait toutes les caractéristiques d'un complot intemational 115 ! Comme
nous l'avons vu plus haut, Alfred Milner faisait partie d'un petit cercle
secret, l'Élite secrète, qui avait pour ambition d'asseoir son contrôle sur le
monde. Cette élite fut créée à Londres en 1891, par l'homme d'affaires et
homme politique Cecil Rhodes.

Bien que clairement démontré grâce aux différents documents ci-


tés plus haut, le complot du démantèlement des territoires ottomans fut,
certes, organisé par le cabinet du Premier ministre britannique sous l'in-
fluence de Walter Rothschild et des sionistes, mais, chose moins connue,
il fut également soutenu par la France, une France endettée par la Grande
Guerre.
À partir de 1915, le gouvernement français se lança en quête de nou-
veaux crédits et dans l'achat de titres américains appartenant aux capita-
listes français. Dès juillet 1915, la maison Rothschild de Paris répondit à la
demande française et obtint d'un groupe de banques américaines un crédit
de 30 millions de dollars à 5 % contre le dépôt d'obligations de chemins
de fer «Pennsylvania» et «Chicago Milwaukee». L'ensemble sera ensuite
discrètement racheté par le ministère des Finances français au taux très
bon marché de 1 %116 •
Comment refuser de rédiger un document en faveur des sionistes et
du président de la fédération sioniste de Grande-Bretagne alors que ce der-
nier soutient financièrement la France pendant la guerre? La France et les
Britanniques se partageaient à l'avance les territoires turcs sur lesquels se
trouvait la Palestine que convoitaient les sionistes depuis bien longtemps.
Impossible de décevoir de tels partenaires en ces temps difficiles!
De plus, la France avait poussé Nahum Sokolow, leader de }'Organi-
sation sioniste mondiale, à visiter Rome et à rencontrer le Pape Benoît XV

114. National Archives: GT 1803, The Zionist Movement.


115. McGregor & Docherty, 1914-1918 - Prolonger l'agonie, tome 2, op. cit., p. 243-244.
116. Florence Descamps & Laure Quennouëlle-Corre (sous la direction de), La mobilisation
financière pendant la Grande Guerre - Le front financier, un troisième front, Paris, Comité pour
l'histoire économique et financière, coll. «Histoire économique et financière de la France»,
Institut de la gestion publique et du développement économique, 2015.
LES ACCORDS SECRETS 127

en mai 1917. On se souvient que Theodor Herzl avait retrouvé le Pape


Pie X en janvier 1904 sans parvenir à obtenir un quelconque soutien de
l'Église de Rome. Treize ans plus tard, les sionistes avaient de nombreuses
banques dans leur poche, le soutien inconditionnel de Walter Rothschild et
ils avaient considérablement gagné en puissance. L'Église de Rome reven-
diquant des droits sur des lieux saints dans toute la Palestine, mieux valait
que les deux hommes s'entendent bien! Une rencontre amicale eut ainsi
lieu le 4 mai entre Nahum Sokolow et Benoît XV au cours de laquelle le
Pape annonça le retour des juifs en Palestine comme «providentiel; Dieu
l'a voulu». Sokolow retrace son échange mot pour mot dans le document
intitulé CZA, A 18/26 et disponible dans les archives sionistes. Nahum
Sokolow assura au Pape que les sionistes respecteraient la loi immémo-
riale du Vatican sur les lieux Saints et le pontife lui offrit des assurances
réciproques117•

Suite à ces événements, une déclaration fut ainsi rédigée par le


gouvernement français quatre semaines plus tard, le 4 juin 1917, soit cinq
mois avant la déclaration Balfour ... La lettre du secrétaire général du quai
d'Orsay, Jules Cambon, est une missive rédigée à l'attention du fameux
leader de !'Organisation sioniste mondiale, Nahum Sokolow. Elle annonce
le soutien français au projet sioniste en Palestine, petite région ottomane
incluant une faible population juive largement minoritaire. La déclaration
Cambon indique :

«Paris, le 4 juin 1917


Monsieur,
Vous avez bien voulu m'exposer le projet auquel vous consacrez tous vos efforts
et qui a pour objet de développer la colonisation israélite en Palestine. Vous estimez
que si les circonstances le permettent et l'indépendance des Lieux saints étant assu-
rée d'autre part, ce serait faire œuvre de justice et de réparation que d'aider, par la
protection des puissances alliées, à la renaissance de la nationalité juive, sur cette
terre d'où le peuple d'Israël fut chassé il y a tant de siècles.
Le gouvernement français, qui est entré dans cette guerre pour défendre un peuple
injustement attaqué, et qui continue la lutte pour assurer la victoire du droit sur la
force, ne peut qu'éprouver de la sympathie pour votre cause, dont le triomphe est lié
à celui des alliés.
Je suis heureux de vous donner sous ce pli une telle assurance. »

117. Martin Kramer, «The Forgotten Tru th about Balfour Declaration », Mosaic - Advancing /ewish
Thought, 5 juin 2017.
128 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

.Wê/nûtû~. REPUBLÎQUE FRANÇAISE


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fll"I" la coloniuatio.n :Loulli te an PaJ.·e etin11. vo11111 eatimllZ
q\:11! o1 l eo 01Tcan11t81lcea le J)6nnettent 11t i11ndi(pena&1ce
de o Lhux aun:eo ihe.n,t a ouN'e A ' &µtu. paTt, Ile seTâ1t'
fair" oeuvta 1111 Just~• et u :rîtpB.l'ation que <Pa14•r à lat
rena.l.!IGIVIOB, par la pt'ohction dell P>..tinnancea alli'u Cie ia.
nationalité Jî.ûve, our ca~~e terre d 'où l" peupl.e d'Iorael
a. t!M chAoa' i l y a. tant~· eiliclee.

Le Gouv ernei'Jlen-t. 1'rangitJ.o qu:L e et l'lntr' dai'ui l ..


Pr6eente gueTre :poul' Cl~fendre 1.1n peupl.e injue~•~!mt. attaqu4

KonaielU' SOKOLOF
...
n8te1 J{eurice.

34. Première page de la lettre du 4 juin 1917 rédigée par Jules Cambon, le Secrétaire général
du quai d'Orsay, à l'attention de Nahum Sokolow, leader de l'Organisation sioniste mondiale.
LES ACCORDS SECRETS 129

Comme nous l'avons vu plus haut, une fois la déclaration française


en main, Sokolow passera le dossier au président de la fédération sioniste
de Grande-Bretagne, Walter Rothschild, pour qu'il entame des négocia-
tions similaires avec les Britanniques, le tout dans un esprit de compéti-
tion.
Quelques semaines après la déclaration Balfour, Sokolow reviendra
vers les Français pour leur réclamer une déclaration plus formelle encore.
Une approbation explicite qui irait strictement dans le même sens que la
déclaration britannique. Les juifs américains l'apprécieraient, assura Soko-
low à Stephen Pichon, le ministre français des Affaires étrangère, et cela
aiderait la France lors de la Conférence de Paix qui aura lieu à Paris en
février 1919. Pichon délivrera alors un avenant à la déclaration Cambon
qui sera publié le 10 février 1918 dans le journal Le Temps où il précise
«l'entente complète entre les gouvernements français et britannique en ce qui
concerne la question d'un établissement juif en Palestine». Mais Nahum Soko-
low et les sionistes ne seront pas satisfaits de cette phrase, bien en deçà du
«foyer national pour le peuple juif» mentionné dans la déclaration Balfour.
L'historien Martin Kramer assure que Sokolow aurait supplié Pichon pour
qu'il emploie cette expression. Quatre jours après, le 14 février, Stephen
Pichon finit par envoyer à Sokolow une lettre avec la bonne mention118 où
l'on peut lire :

«Monsieur,
Comme il a été convenu au cours de notre entretien le samedi 9 de ce mois, le
gouvernement de la République, en vue de préciser son attitude vis-à-vis des aspi-
rations sionistes, tendant à créer pour les Juifs de Palestine un Foyer national, a
publié un communiqué dans la presse [paru le 10 février 1918].
En vous communiquant ce texte, je saisis avec empressement l'occasion de vous
féliciter du généreux dévouement avec lequel vous poursuivez la réalisation des
vœux de vos coreligionnaires, et de vous remercier du zèle que vous apportez à leur
faire connaître les sentiments de sympathie que les efforts éveillent dans les pays
/'Entente et notamment en France 119 [ ••• ]. »

Les déclarations française et britannique permirent au mouvement


sioniste de persuader chaque gouvernement d'approuver ouvertement
l'idée d'un« foyer national pour le peuple juif» en Palestine. Le gouverne-
ment italien valida la déclaration Balfour le 9 mai 1918, suivi par le gouver-
nement des États-Unis le 31 août de la même année. Comme l'indiquent
les archives du ministère français des Affaires étrangères, les pourparlers
entre les sionistes et les puissances alliées se poursuivirent sans interrup-
tion pour obtenir l'ajout, dans le traité de Sèvres du mois d'août 1920,
d'une disposition (article 95) validant «l'exécution de la déclaration originel-
lement faite par le gouvernement britannique [déclaration Balfour] et adoptée

118. Ibidem
119. Déclaration Pichon dans les Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE) - La
Courneuve, Guerre 1914-1918, 1200.
130 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

par les autres puissances alliées, en faveur de l'établissement en Palestine d'un


foyer national pour le peuple juif».
L'accord de San Remo du 25 avril 1920 ayant désigné la France
comme mandataire pour la Syrie et la Grande-Bretagne pour la Palestine
et l'ensemble de la Mésopotamie, le consentement final des déclarations et
mandats précédemment signés eut lieu en juillet 1922 au Conseil de la So-
ciété des Nations, lequel décida l'entrée en vigueur des mandats français et
anglais120 • Les territoires concernés étaient de toute façon sous protectorat
des gouvernements militaires français et britannique depuis la fin de la
guerre.

3. Petits accords entre faux-amis : à la conquête du pétrole en Orient

Lorsque l'on visualise la carte officielle du Proche-Orient et ses nou-


velles frontières établies par le traité de Sèvres (août 1920), on constate
que la Grande-Bretagne tire profit des deux tiers de terres ayant précé-
demment appartenu à la Turquie. En effet, en 1919, Georges Clemenceau,
le président du Conseil français, concède à la Grande-Bretagne la cession
de Mossoul où se trouve une grande concession pétrolière. S'ajoutent à
cela, conformément à ce même traité, deux autres grosses concessions pé-
trolières au bénéfice de la Grande-Bretagne : l'une au sud de Kirkouk et
l'autre à l'ouest de Bassora. Bien avant le pillage du pétrole irakien par le
gouvernement américain dans les années 2000, la Grande-Bretagne avait
fait de même à la faveur de la guerre ...
Robert Laurent-Vibert, diplomate français, historien et industriel,
donne son avis sur le sujet dans ses notes de voyage rédigées en Orient
entre 1923-1924 : «Au point de vue des pétroles, puisqu'enfin il en faut bien
parler, la maîtrise de l'Angleterre sur le Chatt-el-Arab lui assurait la sécurité des
gisements de l'Anglo-Persian Oil Cy et nous avions, nous, non pas, comme on
l'a trop écrit, les pétroles de Mossoul, mais la possibilité d'avoir la haute main
sur les puits qui sont encore à percer et les usines qui sont à construire. Par une
aberration qu'explique seule l'ignorance, nous avons rétrocédé, à la paix, la région
de Mossoul à l'Angleterre et nous avons consenti au tracé d'une frontière absurde
qui s'enfonce, en coin, entre les Turcs et les Anglais, jusqu'à ne plus former qu'une
sorte de pointe effilée que nos officiers appellent le bec de canard. Mesurons la por-
tée de. pareils abandons. Posséder, en toute certitude, bien garantie par un traité
inattaquable, le droit de contrôle sur une terre riche en ressources, et qui nous
donne sans peine, la possibilité de parler haut et claire dans toutes les questions
d'Asie, avoir sur les flancs de notre empire méditerranéen une marche avec des
frontières naturelles, un accès sûr vers ce grand pays ami de la France, qu'est
la Perse, réaliser en somme le rêve qui hanta tous les empereurs de Rome, les
plus grands, les plus lucides, Trajan, Marc-Aurèle, Julien, posséder ce front de

120. Ministère des Affaires étrangères, Documents diplomatiques français, 1946, tome II (1" juillet
- 31 décembre), Berne, Éditions Peter Lang, 2004, p. 63.
LES ACCORDS SECRETS 131

['Euphrate et du Tigre, auxquels ils se heurtèrent en vain, et abandonner tout


cela d'un mot, sans raison valable! Qu'avons-nous obtenu en échange? Rien. Là
encore, les Anglais ont joué supérieurement leur partie. Tant pis pour nous 121 [les
Français]! »

ROYAUME
DU HEDJAZ

Mandat français @) Détroit stratégique


Mandat britannique Concession pétrolière
- (dont région de Mossoul) • accordée aux Occidentaux
111 Territoire restitué
à la Turquie en 1921
La Turquie en 1939
A Tension

Frontière de la "Grande Syrie" 1


250km
- conçue par les nationalistes
à la fin du x1x• siècle i
35. Carte du partage de l'Empire ottoman au Proche-Orient entre la France et la Grande-
Bretagne. Les Français détiennent les régions de la Syrie et du Liban, les Britanniques
obtenant l'Irak, la Transjordanie et la Palestine.© L'Histoire.fr

L'histoire est bien plus subtile et ses enjeux bien plus pragmatiques
qu'il n'y paraît. En décembre 1918, la France et la Grande-Bretagne se li-
vraient à un véritable marchandage sur le dos des Turcs. Nous l'avons
vu plus haut : deux ans plus tôt, suite aux accords secrets Sykes-Picot, les
deux puissances s'étaient déjà partagées les territoires de l'Empire otto-
man. La région de Mossoul, au nord de l'Irak actuel, était initialement pré-
121. Laurent-Vibert, Ce que j'ai vu en Orient, op. cit., p. 182-183.
132 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

vue pour la France. Mais le bruit courut que la région regorgeait de pétrole
et la Grande-Bretagne regretta très vite de ne pas avoir la main sur ce gise-
ment. Précisons que durant la Première Guerre mondiale, la France était
très en retard sur le sujet du pétrole contrairement aux États-Unis, à l' Alle-
magne et à la Grande-Bretagne. L'or noir joua un rôle fondamental lors
des batailles sur le terrain avec l'apparition des premiers aéroplanes et des
chars de combat «Mark!» et «Renault FT», auxquels on donna le nom de
tanks 122 («réservoirs»). À cette époque, 80 % du pétrole utilisé par les Alliés
provenait des Américains via Rockefeller. C'est justement leur pétrole qui
sauva Paris en 1916 et qui permit aux taxis de la Marne d'acheminer des
milliers de soldats vers le front. Le pétrole est aussi le grand responsable
de l'entrée en guerre des États-Unis en 1917, suite à la guerre maritime à
outrance déclenchée par les sous-marins allemands. C'est dès cette époque
que l'accès à l'or noir fournit les clés de la victoire.

Suite à la déclaration Balfour et à la décision de la Société des Nations


d'attribuer un mandat sur la Palestine au Royaume-Uni, la voie est toute
tracée pour le mouvement sioniste résolument décidé à accélérer l'arrivée
de nouveaux Halutzim, «pionniers», en Palestine. Pour Naeim Giladi, un
juif d'origine irakienne et ancien agent sioniste, les choses sont limpides :
«Arthur Balfour a envoyé sa célèbre lettre de 1917 à Lord Rothschild en échange
d'un soutien sioniste pendant la Première Guerre mondiale[ ... ]. Après la déclara-
tion Balfour, Ben Gourion a appelé à la formation de bataillons juifs pour libérer la
Palestine. Il s'est porté volontaire pour l'armée britannique et est devenu un soldat
dans la légion juive. Là, il a rencontré des volontaires du mouvement ouvrier en
Palestine et a commencé à préparer l'immigration juive de masse et la colonisation
pour la future époque où la Palestine serait libérée de la domination ottomane123• »
Parmi les peuples tout juste sortis de l'enfer et rescapés des tran-
chées, nul ne savait encore que la déclaration Balfour allait causer bientôt
des centaines de milliers d'autres morts au travers du conflit israélo-pales-
tinien ...

4. Comment les firmes et banques américaines ont contribué


à l'accession d'Hitler au pouvoir et soutenu le III• Reich

Entre 1923 et 1925, les gouvernements français et belge vont occu-


122. Appellation née d'un stratagème des Britanniques durant la Première Guerre mondiale.
Ceux-ci, qui étaient secrètement en train de mettre au point les premiers chars de combat
mécanisés de l'histoire, avaient donné à leur projet le nom de« tank» («réservoir» en français)
pour leurrer les services allemands de renseignement. Il s'agissait ainsi de faire passer cette
nouvelle arme pour de simples citernes d'eau - inoffensives - destinées au front. Les Anglais
ont de cette manière pu prendre les Allemands par surprise en 1916 en introduisant les
premiers blindés lourds (30 tonnes pour 8 mètres de long) lors de la bataille de la Somme.
Celle-ci se terminera d'ailleurs par un repli tactique des troupes allemandes. On a par la suite
conservé ce nom de« tank».
123. Giladi, Ben Gurion's Scandais, op. cit., p. 17 et 22.
LES ACCORDS SECRETS 133

per la vallée allemande de la Ruhr et ses sites industriels. Officiellement,


l'objectif est de se servir en charbon, fer et acier en dédommagement des
montants demandés à une Allemagne qui ne peut pas payer. Officieuse-
ment, il s'agit là d'une opération pour mettre les Allemands à genoux plus
encore. L'inflation en Allemagne est telle que les prix montent d'heure en
heure ...
Peu à peu, Wall Street va massivement aider l'Allemagne à se re-
construire dans les années 1920. Il faut savoir que le gouvernement améri-
cain n'est absolument pas d'accord avec l'occupation de territoires en Alle-
magne. Après la Première Guerre mondiale et le Traité de Versailles, les
plans Dawes et Young - censés aider l'Allemagne dans les réparations qui
lui sont demandées - offriront aux cartels allemands l'occasion d'émettre
aux États-Unis des emprunts lucratifs. Wall Street va ainsi prêter la qua-
si-totalité des milliards de marks que l'Allemagne doit payer en dédom-
magements après la Grande Guerre. Les financiers, industriels et hommes
d'affaires nord-américains vont largement subventionner un système de
cartels allemands ainsi qu'une aide financière et technique à la création de
la future Wehrmacht (nom donné à l'armée allemande de 1935 à 1945 pen-
dant le III• Reich d' Adolf Hitler). De son côté, la Standard Oil de Rockefel-
ler va donner la possibilité à l'Allemagne de créer son essence de synthèse
à partir du charbon et ainsi produire, dans les années 1940-donc en pleine
guerre - 85 % de son pétrole. La Standard Oil va pareillement fournir les
brevets du tétraéthyle de plomb entrant dans la fabrication de l'essence
des avions de l'armée allemande ... Durant le conflit de la Seconde Guerre
mondiale, la Standard Oil sera ainsi clairement accusée de trahison124•
Le plus important des cercles intérieurs nazis fut créé sur l'ordre
d'Hitler. Il fut d'abord connu sous le nom de Cercle de Keppler et plus tard
sous celui de Cercle des Amis d'Himmler. «À l'origine, le Cercle de Keppler
était un groupe d'hommes d'affaires allemands qui soutenaient l'ascension d'Hit-
ler vers le pouvoir, avant et pendant 1933. Au milieu des années 1930, ce cercle
passa sous l'influence et la protection d'Himmler, le chef des SS, et sous le contrôle
organisationnel du banquier de Cologne et entrepreneur nazi de premier plan, Kurt
von Schroder. Ce dernier, doit-il être rappelé, était à la tête de la J.H. Stein Bank
en Allemagne et était affilié à la J. Henry Schroder Banking Corporation de New
York. Cette banque était en relation étroite avec la Maison Rothschild de Londres.
Les dix plus gros holdings bancaires américains, lesquels possédaient tous des suc-
cursales à Londres, se trouvaient solidement entre les mains de certaines maisons
bancaires : J.P. Morgan Company, Brown Brothers Harriman, M.M. Warburg
& Co., Kuhn-Loeb et J. Henry Schroder. Toutes maintenaient d'étroites relations
avec la Maison Rothschild, principalement à travers le contrôle que celle-ci exerce
sur les marchés monétaires internationaux en manipulant le cours de l'or 125• »
La multinationale américaine ITT, spécialisée dans les télécommu-

124. Anthony C. Sutton, Wall Street et l'ascension de Hitler, Paris, Éditions Le Retour aux
Sources, 2012, p. 26-30.
125. Ibidem, p. 192 et note de bas de page.
134 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

nications, va également largement soutenir le régime nazi. En 1938, elle


va acquérir 28 % du capital du fabricant allemand de bombardiers Focke-
Wulf. En 1939, le ministère de !'Économie allemande obtiendra à ITT la
nationalité allemande pour qu'elle échappe aux mesures de séquestre qui
frappaient les biens étrangers. Le double jeu est tel qu'en 1967, soit près de
vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ITT obtiendra 27 mil-
lions de dollars du gouvernement américain à titre de compensation pour
les dommages subis par les usines Focke-Wulf, «propriété américaine»
bombardée par les Alliés126 •

En 1939, General Motors et Ford approvisionneront 70 % du mar-


ché allemand de voitures grâce à leurs filières allemandes. La firme Opel,
rattachée à General Motors depuis 1929, deviendra le fabricant le plus im-
portant de bombardiers Junkers Ju 88 pour l'armée allemande. Grâce à la
production massive d'avions de combat et de camions, General Motors, via
Opel, sera pleinement responsable des victoires d'Hitler dans sa «guerre
éclair» de 1939-1940. Les patrons de General Motors préféraient les dic-
tatures comme celle d'Hitler aux États démocratiques occidentaux dans
lesquels les syndicats avaient leurs mots à dire 127•
Pendant ce temps, General Motors participera tout de même à l' ef-
fort de guerre américain en fabriquant des avions et des chars d'assaut
pour les Alliés. L'entreprise américaine engendrera des bénéfices colos-
saux aux États-Unis grâce à une vague de commandes de matériel mili-
taire pour une valeur de 13,4 milliards de dollars. Le milliardaire américain
Henry Ford, un antisémite notoire qui accusait les juifs d'avoir déclenché
la Grande Guerre, achètera un hebdomadaire - le Dearborn lndependant -
qui lui fournira une tribune contre «les banquiers cupides de Wall Street»
et «la juiverie internationale: un des problèmes du monde». En 1938, lors
d'une interview au New York Times, il dira:«[ ... ] si ces financiers étaient par-
venus à leurs fins, nous serions maintenant en guerre. Ils veulent la guerre parce
que dans ces conflits, ils gagnent del'argent - sur la misère humaine qu'apportent
les guerres 128• »

126. Anthony Samson, IIT, l'État souverain, Paris, Alain moreau, 1973, p. 46-47
127. Edwin Black, Nazi Nexus: America's Corporate Connections to Hitler's Holocaust, Washington,
DC, Dialog Press, 2009, p. 115.
128. New York Times du 4 juin 1938, p. 2.
LES ACCORDS SECRETS 135

36. Chaîne de production du chasseur-bombardier Focke-Wulf 190 à Bremen (Allemagne) en


1941. Sans l'apport financier de la multinationale américaine ITI, il aurait été impossible d'en
construire 20000 exemplaires sortis des usines en pleine Guerre mondiale. Domaine public

Toujours en 1938, Ford ouvrira près de Berlin une usine d'assem-


blage de véhicules de transport de troupes. Avec Opel, devenue une filiale
de General Motors, Ford produira près de 90 % des semi-chenillés alle-
mands de 3 tonnes et 70 % des camions lourds et de moyen tonnage de
l'armée allemande. De son côté, la société américaine IBM achètera la so-
ciété allemande Dehomag en 1924. À elle seule, Dehomag va réaliser plus
de la moitié du chiffre d'affaires des soixante-dix filiales d'IBM. Contrôlant
90 % du marché mondial des machines à cartes perforée, les bureaucrates
allemands vont tirer parti de cette association pour trier juifs et non juifs
dans le Reich d'Hitler. En 1941, sentant le vent tourner, IBM va créer aux
États-Unis des canons de 20 mm, des fusils automatiques, des appareils de
visées pour la DCA ... tout en continuant de percevoir les énormes béné-
fices de ses usines allemandes! Les firmes US auront investi près de 8 mil-
liards de dollars de l'époque en Allemagne129, soit près de 125 milliards de
dollars d'aujourd'hui.

129. Pierre Abramovici, historien, «Hitler financé par les firmes US», Historia, n° 669,
septembre 2002, p. 40-44.
136 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

37. Chaîne d'assemblage des


bombardiers Junkers /u 88 à
Brandebourg, près de Berlin en
juin 1941. La firme américaine
General Motors aura pleinement
contribué à financer les
14676 appareils produits entre
1936 et 1945 via sa filiale Ope!.
Le Ju 88 fut utilisé de manière
intensive au-dessus de la France,
de la Belgique, du Royaume-
Uni, des Balkans et de l'Union
soviétique. Cet appareil est
responsable de la mort de milliers
de soldats et de civils grâce au
financement de General Motors.
Fin 1939, la valeur d'Opel aura
dépassé les 86 millions de dollars,
soit près du double de son
investissement de départ payé dix
ans plus tôt par General Motors.
Bundesarchiv, Bild 146-1980-122-
26 / Seiler / CC-DY-SA 3.0

Le complexe allemand IG Farben, la plus grande entreprise


chimique du monde, sera créé en 1925 grâce à des capitaux provenant de
Wall Street. Parmi les banquiers allemands du conseil d'administration
de Farben se trouvaient le banquier de Hambourg Max Warburg, dont le
frère Paul avait élaboré le système de Réserve fédérale aux États-Unis. Ce
même Paul Warburg siégeait également au conseil d'administration de
la filiale américaine d'IG Farben, détenue intégralement par des intérêts
nord-américains. Les directeurs de Farben aidèrent matériellement Hitler
et son régime à accéder au pouvoir en 1933: IG Farben avait contribué à
hauteur de 400000 marks à la caisse noire politique d'Hitler. C'est cette
caisse noire qui finança la prise de contrôle d'Hitler en mars 1933 en lui
donnant un pouvoir législatif exclusif. L'enquête approfondie sur le plus
important produit militaire qu'est le plomb tétraéthyle implique directe-
ment plusieurs entrepreneurs américains dont la Standard Oil de Rocke-
feller en première ligne 130 •
General Electric est depuis longtemps l'une des plus grandes en-
treprises industrielles américaines du monde. La famille du président
américain Franklin D. Roosevelt était à l'époque l'un de ses gros action-
naires. Plusieurs administrateurs de General Electric étaient impliqués
130. Sutton, Wall Street et l'ascension de Hitler, op. cit., p. 44-51.
LES ACCORDS SECRETS 137

dans le développement de l'Union soviétique, le programme du New Deal


de Franklin D. Roosevelt (instauré entre 1934 et 1938 pour lutter contre la
Grande Dépression aux États-Unis) et aussi dans la montée de l'hitlérisme.
En 1929, General Electric avait pris une participation de 25 % dans AEG,
l'entreprise d'électricité générale d'Allemagne. Un an après, sa participa-
tion était déjà de 30 %. En 1930, quatre hommes de General Electric (Owen
D. Young, Clark H. Minor, Gerard Swope et E. H. Baldwin) furent élus au
conseil d'administration d' AEG; tout était fait à l'époque pour que l'in-
dustrie électrique mondiale soit sous le contrôle de Wall Street. AEG était
l'un des fournisseurs de fonds de premier plan dans l'ascension d'Hitler
vers le pouvoir en Allemagne en 1933. Un récépissé de transfert bancaire
d' AEG, daté du 2 mars 1933, demande que 60000 reichsmarks soient dépo-
sés sur le compte de la National Treuhand à l'usage d'Hitler131 •••

Pour conclure, nous comprenons que les financiers d'Hitler n'étaient


pas des sociétés purement d'origine allemande. Il s'agissait en majorité
de sociétés multinationales allemandes - comme, par exemple, IG Farben
et AEG - qui s'étaient développées grâce à des prêts américains entre les
années 1920 et 1930, lesquelles comptaient des administrateurs améri-
cains dans leurs conseils d'administration, tout en bénéficiant d'une très
importante participation financière. Nous comprenons qu'il existait à la
fois des passerelles d'affaires et individuelles entre l'Amérique de Fran-
klin D. Roosevelt et l'Allemagne d'Hitler.« La première passerelle représentait
American IG Farben, la filiale américaine d'IG Farben, la plus grande entreprise
allemande. Au conseil d'administration d'IG Farben siégeait Paul Warburg de la
Bank of Manhattan et de la Banque de Réserve fédérale de New York. La deuxième
passerelle reliait International General Electric, une filiale détenue à 100 % par
General Electric Company, à sa filiale allemande, AEG, qu'elle détenait en partie.
Gerard Swope, qui élabora le New Deal de Franklin D. Roosevelt, était le président
d'international General Electric (IGE) et siégeait au conseil d'administration
d'AEG. La troisième «passerelle» reliait la Standard Oil et Vacuum Oil à leur
filiale allemande détenue à 100%, Deutsche-Amerikanische Gesellshaft. Walter
Teagle, de la Banque de Réserve fédérale de New York, était le président de Stan-
dard Oil of New Jersey. Administrateur de la fondation Georgia Warm Springs de
Franklin D. Roosevelt, il fut nommé par [ce dernier] à un poste administratif clé
dans l'administration du Redressement national. Ces grandes entreprises étaient
profondément impliquées, à la fois dans la promotion du New Deal de Roosevelt et
dans la construction de la puissance militaire de l'Allemagne nazie132 • »

Dans chaque conflit interviennent systématiquement des principes


de propagande de guerre. Aucun État ne pourra évidemment dire qu'il
fait la guerre pour le pétrole, le gaz, l'argent, etc. Il faut donc travailler
l'opinion publique grâce à cette propagande. Pour cela, nous explique le

131. Ibidem, p. 73, 78, 83.


132. Ibidem, p. 154, 188.
138 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

journaliste Michel Collon, il existe cinq grands principes de propagande


de guerre : 1) Cacher les véritables intérêts; 2) dissimuler ou déformer
}'Histoire; 3) diaboliser l'adversaire; 4) se présenter comme défenseur des
victimes; et 5) monopoliser le débat et empêcher de diffuser les opinions
adverses.
La guerre propre, de nature «philanthropique» et humanitaire,
n'existe pas : celle-ci implique toujours des intérêts financiers et des inté-
rêts dissimulés pour des matières premières 133 • La machine de propagande
est là pour déformer la vérité et }'Histoire. C'est ce que nous avons large-
ment exposé dans cette partie.

133. Interview de Michel Collon (journaliste indépendant, spécialisé dans les stratégies de
guerre) par Frédéric Taddeï dans l'émission française «Ce soir ou jamais!» du vendredi
6 septembre 2013 sur France 2.
3e PARTIE

LES AGENTS DE L'APOCALYPSE


1
Sur les traces de Zecharia Sitchin
et de ses futurs associés
entre 1912 et 1945

1. Isaac Charchat, l'agent venu du froid

Dans son ouvrage autobiographique publié en 1984 et intitulé A


Constant Reminder, Isaac Charchat retrace son enfance jusqu'à l'âge adulte
où il devient agent sioniste pour le compte del' Association sioniste d' Alle-
magne qui deviendra plus tard l' Agence juive pour la Palestine à Berlin.
Bien que décrit comme un «roman autobiographique basé sur des faits réels
et historiques», le récit de Charchat reprend point par point sa véritable
histoire, tout du moins celle qu'il a bien voulu rendre publique. Dans son
livre, Isaac Charchat se nomme «Benjamin Isaacson», mais pour plus de
simplicité, nous l'appellerons par son véritable nom. Nous garderons le
prénom d' Anschel donné à son père dans l'ouvrage.
L'abondante utilisation de pseudonymes dans le livre de Charchat
est indéniable. Rappelons que lui-même se nomme Benjamin et plus sou-
vent Ben dans son ouvrage autobiographique, très probablement en rap-
port avec Ben Gourion, le grand leader sioniste de la communauté juive
de Palestine lors du mandat britannique, puis du futur État d'Israël. Nous
verrons plus loin que l'emploi de noms codés sera amplement utilisé par
Isaac Charchat, notamment lors d'une mission ultra-secrète avec le gou-
vernement des États-Unis en 1945.

Isaac Charchat est le fils d'un riche homme d'affaires d'origine sué-
doise et de confession juive. Le 22 juillet 1912, le jeune Isaac est agressé
au château des Windsor à Londres. L'excursion fut l'idée de Gerald Bass,
142 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

directeur du prestigieux hôtel Savoy de Londres dans lequel réside la


famille Charchat, au cœur d'une suite aussi spacieuse que luxueuse. Le
Savoy offre aux familles richissimes le luxe et le niveau de service que l'on
trouve outre-Atlantique. L'hôtel entier est éclairé à l'électricité depuis la fin
des années 1800, une première en Europe. Cette suite est une prison pour
le petit Isaac âgé de huit ans134 • Le père d'Isaac possède un chauffeur et une
Ford modèle T, un modèle introuvable en Europe ainsi qu'en Suède, patrie
de la famille Charchat135, un élément qui témoigne lui aussi du niveau de
vie élevé de cette famille.

38. Une Ford modèle T


garée devant la biblio-
thèque de Geelong lors
de son lancement en
Australie, en 1915.
Domaine public

Isaac étudie à la prestigieuse école d'Eton. Il parle le suédois et l' alle-


mand, et un peu le yiddish grâce à sa grand-mère. Le jeune garçon trouve
l'anglais difficile. Un jour à la sortie de l'école, un camarade, un peu plus
âgé que lui, l'agresse dès qu'il apprend ses origines et tente de lui retirer son
costume de l'école devant le regard médusé de sa gouvernante. De retour à
l'hôtel, Isaac dit à son père : «Papa, that boy said I was a dirty f ew. Why should
he say that? Doesn't he realize that we are God's chosen people?» («Papa, ce gar-
çon a dit que j'étais un sale juif. Pourquoi a-t-il dit cela? Ne sait-il pas que
nous sommes le peuple choisi par Dieu?»). Le jeune Isaac poursuit en évo-
quant le fait de devoir prévenir le roi George. Son père Anschel lui répond
que le roi d'Angleterre ne sera pas intéressé, mais de retour en Suède, le roi
Gustav, lui, le serait et qu'ils iraient le voir le moment venu. Isaac Charchat
poursuit sa réflexion; ses parents savaient ainsi qu'un incident de ce genre

134. Neuf ans dans le livre, Isaac Charchat aurait volontairement changé d'un an l'âge du
personnage qui incarne son propre rôle. Il est à noter que certains documents lui donnent
1903 comme année de naissance alors que d'autres mentionnent 1904 ...
135. Isaac Charchat, A Constant Reminder, New York, Shengold Publishers, Inc, 1984, p 3-4.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 143

surviendrait fatalement un jour et que leurs enfants seraient obligés d' ap-
prendre la pénible vérité : peu de gens considèrent les juifs comi;ne étant
le peuple choisi par Dieu! Les parents d'Isaac tentent alors d'expliquer
calmement à leur fils ce qu'est l'antisémitisme et le fait, pour un juif, de
vivre dans un monde chrétien. Il y a quelques années, précise le père, plus
d'un quart de million de réfugiés juifs de l'Europe de l'Est furent obligés
de venir en Angleterre. Ils ne sont pas comme les Anglais ou même comme
les juifs anglais. Ils sont différents. Ils s'accrochent aux traditions du vieux
pays et se regroupent dans les mêmes quartiers. Ils parlent mal l'anglais
ou pas du tout, ils semblent donc étranges et étrangers. Beaucoup d'entre
eux sont de simples couturiers, cordonniers ou des fabricants de meubles
contraints de fuir pour sauver leur vie à cause des Russes. Maintenant il
y a beaucoup de personnes en Angleterre qui n'ont plus de travail parce
que les temps sont devenus durs. Ils blâment les réfugiés en disant que les
juifs ont pris leur travail. Bien que cela soit faux, les gens cherchent tou-
jours un bouc émissaire lorsque les temps sont difficiles ... La mère d'Isaac
intervient alors pour dire à son fils qu'il est pour lui préférable d'accepter
ce genre de situation sans intervenir, et sans avoir à se battre ou riposter.
Cependant, le père ne le voit pas de la même façon et explique à Isaac qu'il
a bien fait de riposter, car si les gens peuvent le maltraiter une fois, ils le
referont certainement1 36 •

La famille Charchat voyage beaucoup en raison de la profession -


non détaillée - du père de famille qui travaille dans l'industrie, c'est un
riche homme d'affaires intéressé par le milieu de l'automobile. Les affaires
conditionnent généralement les nombreux déplacements de la famille.
À la faveur de ses déplacements dans différents pays européens, le père
Charchat en profite à chaque fois pour signer de nouveaux contrats. Le
personnage avait rêvé d'immigrer en Palestine, mais il aurait fallu qu~il le
fasse avant de rencontrer sa femme et de fonder une famille.
Les Charchat se déplacent à Paris et à Rome à l'été 1913. L'été qui
suivra sera consacré à Saint-Pétersbourg. Alors qu'ils sont là-bas, Anschel
informe sa famille qu'il doit absolument se rendre en Suède pour affaire
alors que la guerre vient d'éclater. Son frère et lui, soutenus par un groupe
d'amis influents, ont contacté Henry Ford pour obtenir une licence dans
l'objectif de commercialiser le modèle T dans différents pays d'Europe.
Mais Henry Ford a rejeté cette offre 137•
De Suède où il travaille, Anschel expédie hâtivement sa famille
en exil à Dorpat (Tartu), en Estonie, en vue de la protéger contre l' antisé-
mitisme rampant qui règne dans toute l'Europe. La famille bénéficie du
confort moderne en dépit du fait qu'elle vit dans un ghetto. Les Charchat
sont constamment victimes de tentatives d'intimidation et d'agressions
émanant de diverses communautés, particulièrement des chrétiens et des

136. Ibidem, p. 9-14.


137. Ibidem, p. 19-21.
144 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

communistes. En 1916, Anschel parviendra à retrouver sa famille en lais-


sant la gestion de ses affaires à son frère. Il aura fait la route entre la Suède
et l'Estonie dans des conditions précaires comme immigré illégal avec de
faux papiers, voyageant de nuit - à pieds dans la neige et le froid. Lors de
sa désastreuse expédition, il contractera une tuberculose fatale qui aura
raison de lui quelques années plus tard. Son fils Isaac sera sa vie durant
torturé par le remords, car c'est lui qui avait demandé à son père d'être
présent pour sa Bar-mitsvah, le rite de passage célébrant la majorité dans
le contexte de la religion juive. Lors des années précédant son décès, An-
schel et son fils échangeront abondamment avec enthousiasme sur le fait
de prendre part au projet de colonisation menant à un futur État d'Israël :
« Lekh Lekha », («va pour toi»), lui répétera sans cesse son père, un leitmotiv
sous-entendant «à l'an prochain en Israël1 38 ».

Après le décès d' Anschel, les ambitions sionistes d'Isaac sont réfré-
nées par ses proches qui n'apportent que peu de crédit à ce projet. Néan-
moins, poussé par ses convictions personnelles, et pour continuer d'ho-
norer la mémoire de son père, Isaac s'investit toujours dans des projets
sionistes, notamment en créant dans son université, à Dorpat, un groupe
d'étude sioniste baptisé la Zionist Society. Probablement en réponse à la
formation de ce groupe d'étude et d'influence, le parti communiste dépê-
chera l'un de ses agents pour infiltrer le ghetto juif de Dorpat. Une mise
en scène sera orchestrée par l'agent en question aux fins de discréditer la
communauté juive orthodoxe et à terme, de déclencher un pogrom139 •
Isaac Charchat est un idéaliste qui ne comprend pas encore les
implications pratiques et politiques du programme sioniste pour un État
d'Israël. Par la suite, il concrétise son projet de départ et d'établissement en
Palestine en reprenant les affaires familiales initialement menées par son
père, réclamant ainsi sa part d'héritage à son oncle paternel comme le veut
la tradition. Isaac rapporte régulièrement les liens financiers et politiques
qui unissent Ford et Hitler. Il s'agit, selon lui, d'une sinistre conspiration
ourdie par Henry Ford et Adolf Hitler, conspiration qui aurait pour finalité
de hisser la bannière du fascisme des deux côtés de l'Atlantique.
Dans le but d'enquêter plus avant pour établir précisément ce qui
relie Hitler et Ford, Isaac Charchat est dépêché en décembre 1924 à Ber-
lin par le mouvement sioniste afin d'y infiltrer le quartier général nazi. Il
s'introduit alors dans une école de formation nazie en se faisant passer
pour un étudiant. Il reconnaît dans cette école un visage familier, celui
d'Henry Ford! Il se trouve toujours à Berlin au moment où un homme po-
litique bavarois assez peu connu du nom d' Adolf Hitler sort de la prison
de Landsberg en Bavière, un an seulement après y avoir été condamné
à cinq ans d'emprisonnement. L'homme en question emporte avec lui
deux de ses biens les plus précieux : un manuscrit approximatif de Mein

138. Ibidem, p. 27-60.


139. Ibidem, p. 79 et p. 85.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 145

Kampf et un ensemble de livres en quatre volumes intitulé Le juif éternel,


le traité d'Henry Ford sur ce qu'il appelait «la conspiration juive inter-
nationale140 ». Charchat ajoute : «Si nous devions choisir un jour pour affir-
mer 'C'est le jour où l'Holocauste a commencé', ce serait en décembre 1924, le
20 pour être exact, le jour où Adolf Hitler est sorti de la prison de Landsberg
après n'y avoir purgé qu'un an sur une peine de cinq années. À cette époque,
l'Allemagne était en ruine, humiliée, et son économie en faillite. Massacrées par
le traité de Versailles, ses frontières sont débordées par des millions de réfugiés
venus d'Orient, dont la plupart sont juifs. [... ] Obsédé par la croyance selon
laquelle la communauté juive internationale conspirait pour dominer la Terre,
Ford a utilisé son immense richesse et son influence pour diffuser cette conviction
à travers le monde; Adolf Hitler était son élève et admirateur le plus fervent. En
fait, l'année où Hitler fut confortablement enfermé à Landsberg a juste été assez
longue pour qu'il compile les théories raciales d'Henry Ford dans son propre livre
- Mein Kampf. Henry Ford avait défini 'Le problème' : Adolf Hitler fournirait
'La solution finale' 141 • »

La mission de Charchat aboutit en janvier 1925, alors qu'il est tou-


jours sur place à Berlin : l'arrivée d'Hitler au pouvoir semble désormais
inéducable et ses agissements antisémites sont sous la surveillance de
l'Anti-Defamation League («Ligue contre la diffamation») des États-Unis.
Charchat comprend alors avec horreur que des centaines de milliers de ré-
fugiés juifs d'Europe de l'Est sont littéralement pris au piège en Allemagne.
L'Amérique a scellé ses frontières et les Britanniques ont fortement limité
l'accès à Palestine par l'intermédiaire du Livre blanc de Winston Churchill.
Personne ne s'intéresse à leur sort à l'exception des membres du parti nazi.
Ces derniers ont découvert une puissante arme politique : l'antisémitisme.
Suite à l'agression de sa fiancée Bluma, grièvement blessée en pleine rue
à Berlin par un sympathisant nazi, Isaac dit qu'il veut réaliser le rêve de
son père et être présent lors de l'inauguration de l'Université hébraïque de
Jérusalem prévue début avril 1925. Exfiltré, Isaac quitte alors Berlin pour
regagner la capitale allemande quelques jours plus tard. Se jouera ici un
événement révélateur des renseignements collectés par Isaac au quartier
général nazi : un de ses amis juifs orthodoxes se voit entraîné dans une
aventure sensuelle avec une prostituée et danseuse de cabaret. Isaac Char-
chat expose à son ami le plan selon lequel les nazis orchestrent le discrédit
des juifs orthodoxes en payant ce type de femmes pour qu'elles se pressent
à leur côté en public de manière à les compromettre et les discréditer. Cette
manœuvre ingénieuse n'est là que pour monter les juifs allemands contre
les juifs de l'Est. Le caractère invraisemblable de ces stratégies nazies fait
qu'Isaac se heurte à l'incrédulité de ses pairs. C'est pourtant là une mé-
thode très proche des célébrissimes opérations de Kompromat pratiquées
par l'URSS. Isaac rapporte l'ensemble de ses découvertes aux membres de

140. Isaac Charchat in The Evening Sun (Baltimore, Maryland) du 22 août 1984, p. 18.
141. Charchat, A Constant Reminder, op. cit., prologue du livre, p. V & VI.
146 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

l' Association sioniste d'Allemagne, basée au numéro 10 de la Meinekstrafle


à Berlin 142 • C'est là, dès 1929, que siégera l' Agence juive pour la Palestine.
L'association vise à encourager les juifs à émigrer en Palestine. Le
régime national-socialiste fait de plus en plus pression sur la communauté
juive en la soumettant à la terreur physique et en l'excluant de certaines
professions. Tout cela est fait pour exclure le peuple juif du territoire du
Reich et l'obliger à émigrer en Palestine. Bien que dramatique, cette situa-
tion est une aubaine pour un mouvement sioniste qui remue ciel et terre
pour peupler son Eretz Yisrael, la «Terre d'Israël».

En février 1925, Isaac Charchat va à nouveau être sollicité par l'or-


ganisation sioniste pour adopter l'identité d'un capitaine de navire - le
«capitaine Landsdorf» - sa mission étant d'évacuer vers la Palestine près
de six cents Ostjuden («juifs de l'Est») chassés par les pogroms. Ces juifs
de l'Est sont venus à pieds jusqu'à Berlin au prix de mille efforts. Dans le
meilleur des cas, il leur est possible de prendre le train de Berlin jusqu'à
Marseille - les moins chanceux devront se rendre à pied jusqu'en Alle-
magne. Leur objectif est de pouvoirs' exiler loin du fascisme et du commu-
nisme qui persécutent les communautés juives et religieuses en général.
En effet, totalement dépossédés, livrés à eux-mêmes, ces gens n'ont d'autre
choix que de s'exiler «là où le vent les porte». La Palestine semble la meil-
leure solution : de Berlin partent des lignes de train directes pour Mar-
seille et son port, gage de départ vers «la Terre Promise». Tout est fait à
Berlin pour les inciter à partir là-bas. Entraide et ruse contribuent à ce que
les réfugiés puissent entamer cet ultime périple, car peu d'entre eux pos-
sèdent des papiers et de l'argent pour voyager. L' Anhalter Bahnhof est l'une
des principales gares de Berlin, elle assure les liaisons ferroviaires vers la
France, l'Italie et l'empire austro-hongrois. De l' Anhalter Bahnhof de Berlin
à Marseille, le «capitaine Landsdorf » guide les juifs de l'Est dans leur exil
plus ou moins consenti en Palestine. Avec la complicité d'une espionne
sioniste du nom de Zelda, Isaac assure le transport de ses protégés de Mar-
seille vers la Palestine à bord du SS Asia 143 • Zelda voyage de son côté avec
Mendele, son fils de cinq ans.
Lancé en 1907 sous le nom de SS Alice pour la compagnie austro-
hongroise Cosulich Line Trieste puis rebaptisé SS Asia lors de son achat par
la Compagnie Fabre (Fabre Line), le navire de 6000 tonnes de Charchat pos-
sède toutes les qualités pour transporter plusieurs centaines de personnes.
La Fabre Line possède dix-sept paquebots à vapeur, tous au départ de Mar-
seille, à destination d'Oran en Algérie, de New York, de la Syrie et de La
Plata en Argentine. Il lui arrive souvent d'effectuer des voyages spéciaux
tel le transport de pèlerins musulmans d'Afrique vers les lieux saints de
l'Islam ou bien l'acheminement d'immigrants juifs en Palestine.

142. Ibidem, p. 179-190 et p. 227-229.


143. Ibidem, p. 270-311.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 147

39. Carte postale promotionnelle de la Compagnie Fabre où l'on voit le SS Asia.

Mais reprenons le fil de notre histoire : Dora, une autre espionne


sioniste, organisera avec Zelda et Isaac l'entrée de leurs immigrants illé-
gaux en Palestine. Dora expliquera qu'il était autrefois aisé d'amener les
arrivants sur les rives de la Palestine simplement en leur faisant atteindre
le rivage avec le concours de bateaux de pêche ou en leur faisant gagner
la plage à la nage. Désormais, les autorités britanniques en charge du
contrôle du passage des frontières ont doublé leurs patrouilles. L'équipage
dispose d'une semaine pour régler le problème épineux des visas destinés
à quelque six cents immigrants illégaux. Dora décide alors de prétendre
que les personnes ayant des noms de famille similaires appartiennent à la
même famille, recomposant ainsi arbitrairement des groupes d'immigrés
répondant à une clause de regroupement familial1 44 • Le SS Asia poursuit
son chemin, mais à chaque étape, les troupes britanniques s'opposent aux
immigrants, bien résolues à ce qu'ils n'atteignent jamais la «Terre pro-
mise».
Isaac Charchat lutte pour garder son groupe uni alors que cultures
et traditions se heurtent aux réalités du nouveau siècle. Découragé par
l'impressionnante tâche qu'il a acceptée et les obstacles qu'il doit surmon-
ter, l'idéalisme sans compromis d'Isaac se voit progressivement mis au pas
par les patience stoïque et foi déterminée des immigrants illégaux. Une
mise en abîme est rendue possible par la réalisation de pièces de théâtre
qu'Isaac fait jouer aux passagers. Cela lui fera dire : «C'était des gens ordi-
naires, ils se mettaient en scène eux-mêmes. L'audience partageait leur solitude et
144. Ibidem, p. 355-356.
148 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

les problèmes auxquels ils faisaient face, sachant que leur propre vie ne différait
pas tant que ça de cette pièce de théâtre.» Il y a fort à parier que c'est Isaac
Charchat lui-même qui s'adresse ici aux lecteurs de son autobiographie.
À bien des égards, l'ouvrage rappelle le percutant roman français d'Hervé
Bazin, Vipère au poing.

Un détour malheureux provoquera la panique parmi les passagers


forcés d'accoster en Égypte pour hospitaliser l'un des membres de l'équi-
page. Le SS Asia doit jeter l'ancre à Alexandrie. À cette occasion, Isaac est
violemment confronté à un Rabin qui l'accuse d'être un traître, le soupçon-
nant de travailler pour les communistes ou les fascistes, lesquels financent
régulièrement des passeurs pour éconduire des bateaux de réfugiés.
Au cours d'un aveu fait à Isaac, Dora fait état de ses trois ans et demi
d'activité en qualité d'espionne: elle ne sera parvenue à recruter que trois
individus, Isaac y compris. Pour endosser ce rôle d'agent sioniste, il est
nécessaire de «Combiner suffisamment de talents», mais également suffisam-
ment d'aptitudes d'arnaqueur ou d'escroc («con man») afin de venir à bout
des obstacles auxquels les sionistes doivent faire face 145 •
Lors de ce séjour en Égypte, Isaac découvre des affinités entre Égyp-
tiens et immigrés juifs. Ces comunautés ont toutes deux un ennemi com-
mun : les Britanniques et leurs sympathisants. Cet arrangement entre le
gouvernement juif informel de Palestine (Sochnut) et les Egyptians freedom
fighters («Combattants égyptiens pour la liberté») permet ainsi de percer
l'inexpugnable blocus naval britannique pour faire entrer les émigrants en
Palestine. Nous verrons plus loin que Charchat aura créé tout un réseau
entre l'Égypte et la France grâce auquel il pourra démultiplier l'immigra-
tion clandestine de juifs égyptiens vers le futur État d'Israël. Se mêlant aux
passagers, Isaac Charchat - alors âgé de 2t ans - gagne lui aussi la «Terre
promise», accomplissant de cette manière le rêve de son père. Le SS Asia
accoste à Tel-Aviv où Isaac laissera près d'une cinquantaine de familles.
Après un mois d'opérations, le SS Asia aura réalisé un profit de 50 livres
sterling : son commandant est ainsi satisfait. Son expérience à bord du
navire le persuade qu'avec de l'ingéniosité et un travail acharné, tout est
possible, tout restant à faire en Palestine 146 •
Isaac Charchat sera bien à Jérusalem le ter avril t925 pour l'inau-
guration de l'Université hébraïque par Lord Balfour sur le Mont Scopus.
Albert Einstein s'était trouvé là le 24 juillet t 918 lors de la pose de la pre-
mière pierre. Ce lieu fut choisi symboliquement, car c'était l'endroit même
où le romain Titus avait établi son camp lors du siège de Jérusalem, entre
mars et septembre de l'année 70 de notre ère.
Le ter avril t925, une foule immense se rassemble, un même enthou-
siasme reliant des militants sionistes de premier plan, des intellectuels, des
artistes, des officiels arabes, les autorités britanniques et le grand public,

145. Ibidem, p. 388.


146. Ibidem, p. 423-433.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 149

au total 20000 personnes, soit 10 % de la population locale, alors qu'il y a


peu de routes et quasiment pas de voitures 147 •

40. Inauguration de
l'université hébraïque
de Jérusalem au
mont Scopus, le
1" avril 1925, devant
20 000 personnes.
Domaine public

2. Tel-Aviv, la Levant Fair et la progression


du futur agent Zecharia Sitchin

«Les colonies juives ne se soutiennent que par l'apport d'argent étranger. La terre n'est
pas assez riche pour qu'on puisse y Jaire de l'argent, et elle ne saurait rémunérer
un capital. Les colons ne vivent que parce que le sol ne leur coûte rien 148• »
Robert Laurent-Vibert,
Ce que j'ai vu en Orient, 1923-1924

Depuis sa création officielle en 1909 grâce au rachat de terres aux


Bédouins de Jaffa, la ville de Tel-Aviv n'a cessé de se développer au fil des
147. Nicole Perez in The /erusalem Post du 14 janvier 2014.
148. Laurent-Vibert, Ce que j'ai vu en Orient, op. cit., p. 64-65.
150 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

décennies. La ville porte le nom de la localité où le prophète Ezéchiel fut


déporté en Babylonie sur le canal Kebar, près de Nippur. Les pionniers
sionistes ont l'ambition de créer davantage un État hébreu que juif; ils
souhaitent développer la ville comme une plateforme commerciale incon-
tournable, comme le centre de la culture hébraïque d'hier et de la culture
israélienne de demain. Dans les années 1920, Tel-Aviv donne le jour à un
ensemble de bâtiments modernes de jardins implantés au milieu de rues
aérées. Les sionistes voient Tel-Aviv comme le futur centre économique et
financier du pays.
Selon un recensement réalisé par les Britanniques, Tel-Aviv passe
de 2000 individus en 1920 à plus de 15000 habitants en 1922. Les sionistes
souhaitent ainsi se démarquer des villes arabes aux petites rues étroites.
En 1923, Tel-Aviv est la première ville de Palestine câblée à l'électricité. La
cité-jardin s'offre rapidement les premières écoles hébraïques, des centres
culturels, de nombreux journaux, un théâtre, des lycées, une université, un
opéra ...

À cette époque, il n'y a qu'une monnaie, la livre égyptienne, sous


le prétexte que les Britanniques n'ont pas eu le temps de faire imprimer
une monnaie palestinienne. La livre palestinienne ne sera établie officielle-
ment qu'en 1927 à partir de la livre sterling qui lui servira d'ancrage 149 • La
déclaration Balfour ouvre la voie à des milliers d' Halutzim («pionniers»)
venus de toute l'Europe. Robert Laurent-Vibert nous donne encore son
point de vue lors de son voyage en Palestine entre 1923 et 1924 : « Venus
tous de l'Europe centrale et orientale, tous des intellectuels, étudiants en droit
et médecine, en lettres, en sciences, ils font, de leurs mains, la dure besogne de
manier les moellons, les briques, les tuiles, les poutres, ils construisent la cité de
Dieu, la cité d'Israël, composant, dans le mouvement de leur âme et de leur vie, les
impulsions mystiques d'un messianisme millénaire et celles d'une croyance laïque
au Progrès. Ils vivent là, sous le soleil de Yahvé, qui ne leur est guère clément, tra-
vaillant pour leurs frères, plus incultes, plus grossiers, qui entendent, en arrivant
en Judée, trouver la maison prête. Les meilleurs donnent l'exemple du sacrifice;
et sans doute ce sacrifice paraît absurde, car vouloir fonder une société nouvelle
en faisant maçons des médecins, et gâcheurs de plâtre des avocats ne paraît pas
une division du travail raisonnable. Une société qui s'édifie ainsi semble le comble
de la déraison. Mais qui peut mesurer la valeur d'un sacrifice 150 ?[ ... ] Les minis-
tères, dirigés par les Anglais, admettent, comme fonctionnaires, des Palestiniens,
et naturellement les juifs, d'ailleurs instruits et de caractère intrigant, ont pris les
meilleures places, reléguant au second plan les chrétiens et les arabes. Mais tout
de même les Juifs n'occupent que des positions subalternes, et l'Administration
de la Palestine est, d'esprit et de fait, anglaise. [... ] Les juifs de Palestine forment

149. Taher Al-Labadi, «De la dépossession à l'intégration économique - Économie politique


du colonialisme en Palestine», Thèse de Doctorat en Sciences économiques, Paris, Université
Paris-Dauphine, 2015, p. 120-121.
150. Laurent-Vibert, Ce que j'ai vu en Orient, op. cit., p. 56-57.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 151

donc un État dans l'État, avec des Chefs, un petit Parlement, et des ministères
(éducation, immigration, commerce) qui doublent exactement les Départements
anglais, avec la pensée de se substituer à eux. D'autre part, il fallait songer à don-
ner à ces Juifs un statut légal international. La Palestine, pays soumis au mandat
britannique, n'existe pas comme nation. Les Anglais ont donc imaginé un 'Pales-
tinian Provisorial Citizenship' (citoyenneté palestinienne provisoire). Les juifs
de Palestine, surtout les immigrés, sont munis d'un papier dont le recto est en
anglais et le verso en hébreu; l'en-tête porte ces mots, 'Palestinian Provisorial
Citizenship', suit le signalement du porteur et sur une ligne se lit: 'Nationality
Renounced'. Or, le droit international n'a pas prévu cette situation singulière
d'un homme qui peut ainsi renoncer à une nationalité sans en adopter une autre.
Citizenship constitue un souvenir du monde antique, mais ne saurait conférer
un droit légal dans le monde moderne. De fait, les juifs de Palestine ne peuvent se
servir à l'étranger de ce certificat sans valeur151 • »

C'est durant cette période de grand essor, d'espoir et de modernité


que la famille du futur agent Zecharia Sitchin prévoit de faire le voyage
vers la Palestine mandataire. Les Sitchin se trouvent parmi les futurs co-
lons ayant suivi une formation agricole par l'intermédiaire du mouvement
Hehalutz («Le pionnier») conçu pour aider les colons à réussir leur entrée
en Palestine. La famille Sitchin effectue son voyage vers la Palestine lors de
la quatrième Aliya («ascension») (1924-1928) ou migration des juifs d'Eu-
rope orientale venant principalement de Russie, de Pologne de Roumanie,
de Lituanie et même d'Irak. Cette quatrième vague d'immigration vers la
Palestine fait suite à la déclaration Balfour, mais surtout aux troubles poli-
tiques de l'après-guerre que connaît l'Europe orientale, particulièrement
lors de la Révolution bolchévique et la guerre hongroise.
La plupart de ces nouveaux pionniers appartiennent à la classe
moyenne; certains d'entre eux sont des industriels, des commerçants ou
des artisans, raison pour laquelle ils s'installent dans des villes, en particu-
lier Tel-Aviv. Cette Aliya fait venir 67000 immigrants juifs parmi lesquels
se trouvent encore - comme pour la troisième Aliya - des sionistes-socia-
listes, c'est-à-dire des sionistes travaillistes qui sont d'avis qu'un État juif
en Palestine ne sera possible que grâce aux efforts de colonisation de la
classe ouvrière. Parmi les principaux théoriciens du mouvement sionistes-
socialistes se trouvent par exemple David Ben Gourion et Albert Einstein.

151. Robert Laurent-Vibert, L'Orient en mai 1923 - Notes de voyage, Lyon, imprimerie de
M. Audin, 1923, p. 16-17.
152 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

41. Trajet effectué par la famille Sitchin vers Tel-Aviv-Jaffa, entre la mi-septembre et le début
du mois d'octobre 1925. Le voyage en train démarre de Bakou vers Odessa pendant quatre
jours et ensuite d'Odessa vers la Palestine pendant douze jours à bord du paquebot SS Lenin,
de la mer Noire jusqu'à la Méditerranée.

Au milieu des années 1920, la famille Sitchin décide donc de quitter


Baku, en Azerbaïdjan, pour y fuir l'antisémitisme croissant. Isaac Sitchin,
le père de famille, est comptable. Son statut social permet à sa famille de
pouvoir prendre le train, contrairement à d'autres familles provenant de
Russie dont la majorité est obligée de voyager dans des charrettes ou même
à pied dans des conditions extrêmes. C'est ce que nous avons vu plus haut
à travers les propos d'Isaac Charchat. La famille Sitchin entreprend un
voyage de quatre jours vers Odessa, situé aujourd'hui en Ukraine. À Odes-
sa, la famille quitte le train pour s'embarquer à bord du navire le SS Lenin,
nous indique «The Official Documentary & Personal Tribute, 2020152 », le re-
portage sur Zecharia Sitchin. Nous n'en saurons pas davantage via cette
source, mais des recherches poussées permettent de définir l'arrivée exacte
du SS Lenin en Palestine. 371 immigrants juifs en tout se trouvent à bord.
Il faudra douze jours au bâtiment pour traverser la mer Noire, passer par
Istanbul et les îles grecques pour finalement accoster dans le port de Tel-
Aviv-J affa. «La mer et le ciel étaient d'un bleu merveilleux» ce jour-là, nous dit
152. Disponible sur le site des archives de Zecharia Sitchin : thesitchinarchives.selz.com
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 153

le journal juif-américain The Forward. L'arrivée du SS Lenin est immortali-


sée par le journal dans son édition du 11 octobre. Ce fameux paquebot à
vapeur ne fait habituellement pas ce genre de voyage, raison pour laquelle
ils' agit là d'un événement. Il fait plutôt la navette entre les ports d'Odessa,
Yalta, Sébastopol, Feodossia (Théodosia) et le port de Novorossiysk dans
le Caucase.
Le SS Lenin arrive le 4 octobre 1925 dans le port de Tel-Aviv-Jaffa.
La situation décrite par The Forward, huit mois après le trajet du SS Asia
d'Isaac Charchat, est totalement différente. Ces étrangers ne viennent pas
d'Allemagne et de Marseille avec de faux papiers. Tous possèdent des
titres officiels et doivent disposer de 500 livres sterling - somme requise
pour débarquer - la majorité sous forme de traites ou de chèques sur
l' Anglo-Palestine Bank. Dans certains cas, la famille de l'immigrant dépose
l'argent pour le ou les membres de sa famille prêts à débarquer. Parfois,
cette somme est rassemblée grâce à des emprunts; le gouvernement britan-
nique se contente de cette caution qui garantit des individus de confiance.
Le bateau est ancré à une courte distante de la berge. Un grand cui-
rassé britannique mouille dans le port auprès de huit autres navires mili-
taires. « Un nombre considérable de nouveaux venus sont des sionistes inspirés
par la foi et un amour fervent pour la Palestine» nous précise le magazine The
Forward. Pratiquement tous parlent couramment l'hébreu et répondent
dans cette langue aux questions du jury. Ils passent un à un, interrogés
par l'officier anglais du port et par Joshua Gordon, chef du Département
de l'immigration de l'administration sioniste, assisté de son chef adjoint,
M. Feinberg. La table devant laquelle les immigrés sont interrogés se
dresse à l'étage supérieur du pont où l'on peut voir la foule de parents
et d'amis attendant leurs êtres chers. Certains resteront à quai toute la
journée, nombre d'entre eux renonçant à leur repas. Tous ont été exilés
par le gouvernement soviétique parce que ce sont des sionistes actifs, et
leurs passeports soviétiques contiennent une mention indiquant qu'ils
ne retourneront probablement jamais en Russie. Un homme annonce
qu'il occupait un emploi de charpentier, mais qu'il l'avait perdu parce
qu'on l'avait entendu parler en hébreu. Puis les officiels britanniques et
sionistes lui ont demandé «Comment c'était, avant ? », après quoi il éclate
en sanglots et lance entre deux pleurs : «Ils m'ont tout pris!» D'autres
livrent le même genre de réplique aux agents de l'immigration. Un jeune
homme répond à une question sur sa profession : «Je suis un élève expul-
sé», et lorsqu'on lui demande pourquoi il a été expulsé, sa réponse est:
«Parce que mon père est un bourgeois». Lorsque la question est posée au
sujet de la profession de la famille sur place à Tel-Aviv, la plupart diront:
«C'est un bâtisseur», c'est-à-dire employé comme ouvrier dans certains
métiers du bâtiment. Il s'agit de l'industrie la plus active de Tel-Aviv.
D'autres mentionnent des métiers en tant qu' employés dans des maga-
sins ou des usines, des commerces, et comme enseignants, musiciens,
etc. Les agents sionistes présents sur le SS Lenin ne vont épargner aucun
154 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

effort pour aider les gens dans des cas de ce genre, ajoute le magazine The
Forward 153 •

42. Le SS Lenin,
paquebot avec lequel
la famille de Zecharia
Sitchin est arrivée
à Jaffa-Tel-Aviv le
4 octobre 1925.
Domaine public

*
* *

En avril 1914, se déroulait à Tel-Aviv une exposition importante


intitulée «Exposition et foire pour la promotion des produits fabriqués
en Israël». Suite au succès de la première tenue de cette foire, plusieurs
autres vont lui succéder. Celle de 1923 se déroulera dans trois salles du Zio-
nist Club situées sur le boulevard Rothschild. Cette période marque aussi
le moment où le mandat britannique en Palestine vient de prendre effet.
Les industriels de Tel-Aviv voient grand et imaginent une foire internatio-
nale. D'autres expositions vont ainsi suivre, celles des étés 1925 - année
de l'arrivée des Sitchin à Tel-Aviv - 1926, 1929 et celle de 1932, baptisée
Yerid Hamizrach (Levant Fair/« Foire du Levant»). Le maire arabe de Jaffa se
serait à l'époque moqué de l'idée d'une foire internationale en proclamant
que cela serait uniquement possible «quand les chameaux seront capables de
voler». C'est ainsi qu'à partir de la version de 1932, le logo de la foire de-
vient un «chameau volant» ...
Au fil des années, le succès grandit et attire à Tel-Aviv des dizaines
de milliers, puis des centaines de milliers de personnes, comprenant à la
fois des membres de la communauté juive, des Arabes, des Anglais et de
nombreux touristes. La foire de 1932 compte déjà 300000 personnes. Celle
de 1934 attire 600000 visiteurs à une époque où il n'y a que 300000 juifs
dans le pays. Le succès en est phénoménal.

153. The Forward du dimanche Il octobre 1925, vol. XXVIII, n° 10, 97, p. 2.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 155

43. Affiche officielle de la Levant


Fair de 1934 à Tel-Aviv. La foire
de 1934 a attiré 600 000 visiteurs
à une époque où il n'y avait que
300000 juifs en Palestine.

On imagine facilement l'enthousiasme du jeune Zecharia Sitchin,


face à un tel événement où les produits fabriqués «en terre d'Israël» sont
mis à l'honneur. C'est sans doute dès son jeune âge qu'il décidera de tra-
vailler pour son pays et particulièrement dans le commerce. Tel-Aviv est
une ville en pleine expansion. Nous l'avons vu, c'est une plateforme com-
merciale incontournable en Palestine et aussi le noyau même de la culture
hébraïque. L'éducation est au centre des valeurs de la famille Sitchin. Le
jeune Zecharia va à l'école biblique depuis l'âge de neuf ans. Sans doute
est-il studieux. Plongé dans l'étude de la Genèse en hébreu, il va découvrir
la présence des Nephilim «les fils des divinités qui prirent pour femme
les filles des hommes». Une cinquantaine d'années auparavant, Georges
Smith publiait sa traduction du récit babylonien du Déluge, dont on sait
aujourd'hui que la Bible s'est librement inspirée pour son histoire concer-
nant Noé. En 1915, Stephen Langdon sortait à son tour The Sumerian Epic
of Paradise, the Flood and the Fall of Man, à partir du texte sumérien connu
aujourd'hui sous le nom d' « Enki et Ninhursag ». Langdon avait remarqué
des rapports évidents entre le texte et celui de la Genèse.
Durant la période où Zecharia Sitchin se retrouve à l'école - sous
mandat britannique-, les cours de religion et d'histoire ne cessent de par-
ler de ces découvertes révolutionnaires! Rapidement, Sitchin va s'inté-
resser à l'histoire et à l'archéologie du Proche-Orient ancien. Et c'est à ce
moment-là que tout semble avoir basculé pour lui. Nous le verrons plus
156 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

loin, son obsession sera d'associer les traditions bibliques aux récits méso-
potamiens afin de faire de la culture du peuple juif la digne héritière de
Sumer et de la Babylonie.
Entre 12 et 14 ans, Zecharia Sitchin se sent irrésistiblement attiré
par les intérêts de son pays et, à l'instar de ses parents, irrémédiablement
attaché à la cause sioniste. Comme beaucoup, Sitchin connaît peut-être
déjà le héros local, l'agent sioniste Isaac Charchat, spécialisé dans l' extrac-
tion, à partir del' Allemagne nazie, d'immigrés juifs clandestins démunis
de papiers vers la Palestine. Le jeune Zecharia ignore sans doute encore
qu'il sera un jour envoyé à New York comme agent actif pour son pays et
qu'il se trouvera dès 1967, avec Isaac Charchat, à la tête d'un consortium
de onze sociétés de commerce international spécialisées dans le courtage
et les services financiers, les opérations d'entrepôt, les remorques et les
conteneurs 154 •••

44. Zecharia Sitchin adolescent.


N'ayant pas les droits pour
publier des photographies de
Sitchin durant cette période,
voici un dessin basé
sur des photos existantes.
© Hanael Parks

Zecharia Sitchin ne sait encore rien de ce qui l'attend, mais les sio-
nistes de Tel-Aviv espèrent beaucoup de sa personne. Probablement ont-
ils capté chez le jeune homme des aptitudes hors normes. Zecharia aime
l'histoire, celle de son pays, mais il apprécie également le commerce. Les
différentes foires du Levant de Tel-Aviv ne sont pas étrangères à cette
passion. Nous sommes en 1937, avec l'accord de la famille Sitchin, les sio-
nistes envoient Zecharia à la prestigieuse London School of Economies (LES).

154. L'information sur Zecharia Sitchin en qualité d'homme d'affaires à la tête d'un consor-
tium de onze sociétés de commerce international, se trouve dans The Courrier-Gazette du
24octobre1976, p. 11. Il s'agit d'un des rares documents où cette information reste disponible.
Dès fin 1976, donc peu après la sortie de son premier ouvrage, La 12ème Planète, la presse
ne mentionnera plus jamais le passé de Sitchin comme businessman international, mais se
concentrera sur un autre passé totalement inventé pour couvrir son parcours d'agent et busi-
nessman pour le compte d'Israël, celui «d'érudit spécialisé en langue sumérienne».
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 157

Sans doute envisagent-ils déjà de faire de l'adolescent un futur agent au


service de la cause sioniste, comme l'est Isaac Charchat depuis 1924. Tant
de personnalités sont déjà passées par la London School of Economies. Deux
ans auparavant John F. Kennedy, le futur président des États-Unis, y avait
séjourné quelque temps, mais fut obligé d'interrompre ses études pour
cause de jaunisse; c'est en tout cas la version officielle. La London School of
Economies est parfaite pour former de futurs experts en sciences sociales
et en économie, des hommes d'affaires et des financiers ... donc tout aussi
bien de hauts fonctionnaires et businessman que des espions. Porter la
double étiquette de businessman et d'agent secret dans le milieu de l'im-
port-export sera assez courant après la fin de la Seconde Guerre mondiale
jusqu'aux années 1990, période communément appelée la Guerre froide.
Entre 1923 et 1937, la London School of Economies est progressive-
ment remodelée grâce au financement des rois du pétrole, la famille amé-
ricaine des Rockefeller. La quasi-totalité du budget de recherche de la LES
est assurée par la fondation Rockefeller. Dès cette époque, cette institu-
tion londonienne se voit attribuer le nom de «Rockefeller's Baby». Mieux
encore, elle jouit d'une relation privilégiée durant cette période de l'entre-
deux-guerres, recevant 62 % des dollars distribués en Angleterre par les
Rockefeller. Les élèves y apprennent la science politique, la sociologie,
l'anthropologie, l'économie appliquée, l'histoire économique et les statis-
tiques. «La London School est conçue comme une université de recherche dotée
d'un troisième cycle. Ses enseignements et ses centres de recherche entendent être
aux prises avec les 'faits concrets de la vie industrielle et le fonctionnement réel
et contemporain des relations politiques et économiques telles qu'elles existent ou
ont existé au Royaume-Uni et dans les pays étrangers'. [... ]Les universitaires de
la LSE qui sollicitent l'aide de la fondation Rockefeller sont bien au fait des évo-
lutions de la scène universitaire américaine dont ils ont été des témoins et parfois
même des acteurs. Au-delà des réseaux d'amitiés et de relations, des accointances
politico-scientifiques rapprochent les deux réseaux 155 • »

Zecharia Sitchin effectue régulièrement des allers-retours longs et


pénibles en bateau entre Londres et la Palestine. La Seconde Guerre mon-
diale approchant, son père lui demande de ne plus se rendre en Angle-
terre. Les combats éclatent en 1939, rendant toute traversée dangereuse.
Malgré sa détermination, Sitchin ne peut plus retourner à l'école pour fi-
nir son troisième cycle. Zecharia va alors poursuivre ses cours par corres-
pondance. Il aurait été reçu à son diplôme avec les honneurs, et ce, à titre
exceptionnel, car réussir ses études par correspondance dans ce contexte
relève de l'exploit, précise le reportage consacré à l'auteur en 2020 156 •
Quoi qu'il en soit, Sitchin sort diplômé en« Histoire de l'économie»
155. Marie Scot, «'Rockefeller' s Baby'» : la London School of Economies et la recherche
économique dans l'Angleterre de l'entre-deux-guerres», in Ludovic Toumès, L'argent
de l'influence : Les fondations américaines et leurs réseaux européens, Paris, Autrement, 2010,
Mémoires/Culture, p. 83 et 86.
156. Zecharia Sitchin, «The Official Documentary & Persona/ Tribu te, 2020 ».
158 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

de la London School of Economies, située à deux pas de la City de Londres.


Il avait fréquenté cet endroit pendant au moins deux ans. C'est là que se
trouve le centre du pouvoir financier du monde occidental, le lieu où l'on
détecte et fabrique les meilleurs talents et dirigeants économiques! Cer-
tains conspirationnistes évoquent cet endroit comme étant le lieu sombre
de l'élite mondiale associée aux Illuminati, francs-maçons et sionistes. La
plupart de ces étudiants seraient initiés à divers degrés des loges maçon-
niques de Londres, à des rituels occultes et autres croyances apocalyp-
tiques. Pour cette raison, beaucoup associent Zecharia Sitchin à la franc-
maçonnerie, au sionisme, aux Illuminati et aux services secrets, sans pour
autant en apporter le moindre indice. Nous allons peu à peu combler les
vides et y voir un peu plus clair.

Durant son séjour en Palestine, Sitchin fait la rencontre de Frieda


Rina Regenbaum, elle-même très impliquée dans le mouvement sioniste.
Ils se marieront par la suite. Pour l'heure, Zecharia Sitchin s'engage natu-
rellement dans la Haganah, l'organisation sioniste la plus importante en
Palestine. À aucun moment dans le reportage officiel de Zecharia Sitchin
(2020), il n'est fait mention de son implication active au sein du mouve-
ment sioniste. Tout est fait pour lisser au maximum son profil en vue d'en
faire un homme, certes cultivé et intelligent, mais surtout «un homme
comme tout le monde», ce qui n'était pas le cas.
La Haganah fut créée pour défendre les communautés juives de-
puis les émeutes de 1920 à Jérusalem. Cette organisation est supervisée
par l' Agence juive, elle-même dirigée à l'époque par David Ben Gourion.
Ces deux organisations coopèrent logiquement à l'effort de guerre de la
Grande-Bretagne contre le nazisme. Entre 1940 et 1944, donc entre ses
20 ans et ses 24 ans, Zecharia Sitchin doit faire son service militaire dans
l'armée britannique. Faisant partie de la Haganah, il se retrouve rapide-
ment dans l'une des unités affectées à la VIII• armée britannique lors de la
guerre du Désert (1940-1943). Cette bataille contre l'armée nazie, comman-
dée par Erwin Rommel, a pour objectif de stopper l'avancée des troupes
du III• Reich en Égypte.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 159

45. Photographie prise en 1943, à l'ouest du désert égyptien. Soldats juifs appartenant à
la Haganah et servant les forces britanniques dans la VIII• armée britannique. D'après un
informateur, le jeune Zecharia Sitchin se trouverait debout, à l'extrême droite de l'image. Il a
à cette époque 23 ans. Domaine public

L'idée des Britanniques est de créer des compagnies arabes et juives,


mais ce projet ne fonctionne pas, les Arabes ayant déserté leurs compa-
gnies. Craignant la réaction des natifs de la Palestine, les Britanniques
fournissent alors des armes légères aux juifs de sorte que leurs compagnies
ne servent que de soutien. L'arrivée de Rommel aux portes de l'Égypte au
printemps 1942 oblige les troupes supervisées par les Anglais à prendre
position sur la chaîne de montagnes du Liban. Les compagnies de soutien
juives dans lesquelles se trouve Zecharia Sitchin y sont prises en main par
des officiers australiens prévus pour préparer les membres des différentes
compagnies juives aux combats de résistance et au sabotage au cas où les
troupes nazies, le Deutsches Afrikakorps (OAK), envahiraient le pays. C'est
la première fois que les autorités britanniques demandent au peuple juif
de coopérer en vue de créer des forces de résistances. Mais les troupes
d'Eretz Israël continuent de recevoir des directives secrètes de la part de
la Haganah. Au moment où les troupes anglaises doivent se déployer au
Liban, plusieurs compagnies juives ont pour obligation de rejoindre les
forces de la Haganah pour défendre le peuple juif installé en Palestine 157 •

157. Georges Brandstatter, Combattants juifs dans les armées de la Libération (1939-1948), Rennes,
Éditions Ouest-France, 2015, p. 315-316.
160 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Lorsque les troupes allemandes seront définitivement bloquées à El Ala-


mein, de nombreuses compagnies juives seront affectées à la réparation
des routes entre la Lybie et la Palestine.

Malgré la défaite nazie de 1942 lors de la bataille d'El Alamein,


l'Égypte et Le Caire vont demeurer l'un des plus grands nids des nazis.
Dès 1945, les fidèles du Reich trouvent refuge dans cette région, mais aussi
en Syrie. Le Proche-Orient est une terre où les hommes d'Hitler sont clai-
rement accueillis à bras ouverts. Depuis plusieurs dizaines d'années, Fran-
çais et Anglais se partageaient ces terres, particulièrement depuis la chute
de l'Empire ottoman en 1920. Les nationalistes arabes attendaient que
l'Allemagne nazie vienne les délivrer du colonialiste franco-britannique!
Les soldats du Reich étant les ennemis du peuple juif de Palestine, la ligue
arabe avait choisi son camp depuis longtemps. Certains hauts dignitaires
du Vatican contribueront même à l'exfiltration de nazis vers le Proche-
Orient. En 1948, alors que le régime nazi n'existe plus officiellement, on
retrouvera de nombreux officiers allemands à la tête de troupes syriennes
contre l'État hébreu158 ...

Pendant son incorporation dans la VIII• armée britannique et l' avan-


cée de cette dernière jusqu'en Égypte, Zecharia Sitchin s'est marié avec sa
compagne, Frieda Rina Regenbaum. Le couple rêve d'une vie au centre de
Jérusalem. Ce sera néanmoins pour un peu plus tard, car notre futur agent
a trouvé un poste important à la municipalité de Tel-Aviv. Sitchin ne sait
pas encore qu'Isaac Charchat, son futur associé, est bientôt sur le point
de récupérer secrètement l'or du III• Reich pour le compte des Alliés. Il
ne sait pas non plus que son autre futur associé va bientôt être embauché
par le gouvernement américain et entrer dans l'histoire en récupérant très
discrètement les milliards de l'or japonais dissimulés dans des grottes aux
Philippines ...

3. Robert B. Anderson et l'Opération Lys d'or

Robert B. Anderson, voilà un nom qu'il va nous falloir retenir et


qui reviendra régulièrement jusqu'à la fin de notre enquête. Cet homme
incroyable se trouve au centre d'une véritable toile d'araignée où se dis-
simulent des comptes bancaires et autres caisses noires totalisant des mil-
liards de dollars. Avec l'aide de Charchat et de Sitchin, il se lancera aussi
dans les très lucratifs transport maritime et trafic d'armes pour le compte
d'Israël. Le tout couvert par la CIA et différents présidents américains ...
Anderson naît le 4 juin 1910 à Burleson, au Texas. Très jeune, il
contracte la polio ce qui lui vaudra une jambe légèrement paralysée,
laquelle l'obligera à boîter toute sa vie. Anderson démarre sa carrière
158. «Nazisme et pays arabes» in Le Journal du Dimanche du 4 mai 2014.
LA FAUTE DU FILS DE DIEU 161

comme professeur d'espagnol au lycée et comme entraîneur de football.


Après trois ans dans l'enseignement, il entre à la faculté de Droit de l'Uni-
versité du Texas. Tout en poursuivant ses études, il remporte en 1932 un
siège à l'Assemblée législative de l'État du Texas. Anderson devient ra-
pidement procureur général adjoint de l'État en question où il travaille
entre 1933 et 1934. Dès 1934, il devient commissaire aux impôts pour finir
en 1936 comme président de la Commission du chômage du Texas. Son
intelligence et ses capacités de concentration sont connues de tous ceux
qui travaillent avec lui. Lorsqu'on possède ce genre d'aptitudes, la vie est
pleine d'opportunités ... Et les occasions ne vont pas manquer. Robert B.
Anderson se trouve un travail sur mesure : collecter les recettes fiscales de
l'industrie des courses de chevaux nouvellement légalisées dans l'État du
Texas. En travaillant comme percepteur des impôts dans cette industrie
pendant quatre ans, Anderson va multiplier ses contacts et se faire plai-
sir. Sa position lui permet de se lier d'amitié avec de nombreux vassaux
du pouvoir. Parmi eux se trouve ainsi Lyndon Johnson, le futur président
des États-Unis. Le bureau d' Anderson à Austin se trouve dans le bâtiment
même où Johnson dirige la branche texane FOR de la National Youth Admi-
nistration. Les deux hommes se lient d'une sincère et durable amitié.
En 1937, Robert B. Anderson est embauché le WT Wagoner Estate à
Vernon, le plus grand ranch d'huile, de pétrole, de bétail et de chevaux des
États-Unis. Ses terres sont utilisées pour produire des récoltes, élever des
bovins de boucherie et des chevaux ainsi que pour la production intensive
de pétrole. L'entreprise l'engage pour superviser les affaires juridiques du
domaine. Il est l'avocat général de la succession. Étant légèrement han-
dicapé de la jambe à cause de la polio, Anderson est inéligible au service
militaire lors de la Seconde Guerre mondiale.
En 1940, Anderson et deux autres partenaires achètent la station de
radio KTBC de la ville d' Austin à la Texas Broadcasting Company. Malheu-
reusement, incapables d'augmenter la puissance de diffusion de leur radio
auprès de la Federal Communications Commission (FCC), les trois associés
vont revendre la KTBC à Lady Bird Johnson au début de l'année 1943.
Cette femme est l'épouse del' ami d' Anderson, Lyndon Johnson, le fameux
Président qui remplacera John F. Kennedy ...

Dès 1941, Anderson est promu directeur général du domaine de WT


Wagoner Estate. Ses fonctions l'obligent à superviser toutes les activités
agricoles, d'élevage et de ressources minérales. Le domaine comprend
1100 puits de pétrole, à charge pour Anderson de négocier les baux pétro-
liers et gaziers avec les sociétés pétrolières du Texas. Robert B. Anderson
devient très rapidement l'homme qu'il faut avoir dans sa poche! En plus
de ses activités, il gère toujours l'agence chargée de collecter les recettes de
l'industrie des courses de chevaux. Il brasse des fortunes et ses aptitudes
de redoutable homme d'affaires sont connues dans le monde des chefs
d'entreprises et patrons des États-Unis. Anderson entre rapidement dans
162 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

le club très select de la «fraternité pétrolière». Richardson, le conseiller


pétrolier du président Franklin D. Roosevelt, le rencontre alors pour jauger
la loyauté de ce stratège.
La même année, l'OCI (Office of the Coordination of Information) créé
par le président Franklin D. Roosevelt évalue le cas d' Anderson. L'OCI est
chargé de centraliser et de coordonner toutes les informations issues des
différentes agences de renseignement américaines. Situé en haut du gratte-
ciel du Rockefeller Center, l'OCI souhaite capter ce futur et génial agent à
qui le prochain président américain, Harry S. Truman demandera bientôt
l'impossible. Nul ne peut encore imaginer que dans plus de vingt ans, les
futurs locaux d' Anderson et de son associé, l'agent Zecharia Sitchin, se
situeront ici même, au cœur de Manhattan ...

*
* *

La Seconde Guerre mondiale est sur le point de s'achever. Durant les


derniers mois de la guerre, plusieurs princes japonais de haut rang, soute-
nus par l'armée et le général Tomoyuki Yamashita, s'engouffrent dans des
cavernes et tunnels des montagnes de Luzon, aux Philippines, pour dissi-
muler des tonnes de lingots d'or et autres trésors de guerre. Les Philippines
forment un point de transit important pour la marine japonaise et Yamashi-
ta est également le gouverneur général de l'archipel. Ces richesses accumu-
lées proviennent du pillage systématique par le Japon des douze pays qu'il
a envahis et occupés de 1895 à 1945 ainsi que d'anciens trésors accumulés au
cours de plusieurs générations, peut-être davantage encore. En sus de cette
richesse considérable, des équipes spécialisées ont fait main basse pendant
la Seconde Guerre mondiale sur le contenu de banques, de bureaux de
prêt, de temples, de galeries d'art et de biens provenant de particuliers.
Le Japon a procédé au pillage ordonné des richesses du Sud-Est asiatique
dans une opération baptisée «Lys d'Or». Des officiers et des bureaucrates
nippons se sont appropriés tout ce qui pouvait leur tomber sous la mains.
Rien n'a échappé à la cupidité del' occupation japonaise. On compte
également parmi les objets subtilisés, l'ensemble de fossiles de l'espèce
Homo erectus découverts en Chine à partir de 1921 sur le site de Zhudu-
dian, près de Pékin. Ces fossiles baptisés «Homme de Pékin» furent datés
entre 780 000 à 400 000 ans avant notre ère et ils représentèrent pendant
longtemps le plus vieil hominidé du monde. Volés en 1941, on ne les a
toujours pas retrouvés à l'heure où le présent ouvrage part sous presse.
S'ajoute encore à tout cela le rançonnage systématique de la pègre asia-
tique par le gangstérisme japonais. Au total, plus de 170 trésors <<impé-
riaux» sont dissimulés dans toutes les Philippines. Une grosse partie de
ces richesses était parvenue jusqu'au Japon via la Chine et la Corée, mais
à la fin de la guerre, entre 1945 et 1947, le reste demeure encore caché aux
Philippines en raison du blocus imposé par les sous-marins américains ...
LA FAUTE DU FILS DE DIEU 163

Le butin de guerre dissimulé, le général Yamashita et ses hommes,


bloqués dans l'archipel, attendent alors l'arrivée des Américains. Dès le
mois de janvier 1945, les troupes américaines débarquent dans le golfe de
Lingayen, et la libération de l'archipel philippin démarre sans rencontrer
de résistance. Après le débarquement, le général McArthur - le comman-
dant en chef des forces alliées dans le Pacifique - inspecte ses troupes et
donne l'ordre de marcher sur Baguio, lieu où Yamashita a établi son quar-
tier général. Tous ne s'attendent pas à ce que les Japonais résistent à cet
endroit! Avant la fin des opérations, des résistants philippins rencontrent
les Américains et leur révèlent l'existence des caches d'or japonaises. Dix
jours après le débarquement, les troupes américaines découvrent près
du quartier général de Yamashita de nombreuses caisses remplies d'or,
d'argent et de devises. Selon un témoin qui était présent à l'époque, ce tré-
sor provenait d'une banque locale dévalisée par Yamashita. Il dit que l'or
avait été immédiatement transféré ailleurs par les Américains. Au cours
des semaines suivantes, des habitants de la région se seraient mis à cher-
cher d'autres caches japonaises sans jamais trouver le moindre trésor159 •
Le 2 octobre 1945, à la suite de l'avis officiel de la capitulation du
Japon daté de septembre, le général Tomoyuki Yamashita et ses hommes
quittent les positions qu'ils défendaient encore sur la cordillère de Kiangan
dans la province d'Ifugao, à 185 km de Baguio par la route aujourd'hui
appelée l' AH26. Ils rendent alors leurs armes aux officiers de l'armée
américaine sous le commandement du major A. S. Kenworthy de la police
militaire, qui procède à leur arrestation. Les prisonniers de guerre sont
alors escortés vers la New Bilibad Prison proche de Manille. Impossible de
torturer le général Yamashita à l'insu de ses avocats pour en savoir davan-
tage sur le trésor de l'opération «Lys d'Or». Beaucoup de Philippins sont
aujourd'hui encore persuadés que Yamashita avait refusé de livrer le trésor
aux Américains pour garder la vie sauve. Mais le général va rapidement se
retrouver sur le banc des accusés pour répondre des crimes de guerre du
Japon.

159. « Schmutziges Gold - Die CIA und die japanische Kriegsbeute » («L'or sale - la CIA et le trésor
de guerre japonais»), un reportage d'Egmont R. Koch, Egmont R. Koch Filmproduktion, avec la
participation de WDR & Arte, 2007.
164 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

46. Le général Yamashita


est emprisonné à la New
Bilibad Prison, près de
Manille.
Domaine public

Pour la première fois de leur histoire, les États-Unis font faire peser
des crimes de guerre sur le seul dos d'un général d'une nation vaincue. Le
procès est une mascarade, ni les pillages ni les trésors ne sont évoqués. La
principale accusation se rapporte au massacre de Manille par les troupes
placées sous le commandement de Yamashita. Pourtant, ce dernier avait
ordonné le retrait de ses soldats de la capitale des Philippines, estimant
qu'il était plus sage de défendre le Luzon et le trésor royal. Mais le contre-
amiral Sanji Iwabuchi décida de désobéir et obligea ses troupes à défendre
la capitale. Cernés lors de la progression des Américains, les Japonais se
livrèrent alors à des massacres dans la population civile, tuant hommes,
femmes et enfants. Certaines sources estiment le nombre de victimes à
près de 100000 individus. Bien que sa non responsabilité personnelle soit
reconnue par le tribunal militaire américain, Yamashita sera tout de même
condamné à la pendaison. Le faire disparaître semble une évidence : le
général japonais est un témoin gênant de l'opération« Lys d'Or». Il devra
mourir, mais seulement lorsque les Américains auront trouvé le trésor ...
Le gouvernement japonais déclare à cette époque détenir en tout et
pour tout 200 tonnes de réserves d'or, un chiffre invraisemblable si l'on
tient compte des trésors impériaux dissimulés par les troupes du géné-
ral Yamashita. En se basant sur un rapport des services secrets américains
daté du 7 novembre 1945, le Japon devrait détenir deux à trois fois plus de
métal précieux contrairement à ce qui a toujours été déclaré jusqu'à pré-
sent160. C'est une aubaine pour le g·ouvernement américain qui doit abso-
lument dissimuler la richesse du Japon pour pouvoir subtiliser les trésors
royaux restés aux Philippines.

160. Ibidem.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 165

47. Le général Yamashita lors de


son procès entre les 29 octobre
et 5 décembre 1945. Devant lui
se trouvent deux de ses avocats
de la défense assignés d'office:
les capitaines A. Frank Reelet
Milton Sandberg. Yamashita sera
condamné le 23 février 1946 à
la pendaison, à Los Banos, aux
Philippines pour crimes de guerre
commis à Manille. Des crimes
qu'il n'a pas ordonnés puisqu'il
a désobéi aux ordres. Le tribunal
américain procèdera à l'exécution
de Yamashita une fois l'or secret
retrouvé ...
Domaine public

Comme l'indiquent les journalistes Sterling & Peggy Seagrave,


d'autres événements se déroulent secrètement derrière la façade du
procès contre le général Yamashita. Devant l'impossibilité de torturer
Yamashita à l'insu de ses avocats, ce sont des membres de son état-ma-
jor qui sont malmenés à sa place. Le major Kojima Kashii, chauffeur
de Yamashita, fait l'objet d'une attention particulière. Cet homme avait
conduit la voiture de Yamashita lors des allers-retours entre Baguio et
les caches des montagnes de Luzon. Severino Garcia Santa Romana - dit
Santy -, un officier philippino-américain des renseignements, est char-
gé de torturer le major Kojima. Il a pour mission, en vue d'une future
récupération par l'armée américaine, de se faire dire les endroits où Ya-
mashita a dissimulé l'or en barre ainsi que les autres trésors entreposés.
Santy travaille sous les ordres du capitaine Edward G. Lansdale, qui de-
viendra par la suite l'un des plus ardents partisans de la Guerre froide.
Au cours du mois d'octobre 1945, Kojima finit par craquer et mène Lans-
dale et Santy visiter une douzaine de souterrains de l'organisation Lys
d'Or, situés dans les montagnes à plusieurs heures de route vers le nord
de Manille. Alors que Santy et ses équipes ouvrent les premiers souter-
rains, Lansdale s'envole pour Tokyo afin d'informer le général MacAr-
thur et se rend ensuite à Washington pour avertir le nouveau président
des États-Unis, Harry S. Truman. Après avoir consulté son cabinet, Tru-
man décide de faire de cette découverte un secret d'État161 •

161. Sterling & Peggy Seagrave, Opération Lys d'Or, Paris, Michalon éditeur, 2002, p. 11-12.
166 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

À la même époque, le secrétaire à la Guerre Henry L. Stimson


rassemble un groupe de travail pour réfléchir à l'utilisation que le gou-
vernement américain pourrait faire du butin de l' Axe 162 après la guerre.
Se trouvent là John McCloy et Robert Lovett, les assistants de Stimson,
ainsi que le consultant de génie qu'est Robert B. Anderson, futur associé
de l'agent Zecharia Sitchin. McCloy devait être nommé plus tard à la
tête de la Banque mondiale tandis que Lovett deviendrait secrétaire à la
Défense. Quant au surdoué Anderson, il deviendra secrétaire au Trésor
treize années plus tard. La solution qu'ils proposent est de créer ce qu'on
appellera par la suite de façon informelle le Black Eagle Trust, inspiré de
l'emblème de l'aigle noir qui ornait la Reichsbank d'Hitler à Berlin. Le
projet fut d'abord débattu en secret au cours du mois de juillet 1944, tan-
dis que quarante-quatre nations se rencontraient à Bretton Woods, dans
le New Hampshire, pour jeter les bases de l'économie d'après-guerre.
Ce fait a été confirmé par un certain nombre d'informateurs de haut
niveau, dont Ray Cline, l'ancien directeur adjoint de la CIA. Informé
dès 1945 des découvertes de Santy, l'homme sera chargé, au cours des
années 1980et1990, de cacher une grande partie du butin japonais dans
les coffres de la Citibank de New York ainsi que dans d'autres établisse-
ments bancaires.

Mais pour l'heure, suite à la mort subite du président Roosevelt


en avril 1945, son successeur, Harry Truman, hérite du programme se-
cret de récupération du butin des forces del' Axe. En novembre 1945,
Edward G. Lansdale retourne au Japon en compagnie de Robert B. An-
derson, le directeur du plus grand ranch des États-Unis, le WT Wagoner
Estate. Les deux hommes doivent rencontrer le général MacArthur. On
se souvient qu'un mois plus tôt Lansdale découvrait les souterrains de
l'organisation Lys d'Or, situés dans les montagnes à plusieurs heures
de route de Manille. Mc Arthur, Lansdale et Anderson s'envolent alors
pour Manille pour faire le tour des souterrains situés à la pointe nord
des montagnes de Luzon. Les journalistes Sterling & Peggy Seagrave
racontent qu' Anderson et McArthur ont parcouru des rangées entières
hautes de deux mètres de barres d'or. Le spectacle suffisait à se faire une
idée du pillage de milliards de dollars dans lequel s'était lancé le Japon
pendant et même bien avant la guerre.
Le secret entourant cette affaire doit rester dans un cadre limi-
té d'hommes initiés et dévoués au président Harry Truman. Personne
d'autre ne doit être au courant de cette gigantesque masse d'or volée,
de peur que des pays n'en réclament la restitution immédiate. De plus,
si cette information venait aux oreilles du public, cela entraînerait une
chute du taux de l'or fixé à 35 dollars l'once, le cours de la monnaie
s'effondrant alors, entraînant un désastre financier sans précédent. ..

162. L'Axe est le nom donné pendant la Seconde Guerre mondiale aux ennemis des Alliés.
L'Axe regroupait principalement l'Allemagne, l'Italie et le Japon.
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 167

Le spectacle de ces quantités d'or s'empilant sur deux mètres est,


certes, surprenant et merveilleux, mais la mission d' Anderson ne se fait
pas attendre: entre 1945 et 1947, il va devoir trouver le moyen de récu-
pérer les lingots par la voie des mers et ensuite voyager dans le monde
entier pour les transférer le plus discrètement possible sur 172 comptes
répartis dans 42 pays. La quantité d'or enterrée aux Philippines pendant
la Seconde Guerre mondiale équivaut à plus d'un million de tonnes, soit
environ 90 % des stocks «réels» du monde à cette époque 163 ! On com-
prend pourquoi l'affaire doit rester secrète! Concrètement, le président
Harry Truman demande à Robert B. Anderson d'organiser et gérer ces
dépôts connus sous le nom Black Eagle Trust. Afin de garder secrète
l'existence de ces fonds, Washington fera tout son possible pour lancer
la rumeur selon laquelle les Japonais ne pillaient jamais les pays qu'ils
envahissaient. Mieux encore, le Japon serait en état de banqueroute à la
fin de la guerre ! Alors que l'Allemagne s'apprête bientôt à payer des ré-
parations à des milliers de victimes, le Japon est magiquement exonéré
de toute charge pour dissimuler cet énorme mensonge. L'or japonais va
donc devenir la pierre angulaire des fonds Black Eagle, il servira ainsi
lors de la Guerre froide à financer de nombreuses opérations secrètes du
renseignement américain ainsi que d'autres activités.

4. L'or nazi : l'agent Isaac Charchat, mule pour le compte des Alliés
et transporteur d'or de la Seconde Guerre mondiale

À mesure que la guerre s'éternisait, l'Allemagne s'épuisait finan-


cièrement en dépit de l'usage de la planche à billets et de fausse mon-
naie164. Cette fausse monnaie aura permis de dissimuler un endettement
de 12 milliards entre 1934 et 1938, mais aussi de masquer diplomatique-
ment le réarmement de l'Allemagne - un réarmement financé en très
grande partie par Wall Street comme nous l'avons vu précédemment.
Hitler sait que l'or est le nerf de la guerre moderne et qu'il per-
met d'acheter les matières premières nécessaires aux forces armées du
Reich. Pour partiellement pallier ce problème d'argent, des unités de
la Wehrmacht écumèrent l'Europe dès 1938 pour saisir de force de l'or,
des biens privés, des bijoux et saccager des banques privées. Leur nom :
Devisenschutzkommandos («commandos de protection des devises»). Les
hommes à la recherche du métal jaune étaient triés sur le volet et avaient
pour mission de s'en emparer par tous les moyens. C'est ici que s'ins-
crit en grande partie l'histoire de l'or nazi. Des tonnes d'or volé furent
transférées sur un compte secret de la R.eichbank à Berlin ouvert au nom

163. Erick San Juan, Marcos Legacy Revisited: Raiders of the Lost Gold, Makati City, Raiders of the
Lost Gold Publication, 1998, p. 43.
164. Voir à ce sujet, l'excellent ouvrage de Pierre Jovanovic, Adolf Hitler ou la vengeance de la
planche à billets, Paris, éditions Le Jardin des Livres, 2017.
168 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

de «Max Heiliger». L'objectif était d'acheminer l'or vers la Suisse pour


le transformer en «actifs financiers convertibles». Les banquiers suisses
de la Banque nationale savaient très bien que cet or provenait du pillage
touchant les juifs de toute l'Europe et de la mise à sac des États d'Europe
occupés. Ils fermèrent les yeux. Un rapport commandité par le Congrès
juif mondial et publié le 7 octobre 1997 indique que la Suisse aurait
blanchi 85 % de l'or nazi. Concrètement, sur les 8,5 milliards - au cours
actuel - de dollars en or pillés aux banques centrales des pays occupés
et aux juifs d'Europe, 5,2 milliards auraient été «lavés» en Suisse 165 •

On a beaucoup parlé de l'or des nazis et on imagine souvent cet


or ayant transité des quatre coins de l'Europe vers Berlin pour fina-
lement aller s'évanouir dans des banques suisses. C'est un fait, mais
il faut savoir qu'une partie de cet «argent fantôme» fut aussi débus-
quée en Afrique du Nord lors, par exemple, de l'envoi des troupes du
Deutsches Afrikakorps (OAK) au Proche-Orient. Hitler confia au général
~rwin Rommel un commandement en Afrique du Nord dans l'objec-
tif de soutenir les troupes italiennes aux prises avec les Britanniques.
Les Devisenschutzkommandos de la Wehrmacht suivirent Rommel et ses
troupes du OAK pour «moissonner» les juifs d'Afrique du Nord. Au
total, 3585 juifs furent par la suite envoyés dans les camps de travail
de Vichy du Maroc, d'Algérie et de Tunisie ... Les« commandos de pro-
tection des devises» auront récupéré des pièces, des lingots d'or et de
platine, des pierres précieuses ainsi que des tableaux de maîtres comme
Picasso et Chagall. Nous savons qu'une partie de ce trésor sombra« offi-
ciellement» au fond de la Méditerranée, mais une autre partie inconnue
fut finalement interceptée par le général britannique Bernard Montgo-
mery en décembre 1942.

165. Pierre Hazan, «La Suisse aurait blanchi 85 % de l"or nazi' - Un rapport commandité par
le Congrès juif mondial relance la polémique», site www.liberationfr = https: / / www.liberatio
n.fr / planete / 1997/10 / 08/la-suisse-aurait-blanchi-85-de-l-or-nazi-un-rapport-commandite-
par-le-congres-juif-mondial-relanœ-1_218919 /
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 169

48. Le général américain Dwight D. Eisenhower récupère de l'or nazi dans des mines de sel
allemandes à Merkers-Kieselbach en avril 1945. US National Archives, Domaine public

L'interception de biens et de matériels nazis ne s'arrête pas à ce


genre d'exemple. En 1945, la Haganah, l'organisation sioniste et parami-
litaire juive, s'enrichit d'approvisionnement militaire allemand et italien.
Des quantités d'armes saisies en Afrique du Nord après la défaite de Rom-
mel sont importées clandestinement en Palestine par des soldats juifs ser-
vant dans les unités alliées du Sinaï égyptien. Elles sont transportées à
bord de camions ou par chameaux pour être finalement dissimulées dans
des grottes du désert, à quelques pas de l'endroit où les Manuscrits de la
mer Morte seront découverts deux ans plus tard 166 •

*
* *

C'est dans ce contexte qu'intervient une nouvelle fois l'agent sioniste


Isaac Charchat. Depuis les années 1930, Charchat s'est spécialisé dans le
transport maritime. En plus d'amener régulièrement de nouveaux colons
juifs vers la Palestine, il s'est donné pour mission de récupérer nombre

166. Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad de 1951 à nos jours, Paris, Nouveau Monde
Éditions, p. 50.
170 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

de denrées et matériaux provenant d'Amérique du Nord et d'Afrique à


destination des territoires occupés par le peuple juif. Lorsque la Seconde
Guerre mondiale a paralysé son entreprise de transport maritime en 1942,
Charchat a profité de cette interruption pour développer un système
comptable unique, l'un des premiers à utiliser des ordinateurs167 •
Après ses exploits contre le régime d'Hitler, tout porte à croire que
notre agent se serait aussi spécialisé dans le transport de l'or des nazis
pour le compte des Alliés. Sa mission est doublement importante à ses
yeux : l'Allemagne paiera bientôt le prix fort pour dédommager les juifs
victimes du nazisme.

En novembre 1945, Isaac Charchat lance un message dans le Foreign


Commerce Weekly, (vol. 21, n° 7). Au premier abord, il s'agit simplement
d'une annonce offrant les services d'un transporteur dénommé Itzik Char-
chat, lequel représente un cartel d'importateurs africains. Parmi tous les
documents que j'ai pu examiner concernant Isaac Charchat, c'est le seul
où je trouve son prénom orthographié de cette façon. Itzik est très certai-
nement son prénom de naissance, d'origine hébraïque. Le père de Zecha-
ria Sitchin portait également ce prénom assez courant. Comme pour une
grande majorité de juifs, ce type de prénom a souvent été «occidentalisé»
surtout lorsqu'il s'agit d'individus promis à de brillants avenirs dans les
affaires et le commerce international.
Itzik provient du prénom hébreu Yitschak, dérivé de Tsachak, «rire»
ou «réjouissance». C'est le nom donné au fils d'Abraham et de Sarah dans
la Bible. L'étymologie populaire relie le sens de ce mot au rire de Sarah et
à sa joie d'avoir donné naissance à un fils malgré son âge avancé. Les tra-
ducteurs grecs de l'Ancien Testament ont par la suite rendu Yitschak par
Isaak, terme qui s'est finalement latinisé sous la forme Isaac. D'une façon
générale, ltzik est habituellement traduit par les termes «rire, réjouir, il se
réjouira, il réjouira, il va y avoir du plaisir». Le fait d'utiliser ce prénom
sous sa forme hébraïque dans ce message indique que l'agent en fonction
offrira toute satisfaction.

167. Charchat, A Constant Reminder, op. cit., 4• de couverture.


SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 171

49-50. L'annonce de l'agent Isaac


Charchat est codée et semble indiquer
qu'il transporte de l'or de la Seconde
Guerre mondiale. Cette annonce est
publiée le même mois où Robert B.
Anderson doit faire transiter l'or
secret des Philippines ... Nous verrons
plus loin qu'en 1967, les agents Isaac
Charchat, Robert B. Anderson et
Zecharia Sitchin créeront ensemble
un consortium de onze sociétés de
commerce international spécialisées
dans le courtage et les services
financiers, les opérations d'entrepôt,
les remorques et les conteneurs ...
Journal Foreign Commerce Weekly
du 10 novembre 1945, p. 19

Voyons ce message de plus près. En découvrant la petite annonce de


Charchat, j'ai été tout de suite interpelé par les caractères en capitales ainsi
que l'agencement et la mise en page du texte, scrupuleusement et délibé-
rément réalisés comme si son auteur cherchait «discrètement» à y glisser
un message codé. Pour cette démonstration, je m'appuierai sur le raison-
nement que m'a proposé un cryptographe interrogé par mes soins au sujet
d'un éventuel codage de cette annonce: de nombreux codes étaient encore
en usage au cours de cette période tourmentée de l'histoire, mais il y a fort
à parier que le plus simple d'entre eux a été employé par Charchat dans
cette annonce du Foreign Commerce Weekly du 10 novembre 1945.
172 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Les termes en capitales sont certainement l'acronyme d'un mes-


sage hautement pratique et relativement clair dans ce contexte : T(h)E
C(onsumer) P(ackaged) G(ood) [of] W(orld) W(ar) H [le H représenterait un
«II» en chiffre romain avec ses deux traits] D(oes) H(ave) G(o)L(d) [ ... ].Ce
qui signifie : «Le transporteur des biens de consommation de la Seconde
Guerre mondiale est bien en possession de l'or». Il s'agirait donc d'un
ultime message, confirmant la prise en charge de la «marchandise» par
l'homme d'affaires.
La conclusion du message demeure intrigante si j'en crois le crypto-
graphe qui m'assure qu'un agent ne change pratiquement jamais de sys-
tème de codage en cours de rédaction. Cependant, il semble que l'annonce
se conclut de la sorte sur une anagramme: LINOLEUM, correspondant
à «MULE O[f the] NIL». Cette hypothèse renvoie au Canal de Suez, lui-
mêi:ne relié au Nil, l'un des points stratégiques du transit des marchan-
dises mondiales, ce qui est encore le cas de nos jours. Cet itinéraire a bien
été emprunté par Charchat. Pour Rappel, le canal de Suez relie la ville
portuaire de Port-Saïd, sur la mer Méditerranée, à la ville de Suez sur la
mer Rouge à quelque 200 km plus bas. C'est là le centre névralgique d'une
grande partie du commerce mondial.

Robert B. Anderson doit absolument trouver un spécialiste pour


transporter discrètement l'or secret des Philippines. Nous l'avons vu pré-
cédemment, les journalistes Sterling et Peggy Seagrave indiquent qu' An-
derson visite les tunnels remplis d'or aux Philippines au mois de novembre
1945, sans préciser la date exacte. Dès cet instant, le gouvernement amé-
ricain donne à Anderson pour mission de faire transiter l'or japonais au
plus vite et le plus discrètement possible. Le message d'Isaac Charchat
date du 10novembre1945. S'agit-il de la prise en charge de cette marchan-
dise d'or ou bien d'une précédente mission du même type? Nous ne pou-
vons répondre à cette question, mais il semble certain qu'Isaac Charchat
se chargea de récupérer l'or japonais des Philippines entre novembre et
décembre 1945 grâce à son entreprise maritime et son réseau africain. Rap-
pelons ce que nous avons noté plus haut : la quantité d'or enterrée aux Phi-
lippines pendant la Seconde Guerre mondiale équivaut à plus d'un million
de tonnes, soit environ 90 % des stocks «réels» du monde à cette époque!
Les liens que vont après cela entretenir Robert B. Anderson et l'agent Isaac
Charchat prouvent que cette opération secrète s'est bien déroulée.
Anderson, Charchat et Sitchin auront par la suite pour projet de
développer une route marchande dénommée «Land-Bridge», imaginée
pour le transport de «cargaisons commerciales» entre }'Extrême-Orient
et l'Europe en utilisant les États-Unis comme un «pont terrestre». Nous
le verrons, leur idée sera certes de couper au plus court par rapport au
Canal de Panama et celui de Suez, elle participera néanmoins en même
temps d'une volonté de transporter des cargaisons par voie terrestre, mais
aussi dans des zones maritimes difficiles à surveiller, en utilisant en plus
SUR LES TRACES DE ZECHARIA SITCHIN ... 173

de cela des conteneurs. La conteneurisation est effectivement un moyen


terriblement efficace pour des trafiquants lorsque l'on sait que seulement
2 % des conteneurs de transport font de nos jours l'objet d'inspections ...
À l'époque des faits exposés dans cette enquête, il n'y avait pour ainsi dire
aucune inspection.

Suite à cette opération secrète rondement menée par Robert B. An-


derson, les deux assistants du secrétaire à la Guerre, Robert Lovett et John
McCloy, quittent leurs fonctions gouvernementales pour prendre leur
retraite. Ces derniers se mettent subitement au service de Robert B. An-
derson pour devenir ses conseillers privés. On l'aura compris, Anderson
est devenu du jour au lendemain multimillionnaire en récompense de ses
loyaux services à la Nation américaine ...
II
Des millions de morts supplémentaires
pour des «raison inavouables»

1. La capitulation de l'Allemagne torpillée


par Franklin D. Roosevelt dès 1943

Nous allons effectuer un petit retour en arrière de plus de deux ans


avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une information ultrasecrète,
divulguée par le commandant George H. Earle168, est publiée dans le ma-
gazine américain Confidential au mois d'août 1958 sous le titre de «F.D.R.'s
Tragic Mistake ». L'histoire le concerne directement et se situe après ses
mandats d'ambassadeur américain en Autriche de 1935 à 1939, et en Bul-
garie de 1940 à 1942. En 1943, le président Roosevelt avait nommé son
ami George Earle en tant que son attaché naval personnel à Istanbul, en
Turquie. Et c'est à Istanbul que se déroula en grande partie cette affaire.
Neuf ans après la publication du magazine Confidential, la même
information sera cette fois diffusée par le colonel Curtis B. Dall, le gendre
du président américain Franklin D. Roosevelt, dans son ouvrage, Franklin
Delano Roosevelt - My Exploited Father-in-Law [Tulsa (Oklahoma), Christian
Crusade Publications, 1967]. Cette seconde publication fera suite à une en-
trevue entre George H. Earle et Curtis B. Dall. L'épisode qui va être détaillé
ici est une source incontestable, entre autres validée par la Pennsylvania
Historical & Museum Commission.
La scène se déroule en janvier 1943, soit quelques jours après la
conférence de Casablanca où le président américain Franklin Roosevelt
et le Premier ministre britannique Winston Churchill avaient préparé «la
stratégie des Alliés» en prévision de la future sortie de la guerre. Le géné-
ral de Gaulle participait à cette session sans pour autant prendre part aux
168. George Howard Earle III de son nom complet.
176 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

discussions d'ordre militaire. Dans cette réunion arrangée, où les Alliés


commençaient déjà à négocier entre eux pour savoir qui allait récupérer
certains marchés juteux après la guerre; les deux grands avaient exigé la
reddition sans condition des puissances del' Axe ...

George Earle arrive à Istanbul en janvier 1943; l'homme parle par-


faitement l'allemand. Franklin D. Roosevelt a insisté pour donner à son
ami Earle le statut diplomatique d'attaché naval afin de garantir sa vie.
Istanbul est à cette époque un foyer d'intrigues nocturnes où des corps
morts sont régulièrement alourdis et coulés dans le Bosphore. La mission
de Earle est de tenter de faire sortir le roi Boris III de Bulgarie et son pays
de la guerre.
Une semaine après son installation au luxueux Park Hotel d'Istan-
bul quelqu'un frappe doucement à la porte de sa chambre. Earle ouvre
et est confronté à un homme en civil de taille moyenne, affublé de larges
épaules et de cheveux blancs. L'inconnu ferme la porte derrière lui et
tourne la clé. Il inspecte toutes les fenêtres et constate qu'elles sont fermées
et verrouillées. Puis il revient rapidement vers Earle, fait claquer ses talons
et s'incline. L'homme se présente comme étant l'amiral Wilhelm Canaris,
chef de l' Abwehr, le service de renseignements de l'armée d'Hitler. Tout
en restant loyal à l'Allemagne, Canaris est connu des services secrets al-
liés pour rejeter le nazisme ainsi que de nombreuses décisions d'Hitler.
Il dirige l' Abwehr depuis 1935 et on sait qu'il hait foncièrement le com-
munisme. L'amiral allemand demande une conversation informelle. Earle
accepte. «Mes agents, dit l'amiral Canaris en allemand, ont vérifié l'empla-
cement de vos quartiers et le fait que vous étiez seul. Ils supposent que je vous
surveille. Cependant, j'ai quelque chose de tout à fait différent en tête.» Puis le
chef des renseignements d'Hitler rapporte ensuite qu'il existe beaucoup
d' Allemands sensés attachés à leur pays et qui ont une grande aversion
pour leur Führer parce qu'ils pensent qu'il mène la Nation allemande sur
la voie de l'anéantissement. Canaris est troublé par la doctrine alliée de
reddition inconditionnelle : «Cela signifie la guerre jusqu'au bout, la destruc-
tion de l'Allemagne en tant que puissance militaire et l'émergence de la Russie en
tant que force dominante en Europe.» George Earle est d'accord. Mais quelle
est l'alternative?
- Pensez-vous que le président Roosevelt veut vraiment dire « red-
dition inconditionnelle? poursuit le chef des renseignements d'Hitler. Nos
généraux, ajoute-t-il, n'avaleront jamais cette politique. Par contre, an-
nonce Canaris, si le président américain indique simplement qu'il accepte-
rait une reddition honorable de l'armée allemande, il pourrait y avoir un
arrangement.
Wilhelm Canaris ajoute également que si on lui en donnait l'ordre,
l'armée allemande serait concentrée sur le front de l'Est pour défendre
l'Ouest contre l'avancée de l' Armée rouge. Les véritables ennemis de la
civilisation occidentale, à savoir les Soviétiques, pourraient être ainsi stop-
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 177

pés. Les Russes viseraient apparemment à s'établir comme la puissance


dominante en Europe et tromperaient les Alliés sur leurs intentions.
Earle se détourne et se dirige vers la fenêtre pour observer les mina-
rets d'Istanbul. La question le choque. Un membre de confiance du cercle
très restreint d'Hitler fait référence à une paix négociée si les conditions
sont équitable! L'amiral Canaris sourit doucement :
- Peut-être pourrez-vous en parler à votre Président?
L'amiral Canaris tend la main.
- Je quitte Istanbul cet après-midi. Je serai de retour dans soixante
jours. J'espère que vous aurez quelque chose à me dire.
Il s'incline de nouveau et se dirige vers la porte.
Le commandant Earle est d'abord secoué par cette annonce totale-
ment inattendue. Une fois remis du choc, il cherche une réponse extrême-
ment prudente à donner à l'amiral allemand. Il va voir ce qu'il peut faire.

George Earle est relativement réservé concernant les propositions


de l'amiral Wilhelm Canaris. Il vient de faire face au plus grand espion
d'Hitler! Mais le doute subsiste. Le diplomate d'Istanbul recueille ensuite
davantage d'informations sur les cibles secrètes des Russes et envoie un
message crypté au président Roosevelt à Washington via la valise diplo-
matique. Son message secret rapporte tous les détails de sa rencontre avec
l'amiral Wilhelm Canaris, rencontre qu'il nomme «incident». Au regard
de la situation, Earle demande une réponse rapide. La missive a dû se
trouver sur le bureau de Roosevelt en deux jours, trois au maximum. Les
jours passent ... Earle souhaite prendre les devants, mais comment faire?
Un matin le téléphone sonne dans sa suite d'hôtel. Il tend la main et une
voix allemande cultivée lui répond : «C'est le baron Kurt von Lersner ». Sa
silhouette et le visage de sa charmante épouse lui reviennent immédiate-
ment à l'esprit. George Earle les avait tous les deux vus à la réception des
partis diplomatiques. Kurt von Lersner avait été le chef de la délégation
allemande à la Conférence de paix de Versailles après la Première Guerre
mondiale et maintenant, à cause d'une fraction de sang juif, il était en exil
en Turquie en tant que chef de la Société d'Orient, une organisation cultu-
relle allemande. Le baron Kurt von Lersner est un ami de Franz von Papen,
un ancien proche d'Hitler, mais qui n'avait pas tardé à se rendre compte
des excès des nazis. Ce dernier quitta le gouvernement allemand au lende-
main de la nuit des Longs Couteaux 169 pour devenir ambassadeur.
Von Lersner souligne le lien direct d'Earl avec la Maison-Blanche et
169. La nuit des Longs Couteaux désigne une série de meurtres perpétrés par les nazis entre
le 29 juin et le 2 juillet 1934 contre les dirigeants de la SA (sections d'assaut). La SA avait
joué un grand rôle dans la prise du pouvoir par Hitler, mais devenait trop puissante pour le
Führer. Ernst Rôhm, chef de la SA, souhaitait mettre en place une nouvelle armée allemande
dans laquelle se centraliserait la SA. Rôhm contrôlait deux millions de membres de la SA,
soit vingt fois plus que les effectifs de l'armée. Sur de fausses preuves, la SA fut accusée de
projeter un coup d'État. Avec le concours des SS et de leur chef Himmler, Adolf Hitler fera
incarcérer les principaux membres de la SA durant la nuit des Longs Couteaux. Tous seront
ensuite fusillés. Cette «purge» vit triompher les SS et aida à la dictature nazie à s'établir.
178 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

le Président. Le diplomate américain l'écoute attentivement en tentant de


capter des insinuations ou tout élément que von Lersner ne pourrait pas
dire au téléphone. Les deux hommes conviennent d'une réunion secrète à
près de huit kilomètres d'Istanbul, tard dans la soirée, dans un endroit iso-
lé sous des arbres, près d'un champ et un petit bosquet de cyprès. L'ami de
Roosevelt et von Lersner vont discuter pendant plusieurs heures. La ques-
tion la plus importante tombe encore sur le tapis : si les forces antinazies
d'Allemagne livrent les forces allemandes aux Américains, pourraient-
elles compter sur la coopération des Alliés pour empêcher les Soviétiques
d'entrer en Europe de l'Est? Et le baron d'ajouter que si Roosevelt accepte
une «reddition honorable» - en admettant même qu'Hitler n'aurait pas
encore déjà été tué par les résistants -, le Führer serait remis mort ou vif
aux Américains. Le plus important pour tous était d'empêcher les Russes
de s'étendre vers l'Ouest.

51. George
Earle en 1939.
US Federal
Government,
Domaine public

Face à cette nouvelle confirmation d'une reddition honorable de


l'Allemagne et d'une promesse de cesser enfin les combats, Earle renvoie
un nouveau message crypté à la Maison-Blanche dans lequel il supplie son
ami Franklin D. Roosevelt d'examiner les propositions des opposants alle-
mands avec le plus grand intérêt. Cette nouvelle rencontre représente une
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 179

avancée passionnante par rapport à la position de Canaris. Lersner avait


clairement placé sa vie entre les mains du diplomate américain. Certains
des plus hauts responsables allemands, dont Franz von Papen, aimaient
leur pays, mais ils ayaient fini par détester Hitler. «Ils souhaitaient mettre fin
à la guerre avant qu'elle ne saigne l'Allemagne de toute sa jeunesse, sa force et ses
ressources» dira George Earle des années plus tard.

L'attaché personnel du président américain attend avec impatience


la réponse du Président, sentant que cette incroyable chaîne d'événements
annonce la fin imminente de la guerre! Pourtant, les jours et les semaines
passent ... Un matin de mars, le téléphone privé de Earle sonne :
- Je suis le monsieur qui vous a contacté il y a deux mois à l'impro-
viste. Y a-t-il eu des progrès sur l'affaire dont nous avons discuté?
- Non, répond Earle dépité, pas de progrès.
- Je suis vraiment désolé, dira alors son interlocuteur.
La connexion s'est ainsi interrompue. Et Earle n'a plus jamais enten-
du parler de l'amiral Wilhelm Canaris ...

George Earle attend encore un peu, il ne peut s'empêcher d'espérer;


nous sommes au printemps 1943. Encore une fois, aucune réponse! Face
au silence de la Maison-Blanche, l'envoyé personnel du président améri-
cain rencontre de nouveau von Lersner en secret, qui est cette fois-ci très
excité. Ce dernier apporte avec lui un nouveau plan. Il est accompagné
de Franz von Papen. Les trois hommes se retrouvent à 22h30 au bosquet
de cyprès. Les deux Allemands expliquent à George Earle que : «Réunis
dans le secret le plus sombre, un petit groupe d'hommes les plus influents
d'Allemagne ont juré de frapper au cœur le régime nazi!» Le groupe réu-
nit Ludwig Beck, ancien chef d'état-major de l'armée allemande, le comte
Wolf-Heinrich von Helldorf, chef de la police du prince de Berl Gottfried
Bismarck, chef administratif du gouvernement de la ville de Potsdam et
petit-fils d'Otto von Bismarck, et un officier de cavalerie allemand bien
connu, Freiherr von Boeselager. Cet officier et sa brigade de cavalerie se-
raient prêts à encercler le quartier général éloigné et fortement gardé, la
Wolfschanze («Tanière du loup») d'Hitler, au fond d'une forêt de pins de
Prusse orientale. Ils attaqueraient et captureraient Hitler et Heinrich Him-
mler, le chef de la Gestapo, ainsi que Martin Bormann, le secrétaire privé
d'Hitler. Ils jetteraient les trois hommes en prison et les remettraient plus
tard aux Alliés pour qu'ils soient jugés comme criminels de guerre. Beck et
les autres prendraient le commandement de toutes les troupes allemandes
sur le terrain170 • Les nazis seraient écrasés. Ainsi, la machine de guerre alle-
mande serait à la disposition des Alliés pour empêcher les Russes d' avan-
cer. La reddition de l'Allemagne serait à ce prix! «Sans cette assurance, tous
ces Allemands ne pourraient jeter leur cœur et leur vie dans une rébellion qui
diviserait l'Allemagne en deux.» Hitler n'est pas le peuple allemand. Quatre-
170. George H. Earle, «F.D.R.'s Tragic Mistake», Confidential, août 1958, p. 6.
180 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

vingt-dix pour cent du peuple allemand ne sait rien des atrocités de Da-
chau, ajoute George Earle171 • La vie et l'avenir de l'Allemagne et sans doute
de l'Europe entière étaient en jeu. Ce plan marquerait enfin la fin de toutes
ces souffrances et des effusions de sang. George Earle promet à Lersner de
faire de son mieux. Les deux hommes se séparent solennellement.

Nous sommes presque deux ans avant la fin de la guerre qui sur-
viendra en 1945 ! La nouvelle dépêche de George Earle part dans les douze
heures. Le diplomate américain ne veut prendre aucun risque. Pour s' assu-
rer que sa missive secrète arrive bien au président Roosevelt, Earle l'envoie
à la fois par la valise diplomatique du Département d'État, mais aussi par
les canaux de l'armée et de la marine. Tout est prévu. Franz von Papen a
un avion en attente sur un petit aérodrome privé à l'extérieur d'Istanbul.
Dès la réception de la réponse favorable de Franklin D. Roosevelt concer-
nant une forme de réédition honorable de l'Allemagne, George Earle doit
s'envoler vers un endroit secret en Allemagne, près de Berlin. Selon les
instructions de von Lersner, Earle devrait porter des vêtements civils ou
un uniforme d'officier nazi. Mais l'ambassadeur américain a insisté pour
porter son propre uniforme de capitaine de corvette de l'US Navy. Un
imperméable bleu marine est prévu par-dessus. Une housse de pluie en
caoutchouc doit aussi dissimuler l'écusson de sa casquette. Earle sait qu'il
ne reviendra peut-être jamais de sa mission. Ce vol risqué vers Berlin pren-
drait six heures. L'avion volerait au niveau du sol pour éviter les tirs anti-
aériens. Il sera prévu que Helldorf et Bismarck le retrouvent sur une piste
d'atterrissage secrète au nord de Berlin. Earle a promis une garantie écrite
des termes proposés, signée par le Président. C'est tout ce que les Alle-
mands demandent depuis des mois déjà.
George Earle explique son attente avec ses mots et son émotion : «En
quelques heures, la brigade de Boeselager se rapprocherait de la Wolfsschanze [le
quartier général d'Hitler]. La poudrière antihitlérienne exploserait. J'ai écrit des
lettres d'adieu à ma famille aux États-Unis. Je leur ai dit que si quelque chose
tournait mal et que les nazis nous détenaient, ce serait une bonne issue. Une seule
chose me faisait peur. Les bourreaux de la Gestapo pendaient généralement leurs
victimes. Je ne voulais pas être pendu. Les jours s'éternisaient. Lersner n'arrêtait
171. Contrairement à ce que racontent certains magazines ou intellectuels, cette information
relayée par George Earle est parfaitement exacte! Je suis personnellement franco-allemand. Je
me souviendrais toute ma vie avoir vu ma grand-mère allemande pleurer devant la télévision,
au tout début des années 1980, en regardant un reportage sur la Shoah et les atrocités des
nazis dans les camps de concentration. Elle a clairement dit : « Wir wuf3ten nichts ! » («Nous ne
savions pas! » ). C'est tellement facile et tellement plus commode d'imaginer que l'Allemagne
entière savait ce que les nazis réservaient aux juifs parqués dans les camps : construire
!'Histoire sur des clivages manichéens expéditifs est aisé ... Simone Veil, future ministre d'État
sous le président français François Mitterrand - elle-même déportée à Auschwitz en avril
1944, - dira dans son autobiographie publiée chez l'éditeur Stock en 2007: «/e n'ai jamais
entendu parler à Drancy de chambres à gaz, de fours crématoires ou de mesures d'extermination. Tout
le monde répétait que nous devions être acheminés en Allemagne pour y travailler 'très dur'. Mais
vers quelles destinations? Faute de savoir, on parlait de 'Pitchipoi', terme inconnu désignant une
destination imaginaire. Les familles espéraient ne pas être séparées, et c'est tout.»
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 181

pas de s'informer. L'avion attendait. Tout était prêt. Nous devions agir. J'étais
assis là à mon bureau et j'étais, chaque jour, de plus en plus malade. Mes appels à
Washington sont restés sans réponse 172• »

Pendant ce temps, Wilhelm Canaris est limogé de son poste à la


tête des services secrets en février 1944 et assigné à résidence dans le châ-
teau de Lauenstein. Il est ensuite réintégré comme chef du département
d'espionnage économique. Il aura dirigé l' Abwehr pendant neuf ans. Se
retrouvant sur la sellette, il envoie par précaution sa famille en territoire
plus sûr. Grâce à une ordonnance, Hitler crée les services secrets unifiés de
façon à pouvoir contrôler les services secrets. La mise à l'écart de Canaris
permet de démanteler méthodiquement l' Abwehr qui comporte de nom-
breux collaborateurs hostiles au nazisme ...

52. Wilhem Canaris


a été à la tête des
services secrets alle-
mands pendant neuf
ans. Il est respon-
sable de la proposi-
tion de capitulation
de l'Allemagne.
Domaine public

Finalement, la réponse qu'attend George Earle arrive enfin : «Toutes


les demandes de paix négociées doivent être envoyées au commandant su-
prême allié, le général Eisenhower» ... La réponse de Washington indique
clairement un désintérêt total pour ce plan de fin de guerre! Déconcerté et
172. Earle, F.D.R.'s Tragic Mistake, op. cit., p. 7-8.
182 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

dégoûté, George Earle ne peut pas en parler à Kurt von Lersner, il n'essaye
même pas. La suite de l'histoire ressemble à un cauchemar, expliquera
Earle.
Les mois ont passé. Notre homme s'envole vers Washington en mai
1944 ... Cela fait seize mois que l'amiral Wilhelm Canaris l'a contacté un
beau matin et cela fait presque autant de temps que la première missive
diplomatique a été envoyée à Franklin D. Roosevelt. Earle se retrouve
dans le hall de la Maison-Blanche à attendre de voir le Président. Il dis-
cute quelques instants avec le secrétaire de la Marine, James Forrestal et
lui explique ses craintes quant à la Russie. Forrestal sort de ses gonds et
répond, très surpris : «Mon Dieu, George, toi, moi et Bill Bullit sommes les
seules personnes autour du Président qui connaissons les dirigeants russes pour
ce qu'ils sont vraiment!»
Roosevelt reçoit Earle. Le Président fait comme si de rien n'était,
affichant une attitude détendue et pleine de confiance.
- Cessez de vous inquiéter, George. Nous nous préparons pour ce
débarquement de Normandie. Il ne peut pas échouer. L'Allemagne se ren-
dra dans quelques mois.
- Monsieur le Président, répond Earle, la vraie menace n'est pas
l'Allemagne. C'est la Russie!
Le Président sourit.
- George, la Russie est une nation de 180 millions d'habitants par-
lant 120 dialectes différents. Quand la guerre sera finie, elle volera en mor-
ceaux comme une centrifugeuse fissurée à grande vitesse.

Pendant ce temps, les rebelles allemands résolument opposés à Hit-


ler sont désespérés. N'ayant pas obtenu l'assurance demandée, plusieurs
de leurs leaders coupent peu à peu tout contact avec les Alliés. La Gestapo
resserre progressivement son filet et accule littéralement les conspirateurs,
réduisant l'espoir d'un soutien des forces alliées. Tuer Hitler demeure
pourtant un impératif de plus en plus pressant. Depuis 1943, des officiers
de la Wehrmacht cherchent à éliminer Hitler pour sauver· l'Allemagne
du nazisme. Plusieurs attentats ont échoué. L'ancien chef d'état-major
de l'armée allemande, Ludwig Beck, soutenu par plusieurs hauts gradés,
lance l'Opération Walkyrie en juillet 1944. Le 20 juillet, le haut commande-
ment allemand tient sa réunion quotidienne au quartier général d'Hitler,
la Wolfsschanze, situé en Prusse orientale, aujourd'hui la Pologne. Hitler
occupe les lieux depuis le 24 juin 1941. Une mallette piégée est déposée
non loin du Führer et explose quelques instants après. Hitler ne souffrira
que de quelques blessures superficielles, bien que la bombe ait tué quatre
personnes et blessé sept autres. S'ensuit une tentative de coup d'État qui
va échouer en l'absence de la confirmation de la disparition d'Hitler. Dans
le prolongement de cet échec cuisant surviendra une féroce répression. Les
conjurés sont tous arrêtés.
Après l'attentat, Wilhem Canaris reçoit l'appel d'un conspirateur qui
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES... 183

lui annonce la mort d'Hitler. Se sachant sur écoute, Canaris fait semblant
d'ignorer le complot. Le 29 juillet 1944, Walter Schellenberg, accompagné
de deux hommes, vient l'arrêter à son domicile. On lui offre de se suicider,
mais Canaris décline la proposition et les suit. L'ancien chef de l' Abwehr
se retrouve à Berlin dans la prison de la Gestapo où il subit de nombreux
traitements humiliants. Il y reste sept mois. Il est ensuite emmené au camp
de concentration de Flossenbürg, en Bavière, le 3 février 1945. La Gestapo
n'arrivera pas à lui arracher le moindre aveu ...

George Earle poursuit son histoire. En février 1945, son service à Is-
tanbul touche à sa fin. Il demande son transfert. Le mois suivant, de retour
aux États-Unis, il est prêt à voyager à travers tout le pays pour révéler au
peuple américain la vérité sur la Russie. Earle souhaite mettre en garde
le monde libre contre la folie de tout traité ou accord avec les dirigeants
russes. Il le fait savoir au palais présidentiel de Washington via une lettre
datée du 21mars1945. Étrangement, les voies postales vont parfaitement
fonctionner. Le 24 mars, George Earle reçoit deux courriers de la Maison-
Blanche, un premier d' Anna Roosevelt Boettiger, la fille du Président, et
un second du Président lui-même. Le contenu des deux lettres fut publié
par le colonel Curtis B. Dall, le gendre du président américain Franklin O.
Roosevelt:

«Cher commandant Earle,

Votre lettre du 21 mars m'a beaucoup troublée, car il m'est extrêmement difficile de
croire que vous voulez faire connaître une opinion telle que vous l'avez exprimée,
alors qu'il est tout à fait évident que cette opinion apporterait une aide et un confort
à l'ennemi. Je ne comprends pas qu'un citoyen américain veuille faire cela. Alors
que nous approchons du stade critique de la guerre contre l'Allemagne, il semble
évident que toute action qui dérangerait nos relations amicales avec nos alliés ne
ferait qu'aider l'ennemi et, ce faisant, nous coûterait peut-être des milliers de vies.
Sur cette base, donc, je peux être certaine que mon père ne voudrait pas que vous
poursuiviez votre action [... ].
Anna Roosevelt Boettiger »

" Cher George,

J'ai lu votre lettre du 21 mars à ma fille Anna et j'ai noté avec inquiétude votre
intention de faire connaître votre avis défavorable sur l'un de nos alliés au moment
même où une telle publication venant d'un de mes anciens émissaires pourrait cau-
ser un préjudice à notre effort. Comme vous le dites, vous avez occupé d'importants
postes de confiance sous votre gouvernement. Publier des informations obtenues à
ces postes sans autorisation appropriée serait une trahison d'autant plus grande.
Vous me dites que, sauf contrordre de ma part avant le 28 mars, vous publierez vos
propos. Non seulement je ne le souhaite pas, mais je vous interdis expressément de
publier toute information ou opinion que vous auriez pu acquérir sur un allié alors
que vous étiez en fonction ou au service de la marine américaine. Compte tenu de
votre souhait de poursuivre votre service actif, je retirerai toute entente antérieure
184 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

selon laquelle vous me servirez d'émissaire et je vais ordonner au Département de la


Marine de poursuivre votre emploi où ils pourront Jaire appel à vos services 173 [ ••• ] •
Franklin D. Roosevelt»

Un autre courrier de la Maison-Blanche, signé du Président, et daté


du 2 avril 1945, confirme à George Earle son affectation dans le Pacifique.
Roosevelt précise qu'il ferait bien d'aller de l'avant, d'exécuter les ordres
et de constater par lui-même que la guerre du Pacifique est l'un des pro-
blèmes majeurs de la Maison-Blanche. Earle indique alors : «Le président
Roosevelt, qui n'avait plus qu'un mois à vivre, a interdit cette 'trahison' d'un allié.
Pour s'assurer que j'obéissais aux ordres, il m'envoya à Samoa dans le Pacifique
Sud en tant que sous-gouverneur de 16000 insulaires indigènes 174 [ ••• ]. »

Durant cette période, une enquête approfondie en Allemagne per-


met de découvrir cinq volumes des archives personnelles de Wilhem Ca-
naris, lesquelles révèlent que l'ancien chef du service de renseignements
conspirait contre Hitler depuis 1938. Humilié et blessé au plus profond de
son orgueil, Hitler commande de liquider immédiatement les conspira-
teurs. Comme bien d'autres conjurés, Canaris est déféré devant une cour
martiale SS - une véritable farce - présidée par Otto Thorbeck. Canaris et
plusieurs traîtres seront exécutés le 9 avril 1945. Ultime signe de déchéance,
il sera pendu nu aux côtés de plusieurs rebelles associés de près ou de loin
à l'Opération Walkyrie. George Earle explique la suite : «Des agents de la
Gestapo ont arrêté Canaris. Dix mois plus tard, il est condamné à mort pour tra-
hison. Des gardes SS ivres l'ont tué dans la cour d'exécution de Flossenbürg. Un
rapport indique qu'il a été pendu, dépendu et ranimé, puis pendu à nouveau. Un
autre dit qu'il a été suspendu à un collier de fer et qu'il a. mis 30 minutes à mou-
rir. Un troisième dit que, comme d'autres conspirateurs, l'amiral a été lentement
étranglé avec une corde à piano en acier175 • »
Ironie du sort, après ces exécutions, le camp de Flossenbürg est
ouvert pour dissolution. Les Alliés avancent et les officiers allemands ont
pour mission de déguerpir en laissant le moins de traces possible derrière
eux. Les prisonniers sont soumis à l'une des nombreuses «marches de la
mort», vers le camp de Dachau dans l'histoire qui nous concerne. Plus de
1500 prisonniers, probablement les plus faibles, sont restés au camp de
Flossenbürg. Le 23 avril 1945, soit quatorze jours après les dernières exé-
cutions, dont celle de Wilhelm Canaris, la 9Qe division d'infanterie améri-
caine libère Flossenbürg ...

George Earl est resté en exil dans l'archipel des Samoa jusqu'à ce
qu'il soit rappelé par le président Truman quatre mois après son affec-

173. Curtis B. Dall, Franklin Delano Roosevelt - My Exploited Father-in-Law, Tulsa (Oklahoma),
Christian Crusade Publications, 1967, p. 157-159.
174. Earle, F.D.R. 's Tragic Mistake, op. cit., p. 9.
175. Ibidem, p. 9.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 185

tation. Amaigri et probablement malade depuis un moment, Franklin D.


Roosevelt est mort peu après le départ d'Earl dans le Pacifique. Si la guerre
avait été arrêtée en 1943, comme cela aurait pu l'être grâce au courage
d'une poignée d'hommes, il y aurait eu des millions de victimes en moins,
beaucoup moins de dettes, pas de montée du communisme, pas de Berlin
«Est» et «Ouest» et donc aucun mur de Berlin! Si l'on en croit les rapports
officiels, les millions de juifs torturés dans les camps de concentration au-
raient été éliminés essentiellement entre 1942 et 1945. Sans l'Allemagne,
le Japon n'aurait pas pu poursuivre ses stratégies guerrières. La menace
rouge du communisme n'aurait pas terrifié de nombreuses nations, et il
n'y aurait pas eu de Guerre froide. À qui la faute? Certes à Hitler et à sa
politique d'extermination, mais n'en déplaise aux historiens, Franklin D.
Roosevelt y est probablement pour beaucoup aussi. Et il n'est pas le seul!

À cette époque, Fisher Howe était membre du Bureau des services


stratégiques des États-Unis (OSS) entre 1941-1945. Il était responsable des
liaisons secrètes entre Londres et les services secrets américains. Ques-
tionné en 2000, sur la question de l'Holocauste, il explique : «Je ne savais
rien sur l'Holocauste quand j'étais avec William J. Donovan [le chef de l'OSS]
à Washington et à Londres. En tout cas, ça ne devait pas être suffisamment dans
mes préoccupations pour que je puisse me souvenir 60 ans après que l'on ait eu
des informations là-dessus. Si on l'a manqué, c'est qu'on concentrait toute notre
attention sur le bombardement de sites qui étaient des cibles militaires et non pas
politiques. Notre priorité c'était d'accompagner l'effort de guerre pour la gagner,
et dans ces conditions, ['Holocauste n'était certainement pas une préoccupation
majeure de notre travail. On peut en être désolé aujourd'hui, mais c'était la réalité
de la guerre à Washington et à Londres. [... ] Tout ce que l'on aurait pu faire pour
arrêter l'Holocauste aurait été formidable. Mais je ne crois pas que l'on puisse
accuser nos dirigeants de ne pas avoir suffisamment réagi face à l'Holocauste, car
cela n'était tout simplement pas dans les priorités de la guerre 176• »
Aux Archives nationales à Washington, Richard Breitman - direc-
teur du groupe de travail mandaté par l'administration Clinton - com-
pulse avec son équipe le contenu des derniers cartons restés fermés pen-
dant soixante ans. Dans ces archives se trouvent les derniers secrets des
relations entretenues par l'Amérique avec le III" Reich. Breitman y trouve
par exemple un document de septembre 1941 où est indiqué le massacre de
juifs par les nazis en Union soviétique. C'est une date très précoce concer-
nant le début du massacre des juifs. L'OSS qui a reçu ces documents classés
dans ses archives savait donc ce qui se passait, insiste Richard Breitman.
Les recherches de Richard Breitman ont aussi mis au jour des rapports du
Consul chilien, Gonzalo Montt Rivas, datés de début 1942, où il est indiqué
l'intention des autorités nazies de procéder au génocide des juifs. Dans le
cadre du reportage de Fabrizio Calvi et de Steeve Baumann, «Pactes avec

176. Fabrizio Calvi & Steeve Baumann, «Pactes avec le Diable», Documentaire, Point du Jour,
Canal+, «Lundi Investigation» et Planète, 2000.
186 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

le Diable», Richard Breitman est alors interrogé sur la réponse de Fisher


Howe. Sa réaction est sans équivoque :
-Est-ce qu'un assistant de Donovan comme Fisher Howe aurait pu
voir les dépêches du Consul?
- Oui, répond Breitman.
- Quand ces documents sont arrivés dans le bureau de Donovan,
Fisher Howe aurait pu être là?
- C'était lui qui coordonnait les informations. Oui, il était là! [... ]
Donc, les fonctionnaires de l'OSS - les renseignements américains - qui
ont reçu cette série de rapports disposaient d'une grande quantité d'infor-
mations. Pas seulement à propos de meurtres nazis isolés, mais à propos
des politiques nazies. Ils savaient que les nazis pratiquaient une politique
d'extermination des juifs. Point final1 77 !

2.. Les bombardements de Dresde au phosphore et les camps du Rhin

13et14février1945. Alors que l'issue de la guerre est très claire dans


tous les esprits - et alors que l'Allemagne signera sa capitulation à peine
trois mois plus tard -, les Alliés, avec beaucoup de cynisme, décident de
bombarder la ville de Dresde, en Allemagne, le mercredi 14 février, jour
qui cumule à la fois la Saint-Valentin et le mercredi des Cendres. Qui est
derrière ce massacre? Encore Franklin D. Roosevelt et cet éternel mâcheur
de cigares qu'est Winston Churchill.
Dans les dernières semaines de la guerre, l'afflux de réfugiés de
l'Est aura fait passer la population de Dresde de 630000 à plus d'un mil-
lion d'habitants. La ville sans aucune défense est bombardée avec des
bombes incendiaires et au phosphore. En l'espace d'une nuit et de deux
jours, les forces britanniques et américaines vont pendant une quinzaine
d'heures d'un bombardement ininterrompu déverser près de 4000 tonnes
de bombes générant une fournaise dépassant les 1000°C. Certains chiffres
parlent de plus d'un million de tonnes de bombes incendiaires et au phos-
phore, mais personne ne semble d'accord.
Rien n'indiquait un rôle militaire pour cette agglomération histo-
rique spécialisée dans une porcelaine mondialement reconnue et qui avait
été épargnée pendant cinq ans. Au contraire, il s'y trouvait vingt-deux
hôpitaux et de nombreux bâtiments convertis pour soigner les blessés de
guerre. Pas une partie de la ville ne sera épargnée, et il n'en restera prati-
quement rien.

177. Ibidem.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 187

53. État de la ville de Dresden après le pilonnage des Alliés avec des bombes incendiaires
et au phosphore. La ville est totalement détruite. Difficile d'imaginer que, si l'on en croit le
dernier bilan, il n'y aurait eu que 25000 victimes. Deutsche Fotothek, Domaine public

À l'heure du bilan de cette véritable boucherie, le nombre de vic-


times n'aura cessé de changer avec le temps. Deux mois après l'attaque,
le décompte du 30 avril 1945 évalue les victimes à 368519 alors que l'esti-
mation avancée par les Soviétiques parle de 250000 morts. Le bilan alle-
mand finalement admis aujourd'hui est désormais descendu à seulement
25 000 victimes en tout genre : femmes, enfants, personnes âgées, etc.,
tous brûlés vifs en un instant ou amalgamés dans l'asphalte en fusion. Un
chiffre qui est une véritable blague et un affront à !'Histoire! La soumis-
sion obséquieuse des gouvernements allemands successifs envers les puis-
sances victorieuses aura finalement eu le dernier mot. Comment peut-on
se vanter de pouvoir fournir des chiffres dignes de confiance alors que la
majorité des cadavres furent regroupés au plus vite, sans même avoir été
identifiés, pour être incinérés afin d'éviter les épidémies?
188 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

*
* *

Au printemps 1987, le journaliste et auteur canadien James Bacque


et Ernest F. Fisher Jr., Colonel en retraite de l'armée des États-Unis et an-
cien historien-chef de l'armée US, se rencontrent à Washington. Au cours
des mois suivants, ils vont travailler ensemble aux Archives nationales et à
la Fondation George C. Marshall, à Lexington (Virginie), pour rassembler
tous les indices sur le traitement et la mort des prisonniers de guerre alle-
mands dans les camps américains et français en 1945.
Les plans établis en 1944 aux plus hauts niveaux des gouvernements
américain et britannique révèlent une détermination à détruire une bonne
fois pour toutes l'Allemagne en tant que puissance, en la réduisant à un
pays d'économie strictement paysanne, même si de telles mesures de-
vaient provoquer une pénurie alimentaire pour des millions de civils178 •••

En février 1945, à la Conférence de Yalta, Franklin D. Roosevelt,


Winston Churchill et Joseph Staline discutent du démembrement de
l'Allemagne et de la question des réparations. Roosevelt espère qu'il sera
«de nouveau proposé un toast à l'exécution de 50000 officiers de l'armée alle-
mande179». Le lendemain, lors d'une nouvelle discussion entre Roosevelt,
Staline et Churchill, ce dernier lance qu'il ne servirait à rien de saigner
l'Allemagne à blanc, puisqu'elle allait s'effondrer sous le poids des répara-
tions, comme elle l'avait déjà fait par le passé; le démembrement du pays
vaincu prévu par le Plan Morgenthau rendrait également les réparations
encore plus accablantes. Staline insiste sur le fait que la Russie a droit à
un dédommagement pour l'immense dévastation causée par l'Allemagne.
Avec réticence, Churchill et Roosevelt s'entendent sur une «base de discus-
sion» de 20 milliards de dollars, étant entendu que la Russie obtiendrait
la moitié de cette somme. Les trois hommes vont se montrer évasifs sur le
sort des prisonniers de guerre allemands, qui constituent à leurs yeux une
vaste réserve d'ouvriers destinés aux travaux de réparations. Au fil des
semaines viennent s'ajouter des millions de soldats de la Wehrmacht qui
souhaitent échapper aux Russes en cherchant refuge à l'Ouest180 •

178. James Sacque, Morts pour raisons diverses - Enquête sur le traitement des prisonniers de
guerre allemands dans les camps américains et français à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Paris,
éditions Sand, 1990, p. 31.
179. Archives nationales des États-Unis, Washington, Procès-verbal de la conférence de Yalta,
4février1945, R.G. 443, «Conférences de la Seconde Guerre mondiale», section n° 3, p. 1.
180. Sacque, Morts pour raisons diverses, op. cit., p. 27-31.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 189

54. De gauche à droite: Winston Churchill, Franklin O. Roosevelt et Joseph Staline hilares à la
Conférence de Yalta (du 4 au 11 février 1945). Domaine public

Le 10 mars, le général américain Eisenhower crée le statut de« Forces


Ennemies Désarmées» (F.E.D.), lequel soustrait les prisonniers de guerre
à la protection de la convention de Genève. Le même mois, alors que l' Al-
lemagne est broyée comme une noix entre les Russes et les Alliés occiden-
taux, Eisenhower, dans un message qu'il paraphe et signe, propose aux
chefs d'état-major réunis (C.C.S.) la création d'une nouvelle catégorie de
prisonniers que l'armée ne serait pas chargée de nourrir après la capitu-
lation de l'Allemagne; une telle chose va à l'encontre de la convention de
Genève. En avril, les chefs d'état-major réunis approuvent la création du
statut de F.E.D. Seuls les représentants britanniques refusent del' appliquer
à leurs prisonniers. Alors que des statistiques du 22 avril 1945 démontrent
que les entrepôts européens de l'armée contiennent des stocks de nour-
ritures pour alimenter 5 millions d'individus pendant 50 jours à raison
de 4000 calories par jour et par personne, l'intendant général américain
Littlejohn commence à réduire les rations des prisonniers allemands 181 •
Les 20 avril, un compte rendu concernant un camp de détention de
prisonniers allemands effectué par deux militaires des services de santé
indique : «Derrière les barbelés un spectacle terrifiant nous attendait : étroite-
ment serrés les uns contre les autres pour se réchauffer, près de 100000 détenus
181. Ibidem, p. 52-61
190 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

hagards, apathiques, sales, émaciés, au regard vide, vêtus d'uniformes gris, se


tenaient debout, enfoncés dans la boue jusqu'aux chevilles. On distinguait ici et
là des taches d'un blanc sale qui se révélaient, à deuxième vue, être des hommes à
la tête ou aux bras couverts de bandages, ou tout simplement en bras de chemise!
Le commandant allemand de division nous apprit que les prisonniers n'avaient
pas mangé depuis plus de deux jours, et que l'approvisionnement en eau repré-
sentait un problème majeur - alors qu'à moins de 200 mètres le Rhin coulait à
plein fiot 182 • »
Un message daté du 21 avril 1945, signé Eisenhower, annonce que
les captures ont «dépassé toutes les prévisions». Le 30 avril, plus de deux
millions, soit exactement 2 262 865 captifs allemands se trouvent aux mains
des forces alliées en Europe, «ayant pour seuls compagnons une soif atroce et
une faim lancinante, les captifs meurent de dysenterie 183 ».

Interviewé par James Bacque à Toronto en 1988, George Weiss, un


Allemand mécanicien d'engins blindés, raconte ce qu'il a vu dans son
camp situé au bord du Rhin : «Nous ne pouvions même pas nous allonger
entièrement. Toute la nuit nous restions assis, tassés les uns contre les autres.
Mais rien n'était pire que le manque d'eau. Pendant trois jours et demi, on ne nous
a pas donné d'eau du tout. Nous buvions notre propre urine. Le goût en était hor-
rible, mais que pouvions-nous faire d'autre? Certains d'entre nous baissaient leur
tête jusqu'au sol et le léchaient, pour essayer d'en tirer un peu d'humidité. Alors
que j'étais déjà tellement faible que je n'arrivais plus à me dresser que sur mes
genoux, on nous a enfin distribué un peu d'eau à boire. Je pense que je serais mort
sans cette eau. Et le Rhin se trouvait juste de l'autre côté des barbelés. À travers
le grillage, les gardiens nous vendaient de l'eau et des cigarettes. Une cigarette
coûtait 900 marks. J'ai vu mourir des milliers de mes compagnons. Ils emportaient
les corps dans des camions 184 • »

Cette surpopulation de prisonniers pose un véritable problème


dans plusieurs camps. Dans des enclos d'environ 300 mètres de côté qui
doivent accueillir 10 000 prisonniers, les armées françaises et américaines
entassent pour commencer jusqu'à 30000 personnes; ce sera bien pire
par la suite. Dans des camps contenant 100000 à 120000 prisonniers, il
en meurt chaque jour entre 300 et 700. Eisenhower sait qu'un minimum
de 2150 calories est indispensable pour survivre, mais il a déjà fait baisser
cette quantité à 2000 calories. Les semaines passent; en mai 1945, alors
que chaque Allié reçoit 4000 calories par jour, Eisenhower réduit encore
les rations de prisonniers de guerre qui meurent déjà d'inanition sous les
182. Compte rendu d'une visite d'un camp de détention de prisonniers de guerre allemands
aux mains de l'armée américaine, par le colonel James B. Mason, service de Santé militaire
des États-Unis (retraité) et le colonel Charles H. Beasley, service de Santé militaire des États-
Unis (retraité), in «Medical Arrangements for Prisoner of War en Masse», publié à l'origine dans
The Médical Surgeon, vol. 107, n° 6 (décembre 1950), p. 437.
183. Bacque, Morts pour raisons diverses, op. cit., p. 63.
184. Ibidem, p. 68-69.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 191

yeux des médecins de l'armée des États-Unis. Le plus souvent les vivres
délivrés aux détenus n'atteignaient même pas 1000 calories185 •
Entre mai et juin 1945, la situation devient ahurissante : les camps
del' armée américaine en Europe détiennent un million d'hommes de plus
que ne veut l'admettre le Quartier général des forces alliées (S.H.A.E.F).
Le général Lee, responsable de la logistique pour le TEO (Théâtre euro-
péen des opérations), parle de 3878537 P.G. et F.E.D., alors que le même
jour, le 2 juin, le 3• bureau du S.H.A.E.F. publie son premier tableau de
chiffres, qui ne fait état que de 2 927 614 P. G. et F.E.D. «en main». L'inten-
dant général Robert Littlejohn déclare ne pas pouvoir nourrir les 4 mil-
lions de prisonniers «en main». Plusieurs centaines de milliers de détenus
sont alors clandestinement transférés sous le statut de Forces Ennemies
Désarmées (F.E.D.). En juin, les instances miliaires interdisent aux civils de
ravitailler les prisonniers allemands. Le Comité international de la Croix-
Rouge (C.I.C.R.) dépêche deux trains remplis de nourriture, mais ils lui
sont renvoyés dans la foulée par l'armée américaine. Le Premier ministre
du Canada, William LyonMackenzie King, proteste contre le fait que les
prisonniers ne sont plus protégés par la convention de Genève : le Foreign
Office britannique lui impose le silence186 !

55. Gros plan sur


un soldat américain
gardant le Camp de
Remagen, au sud-est
de Bonn. Dans ce
camp, les Allemands
ne possédaient aucun
abri digne de ce nom
et disposaient juste
de trous dans le sol
et de couvertures.
Domaine public

«Juillet 1945. Plusieurs centaines de milliers de prisonniers allemands, à


l'état de moribonds, sont transférés sous l'autorité de l'armée française. Le capi-
taine Julien, du 3' régiment de Tirailleurs algériens, déclare dans un rapport que
les détenus ont l'aspect des victimes de Buchenwald et de Dachau. [... ]Le taux de
mortalité s'élève considérablement dans les camps. Le général Littlejohn écrit à Ei-
185. Ibidem, p. 74-75 et 79-80.
186. Ibidem, p. 98-100.
192 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

senhower que plus d'un million et demi de prisonniers qui devraient recevoir des
rations del'armée américaine ne reçoivent rien. De son côté, le C.I.C.R. est forcé de
rendre les colis de nourriture aux donateurs, car on ne lui permet pas de les faire par-
venir aux Allemands. [... ] Eisenhower et son chef d'état-major, le général Smith,
nient toute responsabilité américaine dans la situation tragique des prisonniers 187• »

L'information secrète finit par se savoir dans la presse française. Le


journaliste Serge Bromberger écrit ces mots édifiants dans le journal Le
Figaro du 9 septembre 1945:

«Nous apprenons que, dans certains camps, une grande partie de la nour-
riture, en principe à peu près suffisante, affectée aux prisonniers de guerre,
est détournée de sa destination, que l'on y voit errer des squelettes vivants
presque semblables à ceux des camps allemands de déportés, et que les
morts par inanition y sont nombreuses; nous apprenons qu'il arrive à ces
prisonniers d'être frappés sauvagement et systématiquement; nous appre-
nons qu'on emploie certains de ces malheureux à des travaux de déminage
sans leur fournir d'appareils détecteurs, ce qui fait d'eux des condamnés à
mort à plus ou moins bref délai.
Il faut que ces pratiques cessent; il faut que ceux qui s'en rendraient cou-
pables soient frappés implacablement. [... ] Nous pourrions avancer l'ar-
gument de l'intérêt : ces hommes dont les muscles peuvent aider à notre
relèvement, nous nous faisons tort à nous-mêmes en leur cassant les côtes,
ou en les laissant mourir de faim. Mais cet argument devrait être inutile,
et il a quelque chose de honteux. Nous gagnerions quelque chose à traiter
humainement nos prisonniers, certes: mais nous n'en devrions pas moins
les traiter humainement, quand bien même nous y perdrions. [... ].
'Qu'il en meure le plus possible, disent les apôtres de la férocité: cela fera
toujours autant d'Allemands en moins'. Cet argument est plus qu'ignoble:
il est absurde. Puisque nous ne pouvons raisonnablement penser à faire
mourir quatre-vingts millions d'Allemands, à quoi peut-il servir d'en faire
mourir quatre-vingt mille, sinon à mettre en terre les semences de l'inex-
piable, les germes de ces épis de haine et de vengeance qui sont inévitable-
ment, tôt ou tard, moissonnés ?
Oui. L'on va nous objecter encore les tortures de la Gestapo, les chambres
à gaz, et ces montagnes humaines qui furent découvertes dans les camps
de déportés, où les mourants étaient mêlés aux cadavres. Mais ces hor-
reurs n'ont pas à faire l'objet d'une compétition sportive et, sur ce plan où
l'adversaire a porté le débat franco-allemand, il vaut mieux nous avouer
battus d'avance 188 [ ••• ]. »

De nombreux prisonniers allemands détenus par les Russes, dans la


partie est del' Allemagne, seront obligés de travailler dans les mines d'ura-

187. Ibidem, p. 117 et s.


188. Serge Bromberger, «Ne pas leur ressembler», Le Figaro du 9septembre1945.
01. La maison Zum Grünen Schild des Rothschild 02. Amschel Mayer Rothschild avec le prince-élec-
dans la Judengafie de Francfort par Anton Burger, teur Guillaume de Hesse-Cassel, par Moritz D.
1870. Historisches Museum Frankfurt, Domaine Oppenheim, vers 1835 (détail). Domaine public
public

03. Dessin caricatural de 1904 montrant la Standard Oil des Rockefeller sous forme de pieuvre aux tenta-
cules enroulées autour des industries de l'acier, du cuivre, du transport maritime, jusqu'au Capitole et la
Maison-Blanche. Domaine public
04. Photographie non datée du roi George V de Grande-Bretagne, du président français Raymond
Poincaré et du Maréchal Joseph Joffre sur le front lors de la Première Guerre mondiale (de gauche à
droite). Domaine public

05. Groupe d'ouvriers juifs ashkénazes préparant la construction de la rue Balfour à Tel Aviv en 1921.
Domaine public
06. Le SS Lenin, le paquebot avec lequel la famille de Zecharia Sitchin arriva à Jaffa-Tel-Aviv en octobre
1925. Domaine public

07. Zecharia Sitchin au début des années 1930. 08. Portrait de Robert B. Anderson réalisé en 1955
Sitchin devint un agent pour le compte d'Israël en par Elmer W. Greene. Anderson était un agent qui
1952. En 1967, avec l'aide des agents Anderson et avait travaillé de 1945 à 1973 pour les différents
Charchat, il fut à la tête d'un consortium de onze so- présidents américains. Il était spécialisé dans les
ciétés de commerce international spécialisées dans entreprises commerciales prospères et les opéra-
le courtage et les services financiers, les opérations tions secrètes pour le compte de la CIA. Navy Art
d'entrepôt, les remorques et les conteneurs; recons- Collection, Washington D.C., Domaine public
titution du visage basée sur des photos existantes.
© Hanael Parks
09. Le général Yamashita se rend aux Forces alliées dans les Philippines en octobre 1945. Il laisse derrière
lui un million de tonnes d'or que l'armée américaine va récupérer dans le plus grand secret ... Domaine
public

10. Immigrants débarqués par le bateau United Nations sur les rives de la Palestine sous le nez des forces
britanniques; photographie prise en janvier 1948. Domaine public
11. Le magazine Time du 23 novembre 1959 sur 12. Time du 25 mai 1962 sur Billie Sol Estes. Il s'agit
Robert B. Anderson en qualité de secrétaire du du numéro le plus vendu de l'histoire de ce maga-
Trésor. Cover Credit: Giro zine. Cover Credit: Boris Chaliapin

13. L'agent Isaac Charchat dans les années 1960. 14. Isaac Charchat dans les années 1970. Après
Charchat aurait été embauché par Robert B. une mission d'infiltration du quartier général nazi
Anderson en 1945 pour récupérer le million de à Berlin en 1924, !'agent Charchat s'est spécialisé
tonnes d'or des Japonais aux Philippines. Il s'asso- dans le transport d'immigrants vers la Palestine et
cia avec Anderson et Sitchin en 1967; reconstitution le transport de conteneurs; reconstitution du visage
du visage basée sur des photos existantes.© Hanael basée sur des photos existantes. © Hanael Parks
Parks
15. Malcom Everett Wallace, tueur du réseau mafieux de Lyndon Johnson. Photo du procès de 1952 où
Wallace fut jugé pour le meurtre de John Kinser, l'amant de la sœur de Lyndon Johnson, meurtre qu'il
a commis le 22 octobre 1951. Reconnu coupable par le jury, le juge Charles O. Betts le condamnera fina-
lement à cinq ans de prison avec sursis, lui permettant d'être libéré sur-le-champ. Wallace est présumé
avoir tiré sur JFK le 22 novembre 1963 à Dallas. Domaine public

16. Lyndon B. Johnson et John F. Kennedy en 1960. Domaine public


17. Septembre 1964 : Le Secrétaire au Commerce, 18. Le Président Lyndon Johnson reçoit des mains
Franklin D. Roosevelt Jr. (fils du président épo- d'Abraham Feinberg l' Award de l' Anti-Defamation
nyme), serre la main à Zecharia Sitchin devant le League (ADL) le 4 février 1965 à Washington pour
pavillon américano-israélien de la New York World's sa «contribution distinguée à l'enrichissement du
Fair 1964-65 dirigée par Sitchin. Après la mort de patrimoine démocratique» d'Israël. En 1960, lors
Kennedy, le Président Johnson enverra de nom- de la campagne présidentielle de John F. Kennedy,
breuses armes à destination d'Israël. The American Feinberg aurait proposé 500000 dollars à JFK contre
]ewish Times-Outlook, septembre 1964, p. 86 le contrôle de la politique au Proche-Orient ...
Domaine public

19. Zecharia Sitchin dans les années 1980. Sitchin 20. Le Space Park de la New York World's Fair 1964-65
était un agent envoyé par David Ben Gourion, à aura nécessairement inspiré Sitchin dans l'élabora-
New York en 1952, pour faire alliance avec le sys- tion de sa thèse de dieux venus sur Terre à bord de
tème de l'économie et du commerce américain. fusées. Domaine public
Reconstitution du visage basée sur des photos exis-
tantes. © Hanael Parks
21. L'Unisphere de la New York World's Fair 1964-65 aura vraisemblablement été un déclencheur chez
Zecharia Sitchin lors de l'élaboration de sa future thèse sur sa planète Nibiru à l'orbite fortement ellip-
tique. L'agent Sitchin était soutenu par la Fondation Rockefeller et l'Institut Tavistock, spécialisés dans la
guerre psychologique pour le compte de la CIA. Photographie d' Avery A. Benson

22. Affiche de General Motors pour son Futurama, à la World's Fair de 1964-65 de New York. Il y avait en
son sein des dizaines de maquettes futuristes qui auront considérablement inspiré Zecharia Sitchin pour
son premier ouvrage de 1976.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 193

nium pour produire la matière première du projet de bombe atomique


soviétique 189 • De la France au Pays-Bas, les prisonniers allemands, bien
souvent blessés, malades et incapables de travailler furent enrôlés de force
dans le déminage. En septembre 1945, les autorités françaises estimèrent
que 2000 prisonniers étaient mutilés ou tués chaque mois lors de cette opé-
ration190.

«À la fin de 1946, il reste très peu de prisonniers 'en main' américaine. Les
Français, qui en détiennent encore plusieurs centaines de milliers, ne libéreront
les derniers qu'en 1949. De 1947 aux années 1950: la plupart des dossiers relatifs
aux camps de détention américains sont détruits. Les Allemands constatent que
1700000 soldats, toujours en vie à la fin des hostilités, ne sont jamais rentrés
chez eux. Toutes les puissances alliées affirment ne rien savoir quant au sort de
ces hommes. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France accusent la Russie
d'avoir commis des atrocités dans leurs camps d'internement.
Des années 1960 à 1972 : le ministère des Affaires étrangères ouest-alle-
mand du gouvernement de Willy Brandt subventionne une collection de livres
qui dément les atrocités des camps alliés. Des sénateurs américains rejettent la
responsabilité sur les Russes, et gardent le silence sur leurs propres camps.
Années 1980 : Le C.I.C.R. refuse de divulguer certains documents rela-
tifs aux camps alliés, et affirme ne rien savoir de Jean-Pierre Pradervand, délégué
principal du Comité en France en 1945. En revanche, cette organisation auto-
rise des chercheurs à consulter les archives concernant les camps d'extermination
nazis• 191 [ ....] »

Dès sa sortie en 1989, l'ouvrage de James Bacque va susciter de vives


polémiques au sein des milièux universitaires et des historiens. D'après
lui, et selon ses propres conclusions, du mois d'avril 1945 jusqu'au cœur
de 1946, près d'un million de soldats allemands furent anéantis; la plupart
d'entre eux dans les camps américains, les autres dans les camps français.
Aucun autre auteur n'avait étudié ce sujet auparavant. Ce travail a le mé-
rite de lancer le débat sur la question des prisonniers allemands aux mains
des Alliés.

En écrivant ces lignes, j'ai une pensée affectueuse et éternelle pour


mon grand-père allemand, H. Scheunemann (1907-1946 ), que je n'ai jamais
eu la chance de connaître. D'origine prussienne, infirmier pour l'armée
allemande sur le Front russe, il fut fait prisonnier et envoyé en Sibérie en
1945. Il resta plusieurs mois durant dans l'un des fameux camps de prison-
niers allemands avant d'être exceptionnellement renvoyé en Allemagne.
Les médecins russes lui ayant trouvé une tumeur, il fut libéré, sachant qu'il

189. «The Secret Mines of Russia's Germany », magazine Life du 25 septembre 1950, p. 73.
190. Simon MacKenzie, «The Treatment of Prisoners of War in World War II», in The Journal of
Modern History, vol. 66, n° 3, septembre 1994, p. 487-520.
191. Bacque, Morts pour raisons diverses, op. cit., p. 16.
194 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

n'en aurait plus pour longtemps et surtout qu'il ne leur serait plus d'au-
cune utilité. Contrairement à des millions de ses compatriotes, il eut cette
chance de pouvoir rentrer chez lui et de dire au revoir à sa femme et à sa
fille - ma mère - avant de mourir de sa maladie.

3. Le nombre de 6 millions de juifs en danger dans le monde


annoncé dans la presse bien avant la Seconde Guerre mondiale ...

«Il y a des calculs savants qui ne se trompent pas» diront les spécia-
listes. De 1839 à 1944, différents journaux de la planète vont alerter l'opi-
nion publique concernant le danger imminent que courent les communau-
tés juives du monde entier. Lorsque l'on fouille les archives et que l'on est
confronté à ces nombreux articles, on assiste froidement à un matraquage
médiatique s'étalant sur près d'une centaine d'années. Certains diront
qu'il s'agit là d'une véritable campagne de harcèlement des milieux juifs
internationaux protégés par le monopole qu'ils exercent sur la presse, la
radio, le cinéma, la littérature, etc. Pourquoi pas? Mais le fond du pro-
blème ne se trouve pas vraiment là, le fond du problème, c'est qu'il se pas-
sait clairement quelque chose qui n'a pas été identifié par la communauté
internationale. Il faudrait un ouvrage entier pour énumérer et citer tous ces
articles de presse. Voici donc quelques exemples parmi tant d'autres :

- Tout semble commencer avec The London Saturday Journal du


20 juillet 1839, lequel annonce que «le roi David dirigeait 6 millions de juifs
et beaucoup de nations affiuentes 192 ».
- Bien plus tard sortira Le Memphis Daily Appeal d'Atlanta daté du
7 novembre 1869. On peut y lire que: «The Hebrew National de Londres
dit qu'il y a 6 millions de juifs dans le monde. C'est un fait remarquable que
le nombre de ce peuple merveilleux n'a pas sensiblement augmenté ou diminué
depuis l'époque du Roi Salomon. Persécuté comme aucun autre peuple ne l'a été,
ils ont maintenu leur foi ancienne, et bien que durant des centaines d'années ils
étaient à tout moment susceptibles d'être exterminés dans presque chaque royaume
d'Europe, et que des milliers d'entre eux ont été envoyés à la mort chaque année
à travers les plus cruelles souffrances, ils n'ont aujourd'hui pas été réduits en
nombre durant tous ces âges sombres 193 [ ••• ]. »
- Nous sommes désormais au début de l'ère du sionisme, officielle-
ment amorcée en 1882. C'est au tour de la Nouvelle-Zélande de sortir un
papier dans son Tuapek Times daté du 14 octobre 1891 où l'on remarque la
propagande suivante: «Il semble que c'est comme si le gouvernement russe ne
connaissait pas d'autre tâche plus exaltante ou vitale que de se débarrasser dès que
possible de ses 6 millions de sujets juifs, et il ne fait maintenant aucun doute
que le pays aurait peu de raison de se réjouir si le Gouvernement réussissait à réa-
192. The London Saturday Journal du 20juillet1839, n° XXIX, p. 9.
193. The Daily Appeal du 7 novembre 1869, Vol. 30, n° 68, p. 2.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 195

liser ce vœu pieux [souligné dans le texte d'origine]. Car avec l'élimination de
ses sujets juifs, la Russie perdrait un facteur d'importance dans la vie économique,
sociale, industrielle et commerciale du grand empire, qui n'a pas été évalué à sa
juste valeur. La pâte russe aura peine à monter, lorsqu'elle sera privée du levain
juif Les Juifs russes sont l'élément moteur qui est le plus recherché par l'esclave
indolent et paresseux, dont le sang coule mollement dans ses veines; sans lequel il
devra dégénérer 194 [ ••• ]. »
- Quelques années après, The Sun de New York dira le 10 octobre
1897 que : «[La veuve du Baron Maurice de Hirsch qui vient en aide aux
juifs de Russie] a récemment envoyé beaucoup d'argent en Russie, pour être uti-
lisé dans des domaines comme l'éducation, la science et l'industrie, comme pro-
messe d'aide au bénéfice des 6 millions de juifs qui vivent là-bas 195 • »
- Le 12 mai 1899, c'est au tour de The Jewish South de Richmond en
Virginie d'indiquer la chose suivante:« Trois millions de juifs vivent en Rus-
sie, où ils sont réduits au silence et traités méchamment. [... ] Un million cinq
cent mille juifs vivent dans l'Empire australien, où ils sont persécutés. Le maire
et le conseil municipal actuels de Vienne ont été élus pour la raison expresse de
tyranniser la communauté juive. La France possède 80 000 juifs, la Roumanie en
a 100000, l'Allemagne 700000, la Hollande 80000 et l'Italie 50000. La Grande-
Bretagne en a 80000, incluant beaucoup de nos plus remarquables et populaires
hommes publics. L'Europe a 6000000 de juifs, l'Amérique 350000, l'Afrique
500000, l'Asie 250000 et l'Australie 20000. Donc, en tout, il y en a 7120000
de cette nation, ce qui est assez favorable, considérant que 3000 ans plus tôt ils
se dénombraient à environ 3000000, et que le monde civilisé entier les a depuis
toujours massacrés et persécutés. Ils semblent être de loin la race la plus capable
sur Terre. Il n'y a pas un seul art, une seule industrie ou science dans lesquels ils
n'ont pas excellé196• »
- C'est ensuite au tour du magazine North American Review, initiale-
ment créé à Boston et tout juste rattaché à New York, de relayer en juin 1899
un article du sioniste Max Nordau - cofondateur de !'Organisation sioniste
mondiale avec Theodor Herzl : «Si la Palestine était peuplée à nouveau de
juifs; s'ils pouvaient en pratique détenir cette terre par et pour eux-mêmes (et
l'actuel recensement de Palestine dénombre 600000 habitants, ce nombre incluant
seulement 60000 Juifs, alors qu'il y a plus de 6000000 de juifs dans le monde,
qui retourneraient instantanément en Palestine si cela était rendu possible); alors
ils ne souffriraient plus de l'antisémitisme, ils pourraient s'y développer et jouir
de la vie, comme le font les autres nations 197• »
- Quelques jours plus tard, The Sun de New York remet le couvert
le 18 juin 1899 : «Les juifs, sous un gouvernement libre, feront de la Palestine
le centre commercial de l'Orient. Que 'les nombreux signes de commerçants juifs

194. Tuapeka Times du 14 octobre 1891, Volume XXIV, n° 1838, p. 5.


195. The Sun du 10 octobre 1897, vol. LXV, n° 40, p. 6.
196. The ]ewish South du 12 mai 1899, Volume 11, n° 18, p. 9.
197. The North Americain Review du 1" juin 1899, Vol. 168 : «Israel Among the Nations» by Max
Norau, p. 658.
196 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

prospères sur Broadway ne soient probablement pas éliminés de Jérusalem', que 'la
multitude de courtiers juifs à Wall Street ne quittera pas les téléscripteurs de cette
bourse financière pour monter une place boursière dans la Ville sainte', est logi-
quement évident : partout où les Juifs prospèrent, ils resteront, et ils prospèrent
et ne sont pas persécutés en Amérique et en Angleterre, nulle part ailleurs. [... ]
Ici en Amérique les juifs progressent et prospèrent, et seront bientôt totalement
identifiés à la population générale de ce pays. Mais 6 millions de juifs sont
persécutés aujourd'hui en Europe, et le sionisme offre le projet le plus rationnel
pour leur salut et leur régénération 198• »Le journal de Pennsylvanie, le Reading
Eagle du 29 avril 1900, reprendra en partie ce même article du Sun, insis-
tant lui aussi sur les« 6 millions de juifs persécutés en Europe».
- C'est maintenant au New York Times de lancer en juin 1900: «Il y
a 6 millions d'arguments vivants, saignants et souffrants en faveur du sio-
nisme» en évoquant les persécutions des juifs de Russie199 •
- En 1902, la 10• édition de l'Encyclopa?dia Britannica, indique dans
sa rubrique «Antisémitisme» que: «À l'heure où il y a plus de 6 millions de
juifs en Russie et en Roumanie qui sont systématiquement privés de digni-
té, et qui affluent massivement périodiquement par la frontière ouest, la question
juive continue à se poser en Europe200• »
- Le New York Times remet lui aussi le couvert en novembre 1902 avec
un article de Samuel W. Goldstein intitulé «Plaidoyer pour le sionisme»
où il est indiqué : « 6 millions de juifs en Russie, 300000 en Roumanie et
1 million en Galice2°1• »
- The Jewish Criterion de Pittsburgh, en Pennsylvanie, mentionne en
septembre 1903 une «grande guerre de de1ivrance au nom de ses 6 millions
de frères opprimés202 • »
- Au cas où personne .ne l'aurait pas encore bien compris, le New
York Times insiste une nouvelle fois sur les millions de juifs russes : « [... ]
une Russie libre et heureuse, avec ses 6 millions de juifs, signifierait proba-
blement la fin du sionisme, car l'abolition de l'autocratie éliminerait dans les faits
les causes qui ont porté l'existence du sionisme2°3• »
- Nous passons de nombreuses occurrences pour tomber sur un ar-
ticle de l'attaché politique et éditeur Paul Nathan dans le New York Times du
25 mars 1906, dans lequel il dit que : «l'état et la condition des 6 000 000 de
juifs russes ont fait l'objet de rapports saisissants le 12 mars à Berlin au mee-
ting annuel de la Central Jewish Relief League d'Allemagne.» Il indique plus
loin: «[ ... ]que le gouvernement russe a étudié une politique pour la 'solution' à
la question juive qui est l'extermination meurtrière systématique204 • »
198. The Sun du 13 juin 1899, vol. LXVI, n° 286, p. 6; l'article est signé «Judaicus» et daté du
12juin.
199. New York Times du 11juin1900, p. 7.
200. Encyclopa?dia Britannica, Londres, lCJ< Edition, 1902, p. 482.
201. New York Times du 27 novembre 1902, p. 8.
202. The Jewish Criterion du 18 septembre 1903, p. 6.
203. New York Times du 29 janvier 1905, p. 2.
204. New York Times, «Dr. Paul Nathan 's View of Russian Massacre», 25 mars 1906.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 197

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b7br.P&ûiNatiûûi.a.well-lëDown Berlin pbbli-
clet. who bu retumed from an extomtvo trip
throush :Et\JUla u the 11peclal embleary of .Tewt•h
phil&nthroplsts ln Eftsland, America, and oermany,
to arranp for dletrlbutton of the relief fund of 51,•
G00,000 ratsed aft41r tho maaacrea laat Autumn.
Dr. Nathan patnts 11. Jrorrlfytng pleture of the
pllght and prospecta of hi11 corellgionJsts, and fore·
cute at any hour ~ewed musacree qceedtns ln
extent and terror an that bave gone before. He lett
St. Petoreburs wlth the flrm convlctlon tbat the
Ruaal&n Gonrnment'• etu41ed polley for the " eolu-
tfon •• ot th• J'ewWll qu..uon IS Q'ateJll&UC and mur-
dt>rou• extermination.
br. NiUîâh reaa to the meeting a clrcular a4-
dreMed to the garrlson of Odeeea, e&Ulq upon the
10ldler11 to · •• rtse IUl4 cruab the tralton who are
plo~tlna' to upaet tbo hol7 Ooveniment ot the Csar
Gnd eubetltute for lt a .:rewlah empire."
He concluded wlth an appeal to the Jewh1b money
56. «Dr. Paul Nathan 's powere ot the worl4 to arrest RuNla'e eareer ae a
View of Russian borrower. The flna.nclers of the world ahould ca.11 a
b&lt to Rua•la, not -ly for hwnanlta.rlan reaeona,
Massacre», article du but for practle&l reuona. Ru.aia'I! banJuUptcy la
New York Times du u ..ta1111•he4 tact, be added.
25 mars 1906. ~

- De nombreux articles existent entre 1907 et 1910. Max Nordau dé-


clare au Congrès sioniste des 9 au 15 août 1911 que« les gouvernements
préparent, de leur propre aveu, la destruction totale de 6 millions de per-
sonnes, et il n'y a personne, excepté les condamnés eux-mêmes, pour élever la
voix en protestation, alors qu'il s'agit d'un crime pire que toute guerre2°5• »
- Nous passons encore plusieurs articles de 1911 pour nous arrêter
sur le New York Tribune du 11septembre1912: «La Russie est en train d'as-
phyxier les juifs. Elle n'ose offenser les Nations en versant du sang, elle est donc
en train de broyer lentement, mais sûrement, la vie de 6 millions de juifs 206• »
- Passons encore certains articles où il est toujours question de 6 mil-
lions de juifs opprimés ou en danger de mort. Le New York Times du 14 jan-
vier 1915 précise que : «Dans le monde, il y a 13 millions de juifs, dont 6 mil-
lions au cœur de la zone de gu.erre; des juifs dont la vie est en jeu et qui
sont aujourd'hui soumis à toute sorte de souffrances et de chagri.ns 2CJ7. »

205. 10" Congrès sioniste mondial de 1911, in Perfidy de Ben Hecht, New York, Julian Messner
Inc., 1961, p. 254.
206. New York Tribune du 11septembre1912, p. 9.
207. New York Times du 14janvier1915, p . 3.
198 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

- Sautons d'autres articles pour arriver à celui du magazine austra-


lien The Mercury du 4 décembre 1915: «[ ... ]six millions de juifs russes et
polonais sont aujourd'hui les plus pitoyables victimes de cette haine raciale
et de ce fanatisme racial qui ont été le crédo de l'Allemagne208• »
- Passant d'autres rubriques, que dire de cette annonce en première
page del' Oakland Tribune du 25 janvier 1916, dans laquelle est mentionné le
président des États-Unis, Woodrow Wilson, brièvement sollicité pour une
donation à destination de 6 millions de juifs affamés et sans abri? Titre :
«Le président des États-Unis - 6000000 de personnes affamées sans abri», et
le 27 janvier : «Pourquoi le Président, par proclamation au peuple de la nation
devrait-il fixer le 27 janvier comme jour pour contribuer au secours de plus de
6 millions de juifs situés dans la zone de guerre extrême-orientale?» L'article
est signé du Commitee on /ewish War Relief et la banque associée à cette dé-
marche est la Central Bank of Broadway209 • Le président Woodrow Wilson
semble déjà préparer sa réélection à la Maison-Blanche en novembre de la
même année ...
- Passons encore de nombreux articles ... Le Corsicana Daily Sun du
Texas, daté du 16 février 1917, répète inlassablement la même informa-
tion: «Six millions de juifs vivent sur des terres où ils sont opprimés, exploi-
tés, écrasés et privés de tous les droits humains210 • »
- Dans ce matraquage médiatique tournant autour du thème de
six millions de juifs en danger se trouve aussi cette information de 1918
déjà relevée plus haut : «Il est tout à fait possible pour la Palestine de trouver la
place pour 5 à 6 millions de personnes qui pourraient tenter le retour à l'agri-
culture dans ce pays [... ] 800000 hectares suffiraient à produire la nourriture de
six millions de personnes 211 • »
- Un an après, nous retrouvons encore l'idée d'une migration pos-
sible en Palestine sous protectorat britannique dans la Schenectady Gazette
de l'État de New York; titre : «Un État juif prévu en Palestine - L'immi-
gration de 6000000 de juifs en Palestine sera assurée. Une Palestine juive
qui absorbera six millions de personnes - c'est le territoire demandé par la délé-
gation sioniste à Paris lors de la Conférence de la paix212 [ ••• ]. »
- Nous sommes toujours en 1919. Après la Russie, c'est au tour de
l'Allemagne de terroriser 6 millions de juifs: «L'American Jewish Relief
Committee s'efforce de sauver de la famine six millions de juifs qui sont les
victimes impuissantes de la terreur allemande», nous dit l' El Paso Herald
du Texas daté du 7 avril 1919213 • Le San Antonio Express du 8 avril reprendra
la même information.
- Le mouvement sioniste a besoin d'argent pour nourrir le peuple

208. The Mercury du 4décembre1915, p. 7.


209. Oakland Tribune du 25 janvier 1916, p. 1.
210. Corsicana Dai/y Sun du 16février1917, p. 2.
211. The Colombus /ewish Chronicle du 28 juin 1918, p. 1.
212. Schenectady Gazette du 21février1919, p. 2.
213. El Passo Herald du 7 avril 1919, p. 8.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 199

du Livre éparpillé en Europe et pour parvenir à son objectif de faire venir


un maximum d'entre eux en Palestine. Le Beatrice Daily Sun déclare en no-
vembre 1919, à propos de Herbert Hoover, futur président des États-Unis
(à l'époque à la tête de Food Administration) : «Le territoire que M. Hoover
a visité n'est qu'une partie de celui dans lequel 6 millions de juifs, souffrant de
la gue"e et des conséquences tout aussi horribles de la guerre, se tiennent impuis-
sants aujourd'hui [... ]. Six millions d'âmes affamées [... ]. Ces six millions
d'âmes désespérées sont totalement dépendantes de la générosité américaine pour
le strict nécessaire à la vie. L'objectif: 35 millions de dollars pour 6 millions de
vies 214 • »
- En 1920, de nombreux journaux vont reprendre ce slogan que
l'on retrouve par exemple dans le Tusla Daily World du 11 avril : « Today
6,000,000 jews are Jacing the darkest days ever know in the long history of the
race» («Aujourd'hui, 6000000 de juifs sont confrontés aux jours les plus
sombres qu'on ait jamais connus dans la longue histoire de la race215 • »)
- De nombreuses occurrences du même genre sont publiées entre
1921 et 1935. Passons directement aux prémices de la Seconde Guerre mon-
diale. Le London Times du 26 novembre 1936 reprend les propos de Chaim
Weizmann - futur premier président du futur État d'Israël - qui, s'expri-
mant devant la Commission royale en Palestine, indique: « [ ... ]en Europe
de l'Est, il y a 6000000 de malchanceux non désirés qui sont condamnés à
être parqués dans des endroits où ils ne peuvent pas vivre. Même ceux de l'Eu-
rope de l'Ouest sont maintenant menacés. Ensuite il y a le problème mondial créé
par la présence de ces 6000000 de personnes sans avenir dont le sort est une
menace pour l'Europe. Un certificat de permission d'émigration en Palestine est
vu comme un certificat de liberté2 16• »
- Poursuivons; le 9janvier1938, le New York Times met les pieds dans
le plat: «Les juifs persécutés sont en augmentation[ ... ] 6000000 de victimes
notées217• »
- Le 16 juin 1938, le Rochester Democrat and Chronicle de l'État de New
York remarque que : «Le juge Lewis a exhorté les membres américains de la race
[juive] à Jaire basculer les pouvoirs moraux et financiers dans les réseaux [chan-
nels dans le texte] d'évacuation de quelque 6000000 de juifs vers la Pales-
tine.»
- Le 31janvier1939, un certain Mr X qui préfère rester dans l'ano-
nymat se trouve cité dans un article très intéressant du Daily Sentine[. Il
s'avérera plus tard que ce Mr X était l' Allemand Josef Müller connu sous le
nom d' « Ochsensepp (Joe Ox) », membre de la résistance catholique. Le Daily
Sentine/ indique ainsi: «M. X croit-il vraiment que si Hitler prend le contrôle
de l'Espagne avec l'aide de Franco, la vie en Espagne sera différente de ce qu'elle
est aujourd'hui en Allemagne, en Autriche et en Tchécoslovaquie où 6000000 de

214. Beatrice Daily Sun du 8 novembre 1919, p. 2.


215. Tulsa Daily World du 11 avril 1920, p. 14.
216. The Times of London, «The fewish Case», 26 novembre 1936.
217. New York Times du 9 janvier 1938, p. 12.
200 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

juifs ont été assassinés 218 ? » Il s'agit là d'un sérieux délit de propagande :
six millions de juifs ne pouvaient avoir été assassinés en 1939 !
- Le Palm Beach Post du 25 juin 1940 met lui aussi les pieds dans le
plat bien avant que ne soient comptabilisés les victimes de la Shoah en
1945. Le magazine reprend les paroles de Nahum Goldman du Congrès
juif mondial : «Si les nazis remportaient la victoire finale, 6000000 de juifs
d'Europe seraient condamnés à la destruction 219. »
- Un autre exemple parmi tant d'autres, nous sommes seulement
en 1941: «Le rabbin Wise a averti que le monde ne doit pas se lasser d'entendre
parler du sort des juifs, ajoutant que si seulement 6000000 des 150000000 de
personnes captives d'Adolf Hitler sont des juifs, leurs souffrances doivent
préoccuper le monde en tier220 [ ••• ] • »
- Nous sommes en février 1943. Officiellement personne ne peut
connaître le nombre, même approximatif, de victimes du régime nazi. Des
milliers? Des millions? Alors que rien n'est certain, le Comité juif amé-
ricain publie dans le Contemporary /ewish Record : «Soudainement, durant
l'été 1942, l'opinion publique mondiale fat brusquement réveillée de sa léthargie
lorsqu'elle réalisa que les nazis avaient décrété l'extermination complète de
6 millions de /uifs 221 • »
- Pour finir, un autre exemple tiré du Cumberland Evening Times de
mars 1943: «Les nazis ont commencé au début à détruire des peuples entiers. Ils
s'attendaient à effacer de la Terre pas moins de 6000000 de juifs pour com-
mencer222. »

De 1882 à 1914, les trois quarts du peuple juif provenaient d'Europe


orientale (Russie, Ukraine, Autriche-Hongrie, Pologne). Comme nous
l'avons vu précédemment, près de deux millions et demi de juifs fuyaient
la misère et les pogroms de l'Est suite aux grandes émeutes qui balayèrent
l'Ukraine et la Russie. Malgré l'antisémitisme généralisé en Europe, per-
sonne n'était capable de prédire ce qui allait se passer après 1918.

218. Dai/y Sentine/ du 31janvier1939, p. 11.


219. Palm Beach Post du 25 juin 1940, p. 6.
220. The Milwaukee Journal du 22septembre1941, p. 6.
221. Contemporary ]ewish Record, Volume 6, numéro 1, février 1943, Comité juif américain,
New York, p. 24.
222. Cumberland Evening Times du 23 mars 1943, p. 1.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 201

57. Prisonniers juifs à Auschwitz-Birkenau, en mai ou juin 1944. Domaine public

Le carnage effrayant des champs de bataille et les massacres massifs


de la Première Guerre mondiale donnèrent l'impression d'un grand sacri-
fice «pour rien». Pour les nations vaincues, la seule explication possible
semblait révéler une trahison venue de l'intérieur. C'est à ce moment pré-
cis de l'histoire que naquit véritablement l'idée que des juifs œuvrant pour
des intérêts étrangers y étaient pour quelque chose. Cette idée fut ensuite
largement diffusée en Allemagne par les radicaux de droite. Il en résulta
différents stéréotypes que nous énumère avec précision l' Encyclopédie mul-
timédia de la Shoah :

1) Des juifs avaient provoqué la guerre pour ruiner l'Europe financiè-


rement et politiquement en vue de la faire passer sous leur «contrôle».
2) Des juifs avaient exploité la misère de la guerre pour s'enrichir
et l'avaient fait durer pour mener la Révolution bolchévique avec
comme projet d'une révolution mondiale.
3) Des juifs étrangers avaient contrôlé les négociations de paix et
étaient parvenus à diviser les Allemands et les Hongrois avec des
frontières nationales artificielles, alors que des juifs de l'intérieur
avaient amené le pays à la capitulation et la ruine.
4) Des juifs contrôlaient le financement complexe de dédommage-
ments pour leur propre profit223•

223. United States Holocaust Memorial Museum : «L'antisémitisme dans l'histoire : la Première
Guerre mondiale» = https: / / encyclopedia.ushmm.org /content/ fr/ article/ antisernitism-in-
202 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Ces théories étant posées, nous pouvons toutefois préciser plu-


sieurs choses. Durant la Seconde Guerre mondiale, mais à partir de l'été
1941 seulement, des bruits couraient que les nazis commençaient à exter-
miner les juifs de façon radicale. Les premiers informés furent les services
de décryptages anglais, lesquels décodaient depuis 1939 les messages
cryptés par les nazis avec leur machine « Enigma ». Ces interceptions
décodées furent présentées sur une base hebdomadaire à Winston Chur-
chill. Pourquoi le Premier ministre britannique n'a-t-il pas relevé ces faits
et averti l'opinion publique mondiale? Les historiens ont une magnifique
excuse à invoquer: «l'impératif de ne pas révéler aux Allemands qu'on avait
réussi à décrypter leurs messages codés aurait empêché Churchill de mentionner
les victimes juives 224 • »
De son côté, le président américain Franklin D. Roosevelt n'aura
pas lui non plus pris les décisions adéquates qui auraient permis de sau-
ver des milliers, voire des millions de vies. Citant l'historien David S.
Wyman, le magazine français Historia indique que : «Franklin D. Roosevelt
ne prit, pour aider les juifs d'Europe, que des mesures extrêmement limitées. S'il
avait voulu, il aurait pu faire naître [... ] un grand mouvement d'opinion favo-
rable à un vital effort de sauvetage. [... ] Il semble que sa réaction face à /'Holo-
causte ait été marquée par le sceau de l'opportunisme politique. Dans leur grande
majorité, les juifs lui apportaient leur soutien, une politique de sauvetage offrait
donc peu d'avantages politiques. Mais une attitude défavorable aux juifs pouvait
coûter des suffrages 225 • »Comme indiqué précédemment, nous parlons bien
de ce même Franklin D. Roosevelt qui déclina en 1943 l'offre de paix des
forces anti-nazies en Allemagne transmise par son ami George Earle ...

*
* *

Comme beaucoup, je me suis longuement demandé d'où provenait


ce chiffre de 6 millions après la Seconde Guerre mondiale. Qui a effectué
ces calculs? Dès le mois de novembre 1944, la mention de l'extermination
de 6 millions de juifs est largement propagée dans la presse. On trouve
par exemple : « Un Livre noir en cinq volumes contenant un dossier docu-
mentaire sur le massacre allemand d'environ 6 000 000 de juifs européens est en
cours de préparation par la maison d'édition d'État soviétique226• »Ou encore:
«SIX MILLIONS ASSASSINÉS. La maison d'édition d'État soviétique prépare
la publication d'un autre Livre noir, un dossier documentaire sur le massacre
allemand d'environ six millions de juifs européens [... ].Selon les éditeurs sovié-
tiques, les Allemands ont tué entre cinq et six millions de juifs russes, polonais et

history-world-war-i
224. «Shoah, ceux qui savaient, ceux qui pouvaient, ceux qui taisaient», Historia, n° 902,
février 2022, p. 26.
225. Ibidem, p. 25.
226. The Daily Register du 27novembre1944, p. 4.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES... 203

d'Europe occidentale, et un demi-million de plus sont actuellement assassinés en


Hongrie 227• »
Le projet de la rédaction d'un Livre noir destiné à recueillir des té-
moignages et documents sur l'extermination des juifs reviendrait originel-
lement au prosioniste Albert Einstein ainsi qu'aux écrivains russes Sholem
Asch et Ben Zion Goldberg. Le projet fut démarré dès 1944 sous l'égide
du Comité antifasciste juif et sous la direction des propagandistes et jour-
nalistes juifs soviétiques Ilya Ehrenburg et Vassili Grossman. On doit une
grande partie de la collecte de ces témoignages à ces derniers. Les docu-
ments recueillis sont prévus comme dépositions pour l'Histoire et comme
preuve des crimes nazis dans les régions provisoirement occupées par les
fascistes allemands en URSS et en Pologne.
La version russe de ce livre sera censurée. Dès 1946, une publication
écourtée de 560 pages (sur normalement plus du double prévu) est éditée
aux États-Unis et en Roumanie sous le titre, THE BLACK BOOK : The Nazi
Crime against the Jewish People226 • Le manuscrit complet du projet sera tou-
tefois envoyé aux autorités juridiques du Tribunal militaire international
siégeant à Nuremberg lors du procès éponyme contre les crimes nazis, un
procès qui durera près de onze mois, du 20 novembre 1945 au 1er octobre
1946. Je possède personnellement l'édition de New York datant de 1946.
L'indication de 6 millions de juifs assassinés apparaît au moins six fois aux
pages 4, 78, 241, 249, 396 et 466.
En 1952, les principaux membres du Comité antifasciste juif sont
condamnés à mort et tués d'une balle dans la nuque dans les sous-sols du
KGB à Moscou. Après la chute de l'URSS, la première édition complète en
russe de ce Livre noir sera publiée en 1993 à Vilnius en Lituanie. De nom-
breuses éditions suivront ailleurs dans le monde ...

Maintenant que nous avons retrouvé la source historique des 6 mil-


lions de morts lors de la Shoah, qu'en est-il des 6 millions de juifs annoncés
durant près d'une centaine d'années avant la Seconde Guerre mondiale?
Comment pouvait-on prévoir que 6 millions de juifs se trouvaient en dé-
tresse et allaient finalement être exterminés dans l'horreur la plus absolue
selon les propos du Livre noir précité et des témoins de la Shoah? Comme
nous l'avons compris, le mouvement sioniste aura largement contribué à
surenchérir par rapport à la situation. Dès 1899, le magazine North Ameri-
can Review, sous la plume du sioniste Max Nordau - cofondateur de l'Or-
ganisation sioniste -, annonce qu'il n'existe plus que 6 millions de juifs
dans le monde et que la seule solution pour que ces derniers ne souffrent
plus de l'antisémitisme serait de les voir peupler la Palestine. À partir de
cette date, l'immigration en Palestine est souvent mise à l'honneur comme
solution radicale pour éviter 6 millions de victimes. Lorsque l'on consulte

227. The Palestine Post du 28 novembre 1944, p. 1.


228. The fewish Black Book Committee, The Black Book: The Nazi Crime against the fewish People,
New York, American Book-Stratford Press, Inc., 1946.
204 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

la liste précédemment mentionnée - pourtant non exhaustive-, on en a le


vertige, même la nausée. Il se passait quelque chose qui n'a pas été identifié
par la communauté internationale ou que l'on n'a pas voulu reconnaître.
Comment en sommes-nous arrivés là? Pourquoi personne n'a-t-il rien fait
avant 1945? Nous avons vu plus haut que Winston Churchill, Franklin D.
Roosevelt et plusieurs fonctionnaires de l'OSS (les renseignements amé-
ricains) savaient pertinemment ce qui se passait, mais n'ont rien fait. La
question se pose ouvertement : pourquoi n'ont-ils pas été jugés pour com-
plicité de crime contre l'humanité? C'est là, me semble-t-il, une question
parfaitement légitime.

Nous avons vu en début d'ouvrage que dans les prophéties orales


de la Torah se trouve une citation qui énonce que «Tu reviendras moins 6
millions», signifiant par là que le peuple hébreu retournera en Terre pro-
mise avec six millions de personnes manquantes. Aux pages 214 et 215
de son ouvrage, The Secrets of Hebrew Words, le Rabbin Benjamin Blech
confirme cette tradition229 • En plus d'être un nombre historiquement validé
par les enquêteurs du Livre noir, ces 6 millions sembleraient refléter une
forme symbolique. Boaz Evron, un journaliste israélien, ne mâche pas ses
mots: «Le terme même d"Holocauste' est répréhensible. Il renferme une nuance
de désinvolture oratoire, il semble couvrir et dissimuler la terrible réalité. [... ] La
sensibilisation à l'Holocauste » est en fait «un endoctrinement de propagande
officielle, un ressassement de slogans et une vision fausse du monde, dont le véri-
table but n'est pas du tout de comprendre le passé, mais de manipuler le présent.
Cette attitude a pris le contrôle à la fois d'Israël et des juifs de l'étranger230• »
Sans l'Holocauste, il n'y aurait probablement pas eu d'État hébreu.
Sans la Shoah, le mouvement sioniste aurait-il réussi à obtenir de larges
subventions aux États-Unis ainsi que dans le monde pour l'établissement
de colonies en Palestine et l'indemnisation des victimes? Nous sommes au
cœur d'une enquête où il est important d'énumérer les faits historiques;
personne ne cherche ici à discuter de la validité du nombre de morts lors
de la Shoah. Laissons le politologue juif américain Norman G. Finkelstein
s'exprimer sur la question. Selon lui, il existerait une industrie de l'Holo-
causte qui instrumentaliserait la Shoah dans le but de soutenir la politique
d'Israël et également d'obtenir des réparations financières de la part des
banques suisses et des industriels allemands. Finkelstein écrit : «Heinrich
Himmler a évalué la population totale des camps en janvier 1945 à un peu plus de
sept cent mille et, d'après Freidlander, environ un tiers avait été tué en mai. Mais
si les juifs constituent seulement 20 % de la population survivante des camps et si,
comme l'industrie de l'Holocauste le laisse entendre, six cent mille déportés juifs
ont survécu à la guerre, alors trois millions de déportés en tout ont dû survivre.

229. Rabbi Benjamin Blech, The Secrets of Hebrew Words, Lanham (Maryland), Jason Aronson
Book/Rowman & Littlefield Publishers, Inc., 1991, p. 214-215.
230. Boaz Evron, « Holocaust: The Uses of Disaster », in « Political uses of the Holocausl>>, Radical
America, vol. 17, n° 4, juillet-août 1983, p. 7et15.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 205

[... ]On prétend couramment que la solution finale était une extermination d'une
efficacité unique, à la chaîne, industrielle. Mais si des centaines de milliers de juifs
ont survécu, comme le suggèrent [les chiffres de] l'industrie de ['Holocauste, la
solution finale n'a pas dû être si efficace que cela. C'était plutôt affaire de circons-
tances, exactement comme le suggèrent les négateurs de ['Holocauste. Les extrêmes
se touchent. [... ]L'extorsion d'argent à la Suisse et à l'Allemagne n'a été qu'un
prélude au grand final, l'extorsion à l'Europe de l'Est. Avec l'effondrement du bloc
soviétique, des perspectives séduisantes se sont ouvertes dans l'ancien centre des
juifs d'Europe. Se drapant dans l'hypocrite manteau des 'victimes nécessiteuses
de ['Holocauste', l'industrie de ['Holocauste cherche à extorquer des milliards à
ces pays déjà appauvris. Comme elle poursuit son but sans le moindre ménage-
ment, elle est devenue la principale cause du développement de l'antisémitisme
en Europe. L'industrie de ['Holocauste s'est posée en seule plaignante légitime
pour tous les avoirs privés et collectifs de ceux qui ont péri pendant l'holocauste
nazi. 'Il a été convenu avec le gouvernement d'Israël', a dit Edgar Bronfman à la
Commission sur les Affaires bancaires de la Chambre des représentants, 'que les
avoirs tombés en déshérence iraient à l'Organisation mondiale juive de la restitu-
tion'. En vertu de ce 'mandat', l'industrie de l'Holocauste a demandé aux pays de
l'ancien bloc soviétique de rendre toutes les propriétés juives d'avant-guerre ou de
verser des indemnités financières [Séances de la Commission sur la Banque
et les Services financiers, Chambre des représentants, 11 décembre 1996).
Contrairement au cas de la Suisse et de l'Allemagne, cependant, elle a fait ces
demandes sans aucune publicité231• »

4. L'Allemagne doit payer des milliards de dommages sur plusieurs


générations, mais pas les banques de Wall Street et de Londres

L'Allemagne a payé jusqu'au 3 octobre 2010 les dettes de la Pre-


mière Guerre mondiale. Les dernières obligations à cette date, en lien
avec les réparations exigées par les Alliés, étaient de 100 millions d'euros
de capital et 1,5 million d'euros d'intérêts. En 1931, la crise financière
frappant de plein fouet l'Allemagne, la communauté internationale avait
alors décidé de renoncer aux réparations pour un moment. La victoire
des Alliés au printemps 1945 transforma l'Allemagne en territoire oc-
cupé. Le pays n'existait plus et il ne pouvait de toute façon honorer sa
dette. La création de la RFA en 1949 et de la RDA la même année relança
la question de l'héritage de la dette du Reich. Le 3 octobre 1990, l' Alle-
magne retrouvant son unité, le gouvernement de Bonn considéra alors
que les conditions étaient remplies pour poursuivre le remboursement
aux Alliés 232 •

231. Norman G. Finkelstein, L'industrie de !'Holocauste - Réflexions sur l'exploitation de la


souffrance des juifs, Paris, La Fabrique éditions, 2001, p. 123-126.
232. Eric Cho! et Romaric Godin, «L'Allemagne a remboursé ses dernières dettes datant de la
1" Guerre mondiale», La Tribune du 1" octobre 2010.
206 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Compte tenu des avantages en nature, le Reich allemand a payé


à lui seul 67,7 milliards de marks-or de réparations concernant la Pre-
mière Guerre mondiale. En prenant le taux de conversion du mark-or de
1913 (14,1 marks-or en 1913 = 4,87 euros), cela fait environ 329 millions
d'euros. De plus, les paiements de la RDA s'y sont additionnés jusqu'en
2010. Avec une durée de 50, 60, 70 ans, les intérêts et paiements d'intérêts
se seront élevés à des centaines de millions, peut-être même des milliards
d'euros. Ces chiffres sont restés en partie secrets, même pour le peuple
allemand.

En parallèle aux remboursements liés à la Première Guerre mon-


diale, l'Allemagne a dû payer des sommes astronomiques pour dédom-
mager les juifs victimes du nazisme. Le sujet étant sensible, les chiffres
restent assez opaques dans leur ensemble. Toutefois, aucune réparation
n'a été payée dans le cadre des premières négociations pour les juifs tués
pendant la Shoah. Les sommes exorbitantes versées ont été perçues par
le Congrès juif mondial (CJM), une infime partie étant reversée aux héri-
tiers des victimes.
On notera qu'en 1964, donc après 16 ans de législation, l'Allemagne
avait déjà indemnisé les victimes à hauteur de plus de 23 milliards de
Deutsche Marks, soit plus de 11 milliards d'euros d'aujourd'hui (préci-
sément: 11759713268 euros). Le journal français Le Monde de l'époque,
indiquera une «indemnisation des victimes du nazisme ralentie par la résis-
tance passive du gouvernement allemand 233 ». Au total, depuis 1949, les pou-
voirs publics allemands auront fourni plus de 75 milliards d'euros au
titre des compensations, «mais une répartition exacte par pays n'est pas
possible», précise le journal français Libération en 2018234 • À l'heure où le
présent ouvrage part sous presse, les sommes versées officiellement par
l'Allemagne aux victimes et familles de victimes seraient de 80 milliards
d'euros. Nous parlons ici uniquement de l'Allemagne et pas de la Suisse
ou même de la Russie. À cela s'ajoutent de plus récentes indemnités,
comme celles allant aux 25 000 juifs d'Algérie à partir de 2018 : à raison
de 2556 euros par individu, l'Allemagne paiera donc près de 64 millions
d'euros d'indemnisation235 • S'y ajoutent également, plus récemment en-
core, 650 millions d'euros supplémentaires pour 6500 juifs russes resca-
pés du siège de Leningrad 236 •
Suite aux remboursements des victimes, Israël obtiendra égale-
ment des Allemands l'affectation de plusieurs crédits notables à concur-
233. Jean Roman, «L'indemnisation des victimes du nazisme est ralentie par la résistance
passive du gouvernement allemand», Le Monde du 22 avril 1964.
234. «Les Allemands paient-ils un impôt pour dédommager les juifs victimes du nazisme?»,
Libération du 17 août 2018.
235. «Shoah : l'Allemagne va verser des indemnités à des Juifs d'Algérie», L'Express du
5 février 2018.
236. Anthony Bellanger, «L'Allemagne indemnisera les juifs rescapés du siège de Leningrad»,
France-Inter du 8 octobre 2021.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES... 207

rence de 13 % sur l'acier et le fer, 30 % les produits de l'industrie de


l'acier, 45 % de crédit sur tous les produits chimiques et le même pour-
centage pour tous les produits agricoles 237 • Des accords secrets dont nous
parlerons un plus loin donneront aussi la possibilité à Israël d'obtenir
gratuitement de l'Allemagne un nombre considérable d'armements ...

*
* *

«Printemps 2000, une Commission présidentielle américaine enquête


depuis deux ans sur les rapports entre les banques américaines et l'Allemagne
nazie. Nous sommes à l'aube de la fusion entre les banques Chase Manhattan
et la JP Morgan. Soixante ans après la Seconde Guerre mondiale, la commis-
sion plonge dans des archives jusqu'alors inaccessibles. Au printemps 2000, cela
fait deux ans que la commission enquête sur les banques américaines et l'holo-
causte238.
Survient alors un événement troublant : douze boîtes arrivent au bureau
exécutif de la commission, provenant d'un cabinet d'avocats de New York qui
représente la Chase Bank. L'avocat Owen Pell se charge de les transmettre. Les
trois directeurs de recherche de la Commission n'ont pas le droit de s'adresser
au conseil d'administration sans l'accord préalable des dirigeants administra-
tifs ... Le directeur de recherche des enquêtes de la Commission, Marc Mazuro-
vosky, souhaite consulter les boîtes, mais on ndui donne l'autorisation de n'en
regarder qu'une seule. Les banques Chase Manhattan, JP Morgan et les plus
importantes de New York avaient en dépôt des biens juifs qu'elles n'ont jamais
restitués à leurs propriétaires. Pourtant l'historien Norman Goda aura accès à
la plupart de ces documents. Les archives montrent que la Chase avait compris
que le gouvernement d'Hitler achetait des dollars avec des marks confisqués aux
juifs. Il y avait à cette époque 550 000 juifs qui vivaient en Allemagne, précise
Norman Goda. On pensait bien qu'ils allaient partir et laisser tout derrière eux.
Après la Nuit de Cristal de 1938, la Chase fut véritablement excitée par le départ
précipité des juifs d'Allemagne. La raison pour laquelle la Chase s'était lancée
dans cette affaire depuis 1936, c'est que les banquiers savaient que cela allait être
très rentable pendant longtemps 239 •••

237. Paul Giniewski, «Allemagne et Israël : le traité des réparations israélo-allemand du 10


septembre 1952», Chronique Etrangère, vol. 7, n° 3, 1954, p. 326.
238. Fabrizio Calvi & Steeve Baumann, «Pactes avec le diable», Documentaire, op. cit.
239. Ibidem.
208 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

58. Marc Mazurovosky,


directeur de recherche
des enquêtes de
la Commission
présidentielle sur les
rapports entre les
banques américaines
et l'Allemagne
nazie. Image tirée du
documentaire «Pactes
avec le Diable» (2000).

La combine était simple: convertir en dollars l'argent volé aux juifs. Une
opération juteuse puisque sur chaque opération de change, la banque encaissait
une commission quinze fois supérieure à la normale. De 1936 à 1941, le régime
nazi et ses banques font un chiffre d'affaires de 20 millions de dollars de l'époque
au marché des changes des États-Unis. La commission que la Chase aura ramassée
s'élève à plus d'un demi-million de dollars. À ce titre, la Chase Manhattan est
complice d'un crime et d'un vol organisé. Oui, la Chase Manhattan s'est bien en-
richie avec l'argent des victimes de ['Holocauste, oui elle a signé en toute connais-
sance de cause un pacte avec le Diable240 !
Fin de l'année 2000, le président Bill Clinton exige qu'un accord soit trou-
vé avant la fin de son mandat présidentiel, donc avant la fusion prévue entre les
banques Chase Manhattan et /P Morgan. En décembre, un accord est finalement
signé pour solde de tout compte de restituer 22,5 millions de dollars aux familles
des victimes du nazisme. Une somme dérisoire comparée aux estimations établies
par le ministère des Finances américain à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Ces rapports d'enquêtes dévoilent que la /P Morgan avait enregistré des béné-
fices de 50 millions de dollars de l'époque, soit près de 400 millions de dollars
d'aujourd'hui. Pour la Chase Manhattan, le chiffre avoisine les 20 millions de
dollars de l'époque, soit 160 millions de dollars actuellement, note Marc Mazuro-
vosky241. »

Rappelons que la Chase Manhattan était sous la direction de Da-


vid Rockefeller de 1946 à 1981. Pourquoi cet homme puissant n'a-t-il pas
été inquiété lors de la découverte de ces archives? La question se pose
puisqu'il a clairement dissimulé ces documents. John D. Rockefeller et
l'ensemble de sa famille étaient les principaux actionnaires de la Chase

240. Ibidem .
241. Ibidem.
DES MILLIONS DE MORTS SUPPLÉMENTAIRES ... 209

National Bank ... Quant aux banques JP Morgan de Londres et Manhattan,


tout le monde sait qu'elles détenaient aussi une énorme partie des dettes
allemandes liées aux réparations de la Première Guerre mondiale. Leur
soutien discret à Hitler cachait l'espoir d'être un jour remboursé; ce qui fut
le cas.
Ces multiples spoliateurs opportunistes «qui savaient et qui n'ont
rien fait», avaient simplement peur que tout cela ne finisse par se savoir et
que la divulgation de toutes ces informations n'interfère, à l'époque, avec
le déroulement de la guerre monétaire et de la guerre tout court tel qu'ils
l'avaient programmés. Tous ces banquiers, hommes d'État et industriels
rejetteront de concert tous les crimes sur le dos de leur si opportun com-
plice Hitler en plaidant, sans honte, non coupables! Au milieu de cela, il
y aura eu des millions de sacrifiés dans toute l'Europe sous l'égide d'une
oligarchie financière américano-britannique dissimulée sous des filiales al-
lemandes. L'oligarchie financière de Londres et de Wall Street aura permis
l'ascension d'Hitler au pouvoir, comme elle aura imposé à l'Allemagne de
s'endetter sur des générations, tout cela à son plus grand profit.

À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, tout le monde sait que de


nombreux scientifiques allemands seront embauchés par les Alliés. Alors
que les nazis sont les seuls pointés du doigt et que l'Allemagne va devoir
payer des milliards, les Alliés vont «recruter» plusieurs anciens SS et offi-
ciers de la Wehrmacht à des postes tout aussi improbables qu'incroyables:
Le SS-Sturmbannführer Wemher von Braun, principal ingénieur
des fusées V2, sera consacré par la Nasa en 1958 en tant que Directeur du
centre spatial Marshall jusqu'en 1970. Les USA lui doivent la conception
de la fusée Saturn V qui rendra possibles les missions lunaires. Il est ainsi
le père des programmes spatiaux de la Nasa.
Walter Hallstein, officier de la Wehrmacht, deviendra le président
de la Commission européenne de 1958 à 1967.
L'ancien Generalleutnant Adolf Heusinger, qui était entre autres
chargé des préparatifs du Fall Blau («Opération bleue», nom de code de
l'attaque sur Stalingrad) - il échappera, à l'instar d'Hitler, à l'attentat du
20 juillet 1944 qui visait ce dernier-, deviendra le président du Comité
militaire de l'OTAN de 1963 à 1964.
Kurt Waldheim, officier de renseignement dans la Wehrmacht, sera
le Secrétaire général de l'ONU de 1972 à 1981.

Les deux Guerres mondiales furent rendues possibles à la faveur des


nombreux financements tentaculaires des Rockefeller et des Rothschild.
Au milieu du 19• siècle, la Maison Rothschild, basée à Londres, Paris,
Francfort et Vienne, dominait toute la finance européenne. Leurs avoirs se
sont diversifiés à travers le monde vers de nouveaux investissements dans
l'acier, les chemins de fer et le pétrole. Leur devise est depuis longtemps
Concordia Integritas Industria («Harmonie, Intégrité, Industrie»).
210 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Les sociétés de diamant et d'or de Cecil Rhodes, créateur de l'Élite


secrète, étaient financées par les Rothschild. L'Élite secrète dont nous avons
discuté à plusieurs reprises dans de précédents chapitres, avait infiltré les
deux grands organes du gouvernement impérial britannique : le Foreign
Office et le Colonial Office, et elle avait aussi le contrôle sur les hauts fonc-
tionnaires qui chapeautaient ces domaines. De plus, elle prit le contrôle du
War Office (ministère de la Guerre) et du Comitee oflmperial Defense (Comité
de défense impériale) ainsi que des ultimes échelons des forces armées.
Ses tentacules se sont étendus de la France à la Russie jusqu'aux Balkans et
l'Afrique du Sud avec pour objectif de cibler des agents dans les plus hauts
bureaux de gouvernements étrangers pour une utilisation future. De plus,
les hommes de cette Élite secrète avaient le pouvoir de faire en sorte que
l'histoire ne serve pas d'exemple, mais trompe à jamais! L'élite secrète bri-
tannique dicta l'écriture et l'enseignement de l'histoire, des universités à la
plus petite des écoles. Comme le démontrent admirablement les travaux
de Gerry Docherty et Jim McGregor, l'Élite secrète contrôla soigneusement
la publication des documents officiels du gouvernement britannique, la
sélection des documents à indure dans la version officielle de l'histoire de
la Première Guerre mondiale et refusa l'accès à toute preuve qui pourrait
trahir son existence clandestine. Elle veilla à ce que nous apprenions uni-
quement les «faits» qui sous-tendent sa propre version de l'Histoire242 •
Ces hommes responsables de la Première Guerre mondiale et, par
effet domino, de toute la suite, réussirent à pousser l'Allemagne dans leur
piège et faire d'elle ce qu'elle est devenue aujourd'hui : un État humilié,
soumis et redevable pour des générations. Une Allemagne qui deviendra,
par la force des choses, le grand leader de l'Union européenne. Une Eu-
rope initiée en 1946 par le Britannique Winston Churchill ...
Sachant que la permanence de conflits crée le besoin de pouvoirs cen-
tralisés, tout a été fait pour créer des conflits d'intérêts au point de générer
un état de guerre quasi permanent. Rien n'a changé depuis la plus haute
Antiquité et ce sont les mêmes ficelles qui sont employées aujourd'hui en-
core. Non, décidément, l'argent et le pouvoir n'ont pas d'odeur, et encore
moins celle du sang; mais la suite va nous réserver encore bien des sur-
prises.

242. Docherty & McGregor, Les origines secrètes de la Première Guerre mondiale, op. cit., p. 16-
17.
III
La conquête de la Terre promise

Après son service militaire (1940-1944) et son incorporation dans


la VIII• armée britannique, Zecharia Sitchin devient greffier adjoint à la
municipalité de Tel-Aviv en 1944. Sitchin n'est pas un homme de terrain, ce
n'est pas un futur agent qui sera envoyé «sur le front». Il aura bien essayé
l'entraînement musclé des centres spécialisés gérés par le mouvement sio-
niste, mais il n'a pas du tout les profils physiques et sportifs requis. Pour-
tant, son appartenance au mouvement sioniste, la Haganah et le futur État
d'Israël, est forte au point de devenir pour lui une véritable vocation.
L'entraînement usuel des agents sionistes comporte un complément
lié au système d'enseignement pratiqué dans les écoles juives, celui de la
mémoire où il est demandé aux jeunes élèves d'apprendre par cœur des
chapitres entiers de la Bible. Sitchin possède d'énormes capacités dans ce
domaine. Ses aptitudes à observer et mémoriser auront probablement sus-
cité un grand intérêt chez ses supérieurs. Le jeu bien connu des services
de renseignement consiste à observer un objet durant un temps limité et
le redessiner ensuite de mémoire. Aaron, le frère de Zecharia, et sa fille,
Janet Sitchin, ne cessent d'insister sur cette mémoire particulière dans le
reportage de 2020 consacré à Zecharia Sitchin.
Dans son rôle de greffier adjoint, Sitchin va assister les juges lors des
procès. Il sera le scribe de la justice et le garant de la procédure. Son rôle
d'officier public est de consigner l'intégralité des débats et de conserver les
jugements.

Le couple Sitchin a déménagé au centre de Jérusalem. Zecharia est


également journaliste économique au journal Hamishar (Al HaMishmar) de-
puis 1943. En haut de la première page de chaque numéro de ce magazine
se trouve la bannière : «Pour le sionisme, le socialisme et la fraternité entre
les Nations». Étant greffier adjoint à la municipalité de Tel-Aviv, Sitchin
212 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

prendra régulièrement la route pour effectuer la navette de plus d'une


heure en voiture entre Jérusalem et Tel-Aviv.
De 1948 à 1949, Zecharia va devoir faire son service militaire pour
l'armée israélienne à Jérusalem. Cette fois-ci, hors de question pour lui de
porter l'uniforme militaire et de se retrouver sur le front avec une arme à
la main. Sitchin demande son intégration dans la police municipale. Il lui
sera demandé de changer de nom de famille s'il souhaite progresser pro-
fessionnellement dans la police, mais il refuse. Notre futur agent se can-
tonnera à ses obligations pour son pays pour ensuite voler de ses propres
ailes ...

1. «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre»

La fin du mandat britannique est prévue à la mi-mai 1948. Quelques


mois plus tôt, en fin novembre 1947, l'Assemblée générale de l'ONU votait
un plan de partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe, avec
une zone sous contrôle international autour de Jérusalem. La proposition
de l'ONU se résume de cette façon: les juifs qui ne représentaient qu'un
tiers de la population de la Palestine sur 10 % du territoire se voyaient
accorder 55 % du pays. Les sionistes se hâtèrent d'accepter ce plan de par-
tage, mais pas les Arabes palestiniens qui se sentirent totalement lésés.
Le Journaliste Hamid Barrada, du magazine Jeune Afrique résume la
situation explosive de l'époque qui n'a pas véritablement changé depuis le
siècle dernier : «Il y a comme d'habitude les mythes et la réalité. Naturellement,
Israël avait de bons ingénieurs, et ils ont essayé de faire refleurir le désert. Ils ont
même une compétence assez rare en matière d'agriculture,· ils coopèrent à l'occa-
sion de la même manière avec certains pays arabes. Mais la question n'est pas là.
La question est que ce désert était peuplé de Bédouins. Il y avait du monde sur cette
'terre vide'. Ils voulaient à tout prix créer le mythe; ils l'ont créé. Ils l'ont accré-
dité dans l'opinion internationale et peut-être pour eux-mêmes, [à savoir] qu'ils
venaient dans un pays sans peuple; [leur slogan] était: 'un peuple pour une terre
vide 1243 • » En effet, le slogan des forces sionistes est depuis le début : «La
Palestine, une terre sans peuple pour un peuple sans terre».
De toute façon, les autorités sionistes restaient déterminées depuis
un moment à obtenir la création d'un État et non plus d'un simple «foyer
national» comme le leur avait accordé la déclaration Balfour. David Ben
Gourion, futur Premier ministre du futur État d'Israël et leader charisma-
tique du mouvement sioniste déclarait en septembre 1939: «La Première
Guerre mondiale nous a donné la déclaration Balfour, cette fois nous devons obte-
nir un État pour les juifs 244• »
À la suite de la proposition de partage, la Palestine connaît une

243. Jérôme Bourdon & Antonio Wagner, «Israël - Palestine : !'emprise des images», partie 1 :
«Israël à l'avant-scène», reportage, Ina, 2008.
244. Rémy, Proche-Orient, 1914-2010, Les origines du conflit israélo-palestinien, op. cit., p. 43.
LA CONQU:ËTE DE LA TERRE PROMISE 213

période de guerre civile ponctuée de nombreuses actions terroristes des


deux côtés. Le 14 mai 1948, dernier jour du mandat britannique, David ben
Gourion prononce l'indépendance de l'État d'Israël à 16h, soit huit heures
avant le terme officiel du mandat que la Grande-Bretagne avait reçu en
1922 de la Société des Nations. Le lendemain, les armées arabes arrivent
en Palestine. La guerre civile se transforme alors en un conflit sans fin aux
dimensions internationales. Les pays arabes considèrent l'État hébreu
comme étant une création des États-Unis et, par voie de conséquence, les
États-Unis comme un ennemi juré. La première guerre arabo-israélienne
de 1948 va entraîner l'exode de 700000 à 800000 Palestiniens expulsés de
leurs terres et entassés dans des camps provisoires qui vont peu à peu
devenir des bidonvilles. L'auteur Marc Rémy explique : «Les Israéliens ont
toujours prétendu que ces Palestiniens étaient partis d'eux-mêmes, répondants
aux appels des dirigeants des États arabes. Mais de tels appels n'ont jamais existé.
[... ] En réalité, le départ de ces centaines de milliers de Palestiniens résulta de
l'application d'une politique de nettoyage ethnique qui visait à 'judéiser' les ré-
gions contrôlées par les sionistes. [... ]Au total, quelque 370 villages palestiniens
furent rayés de la carte. À la fin de la guerre, ils reçurent des noms israéliens pour
effacer complètement la trace des précédents occupants245 • »

59. Proclamation de
l'indépendance de
l'État d'Israël par
David Ben Gourion le
14 mai 1948.
Photographie
de Robert Capa,
domaine public

Golda Meir, membre dirigeant de l'exécutif sioniste, recueille à par-


tir de mai 1948, 150 millions de dollars aux États-Unis, à ajouter aux 50 mil-

245: Ibidem, p. 50-51 et 54


214 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

lions récoltés à Chicago en janvier de la même année. Une grande partie de


cette somme sera utilisée pour acheter des armes. Cinq mille volontaires,
dont de nombreux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale,
essentiellement venus de Grande-Bretagne et des États-Unis, arrivent en
Israël pour soutenir le jeune État dans sa guerre contre les peuples arabes.
Le premier conflit israélo-arabe se solde début 1949 par la victoire
d'Israël grâce au soutien et au financement de plusieurs puissances étran-
gères comme les États-Unis. Les Israéliens repoussent les soldats égyptiens
et s'emparent de l'ensemble du Néguev et de la Galilée. Sous la pression
internationale, des armistices sont alors signés par l'intermédiaire de
l'ONU. Le 11 mai 1949, l'État d'Israël est alors très logiquement admis
parmi les pays de l'ONU.

Avant 1947, 7 % des terres appartenaient au peuple juif; suite à cette


guerre, 80 % des terres passent sous le contrôle de l'État hébreu 246 • Naeim
Giladi, un ancien sioniste, explique ce qu'il a vu : «Ben Gourion avait besoin
des juifs 'orientaux' pour cultiver les milliers d'acres de terre laissés par les Palesti-
niens chassés par les forces israéliennes en 1948. J'ai commencé à découvrir les mé-
thodes barbares utilisées pour débarrasser l'État naissant d'autant de Palestiniens
que possible. Le monde recule aujourd'hui à l'idée d'une guerre bactériologique,
mais Israël a probablement été le premier à l'utiliser au Moyen-Orient. Dans la
guerre de 1948, les forces juives vidèrent les villages arabes de leurs populations,
souvent par des menaces, parfois en abattant une demi-douzaine d'Arabes non
armés comme exemples pour les autres. Pour s'assurer que les Arabes ne puissent
pas revenir pour se refaire une vie dans ces villages, les Israéliens introduisent
des bactéries du typhus et de la dysenterie dans les puits d'eau. Uri Mileshtin,
historien officiel des Forces de Défense israéliennes, a écrit et parlé sur l'utilisation
d'agents bactériologiques247 • »

246. Yuval Achouch & Yoann Morvan, «Kibboutz et villes de développement en Israël :
Les utopies sionistes, des idéaux piégés par une histoire tourmentée», Justice spatiale, n° 5,
décembre 2012 - décembre 2013, p. 9.
247. Giladi, Ben Gurion's Scandais, op. cit., p. 10.
LA CONQUtTE DE LA TERRE PROMISE 215

60. Immigration
de jeunes
israéliens au
kibboutz Yasur.
Archives
nationales,
domaine public

Le nouvel État est né, mais il faut tout rebâtir dans un pays ravagé
par la guerre et par le départ de plusieurs centaines de milliers de Pales-
tiniens. Des dizaines, des centaines de villages ont été désertés et ensuite
détruits au bulldozer pour laisser la place à l'arrivée massive d'immi-
grants. Une loi sur les propriétaires absents permet de légaliser la situation
du point de vue israélien : les nouveaux colons ont désormais le droit de
détruire ou de réutiliser les biens inoccupés 248 •
Le rêve de David Ben Gourion a toujours été de faire fleurir le dé-
sert. Le leader d'Israël recommande l'installation sauvage sur les anciens
biens des Palestiniens. Les kibboutzim fleurissent partout dans le désert. Ce
sont quelques baraques isolées, comme implantées de force, souvent avec
l'aide de l'armée. À charge pour les colons de mettre le sol en culture et de
le rendre fertile et verdoyant. Le kibboutz («assemblée, ensemble») fascine
les Israéliens, il fait partie d'une époque de renouveau. Ben Gourion lui-
même possède un kibboutz dans lequel il finira sa vie. Les kibboutzim ne
sont plus réservés à de simples colons, mais aussi aux politiques et à la
jeune élite sociale d'Israël.

2. Isaac Charchat et l'opération « Goshen »

L'agent sioniste Isaac Charchat va régulièrement rendre des comptes


à ses supérieurs au siège principal de Tel-Aviv. Son entreprise maritime
et son rôle de «représentant d'un cartel d'importateurs africains» lui
auront permis de combiner de multiples étiquettes. Ses bonnes relations
avec plusieurs agents affectés dans les ports de Marseille et d'Alexandrie
248. Xavier Baron, Israël 1948, Paris, Éditions Hoëbeke, 2008, p. 96.
216 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

auront certainement contribué à cette mission dont nous allons rapporter


l'existence. Véritable héros local, spécialisé dans l'extraction de juifs sans
papiers, Charchat aura très probablement rencontré Zecharia Sitchin dans
le QG de la Haganah ou dans les bureaux sionistes de Tel-Aviv.
La déclaration de l'indépendance d'Israël en 1948 et la guerre avec
les États arabes auront laissé près de 300 000 juifs égyptiens sur le car-
reau. Une seule alternative leur était possible pour garder la vie sauve
à l'époque : quitter rapidement le pays! Isaac Charchat fait partie de ce
chapitre passionnant de l'émigration juive d'Égypte, entré dans les anales
sous le nom de code de « Goshen ». Ce mot est un terme employé dans la
Bible pour désigner les pays des Pharaons d'où Moïse avait organisé un
exode clandestin.
Charchat ne peut oublier l'aide que lui avaient apportée les Égyp-
tiens en 1925. Il évoquera en 1985 dans la presse américaine l'époque où
la Palestine et l'Égypte étaient encore sous domination britannique : «Je
faisais partie d'un groupe de plusieurs milliers de juifs qui ont quitté l'Europe de
l'Est à destination de la Palestine. À chaque étape du chemin, les Britanniques
se sont opposés à nous, déterminés à ce que nous n'atteignions jamais la terre
promise. Nos seuls alliés étaient les Égyptiens. Comme les colons juifs dans ce
qui était alors la Palestine sous mandat britannique, les Égyptiens luttaient pour
se débarrasser de la domination· britannique et créer un état indépendant. Quatre
mille ans d'histoire avaient lié le peuple égyptien en une nation; les autres pays
du Moyen-Orient n'étaient que des créations européennes, nées de la Première
Guerre mondiale. Leurs frontières étaient arbitraires, tracées par des politiciens
occidentaux peu conscients ou peu soucieux des réalités culturelles du Moyen-
Orient. La stratégie politique de Londres représentait une tentative de cultiver les
institutions britanniques sur un sol désertique et de créer une loyauté envers les
intérêts britanniques là où il n'en existait pas. C'est pour s'opposer à cet effort que
les Juifs et les Égyptiens ont travaillé ensemble en 1925. Tous deux avaient un sen-
timent d'identité et des objectifs communs de souveraineté et d'indépendance2 49• »

Le mouvement sioniste a installé plusieurs centres pour l' émigra-


tion juive en Égypte. Ces centres sont dirigés et financés par l' Agence juive
pour la Palestine, c'est-à-dire le cabinet exécutif du mouvement sioniste.
Sur un étage complet de l'imposant immeuble «Immobilia» du Caire se
trouve un bureau clandestin dénommé «Agence de voyage Grunberg».
Ironie du sort, cet immeuble considéré comme le plus glamour d'Égypte
abrite aussi de nombreuses stars de l'industrie du cinéma égyptien. Seules
des personnalités importantes ou des entreprises peuvent payer les 6 à
12 livres égyptiennes demandées pour y résider, une véritable fortune à
l'époque.

249 Isaac Charchat, «Will similar problems join Arabs and Israel?», The Rhode Island Herald du
11janvier1985, p. 7.
LA CONQU:ËTE DE LA TERRE PROMISE 217

61. Premier gratte-ciel cairote,


l'immeuble« Immobillia »de
seize étages porte le nom de la
société immobilière éponyme.
Ici se trouvait sur un étage
complet « l' Agence de voyages
Grunberg » qui aura permis
de faire sortir des milliers de
juifs égyptiens à destination
d'Israël. L'immeuble Immobilia
fut construit de 1938 à 1940.
Domaine public

Les sionistes ont poussé le vice jusqu'à ouvrir une succursale de


l' Agence de voyage Grunberg à Alexandrie. Isaac Charchat fréquente ré-
gulièrement ces endroits. Le fonctionnement de cette émigration clandes-
tine réside sur l'idée d'organiser des «voyages de tourisme» à destination
de la France. Charchat et ses agents vont payer des pots-de-vin aux fonc-
tionnaires égyptiens, suffisamment intelligents pour ne pas croire au tou-
risme des juifs vers l'Europe. Lui et ses hommes se sont spécialisés dans les
faux papiers pour ceux qui en auraient besoin. Ensuite, ils se procureront
sans difficulté, auprès du consulat français à Alexandrie, les passeports
français nécessaires à tous ceux qui auraient des difficultés à obtenir des
visas de sortie égyptiens. Nous retrouvons alors la même tactique que
Charchat utilisait en 1925 : regrouper les juifs égyptiens dans des grands
ports comme Marseille, Gênes ou Naples pour finalement les acheminer
par bateau vers Israël250 •

3. L'agent Zecharia Sitchin est envoyé à New York en 1952

Les conflits engendrés lors de la guerre d'indépendance de 1948


auront largement affecté la famille Sitchin qui a décidé de revenir vivre
à Tel-Aviv. Le retour de Zecharia Sitchin dans le fief même du sionisme

250. Voir, au sujet del' Agence de voyages Grunberg, Uri Dan & Ben Porat, L'espion qui venait
d'Israël - L'affaire Eli Cohen, Paris, Éditions Fayard, 1967 /2020, p. 34.
218 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

propulse notre homme dans son domaine de prédilection : le commerce.


Dès 1949, Zecharia, alors âgé de 39 ans, se retrouve secrétaire et directeur
du département de l'économie à la chambre de Commerce et d'industrie
de Tel-Aviv-Jaffa. Parallèlement, il travaille comme clerc auprès du maire
de Tel-Aviv. Mais le mouvement sioniste a une tout autre idée pour son
agent surdoué confiné dans les bureaux de Tel-Aviv ...

Le 2 mars 1951, Ben Gourion convoque dans son bureau les chefs
des cinq agences secrètes du pays. Il leur annonce qu'il décide de regrou-
per toutes les activités d'espionnage d'Israël à l'étranger sous la tutelle
d'un nouveau service baptisé Ha Mossad le Teum («Institut de coordina-
tion») destiné à des missions spéciales. Ces missions spéciales seraient
désormais déclenchées avec son approbation et dirigées par des agents
appartenant aux services de renseignements existants251 • Le Mossad dé-
pend directement du Premier ministre, il constitue le service de rensei-
gnement et d'action à l'étranger. Dès sa création en 1951, le Mossad établit
des contacts constants et nécessaires avec la CIA grâce à l'antenne de la
CIA à Tel-Aviv. Le rôle du Mossad est justement comparable à celui de la
CIA.
D'après ce qu'il nous a été possible de savoir, le Mossad se com-
poserait de huit départements parmi lesquels se trouvent les divisions
administratives et celle des relations internationales. Au regard des élé-
ments dont nous disposons à présent, nous pouvons parfaitement envisa-
ger la présence de Zecharia Sitchin au sein de la division administrative.
Ses compétences concernant l'économie ne sont plus à prouver. À cette
époque, il est depuis deux ans déjà le secrétaire et directeur du dépar-
tement de !'Économie à la chambre de Commerce et d'industrie de Tel-
Aviv-Jaffa. Mais les ambitions de Sitchin ne s'arrêtent pas là. Ses activi-
tés au sein de la communauté sioniste et son implication dans le journal
Hamishar depuis 1939 font de lui un activiste de premier plan. Son départ
soudain de Tel-Aviv pour New York en 1952 laisse à penser que Sitchin
intégra rapidement le département des relations internationales du Mos-
sad. En effet, comme l'indique l'historien Jacques Borde, cette division du
Mossad s'occupe des relations internationales et des opérations conjointes
avec des pays amis. Dans les antennes les plus importantes des pays occi-
dentaux, le Mossad dispose d'un responsable affilié à la division de l'in-
formation ainsi qu'un responsable des Relations internationales252 •
D'une même manière, les agents d'opération du Mossad de la divi-
sion Tsomet (recherche clandestine du renseignement) sont, entre 1951 et
1952, les premiers à opérer en Occident dans des pays tels que les États-
Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne. La division Tsomet
est la plus importante du Mossad. Elle gère la recherche clandestine du
251. Thomas, Histoire secrète du Mossad de 1951 à nos jours, op. cit., p. 56.
252. Jacques Bordes, Les services secrets israéliens - d'Eichmann à la guerre de Syrie, Paris, V.A.
Éditions, 2019, p. 66-67.
LA CONQU.ËTE DE LA TERRE PROMISE 219

renseignement par agents, via des postes officiels ou clandestins à l' étran-
ger. Elle recrute et manipule des sources à travers le monde grâce à des
officiers traitants appelés Katsa 253, nous indique Éric Denécé, directeur du
Centre français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Aux États-Unis, de nombreux agents de la division Tsomet vont rapi-


dement investir New York et Washington. Ceux de New York ont pour
tâche d'infiltrer les missions diplomatiques de l'ONU ou encore de s'inté-
grer au système de l'économie et du commerce. Pour Zecharia Sitchin, la
voie est toute tracée, il fait partie des nombreux agents israéliens envoyés
en 1952 pour travailler aux États-Unis. Sa mission : faire du commerce in-
tensif entre les Amériques et son pays et créer des intérêts commerciaux
dans un certain nombre de projets internationaux. Israël a absolument be-
soin de profils comme celui de Zecharia Sitchin : «Les juifs américains sont
les garants de la sécurité d'Israël, précise le journaliste Seymour M. Hersh :
chaque année, ils versent des centaines de millions de dollars dans les caisses254 »
du jeune État d'Israël. En pleine guerre froide, la CIA coopère secrètement
avec le Mossad. Dès la création du service d'espionnage d'Israël en 1951,
on peut par exemple dénombrer 28 opérations de démarches communes
jusqu'en 1979 dans le domaine du renseignement stratégique. Certaines
étaient financées grâce à une caisse noire laissée à la discrétion du direc-
teur de la CIA. Dans certains cas, des versements annuels étaient destinés
au Mossad dont le montant n'a jamais été révélé255, mais ... chut! Tout cela
reste un secret bien gardé.

Un an après son arrivée à New York, précisément en juin 1953,


Zecharia Sitchin se retrouve miraculeusement président exécutif de la
chambre américano-israélienne de Commerce et d'industrie (American-
Israel Chamber of Commerce and Industry) ... Une petite recherche poussée
permet de comprendre que Zecharia Sitchin est lui-même créateur de cette
institution. La chambre américano-israélienne de Commerce et d'industrie
est officiellement un organisme non gouvernemental qui mène des pro-
grammes éducatifs, effectue la mise en réseau d'événements et est conçue
pour stimuler l'intérêt d'entreprises américaines à faire des affaires avec
Israël. Parrainée par l' Association des fabricants, la chambre de Commerce
et la fédération des Agriculteurs d'Israël ainsi que par des entreprises amé-
ricaines, cette organisation vise également à inciter la promotion commer-
ciale, l'information, les études de marché et l'arbitrage ...

L'envoi de Sitchin à New York et la création de cette chambre amé-

253. Éric Denécé & David Elkaïm, Les services secrets israéliens - Aman, Mossad, et Shin Beth,
Paris, Éditions Tallandier, 2014, p. 160-161.
254. Seymour M. Hersh, Opération Samson : comment Israël a acquis la bombe atomique, Paris,
Éditions Olivier Orban, 1992, p. 31.
255. Ibidem, p 15.
220 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

ricano-israélienne de Commerce et d'industrie sont également en lien avec


la baisse des levées de fonds à destination d'Israël auprès de juifs amé-
ricains et de richissimes philanthropes. Depuis 1949, soit un an après la
création de l'État hébreu, les fonds récupérés sont en baisse à New York
comme dans l'ensemble des États-Unis. La tâche de Zecharia Sitchin est
de relancer l'intérêt des juifs américains pour l'économie du jeune État
d'Israël.
Selon l'avis du Conseil américain pour le judaïsme (ACJ), les activi-
tés du mouvement sioniste aux États-Unis sont désormais légalement de-
venues celles de l'agence autorisée d'un État étranger. Même si les levées
de fonds sont en baisse, les sommes récoltées sont pharaoniques. À cette
époque, l' ACJ lance un débat pour savoir si les organisations sionistes ne
devaient pas être enregistrées auprès du gouvernement des États-Unis en
tant qu'agents d'un gouvernement étranger (Council News de décembre
1952256 ).
Dès l'entrée en fonction de l'administration Eisenhower en janvier
1953, des groupes juifs américains - dont la chambre américano-israélienne
de Commerce et d'industrie - soucieux du bien-être d'Israël s'efforcent
d'obtenir l'assurance que les intérêts d'Israël ne souffriront pas de la mon-
tée du communisme et du fait que le nouveau gouvernement américain
souhaiterait éventuellement protéger les pays arabes du Moyen-Orient.
Les deux sujets particuliers de leurs préoccupations sont également l'assis-
tance militaire et économique à destination d'Israël. Le 22août1953, l' Ame-
rican Zionist Council (AZC) incite l'administration Eisenhower à accorder
une assistance militaire à Israël en vertu du Mutual Security Act. L' AZC
avait également protesté le 31décembre1952 contre les livraisons d'armes
envisagées à l'Égypte et à d'autres États arabes par les États-Unis et la
Grande-Bretagne, demandant qu'aucune arme ne soit envoyée à l'Égypte
jusqu'à ce que le régime égyptien s'engage dans des négociations de paix
avec Israël. Le 23 mars 1953, des représentants de l' AZC rencontrent le
président Eisenhower et lui demandent la poursuite de l'aide à Israël au
niveau des exercices 1951et1952. Les sujets abordés sont centrés autour de
la politique de Washington concernant «l'aide militaire à Israël et à ses voisins
arabes, les subventions pour l'année fiscale commençant le 1er juillet 1953, le blocus
par l'Égypte du canal de Suez à la navigation israélienne, le refus des pays arabes de
commercer avec Israël, et le problème fondamental de la paix au Moyen-Orient 257• »

4. Les conflits du canal de Suez et l'intervention de Robert B. Anderson

Le 8 octobre 1951, le Premier ministre égyptien Moustapha el-Na-


hhâs Pasha dénonce le traité anglo-égyptien signé en 1936. Ce traité passé

256. Jacob Sloan, «Americain /ewish Community and Israel», in The American /ewish Year book,
The American /ewish Commitee, New York, Springer, vol. 55, 1954, p. 117.
257. Ibidem.
LA CONQlIBTE DE LA TERRE PROMISE 221

entre le Royaume-Uni et l'Égypte prévoyait l'abandon de l'occupation


anglaise et de ses casernes sur le territoire égyptien, mais donnait accès à
10 000 Britanniques, nécessaires pour protéger le canal de Suez, et ce, pour
une durée de vingt ans. En 1951, l'Égypte souhaite négocier de nouvelles
bases dans le cadre de l'ONU et estime que son aide fournie aux Britan-
niques pendant la Seconde Guerre mondiale lui donne le droit «de faire
disparaître toute restriction portant atteinte à sa souveraineté et à son indépen-
dance258 ».Du côté britannique, la dénonciation du traité de 1936 semble
présentée comme contraire au droit et ne saurait remettre en cause la pré-
sence des forces anglaises: le Royaume-Uni refuse donc de quitter le canal
de Suez et renforce ses effectifs à terre pour atteindre les 64 000 hommes
dès le 31décembre1951. Le gouvernement égyptien ne semble pas maî-
triser la situation, mais la police s'organise dans plusieurs zones du canal.
Le 25 janvier 1952, les forces britanniques encerclent un poste de police
rebelle à Ismai1ia. Face au refus de se rendre, les soldats anglais donnent
l'assaut : 41 morts et 68 blessés sont à déplorer dans les rangs des po-
liciers égyptiens. Les victimes deviennent des héros de l'histoire natio-
nale.
La réaction au Caire ne se fait pas attendre : 1' annonce du massacre
d'lsmailia déchaîne les foules. Le lendemain, des gangs surexcités allu-
ment près de 250 foyers à travers la capitale devant une police égyptienne
indulgente. Les bâtiments britanniques sont les premiers visés. L'inter-
vention de l'armée égyptienne en fin d'après-midi permet de ramener le
calme. La loi martiale est proclamée vers minuit. Les autorités dénombre-
ront une trentaine de morts, environ cinq cents blessés et plus de sept cents
bâtiments brûlés ou dévastés. L'agitation se calme peu à peu. La guerre du
canal de Suez constitue l'un des premiers soubresauts du conflit de déco-
lonisation qui secoue l'Égypte depuis la Première Guerre mondiale259 • Les
esprits s'échauffent contre la présence britannique.

Le roi égyptien Farouk est depuis longtemps considéré par son


peuple et les États étrangers comme un homme corrompu, à la fois dépen-
sier et incompétent. L'Égypte, regardée comme indépendante, reste malgré
tout occupée par les Britanniques qui y exercent toujours de grandes res-
ponsabilités après la guerre. Le roi Farouk est rendu en partie responsable
de cette colonisation déguisée. Après quelques mois de tensions au sein
du régime égyptien, Gamal Abdel Nasser, aidé par son mouvement des
officiers libres, lance une purge anti-corruption et renverse le roi Farouk le
23 juillet 1952. Nasser va bientôt devoir négocier avec le Royaume-Uni, les
États-Unis, la France et, si possible, avec Israël.
Les intérêts sont multiples. Les Américains souhaitent assoir leur in-

258. Archives britanniques, F0371/53284 J752/39/16, «Manifeste du Wafd à la nation


égyptienne», p. 8.
259. Anne-Marie de Gayffier-Bonneville, «La guerre du canal 1951-1952 », Cahiers de la
Méditerranée, n° 70, 2005, p. 111-136.
222 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

fluence pour finaliser« leur projet d'une ceinture qui viendra contrer les Russes
par le sud et maintenir leur contrôle sur les ressources pétrolières quitte à brû-
ler les puits en cas de sérieuses menaces» précise Hoda Nasser, fille aînée de
Gamal Abdel Nasser.« L'objectif des Britanniques est d'obtenir une couverture
légale qui leur permette de rester en Égypte, mais ils souhaitent également rallier
l'Égypte à la coalition occidentale contre l'URSS en l'intégrant dans un pacte
de défense collective du Moyen-Orient 260• » Pendant ce temps, Israël souhaite
être informé des différentes négociations avec l'Égypte et compte sur la
présence anglaise pour faire barrage à son ennemi millénaire. De son côté
la France considère la Compagnie de Suez comme sienne et regarde de
loin cette situation tout en se souciant de la sécurité du trafic maritime du
canal. L'acheminement du pétrole doit se poursuivre vers l'Occident!
Les Britanniques n'envisagent pas du tout de quitter leur base du
canal de Suez, il s'agit de la plus grosse base qu'ils possèdent dans le
monde, laquelle regroupe plus de 80 000 hommes et comporte de coûteuses
installations. Fin mai 1953, un blocus économique est imposé aux Britan-
niques dans la zone du canal et les fournisseurs cessent d'approvisionner
la base anglaise. Nasser précise que seuls les militaires sont indésirables,
les civils étrangers - même britanniques - demeurent sous la protection de
l'Égypte. Une guerre d'usure s'amorce; elle va progressivement dégrader
la situation. Face à la popularité de Nasser et de son nouveau régime, les
Britanniques sont impuissants et incapables de renverser le gouvernement
comme cela leur était possible jadis. Près d'un an après, fin juin 1954, le
commandement britannique est transféré à Chypre d'où est ordonnée la
destruction des installations de Suez. Le 10 juillet, les Anglais demandent à
rencontrer Nasser. Les pourparlers sont expéditifs. Le 27 juillet, les accords
sont ratifiés et Nasser peut annoncer à son peuple l'évacuation des forces
britanniques et «la fin de 72 ans d'amères souffrances». L'entente est signée le
19 octobre 1954. Les Britanniques ont vingt mois pour quitter le sol égyp-
tien. Ces derniers s'octroient le droit de revenir au cas où un État arabe
serait agressé par une puissance extérieure, mais promettent de quitter le
canal aussitôt les hostilités terminées. Les Anglais sortent ainsi grands per-
dants de cette entente261 •

260. Hoda Nasser, Nasser - Archives secrètes, Paris, Éditions Flammarion, 2020, p. 58.
261. Ibidem, p. 59-61.
LA CONQU~TE DE LA TERRE PROMISE 223

62. Gama) Nasser


fête le départ des
forces britanniques
le 27 octobre 1954 à
Alexandrie.
Domaine public

Étrangement, les États-Unis entrent en scène au même moment.


Sous prétexte que les conflits du Proche-Orient s'éternisent, les États-Unis
et le Royaume-Unis décident de lancer un projet pacifique - une initia-
tive secrète et commune - en vue de convenir d'une paix durable entre
l'Égypte de Nasser et l'État d'Israël de Ben Gourion. Nous sommes tou-
jours en octobre 1954. Ce projet se nomme «Alpha»; il a pour ambition de
réinstaller les réfugiés arabes et d'apporter des garanties de sécurité pour
Israël et ses nouvelles frontières - plus précisément de tenter de résoudre
les points de discorde entre Israël et ses voisins arabes. Il est vrai que les
derniers rebondissements survenus en Égypte ne rassurent pas du tout
Israël. Les États-Unis prévoient de gros moyens et s'engagent à payer de
leur poche la somme colossale d'un milliard de dollars d'aide à la région,
le tout payable sur cinq ans. Mais derrière ces bonnes paroles se profilent
à la fois la prochaine élection américaine et l'importance du canal de Suez,
principale voie maritime pour transporter le précieux pétrole en prove-
nance du golfe Persique. Rappelons brièvement l'importance du canal de
Suez qui se situe entre l'Europe et l'Asie, entre la Méditerranée et le golfe
Persique, mais surtout entre la vallée du Nil et les montagnes du Sinaï.
Malheureusement, rien ne semble pouvoir générer la confiance entre
David Ben Gourion et Gamal Abdel Nasser. L'équipe anglo-américaine se
donne bien du mal.« L'influence sioniste en Amérique est une force que l'on ne
peut ignorer» ont déclaré l'agent Kim Roosevelt et Henry Byroade à l' am-
bassadeur égyptien Ahmad Hussein lors d'une réunion de quatre heures
à Washington en décembre 1954262 • Début 1955, des archives déclassifiées

262. Hugh Wilford, America's Great Game - The CIA's Secret Arabists ans the Shaping of the
Modern Middle East, New York, Basic Books, 2017, p. 85.
224 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

du Département d'État américain font effectivement ressortir d'énormes


inquiétudes quant à la possibilité des sionistes américains de faire échouer
le projet Alpha 263 •

Des pressions sont continuellement exercées sur l'Égypte pour


qu'elle rejoigne la coalition occidentale contre l'URSS et signe le pacte de
défense collective du Moyen-Orient. Aucune arme ne lui sera vendue si
elle ne cède pas à ce chantage! Nasser refuse d'adhérer au pacte de Bag-
dad dont l'objectif est de juguler la puissance de l'Union soviétique au
Moyen-Orient. Nasser pense qu'il s'agit d'une construction téléguidée par
les Occidentaux pour conserver leur influence sur le Moyen-Orient et donc
sur l'Égypte. Au-delà de cette pression internationale, Israël se montre très
nerveux et agressif aux frontières : de nombreux accrochages sont à déplo-
rer. Hoda Nasser indique que l'Égypte proteste devant le Conseil de sécu-
rité des Nations unies, alors qu'Israël dépose une plainte au prétexte que
le jeune État est en droit de traverser le canal de Suez. L'Égypte porte la
responsabilité de la bande de Gaza depuis la guerre de 1948 et la procla-
mation de l'État d'Israël. Gamal Nasser propose alors l'instauration d'une
région neutre démilitarisée le long de la ligne de trêve entre l'Égypte et
Israël. Elle restera lettre morte! Les heurts se prolongent sous le regard
amusé des Occidentaux. Pendant ce temps, Israël poursuit son projet de
fourniture d'armement (commencé en 1945) auprès de la France. Hoda
Nasser a retrouvé dans les archives secrètes de son père un document écrit
de sa main où ce dernier indique qu'il prévoit la formation d'une armée
secrète, avec un camp d'entraînement clandestin, pour libérer la Palestine.
L'objectif est de fédérer les Arabes en Israël, regrouper les bandes armées
à Gaza, en Syrie, au Liban et en Jordanie. Mais surtout, il faut avant tout
allouer des fonds et s' armer264 • Mais l'Égypte se trouve au beau milieu
d'un piège: personne ne veut lui vendre des armes. Les Britanniques et
les Américains semblent avoir fait passer le message un peu partout : si
l'Égypte ne signe pas, personne ne lui livre quoi que ce soit.
Le 27 septembre 1955, à l'occasion du vernissage d'une exposition,
Nasser explique : «Nous avons essayé, par tous les moyens, tout au long des
trois dernières années, de procurer à l'armée des armes lourdes. Cela n'est pas
fait dans un dessein d'agression, mais à des fins de défense, de sécurité et de paix.
[... ] Nous nous sommes adressés à tous les pays. Nous nous sommes adressés à
l'Angleterre, à la France, à l'Amérique et aux autres pays. Mais en vain. Ils nous
demandent de signer des chartes, mais nous avons refusé catégoriquement. Nous
n'allons pas renforcer notre armée aux dépens de notre indépendance.» Nasser
s'est tourné vers le bloc de l'Est. Les Tchécoslovaques lui octroient du
matériel contre du coton et les Russes ont donné leur accord ainsi que la
263. l)FME Annual Report, 1953-54, «Memorandum of a Conversation», Département d'État,
Washington, 27 janvier 1955, Foreign Relations of the United States (FRUS), 1955-1957, Vol. 14,
28; Evelyn Shuckburgh diary, 27 janvier 1955, MSl 91/1/2 / 4, Evelyn Shuckburgh Papers, Special
Collections, Cadbury Research Library, Université de Birmingham, UK.
264. H. Nasser, Nasser - Archives secrètes, op. cil., p. 63-64.
LA CONQU~TE DE LA TERRE PROMISE 225

Chine. Les Tchécoslovaques avaient massivement procuré des armements


terrestres au jeune État hébreu durant sa guerre contre les Arabes en 1948.
Pourquoi ne le feraient-ils pas désormais pour l'Égypte?
Nasser obtient officiellement de l'URSS 200 bombardiers, 230 chars,
200 transporteurs de troupes et plus de 500 pièces d'artillerie. L'Occident
est pris par surprise et s'indigne. L'intrusion russe dans les régions orien-
tales pourvoyeuses de pétrole inquiète terriblement. Les Israéliens se
sentent menacés, mais le gouvernement de l'Union soviétique minimise
l'affaire en défendant le caractère simplement commercial de ces ventes265 •
Peu importe! En cette fin 1955, le gouvernement français vend discrète-
ment des chasseurs ultra-modernes à Israël. Le marché est négocié direc-
tement entre les ministères de la Défense de ces deux pays. Paris devait
livrer 270 avions de combat et plusieurs centaines de chars. Le problème
est que le ministère de la Défense français a besoin de l'aval de celui des
Affaires étrangères, à l'époque occupé par des diplomates pro-arabes. La
décision est rapidement prise : la France ne livrera que 9 avions de combat!
C'est sans compter sur la force secrète et bien huilée du complexe milita-
ro-industriel ! Quelques jours plus tard, la commande israélienne décolle
de Paris pour transiter par l'Italie et poursuivre son vol plus au Sud ...
Les avions ne sont jamais revenus à leur base, le ministère de la Défense
français ayant pris le soin d'effacer les effectifs officiels sans en informer
les Affaires étrangères. Le même jour, un envoi de blindés à destination
de l'Égypte est annulé, toujours sans que le Quai d'Orsay n'en soit infor-
me'266 ...
De toute façon, la France fournissait secrètement des armes à Israël
depuis le début des années 1950, bafouant ainsi l'accord tripartite signé
entre les États-Unis, l'Angleterre et la France. Cet accord avait pour ob-
jectif d'empêcher les trois puissances signataires de fournir une quan-
tité importante de matériel militaire aux Arabes et à Israël. Mais ... chut!
Personne n'est au courant des transactions franco-israéliennes ... Comme
personne ne peut encore imaginer qu'Israël souhaite obtenir rapidement
la puissance atomique; son programme existe pourtant depuis 1949. Une
unité de recherche scientifique travaille depuis 1948 au sein du HEMED
(le corps scientifique des Forces de défense israéliennes) sur le programme
nucléaire national. Certes, les Arabes ne fourniront jamais de pétrole à
Israël, mais cette puissance atomique lui permettra tout autant de se proté-
ger que d'intimider ses proches voisins ad vitam ~ternam.
Vient ici s'intercaler à cette époque l'annonce du gouvernement
canadien de l'approbation de la construction en Inde d'un réacteur expé-
rimental à eau lourde. La déclaration canadienne ne comporte aucune
clause concernant de futures inspections par des experts étrangers étant
donné qu'à cette époque il n'existe encore aucun accord international sup-

265. Ibidem, p. 65.


266. Mikhaël Karpin, «Comment la France livra l'arme atomique à Israël», Courrier Internatio-
nal du l" octobre 2003, tiré du magazine israélien Yediot Aharonot.
226 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

posé gérer la sécurité nucléaire. L'inde s'engage à n'utiliser son réacteur


«qu'à des fins pacifiques267 », mais l'obsession de Ben Gourion de lancer
discrètement son pays dans le nucléaire ne fait que s'accroître.

Entre août et novembre 1955, les voies diplomatiques normales


passent par des discours préparés par le secrétaire d'État américain John
Foster Dulles et des propositions du Premier ministre britannique, Antho-
ny Eden. En vain! En décembre 1955, le président Eisenhower et le secré-
taire d'État Dulles décident de compléter l'équipe du projet Alpha avec
l'optique d'une approche plus confidentielle des Premiers ministres Nas-
ser et Ben Gourion. Le héros désigné pour réaliser ce prodige n'est autre
que Robert B. Anderson, l'homme à tout faire des Présidents et de la CIA,
à qui l'on a confié l'argent de l'Axe et qui est aussi responsable des fonds
du Black Eagle Trust.

*
* *

En janvier 1953, le président Eisenhower avait nommé Robert B.


Anderson secrétaire à la Marine. Qui aurait pu mieux endosser cette fonc-
tion que cet homme, alors qu'en 1945, il avait dû se diriger vers un arma-
teur en pleine ascension: l'agent Isaac Charchat, «représentant d'un cartel
d'importateurs africains». Les trafiquants en tout genre savent qu'il est
préférable de s'abriter derrière des bannières officielles de façon à moins
attirer l'attention. Huit années ont passé et Robert B. Anderson s'est plei-
nement acquitté de sa mission secrète. Rappelons que la quantité d'or
récupérée par Anderson et Charchat était de plus d'un million de tonnes,
soit environ 90 % des stocks «réels» du monde en 1945. Les deux hommes
furent généreusement rémunérés et devinrent du jour au lendemain mul-
timillionnaires. La Nation américaine devait une reconnaissance éternelle
à Robert B. Anderson. Mais il semblait préférable de garder près de soi
un homme de confiance comme lui. C'est pourquoi Anderson fut intégré
au gouvernement américain. Notre homme dut démissionner du ranch
Wagoner pour déménager à Washington afin d'y prendre ses nouvelles
fonctions. Il récupéra au passage un million de dollars lors de son départ
du ranch.
Le président Eisenhower a toujours considéré Anderson, son ami et
protégé, comme l'un des responsables les plus compétents qu'il ait jamais
rencontrés. Eisenhower le décrit comme un «jeune homme parfaitement mer-
veilleux. Mon Dieu, il pourrait se présenter comme Pape sur le ticket presbytérien
et se Jaire élire».

267. Hersh, Opération Samson : comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 48.
LA CONQUt:TE DE LA TERRE PROMISE 227

63. Le secrétaire à la Marine Robert B. Anderson à son bureau en 1953. US Federal Govern-
ment, Domaine public

Reprenons le fil de notre histoire; en juillet 1955, deux ans après


avoir noblement accompli ses fonctions gouvernementales, Anderson in-
forme le secrétaire Wilson et le président Eisenhower qu'il a l'intention de
démissionner de son poste de secrétaire de la Marine et de retourner aux
affaires privées. Il faut le préciser, Anderson aime l'argent et tout le monde
le sait. Son emploi au sein du gouvernement américain ne lui apporte pas
la satisfaction financière qu'il convoite. Le 3 août, la veille de sa démission
officielle, le président Eisenhower lui décerne la Médaille de la liberté. En
acceptant le prix, Anderson indique qu'il se soumettra à tous les souhaits
que vous [Eisenhower] pourriez avoir, suggérant ainsi qu'il serait à nou-
veau disposé à servir la Nation si le Président faisait appel à lui268 • En août
1955, après avoir démissionné de ses fonctions gouvernementales, Ander-
son devient président de Ventures, Limited, une société minière cana-
dienne ayant des bureaux à Toronto et à New York. Il continue cependant
à avoir des contacts avec le président Eisenhower.
La proposition d' Anderson d'aider Eisenhower trouve un écho
quelques jours après sa démission lorsque le Président le met à la tête

268. https: / /history.defense.gov / DOD-History / Deputy-Secretaries-of-Defense /Article-Vie


w /Article/ 585246 / robert-b-anderson /
228 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

de son projet Alpha. Les détails de la mission d' Anderson sont planifiés
dans le plus grand secret par Allen Dulles et son frère Foster. La CIA est
en charge de toute la logistique et non le Département d'État comme cela
devrait être le cas. James Jesus Angleton, un expert du contre-espionnage
de la CIA coordonne les préparatifs de la visite d' Anderson à Tel-Aviv avec
de nombreux contacts en Israël. L'agent spécial Kermit Roosevelt joue un
rôle similaire au Caire269 • Henry Byroade est exclu du projet Alpha sous
prétexte qu'il n'a pas su anticiper le contrat tchécoslovaque concernant
une livraison massive d'armes de guerre à destination de l'Égypte.
Le 11 janvier 1956, le président Eisenhower et le secrétaire d'État
rencontrent Anderson à la Maison-Blanche pour finaliser le projet Alpha.
Dulles a noté qu' «en ce qui concerne le problème immédiat entre Israël et les
États arabes, je [pense] que l'argent pourrait résoudre fondamentalement le pro-
blème des réfugiés». L'administration Eisenhower envisage de couvrir une
grande partie du coût de l'indemnisation et de la réinstallation des réfu-
giés palestiniens. Eisenhower et Dulles s'imaginent que certains des réfu-
giés seraient réinstallés en Israël, mais prévoient de réinstaller la majorité
d'entre eux dans les États arabes limitrophes d'Israël, ainsi qu'en Irak et en
Iran270 •

La population égyptienne a considérablement augmenté après la


Seconde Guerre mondiale, atteignant le cap des cinquante millions d'indi-
vidus au début des années 1950. Le peuple a faim et il a besoin d'emplois.
Gamal Nasser travaille sur son projet de création d'un nouveau barrage.
L'Égypte disposait déjà d'un barrage à Assouan, construit par les Britan-
niques et inauguré en 1902. Mais ce projet est bien plus ambitieux: il de-
vrait irriguer de grandes superficies agricoles et aussi considérablement
accroître la production électrique de l'Égypte. Nasser a demandé une aide
financière à la Banque mondiale pour sa construction et une aide technique
aux États-Unis et à la Grande-Bretagne. Le coût est estimé à 1 milliard
350 millions de dollars de l'époque, vraisemblablement davantage. Des
bruits courent déjà que les Soviétiques finiraient peut-être par construire le
barrage sous le nez des Occidentaux. Les Américains y voient une oppor-
tunité pour limiter les engagements du gouvernement égyptien auprès de
l'URSS. Ils ont promis un prêt initial de 70 millions pour permettre le dé-
marrage des travaux. Dans cette somme se trouvent 15,6 millions de dol-
lars financés par la Grande-Bretagne. Il est prévu que la Banque mondiale
prenne la relève pour financer le second stade des travaux. Le reste devra
être couvert par le gouvernement égyptien en devises locales. Le chantier
doit durer entre douze et seize ans. Les négociations sont encourageantes;
si la Banque mondiale et les États-Unis valident leur accord, la Grande-
Bretagne suivra ...

269. William J. Burns, Economie Aid and Americain Policy toward Egypt, 1955-1981, New York,
State University of New York Press, 1985, p. 59.
270. Ibidem, p. 60.
LA CONQU~TE DE LA TERRE PROMISE 229

L'ancien diplomate et homme politique William J. Burns, devenu


chef de la CIA le 23 mars 2021, nous retrace brillamment la suite rocambo-
lesque de l'opération Alpha. Le 14 janvier 1956, armé d'une lettre d'intro-
duction du président Eisenhower et accompagné del' agent spécial Kermit
Roosevelt, Robert B. Anderson s'envole pour Le Caire. Dès leur arrivée,
Anderson et Roosevelt sont emmenés dans une banlieue proche de la capi-
tale pour une réunion clandestine à minuit avec Nasser et le ministre égyp-
tien de l'intérieur Zakaria Mohieddin. Après quelques minutes de poli-
tesses, Anderson, arborant son fort accent texan, se lance dans une présen-
tation passionnée des propositions d' Alpha. Nasser semble intéressé par
les arguments d' Anderson. Encouragé par la réaction de Nasser, Anderson
est ensuite reconduit à son hôtel au Caire. Roosevelt reste à la demande de
Nasser. «De quoi, M. Anderson parlait-il?» demande alors Nasser à Roo-
sevelt. Apparemment, ni Nasser ni Mohieddin n'avaient pu comprendre
l'anglais mâtiné d'accent texan si particulier d' Anderson. Roosevelt - qui
avait peu foi en la mission d' Anderson - répond alors: «]e pense qu'il croit
que vous avez accepté de rencontrer Ben Gourion pour résoudre tous vos diffé-
rends.» Réellement offusqué, Nasser répond à Roosevelt qu'une telle ren-
contre serait« suicidaire», tout en soulignant qu'il n'est pas question d'ac-
cepter des pourparlers directs avec le gouvernement israélien271 • Gamal
Nasser souhaite un véritable dialogue entre l'Égypte et Israël, mais il n'a
aucune confiance en Ben Gourion, d'où sa préférence pour des délégués
spéciaux en vue de débattre avec Israël. Des sources ultérieures expliquent
que Nasser avait clairement peur de tomber dans une embuscade et se
faire assassiner s'il venait directement à rencontrer le dirigeant d'Israël. ..
Suite à la conversation qu'il vient d'avoir avec Gamal Nasser,
l'agent Roosevelt se précipite à l'hôtel d' Anderson et trouve ce dernier en
train de dicter un message à l'attention de Foster Dulles. L'agent Roose-
velt explique alors à Anderson que Nasser l'avait mal compris et que le
dirigeant égyptien refusait catégoriquement d'envisager des pourparlers
en direct avec les Israéliens. Lors de la deuxième réunion la nuit suivante,
Roosevelt fait l' «interprète» pour Anderson et clarifie les propositions
d' Alpha pour Nasser et Mohieddin. Nasser insiste sur le fait que les Israé-
liens doivent faire des concessions territoriales plus consistantes que ne le
prévoit le plan américain dans le Néguev. Lors de cette conversation avec
Nasser et les suivantes, Anderson laisse entendre (sans jamais le déclarer
explicitement) que l'administration Eisenhower accélérerait l'aide au haut
barrage d'Assouan et agirait pour limiter l'adhésion au pacte de Bagdad si
Nasser modifiait ses demandes272 •
Le 23 janvier, Anderson s'envole en secret pour Tel-Aviv, mais il y
trouve un Ben Gourion peu disposé à faire des concessions territoriales
dans le Néguev. Anderson insiste alors pour programmer un face-à-face
avec Nasser; Ben Gourion n'est pas non plus disposé à accéder à cette

271. Ibidem, p. 61.


272. Ibidem, p. 62.
230 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

demande. Les espoirs d' Anderson se réduisent peu à peu malgré ses nom-
breuses navettes entre Le Caire et Tel-Aviv. Robert B. Anderson finit par
retourner à Washington pour rapporter à Eisenhower et Poster Dulles
les maigres résultats de ses entretiens avec les dirigeants de l'Égypte et
d'Israël. L'idée d'une aide américaine pour le grand barrage d'Assouan
s'évapore progressivement au moment où le président Eisenhower et le se-
crétaire d'État Dulles comprennent qu'une paix israélo-égyptienne semble
sur le moment hors d'atteinte. La déception est énorme étant donné que
cela compromet de nombreux intérêts 273 •

Face à la pression étrangère et nationale qui s'oppose à l'aide pha-


raonique prévue pour financer le barrage d'Assouan, Eisenhower renvoie
Anderson pour tenter de faire céder Gamal Nasser. Les archives du gou-
vernement américain indiquent qu'à la date du 6 février 1956, Anderson
doit dissimuler à Nasser les pressions qu'Israël exerce sur les USA pour
obtenir des armes. Le message n° 86 ajoute à ce propos : «Le simple fait
d'évoquer ce sujet mettra Nasser en colère et le tentera d'abandonner l'opéra-
tion274. » Anderson a l'habitude de garder des secrets et de devoir mentir
volontairement ou par omission. Le financement du barrage d'Assouan
se retrouve toujours en arrière-plan des discussions, mais Nasser souhaite
recevoir une aide sans le moindre contrôle extérieur. Les négociations se
portent également sur le fait que l'Égypte doit refuser l'aide venant des
communistes. Les négociations parallèles avec la Banque mondiale butent
systématiquement sur le même problème : à défaut d'obliger l'Égypte à
faire des économies sur ses dépenses publiques, l'Égypte ne doit pas non
plus contracter de prêt à l'étranger! L'ombre de l'aide apportée à Nasser
par les communistes se retrouve dans chaque négociation. Avant de signer
un accord, l'Égypte devrait aussi en référer à la Banque mondiale. Gamal
Nasser est pris au piège.
Durant les deux premières semaines de mars 1956, Anderson pour-
suit sa navette diplomatique et secrète entre Le Caire et Tel-Aviv. Sa mis-
sion est de réduire les divergences entre le gouvernement israélien et le
régime égyptien. Nasser semble finir par apprécier cet agent très spécial
à l'accent texan. Mais comme cela avait été annoncé en janvier, Ben Gou-
rion insiste pour un entretien en tête-à-tête avec Nasser. Ce dernier hésite.
Anderson propose alors de tenir des pourparlers dans le plus grand secret
à bord d'un porte-avions américain en Méditerranée. Mais Nasser refuse
l'offre, effrayé par une fuite éventuelle de ce rendez-vous secret qui pour-
rait s'avérer fatale à sa position en Égypte et dans le monde arabe. Robert
B. Anderson s'envole alors pour Washington le 12 mars 1956275 •

273. Ibidem, p. 62.


274. Foreign Relations of the United States (FRUS), 1955-1957, «Arab-Israeli dispute»,
l"' janvier-26juillet1956, Volume XV, 1955-1957, «Anderson Mission», p. 203.
275. Burns, Economie Aid and Americain Policy toward Egypt, 1955-1981, op. cit., p. 59.
LA CONQUtTE DE LA TERRE PROMISE 231

64. Robert B.
Anderson
descendant d'un
avion officiel de
l'armée américaine.
US Federal Gvnmt,
Domaine public

Le projet Alpha est un échec. De retour aux États-Unis, Anderson


fait part au Président des dernières péripéties de sa mission. Eisenhower
ne cache pas son amertume dans son journal à la date du 13 mars. Il y écrit
que:« [Anderson] n'a fait aucun progrès dans l'objectiffondamental d'organiser
une sorte de rencontre entre les responsables égyptiens et les Israéliens. Nasser
s'est avéré être une véritable pierre d'achoppement. Il cherche apparemment à être
reconnu comme le leader politique du monde arabe. [... ] D'un autre côté, les res-
ponsables israéliens sont impatients de parler avec l'Égypte, mais ils sont tout à
fait catégoriques dans leur attitude de ne faire aucune concession pour parvenir à
la paix. Leur schéma général est 'pas un pouce de terrain', et leur demande inces-
sante est celle des armes 276 • »

Malgré l'échec de l'opération Alpha, Eisenhower se montre très im-


pressionné par les capacités d' Anderson, le croyant tout à fait capable de
lui succéder. À cette époque, il espère que son ami Robert B. Anderson se
présentera justement à la présidence en 1960; il lui aurait même promis
«d'aller jusqu'au bout de ses possibilités à tous égards» pour l'aider à se faire
élire.

276. Eisenhower Diary, «13mars1956», Eisenhower Library, Ann Withman File, DDE Diary
Series, Box 9.
232 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

5. La nationalisation du canal de Suez et les réactions extérieures

Le 18 juin 1956, les derniers soldats anglais quittent l'Égypte. Les


Occidentaux perdent un territoire clé. Les cartes sont ainsi rebattues. Israël
ne voit pas d'un très bon œil le départ des Britanniques. Le jeune État
ne cesse de faire pression sur les Américains pour obtenir des avions de
combat et autres armements. Contrairement aux Français, le gouverne-
ment d'Eisenhower s'en tient à l'accord tripartite de 1950, surtout de peur
que l'approvisionnement en pétrole des États-Unis ne soit affecté par une
quelconque vente d'arme à Israël. Rappelons que de 1949 à 1965, les États-
Unis ont principalement soutenu Israël sous la forme d'aides économiques
(à 95 %); au cours de cette période, les sommes versées ont avoisiné les
63 millions de dollars.
La pression augmente. Les pourparlers concernant le projet du bar-
rage d'Assouan sont suspendus. L'Occident n'est pas prêt à accepter la
souveraineté de l'Égypte. Le gouvernement britannique mène une cam-
pagne de diffamation contre l'Égypte pour rendre impossible tout accord
sur la gestion de l'eau du Nil. Le 20 juillet 1956, revenant de la Conférence
de Brioni en Yougoslaviè, Nasser apprend à sa descente -d'avion que les
États-Unis n'apporteront pas d'aide financière pour le barrage. Le lende-
main, c'est au tour de la Grande-Bretagne. Le surlendemain, la Banque
mondiale décide aussi de revenir sur sa proposition. Hoda Nasser, la fille
de Gamal Nasser, ajoute: «Plus tard, mon père apprendra, à la lecture des mé-
moires d'Anthony Eden, le Premier ministre britannique, que la Grande-Bretagne
n'avait jamais eu l'intention d'accorder la moindre aide financière. La manœuvre
occidentale était de récupérer une influence perdue au travers d'une pression éco-
nomique, puis à défaut, de semer la confusion entre l'Égypte et le Soudan. Toutes
ces discussions n'étaient que mensonges, manigances et poudre aux yeux. Nasser
n'a pas faibli ni n'est tombé dans le piège. Bien au contraire, sa détermination en
sort fortifiée. Il va rendre les coups 277 [ ••• ]. »

Le 26 juillet 1956, le président Nasser monte à la tribune. La foule


s'est réunie à Alexandrie pour fêter le quatrième anniversaire de l' abdica-
tion du roi Farouk. Le peuple égyptien est venu voir son leader national
avec anxiété. Nasser a essuyé six jours plus tôt le camouflet anglo-améri-
cain par voie de presse. Le moral est au plus bas. La foule ne peut imaginer
la riposte qui va être envoyée à la face de l'Occident: s'exprimant au nom
de la nation, Gamal Nasser annonce solennellement la nationalisation de la
Compagnie universelle du canal de Suez, celle-ci devenant ainsi une socié-
té anonyme égyptienne! Enthousiasmée par l'annonce, la foule s'esclaffe
et lance des cris de joie. Nasser doit interrompre son discours. L'hilarité est
contagieuse, le Raïs ne peut contenir sa joie et son rire face à l'affront qu'il
venait de subir quelques jours plus tôt, mais aussi face à la possibilité de
laver l'affront subi par son peuple profondément humilié. De l'autre côté
277. H. Nasser, Nasser - Archives secrètes, op. cit., p. 71-72.
LA CONQU~TE DE LA TERRE PROMISE 233

de la Méditerranée, l'Occident n'a guère envie de rire. À Paris, Londres et


New York, les valeurs égyptiennes cotées à la Bourse s'effondrent comme
un château de cartes278 • Le monde arabe tout entier accueille avec joie cette
annonce. C'est la première fois que l'unité de la nation arabe se manifeste
avec autant d'éclat.

[,'1\<DôMENlet.\ DEL~RRIERE
~_._..,.....__, AM1•MU.i'û.u~ - ,. _.. . "-- &. - - - 1

65. Couverture
du journal
hebdomadaire
italien La Domenica
del Corriere du
12 août 1956
annonçant la
nationalisation de
la compagnie du
canal de Suez.

Londres, Paris et Washington condamnent fermement cette déci-


sion. L'approvisionnement en pétrole risque de ralentir ou de s'arrêter;
les réserves européennes vont vite se trouver au plus bas. Les Français et
les Anglais souhaitent reprendre la main au plus vite. Anthony Eden, le
Premier ministre britannique, et Guy Mollet, le président du Conseil des
ministres français, voient en Nasser un nouvel Hitler. L'Égypte souhaite
calmer le jeu et annonce respecter à la lettre l'accord de 1888 concernant
la liberté de passage sur le canal. Dans sa volonté de dissiper tout malen-
tendu et en vue de montrer sa bonne foi, le président Nasser va même
jusqu'à faire passer les bâtiments français et britanniques sans leur faire
payer les droits de péage. Réponse de Paris et de Londres : les fonds égyp-
278. Le Monde diplomatique de juin 1966, p. 1 et 2.
234 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

tiens sont gelés dans les deux capitales. La France et l'Angleterre veulent
en découdre avec l'Égypte!
Les deux pays conçoivent le plan «Mousquetaire», une opération
sous commandement britannique dont l'objectif est de s'emparer du
canal et de gagner la capitale égyptienne. Londres rappelle 25 000 réser-
vistes et Paris rassemble son escadre à Toulon. Mais ce plan fait face à
l'opposition des États-Unis qui préfèrent tenter de négocier avec Nasser.
La situation aboutit à la conférence de Londres, à partir du 16 août, où
se réunissent vingt-deux puissances utilisatrices du canal. Deux proposi-
tions sont présentées à l'Égypte: la mise en place d'un conseil d'adminis-
tration international et la création d'une Association des usagers du canal
pour en assurer la gestion. Nasser refuse, quant à l'Union soviétique,
elle voit une volonté dissimulée de l'Occident à conserver son pouvoir
sur l'Égypte. Les Français et Anglais poursuivent leurs réunions secrètes
pour débarquer, mais ils sont systématiquement recentrés par Washing-
ton. Le 7 septembre 1956, les Français et Britanniques tentent de bloquer
et d'asphyxier le pays en ôtant tous leurs pilotes pour empêcher la navi-
gation sur le canal279 •
Habituellement, la navigation du canal de Suez nécessite 250 pi-
lotes. Après le départ franco-britannique, il ne reste que 26 pilotes égyp-
tiens totalement formés et 30 en cours de formation. Nasser se fait aussi
aider par quelques pilotes grecs. Les hommes travaillent soixante-douze
heures d' affilée : le canal reste ouvert sans aucun problème, prouvant au
monde entier la compétence de l'Égypte à gérer la navigation du canal et
faisant échouer la dernière objection possible de l'Occident.

Courant 1956, Ben Gourion avait trouvé l'emplacement de son futur


réacteur nucléaire dans les sous-sols d'une ancienne entreprise vinicole à
Rishon LeZion. Le vice-ministre israélien de la Défense, Shimon Pérès, est
alors dépêché le 13 septembre à Paris pour annoncer qu'Israël souhaite-
rait acheter à la France un réacteur expérimental à eau lourde identique
à celui que les Canadiens construisent en Inde. La France et Israël ont un
ennemi commun: l'Égypte de Nasser qui soutient le FLN algérien et arme
les fedayin palestiniens. L'idée israélienne est toujours la même; certes, se
défendre, mais aussi trouver refuge auprès des Occidentaux : «Quand les
Américains comprendront que nous sommes une puissance nucléaire, ils garanti-
ront alors notre survie». Quatre jours plus tard, Shimon Pérès se retrouve en
réunion dans la résidence de Jacob Tzur, l'ambassadeur d'Israël en France.
La demande israélienne se fait insistante. Le scientifique français Francis
Perrin expliquera plus tard, alors qu'il participait aux pourparlers: «Nous
pensions que la bombe israélienne était dirigée contre les Américains. Pas pour en
user contre l'Amérique, mais pour dire: 'Si vous ne voulez pas nous aider, alors
que nous sommes dans une situation critique, nous vous demanderons de le Jaire

279. Caroline Piquet, «Le canal de Suez : une route stratégique au cœur des conflits du
Moyen-Orient au XX• siècle», Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 262, 2016, p. 81.
LA CONQUËTE DE LA TERRE PROMISE 235

[quand même]. Mais sachez qu'en cas de refus, nous utiliserons nos bombes nu-
cléaires'.» Seymour M. Hersh ajoute que c'est probablement à ce moment-
là, à la mi-septembre 1956 et en pleine crise du canal de Suez, que l'État
hébreu a pu obtenir de la France une aide en matière nucléaire280 •

Une seconde conférence se déroule du 19 au 22 septembre 1956 à


Londres sous la direction des États-Unis; elle approuve la charte del' Asso-
ciation des usagers du canal de Suez. La conférence se positionne pour le
compromis, rejetant les orientations militaires de la France et de la Grande-
Bretagne. À la même époque, Paris informe le gouvernement israélien
d'une possible opération contre l'Égypte. Entre les 22 et 24 octobre, des
représentants français, du Royaume-Uni et d'Israël se retrouvent secrète-
ment dans une villa de Sèvres en banlieue parisienne. Christian Pineau,
Patrick Dean et David Ben Gourion signent «le Protocole de Sèvres». Les
États-Unis ne sont pas présents puisqu'ils n'ont volontairement pas été
informés du projet de frapper l'Égypte.
Le professeur agrégé et docteur en Histoire Caroline Piquet nous
détaille le plan et l'attaque contre l'Égypte : «Les trois pays établissent un
plan prévoyant une attaque de l'Égypte par Israël de manière à offrir un motif
d'intervention aux deux autres puissances. Celles-ci proposeraient leur médiation,
officiellement pour séparer les belligérants. Le refus de Nasser leur permettrait
alors d'intervenir en Égypte, tout en donnant un semblant de légitimité à leurs
actes. Les opérations militaires débutent le 29 octobre lorsque les troupes israé-
liennes occupent la bande de Gaza et interviennent dans le Sinaï. Le lendemain,
selon le plan prévu à Sèvres, Paris et Londres adressent un ultimatum à Israël et à
l'Égypte pour que les belligérants se retirent à une distance de 10 miles de chaque
côté du canal. Nasser refuse. Le même jour, les États-Unis saisissent le Conseil de
sécurité pour protester contre l'intervention israélienne. Poursuivant leur plan,
Britanniques et Français bombardent les aérodromes égyptiens. Le 2 novembre, les
Américains demandent l'arrêt des combats et le retrait d'Égypte des forces étran-
gères. Ils se sentent complètement floués par une opération tissée dans le secret,
menée malgré leur opposition à toute forme d'intervention et cela dans un moment
d'élection présidentielle. Israël cesse le combat à une quinzaine de kilomètres du
canal, mais se livre à des massacres dans les camps palestiniens de la bande de
Gaza. L'ONU tente de reprendre les choses en main en décidant le 4 novembre la
constitution d'une force internationale pour séparer les belligérants. L'opposition
conjointe des États-Unis et de l'ONU a cependant pour effet d'accélérer les opé-
rations des Britanniques et des Français sur le terrain : les 5 et 6 novembre, les
soldats débarquent à Port-Saïd. Moscou, engagé depuis le 23 octobre dans l'insur-
rection hongroise, menace alors de faire usage de l'arme nucléaire. Dans le même
temps, l'effondrement de la livre sterling depuis le 31 octobre mène la Grande-
Bretagne au bord de la faillite. Face à la pression financière et au risque de conflit
mondial, Anthony Eden retire ses troupes le 6 novembre; privés de leur allié, les
Français sont contraints de renoncer. Le 8, Israël donne son accord de principe
280. Hersh, Opération Samson : comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 50.
236 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

pour l'évacuation du Sinai~ mais ce n'est qu'en mars 1957 que le repli est effectif
et que les Égyptiens se repositionnent à Gaza281 • »

66. Bombardements
de Port-Saïd par
les Français, les 5 et
6novembre1956.
Domaine public

Plus de 20000 morts parsèment les rues des villes situées le long
du canal de Suez. Malgré ces lourdes pertes, Gamal Nasser sort grand
vainqueur de la guerre échafaudée par la France et la Grande-Bretagne.
Le canal sera inutilisable pendant plusieurs mois en raison des nombreux
bateaux coulés lors de l'attaque. Les conséquences s'en font ressentir à
Londres comme à Paris. Le ravitaillement en pétrole est durement tou-
ché. Par solidarité, les Syriens font sauter les pipe-lines de l'Irak Petroleum
Company qui traversent leur pays. La France doit mettre en place un sys-
tème de rationnement du carburant dès la fin novembre. Ces restrictions
ne prendront fin que 8 mois plus tard. À l'exception du Liban, les États
arabes suspendent leurs relations diplomatiques avec la France; Londres
n'a désormais plus le droit d'utiliser les bases égyptiennes. Suite à cette
guerre, la communauté juive (près de 75000 personnes) présente depuis
2500 ans doit quitter le pays avec une simple valise pour seul bagage. La
majorité trouvera refuge en Israël, au Brésil et en France. Cette attaque
signe le début du déclin de l'influence franco-britannique au Moyen-
Orient au profit des États-Unis et de l'URSS.
Peu après le fiasco de l'attaque anglo-franco-israélienne, l'URSS
offrira de financer le haut barrage d'Assouan. L'Union soviétique connaî-
tra la satisfaction de mettre le pied dans un pays jusque-là sous influence
occidentale. Le début des travaux aura lieu le 9 janvier 1960 pour finir à la
fin de l'année 1970. Le barrage qui en naît est construit à 6 km en amont

281. Piquet, «Le canal de Suez : une route stratégique au cœur des conflits du Moyen-Orient
au xx· siècle», op. cit., p. 82.
LA CONQUËTE DE LA TERRE PROMISE 237

de l'ancien barrage datant de 1902. L'inauguration du nouveau barrage


est prévue pour le 15 janvier 1971. Pendant plus de dix ans, 36 000 ou-
vriers égyptiens et 2000 experts soviétiques se seront relayés sur le chan-
tier. L'URSS aura financé 40 % du projet et l'Égypte aura payé le reste en
troquant son coton. Les douze turbines du barrage produisent entre huit
et dix milliards de kilowatts d'électricité par an. Plusieurs sites archéolo-
giques, dont Abu Simbel et Philae, furent démontés et déplacés plus haut
du fait de la création du lac Nasser issu de la construction de ce très haut
barrage. Ce dernier peut ainsi retenir un volume de plus de 160 milliards
de m 3 d'eau par an qui forment le lac en question.

6. Zecharia Sitchin en 1957

Entre 1954 et 1956, la trace de Zecharia Sitchin se perd quelque peu


à New York dans le monde des affaires. Notre agent travaille activement
pour renflouer les caisses de son organisation, mais surtout celles d'Israël.
Un rapport du 28 avril 1953 indique 311 millions de dollars provenant
d'investissements privés et de campagnes philanthropiques auprès des
juifs américains282 • Nous retrouvons notre agent en 1957 dans un article du
National ]ewish Post datant du 22 février 1957. Nous y lisons en page 14:

BUSINESSMEN visiting N. Y. LES HOMMES D'AFFAIRES


can get a comprehensive concept en visite à New York peuvent
of American-Israel trade activities obtenir un vaste aperçu des
by calling on Zechariahu Sitchin, échanges commerciaux améri-
executive director of American- cano-israéliens en faisant appel
Israel Chamber of Commerce and à Zechariahu Sitchin, directeur
Industry, exécutif de la Chambre américa-
Inc., at 256 W. 57 St. (CO no-israélienne de Commerce et
5-5440). Tel-Avivian Sitchin, d'industrie, Inc., au 256 W. 57 St.
a graduate of the London School of (CO 5-5440). Sitchin de Tel-Aviv,
Economies, former economic advi- est diplômé de la London School
sor to the Israel Cham ber of Com- of Economies, anciennement
merce, and his staff provide needed conseiller économique de la
services for 500 varied Chambre de Commerce d'Israël,
American busines firm members. et son personnel fournit les ser-
vices requis pour 500 membres
They furnish market research, de diverses entreprises améri-
Israeli stock quotations (often not caines. Ils fournissent des études
available elsewhere in this de marché, les cours de la Bour-
country), publish a bulletin «Eco- se israélienne (souvent indispo-

282. Sloan, Americain /ewish Community and Israel, op. cil., p. 119.
238 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

nomic Horizons » and coordinate nibles ailleurs dans ce pays), ils


activities with other hi-national publient un bulletin, «Economie
Chambers of Commerce throughout Horizons», et coordonnent des
the world, now in 42 countries. activités avec d'autres chambres
de Commerce binationales à
Sorne samples of Israeli products travers le monde et actuellement
are on display at the office. Headed dans 42 pays.
by president businessman Nathan
Straus III, other officers include Quelques échantillons de pro-
Bank of America's Henry A.J. duits israéliens sont exposés
Ralph, Israel Manufacturer's Asso- dans leur bureau. Dirigé par le
ciation O. V. Gandel, Foster Grant président et homme d'affaires
Co. 's Abraham Goodman, Hudson Nathan Straus III, les autres diri-
Paper Corp. 's Jack Mazer, Ame- geants en sont Henry A.J. Ralph
rican Foreign Insurance Associa- de la Bank of America, O. V.
tion's Albert I. Terhune, Treasurer Gandel, membre de l'association
Isaac Charchat, Chase Manhattan des manufacturiers israéliens,
Bank's Timothy J. Kelly, and as Abraham Goodman de la Fos-
general counsel, well known Zio- ter Grant Co., Jack Mazer de
nist Harry Torczyner. Paper Hudson Corp., Albert 1.
Terhune, membre de l' Associa-
tion des assurances américaines
à l'étranger, Isaac Charchat en
tant que trésorier, Chase Timo-
thy J. Kelly de la Chase Manhat-
tan Bank, et Harry Torczyner, un
sioniste bien connu, en tant que
directeur juridique.

Sitchin y est orthographié avec son véritable prénom, Zechariahu.


Le lecteur attentif aura également noté la présence de l'agent Isaac Char-
chat dans l'équipe de Sitchin, précisément comme trésorier de la Chambre
américano-israélienne de Commerce et d'industrie. On notera aussi la
Chase Manhattan Bank comme banque officielle de cette Chambre amé-
ricano-israélienne de Commerce et d'industrie. Il s'agit de la banque dont
nous parlions il y a peu - dirigée à l'époque de Sitchin et Charchat par
David Rockefeller - banque qui a soutiré 160 millions de dollars actuels
aux juifs qui fuyaient l'Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale ...
Nous ne saurons probablement jamais quand Sitchin et Charchat se
sont rencontrés. Était-ce dans le QG de la Haganah ou dans les bureaux sio-
nistes de Tel-Aviv à la fin des années 1940, ou bien dès l'arrivée de Sitchin
à New York en 1952? Le 4 mars 1957, soit quelques jours après cet article
du National Jewish Post, Isaac Charchat crée sa propre entreprise maritime
baptisée United Cargo Corporation.
LA CONQU:ËTE DE LA TERRE PROMISE 239

Après ses nombreux services en tant que convoyeur de colons il-


légaux, transporteur secret du trésor de l'Axe et armateur représentant
un cartel d'importateurs africains, Isaac Charchat semble poursuivre ses
intérêts en endossant plusieurs étiquettes telles que trésorier de Zecharia
Sitchin et armateur à son propre compte.

7. L'armement nucléaire secret d'Israël

En 1956, Israël est toujours privé d'une aide directe américaine


concernant ses besoins en armements, mais la France satisfait secrètement
ceux-ci, et en abondance depuis le début des années 1950. Pourtant, le pays
le mieux à même de fournir une aide militaire nécessaire à l'État israélien
ne peut être que la République fédérale d'Allemagne qui «se sentait obligée
de dédommager Israël aussi longtemps que n'existait aucune relation diploma-
tique entre les deux États 2&3, »
Dans ses mémoires, Shimon Peres, le ministre israélien de la Dé-
fense, reconnaît que «les États-Unis aidaient Israël avec des fonds, mais pas
d'armes, la France aidait avec des armes, mais pas d'argent et que l'Allemagne
ferait un pas supplémentaire en jetant un pont sur le passé si elle aidait Israël en
lui procurant des armes sans exiger en retour de l'argent ou quelque chose d'autre
en échange, pour les besoins israéliens face à l'escalade de l'inimitié à laquelle Is-
raël était confronté». Le docteur en Études germaniques Élisabeth Wisbauer
indique que la coopération germano-israélienne dans le domaine militaire
débute alors en décembre 1957 - sous l'impulsion de Ben Gourion - lors
d'une rencontre informelle entre le ministre allemand de la Défense alle-
mand Franz Josef StraulS et son homologue israélien Shimon Peres. Des ac-
cords secrets de livraisons d'armes depuis la République fédérale sont ren-
dus possibles grâce à l'absence de relations diplomatiques et aussi parce
que le traité de réparations du Luxembourg exclut la fourniture d'armes et
de matériels de guerre284 • Et Wisbauer d'ajouter : «Dès 1957, la coopération
débute dans la plus grande discrétion et la République fédérale accepte de livrer du
matériel à partir des réserves livrées par les États-Unis à l'armée fédérale, ce qui
s'avère une solution satisfaisante pour l'État israélien qui connaît alors un pro-
blème de devises 285• » Mais il faudra véritablement attendre 1965 pour que se
confirment les relations secrètes entre la République fédérale d'Allemagne
et Israël.
Suite à la débâcle du canal de Suez et au départ définitif de l'armée
britannique, Israël se rapproche une nouvelle fois de Washington, mais
283. Akten zur Auswiirtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland (AAPD), 1961, Dokument 206
du 18juillet1961
284. Élisabeth Wisbauer, «Les relations germano-israéliennes de 1965 à 2006: de la normali-
sation à la normalité?», Lille, Université Charles de Gaulle - Lille III, 2017, p. 45.
285. Élisabeth Wisbauer, «La célébration en Allemagne du 7()< anniversaire de la fondation
d'Israël: un bilan des relations germano-israéliennes »,Revue Allemagne d'aujourd'hui, n° 225,
2018, p. 23.
240 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

cette fois-ci pour pouvoir s'abriter sous le parapluie nucléaire américain.


Rien n'y fait, Eisenhower poursuit sa politique de non prolifération des
armes au Proche-Orient. De plus, de nombreux conseillers du président
américain et avocats d'affaires sont d'avis que l'approvisionnement du
pétrole serait coupé si les États-Unis alimentaient la course à l'armement
d'Israël. L'angoisse de Ben Gourion se focalise sur l'idée selon laquelle une
coalition militaire unie des pays arabes dirigée par Nasser viendrait à dé-
clencher une guerre contre l'État juif. L'ombre de la Shoah justifie qu'Israël
prenne toutes les mesures pour assurer sa sécurité. Conformément à cette
idée, Ben Gourion travaillait dans l'ombre avec la France depuis 1949.
C'est grâce à la rencontre, cette même année à Tel-Aviv, entre le
Français Francis Perrin - premier scientifique à trouver la formule de
calcul de masse critique de l'uranium nécessaire pour provoquer une réac-
tion en chaîne - et son homologue israélien, Ernst David Bergmann, que
des savants israéliens sont autorisés à travailler sur le site de Saclay, un
centre récent de recherche atomique proche de Versailles. Les Israéliens
travaillent à la conception et la construction d'un réacteur expérimental
à uranium naturel et à eau lourde connu sous le nom d'EL-102. Depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale, la France était exclue des principaux
programmes américains et britanniques visant à fabriquer la bombe ato-
mique. Pour arriver à ses fins, la France avait besoin de plutonium et le site
de Saclay ne le permettait pas. En 1952, Charles de Gaulle et le CEA (Com-
missariat à l'énergie atomique) choisirent le site de Marcoule dans le Gard
pour y développer des activités nucléaires liées à la défense nationale. Les
Israéliens savaient qu'ils ne pourraient jamais construire d'armes au pluto-
nium sans usine de retraitement et sans l'aide de la France. Un accord fut
ainsi établi en ce que les Israéliens aidaient les Français pour ce qui était
de l'informatique - discipline dans laquelle ils excellent-, et la France leur
permettait d'être présents et «d'observer». Parmi les scientifiques français
se trouvait Bernard Goldschmidt, spécialiste en chimie et en plutonium,
l'un des rares chimistes français à avoir collaboré avec les équipes amé-
ricaines lors de la Seconde Guerre mondiale. Outre ses origines, ses liens
avec Israël furent renforcés grâce à son mariage avec une membre de la
famille des banquiers Rothschild dont on connaît la contribution à Israël
à hauteur de dizaines de millions de dollars. Quelques années plus tard,
Goldschmidt déclarera simplement : «En fait, nous n'aidions pas vraiment
les Israéliens, nous les mettions simplement au courant de nos connaissances,
sans savoir où cela nous mènerait. Nous ne nous doutions pas du tour qu'allaient
prendre les choses286 • »

*
* *

Après la guerre de Suez, Ben Gourion s'engage le 8novembre1956


286. Hersh, Opération Samson: comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 38-41.
LA CONQU~TE DE LA TERRE PROMISE 241

à retirer ses troupes du Sinaï et accepte l'intervention de l'ONU. Pourtant,


les troupes israéliennes ne partent pas tout de suite : il y a un arrangement
secret à signer ... La France aide secrètement Israël à s'armer depuis le dé-
but des années 1950. La France a connu l'occupation allemande et certains
Français se sont même retrouvés dans des camps; la France se sent donc
redevable envers Israël. Six semaines avant l'attaque anglo-franco-israé-
lienne du canal de Suez, Shimon Pérès avait obtenu un accord de principe.
Cet accord confidentiel concerne l'engagement de la France à collaborer
avec l'État hébreu dans la construction d'un réacteur nucléaire et d'une
usine de retraitement. Le compromis est clair du côté d'Israël : si la France
ne signe pas, les troupes de Ben Gourion ne bougeront pas du Sinaï! Mais
ce que les Français ne savent pas officiellement, ou ne veulent pas savoir,
c'est que l'État hébreu ne souhaite pas simplement un réacteur expérimen-
tal comme celui de Saclay où «les invités israéliens observent», mais bien
un véritable réacteur, en quelque sorte la réplique de celui de Marcoule.
Officiellement, Israël s'engage à n'utiliser ces installations qu'à des fins
civiles. En cette fin 1956, le coup d'envoi du programme d'armement nu-
cléaire français est lancé. Il est prévu que des scientifiques israéliens soient
présents lors du premier essai nucléaire français. L'accord étant conclu et
dûment signé, l'évacuation des troupes israéliennes du Sinaï se déroule en
mars 1957.

Au printemps 1957, Ben Gourion et la Commission israélienne à


l'énergie atomique comprennent finalement que l'ancienne entreprise vi-
nicole de Rishon LeZion ne peut recevoir un réacteur nucléaire tel qu'il est
désormais prévu et qu'il faut absolument trouver un autre site. Shimon
Pérès propose alors le site de Dimona, près de l'antique cité de Beersheba
- la biblique Bersabée (Beercheba) - dont le nom signifie «puits du ser-
ment». Le site se trouve dans le désert du Néguev, cher à Ben Gourion. Des
fonds sont directement virés à Paris et c'est à la compagnie Saint-Gobain
qu'est confiée la tâche de construire le complexe souterrain de Dimona. Il
ne reste qu'un an de travail à Saint-Gobain pour achever l'usine de trai-
tement de Marcoule; l'entreprise pourra travailler sur les deux projets en
même temps pendant plusieurs mois. Mais avant de démarrer cette mis-
sion ultra-secrète, il va lui falloir s'inventer une couverture et donc une
nouvelle raison sociale afin de s'envelopper d'un voile opaque de clandes-
tinité ... La France s'est engagée à fournir une pile atomique, de l'uranium
enrichi et tout le matériel nécessaire pour la fission du plutonium. Le plus
incroyable ne se trouve pas là : les ingénieurs de Saint-Gobain sont stupé-
faits au moment de découvrir les plans de Dimona. Les accords franco-is-
raéliens prévoient la construction d'une centrale capable de produire une
puissance de 24 mégawatts (24 millions de watts), mais les plans des cir-
cuits de refroidissement, des installations de stockage des déchets et autres
aspects techniques montrent que la production sera bien plus élevée. Les
242 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

sources américaines et françaises l'estiment à 150 mégawatts287 ! Dimona


serait capable de produire quatre à cinq bombes nucléaires de même puis-
sance que celles d'Hiroshima et de Nagasaki.

67. Cliché de la
centrale nucléaire
Dimona prise en
1968 par le satellite
américain KH-4
Corona.
Photographie
déclassifiée,
domaine public

Les premiers travaux d'excavations du site débutent au cours du


premier semestre 1958. Pendant plusieurs années, des centaines d'ingé-
nieurs et de techniciens français, tous triés sur le volet, vont s'installer avec
leur famille dans le désert du Néguev, au cœur d'une ville qui n'existe pas
officiellement ... Les lotissements se trouvent à 70 km du chantier afin de
ne pas éveiller les soupçons. Il faut faire le trajet aller-retour chaque jour
en car ou en voiture. Deux étages purement factices sont prévus afin de
dissimuler les six niveaux enterrés en cours d'excavation. Pour la main-
d' œuvre, des ouvriers sont recrutés dans la diaspora, au Maroc, en Algé-
rie ainsi qu'en Europe de l'Est. Seule obligation : les ouvriers ne doivent
pas être communistes. Pour ne prendre aucun risque, le terrassement est
confié à Solel Boneh Limited, une entreprise proche de Shimon Pérès et du
parti travailliste auquel il appartient. Les autorités israéliennes annoncent
la fabrication d'une importante usine textile. Pendant ce temps, des mon-
tagnes de gravats sont évacuées grâce à la complicité de camions mili-
taires totalement bâchés. Le chantier est mené par le CEA (commissariat
à l'énergie atomique) qui en confie la réalisation à la Société alsacienne
de Construction mécanique (SACM). La SACM devient pour l'occasion
la SEFE (Société d'Étude de Financement et d'Entreprise). Cette nouvelle
raison sociale ainsi que son adresse parisienne sont fictives. Tout est fait
pour dissimuler cette association franco-israélienne au monde arabe, mais
aussi pour camoufler les implications de firmes comme Alstom, Thomson
et les Chantiers de l'Atlantique. La réalisation du réacteur incombe à Saint-
Gobain, alias la SIECC, «Société industrielle d'Études et de Constructions
287. Karpin, «Comment la France livra l'arme atomique à Israël», up. cit.
LA CONQU~:TE DE LA TERRE PROMISE 243

chimiques». Le secret est tellement bien gardé que même les services de
renseignements français ne sont pas mis au courant. Une agence parallèle
de sécurité et de renseignements qui ne rend des comptes qu'au directeur
du CEA est spécialement mise en place. Elle travaille étroitement avec le
Mossad. Les nombreuses pièces françaises, souvent volumineuses, desti-
nées à la centrale israélienne sont toutes affublées de «vrais» faux docu-
ments douaniers. L'imposante cuve du réacteur ne fait pas exception: elle
sera expédiée de Saint-Nazaire lors d'un week-end afin de n'éveiller aucun
soupçon. Quant aux fûts d'eau lourde, ils seront transportés un samedi
au petit matin par des agents du CEA et du Mossad jusqu'à la zone mili-
taire de l'aéroport du Bourget. Le journaliste Jean-Jacques Allevi poursuit
ce descriptif rocambolesque et apporte davantage de précisions concer-
nant une affaire ultra-sensible : «Les Israéliens ne demeurent pas moins vigi-
lants. À Dimona, une unité spéciale de protection est créée pour veiller au secret.
Les agents de cet Office of Special Task quadrillent en permanence la zone et
éloignent les moindres curieux. Malgré ce luxe de précautions, des détails tra-
hissent la présence des Français. Certains ingénieurs circulent à bord de voitures
immatriculées dans ['Hexagone sur des routes où les panneaux indicateurs sont
en hébreu ... et en français. De même, les affiches placardées par les commerçants
des environs sont bilingues. À l'orée des fêtes de Noël, l'une d'elles annonce que
le café-restaurant Toni propose un réveillon 'de 23h à l'aube avec l'orchestre Trio
Jack'. Avec un menu pas vraiment casher : 'Charcuterie, dinde au vin blanc ... '.
Ces éléments n'échappent évidemment pas aux agents de la CIA dépêchés sur
place afin de confirmer ce que les photos prises par leurs avions espions 'U2' ont
révélé dès 1958 : la construction sur place d'un complexe nucléaire étrangement
similaire à celui de Marcoule 288 [ ••• ]. »

Des bruits courent qu'il se passe là-bas quelque chose d'inhabituel.


La riposte israélienne ne se fait pas attendre : de grands arbres sont plan-
tés dans le désert afin de boucher la vue à un quelconque photographe.
En 1959, la CIA a vent du fait qu'Israël collecte auprès de la communauté
juive américaine des sommes d'argent colossales pour financer Dimona.
La Chambre américano-israélienne de Commerce et d'industrie dirigée
par Zecharia Sitchin n'est pas sans rapport avec ce type de levée de fonds
très discrète auprès de donateurs juifs américains.
Ben Gourion avait compris que le seul moyen d'achever Dimona au
plus vite serait de ne plus ponctionner le budget gouvernemental israélien
aux fins de la financer. Pour réussir ce tour de force, il lui fallait secrète-
ment collecter des fonds à l'étranger. Au cours de l'année 1960, le vice-mi-
nistre de la Défense Shimon Peres décide de réunir une ligue secrète de do-
nateurs discrets et de confiance, connue sous le nom de «Comité des 30».
Des groupes sionistes nord-américains, dont fait partie Sitchin, spécialisés
dans le commerce et l'industrie collectent des sommes énormes auprès de

288. Jean-Jacques Allevi, «France-Israël : l'accord secret», in Géo Histoire, n° 38, avril-mai
2018.
244 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

milliardaires et millionnaires juifs comme Edmond de Rothschild à Paris et


Abraham Feinberg à New York pour ce que Peres qualifie de «programme
d'armes spéciales». Des années plus tard, Shimon Peres se vantera devant
un journaliste qui l'interrogeait d'avoir collecté quarante millions de dol-
lars de cette façon. Il ajoutera aussi avoir amené, en toute discrétion, des
millionnaires juifs à Dimona289 •

289. Hersh, Opération Samson : comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 78-79.
IV
Le dossier John F. Kennedy

1. John F. Kennedy et ses choix avant et après son accession au pouvoir

Le passé des Kennedy a toujours été quelque peu terni par Joseph, le
père de John et Robert Kennedy. Dans les années 1920, Joseph P. Kennedy
«faisait des affaires» avec Meyer Lansky, le patron de la «mafia juive» en
Amérique. Le père du futur 35e président des États-Unis n'était pas seule-
ment en affaire avec Lansky, mais également avec la pègre et le syndicat du
crime. Selon le mafieux Frank Costello, Joseph Kennedy aurait notamment
importé illégalement de l'alcool pendant la prohibition.
Lorsqu'en 1938, Joseph Kennedy était ambassadeur des États-Unis
au Royaume-Uni, il est de notoriété publique qu'il manifesta son admira-
tion pour Adolf Hitler. Joseph Kennedy était un antisémite avéré et s' oppo-
sa à l'entrée en guerre des États-Unis contre l'Allemagne nazie. Discrédité
à Londres comme à Washington, il démissionna de son poste en 1940 en
raison de ses positions et de la décision de Roosevelt d'impliquer à terme
les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Mais c'était sans compter
sur le patrimoine de Joseph Kennedy qui capitalisait tant en richesse fi-
nancière qu'en réseau d'influence. Une fois sorti du circuit de la politique,
Joseph Kennedy reporta ses ambitions sur ses fils: il entretenait un grand
nombre de relations qui allaient permettre à son fils John de réussir ...

En mars 1957, un sondage révèle que 43 % des Américains sont fa-


vorables à une candidature de John F. Kennedy à la future présidentielle
de 1960. Le 2 juillet 1957, JFK est membre de la Commission des Affaires
étrangères du Sénat depuis le début del' année. Il profite de son poste pour
lancer son premier discours politique : il stigmatise la France et son rôle en
Algérie. Kennedy demande alors à la Maison-Blanche de faire pression sur
la France afin quel' Algérie accède enfin à son indépendance. Certains lob-
246 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

bys voient leurs ambitions contrariées ... De la même façon, alors qu'il est
encore sénateur, John Kennedy propose un amendement en vue de réduire
l'aide économique del' Afrique et du Moyen-Orient de 175 à 140 millions
de dollars, malgré le fait que les sénateurs pro-israéliens aient déclaré que
cela serait préjudiciable à l'aide apportée à Israël290 •
John Kennedy est réellement poussé à croire à sa possible victoire
à la présidentielle lorsqu'il est réélu au Sénat en novembre 1958, avec
750000 voix de plus que son rival le républicain Vincent J. Celeste. Pour-
tant, les projets du sénateur Kennedy concernant Israël demeurent assez
vagues. Contrairement à Lyndon Johnson, JFK ne s'est pas précipité pour
défendre Israël lors de l'affaire du Canal de Suez. En réponse à la crise de
Suez, lors d'un discours à Baltimore en 1956, JFK avait juste soigneuse-
ment équilibré ses propos entre les préoccupations arabes et israéliennes
devant une organisation sioniste très attentive.

Potentiellement présidentiable, John F. Kennedy est tout de même


prêt à faire des concessions et à négocier, aussi prend-il des mesures pour
apaiser le lobby pro-israélien. Le contact de Kennedy avec le lobby israé-
lien est rendu possible par l'intermédiaire d'Abraham Ribicoff, le gouver-
neur du Connecticut. Ribicoff est probablement l'un des seuls partisans
de Kennedy à l'époque. Il souhaite mettre JFK en contact avec Abraham
Feinberg, le fameux fabricant de vêtements de New York, grand lobbyiste,
industriel et financier. Sa nécrologie indique qu'il aurait été dans le trafic
d'armes pour la Haganah dans les années 1940. Feinberg est également le
président de l' Israel Bond Organization qui permet de lever des fonds pour
financer une partie du programme secret d'Israël de développement nu-
cléaire. Ce financement a été réalisé grâce à des moyens privés en dehors
du processus budgétaire israélien usuel. Entre 1951 et 1955, }'Israel Bond
Organization avait par exemple réussi à fournir 200 millions de dollars
d'investissement pour appuyer la croissance économique du nouvel État
d'Israël. Ses liens avec la Chambre américano-israélienne de Commerce et
d'industrie dirigée par Zecharia Sitchin ne font aucun doute.
Sachant que Kennedy brigue également les voix de la communauté
juive américaine, Abraham Ribicoff finit par organiser une rencontre entre
JFK et Feinberg dans l'appartement de ce dernier, à l'hôtel Pierre de New
York. Feinberg est accompagné d'une vingtaine d'hommes d'affaires du
lobby juif. Zecharia Sitchin et son associé-trésorier, Isaac Charchat, font par-
tie de ces fameux businessmen. Abraham Feinberg et ses associés proposent
500000 dollars à Kennedy ... Le lendemain matin, JFK est avec Charles L.
Bartlett, son ami proche et chroniqueur, pour lui expliquer le détail de la
rencontre. Bartlett qui avait remporté le prix Pulitzer en 1956 rapporte ces
propos: «En tant que citoyen américain, Kennedy était outré qu'un groupe sio-
niste aille le voir pour lui dire: 'Nous savons que votre campagne est en difficulté.
Nous sommes prêts à payer la note si vous nous laissez le contrôle de votre poli-
290. Victor Lasky, /FK: The Man & The Myth, New York, New Rochelle, 1966, p. 143.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 247

tique au Proche-Orient.' Kennedy fut cette fois indigné dans son amour-propre de
candidat à la présidence par la grossièreté avec laquelle ils s'étaient adressés à lui.
'Ils voulaient prendre le contrôle' affirma-t-il d'un ton furieux à Bartlett. Bartlett
déclara par la suite que Kennedy s'était bien promis que 's'il devenait Président, il
remédierait à ce problème'291 • »

68. Abraham Feinberg


à la fin des années
1950. Avec l'aide
d'une vingtaine de
businessmen, il aurait
proposé 500 000 dollars
à Kennedy contre le
contrôle de la politique
au Proche-Orient.
Domaine public

En vue des présidentielles, John et son frère Robert vont devoir faire
le vide autour d'eux afin de couper net les relations qu'a pu avoir la famille
Kennedy avec la pègre. En particulier avec les groupes de pression voulant
gérer les campagnes électorales américaines et la politique étrangère par le
biais de contraintes financières et de leur influence politique. La politique
de JFK, appelée «Nouvelle Frontière», prévoit la relance de l'économie
étasunienne, des négociations pacifiques avec l'Union soviétique, l'envoi
de l'homme sur la Lune, la fin des inégalités et des clivages sociaux, mais
aussi la lutte contre le crime organisé. Depuis le début des années 1950,
Robert Kennedy - «Bobby» de son sobriquet - se charge déjà de contrer la
mafia en tant que conseiller juridique pour les commissions d'enquête du
Sénat à Washington. Sa lutte contre Jimmy Hoffa, le président du syndicat
des camionneurs est devenu légendaire.
Pourtant, Joseph Kennedy, le père de John et Robert, va secrètement
rendre visite à Sam Giancana, un mafieux de Chicago connu pour avoir
collaboré avec la CIA. Le père Kennedy l'avait déjà sollicité dès 1956 en
vue de faciliter l'investiture de son fils en tant que futur candidat à la Mai-
291. Hersh, Opération Samson : comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cil., p. 107-108.
248 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

son-Blanche. Joseph Kennedy et Sam Giancana vont se voir régulièrement


à partir de cette époque jusqu'en 1960. L'objectif de Giancana était juste-
ment de disposer d'un homme à la Maison-Blanche dans la perspective
d'obtenir des contrats gouvernementaux. Selon les propres termes du ma-
fieux, Joseph Kennedy aurait dit à Giancana et à ses associés : «Ce sera ton
homme. Je le Jure! Mon fils - le président des États-Unis - vous devra la vie de
son père. Il ne te refasera pas, jamais. Vous avez ma parole292• >~ Toujours d'après
Giancana, c'est à ce moment-là qu'il fut décidé de placer Lyndon B. John-
son comme vice-président aux côtés de JFK, malgré l'opposition de Robert
Kennedy. Pour resituer le contexte, rappelons que Robert B. Anderson est
un ami proche de Lyndon B. Johnson. Le parrain de la Nouvelle-Orléans,
Carlos Marcello, aurait préféré Lyndon B. Johnson comme Président, mais
un accord fut conclu dans les termes indiqués ci-dessus. L'argent de la
mafia fut ainsi versé dans des États primaires comme la Virginie-Occiden-
tale et John Kennedy fut assuré de l'investiture présidentielle.

69. JFK et Lyndon


Johnson devant la
Maison-Blanche. US
Federal Government,
domaine public

Les propos de Robert Kennedy concernant la vice-présidence ne


vont pas tout à fait dans le même sens. Sans doute leur a-t-on imposé John-
son à la vice-présidence, néanmoins les deux frères Kennedy pensaient que
l'intéressé n'accepterait jamais cette proposition. En effet, Johnson avait
dès 1960 formé une coalition dénommée «Stop Kennedy» lors de la conven-
tion démocrate, celle où JFK avait été élu dès le premier scrutin. Malgré la
pression de leur père et de la mafia italienne, les deux frères Kennedy ont
probablement tenté de dissuader l'intéressé du poste de vice-président.
292. Sam & Chuck Giancana, Double Cross, New York, Wamer books, 1992, p. 230.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 249

Robert Kennedy explique dans des enregistrements effectués entre 1964


et 1967, dans le cadre du projet d'histoire orale de la Bibliothèque John F.
Kennedy : «L'une des principales raisons qui ont finalement incité mon frère à
prendre Johnson comme colistier a été l'idée que celui-ci serait tellement empoi-
sonnant comme chef de la majorité qu'il était préférable de le mettre à la vice-prési-
dence, un poste où il serait possible de le contrôler. [... ]Mais vers les deux heures
du matin, nous avons finalement décidé de ne pas le prendre comme colistier: mon
frère pensait qu'il lui serait désagréable de faire équipe avec Lyndon Johnson. Il
fallait donc l'amener à se retirer sans qu'il soit fâché. [... ]Je suis donc allé le voir.
Je lui ai expliqué que son investiture risquait de soulever des oppositions, mais
qu'il pourrait en revanche être appelé à la direction du parti. Vous auriez dû voir
sa tête : un vrai chevalier à la triste figure! Oui, il est capable de jouer ce genre de
comédie. ]'ai cru qu'il allait se mettre à pleurer. Je ne sais pas s'il simulait, mais il
était là, tremblant, les larmes aux yeux et me disant : 'Je veux être vice-président
et si le Président veut bien de moi, je me battrai pour lui'. Voilà le genre de conver-
sation que nous avons eue. Alors je lui ai dit : 'Très bien ! Il souhaite vous voir à la
vice-présidence, si vous y tenez: c'est ce que nous voulons que vous sachiez'. [...
Mon frère] n'avait pas une seconde imaginé ni envisagé qu'il puisse accepter. Et
ensuite, nous avons passé pas mal de temps à essayer de le faire sortir293 • »
Bien conscient de l'importance des voix des juifs américains, JFK
va tout de même mettre de l'eau dans son vin lors de sa campagne prési-
dentielle. Bien qu'il se soit clairement présenté comme pro-arabe lors de
ses années au Sénat, John F. Kennedy parsème subitement ses discours de
campagne de paroles de soutien et même d'admiration pour Israël, allant
jusqu'à réduire les États arabes à des «primitifs294 ». Dans un discours mé-
morable du 9 février 1959 au B'nai Zion de New York, Kennedy compa-
rera le jeune État hébreu à l'Ouest américain, et les Israéliens aux robustes
Américains qui réussirent à «apprivoiser» les montagnes, les déserts et les
Indiens du nouveau continent295 •

Le 8 novembre 1960, John F. Kennedy est élu à la présidence des


États-Unis avec seulement 112827 voix d'écart par rapport à Richard
Nixon, grâce à l'intervention de Sam Giancana et de ses amis de la mafia
qui auront volé des votes dans l'Illinois. Parmi les voix qui ont pu faire la
différence se trouvent également celles de la communauté catholique 73 %,
celles se réclamant de la communauté juive américaine : 81 %, et celles des
minorités, entre 61 et 68 % selon les États.
Une fois JFK au pouvoir, les deux frères Kennedy vont tenter de
dissimuler le rôle de Giancana et de la mafia. En janvier 1961, soit deux
mois après l'élection présidentielle, Robert Kennedy est nommé Procureur
général des États-Unis, qui correspond en France au ministre de la Jus-

293. Robert Kennedy, Témoignages pour !'Histoire, Paris, Éditons Belfond, 1989, p. 46-47 et 49.
294. April S. Summitt, Perspectives on Power: John F. Kennedy and US-Middle East Relations,
Kalamazoo (Michigan), Western Michigan University, 2002, p. 33.
295. Ibidem.
250 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

tice. Il va alors mener une lutte historique contre le crime organisé et la


pègre, principalement contre Sam Giancana, Jimmy Hoffa, Carlos Marcel-
lo et Santo Trafficante Jr. Sam Giancana nous dit dans ses mémoires que :
«[John] demandera à Bobby [c.à.d. Robert] de nous anéantir pour couvrir leurs
propres traces sales et tout cela au nom de la 'guerre contre le crime organisé' des
Kennedy. Brillant. Juste incroyablement brillant296 ! »

Se remémorant son expérience avec les hommes d'affaires sionistes


qui lui avaient demandé le contrôle du Proche-Orient contre 500000 dol-
lars, John Kennedy va critiquer la méthode du moment de financement des
campagnes comme «hautement indésirable» et «non saine» parce que cela
rend les candidats «dépendants d'importantes contributions de ceux qui ont des
intérêts particuliers». JFK nomme alors une commission bipartite pour trou-
ver les moyens d' «augmenter le budget de nos campagnes présidentielles297 ».
Enfin, JFK compte rapidement régler la question des réfugiés arabes et
jeter enfin les bases de la paix entre Israël et ses voisins. Pendant la guerre
de Palestine entre 1948et1949, près de 500000 Arabes avaient été déplacés
et vivaient désormais dans des camps entre la Cisjordanie et la bande de
Gaza ... En pleine Exposition universelle de New York (1964-1965), l'agent
Zecharia Sitchin sera lui-même confronté à cette délicate question. Nous
verrons cela un peu plus loin ...
Selon l'auteur controversé Michael Collins Piper, John Kennedy
prévoyait d'émettre de l'argent sans intérêt, indépendant de la mainmise
du Système de Réserve fédérale. Joseph Kennedy, le père de JFK, était en
contact avec un riche agent d'Hollywood et directeur de télévision dé-
nommé DeWest Hooker. Le père Kennedy aurait demandé à ce dernier de
placarder des affiches avant les élections accusant John F. Kennedy d'être
contrôlé par les juifs, dans l'objectif de neutraliser l'opposition des juifs à
JFK. Lors de cette rencontre privée, Joseph Kennedy aurait assuré à Hoo-
ker que l'objectif ultime des Kennedy était la destruction de ce que le père
Kennedy nommait «la Réserve fédérale dominée par les Rothschild 298 »,
lesquels travailleraient en tandem avec la CIA. Ces rumeurs semblent fon-
dées puisqu'en juin 1963, soit près de cinq mois avant son assassinat, JFK
signera le décret 11110 qui avait pour objectif de transférer le pouvoir de la
Réserve Fédérale au département du Trésor des États-Unis en remplaçant
les billets de la Réserve Fédérale par des certificats en argent ... Comme on
le comprend, dès son accession au pouvoir, Kennedy se met trois grands
blocs de pouvoir à dos : le crime organisé, la CIA et Israël.

296. S. & C. Giancana, Double Cross, op. cit., p. 296.


297. Hersh, Opération Samson : comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 108.
298. Michael Collins Piper, Final Judgment: The Missing Link in the JFK Assassination, New
York, America First Book, 6• édition, 2005, p. 91et100 (traduit en fr. chez Omnia Veritas Ltd,
Dublin, sous le titre Jugement Final - Le chaînon manquant de l'assassinat de JFK, 2 tomes, 2018).
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 251

2. John F. Kennedy et la centrale nucléaire israélienne «qui n'existe pas»

Lors de sa prise de pouvoir, John F. Kennedy sera rapidement mis


au courant du problème« Dimona ».En décembre 1960, la construction de
la «simple usine de textile» a tellement avancé que le dôme du réacteur
atomique est désormais visible des routes avoisinantes. Les bruits courent
également d'une vente de 20 tonnes d'eau lourde à destination d'Israël
pour faire démarrer la centrale de Dimona. Les transactions ont été réali-
sées via une compagnie norvégienne intitulée Noratom qui s'avérera des
années plus tard n'être qu'une société-écran britannique. De source cer-
taine, on m'a indiqué qu'Isaac Charchat se sera chargé du transport de
cette marchandise à haut risque grâce à la marine marchande et son utili-
sation de conteneurs, grande spécialité de notre agent depuis des années
déjà. Qui aurait pu faire mieux que le héros qui s'était chargé de récupérer
les trésors del' Axe en 1945 pour le compte du gouvernement étasunien?
Ce mode de transport est une bénédiction pour les explorateurs et
importateurs, mais un enfer pour les agents des douanes et les respon-
sables de la sécurité maritime. Chaque conteneur est habituellement ac-
compagné d'un manifeste détaillant la cargaison. Lorsque les deux bat-
tants d'un conteneur sont ouverts, il offre la vue d'un mur de caisses et de
boîtes en carton sur des rayonnages empilés du sol au plafond. Un navire
est capable de décharger 3000 conteneurs de 12 mètres de long en l'espace
de quelques heures. Même les inspecteurs les plus chevronnés n'ont pas la
moindre chance de pouvoir inspecter une marchandise de fond en comble.
Pour cela, il faudrait stopper le déchargement d'un navire entier pendant
des heures, ce qui est parfaitement impossible. Bien souvent les agents de
douane ne peuvent que croire sur parole ce qui est indiqué sur les docu-
ments de fret. Les conteneurs peuvent donc se révéler efficaces pour faire
transiter des marchandises non déclarées comme des armes, des bombes,
des stupéfiants, etc. 299

299. Marc Levinson, The Box - Comment le conteneur a changé le monde, Paris, Éditions Max
Milo, 2011, p. 26-27.
252 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

70. Isaac Charchat


au début des années
1960.Reconstitution
spéculative de son
visage basée sur des
photos existantes.
© Hanael Parks

Tout porte à croire qu'Abraham Feinberg, accompagné d'une ving-


taine de businessmen - dont Sitchin et Charchat -, avait réussi à soudoyer
JFK lors de sa campagne, car lorsque ce dernier formule le souhait d'une
inspection à Dimona, Feinberg réussit fermement à s'y opposer. John F.
Kennedy laisse passer un peu de temps, mais il finit par faire rédiger une
lettre à destination de Ben Gourion, rappelant la position américaine sur
la non prolifération des armes nucléaires. Cet engagement «serait com-
promis aux yeux du monde si un État tel qu'Israël, protégé par les États-Unis,
poursuivait son propre chemin». Quelques mots clés ponctuent cette mis-
sive: une demande d'inspection avec le droit de communiquer les résul-
tats à Gamal Nasser afin de rassurer le président égyptien sur la nature
du site de Dimona et pour l'empêcher d'entamer ses propres recherches
nucléaires. La réponse arrive quelque temps après. Elle se résume en une
très longue lettre de Ben Gourion, une lettre jamais publiée par les États-
Unis ni par Israël. Le jeune Directeur des Affaires israéliennes, William R.
Crawford, se souvient : «Il était difficile de voir où il voulait en venir. Sa lettre
était évasive et ne disait pas s'il prenait le chemin du nucléaire, mais précisait
'Nous sommes une petite nation entourée d'ennemis', etc. Peut-être pouvait-on
y voir une allusion au parapluie nucléaire, dans des expressions telles que 'Pou-
vons-nous faire confiance aux États-Unis, etc.'?» Selon Crawford, lors de ce
premier échange, Ben Gourion était contre une inspection de Dimona300 •

Au début de l'année 1961, le gouvernement israélien, préoccupé


par les relations électriques entre Kennedy et Ben Gourion, finit par don-
300. Hersh, Opération Samson: comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 111-112.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 253

ner son accord pour une inspection de Dimona par deux scientifiques
américains : 1.1. Rabi de l'université de Columbia et Eugene Wigner de
Princeton. Le réacteur étant toujours en construction, les deux hommes
mentionneront n'avoir rien décelé ressemblant à des travaux sur une quel-
conque bombe atomique. En avril de la même année, un fonctionnaire nor-
végien passera inspecter l'eau lourde vendue à Israël. Apparemment, les
conteneurs d'Isaac Charchat se trouvaient toujours stockés et non ouverts
près du réacteur en construction.
Après ces inspections, les deux hommes d'État finissent par se ren-
contrer en mai 1961 lors d'une visite de Ben Gourion aux États-Unis, préci-
sément entre le 20 mai et le 2 juin. Le Premier ministre israélien finira par
dire des années plus tard à son biographe qu'il avait trouvé la rencontre
décevante. Il ne prit pas Kennedy au sérieux, ce dernier lui donnant l'im-
pression qu'il était «comme un jeune homme de vingt-cinq ans».

71. Rencontre à
Washington entre John
F. Kennedy et David
Ben Gourion en mai
1961. Domaine public

Kennedy, non convaincu par les inspections de Rabi et Wigner, finit


par demander s'il serait prochainement possible de laisser des scienti-
fiques «neutres» examiner le réacteur. Acculé, Ben Gourion aurait fini par
accepter en précisant qu'il n'y voyait aucune objection. Profitant du sujet
délicat des armes, Ben Gourion aurait également soulevé la question de la
sécurité d'Israël en faisant allusion à l'équipement militaire récupéré par
254 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

l'Égypte grâce aux Soviétiques. L'objectif de Nasser, a ajouté Ben Gourion,


est de détruire Israël et pas seulement de le vaincre. «S'ils devaient nous
vaincre, ils feraient aux juifs ce qu'Hitler a fait», a-t-il précisé. À cet effet, Ben
Gourion renouvelle sa demande de missiles sol-air Hawk, estimant qu'il
est dans l'intérêt des États-Unis qu'Israël dispose d'armes défensives. Ken-
nedy soulève sa crainte d'introduire des missiles au Moyen-Orient, mais il
promet de réfléchir à la question301 •••

Deux mois après cette réunion, David Ben Gourion et ses conseillers
assistent à grand renfort de publicité au lancement de la première fusée
israélienne nommée « Shavit Il» dans le désert du Néguev. Le monde en-
tier (particulièrement les États-Unis et les pays arabes) comprend le mes-
sage : il ne faudra à Israël encore qu'un peu plus d'argent et de temps pour
mettre au point des missiles nucléaires. Kennedy multiplie les pressions
sur Israël. Dans une nouvelle lettre destinée à la Maison-Blanche, Ben Gou-
rion continue d'ignorer la demande américaine d'une inspection «neutre»
et internationale de Dimona, comme l'avait demandé Kennedy en mai. Le
président américain reparle de ce problème avec son nouveau directeur
de la CIA, John McCone. Ce dernier suggère à Kennedy : «Envoyez-lui une
réponse sévère. Faites état des obligations des États-Unis envers le reste du monde
et de nos soupçons sur les Français. Mettez tout ceci noir sur blanc». La réponse
de Ben Gourion ne se fait pas attendre : «Fichez-moi la paix, tout ceci ne vous
concerne pas 302 ! »
Les nouvelles photos des avions de reconnaissance U2, bien qu'as-
sez bonnes, ne prouvent toujours pas la présence d'un arsenal nucléaire.
Ben Gourion passe une nouvelle fois par le lobbyiste Abraham Feinberg
qui avait rencontré JFK avec une vingtaine d'hommes d'affaires du lobby
juif avant les élections présidentielles. Malgré son manque de sympathie
pour cet homme arrogant et plein de pouvoir, JFK lui doit en partie son
élection : «J'ai mené la plus grande bataille de ma carrière pour leur éviter une
inspection minutieuse, racontera Feinberg plus tard. Je ne suis pas intervenu vio-
lemment une fois, mais une demi-douzaine de fois.» Il affirmera aussi n'avoir
jamais discuté de ce sujet directement avec Kennedy, mais le message ne
relevait d'aucune subtilité : insister sur une inspection à Dimona réduirait
l'aide à la future campagne présidentielle de 1964 ... Ce message aurait été
transmis sous la forme «Ne mettez plus votre nez là-dedans» au secrétaire
d'État, Robert McNamara, et au premier collaborateur du secrétaire à la
Défense américaine, Paul Nitze303 •

Pour obtenir ce qu'il souhaite, Kennedy doit lâcher du lest. Au milieu


de l'année 1962, il va autoriser la vente de missiles sol-air Hawk à destina-
tion d'Israël. Ben Gourion espère que cela va aboutir à de futures ventes

301. fewish Virtual Library: jewishvirtuallibrary.org/kennedy-ben-gurion-meeting-may-1961


302. Hersh, Opération Samson: comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 115-117.
303. Ibidem, p. 118-119.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 255

d'armes américaines offensives. Lors de ses entretiens avec la Maison-


Blanche, Ben Gourion insiste pour dire qu'une inspection internationale
de Dimona violerait la souveraineté d'Israël. Washington va donc devoir
ajouter une autre concession : Dimona ne sera pas inspectée par l' Agence
internationale de l'énergie atomique, mais par une équipe d'inspection
américaine; Ben Gourion donne son accord de principe. Ce que ne sait pas
Kennedy, c'est que Ben Gourion construit une partie de l'usine spéciale-
ment reconstituée pour la future inspection américaine. La mise en scène
est complète : grâce au plan des Français, les Israéliens vont construire une
fausse salle de commandes avec de faux tableaux de bord et des appareils
gérés par ordinateur prêts à mesurer une production de chaleur bien infé-
rieure à la capacité réelle de Dimona. Le fameux Abraham Feinberg dira
plus tard que cela faisait partie de son rôle de prévenir Israël que Kennedy
tenait beaucoup à ces inspections, en ajoutant «Ils lui ont concocté une belle
supercherie». Conformément au plan israélien, l'équipe américaine ne trou-
vera rien du tout sur place. Mais JFK était trop fin politique pour ne pas
suspecter un problème malgré les promesses de Ben Gourion comme quoi
Israël n'avait aucunement l'intention de devenir une puissance atomique.
Kennedy dira avec colère à son ami Charles Bartlett en évoquant les Israé-
liens : «Ces salauds me mentent constamment sur leur capacité nucléaire304. »

Le double jeu israélien ne s'arrête pas à l'affaire Dimona. Le docteur


en Études germanique Élisabeth Wisbauer remarque qu'une coopération
germano-israélienne secrète dans le domaine militaire commence réelle-
ment à partir de 1962. La reconnaissance de la responsabilité historique de
l'Allemagne dans la Seconde Guerre mondiale et !'Holocauste contraint
la République fédérale à coopérer. L'Allemagne de l'Ouest se voit ainsi
contrainte de soutenir le jeune État hébreu dans sa défense et sa sécurité.
Des accords secrets de livraisons d'armes depuis la République fédérale
sont alors rendus possibles grâce à l'absence de relations diplomatiques.
«Très rapidement une coopération étroite entre les deux États s'intensifie. Le
11 juillet 1962, le gouvernement israélien présente une liste : 6 vedettes de type
'Jaguar', 3 sous-marins, 24 hélicoptères américains, 12 avions de transport fran-
çais de type 'Noratlas', 15 blindés modèle allemand de fabrication allemandi305
[ ... ]. » Ce n'est là que le début d'une longue entente secrète entre Israël et
l'Allemagne de l'Ouest puis l'Allemagne réunifiée.

3. Zecharia Sitchin et la construction du pavillon américano-israélien


de la New York World's Fair 1964-1965

Dès 1961, le commissaire aux Parcs de New York et architecte Ro-


bert Moses commençait à planifier l'exposition universelle de 1964-1965,

304. Ibidem, p. 120-122 et 126.


305. Wisbauer, «Les relations germano-israéliennes de 1965 à 2006», op. cit., p. 36 et 46.
256 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

il bénéficiait pleinement du soutien du président John F. Kennedy et de


nombreux hommes d'affaires fortunés. Moses est un individu controversé
et beaucoup lui reprochent la destruction de quartiers entiers de New York
au profit de treize autoroutes et de projets urbains de grande envergure,
laissant ainsi nombre de New-Yorkais sur le carreau. Il sera l'ingénieur et
architecte de la ville de New York durant la deuxième moitié du XX• siècle.

En 1962, l'État d'Israël décidait de ne pas participer à la prochaine


Exposition universelle de 1964-1965 prévue dans le parc de Flushing Mea-
dows-Corona Park à New York. Les nombreuses tensions au Proche-Orient
expliquent sans doute cette décision, mais ce serait très officiellement en rai-
son du prix élevé qu'impliquent les construction et location d'un pavillon
national. Israël n'avait en tant qu'État jamais participé à un tel événement
et beaucoup attendaient ce type d'opportunité pour présenter le judaïsme
ainsi que nombre de produits locaux. Dans le contexte de l'époque - il ne
faut pas se mentir - Israël avait cruellement besoin de redorer son blason.
Suite à cette décision de ne pas participer à la prochaine Exposition
universelle, le journal National /ewish Post and Opinion alerta ses lecteurs
sur l'importance de ne surtout pas rater une telle opportunité. Le journal
poursuivait en indiquant qu'il faudrait trouver les moyens d'inclure Israël
dans cette exposition mondiale. De nombreux intérêts sont partagés entre
les communautés juive d'Israël et américaine. Selon les propos de ce même
journal, la communauté juive américaine aurait véritablement sollicité un
pavillon israélien exceptionnel à cette exposition mondiale306:
Le thème de l'exposition new-yorkaise est d'ailleurs «la paix par la
compréhension». Cinquante-huit pays sont prévus pour participer à l' évé-
nement sur une surface de 262 hectares. Le monde des expositions et des
foires ne forme pas seulement des univers idéalisés où se mêlent histoire et
identité, mais il s'agit surtout de laboratoires de rencontres où se côtoient
politique et culture, et où s'ouvrent des espaces pour présenter des pro-
duits ainsi que négocier de juteux contrats. Une sorte de reconnaissance de
l'État d'Israël ferait nécessairement partie du projet si les juifs venaient à
changer d'avis et à s'offrir un pavillon national. Malheureusement, Israël
resta fermé à cette idée jusqu'en 1962, malgré la demande insistante de
la communauté juive américaine. Rappelons qu'à cette époque, les États-
Unis avaient reconnu en 1948 l'existence de l'État d'Israël uniquement par
voie de presse et qu'il n'existait aucun papier officiel signé par l'État amé-
ricain prouvant cette reconnaissance ...

Zecharia Sitchin aura ici vu l'occasion d'entrer en scène et d'offrir à


cette cause nationale ses aptitudes de grand stratège et redoutable homme
d'affaires. Mieux encore, Israël lui confiera une mission secrète qu'il va
lui falloir honorer. Délaissant momentanément ses activités commerciales

306. «Israel Should Be at World's Fair», National Jewish Post and Opinion du 16novembre1962,
p.2.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 257

pour le compte d'Israël et son journal Economie Horizons (revue sur les
banques, les marchés financiers, le marketing, les finances monétaires, la
comptabilité, etc.), Sitchin vas' occuper de la conception intégrale du projet
avant de la présenter à ses amis businessmen et autres hommes influents
en rapport avec la famille Rockefeller. Le pavillon sera financé par des
fonds privés et impliquera nécessairement des hommes d'affaires new-
yorkais. De ce fait, le pavillon portera la bannière américano-israélienne.
La seconde idée de Sitchin sera de présenter à la fois l'industrie d'Israël et
son histoire biblique. En sus seront également présents dans le pavillon
diverses productions et de l'art provenant d'Israël, le tout monnayable en
dollars. L'histoire et la culture juive seront mises en avant, le tout bien
entendu en relation avec la Terre Promise.
Au début de l'année 1963, Zecharia Sitchin s'entoure de Nathan
Straus III - businessman et président de la Chambre de Commerce améri-
cano-israélienne, fils du sénateur et administrateur de l'US Housing Autho-
rity sous le président Franklin D. Roosevelt-, et de Samuel E. Weitz, un
autre homme d'affaires influent. Les trois hommes contactent alors Harold
S. Caplin et lui demandent de financer le pavillon américano-israélien
comme un banquier d'affaires.
Le 23 juillet 1963, le contrat est signé pour un pavillon qui atteindra
le prix vertigineux de 2 millions de dollars, une somme considérable pour
l'époque. À l'issue des travaux, le pavillon américano-israélien s'élève
telle une spirale sur une hauteur de plus de douze mètres (quarante-deux
pieds) avec une façade en bois rouge de séquoia en provenance d'Afrique.
Son inauguration a lieu le 14 octobre 1963. Replaçons ici cet événement
dans le contexte de l'époque, à savoir trente-neuf jours avant l'assassinat
de Kennedy! Les entrées du pavillon sont décorées avec des pierres pro-
venant de Jérusalem et des mines du roi Salomon, le tout agrémenté des
symboles des Douze Tribus d'Israël. L'objectif de Zecharia Sitchin est éga-
lement de présenter «un voyage à travers les 4000 ans d'histoire juive»
précise la Newsletter n° 37 de l' exposition307 • Ce lieu est prévu comme un
forum pour éduquer les visiteurs à propos de la civilisation juive, parti-
culièrement en relation avec la Terre Sainte et l'Ancien Testament, thème
qui allait clairement trouver un écho dans l'ensemble du public308 et bien
entendu dans les futurs travaux de Zecharia Sitchin ...

307. New York 1964-1965 World's Fair Newsletter, n° 37 (5/64-R160), 29 mai 1964.
308. Dedication Ceremony at the New York World's Fair 1964-1965, American-Israel Pavilion,
14octobre1963, 6. NYPL, Box 275, File P0.3: «Israel-Brochures».
258 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

72. Photographie
de la brochure sur
l'inauguration du
pavillon américano-
israélien du 14 octobre
1963. Zecharia Sitchin
est en deuxième
position à partir de la
gauche.

4. L'assassinat de John F. Kennedy, le 22novembre1963 à Dallas

«[Impossible] de tenter de discerner une vérité dans les circonstances troubles de


cet assassinat, car, grâce à ce diable d'Allen Dulles, une telle démarche est vouée à l'échec.
Le vieux maître-espion de l'Amérique anticommuniste, le virtuose du mensonge, le direc-
teur historique [de la CIA] viré comme un bouseux par le président Kennedy va en effet
se voir accorder une chance unique: enquêter sur la mort de l'homme qui l'a trahi.
Et ainsi, brouiller savamment toutes les pistes qui, peut-être,
auraient permis de discerner une possible vérité3il9. »
Jean-François Bouchard, L'espion qui enterra Kennedy

«Kennedy voulait anéantir la CIA 310 [ ... ]


c'est la CIA qui a tiré sur Kennedy 311 [ ••• ]. »
Oliver Stone, film documentaire « JFK Revisited: Through the Loo king Glass»

Il n'était pas prévu de mentionner l'assassinat de John F. Kennedy


dans cette enquête. Suivant progressivement la trace de plusieurs agents
importants - dont les implications se répercuteront sur des dizaines d'an-
nées et particulièrement dans les années 1960 -, il m'a néanmoins semblé
nécessaire de replacer ici quelques informations concernant cette affaire

309. Jean-François Bouchard, L'espion qui enterra Kennedy, Paris, Éditions Glyphe, 2021,
p. 273.
310. Interview d'Oliver Stone par Afshin Rattansi dans «La Grande Interview» (Rî France),
29 juillet 2021.
311. Interview d'Oliver Stone par Olivier O'Mahony, Paris Match du 31 juillet 2021.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 259

qui ne bouleversa pas seulement les États-Unis, mais le monde entier. Car
il ne faut pas perdre de vue que John F. Kennedy ne fut pas simplement
assassiné à Dallas, mais plutôt sacrifié en place publique! Je me base prin-
cipalement sur trois sources d'informations:

1) Les excellents travaux du journaliste William Reymond.


2) La belle enquête sur l'agent et directeur de la CIA, Allen W.
Dulles, dans L'espion qui enterra Kennedy de Jean-François Bouchard
(2021).
3) Des interviews d'Oliver Stone données en 2021, lors de la sor-
tie de son film documentaire, « JFK Revisited: Through the Looking
Glass».

Venons-en succinctement aux faits.


À la faveur d'une interview donnée au journaliste Afshin Rattansi
dans« La Grande Interview» (RT France, juillet 2021), le réalisateur améri-
cain Oliver Stone fait référence à son film documentaire concernant JFK sur
le point de sortir. Il nous renseigne sur la situation juste avant l'assassinat
de Kennedy: le président américain était en train de tendre la main à Cuba
pour mettre fin à l'embargo et aux fins d'initier une détente avec Castro.
JFK venait aussi de signer un traité d'interdiction des essais nucléaires.
C'était la première fois que les Soviétiques et les États-Unis signaient ce
type de traité. Kennedy adoptait une posture antagoniste vis-à-vis du
monde colonial, précise Oliver Stone. Parallèlement, Kennedy était sur le
point de passer un accord essentiel avec Khrouchtchev et était en train de
se retirer du Vietnam, comme l'a certifié en 1995 Robert McNamara, son
secrétaire à la Défense. McGeorge Bundy, ancien conseiller à la Sécurité na-
tionale sous Kennedy, a aussi confirmé cette information en précisant qu'il
était lui-même contre ce projet de retrait des troupes américaines. Pour
Kennedy, le Vietnam était une erreur, et il avait décidé d'en retirer pro~
gressivement ses troupes. Il ne pouvait pas faire voter cette décision parce
qu'il avait des élections en novembre 1964; il a donc signé un décret pour
faire revenir mille premiers soldats avant Noël 1963312, pourtant contre
l'avis de son conseiller et bon nombre de personnes qui l'entouraient ...

*
* *

Fin 1963, le président J.F. Kennedy entame ses tournées préélecto-


rales pour préparer l'élection présidentielle de novembre 1964. Le Texas
est une étape clé : il est important de montrer au pays que cet État le sou-
tient. Il s'agit d'une véritable opération de séduction qu'il lui faut à tout
prix réussir. Pourtant, le Texas est un État conservateur et Kennedy n'y
est pas très apprécié. Le 21 novembre 1963, donc la veille de la visite pré-
312. Interview d'O. Stone par A. Rattansi, op. cit.
260 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

sidentielle, des affiches avec le portrait du Président sont placardées sur


les murs de Dallas. On peut y lire « Wanted for Treason » («Recherché pour
trahison»).
Le 22novembre1963, le cortège présidentiel démarre entre 11 hSO et
11 h55 pour lentement se diriger vers le centre de Dallas. Le couple Ken-
nedy se trouve dans la troisième voiture du cortège, une Lincoln Continen-
tal 1961, modèle SS-100-X blindé. Le gouverneur du Texas, John Connal-
ly, est assis avec sa femme sur les deux sièges qui sont devant le couple
présidentiel. Deux agents sont installés à l'avant du véhicule, l'un d'entre
eux conduit la Lincoln. Le président Kennedy a exigé que la voiture soit
décapotée. Une Cadillac noire suit de près la Lincoln présidentielle; elle
contient cinq gardes du corps. Juste derrière ce véhicule des services se-
crets se trouve la voiture du vice-président Lyndon B. Johnson, grand ami
de l'agent Robert B. Anderson - le responsable du Black Eagle Trust, l'or et
l'argent del' Axe récupérés par les Américains à la fin del' année 1945 grâce
à la complicité de l'agent Isaac Charchat.

63. Le couple présidentiel dans la Lincoln Continental quelques minutes avant le drame.
Domaine public

À mi-parcours du trajet, le président Kennedy demande au chauf-


feur de s'arrêter pour serrer les mains d'enfants qui lui font signe. Un peu
plus loin, le cortège présidentiel s'arrête une seconde fois pour saluer une
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 261

religieuse catholique accompagnée d'un groupe de jeunes enfants. Aucune


agressivité de la foule n'est constatée. À 12h30 précises, le cortège se di-
rige vers le Trade Mart où le couple présidentiel est attendu par 2500 invi-
tés. C'est bientôt la fin du parcours, la chaleur est accablante. Les voitures
décélèrent à 15 km/h pour amorcer le virage qui permet de s'engager dans
Elm Street, le long du Dealey Plaza. Soudain, après avoir passé le dépôt
de livres scolaires «Texas Schools Books Depository », plusieurs coups de feu
claquent ... leur nombre est sujet à controverse. Il y en a eu trois en tout,
peut-être davantage. Le président Kennedy porte ses mains à la gorge et
s'affaisse sur sa femme Jackie. John Connally, le gouverneur du Texas, se
retourne, il est lui aussi touché dans le dos et à la clavicule droite. Jackie
Kennedy ne comprend pas ce qui arrive et semble aider son mari. La voi-
ture présidentielle freine. Quelques secondes après, un autre coup de feu
retentit, le Président est une nouvelle fois touché : il est projeté en arrière
alors qu'une partie de son crâne vole en éclat. Sa femme se rend compte
de l'horreur de la scène et rampe à quatre pattes vers l'arrière de la voiture
présidentielle tandis qu'un garde du corps se trouvant dans la voiture sui-
vante court et se jette vers le coffre arrière de la Lincoln des Kennedy. La
panique s'empare de la foule qui se couche à terre ou s'enfuit en courant.
La voiture présidentielle accélère. Tout cela se déroule en une quinzaine de
secondes. Le cortège présidentiel fonce vers le Parkland Memorial Hospital
où il arrive à 12h35. Le Président est inconscient, mais semble-t-il encore
vivant, alors que le gouverneur Connally est grièvement blessé. Les deux
hommes sont installés dans les salles n° 1 et n° 2 des urgences. La mort de
John F. Kennedy est constatée à 13h. Le gouverneur Connally va survivre
à ses blessures. À 13h30, le porte-parole de la Maison-Blanche annonce le
décès du président Kennedy.

Sur les lieux de la fusillade, des témoins rapportent avoir entendu


des coups de feu, voire de la fumée de tir derrière un talus où se trouve
une palissade en bois. Des officiers de police s'y précipitent, mais ils ne dé-
couvrent que des agents des services secrets rattachés à la sécurité du Pré-
sident. Ces derniers montrent leurs cartes - vraies ou fausses, nous ne le
saurons jamais puisque la police n'a pas eu l'idée de leur demander leurs
noms. Nous n'entendrons plus jamais parler de ces hommes. Parmi les
témoins interrogés par la police sur Dealey Plaza, l'un d'eux indique d'une
façon sommaire la présence d'un tireur à la fenêtre du Texas Schools Books
Depository : un homme blanc qui aurait une trentaine d'années, 1m75, des
cheveux noirs et portant une chemise blanche. Cette banale description va
pourtant suffire à retrouver l'assassin présumé. Ce signalement imprécis
est diffusé sur les ondes dès 12 h 45. Au même moment, la police boucle
l'immeuble du dépôt de livres scolaires et entame des fouilles. Au cin-
quième étage, ils découvrent des cartons entassés près d'une fenêtre don-
nant sur le lieu du drame. Trois douilles se trouvent au sol, accompagnées
d'un sac en papier contenant des restes de poulet ainsi qu'une bouteille
262 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

de Coca-Cola vide et un paquet de cigarettes, vide lui aussi. Les policiers


relèvent près d'une trentaine d'empreintes digitales sur des cartons. La
perquisition minutieuse du même étage aboutit à la découverte d'un fusil
Mannlicher-Carcano dissimulé sous des boîtes en carton, mais l'arme se
trouve à l'autre bout de l'étage ... Pourquoi avoir laissé une supposée arme
du crime ici, au surplus aussi ridiculement dissimulée? Une analyse dé-
taillée du fusil enregistrera une culasse rouillée et une lunette déréglée.
Dès 13h 16, une annonce radio mentionne le meurtre d'un policier
dénommé Jefferson Davis Tippit, abattu de sang-froid par un inconnu
alors que ce dernier était interpellé. Cet inconnu est rapidement retrouvé et
arrêté, il s'agit de Lee Harvey Oswald. L'individu a passé près de deux ans
dans les Marines. Les policiers lui trouvent des liens avec le communisme
ainsi qu'un long séjour en Union soviétique. L'interrogatoire d'Oswald ne
donne rien, l'homme nie toute implication dans le meurtre de l'agent Tip-
pit et celui du président Kennedy. L'assassin présumé ne dit rien de plus;
il semble attendre quelque chose ... Malgré ses protestations, Oswald est
inculpé à 22h du meurtre de l'agent Tippit pour être ensuite accusé du
meurtre du président Kennedy trois heures trente plus tard. Pour que cha-
cun soit persuadé de cette version, Oswald est régulièrement exhibé dans
les locaux de la police, ainsi que le fusil trouvé à la bibliothèque de la ville.

Le journaliste d'investigation français William Reymond a longue-


ment enquêté sur l'assassinat de Kennedy. Vivant à Dallas, il a pu réunir
nombre de pièces relatives à l'affaire et y interviewer des témoins clés.
Reymond indique que dans la soirée du 23 novembre, Oswald décide
d'user de son droit de téléphoner et tente de contacter un ancien agent
du contre-espionnage qui opérait durant la Seconde Guerre mondiale.
L'homme se nomme John Hurt, il vit à Raleigh, mais, officiellement, le
numéro de l'ancien agent ne répond pas. La compréhension ne se fera que
des années plus tard, la ville de Raleigh se trouve à quelques kilomètres
de la base secrète de Nag's Head, là même où le programme d'envoi de
jeunes Américains en Union soviétique a été créé et mené. C'est sans doute
ici qu'Oswald fit sa préparation comme agent en vue de son voyage en
Union soviétique, le tout couvert par la CIA. Oswald passe par un interve-
nant« propre», un intermédiaire qui n'a aucun rapport avec l'opération en
cours et qui ne pourra jamais être confondu en cas de problème. Cet agent
de liaison aura laissé un nom de code et un numéro à rappeler, précise Wil-
liam Reymond. Lorsque Lee Oswald tente de contacter son agent de liai-
son, son intention est de lui annoncer que « Alek Hidell » - son propre nom
de code à la CIA- attend ses instructions». N'obtenant aucune réponse,
Oswald comprend finalement qu'il a été lâché par son réseau. Profitant du
transfert d'un bureau à un autre, Oswald, jusqu'ici muet comme un carpe,
lance alors aux caméras de la télévision: «Je ne suis qu'un pigeon, je ne suis
qu'un pigeon 313 ! »
313. William Reymond, «Autopsie d'un crime d'État», in Les énigmes Kennedy, présenté par
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 263

Officiellement, Oswald aurait opéré seul lors de l'assassinat de JFK;


il s'agirait d'un tireur isolé ayant agi pour son propre compte. Reconnaître
la présence de plusieurs tireurs aurait impliqué un complot d'État, une
véritable conspiration. Personne ne va remettre en cause la version du ti-
reur isolé et cette interprétation des faits reste la seule vérité admise encore
aujourd'hui.
Suite à la déclaration d'Oswald quelques heures auparavant, alors
qu'il est transféré vers la prison du comté, l'assassin présumé est à son
tour abattu par un certain Jack Ruby, le patron d'un night-club local, véri-
table figure de la pègre locale. Ce dernier expliquera son geste en affirmant
avoir voulu venger le Président sur un coup de folie ... Oliver Stone ajoute
à ce sujet : «Nous avons désormais accès à des documents déclassifiés. Nous
savons que la CIA savait où se trouvait Lee Harvey Oswald, elle le supervisait
depuis 1958, et ce, jusqu'en 1963, ce qui fait de lui une ressource de la CIA. C'est
incroyable! On sait aussi que Jack Ruby était un informateur du FBI. Donc, les
agences de renseignement sont impliquées du début à la fin 314• »
Ruby est arrêté et placé en détention. Son procès a lieu en mars
1964 où il est reconnu criminellement responsable du meurtre de Lee H.
Oswald. Condamné à la peine de mort, il restera en prison pendant trois
ans. Toujours en mars 1964, la journaliste Dorothy Kigallen réalise une in-
terview de Ruby et annonce la publication imminente d'un scoop concer-
nant l'assassinat de JFK. Elle sera retrouvée morte à son domicile. Deux
autres journalistes, Bill Hunter et Jim Koethe, mènent l'enquête à propos
de l'entourage de Ruby et trouvent la mort en 1964 dans des conditions
très suspectes. En octobre 1966, la cour d'appel du Texas reconnait que le
premier procès a été mal mené à cause de sa tenue à Dallas; la sentence de
mort est cassée et Ruby attend un nouveau procès prévu au Texas. Mais
la santé de Jack Ruby se détériore assez rapidement. Le 9 décembre 1966,
suite à de grosses difficultés respiratoires, Ruby est transféré à l'hôpital
Parkland, là où fut amené JFK après la fusillade. 48h avant de mourir
d'une embolie pulmonaire consécutive à un cancer généralisé, Jack Ruby
confie discrètement une lettre à Al Madox, un ancien policier de Dallas.
«Quand j'ai serré la main de Jack Ruby, il transpirait, et dans le creux de sa main
il y avait ce papier, je l'ai gardé sur moi», précise Madox qui aura gardé ce
papier pendant plus de trente ans. Dans cette lettre, Jack Ruby écrit que
son but était d'empêcher Oswald de parler. Autrement dit de l'empêcher
de dénoncer ses éventuels complices315 •

*
* *

Laurent Joffrin, Paris, Éditions Omnibus, 2011, p. 455-456.


314. Interview d'O. Stone par A. Rattansi, op. cit.
315. William Reymond & Bernard Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot», reportage,
Canal +, Films INC, Zeta Productions, 2003.
264 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Dans une autre interview donnée en 2021 au magazine français Paris


Match, Oliver Stone apporte quelques éclaircissements à propos de ce qui
se serait déroulé à l'hôpital Park.land juste après la fusillade d'Elm Street :
« [ ... ] selon quarante personnes ayant vu le cadavre de JFK à l'hôpital Parkland
juste après l'assassinat, les photos officielles présentées ne lui correspondent pas,
ce qui signifie qu'elles ont été trafiquées. Quarante personnes! Toutes affirment
avoir vu une plaie béante à l'arrière du crâne, provoquée par une balle venant de
l'avant et non pas de l'arrière. Cela remet en question la thèse du tueur solitaire,
Lee Harvey Oswald, posté en haut d'un dépôt de livres situé derrière la voiture du
Président. [... ]Ce sont les membres de la commission ARRB (Assassination Re-
cords Review Board) qui ont levé le lièvre, en particulier l'un d'entre eux, Dou-
glas Horne, qui témoigne avec une précision exemplaire dans le documentaire.
Il explique que l'autopsie a été 'maquillée' et que John Stringer, le photographe
officiel censé avoir pris les clichés du cerveau de JFK qui figurent au dossier, n'a
pas reconnu les images qu'on lui présentait, ni même le type de pellicule employé
[... ]. De là, les enquêteurs, intrigués, ont cherché à approcher le docteur Burkley,
qui avait tout vu et avait signé le certificat de décès. Il a accepté de collaborer dans
un premier temps avant de changer d'avis. Après son décès, sa fille a fait exacte-
ment pareil. Et ce médecin n'est pas le seul. Nous évoquons aussi le docteur Perry
qui, des années après la tragédie, a confié à l'un de ses amis qu'il était 'absolument
convaincu' que la blessure à la gorge provenait d'une balle entrante, donc venant
de face. Il a commencé par témoigner en ce sens avant de dire l'inverse316 [ ... ]. »
Faisant écho à cette version surprenante, on notera les clichés de l'autopsie
de JFK. On découvre certaines images du Président avec un crâne prati-
quement intact alors que le fameux film d'Abraham Zapruder, enregistré
lors des coups de feu, montre bien l'éclatement de la tête de Kennedy.

L'un des premiers à avoir mené une contre-enquête sérieuse sur l'as-
sassinat de JFK est David Lifton. En 1966, sur la base d'un rapport du FBI,
il repère les observations de plusieurs médecins présents lors de la tenta-
tive pour sauver Kennedy et ensuite de l'autopsie de son corps. Le rapport
note une trachéotomie ainsi qu'une intervention chirurgicale sur le haut
du crâne. La trachéotomie était connue, mais pas la seconde opération. Se
basant sur les témoignages de ce rapport, Lifton conclut que pendant les
six heures écoulées entre la fusillade et l'autopsie de Kennedy à l'hôpital
Bethesda de Washington, le corps du Président aurait été intercepté pour
maquiller ses blessures. Lifton va produire des preuves indiscutables selon
lesquelles deux ambulances et deux cercueils ont été utilisés pour trans-
porter le corps de Kennedy jusqu'à Washington. D'après Lifton, le cercueil
en bronze chargé dans l'avion présidentiel, Air Force One, à destination
de Washington, était vide bien qu'il fût accompagné par Jackie Kennedy
et par Lyndon Johnson. À l'appui de cette thèse, le personnel de l'hôpital
Bethesda a confirmé que le corps du Président était arrivé dans un cer-
cueil en métal ordinaire. Suivant cette idée, Lifton pense qu'au plus haut
316. «C'est la CIAqui a tiré sur Kennedy», Interview d'O. Stone par O. O'Mahony, op. cit.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 265

niveau, il fut décidé de dérouter le corps vers un hôpital militaire pour lui
faire subir le maquillage de ses blessures. Le crâne a été «modifié» par des
chirurgiens afin de masquer le point d'entrée de la balle tirée de face qui fit
éclater le crâne du Président. La première balle (dans le cou) provenait de
derrière, mais le coup fatal fut tiré de devant. Le maquillage du corps de
JFK aura permis de déjouer l'implication de plusieurs tireurs, donc d'un
complot3 17 •

En 2003, «JFK, l'autopsie d'un complot», l'excellent reportage de


William Reymond et de Bernard Nicolas, apporte probablement des ré-
ponses à ces questions. En 1963, John Liggett est embaumeur au cimetière
de Prestand à Dallas. C'est l'un des meilleurs spécialistes de la reconsti-
tution des visages abîmés. Sa femme Lois se souvient de ce 22 novembre
1963. John et elle se trouvaient au cimetière pour y enterrer une tante. Lois
mentionne que : «John a reçu un message d'un collègue des pompes funèbres. Il
lui a dit qu'on avait tiré sur le Président et qu'on avait besoin de lui, alors il a dû
partir. Je ne l'ai pas vu pendant 24h. Lorsqu'il est revenu à la maison, il est rentré
et a dit : 'Je veux que tout le monde se prépare, on quitte la ville!'». Debbie, la
fille de Lois, qui avait 12 ans à l'époque, se souvient de ce départ précipité
vers San Antonio, à 800 km de Dallas, ainsi que leur installation dans un
motel : «John s'est assis au bord du lit et regardait la télé. Il fumait cigarette sur
cigarette. John regardait les informations lorsqu'Oswald a été tué par Ruby et
soudain, il est apparu très soulagé. Et il a dit 'On peut rentrer à la maison main-
tenant'». John avait-il peur que fût dévoilée sa participation au maquillage
de la tête du Président? Il n'en parlera jamais. Pourtant, en fouillant dans
sa vie d'avant, on lui découvre un passé de tueur. Après plusieurs assassi-
nats, Liggett sera abattu lors d'une tentative d'évasion en 1975. Avant son
inhumation, sa seconde femme vient reconnaître le corps. Or ce qu'elle dé-
couvre dans le cercueil n'est absolument pas le corps de John Liggett! Les
hommes présents lui font alors comprendre de laisser tomber. La femme
de Liggett fut suffisamment intelligente pour suivre ces conseils318 •
A la fin des années 1990, Lois, l'ancienne femme de Liggett, voyage
dans le Nevada et passe par le célèbre casino le« Horseshoe » de Las Vegas.
Elle explique : «J'ai vu un homme de dos qui ressemblait exactement à John
Liggett. Puis, il s'est retourné, m'a regardée, et il a demandé à un employé de faire
sortir les gens qui étaient derrière lui, c'est-à-dire moi et mes petits-enfants. C'est
la dernière fois que j'ai eu un contact avec lui et je reste convaincue que c'était
vraiment John.» Étrange destin que celui de cet homme qui aurait réparé le
visage de JFK pour dissimuler la trajectoire de la deuxième balle319 • Proba-
blement couvert par des agences de renseignement, on lui aura fabriqué
une fausse mort, donné une nouvelle identité, et il aurait trouvé refuge à
Las Vegas ...

317. «Le contrat Kennedy», Magazine Facteur X, n° 8, 1997, p. 198-199.


318. Reymond & Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot», op. cit.
319. Ibidem.
266 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

*
* *

Étant Vice-président, Lyndon Johnson est le successeur du Président


naturellement désigné par la Constitution des États-Unis. Dès l'arrivée de
JFK à l'hôpital Parkland, le vice-président Johnson est mis au secret et pro-
tégé par les services secrets qui l'emmènent à l'abri dans l'avion présiden-
tiel, Air Force One.
Qui est cet homme dont nous avons évoqué le nom plusieurs fois
en détaillant l'histoire de Robert B. Anderson? En plus d'être un très bon
ami d' Anderson, Lyndon Johnson fait partie d'un réseau de riches familles
texanes. Son ascension dans le monde de la politique est entourée de mys-
tères et de corruptions. En 1948, il est soupçonné d'avoir triché lors de sa
nomination au Sénat. Il s'en sortira en engageant l'avocat Abraham For-
tas, lequel sera contraint de démissionner de la Cour suprême des États-
Unis en 1969 pour avoir accepté de recevoir une pension annuelle à vie de
20000 dollars de la part d'un de ses clients.

Dépeint comme un homme ambitieux, mafieux et colérique, Lyn-


don Johnson ne rigole pas! Son homme de main et associé, Billie Sol Estes,
aura largement détaillé le personnage Johnson, particulièrement dans
les années 1980, mais aussi dans les années 2000 grâce à l'auteur français
William Reymond. Johnson s'était constitué un réseau de généreux dona-
teurs texans. Parmi eux se trouvait Billie Sol Estes, un homme d'affaires et
financier américain qui a construit son empire personnel de 150 millions
de dollars à partir d'entreprises agricoles réelles et illusoires, l'ensemble
ayant été capitalisé grâce à ses contacts à Washington et la crédulité d' agri-
culteurs et de banques. Lui et tant d'autres seront utilisés comme «porte-
valises » pour Lyndon Johnson. Le but était de transférer chaque semaine
des sommes d'argent de plusieurs centaines de milliers de dollars en cash.
À l'époque, Billie rencontrait Johnson dans les aéroports pour lui apporter
de l'argent liquide. Cliff Carter, l'assistant de Johnson, faisait partie d'un
des maillons du réseau de corruption environnant Lyndon Johnson; Cliff
Carter avait mis en place le réseau politique de Johnson. C'est lui qui fai-
sait la connexion entre Johnson et les financiers texans. C'est encore lui qui,
à la fin des années 1940, aura repéré un étudiant du nom de Malcom Eve-
rett Wallace. Ce dernier ne quittera plus le réseau mafieux de Johnson : il
deviendra rapidement le premier liquidateur de son réseau. Retenez bien
son nom ...
En 1961, Johnson, alors vice-président de Kennedy, risquait d'être
rattrapé par ses affaires texanes sur lesquelles travaillait Robert Kennedy.
Depuis un moment, le frère de JFK traquait ce réseau réputé pour éliminer
les gêneurs. Robert Kennedy dira de Lyndon Johnson : «Johnson, voyez-
vous, il raconte à n'importe qui des histoires sur tout le monde; et cela est bien
sûr dangereux. Il n'a aucune estime pour une foule de gens. Et il engueule tout le
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 267

temps ses collaborateurs; il les traite d'une manière épouvantable. Il est tout sim-
plement vache, d'une vacherie rare. [... ]Les rapports que j'ai eus avec lui depuis
m'ont montré qu'il passe son temps à mentir. Je vous assure, il ment continuelle-
ment. Dans chaque conversation que j'ai avec lui, il ment. Il ment même si ce n'est
pas u ti le320• »

De plus, des bruits couraient que le président Kennedy souhaitait


se séparer de Johnson pour les prochaines élections présidentielles. En
1963, JFK menaçait également de supprimer les avantages fiscaux dont
bénéficient les producteurs de pétrole, une première dans l'histoire de la
Maison-Blanche. Rappelons que Lyndon Johnson était associé au puissant
milieu pétrolier texan hostile à Kennedy et dans lequel se trouvait Robert
B. Anderson. C'est alors que le réseau texan décida d'utiliser la «carte
Johnson». Acculé par les industriels auxquels il devait tout, menacé par la
justice avec quatre enquêtes criminelles sur le dos grâce à la persévérance
de Robert Kennedy, Lyndon Johnson se focalisa alors sur le bureau ovale ...
Pour lui, «la fin justifiait les moyens» ajoutera Billie Sol Estes. Les mafieux
texans voulaient simplement mettre leur homme à la Maison-Blanche. Se-
lon l'historien Tom Bowden, qui a regroupé une vaste manne d'informa-
tions sur l'assassinat de JFK, ce serait autour d'une table de poker que des
représentants de grandes familles texanes auraient décidé l'assassinat de
JFK : il y avait suffisamment de collusion entre les financiers de Johnson,
la police de Dallas et celui qui contrôlait le FBI, John Edgar Hoover. Ils ont
pu à la fois couvrir l'affaire et désigner le parfait coupable, à savoir Oswald
qui faisait partie de l'équipe de tueurs321 •

Mais Oswald n'était pas le seul impliqué dans l'opération. A-t-il


même eu le temps de tirer l'une des balles qui ont tué JFK? Une empreinte
anonyme avait été trouvée sur un des cartons situés contre la fenêtre du
5• étage du Texas Schools Books Depository, là d'où des coups de feu furent ti-
rés sur le cortège présidentiel. Jamais cet élément ne fut utilisé lors des en-
quêtes officielles. Cette empreinte portant le n° CE 656#29 va étrangement
dormir dans les archives de la Commission Warren, nommée par Lyndon
Johnson en qualité de nouveau Président. Que révèle cette empreinte dé-
couverte en 1998 par le policier Jay Harrison? Le FBI était censé s'occuper
de cette nouvelle pièce à conviction, mais aucune nouvelle depuis cette
date. En 2003, lors de l'enregistrement du reportage de William Reymond,
Nathan Darby, expert en empreintes digitales, va étudier cette empreinte
«à l'aveugle». Il déterminera que cette empreinte est accompagnée d'une
trace importante d'humidité, induisant à la fois que l'homme sur la scène
du crime avait transpiré et qu'il était extrêmement tendu. Nathan Darby
détectera une trentaine de points de comparaison entre cette empreinte
anonyme du 22 novembre 1963 (n° CE 656#29) et la fiche 639639/n° 6063

320. R. Kennedy, Témoignages pour /'Histoire, op. cit., p. 51 et 335.


321. Reymond & Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot», op. cit.
268 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

des fichiers gouvernementaux. Aux États-Unis, six points de comparai-


son suffisent pour envoyer un homme sur la chaise électrique. La fiche
639639/n° 6063 est celle de Malcom Everett Wallace qui n'est autre que le
meilleur tueur du réseau mafieux de Johnson agissant pour le compte du
lobby pétrolier texan322 !

74. Malcom Everett Wallace,


tueur du réseau mafieux
de Lyndon Johnson pour le
compte du lobby pétrolier
texan. Domaine public

Wallace travaillait déjà comme tueur à gages pour Lyndon Johnson


dans les années 1940. C'était un très bon tireur d'élite. La fiche 639639 /
n° 6063 provient de l'année 1951, moment où Wallace fut accusé du
meurtre de l'amant de la sœur de Lyndon Johnson ... Malcom Wallace sera
reconnu coupable, mais à l'étonnement général, seulement condamné à
cinq ans de prison avec sursis. Le juge était un ami proche de Johnson.
Malcom Everett Wallace serait officiellement mort le 7 janvier 1971 dans
un accident de voiture à Pittsburgh au Texas, mais des témoins prétendent
que Wallace n'était pas présent sur place à Pittsburgh en janvier 1971. Il
sera vu plus tard à Las Vegas au « Horseshoe » durant le championnat de
poker de 1979. Le même casino où sera aperçu John Liggett, l'embaumeur
qui a très probablement maquillé la tête de Kennedy 323 (voir plus haut) ...

322. Cette analyse sera contestée en 2013 par Robert Garrett et publiée dans l'ouvrage de Joan
Mellen, Faustian Bargains: Lyndon Johnson and Mac Wallace in the Robber Baron Culture of Texas,
New York, Bloomsbury Publishing, 2016. Cet ouvrage se donne bien du mal pour rejeter
la thèse de l'implication de Lyndon Johnson dans le meurtre de JFK, mais il a le mérite de
démontrer la corruption de Johnson depuis ses débuts en politique.
323. Reymond & Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot», op. cit., et William Reymond &
Billie Sol Estes, JFK, le dernier témoin, Paris, Éditions Flammarion, 2003, pages centrales.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 269

*
* *

Lorsque la mort de JFK est officialisée et Oswald arrêté, Lyndon


Johnson revendique son désir de prêter serment à l'aéroport de Love Field,
à bord de l'avion présidentiel, Air Force One. Contre l'avis des conseillers
de JFK qui préfèrent voir partir l'avion présidentiel sur-le-champ pour
qu'il se mette à l'abri d'un complot, Johnson veut rester et attendre Jackie
Kennedy: «/e n'irai nulle part sans elle!» dira-t-il. Quant à Jackie, elle ne
partira pas non plus sans le corps de son mari. Johnson insiste donc pour
attendre Jackie, souhaitant la voir bien présente à ses côtés lors de sa prise
de fonction. Sa légitimité personnelle doit être établie au plus vite aux yeux
du monde, mieux encore, Johnson souhaite prévenir toute polémique et se
garantir le soutien des Kennedy. Il se rend immédiatement dans la cabine
privée du Président pour appeler le Procureur général, Robert Kennedy,
frère de JFK. Son objectif est de lui demander s'il doit prêter serment sur le
champ et quels sont les mots à prononcer. Choqué par l'annonce de la mort
de son frère reçue quelques minutes auparavant, Robert lui répond qu'il
se renseigné tout en lui promettant de le rappeler. Aucun enregistrement
n'existe sur cette discussion. Les deux hommes fourniront deux versions
différentes : Johnson dira que Kennedy lui a demandé de prêter serment à
Dallas, ce que démentira Robert Kennedy avec force.
Pendant ce temps, une altercation survient avec le médecin légiste
de l'hôpital Park.land. Les lois du Texas interdisent la levée d'un corps sans
autorisation et le légiste compte bien procéder à l'autopsie. Il n'obtiendra
pas gain de cause. Nous avons vu plus haut qu'il existe une polémique
concernant le corps de JFK. Il aura vraisemblablement été décidé de dérou-
ter le corps de JFK vers un hôpital militaire pour lui faire subir le maquil-
lage de ses blessures par John Liggett, l'embaumeur embauché en urgence.
Dans quel cercueil se trouvait JFK? Probablement pas dans celui qui est
avec Jacquie Kennedy, encore sonnée au moment où elle rejoint l' Air Force
One. Jackie Kennedy sait-elle que le corps de son mari n'est pas dans le
cercueil qu'elle accompagne? Probablement pas. Son apparence abattue,
voire défaillante sur les différents clichés pris lors de l'investiture résulte
d'un autre problème.
Jackie Kennedy embarque dans l'avion présidentiel à 14h 14. Sou-
haitant s'isoler rapidement, elle se dirige vers la cabine présidentielle. En
ouvrant la porte, elle se retrouve nez à nez avec Johnson, allongé tran-
quillement sur le lit du Président, sans veste324 • Cet incident embarrassant
confirme au clan Kennedy la volonté de Johnson de reprendre rapidement
le rôle de son prédécesseur ou pire encore.

Déterminé et calme, Johnson va alors se livrer à une mise en scène

324. Robert A. Caro, The Years of Lyndon Johnson: The Passage of Power, New York, Alfred A.
Knop Publishing, 2012, p. 330.
270 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

digne d'un film d'Hitchcock. Le scénario est tellement bien huilé que c'est
à se demander si Johnson improvise ... Notre homme souhaite montrer à
la nation entière que son nouveau Président est entré en fonction. Pour
cela, il fait appeler la Presse et va demander au photographe de la Maison-
Blanche, Cecil Stoughton, d'immortaliser l'événement. Tel un véritable
metteur en scène, Johnson commande à Stoughton de faire rentrer le plus
de monde possible dans le cadre. Les agents du Secret Service, les conseil-
lers de Kennedy, les assistants et secrétaires de Lyndon Johnson - soit près
d'une trentaine de personnes - tous se retrouvent agglutinés autour de lui
dans un espace de vingt-cinq mètres carrés. Il ne doit manquer aucun dé-
tail. Il est important que des témoins du clan Kennedy apparaissent sur les
clichés. Johnson exige donc la présence des deux secrétaires de Jackie ainsi
que le conseiller militaire et la secrétaire de JFK. Il ne manque plus qu'une
seule personne : Jackie Kennedy que Johnson fait illico envoyer chercher
dans la cabine présidentielle. Elle se présentera à sa gauche, la femme de
Johnson, Lady Bird Johnson, étant à la droite de ce demier325 •
Jackie porte encore son tailleur rose, taché du sang de son mari,
qu'elle n'a pas voulu quitter : «Je veux qu'ils voient ce qu'ils ont fait à Jack3 26 »,
lancera-t-elle. L'équipe présidentielle vient de déplacer deux rangées de
sièges dans le compartiment arrière de l'avion présidentiel pour pouvoir
installer le cercueil. Dans le compartiment central d' Air Force One, Johnson
s'apprête à prêter serment, non pas sur une Bible, car aucune ne se trouve
dans l'avion, mais sur un missel trouvé dans l'un des tiroirs de Kennedy.
Johnson est investi par la juge fédérale Sarah T. Hugues, une amie à lui.
Johnson dira : «Je ferai tout mon possible pour préserver, pour protéger et dé-
fendre la Constitution des États-Unis. Que Dieu me vienne en aide.»

325. Ibidem, p. 333-336.


326. «Jack» est le surnom qui était souvent donné à John F. Kennedy. Dans le monde
anglophone, de nombreuses personnes portant le prénom «John» sont surnommées «Jack»,
lequel vient de Jankin qui voulait dire «petit John» au Moyen-Âge.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 271

75. Lyndon B.
Johnson prête
serment dans Air
Force One à 14h38, à
peine plus de deux
heures après les
coups de feu qui ont
tué JFK. La mise en
scène voulue par
Johnson est parfaite!
Cecil Stoughton,
White House,
domaine public

76. Soulagement
après l'investiture.
Albert Thomas
(debout à gauche),
membre de la
Chambre des
représentants des
États-Unis du Texas
et membre du Comité
mixte sur l'énergie
atomique, reste pensif
et cherchera plusieurs
fois du regard son
ami Johnson.
Cecil Stoughton,
White House,
domaine public

77. Johnson et sa
femme Lady Bird
réconfortent Jackie
Kennedy. Le doute
le plus complet
plane dans la tête de
l'épouse de JFK. C'est
sans doute ici que
Lady Bird Johnson
dira en colère à
Jackie:« Vous savez
que nous ne voulions
pas devenir vice-
président ! »
Cecil Stoughton,
White House,
domaine public
272 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

78. Albert Thomas fait


un clin d'œil très mal
venu à son ami dans ce
cliché longtemps non
publié par la Maison-
Blanche. Lyndon
Johnson a gagné, il est
enfin Président! Billie Sol
Estes, l'homme de main
et associé de Johnson,
se trouve à !'extrême
droite, au fond, sur tous
les clichés reconnaissable
avec ses lunettes. C'est
lui qui balancera Lyndon
Johnson des années
plus tard ...
Cecil Stoughton, White
House, domaine public

Une fois la ceremonie terminée, le nouveau Président lancera :


«Maintenant, en route!». Air Force One est divisé en trois compartiments,
précise Robert A. Caro, le biographe de Lyndon Johnson. Dans le premier,
placé juste derrière le cockpit, les femmes se sont regroupées et sont assises
en pleurs auprès des agents du Secret Service et des membres de l'entou-
rage de JFK qui font de leur mieux pour retenir leurs larmes 327 • Dans le
compartiment du milieu se trouvent Lyndon Johnson, sa femme, ses assis-
tants et quelques proches. Jackie Kennedy restera seule dans le comparti-
ment arrière, prostrée derrière le cercueil, sans dire un mot.

Des années plus tard, Robert Kennedy dira à propos de ces événe-
ments et des jours qui suivirent:« Quatre ou cinq incidents se sont en effet pro-
duits durant la période du 22 novembre aux environs du 27, et qui m'ont inspiré
de l'amertume à l'égard de Lyndon Johnson, ou tout du moins, rendu malheureux.
Je pense par exemple à la façon dont ma belle-sœur Jackie a été traitée pendant
le voyage de retour à Washington par avion et à ce genre de choses. [... ] nous
avons subi l'épreuve de ce voyage de retour à Washington en la compagnie de ce
personnage, qui a recommencé à mentir, qui a traité ma belle-sœur d'une manière
abominable, qui a [le passage a été volontairement expurgé par les éditeurs]
[... ].Ensuite Johnson est venu à la Maison-Blanche le samedi matin à neuf heures
et il a commencé à faire enlever toutes les affaires de mon frère. Alors j'y suis allé
et je lui ai demandé d'attendre le lendemain ou le surlendemain. Puis Johnson a
tenu à prononcer le message sur l'état de l'Union le mardi, le lendemain des funé-
railles. Ensuite, il a demandé à me voir, car Sargent Shriver avait dit à Bill Moyers
que je n'étais pas content. Je suis donc passé le voir avant que Jackie ne quitte la
Maison-Blanche et je me suis entendu dire : 'Vos amis racontent des histoires sur
mon compte!' ou quelque chose de ce genre.[ ... ] Après le 22novembre1963, il n'a
327. Caro, The Years of Lyndon Johnson: The Passage of Power, op. cit., introduction, p. IX.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 273

plus eu besoin de cacher ses sentiments et de tenir compte de moi. Et le président


Johnson avait un intérêt évident à cet état de choses 328• »

Oliver Stone, grand spécialiste du dossier «L'assassinat de JFK »


explique à son tour : «La première chose que fait Lyndon B. Johnson, le nou-
veau Président, est de désigner la Commission Warren, chargée de l'enquête sur
l'assassinat. Parmi ses membres, Allen Dulles, ex-directeur de la CIA. Viré par
JFK après le fiasco de la baie des Cochons, il avait toutes les raisons de le haïr
[... ]. Je note que Lyndon Johnson a fait l'inverse de JFK. Il a conforté la CIA et
augmenté l'engagement américain au Vietnam. Il n'a rien fait pour lutter contre
le colonialisme, auquel Kennedy s'opposait. C'est aussi cette vérité que j'ai voulu
rétablir: tout le monde prétend que JFK a lancé la guerre au Vietnam; c'est faux,
il voulait rapatrier les conseillers militaires [... ]. Tout ce qu'avait fait Kennedy, les
droits civiques mis à part, a été renversé par Johnson ... Johnson a fait un virage à
1800329. »
Dès sa nomination comme nouveau Président, Lyndon Johnson va
annuler le projet de loi de John Kennedy visant à supprimer les réductions
d'impôts dont bénéficiaient les producteurs de pétrole. Il va bien entendu
classer les quatre enquêtes criminelles qu'il avait sur le dos. La présence de
Lyndon Johnson va tout changer dans la géopolitique mondiale à partir de
1964. Johnson va intensifier l'implication américaine en Asie du Sud-Est,
ce qui va nécessairement permettre à Israël de renforcer ses positions dans
la géopolitique du Moyen-Orient. Les contrôles de l'équipe américaine à
la centrale nucléaire Dimona vont d'un coup s'assouplir. Dimona ne sera
donc plus jamais un problème, et Israël aura le loisir de faire tous ses essais
sans être ennuyé.

Les liens de Johnson avec Israël sont très connus. Ils existaient bien
avant qu'il ne succède à JFK. Deux de ses plus proches conseillers, les
avocats Edward L. Weisl Sr. et Abraham Fortas - même s'ils ne sont pas
spécialement pratiquants -, remarque Seymour M. Hersh, se sentent pro-
fondément concernés par la sécurité d'Israël. Johnson possède des liens
affectifs avec Israël et il est persuadé que les armes soviétiques envoyées
en Égypte modifient les rapports de forces au Moyen-Orient. Dès sa nomi-
nation, Johnson sera le premier président américain à fournir des armes
offensives à l'État hébreu et le premier à s'engager officiellement pour la
défense d'Israël330 •
On se souvient qu'en 1948, l'ami et conseiller de Johnson, Abraham
Fortas, avait sorti Johnson d'une terrible pagaille puisqu'il était soup-
çonné d'avoir triché lors de sa nomination au Sénat. Ce même Fortas sera
contraint de démissionner de la Cour suprême des États-Unis en 1969
pour avoir accepté de recevoir une pension annuelle à vie de 20 000 dol-

328. R. Kennedy, Témoignages pour /'Histoire, op. cit., p. 122, 328 et 334.
329. Interview d'O. Stone par O. O'Mahony, op. cit.
330. Hersh, Opération Samson: comment Israël a acquis la bombe atomique, op. cit., p. 135 et 137.
274 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

lars de la part d'un de ses clients. Johnson connaît également très bien
Abraham Feinberg, le fameux homme d'affaires millionnaire qui, accom-
pagné d'une vingtaine de businessmen - dont Zecharia Sitchin - avait pro-
posé 500000 dollars à Kennedy s'il leur laissait le contrôle de la politique
au Proche-Orient. Feinberg n'est pas seulement réputé pour collecter des
fonds à destination d'Israël et pour avoir soudoyé JFK, il fait aussi partie
des millionnaires qui ont réuni de l'argent lors de la campagne fraudu-
leuse de Johnson pour entrer au Sénat en 1948 ...

L'auteur Victor Kuperminc met les pieds dans le plat dans un article
publié en 2016, où il relève un élément peu connu : «La question est posée.
Lyndon Baines Johnson était-il d'origine juive? On sait que ses aïeuls du côté ma-
ternel, les Huffman, des juifs allemands, émigrèrent vers le Maryland aux cours
du XIX' siècle. La grand-mère de Lyndon, Ruth Ament Huffman épousa Joseph
Baines. Leur fille, Rebecca Baines, épousa Samuel Johnson; et leur fils est Lyndon
B. Johnson. La filiation matrilinéaire de l'arbre généalogique des Johnson peut être
tracée depuis trois générations. En principe, d'après la Loi ancestrale, cela devrait
suffire pour affirmer que, oui, Lyndon Baines Johnson fut le premier président juif
des États-Unis - et le seul jusqu'à présent331• »

Quant à la Commission Warren commandée par Johnson juste après


l'assassinat de Kennedy, elle sera une véritable fumisterie uniquement
destinée à endormir le public et à valider la thèse d'Oswald comme tireur
unique. On sait aujourd'hui que ce rapport, sur un total de 16000 pages -
omettant nombre de pièces à conviction comme l'empreinte du tueur de
Johnson, Malcom Everett Wallace, dit « MacWallace » -, ne viendra pas à
bout des thèses de complot mettant en exergue l'implication de la CIA, de
l'extrême droite texane, des pétroliers texans, d'une mission commanditée
par Israël et même de Lyndon Johnson ...
Mais le véritable coup de massue se trouve dans les recherches de
William Reymond effectuées entre 1997 et 2003. Depuis les années 1960,
Billie Sol Estes, l'ancien associé et homme de main de Lyndon Johnson,
va enregistrer systématiquement toutes les conversations qu'il aura avec
le réseau texan. De 1965 à 1971, il purgea une peine de prison pour hypo-
thèques frauduleuses sur des réservoirs d'ammoniac. Concrètement, Lyn-
don Johnson l'avait lâché ... En août 1971, près d'un mois après la sortie
de prison de Billie Sol, Cliff Carter, l'ancien assistant de Lyndon Johnson,
le contacte pour le rencontrer. Carter interroge Billie pour savoir s'il pos-
sède toujours ses enregistrements, seule façon pour ce dernier de garantir
sa vie. Billie le lui confirme. Carter lui demande alors d'enregistrer leur
discussion. Dans cet enregistrement, Cliff Carter va évoquer l'assassinat
de JFK pendant près de 30 minutes. Cliff est vieux à cette époque, à la fois
triste et déprimé, il souhaite juste en parler pour soulager sa conscience.

331. Victor Kuperminc, «Un président américain juif?», TJ lnfo, «La Tribune Juive»,
tribunejuive.info du 7 novembre 2016.
LE DOSSIER JOHN F. KENNEDY 275

Cliff déplore avoir vécu cette vie et d'avoir été obligé de couvrir Johnson
des années durant. Carter avait dû quitter le parti démocrate en 1966, rat-
trapé par ses méthodes de levée de fonds pour Johnson. Lui aussi fut lâché
par le successeur de Kennedy. Dans cet enregistrement, Carter exprime le
fait que Johnson devenait paranoïaque. Il dit regretter avoir aidé Johnson
pendant des années dans quantités de meurtres dont celui de JFK : ses mots
exacts sont «Lyndon n'aurait pas dû donner à Mac l'ordre de tuer le Président
[ ... ].»Cliff Carter va mourir 36 heures après cet enregistrement. Officielle-
ment d'une pneumonie foudroyante, d'après le clan Johnson qui aura pris
en charge ses funérailles. Pourtant la secrétaire de Carter contredira cette
version puisqu'elle affirmera que son corps avait été découvert sans vie
dans un motel minable de Virginie332 ••• Billie Sol Estes sera retrouvé mort
dans son sommeil chez lui à Grandbury, au Texas, le 14 mai 2013. Il était
âgé de 88 ans.

Tous les dossiers concernant l'assassinat de JFK devaient être ren-


dus publics en 2017. L'administration Trump aura tout de même publié
3000 dossiers, mais une grande majorité fut bloquée sous la pression de la
CIA et du FBI, sous prétexte que ces documents révélaient des secrets de
Sécurité nationale encore trop sensibles pour être divulgués. Le président
américain Joe Biden, à son tour, aura réussi à reporter jusqu'en automne
2021 la déclassification d'une autre partie des archives secrètes liées à l'as-
sassinat de JFK. D'autres archives doivent être rendues publiques d'ici le
15 décembre 2022. À l'heure où cet ouvrage part sous presse, nous savons
déjà que près de 15 000 documents liés à cet assassinat resteront classés
dans une bibliothèque sécurisée gérée par les Archives dans la banlieue
du Maryland à Washington, DC. D'après le journaliste et auteur Philip
Shenon, beaucoup de ces dossiers impliquent des opérations de rensei-
gnement des années 1960et1970. Certains d'entre eux risqueraient d'iden-
tifier des informateurs du gouvernement qui sont toujours en vie333 • Leur
sécurité, ou même celle de leur famille pourrait être en danger s'ils sont
nommés publiquement, raison pour laquelle la CIA et le FBI font pression
pour que toutes ces informations restent classifiées pour très longtemps
encore. Cela ne fait qu'envenimer les thèses de complot les plus folles.
Certaines familles ne savent parfois même pas qu'un de leur proche
est, ou a été, un agent des services secrets, de la CIA, du FBI ou du Mos-
sad et autres services de renseignement. Généralement, un agent ne laisse
jamais de trace ou très peu d'indices. C'est ce que nous allons vérifier dès
à présent ...

332. Reymond & Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot», ap. cit., et Reymond & Sol Estes,
JFK, le dernier témoin, op. cit., p. 362-368.
333. Philip Shenon, « What's Missingfrom the New JFK Document Realease», Politico Magazine du
15 décembre 2021.
V
Ne surtout laisser aucune trace

1. Robert B. Anderson : entre l'Interser et la CIA

Après son implication dans la politique du Moyen-Orient avec ses


nombreuses tentatives de conciliation entre Ben Gourion et Gamal Nasser,
Robert B. Anderson revint une fois de plus aux affaires privées. Depuis
le mois d'août 1955, il était toujours président de Ventures, Limited, une
société minière canadienne assez nébuleuse ayant des bureaux à Toronto
et à New York. Cependant, le gouvernement étasunien souhaitait encore
garder près de lui cet homme «au secret» et le rappela pour rejoindre l' ad-
ministration Eisenhower en juillet 1957 en tant que secrétaire au Trésor. Il
resta à ce poste pour le reste de la présidence d'Eisenhower. Quelle ironie
lorsqu'on se remémore qu' Anderson s'était chargé, à la fin del' année 1945,
de récupérer le trésor japonais et de créer des dépôts clandestins sous le
nom de Black Eagle Trust. Rappelons que l'or japonais est devenu la pierre
angulaire des Fonds Black Eagle; ce trésor aura servi à financer de nom-
breuses opérations secrètes du renseignement américain ainsi que des opé-
rations occultes lors de la guerre froide.

À l'approche des années 1960, Eisenhower reconnaissait que Nixon


avait probablement la nomination présidentielle républicaine dans la
poche, mais il poussa en privé Robert B. Anderson à entrer dans les pri-
maires et à défier Nixon. Étant un peu «l'homme à tout faire» des Prési-
dents, Anderson aimait trop sa liberté et l'argent; il savait aussi très bien
ce qu'impliquerait dans sa vie une telle responsabilité. Il refusa donc l'idée
de devenir président des États-Unis. Une fois Nixon nommé, Eisenhower
lui suggéra de choisir Anderson comme colistier, mais Nixon lui préféra
plutôt Henry Cabot Lodge Jr.
En janvier 1961, Robert B. Anderson s'installa à New York où il de-
278 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

vint un spécialiste de l'investissement international. Cependant, il conti-


nua à servir les successeurs du président Eisenhower, comme John F. Ken-
nedy et Lyndon Johnson, dans une variété de «postes très spéciaux» ...

*
* *

l, Rockefeller Plaza, au cœur de Midtown Manhattan. À quelques


pas d'ici, au début des années 1940, se trouvait l'OCI, l' «Office of the Coor-
dination of Information» qui devint l'OSS, puis la CIA. Vingt ans après, la
CIA possède encore quelques bureaux à cet endroit. Ce secteur est le plus
grand quartier central des affaires au monde. Il est réputé pour aider qui-
conque à devenir riche rapidement ... Dans quelques années, l'interconti-
nental Trailsea Corporation - la future entreprise d' Anderson, Sitchin et
Charchat - se trouvera aussi à quelques pas, au 50, Rockefeller Plaza. Mais
lors de sa création en janvier 1967, l'adresse sur les documents de l'inter-
continental Trailsea Corporation indique le 1, Rockefeller Plaza.
En 1962, le 1, Rockefeller Plaza accueille une société-écran de la CIA
baptisée lnterser. Ils' agit officiellement d'un simple groupe de conseil spé-
cialisé dans l'aide aux grandes entreprises américaines concernant leurs
affaires au Moyen-Orient. Aucune véritable information n'avait réussi à
fui ter sur cette société avant que ne sorte l'ouvrage d'Anne E. Tazewell, A
Good Spy Leaves No Trace («Un bon espion ne laisse aucune trace 334 ») et
un article du journaliste Jim Hoagland, publié en 1975. Le père d'Anne E.
Tazewell, James M. Eichelberger, était un homme enveloppé de mystère,
officiellement un écrivain, philosophe et officier du renseignement décoré
de la Seconde Guerre mondiale, mais surtout un agent de la CIA et un
consultant de l'industrie pétrolière. Après avoir quitté sa famille à Bey-
routh, au Liban, lorsqu'elle avait six ans, Anne E. Tazewell n'a vu son père
que sept fois avant sa mort en 1989.
Les individus impliqués chez lnterser ne sont pas n'importe qui,
précise Tazewell. S'y trouvent Miles Copeland, le super agent de la CIA et
ami de Gamal Nasser, James Eichelberger, le père d'Anne et ancien agent
de la CIA au Caire, le super espion Kim Roosevelt, petit-fils de Theodore
Roosevelt (26e président des États-Unis entre 1901et1909), Jack McCrane,
le «dépanneur de la CIA» et homme d'affaires ainsi que notre agent pré-
féré: Robert B. Anderson335 . En qualité d'homme de main des Présidents,
Anderson possède un ensemble impressionnant de relations qui va aider
le groupe de conseil. Il s'entoure d'hommes possédant certains critères de
« bancabilité », le mot préféré de Robert B. Anderson d'après Miles Co-
pland336. Tous ces hommes font partie de ce groupe dans l'unique intention

334. Anne E. Tazewell, A Good Spy Leaves No Trace, Chapitre 8: «Shifting Sands», Omaha
(Nebraska), WriteLife Publishing, 2021.
335. Ibidem.
336. Miles Copland, The Game of Nations - The Amorality of Power Poli tics, New York, Simon &
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 279

de s'enrichir rapidement. Robert B. Anderson l'est déjà depuis bien long-


temps, mais son besoin de richesse ne le quittera jamais jusqu'à sa mort.

La CIA et de nombreux services de renseignement utilisent depuis


longtemps des couvertures commerciales et des relations avec les entre-
prises locales au Moyen-Orient. «Petites agences de voyages, cabinets de conseil
en investissement et entreprises en import-export» comptent parmi les nom-
breux refuges qui sont développés à Beyrouth, la capitale du Liban. L'im-
plication active d'agents dans le monde des affaires du Moyen-Orient est
devenue une véritable nécessité. Le spectre de l'étranglement économique
du fait d'embargos pétroliers et plus encore de hausses de prix devient
l'une des préoccupations prioritaires des États-Unis et de leurs agents. Dé-
sormais, espionnage et négociations au Moyen-Orient impliquent de très
grosses sommes d'argent à des fins qui restent souvent opaques. L'endroit
où l'argent finit dans les sociétés-écrans comme Interser est également soi-
gneusement masqué. Mais il est clair, précise Jim Hoagland du Washing-
ton Post, que certains fonctionnaires arabes et des hommes d'affaires en
relation avec la CIA sont «les récipiendaires d'un certain nombre de mannes
financières à travers la flambée des achats d'armes, d'équipements sensibles de
communication et même de personnel militaire par les producteurs de pétrole337 • »

79. Robert B.
Anderson. US
Federal Government,
domaine public

Schuster, 1969, p. 269.


337. Jim Hoagland, « Espionage, Profit Meet in the Shadows », The Washington Post du 17 sep-
tembre 1975.
280 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

La première fois que James M. Eichelberger (le père d'Anne E. Ta-


zewell) et Anderson se seront probablement croisés aura été en 1956 au
Caire, à l'époque où Eisenhower avait envoyé Anderson en Égypte pour
convaincre Nasser de signer le pacte de défense collective du Moyen-
Orient, un effort qui, comme nous l'avons vu, n'a pas abouti. Un autre
voyage secret au Moyen-Orient n'a pas non plus rencontré de succès. Ei-
senhower avait envoyé Anderson en Arabie Saoudite sur la suggestion de
la filiale pétrolière Enco des Rockefeller, future Exxon. Sa mission était de
convaincre le roi Saoud d'amener Nasser à renoncer à la nationalisation
des activités du canal de Suez. Si Saoud ne coopérait pas, les États-Unis
avaient de meilleures options que d'acheter son pétrole, l'énergie nucléaire
étant une nouvelle alternative au pétrole de l'Arabie saoudite338 .
Anderson dirige l'équipe d'Interser. Il est responsable d'un système
de quotas d'importation qui conduira involontairement à la formation de
l'OPEP et à l'augmentation subséquente de l'influence des producteurs
arabes de pétrole. En 1961, il n'y avait pas de meilleur candidat que Robert
B. Anderson pour faciliter les opportunités d'importation des États-Unis
auprès du gouvernement koweïtien. Ses différentes fonctions officielles ou
officieuses au sein des différentes administrations présidentielles depuis
1945 auront contribué à lui fournir toutes les solutions de contournement
d'un système de quotas d'importation qu'il a lui-même conçu. Dans le
plan de l'accord pétrolier koweïtien, Interser fait directement intervenir
plusieurs de ses membres comme Miles Copeland et James M. Eichelber-
ger, qui ont des contrats avec la compagnie pétrolière internationale Gulf
Oil. Au début des années 1960, ce petit pays est le plus grand exportateur
de pétrole au monde. Le Koweït vieht justement de rejoindre l'OPEP en
tant que membre fondateur pour aider à coordonner les politiques pétro-
lières339.

L'agent Miles Copeland avait débuté ses nouvelles fonctions par la


gestion d'un cabinet-conseil à Beyrouth en 1957. «Nous venions de commen-
cer tôt dans le domaine», avait-il précisé. Il a ensuite quitté l'entreprise après
son intégration dans la société Interser pour effectuer un travail similaire
auprès d' Anderson et de Kim Roosevelt, un ancien agent de la CIA qui
avait monté le coup d'État de 1953 ayant restauré le Shah d'Iran sur son
trône. Comme Robert B. Anderson, Kim Roosevelt sera par la suite profon-
dément impliqué dans des ventes d'armes aux pays du Moyen-Orient ...
Miles Copeland a rapporté en détail une conversion qu'il a dit avoir eue
avec Robert B. Anderson sur la création d'Interser à Beyrouth avec des
hommes d'affaires américains. Robert B. Anderson est régulièrement mis-
sionné au Moyen-Orient pour mener à bien de délicats dossiers politiques
et des missions par Eisenhower et, plus tard, par son ami et futur Président,
Lyndon B. Johnson; il séjourne souvent dans la région en tant que repré-

338. Tazewell, A Good Spy Leaves No Trace, op. cit.


339. Ibidem.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 281

sentant d'entreprises américaines cherchant à faire des affaires. Couvert


par les propos de son associé, Miles Copeland, Anderson aurait nié être le
propriétaire d'Interser. Pourtant, précise le journaliste Jim Hoagland, «Fa-
rouk /aber prétend que lui et Anderson sont amis. De plus, /aber et son partenaire
commercial, un banquier né en Arabie Saoudite et représentant des ventes nommé
Ghassan Shater, étaient tous deux des clients d'Interser ». Farouk Jaber ajoutera
également que ce n'est pas une coïncidence si au début des années 1970,
son groupe, Jaber-Shaker, commence à faire beaucoup d'affaires à Oman,
à peu près au même moment où Robert B. Anderson arrivera dans ce pays
stratégiquement situé dans le golfe Persique pour parler business avec le
Sultan Qabus ibn Saïd340 •••

En 1956, la Pacifie Western Oil Corporation, concessionnaire de


l'Arabie Saoudite, avait conclu un marché avec l' American Independent
Oil Compagny (Aminoil). Ce marché, validé et signé en 1960, consistait
en un accord de forage conjoint dans la zone neutre sise entre l'Arabie
saoudite et le Koweït, une sorte de no man's land qu'aucun pays ne contrô-
lait. Anne E. Tazewell se pose la question de savoir si Robert B. Anderson
- et par extension Interser - ne représentaient pas tous deux l' American
Independent Oil Compagny (Aminoil). Interser était normalement prévue
pour enrichir ses membres. Cela ne s'est pas produit, du moins pas pour
James M. Eichelberger, le père d'Anne E. Tazewell et associé d' Anderson.
Un jour, précise A. Tazewell, l'émir koweïtien Abdullah Hussain a présen-
té un chèque de 100000 dollars à son père pour les efforts d'Interser et lui a
demandé de le remettre à Robert B. Anderson, seul bénéficiaire du chèque.
Comme l'a indiqué Eichelberger à sa fille dans une lettre personnelle, il n'a
jamais vu·un malheureux centime de cet argent341 que Robert B. Anderson
aura probablement gardé pour lui seul.

En décembre 1962, le président John F. Kennedy avait nommé Ro-


bert B. Anderson au Comité pour le Renforcement de la Sécurité du Monde
libre, également connu sous le nom de Comité Clay. Ce comité avait pré-
paré un rapport sur les programmes d'aide militaire et économique342 •
C'est cette année-là que JFK autorisera la vente de missiles sol-air Hawk
à destination d'Israël contre une inspection américaine à Dimona. Ce ne
sera que le timide début d'une longue entente privilégiée dans laquelle
les États-Unis s'engageront à protéger l'État hébreu en lui fournissant des
armes. Anderson, habitué à rencontrer David Ben Gourion, se chargea per-
sonnellement de cette transaction et des suivantes sous la présidence de
Lyndon Johnson.

340. Hoagland, « Espionage, Profit Meet in the Shadows », op. cit.


341. Tazewell, A Good Spy Leaves No Trace, op. cit.
342. History.defense.gov: «Anderson», op. cit.
282 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

80. Robert B. Anderson et son ami, le Président Lyndon Johnson, en pleine discussion. Avec
Johnson au pouvoir, les affaires reprennent! US Federal Government, domaine public

En 1963, peu avant son assassinat, le président Kennedy avait éga-


lement nommé Anderson à un «poste spécial» du comité pour étudier le
programme d'aide étrangère américain. L'aide pour soutenir financière-
ment Israël fait aussi partie de ses attributions. C'est très probablement à
cette époque que Robert B. Anderson fera directement connaissance avec
Zecharia Sitchin, directeur exécutif de la Chambre américano-israélienne
de Commerce et d'industrie. Rappelons que notre agent israélien travaille
activement pour renflouer les caisses de son organisation et celles de l'État
hébreu. Anderson est le meilleur interlocuteur qui soit: tout ce qu'il touche
se transforme en argent!

On peut le dire sans se tromper, cette période est l'âge d'or de Ro-
bert B. Anderson. Protégé par son ami Lyndon Johnson et la CIA, il connaît
toutes les ficelles pour multiplier les millions. L'ère Johnson ouvre la voie
à la très discrète expédition d'armes et de matériels militaires à destination
d'Israël. L'État hébreu devient la principale source de dépense américaine
à l'étranger.
À la même époque, Robert B. Anderson poursuit ses multiples af-
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 283

faires en signant de nombreux contrats dans le monde entier. Ses intérêts


répertoriés à la bibliothèque Dwight D. Eisenhower concernent le pétrole,
les minéraux, l'immobilier, les services bancaires et le commerce à l'étran-
ger. Il existe aussi de nombreuses informations sur ses intérêts en Europe,
en Asie et au Moyen-Orient343 •

2. Zecharia Sitchin dans la tourmente du conflit israélo-palestinien :


la New York World's Fair de 1964-1965

L'Exposition universelle de 1964 doit contribuer à renflouer les


coffres de la ville de New York et de son État, mais aussi satisfaire les nom-
breux hommes d'affaires impliqués dans cet ambitieux projet. Cette expo-
sition universelle est aussi censée être la plus grande de toute l'Histoire.
Le maire de New York, Robert F. Wagner, et le gouverneur Nelson Rocke-
feller le souhaitent vraiment. Afin d'éviter tout débordement, les autori-
tés ont décidé de «nettoyer» la ville de New York et particulièrement les
alentours de l'exposition en empêchant les gens des ghettos de Harlem
de déambuler dans les rues. L'événement n'est pas non plus sans implica-
tion politique; la mort de Kennedy a déstabilisé tout le pays, la Maison-
Blanche a annoncé que le nouveau Président, Lyndon Johnson, assistera
aux festivités et prononcera un discours. Le monde entier a les yeux rivés
sur New York en ce mois d'avril 1964, et cette Exposition universelle a la
délicate mission de restaurer le prestige américain. Alors que l'événement
doit faire la une de toute la presse et attirer des millions de curieux prêts
à découvrir les pavillons d'une ère spatiale en pleine révolution, la vie
dans les ghettos de Harlem reste la même : chômage, immeubles en ruine,
crimes en tout genre, écoles publiques délabrées et brutalités policières qui
restent souvent impunies et non signalées.
Le 4 avril 1964, Louis Lomax, premier journaliste afro-américain,
et l'organisation CORE (Congress of Racial Equality) s'emparent de l'évé-
nement et annoncent conjointement un plan pour perturber l'Exposition
universelle le 22 avril à moins que New York ne règle immédiatement les
problèmes liés à la qualité de vie déplorable des ghettos. L'idée est de créer
des embouteillages monstres en demandant à 500 conducteurs de« tomber
en panne d'essence» ou de s'arrêter en chemin. Les menaces de blocage
des routes ruineraient les intérêts de l'Exposition universelle et font ainsi
monter la peur au sein de l'establishment politique libéral. Robert Moses,
l'architecte de New York et responsable de !'Exposition universelle, sug-
gère à son ami Jack Flynn, éditeur du Daily News, de supprimer définitive-
ment les immatriculation et assurance de tout conducteur dont la voiture
viendrait à caler le 22 avril... La pression monte, les membres du CORE
annoncent alors que non plus 500, mais 1800 chauffeurs ont promis de par-
ticiper à ce mouvement de protestation sur les routes avoisinant l'Exposi-
343. «Anderson», Dwight D. Eisenhower Presidential Library and Museum.
284 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

tion. Ils ont tellement de bénévoles, affirment-ils, qu'ils prévoient désor-


mais de faire bloquer différents ponts et tunnels autour de la ville et même
d'utiliser des piles de déchets et autres débris pour bloquer les rames du
métro. De toute façon, tout cela était désormais, à les en croire, hors de leur
contrôle. Le jour de l'ouverture approchant, le maire Wagner annonce que
New York ne va prendre aucun risque. Toutes les routes menant vers et
hors du Flushing Meadows-Corona Park grouillent de 1100 agents dans
des voitures de police accompagnées de dizaines de dépanneuses. Trois
centres de commandement sont créés pour l'occasion, il y aura une pré-
sence policière dans chaque métro. La ville semble en état de siège sur la
terre ferme comme au ciel : des hélicoptères de police vont sillonner les
hauteurs de New York, y compris un hélicoptère capable de soulever une
automobile dans les airs.
Le 22 avril 1964, jour de l'ouverture de }'Exposition universelle, les
New-Yorkais se réveillent en découvrant une journée inhabituellement
froide et malheureusement pluvieuse. La foule se rassemble pourtant aux
portes de la foire pour enfin découvrir les 646 acres de terrains ponctués
de pavillons aux toitures pyramidales, avec un style architectural futu-
riste dérivé de l'aviation à réaction et inspiré de l'ère spatiale et atomique.
Contrairement aux menaces du CORE, les autoroutes à l'extérieur de l'ex-
position ne rencontrent aucun problème de circulation. Seuls une douzaine
d'automobilistes se sont arrêtés. Les 1800 chauffeurs prévus ne sont jamais
venus. L'injonction d'un tribunal obtenue par le procureur du Queens y
est sans doute pour beaucoup. Malgré tout, même s'il ne s'est pas produit,
le blocage prévu a fait son chemin en ce premier jour de l'événement : des
dizaines de milliers de personnes sont restées chez elles. Sur les 250 000 vi-
siteurs prévus, seulement 92 646 sont passées par les 95 tourniquets de la
foire. Seuls 63 791 ont payé le prix d'entrée de 2 dollars, les autres étant des
VIP. L'auteur Joseph Tirella ajoute à propos del' événement que: «Au pavil-
lon fédéral des États-Unis, le président Johnson s'est adressé à une foule de per-
sonnalités, dont Rockefeller, Wagner, Moses et l'ancien président Harry Truman.
Pendant ce temps, des manifestants, tenus à distance par une foule de policiers,
ont crié 'Jim Crow Must Go!' et 'Freedom Now!' directement au Président,
noyant souvent sa voix amplifiée [... ]. Une exposition universelle est un luxe,
mais un monde équitable est une nécessité™.»

*
* *

La foire ouvre ses portes cinq mois seulement après l'assassinat de


Kennedy. Elle sera ouverte du 22 avril au 18 octobre 1964 pour réouvrir
du 21 avril au 17 octobre 1965. Ici va se jouer un événement majeur qui va
particulièrement nous intéresser. Dans un article de 27 pages publié dans

344. Joseph Tirella, Tomorrow-Land: The 1964-65 World's Fair and the Transformation of America,
Washington, OC, Lyons Press, 2014.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 285

l' American /ewish History345, l'écrivaine Emily Alice Katz rapporte que le
pavillon américano-Israélien de Zecharia Sitchin aura servi de portail pour
montrer au monde entier le glorieux passé juif et le triomphant Israël pré-
sent et futur, offrant ainsi aux visiteurs une expérience transformatrice346•
Emily Alice Katz précise que les organisateurs du pavillon adoptent
le double statut d'Israël en tant que Terre Sainte et État moderne, garant ac-
tuel de l'ancien lieu de naissance de la tradition judéo-chrétienne. Zecharia
Sitchin dira à propos du pavillon israélien qu'il a pour but de« montrer les
domaines dans lesquels Israël excelle aujourd'hui, ainsi que son héritage remon-
tant aux temps bibliques347 ». Ce double statut offre également la création
d'organisations de défense œcuménique et juive cherchant à faire échec à
l'antisémitisme et au fascisme en présentant le pluralisme américain et la
démocratie comme gardiens de la civilisation occidentale348•
Le pavillon américano-israélien n'est pas le seul à offrir cet héritage
spirituel aux visiteurs. Non loin de là, le pavillon du Royaume hachémite
de Jordanie est conçu comme lieu de naissance de la religion occidentale
et digne successeur des anciennes cultures349 • Le panneau à l'entrée du site
ne laisse aucun doute quant au message à faire passer : «Jordan - The Holy
Land». Alors que le pavillon américano-israélien de Sitchin montre une
colonne de la synagogue de Capharnaüm où Jésus aurait prêché et utilisé
un verset de la Bible, le pavillon jordanien possède un vitrail représen-
tant la Passion du Christ et affiche des fragments des Rouleaux de la mer
Morte. Tandis que le pavillon américano-israélien présente une maquette
du Temple de Salomon, le pavillon jordanien expose des bas-reliefs de
l'ancienne cité de Pétra ainsi qu'une maquette du dôme du Rocher de Jéru-
salem. Chaque pavillon juxtapose l'ancienne civilisation des origines avec
sa nation pour universaliser l'importance de son État, particulièrement à
destination des chrétiens américains350 •
Le pavillon américano-israélien sert de portail pour témoigner du
glorieux passé de la culture hébraïque, mais il tâche aussi de présenter un
futur idéalisé pour quiconque souhaiterait prendre part aux projets israé-
liens.

345. Emily Alice Katz, « It's the Real World After Ali: The American-Israel Pavilion-Jordan Pavilion
Controversy at the New York World's Fair, 1964-65 », American Jewish History, Vol. 91, n °1, The
Johns Hopkins University Press, mars 2003.
346. Ibidem, p. 131.
347. « We want to show the things that Israel exce/s in today, as well as its heritage going back to
biblical times », in « 50 Lands to Share Fair's Limelight for 50 Reasons », The New York Times du
29 mars 1964, section «F», p. 13.
348. Katz, « It's the Real World After Ali: The American-Israe/ Pavilion-Jordan Pavilion Controversy
at the New York World's Fair, 1964-65», op. cit., p. 135.
349. Ibidem, p. 137.
350. Ibidem, p. 138.
286 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

81. Empla-
cements des
pavillons jorda-
nien et israélien
à la New York
World's Fair
de 1964.

Dès le début de l'Exposition universelle, un différend à l'allure poli-


tique va voir s'affronter les deux pavillons en créant de lourdes tensions
rapportées dans la presse : si le slogan de la foire était à l'origine «La Paix
par la Compréhension», il sera copieusement tourné en ridicule à travers
«La Guerre par l'Incompréhension351 » ou encore, selon les propres mots de
Zecharia Sitchin, à travers une foire transformée en «champ de bataille352 ».
De nombreuses crises en amont participent à l'atmosphère dégradée de
cette «foire d' empoigne353 ». Un poème raconte le point de vue d'un enfant
réfugié, dévoilant avec finesse l'impact que cette situation peut avoir sur
le quotidien des locaux expulsés de leurs terres : privation d'accès à l'eau,
errance et enfin exil... Si les parties de ce conflit ne sont pas nommées,

351. « War Through Misunderstanding - The jordan pavilion controversy», article publié par
Sharyn Elise Jackson sur le site commémoratif de la New York World's Fair de 1964.
352. Propos de Zecharia Sitchin rapportés dans un article de Tania Long, « Fight Breaks Out In
Dispute At Fair», New York Times du 1"' mai 1965.
353. Avant même l'ouverture de l'événement, le retrait de la candidature du Canada avait
suscité le courroux de!' organisateur de la foire, Robert Moses, qui avait appris le financement
du pavillon de !'Argentine par des fonds canadiens. De même, !'absence de représentant du
culte de la religion hébraïque avait suscité la colère de Moses, car ce dernier était en tractation
depuis 1962 avec !' American /ewish community ainsi que la Synagogue Concil of America qui
souhaitaient être présents au même titre que le Vatican dans l'aire réservée aux cultes. C'est
en avril 1963 que ce retrait de candidature sera annoncé, et il engendrera des représailles de la
part de Robert Moses à l'encontre du Premier ministre israélien, David Ben Gourion («Israel
Withdraws from 64-65 Fair; Cites Rise in Costs», The New York Times du 22 octobre1962, Caro,
1101).
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 287

le poème et sa poignante illustration affichée au pavillon jordanien sont


clairs. La situation est explosive. Une guerre d'opinion est engagée et ses
conséquences seront non seulement d'octroyer à l'un ou l'autre le bénéfice
de l'agrément public, mais surtout d'obtenir les appuis espérés dans le but
de pouvoir continuer à vivre sur place. Voici une retranscription et une
traduction du poème incriminé :

Texte anglais original : Traduction de l'auteur :

Before you go, Have you a minute «Avant que vous ne partiez,
more to spare, To hear a word on Avez-vous encore une minute
Palestine And perhaps to help us à perdre, Pour entendre un mot
right a wrong? sur la Palestine Et peut-être pour
Ever since the birth of Christ nous aider à réparer un tort?
And later with the comîng of Depuis la naissance du Christ
Mohammed, Christians, /ews and Et plus tard avec la venue de
Moslems, believers in one Gad Mahomet, chrétiens, juifs et
Lived together there in peaceful musulmans, croyants en un seul
harmony. Dieu vivaient ici et ensemble
For centuries it was so, dans une paisible harmonie.
Until strangers from abroad, Il en fut ainsi pendant des
Professing one thing, but under- siècles, Jusqu'à ce que des étran-
neath, another, Began buying up gers venus d'ailleurs, Professant
land and stirring up the people. une chose, mais implicitement
Neighbors became enemies une autre, ont commencé à ache-
And fought against each other, ter des terres et à bousculer le
The strangers, once thought terror's peuple.
victims, Became terror's fierce prac- Les voisins sont devenus des
titioners. ennemis Et se sont battus les uns
Seeking peace at all costs, inclu- contre les autres, Les étrangers,
ding the cost of justice, The blinded autrefois considérés comme des
world, in solemn council, split the victimes de la terreur, sont deve-
land in two, Tossing to one side nus de féroces praticiens de la
The right of self-determination. terreur.
What followed then perhaps you Chercher la paix à tout prix, y
know, Seeking to redress the wrong, compris au prix de la justice
our nearby neighbors Tried to help [comprendre : « au mépris de la
us in our cause, And for reasons, Justice» (N.d. T.)],
not in their contrai, did not suc- Le monde aveuglé, en conseil
ceed. solennel, a divisé la terre en
Today, there are a million of us. deux, Opposant à l'une des
Sorne like us but many like my mo- parties Le droit à l' autodéter-
ther, Wasting lives in exiled misery mination. Ce qui a suivi alors,
Waiting to go home. peut-être que vous le savez,
288 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

But even now, to protect their gains Cherchant à réparer le tort, nos
ill-got, As if the land was theirs and voisins proches ont essayé de
had the right, They're threatening nous aider dans notre cause,
to disturb the /ordan's course And Et pour des raisons indépen-
make the desert bloom with war- dantes de leur volonté, ils n'ont
riors. pas réussi. Aujourd'hui, nous
And who's to stop them? sommes un million.
The world seems not to care or is Certains sont comme nous,
blinded still. That's why I'm glad mais beaucoup sont comme ma
you stopped And heard the story354• mère, perdant leur vie dans un
exil de misère En attendant de
rentrer à la maison. Mais même
maintenant, pour protéger leurs
gains mal acquis, Comme si la
terre leur appartenait et (qu'ils)
en avaient le droit, Ils menacent
de troubler le cours du Jourdain
Et de faire fleurir des guerriers
dans le désert.
Et qui doit les arrêter?
Le monde semble s'en moquer
ou est encore aveuglé. C'est
pourquoi je suis heureux que tu
te sois arrêté pour écouter cette
histoire.»

Zecharia Sitchin, agent israélien infiltré à New York, voit rouge!


Il va lui-même réclamer le retrait de cet appel à la démence et à la paix
au motif que l'élément exposé dans le pavillon jordanien «diffuse une pro-
pagande contre Israël et sa population355 ». Sitchin déclarera : «Si la peinture
murale est retirée du pavillon jordanien à la suite d'une action du maire Wagner
ou du conseil municipal, une telle action renforcerait les règlements et l'esprit
de l'Exposition universelle356 • » Cette déclaration doit être complétée par les
propos qu'il a tenu au Jewish Post an~ Opinion du 8 mai 1964 : «Zecharia
Sitchin, président de l'American Israel World's Fair Corp., a déclaré[ ... ] que son
pavillon n'introduirait pas de contre-propagande. 'Nous ne croyons pas que deux
354. Tel que cité dans Katz, « It's the Real World After Ali: The American-Israel Pavilion-/ordan
Pavilion Controversy at the New York World's Fair, 1964-65 »,op. cil., p. 138-139, reproduction du
poème présentée originalement selon!' auteure dans !' Arab News and Views de juin 1964.
355. Katz, «It's the Real World After Ali: The American-Israel Pavilion-/ordan Pavilion Controversy
at the New York World's Fair, 1964-65 »,op. cit., p. 140.
356. «If the mural is removed from the Jordan Pavili<Jn as the result of action by Mayor Wagner or
the City Council, such action would enforce the regulations and spirit of the World's Fair.», New York
Times du 8 mai 1964, p. 42.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 289

torts font un droit', a-t-il dit357• » Zecharia Sitchin va réagir comme un sol-
dat en fonction, état de fait qu'il prendra toujours soin de dissimuler par
la suite. En effet, le Daily News du 26 avril 1964 rapporte que ce même
Zecharia Sitchin «réaffirmant sa prétention que la peinture murale de Jordanie
était utilisée à des fins de propagande, il [Sitchin] a mis à l'affiche dans le pavillon
israélo-américain une arme de mortier, appelée Davidka. 'Cette arme avait été uti-
lisée pour effrayer les troupes jordaniennes grâce à son bruit puissant', a déclaré
Sitchin 358 ».

Il ne sera pas fait suite à cette demande. Les deux parties seront
invitées à cesser de faire de cette altercation un épisode qui risquerait d'en-
tacher la réputation de la foire, enjeu stratégique pour l'avenir des États-
Unis. L' Anti Defamation League prendra le relais en présentant le cas de ce
poème à la Cour Suprême de l'État de New York au motif que le poème
serait antisémite. L'organisation demandera purement et simplement la
fermeture du pavillon jordanien.
La situation ne cesse de s'envenimer au point que douze des
membres de l' American ]ewish Congress - dont le président est le chanteur
folk Theodore Bikel - sont arrêtés au cours du salon en raison de leur
conduite incitant à l'hostilité et au désordre359 • Enfin, un cap supplémen-
taire est atteint dans la nuit du 6 au 7 juin lorsque le drapeau flottant sur
le pavillon jordanien est volé par l'équipe de Zecharia Sitchin ou par des
prosionistes et remplacé par le drapeau israélien. La police remettra le dra-
peau israélien au pavillon de Sitchin dès le lendemain360 • L'ensemble des
participants sont poussés par des motifs diamétralement opposés et cet
incident est l'un des nombreux événements critiques d'envergure straté-
gique qui décidera de l'avenir de cette Foire de 1964 ...

*
* *

À l'image des espoirs déçus d'une foire qui devait redonner foi en
l'avenir au public et qui mêlera des échoppes vaudou361 et des attractions
se voulant prophétiques de l' Âge de l'Espace, une capsule temporelle
sera conçue dans l'ambitieux objectif d'être ouverte dans 5000 ans. Elle
357. «Zecharia Sitchin, president of the American Israel World's Fair Corp., said [ ... ] his pavillon
would not introduce cinteracting propaganda. 'We don't believe that two wrongs make a right', he
said.»
358. Article de Richard Mathieu, Dai/y News du 26 avril 1964.
359. Katz, «It's the Real World After Ali: The American-Israel Pavilion-/ordan Pavilion Controversy
at the New York World's Fair, 1964-65 »,op. cit., p. 142.
360. «lsraeli Flag Is Raised at ]ordan's Pavilion», New York Times du 9 juin 1964, p. 27.
361. Dans le pavillon «Bourbon Street» se trouvait un« quartier français» où se rencontraient
la culture afro-américaine et celle du «vieux continent». Le visiteur pouvait y admirer non
seulement des bars-restaurants, des spectacles - dont certains ont déclenchés des scandales
en raison de leurs dimensions antireligieuse et raciste-, mais aussi une boutique de poupées
et des échoppes vaudous.
290 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

rejoindra une précédente capsule déposée au même endroit lors de la New


York World's Fair de 1939-40. La capsule de 1964 contient plus de 80 articles
tels qu'une brosse à dent électrique, des cigarettes avec filtre, un drapeau
américain à 50 étoiles, des graines, un disque des Beatles, une unité de
mémoire d'un ordinateur, un bikini, la Sainte Bible, une valve cardiaque
en plastique, un transistor, des cartes de crédit, une lampe de poche rechar-
geable ...

82. Préparation de la cap-


sule temporelle lors de la
New York World's Fair
de 1964-65.
Domaine public

L' Avenue of Africa où se trouve le pavillon américano-israélien


mène directement à une pièce importante de la foire. Difficile de ne pas
voir Zecharia Sitchin arpenter cette avenue et de ne pas l'imaginer pen-
sif devant l'Unisphere construite spécialement pour l'occasion. Il s'agit de
la plus grande structure sphérique au monde avec une hauteur de plus
de 42 mètres. Cette sphère est censée représenter l'indépendance de notre
planète à travers le slogan «Man's Achievements on a Shrinking Globe in an
Expanding Universe » («Les réussites de l'homme sur une planète qui rétré-
cit au sein d'un univers en expansion»). L'Unisphere semble flotter dans
l'espace. Autour d'elle tournoient trois anneaux orbitaux en acier retraçant
les parcours de Youri Gagarine (le premier homme dans l'espace), de John
Glenn (le premier américain à faire le tour du globe terrestre en 1963) et
de Telstar 1, le premier satellite de télécommunications mis en orbite par
la NASA en juillet 1962. Difficile de ne pas deviner ici les prémices de la
thèse de Sitchin concernant l'orbite d'une hypothétique planète de notre
Système Solaire qu'il nommera Nibiru. Les différentes couches employées
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 291

pour construire cette sphère font également penser à cette idée de proto-
planète dénommée Tiamat si l'on en croit les propos de Sitchin publiés en
1976, une planète primitive qui aurait percuté l'ancêtre de la Terre il y a
des milliards d'années pour former en même temps notre globe terrestre.
Sitchin utilisera cette théorie revendiquée par William K. Hartmann et
Donald R. David en 1974362, une thèse déjà formulée par le géologue cana-
dien Reginald A. Daly en 1946. Cette théorie est communément acceptée
aujourd'hui par la communauté scientifique qui nomme cette protoplanète
Théia. Dans la mythologie grecque, la déesse primordiale Théia est une
Titanide qui donna naissance à la Lune Séléné.

83. I.:Unisphere du
New York World's
Fair 1964-65 aura
vraisemblablement
été un déclencheur
chez Sitchin lors
de l'élaboration de
sa future thèse sur
sa planète Nibiru à
l'orbite fortement
elliptique.
Photographie de
SamHowzit

On ne peut qu'imaginer l'agent Sitchin dans le Space Park, pensif


face à ces énormes fusées offertes par la NASA. Sont présentés des appa-
reils comme une capsule Gemini en haut d'une fusée Titan Il, une capsule
Mercury, une capsule Aurora 7, une capsule Apollo ... Comment ne pas se
figurer Sitchin dans le Hall of Science où l'on peut observer une simulation
réaliste d'un rendez-vous spatial? Comment ne pas voir en pensée notre
agent dans l'exposition «Fu tu rama» où les visiteurs se déplacent sur des
chaises mobiles pour découvrir des scènes futuristes aux allures de science-
fiction? Comment, encore, ne pas concevoir Zecharia Sitchin dans le pavil-
lon «Transportation & Travel» qui, en 1965, aborde le thème des Martiens vi-
sitant la Terre? Comment ne pas deviner Sitchin sous le gigantesque dôme
en plastique transparent qui représente fidèlement le sol lunaire en relief?
Des documentaires y sont diffusés sur un écran à 360° où il est question
de l'espace, de l'infiniment grand, et de l'infiniment petit avec l'atome.

362. William K. Hartmann & Donald R. David, Satelite-size planetesimals ans lunar origin,
Unternational Astronomical Union, Colloquium of Planetary Satelites, Ithaca, NY, Comell
University, 18-21août1974, et Icarus, vol. 24, avril 1975, p. 504-515.
292 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

84. Le Space Park du New


York World's Fair 1964-65
aura probablement
inspiré Sitchin dans
l'élaboration de sa thèse
des dieux sumériens
venus sur Terre, non pas
en GIGIR-AN, «chars du
ciel», comme indiqué
par exemple sur la
tablette CBS 14005 (face
b, ligne 28 - tablette
jamais traduite par
Sitchin!), mais bien en
fusée. Zecharia Sitchin
aura largement été ins-
piré par les sciences de
son temps et non celles
décrites dans les textes
sumériens.
Domaine public

Les films projetés lors de la foire ne sont pas passés à la postérité


alors que certains ont vraisemblablement un lien étroit avec les éléments
déclencheurs à la source de l'inspiration du projet de Sitchin : «Parable»
(1964) est un film mettant un scène un cirque itinérant et un clown te-
nant le rôle de Jésus-Christ (c'est l'une des premières atteintes notables
à l'image a priori intouchable du Christ sur grand écran), «Man in the Sth
Dimension» (1964) ... L'humanisation du «dieu fait chair» a passé un cap et
cet esprit se ressent dans la dimension évhémériste de l'œuvre de Zecha-
ria Sitchin363 • En termes d'héritage cinématographique, les références ne
sont pas en reste non plus: dans l'iconique «Men in Black» (1997), la Foire
de 1964 est présentée comme une couverture visant à camoufler le débar-
quement d'extra-terrestres sur Terre, l'attraction «Magic SkyWay» de Ford
conçue par Disney aura fait rêver des dizaines de milliers d'enfants qui,
au volant de leur Ford, traversaient des jungles peuplées de dinosaures
animatroniques364 • Enfin, la maison souterraine présentée dans le pavillon
«Underground World Home» (qui existe probablement encore) a vraisem-
363. Citation extraite du film« Man in the Sth Dimension» (1964), consulté sur le site billygraham.
org en 2022, attestant de cet esprit du temps qui cherche à renouveler la religion en l'encrant
dans la science selon une approche à tendance évhémériste : «Fondation for the Space Age on
XXlst century lay during the golden age of Greece [ ... ].» («Les fondements de l'ère spatiale du
XXI• siècle sont posés pendant l'âge d'or de la Grèce[ .. .).») (18:00 à 18:18).
364. Non sans humour, ce parcours et voyage dans le temps savamment mis en scène par
Disney à travers la préhistoire guide le visiteur jusqu'à !'«invention de la roue» et se conclut
sur une femme portant à la fois son bébé en portage et son mari dans une charrette munie de
roues dans laquelle l'homme se pavane, fier de son «exploit ». Impossible de ne pas imaginer
que le procédé de voyage dans le temps du film culte «Retour vers le Futur » (1985) n'a rien
à voir avec cette attraction de la World 's Fair de 1964.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 293

blablement servi d'inspiration au film « L'intra-terrestre » (« Blast from the


past» en version originale) (1999) sans parler de l'influence que cet élé-
ment a pu avoir sur les œuvres de Sitchin lui-même ...

Un hommage cinématographique rendu à cette foire aux allures


de performances diplomatiques et symboliques doit nécessairement être
mentionné dans cet ouvrage. Qui n'a pas entendu parler de la super pro-
duction Disney «Tommorowland» («À la poursuite de demain») (2015)?
Ce film dont la partie centrale de l'intrigue se déroule à la Foire de 1964
ressemble à une tentative de magie de réversion, thème amplement exposé
dans plusieurs de mes ouvrages lorsque je parle de la magie présente dans
les Textes des Pyramides à propos de l'histoire dramatique d'Osiris-Ho-
rus365. L'espoir qu'était censée apporter la New York World's Fair est« ressus-
cité» dans cette œuvre résolument francophile et truffée d'auto-références.
Voici en quelques mots un résumé de l'intrigue: Frank Walker (in-
carné par George Clooney) est un génie désabusé dont les espoirs ont été
déçus. Recruté dans son enfance par une audio-animatronique366 - sobre-
ment baptisée Athéna - lors de la fantastique exposition universelle qui
n'est autre que celle dont nous venons de parler, Frank Walker pleure
depuis des années la perte de son innocence : il a appris que son amie et
recruteuse n'est pas humaine et a pris part à l'élaboration d'une machine
censée affranchir le genre humain de ses préoccupations, mais qui pour-
tant se révèle être la source de sa condamnation. La puissance du choix
- l'existence du libre arbitre défiant le destin quant aux futurs possibles -
est célébrée dans cette production qui tantôt place l'intention de l'humain
au-dessus de la science et tantôt affirme la nécessité d'un progrès scienti-
fique pouvant apporter la paix à l'humanité. Ce film joue également très
habilement sur la notion de paradoxe temporel et de machine quantique,
thèmes particulièrement présents dans certains de mes travaux.
Le personnage de Walker est banni, il vit en exil hors du monde
parallèle réservé à une élite de génies recrutée par Athéna. Dès lors, dépos-
sédé du badge qui lui permettait de se rendre dans ce bastion providentiel
dont le passage secret se trouve au sein de l'attraction « It's A Small World
After All »,il vit en marge de la société secrète dans laquelle il avait été intro-
duit pour« penser demain». Outre les intéressantes analogies entre ce club
très «privé» et les sociétés secrètes, les think tanks et les lobbies bien connus
du grand public, je signale une analogie surprenante entre ce groupe bap-
tisé dans le film les «Plus Ultra» et le très réel «Club 33367 » de Disney.

365. Voir par exemple dans Corpus Deae d' Anton Parks, le chapitre intitulé «La Passion et la
Résurrection d'Horus, Fils de Dieu» où les Pharaons doivent prendre la place d'Horus pour
réécrire le passé.
366. C'est exactement le terme qu'avait employé Disney pour désigner les poupées animées
de son attraction phare, « It's a small world after ail», lancée dans la World's Fair de New York en
1964.
367. Ce« VIP lounge» située au 33 de la «Royal Street» fait partie des projets originellement
conçus en 1964-1965 par Disney lors de sa visite de la NY World's Fair alors qu'il travaillait avec
294 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

« It's A Small World After Ali», cette même croisière scénique iconique
des parcs Disney, a régulièrement fait l'objet de tentatives de décryptage.
C'est bien à l'occasion de cette foire de 1964-65 que la PespiCo est allée à la
rencontre de Walt Disney alors qu'elle sponsorisait à l'origine le pavillon
de l'UNICEF. Désireuse de réaliser une attraction qui symboliserait «la
Paix à travers la compréhension», selon les objectifs déterminés par les
organisateurs de la foire, PepsiCo n'offre que 9 mois à Disney pour réaliser
ce qui deviendra l'une de ses attractions les plus iconiques. Les références
au sein des dessins animés de la licence sont abondantes à propos de la
musique enivrante de cette attraction. À la différence de toutes les autres,
cette attraction ne cesse jamais de fonctionner, ses animatroniques pour-
suivent leur danse 24h sur 24, 7 jours sur /'368. Zecharia Sitchin fait-il partie
des acheteurs des dizaines de milliers de tickets vendus pour l'attraction
en question? S'est-il embarqué dans le «Club 33 » fondé par Disney au
décours de la New York World's Fair?
L'ambition de « Tommorowland » («À la poursuite de demain»)
(2015) est particulièrement vaste, sinon sulfureuse, au regard du nombre
incommensurable des «conspirations» centrées sur les œuvres produites
par Disney. Cette ambition se confirme à travers le jeu immersif «The Opti-
mist »organisé par Disney avant la sortie de ce film 369•
Dylan Connolly. La décoration, de style européen et« vintage »ou Art Nouveau selon certains
propos, est raffinée et parachevée par des innovations technologiques qui ne manqueront
pas de surprendre : des micros sont intégrés dans les chandeliers et un animatronique en
forme de vautour perché sur une pendule ancienne est censé divertir les convives par sa
conversation. L'adhésion à ce groupe fermé se faisait sur «invitation» jusqu'à une époque
récente. En 2007 la liste d'attente pour y adhérer était si longue qu'elle a été fermée jusqu'en
2012, puis réouverte. Le coût d'adhésion en 2022 s'élève actuellement à 70000 dollars pour
l'initiation plus une cotisation annuelle de 20000 dollars (informations issues de l'article
« Disneyland's Club 33 apens up waitlist » consulté sur abcl.com, daté du 4 mai 2012).
368. Selon les propos rapportés par Themouselets et repris par le site de divertissement Travel
and Leisure (www.travelandleisure.com). Statistiquement, cela fait de cette musique la plus jouée
du monde dans la mesure où elle est jouée chaque jour toute la journée à raison de 16 heures
consécutives sur les 5 parcs à thèmes possédant cette attraction. Selon les propos de Robert
B. Sherma, collaborateur de Disney, cette musique entêtante n'aurait donc jamais cessé de
retentir sur Terre depuis 1983. Autre fait notable: le bâtiment extérieur est couvert de feuilles
d'or 22 carats, «afin que les dorures ne s'oxydent pas trop rapidement». Sept enfants auraient
été invités à verser de l'eau des «sept mers» (de l'eau prélevé sur leurs lieux de résidence à
travers le monde) afin qu'elle se mêle à l'eau du canal de cette attraction. À titre d'élément
de comparaison pour la conceptualisation de cette «attraction», je constate des analogies
intéressantes concernant ses procédés techniques et mise en scène avec ceux reconstitués des
temples de l'antiquité gréco-romaine: si cette comparaison peu faire sourire les néophytes,
des archéologues et historiens ayant reconstitué des procédés «magiques» des temples
antiques conviendront du sérieux de cette proposition.
369. «The Optimist» (2013) est un jeu immersif de réalité alternative dans lequel le joueur est
invité à enquêter à l'aide d'éléments savants mis en scène pour inspirer la vraisemblance: le
joueur est guidé à travers les indices collectés par le personnage d' Amélia Moreau qui est sur
les traces de son grand-père Carlos Moreau, ancien collaborateur de Disney. Carlos est réputé
avoir appartenu aux «Plus Ultra», l'élite dont il est question dans le film « Tommorowland »
(2015). Carlos est le personnage présenté dans cet univers alternatif comme ayant rencontré
Disney à l'occasion de la World's Fair 1964, et il lui aurait vendu un récit appelé «Orbit's
Story». Les gagnants de cette chasse aux trésors devaient mener l'enquête de manière
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 295

Des années après l'exil du personnage de Walker, des nouveaux


«petits génies» sont sélectionnés par Athéna dans le but de sauver ce qui
reste de cette utopie perdue. Le spectateur émerveillé déambule dans les
décors de la World Fair de 1964, désormais vidée de son énergie, privée
de visiteurs et suspendue dans le temps ... Cette foire qui devait changer
la face du monde et redonner espoir et confiance aux peuples du monde
entier n'a réussi qu'à avorter les espoirs de toute une génération. En effet,
les voitures volantes et la paix dans le monde ne sont toujours pas d' actua-
lité à l'heure où cet ouvrage est publié.
Le film « Tommorowland » est chargé de symboles forts. Ses idées prin-
cipales sont le réenchantement du monde, le retour de l'espoir et la foi en
un monde plus juste grâce à la science et à l'innovation. L'innocence y joue
un rôle crucial, car ce sont les enfants qui savent comment avoir accès à
cette donnée essentielle qu'est« l'espoir», dont semblent privés l'ensemble
des personnages adultes du film. Pourtant, cette œuvre enthousiaste se
voulant porteuse d'un message de paix et d'espoir n'a pas rencontré un
accueil particulièrement favorable. Dans cette production audacieuse qui
tranche avec le ton ordinaire de la morale professée par Disney depuis des
dizaines d'années, le méchant incarné par Hugh Laurie ressemble dange-
reusement à Walt Disney lui-même, désireux d'enfermer le monde et de
le dominer en démiurge mégalomane et despotique. Jamais un tel risque
scénaristique n'avait été pris dans une production Disney, à l'exception du
film« La Montagne ensorcelée370 » (1975).
Si le projet initial était de servir d'outil promotionnel destiné à pré-
senter la nouvelle rénovation de l'attraction « Tomorrowland » des parcs
Disney, le film dépasse largement cette ambition, questionnant les clichés
récurrents d'une licence mondialement connue. L'espace des parcs Disney
baptisé « Tommorowland » existe depuis l'origine des parcs, et elle a accueil-
li entre autres innovations futuristes la «Maison du Futur» conçue par
Monsanto (1957-1967).

collaborative pour apprendre toute la vérité sur la société secrète «Plus Ultra» et recevaient
un badge à la fin de leur quête ...
370. Il est intéressant de noter que dans ce film, ce sont également les enfants - extraterrestres
échoués sur Terre - qui sont« persécutés» par les adultes qui tentent de les enfermer dans des
mondes idéalisés dont le vernis trompeur n'est là que pour leur tendre un piège, les rendre
dociles et surtout leur extirper leur savoir, sinon leur innocence.
296 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

NEW YORK WORLD'S FAIR 1964-1965

AM[IUCAN-ISllA[l

85. Affiche du
pavillon américa-
no-israélien dirigé
par Zecharia
Sitchin durant la
New York World's
Fair 1964-65.

Revenons à Zecharia Sitchin. S'il n'est à ce stade pas possible de


démontrer qu'il fut aux commandes de certains scénarios présents chez
Disney durant la World's Fair de 1964-65, il est néanmoins avéré qu'à l'is-
sue de la foire, il tenait entre ses mains une pièce historique d'importance
prépondérante. L'agent Sitchin était clairement en mission lors de cet évé-
nement!
Zecharia Sitchin détient depuis la World's Fair de New York un
exemplaire unique de la déclaration de reconnaissance de l'État d'Israël
signée par le président Harry Truman. Le sujet peut sembler trivial, mais il
ne l'est pas du tout : un document attestant de la reconnaissance officielle
par les États-Unis d'Amérique est un élément historique crucial. Dans ce
document de premier ordre, le président Harry Truman décrète le gouver-
nement provisoire comme étant l'autorité de facto du nouvel État d'Israël.
Ce document, rédigé en le 14 mai 1948, n'avait cependant jamais été signé!
Il s'agissait d'un communiqué de presse mis à la disposition du public, une
déclaration de la Maison-Blanche à la Presse, dactylographiée sur papier
ordinaire et non signée.
Non seulement Sitchin possède-t-il ce document exceptionnel, mais
il est surtout à l'origine même de la suggestion faite au président Truman
de lui fournir personnellement une copie corrigée, datée et signée. Cela
s'est passé à l'époque de la World's Fair de New York. À cette étape de notre
enquête, j'ai beaucoup de mal à croire qu'il s'agit là d'un hasard. Sitchin
avait très probablement pour mission de faire signer ce papier à tout prix.
Il explique brièvement ce qui s'est passé dans une correspondance datée
de 1987 avec Asher Naim, alors ministre de l'information à l'ambassade
d'Israël à Washington : «En 1964-65, j'étais président du pavillon américa-
no-israélien à ['Exposition universelle de New York. Lors d'une réunion avec le
président Truman à la bibliothèque, j'ai discuté avec lui du fait regrettable de l'ab-
sence d'un document de reconnaissance signé. Sur ses instructions, une photoco-
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 297

pie a été faite de la déclaration finale originale et il l'a signée sur-le-champ[ ... ]. Ce
document de reconnaissance signé - le seul existant - a ensuite été affiché dans le
pavillon et est resté en ma possession371 • »
Sitchin prétend que la déclaration a été signée «sur-le-champ». Le
document est daté du 14 mai 1948 (date de rédaction) et signé le 27 janvier
1965. Cette date ne correspond pas aux dates d'ouvertures des mois d'avril
à octobre 1964 et avril-octobre 1965 de la World's Fair. Sitchin dit que cette
signature a été apposée lors de leur rencontre à la bibliothèque. Ils' agit cer-
tainement de la bibliothèque Truman qui possédait la déclaration de 1948
non signée. La rencontre entre les deux hommes aura donc probablement
été organisée dans la bibliothèque Truman en janvier 1965. Qui d'autre
qu'un homme aussi influent que Sitchin peut prétendre avoir réalisé un tel
tour de force. Pour rappel, cette bibliothèque fut inaugurée en juillet 1957
selon les rites maçonniques de dédicace. Faut-il préciser que Harry Truman,
Zecharia Sitchin et Robert B. Anderson étaient tous trois francs-maçons?

Ce document est ensuite resté entre les mains de la famille Sitchin.


Il sera exposé trois fois au public : lors de la célébration du centenaire de
la Statue de la Liberté en 1986 - événement purement maçonniquem -,
lors de celle, en 1988 à l'ambassade d'Israël à Washington, du 4Qe anniver-
saire de la création de l'État d'Israël, et finalement à la convention de 1988
de !'Organisation sioniste d'Amérique (ZOA) à Jérusalem, à l'occasion du
90• anniversaire de l'organisation.
Dans un autre document, relatif ,celui-ci, au dernier événement cité,
nous trouvons les propos suivants : «Le président de la ZOA, Milton Sha-
piro, a remercié M. et Mme Sitchin pour leur attention dans la présentation du
document à la ZOA. Il a dit : 'Zecharia Sitchin et Frieda Rina Sitchin ont été
sionistes toute leur vie. Ils se sont donnés sans relâche au nom de l'État d'Israël et
du peuple juif et nous les saluons ce soir pour leur prévenance en nous offrant ce
moment historique qui ajoute considérablement à la richesse du 90' anniversaire
de la convention de la ZOA. M. Sitchin est le directeur fondateur de la Chambre
américano-israélienne de Commerce et d'industrie et a été président du pavillon
américano-israélien de l'Exposition universelle de New York de 1964-65. Mme
Sitchin est actuellement présidente de la section d'Hadassah de New York et
membre du conseil national d'Hadassah'373 • » Difficile de ne pas lire en entre
les lignes et de ne pas comprendre, grâce à ce document, que Zecharia
Sitchin était bel et bien un agent israélien en mission à New York. Quant

371. Cf = https: / /www.raabcollection.com/ presidential-autographs / israel-us


372. La statue de la Liberté fut construite en 1876 en cadeau de la France aux États-Unis
pour commémorer le centenaire de la déclaration d'indépendance. Son concepteur, Frédéric
Bartholdi, était franc-maçon ainsi que Gustave Eiffel, créateur de!' ossature en fer de la statue.
La statue de la Liberté fut inspirée par la déesse Isis, car elle était initialement destinée au
canal de Suez lors de son inauguration en 1867. La flamme de la statue symbolisait à!' origine
«l'Orient montrant la voie».
373. Zionist Organization of America, 4 E, 34th St., New York, N.Y. 10016, Communiqué du
16 mai 1988 à 19 heures.
298 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

à sa femme, infiniment impliquée dans le sionisme aux côtés de son mari,


elle dirige la section new-yorkaise d'Hadassah, une organisation médicale
d'enseignement et de recherche, née entre 1913 et 1918 d'un petit cercle
d'étude de femmes juives américaines affligées par les conditions de santé
publique en Palestine.
Ce document de la reconnaissance d'Israël, signé par Harry Truman,
restera dans la famille Sitchin jusqu'en 2019, date à laquelle il sera mis en
vente pour près de 300 000 dollars par la Raab Collection, une société basée
à Philadelphie qui achète et vend des documents historiques.

3. Les accords secrets entre la République


fédérale d'Allemagne et Israël

En 1963, des doutes s'emparent de la Presse allemande quant aux


relations qu'entretiendrait l'Allemagne fédérale (RFA) avec Israël au sujet
de transferts d'armes à la faveur d'accords secrets. Dans une interview du
15 juin de la même année, le député SPD Hans Merten déclare que des
soldats israéliens sont formés sur le sol allemand, mais que la République
fédérale ne livre ni armes ni matériels à destination d'Israël. Pourtant,
note le docteur en Études Germanique Elisabeth Wisbauer, les documents
du ministère des Affaires étrangères attestent du contraire : «Dans le plus
grand secret, les arrangements entre la République fédérale et Israël se sont pour-
suivis. Il avait été décidé au printemps 1964 qu'une partie des chars soit livrée
via le port de Rotterdam après qu'aient été masquées les marques de provenance
de l'armement, malgré l'opposition de Gerhard Schroder, le ministre des Affaires
étrangères. Tout se passe comme si l'Allemagne ne pouvait faire autrement que de
satisfaire les demandes de l'État israélien [... ].Israël est un État que l'on ménage
en raison de la spécificité des liens qui se traduisent par un sentiment de culpabi-
lité côté allemand, et par un besoin énorme de sécurité côté israélien, utilisé pour
affermir sa position et améliorer son ancrage dans la région du Proche-Orient. Très
vite les divergences entre Gerhard Schroder, le ministre des Affaires étrangères
d'une part, le chancelier et le ministre de la Défense d'autre part, commencent à
poindre. Schroder est opposé à la livraison des chars via l'Italie374 • »
Rotterdam et l'Italie, plaques tournantes d'un réseau d'envoi
d'armes lourdes et de matériels militaires allemands à destination d'Israël?
Un rapport daté de juin 1967 indique qu'Isaac Charchat utilise depuis un
moment ces villes via l'United Cargo, sa compagnie maritime new-yor-
kaise spécialisée dans le transport de conteneurs375 • Nous avons vu plus
haut que l'agent Charchat aura également fait transiter 20 tonnes d'eau
lourde à destination de la centrale de Dimona en passant par la Norvège.
Isaac Charchat qui, rappelons-le, est le trésorier de la Chambre américano-
israélienne de Commerce et d'industrie dirigée par Zecharia Sitchin.

374. Wisbauer, «Les relations gennano-israéliennes »,op. cit., p. 48.


375. Opera Mundi Europe, n° 414, 22 juin 1967.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 299

La révélation de livraisons d'armes gratuites à destination d'Israël


altère la crédibilité du gouvernement ouest-allemand, mais elle met gra-
vement en péril les relations avec l'Égypte et l'ensemble des pays arabes
exportateurs de pétrole qui menacent tous de reconnaître la RDA (I' Alle-
magne de l'Est). En Égypte, une violente campa~e de presse dénonce la
RFA: «l'émotion est intense devant le complot des Etats-Unis et de la RFA qui
ont choisi de livrer des armes offensives à l'État israélien, participant ainsi au
déséquilibre des forces dans la région. L'assistance financière, économique et mili-
taire à l'égard de l'État israélien est perçue comme anti-arabe »,précise Élisabeth
Wisbauer376 •
Le 12février1965, le porte-parole du gouvernement ouest-allemand
déclare lors d'une conférence de presse : «Le gouvernement fédéral a décidé
de ne plus livrer d'armes dans les territoires sous tension. En ce qui concerne les
livraisons d'armes décidées par le passé et qui n'ont pas été menées à terme, il a
été dit quel'arrêt des livraisons est également souhaité; nous ne sommes pas libres
sur le plan international et nous ne pouvons pas décider seuls 377 [ ••• ]. »
L'arrêt de livraisons d'armes embrase une partie de l'opinion pu-
blique israélienne. Des opérations de boycott sont alors lancées par les or-
ganisations juives américaines les plus importantes, lesquelles formulent
leur inquiétude pour la sécurité d'Israël. En parallèle, le gouvernement
israélien s'indigne de la décision du ministère des Affaires étrangères de la
RFA, considérant que les clauses du contrat n'ont pas été respectées. Lors
de cette décision ouest-allemande, l'envoi de 90 chars, de sous-marins' et
d'hélicoptères était prévu à destination d'Israël. L'État hébreu fait déjà une
proposition pour une partie de la commande : soit les 90 chars restés en
Allemagne de l'Ouest seront remis au gouvernement américain pour être
envoyés en Israël, soit les Israéliens se procurent aux USA les chars desti-
nés à la RFA378• David Ben Gourion rappelle le motif «de la relation morale
entre la République fédérale et Israël» parce que «celle-ci ne peut pas être mesu-
rée avec les mêmes paramètres que la relation d'Israël avec d'autres nations379 ».

Le spectre de la Seconde Guerre mondiale resurgit constamment.


La République fédérale allemande fait face à la double exigence dispro-
portionnée du gouvernement israélien : le chef de la mission israélienne
transmet aux députés la demande de Ben Gourion, qui exige de la RFA
que lui soit versée la somme de 200 millions de DM à fonds perdu sur une
période de cinq ans, ce à quoi les représentants allemands vont répondre
par un refus catégorique380 • L'instrumentalisation des représentants israé-
376. Wisbauer, «Les relations germano-israéliennes », op. cit., p. 51-52.
377. Akten zur Auswiirtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland (AAPD), 1965, Dokument 70,
«Échanges entre Erhard, Westrock et Shinnar du 11 février 1965 ».
378. Wisbauer, «Les relations germano-israéliennes», op. cit., p. 57 et 63.
379. Akten zur Auswiirtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland (AAPD), 1965, Bd. 1, Doku-
ment 133, «De Birrenbach à Schrôder le 19 mars 1965».
380. Akten zur Auswiirtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland (AAPD), 1965, Bd. 1, Dokument
148, «Enregistrement de Carstens du 25 mars 1965».
300 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

liens visant à insister sur la responsabilité morale de la RFA pour la sécu-


rité d'Israël vise surtout à obtenir des aides substantielles. Cela suscite un
véritable agacement côté allemand comme cela transparaît dans un docu-
ment du ministère allemand des Affaires étrangères daté du 7 avril 1965:
«L'utilisation répétée du concept de responsabilité morale me dérange. Pourquoi
devons-nous être responsables? Certainement pas pour les difficultés qu'a Israël
avec ses voisins arabes. C'est pourquoi Israël ne peut pas nous engager avec des
arguments moraux381 • »

Plusieurs phases de négociation s'engagent dès le lendemain entre


les deux pays. Entre les 8et17 avril 1965, la RFA propose une somme com-
pensatrice de 140 millions de DM pour le reste des livraisons non honorées,
proposition que le gouvernement israélien accepte après de nombreuses
discussions, «le soin étant laissé aux Israéliens d'acheter autant de chars, d'héli-
coptères et de moteurs qu'ils le souhaitent», indique Elisabeth Wisbauer. «Le
29novembre1965, l'ambassadeur allemand en poste à Washington rapporte avoir
été sollicité par les dirigeants d'organisations juives et que «s'est répandue une
forte déception et un sentiment d'amertume à l'égard de la RFA parmi les cercles
juifs américains» parce que le gouvernement ouest-allemand avait [... ] demandé
que celles-ci se déroulent dans une stricte normalité. Et c'est ce que veut éviter
Israël parce que l'installation d'une certaine normalité le priverait d'un traitement
préférentiel : on ne peut pas mettre sur le même plan les relations avec Israël et
celles avec le Ghana 382• »
Il est peut-être préférable d'ajouter ici des sous-titres pour ceux qui
n'auraient pas compris les subtilités des propos concernant toute cette af-
faire : l'Allemagne fédérale demande désormais à Israël de payer ce type
commandes! En effet, selon la législation en vigueur, la poursuite pénale
des crimes perpétrés par les nazis n'était possible que sur une période de
vingt ans jusqu'à la date butoir du 8 mai 1965. Les accords secrets entre
Israël et la RFA, puis l'Allemagne réunifiée, obligeront cette dernière à
poursuivre son traitement préférentiel vis-à-vis de l'État hébreu.

4. L'intercontinental Trailsea Corporation et la guerre des Six Jours

En janvier 1967, les agents Robert B. Anderson, Zecharia Sitchin et


Isaac Charchat fondent l'intercontinental Trailsea Corporation, un consor-
tium de onze sociétés de commerce international spécialisées dans le cour-
tage et les services financiers, les opérations d'entrepôt, les remorques et les
conteneurs. Ses filiales sont l'United Cargo d'Isaac Charchat, l'ITC Com-
mercial Credit Card, l'international Book service, l'ITC Properties Corp.,

381. Akten zur Auswiirtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland (AAPD), 1%5, Bd. Il, Doku-
ment 173, «Du secrétaire d'État Carstens au Député Birrenbàch, actuellement à Tel-Aviv, le
7 avril 1%5».
382. Wisbauer, «Les relations gennano-israéliennes », op. cit., p. 66 et 70.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 301

la Pacifie Coast Customs Brokerage et l'Optimal Service informatique383 •


Isaac Charchat en est le président-directeur général, Sitchin le président et
Anderson le directeur. Les bureaux exécutifs de ce consortium se trouvent
au 1, Rockefeller Plaza à New York384, mais ils seront par la suite déplacés
au 50, Rockefeller Plaza. Il est facile de comprendre pourquoi l'adresse
aura changé par la suite : le 1, Rockefeller Plaza est loué depuis longtemps
par Robert B. Anderson et c'est là que se trouvait sa société-écran de la CIA
dénommée Interser dont nous avons discuté plus haut. Le loyer du 1, Roc-
kefeller Plaza sera estimé à 21000 dollars par mois par le New York Times
en 1987, bureau qu' Anderson louera encore à cette époque385 ! À quelques
pas de là, au début des années 1940, se trouvait l'OCI, l' «Office of the Coor-
dination of Information», ancêtre de la CIA. Ce secteur est le plus grand
quartier central des affaires au monde. Il est réputé pour aider quiconque
à rapidement devenir riche.

86. Le 50, Rocke-


feller Plaza où sera
domicilié le siège
de l'intercontinental
Trailsea Corporation.
Ce consortium: très
opaque constitué
de onze sociétés de
commerce internatio-
nal spécialisées dans
le courtage et les ser-
vices financiers, les
opérations d'entre-
pôt, les remorques
et les conteneurs, fut
fondé par les agents
Robert B. Anderson,
Zecharia Sitchin et
Isaac Charchat.

Isaac Charchat est déjà dans le métier des conteneurs depuis long-
temps et son entreprise, l'United Cargo, existe depuis 1957. Alors pour-
quoi créer une société du même type, surtout avec Robert B. Anderson? Ce
dernier, on le sait, est un faiseur d'or. Jamais il ne se serait impliqué dans
383. Rappel: cette information sur Zecharia Sitchin en qualité d'homme d'affaires dirigeant
un consortium de onze sociétés de commerce international se trouve dans The Courier-gazette
du 24 octobre 1976, p. 11.
384. Selon le Mergent Moody's Transportation Manual, 1975, Moody's Investors Service, 1975,
p.19.
385. New York Times du 16 juin 1987, Section A, p. 1.
302 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

une entreprise sans rapidement vouloir faire beaucoup d'argent. Un docu-


ment déclassifié en 2005 et daté du 23 novembre 1973, provenant de l'US
Department of State à destination de l'ambassade de Khartoum (Soudan),
indique que l'intercontinental Trailsea Corporation est classée dans la caté-
gorie d'actifs 1/10000000 avec un standing de crédit élevé. Ce message
câblé (texte confidentiel communiqué de manière chiffrée) associe égale-
ment l'intercontinental Trailsea Corporation à la société Merrill Lynch, qui
est en même temps la plus grande maison de courtage des États-Unis et
une banque d'investissemenf&i. En 1964, Merrill Lynch sera le principal
courtier en titres du gouvernement américain.
Robert B. Anderson, l'agent à tout faire des présidents des États-
Unis, responsable de la récupération d'un million de tonnes d'or en 1945,
s'associant avec son complice, l'agent Isaac Charchat - le transporteur de
matériaux secrets pour les USA et Israël-, tous deux en affaire avec l'agent
Zecharia Sitchin, directeur exécutif de la Chambre américano-israélienne
de Commerce et d'industrie - également expert en levées de fonds pour
Israël -, le même Sitchin qui vient de faire signer le papier officiel de la
reconnaissance de l'État d'Israël par les États-Unis? C'est trop beau pour
être vrai.
Il faut se replacer dans le contexte géopolitique de cette période.
Le SIPR (Institut international indépendant de Recherche sur les Conflits
armés et les Armes) démontre qu'entre 1966 et 1968, Israël a doublé ses dé-
penses militaires. Lorsqu'on sait qu'à cette époque, l'État hébreu recevait
encore des armes quasiment gratuitement de la RFA et même des USA,
ces chiffres interrogent. L'obstination d'Israël à vouloir se surprotéger et
à réclamer «des armes pour la paix» aura totalement réécrit l'histoire du
Moyen-Orient.
Même si l'intercontinental Trailsea Corporation restera à jamais une
société opaque protégée par le gouvernement étasunien, il n'en demeure
pas moins que sa création démarre le 6 janvier 1967, au moment même
où les États-Unis fournissent un maximum d'armes à destination d'Israël.
Le président Johnson aura probablement eu besoin de son ami Anderson
ainsi que du complice de ce dernier, Isaac Charchat, pour l'aider à faire
transiter rapidement toutes ces armes telles que des tanks, des avions, etc.,
dans des centaines de conteneurs destinés à Israël. L'activité de l'intercon-
tinental Trailsea Corporation ne durera que quelques mois. Cette société
devra se mettre en pause juste après la guerre des Six Jours (5 au 11 juin
1967) en raison de la fermeture du canal de Suez. Elle ne réouvrira ses
portes qu'en 1969 pour des raisons que nous évoquerons plus loin.

Le jeu mondial du contrôle des ressources enrichit certains au détri-


ment de tous les autres. Pour parvenir à ce genre d'enrichissement, Ro-
bert B. Anderson est dans le trafic d'armes depuis le début des années
1960, donc depuis Interser. Couvert par le gouvernement étasunien et la
386. US Department of State (Affaires étrangères), Document numéro 1973STATE230879.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 303

CIA, Anderson et ses collaborateurs seront protégés par le secret d'État.


En 1954, alors qu'il venait de quitter son poste de secrétaire à la Marine,
Anderson est nommé pour quelque temps secrétaire adjoint à la Défense.
Pendant qu'il occupe cette fonction, on lui demande de suivre l'affaire du
MS Alfhem, un cargo scandinave utilisé au printemps 1954 pour livrer près
de 2000 tonnes d'armes au Guatemala, au nez et à la barbe du gouver-
nement étasunien et de la CIA. Cette expérience aura surement profité à
Anderson pour la suite de ses nombreuses activités clandestines.
En 1985 seulement, Robert B. Anderson sera progressivement rattra-
pé par quelques-unes de ses nombreuses affaires. Le Los Angeles Times pu-
bliera une enquête fouillée de William Rempel et Gaylord Shaw à propos
de ventes d'armes à l'Iran. Les marchands d'armes ont affirmé à plusieurs
reprises que leur «consultant et conseiller juridique rémunéré» était Robert
B. Anderson, l'ancien secrétaire au Trésor et consultant pour le compte du
gouvernement étasunien. Des 1J1embres de l'agence ATF chargés de lutter
contre les trafics d'armes, d'explosifs, le tabac et l'alcool, étaient à l'origine
de ce commerce illégal. Ils ont mentionné Anderson comme étant «sur leur
liste de paie», donc également rémunéré pour les aider à falsifier de futurs
documents d'exportation. Étrange «coïncidence» alors que l' ATF était
sous le contrôle administratif de Robert B. Anderson dans les années 1950.
Cela confirme qu' Anderson connaissait tous les rouages conduisant à ce
genre de trafic. Les membres de l' ATF, pris la main dans le sac, donneront
même le nom de code d' Anderson : « M.A. ». Anderson leur servait aussi
de conseiller contre une part des bénéfices387 • L'intéressé niera toute impli-
cation dans cette affaire. Robert B. Anderson aura été le consultant incon-
tournable des présidents Harry S. Truman, Dwight D. Eisenhower, John
F. Kennedy, Lyndon Johnson et Richard Nixon. Pendant près de 30 ans,
il aura servi son pays et aura été couvert par des gouvernements succes-
sifs.

*
* *

À la fin de l'année 1966, les tensions s'intensifient entre Israël et la


Syrie depuis l'élection au pouvoir de représentants censés unifier l'en-
semble des États arabes en une seule et grande nation. C'est le cauche-
mar d'Israël. L'État hébreu souhaite depuis longtemps récupérer d'autres
terres pour agrandir son pays. Moshe Dayan, le ministre israélien de la
Défense en 1967, expliquera dans une interview de 1976 ce qui s'était véri-
tablement passé avant la guerre des Six Jours. Dans cet entretien, Moshe
Dayan évoque la stratégie israélienne de grignotement des frontières : «Je
sais comment ont commencé au moins 80 % des heurts qui se sont produits [à

387. William Rempel & Gaylord Shaw, «Documents Give Inside Look Into Arms Deals: Seized
Papers, Tapes Tell of U.S. Sting Operation That Uncovered Scheme to Sell Weapons to Iran», Los
Angeles Times du 29novembre1985.
304 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

la frontière israélo-syrienne]. [... ] Nous envoyions un tracteur labourer un


endroit où il n'était pas possible de faire quoi que ce soit, dans une zone démi-
litarisée, et nous savions d'avance que les Syriens se mettraient à tirer. S'ils ne
tiraient pas, nous demandions au tracteur de continuer à avancer, jusqu'à ce que
les Syriens s'énervent et tirent. Alors, nous faisions intervenir l'artillerie et par la
suite, l'aviation en plus. Voilà comment ça se passaif388. »

En janvier 1967, des incidents liés à des tirs sont à déplorer à la


frontière syrienne pour les raisons détaillées ci-dessus. La tactique israé-
lienne va progressivement envenimer la situation aux frontières. Nasser et
l'Égypte sont depuis longtemps dans la ligne de mire de Wall Street. Pas
seulement parce que Nasser est soutenu par les Soviétiques, mais parce
qu'il y a beaucoup de contrats à conclure avec l'Égypte et l'URA (l'Union
de la République arabe, aussi désignée en tant que «RAU» en français);
il s'agit d'un État créé en 1958 par l'Égypte et la Syrie. Cette république
fut à l'origine instaurée pour non seulement fédérer l'ensemble du monde
arabe, mais aussi pour contrer la menace communiste.
Toujours en janvier 1967, plusieurs financiers et hommes d'affaires
très influents - tous amis personnels du président Lyndon Johnson - s'ar-
rangent pour dresser une liste dans l'intention de se faire inviter au Caire.
Parmi ces hommes influents se trouve leur chef de file, Robert B. Ander-
son ... Les hommes envoyés par Lyndon Johnson vont évaluer la « banca-
bilité »de Gamal Nasser. Lorsqu'ils reviendront de leur voyage, Anderson
fera part d'impressions favorables. Il y a des affaires et de l'argent à se faire
avec l'Égypte comme il y en a avec Israël.

Le 7 avril 1967, Israël lance une opération aérienne contre la Syrie.


L'État hébreu est au sommet de sa puissance grâce aux armes américaines.
«Les bombardements syriens depuis les hauteurs du Golan avaient pour but
d'empêcher les empiétements israéliens. [... ] Les tracteurs israéliens pénétraient
dans les zones contestées, souvent avec l'appui des forces armées de la police israé-
lienne; les Syriens faisaient feu à partir de leurs positions élevées, et pilonnaient
souvent les colonies israéliennes dans la vallée de Houleh. En tentant de s'opposer
au défi israélien, la Syrie s'exposait aux incursions punitives israéliennes, frappes
aériennes comprises389• » April R. Summitt explique que «Ben Gourion, pour
sa part, prônait des incursions militaires et des représailles contre les Arabes afin
de préserver et d'étendre les lignes d'armistice d'Israël. Lui, comme le sioniste
de droite Zeev fabotinsky, croyaient en l'érection d'un 'mur de fer' entre Israël
et ses ennemis par l'expansion militaire et la force, plutôt que par des négocia-
tions390. »
388. Interview de Moshe Dayan donnée à Rami Tal, in Avi Shlaim, Le Mur de fer - Israël et le
monde arabe, Paris, Éditions Buchet-Castel, 2007, p. 271.
389. Norman G. Finkelstein, Mythes et réalités du conjlit-Israélo-palestinien, Bruxelles, Éditions
Aden, 2007, p. 220.
390. April R. Summitt, John F. Kennedy and U.S.-Middle East Relations: A History of American
Foreign Policy in the 1960, Leviston (New York), Edwin Mellen Press Ltd, 2008, p. 30.
NE SURTOUT LAISSER AUCUNE TRACE 305

L'Égypte est liée à la Syrie via l'URA. Nasser se voit reprocher son
inaction. Soucieux de fédérer le monde arabe, il envoie des colonnes ar-
mées dans le Sinaï en exigeant le retrait des troupes de l'ONU présentes
là-bas depuis 1956. Il ne souhaite pas la guerre, se doutant de la supério-
rité en armes des Israéliens. Le 22 mai, Nasser interdit le détroit de Tiran,
qui relie le golfe d' Aqaba la mer Rouge, à la navigation israélienne. Un
porte-conteneurs de l'intercontinental Trailsea Corporation est désormais
dans l'impossibilité de livrer des armes étasuniennes. Le 30 mai, Robert B.
Anderson est envoyé au Caire pour négocier avec Nasser.
Le président Nasser l'informe que l'URA est déterminée à se dé-
fendre contre toute agression «avec tous nos moyens et potentialités». Nas-
ser et Anderson souhaitent trouver la solution d'une sortie de crise. Le
président égyptien semble ouvert à un arbitrage du conflit concernant le
détroit de Tiran par la Cour internationale de Justice. Il entrevoit même la
possibilité d'un assouplissement du blocus qui autoriserait le transport du
pétrole durant la décision de la Cour. Anderson et Nasser se mettent au
point pour la visite du vice-président égyptien à Washington pour la fin de
la semaine en vue d'examiner la possibilité d'un règlement diplomatique 391 •
La réunion de Washington n'aura pas lieu. Israël attaque le 5 juin et
se lance dans une guerre-éclair sans précédent. S'ensuivent la destruction
quasi totale des troupes égyptiennes et syriennes et l'occupation de plu-
sieurs territoires importants. Seul le Sinaï sera restitué à l'Égypte grâce aux
accords de Camp David (1978): les deux tiers en 1979 et la dernière partie
en 1982. Rappelons que cette guerre des Six Jours aura permis à Israël de
s'approprier le plateau de Golan, Jérusalem-Est et une partie de la Cisjor-
danie. La guerre des Six Jours offrira également, comme prise de guerre,
le site de Qumrân (mer Morte) intégré au consortium des 'parcs nationaux
d'Israël. De la même façon, Israël gère depuis juin 1967 le fonds des collec-
tions du Musée archéologique de Palestine à Jérusalem-Est - à savoir tous
les textes de la mer Morte - comme propriétaire de fait. Le musée archéo-
logique de Palestine porte désormais le nom de «Musée Rockefeller» ... Il
est loin le temps où, deux ans auparavant, le pavillon jordanien de la New
York World's Fair exposait des fragments des Rouleaux de la mer Morte.
Un égyptien interviewé dans l'émission française «Zoom», datée
du 13 juin 1967, commente la situation: «Ce n'est pas une guerre raciale, ce
n'est pas une guerre raciste, ce n'est pas une guerre d'expulsion, ce n'est pas une
guerre bâtie sur la haine entre deux races ou entre deux religions ... L'opinion
française est abreuvée quotidiennement et à chaque minute d'allusions, d'insi-
nuations, si ce n'est des attaques très claires et très franches contre la position des
Arabes, pour la position - non pas des juifs, j'insiste - mais des sionistes392• »
391. «Crise du Moyen-Orient du 12 mai au 19 juin 1967», Volume 9, Appendice P, Natio-
nal Security Council Histories, NSF, Box 20, LB/ Presidential Library / Historical Studies Division,
Historical Office, Bureau of Public Affairs - Department of State, Projet de recherche n° 879, jan-
vier 1969, p. 88-89.
392. Bourdon & Wagner, reportage «Israël- Palestine: l'emprise des images», partie 1: «Is-
raël à l'avant-scène», op. cit.
306 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Outre l'accumulation des tensions et l'augmentation des attentats


au Proche-Orient, les conséquences de la guerre des Six Jours bouleverse-
ront la navigation mondiale: La fermeture du canal de Suez de juin 1967 à
juin 1975 aura également contraint l'Occident à acheminer le pétrole par
d'autres voies que la Méditerranée. Les armateurs ont dès lors inventé le
gigantisme naval avec l'apparition d'énormes pétroliers et porte-conte-
neurs.
L'équipe Sitchin-Charchat-Anderson aura trouvé une idée pour
contourner le problème du canal de Suez et de Panama : l'invention d'une
nouvelle route intitulée «Land Bridge». Ce nouveau système de routes
commerciales, créé à New York, va développer le transport de cargaisons
en conteneurs entre !'Extrême-Orient et l'Europe en utilisant les États-Unis
comme un «pont terrestre» offrant une meilleure route plus courte. L' ob-
jectif est de gagner du temps. Un voyage de 30 à 40 jours ne prendra que
16 à 18 jours en transportant les conteneurs par voies ferrées en coupant
par l'Amérique du Nord. Zecharia Sitchin, président de l'intercontinental
Trailsea Corporation, sera également président de la Land-Bridge Corpo-
ration. Cette initiative coûteuse ne durera que quelques années, le temps
pour l'intercontinental Trailsea Corporation et l'United Cargo Corporation
d'Isaac Charchat de retrouver leurs itinéraires habituels grâce à un quasi-
retour à la normale de la géopolitique mondiale et à la réouverture du
canal de Suez à partir du mois de juin 1975.

Après la dure défaite de Gamal Nasser et de l'URA, le gouverne-


ment soviétique a envoyé une lettre amicale au président égyptien pour lui
remonter le moral. Nasser fera part de ses discussions avec Robert B. An-
derson, traitant le président Johnson et Anderson« d'escrocs et de voleurs».
Nasser n'était pas dupe, il indique dans son échange: «Anderson était arrivé
à l'URA pour imposer sa politique américaine. Les États-Unis voudraient ressus-
citer la doctrine Dulles-Eisenhower : transformer la zone du Moyen-Orient en
'place d'armes' sous contrôle américain et exploitant les gisements de pétrole393• »

393. «Archives polonaises des rencontres du 9 novembre 1967 à Moscou des leaders du
bloc soviétique», History and Public Policy Program Digital Archive, KC PZPR, XI A/13, AAN,
Varsovie.
VI
Les principes, la foi, la gloire et l'argent

1. Isaac Charchat entre fierté et loyauté

«Avant de consacrer ses talents considérables à l'écriture, Isaac Charchat


a connu une longue et brillante carrière dans l'industrie maritime, où sa clair-
voyance et ses innovations audacieuses lui ont valu une réputation internatio-
nale. Lorsque la Seconde Guerre mondiale a paralysé son entreprise de transport
maritime en 1942, il a profité de cette interruption pour développer un système
comptable unique, l'un des premiers à utiliser des ordinateurs. À la fin des an-
nées cinquante, il a révolutionné l'industrie maritime en introduisant la navi-
gation conteneurisée, un concept qu'il a utilisé plus tard pour créer son célèbre
'Land-Bridge' de l'Extrême-Orient à l'Europe, à travers les États-Unis conti-
nentaux. Le Land-Bridge s'est rapidement révélé être la première alternative
pratique à un canal de Suez perturbé. Croyant fermement que l'histoire ignorée
est une invitation ouverte à ce que l'histoire se répète, l'auteur s'est largement
inspiré de son expérience personnelle pour écrire A Constant Reminder394 • »

Tels sont les propos imprimés au dos du livre d'Isaac Charchat, A


Constant Reminder. Lorsque Charchat publiait son ouvrage à la fin del' an-
née 1984, il devait être à la retraite depuis un moment, mais tel n'était pas
vraiment le cas. En 1979, un article du New York Times explique qu'Isaac
Charchat obtenait la location d'un nouveau terminal au quai 92, au pied
de la 52• Rue à New York. Ce terminal exploitait à l'origine les paque-
bots pour la ville de New York. Ce site allait renouer avec les emballage
et déballage des énormes conteneurs de son entreprise, }'United Cargo
Corporation, tels que Manhattan ne les avait plus connus depuis 15 ans.
L'opération fournirait initialement cent nouveaux emplois aux débar-
deurs. Des personnes désignées par l'United Cargo allaient se charger
394. Charchat, A Constant Reminder, op. cit., quatrième de couverture.
308 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

de trier les conteneurs qui n'allaient pas être chargés ou déchargés à la


jetée, mais transportés par camions vers les quais adéquats. Une nouvelle
caractéristique de cette opération, dira Charchat, se résume en un arran-
gement par lequel les importateurs ou exportateurs seraient désormais
en mesure de payer les marchandises et le fret avec une carte de crédit
commerciale de commerce international395 • Décidément, Isaac Charchat
aura bien souvent eu une longueur d'avance sur la technologie.

87. Isaac Charchat à la fin


des années 1970. Recons-
titution basée sur des
photos existantes.
© Hanael Parks

L'agent au service d'Israël n'aura cessé de servir son pays contre


vents et marées. Isaac Charchat était un bourreau de travail et un homme
fier de son parcours parsemé d'embûches. Ce fut une expérience unique
que de pouvoir partager ici quantités de ses exploits pour le compte des
Etats-Unis et d'Israël, pratiquement tous sous le couvert du secret d'État.
C'est aussi une chance d'avoir pu retrouver sa trace, car, comme nous
l'avons compris, «Un agent en activité ne laisse normalement aucune
trace».
La rédaction du livre de Charchat faisait probablement suite aux
deux premières publications à succès de son fidèle ami Zecharia Sitchin.
Il était temps pour Isaac Charchat de tourner la page et de livrer son
cœur et une petite partie de ses aventures pour la postérité. À la fin de
l'introduction de son ouvrage, Charchat indiquait:« Ce que vous lirez dans
les pages suivantes est basé sur une histoire vraie, l'histoire d'un jeune juif sué-
dois et de sa majorité dans une tempête qui se prépare. »

395. Damon Stetson, «New Cargo Operation Is Initiated On a Hudson Pier for Containers», New
York Times du 14 janvier 1979, p. 42.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 309

Charchat ne mâchait jamais ses mots. Dans un article de l'Evening


Sun du mois d'août 1984 - en pleine préparation de promotion pour son
ouvrage prêt à être édité - il expliquait en quelques mots toute sa colère à
l'encontre du racisme qui lui rappelait l'antisémitisme qu'il avait connu
toute sa vie. Nous avons vu que ses nombreux réseaux provenaient au
début de sa carrière de contacts qu'il avait pu avoir en Afrique. Dans The
Evening Sun, il donnait comme exemple son arrivée en Afrique du Sud :
«Mon introduction à l'Afrique du Sud a eu lieu à mon arrivée au Cap, lorsque
j'ai offert ma main pour remercier un homme noir qui m'avait aidé, moi et mes
enfants. J'ai été repoussé par un homme blanc sud-africain qui m'a regardé avec
colère et qui m'a expliqué 'les faits de la vie'. Mon éducation s'est poursuivie
lorsque j'ai aidé une femme noire enceinte à rassembler ses affaires éparses après
avoir été poussée avec un chariot par le conducteur blanc parce qu'elle 'mettait
trop de temps' à descendre [du bus]. Je me souviens de la façon dont un cercle
de blancs s'est formé autour de nous, pointant le doigt vers moi et criant que je
ferais bien de me comporter mieux et de m'occuper de mes propres affaires, ou
d'en subir les conséquences. Encore une fois, en tant qu 'invité dans une maison
sud-africaine, j'ai appris qu'il existe encore des endroits sur Terre où les êtres
humains sont considérés comme moins que des humains et indignes de considé-
ration, de dignité ou de liberté. C'est ce que mon hôte m'a dit avec colère après
que j'ai empêché son fils de cracher sur la tête du jeune domestique noir qui cirait
les chaussures du garçon 396 [ ••• ]. »

Depuis quelque temps déjà, Charchat s'était également lancé dans


la distribution de livres en provenance de l'étranger à destination des
États-Unis et de l'Angleterre. Dès la sortie de son ouvrage, Charchat
va enchaîner les interviews, les articles et les salons du livre. Le mardi
2 avril 1985, de 12h30 à 14h, l'agent à la retraite se trouvait en dédicace
chez B. Dalton, Bookseller, au 666 de la s• Avenue à Manhattan.

396. The Evening Sun (Baltimore, Maryland) du 22août1984, p. 18.


310 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

88. Publicité du New York


Times du 1" avril 1985
pour la dédicace d'Isaac
Charchat programmée le
666 Afth ~. 2':17·1740
lendemain chez B. Dalton.

En mai 1985, il se trouvait à la 12e foire internationale du livre de


Jérusalem (The 12th /erusalem International Book Fair) qui ouvrait ses portes
du 5 au 10 mai. Le samedi 25 mai, en pleine promotion de son ouvrage,
Isaac Charchat souffre d'une insuffisance cardiaque. Transporté d'urgence
à l'hôpital central de New York, il meurt peu après. Il avait 81 ans. Il lais-
sait derrière lui sa femme Cecelia, ses trois filles et son fils, ainsi que treize
petits-enfants et six arrière-petits-enfants. Un service funèbre lui sera ren-
du le 28 mai 1985, à 12h30 à la synagogue de Sutton Place, 225 East, 51st
Street à New York.
Charchat avait probablement comme projet de faire une suite à son
livre. En effet, A Constant Reminder finit étrangement sur son arrivée en
Palestine en laissant le lecteur dans le doute concernant la suite de ses
aventures. Le lendemain du service funèbre, la /ewish Telegraphic Agency
(JTA) indiquait : «L'année dernière, Shengold Publishers de New York a publié le
roman autobiographique de Charchat, A Constant Reminder, qui, bien que sous
forme de fiction, est basé sur les faits de la vie de Charchat. Il met en garde contre
la possibilité que l'histoire se répète dans ses aspects les plus maléfiques. Le livre
cherche à expliquer et à détailler la dynamique historique qui a conduit à /'Holo-
causte, un aspect qui, selon Charchat, était rarement et insuffisamment traité par
ceux qui relatent les horreurs de l'Holocauste397 • »

Isaac Charchat était également un homme de foi. Il était le rabbin


397. «Isaac Charchat Dead at 81 », fewish Telegraphic Agency du 29 mai 1985.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 311

de la synagogue de l'aéroport Idlewild de New York, rebaptisé aéroport


Kennedy depuis la mort de JFK. Au service de la communauté juive amé-
ricaine, cette synagogue sert encore aujourd'hui les employés de l' aéro-
port comme les hommes d'affaires. Elle a également accueilli des réunions
telles que des séminaires de sermons pour les rabbins et des réunions de
l'organisation new-yorkaise d'Hadassah dirigée par Frieda Rina Sitchin, la
femme de Zecharia Sitchin.
Bien qu'agent actif pour le mouvement sioniste et, par la suite, pour
Israël, Isaac Charchat semble avoir été un homme d'honneur avant d'être
un espion. Comme Zecharia Sitchin, rien n'était plus important à ses yeux
que de servir l'État hébreu et de faire partie intégrante d'une nation is-
raélite ayant pour ambition de vivre dans la paix avec ses voisins. Cela
pourrait paraître être à l'opposé d'un agent qui a transporté l'or de l'Axe
pour les USA ainsi que de l'eau lourde et des armes pour Israël. Pourtant,
cette contradiction ne revêt plus du tout la même importance lorsqu'on
songe à l'homme qui s'est battu pour le peuple juif, certes, mais aussi pour
l'intégrité de l'être humain. Dans un petit article de 1977 du journal News-
Press de Floride, il se disait «très occupé398 ». Isaac Charchat aura eu, on en
conviendra, une vie bien remplie. Son entreprise, l'United Cargo Corpora-
tion, cessera toute activité le 23 juin 1993.

2. Robert B. Anderson, la chute del' Aigle Noir


et du World Trade Center

La fin de la vie de Robert B. Anderson ressemble à un véritable roman


d'espionnage qui s'achève comme un film dramatique. Anderson travailla
longtemps avec son ami le président Lyndon Johnson. Au début del' année
1964, à la suite de violentes émeutes anti-américaines au Panama, Lyndon
Johnson avait nommé Anderson ambassadeur spécial au Panama pour né-
gocier un nouveau traité sur le statut du canal de Panama. Une foule de per-
sonnes cachait del' argent« écrémé» sur des comptes du Panama. Même l'Is-
rael-Mediterranean Petroleum fut constituée en vertu des lois du Panama.
À cette époque, Meyer Lansky, le patron de la «mafia juive» en
Amérique, travaillait avec le Mossad dans la contrebande d'armes à desti-
nation d'Israël. Tout entrait et sortait du Panama. Le gouvernement amé-
ricain était parfaitement au courant de cette situation puisqu'il soutenait
en secret ce type d'activité clandestine399 • Les conteneurs d'Isaac Charchat
et de son entreprise, l'United Cargo, faisaient régulièrement la navette via
le Panama. Nous ne saurons probablement jamais si Charchat travaillait
avec Meyer Lansky, mais ses activités de transporteur clandestin éveillent
encore aujourd'hui les soupçons.

398. News-Press du 16 octobre 1977, p. 98.


399. Michael Corbitt & Sam Giancana, Double Deal, New York, Avon Publications, 2004,
p. 108-109.
312 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

S'ajoute à ce trafic d'armes un accord entre la CIA et le syndicat du


crime organisé à propos de plus de 100 millions de dollars de drogues illi-
cites transitant annuellement par La Havane et les États-Unis. La relation
était tellement étroite entre le syndicat du crime organisé de Lansky et
la CIA que cette dernière recevait 10 % de la vente de stupéfiants qu'elle
plaçait dans des caisses noires et sur des comptes au Panama400 • On l'aura
compris, Robert B. Anderson ne négociait pas seulement un nouveau traité
sur le statut du canal de Panama, mais il était aussi là pour garantir que
tout ce beau monde, auquel il participait nécessairement, continuerait à
faire de fructueuses affaires ...
Anderson et ses homologues panaméens parvinrent à un accord
préliminaire, mais un coup d'État militaire survint au Panama en octobre
1968. Cette situation explosive rendra l'accord caduc et forcera Anderson à
renégocier avec le nouveau gouvernement d'Omar Torrijos. Ne parvenant
pas à obtenir la révision du traité, Anderson démissionnera, totalement
abattu, en juin 1973. Nous l'avons vu précédemment, Anderson se lança
aussi dans de nombreuses consultations à l'étranger en qualité d'avocat et
homme d'affaires, conseillant par exemple le Koweït sur la façon d'utiliser
ses richesses pétrolières. Ses principaux domaines d'intérêt incluaient les
conseils financiers, la banque, le pétrole, l'immobilier et bien entendu le
trafic d'armes.
Anderson admettait que ses liens politiques avaient conduit à des
entreprises commerciales prospères. Il a aidé le Koweït à créer des sociétés
juridiques, a mené des négociations de traité pour un bail de cuivre avec
le gouvernement du Zaïre. Il a en outre conseillé des sociétés pétrolières
géantes, dont Phillips Petroleum et Texaco, et a siégé à de grands conseils
d' administration401 •
Mais Anderson était depuis longtemps dans le même jeu que plu-
sieurs membres de la CIA: les sociétés de façade, les opérations de blanchi-
ment d'argent et l'enrichissement grâce à la crédulité d'autrui. Il accueil-
lait dans sa banque offshore des Antilles britanniques des personnes inno-
centes comme des trafiquants de stupéfiants, des amis marchands d'armes
et autres gangsters. Ses opérations secrètes ressemblaient fort à celles de la
CIA qui seront découvertes à peine quelques années plus tard, entre 1990-
1991, avec le scandale de la BCCI (Bank of Credit and Commerce Interna-
tional) du Pakistan.

Dans ses bureaux de Manhattan, Robert B. Anderson arborait une


peinture de Jésus-Christ et des témoignages signés des présidents étasu-
niens avec lesquels il avait longuement collaboré. En 1983, il recevait la
visite du révérend Sun Myung Moon, père fondateur de l'Église de !'Uni-
fication, plus connue comme la «secte Moon». Son empire financier était

400. S. & C. Giancana, Double Cross, op. cit., p. 259.


401. Marcia Chambers, « From Treasury Secretary to Guilt in a Fraud »,New York Times du 16 juin
1987, p. 1.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 313

estimé à deux milliards de dollars, de quoi éveiller les pulsions les plus
secrètes d' Anderson. Étant suspecté d'évasion fiscale depuis 1981, Moon
avait besoin des services et conseils d' Anderson. Anderson travaillera
donc pour Moon comme lobbyiste et consultant.
Selon le New York Times et les archives judiciaires de 1984, l'Église de
l'Unification versait à Anderson un salaire annuel d'environ 240 000 dol-
lars, payait le loyer de son bureau de la Cinquième Avenue et lui donnait
un petit personnel pour faire fonctionner le Global Economie Action Institute
qui étudiait les questions économiques402 • Anderson avait lancé cette ins-
titution en 1984 à la suite de la conférence mondiale qu'il avait organisée
l'année précédente à Genève, entre les 21et26août1983.
Probablement à raison, le jury américain semblait vouloir s'acharner
sur le révérend Moon qui sera reconnu coupable de ne pas avoir payé envi-
ron 7500 dollars d'impôts sur des revenus d'intérêts. Condamné à 18 mois
de prison, il commencera à purger sa peine en juillet 1984 dans l'établisse-
ment correctionnel fédéral de Danbury403• Robert B. Anderson fera tout son
possible pour le faire sortir, allant jusqu'à rencontrer l'administration de
Donald Reagan, dont le vice-président Bush, dans le but d'amener la Cour
suprême à revoir sa condamnation. Mais Anderson n'était plus du tout
dans les petits souliers du gouvernement américain. À partir du moment
où il va commencer à faire du bruit autour de cette affaire, l'avenir finan-
cier d' Anderson va très vite connaître une chute vertigineuse ...

Le révérend Moon a été officiellement libéré pour bonne conduite


après avoir purgé 13 des 18 mois initialement prévus. Plus de 2000 membres
de son Église l'ont accueilli lors d'un banquet donné en son honneur à
Washington. Mais la justice allait rattraper Anderson à son tour. Outre la
découverte de son implication dans des trafics d'armes en 1985404, plu-
sieurs procureurs vont découvrir qu' Anderson avait utilisé des moyens de
dissimulation de revenus. L'Église de l'Unification de Sun Myung Moon
aurait payé Anderson en transférant de l'argent d'une organisation asso-
ciée située en Uruguay vers la banque non enregistrée d' Anderson - la
Commercial Exchange Bank and Trust d' Anguilla, aux Antilles405 •
Selon les accusations, Robert B. Anderson dirigeait illégalement
une entreprise bancaire à Manhattan non enregistrée auprès des agences
d'État ou fédérales, et n'avait pas d'assurance-dépôts. «Les procureurs ont
déclaré que les déposants avaient perdu au total au moins 4,4 millions de dollars. »
Les enquêteurs fédéraux pensent qu' Anderson aurait utilisé une partie de
l'argent pour acheter des milliers d'acres de baux pétroliers et gaziers dans
402. Ibidem.
403. Cheryl Wetzstein, «The Reverent Sun Myung Moon, founder of the Times, dies at 92 », The
Washington Times du 2 septembre 2012.
404. Rempel & Shaw, «Documents Give Inside Look Into Arms Deals: Seized Papers, Tapes Tell of
U.S. Sting Operation That Uncovered Scheme to Sel! Weapons to Iran», op. cit.
405. Paul Ritchter, «Former Treasury Secretary Faces Prison: Robert B. Anderson, 76, Pleads Guilty
to Tax Evasion, Bank Fraud », Los Angeles Times du 27 mars 1987.
314 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

neuf comtés de l'Oregon. Le reste, selon les enquêteurs fédéraux, il l'aurait


utilisé pour rembourser ses dettes, dettes qu'il doit à son train de vie pha-
raonique et à l'entretien de plusieurs femmes. «Anderson est un manipu-
lateur de personnes vulnérables capable de plonger des gens dans des situations
particulières» sera-t-il lancé lors du procès ... «Il n'engageait jamais aucun
de ses fonds propres dans ces entreprises. C'était toujours l'argent de quelqu'un
d'autre», déclarera M. Forsberg, l'avocat des victimes406•
Anderson informait ses clients qu'il était préférable de déposer
leurs économies dans sa propre banque, la Commercial Exchange Bank
and Trust d' Anguilla. Là, ses clients pouvaient trouver les avantages de
«l'anonymat absolu du client» dans un «environnement libre d'impôt».
D'autres encore pouvaient profiter des services de la banque d' Anderson,
y compris un trafiquant de drogue qui avait déposé son argent pour en-
suite le recycler en investissements défiscalisés dans un projet d'énergie
géré par un autre des associés d' Anderson.
Les avocats d' Anderson plaideront la naïveté de ce dernier. Au-de-
là des difficultés découlant de la maladie d' Alzheimer de sa femme et le
décès tout récent de cette dernière, Robert B. Anderson luttait depuis long-
temps contre son alcoolisme, lequel aurait pu altérer son jugement. Il était
ces dernières années entré dans au moins deux instituts de rééducation,
avait-il lui-même précisé, ajoutant que son alcoolisme était désormais sous
contrôle407 •

Robert B. Anderson plaidera coupable d'évasion fiscale sur plus de


127000 dollars de revenus entre 1983 et 1984 et d'avoir exploité sa banque
offshore aux Antilles britanniques dans laquelle des investisseurs avaient
perdu plus de 4 millions de dollars. Tout ceci n'est bien entendu que le
sommet d'un gigantesque iceberg.
Robert B. Anderson purgera sa peine dans le camp de la prison
fédérale d' Allenwood, en Pennsylvanie, en août 1987. Son assignation à
résidences s'achèvera en janvier 1988. Radié du barreau par la Division
d'appel de la Cour suprême de l'État de New York en janvier 1989, l' ordon-
nance du tribunal déclarera:« C'est une triste fin, mais selon nous nécessaire,
à la carrière juridique d'une personne qui, en des temps moins assombris par un
jugement médiocre et corrompu, a servi son pays sous de hautes fonctions 408• » Le
juge lui avait également ordonné de dédommager les victimes de ses opé-
rations bancaires.

Robert B. Anderson aura été hospitalisé dix fois pour alcoolisme de-
puis 1981. Notre espion numéro un était très affecté depuis qu'il ne travail-
lait plus pour le gouvernement étasunien. Plus personne ne l'appelait de-

406. Chambers, «From Treasury Secretary to Guilt in a Fraud», op. cit.


407. Ibidem.
408. Eric Pace, «Robert B. Anderson, Ex-Treasury Chief, Dies at 79», The New York Times du
16 août 1989, p. 9.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 315

puis le milieu des années 1970, donc depuis l'échec de ses tentatives de né-
gociation avec le Panama. Il devait suivre un traitement pour lutter contre
l'alcoolisme. Sans doute aurait-il eu envie de crier un bon coup et de balan-
cer toute la vérité. Combien de secrets ultra-sensibles cet homme connais-
sait-il? S'il parlait, sa chute et celle de sa famille auraient été instantanées.
Souffrant d'un cancer de l'œsophage, Anderson rentrait à l'hôpital
de New York le 25 juillet 1989. Il décèdera le 14 août à la suite d'une in-
tervention chirurgicale. Il avait 79 ans. Robert B. Anderson fut enterré au
cimetière de Rose Hill à Cleburne, au Texas, sans aucune fanfare. Son asso-
cié, Isaac Charchat, n'était plus là pour lui rendre un dernier hommage,
mais Zecharia Sitchin, avec lequel Anderson était toujours en affaires via
l'intercontinental Trailsea Corporation, put lui rendre le dernier hommage
d'un soldat à un autre soldat.

*
* *

Le 10 septembre 2001, donc la veille des fameux attentats du 11 sep-


tembre qui détruiront les tours du World Trade Center, Donald Rumsfeld,
le secrétaire à la Défense des États-Unis, annonce froidement : «Selon cer-
taines estimations, il nous est impossible de retracer 2,3 billions409 de dollars de
transactions». Précisons que le billion est supérieur au milliard et qu'un
billion est équivalent à mille milliards. Faites le calcul : cette somme as-
tronomique correspond à 2300000000000 de dollars. Rumsfeld était-il au
courant qu'une phénoménale attaque terroriste aurait lieu le lendemain,
sachant que la nouvelle des billions de dollars manquants serait noyée
dans le flot médiatique massif lié à l'attaque du 11 septembre? Cette idée
qualifiable de « complotiste » se pose lorsqu'on sait à quel point cette nou-
velle du 10 septembre n'aura pratiquement aucun impact sur le public.
Mieux encore, par effet de dominos, les attentats du 11 septembre
auront également, et «miraculeusement» permis de détruire des bureaux
du Pentagone dans lesquels une enquête était menée par l'Office of Na-
val Intelligence (ONI). Cette enquête était destinée à retrouver la trace de
240 milliards de dollars de titres créés en 1991 pour financer une guerre
économique secrète contre la Russie qui portait encore, à l'époque, le nom
d'Union soviétique.
Il y avait trois courtiers importants dans le World Trade Center par-
mi lesquels Cantor Fitzgerald, le plus important courtier en bons du Trésor
des États-Unis qui était en relation avec la Federal Reserve Bank of New
York. Ce courtier se trouvait entre le 101e et le 105e étage du World Trade
Center One, soit deux étages au-dessus de l'impact subi par cette tour.
Cantor Fitzgerald perdra la totalité de ses 658 employés présents durant
ce jour fatidique. Cette banque d'investissement avait été créée en 1945 -
cette date ne vous évoque-t-elle rien? C'est l'année où le gouvernement
409. Trillions en anglais
316 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

américain était sur la trace de l'or de l'Axe, l'année où Anderson et Char-


chat récupérèrent plus d'un million de tonnes d'or, soit environ 90 % des
stocks «réels» du monde del' époque. Lors del' attaque des tours jumelles,
tous les certificats concernant les obligations ont également été détruits.
La zone touchée par l'attaque parallèle sur le Pentagone, ce même
11 septembre 2001, correspond au Centre de Commandement naval qui
abritait le Bureau de commandement naval. 29 des 30 employés du Bureau
du renseignement naval furent tués. Le Centre de Commandement naval
avait été déplacé dans cette nouvelle section créée au Pentagone un mois
plus tôt ... À cause des attentats du 11 septembre 2001, toute trace des dé-
pôts secrets connus sous le nom Black Eagle Trust va se volatiliser à jamais.
Décidément, si Isaac Charchat et Robert B. Anderson avaient tous deux
vécu cet événement historique, outre l'horreur qu'il implique et la guerre
en Irak qui en découlera, ils se seraient assurément retrouvés autour d'une
table pour en parler pendant des heures ...

Quant à l'invasion de l'Irak, nous savons aujourd'hui tous que les


gouvernements étasunien et britannique avaient froidement menti au
monde entier à propos des soi-disant armes de destruction massive pré-
sentes au pays du pétrole de Saddam Hussein. Entre mars et mai 2001,
juste après l'arrivée de l'administration du président George W. Bush, des
réunions liées à l'Energy Task Force auront produit une carte faisant état
d'un plan de découpage de futures concessions pétrolières en Irak. L'exis-
tence de cette carte fut révélée en 2002 par décision de la justice améri-
caine. Le 6 novembre 2002, le ministre britannique des Affaires étrangères
invitait BP à discuter des opportunités concernant l'Irak après le futur
changement de régime (sic). Dans le compte rendu de cette réunion se
trouve cette phrase : «L'Irak est la grande opportunité du pétrole. BP est prêt
à tout pour y aller, et s'inquiète que des accords politiques ne la privent de cette
opportunité.» Cinq mois avant l'invasion de l'Irak programmée en mars
2003, la ministre britannique du Commerce, la baronne Elisabeth Symons,
déclarait aux représentants des majors britanniques qu'elle ferait en sorte
que ces dernières aient accès aux réserves de pétrole en Irak. L'Irak détient
8,3 % des réserves mondiales de pétrole et c'est le seul producteur dont les
capacités de production semblent se développer de manière continue410 •
Nous connaissons la suite : «La guerre en Irak fut officiellement lan-
cée pour écarter une menace de guerre sur le monde, due aux capacités de Sad-
dam Hussein d'utilisation d'armes de destruction massive: biologique, chimique
et nucléaire.» Nous savons aujourd'hui que ces armes n'ont jamais existé
et qu'elles furent un prétexte pour que les compagnies pétrolières amé-
ricaines et britanniques puissent récupérer le contrôle du robinet irakien
du pétrole. Des années après les deux Premières Guerres mondiales, les
procédés n'avaient guère changé.

410. Matthieu Auzanneau «La guerre d'Irak était bien une guerre du pétrole (cette fois, c'est
prouvé!)», Le Monde du 14 juin 2011.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 317

3. Zecharia Sitchin, sous la coupe de la Fondation Rockefeller

Lorsque l'on observe les différentes biographies de Zecharia Sitchin


- mis à part quelques menues anecdotes sur de vagues activités commer-
ciales, son implication dans la Chambre américano-israélienne de Com-
merce et d'industrie, sa présence à la New York World's Fair de 1964-65 et la
création d'une entité nébuleuse dénommée Intercontinental Trailsea Corp.
-, on a l'impression que sa carrière démarre en 1976, lorsqu'il sort son pre-
mier ouvrage, La 12' Planète.
Nous avons amplement relevé ses différentes activités en qualité de
sioniste activiste et d'agent envoyé à New York en 1952 par David Ben
Gourion en personne. Se retrouver par la suite à la tête «d'un consortium
de onze sociétés de commerce international spécialisées dans le courtage
et les services financiers, les opérations d'entrepôt, les remorques et les
conteneurs» n'est pas une simple anecdote et n'a certainement pas été de
tout repos. Non, la carrière de Sitchin ne démarra pas en 1976.

Le reportage officiel sur Sitchin, intitulé « Zecharia Sitchin, The Official


Documentary & Persona[ Tribu te, 20204 11 », semble vouloir combler quelques
vides biographiques en frôlant plusieurs sujets qui n'avaient jamais été
évoqués du vivant de Sitchin. Il en ressort en effet que : «Après son travail
auprès du maire de Tel-Aviv, Sitchin devient le fondateur de la Chambre améri-
cano-israélienne de Commerce et d'industrie. Puis il part avec sa famille pour
s'installer à New York. Il sera directeur exécutif de cette entité durant une dizaine
d'années. Il participe à la World's Fair de 1964-65 pour diriger le pavillon amé-
ricano-israélien. Durant ses activités lors de la World's Fair, il aurait réussi à
établir de nombreux contacts professionnels. Réalisant des affaires avec les Rocke-
feller [sans aucune précision], il s'intéresse à un projet de business impliquant
les voies ferrées en vue de proposer un Land Bridge entre le Japon et les États-Unis
en raccourcissant les trajets au sein même des USA. Mais ce projet n'aboutira pas.
Plus tard, en 1967, Sitchin crée l'International Trailsea Corporation, sa compa-
gnie de cargos [sans bien entendu préciser avec qui). C'est en Europe, lors de
ses voyages professionnels, qu'il fréquente les musées et renoue avec ses passions
archéologiques et l'exégèse. Poussé par sa femme à vivre son rêve, elle lui aurait
dit : 'Cesse de parler et passe à l'écriture!', ce n'est finalement qu'en 1965 que
Sitchin parlera pour la première fois de la planète X à son frère Amnon. Il com-
mencera alors à en discuter autour de lui à compter de ce moment-là. Son projet de
livre aurait véritablement commencé à cette époque.»

Ce n'est pourtant pas ce que prétend Zecharia Sitchin dans l'une


de ses interviews initiales de 1976, lors de la sortie de son premier livre :
« Sitchin said he began systematic work on the book when he came to the United
States 15 years ago412 » ( « Sitchin a déclaré qu'il avait commencé un travail
411. Disponible sur le site des archives de Zecharia Sitchin: thesitchinarchives.selz.com
412. «How did we really get there: From outer space, says scholar», Sunday Spectator du 24 octobre
318 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

systématique sur le livre lorsqu'il était venu aux États-Unis 15 ans plus
tôt»). L'interview date de 1976, or 1976 -15 = 1961. Dès le départ, Zecharia
Sitchin ne souhaitait pas être associé à la World's Fair de 1964-65, probable-
ment l'une de ses sources d'inspiration initiales pour le commencement
de ses travaux. Il ne souhaitait pas non plus que l'année 1952-la véritable
date de sa venue aux États-Unis - fût connue, étant donné qu'elle corres-
pondait à l'envoi d'agents d'opération du Mossad de la division Tsomet,
spécialement mandatés en Occident pour occuper des postes officiels ou
clandestins. Nous avons indiqué plus haut que les agents envoyés entre
1951et1952 à New York et à Washington avaient pour tâche d'infiltrer les
missions diplomatiques de l'ONU ou de s'intégrer au système de l'écono-
mie et du commerce. C'est parfaitement le rôle octroyé à Zecharia Sitchin
lors de son arrivée à New York en 1952.

*
* *

En 1975, à la veille de publier La 12' Planète, Zecharia Sitchin se


trouve à la croisée des chemins. Le monde de la recherche indépendante
ne connaît que Robert Charroux et Erich von Daniken comme chercheurs
de «vérités cachées». Ces deux auteurs ont ouvert une voie prolifique sur
laquelle de nombreux écrivains vont se lancer. À cette époque, pratique-
ment personne parmi le grand public ne sait quoi que ce soit de la Mésopo-
tamie et de ses tablettes d'argile. Cette discipline n'intéresse pour l'instant
que les assyriologues et archéologues. La seule personne à diffuser des in-
formations sur les Sumériens destinées au grand public est l'assyriologue
Samuel Noah Kramer. Sa spécialisation lui vaudra le titre de sumérologue.
Kramer publie L'Histoire commence à Sumer en 1956 et restera le seul à vul-
gariser ce sujet avant Sitchin.
Au milieu des années 1970, à l'âge de 56 ans - donc au moment de
prendre sa retraite - Zecharia Sitchin profite de cette situation inespérée
pour se lancer dans la rédaction d'ouvrages destinés à faire connaître ce
vaste sujet à un public non initié. La voie étant libre et la traduction de
textes sur argile relevant d'une discipline qui ne touche entre les années
1970et1990 qu'une centaine de personnes dans le monde, Sitchin sait par
avance que personne ne viendra lui faire de l'ombre et le contredire, sur-
tout pas les spécialistes!
Il se présente comme le maître absolu en la matière, étalant un CV
surréaliste. Notons que dès la sortie de son livre, plusieurs médias comme
le Sunday Spectator d'octobre 1976, mentionné plus haut, ou l'Ufo Research
Newsletter (vol. V, n° 3) de décembre 1976/janvier 1977, évoquent Zecharia
Sitchin comme étant un homme d'affaires. Le premier indique que c'est un
«businessman» et le second, un «éminent financier», étalant tous deux la
liste complète de ses activités et des filiales de l'intercontinental Trailsea
1976, p. 68.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 319

Corporation. Quelques mois plus tard, grâce à un «tour de magie interdi-


mensionnel », plus aucune nouvelle des véritables activités de Sitchin : il
devient tout simplement «un érudit mondialement reconnu». S'y ajoute
aussi le fait que Sitchin bénéficiait d'une aide évidente pour obtenir la
matière utilisée comme «source» et autre bibliographie. Les livres de re-
cherche cités à la fin de ses ouvrages sont très anciens et valent une for-
tune, même dans les années 1970-80. Toutes les bibliothèques du monde
ne les possèdent pas. Je rappelle qu'entre les années 1970 et 90, période
prolifique des premiers ouvrages de Sitchin, nous ne sommes pas à l'ère
d'Internet où l'on trouve de nos jours pratiquement tout.

Dès 1976, Zecharia Sitchin reprend la thèse de la planète X émise


vers 1905 par le mathématicien et astronome Percival Lowell. Cet astre
hypothétique et introuvable qu'il nomme «Nibiru» serait à l'origine des
anomalies liées aux orbites d'Uranus et Neptune. De telles anomalies
supposeraient l'existence d'une planète massive, invisible à nos yeux. La
planète X est ainsi devenue l' Arlésienne de l'astronomie. Beaucoup d'as-
tronomes supposent aujourd'hui que ces anomalies proviendraient plutôt
d'un nombre considérable d'astéroïdes et de planètes naines, ou de tailles
notables, situées au-delà de l'orbite de Neptune.
Parfois l' œuvre de Zecharia Sitchin semble faire écho à des événe-
ments qu'il aurait vécus et que nous avons détaillés dans cet ouvrage. En
effet, l' œuvre de Sitchin ne tente-t-elle pas de recréer une mythologie des
colonisateurs, laquelle nous fait penser aux colons envoyés pour « prépa-
rer» la Palestine et Israël? À la lecture du témoignage autobiographique
d'Isaac Charchat, il est impossible de faire l'impasse sur les parallèles édi-
fiants qui existent entre les dieux sumériens «exilés célestes Anunnaki »
détaillés d'une manière très personnelle dans la mythologie de Sitchin et
les Ostjuden («juifs de l'Est») exilés et autres personnes expédiées de gré
ou de force vers la «Terre promise». Dépossédés, ils sont propulsés par la
guerre et la ségrégation vers un lieu inhospitalier où ils doivent se mêler
aux autochtones en vue de survivre. La version sumérienne de la Genèse
parle de ce type d'épisode, mais sous la plume de Sitchin, le ton prend
une tournure autobiographique. De surcroît, le besoin d'or légendaire des
Anunnaki de Sitchin fait écho à l'affaire de «l'or del' Axe». Cet or va servir
à combattre le communisme et à financer des programmes secrets; chez
Sitchin cet or va servir à créer un bouclier protecteur totalement imaginaire
- car introuvable dans les textes sumériens -, bouclier en particules d'or
supposé préserver la planète Nibiru, à savoir le monde des dieux selon sa
vision très personnelle des mythes sumériens.

Quantités d'histoires sont rapportées sur Zecharia Sitchin; c'est le


lot de toute personne publique connue des médias. En 2016, l'auteur Da-
vid Wilcock explique dans la série « Cosmic Disclosure » (saison 3, épisode
6) diffusée par Gaia.corn qu'une connaissance de ses contacts espagnols -
320 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

volontairement non identifiée sur les ondes de Gaia - discutait régulière-


ment avec Sitchin lorsque ce dernier était encore en vie. Zecharia Sitchin
lui aurait révélé sous le sceau de la confidence qu'on lui avait communiqué
de quoi écrire les livres de sa série 413 •
Arizona Wilder, une femme prétendant avoir été impliquée dans
des programmes de contrôle mental, expliquera à l'auteur David Icke
qu'elle avait vu Zecharia Sitchin dans des rituels et qu'il était, selon elle,
métamorphe - à savoir qu'il pouvait changer son apparence physique 414 •

Il est notoire que Zecharia Sitchin était franc-maçon, comme son


ami Robert B. Anderson et le président Harry Truman (Grand Maître de
la Grande Loge du Missouri) qui a signé pour Sitchin la reconnaissance
de l'État d'Israël par les États-Unis - document totalement unique en son
genre.
Une séquence filmée présentée hors contexte est disponible sur le
Net où l'on voit un personnage gradé ressemblant fortement à Zecha-
ria Sitchin, dissimulé derrière ses gants, dans une loge maçonnique. Ces
images anonymes dateraient des années 1980, époque où Sitchin était déjà
mondialement connu.

89-90. Personnage ayant une forte ressemblance avec Zecharia Sitchin dans un film anonyme
visible sur Internet montrant des hauts gradés francs-maçons.

Le 25 octobre 2018, l'émission américaine «Coast to Coast» invite la


journaliste et ufologue Linda Moulton Howe pour discuter du sujet de la
planète X. À la fin de l'entretien, Linda Moulton Howe raconte comment
elle a organisé une entrevue avec Sitchin à New York. Le rendez-vous avait
eu lieu au Rockefeller Plaza, probablement au n° 50 où se trouvaient les
locaux de l'intercontinental Trailsea Corporation. Elle a ensuite été invitée
à prendre l'ascenseur jusqu'à un certain étage et un certain numéro de

413. «Cosmic Disclosure» (saison 3, épisode 6), diffusé en février 2016: www.gaia.com/video/
inner-earth-library
414. David Icke, Revelations of a Mother Goddess - lllustrated screenplay, New Science Ideas,
2005, p. 41.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 321

porte. Une fois arrivée au niveau en question, l'étage s'est avéré être par-
ticulièrement luxueux avec des bureaux qui devaient selon elle avoisiner
les 35 000 dollars de loyer mensuel. Linda Moulton Howe semble avoir
vu juste puisque nous avons précédemment mentionné que le loyer du
1, Rockefeller Plaza d' Anderson avait été estimé en 1987 à 21000 dollars
par mois par le New York Times.
L. Moulton Howe est entrée dans le bureau où se trouvait une secré-
taire assise derrière une vitre comportant une ouverture pour parler. Après
s'être présentée, elle a été dirigée dans le bureau de Sitchin qui dévoilait
une vue magnifique sur New York - à tomber par terre, précisera-t-elle.
Elle s'est ainsi demandée comment Sitchin pouvait se payer un tel bureau.
Alors qu'elle commençait à l'interviewer, ses premières questions ont tour-
né autour du bureau et du fait de savoir si Sitchin avait travaillé pour le
gouvernement américain. L'ayant longuement observée sans parler, il lui
fera alors la remarque selon laquelle une telle question ne devait pas être
posée415 •
Depuis quelque temps déjà, certains se posent la question de savoir
si Sitchin aurait été financé par la Fondation Rockefeller. Si c'est le cas,
pour quel programme? Sans exagérer, on pourrait envisager d'attribuer
à Zecharia Sitchin le titre de «prophète» de la pensée des Rockefeller.
Ces derniers pratiquent toujours l'influence idéologique à des fins straté-
giques, politiques et économiques, et leur investissement par le passé dans
le domaine des fouilles archéologiques ne semble pas anodin. Ce sont les
fonds de John D. Rockefeller Jr. et de l'université de Chicago qui permirent
la mise en place de l'Institut oriental de Chicago en 1919. Cet investisse-
ment «philanthropique» était, comme bien d'autres avant et après lui, un
investissement à long terme ... Des expéditions et des fouilles furent ainsi
financées par cet Institut oriental et John D. Rockefeller Jr. en Égypte, en
Irak, en Syrie et en Palestine. Le choix des artefacts archéologiques pas-
sait alors par plusieurs critères de sélection subjectifs, liés au contexte de
l'époque, comme leur implication dans la chronologie biblique, à savoir
que le monde avait été créé il y a environ 4000 ans. Certaines pièces sont
encore délibérément cachées au public en raison de leur incompatibilité
avec ce type d'exigence.

C'est la Fondation Rockefeller qui fut à l'origine de l'adaptation


radiophonique du roman d'H. G. Wells, La guerre des mondes, présentée le
30 octobre 1938 par Orson Welles, laquelle avait provoqué une forte in-
quiétude parmi la population au point qu'une plainte sera déposée devant
la Federal Communications Commission. Il y a fort à parier que ce type de
mise en scène relève d'expériences sociales conçues pour jauger la réaction
des peuples à la «révélation» de la présence d'entités étrangères à l'espèce
humaine ... Au milieu des années 1930, les responsables de la Fondation

415. «Planet Nine, Climate Change, ans Strange Fog & Beings », Interview de Linda Moulton
Howe lors de !'émission américaine «Coast to Coast» du 25 octobre 2018.
322 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

Rockefeller ont distribué d'énormes subventions pour enquêter sur la va-


leur et les utilisations de nouvelles formes de médias comme les livres, la
radio et le cinéma - est-ce un hasard?
Ce ne serait pas la première fois que la fondation Rockefeller userait
de la carte des extra-terrestres ou attesterait de son intérêt pour ces der-
niers. Cette fondation était également à l'origine de la conférence interna-
tionale« When Cosmic Cultures Meet» des 27 au 29 mai 1995 à l'Hôtel She-
raton de Washington OC. Zecharia Sitchin faisait partie des conférenciers.
Nous reparlerons de la fondation Rockefeller dans le dossier final de cet
ouvrage, « Project Rising Nibiru ».

91. Portrait de
Zecharia Sitchin
à la fin de sa vie.
Reconstitution
du visage basée
sur des photos
existantes.
© Hanael Parks

Les ouvrages de Zecharia Sitchin ont fait sensation tout autour du


globe. Pendant 34 ans, Sitchin aura publié 14 livres jusqu'à sa mort en
octobre 2010, à l'âge de 90 ans. Son insistance à faire croire à la présence
de son hypothétique planète Nibiru généra un certain sensationnalisme
et suscita surtout la peur chez des millions d'individus. Sitchin fit croire
pendant des années à l'imminent retour de sa planète Nibiru et des dieux
qui vivraient encore sur celle-ci. Assurant continuellement avoir lu ces
informations sur des tablettes sumériennes dont il ne donnera jamais les
références, il restera sur ses positions jusqu'à la fin de sa vie. La thèse de
Sitchin ne sera pas étrangère à l'hystérie collective de 2012 et aux milliers
de victimes et personnes impactées cette année-là. Sa société, l'intercon-
tinental Trailsea Corporation, qu'il avait créée avec ses amis Charchat et
Anderson sera fermée par la famille Sitchin en 2012.
LES PRINCIPES, LA FOI, LA GLOIRE ET L'ARGENT 323

Malgré le succès de son nouveau métier, Zecharia Sitchin n'oublia


jamais sa première mission. Il créa en 2002 la Fondation Sitchin; cette
fondation appuie depuis cette date, grâce à des subventions, un certain
nombre de causes juives et pro-israéliennes. Entre 2002 et 2012, la Fon-
dation Sitchin fit un don de plus de 3 millions de dollars à « Friends of the
Israel Defense Forces». Oui, Zecharia Sitchin n'a jamais cessé d'être un agent
secret fortement impliqué dans l'accomplissement du projet «de toute une
vie». Personnage ultimement médiatique ayant précédemment connu le
statut d'agent «infiltré», il a endossé les responsabilités sans jamais faillir
à sa mission. Malgré les périls et les déconvenues, il est parvenu à devenir
proprement «immortel» en faisant passer son œuvre à la postérité.
4e PARTIE

PROJECT « RISING NIBIRU »


1
Les preuves du mythe « Nibiru, planète
des Anunna, au cycle de 3600 années»
inventé par Zecharia Sitchin

Depuis 1976, l'auteur Zecharia Sitchin (1920-2010) prétend avoir


traduit des textes sumériens et akkadiens rapportant que les dieux de
l'ancienne Mésopotamie, les Anunnaki, vivraient sur une planète appe-
lée «Nibiru». D'après ses découvertes et ses supposées traductions, cette
planète appartiendrait à notre Système Solaire et obéirait à un cycle de
3600 années. À chacun de ses passages, la planète Nibiru provoquerait de
grands déluges sur la Terre. Zecharia Sitchin rapporte également ces autres
éléments à suivre, prétendument découverts sur des tablettes sumériennes
traduites par ses soins : Nibiru serait en perdition et ses habitants Anunna-
ki profiteraient du passage cyclique de leur planète pour récupérer de l'or
sur Terre aux fins de restaurer l'atmosphère de Nibiru et de la stabiliser ...
Proclamé grand érudit et traducteur de la langue sumérienne par
lui-même et ses différents éditeurs, Zecharia Sitchin nous raconte une his-
toire cousue de fil blanc - historique, nous assure-t-on -, mais pourtant
totalement absente des littératures sumérienne et akkadienne ...

À ce jour, aucun érudit, aucun linguiste ou assyriologue n'a analysé


la thèse de Sitchin d'un point de vue linguistique, sans doute de peur d'en-
tacher sa réputation et surtout de se rabaisser à une tâche aussi ingrate. De
la même façon, aucun auteur prétendant traduire l'écriture cunéiforme ne
s'est lancé dans l'aventure ... Voilà qui est très étonnant. L'une des raisons
à cela est sans doute le fait que le lecteur lambda en quête de sensationnel et
de complots va croire aveuglément certaines thèses sans les vérifier par lui
même. Zecharia Sitchin le savait sans doute très bien. De plus, le filon de
328 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

«l'archéologie interdite» et des «anciens astronautes» exploité par Zecha-


ria Sitchin génère beaucoup d'argent depuis le milieu des années 1970. Qui
voudrait donc tuer une telle «poule aux œufs d'or»? ...

Cela fait au moins dix ans que j'attends patiemment qu'un auteur ou
un spécialiste du sumériens' attèle à ce type de débunkage. Ne voyant rien
venir, j'ai pris plusieurs semaines sur mon si précieux temps de recherche
pour réaliser ce qui aurait dû être fait depuis déjà longtemps. Je profite
de cet espace pour saluer au passage les efforts effectués par quelques
auteurs et chercheurs responsables de plusieurs découvertes concernant
Sitchin et sa thèse : Immanuel Freedman, le Dr Michael S. Heiser et Frank
Dornenburg.
Je m'intéresse au sumérien depuis l'année 2000 et je traduis cette
langue morte depuis 2005-2006. Étant un auteur indépendant, donc nulle-
ment rattaché à un institut de recherche ou une université, je peux donc me
consacrer à cette tâche en toute liberté.
Ce n'est pas l'auteur des Chroniques du Gfrkù qui se lance dans ce
travail. Mes Chroniques sont des récits basés sur des expériences person-
nelles. Ils' agit d'histoires que je considère comme véritables, rédigées sous
forme de «romans», mais pour lesquelles je ne peux apporter le même
crédit que pour mes essais. C'est plutôt l'auteur d'ouvrages de recherche et
traducteur de la langue sumérienne qui parle ici. Je travaille sur différents
langages et sur la mythologie en général, mais ma spécialité affichée de-
puis ma première publication (2005) est l'Orient ancien, plus précisément
la Mésopotamie et l'Égypte ancienne.

Dans ce dossier, je vais démontrer l'inexistence des documents cu-


néiformes prétendument traduits par Zecharia Sitchin concernant « Nibi-
ru, la planète des Anunna ».Aucun texte sumérien, assyrien ou babylonien
ne parle de ce sujet. Ce n'est pas une révélation, tous les assyriologues le
savent depuis longtemps.
Je vais également démontrer plusieurs erreurs grossières de Zecha-
ria Sitchin, lesquelles remettront en cause sa prétention à véritablement
traduire la langue sumérienne. Pour ma part, je mets aujourd'hui cette
revendication en doute. Je vais en expliquer les raisons et relever bien
d'autres falsifications, volontaires ou involontaires, de cet auteur.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 329

Mer Noire

Délimitation
du
croissant fertile

0
330 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Rappel historiqu e concernant les tablettes


su r argile de Mésopotamie

Les différentes civilisations qui se sont succédées sur le sol de la


Mésopotamie ont, au cours des millénaires et à tour de rôle, produit
une documentation monumentale ~ur des tablettes d'argile (souvent
rectangulaires et de la taille de la paume de la main), mais aussi sur des
stèles, des statues et des monuments ... Les premiers à avoir instauré ce
système d'écriture cunéiforme sont les Sumériens. Celle-ci était obtenue
à l'aide d ' un roseau en incisant de l'argile crue; le procédé donnait
naissance à une écriture en trois dimensions en forme de clous ou de
coins, raison pour laquelle on la qualifie de « cunéiforme». Une fois la
tablette rédigée, elle était cuite ou bien simplement séchée au soleil.
L'écriture cunéiforme fut utilisée au Proche-Orient de la fin du
4• millénaire av. J.-C., jusqu'au l °' siècle après J.-C., sur une très grande
étendue géographique qui correspond approximativement au croissant
fertile. Ce territoire se déploie de la mer Méditerranée au golfe Arabo-
Persique et de !'Anatolie à l'Égypte, via Akhenaton. La documentation
cunéiforme retrouvée à ce jour est très inégalement répartie dans le
temps et l'espace, et les archéologues n'ont retrouvé qu'une infime
partie de cette vaste librairie qui a pourtant défié les âges et les
inondations successives.

« Un 'journaliste scientifique', avec de gros guillemets, a écrit un bouquin expli-


quant qu'il existerait une 10' planète [pour lui une douzième en comptant le Soleil
et la Lunel qu'il avait lui-même trouvé en examinant des tablettes d'argile babylo-
niennes ... Il annonce que cette planète Nibiru - planète inconnue - revient avec
un cycle de 3600 ans, mais elle est déjà passée, et cette planète aurait frôlé la Terre
et serait habitée ... Ce qui est merveilleux, c'est que vous avez là un fantôme, vous
avez là quelque chose qui apparaît de nulle part416 • »
Alain Cirou (journaliste scientifique et directeur
de la rédaction de Ciel & Espace),
LCI, 14 octobre 2010

Régulièrement, lorsque je me déplace pour des conférences ou des


dédicaces, quelques lecteurs m'interpellent pour me parler de la «planète
Nibiru». Beaucoup d'entre eux savent ce que je pense de ce sujet pour en
avoir parlé dans plusieurs de mes ouvrages comme Eden (2011) ou encore
dans des dossiers pour la presse écrite comme le n° 50 de Nexus-France
(2007), Les Grands Mystères des Sciences sacrées, n° 20 (2007), l'interview
pour Karmapolis.be (2007), le hors-série n° 10 des Grands Mystères de l'His-

416. Interview d'Alain Cirou par Julien Arnaud lors du journal télévisé de LCI du 14 octobre
2010.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 331

taire (2009), Les Dossiers des Grands Mystères de l'Histoire, n° 25 (2010), le


n° 34 de Science et Inexpliqué (2013), le magazine Top Secret, n° 79 (2015) ...
Divers magazines, journalistes et auteurs m'ont ensuite emboîté le pas en
se basant sur mon travail et en relevant, bien souvent, l'incohérence de la
thèse de Zecharia Sitchin comme, par exemple, Frédéric Morin du maga-
zine Mophéus, n° 28 (2008), James Rooms dans L'Égypte, n° 16, (2009), An-
dré Dufour dans les magazines Nexus n° 60 (2009) et n° 68 (2010), l'auteur
Didier Savignol dans son ouvrage, Origine de la vie (2010); le Nexus-Aus-
tralie, Vol. 21, n° 4 (2014), Morvan Salez de l'lnrees en avril 2019 ... Mais
malgré tous ces efforts, «Le mythe Nibiru » n'en finit pas de ressusciter.

On me lance régulièrement: «Elle arrive», «La Nasa nous la cache»,


«Les dieux sont de retour», «Ils reviennent». À en croire les nombreuses
rumeurs d'Internet, Nibiru, la soi-disant planète des Anunna, serait de
retour ... On me parle d'images disponibles sur le Net. Les yeux écarquil-
lés et tout à l'excitation de ce fantasme, on me lance encore que le Vatican
serait aussi au courant de ce phénomène sur lequel il travaille depuis de
nombreuses années. Je ne suis pas astrophysicien, ni même scientifique,
ma spécialité étant la langue sumérienne, mais si une planète, ou tout objet
céleste se déplaçant vers la Terre était visible depuis les années 2010, il y a
longtemps que ledit objet aurait dépassé le globe terrestre ...
Zecharia Sitchin est une icône du monde de l' «archéologie inter-
dite», je sais donc à quoi je m'expose en me lançant dans cette entreprise.
Je ne recherche pas la gloire, ni à me faire de la publicité. En tant que pas-
sionné d'exégèse et de culture, je souhaite partager avec vous mes constats
par rapport au véritable contenu des textes cunéiformes de l'Orient ancien.
Au-delà du mystère que suscitent les ouvrages de Sitchin, ce dernier vend
de la peur, «un ingrédient magique» qui, semblerait-il, fascine. Trop de
personnes sous emprise se sont suicidées entre 2010 et 2012 de peur de voir
Nibiru débarquer dans notre Système Solaire. Mon ami journaliste Alain
Gossens était de celles-là - sa disparition ne relève pas uniquement de ce
fait, mais il m'avait souvent parlé de sa grande peur de 2012. Zecharia
Sitchin n'a pas fait que rédiger des ouvrages, il a inoculé dans l'incons-
cient collectif un mensonge honteux, pire encore, un poison prêt à réappa-
raître à tout moment, à chaque découverte de planète X ou d'astéroïde ...

Mes propos n'ont pas pour objectif de démolir l'image ou le travail


de cet auteur qui fit connaître au grand public le monde de la Mésopota-
mie, mais simplement de présenter ce que les textes disent véritablement
de Nibiru. Je tiens à préciser que ce fut pour moi un véritable honneur de
mener une telle enquête. Partant de ce dossier, j'ai «vécu» avec Zecharia
Sitchin et ses associés près de trois longues années. Bien que je ne sois pas
en accord avec ce qu'ils ont pu faire, ce fut une incroyable expérience de
suivre leurs traces et particulièrement celles de Sitchin. Ces hommes font
partie de !'Histoire et leurs parcours respectifs imposent le respect.
332 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

1. La thèse de Zecharia Sitchin

Zecharia Sitchin suppose depuis son premier ouvrage, La 12' Planète,


publié en 1976417, que le terme Nibiru ou Neberu serait le nom de la planète
originelle des dieux sumériens Anunnaki. Toute sa thèse s'articule sur le
concept d'une planète errante qui appartiendrait au Système Solaire, mais
dont l'orbite fortement elliptique autour du soleil définirait une période de
3600 années terrestres. La thèse de Sitchin se base exclusivement sur deux
documents : le cylindre-sceau VA 243 et la liste royale sumérienne antédi-
luvienne WB 444. Nous allons découvrir que les données de ces deux do-
cuments ne sont pas du tout celles dont Zecharia Sitchin se prévaut dans
ses ouvrages.

En se référant au cylindre-sceau VA 243, notre auteur aurait relevé


la présence de cet astre mystérieux tournant autour de ce qui lui semble
représenter un soleil. Pourtant, ce sceau d'argile n'est absolument pas un
document astronomique. Il a fait l'objet d'une publication en 1940 par les
soins d' Anton Moortgat pour le Vorderasiatisches Museum de Berlin418 • Les
trois lignes composant le texte de ce petit document indiquent simple-
ment : « Dusbsiga (nom personnel), Ili-Illat (autre nom personnel), ton servi-
teur». Aucune allusion à Nibiru, donc, et aucune trace d'une telle planète
en tant que demeure des «dieux» Anunnaki.

1. Sceau VA 243
du Vorderasia-
tisches Museum
de Berlin à partir
duquel Sitchin a
inventé sa thèse
sur Nibiru.

Selon Sitchin, les «dieux extraterrestres» Anunnaki de la mytho-


logie suméro-akkadienne vivraient sur une planète appelée Nibiru. Arri-
vés sur Terre pour la première fois il y a 450 000 ans, ces derniers profite-
raient de leur hypothétique traversée de notre Système Solaire (toutes les
3600 années terrestres) pour atterrir sur notre globe grâce à leurs vaisseaux

417. Cf. en langue française, La 12ème Planète de Zecharia Sitchin, Saint-Zénon (Québec), Édi-
tions Louise Courteau, 2000.
418. Anton Moortgat, Vorderasiatische Rollsiegel: Ein Beitrag zur Geschichte des Steinschneide-
kunst, Berlin, Verlag Gebr. Mann, 1940.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 333

et ainsi récupérer de l'or qu'ils transforment ensuite en poudre afin de


renforcer le bouclier atmosphérique de leur planète (sic). Zecharia Sitchin
suggère continuellement à ses lecteurs la présence de telles informations
sur des tablettes d'argile inconnues - documents et traductions qu'il n'a
pourtant jamais présentés dans ses ouvrages! Sauf preuve du contraire, les
tablettes mésopotamiennes qui formuleraient ces informations n'existent
absolument pas.
Aucun érudit, aucun spécialiste n'en a jamais fait mention, et même
entendu parler! J'ai mené de longues recherches dans de multiples bi-
bliothèques spécialisées et auprès de plusieurs éditeurs se consacrant à
l'Orient ancien : rien, ces textes n'ont jamais été catalogués ...

2. Liste des seules sources sur argile évoquant Nibiru

Plus sérieusement, nous trouvons trace de Nibiru dans la littéra-


ture mésopotamienne, mais uniquement dans quelques documents aisés à
répertorier. La traduction du terme akkadien Nibiru donne «croisement»,
mais peut aussi signifier quelque chose comme «traverser» ou «point de
transition (ou de croisement)», terme souvent utilisé par les Babyloniens
pour indiquer la traversée d'une rivière ou d'un cours d'eau dans la vie
quotidienne. Le verbe akkadien Nebri veut dire «passer» ou «traverser».
Contrairement à ce qu'expose Sitchin, Nibiru n'est jamais identifiée
à une planète située au-delà de Pluton, donc en dehors du système plané-
taire que nous connaissons.

Voici la liste complète des tablettes d'argile qui évoquent Nibiru :

- l'épopée de l' « Enûma Elis» : tablette V (ligne 6) et tablette VII


(lignes 124, 126et130-131)
- les tablettes astronomiques MUL.APIN: KAV 218B, CT 26.41, CT
25.35.7, K.6174 et K. 12769
- une très bonne synthèse en est faite dans la série CAO (Chicago
Assyrian Dictionary, volume N-2, p. 145-147)

Ces tablettes associent systématiquement Nibiru à Jupiter, mais


aussi aux activités des dieux (royauté, guerres) et à celles de l'humanité
(déluge, travail de la terre). Mais en aucun cas à la planète des dieux sumé-
riens comme souhaite nous le faire croire Zecharia Sitchin depuis 1976.
Dans la majorité des cas des documents cités à l'instant, Nibiru est
mentionnée comme étant une phase ou un mouvement de Jupiter. Seules
deux tablettes la connectent à Mercure (K.6174 et K. 12769) en indiquant:
«Si Mercure divise le ciel et se tient ici [son nom] est Nibiru. »
Tous les assyriologues sont d'accord pour penser que Nibiru repré-
senterait une phase ou un mouvement de Jupiter. De son côté, Imma-
334 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

nuel Freedman (Systems, Signais & Algorithms Consultant à Harleysville,


en Pennsylvanie), à la fois ingénieur, analyste en écriture et membre de
l' International Association for Assyriology, évoque Nibiru comme étant asso-
cié à tout objet astronomique marquant un équinoxe419 • En octobre 2015,
dans une lettre ouverte au Dr Michael S. Heiser (spécialiste en hébreu et
en langues sémitiques anciennes), Immanuel Freedman ira même jusqu'à
préciser:

« lt's
clear to me that Zecharia Sitchin was confused by earlier translations420• »
moi clair que Zecharia Sitchin s'est embrouillé [ou 'perdu' (was
( « Il est pour
confused)] à la faveur de traductions antérieures.»)

Notons ici une fois pour toutes qu'aucune tablette sumérienne ou


akkadienne ne présente Nibiru comme étant une planète revenant cycli-
quement dans notre Système Solaire et sur laquelle vivraient les dieux su-
mériens du nom d' Anunna ou d' Anunnaki. Il s'agit d'une interprétation
montée de toutes pièces par Zecharia Sitchin. Je mets quiconque au défi de
trouver une telle tablette répertoriée dans un musée.

3. Le cycle de 3600 années imaginé par Sitchin pour Nibiru

Toute la thèse de Sitchin repose sur cette notion d'une planète er-
rante du Système Solaire, dont l'orbite fortement elliptique autour du so-
leil posséderait selon lui une période de 3600 années terrestres. En termes
clairs, cela veut dire que ce chiffre correspondrait au temps que mettrait
cycliquement cette hypothétique planète à rejoindre la Terre.
Aucun des textes précédemment évoqués (l'Enûma Elis et les ta-
blettes astronomiques MUL.APIN) ne fait le lien entre nombre 3600 et le
mot Nibiru. Alors pourquoi Zecharia Sitchin évoque-t-il ce nombre en l'as-
sociant au prétendu cycle de sa mystérieuse planète?

Comme absolument aucun document mésopotamien n'évoque de


révolution pour la planète Nibiru telle qu'imaginée par Sitchin, ce dernier
trouva une solution à ce problème. Pour pallier cette complication, l'auteur
utilise le système sexagésimal sumérien (système de mesure utilisant la
base 60) pour faire son calcul des 3600 années du cycle de Nibiru.
Dans son ouvrage, The 12th Planet (chapitre 8 : « Kingship of
Heaven » ), Sitchin établit cette période grâce à la liste royale sumérienne
antédiluvienne dont il donne le numéro de musée: W-B/144421 • Zecha-
ria Sitchin ne livrant que très rarement des références, profitons-en ainsi
419. Immanuel Freedman, «The Marduk Star Nêbiru in Curieiform Digital Library Initiative»,
Bulletin 2015:3, novembre 2015.
420. Cf = www.drmsh.com/ new-research-on-nibiru-shows-sitchin-is-still-wrong /
421. Zecharia Sitchin, The 12th Planet (1976), New York, Harper Collins Publisher (Nouvelle
éditions avec des notes supplémentaires de l'auteur), 2007, p. 249.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 335

pour vérifier cette source disponible dans les éditions anglophones et


françaises. Malheureusement, le numéro 144 indiqué n'existe pas, et cette
erreur se répète sans doute dans d'autres éditions que je ne possède pas.
Cette liste royale sumérienne antédiluvienne porte en réalité le numéro
WB 444. Passons ce détail, sachant qu'aucun auteur n'est à l'abri de ce
genre de coquille. Sitchin dit dans le chapitre 8 de The 12th Planet à propos
.du nombre 3600 :

« While such an orbital period cannot be ruled out, the Mesopotamian and bibli-
cal sources present strong evidence that the orbital period of the Twelfth Planet
is 3,600 years. The number 3,600 was written in Sumerian as a large circle. The
epithet for the planet - shar ('supreme ruler') also meant 'a perfect circle,' a 'com-
pleted cycle.' It also meant the number 3,600. And the identity of the three terms
- planet/orbit/3,600 - could not be a mere coincidence422. [... ] Ten rulers reigned
a total of 120 shar's (432,000 years), and the reign of each one of them was also
measured in the 3,600-year shar units423 • [ ••• ]
When kingship was lowered from Heaven,
kingship was first in Eridu.
In Eridu,
A.LU.LIM became king; he ruled 28,800 years.
A.LAL.GAR ruled 36,000 years.
Two kings ruled it 64,800 years424• »

(«Bien qu'une telle période orbitale ne puisse être ignorée, en fait les
sources mésopotamiennes et bibliques présentent de fortes preuves pour
que la période orbitale de la Douzième Planète soit de 3600 ans. Le nombre
3600 était écrit en mésopotamien comme un grand cercle. L'épithète pour
planète - Sar ('souverain suprême')- signifiait également 'un cercle parfait',
'un cercle complet', et aussi le nombre 3600. Ainsi, l'identité des trois termes
- planète/orbite/3600 - ne peut pas être qu'une simple comcidence [... ].
Dix souverains régnèrent pendant un total de 120 Sar (432000 années), et le
règne de chacun d'eux était aussi mesuré en unité de 3600 années-Sar[ ... ].
Lorsque du Ciel la royauté fut descendue,
C'est à Eridou que la royauté s'installa.
A Eridou,
A.LU.LIM devint roi, il régna 28800 ans.
A.LAL.GAR régna 36000 ans.
Deux rois y régnèrent pendant 64 800 ans. »)

C'est donc à travers la présence de multiples de Sar (3600) dans la


liste royale antédiluvienne WB 444 que Zecharia Sitchin détermine les pas-
sages de sa mystérieuse planète ... En effet, selon cette logique, les dieux de
Nibiru étant dépositaires de la royauté, le changement de roi devait inéluc-
tablement s'effectuer par rapport un multiple de 3600 années, à savoir lors
d'un des fameux passages de la mystérieuse planète.
422. Ibidem, p. 247-248.
423. Ibidem, p. 248.
424. Ibidem, p. 249.
336 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Fier de sa découverte, Zecharia Sitchin enfonce le clou en nous an-


nonçant en bas de la page 249 de l'édition américaine de son premier livre :

«The striking fact about the fantastic lengths of these rules is that, without excep-
tion, they are multiples of 3,600: »

(«Le fait étonnant de ces règnes d'une durée fantastique c'est que ce sont
sans exception des multiples de 3600 : »)

Alulim - 8 x 3600 = 28 800


Alalgar - 10 x 3600 = 36 000
Enmenluanna - 12 x 3600 = 43 200
Enmengalanna - 8 x 3600 = 28 800
Dumuzi - 10 X 3600 = 36 000
Ensipazidanna - 8 x 3600 = 28 800
Enmenduranna - 6 x 3600 = 21600
Ubartutu-5 X 3600 = 18000

Zecharia Sitchin se base toujours sur le document WB 444 («W-B/


144» pour lui). Pourtant, Sitchin effectue ici une peu glorieuse falsifica-
tion afin de rendre sa thèse crédible. En effet, il intervertit 1 Ner sumérien
(600 ans) pour ce qui est des années de règne respectives des rois Enmen-
duranna et Ubartutu. Les véritables données disponibles en WB 444 sont
en vérité, commé l'indique l'assyriologue Thorkild Jacobsen dans les pa-
ges 75 à 77 de son étude consacrée à ce sujet425 :

Enmenduranna = 21000 ans


Ubartutu = 18 fil!Q ans

Cela veut donc dire que, contrairement à ce qu'annonce Sitchin, la


liste royale sumérienne antédiluvienne WB 444 ne présente pas «sans ex-
ception» des multiples de 3600 années. Comme l'imagine Sitchin, si cette
liste était basée sur le cycle royal de Nibiru, cela voudrait dire qu'il existe-
rait 600 ans de décalage entre les règnes des rois Enmenduranna et Ubar-
tutu. Un simple calcul avec les données sumériennes habituelles donne :

Enmenduranna : 5 Sar (5 x 3600 : 18000 ans) + 5 Ner (5 x 600 :


3000 ans)= 21000 ans
Ubartutu: 5 Sar (5 x 3600: 18000 ans)+ 1 Ner (600 ans)= 18600 ans

L'assyriologue ]. ]. Finkelstein confirme les véritables durées de


règnes de ces deux rois antédiluviens dans son article de 1963, «The Ante-
diluvian Kings: A University of California Tablet42 6 ».
425. Thorkild Jacobsen, «The Sumerian King List», The Oriental Institute of the University of
Chicago, Assyrological Studies, n° 11, The University of Chicago Press, 1939, p. 75-77.
426. J.J. Finkelstein, «The Antediluvian Kings: A University of California Tablet», Journal of
Cuneiform Studies, Vol. 17, n° 2, 1963, p. 39-51.
LES PREUVES DU MYTIIE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 337

Zecharia Sitchin ne s'est donc pas embarrassé de ce détail, préférant


falsifier deux règnes afin d'obtenir une liste complète - la plus ancienne
possible - avec des multiples du Sar sumérien. Fort de sa «découverte»,
il poursuit sa logique en nous annonçant une autre liste antédiluvienne,
intitulée WB 62, où s'ajoutent deux autres rois (Suruppak et Ziusudra)
aux règnes divisibles par 3600 années427• Une fois encore, ne présentant
que sa version de WB 444 (toujours« W-B/144» pour lui), Sitchin omet de
préciser qu' Aluim (le premier roi de WB 62) jouit d'un règne totalement
différent de celui de WB 444. En effet, WB 62 lui attribue 67 200 années
de royauté contre 28800 pour le document de Sitchin ... Comme le lecteur
pourra le constater, 67200 n'est pas non plus un multiple de 3600.

Une comparaison entre plusieurs listes royales antédiluviennes


montre clairement les nombreuses différences entre les années de règne
des rois mythiques inscrites sur quatre documents différents :

WB U. WBll UCBC 1-1'11 BER088D8


Alulim ~. 800 Alulim 67 ,llOO Alulim 3&,000? Aloroe 3&,000
Al&lgar 38,000 Alalgar n,ooo Alalpr 10,800 Alapal'09 10,IOO
Enmenluanna 43,200 . . . kidunnu 72,000 Animeluanna 34,000 Amel8n 40,800
Enmeocalann• 28,800 . .. alimma 21,800 Euipuiaana -13,200 AIMDOD 43,llOO
Du.,uzi 36,000 Dumaai 28,800 Dumusi 36,000 M......o- 6',800
Eneipuiann& 21,800 Enmenluuna 21,800 Enlllflduranki 0,000 DllilDoa !Ml,000
Enmencluruki 21,000 Enaipuianna 311,«nl Ubartutu ? Eued6raeboe 04,800
Uhartutu 18,800 Enmenduraona 72,000 Ziuaudra? 18,000+ An1empeinoe 36,000
iuruppak 28,800 Olial1.M :18,800
Zil&IUClra 36,000 Xituthroe &1,800

Total : ToW: T~: Total:


Kinp-8 Kinp-10 Klnp-8(1) Klop- U)
Yeara -W,200 Yeau - 486,000 y_,, - 11111.000+ y ..... - 432,000

2. Comparaison des listes royales antédiluviennes des documents WB 444, WB 62 et UCBC


9-1819 avec la liste plus récente du prêtre Berossos. Voir J.J. Finkelstein, «The Antediluvian
Kings: A University of California Tablet», Journal of Cuneiform Studies, Vol. 17, n° 2, 1963, p. 46.

Laquelle de ces listes choisir? Dans le même chapitre, Sitchin ne


manque pas une occasion de mettre en avant la liste royale du prêtre ba-
bylonien Berossos (Bérose, vers 320 avant notre ère) en relevant les dates
d'intronisation de ce document comme étant toutes des multiples de 3600.
Pourtant, il oublie de préciser la grande dissemblance entre les dates de Be-
rossos et celles des documents sumériens WB 444, WB 62 et UCBC 9-1819,
antérieurs de près de 2000 ans (voir liste ci-dessus). En effet, si on le croit
sur parole sans vérifier le sujet, on pourrait tout à fait imaginer que toutes
les listes royales possèdent des dates similaires, toutes étant ainsi des mul-
tiples du Sar sumérien. C'est là ce que Zecharia Sitchin a voulu faire croire.

Sitchin oublie également d'indiquer dans son premier ouvrage que


WB 444, sa liste royale de référence, se prolonge après le Déluge avec l' ap-
427. Sitchin, The 12th Planet, op. cit., p. 250.
338 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

parition d'autres souverains dans le royaume de Kis. Leurs règnes, plus


courts, ne sont aucunement des multiples du Sar sumérien.
Selon toute logique, le Déluge devrait marquer un nouveau point
zéro en tant qu'énième passage de Nibiru. En additionnant les durées de
règne, nous ne constatons aucun changement aux alentours de 3600 ans
après le Déluge. Voici les premiers souverains après la grande inondation :

- le roi Caùr : 1200 ans


- la déesse de l'écriture Nidaba effectue un règne de transition:
960 ans
- Palakinati'im: 900 ans428

1200 + 960 + 900 = 3060 ans. Après Palakinati'im devrait intervenir


une nouvelle royauté selon la logique de Sitchin et son cycle nibirien, mais
ce n'est pas le cas : le prochain souverain Buan règne pendant 840 années ...
Sitchin ne rentre pas dans tous ces détails qui ne collent pas avec sa théorie.

Ce qu'il ne précise pas non plus, c'est que le Sar est une unité de me-
sure de surface fréquemment utilisée par les Mésopotamiens, laquelle ap-
partient au système sexagésimal sumérien. Le Sar (Saru en akkadien) s'ins-
crit dans l'argile par l'intermédiaire du signe archaïque qu'est le cercle: O.
Sa définition équivaut à «totalité», «ensemble du monde», «tout», «nom-
breux», «innombrable». Les assyriologues traduisent souvent le Sar par
«myriade».

• 0 3. Signes archaïques et cunéiformes


du Sar sumérien.

Je rappelle qu'aucune tablette n'associe le Sar à Nibiru. On retrouve


le Sar sur de nombreuses tablettes de comptabilité, même dans des mythes
lorsqu'il est question de mesurer des superficies. Notons par exemple le
récit du Déluge dans l'épopée ninivite de Gilgames où, à la ligne 65 de la
tablette, le Noé mésopotamien confectionne son bateau à l'aide de «3 x
3600 unités d'asphalte (Sar)». L'embarcation possède d'ailleurs «une su-
perficie de 3600 mètres carrés (Ikû)» comme formulé à la ligne 57 ... De
nos jours, en géographie, 3600 secondes (une seconde = 1/60e de minute)
représentent un degré.
Le Sar n'est en aucun cas «l'épithète d'une planète» et ne veut ab-
428. Jacobsen,« The Sumerian King List», op. cit., p. 76-79.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 339

solument pas dire «souverain suprême» comme l'indique avec aplomb


Sitchin en bas de la page 247 de l'édition américaine de La 12' Planète ...
Nous constaterons régulièrement ce fait déplorable: Zecharia Sitchin in-
vente peu à peu de nouvelles définitions à des termes sumériens et akka-
diens afin d'appuyer sa thèse qu'il veut faire passer pour un ensemble de
faits historiques indéniables.
Avec les nombreux exemples relevés jusqu'ici, il est facile de com-
prendre que Sitchin tisse sa toile en détournant certaines données inscrites
sur argile. Se faisant passer pour un expert irréprochable en langue sumé-
rienne et akkadienne, il invente un mythe ... et beaucoup vont le croire
aveuglément.

4. Le CV de Zecharia Sitchin : fabriqué de toutes pièces

Zecharia Sitchin et ses éditeurs auraient-ils falsifié le CV de l'inté-


ressé pour le présenter au monde entier comme un grand expert scien-
tifique spécialisé en langues antiques et en archéologie? Tout porte à le
croire aujourd'hui lorsqu'on recoupe les données le concernant.
Tout spécialiste del' ancien Orient ou même chercheur objectif est en
droit de s'interroger sur un sujet aussi sérieux qui génère finalement beau-
coup de désinformation. Le problème vient justement du crédit aveugle
qu'accordent nombre de médias à Zecharia Sitchin, qualifié de «grand éru-
dit», notamment grâce à ses trop succinctes biographies diffusées par ses
éditeurs.

Nous l'avons détaillé dans cet ouvrage, Sitchin est né en 1920 et a


quitté Bakou en 1925 pour arriver en Palestine. De la Palestine manda-
taire, il est ensuite parti pour l'Angleterre à l'âge de 17 ans afin d'y étu-
dier. Ses différentes biographies indiquent pourtant qu'il se serait formé en
Palestine aux langues sémitiques, à l'archéologie et à l'histoire du Proche-
Orient. Dans la description biographique jointe à son premier livre, The
12th Planet, nous pouvons lire429 :

« Zecharia Sitchin was raised in Palestine, where he acquired a profond knowledge


of modern and ancient Hebrew, other Semetic and European languages, the Old
Testament, and the history and archeology of the Near East [... ]. »

( « Zecharia Sitchin a
grandi en Palestine, où il a acquis une connaissance pro-
fonde de l'hébreu moderne et ancien, d'autres langues sémitiques et euro-
péennes, l'Ancien Testament et l'histoire et l'archéologie du Proche-Orient
[ ... ]. »)

Un proche de Sitchin, J. Antonio Huneeus, un journaliste d'investi-


429. Zecharia Sitchin, The 12th Planet, Rochester (Vermont), Bear & Co, 1991 (1"' édition, New
York, Stein & Day, 1976).
340 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

gation spécialisé dans l' ufologie, nous donne quelques informations com-
plémentaires430 :

« Sitchin was a very private man who didn 't talk much about his persona[ back-
ground. [... ] However, having known him for many years, 1 was able to get a few
extra details about his life. He was born in Baku, the capital of Azerbaijan (now an
independent country, then a Soviet republic) in ]uly 1920. His parents emigrated
to British-controlled Palestine in the 1920s and he participated as a young man in
some archaeological digs in that rich area fu.ll of antiquities. He attended university
in En gland, studying at the prestigious London School of Economies and Political
Science, and graduated from the University of London with a major in economic
history in the late 1930s. He served during World War II at the Allied Command in
]erusalem and worked as a journalist and editor in the newly created state of Israel
for several years. He settled eventually in New York, where he worked in business
and continued his historical research on his spare time. »

(« Sitchin était un homme extrêmement discret qui ne parlait pas beaucoup


de ses antécédents personnels. [... ] Cependant, après l'avoir connu pendant
de nombreuses années, j'ai pu obtenir quelques détails supplémentaires sur
sa vie. Il est né en juillet 1920 à Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan (au-
jourd'hui un pays indépendant, à l'époque une république soviétique). Ses
parents émigrèrent en Palestine sous mandat britannique dans les années
1920 et il participa comme jeune homme à quelques fouilles archéologiques
dans cette riche région pleine de monuments antiques. Il a été à l'univer-
sité en Angleterre, étudiant à la prestigieuse London School of Economies and
Political Science, et est diplômé de l'Université de Londres en histoire éco-
nomique à la fin des années 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a
servi au Commandement allié à Jérusalem et a travaillé pendant plusieurs
années comme journaliste et rédacteur en chef dans l'État nouvellement
créé d'Israël. Il s'installe finalement à New York, où il travaille dans les af-
faires et poursuit ses recherches historiques durant ses loisirs. »)

Selon ces informations et celles indiquées plus haut, Zecharia Sitchin


aurait à la fois participé à des fouilles archéologiques en Palestine et aurait
«acquis une connaissance profonde de l'hébreu moderne et ancien, d'autres lan-
gues sémitiques et européennes, l'Ancien Testament et l'histoire et l'archéologie
du Proche-Orient [... ] » entre 1929 et 1936, soit entre 9 et 16 ans ... Est-ce
bien sérieux? Sitchin a juste suivi des cours bibliques à l'école et a très pro-
bablement étudié l'hébreu durant cette période. Ensuite, Zecharia Sitchin
arrive en Angleterre en 1937, donc à l'âge de 17 ans. Sa biographie de 1976
indique ainsi que :

« After his studies at the London School of Economies, he worked for many years as
a leàding journalist in Israel [... ]. »

(«Après ses études à la London School of Economies, il a travaillé pendant


de nombreuses années comme journaliste de premier plan en Israël [... ]. »)

430. Cf. =http://www.operuninds.tv/ zecharia-sitchin-passes-530


LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 341

Dans les années 2000, l'auteur allemand Frank Dornenburg a mis


le doigt sur plusieurs problèmes en ce qui concerne le CV de Zecharia
Sitchin. Dans les premières publications de ses livres en anglais, il est
écrit noir sur blanc que Sitchin aurait «acquis son diplôme à la London
School of Economies (LSE) ». Or, comme nous l'avons détaillé dans le
présent ouvrage, on ne peut dans cette école absolument rien étudier
en rapport avec l'archéologie, l'assyriologie, le cunéiforme et les hiéro-
glyphes. Le cours principal «d'histoire de l'économie» qu'aurait suivi
Sitchin concerne uniquement la période allant de 1704 (de notre ère) à
nos jours.
Comme le signale Dornenburg, un simple calcul permet d'imagi-
ner que Zecharia Sitchin aurait obtenu ses diplômes en Palestine entre
16 et 17 ans, ce qui est impossible. Qu'en est-il alors de ces diplômes
ou dossiers académiques? Inopportunément, ceux-ci se seraient perdus
dans le tumulte de la Seconde Guerre mondiale431 •••

Un autre point semble poser problème dans cette biographie.


Frank Dfünenburg note qu'au fur et à mesure du succès de l'auteur, la
LSE s'est manifestement transformée dans la biographie de Sitchin en
Université de Londres où l'on peut effectivement étudier l'archéologie.
Et Dornenburg de conclure : «Il est plutôt probable que, comme adolescent,
Sitchin ait bouquiné de la littérature appropriée. Il est évident que le CV de
Sitchin a été soigneusement maquillé pour faire d'un journaliste économique
un 'expert diplômé' en langues antiques et en archéologie432 • »
Comme nous l'avons de toute façon précédemment précisé, con-
trairement aux allégations publiées par ses éditeurs, Zecharia Sitchin
n'avait aucun bagage universitaire en langue sumérienne ou même un
diplôme de cet ordre. Dans l'absolu, le problème ne se trouve pas là -
tout le monde peut se lancer dans la recherche de façon autodidacte -,
c'est plutôt le fait de suggérer aux lecteurs que Sitchin possède tout un
bagage universitaire en archéologie et linguistique qui est plus gênant.
Le texte de quatrième de couverture de The Wars of the Gods and
Men («La guerre des dieux et des hommes ») - troisième ouvrage des
Chroniques de la Terre publié en 1985 par Avon Books - désigne par
exemple Sitchin comme étant un « internationally renowned scholar ». En
français, cela pourrait se traduire simplement en «chercheur de renom-
mée internationale», mais en anglais ce titre évoque à la fois un savant,
un érudit et même un scientifique, ce que Zecharia Sitchin n'est pas
le moins du monde. C'est avec ce genre de détail que les éditeurs de
Sitchin ont créé une icône intouchable dans le milieu très rentable de
l'ésotérisme des années 1970 à 2000 ... Le Dr Michael S. Heiser (étude de

431. La page anglaise de l'auteur Frank Domenburg concernant Sitchin = http:/ /pyramid-
mysteries.com / ?top=pyr_e&page=sitchin_e
432. La page allemande del' auteur Frank Domenburg et de son étude sur le CV de Zecharia
Sitchin = www.pyramidengeheimnisse.de/ ?top=pyr&page=sitchin
342 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

l'hébreu et des langues sémitiques à l'université de Wisconsin-Madison)


précise très clairement à ce sujet433 :

« Zecharia Sitchin is not a scholar of ancient languages. What he has written in


his books could neither pass peer review nor is it informed by factual data from
the primary sources. [... ] Likewise when Mr. Sitchin tells readers things lilœ 'the
Sumerians believed there were twelve planets, the Anunnaki were space travelers,
Nibiru was the supposed 12th planet', etc., he is simply fabricating data. It isn't a
question of how he translates texts; the issue is that these ideas don't exist in any
cuneiform text at ail.»

(«Zecharia Sitchin n'est pas un spécialiste en langues anciennes. Ce qu'il


a écrit dans ses livres ne pouvait ni passer l'examen de pairs ni être docu-
menté par des données factuelles provenant de sources de première main.
[... ] De même, lorsque M. Sitchin dit aux lecteurs des choses comme 'les
Sumériens croyaient qu'il y avait douze planètes, les Anunnaki étaient des
voyageurs de l'espace, Nibiru était la supposée 12• planète', etc., il fabrique
tout simplement des données. Il ne s'agit pas de savoir comment il traduit
les textes; le problème est que ces idées n'existent pas dans le moindre texte
cunéiforme qui soit.»)

Comme on le voit, dès la sortie de La 12' Planète, plusieurs maga-


zines annoncent Sitchin comme étant un homme d'affaires influent. Étran-
gement, cette information va disparaître au fil des mois pour ne jamais
passer l'Atlantique. Les éditeurs de Sitchin et/ ou l'intéressé auraient-ils
fait pression sur la presse pour expurger le véritable profil de l'auteur?
Avec un tel emploi du temps, on se demande comment Zecharia
Sitchin aura trouvé le temps de traduire des textes du sumérien, sachant
qu'un malheureux document sur argile peut prendre des mois de travail,
et j'en sais personnellement quelque chose. Sans polémiquer davantage,
notons simplement qu'il fut un agent et homme d'affaires d'envergure
avant de se lancer dans la rédaction de ses ouvrages. Au regard de son
statut social et de ses antécédents, nous pouvons facilement imaginer qu'il
était soutenu par de puissants réseaux.

5. Les sources invisibles de Zecharia Sitchin

Depuis la fin des années 1970, alors que magazines spécialisés dans
«l'étrange» et ouvrages ésotériques continuent aveuglément d'entretenir
la thèse de Zecharia Sitchin, théorie selon laquelle Nibiru serait la planète
originelle des Anunnaki, plusieurs voix n'ont cessé de demander à Sitchin
la référence des tablettes d'argile où Nibiru serait clairement mentionnée
en tant que demeure des «divinités» mésopotamiennes. Lui furent égale-
ment réclamées les références comportant la mention d'un besoin d'or des
dieux sumériens afin de restaurer l'atmosphère d'une quelconque planète
433. Cf.= http:/ /www.sitchiniswrong.com/letter/letter.htm
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 343

en perdition ... Aucune réponse n'a jamais pu être apportée étant donné
que ces textes n'existent tout simplement pas. La mythologie mésopota-
mienne est disponible dans divers ouvrages spécialisés. Ce genre de docu-
ments est consultable dans les meilleures bibliothèques des plus grandes
villes du monde. Chacun de nous peut le vérifier par lui-même ... Les
Sumériens et Akkadiens n'ont jamais rien écrit de ce genre: il s'agit d'un
mythe inventé de toutes pièces!

Jean Sider, auteur français de plusieurs ouvrages sur les ovnis et les
anciens dieux, évoque ce problème de transparence à propos des sources
de Zecharia Sitchin dans un dossier daté de 2006, intitulé «Les dieux créa-
teurs» : « [Zecharia Sitchin] cite rarement ses sources avec précision. Il ne cite
aucune référence directe, et se contente de publier une impressionnante liste biblio-
graphique en fin de chacun de ses livres, mais il est impossible de vérifier ses allé-
gations dans de pareilles conditions[ ... ]. Nous l'avons contacté par lettre en juillet
2003 pour qu'il nous précise sa source, mais nous n'avons jamais été honorés
d'une répons,;'34 [ ••• ]. »
De son côté, mon ami Gerry Zeitlin, ingénieur en énergie et astro-
physicien décédé en 2014, rapporte lui aussi le manque de transparence de
Zecharia Sitchin lors d'une de ses conférences:

« Zecharia Sitchin attribua, tout au long de ses livres et de ses discours publics,
la longévité remarquable des Anunnaki à leur demeure, la planète Nibiru, dont la
période orbitale est de 3600 années terrestres (selon ses dires). Ceci, dit-il, signifie
que chaque année de la vie d'un dieu Anunnaki équivaut à 3600 ans de vie humaine
sur Terre.

Que personne ne conteste Sitchin sur cette folle idée est un hommage à la qualité
cultuelle de ses partisans. Cependant, cela fut contesté une fois -par moi, lors d'une
apparition publique dans la région de la Baie [de San Francisco]. Je lui ai simple-
ment demandé comment il pouvait justifier l'affirmation selon laquelle la longévité
et le vieillissement seraient liés à la longueur de l'année d'une planète?

Sa réponse (souriant): 'Question suivante?'

Je n'oublierai pas facilement ce sourire arrogant. Vous avez si je puis dire dans cet
échange la quintessence de la logique sitchinienne et d'un raisonnement méthodo-
logique435. »

Plus récemment, le magazine français grand public Paris Match pu-


bliait quelques précisions sur la thèse de Zecharia Sitchin :

434. Les Archives du Savoir Perdu, n° 5, janvier-février 2006. Il est bien dommage que Zecharia
Sitchin ne soit pas plus précis à propos de la documentation qu'il utilise, car cela ne fait que
rendre certaines parties de ses travaux plus douteuses.
435. Page originellement disponible sur le site de Gerry Zeitlin (zeitlin.net), désormais visible
sur= https: / / www.antonparks.net/ neb-heru-the-moming-star?fbclid=lw AR23qaCehWjf-2t
o4RR-JONH9deJf61DanSgzlafjf5BDicE5iZf_VlbAAw
344 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

«Avec Zecharia Sitchin, écrivain d'origine russe décédé en 2010 à l'âge de 90 ans,
on quitte les rivages de la science pour arriver dans le grand n'importe quoi. En
s'appuyant sur les tablettes cunéiformes de l'époque sumérienne - qu'il prétend
avoir traduites - Sitchin affirme que l'humanité aurait été créée par une race extra-
terrestre, les Anunnaki, révérés comme des dieux par les Sumériens.
Dans la cosmogonie de Zecharia Sitchin, la Terre a été formée par la collision de
deux planètes, Tiamat et de Nibiru. Tiamat a été détruite, mais Nibiru, manifes-
tement plus résistante, continue à rôder dans notre système solaire et revient tous
les 3600 ans pour, à l'instar de Némésis, déclencher de terribles cataclysmes. Dans
l'espèce de syncrétisme loufoque qui caractérise les théories apocalyptiques, c'est
d'ailleurs Nibiru qui, en 2012, aurait dû provoquer la fin du monde annoncée par
les Mayas.
Mais ce n'est sans doute que partie remise. Nibiru est si présente dans la culture
populaire qu'on ne compte plus, sur Internet, les photos et les vidéos de cette pla-
nète fantôme repérée par des prophètes à la petite semaine. Tous les sites et les blogs
consacrés à la menace Nibiru font leur 'une' sur l'annonce de la découverte de la
planète X sur l'air de 'on vous l'avait bien dit'436 [ ••• ]. »

6. Les prétendues traductions de tablettes sumériennes de Sitchin

Zecharia Sitchin ne communique pas ses sources directes. Aucune


note n'est présente à la fin de ses livres, juste une vaste bibliographie d'ou-
vrages archéologiques et universitaires sur les thèmes de l'assyriologie et
de l'égyptologie. Se présentant comme un «grand érudit» et traducteur,
pourquoi ferait-il autrement? Il se donne le droit de piocher les informa-
tions qui l'intéressent où il le souhaite. Dans ce bric-à-brac, le lecteur doit
aveuglément lui faire confiance. Lorsqu'il cite d'anciens textes-particuliè-
rement ceux de Sumer et d' Akkad - Sitchin ne donne que très rarement le
numéro de musée du document, se contentant parfois de fournir le titre du
texte mythologique transmis par les assyriologues responsables des tra-
ductions.
Jamais Sitchin ne se lance dans un débat sur une quelconque inter-
prétation antérieure. Jamais il ne dit «voici ma traduction de ce texte qui
diffère de celle d'untel, pour telle ou telle raison». Traduisant moi-même
du sumérien, mes lecteurs savent à quel point je n'hésite jamais à com-
parer mes traductions avec des travaux antérieurs et à surtout montrer
comment je traduis. Il n'y a aucun mystère. L'interprétation d'un texte en
sumérien ou akkadien implique tellement de termes et de possibilités qu'il
est impossible de traduire quoi que ce soit sans avoir au préalable compris
le contexte général du document. Parfois, le moindre mot peut changer
tout le sens d'un texte.
Avec Sitchin, tout demeure mystérieux. Il semble d'accord avec les
assyriologues, en tout cas pour les grandes lignes de l'histoire de l'Orient
ancien. Ceci lui permet de ne rentrer dans aucun débat et de tisser sa toile.
436. David Ramasseul, «L'éternel retour de la planète fantôme», Paris Match du 21 janvier
2016.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 345

De cette façon, Zecharia Sitchin reprend allégrement les données et tra-


ductions de grands assyriologues, archéologues et historiens comme Sa-
muel Noah Kramer, Thorkild Jacobsen, Henri Frankfort, Edward Chiera,
Edmond Sollberger, André Caquot, Ma;rie-Joseph Seux, Stephen Langdon,
André Parrot, Georges Contenau, François Thureau-Dangin ...
Sa façon de procéder est systématiquement la même dans l'ensemble
de ses ouvrages. Il ne dit jamais d'où provient la traduction, impliquant
de cette façon qu'il s'agit de la sienne. Ses nombreuses imprécisions et
silences répétés lui offrent la possibilité de s'octroyer n'importe quel texte
et d'y ajouter quelques mots de son cru pour diffuser son message imagi-
naire. Cette technique permet aussi à Sitchin d'insérer des passages sans
aucune référence et d'introduire à tout moment des mots qui n'existent pas
dans les vocabulaires sumérien et akkadien.
Étrangement, le deuxième livre de Sitchin, intitulé The Stainvay to
Heaven - traduit par «L'escalier céleste» en français -, ne cite que deux fois
Nibiru. Sitchin aurait-il voulu faire marche arrière? Sa version de Nibiru
allait pourtant lui apporter beaucoup de succès, raison pour laquelle Nibi-
ru apparaît soixante-trois fois dès son troisième ouvrage, puis soixante-et-
une fois dans le quatrième livre, cent cinquante-deux fois dans le suivant
et ainsi de suite ...
Voici quelques exemples en rapport avec Nibiru provenant de plu-
sieurs ouvrages publiés après La 12' Planète :

«But there does exist an ancient chronicle dealing with an earlier landing in dra-
matic circumstances: when the deposed ruler of Nibiru escaped to Earth in his spa-
cecraft437 ! »

(«Mais il existe effectivement une ancienne chronique traitant d'un atter-


rissage antérieur dans des circonstances dramatiques : lorsque le dirigeant
déchu de Nibiru s'est échappé sur Terre dans son vaisseau spatial!»)

Aucun texte de l'ancienne Mésopotamie ne cite une seule fois Ni-


biru comme lieu d'habitation d'un dieu quelconque. Sitchin place dans ce
passage un flagrant exemple de contre-vérité.

«The information is contained in a text whose Hittite version has been titled by
scholars Kingship in Heaven. 1t throws light on life at the royal court of Nibiru and
tells a tale of betrayal and usurpation worthy of a Shakespearean plot438 • »

(«L'information est contenue dans un texte dont la version hittite a été inti-
tulée par les savants 'La royauté du Ciel'. Il éclaire la vie à la cour royale
de Nibiru et raconte une histoire de trahison et d'usurpation digne d'un
complot shakespearien.»)

437. Zecharia Sitchin, The wars of the Gods and Men, New York, Avon Books, 1985, p. 83.
438. Ibidem, p. 83.
346 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

C'est parfaitement identique à l'extrait précédent : Sitchin utilise le


mot Nibiru alors que le texte dont il parle ne cite pas une seule fois ce nom.

«The mutiny, and the events that had led to it and followed it, are Jully described
in a text called by scholars The Atra-Hasis Epics[ ... ]. The text informs us that after
Anu had gone back to Nibiru and Earth was divided between Enlil and Enki, the
Anunnaki toiled in the mines of the Abzu for 'forty counted periods' -forty orbits
of their planet, or 144,000 Earth-years439• »

(«La mutinerie, ainsi que les événements qui y avaient conduit et qui la sui-
virent, sont entièrement décrits dans un texte appelé par les savants 'L' épo-
pée d' Atra-Hasis' [... ].Le texte nous informe qu'après qu'Anu soit retourné
sur Nibiru et que la Terre ait été divisée entre Enlil et Enki, les Anunnaki
peinèrent dans les mines del' Abzu pendant' quarante périodes comptées' -
quarante orbites de leur planète, soit 144000 années terrestres.»)

L'épopée d' Atra-Hasis n'évoque pas une seule fois le mot Nibiru,
sinon, les assyriologues auraient parlé de ce terme bien avant Zecharia
Sitchin. Il s'agit une fois encore de subjuguer l'esprit des lecteurs pour leur
faire rentrer dans la tête des choses qui ne sont que dans celle de leur auteur.

« It was knowledge, the Sumerians asserted, that was given them by the Anunnaki
('Those Who from Heaven to Earth Came') who had corne to Earth from their pla-
net, Nibiru. Nibiru, they said, was the twelfth member of the Solar System 440 [ ••• ]. »

(«C'était la connaissance, affirmaient les Sumériens, qui leur avait été don-
née par les Anunnaki ('Ceux qui du ciel sur la Terre sont venus') qui étaient
venus sur Terre depuis leur planète, Nibiru. Nibiru, disaient-ils, était le
douzième membre du système solaire[ ... ].»)

Les Sumériens n'ont jamais rien rédigé de tel. La technique de Sitchin


est toujours la même : faire croire à ses lecteurs que Nibiru se retrouve ins-
crit dans l'argile de nombreux documents de l'ancienne Mésopotamie.

«Sorne time early in the fourth millennium b.c., according to Sumerian texts, the
ruler of Nibiru, Anu, and his spouse An tu paid a visit to Earth441 • »

(«Au début du quatrième millénaire avant J. C., selon les textes sumériens,
le souverain de Nibiru, Anu, et son épouse Antu ont effectué une visite sur
Terre.»)

Encore et toujours la même propagande grâce à des informations


inventées par son auteur et totalement absentes des chroniques sumé-
riennes.

439. Ibidem, p. 102.


440. Zecharia Sitchin, The Lost Realms, New York, Avon Books, 1990, p. 156.
441. Ibidem, p. 157.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 347

«The evidence at hand, we believe, indicates that the Near Eastern tales and beliefs,
including knowledge of the story of Nibiru and the Anunnaki who had corne from
there to Earth442 ... etc.»

(«Selon nous, les preuves disponibles indiquent que les contes et les
croyances du Proche-Orient, y compris la connaissance de l'histoire de Ni-
biru et des Anunnaki qui étaient venus de là sur Terre ... etc. »)

Lorsque l'on sait de quoi parlent véritablement les textes rédigés en


cunéiformes, on a vraiment l'impression que Sitchin se sert de la crédulité
de ses lecteurs. Non, aucune tablette sumérienne ou akkadienne ne pré-
tend que les Anunnaki venaient de Nibiru !

«On Nibiru, nature and technological usages had combined to thin out and damage
the planet's atmosphere, an atmosphere needed not only for breathing but that also
had acted to envelop the planet into a greenhouse, preventing its inner-generated
heat from dissipating. And only by suspending gold particles high above Nibiru,
its scientists concluded, could Nibiru be saved from becoming a frozen and lifeless
globe443• »

(«Sur Nibiru, la nature et les usages technologiques s'étaient combinés pour


amincir et endommager l'atmosphère de la planète, une atmosphère non
seulement nécessaire pour respirer, mais qui avait également servi à ce que
la planète se retrouve entourée d'une serre empêchant la chaleur générée de
l'intérieur de se dissiper. Et ce n'est qu'en répandant des particules d'or au-
dessus de Nibiru, conclurent ses scientifiques, qu'on pourrait sauver Nibiru
de son destin de globe sans vie pris dans les glaces. »)

Nous avons ici un exemple flagrant où Sitchin tente de faire croire à


sa thèse selon laquelle la planète Nibiru aurait eu besoin d'or pour préser-
ver son atmosphère. Aucun texte sur argile ne parle d'une telle chose: c'est
purement une invention de Zecharia Sitchin.

«The tale relates how Anu, the ruler of Nibiru, returned to that planet from a visit
to Earth after arranging a division of powers and terri tories on Earth between his
feuding sons 444 [ ... ]. »

(«L'histoire raconte comment Anu, le dirigeant de Nibiru, est revenu sur


cette planète à la suite d'une visite sur Terre après avoir organisé une divi-
sion des pouvoirs et des territoires sur Terre entre ses fils en conflit[ ... ].»)

Cette histoire n'existe nulle part sauf ici. Les textes sur argile ne
mentionnent pas une seule fois que le dieu suprême An proviendrait de
Nibiru ...

442. Ibidem, p. 177.


443. Ibidem, p. 253.
444. Zecharia Sitchin, When Time Began, New York, Avon Books, 1993, p. 81.
348 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

« Thereexisted as part of the secret knowledge kept in temples God Lists, in which
the Anunnaki 'gods' were listed in genealogical/generational succession. Sorne such
discovered lists named no fewer than twenty-three Divine Couples who were the
precursors of Anu (and thus of Enlil and Enki) on Nibiru 445 . »

(«Il existait dans le cadre de connaissanœs secrètes conservées dans les


temples des listes de dieux, dans lesquelles les 'dieux' Anunnaki étaient
répertoriés par succession généalogique/ générationnelle. Certaines de ces
listes découvertes ne nommaient pas moins de vingt-trois couples divins
qui étaient les précurseurs d' Anu (et donc d'Enlil et d'Enki) sur Nibiru. »)

C'est toujours le même procédé qui est utilisé chez Sitchin : aucune
liste royale ou généalogique des dieux Anunnaki ne parle de Nibiru !

«The Sumerian texts inform us, first ofall, that the 'seed of life' -the genetic alpha-
bet-was imparted to Earth by Nibiru during the Celestial Battle, some four billion
years ago446 • »

(«Les textes sumériens nous informent avant toute chose que la 'semence
de vie' -1' alphabet génétique - a été transmise à la Terre par Nibiru lors de
la bataille céleste, il y a environ quatre milliards d'années.»)

Aucun texte sumérien ne dit une sottise pareille, puisqu'aucun texte


de ce genre ne parle même de Nibiru ...
Nous pourrions poursuivre ainsi sur des pages et des pages. Les
exemples mentionnés parlent d'eux-mêmes. Zecharia Sitchin a inventé un
mythe qui serait peut-être passé dans un roman, mais hélas pas dans des
livres de recherche prétendant révéler la véritable histoire des chroniques
sumériennes. Comme je l'ai indiqué dans Eden, je ne suis pas contre l'idée
qu'un astre puisse vagabonder dans notre système planétaire au-delà de
Pluton, comme Sitchin l'a suggéré avec sa planète Nibiru. La thèse de la
planète X n'est pas nouvelle : nous avons précédemment vu qu'elle date de
1905 et qu'elle provient du mathématicien et astronome Percival Lowell.
Par contre, si nous venions un jour à découvrir une telle planète, celle-ci
ne saurait être la demeure des dieux sumériens, car aucun document sur
argile ne la mentionne comme telle! Pour les Sumériens, le seul lieu céleste
associé à leurs dieux est le Dukù, «la sainte montagne» du Ciel.

Devant son impossibilité de justifier ses propos et le manque


évident de sources à l'appui sa thèse, Sitchin publia en 2001 The Lost Book
of Enki («Le livre perdu du dieu Enki »), un ouvrage rédigé sous forme de
roman où il se permet de citer trois cent soixante-huit fois Nibiru. Dans
ce livre, l'auteur publie des tablettes sumériennes soi-disant rédigées par
un certain Endubsar, scribe de la ville d'Eridu du dieu Enki, faisant croire
aux lecteurs crédules que tout ce qui se trouvait dans cet ouvrage était
445. Zecharia Sitchin, The Cosmic Code, New York, Avon Books, 1998, p. 45-46.
446. lbidem, p. 119
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 349

véridique; les éditeurs expliquèrent à l'époque que: «L'auteur a recherché


dans des sources de première main les preuves venant confirmer son hypothèse.
Puis, il a reformulé dans cet ouvrage les récits qu'il a découverts pour en faire
les mémoires d'Enki. » Malheureusement, ces documents sont inventés : ils
n'existent pas. Nombreux sont les lecteurs et même les magazines qui y
ont cru et qui y croient encore en raison du manque de transparence de
l'auteur et de ses divers éditeurs.

Tout homme a une histoire personnelle, une origine et un contexte


qui détermineront qu'il le veuille ou non ses ambitions, ses désirs et son
aptitude à innover par le biais de son imagination ... Le fascinant et intri-
guant personnage public qu'est Zecharia Sitchin n'y fait pas exception.
Cet homme n'est pas parvenu comme par magie à devenir le «père» des
mythes modernes liés à l' évhémérisme, à savoir la théorie selon laquelle
les dieux des mythologies étaient des personnages réels ayant été divini-
sés.
Zecharia Sitchin a mené une véritable guerre psychologique afin de
nous faire croire à ses idées, une guerre dont la fondation Rockefeller dé-
tient tous les secrets. C'est ce que nous allons maintenant découvrir pour
conclure.

7. Zecharia Sitchin et sa dernière mission

Au fil de sa longue vie, Zecharia Sitchin aura réussi à honorer


nombre de missions pour le compte de son pays. Lorsqu'il s'est retrouvé à
la retraite, un groupe d'influence lui donna une dernière mission. Le désir
de Sitchin - sinon son ordre de mission en tant qu'agent - fut d'asseoir la
légitimité de certaines croyances et religions sur des racines non plus seu-
lement spéculatives, mais sur des preuves de l'existence passée d'extra-
terrestres civilisateurs à l'origine de l'humanité et de ses civilisations. Pour
y parvenir, il n'aura pas lésiné sur le sensationnalisme outrancier en inven-
tant de toutes pièces sa planète Nibiru, une thèse qui ne repose comme
nous l'avons démontré sur aucune réalité littéraire. Pourtant, Sitchin au-
rait très bien pu parvenir à son objectif sans passer par cette case.
Mais sur quelles autres «preuves» aurait ainsi pu s'appuyer ce
connaisseur des traditions bibliques et ce visiteur accompli des hauts lieux
sacrés du judaïsme? Zecharia Sitchin n'était pas n'importe quel homme
ou croyant; tout en étant un espion à la solde d'Israël, il fréquentait des
exégètes, des lettrés et des personnes cultivées. Quoi de plus évident qu'un
exilé, un apatride et un homme marqué par la guerre et la cruauté de la
vie, se soit retrouvé fasciné par la perspective de dieux à son image, cloués
sur Terre par la violence d'un chaos céleste? Quoi de plus certain qu'une
«preuve d'ordre scientifique», révolutionnaire, majeure de par son impor-
tance - la révélation d'une planète supplémentaire dans le Système So-
350 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

laire - serait à même d'asseoir la légitimité de ses commentaires? À défaut


d'être inédite, cette approche de la planète X ne connaissait pas encore de
tentative de justification basée sur des textes dont la langue commençait
seulement à être traduite et diffusée auprès d'un large public.

Une partie de la vie de Zecharia Sitchin semblant liée aux services


secrets, certaines de ses «missions» l'ont nécessairement amené à accu-
muler une masse non négligeable d'informations compromettantes et/
ou l'ont conduit à commettre des actes répréhensibles. Zecharia Sitchin
connaissait beaucoup de secrets, ses liens avec Robert B. Anderson et Isaac
Charchat le démontrent clairement. Le contexte des écrits de Sitchin s'ins-
crit dans ce tableau, mais pas seulement : Sitchin était en connexion avec
l'entourage de Kennedy et il fut un témoin direct de la chute et de l'assas-
sinat du président des États-Unis ainsi que de la nomination de son suc-
cesseur, Lyndon Johnson, très bon ami de Robert B. Anderson, lui-même
associé de Sitchin. N'y a-t-il pas là un véritable moteur dans l'urgence de
partager des informations avec un plus large public de crainte d'être l'un
des prochains sur la liste des exécutions? Faire de soi un prophète et s' éle-
ver au rang d'icône de la littérature «ésotérique» étaient peut-être perçus
par Sitchin comme une sorte de garantie de ne pas être exécuté en toute
discrétion? Comment un homme de cette envergure, habilité à des mis-
sions d'espionnages et à des tractations houleuses, a-t-il pu commettre l'er-
reur de construire sa thèse en s'appuyant sur des faits aussi maigres? Cela
paraît insensé si l'on conçoit que cette entreprise de diffusion de ses idéaux
fut orchestrée par des think tanks ou des lobbies, mais cela devient plus com-
préhensible sil' on envisage la possibilité que ces «soutiens», ayant achevé
d'instrumentaliser Sitchin pour leurs plans géopolitiques, ait finalement
abandonné leur protégé. À moins encore que Zecharia Sitchin ne se soit
accommodé de ces demi-révélations comme un signal à l'adresse de ses
anciens alliés comme quoi il livrerait sans pitié leurs secrets en pâture au
public s'il venait à lui arriver malheur?

Ce qui ressort de certaines objections lancées à Sitchin, c'est le profil


d'un « uluberlu » sorti de nulle part qui s' accapare pourtant des preuves
issues de l'archéologie universitaire. En réalité, comme je n'ai cessé de le
répéter lors de cette enquête, Sitchin était un homme de son temps; il n'y
a que le recul et l'oubli qui nous amènent à décontextualiser cet auteur et
son œuvre. En réalité, le premier à avoir évoqué la perspective d'anciens
astronautes présents en Mésopotamie ayant influencé le développement
de l'être humain est un écrivain franco-belge! En 1887, J.-H. Rosny aîné
publie Les Xipéhuz, réédité en 1896 chez l'éditeur parisien la Société du
Mercure de France. Dans ce roman se situant au moment de la préhis-
toire, Rosny aîné évoque la rencontre entre une tribu de ce temps-là et des
«Formes» ou entités polymorphes belliqueuses ... Ce document incroyable
mérite le détour, et j'invite les personnes intéressées à consulter le résumé
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 351

qui en est fait dans l'annexe. Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que Zecha-
ria Sitchin ait consulté cet ouvrage.

S'il est reproché à Sitchin d'être trop libre dans son interprétation de
textes qui relèvent plus de la mythologie comparée que de l'investigation
linguistique, il reste qu'il n'en demeure pas moins l'initiateur d'un certain
mouvement de libération. Avant Sitchin, l'analyse des textes «sacrés» était
réservée à des élites, des cercles secrets, des clercs et autres initiés. Ce type
d'interprétation est désormais accessible aux autodidactes. Bien que cette
«théorie de Nibiru » propre à Sitchin soit sujette à vive controverse, il n'est
pas possible de réduire la démarche de notre agent secret à une entreprise
préméditée de fumisterie relevant des travaux d'un faussaire. Zecharia
Sitchin est l'homme qui a par son réseau et ses récits rendu possible la
diffusion dans le monde entier d'idées jalousement détenues par des élites
intellectuelles.
Pour cela, en espion qu'il était - pas encore en activité-, Sitchin
se mit vraisemblablement en quête d'un message crypté, un signe ou un
indice qui lui permettrait de concevoir un système de pensée novateur : le
culte d'anciens dieux extra-terrestre par le biais des textes de l'ancienne
Mésopotamie. Zecharia Sitchin pouvait piocher dans cette iconographie
et dans l' «esprit du siècle» très présent chez ses contemporains : une laï-
cisation profonde de la société du fait de religions en déficit de crédit, et
la perte de confiance en la science suite au développement d'armes qui
attisaient plus les guerres qu'elles n'apportaient la paix ... L'ensemble de
ces phénomènes sociaux contribuent au manque de Sens et à un désir de
retrouver une figure messianique et une explication universaliste qui en-
globerait toutes les problématiques : qui sommes-nous, d'où venons-nous,
où allons-nous? C'est ainsi dans les méandres de la fabrique de l'Histoire
que se créent les Agents de l' Apocalypse! Au regard de sa foi, Sitchin de-
vait également être entouré de coreligionnaires hébraïques attendant la
«venue du Messie». Le concept de «compte à rebours» lié au retour des
Anunnaki sur la Terre correspond assez bien à l'idée de l'imminence d'un
messie dans le contexte hébraïque.

Il y a fort à parier qu'en étant proche de la fondation Rockefeller,


Zecharia Sitchin ait été amené à travailler activement au sein de think tanks
ou de services dont le rôle était de créer une base fédératrice et ordon-
née de connaissances ou de croyances. C'est ici qu'intervient l'archétype
du «savant fou» dans le destin de Sitchin. Comment procèdent ces think
tanks ? Pour disséminer une idée dans l'esprit des peuples, on établit géné-
ralement un plan à plus ou moins long terme.
L'Histoire nous apprend bien souvent que les agents sont tenus par
des systèmes de pressions et de chantages qui se manifestent par exemple
du temps de l'URSS par des opérations de type « KOMPROMAT » :
conduire un agent à commettre une faute et le forcer à accomplir d'autres
352 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

actions sous la menace de révéler cette première faute, le plus souvent tota-
lement orchestrée par la hiérarchie qui a tendu le piège. Plus complexes,
des projets hypothétiques tels que « COINTELPRO » ouvrent des perspec-
tives abyssales comme livrer des demi-vérités pour mieux les discréditer.
Ainsi, des projets militaires en lien avec des aptitudes «extra sensorielles»
de l'être humain auraient sciemment été sabotés afin de discréditer le sujet
et de «couvrir» de véritables découvertes réalisées par l'armée au cours de
ces expériences ... Ce procédé porte un nom : c'est le gaslighting ou détour-
nement cognitif.

Qui aurait mieux pu orchestrer ce type d'agenda, sinon la fonda-


tion Rockefeller, laquelle avait promis d' œuvrer pour le «progrès» scienti-
fique? Cela peut faire «cliché» que de tourner nos regards vers cette fon-
dation, mais plusieurs faits intrigants doivent pourtant être relevés. Dès
la fin du XIX• siècle, la fondation fait l'acquisition de brevets d'inventions
médicales interpelantes telles qu'un dispositif permettant de soigner à dis-
tance à l'aide d'une goutte de sang; l'invention est ensuite déclarée être
une vaste fumisterie et fait alors l'objet d'une campagne de dénigrement ...
La fondation Rockefeller est notoirement connue pour avoir pris
part au programme d'eugénisme européen et plus particulièrement à celui
de l'Allemagne nazie en aidant à la création de la société Kaiser-Wilhelm
et à son financement jusqu'en 1939447• Cette même fondation finance l'ins-
titutionnalisation de l'eugénisme au Danemark en participant à la créa-
tion l'Institut de génétique humaine de l'université de Copenhague448 •
Aujourd'hui l'appellation «étude de biologie sociale» a été substituée à
celle d' «eugénisme», mais le rapprochement d'une des figures de proue
de la fondation, l'eugéniste Tage Kemp, avec Otmar von Verschuer (scien-
tifique nazi ayant travaillé sur l'eugénisme) semble confirmer la variété
et la «diversité» des travaux auxquels pouvaient se livrer les chercheurs
affiliés à la fondation Rockefeller. L'exemple de la mise en accusation de
la fondation quant à des expérimentations liées à la syphilis au Guatemala
sur des cobayes non volontaires449 renforce cette aura inquiétante ...

D'un mémoire de l'École de Guerre économique a procédé la mise à


disposition sur le site de cette dernière d'un document intitulé «La fonda-
tion Rockefeller & les 100 villes résilientes », (Paris, Mémoire MSIE 30, mai
2019) rédigé sous la direction de Christian Harbulot (spécialiste en intelli-
gence économique et lobbying). Ce mémoire apporte un témoignage édi-

447. Paul Weindling, «The Rockefeller Foundation and German Biomedical Sciences, 1920-40: from
Educational Philanthropy to International Science Policy »,in Nicolaas A. Rupke (ss. la direct0 de),
Science, Politics and the Public Good: Essays in Honour of Margaret Gowing, Londres, Palgrave
Macmillan, 1988.
448. Alain Drouard, «Un cas d'eugénisme 'démocratique'», Revue La Recherche, n° 287,
1996.
449. «La syphilis inoculée à des cobayes au Guatemala : procès en vue aux États-Unis», RFI
du 5 janvier 2019.
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 353

fiant sur l'emprise tentaculaire de la fondation Rockefeller. Les influences


mises en œuvre par la fondation sont qualifiées de soft poweylSV en des
termes particulièrement révélateurs : «Sous couvert de fondamentaux philan-
thropiques, Les Rockefeller continuent d'exercer leur influence en vue d'imposer
non seulement leur vision au monde, mais surtout d'influer sur les politiques
dans une optique intéressée. Véritable état d'esprit familial, l'influence est géné-
tique. Avec naturel, ils s'emploient à déployer une méthode d'influence récurrente
depuis plus de 100 ans, via une dynastie qui assume ses orientations en totale
transparence. Nous avons été à même de trouver des éléments détaillés sur leurs
réalisations au fil de ces décennies avec des objectifs de prise de pouvoir clairement
énoncés.»
Selon un article du /DD paru le 2 décembre 2017 et repris dans le
document précité, les invités des Rockefeller - où se mêlent chefs d'État,
ministres, patrons de banque, PDG de multinationales - sont conviés seuls
dans un hôtel de luxe privatisé placé sous la règle de Chatham House451 •
Cette règle dont le nom ne manquera pas de résonner familièrement aux
oreilles des lecteurs452 pourrait être résumée ainsi : il est interdit aux par-
ticipants de ces réunions de révéler l'identité et les propos des invités des
réunions placés sous cette règle453 • Au cours de ces réunions réservées à
des élites : «Des décisions stratégiques y seraient prises, hors des institutions
démocratiques. Les orientations stratégiques décidées par le Groupe de Bilderberg
peuvent concerner le début d'une guerre, l'initiation d'une crise économique ou
au contraire d'une phase de croissance, les fluctuations monétaires ou boursières
majeures, les alternances politiques dans les 'démocraties', les politiques sociales,
ou encore la gestion démographique de la planète. Ces orientations pourraient
conditionner ensuite les décisions des institutions comme le GB ou les gouver-
nements des États, selon les dires de certains. Et les spéculations vont bon train
quand on sait que le Bilderberg a eu comme marraine la puissante agence améri-
caine, la CIA454• »
450. Définition du soft-power : «La capacité à obtenir ce que l'on veut à travers !'attraction
plutôt que la contrainte ou la récompense.»
451. Dani Legras, article du JDD du 2 décembre 2017 cité dans «La fondation Rockefeller
& les 100 villes résilientes», Paris, Mémoire MSIE, 30 mai 2019 (ss. la direct0 de Christian
Harbulot).
452. Chatham House désigne originellement le bâtiment où se trouve l'actuelle organisation
éponyme. Elle a hébergé trois Premiers ministres, mais aussi les pères fondateurs de cette
organisation (Arthur J. Balfour, Robert Cecil, Edward Grey et John R. Clynes) initialement
connue sous le nom de «Royal Institute of International Affairs » (RIIA). Ce bâtiment est baptisé
ainsi en raison de son propriétaire originel, le 1er comte de Chatham (ville de Chatham dans
le Kent, en Grande-Bretagne).
453. «Quand une réunion, ou l'une de ses parties, se déroule sous la règle de Chatham House, les
participants sont libres d'utiliser les informations collectées à cette occasion, mais ils ne doivent
révéler ni l'identité, ni /'affiliation des personnes à l'origine de ces informations, de même qu'ils ne
doivent pas révéler /'identité des autres participants.» Traduction disponible sur le site www.
chathamhouse.org nécessitant d'employer le système d'archivage archive.org. L'adresse URL de
la règle de Chatham House est désormais accessible sur leur site officiel, mais sans traduction
multilingue = https: / /www.chathamhouse.org/ about-us/ chatham-house-rule
454. «La fondation Rockefeller & les 100 villes résilientes», Paris, Mémoire MSIE, 30 mai 2019
354 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Dans une interview, Zecharia Sitchin insiste sur le fait que la des-
tinée est influencée par le libre arbitre : ce que nous pensons nous aide à
nous défaire de l'apparente fatalité d'événements qui s'enchaînent. C'est
justement ce point particulier que tient à maîtriser la fondation Rockefeller,
à savoir« ce que nous pensons». Dans cette même interview, Sitchin insiste
sur l'importance de la question de la survivance énergétique des Anunnaki
en répondant à la question pertinente d'un auditeur, «Comment survivent
les Anunnaki sans le Soleil lorsque leur planète se trouve hors de portée?»
C'est bien là l'une des problématiques qui font l'essence même de l'in-
croyable saga de la famille Rockefeller : l'énergie, le monopole du pétrole
et à présent le monopole des énergies vertes. Aussi, dans une interview
qu'il donna au sujet de son livre La fin des temps, en 2009 au cours d'un
échange avec Guido Hoogenboom (« Conscious Life Expo 2009 »), Sitchin ex-
plique à son interviewer que les effets du retour des dieux sur leur planète
Nibiru seraient notamment climatiques. Encore une fois, c'est bien le cli-
mat et son «dérèglement» sur lesquels se focalisent les entreprises Rocke-
feller. Les thèmes convergent une fois encore : une mouvance idéologique
à laquelle Sitchin a vraisemblablement été formé par la famille Rockefeller
semble à l'origine de ses ouvrages. La question n'est plus de savoir si ce
qu'il dit est juste ou correct au regard de ses «très libres» traductions du
sumérien dont nous avons largement examiné le contenu, mais plutôt de
savoir pourquoi et dans quel but Sitchin a tenu de tels propos ...
La question du but est essentielle. Revenons-en au sujet des Roc-
kefeller et de leurs divers domaines «philanthropiques»; notons à ce su-
jet les propos relevés dans le mémoire «La fondation Rockefeller & les
100 villes résilientes » : «Véritable galaxie tentaculaire à travers le monde, les
Rockefeller s'associent à d'autres fondations et Instituts les plus prestigieux au
gré des projets : la Clinton Global initiative, la Fondation Gates (FBMG), BRAC,
ACUMEN, pour ne citer que celles-ci, en vue de créer des synergies jusqu'au
plus obscur d'entre elles comme l'Institut TAVISTOCK, travaillant sur les mani-
pulations mentales455 • » Les Rockefeller auraient notamment le contrôle du
très confidentiel TIHR, le Tavistock Institute for Human Relations («Institut
Tavistock des Relations Humaines 456 ») par le biais de financements 457 • On

(ss. la direct 0 de Christian Harbulot).


455. Ibidem, p. 13.
456. Ce contrôle se manifesterait à travers leur mainmise financière, les Rockefeller étant à
l'origine de sommes généreuses versées à l'institut. Voir à ce sujet la citation rapportée dans
le mémoire «La fondation Rockefeller & les 100 villes résilientes » de propos tenus originel-
lement par Pierre-Alain Depauw dans «De l'Institut Tavistock à la Fondation Rockefeller :
le projet de contrôle mental au service du nouvel ordre mondial» (25 Octobre 2016): «La
Fondation Rockefeller a accordé une importante subvention qui a facilité la création du TIHR ». L'idée
d'un contrôle par des groupements d'influences-autant dire des think tanks avant l'heure-et
du financement de ces derniers par les Rockfeller se trouve d'ailleurs admirablement men-
tionnée dans la revue Concours médical: journal de médecine et de chirurgie, dans son numéro du
3 octobre 1937.
457. «Les personnages constituant le noyau de ce groupe ayant fait partie de la Tavistock Clinic avant
la guerre, la nouvelle organisation bénéficiant du soutien de la fondation Rockefeller, s'est établie tout
LES PREUVES DU MYTHE INVENTÉ PAR ZECHARIA SITCHIN... 355

doit à ce dernier de nombreux travaux en matière de stratégie et de guerre


psychologique pour le compte de l'OSS, puis de son successeur, la très
célèbre CIA.

Lors de cette enquête, nous avons vu que la Rockefeller Plaza regrou-


pait entre autres l'OCI, l' «Office of the Coordination of Information», devenu
l'OSS, puis la CIA. Au 1, Rockefeller Plaza se situait Interser, la société-
écran de la CIA gérée par Robert B. Anderson. C'est au même endroit, au
1, Rockefeller Plaza, donc, que fut créée en 1967 l'Intercontinental Trailsea
Corporation de Sitchin-Anderson-Charchat. Elle fut transférée au 50, Roc-
kefeller Plaza lorsqu'elle redémarra en 1969 grâce au Land-Bridge. Robert
B. Anderson et Zecharia Sitchin avaient tous deux ce point en commun :
chacun utilisait la stratégie de la «guerre psychologique» initialement
mise sur pied pour la CIA par l'Institut Tavistock des Relations Humaines
financé via la fondation Rockefeller. C'est le cas pour Anderson lors de
ses nombreux entretiens diplomatiques pour le compte du gouvernement
étasunien, puis lors de ses escroqueries visant à récupérer des millions de
dollars, tout autant que pour Sitchin lorsqu'il persuade Harry Truman de
signer la déclaration de reconnaissance de l'État d'Israël et qu'ils' applique
à subjuguer l'esprit de ses lecteurs pour leur faire croire à l'existence de
Nibiru dans les textes de l'ancienne Mésopotamie. Suivez le guide :

Institut Tavistock des Relations Humaines

FA
- Fondation Rockefeller - 1
(Travaux en matière de stratégie et de guerre psychologique . . . . . . . .
'°"',,~pie'"' CIA) ~

~ Robert B. Ande..on _ _ y Zecharia Sttchin ; , ;

Fondé en 1947, la même année, donc, que la CIA, par un groupe de


psychologues, l'Institut Tavistock (TIHR) est notamment à la source des
standards de l'OMS pour la qualification des maladies psychiatriques. Of-
ficiellement, cet organisme a pour objectif d'étudier le comportement des
individus au sein d'une organisation en termes de «psychologie organisa-
tionnelle». Les avancées du TIHR sont directement influencées par la Roc-

d'abord comme une annexe[ ... ] plus tard [... ]elle a été intégrée dans !'Agence Nationale de Santé
(National Health Service) [... ] Un autre facteur important a été le soutien financier généreusement
accordé par la fondation Rockefeller, qui s'est maintenu tout au long des 11 premières année de la vie
de l'Institut. [... ]Mais nous n'aurions pas pu survivre sans le soutien des subventions Rockefeller»,
in «La psychanalyse à !'écoute du social» (ss. la direct0 de G. Amado et <l'E. Enriquez), Revue
internationale de Psychosociologie, p. 8, 10 et 17. Ce document met en évidence à quel point cette
structure est dépendante du financement des Rockefeller.
356 LES AGENTS DE L'APOCALYPSE

kefeller selon Jim Keith, qui rapporte à ce sujet, dans Mind Control, World
Control - The encyclopedia of Mind Control, cité par Alexandre Lebreton dans
MK - Abus Rituels et Contrôle Mental, que : «Les déclarations d'un chroniqueur
officiel du groupe Tavistock aurait été les suivantes : La Fondation Rockefeller,
avant de nous subventionner, avait besoin d'être rassurée, pas seulement à propos
de notre politique ... mais aussi pour les personnes qui y travaillent. L'ingérence
est patente, enracinée et les projets affichés par la TIRH ne font aucun doute sur
l'étendue de leurs actions: travaux sur la psychiatrie, mise en place d'institutions
militaires chargées d'œuvrer concrètement à la mise en œuvre des politiques psy-
chiatriques préconisées, innovation et création de communautés thérapeutiques458
[... ].»Récapitulant l'ambition des groupements financés par les Rockefel-
ler, Alexandre Lebreton nous la présente de manière assez lapidaire : «Ces
maîtres marionnettistes de la finance et de la politique ont utilisé la pop culture
pour manipuler le développement social459• »

L'influence des lobbies et des think tanks s'est fait sentir dès l'an-
née 1968, date d'émergence de théories New-Age, mais surtout de la dif-
fusion de paradigmes novateurs. Sitchin a vécu pleinement cette époque
étonnante. Rien de surprenant à ce que, animé par l'esprit de son temps,
Sitchin ait transposé «l'archétype du savant fou» - émaillant le monde de
la science-fiction - sur les Chaldéens, héritiers des Mésopotamiens dont la
civilisation commençait alors à peine à être révélée au public par le biais
de publications vulgarisées. En cela, Zecharia Sitchin ressemble étrange-
ment à une sorte de Magicien d'Oz, un homme qui se serait retrouvé aux
commandes d'un projet aux implications surpassant de loin ses propres
ambitions et compétences, progressivement livré à lui-même par ceux qui
avaient initialement commandité son œuvre ...

458. «a/ L'invention de la 'commande psychiatrique' comme rôle médico-social conduisant à la consta-
tation et à la reconnaissance des problèmes dans le domaine des relations humaines et de leur gestion."
b/ L'invention de la 'psychiatrie sociale' comme une science politique permettant d'intervenir pour la
prévention des problèmes à grande échelle.
cf La mise en place de toute une série d'institutions militaires qui mettront en œuvre concrètement les
politiques préconisées.
d/ L'invention de nouveaux types de communautés thérapeutiques.
e/ L'invention de la 'psychiatrie culturelle'» in Alexandre Lebreton, MK - Abus Rituels & Contrôle
Mental, Dublin, Omnia Veritas Ltd, 2016, p. 30, reprenant l'énoncé présenté par Jim Keith
dans Mind Control, World Control - The Encyclopedia of Mind Control, Kempton (Illinois), Ad-
ventures Unlimited Press, 1997.
459. Lebreton, MK - Abus rituels & Contrôle mental, op. cit., p. 32.
II
Annexe

1. Joseph-Henri Rosny aîné et Les Xipenuz

Le premier à avoir évoqué la perspective d'anciens astronautes


présents en Mésopotamie et ayant influencé le développement de l'être
humain est un écrivain franco-belge. En 1887, J.-H. Rosny aîné1 publie Les
Xipéhuz, dont le recueil L'immolation publiera une première version en juil-
let 1887, puis il sera en partie réécrit et connaîtra une première édition en
décembre 1887 aux éditions Albert Savine de Paris. Il sera ensuite réédité
en 1896 par la Société du Mercure de France, toujours à Paris.J'ai considéré
que cette annexe était pertinente dans la mesure où elle permet de prendre
connaissance d'éléments préexistants (tels d'anciens astronautes, l'an~
cienne Mésopotamie et le déchiffrement de tablettes cunéiformes) ayant
possiblement influencé des auteurs comme Zecharia Sitchin. Le contexte
du sauvage faisant face à des êtres civilisés venus de l'espace est apparu
dans un jeu de tablettes trouvé à Nippur en 1900 et que j'ai eu l'honneur
de traduire dans mon ouvrage, Eden. Ce thème, vieux, donc, de plus de
2500 ans avant notre ère se retrouvera dans la version judéo-chrétienne de
la Genèse. Étrangement, Zecharia Sitchin ne traduira jamais ces tablettes
où il est fréquemment question de «dieux à têtes de reptiles», exploitant
de son côté le thème des humains confrontés à une civilisation extra-ter-
restre. Ce sujet est largement détaillé dans les tablettes sumériennes, mais,
comme nous l'avons vu, sans aucune mention de dieux provenant d'une
«planète Nibiru ».

Dans son roman qui se situe à l'époque de la préhistoire, J.-H. Rosny


évoque la rencontre de la tribu humaine Pjehou (appartenant à la nation
1. Par ailleurs l'auteur du célèbre roman La guerre du feu, paru en 1909, dont !'adaptation au
cinéma par le réalisateur français Jean-Jacques Annaud en 1981 a connu un véritable succès.
358 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

Zahelal) avec des «Formes» ou entités polymorphes belliqueuses, les-


quelles attaquent une tribu de nomade. Se réunissant après le massacre,
les rescapés humains découvrent que ces extra-terrestres limitent leurs
attaques à un périmètre restreint.
La tribu est unie sous l'autorité d'un charismatique héros-chef tota-
lement en adéquation avec les idéaux de son temps. La proposition de re-
constitution d'un culte préhistorique est également interpelante : un dieu
solaire. mâle chapeautant un panthéon formé de trois grands prêtres qui
dominent douze sacrificateurs. Ces trois prêtres vont reconnaître la divi-
nité de ces Formes et ordonner de sacrifier des animaux en leur honneur.
Les «fanatiques» de ces Formes non terrestres cherchent à honorer leurs
«dieux vivants», mais ils se feront massacrer à l'instar des pauvres égarés
qui avaient croisé la route de ces Formes au début du récit. En forçant des
esclaves à «tester» jusqu'où va la limite imposée par les formes, les tribus
rassemblées parviennent à en délimiter l'exact périmètre.
Le temps passe, et au printemps, les Formes déciment les impru-
dents passés trop près de leur périmètre en outrepassant elles-mêmes leurs
limites préétablies : le nombre de Formes s'est accru à en croire le témoi-
gnage des survivants du massacre. La nation des Zahelal qui réunit l'en-
semble des tribus nomades humaines tente d'incendier la forêt pour brûler
les Formes, mais elle n'y parvient pas. La forêt est dès lors consacrée et
interdite aux visiteurs. Deux années passent. La limite des Formes s'étend
encore et un important massacre est commis. Là, le récit devient particu-
lièrement précis : «De ce jour une histoire sinistre, dissolvante, mystérieuse, alla
de tribu en tribu, murmurée à l'oreille, le soir, aux larges nuits astrales de la Mé-
sopotamie. L'homme allait périr». Pour l'auteur, cet événement aurait signé
l'avènement des cultes mortifères du fait de l'imminence angoissante de la
destruction totale de l'humanité : le culte des Ténèbres venant engloutir le
dieu Soleil de lumière voyait le jour2.

À ce thème s'ajoute, au chapitre suivant, l'arrivée d'un personnage


à part qui vit «de la vue d'Éden»; c'est un sédentaire polygame et le père
comblé de trente enfants. Cet «excentrique» n'est respecté qu'en raison
de son lien de parenté avec le suprême grand-prêtre à la tête de la nation
Zahelal : ce n'est pas un animiste comme ses pairs, mais un «scientifique»
pragmatique ... L'homme est consulté par les tribus nomades démunies
et va se consacrer à l'étude de ces Formes invasives, «montées sur le plus
rapide des étalons de Chaldée». Il consigne ainsi ses observations des extra-
terrestres, «son étude hardie et minutieuse des ennemis de l'Homme, cette étude
à laquelle nous devons le grand livre anti-cunéiforme de soixante grandes belles
tables, le plus beau livre lapidaire[ ... ].» (Page 39).
Pour finir un nom leur est donné : l'observateur en question nomme
2. «Et dans cette angoisse, les primitifs médiateurs venaient à un culte amer, un culte de mort que
prêchaient de pâles prophètes, le culte des Ténèbres plus puissantes que les Astres, des Ténèbres qui
devaient engloutir, dévorer la sainte Lumière, le feu resplendissant», J.-H. Rosny, Les Xipéhuz, Paris,
Société du Mercure de France, 1896, page 32.
ANNEXE 359

ces Formes «les Xiphéhuz ». Le romancier qui emploie la technique du


«livre dans le livre» crée ainsi une mise en abîme. Dans le contexte de la
rédaction du roman, les textes cunéiformes émergent en effets des limbes
de l'histoire, et leur truculente traduction est amorcée et progressivement
portée à l'attention du public. Le romancier pousse particulièrement loin
l'audace - comme s'il s'agissait de remettre en scène le scénario d'une ex-
périence sociale à l'échelle nationale avant l'heure - la «référence»(?) de
cette œuvre est citée dans une note du bas de la page 42 : Les Précurseurs
de Ninive, par B. Dessault, une édition inoctavo de chez Calmann-Lévy, un
ouvrage fictif ... Ce phénomène sociétal, le roman en porte incontestable-
ment les stigmates : «Il faut lire la merveilleuse traduction de M. Dessault, ses
découvertes inattendues sur la linguistique pré-assyrienne, découvertes plus ad-
mirées malheureusement à l'étranger, - en Angleterre, en Allemagne, - que dans
sa propre patrie. L'illustre savant a daigné mettre à notre disposition les passages
saillants du précieux ouvrage, et ces passages, que nous offrons ci-après au public
[ ... ].»(Page 41).
L'observateur aurait découvert l'un des secrets «des dieux»: ils ne
sont pas immortels ni tout puissants. J.-H. Rosny pousse très loin la« farce»
en prétendant dans la deuxième note de bas de page que le Kensington
Museum possède des restes de cadavres extra-terrestres3 • La reproduction
de ces derniers évoque la mitose cellulaire ou celle des poissons. La règle
est celle-ci : plus la colonie extra-terrestre est nombreuse, plus son cercle
d'influence semble vaste (et inversement). L'observateur se livre à l'une
des premières analyses de la littérature des us et coutumes d'extra-ter-
restres avec une minutie et un détail qui confondront aisément le lecteur.
Les soucis de réalisme sont particulièrement flagrants. La langue signifiée
par des rayons lumineux jaillis d'étoiles qu'arborent les Formes est même
partiellement retranscrite. Elle ressemble vaguement à des signes cunéi-
formes sumériens archaïques.
L'observateur rapporte s'attacher à cette étude pendant des années.
Il découvre que le point faible des extra-terrestres serait l'étoile qui leur
permet de communiquer par faisceau lumineux, et que ces derniers se-
raient vulnérables aux flèches. Le thème du héros-archer entre alors en
scène: l'observateur devient le chasseur qui part en quête de son arme ex-
traordinaire à l'image de l'arc d'Ulysse que seul ce dernier savait tendre ...
L'observateur parvient à son objectif et tue l'un des «dieux» après une
traque haletante. C'est la prise de conscience du moyen exact de défaire
les «dieux de chairs» de leur domination sur l'humanité; l'observateur
salue le dieu Solaire Mâle, l'Unique, qu'il révère : c'est la supériorité de
l'ingéniosité sur la science et le mystère qui sont affirmés, la supériorité
de l'Esprit sur la Matière, la supériorité de la religion monothéiste sur les
superstitions et la crainte populaire. Se substituant à son père, l'un des
3. La citation vaut le détour : «Le Kensington Muséum, à Londres, et M. Dessault lui-même
possèdent quelques débris minéraux, en tout point semblables à ceux décrits par Bakhoûn, que
l'analyse chimique a été impuissante à décomposer et à combiner avec d'autres substances, et qui
ne peuvent, en conséquence, entrer dans aucune nomenclature des corps connus» (p. 48-49).
360 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

fils de l'observateur tuera également l'un de ces «dieux extra-terrestres»


à l'aide d'un couteau en vue de prouver leur caractère mortel aux autres
humains.
Une date est donnée : la première bataille opposant l'humanité aux
Xipéhuz se tient «en l'an du monde 22649 ». L'humanité est les différentes
nations nomades qui s'assemblent comme un seul être dans cette lutte.
La supériorité numérique est le seul avantage décisif des hommes sur ces
créatures et les pertes humaines vont être lourdes. La puissance de feu «de
lumière» des extra-terrestres s'amenuise au fur et à mesure que se prolonge
l'affrontement. C'est la retraite des humains. Les pertes créent la dissen-
sion et certains envisagent de déserter. Mais l'observateur-prophète-archer
fait entendre que la vitesse de réplication et d'expansion des Xipéhuz leur
permettra de conquérir le monde en 20 ans. Un mécanisme en bois est
envisagé pour contrer les attaques des extra-terrestres survivants.
Deuxième bataille : les manœuvres tactiques et les pertes sont rap-
portées avec réalisme. La victoire est acquise et enfin : «L'immensité de la
victoire dilatait toutes les âmes; les chefs parlèrent de m'offrir la souveraineté des
peuples. Je leur conseillai de ne jamais confier les destinées de tant d'hommes à une
pauvre créature faillible, mais d'adorer l'Unique, et de prendre pour chef terrestre
la Sagesse.»

L'ambition moralisatrice de ce conte est amplement illustrée. Enfin,


dans le même recueil, dérèglements climatiques et catastrophes apocalyp-
tiques sont rapportés, des thèmes en lien avec ceux qu'aborde l' œuvre de
Sitchin. Une sorte d'évocation de rencontre du deuxième type y est éga-
lement détaillée sous forme de conte, et y est aussi exposée la question
du déni face à l'évidence d'une rencontre extra-terrestre. On ne manque-
ra pas de mentionner ici que les voix accompagnant cette manifestation
surnaturelle sont comparées à «l'harmonie des sphères du vieux Pythagore»
(page 143). On y parle du thème de l'antigravité, condition des voyages
dans l'espace souvent évoquée dans la littérature SF - je rappelle que nous
sommes en 1896!
Fait surprenant, lorsque les sujets sont soumis à l'antigravité, l'eau
prend un goût de fer, des Feux de Saint-Elme apparaissent au-dessus des
grands arbres du paysage de nature décrit dans le conte et des anomalies
électrostatiques se manifestent. Le phénomène y est appelé La Roge Aigue
et le vaisseau est décrit comme suit : « Sévère se pencha, et à moins de vingt de-
grés sur le nord il vit un grand rectangle couleur de rouille, à bordure irrégulière,
comme troué d'abîmes de soufre. À mesure, il s'éclaircissait, transparent comme
une onde, véritable lac étendu sur le nord, où couraient des rides semblables à des
vagues, d'un rouge plus pâle». On est bien loin des dirigeables et des avions
naissants connus à l'époque ...
L'auteur, dans sa note de clôture de ce «conte», l'ancre davan-
tage dans le «réalisme», allant même jusqu'à confesser sa dimension de
ANNEXE 361

véritable témoignage4• De tels «contes» ne sont pas sans rappeler nos


«légendes urbaines». J.-H. Rosny est ainsi un précurseur qui s'intéresse
également au vampirisme qu'il qualifie, dans son roman La Jeune Vampire
(1911 ), de caractéristique génétique héréditaire. Ces thèmes «précurseurs»
s'il en est nous semblent bien anachroniques pour l'année 1887 ... Le récit
des Xipéhuz de J.-H Rosny aîné fut repris par la «Revue Théosophique»
(Theosophical Review, Vol. 31) dans laquelle les théosophes suggérèrent que
l'auteur aurait «canalisé» son récit.

4. « M. Sévère Lestang a publié effectivement (chez Germer-Baillière) l'histoire du cataclysme du


Tornadres. Pendant sept jours !'Aigue a été visible sur le plateau, pendant sept jours l'incendie sans
chaleur ni consumation a persévéré, c'est ce qu'atteste, outre M. Lestang et les habitants du plateau,
une commission savante survenue le dernier jour du phénomène. On a eu quelques morts à déplorer,
mais relativement rares, la plupart des indigènes ayant fui dès le début de la nuit du 10 août. Quant
aux conclusions de l'examen scientifique, il faut bien avouer qu'elles sont toutes négatives : nulle
théorie plausible. Le seul fait intéressant en pouvant, plus tard, conduire à quelque découverte est celui-
ci: Le plateau Tornadres, repose sur une masse rocheuse de 150000000000 de mètres cubes environ
qui est évidemment d'origine stellaire, c'est un COLOSSAL BOLIDE tombé près du val de l'Iaraze,
dans les temps préhistoriques.» (Page 179).
BIBLIOGRAPHIE
Liste des ouvrages et articles mentionnés et
(ou simplement) consultés par l'auteur

1re partie - La Mésopotamie et la Judée,


terres historiques de tous les pouvoirs
• Attali Jacques,« Les juifs, les chrétiens et l'argent», !'Express, n° 2636,
semaine du 10 au 16 janvier 2002
• Barrelet Marie-Thérèse, «Les déesses armées et ailées», magazine
Syria, tome 32, fascicule 3-4, 1955
• Baptiste Enki, «Moyen-Orient ou Proche-Orient, Middle East ou Near
East? Retours historiques sur l'invention d'un espace géographique», Les
Clés du Moyen-Orient, novembre 2017, lesclesdumoyenorient.com
•Baumgarten Jean,« L'impression de livres yiddish à Francfort aux
XVII• et XVIII• siècles», Bulletin du centre de recherche français de Jérusalem,
décembre 2009.
•Bonnet Corinne,« Le vin et 'les vrais rois', approche comparée du lien
entre ivresse et transmission du pouvoir, ASDIWAL- Revue genevoise
d'anthropologie et d'histoire des religions, n° 12, 2017
• Bottéro Jean, Au commencement étaient les dieux, Paris, éditions
Tallandier, 2004
• Collectif, La campagne d'Égypte, 1789-1801, Mythes et réalités, Paris,
Éditions In Forma/Maisonneuve et Larose, 1998
•De Beauvais Vincent, Voyages autour du Monde (en Tartarie et en Chine),
Paris, Impression par le gouvernement français, août 1830.
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• The Daily Register du 27 novembre 1944
• The Palestine Post du 28 novembre 1944

L'affaire JFK:

•Bouchard Jean-François, L'espion qui enterra Kennedy, Paris, Éditions


Glyphe, 2021
• Caro Robert A., The Years of Lyndon Johnson: The Passage of Power, New
York, Alfred A. Knop Publishing, 2012
• Piper Michael Collins, Final Judgment: The Missing Link in the JFK
Assassination, New York, America First Book, 6• édit0 , 2005 (vers 0 fr. :
Jugement final - Le chaînon manquant de l'assassinat de JKK, Dublin, Omnia
Veritas, 2018)
•«Le contrat Kennedy», Magazine Facteur X, n° 8, 1997
• Giancana Sam & Giancana Chuck, Double Cross, New York, Warner
books, 1992
• Kennedy Robert, Témoignages pour l'Histoire, Paris, éditons Belfond,
1989• Kuperminc Victor,« Un président américain juif?», Tribune Juive,
7 novembre 2016, sur tribunejuive.info
• Lasky Victor, JFK: The Man & The Myth, New York, New Rochelle, 1966
• Summitt April S., Perspectives on Power: John F. Kennedy and US-Middle
East Relations, Kalamazoo (Michigan), Western Michigan University, 2002
• Oliver Stone, Interview par Afshin Rattansi dans «La Grande
Interview» (RT France), 29 juillet 2021
Interview par Olivier O'Mahony, Paris Match du 31juillet2021
•Reymond William, «Autopsie d'un crime d'État», in Les énigmes
Kennedy, présenté par Laurent Joffrin, Paris, Éditions Omnibus, 2011
avec Bernard Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot», reportage,
Canal+, Films INC, Zeta Productions, 2003
avec Sol Estes Billie, JFK, le dernier témoin, Paris, Éditions Flammarion,
2003
• Shenon Philip, « What's Missing from the New JFK Document Realease »,
Politico Magazine, 15 décembre 2021
• Summitt April R., John F. Kennedy and U.S.-Middle East Relations: A
History of American Foreign Policy in the 1960, Leviston (New York), Edwin
Mellen Press Ltd, 2008
374 LES AGENTS DEL' APOCALYPSE

La New York World's Fair 1964-65 :

• Dedication Ceremony at the New York World's Fair 1964-1965, American-


Israel Pavilion, 14 octobre 1963, 6. NYPL, Box 275, File P0.3: «lsrael-
Brochures »
• «Israel Should Be at World's Fair», National Jewish Post and Opinion du
16novembre1962
• « Israeli Flag Is Raised at Jordan 's Pavilion », New York Times du 9 juin 1964
• Katz Emily Alice, « It's the Real World After Ali: The American-Israel
Pavilion-Jordan Pavilion Controversy at the New York World's Fair, 1964-65 »,
American Jewish History, Vol. 91, n° 1, The Johns Hopkins University Press,
mars 2003
•New York 1964-1965 World's Fair Newsletter, n° 37 (5/64-R160), 29 mai
1964
• Richard Mathieu, article de à propos de Zecharia Sitchin et la
controverse des pavillons jordanien et israélien, Daily News du 26 avril
1964• Tirella Joseph, Tomorrow-Land: The 1964-65 World's Fair and the
Transformation of America, Lyons Press, 2014.
• Sitchin Zecharia, « 50 Lands to Share Fair's Limelight for 50 Reasons »,New
York Times du 29 mars 1964
Propos tenus dans The New York Times du 8 mai 1964

Reportages :

• Bourdon Jérôme & Wagner Antonio, «Israël - Palestine : l'emprise des


images», partie 1: «Israël à l'avant-scène», reportage, Ina, 2008
• Calvi Fabrizio & Baumann Steeve, Reportage «Pactes avec le Diable»,
Point du Jour, Canal+, Lundi Investigation et Planète, 2000.
• «Cosmic Disclosure» (saison 3, épisode 6), diffusé en février 2016: www.
gaia.com/video/inner-earth-library
• Koch Egmont R. , Reportage « Schmutziges Gold - Die CIA und
die japanische Kriegsbeute » («L'or sale - la CIA et le trésor de guerre
japonais»), Egmont R. Koch Filmproduktion, avec la participation de
WDR & Arte, 2007
•Reymond William & Bernard Nicolas, «JFK, l'autopsie d'un complot»,
reportage, Canal+, Films INC, Zeta Productions, 2003

Sites Internet (par ordre d'apparence) :

• https: / /www.bfmtv.com/ meteo / fin-du-monde-la-nasa-s-inquiete-du-


nombre-de-suicides-d-ados
• www.euraldic.com
• geneawiki.com
• Archive.jewishagency.org/herzl/ content/25336
BIBLIOGRAPHIE 375

• https: / /history.defense.gov / 000-History /Deputy-Secretaries-of-


Defense / Article-View /Article/ 585246 / robert-b-anderson/
• Jewish Virtual Library: jewishvirtuallibrary.org/kennedy-ben-gurion-
meeting-may-1961
• www.travelandleisure.com
• https: / /www.raabcollection.com/ presidential-autographs / israel-us
• www.drmsh.com/ new-research-on-nibiru-shows-sitchin-is-still-
wrong /
• http://www.openminds.tv/ zecharia-sitchin-passes-530
• http: / / pyramid-mysteries.com / ?top=pyr_e&page=sitchin_e
• www.pyramidengeheimnisse.de/ ?top=pyr&page=sitchin
• http: / / www.sitchiniswrong.com/ letter / letter.htm
• https: / /www.antonparks.net/ neb-heru-the-
morning-star?fbclid=lwAR23qaCehWjf-2to4RR-
JONH9deJf61DanSgzlafjf5BDkE5iZf_VlbAAw
• www.chathamhouse.org
• https: / /www.chathamhouse.org/ about-us/ chatham-house-rule
Composition et mise en page
réalisées par les ÉNT I F-29590 Lopérec
mai 2022

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