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EPIGRAPHE

« Je crois que, un jour, nous repenserons à l’époque à laquelle nous vivons actuellement et
que nous dirons : « c’était un moment idéal pour investir » ».

Mary Callahan Erdoes

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DEDICACE

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REMERCIEMENTS

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SIGLES ET ABREVIATIONS

A.U.A : Acte uniforme sur l’arbitrage

R.C.C.J.A : Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

O.H.A.D.A. : Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

C.C.J.A : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

R.D.C : République Démocratique du Congo

R.A : Règlement d’Arbitrage

C.I.R.D.I : Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

O.M.P.I : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

L.G.D.J : Librairie générale de droit et de jurisprudence

I.R.J.S : Institut de recherche juridique de la Sorbonne

C.C.I : Chambre de Commerce et d’Industrie

I.E.D : Investisseur étranger direct

C.N.U.C.D : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

T.B.I : Traités bilatéraux d’investissements

S.A : Société anonyme

S.A.R.C.I : Société Africaine de Raffinage en Côte d'Ivoire

M.A.T.C.A : Mutuelle d’Assurances des Taxis Compteurs d’Abidjan

C.R.E.D.I.J : Centre de Recherches et d'Etudes en Droit et Institutions Judiciaires en. Afrique

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INTRODUCTION

Dans la cadre de la rédaction du présent travail qui, porte sur l’arbitrage et la promotion des
investissements dans l’espace Ohada, nous avons collectés les documents ci-dessous :

I. Revue de la littérature

1. Jean Sossou BIADJA CASSIUS, (Le droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA :
Rapport aux règles et principes de l’arbitrage d’investissement édition. Universitaires
européennes, France, 2020) affirme que l’arbitrage d’investissement répond à un
certain nombre de spécificité et d’exigences. Les lois et règlement d’arbitrage
modernes les intègrent de façon à permettre aux arbitrages entre Etat et investisseur.
Sur le fondement d’un accord d’investissement ou d’une législation proposant une
telle procédure, à pouvoir s’appliquer.

2. Revue Juridique de l’océan Indien 2007, pp 109-208, (Le règlement par voie
d’arbitrage des litiges relatifs aux investissements dans l’espace OHADA) affirme que
les textes Ohada relatifs à l’arbitrage sont à priori consacrés à l’arbitrage commercial
d’où on s’interroge sur l’aptitude des desdits textes à servir de fondement pour le
règlement des litiges relatifs aux investissements. L’on précise ensuite que les
arbitrages localisés régis par les textes Ohada relatif à l’arbitrage.

3. United Nations Commission on International Trad Law, (Le règlement des


différends relatifs aux investissements par l’arbitrage et la médiation dans l’espace
OHADA) Explique les liens étroits entre le développement économique et les
investissements étrangers directs. Ils affirment que les investissements étrangers
directs dépendent, dans une large mesure, des conditions économiques, politiques et
juridiques qui existent dans l’Etat hôte. L’accès à une méthode impartiale et efficace
de règlement des différends est un élément important des conditions juridiques.

4. Olivier CUPERLIER, (La protection des investissements dans les pays de l’espace
OHADA : un modèle transposable pour un lex mediterranea édition. OHADATA D-
20-08) affirment que la question de l’investissement et de sa protection sont
primordiale en Afrique compte tenu à la fois des importants besoins en capitaux
extérieurs mais également des risques particulières liés au climat des affaires et une

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certaine instabilité géopolitique sur le continent car les investisseurs ont besoin de
garanties pour limiter leur risque faute de quoi, ils ne viennent pas ou ne restent pas.

5. Ali BOUGRINE, Rim TAZI et Omnia BENKIRANE, (L’arbitrage dans l’espace


OHADA : principaux apports de la réforme de l’AUDA édition UGGC Africa Paw
firm, Maroc, 2021) affirment que l’AUDA a significativement modernisé le droit de
l’arbitrage au sein des Etats membres de l’Ohada, en introduisant des mesures visant,
d’une part à renforcer la célérité et l’efficacité des procédures d’arbitrage et d’autre
part, à encourager les investisseurs à avoir recours à ces procédures. L’AUDA vise
notamment à rendre l’espace Ohada plus efficace en termes de résolution amiable des
conflits.

6. Moktar AMADOU, (Droit et investissement en Afrique, colloque scientifique en


prélude des mélanges à l’honneur du professeur C. Dorothé SOSSA, CREDIJ,
Novembre 2021) Soutient que l’offre d’arbitrage Ohada des investissements ainsi
portée par l’Acte uniforme sur l’Acte uniforme sur l’arbitrage propose un gros
avantage comparatif en ce qu’il est proche des Etats hôtes des investissements autant
du point de vue géographique que du point de vue système juridique Ohada auquel ils
sont familiers mais aussi parce qu’il a mis fin à l’insécurité judiciaire, à la lenteur de la
justice et aux difficultés d’exécution des décisions de justice.

7. Jean MOMNOUGUI, (Arbitrage des investissements OHADA : évolution ou


révolution ? Actualité du Droit, wolkers kluger, 2018) Certifie que les dispositions
traditionnelles sont maintenues et tout porte à croire que ce sont ces dispositions qui
vont régir les arbitrages d’investissements qui seront porté devant la CCJA. Ce qui
peut être vu comme une faiblesse du dispositif, car l’arbitrage d’investissement à des
contraintes de fond qui ne sont pas prise en compte dans le droit Ohada actuel de
l’arbitrage.

8. Walid Ben HAMIDA, (La participation des personnes publiques subsahariennes à


l’arbitrage relatif aux investissements, Les cahiers de l’Arbitrage, 2012) Certifie que
ces pays ont compris que pour attirer les investissements étrangers, le recours à
l’arbitrage est primordial.

9. Hélène SABALBAL, (Le droit applicable dans l’arbitrage d’investissement,


Expérience euro-arabe, Edition l’harmattan, Paris 2022 ) Révèle que la détermination

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du droit applicable au fond dans le litige d’un arbitrage est une question juridique
complexe qui peut être déterminante pour l’issue d’un litige, mais souvent oubliée ou
évitée par les parties.

De ce qui précède, la présente étude diffère des études précédentes du fait que la nôtre
aborde la question de savoir si le droit de l’arbitrage Ohada est de nature, non
seulement à faciliter la promotion de l’arbitrage mais aussi à rassurer les investisseurs
étrangers et nationaux. En d’autres termes, le droit de l’arbitrage Ohada dans son
ensemble, répond-il aux attentes des opérateurs économiques en termes de sécurité
juridique et de garantie des investissements.

II. Etat de la question

Il y’a six ans, L’OHADA a procédé à la révision de l’acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage. Cette réforme s’inscrit dans une perspective de promotion et de consolidation des
modes alternatifs de règlements de différends illustrée par ailleurs d’une révision du
règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage (CCJA).

Cette réforme du droit de l’arbitrage a pour objectif de rendre d’avantage attractif la « Place
OHADA » en tant que mode de règlement de différends. Elle est donc une présentation qui
met en relief le droit Ohada de l’arbitrage consolidé, tel qu’il résulte de la réforme, complété
le cas échéant par le nouveau règlement de la CCJA.

Outre l’ouverture classique du droit Ohada à tout arbitrage ayant son siège dans l’un de ses
Etats parties et aux personnes morales de droit public, l’offre d’arbitrage étend son champ
d’application matériel à l’arbitrage d’investissement. Celui –ci est généralement défini comme
le forum arbitral qui accueille des différends opposant un Etat ou une de ses entités, et une
entité privée étrangère réalisant une opération d’investissement dans cet Etat.

Eu égard à cette évolution dans son volet normatif, tout porte à croire que l’idéal de la
promotion des investissements a pris son envol car la CCJA a accueilli plusieurs contentieux
Etats-investisseurs sur la base d’une convention d’arbitrage et ce, notamment, en l’absence de
dispositions communautaires spécifiques y relatives. L’offre d’arbitrage Ohada des
investissements ainsi portée par l’Acte uniforme sur l’Acte uniforme sur l’arbitrage propose
un gros avantage comparatif en ce qu’il est proche des Etats hôtes des investissements autant
du point de vue géographique que du point de vue système juridique Ohada auquel ils sont

7|Page
familiers mais aussi parce qu’il a mis fin à l’insécurité judiciaire, à la lenteur de la justice et
aux difficultés d’exécution des décisions de justice.1

Néanmoins, il importe de consolider cette tendance autant par des arguments substantiels
(définitions des notions d’investissement, d’investisseurs, etc.) que procéduraux (transparence
de la procédure, etc.).

III. Problématique

La question des investissements, l’une des sources incontournable du développement


économique par ses acteurs (investisseurs) n’a pas été occultée par le législateur de
l’OHADA.

A l’issue de sa révision du 23 novembre 2017, l’Acte uniforme sur l’arbitrage nous dévoile la
grande innovation assurément constituée par l’arbitrage des investissements visant à
impliquer les Etats dans les procédures arbitrales issues des contrats d’investissements tels les
contrats de partenariats publics – privé. Un succès sans précédent dans l’espace OHADA qui
à vue d’œil, favorise la promotion des investissements car ces pays ont compris que pour
attirer les investissements étrangers, le recours à l’arbitrage est primordial.2

Les garanties formelles tant recherchées par les investisseurs ont été rencontrées dans cet
instrument juridique notamment dans la pratique des arbitres dans l’intégration de principes
directeur du procès à l’occurrence : l’égalité de traitement (AUA, article 9), la célérité de la
procédure (AUA, articles 11, 12, 13), la standardisation du délai ( RACCJ, article 3), une
séparation claire entre la CCJA et le tribunal arbitral qu’il appartiendra désormais aux arbitres
de surveiller afin de préserver le tribunal arbitral des soupçons de dépendance à l’égard du
centre. L’objectif étant de développer d’avantage les modes alternatifs de règlement des
conflits mais aussi et surtout d’accompagner le développement économique et les
investissements dans la zone couverte par l’OHADA.

Mais hélas, il y’a lieu de relever que l’arbitrage des investissements a en outre subit une
révolution manquée au plan conceptuel et processuel. Handicapes qui peuvent soit ralentir ou
freiner le processus de la promotion de l’investissement dans l’espace Ohada.

1
Moktar AMADOU, Droit et investissement en Afrique, colloque scientifique en prélude des mélanges en
l’honneur du professeur C. Dorothée SOSSA, CREDIJ, 2021 p.3
2
Walid Ben HAMIDA, La participation des personnes publiques subsahariennes à l’arbitrage relatif aux
investissements, les cahiers de l’arbitrage, 2012 p. 643

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Sur le plan conceptuel, l’AUA a institué que « L’arbitrage peut être fondé sur une convention
d’arbitrage ou sur un instrument concernant un investissement, en particulier un code
d’investissement ou d’un traité d’investissement bilatéral ou multilatéral. »3

Cependant, l’AUA ne pose aucune définition des notions clés. Il y’a donc l’imprécision du
champ d’application matériel de l’arbitrage des investissements qui laisse libre cours à la
variété et la variabilité des notions d’investisseur et d’investissement dans les pays de l’espace
Ohada.

Nous savons que l’arbitrage des investissement confère au tribunal arbitral le pouvoir de juger
le comportement de l’Etat d’accueil envers un investisseur étranger dans l’exercice de ses
droits souverains prévus par la loi, un traité au contrat, à la lumière de la coutume et des
usages du droit commercial international or, en l’absence de définition claire des notions
« d’investisseur » et « d’investissement » par l’Ohada, il convient de se reporter aux
définitions hétérogènes données par les Etats. Par exemple contrairement au Sénégal, à la
Cote d’ivoire et au Niger qui ont opté pour une définition global de l’investisseur sans
discrimination à l’égard de l’étranger, la RDC a par contre opté pour une distinction nette
entre l’étranger (investisseur ou investissement) et le national en mettant l’accent sur le
caractère « direct » de l’investissement.

Sur le plan processuel, il se trouve qu’en dehors de ces dispositions énonçant le principe de la
connaissance de ce type d’arbitrage aucunes autres dispositions aussi bien dans l’AUA que
dans le RA ne prévoient de procédures particulières s’agissant de ce type d’arbitrage. Les
dispositions traditionnelles sont maintenues et tout porte à croire que ce sont ces dispositions
qui vont régir les arbitrages d’investissements qui seront porté devant la CCJA. Ce qui peut
être vu comme une faiblesse du dispositif, car l’arbitrage d’investissement a des contraintes
de fond qui ne sont pas prise en compte dans le droit Ohada actuel de l’arbitrage.4

On peut légitimement se poser la question de savoir :

En quoi cette référence expresse à l’arbitrage impacte la promotion des investissements dans
l’espace Ohada ? Est-ce une réelle opportunité ou non ? Quels sont les défis à relever sur le
plan théorique et dans la pratique de cet arbitrage ?

3
Article 3 de l’Acte uniforme Ohada sur l’arbitrage
4
Jean MOMNOUGUI, Arbitrage des investissements Ohada : évolution ou révolution ? actualité du droit,
wolters, kluwer, 2018 p, 25

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IV. Hypothèses

L’occasion faisant le larron, nous saisissons l’opportunité pour mettre à la disposition du


monde scientifique certain remèdes qui s’avère idoines bien que provisoires dans le but de
palier aux différents problèmes attachés à ce sujet tel que renchérit ci-haut dans notre
problématique.

D’abord l’intérêt oublié de la définition d’une compétence matérielle exclusive de la CCJA


sur les codes des investissements aux termes de l’article 3 de l’AUA devra être prise en
considération car qui trop embrasse mal étreint.

En effet, face à la variété des traités bilatéraux et multilatéraux ainsi que la multiplicité des
parties et des intérêts en présence, le règlement d’arbitrage de la CCJA aurait été plus efficace
en circonscrivant sa compétence exclusive aux seuls codes des investissements conclus dans
l’espace Ohada. Et ceci pour un intérêt à deux points de vue :

Du point de vue pratique. La plupart des pays membres de l’Ohada ont déjà adopté des codes
des investissements qui accordent des allègements et garanties financières pendant de
nombreuses années aux investisseurs étrangers. Par exemple, le code des investissements aux
Comores offre à l’investisseur étranger la garantie de transfère des capitaux et la garantie de
transfère des rémunérations. Dans le même temps, les Comores sont parties à d’autres traités
bilatéraux ou multinationaux prévoyant d’autres garanties substantielles et devant être soumis
en cas de litige à d’autres centres d’arbitrage tels que le CIRDI.

D’où le droit substantiel quant à lui apparait comme un véritable vecteur de la promotion de
l’investissement. A cet titre, l’élimination des obstacles juridiques est nécessaire pour la
neutralisation des législations permettant aux investisseurs de se sentir en paix tant sur leurs
personnes que sur leurs biens.5

Du point de vue stratégique. Cela aurait circonscrit la saisine de la CCJA permettant le


développement d’un contentieux spécialisé tout en évitant une concurrence peu opportune
avec le CIRDI qui a développé en la matière une compétence reconnue et une jurisprudence
foisonnante et source de droit international.

5
Moktar AMADOU, op cit, p.2

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V. Intérêt de l’étude

L’intérêt étant la mesure de l’action, notre adhésion à la problématique de l’arbitrage et la


promotion des investissements dans l’espace Ohada a été jugé préoccupante pour un intérêt à
double facettes.

Sur le plan pratique

Notre appel à l’ajustement du droit positif qui régit l’arbitrage des investissements dans
l’espace Ohada, servira non seulement d’attrait aux investisseurs venant de tout bord
puisqu’étant réellement sécurisés juridiquement et judiciairement, mais aussi il représentera
pour eux une opportunité de palper un nouveau système d’arbitrage lié aux investissements.

Sur le plan théorique

L’évidence de cet intérêt sur le plan théorique se justifie dans la mesure où l’équilibrage par
des solutions idoines aux différents problèmes lié à ce sujet, tel que présenté dans la
problématique délivrera le monde scientifique et praticiens du droit de leur questionnement
jusque-là non satisfait. En outre pour ce qui nous concerne, ce travail constitue notre pierre
d’édifice que nous apportons dans le domaine de recherche scientifique.

VI. Méthodes

Pour mieux cerner notre travail, un duo méthodologique a été adopté, à savoir la méthode
exégétique et la méthode comparative.

La méthode exégétique

Elle nous a permis d’analyser les différents textes inhérents à notre sujet tout en donnant leur
sens à travers l’étude grammatical. En réalité il s’agit de l’approche juridique qui est
essentiellement exégétique et contentieuse6.

La méthode comparative

La plus usitée par les juristes, cette méthode nous a donné la faculté de comparer les
dispositions de l’AUA principalement entre celles qui concernent notre problématique et
celles qui ne les concernent pas directement mais aussi avec celles d’autres systèmes
juridiques parallèle avec le nôtre. Il est en effet, essentiellement question d’un comparatisme
6
Jean-Marie MBOKO DJ’ANDIMA, Droit congolais des services publics, éd. l’harmattan, Académie,
Bruxelles, 2015 p.21

11 | P a g e
d’évaluation qui consiste à apprécier et, le cas échéant, à améliorer son propre système
normatif à l’une de repères tirés d’une analyse d’un ou de plusieurs autres systèmes normatifs
jugés comparables7.

VII. Délimitation du sujet

Dans l’intérêt majeur de ne pas être vacillant sur le plan chronique et géographique, il est
impérieux de pouvoir délimiter notre travail dans le temps et dans l’espace.

Délimitation dans le temps

Dans le temps, nous partons de la période du 23 novembre 2017 date déterminant la réforme
de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage qui institua l’arbitrage des investissements.

Délimitation dans l’espace

Dans l’espace, le champ de notre travail couvre toute l’étendue de l’espace Ohada. En
d’autres termes les territoires de tous les pays signateurs du traité de Port-Louis de 1993 sur
l’Ohada.

VIII. Annonce du Plan

Excepté la partie introductive et la conclusion, l’ossature de notre travail se présente en deux


grands chapitres. Le premier s’occupe de l’Analyse conceptuelle et Institutionnalisation de
l’arbitrage des investissements dans l’espace OHADA (Chap. I), et le second s’appesantira
sur la pratique de l’arbitrage à l’épreuve de la promotion des investissements (Chap. II).

7
Idem p, 23

12 | P a g e
CHAPITRE 1 : ANALYSE CONCEPTUELLE ET
INSTITUTIONNALISATION DE L’ARBITRAGE
D’INVESTISSEMENT DANS L’ESPACE OHADA
SECTION 1 : ANALYSE CONCEPTUELLE

Paragraphe1 : L’arbitrage
1.1 Notion de l’arbitrage

Polysémique, la notion de l’arbitrage mérite une confrontation doctrinale pour en dégager


l’essence.
Il est entendu comme une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes décident de
confier à un arbitre le soin de régler leurs différends présents ou futurs. Cette convention peut
intervenir à deux moments distincts.8
L’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) renchérit que l’arbitrage est une
procédure dans le cadre de laquelle le litige est soumis, par convention entre les parties, à un
ou plusieurs arbitres qui rendent une décision contraignante. 9
Enfin un auteur se risque même à affirmer que l’arbitrage est de tout temps pour le commun
de mortels le mode de règlement des conflits par le recours à un tiers qui n’est pas un juge
étatique.10
L’on déduit de toutes ces définitions que lorsque les juristes utilisent l’expression
« arbitrage », ils lui confèrent généralement une signification juridictionnelle. Plus
précisément contractuel par l’origine des pouvoirs de l’arbitre. La doctrine juridique en arrive
à une qualification mixte à la fois contractuelle et juridictionnelle. 11

1.2 Nature de l’arbitrage


1.2.1 Nature contractuelle de l’arbitrage
La nature contractuelle de l’arbitrage est soutenue par trois arguments solides

Premièrement, il signifie que la justice des arbitres repose sur la volonté des parties. Le
fondement conventionnel du pouvoir de juger des arbitres est affirmé principalement par les

8
El hadji MAME GNING, L’arbitrage commercial dans l’espace Ohada, éd, Lefebvre dalloz, Paris 2009 p.1
9
https//www.wipo.int/amc/fr/arbitration/what-is-arb.html. Page consultée le 21 mai 2023
10
Antoine Kassis, Problème de base de l’arbitrage en droit comparé et en droit international, t. I Arbitrage
juridictionnel et arbitrage contractuel, Paris, LGDJ, 1987 cité par Pierre Meyer « Ohada, Droit de l’arbitrage.
Collection Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, juriscope p.26
11
Matthieu DE BOISSESON, Le droit français de l’arbitrage interne et international, G.LN Joly, Paris 1990,
cité par Pierre Meyer op cit p. 26

13 | P a g e
dispositions relatives à la convention d’arbitrage bien que l’acte uniforme ne le mentionne pas
expressément, l’arbitrage suppose au départ une convention qui exprime la volonté des
parties de recourir à cette forme de justice privée. Et la sentence arbitrale n’oblige que ceux
qui ont été partie à la convention arbitrale. Il est inopposable aux tiers qui ne peuvent pas être
contraint de renoncer à la compétence des tribunaux des Etats. 12
Le traité et le règlement d’arbitrage de la CCJA, sont, eux, tout à fait explicites sur le
fondement conventionnel de la justice arbitral, puisqu’ « en application d’une clause
compromissoires ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat … peut soumettre
un différend d’ordre contractuel à la procédure d’arbitrage prévue par le présent titre.

Deuxièmement, Le caractère contractuel de l’arbitrage est également affirmé à travers


certaines dispositions relatives à la procédure arbitrale. Sur ce point, l’article 14 de l’AUA
confère aux parties une très grande liberté puisqu’ « elles peuvent, directement ou par
référence à un règlement d’arbitrage, régler la procédure arbitrale. Elles peuvent aussi
soumette celle-ci à la loi de procédure de leur choix on retrouve ici l’autonomie des volontés
qui caractérise la matière des contrats. Elles peuvent aussi soumettre celle –ci à la loi de
procédure de leur choix. On retrouve ici l’autonomie des volontés qui caractérise la matière
des contrats. Dans l’acte uniforme, l’institutionnalisation de l’arbitrage au sein de centres
permanents d’arbitrages, qui disposent d’un règlement d’arbitrage, n’altère faiblement cette
liberté des parties dans la mesure où celles-ci peuvent écarter expressément certaines
dispositions dudit règlement. L’article 10 de l’acte uniforme ne prévoit en effet que « le fait
pour les parties à en écarter expressément certaines dispositions.13

Troisièmement, Le caractère contractualiste de l’arbitrage est peut être également attesté par
les dispositions relatives au droit applicable au fond du litige. En effet, aussi bien l’acte
uniforme que le RA de la CCJA font des règles de droit choisies par les parties le principe de
solution à appliquer par les arbitres lorsqu’il s’agit de déterminer le droit applicable au fond
du litige.
Il ne pas cependant pas sûr que l’autonomie de la volonté, ainsi affirmée, traduise
fondamentalement sur une conception conventionnelle de l’arbitrage. Elle n’est peut-être que
l’expression d’une règle de droit international privé particulièrement bien adaptée à la matière
des contrats.

12
Yassine ASSILA, Le caractère contractuel et juridictionnel de l’arbitrage commercial, Casablanca, Avril
2016, p1
13
Pierre Meyer « Ohada, op cit p,23

14 | P a g e
1.2.2 La Nature Juridictionnelle de l’arbitrage

La nature juridictionnelle de l’arbitrage est logiquement liée aux critères de l’acte


juridictionnel. Or, ceux-ci sont divers, s’attachant tantôt aux effets de l’acte, tantôt à son objet,
tantôt à son processus particulier d’élaboration.
L’acte juridictionnel peut être défini par rapport à la qualité qui s’y attache. En ce sens, est
juridictionnel un acte revêtu de l’autorité de chose jugée. C’est la volonté du législateur qui en
accordant l’autorité de la chose jugée. Si l’on retient ce critère, l’arbitrage de l’Ohada a
effectivement une nature juridictionnelle puis que « la sentence a, dès qu’elle est rendue,
l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche (Art 23 AUA).
Le règlement d’arbitrage de la CCJA est tout aussi explicite puisque les sentences, rendues
dans le cadre de l’arbitrage institutionnel mise en place par l’Ohada, « ont l’autorité définitive
de la chose jugée … au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l’Etat »
(art 27). Le critère de l’autorité de la chose jugée, c.-à-d. de l’effet qui s’attache à l’acte, n’est
pas intégralement satisfaisant. Il n’est pas logique de qualifier un acte.
Un deuxième critère qui définit donc l’acte juridictionnel par le fait qu’il a pour objet de
trancher un litige, donc de départager les parties. A cet égard, le droit de l’Ohada est sans
équivoque. La mission des arbitres consiste bien à trancher des litiges. Ceci est clairement
affirmé par l’article 15 de l’acte uniforme qui évoque le fait qui « les arbitres tranchent le
fond du litige … »
1.2.3 Quid de l’arbitrage d’investissement en droit de l’Ohada ?

Quant à l’arbitrage d’investissement, il n’a pas été non plus défini par la doctrine ohadienne et
même par la doctrine récente. La raison en est toute simple. L’hoada n’avait jusque là pas fait
de distinction entre l’arbitrage interne et l’arbitrage international ou de commerce
international. Un auteur a bien vu que c’est bien parce que le droit de l’arbitrage de l’ohada
est pétri du droit matériel de l’arbitrage interne et de règles matérielles de l’arbitrage
international.

Pour trouver une définition de l’arbitrage d’investissement, faisons d’abord notre celle donnée
par Walid Ben Hamida pour qui « l’arbitrage relatif à l’investissement peut être définit
comme tout arbitrage opposant des entités publiques à des personnes privées étrangères et
portant sur une opération d’investissement (construction et exploitation d’autoroute,
concession, exploitation d’une licence de téléphone, usine, BOT) »14

14
Walid Ben HAMIDA, op cit p. 617

15 | P a g e
Deux critères se dégagent ainsi de cette définition. Le critère des personnes et le critère de
l’objet. Les personnes doivent être des personnes publiques et des personnes privées et quant
à l’objet, ce doit être une opération d’investissement.
Toujours selon cet auteur, « il s’agit d’une variante de l’arbitrage mixte ou transnational qui
oppose les personnes publiques et les personnes privées étrangères. La personne publique est
souvent l’Etat, mais peut être une entité infra-étatique (collectivité territoriale ou entreprise
d’Etat). La personne privée est souvent une société étrangère, mais parfois une simple
personne physique ».15
Un autre auteur le définit en arguant que l’arbitrage d’investissement, introduit en droit de
l’Ohada par l’acte uniforme de 2017, est une procédure de règlement des différends entre les
investisseurs étrangers et les Etats d’accueil, il a toujours été considéré comme la possibilité
pour un investisseur étranger de poursuivre un Etat hôte. C’est une garantie pour cet
investisseur étranger car, dans le cas d’un litige, il aura accès aux arbitres qualifiés et
indépendants qui résoudront le litige et rendront une sentence exécutoire.16

1.3 Le fondement de l’arbitrage

L’arbitrage en tout temps peut avoir plusieurs sources ou fondement. L’AUA dans son article
3, en arrive à établir de manière indirecte une hiérarchie de fondement dont il met en avant
plan la convention d’arbitrage suivi des codes des investissements et les traités relatifs aux
investissements.

1.3.1 La convention d’arbitrage

Dans un arbitrage, la convention d’arbitrage apparait comme l’acte pouvant permettre de


prouver que les parties ont consenti à se soumettre à l’arbitrage. Ce consentement est
indispensable à un tel mode de règlement des litiges dont l’existence même dépend de
l’accord des parties.17

 Importance de la convention d’arbitrage

15
Walid Ben HAMIDA, op cit p.617
16
Abdoulaye SAKHO, Deux clés de compréhension des atouts de l’arbitrage dans l’espace Ohada, Res
Consortium pour la recherche économique et social, p.13
17
Acka ASSIEHUE, Système d’arbitrage de la cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada, Guide
pratique de procédure, 2016 p. 13

16 | P a g e
En l’absence de convention d’arbitrage, l’arbitrage CCJA ne peut être mis en œuvre ; il en
est de même s’il existe une convention visant un organisme d’arbitrage autre que la CCJA.

Aux termes de l’article 9 Règlement d’arbitrage de la CCJA, « lorsque prima facie il n’existe
pas entre les parties de convention d’arbitrage visant l’application du présent règlement, si la
défenderesse décline l’arbitrage de la cour, ou ne répond pas dans le délai de 45 jours… la
partie demanderesse est informée par le Secrétaire General qu’il se propose de saisir la Cour
en vue de la voir décider que l’arbitrage ne peut avoir lieu »
Il en résulte que la première condition doit toujours être cumulée avec l’une des deux autres
conditions. Le fait de décliner l’arbitrage de la Cour ou de refuser de répondre à la requête en
arbitrage, n’aura d’effet qu’en l’absence d’une convention d’arbitrage visant la CCJA. 18
L’interprétation a contrario de l’article 9 du Règlement d’arbitrage permet d’affirmer que
même s’il n’existe pas de convention visant la CCJA ou si la convention ne vise aucun
organisme d’arbitrage, et que la partie défenderesse accepte l’arbitrage de la Cour, les parties
sont réputées avoir ainsi conclu en compromis d’arbitrage ; il s’ensuit que l’arbitrage CCJA
pourra être enclenché.

 Formes de la convention d’arbitrage

Cette convention d’arbitrage peut revêtir deux formes : celle de clause compromissoire ou de
compromis d’arbitrage.

 La clause compromissoire

Cette première forme est celle que l’on rencontre le plus fréquemment, consiste à soumettre
les futurs litiges à l’arbitrage. Il prend donc la forme d’une clause compromissoire dans le
contrat entre les parties.
Lorsque la convention d’arbitrage prend la forme d’une clause compromissoire, la loi
choisie par les parties au contrat principal doit également s’appliquer à la convention
d’arbitrage. Cela nous parait d’ailleurs être conforme à la volonté des parties, lesquelles
pourraient n’avoir pas prévu l’application d’une loi différente pour les clauses de leur
contrat.19

18
Acka ASSIEHUE, op cit, p.14
19
Chrysoula PANOU, Le consentement à l’arbitrage, Etude méthodologique du droit international privé de
l’arbitrage Ed. IRJS, 2008 p, 294

17 | P a g e
C’est pour cette raison que Hélène SABALBAL intervient et donne une sorte de mise en
garde lorsqu’elle avance que la détermination du droit applicable au fond dans le cadre d’un

arbitrage est une question juridique complexe qui peut être déterminante pour l’issue d’un
litige, mais souvent oubliée par les parties. 20

 Le compromis d’arbitrage
Les parties peuvent aussi conclure un compromis d’arbitrage lors de la naissance d’un
différend entre elles ou alors même qu’une instance a déjà été engagée devant une juridiction
étatique (art. 4, AUA). donc elles soumettent à l’arbitre les litiges déjà nés. Et ce genre de
convention est communément appelé compromis d’arbitrage ou simplement « compromis ».21

 Effets de la convention d’arbitrage

Contrairement à l’article 10 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage qui donne la


possibilité aux parties d’écarter les dispositions d’un règlement d’arbitrage qui ne leur
conviennent pas, l’article 10.1 du Règlement de la CCJA dispose que « lorsque les parties
sont convenues d’avoir recours à l’arbitrage de la Cour, elles se soumettent au règlement par
là-même aux dispositions du Titre IV du traité de l’OHADA, au présent règlement, au
règlement intérieur de la Cour, à leurs annexes et au barème des frais d’arbitrage… ».
En conséquence, même « si l’une des parties refuse ou s’abstient de participer à l’arbitrage,
celui-ci a lieu nonobstant ce refus ou cette abstention » (cfr. art. 10.2 du R.A).

 Le caractère autonome de la convention d’arbitrage et ses corolaires


A l'instar de toutes les législations contemporaines modernes du droit de l'arbitrage, le droit
OHADA pose lui aussi le principe général du droit de l'arbitrage qui consiste à immuniser la
convention d'arbitrage par rapport aux causes d'invalidité susceptibles d'affecter le contrat qui
contient ladite convention. Ainsi dans l'Acte Uniforme, le principe est formulé de façon très
explicite dans les dispositions de l'article 4 qui pose aussi bien le principe de l'autonomie

20
Hélène SABALBAL, Le droit applicable dans l’arbitrage d’investissement, expérience euro-arabe Ed.
l’harmattan, 2022, p, 1
21
Acka ASSIEHUE, op cit p, 13

18 | P a g e
matérielle de la convention d'arbitrage (séparabilité) que celui de son régime juridique
permettant d'apprécier sa validité.22
La formulation du principe est moins évidente dans les dispositions du Règlement d'arbitrage
de la CCJA qui en son article 10.4 stipule que «sauf stipulation contraire, si l'arbitre considère
que la convention d'arbitrage est valable et que le contrat liant les parties est nul ou inexistant,
l'arbitre est compétent pour déterminer les droits respectifs des parties et statuer sur leur

demandes et conclusions ».Le Règlement de la CCJA pose le principe de l'autonomie de la


clause d'arbitrage par raisonnement inductif en assujettissant la compétence de l'arbitre à
l'existence de la convention d'arbitrage en dépit de l'évocation de sa nullité. En clair, la
convention d'arbitrage est totalement autonome du contrat principal aussi bien matériellement
que juridiquement.23
Pour tout dire, cette autonomie se cristallise sous deux formes : d’une part, la convention
d’arbitrage survit en cas de nullité du contrat principal, et d’autres part, elle peut être régit par
une loi différente de la loi qui régit le contrat sur lequel elle se greffe. 24

Ce principe ainsi posé touche à l'existence même de l'arbitrage ; en effet, pas d'arbitrage sans
l'accord de volonté des parties. Mais, l'objet du principe ne saurait être saisi dans son entièreté
que si l'on l'illustre par deux de ses corollaires à savoir, la compétence-compétence et
l'arbitrabilité subjective que l'on retrouve aussi bien dans tout arbitrage qui plus est
d'investissement.

 La compétence-compétence
Il est connu comme le dérivatif du principe de l'effet négatif de la convention d'arbitrage
selon lequel le juge étatique doit, en tout état de cause, se dessaisir au profit de l'arbitre
lorsqu'existe une convention d'arbitrage manifestement valide. L'arbitre est donc dit
compétent pour statuer sur sa propre compétence en cas de contestation sur l'existence et la
validité du consentement à l'arbitrage. C'est un des principes vitaux de l'arbitrage en général
dans la mesure où il confère aux arbitres le pouvoir de statuer sur leur propre compétence. S'il
lui est reconnu la vertu de briser le cercle vicieux selon lequel, si la clause d'arbitrage n'est pas
valide, les arbitres sont dépourvus de pouvoir, on lui reconnaît cependant la conséquence de
reporter dans le temps, au stade du contrôle de la sentence, l'appréciation, par les tribunaux
étatiques, de la compétence des arbitres. Il va s'en dire que même dans un arbitrage

22
Cassius Jean SOSSOU, L’arbitrage Ohada à l’épreuve de l’arbitrage investisseur-etat Université de Genève,
Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales du Développement, 2008 p, 103
23
Cassius Jean SOSSOU, op cit p. 103
24
Chrysoula PANOU, op ci, p, 294

19 | P a g e
d'investissement, les arbitres ne sont pas exemptés du contrôle a postériori de leur
compétence par les juges étatiques. En conséquence, la compétence-compétence de l'arbitre
est un principe fort du droit de l'arbitrage international qui renforce l'autonomie des parties à
voir leur différend être soustraite à la compétence des juridictions étatiques. Presque toutes les
législations modernes sur l'arbitrage international le consacrent y compris le droit OHADA de
l'arbitrage, tout comme la Convention de Washington dans les dispositions de son article 41.

En droit OHADA la reconnaissance de la portée utilitaire de ce principe se retrouve dans les


codifications des articles 11 de l'Acte Uniforme et 10.3 du Règlement d'arbitrage de la CCJA.
Toutefois, le droit de priorité reconnu aux arbitres dans l'examen de leur compétence n'est pas
absolu dans les dispositions du Règlement, dans la mesure où il est atténué par la revue prima
facie de l'existence de la convention, dont le CCJA dispose des pouvoirs. Il s'agit ici d'un
emprunt au système de la CCI de Paris dans les dispositions de son article 6.

 L'arbitrabilité subjective
Il s'agit ici du défaut de capacité ou de pouvoir invoqué par l'une des parties, et déduit de sa
loi personnelle (au sens large) pour rendre inefficace la clause d'arbitrage. L'on s'imagine
combien de fois, une telle décision étatique peut être fort préjudiciable à un arbitrage
d'investissement. D'ailleurs, par analogie à l'arbitrage du CIRDI, aucun arbitrage
d'investissement ne peut avoir lieu si l'une des parties ne remplit les conditions exigeantes de
compétence du Centre, à savoir, un Etat contractant (ou une collectivité publique ou un
organisme dépendant d'un Etat contractant). Il en va de même des autres droits de l'arbitrage
où le rejet du défaut de capacité ou de pouvoir par une puissance étatique constitue une règle
d'or. Certains droits ont lutté contre ce moyen en posant une règle matérielle de validité de la
clause d'arbitrage dans les relations internationales. Mais ce procédé ne fait pas l'unanimité. Il
passe par les droits nationaux et est tributaire, aux yeux de certains, de la détermination de la
loi applicable à la clause ou au moyen invoqué. Pour échapper à ces contraintes, la
jurisprudence arbitrale, largement approuvée, a eu recours au principe de bonne foi qui pose
notamment qu'un Etat ne peut, de bonne foi, signer une convention d'arbitrage, puis se
retrancher derrière sa propre législation pour en soutenir l'inefficacité. Cette première
conséquence de la bonne foi repose sur la reconnaissance de celle-ci comme principe général
dans les relations internationales.25

Paragraphe2 : Investisseur et Investissement


25
Talfi Idrissa Bachir, Arbitrage investissement, la lettre juridique, éd n°759 du 25/10/2018

20 | P a g e
2.1 Vue du monde Scientifique
Le monde scientifique nous révèle que L’investisseur est une personne morale ou un
particulier qui désire placer des capitaux dans un projet ou une entreprise. Il voit ce placement
financier sur du long terme et a pour but de réaliser une plus-value intéressante.

L’investisseur peut décider d’investir dans un produit, une action ou un projet immobilier. Il
existe plusieurs types d’investisseurs. Individuels : Ils se dirigent principalement vers de
jeunes projets, le financement d’œuvres d’art pour collection ou les actions boursières. On
parle également de Business Angels. Ils choisissent des projets parfois risqués pour aider des
jeunes entrepreneurs à lancer leur société Institutionnels : ce sont les entreprises privées ou
publiques, mais aussi les banques, les assurances et les fonds souverains.
L’investisseur doit être doté de certaines compétences telles que : La capacité à détecter de
bonnes opportunités ; La bonne connaissance des marchés et une forte aptitude à analyser les
variations ; Un esprit capable de mesurer les risques encourus et le rendement financier qu’il
peut espérer.26
Tandis que la notion d’investissement définit l’acte d’investir dans l’optique d’en retirer un
profit. Il s’agit de placer des capitaux dans le but de réaliser un objectif que l’entreprise s’était
fixé. Une entreprise peut décider d’un investissement pour acquérir de nouvelles machines ou
devenir propriétaire d’une autre société. L’engagement des dépenses est pris dans le but de
réaliser des bénéfices à plus ou moins long terme. L’entreprise décide d’investir pour
remplacer du matériel obsolète et obtenir un meilleur rendement, réduire les coûts de
production ou encore éviter de perdre du temps.27

De ce fait, l’investissement offre la possibilité d’accroître les capacités de production ou


encore de faire la différence sur une nouvelle niche de produits pour lesquels il est
indispensable d’acheter de nouvelles machines ou des bâtiments récents. L’entreprise peut
également investir dans l’achat d’une licence, d’un logiciel ou d’une action financière. Ou
même pour répondre aux normes écologiques et de développement durable en vigueur.

Dans notre démarche scientifique, il semble exister un cycle de vie de l’investisseur. Celui-ci
suit en fait le cycle de croissance de l’entreprise.28 Typiquement :

26
https://www.bnppre.fr/glossaire/investisseur.html page consulté le 14/07/2023
27
https://www.bnppre.fr/glossaire/investissement.html idem
28

21 | P a g e
Niveau 1 : l’investisseur risque : il finance la preuve de concept, le premier développement
commercial et l’expansion des premières ventes ;
Niveau 2 : l’investisseur croissance : il soutient l’expansion de la compagnie à plus grande
échelle, et finance selon le cas, les recrutements, dépenses et campagnes marketing, besoin en
fonds de roulement ou investissements capex ;
Niveau 3 : l’investisseur en développement international : ces investisseurs sont souvent alors
régionalisés et peuvent par exemple financer des premières acquisitions ou l’extension de
l’activité sur d’autres continents.

En effet, un des rôles majeurs de l’investisseur est alors d’aider à trouver les bons employés et
partenaires futurs pour faciliter la croissance de l’entreprise. Il est ainsi parfois plus approprié
de faire appel à un investisseur par région ou continent, qui possède les bons contacts et
canaux sur son territoire ;
Niveau 4 : l’investisseur stratégique : des investisseurs en private equity facilitent alors le
développement de la compagnie sur des tailles plus importantes de valorisation, ou afin de
créer de la valeur selon différentes stratégies.29
Enfin la vue du monde scientifique a fait suscite l’intérêt de la différence qui existe entre
l’entrepreneur et l’investisseur. E effet, l’entrepreneur est parfois vu comme un « super
homme ». Il peut et doit faire plus vite et mieux que les autres. L’investisseur est parfois vu
comme un « amiable opportuniste ». Il facilite en profite de la croissance de la valeur de la
compagnie. Des différences de focales existent donc, comme dans toute relation. La relation
entrepreneur-investisseur ressemble à beaucoup d’égards à un mariage : c’est une union pour
le meilleur et pour le pire ou le timing, la communication et l’adaptation sont clés ; une
relation long terme avec des hauts et des bas, et un contrat avec des droits et obligations. 30

2.2 Dans le code congolais des investissements

Le code des investissements de la République Démocratique du Congo ne définit pas de


manière directe les concepts « Investisseur » et « Investissement » il parle plutôt d’une part
de l’investisseur direct et de l’investisseur étranger direct et d’autres part, de l’investissement
direct et de l’investissement direct étranger

29
Gilles Mougenot, Tout savoir sur l’investissement, Gualino, l’extenso éditions p, 92
30
Idem p, 103

22 | P a g e
Est Investisseur direct : toute personne physique ou morale, publique ou privée effectuant un
investissement direct en République Démocratique du Congo. 31 Et L’Investisseur étranger
direct : toute personne physique n’ayant pas la nationalité congolaise ou ayant la nationalité
congolaise et résidant à l’étranger et toute personne morale publique ou privée ayant son siège
social en dehors du territoire congolais, et effectuant un investissement direct en République
Démocratique du Congo.32

Est Investissement direct : tout investissement relevant du champ d’application de la présente


loi envisagé par une entreprise nouvelle ou existante visant à mettre en place une capacité
nouvelle ou à accroître la capacité de production de biens ou de prestation de services,

à élargir la gamme des produits fabriqués ou des services rendus, à accroître la productivité de
l’entreprise ou à améliorer la qualité des biens ou des services.33 Et l’Investissement étranger
direct (I.E.D) est tout investissement dont la participation étrangère dans le capital social
d’une entreprise dans laquelle l’investissement réalisé est au moins égale à 10 %.34

2.3 Dans L’AUA et dans le RACCJA

Nous l’avons souligné en d’autres mots que l’acte uniforme sur l’arbitrage et le règlement
d’arbitrage de la CCJA nous font remarquer un silence quant aux définitions claires des
notions d’investisseurs et investissement. Par exemple l’article 3 de RACCJA dispose que :
« la cour peut également administrer des procédures arbitrales fondées sur un instrument
relatif aux investissements, notamment un code des investissements ou un traité bilatéral ou
multilatéral relatif aux investissements(…)
Cela est dû au fait que le traité Ohada, ne considère pas le droit des investissements comme
une matière relevant de son champ d’application matériel même si l’article 2 du traité énonce
clairement le champ matériel de l’Ohada dans un premier temps, en citant les matières qui
entrent dans le « domaine du droit des affaires », dans un second temps, le même article
précise qu’entre dans ce domaine, « toute autre matière que le conseil des Ministres
déciderait d’y inclure conformément à l’objet du traité ».

31
Article 2 alinéa 4 de la loi n°004 du 21 février 2002 portant code des investissements
32
Article 2 alinéa 5 op cit
33
Article 2 alinéa 2 de la loi n°004 du 21 février 2002 portant code des investissements
34
Idem, alinéa 3

23 | P a g e
SECTION 2 : INSTITUTIONNALISATION DE L’ARBITRAGE
D’INVESTISSEMENT DANS L’ESPACE OHADA
Paragraphe1 : Le cadre normatif
1.1 La consécration textuelle de l’arbitrage d’investissement dans l’espace Ohada

L’arbitrage d’investissement a été principalement consacré dans l’Acte Uniforme sur le Droit
de l’Arbitrage de 2017 ainsi que dans le Règlement de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage. Ces nouvelles règlementations se justifient dans la mesure où l’arbitrage
d’investissement répond à un certain nombre de spécificité et d’exigences. Les lois et
règlement d’arbitrage modernes les intègrent de façon à permettre aux arbitrages entre Etat
investisseur sur le fondement d’un accord d’investissement ou d’une législation proposant
une telle procédure, à pouvoir s’appliquer.35
En effet, l’article 3 l’AUA pose le jalon de l’arbitrage d’investissement en disposant ce qui
expressément ce qui suit « L’arbitrage peut être fondé sur une convention d’arbitrage ou sur
un instrument concernant un investissement, en particulier un code d’investissement ou d’un
traité d’investissement bilatéral ou multilatéral ».

1.2 La portée de l’AUA de 2017 instaurant l’arbitrage d’investissement

Le texte de l'Acte Uniforme sur le Droit de l'Arbitrage OHADA est hétéroclite. En effet, il est
largement inspiré du droit français de l'arbitrage d'une part et, certaines dispositions du droit
Suisse de l'arbitrage international, d'autre part, lui sont adjoints. Cette hybridation de la nature
de cet Acte a permis à un auteur d'affirmer que le Droit OHADA de l'arbitrage, en
l'occurrence, l'Acte Uniforme n'a pas échappé au principe qui veut que le choix du style
législatif se fasse parmi les grands systèmes ou modèles dominants. Ainsi, la réforme
juridique entreprise par l'OHADA selon lui n'a pu échapper à la «règle du politiquement ou de
l'idéologiquement neutre. Il en a déduit qu'en l'espèce le législateur OHADA semble avoir
construit un système d'arbitrage qui, bien que sui generis et composite pourrait être classé
dans la famille du droit français. Du fait de son caractère hybride nous pousserons même un
peu plus loin le catalogage en disant que le droit OHADA de l'arbitrage est catégorisable dans
la famille des droits de tradition civiliste c'est-à-dire les droits romano-germanique.36

35
Jean Sossou BIADJA CASSIUS, « Le droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA : Rapport aux règles
et principes de l’arbitrage d’investissement éd. Universitaires européennes, France, 2020
36
Cassius Jean SOSSOU, op cit, p, 104

24 | P a g e
Du droit français, il en a adopté la philosophie libérale. Tout en reconnaissant la primauté de
la volonté des parties dans la constitution du tribunal arbitral il a réglementé l'organisation de
la procédure arbitrale. La plupart de ses dispositions ont un caractère supplétif et le rôle du
juge étatique est limité à la coopération à l'arbitrage avec un contrôle sur la sentence arbitrale
conforme aux critères généralement admis en droit comparé.

Du droit suisse, cet Acte a repris les dispositions sur l'arbitrabilité subjective de l'article 177
al. 2 de la Loi Fédérale sur le Droit International Privé portant sur l'arbitrage international.
Cette disposition, il faut le dire, est formel sur les restrictions des droits portant sur l'aptitude
des Etats, collectivités ou entreprises publiques à se soumettre à l'arbitrage qui deviennent
inopposables à leurs cocontractants lorsqu'une convention les lie.37

S'il est évident que l'Acte Uniforme sur le Droit de l’Arbitrage Ohada est la principale source
de l'arbitrage international dans cet espace, il constitue, à ne point en douter, le droit commun
de l'arbitrage dans la zone circonscrite par l'Ohada et en tant que tel peut régir toutes sortes
d'arbitrage. Le texte en soi est formel sur son champ d'application puisque sa portée n'est
exclusive d'aucune forme d'arbitrage comme le dispose son article 1 er. En effet, l'article
1er dispose qu'il «a vocation à s'appliquer à toute d'arbitrage« sans exclusif de nature ou de
forme. Il peut s'en déduire qu'il peut donc régir, dans cet espace Ohada, un arbitrage ad hoc
d'investissement sur la base des conditions classiques contraignantes de compétence tenant
aux parties, à la nature de l'investissement au consentement etc. que l'on retrouve dans la
jurisprudence du CIRDI. Nous inférons cette compétence supposée de l'Acte Uniforme à
pouvoir s'appliquer à un arbitrage d'investissement du fait qu'il nous semble avoir tenu grand
compte des développements récents du droit et de la pratique de l'arbitrage international. En
effet, il en consacre les grands principes applicables à un arbitrage d'investissement tels qu'ils
ressortent des instruments du CIRDI que sont ceux de l'autonomie des parties, du
contradictoire, de l'indépendance et de la séparabilité de la convention d'arbitrage par rapport
au contrat principal avec son corollaire du principe de compétence-compétence du tribunal
arbitral pour ne citer que ceux-là.38

37
Idem
38
Cassius Jean SOSSOU, op cit, p, 108

25 | P a g e
1.3 L’AUA, le RCCJA et le Traité : Compétence non contradictoires mais complémentaire
La problématique des domaines de compétence se complexifie davantage avec la prise en
compte dans cet espace de deux autres textes législatifs à savoir le traité Ohada et le
règlement de la CCJA. En effet, on se saurait parler de l’arbitrage d’investissement Ohada qui
plus est un arbitrage international sans envisager la possibilité qu’il se déroule sous les
hospices de la Cour Commune de Justice d’arbitrage selon les dispositions de son Règlement
d’arbitrage. Dans cette hypothèse, les dispositions relatives à la reconnaissance et à
l’exécution de la sentence s’opèreraient selon le traité Ohada auquel le Règlement de la Cour
viendrait en appoint. Il en appert que pour la reconnaissance et l’exécution des sentences
arbitrales dans la zone Ohada quatre textes peuvent se réclamer d’application.

Il est évident que dans l’hypothèse d’une sentence d’arbitrage d’investissement rendue sous
l’égide de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Ohada selon le règlement de cette
institution, cette sentence sera exéquaturées par la Cour conformément aux dispositions de
l’article 25 du traité Ohada.

L’on pourrait aussi s’interroger sur le rapport étroit qui existe entre l’AUA et le RCCJA lors
d’un arbitrage d’investissement.

La valeur législative de l’AUA : L’on relèvera, à ce sujet que l’AUA a une valeur législative,
son article 35 précisant qu’il tient lieu de loi relative à l’arbitrage dans les pays membres de
l’Ohada. C’est ce texte qui régit l’arbitrage de droit commun dans l’espace Ohada.
L’expression « arbitrage de droit commun » doit ici s’entendre à la fois de l’arbitrage ad hoc
et de l’arbitrage institutionnel administré par les Centres privés d’arbitrage opérant dans
l’espace Ohada.39

S’agissant de l’arbitrage institutionnel, on ne perdra pas de vue qu’en faisant référence au


règlement d’arbitrage institutionnel dans ses articles 10&14, l’AUA reconnait
indiscutablement que ce type d’arbitrage a également cours dans l’espace Ohada et, en même
temps, valide l’activité des Centres d’arbitrage existant ou à créer dans ledit espace.

39
Gaston KENFACK DOUAJNI, L’arbitrage Ohada, Droit Ohada & Droit communautaire Africains, éd.
Presses Universitaires de Pau et des Pays de l'Adour, 2014 p, 13

26 | P a g e
Dès lors, les Règlements d’arbitrage des Centres ou d’institutions d’arbitrage opérant dans
l’espace Ohada doivent être en harmonie avec la loi relative à l’arbitrage dans ledit espace
qu’est l’AUA, lequel peut compléter ces Règlements, le cas échéant. 40

A titre d’illustration, on mentionnera que le Règlement d’un Centre d’arbitrage opérant dans
l’espace Ohada ne peut prévoir qu’un tribunal arbitral soit composé en nombre pair, alors que
l’AUA consacre l’impartialité en énonçant que le tribunal arbitral comprend un ou trois
arbitres (article 8 de l’AUA).

De même, le Règlement d’arbitrage d’un Centre fonctionnant dans l’espace Ohada ne peut
proscrire la motivation de la sentence arbitrale à peine de nullité (article 26 AUA),

Comme un autre exemple, on mentionnera qu’il ne serait pas convenable que le règlement
d’une Institution d’arbitrage qui opère dans l’espace Ohada énonce que les sentences
arbitrales rendues sous l’égide desdits Institutions sont insusceptibles de recours, alors que
l’AUA stipule que la sentence arbitrale est susceptible d’un recours en annulation et peut
aussi faire l’objet d’une tierce-opposition ou d’un recours en révision (article 25 AUA).41

Tous ces exemples illustrent la nécessité pour les Règlements d’arbitrage des Centres existant
dans l’espace Ohada de se conformer aux dispositions impératives de l’AUA, qui constitue la
loi relative à l’arbitrage dans l’espace Ohada.

La valeur contractuelle du Règlement du RACCJA : En ce qui concerne le Règlement


d’arbitrage de la CCJA, celui-ci a une valeur contractuelle, au même titre que tout autre
règlement de quelque Centre ou Institution d’arbitrage que ce soit.

On rappellera, à cet égard, que c’est au moyen d’une convention d’arbitrage que les parties
choisissent de soumettre à l’arbitrage le règlement de leurs différends. Si elles optent pour un
arbitrage institutionnel, elles se réfèrent nécessairement au règlement d’arbitrage de
l’Institution ou du Centre d’arbitrage de leur croix, adhérant ce faisant audit règlement ; d’où
le caractère contractuel des règlements d’arbitrage, car en y adhérant, les parties s’y
soumettent.42

En tout état de cause, l’arbitrage d’investissement Ohada ayant un support dualiste, puisqu’il
est régit à la fois par l’AUA et par le Règlement de la CCJA, il convient afin de bien
l’appréhender, d’en examiner les fondements tant politique, économique que juridiques car les
40
Idem
41
Ibidem
42
Gaston KENFACK DOUAJNI, op cit, p.13

27 | P a g e
investissements étrangers directs dépendent, dans une large mesure, des conditions
économiques, politiques et juridiques qui existent dans l’Etat hôte.43

Les mobiles politiques

Avant la signature du Traité de Port Louis dit Traité Ohada, le 17 octobre 1993, les opérateurs
économiques étaient unanimes pour affirmer que l’insécurité judiciaire résultant de la faillite
des systèmes judiciaires des pays de l’espace Ohada constituait l’une des causes du sous-
développement desdits pays. Il était donc nécessaire de réformer ces systèmes judiciaires, afin
de les rendre aptes à contribuer au développement de l’Afrique par la production des
décisions rassurantes en raison de leur bonne qualité technique, pour les investisseurs tant
locaux qu’internationaux. Or comme la réforme efficace des systèmes judiciaires risquait de
durer pendant un certain temps, les Etats africains en général et les promoteurs du Traité
Ohada en particulier ont vu dans l’arbitrage des investissements une des garanties juridiques
susceptibles de sécuriser les investisseurs et d’inciter, ce faisant, les investisseurs à
s’intéresser à l’espace Ohada.

1.4 Les mobiles économiques

Il a été opportunément affirmé que l’investissement constitue un critère décisif et une des
garanties du développement économique. Or les pays en développement, dont l’Afrique
Ohada fait partie, constituent un bloc fertile pour les investissements, en raison de ses
richesses naturelles dont le développement se heurte à des obstacles qu’il conviendra
d’examiner. Ainsi « l’ensemble de l’Afrique dispose d’une vingtaine de matières minérales
dont la production de cinq d’entre elles dépasse 40 % de la production mondiale (métaux
précieux, vanadium, chrome, rutile et palladium). Quant aux réserves, elles sont
exceptionnelles et estimées à 70 % des réserves mondiales de chrome, 78 % du platine, 64 %
du manganèse, 71 % des phosphates, 43 % des diamants, 42 % de l’or et 35 % du cobalt.

Les ressources agricoles, largement sous-exploitées, permettent néanmoins à l’Afrique de


fournir 56 % de la production mondiale de cacao et le quart de celle de café.

Si l’Afrique reste fournisseur de matières premières et de ressources naturelles, elle tend à se


marginaliser vis-à-vis de la mondialisation de l’économie par exemple en fournissant 17 % de
la bauxite mondiale et en ne produisant que 3 % de l’aluminium.44
43
United Nations Commission on International Trad Law, Le règlement des différends relatifs aux
investissements par l’arbitrage et la médiation dans l’espace Ohada
44
Thierry LAURIOL, compte –rendu de la journée d’Etude sur « Les investissements en Afrique et l’arbitrage »,
MTM n° 2729 p.433

28 | P a g e
Malgré ces richesses, le continent africain reste pauvre et sous-développé. Il y a là un
paradoxe difficile à expliquer car, « alors que l’Afrique a largement favorisé, pendant des
siècles, la prospérité de l’Europe occidentale et des Amériques par son capital humain et ses
ressources naturelles, elle semble incapable de mettre en place le cercle vertueux de son
propre développement » ; d’où l’une des raisons sinon la plus importante de l’entrave au pour
l’Afrique de « mettre en place … son propore développement » tient à l’absence ou à la rareté
des investissements dans ce continent.45

Outre la construction des routes, des barrages, des aéroports, ponts et autres ouvrages utiles
pour le développement de l’Afrique, toutes qui nécessitent des investissements importants, ce
continent regorge de richesses naturelles, dont l’extraction et l’exploitation en vue du
développement et du mieux-être des ses populations exigent également des investissements
considérables.

Paragraphe2 : Le cadre juridictionnel


2.1 La compétence reconnue à la CCJA dans l’arbitrage d’investissement

Instituée en application du Traité OHADA, la CCJA est une juridiction supranationale basée à
Abidjan, en Côte d'Ivoire. Son rôle est d'assurer, dans les Etats membres de l'OHADA,
l'interprétation et l'application commune du Traité, des règlements pris pour son application et
des actes uniformes. C'est non seulement la Cour suprême ou "Cour de cassation" des Etats-
membres au Traité OHADA en matière du droit des affaires, mais aussi un Centre
international d'arbitrage qui administre les arbitrages conformément au Règlement CCJA. 46

En effet, l’article 13 alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage pose le principe de


l’incompétence des juridictions des juridictions étatiques pour connaitre des litiges visés dans
une conventions d’arbitrage lorsque l’une des parties en ait la demande ; que le tribunal
arbitral ait été saisi ou non, le principe demeure celui de l’incompétence des juridictions
étatiques ;en présence d’une convention d’arbitrage alors que le tribunal n’a pas été saisi du
litige, le principe de l’incompétence reçoit une exception constituée de la « nullité manifeste »
de la convention d’arbitrage. Par conséquent, en retenant la compétence de la juridiction
étatique au seul motif que le tribunal arbitral ne serait pas encore saisi, sans rechercher au
préalable si la convention d’arbitrage est en tachée d’une « nullité manifeste », le juge
étatique a manifestement erré, ca(r il fait de l’exception un principe en retenant sa

45
Gaston KENFACK DOUAJNI, op cit, p.24
46
Cassius Jean SOSSOU, op cit

29 | P a g e
compétence avant de rechercher les causes de nullité du protocole transactionnel.(Arrêt
N°043/2008 du 17 juillet 2008 Affaire DAM SAAR contre Mutuelle d’Assurances des Taxis
Compteurs d’Abidjan dite MATCA).47

2.3 Le souci du positionnement de la CCJA et ses avantages

L’AUDA a consacré l’arbitrage d’investissements, en donnant compétence à la CCJA en


matière de litiges relatifs aux investissements, lorsque le recours à la procédure d’arbitrage est
fondé sur un traité ou un contrat d’investissement. En effet, l’arbitrage d’investissements étant
une procédure de règlement des conflits entre investisseurs étrangers et Etats d’accueil, cette
nouvelle disposition permet à un investisseur étranger qui conclut un contrat avec un Etat
membre de l’Ohada de bénéficier d’une plus grande sécurité à travers le recours aux arbitres
qualifiés de la Cour. Cette initiative s’inscrit ainsi directement dans le cadre de la volonté de
l’Ohada de se positionner comme une place de référence en matière d’arbitrage
d’investissements.48 En d’autres termes l’observateur externe a les supputations sur ce qui a
pu motiver le « législateur Ohada » à adopter telle ou telle autre mesure dans les Actes
uniformes (et les Règlements). Ainsi, on peut dans ces conditions, penser que par le seul fait
de prévoir expressément dans une disposition l’arbitrage d’investissement, l’Ohada attend
par-là saisir une opportunité pour désormais capter les différends d’investissements réglés par
la voie de l’arbitrage. C’est que l’Ohada affiche ainsi une ambition de se positionner sur
l’échiquier de l’arbitrage international comme un référentiel en matière d’arbitrage
d’investissement et positionner la CCJA comme centre d’arbitrage d’investissements au
même titre que les centres internationaux reconnus en la matière.

Ce positionnement de la CCJA a accouché trois avantages à savoir : la proximité


géographique, la proximité intellectuelle ainsi que le rapatriement des différends
d’investissement.

 La proximité géographique

S’agissant de la proximité géographique l’opportunité pour les Etats membres de s’adresser


désormais à la CCJA pour les arbitrages d’investissements résiderait dans le fait que le centre

47
Felix ONANA ETOUNDI, Ohada « Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage en matière d’interprétation et d’application du Droit Ohada , 2013 p, 434
48
Ali BOUGRINE, Rim TAZI et Omnia BENKIRANE, L’arbitrage dans l’espace OHADA : Principaux apports
de la réforme de l’AUDA, Nov 2021

30 | P a g e
est géographiquement plus proche que les centres traditionnels connus. En effet, les différents
centres d’arbitrage des investissements connus et reconnus sont tous en dehors du continent
africain. C’est afin de réduire cette marginalisation de l’Afrique dans les arbitrages impliquant
des paries africains ou simplement dans la pratique de l’arbitrage et « combattre cette sorte de
monopole géographique » en vertu duquel les sièges des tribunaux arbitraux sont toujours
fixés en Europe ou en Amérique, des législateurs africains, au nombre desquels le législateur
Ohada, vont entreprendre de rénover le cadre juridique de l’arbitrage en Afrique et y créer ou
favoriser la création des centres d’arbitrage dont la CCJA.49

La proximité d’un centre sur le continent d’un centre sur le continent présente des avantages
certains pour les Etats. Le premier serait une réduction considérable du cout de l’arbitrage
dans les économies qui seraient réalisées sur pratiquement tous les points de dépenses d’un tel
arbitrage (frais liés au déplacement relatifs à la procédure devant le centre, frais d’arbitrage et
honoraires des arbitres).

 La proximité intellectuelle

En ce qui concerne la proximité intellectuelle l’opportunité résiderait aussi pour les Etats de
voir leurs différents tranchés selon des règles assez connus dans un système juridique connu
et donc pas étranger. Ceci pourrait être une source de confiance pour les parties à l’arbitrage.
Il est bien vrai que les parties à un arbitrage ont le choix du droit applicable. Cependant, le
seul fait d’être en face d’un centre en dehors du territoire géographique de la zone d’influence
d’un système de droit connu pourrait aussi présenter de risque de barrière intellectuelle sur le
droit applicable au fond du litige. La proximité ou la présence du centre sur le territoire
Ohada, rassurerait les parties, surtout internationaux soient, eux, rassurés par le droit Ohada,
habitués qu’ils sont par les procédures des grands centres reconnus, Sur ce point de vue,
l’Ohada devrait encore poursuivre son œuvre d’attractivité vis-à-vis de ces investisseurs.
Quant aux investisseurs du continent, ceux-ci peuvent facilement se rallier à la CCJA pour
l’arbitrage de leurs différends.

Non seulement la plupart des procédures d’arbitrage impliquant des parties africains se
déroulaient alors en Europe ou en Amérique mais aussi quasiment sans la participation des
juristes africains, qui ne sont que très rarement, voire pas du tout, conviés à ces arbitrages ni
comme arbitres, ni comme Conseils, alors que « la réunion d’arbitres venant d’horizons
divers, de cultures et de systèmes juridiques différents est d’ailleurs l’un des trait les plus

49
Gaston KENFACK DOUAJNI, op cit p,19

31 | P a g e
marquants de l’arbitrage international et contribue d’évidente manière à l’élaboration d’un
droit véritablement international de l’arbitrage. 50 D’où un autre avantage de l’érection de la
CCJA en centre d’arbitrage des investissements réside dans le fait que le règlement de la
CCJA ainsi que l’arsenal juridique du droit des investissements de l’espace géographique
couvert par l’Ohada n’est pas inconnu des arbitres CCJA.

 Le rapatriement des différends d’investissement

Le rapport du CIRDI sur les cas d’arbitrage à la date du 30 avril fait ressortir que sur les 563
affaires enregistrées, 2,3 % implique des Etats africains. Sur ces 23 %, 20 % ont été
introduites par les investisseurs africains et les 80 % par les investisseurs hors du continent
africain. Enfin, on relève que sur les 131 affaires (représentant les 23 % des affaires), 46
impliquent des Etats parties de l’Ohada. C’est donc une grande partie des affaires qui
impliquent des Etats parties de l’Ohada. Il serait donc opportun pour les Etats membres de
l’Ohada de rapatrier les affaires au centre de la CCJA.

Dans la perspective d’un accroissement des affaires d’investissement, c’est donc une
opportunité pour les Etats parties à l’Ohada que la CCJA capte ces affaires. Ainsi fait, la
CCJA se positionnerait véritablement comme un centre d’arbitrage des investissements. En
effet, tout plaide pour que les différends qui s’élèveraient à l’occasion des investissements
réalisés sur le continent soient arbitrés sur et éviter leur exportation.

Ce rapatriement des affaires ne concernera bien entendu pas les affaires courantes. Il
concernera les affaires futures. Et pour ce faire, il faudrait que les TBI ou les codes des
investissements des différents Etats qui contiennent des dispositions renvoyant expressément
à l’arbitrage CIRDI ou CCI ou autre soient révisés pour intégrer désormais l’arbitrage CCJA.
Ce ne serait pas chose facile. Mais ce serait aux Etats de savoir imposer cette clause ou
dispositions. C’est aussi à l’Ohada de convaincre de sa capacité à gérer ces types de
différends ce qui serait assurément le meilleur plaidoyer en faveur de l’érection de la CCJA en
centre d’arbitrage des investissements.

2.4 Tendances jurisprudentielles de la CCJA dans l’arbitrage

Mode alternatif de règlement des litiges contractuels des litiges encouragé par le traité Ohada,
l’arbitrage a généré un contentieux diversifié au niveau de la CCJA, s’agissant aussi bien des

50
Gaston KENFACK DOUAJNI, op cit p,19

32 | P a g e
problèmes liés à l’arbitrabilité du litige, à la constitution du tribunal arbitral, à l’annulation de
la sentence arbitrale, qu’un rôle quelque peu résiduel au juge étatique.

Il ressort de l’analyse des dispositions de l’article 23 du Traité Ohada « tout tribunal d’un Etat
parties saisi d’un litige que les parties étaient convenues de soumette à l’arbitrage se
déclarera incompétent si l’une des parties le demande et renverra, le cas échéant, à la
procédure d’arbitrage prévue au présent traité », et l’article 4 de l’Acte uniforme sur
l’arbitrage « La convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa validité
n’est pas affectée par la nullité de ce contrat et elle est appréhendée d’après la commune
volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique », que celles-ci posent deux
principes, à savoir le principe, à savoir le principe de l’incompétence de toute juridiction
étatique saisie d’un litige que les parties sont convenues de soumettre à une procédure
d’arbitrage et le principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage par rapport au contrat
principal auquel elle se rapporte ; dans le premier cas, toute juridiction d’un Etat partie saisie
d’un tel litige doit se déclarer incompétent lorsque l’une des parties en fait la demande ; dans
le second cas et en vertu de ce principe de l’Independence de la convention d’arbitrage par
rapport au contrat principal, la validité de celle-là n’est pas affectée par la nullité de celui-ci
et ladite validité est appréhendée d’après la commune volonté des parties sans référence
nécessaire à un droit étatique ; par conséquent, doit être cassée la décision qui recherche si le
litige porte sur la validité donc l’existence même de la convention sur son application, le
principe d’autonomie de la convention d’arbitrage, par rapport au contrat principal auquel elle
se rapporte, imposant au juge arbitral, sous réserve d’un recours éventuel contre la sentence à
venir, d’exercer sa pleine compétence sur tous les éléments du litige à lui soumis, qu’il
s’agisse de l’existence, de la validité ou de l’exécution de la convention (Arrêt N°020/2008 du
24 avril, Affaire SOW Yérim Abib contre 1°/Ibrahim Souleymane, AKA, 2°/KOFFI Sahouot
Cédric) ;51

Il résulte des articles 26, alinéa 2, a)et 9 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
susvisé disposent respectivement que « le recours en annulation n’est entre autres cas
recevable, que 2°) si le tribunal a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique nomme un
arbitre et les deux autres arbitres ainsi nommés choisissent un troisième réception d’une
demande à cette fin émanant de l’autre partie ou si les deux arbitres ne s’accordent sur le
choix du troisième arbitre dans un délai de trente jours à compter de leur désignation, la
nomination est effectuée sur la demande d’une partie par le juge compétent dans l’Etat partie ;

51
Felix ONANA ETOUNDI, op.cit p, 439

33 | P a g e
« et enfin les parties doivent être traitées sur un pied d’égalité et chaque partie doit avoir
toute possibilité de faire valoir ses droits . « ; par conséquent, lorsque la procédure de
désignation d’un arbitre et partant de la constitution du tribunal arbitral ad hoc obéi aux
prescriptions de ces textes quant à un délai et quant au traitement égalitaire dont doit bénéficier
toute parie à un procès, il s’ensuit que ledit Tribunal ad hoc a été irrégulièrement constitué et la
sentence rendue encourt annulation (102. Arrêt N° 004/2008 du 17 juillet 2008 Affaire
SOCIETE AFRICAINE DE RELATIONS COMMERCIALES ET INDUSRIELLES dite SARCI
Sarl contre 1°/ATLANTIQUE TELECOM SA & 2°/ TELECEL BENIN S.A).52

2.5 Autres Compétences de la Cour

L’article 14 du Traité OHADA détermine les missions confiées à la Cour Commune Justice et

d’Arbitrage. Ce texte dispose en substance :

« La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure dans les Etats parties l’interprétation et
l’application commune du présent Traité, des Règlements pris pour son application et des
Actes uniformes (alinéa 1er) ;

La cour peut être consultée par tout Etat ou par le Conseil des Ministres sur toute question
entrant dans le champ de l’alinéa précédent. La même faculté de solliciter l’avis consultatif de
la Cour est reconnue aux juridictions nationales saisies en application de l’article 13 ci-dessus
(alinéa 2) ;

Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par
les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions
relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlement prévus au présent Traité à
l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales (alinéa 3) ;

Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel
rendues par toute juridictions des Etats parties dans les mêmes contentieux (article 4) ;

Il s’induit de ces dispositions que la CCJA joue d’abord le rôle d’organe consultatif sur toute
question d’interprétation ou d’application des Actes uniformes par les juridictions nationales.
Par sa fonction consultative, la CCJA à travers ses avis exerce un contrôle à priori de
l’application des Actes uniformes et des Règlement pris en application du Traité OHADA à la
demander des juridictions nationales du fond elles-mêmes.
52
Felix ONANA ETOUNDI, op.cit p, 440

34 | P a g e
Somme toute, il faut souligner que la mise en œuvre de ces dispositions régissant les règles
d’organisation, de fonctionnement et de compétence de la CCJA révèles d’énormes problèmes
d’application qui sont ressentis comme un malaise tant dans la structure interne même de la
Cour que dans ses rapports avec les juridictions nationales de cassation des Etats parties. D’où
la réforme de certains aspects institutionnels de la CCJA dans le Traité portant révision du
Traité Ohada et la nécessité d’une réflexion sur les perspectives d’évolution d’autres aspects
de cette haute juridiction communautaire.

35 | P a g e
CHAPITRE 2 : LA PRATIQUE DE L’ARBITRAGE
D’INVESTISSEMENTS A L’EPREUVE DE LA
PROMOTION DES INVESTIMENTS DANS
L’ESPACE OHADA

SECTION 1 : LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS PAR LES GARANTIES


PROCEDURALES

Paragraphe1 : Principes novateurs de l’arbitrage d’investissement dans


l’espace Ohada

Parlant de la protection des investissements dans les pays de l’espace Olivier Cupelier, en
arrive à renchérir que la question de l’investissement et de sa protection sont primordiale en
Afrique compte tenu à la fois des importants besoins en capitaux extérieurs mais également
des risques particulières liés au climat des affaires et une certaine instabilité géopolitique sur
le continent car les investisseurs ont besoin de garanties pour limiter leur risque faute de quoi,
ils ne viennent pas ou ne restent pas.53

Mais bien avant que nous puissions toucher à certains principes sacrosaint qui peuvent
déterminer l’existence mais aussi maintenir l’équilibre d’un arbitrage moderne que le
législateur de l’Ohada n’est pas passer outre pour tisser sa législation en matière d’arbitrage
d’investissement qui lui est nouvelle, il est important pour nous de situer la nature même de
cet arbitrage (Institutionnel ou Ad hoc) sur lesquels reposera les principes que nous
aborderons dans la suite de notre études.

 Arbitrage d’investissements Ohada : Institutionnel ou Ad hoc ?s

L’arbitrage institutionnel est mené conformément aux règles de procédure publiées par une
institution d’arbitrage particulière (un centre d’arbitrage), qui « gère » généralement
l’arbitrage. Il consiste donc à de démarches de règlement de différends supervisées par un
organisme ou une institution conformément au règlement d’arbitrage établi et approuvé par
l’institution54. En revanche un arbitrage ad hoc est mené sans recours à une autorité
administrative et, habituellement, sans l’aide de règles de procédure institutionnelles. Au lieu
de cela, dépend totalement de la coopération entre les parties, qui doivent désigner un ou
53
Olivier CUPERLIER, La protection des investissements dans les pays de l’espace OHADA : un modèle
transposable pour un lex mediterranea édition. OHADATA D-2008 p, 1
54
https://www.google.com/qu’est-ce-que l’arbitrage institutionnel, page consultée le 29 août 2023

36 | P a g e
plusieurs arbitres, qui résolvent le litige sans contrôle institutionnel et doivent définir leurs
propres règles de procédure applicables.55

Il est aussi généralement privilégié simplement lorsque les parties ne parviennent pas à
s’entendre avec l’institution d’arbitrage. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles
certaines institutions peuvent être acceptée ou non par les parties. Lorsque les parties ont des
opinions opposées sur l’institution à choisir, l’arbitrage ad hoc s’avère être souvent
l’engagement final. Souvent les Etats souverains hésitent à se soumettre à l’autorité de toute
institution, alors ils choisissent l’arbitrage ad hoc.

Bien qu’ayant pour inconvénient majeur ce que même lorsque les parties envisagent au
moment de la conclusion du contrat de régler à l’amiable leurs éventuels différends futurs,
elles pourront être moins disposées à coopérer en cas de conflit réel. Dans la mesure ou toute
règle procédure particulière risque de favoriser l’une ou l’autre des parties au différend, il leur
sera plus difficile de s’entendre sur les règles de procédure arbitrale. En l’absence des règles
de toute institution arbitrale et de l’élan propre à une structure permanente, les deux parties
pourront même éprouver des difficultés à amorcer le processus d’arbitrage56

L’Arbitrage Ad hoc néanmoins peut être moins cher que l’arbitrage institutionnel, puisqu’il
n’y a pas de secrétariat institutionnel à payer. Donc le principal argument est qu’un arbitrage
qui porte sur une somme d’argent limitée, en présence de deux parties désireuses de soumettre

leur différend à l’arbitrage, peut s’avérer moins onéreux et moins pesant s’il se déroule de
façon ad hoc, plutôt que devant une institution. 57

A la lumière de ces deux tendances, il est sans doute approuvé que l’arbitrage des
investissements instauré par le législateur de l’Ohada est un arbitrage institutionnel car il est
mené sous l’égide d’une institution qui est la CCJA.

Une autre question est celle de savoir quels sont les avantages qui sont liés à une telle forme
d’arbitrage par rapport à l’arbitrage ad hoc bien que le choix entre l’arbitrage institutionnel ou
55
https:/www.international-arbitration-attorney.com/fr/arbitragem-instiutionnal-ou-ad-hoc/ page consultée le 21
août 2023.
56
Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, Règlement des différends, Arbitrage
commercial international, Nations Unies, New York et Genève 2005 p, 35
57
Idem

37 | P a g e
ad hoc dépend de la pondération de divers facteurs et des caractéristiques du types de
différends en question.

 Les avantages de l’arbitrage d’investissements Ohada comme arbitrage


institutionnel

L’arbitrage des investissements entant qu’arbitrage institutionnel bénéficient de plusieurs


avantages dont le plus grand est essentiellement la prévisibilité et la régularité qu’il offre,
ainsi que les avantages de l’intégration des règles institutionnelles (par exemple, dispositions
relatives à la formation du tribunal arbitral, limitations du contrôle judicaire).

En effet, en particulier au début de l’arbitrage entre des parties parfois inexpérimentées et de


cultures juridiques différentes, le rôle d’une institution, dans la conduite du processus
d’arbitrage peut être très constructif et efficace.

Par exemple si le défendeur ne nomme pas d’arbitre (dans les cas où le tribunal, arbitral est
composé de trois arbitres), l’institution arbitrale procèdera normalement à la désignation de
l’arbitre manquant national pour la nomination judicaire des arbitres, qui prend généralement
plus de temps et d’argent pour produire des résultats moins appropriés qu’une institution
d’arbitrage compétente.58

De la même forme, l’existence d’une institution d’arbitrage, dont les règles traitent de la
question des frais d’arbitrage, empêche les parties de négocier directement avec les arbitres
leurs honoraires, et cela permettra aux arbitres de se concentrer uniquement sur la résolution
du différend, au lieu de discuter d’une affaire personnelle avec les parties.

Enfin, l’arbitrage institutionnalisé libère les parties de la nécessité de négocier et de rédiger


des règles de procédure, dans la mesure où soumettre un différend à une institution
d’arbitrage requiert l’acceptation du règlement respectif. En fait, négocier et rédiger une
clause compromissoire peut représenter un effort coûteux, lent et incertain, en particulier sans
avis d’expert, pour l’éventualité d’un différend qui souvent n’a même pas lieu.

1.1.1 Principes novateurs proprement dite

Il s’agit pour nous dans ce point d’esquisser une vue d’ensemble des mécanismes des
instruments de l’arbitrage Ohada comme outils du règlement des conflits du contentieux
international de l’investissement dans cette zone. Comme fil directeur de cette revue, nous

58
Idem

38 | P a g e
explorerons aussi le Traité en soi ; l’Acte Uniforme relatif au droit de l’Arbitrage mais aussi
le Règlement d’arbitrage de la CCJA comme normes applicables à un arbitrage
d’investissement dans l’Ohada. Pour cela, notre technique d’approche plus délicate et absolue
appréhendera le droit de l’arbitrage dans la zone Ohada dans la dimension contextuelle et de
droit positif communautaire de manière à pouvoir en dégager les règles cardinales de
l’arbitrage international, nous entendons par là les règles qui offrent les garanties d’efficacité
procédurale et de fond auxquelles tout investisseurs peut s’attendre, et qui contribueront à la
sécurisation de son investissement dans cette zone. Ainsi, nous passerons en revue les grands
principes cardinaux de l’arbitrage international que ce droit unifié communautaire recèle. Ces
principes généraux sont communs et applicables à tous arbitrages aussi bien commerciaux que
d’investissement. Mais étant entendu qu’il n’y a pas que les principes généraux de l’arbitrage
qui régissent une procédure d’arbitrage international, qui est plus d’investissement, les
principes applicables par les arbitres dans un arbitrage d’investissement seront aussi pris en
compte dans la suite. Il s’agira donc des principes liés aux spécificités de l’arbitrage
d’investissement.

1.1.2 Principes cardinaux : outils de sécurisation de l’investissement

Evoquer les principes cardinaux ici, c’est faire état des principes généraux en matière
d’arbitrage international c’est-à-dire les principes qui se sont accumulés au fil de l’évolution
de l’arbitrage international comme normes consensuelles pour régir le droit et la pratique de
cette voie contentieuse normale de résolution des litiges internationaux du commerce et de
l’investissement. Il s’agit des principes de l’arbitrage international qui sont tels que si l’on en
modifiait la base, l’on changerait profondément l’institution. Un choix entre les principes est
nécessaire pour ne garder que ce qui parait essentiel dans les limites de cette étude. A cette
fin, deux grands principes focaliseront notre attention.

En l’occurrence nous évoquerons le principe de l’égalité entre les parties et ses dérivés
(l’indépendance, l’impartialité, le contradictoire) et Le Principe de l’autorité de la chose
jugée sans oublier le renforcement de l’innovation par la célérité de la procédure (justice
accélérée), la spécialisation des arbitres, la facilité d’exécution des sentences arbitrales ainsi
que la standardisation du délai.

1.1.3 Le Principe de l’égalité entre parties

39 | P a g e
L’égalité entre les parties est un principe directeur de tout l’arbitrage qui n’échappe d’ailleurs
à aucune procédure d’arbitrage, fut-il commercial ou d’investissement. Son objectif vise à
faire assurer aux parties des garanties procédurales équivalentes à celles dont elles jouissent
devant les tribunaux étatiques. Selon les vertus de ce principe, dans un arbitrage international,
chacune des parties à la procédure arbitrale a droit à un procès équitable devant un arbitre
indépendant et impartial. Ce qui suppose une totale indépendance (objective ou subjective)
des arbitres vis-à-vis des parties, leur impartialité et l’égalité de traitement des parties durant
la procédure. Il en appert un strict respect du principe contradictoire par le tribunal arbitral et
aux parties elles-mêmes. Ces principes généraux bénéficient d’un large consensus et portent
sur les fondements même du procès arbitral. Un système juridique qui ne les connaitrait pas
manquerait de sérieux et serait évité par les investisseurs internationaux comme contraire à la
sécurité juridique et judiciaire élémentaire.59

Consacré par l’article 9 de l’AUA, ce principe signifie aussi que les parties sont considérées
également et chaque partie doit avoir la pleine possibilité de présenter ses arguments. Même si
une partie est étrangère, si le tribunal arbitral est situé dans l’un des Etats de l’Ohada, il
garantit l’égalité des armes au cours de la procédure. Elle peut être rapprochée des
interdictions faites aux arbitres de connaitre des litiges impliquant leur pays d’origine ou de
son obligation de rester indépendant et impartial (art 7, AUA).60

Mais avant tout, voyons de quoi est fait le principe de l’indépendance et de l’impartialité dans
le droit Ohada de l’arbitrage.

 L’indépendance et l’impartialité

Dans l'Acte Uniforme ce sont dans les dispositions de l'article 6 que l'on retrouve ces
exigences de qualités de l'arbitre. Il évoque l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre qui,
selon P. MEYER, sont deux qualités qui ne se confondent pas, mais entretiennent des
relations.

S'il est une constance pour que l'arbitrage soit estampillé du label de bonne administration de
justice et par ricochet de garantie de sécurité, c'est celle qui requiert une totale indépendance
et impartialité des arbitres. Il faut, en effet, entendre par là que l'arbitre dans
l'accomplissement de sa mission juridictionnelle ne soit pas lié à l'une des parties et n'ait

59
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 135
60
Jean MOMNOUGUI, op cit p,

40 | P a g e
aucun intérêt au sort de la cause dont il est investi de la mission de juger. La partialité et la
dépendance de l'arbitre peuvent être source de vice de consentement. En effet, comme l'a dit
la Cour de Cassation Française, l'indépendance d'esprit est indispensable à l'exercice d'un
pouvoir juridictionnel, quelle qu'en soit la source, et elle est l'une des qualités essentielles des
arbitres. L'ignorance par l'une des parties d'une circonstance de nature à porter atteinte à cette
qualité, vicie le consentement donné par elle à la convention d'arbitrage.61

L'indépendance s'appréciant aussi bien objectivement que subjectivement, il est important


qu'objectivement l'arbitre n'est été affecté par l'existence de liens de dépendances matériels
(relations d'affaires), intellectuels (l'arbitre fut conseil), ou affectifs (amitié-inimitié), avec
l'une ou l'autre des parties. Subjectivement, son indépendance est appréciée en considération
de l'effet que sa situation de dépendance crée à la fois pour lui-même (son jugement d'être
affecté par une prévention à l'égard d'une partie), et pour les parties elles-mêmes (la situation
de l'arbitre suscite-t-elle un doute raisonnable sur son indépendance ?).62

Le défaut d'indépendance et d'impartialité des arbitres entraîne comme conséquence la


possibilité pour les parties à l'arbitrage de récuser le tribunal arbitral. Le risque de prévention
d'un arbitre existe aussi en droit OHADA de l'arbitrage où, l'article 7 de l'Acte uniforme et
l'article 4.2 du Règlement d'arbitrage organisent la procédure de récusation.

En conclusion, les exigences d'indépendance et d'impartialité contenues dans le droit positif


communautaire OHADA constitue un gage de sécurité juridictionnelle dont l'investisseur est
bénéficiaire pour mener à bien ses activités.

 La surveillance de l’Independence de la CCJA et du tribunal arbitral

La reforme permet une séparation claire entre la CCJA et le tribunal arbitral qu’il appartiendra
désormais aux arbitres de surveiller afin de préserver le tribunal des soupçons de dépendance
à l’égard du Centre. En effet, la CCJA n’est pas une juridiction ; Le rôle de la Cour est
l’administration de la procédure arbitrale (Art. 1, RACCJA) qui consiste notamment à :

- Veiller à la constitution du tribunal en cas de discordance des parties pour la


nomination des arbitres (Art.3, RACCJA)

61
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 136
62
Idem, p, 137

41 | P a g e
- Statuer sur les pourvois relatifs aux exceptions de compétence soulevées par les
juridictions nationales en application d’une clause compromissoire (Art.13, AUA)

- Déterminer le siège de l’arbitrage si la Convention ne le prévoit pas (Art.13,


RACCJA)

- Procéder à l’examen formel des projets des sentences (Art 23, RACCJA)

- En revanche, le tribunal arbitral est la juridiction de jugement qui rend la sentence. Il


est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence, ainsi que sur toutes les
questions concernant l’existence ou la validité de la Convention d’arbitrage (Art.13,
AUA).63

 Le contradictoire

Fondé par l’article 9 de l'Acte Uniforme, ce vocable du contradictoire englobe deux


principes : celui de l'égalité de traitement entre les parties et celui de permettre aux parties de
faire valoir leur prétention, principes qui sont deux exigences consubstantielles à l'idée d'une
bonne justice. Ils ne sont pas qu'applicables à la seule justice arbitrale commerciale, ils
trouvent aussi à s'appliquer dans les arbitrages d'investissement.

Dans la pratique, le principe d'égalité des parties commande que celles-ci soient traitées sur
un pied d'égalité par le tribunal arbitral durant toute la procédure. Alors que le principe de la
procédure contradictoire fait obligation au tribunal arbitral de ne retenir dans sa décision les
moyens, les explications ou les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci
ont été à même d'en débattre contradictoirement (art 14 al 5 A.U). En clair, il est requis du
tribunal que les parties soient en mesure de faire valoir chacune sa prétention. Ces deux
principes, en droit arbitral, posent les limites à la liberté des parties ou des arbitres. Le droit
OHADA non plus ne fait pas l'économie de l'application de ces deux principes.

Ainsi, les partis ont la charge de la preuve des faits litigieux. Le tribunal arbitral pouvant les
inviter à fournir les explications et preuves complémentaires nécessaires à la solution du

63
Talfi Idrissa Bachir op cit

42 | P a g e
litige ; le tribunal ne peut retenir dans sa sentence les moyens, les explications ou documents
invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre
contradictoirement ; toute irrégularité dans la procédure doit être réputée avoir renoncé à s’en
prévaloir (art. 14, AUA).64 D’où le non-respect, constitue donc un motif d'annulation de la
sentence selon les dispositions de l'article 26 alinéa 5. En revanche, c'est dans les dispositions
de l'article 19.4 du Règlement d'arbitrage de la CCJA qu'on infère l'application du principe du
contradictoire lorsqu'il dispose qu'il revient à l'arbitre de régler le déroulement des audiences,
celles-ci sont contradictoires. En bref, on rattachera à l'égalité le principe de loyauté
procédurale, car la fraude rompt l'équilibre Fraus omnia corrumpit : elle entraîne la révision
ou l'annulation de la sentence en cas de tromperie ou de dissimulation volontaire ayant exercé
une influence sur le résultat. Mais c'est déjà aborder le règlement du litige par les arbitres.

1.1.4 Principe de l’autorité de la chose jugée

En droit OHADA, cette autorité de la chose jugée nous est reconnue par le RCCJA qui pose
clairement le principe, en stipulant que les sentences arbitrales ont l'autorité définitive de la
chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie au même titre que les décisions rendues
par les juridictions de l'Etat concerné. En conséquence, l'article 27.1 décide que leur
exécution forcée sur le territoire de l'un quelconque des Etats parties peut intervenir. Quant à
l'Acte Uniforme c'est dans les dispositions de l'article 23 qu'une telle autorité est conférée à la sentence
arbitrale.

L'intérêt de l'évocation de ce principe réside dans le sentiment de sécurisation que son


application pourrait procurer à tout investisseur dans un arbitrage d'investissement OHADA et
pour lequel il dispose d'une sentence finale. En effet, tout processus arbitral qui se veut fiable
et capable de donner confiance aux investisseurs, dans sa phase post procédurale, doit être en
mesure de conférer à la sentence rendue sa force exécutoire que lui confère la loi applicable à
la reconnaissance et à l'exécution de la décision arbitrale. Pour cela, on évoque souvent,
l'autorité de la chose jugée de la sentence dans de pareil cas, et souvent pour parer à toute
éventualité de renversement de la sentence par une remise en cause de son contenu.

L'intérêt ensuite de l’effet pratique positif, réside dans le fait qu'une sentence rendue sur la
base du droit positif communautaire OHADA dans un arbitrage d'investissement, constitue un
titre qui permettra la mise en œuvre des mesures conservatoires. Ainsi, un investisseur peut

64
Benoit Le Bars, Droit des sociétés et de l’arbitrage international, Pratique en droit de l’Ohada éd. l’extenso
p.111

43 | P a g e
avoir la garantie de la mise en œuvre de telles mesures provisionnelles toutes les fois qu'une
décision arbitrale en viendrait à trancher une contestation même partiellement.

Tout bien analysé, il s’avère que c’est l’étude de la volonté la plus raisonnable des parties qui
conduira, en principe, l’arbitre à reconnaitre la normativité des précédentes décisions puis à
leur attribuer une certaine autorité. Sans doute, le fondement subjectif de l’obligation pour
l’arbitre de respecter l’autorité de la chose jugée ainsi que l’absence presque totale de contrôle
des juridictions étatiques sur cette question conduisent à reconnaître à l’arbitre une vaste
liberté dans le choix des règles ou principes applicables.65

Quelques mécanismes de renforcement de l’innovation

 La Célérité de la procédure

Plusieurs dispositions de l’AUA et du règlement d’application de la CCJA sont faites pour


accélérer la procédure afin de donner une solution rapide au litige :

- Si la convention d’arbitrage ne définit pas de limitation dans le temps, le mandat du


tribunal arbitral ne peut dépasser 6 mois à compter de la date à la laquelle le dernier
arbitre nommé a accepté sa nomination (Art. 11 AUA) ;

- Là où existe une Convention d’arbitrage, aucune juridiction de l’Etat n’est compétente


(Art. 12. AUA) et la décision de la juridiction de l’Etat sur sa compétence en l’espace
ne peut excéder 15 jours (Art. 13 AUA).66

 La standardisation du délai

La standardisation d’un délai de 30 jours est admise pour permettre à la Cour de désigner un
arbitre en cas de carence des parties (Art. 3, RACCJA) ou pour l’intimité de répondre à la
demande d’arbitrage (Art. 6, RACCJA ; Art 5 RACCJA) ou pour le demandeur qui souhaite
répliquer à une demande reconventionnelle (Art.15 RACCJA) ;

65
Basile ZAJDELA, L'autorité de la chose jugée devant l'arbitre du commerce international, éd. Brulant, 2018
p, 1
66
Talfi Idrissa Bachir op cit

44 | P a g e
La tenue de la réunion de cadrage doit avoir lieu au plus tard 45 jours à compter de la date de
réception du dossier. (Art 15 RACCJA)67

 La spécialisation des arbitres

Les parties prennent part à la constitution Tribunal par le choix des arbitres. En effet, les
parties peuvent choisir un ou des arbitres spécialistes du droit ou d’une technique donnée,
selon les spécificités de l’affaire. Par exemple, un collège arbitral peut être composé d’un
juriste et de deux techniciens ou d’un juriste, d’un homme d’affaires et d’un technicien. 68

 La facilité d’exécution des sentences arbitrales

L’exécution des sentences arbitrales, qui constituent de véritables jugements, est garant car
elles peuvent être exécutées à l’étranger grâce à des conventions internationales signées par de
nombreux pays dans le monde telles que la convention de New York du Juin 1958.

Paragraphe 2: Les spécificités de l’arbitrage d’investissement face à la


promotion des investissements
Parler de spécificités de l'arbitrage d'investissement reviendrait à trouver à cette forme
d'arbitrage des altérités qui justifieraient sa nature propre et la distingueraient des autres
formes d'arbitrage.

En effet, les différends entre investisseurs et États soulèvent la particularité d'aborder des
questions générales d'intérêt public moins fréquentes dans les différends privés commerciaux
internationaux. Il s'ensuit donc que l'appréciation par les tribunaux arbitraux de la conformité
au droit international des mesures prises par les pouvoirs publics, dans l'optique de la
préservation des intérêts publics, se déroule le plus souvent dans un cadre privé, selon une
procédure à huis clos empreinte d'une confidentialité qui est de plus en plus contestée. 69

La quasi-totalité des arbitrages d'investissement se déroulent donc selon cette politique de


confidentialité de l'arbitrage qui inclut le schéma du huis clos des audiences, de la non
publicité de la procédure et des audiences, de l'exclusion de tierces personnes à l'arbitrage et
de la non publication des sentences qui en découlent. L'arbitrage dans le cadre du Règlement
67
Idem
68
Acka ASSIEHUE, op cit p, 16
69
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 161

45 | P a g e
institutionnel de la CCJA ne s'en exempte donc guère. Pourtant, cet état de chose, de nos
jours, s'accommode très mal avec l'essence même de l'arbitrage d'investissement qui n'est pas
un processus strictement «privé«, comme le rappelle Redfern et Hunter, mais une procédure
présentant au contraire un caractère «hybride«, dans la mesure où ses effets juridiques sont
susceptibles de s'étendre à la sphère publique.70

Pour ce faire, nous nous appesantirons sur les enjeux liés à la transparence dans le cadre de
l'arbitrage d'investissement soumis au Règlement Ohada(1) pour ensuite aborder cette
transparence dans son contenu avec à la clé une approche de propositions eu égard à la
problématique sur la participation de tierces personnes dans l'arbitrage Ohada (2) et la
jonction d’instance (3)

2.1 Les enjeux de la transparence dans l’arbitrage d’investissement Ohada

Tout comme le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI, sur le model duquel il est bâtit, le
Règlement d’arbitrage de la CCJA est élaboré pour être appliqué à tout différend d’ordre
contractuel et donc par induction à la résolution des litiges commerciaux et de
l’investissement. Cependant, s’il est évident que le Règlement d’arbitrage de la CCJA a été

adopté dans la perspective de son application aux arbitrages commerciaux privés sous les
auspices de la CCJA, il est moins avéré que les dispositions de ce texte normatif soient
compatibles avec l’arbitrage entre un investisseur privé et un Etat, eu égard aux exigences de
l’arbitrage d’investissement.

 La prise en considération de la personne publique (L’Etat) dans l’arbitrage


d’investissement

En effet, l’arbitrage d’investissement présente certaines particularités liées à la


transparence dans la procédure que l’on ne retrouve pas dans l’arbitrage privé commercial
encore moins dans les dispositions du Règlement de la CCJA. Pourtant c’est cette
transparence qui présente un certain nombre d’enjeux qui postulent de la différenciation
entre les deux formes d’arbitrages car l’arbitrage d’investissement en soi fait naitre une
forte composante d’intérêts publics du simple fait de la participation à cet arbitrage de

70
Idem

46 | P a g e
l’Etat. Or, cette composante d’intérêt public dans le cadre d’un arbitrage d’investissement
emporte la nécessaire protection de la part de l’Etat d’un certain nombre de droits et
d’acquis fondamentaux pour lesquels la confidentialité dont l’arbitrage est généralement
empreint est battue en brèche. En effet la remise en cause du principe de confidentialité
dans l’arbitrage consacre a contrario la transparence qu’il est appelé à tous les vœux dans
l’arbitrage d’investissement.71

2.1.1 Portée et limite de la confidentialité dans le RCCJA

Tout comme les autres Règlement d’arbitrage, le Règlement de la CCJA n’échappe pas à
cette tendance généralisée de la confidentialité de l’arbitrage. Tout un article lui est es
d’ailleurs consacré, il s’agit de l’article 14 qui évoque non seulement la confidentialité
procédurale, mais aussi la confidentialité des documents soumis à la Cour ou établis par
elle à l’occasion des procédures qu’elles diligente, la confidentialité « intuitu personae »
des acteurs de l’arbitrage, la confidentialité des sentences arbitrales. Doit-on battre en
brèche cette confidentialité de l’arbitrage CCJA au profit de la transparence dans
l’hypothèse de l’application de ce Règlement à un arbitrage d’investissement ?

De la lecture de l’article 14 du RCCJA qui pose le principe de la confidentialité, il ressort


que la confidentialité est applicable non seulement à la procédure arbitrale mais aussi le

législateur Ohada à étendu cette confidentialité aux sentences arbitrales. Il s’en induit
donc le caractère privé arbitrale CCJA, non ouverte à l’information du public.

2.1.2 La nécessité de la transparence dans l’arbitrage d’investissements

La réalité change lorsque l’arbitrage fait intervenir les composantes d’intérêts publics et
que l’Etat y est impliqué. En effet, dans un arbitrage d’investissement lorsqu’on sait que la
délicatesse des mesures gouvernementales prises dans la perspective de protection des
intérêts publics est susceptible de heurter les intérêts de l’investisseur, la question se pose
de savoir si la pratique de la confidentialité arbitrale est en phase avec le devoir

71
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 163

47 | P a g e
d’information et subséquemment la publicité de l’arbitrage dans l’intérêt des populations
concernées par l’investissement ? C’est là tout l’enjeu de la question relative à la
transparence dans un arbitrage d’investissement. En effet, cette problématique pose moins
de questionnement dans les arbitrages privés commerciaux que dans les arbitrages
investisseurs-Etat étant entendu que les mesures caractéristiques de la confidentialité de
l’arbitrage telles que l’enregistrement des demandes d’arbitrages au secrétariat des
institutions d’arbitrage dans des registres non accessibles au public, le caractère non
accessible aux tierces parties aux procédures et présentation de communications et le
caractère secret des sentences arbitrale sont plus ancrées dans les codes et pratiques des
arbitrages privés commerciaux et soulèvent a contrario beaucoup d’interrogations dans les
arbitrages investisseur-Etat.

Donc si la confidentialité dans l'arbitrage commercial international est une des principales
caractéristiques appréciées par les commerçants. Grâce à ce trait particulier, des
informations sensibles ou des secrets commerciaux peuvent être protégés de l'exposition
au public au cours d'une procédure d'arbitrage. En outre, la nécessité de maintenir des
relations durables ainsi que la réputation des parties sont d'autres facteurs protégés lorsque
les différends sont résolus sans être exposés au public.72

À l’inverse, la transparence dans l’arbitrage en matière d’investissements est une exigence


de la part des États d’accueil de l’investissement et de la société civile qui découle du
droit d’accès à l’information publique, une caractéristique davantage présente dans les
démocraties actuelles.73

Nous analyserons la transparence dans l’arbitrage soumis au Règlement de la CCJA en


passant en revue deux autres nécessités liées à la confidentialité à savoir : la publication
des sentences arbitrales et la participation de tierces parties.

2.1.3 La nécessité de publication des sentences arbitrale sous l’arbitrage Investisseur-


Etat

72
Ladislau de SENA JUNIOR, La transparence dans l'arbitrage d'investissement : apports du cadre juridique
international aux réticences du Brésil face au mécanisme de RDIE, Université de Montréal, Faculté de droit,
Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Maîtrise en droit, 2021, Montréal, p, 47
73
Idem

48 | P a g e
Dans le cadre institutionnel Ohada, ce sont les dispositions du même article 14 au
paragraphe 2 qui en posant le caractère confidentiel de l’arbitrage l’étend aussi aux
sentences du tribunal arbitral. Toutefois, cette fois-ci, la confidentialité est assortie d’une
limitation tenant à l’accord contraire de toutes les parties. Il en résulte en effet que, la
sentence arbitrale Ohada ne peut être rendue publique qu’avec le consentement de toutes
les parties. Or étant entendu le caractère hybride de cet arbitrage (investisseur-Etat soumis
au Règlement CCJA), l’Etat dans sa démarche de transparence peut chercher à obtenir
l’accord de l’investisseur, partie privée à cet arbitrage, pour la publication de la sentence.
Dans cette hypothèse la partie privée (investisseur) peut s’opposer à une telle publication
et vice-versa ce qui peut constituer un blocage dans la volonté, du moins, la nécessité de
mise à disposition du public du contenu de la sentence.

2.1.4 L’impact de cette nécessité

La nécessité de publication des sentences arbitrales dans le cadre de l’arbitrage


d’investissement de la CCJA résulte du fait que ces sentences sont susceptibles d’avoir
une incidence sur le comportement futur de l’Etat, sur le budget national et le bien-être
des habitants. Or, comme nous l’avons déjà souligné, le Règlement d’arbitrage de la
CCJA, sur le fondement de son article 12 alinéa 2, n’autorise pas la publication des
sentences il dispose à cet effet, que « la confidentialité s’étend, dans les mêmes
conditions, aux sentences arbitrales ». Ce qui n’est pas de nature à conférer au processus
arbitral dans le cadre de l’investissement soumis à l’Ohada toute la transparence
nécessaire à l’information du public. Pourtant, aujourd’hui plusieurs institutions
d’arbitrage ainsi que des éditeurs indépendants publient régulièrement les sentences
prononcées par les tribunaux arbitraux.74

Force est de constater qu’à chaque étape de l’arbitrage d’investissement, la transparence


semble être une incontournable garantie pour la qualité des résultats attendus par les parties
intéressées. En fin de compte, la confidentialité, d'un seul coup, s'oppose à la consistance et à
la transparence des sentences arbitrales. Deux des principes chers à l’intérêt public.75

74
Ladislau de SENA JUNIOR, op cit, p, 48
75
Ladislau de SENA JUNIOR, op cit, p, 48

49 | P a g e
Pour Séverine MENETREY, la transparence d’arbitrage objet d’un véritable culte, elle est
revendiquée comme un droit essentiel au profit d’un public virtuel.

Or, l’examen de ce qu’elle recouvre dans les textes internationaux et la pratique arbitrale tend
à démontrer que la transparence est limitée. Elle serait davantage un mythe reposant sur un
besoin formel de renforcer la légitimité des procédures arbitrales qui mettent en jeu des intérêts
plus généraux que ceux des parties. Mais la consécration d’un droit à la transparence au profit
des tiers telle qu’elle se dessine présente des risques pour l’intégrité de la procédure arbitrale,
au-delà même du droit des investissements, qu’il convient de prévenir.76

2.2 La participation de tierces personnes (amicus curiae) dans l'arbitrage d’investissement


Ohada

En principe, l’arbitrage international public ne concerne que les États. Cet énoncé n’est
cependant pas toujours exact, notamment en matière d’arbitrage relatif à l’investissement
international où s’affrontent une partie privée et une partie publique.

Du point de vue de la sémantique juridique, l'amicus curiae est une expression légale latine
désignant l'«ami de la cour«, pour se référer à quelqu'un qui, n'étant pas partie à une cause, se
porte volontaire pour aider la cour à trancher une matière sur laquelle existe un différend.

De nos jours, l'amicus curiae cherche le plus souvent à défendre une cause au nom de laquelle
il est habilité à s'exprimer. Son action va donc bien au-delà de la simple assistance aux
tribunaux sur une question de fait ou de droit, et devient une véritable prise de position par
rapport aux enjeux juridiques du litige en cause. Pour notre part nous définirons l'amicus
curiae, ou «ami de la cour», comme l'entité ou la personne qui n'est pas partie à un différend
mais qui prend position par rapport aux enjeux juridiques du litige en cause et qui de ce fait
soumet des arguments juridiques au tribunal saisi de ce différend.77

En effet, la participation d’un tiers dans un arbitrage entre Etat et investisseur est lié à
plusieurs besoins dont on eut l’occasion d’en trouver trois essentiellement :

 Le besoin d’évaluation du préjudice et la surveillance des décisions


76
Séverine MENETREY, la transparence dans l’arbitrage d’investissement, revue de l’arbitrage vol. 12, Paris,
2018 p, 1
77
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 190

50 | P a g e
Vu donc l’intérêt public en jeu dans les différends relatifs aux investissements, nous croyons
que l’octroi d’un recours direct à certains tiers représentatifs constituerait un remède efficace
à cette problématique. En étant parties, les tiers intéressés pourraient non seulement faire
valoir leur réclamation, mais également, en ayant accès à l’information échangée entre
l’investisseur et l’État, ils auraient la possibilité de mieux évaluer l’ampleur du préjudice subi.
Par conséquent, ils bénéficieraient d’un réel droit à la réparation. De plus, la présence de
tierces parties permettrait une meilleure surveillance des décisions prises dans les règlements
hors de Cour. De plus, s’il y avait possibilité de recours pour des tiers à l’intérieur même
d’une instance entre un investisseur et un État donné, l’arbitre serait en mesure d’évaluer tous
les impacts des faits et de sa décision. Ainsi, il rendrait une sentence qui tient compte de tous
les faits, à tous les niveaux.78

 Le besoin d’élargissement de la compétence des arbitres

Ces lacunes, tant celle liée au caractère commercial des antécédents de l’arbitre que celle liée
à la rédaction des textes, pourraient certes être réglées autrement que par l’admission des
réclamations de tiers, Cependant, le tiers représentatif d’une partie de la population qui
présenterait une réclamation et non seulement une opinion soulèverait ses arguments propres
et forcerait l’arbitre à considérer des aspects factuels et juridiques qui ne seraient autrement
pas adressés. Par exemple, si dans une situation comme celle de l’affaire Bechtel
Corporation, la population avait pu se joindre à la procédure d’arbitrage et réclamer un
dédommagement pour les frais additionnels, voire abusifs, d’approvisionnement en eau
qu’elle a dû payer, l’arbitre aurait dû non seulement évaluer la perte subie par l’investisseur,
mais également celle de la population. Si, par surcroît, cette réclamation avait été faite contre
l’État lui-même pour avoir signé un contrat malgré l’opposition populaire, nous imaginons
mal un décideur condamner un gouvernement sur les deux fronts (la réclamation de
l’investisseur et celle de la population), car le caractère aberrant de telles condamnations
apparaîtrait alors. Le fait de pouvoir adresser tous les points litigieux en un même forum
permettrait, dans de telles situations, de faire en sorte que l’arbitre étend son étude et sa
compréhension des faits et des questions de droit et, ainsi, il élargirait sa compétence. À
l’instar du droit interne qui permet l’intervention ou la mise en cause d’un tiers, l’admission

78
Carole Fortier, Les tiers dans le contentieux arbitral des investissements internationaux : de l’intervention au
recours direct, Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Maitrise en droit Spécialisation Droit des
affaires, Université de Montréal, Montréal 2013 p, 27

51 | P a g e
de la réclamation de tiers procurerait le même avantage, c’est-à-dire, le règlement en une
seule instance de toutes les réclamations reliées aux mêmes faits. Sans compter qu’une telle
participation de tiers rendrait public (dans certains cas) un processus habituellement privé. 79

 L’absence du consentement des parties litigantes

L’absence du consentement des parties aux traités, donc, absence de consentement des États
signataires, constitue l’écueil majeur à la participation de tiers à titre de parties à l’arbitrage
international. En effet, malgré la présence dans les nouveaux TBI de dispositions permettant
expressément la présentation d’opinions d'amicus curiae, ce ne sont pas tous les instruments
relatifs aux investissements qui contiennent de telles dispositions et ceux qui le font ne vont
pas jusqu’à donner un recours à ces amis de la Cour. Donc, argumentera-t-on, tout arbitrage
ne peut avoir lieu que du consentement des parties et, par conséquent, le silence des textes
reviendra à dire que les parties n’ont pas consenti à une telle participation des tiers à la
procédure. Ce raisonnement vaut a fortiori pour les instruments qui ne contiennent aucune
disposition permettant l’opinion d’amicus curiae. Nous désirons cependant démontrer ici que
l’exigence du consentement a évolué et que de plus en plus le droit international considère ce
consentement non plus en fonction de l’expression de celui-ci par son auteur, mais comme un
élément autonome.80

La question majeure que l’on doit se poser est celle de savoir si l’amicus curiae
s'accommode-t-elle à la pratique de la confidentialité de l’arbitrage Ohada
d’investissement ?

Bien évidemment nous répondrons par la négative, la politique de confidentialité de l'article


14 du Règlement d'arbitrage de la CCJA s'accommode très mal avec l'admission de l'amicus
curiae. En effet, on comprend mal comment tout en protégeant la confidentialité l'arbitrage
dans le cadre d'un investissement soumis au Règlement CCJA pourrait admettre l'intervention
et/ou la participation de tierces personnes à cet arbitrage. On nous opposera qu'il reviendra au
tribunal arbitral saisi d'une telle demande d'apprécier la légitimité de l'admission de tierces
personnes dans le processus arbitral. Mais la question serait de savoir sur quel fondement le
tribunal arbitral légitimerait-il sa compétence ? On sait que certains tribunaux arbitraux dont
notamment le CIRDI ont admis l'amicus curiae et donc la présentation d'observations écrites,
sur la base de l'article 44 de la Convention. Or, une telle disposition n'existe ni dans le Traité
de l'Ohada ni dans le Règlement d'arbitrage de la CCJA. Pourtant, au vue de l'importance et
79
Carole Fortier, op cit p, 32
80
Idem, p. 46

52 | P a g e
du rôle de la participation de tierces personnes dans un arbitrage d'investissement il urge que
le Règlement d'arbitrage de la CCJA se remodèle dans ce sens.81

L'admission de l'amicus curiae dans l'arbitrage Ohada aura donc pour fondement d'une part la
volonté des parties ou à défaut d'autre part le règlement institutionnel d'arbitrage. Les
avantages qui résulteraient d'une telle acceptation procédurale sont telles qu'il y aura une
véritable prise de position de la société civile ou de personnes intéressées par les enjeux
juridiques du litige en cause. En bref, il est clair que le besoin de tenir compte du point de vue
de tiers intéressés, les questions sur lesquelles ces tiers peuvent se prononcer, le cadre
juridique applicable à ces interventions et les sources de ce cadre sont autant de questions
juridiques qui nécessitent clarification, du moins dans le contexte du Règlement Ohada de
l'arbitrage qui ne disposent pas d'une disposition ou d'une pratique établie en matière d'amicus
curiae.82

2.3 La jonction d’instance

La jonction est le mécanisme procédural par lequel deux instances, voire plus, sont réunies en
une procédure unique concernant toutes les parties voire tous les différends quelle que
puissent être leur nature. Il s'agit d'un concept récent pour l'arbitrage en matière
d'investissement, mais qui n'est pas nouveau dans le contexte de l'arbitrage commercial, où il
est utilisé lorsque plusieurs procédures arbitrales ont été ouvertes en parallèle. La jonction
d'instances dans le cadre d'un arbitrage d'investissement CCJA présente un grand intérêt pour
les investisseurs puisque les relations et les différends qui en découlent peuvent souvent
concerner un grand nombre de parties et de contrats. Dans le domaine de l'arbitrage en
matière d'investissement, qui met en jeu des questions d'intérêt public, le risque d'incohérence
des sentences, bien qu'il soit faible, reste un argument non négligeable en faveur de la
jonction d'instances. En conséquence, un État pourrait être confronté à deux sentences
contradictoires concernant une même mesure (une décision qui le condamnerait pour violation
de ses obligations internationales et l'autre qui ne lui imputerait aucune responsabilité. 83

81
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 196
82
Idem p, 197
83
Ididem, P, 198

53 | P a g e
Le code de règlement de procédures d'arbitrage applicable devant le CCJA ne comporte
aucune disposition relative à la jonction d'instances.

Dans toutes ces hypothèses la jonction d'instances peut paraître être la solution idoine en vue
de la résolution efficace des différends conflictuels auxquels les parties pourront faire face
dans le cadre de cet investissement. Cette consolidation a le mérite, d'une part d'éviter les
jugements contradictoires et la duplication des opérations, notamment des expertises ou
l'audition des témoins, et de limiter ainsi les coûts et d'autre part, d'éviter le risque de
sentences contradictoires qui pourraient résulter d'autres procédures parallèles étant entendu
qu'une saine justice ne saurait s'accommoder de décisions même indirectement
contradictoires, c'est-à-dire n'ayant pas le même objet, mais portant sur des prétentions
dépendant l'une de l'autre.84

84
Cassius Jean SOSSOU, op cit p, 200

54 | P a g e
Paragraphe 3: Tendance Jurisprudentielle de la CCJA dans l’arbitrage
d’investissement

Arrêt n° 139/2015, Rec. n° 130/2014/PC du 25/07/2014 :

REPUBLIQUE DE GUINEE c/ GETMA International. Cour Commune de Justice et d'Arbitrage


(CCJA) Arrêt du 19/11/2015

Nature de la procédure : Internationale Pays d'origine de l'investisseur : France

Type d’affaire : investisseur-Etat Défendeur : Guinée

Type d’industrie : Land Transportation,

Logistics & Storage


Statut de l’affaire : décidée en faveur de
l’investisseur
Institution : CCJA

Régle arbitrage : Règlement arbitrage CCJA

Siège de l’arbitrage : Loi applicable : Guinée, Traité relatif à l’harmonisation du


droit des affaires en Afrique

SENTENCE

Les parties

La Demanderesse est la Société GETMA INTERNATIONAL, SAS au capital de 16,


000,000.00 €, immatriculée au Registre du commerce et des Sociétés RCS de Paris le 6 mars
1991, sous le n° B 350 701 272, dont le siège est sis au 40, Avenue George V, 75008, Paris
(la "Demanderesse" ou "GETMA"). Elle appartient au Groupe NCT NECOTRANS.

55 | P a g e
La Défenderesse est la République de Guinée, représentée par l'Agent Judiciaire de l'Etat,
faisant élection de domicile au BP 1005, Conakry, République de Guinée
(la "Défenderesse" ou "la Guinée").

Le tribunal arbitral

Le tribunal arbitral est constitué de :

Maître Juan Antonio CREMADES

arbitre désigné par la Demanderesse ;

Maître Eric TEYNIER

arbitre désigné par la Défenderesse ;

Le Professeur Ibrahim FADLALLAH

Président du tribunal arbitral, désigné par les deux Co-arbitres conjointement.

La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA a confirmé la désignation de MM.


Juan Antonio Cremades, Eric Teynier et Ibrahim Fadlallah par décisions rendues
respectivement les 28 novembre 2011 (n° 65/2011), 7 décembre 2011 (n°68/2011) et 25
janvier 2012 (n°001/2012), conformément aux articles 2 et 3 du règlement de la Cour (ci-
après Règlement).

Avec l'accord des Parties, le tribunal arbitral a désigné Mme Marie SFEIR SLIM Secrétaire
du tribunal arbitral.

Aperçu général

La République de Guinée a signé avec GETMA INTERNATIONAL, le 22 septembre 2008,


une "Convention de mise en Concession du Terminal à Conteneurs du Port de Conakry, son
extension et l'aménagement d'un espace de la gare ferroviaire." (Ci-après la Convention de

concession ou la Concession). Un Avenant n° 1 à cette concession a été signé le 7 novembre


2009.

Par décret du 8 mars 2011, signé du nouveau Président, M. Alpha CONDE, la République de
Guinée a résilié ladite concession "pour manquements aux obligations du Concessionnaire" et
ce "avec effet immédiat". La Concession a été attribuée sans délai au Groupe Bolloré.

Le présent litige est né de la résiliation de la Convention de concession.

56 | P a g e
CLAUSE D'ARBITRAGE

L'article 31 de la Convention de concession stipule :

"La présente clause survivra à la résiliation de la convention.

Le traité OHADA et ses actes uniformes subséquents s'appliquent à la présente convention.

Tout différend ou litige découlant de la présente convention ou de ses avenants sera réglé à
l'amiable.

A défaut d'un règlement amiable dans les 3 (trois) mois suivant la contestation, les Parties
pourront recourir à l'arbitrage de la manière stipulée ci-après :

Le grief, différend ou litige sera tranché définitivement et irrévocablement aux termes d'une
procédure arbitrale soumise au Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage OHADA ("le Règlement d'arbitrage CCJA").

La commission arbitrale sera composée de 3 (trois) arbitres, l'un désigné par le Concédant, le
second par le Concessionnaire, et le troisième d'un commun accord par les deux arbitres. Si
une Partie ne nomme pas un arbitre dans un délai de trente (30) jours à compter de la
réception d'une demande à cette fin émanant de l'autre Partie, ou si les deux arbitres ne
s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai de trente (30) jours (à compter
de la désignation la plus tardive des deux), la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage se
substituera aux Parties conformément au Règlement d'arbitrage CJCA.

Chacune des Parties supportera le coût de l'arbitre qu'elle désigne. Les autres coûts engendrés
par l'arbitrage seront partagés à égalité entre les Parties.

L'arbitrage sera conduit en langue française à Abidjan, République de Côte d'ivoire.

L'Autorité Concédante renonce expressément à se prévaloir pour elle-même et pour ses biens
de toute immunité souveraine afin de faire échec à l'exécution d'une sentence rendue par une
commission arbitrale constituée conformément à la présente clause ".

Les demandes

 Getma international

GETMA demande au tribunal arbitral de :

57 | P a g e
"Dire et juger irrégulière, nulle et de nul effet la résiliation de la Convention de concession
décrétée par le Président de la République de Guinée ;

Constater que, du fait de la nouvelle Convention de concession consentie le 11 mars 2011 à


BAL, ou à toute autre société du groupe Bolloré, le retour au «statu quo ante bellum » est
désormais impossible ;

Rejeter la demande reconventionnelle de la République de Guinée.

Condamner la Défenderesse à indemniser le Concessionnaire du préjudice subi du fait de la


résiliation de la Convention de concession, et la condamner à payer la somme de 42, 005,221

Laisser à la charge de la Défenderesse l'ensemble des frais, dépens et honoraires notamment


d'avocats et autres conseils supportés par la Demanderesse au titre de l'Arbitrage."

 République de guinée

La République de Guinée demande au tribunal arbitral de :

« Dire et juger régulière et fondée la résiliation immédiate et sans indemnité de la Convention


portant mise en concession du Terminal à Conteneurs du Port de Conakry et de son Avenant
n° 1 ;

Rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Getma International à l'encontre de la
République de Guinée en toutes fins qu'elles comportent ;

Condamner la société Getma International à prendre en charge la totalité des coûts du présent
arbitrage, y compris les honoraires d'avocats et toutes autres dépenses engagées par la
République de Guinée pour les besoins de sa défense. " (Mémoire récapitulatif du 1er juillet
2013)

A l'audience du 16 décembre 2013, la République de Guinée a, en outre, demandé :

• un délai de 4 mois pour réunir les preuves de la corruption alléguée de GETMA ;

• la possibilité de demander ultérieurement l'autorisation de présenter de nouvelles pièces et


de modifier les demandes.

Confidentialité de la pièce R107

La République de Guinée a demandé que la pièce R 107 soit tenue confidentielle. GETMA
estime qu'elle ne peut se laisser attaquer sans répondre.

Le tribunal considère que, dans la mesure où la pièce R 107 n'est produite que dans le présent
arbitrage, elle est couverte par la confidentialité de l'arbitrage. Elle réserve néanmoins les
droits de la défense de GETMA qui ressortissent aux droits fondamentaux.

Droit applicable
58 | P a g e
Les Parties ont consacré des développements substantiels au droit applicable bien que, lors de
la réunion du 12 mars 2010, l'une et l'autre aient admis que :

"Conformément à l'article 31 (2) de la Convention de Concession, le traité OHADA et ses


actes uniformes subséquents s'appliquent au contrat de concession.

En outre, conformément à l'article 5 du Cahier des Charges, la Concession reste soumise aux
lois, règlements et conventions en vigueur en République de Guinée."

 Position de la demanderesse

La demanderesse, s'appuyant sur une consultation du Professeur Mathias AUDIT, soutient


que la

Convention de concession en cause est un contrat d'Etat internationalisé dont la résiliation ne


peut être gouvernée par le droit interne guinéen. Elle s'appuie sur une résolution de l'institut
de Droit international (Athènes, 1979 ; Rev. crit. DIP 1980.427) qui déclare que, si telle est
leur volonté, les parties à un contrat d'Etat peuvent décider de le soustraire à l'application
exclusive d'un droit interne déterminé, notamment pour les problèmes de responsabilité
contractuelle posés par l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs souverains à l'encontre d'un
engagement qu'il a pris envers le cocontractant (C 202).

La volonté de placer la Convention de concession sous le régime des contrats d'Etat résulte,
selon la Demanderesse, de la référence expresse de la Convention au Traité OHADA relevant
du droit international public, de la rédaction de la clause à'electio juris qui donne préséance
aux stipulations de la Convention et relègue le droit guinéen dans un rôle subsidiaire et,
surtout, de l'article 32.5 de la Convention qui soumet l'exercice du pouvoir normatif de l'Etat à
une indemnisation.

Les Parties ont ainsi entendu appliquer les stipulations contractuelles et les principes du droit
international, dont le principe de bonne foi et le principe "venire contra factuum
proprium". La Demanderesse cite la doctrine relative à l'investissement international

Pour la Demanderesse, ce ne pourrait être qu'à titre subsidiaire que le droit interne guinéen
trouve à s'appliquer. En ce cas, la demanderesse rappelle que l'application du droit interne doit
se faire dans le respect du domaine d'application des textes et des règles d'application dans le
temps (Mémoire récapitulatif n° 421-440).

59 | P a g e
 Position de la défenderesse
La République de Guinée fait valoir que l'article 17 du Règlement d'arbitrage CCJA consacre
l'autonomie des Parties quant à la détermination du droit applicable au fond du litige. Ce droit
a été précisé à l'article 31 de la Convention qui stipule que s'appliquent le Traité OHADA et
ses actes uniformes subséquents et à l'article 5 du Cahier des charges qui soumet la
concession "aux lois, règlements et consentions en vigueur en République de Guinée". Les
mentions ont été reprises à la section X du compromis d'arbitrage du 12 mars 2012.

GETMA n'a formulé aucune réserve sur la désignation du droit applicable lors de la signature
de ce compromis. S'appuyant, elle aussi, sur la Résolution précitée de l'IDI, la Défenderesse
souligne que les Parties sont soumises aux règles de droit qu'elles ont choisies et peuvent, à
cet égard, désigner dans le contrat. La Résolution vise les possibilités de choix : "soit un ou
plusieurs droits internes ou les principes communs à ceux-ci, soit les principes appliqués dans
les rapports économiques internationaux, soit le droit international, soit une combinaison de
ces sources de droit". Or, la Convention et le Compromis ne se réfèrent pas aux principes du
droit international. GETMA méconnaît donc le droit expressément formulé- le droit guinéen -
et privilégie des principes généraux ignorés des accords sur la loi applicable.

La référence au Traité OHADA n'a pas pour effet d'exclure le droit guinéen. Les Actes
Uniformes OHADA sont, en réalité, directement incorporés au droit interne (Art. 10 du Traité
OHADA) dans le domaine limité du droit des affaires. Ce n'est pas un système complet de
normes qui pourrait se substituer au droit guinéen, ni internationaliser le contrat.

Le tribunal arbitral

Le tribunal arbitral constate que l'article 7.1 de la Convention de Concession prévoyait que "le

Concédant pourra prendre part au capital de ladite société [STCC]" sans prévoir le niveau de

participation auquel la République de Guinée pouvait prétendre.

Par lettre du 17 juin 2009, le Président du Conseil d'administration de STCC a adressé à la


Présidence de la République une lettre précisant :

"Concernant l'Etat guinéen, nous confirmons que conformément aux engagements de l'article
7.1 de la Convention de Concession, celui-ci a toujours la faculté de prendre une part dans le
capital social de STCC. Nous vous confirmons aussi en tant que de besoin les indications
fournies lors de la réunion du 27 mai 2009 aux termes desquelles GETMA a la volonté de

60 | P a g e
céder à l'Etat guinéen à tout moment S % du capital qu'elle détient dans la société STCC, étant
précisé que cette cession se fera sur la base de la valeur nominale des actions.

La lettre indiquait que STCC restait "ouverte à toute négociation".

En conclusion, le tribunal arbitral constate que les conditions de la résiliation, telles que
convenues par les parties ne sont pas réunies en la forme, ce qui suffit à constater que la
résiliation n'était pas valide.

Elles ne sont pas non plus établies au fond. Pour habile qu'elle soit, la reconstitution a
posteriori de causes justificatives de résiliation relève davantage de supputations que d'une
démonstration irréfutable.

Le tribunal arbitral constate à cet égard que le témoin présenté par la République de Guinée a
admis que les conditions contractuelles de mise en œuvre de la résiliation n'avaient pas été
respectées pour que GETMA ne puisse faire obstacle à l'octroi de la concession à l'entreprise
BOLLORE (Transcript, 28 mai 2013, p. 54, lignes 36 à 44 et p. 55, lignes 1 à 3).

DISPOSITIF

Le tribunal arbitral :

1- Rejette la demande de la République de Guinée de bénéficier d'un délai de quatre mois


pour réunir les preuves de la corruption alléguée à l’encontre de la Société GETMA
international SAS ;

Statuant au fond,

2- Dit irrégulière la résiliation de la Convention de mise en concession du Terminal à


conteneurs conclue le 22 septembre 2008 entre la République de Guinée et la Société
GETMA International SAS ;

3- Constate que, du fait de la nouvelle convention de concession conclue le 11 mars 2011


avec BAL ou toute autre société du Groupe BOLLORE, le retour au statu quo ante est
désormais impossible;

4- Condamne la Défenderesse à indemniser la société GETMA International SAS du


préjudice subi du fait de la résiliation, qui se décompose ainsi :

a. Une indemnité forfaitaire de résiliation de 20, 884,966 € ;

b. Une indemnité de résiliation relative aux biens concédés de 3, 234,995 € ;

c. Le montant non amorti du Ticket d'entrée de 14, 201,096 € ;

61 | P a g e
5- Condamne en outre la Défenderesse à verser à GETMA une indemnité relative aux stocks
non restitués de 210,070 € ;

6- Rejette toutes les autres indemnités demandées par GETMA International SAS ;

7- Dit que les montants alloués aux paragraphes 4 et 5 ci-dessus produiront intérêts, au taux
d'escompte de la Banque Centrale Européenne majoré d'un pour cent, et ce depuis la requête
d'arbitrage, le 10 mai 2011, jusqu'à complet paiement ;

8-Maintient la confidentialité de la pièce R 107, dans le cadre de la procédure d'arbitrage,


sous réserve des droits de la défense ;

9- Sur les frais :

- Laisse à chaque Partie la charge de ses propres frais légaux (avocats, consultations, experts,
témoins) ;

- Dit que les Parties supporteront à égalité les autres frais de l’arbitrage ;

- Constate que la Cour a fixé les frais d’arbitrage à 100, 480,332. FCFA, dont 40, 480,332
FCFA comme honoraires pour les arbitres ;

- Dit que la Partie qui aura payé plus que sa part a le droit d’exiger de l'autre le
remboursement du surplus ;

10- Rejette toutes autres demandes des parties.

6- Rejette toutes les autres indemnités demandées par GETMA International SAS ;

7- Dit que les montants alloués aux paragraphes 4 et 5 ci-dessus produiront intérêts, au taux
d'escompte de la Banque Centrale Européenne majoré d'un pour cent, et ce depuis la requête
d'arbitrage, le 10 mai 2011, jusqu'à complet paiement ;

8- Maintient la confidentialité de la pièce R 107, dans le cadre de la procédure d'arbitrage,


sous réserve des droits de la défense ;

9- Sur les frais :

- Laisse à chaque Partie la charge de ses propres frais légaux (avocats, consultations, experts,
témoins) ;

- Dit que les Parties supporteront à égalité les autres frais de l’arbitrage ;

62 | P a g e
- Constate que la Cour a fixé les frais d’arbitrage à 100, 480,332. FCFA, dont 40, 480,332
FCFA comme honoraires pour les arbitres ;

- Dit que la Partie qui aura payé plus que sa part a le droit d’exiger de l'autre le
remboursement du surplus ;

10- Rejette toutes autres demandes des parties.

63 | P a g e
CONCLUSION

L’Ohada a pratiquement tout à gagner à s’engager dans la voie de l’arbitrage


d’investissement. C’est non seulement un élargissement du champ de l’arbitrage Ohada mais
c’est aussi le prolongement naturel de la philosophie de l’Ohada qui est la sécurisation des
investissements par la promotion et le développement de l’arbitrage. Et on le voit, l’arbitrage
d’investissement présente certaines opportunités pour l’Ohada.

Un bémol cependant. Si l’arbitrage d’investissement présente les opportunités certaines pour


l’Ohada, il faut aussi relever que l’Ohada doit bien asseoir le dispositif de l’arbitrage
d’investissement. Le premier a été franchi en introduisant expressément l’arbitrage
d’investissement dans le système Ohada. Cependant, ce n’est qu’un premier pas. D’autres pas
doivent être faits et le plus rapidement possible et ce dans le sens de mieux construire l’édifice
du système d’arbitrage d’investissement. En effet, les deux seules dispositions de l’AUA et du
RCCJA sont insuffisantes pour faire de l’arbitrage d’investissement. On peut même se
demander par quelle légèreté ces seules dispositions permettant d’asseoir un véritable
système » d’arbitrage d’investissement mais aussi à s’adjoindre des arbitres rompus à ce type
d’affaires pour rendre ainsi le centre plus attractif et ce d’autant plus que certains modes de
règlement des différends d’investissements sont prospectés pour offrir d’alternative à
l’arbitrage d’investissements, notamment par la CNUCED, car si ce n’est fait, on pourrait,
comme se demandait Walid Ben Hamida « où va l’arbitrage des investissement ?, « où irait
l’arbitrage d’investissement Ohada ? ».

Dans l’autre paire de manche existe le principal reproche à faire au dispositif réglementaire
de l’Ohada qui consiste en l’absence de publication de ce que l’on peut appeler « les débats
parlementaire ». Il n’y a certes pas de parlement Ohada, mais avant l’adoption des Actes
uniformes il y a tout un processus permettant de discuter les dispositions des avant-projets et
des projets d’Actes uniformes, jusqu’aux discussions des « réunions d’expert » et l’avis de la
CCJA sur les avant-projets d’Actes uniformes permettant de comprendre l’esprit dans lequel
les dispositions définitives des Actes uniformes ont été adoptés.

Aucune publication des travaux préparatoires (notamment les rapports de présentation des
avant-projets ou les rapports de discussions des réunions des experts sur les projets d’Actes
uniformes encore moins les rapports de présentation des experts ayant eu la charge de
préparer les avant projets d’Actes uniformes) n’est organisée ou prévue, seuls les Actes

64 | P a g e
uniformes sont publiés au journal officiel de l’Ohada et parfois aux journaux officiels des
Etats-membres.

Dès lors, il est logique que le droit Ohada de l’arbitrage, autant dans son volet normatif
(AUA) qu’institutionnel (CCJA) se positionne en matière d’arbitrage d’investissements. Si
l’acceptation des instruments juridiques relatifs aux investissements et la mise en place de
certaines garanties institutionnelles corrélatives par la CCJA caractérisent une ouverture
certaine de l’offre d’arbitrage Ohada, il est nécessaire de renforcer cette tendance autant par
des arguments substantiels (définition des notions d’investissement, d’investisseur, etc.) que
procéduraux (transparence de la procédure, admission des tierces personne, etc.).85

85
https://jusmundi.com/fr/document/decision/fr-getma-international-v-republic-of-guinea-i-award-
tuesday-29th-april-2014, Page consultée le 06/10/2023

65 | P a g e
BIBLIOGRAPHIE

I. Textes juridiques

1. Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage le 23 novembre 2017


2. Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage du 23 novembre 2017
3. de la loi n°004 du 21 février 2002 portant code des investissements

II. Ouvrages

1. Abdoulaye SAKHO, Deux clés de compréhension des atouts de l’arbitrage dans


l’espace Ohada, Res Consortium pour la recherche économique et social, 2020

2. Acka ASSIEHUE, Système d’arbitrage de la cour commune de justice et d’arbitrage


de l’Ohada, Guide pratique de procédure, 2016

3. Basile ZAJDELA, L'autorité de la chose jugée devant l'arbitre du commerce international,


édition. Brulant, 2018

4. Benoit Le Bars, Droit des sociétés et de l’arbitrage international, Pratique en droit de l’Ohada
éditions l’extenso

5. Chrysoula PANOU, Le consentement à l’arbitrage, Etude méthodologique du droit


international privé de l’arbitrage édition. IRJS, 2008

6. Felix ONANA ETOUNDI, Ohada « Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour


Commune de Justice et d’Arbitrage en matière d’interprétation et d’application du Droit
Ohada,
7. Gaston KENFACK DOUAJNI, L’arbitrage Ohada, Droit Ohada & Droit
communautaire Africains, édition. Presses Universitaires de Pau et des Pays de
l'Adour, 2014

8. Gilles MOUGENOT, Tout savoir sur l’investissement, Gualino, édition. l’extenso

66 | P a g e
9. Hélène SABALBAL, Le droit applicable dans l’arbitrage d’investissement, expérience euro-
arabe Ed. l’harmattan, 2022

10. Jean-Marie MBOKO DJ’ANDIMA, Droit congolais des services publics, édition. l’harmattan,
Académie, Bruxelles

11. Jean Sossou BIADJA CASSIUS, Le droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA :
Rapport aux règles et principes de l’arbitrage d’investissement édition. Universitaires
européennes, France, 2020

12. Moktar AMADOU, Droit et investissement en Afrique, colloque scientifique en prélude des
mélanges en l’honneur du professeur C. Dorothée SOSSA, CREDIJ, 2021

13. Olivier CUPERLIER, La protection des investissements dans les pays de l’espace OHADA : un
modèle transposable pour un lex mediterranea édition. OHADATA D-2008

14. Pierre MEYER Ohada, Droit de l’arbitrage. Collection Droit uniforme africain,
Bruylant, Bruxelles, juriscope

15. Walid Ben HAMIDA, La participation des personnes publiques subsahariennes à l’arbitrage
relatif aux investissements, les cahiers de l’arbitrage, 2012

III. Cours thèse et mémoires

1. Carole FORTIER, Les tiers dans le contentieux arbitral des investissements


internationaux : de l’intervention au recours direct, Mémoire présenté en vue de
l’obtention du grade de Maitrise en droit Spécialisation Droit des affaires, Université
de Montréal, Montréal 2013

2. Cassius Jean SOSSOU, L’arbitrage Ohada à l’épreuve de l’arbitrage investisseur-état


Université de Genève, Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales du Développement

3. Ladislau de SENA JUNIOR, La transparence dans l'arbitrage d'investissement :


apports du cadre juridique international aux réticences du Brésil face au mécanisme de

67 | P a g e
RDIE, Université de Montréal, Faculté de droit, Mémoire présenté en vue de
l’obtention du grade de Maîtrise en droit, 2021, Montréal,

IV. Articles et revues

1. El hadji MAME GNING, L’arbitrage commercial dans l’espace Ohada, édition, Lefebvre
dalloz, Paris

2. Talfi Idrissa BACHIR, Arbitrage investissement, la lettre juridique, éd n°759 du 25/10/2018

3. Jean MOMNOUGUI, Arbitrage des investissements Ohada : évolution ou révolution ?


actualité du droit, wolters, kluwer

4. Yassine ASSILA, Le caractère contractuel et juridictionnel de l’arbitrage


commercial, Casablanca, Avril 2016

5. United Nations Commission on International Trad Law, Le règlement des différends


relatifs aux investissements par l’arbitrage et la médiation dans l’espace Ohada

6. Thierry LAURIOL, compte –rendu de la journée d’Etude sur « Les investissements en


Afrique et l’arbitrage », MTM n° 2729

7. Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, Règlement des


différends, Arbitrage commercial international, Nations Unies, New York et Genève
2005

8. Séverine MENETREY, la transparence dans l’arbitrage d’investissement, revue de


l’arbitrage vol. 12, Paris, 2018

V. Webographie

1. Notion de l’arbitrage (en Ligne) sur www.wipo.int/amc/fr/arbitration/what-is-arb.html.


Page consultée le 21 mai 2023

2. Qu’est-ce qu’un investisseur (en ligne) sur www.bnppre.fr/glossaire/investisseur.html


page consulté le 14/07/2023

3. Qu’est-ce qu’un investissement (en ligne) sur


www.bnppre.fr/glossaire/investissement .html page consulté le 14/07/2023

68 | P a g e
4. Qu’est-ce que l’arbitrage institutionnel (en ligne) sur www.google.com/qu’est-ce-que
l’arbitrage institutionnel, page consultée le 29 août 2023

5. L’arbitrage ad hoc (en ligne) sur


www.international-arbitration-attorney.com/fr/arbitragem-instiutionnal-ou-ad-hoc/ page
consultée le 21 août 2023

6. https://jusmundi.com/fr/document/decision/fr-getma-international-v-republic-of-guinea-i-award-
tuesday-29th-april-2014, Page consultée le 06/10/2023

69 | P a g e
TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE............................................................................................................................................1
DEDICACE..............................................................................................................................................2
REMERCIEMENTS................................................................................................................................3
SIGLES ET ABREVIATIONS................................................................................................................4
INTRODUCTION....................................................................................................................................5
I. Revue de la littérature................................................................................................................5
II. Etat de la question..................................................................................................................7
III. Problématique.........................................................................................................................8
IV. Hypothèses.............................................................................................................................10
V. Intérêt de l’étude.......................................................................................................................11
VI. Méthodes................................................................................................................................11
VII. Délimitation du sujet............................................................................................................12
VIII. Annonce du Plan...............................................................................................................12
CHAPITRE 1 : ANALYSE CONCEPTUELLE ET INSTITUTIONNALISATION DE
L’ARBITRAGE D’INVESTISSEMENT DANS L’ESPACE OHADA................................................13
SECTION 1 : ANALYSE CONCEPTUELLE.......................................................................................13
Paragraphe1 : L’arbitrage...................................................................................................................13
1.1 Notion de l’arbitrage....................................................................................................................13
1.2 Nature de l’arbitrage.............................................................................................................13
1.2.1 Nature contractuelle de l’arbitrage...........................................................................................13
1.2.2 La Nature Juridictionnelle de l’arbitrage.................................................................................15
1.2.3 Quid de l’arbitrage d’investissement en droit de l’Ohada ?.....................................................15
1.3 Le fondement de l’arbitrage..................................................................................................16
1.3.1 La convention d’arbitrage.................................................................................................16
Paragraphe2 : Investisseur et Investissement.....................................................................................20
2.1 Vue du monde Scientifique............................................................................................................21
2.2 Dans le code congolais des investissements.................................................................................22
2.3 Dans L’AUA et dans le RACCJA..................................................................................................23
SECTION 2 : INSTITUTIONNALISATION DE L’ARBITRAGE......................................................24
D’INVESTISSEMENT DANS L’ESPACE OHADA...........................................................................24
Paragraphe1 : Le cadre normatif.........................................................................................................24
1.1 La consécration textuelle de l’arbitrage d’investissement dans l’espace Ohada.......................24
1.2 La portée de l’AUA de 2017 instaurant l’arbitrage d’investissement..........................................24
1.3 L’AUA, le RCCJA et le Traité : Compétence non contradictoires mais complémentaire............26
Paragraphe2 : Le cadre juridictionnel.................................................................................................29
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2.3 Le souci du positionnement de la CCJA et ses avantages............................................................30
2.5 Autres Compétences de la Cour...................................................................................................34
CHAPITRE 2 : LA PRATIQUE DE L’ARBITRAGE...........................................................................36
D’INVESTISSEMENTS A L’EPREUVE DE LA.................................................................................36
PROMOTION DES INVESTIMENTS DANS......................................................................................36
L’ESPACE OHADA.............................................................................................................................36
SECTION 1 : LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS PAR LES GARANTIES...................36
PROCEDURALES.................................................................................................................................36
Paragraphe1 : Principes novateurs de l’arbitrage d’investissement dans...........................................36
l’espace Ohada....................................................................................................................................36
1.1.4 Principe de l’autorité de la chose jugée...................................................................................43
Paragraphe 2: Les spécificités de l’arbitrage d’investissement face à la.....................................45
promotion des investissements........................................................................................................45
2.1.3 La nécessité de publication des sentences arbitrale sous l’arbitrage Investisseur-Etat........48
2.1.4 L’impact de cette nécessité.......................................................................................................49
2.2 La participation de tierces personnes (amicus curiae) dans l'arbitrage d’investissement Ohada
............................................................................................................................................................50
2.3 La jonction d’instance.................................................................................................................53
Paragraphe 3: Tendance Jurisprudentielle de la CCJA dans l’arbitrage d’investissement.....55
CONCLUSION.................................................................................................................................64
BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................................66
TABLE DES MATIERES......................................................................................................................70

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