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Cahiers de littérature orale

88 | 2022
Oralités enfantines et littératures

Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire


Ethnocritique de « La mort du pou » d’Andrée Chedid (Fêtes et lubies)
Nursery rhyme, poetry for children and school reason Ethnocriticism of Andrée
Chedid's "La mort du pou"

Sophie Ménard

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/clo/9025
DOI : 10.4000/clo.9025
ISSN : 2266-1816

Éditeur
INALCO

Édition imprimée
Date de publication : 9 décembre 2022
Pagination : 61-86
ISBN : 978-2-85831-413-3
ISSN : 0396-891X

Référence électronique
Sophie Ménard, « Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire », Cahiers de littérature orale [En
ligne], 88 | 2022, mis en ligne le 13 octobre 2022, consulté le 27 octobre 2022. URL : http://
journals.openedition.org/clo/9025 ; DOI : https://doi.org/10.4000/clo.9025

Creative Commons - Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International - CC BY-NC 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/
Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire
Ethnocritique de « La mort du pou »
d’Andrée Chedid (Fêtes et lubies)

Sophie Ménard
Université de Montréal

Andrée Chedid, grande poète française d’origine égypto-libanaise, a publié de


nombreux livres de poésie destinés aux enfants : Fêtes et Lubies : petits poèmes
pour les sans-âge (publié chez Flammarion en 1973), Le Cœur et le temps : poèmes
pour les enfants (publié à la maison d’édition jeunesse L’école des loisirs en 1977),
Lubies (publié aux éditions G.L.M en 1962 et en version illustrée à L’école des
loisirs en 1979), Grammaire en fête (publié aux éditions Folle Avoine en 1984).
Dans la lignée des surréalistes de Breton à Prévert en passant par Desnos, qui se
sont intéressés aux univers magiques des mots, des chants et des jeux de l’enfance,
sa poésie est le lieu d’un riche réinvestissement d’une culture enfantine de
tradition orale (couplets enfantins, rengaines scolaires, espiègleries, comptines).
C’est le cas du recueil Fêtes et lubies 1 qui fourmille d’oralités enfantines 2.

1. Toutes les citations qui proviennent de cette œuvre (Andrée Chedid, 1973, Fêtes et
lubies. Petits poèmes pour les sans-âge, Flammarion, Paris, 96 p.) seront désignées, dans le
corps du texte, uniquement par « C, » suivi de la pagination.
2. Dans la lignée des travaux de Jean-Marie Privat (pour une synthèse, on se rapportera à
Privat, 2019), on comprendra ici « oralités enfantines » du point de vue ethnologique
tout à la fois comme culture (les cultures enfantines, le folklore des enfants), comme rite (la
comptine comme rituel d’entrée dans le jeu et d’élimination), comme mode anthropologique
de communication (le bouche à oreille par des enfants entre pairs), comme genre de discours
(comptine, formulette, chant), comme corporalité (les gestes, la danse, les mimiques).
C’est l’hybridation de ces mondes hétérophoniques qui nous intéressent tout autant que le
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On y retrouve, remaniés et réinventés, des éléments typiques appartenant à la


culture orale des enfants et à ses formulettes enfantines 3, soit :

a) Des structures en boucle qui relancent à la fin du poème l’envie de le


recommencer inlassablement ou jusqu’à ce que la voix s’essouffle :
Une Éponge
Songe
Songe
Songe
Aux songes
D’une Éponge
Qui songe (C, p. 21.)
b) Des répétitions, variations, flux et éléments rythmiques fortement
scandés :
Bactérie, ma Mie !
Fit le Bacille épris,
Je t’offrirai
Frirai
Frirai
L’humaine pâtée
Pâtée
Pâtée […] (C, p. 63).

continuum anthropologique que ces oralités entretiennent entre elles et avec les mondes de la
culture écrite et plus précisément avec les univers de la raison scolaire (sachant que plusieurs
formulettes de la tradition orale sont constituées à partir de fragments de leçons prises « dans
des manuels scolaires et retenus pour leurs seules sonorités » [Baucomont, 1961, p. 17]).
3. Jean Baucomont définit les formulettes enfantines comme « les petits poèmes oraux
traditionnels, le plus souvent rimés ou assonancés, toujours rythmés ou mélodiques,
utilisés communément par les enfants au cours de leurs jeux » (Baucomont, 1961,
p. 7). Sur les échanges entre « les petites formes de la poésie enfantine » (écrites et
orales) et la poésie moderne, voir l’incontournable chapitre « L’enfance de l’art » de
Marie-Paule Berranger (2004, p. 87-144), qui relève et analyse les procédés poétiques
de l’enfance à l’œuvre dans la poésie écrite : vers approximatifs, assonances, inexactitudes
lexicales, décalages, fautes, zézaiements, liaisons ratées, etc. (Ibid., p. 88).
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c) Des mots magiques, formules incantatoires, souhaits, vocabulaires secrets,


termes inconnus, « mots sauvages » qui enivrent le plaisir du charabia 4 :
Abracadabra !
En avant les rats !
Bouffons la planète
Ou elle nous bouffera !
Avant que les Razinnes
Ne nous ratatinent,
Avant que les Rassphiles
Ne nous annihilent,
Et que les Ranerloc
Ne nous mettent en loques !
Allons mes frères
Abracadabra
Qu’il n’y ait plus sur terre
Que la fête des rats ! (C, p. 73)

d) De nombreux poèmes sur les animaux et les insectes 5 : « le Gastéropode »


(C, p. 24), « le chat mineur » (C, p. 25), « la fourmi et la cigale » (C, p. 33),
« ozi, le poisson » (C, p. 36), « la puce de delhi » (C, p. 51), « la cage aux
hannetons » (C, p. 54), « la taupe en son jardin » (C, p. 58), « le ver à soie »
(C, p. 59), « c’est pas tortue » (C, p. 61), « le casse-tête de l’otarie » (C,
p. 70), « le lapin et la phalène » (C, p. 74), « la luciole » (C, p. 77), etc.

e) Des personnifications d’animaux, d’objets et des phénomènes


d’animisme : « constantin, le baobab » (C, p. 22), « fanfan, la termite »
(C, p. 15), « jeanne, le clou » (C, p. 67), « olive, le typhon » (C, p. 78),
« les tragiques amours de la mangue » (C, p. 68), « le fauteuil en deuil »
(C, p. 82), « l’artichaut manchot » (C, p. 35), etc.

f ) Des mots familiers et farcesques comme « le pifomètre » (C, p. 71) et des


personnages du folklore enfantin comme « Colas » (C, p. 9).

4. Pour des exemples de formulettes enfantines « avec allitérations, jeux phonétiques et


mots sauvages », voir Baucomont, 1961, p. 86-120. Sur l’importance des « syllabes
“sauvages” dans la tradition orale enfantine », voir Arleo, 2004.
5. Sur les comptines mettant en scène des animaux, voir Baucomont, 1961, p. 197-239.
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g) Des exploits enfantins, des jeux du type « qui est le plus fort ? » et des leçons
de multiplication et de métrologie, comme dans le poème « L’exploit » :
« Rien qu’avec mes mandibules »,
Dit la fourmi toisant Hercule,
« Je déplace vingt fois
Mon poids ! »
« Et, c’est Toi !
Qui te dis le Roi ! 6 » (C, p. 12)
h) Des jeux humoristiques de causalités, de logiques, voire de tautologies qui
se dénouent en pirouette :
La Sardine a des arêtes,
Papa n’en a pas !
Papa, lui, a un squelette,
Que la Sardine n’a pas !
La Machine a des ailes,
Papa n’en a pas !
Papa, lui, a de la cervelle,
Il dit : que la machine n’en a pas ! (C, p. 14)
i) Des dialogues qui oralisent des voix hétérogènes : « “Si tu me jettes au
clou” / dit Jeanne le Clou / Au vilain marlou / À sa sortie d’écrou, / “Tu n’en
tireras pas un clou !” […] » (C, p. 67) ; « “Je n’ai pas de langue !” / S’affole
la Mangue, / Devant Chat-Huant / Son agile soupirant / Qui, de discours
en arguments, / La provoque et la harangue. […] » (C, p. 68), etc.

j) Des leçons absurdes avec une morale comme dans une fable :
Lon Lon et Lon lon lon
Répète bien ta leçon :
« Tu porteras un bâillon
Tu marcheras au fanion
Tu vivras à reculons
Lon Lon et puis lon lon

6. Ou encore le poème suivant, « Le dinosaure », qui commence ainsi : « “Allez ! Allez !


Tous au suffrage ! / Et qu’on m’élise sans ballottage !”/ Hurla le Dinosaure. / “Depuis le
début des âges, / c’est MOI / Le plus grand, le plus fort !” […] » (C, p. 13).
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Tu ne poseras jamais de question


Tu seras caméléon
Héros ou félon
Selon l’aquilon ! »
Lon Lon et Lon lon lon
Répète bien ta leçon (C, p. 72).

k) Des drôleries qui appellent une gestuelle et font bouger le corps :


Le Chat mineur
Ne trouve plus ses galoches !
Le Sonneur
A perdu sa cloche !
Filles et Garçons,
Lointains et Proches !

Que chacun retourne ses poches ! (C, p. 25)

Cette poésie aux oralités enfantines plurielles n’est toutefois pas complètement à
l’écart de la littératie 7, bien au contraire. On trouve en effet des formes minimales de
la littératie dans la multiplication des tirets, des lettres capitales (« Qu’un Point, c’est
TOUT ! » [C, p. 45]), des italiques (« “Quant à Moi !”, dit la Virgule » [C, p. 42]),
des listes (C, p. 63), et plus précisément dans ses modes objectivés : « l’évangile »
(C, p. 10), « Livre » (C, p. 43) ; institués : « Le codicille » (C, p. 10), « Maître
Pamphile » (C, p. 10), « l’élève / Chez Monsieur K. » (C, p. 18), l’alphabet (C,
p. 41) ; axiologisés : la suite poétique « Les signes » (C, p. 41-47) faisant une éloquente
apologie grammaticale dans laquelle la « louange de l’apostrophe », la « pavane
de la virgule », l’« apothéose du point » et l’« éloge de l’accent » euphorisent
l’acculturation à l’écrit et enivrent l’incorporation des règles de l’écriture.
À ce titre, un poème du recueil Fêtes et Lubies retiendra notre attention : il s’agit
de « La mort du pou », dont nous voudrions étudier les logiques initiatiques,
socioculturelles et interdiscursives en faisant l’hypothèse qu’il s’approprie des
motifs, rythmes, techniques traditionnels de la comptine et qu’il est en dialogue

7. Pour une synthèse de la notion de « littératie », entendue comme « mode sémio-


anthropologique de communication » qui engage des pratiques, des agents et des valeurs
liés à la culture écrite et qui « ne saurait être tenu pour synonyme d’alphabétisation »,
voir Privat, 2019 (articles « Littératie » et « Culture écrite »).
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avec l’imaginaire social d’un « français national scolaire 8 ». Autrement dit, il est
structuré par des logiques propres aux oralités enfantines tout autant que par une
raison scolaire. On verra que ce poème-comptine « emberlificote » et ensauvage
le processus de normalisation et de standardisation à l’œuvre dans les façons
d’« apprendre à écrire à tous les petits Français 9 ». Lisons-le afin de cerner les deux
principales logiques culturelles qui coexistent ici : la comptine et la grammaire.
De calotte en redingote
De boulotte en maigriotte
Le Pou trotte
Picote
Gigote
De Parpaillotte en Iscariote
Pelote, Culottes
Camelote, Menottes
De Vieillotte en Cocotte
Mascotte, Despote
Ou Patriote
Le Pou
S’emberlificote !
Puis, un jour,
Tête de Linotte,
Le Pou capote
Dans une compote ! (C, p. 20)

La comptine de la poésie
Le poème s’accommode à merveille des énumérations rapides et a priori
arbitraires de mots sonores, d’un stock limité de phonèmes et de la circulation
d’un nombre restreint de syllabes qui créent l’impression d’entrer dans le monde
magique des comptines et du jeu chanté.

La randonnée du pou
Plus précisément, « La mort du pou » investit, structurellement, le genre de la
comptine randonnée que les folkloristes définissent comme un « conte énumératif,

8. Voir Balibar, 1974.


9. Chervel, 1977.
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court, avec un enchaînement de situations, d’éléments ou de personnages qui se


répètent jusqu’au dénouement 10 ». Un exemple connu des frères Grimm met
d’ailleurs en scène la mort d’un pou et raconte son ébouillantage. Intitulé « Le
petit Pou et la petite Puce 11 », le conte cumulatif AT 2022 voit successivement
les personnages participer au deuil du pou (la puce en perdant la santé, la porte en
grinçant à qui mieux mieux, le balai en s’agitant, etc.) jusqu’à ce que la tristesse du
dernier (la source) inonde et anéantisse tout le monde : le pou, la puce, la porte,
le balai, etc.
De son côté, le poème de Chedid relate le micro-récit d’un pou allant
de rencontre en rencontre (chaine de mots) jusqu’au dénouement signalé
par la locution de liaison à fonction narrative « puis, un jour », qui indique
l’interruption du périple, l’arrêt de l’enchainement logique et la mort du pou,
mort elle-même annoncée dans le titre. Contrairement aux récits énumératifs
qui sont souvent organisées autour d’un but à atteindre, le pou ne semble pas
rechercher une personne ni un objet. Toutefois, le poème emprunte certaines
logiques à la randonnée comme les énumérations simples axées sur des verbes
et des actions (trotte, picote, gigote, s’emberlificote, capote), sur des objets (calotte,
redingote, pelote, culottes, camelotes, menottes, compote) et enfin sur des êtres
(boulotte, maigriotte, Parpaillotte, Iscariote, Vieillotte, Cocotte, Mascotte, Despote,
Patriote, Linotte) 12. De plus, la formulation « de… en » répétée à quatre reprises
tout comme le verbe initial « trotte » suggèrent la traversée démocratique du
pou, qui se déplace du calviniste au Juif, de la vieille à la jeune fille, de la grosse à
la petite, sans discrimination, jusqu’à l’arrêt du mouvement et l’enlisement final
dans la « compote ».
Structure cumulative, sérielle et répétitive, la randonnée se définit aussi
comme « un récit qui, parti d’un point donné, se développe en épisodes successifs,
dépendants les uns des autres, pour arriver à un autre point où un événement
oblige le récit à retourner sur ses pas en traversant, en sens inverse, les mêmes
épisodes, et revenir au point de départ pour conclure 13 ». Elle se caractérise
la plupart du temps par un aller-retour aux mouvements contrastés : l’aller est
marqué par la découverte et l’exploration d’une série de relations entre les
objets, les êtres, alors que le retour se réalise de manière précipitée. Or les actions

10. Simonsen, 2013, p. 185.


11. Grimm, 2009, p. 184.
12. Mais il est difficile de dire si la chaine énumérative est principalement fondée sur les
verbes, les objets ou les êtres, car le poème mélange les catégories grammaticales.
13. Polain, 1942, cité par Pahud & Petitat, 2003, p. 16.
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organisant le cheminement du pou dans le poème de Chedid sont, a priori, peu


dépendantes les unes des autres. On peut certes reconstruire des liens sémantiques
entre certaines micro-chaines : ainsi les mots « calotte » et « redingote » sont
des vêtements tandis que « boulotte » et « maigriotte » sont des formats
corporels antithétiques, et « calotte » et « culottes » opposent le haut du corps
au bas. Mais aucun paradigme ne semble regrouper l’ensemble des lexèmes : à
l’ordonnancement rationnel se substitue un alignement d’éléments disparates.
De plus, l’élan du pou n’est pas suivi d’une cascade descendante culminant sur
la « calotte », alors qu’habituellement « la randonnée se caractérise par un
noyau actionnel comportant une symétrie partielle entre la phase ascendante et
la phase descendante de l’action 14 ». Ici, le pou décédé à la fin n’effectue pas le
retour typique de la randonnée : on peut dire dès lors que la chaine cumulative
« capote » en quelque sorte. En revanche, rien n’empêcherait un conteur ou
un enfant de prendre le poème à l’envers et de repartir en sens inverse, allant de
« Patriote », « Despote », « Mascotte », « Cocotte » en « Vieillotte ». Ou de
le compléter en retardant le moment où le pou « capote » dans la « compote »,
soit en lui faisant faire des détours, en allongeant sa randonnée, en inventant de
nouveaux couplets qui pourraient ressembler à ces vers-ci dont la rime en -ote
assurent la continuité :
De crotte en carotte
De papillote en marmotte
De jour de vote en ribote
De quenotte en botte,
Le Pou grignote,
Tremblote,
Toussote.

Formulette d’élimination
Les comptines sont traditionnellement des formulettes d’élimination, qui visent à
radier des joueurs, comme l’explique Jean Baucomont : « [elles] sont employées,
avant le jeu, pour désigner, par la scansion des syllabes bien détachées, celui ou
celle qui doit subir la corvée, assumer le premier rôle ou le rôle ingrat, commencer
le jeu, “être le chat”, “s’y coller” 15 ». La formulette éliminatoire type est celle qu’on
appelle le plouf-plouf, où le meneur (ou le « despote ») du groupe prononce

14. Pahud & Petitat, 2003, p. 16.


15. Baucomont, 1961, p. 8.
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chaque syllabe en l’associant à un joueur pointé du doigt, et l’enfant sur qui


tombe la fin de la chansonnette est écarté (ou sélectionné) 16. Cette « préparation
d’un jeu à venir 17 » et ce coup du sort déterminent le rôle que personne ne veut :
le dernier restant dans le cercle est désigné comme le chat ou le loup, et même
(pourquoi pas ?) comme la « Mascotte » ou le « Pou » 18. Si la structure de la
randonnée, distributrice d’actions et de sérialités, fournit l’armature de ce poème,
l’élimination relève également d’une logique enfantine latente : n’a-t-on pas ici
une forme de poème d’éviction, qui pourrait servir à supprimer des participants
au fur et à mesure de l’arrêt sur certains mots comme « Gigote », « Menottes »,
« S’emberlificote » et enfin « compote », jusqu’à ce que le pou soit, dans la
petite diégèse poétique, lui-même éliminé 19. L’effet-liste, créé par le cumul des
noms communs, n’est pas dissocié des logiques minimales du récit puisque le
pou, sujet des phrases du texte, s’accompagne de verbes qui font avancer l’action
(« trotte », « picote », « gigote », « s’emberlificote » et « capote »), et le
seul vers qui ne rime pas est un marqueur de récit annonçant la fin du conte :
« Puis, un jour »… le pou mourut. En ce sens, la présence d’un récit aux formes
simples – quoiqu’aux sens nébuleux – indique une activité configurative qu’on
retrouve dans la tradition orale des comptines, configuration « qui ne commence
pas au récit, mais bien avant, au niveau d’éléments constitutifs intégrables à une
intrigue minimale 20 ».

Rituel d’épouillage
On peut lire aussi ce poème comme une formulette accompagnant et rythmant
un rituel enfantin important : celui de l’épouillage. Vivant dans la « calotte »,
le pou qui « trotte », « picote », « gigote » est une métonymie de l’enfant,
dont l’immobilité est nécessaire à la pratique hygiénique, déjà mise en poème
par Rimbaud dans « Les chercheuses de poux ». Les verbes d’action poétisent

16. Voir Delalande, 2001.


17. Ibid.
18. Marie-Paule Berranger rappelle que, dans la récitation scolaire « Bijou, caillou, chou,
genou, hibou, joujou et pou », comptine sur laquelle nous reviendrons, l’énoncé de
« pou » permet, dans la cour de récréation, « d’exclure du cercle le joueur ainsi désigné ;
les mots courts, les accents nombreux, les rimes et la chute décisive sont utilisés comme
formules d’élimination […] » (Berranger, 2004, p. 134-135).
19. Chacun se souvient certainement d’une formulette désignant celui qui commence ou
qui est exclu d’un jeu : « roche, papier, ciseau, allumette ». Ainsi la séquence de lexèmes
« Pelote, Culottes, Camelote, Menottes » pourrait en être équivalente.
20. Pahud & Petitat, 2003, p. 19.
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de surcroit sa prolifération dans les tignasses mal lavées des enfants : les mots
« tête », « picote » et « gigote » semblent en effet se rapporter à la présence des
parasites dans les cheveux des enfants. La randonnée retrace alors le trajet du pou
dans la chevelure et le trajet des doigts qui cherchent à le capturer « de calotte
en redingote » jusqu’aux « culottes ». Notons aussi que, dans la plupart des
formulettes d’épouillage, la mort du pou, écrapouti (comme on dit au Québec)
par les doigts de la mère, est inévitable :
J’ai des poux dans mon dos,
Les capitaines en sont les gros,
Je les prends, je les tortille,
Je les fais crever de rire ;
Je les mets sur un tonneau,
Je leur écorche la peau 21.
La formulette accompagne le craquement rythmé des poux qui meurent sous
les ongles prestes de l’épouilleuse. Le poème de Chedid accompagne-t-il le rituel
de l’épouillage que doivent subir tous les enfants ? Dans tous les cas, avec ses vives
sonorités, ses dimensions ludiques et comiques, il semble particulièrement adapté
à ce rituel.

Dicte t les lettres


À l’évidence, la comptine poétique de Chedid est pétrie de rimes et d’allitérations
(pou, picote, parpaillotte, pelote, despote, patriote, capote, compote // calotte,
culottes, camelote, cocotte, capote, compote). On le sait, certaines oralités
enfantines présentent des jeux formels centrés sur le cumul et l’assemblage de
sonorités difficiles à prononcer, dont les virelangues constituent l’exemple le plus
achevé : « La pie pond, le pou pond, le paon pond, pas papa 22 ». Elles servent,
outre leur aspect récréatif, euphorique et gratuit, à faire progresser l’enfant dans
l’acquisition des consonnes et de l’articulation. Celui-ci peut ainsi apprendre,

21. Sur les multiples expressions et noms du pou, voir Rolland, 1881, p. 252-257. Voir
aussi sur le conte « La peau du pou », Bricout, 1992, p. 286-303.
22. Ou encore soulignons cet exemple bien connu qui met en scène et en son un pou :
« Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papas. Il y a aussi des Papous
à poux et des Papous pas à poux. Et aussi des poux papas et des poux pas papas. Et même
des poux papous et des poux pas papous. Tous les Papous papas à poux papous pas papas
sont des Papous à poux papous pas papas, mais les Papous papas pas à poux papous pas
papas ne sont pas des Papous à poux papous pas papas, ce sont des Papous pas à poux
papous pas papas… »
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avec le poème de Chedid, à distinguer le son des labiales [p] et [b] par exemple,
comme dans « boulotte » et « pou », qui forment une paire distinctive ; et le son
des palatales [k] et [g] comme dans « picote » et « gigote ». Constituant une
paire distinctive, les consonnes percutantes [p] et [t], les plus présentes dans le
poème, sont précisément celles que les petits ont le plus la difficulté à différencier
et à articuler 23. N’y a-t-il pas ici, dans ce texte qui reprend certaines logiques
sonores aux exercices de récitations scolaires, une forme d’initiation à la maitrise
des chaines consonantiques ?

Le pou et le caillou
On le sait, les œuvres produites par la tradition orale se transmettent de bouche à
oreille (comme le pou qui, lui, se transmet de tête à tête). De son côté, le poème,
issu de la culture écrite, se génère et se dynamise sur le mode du texte à texte.
À ce titre, la « mort du pou » rappelle le slogan publicitaire d’avant-guerre
composé par Robert Desnos pour faire la promotion, à la radio, des spécialités
pharmaceutiques de Salacrou, dont la ligne de produits anti-poux « Marie-
Rose », qui accompagnent désormais le rituel de l’épouillage :
L’express s’en va
Les lentes restent…
Utilisez la Marie-Rose
La mort parfumée des poux 24.
Notons aussi que le mot « pou », embrayeur de transtextualité, renvoie
(peut-être) à un autre poème de Chedid, publié dans Le Cœur et le temps, trois ans
après Fêtes et lubies :
Le caillou
Passe-partout
Sans froufrou
Sans bagout
Est jaloux, très jaloux
De Nicéphore, le Pou
Ce casse-cou
Vent-debout
Qui court le guilledou 25 !

23. Bustarret, 2010, p. 160.


24. Cité par Lefebvre, 2002, p. 655.
25. Chedid, 1977, p. 31.
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Arrêtons-nous un instant sur ce poème. S’agit-il du même pou ? Les deux


textes partagent l’univers du déplacement. On a l’impression que le poème « Le
caillou » est le prélude des aventures de « Nicéphore, le Pou », dont la fin de vie
est exposée dans « La mort du pou ». C’est bien la mort du pou qui est racontée,
et non pas celle d’un pou parmi tant d’autres. Ainsi, le « pou », appelé dans le
second poème « Nicéphore », serait une version vivante du défunt parasite dans
le poème de Fêtes et lubies. Il apparait ici plein de vigueur, étant en effet désigné
comme un « casse-cou » qui « court le guilledou », locution suggérant ses
nombreuses relations galantes. Ce texte sur le « caillou […] jaloux » porte en lui
un conte virtuel, celui de l’embardée à venir du pou dans une « compote ». Penser
les deux poèmes sur le mode de la continuité permet de jeter un éclairage nouveau
sur le parcours détaillé du pou dans le premier poème. Sa randonnée de « calotte
en redingote », « de boulotte en maigriotte », « de Vieillotte en Cocotte », n’est-
elle pas une expansion funeste de l’expression « courir le guilledou » ? Sa mort
annoncée est une actualisation des hypothèses et possibles poétiques contenus dans
les quelques vers explicitant la vie de Nicéphore, le « casse-cou ». Cette variation
sur le même récit et cette inflation d’une histoire existante rappellent les processus
de production et de réception du folklore enfantin : les enfants n’hésitent pas à
compléter, modifier, actualiser les formulettes obsolètes, incomplètes 26.

La grammaire en fête de la poésie


À première vue, cet univers poétique est hors du monde de l’écrit et de la raison
scolaire : un pou trotte et picote, court peut-être le guilledou. Il fait l’école
buissonnière. Mais les comptines, cette culture de l’enfance, qui se fredonne dans
la cour de récréation 27, s’enrichissent des leçons d’écriture entendues en classe,
intègrent des pratiques de récitations et permettent d’apprendre à mieux lire et
écrire 28.

26. D’autres poèmes au sein du recueil Fêtes et lubies partagent des mots (voire des
personnages) avec « La mort du pou ». C’est le cas du poème « La hottentote », dont
l’héroïne éponyme « accouch[e] d’une Linotte » (C, p. 34) et dont les rimes en -ote
rappellent celles de « La mort du pou ». C’est le cas aussi du poème « L’antidote » :
« Quand le cœur est en pelote / Quand l’âme freine et puis capote, / Je t’invite, secret
pilote ! » (C, p. 83). Et ce « secret pilote » et cet antidote contre le cœur et l’âme en
gibelotte, c’est la « poésie » (C, p. 83).
27. Voir Delalande, 2001.
28. Pour reprendre le titre de G. Besche, Comptines pour mieux lire et écrire (1974)
publié un an après le recueil Fêtes et lubies de Chedid. Sur les liens entre poésie moderne,
leçons et manuels scolaires, voir Berranger, 2004, p. 132-138.
Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire
Sophie Ménard
73

Le pou sans le hibou


Le pou est un personnage important de la formule mnémotechnique – passée au rang
de comptine – indiquant le regroupement de mots dont le pluriel exceptionnel s’écrit
en -oux au lieu de -ous : « Bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou, pou 29 ». Cette
suite de termes, fixée par la tradition grammaticale, renforce le lien entre les poèmes
« La mort du pou » et « Le caillou », les deux acteurs principaux appartenant au
même groupe d’exceptions. Le « pou » joue le rôle de ce qu’on pourrait nommer
un « orthographème 30 » en le définissant comme un mot nanti d’une fonction
sémantique et symbolique dans une culture donnée, soit plus précisément comme
un fétiche de la discipline scolaire et de l’ordre alphabétique. Ce lexème synthétise
en effet, depuis 1835, dans la société française, des manières d’enseigner la langue
française sur des modèles mnémoniques 31. Il fait partie prenante du discours
orthopraxique de l’école qui a pendant longtemps vu dans la copie et la mémorisation
des techniques optimales pour l’apprentissage de l’orthographe.
Ainsi, embrayeur orthographique, le mot « pou » est déjà gros d’une altérité
scolaire. C’est un « mot d’autrui 32 » qui appartient non seulement à l’institution
scolaire et aux pratiques linguistiques, mais également à la littérature, orale et
écrite. Nombreux sont les poètes depuis Rimbaud et ses « chercheuses de poux »
à faire du pou un héros poétique. Retenons par exemple, plus proches de Chedid,
ces deux vers de Philippe Soupault : « Un certain monsieur / Loup Pou ou
Hibou 33 ». Et surtout ce poème de Desnos intitulé « Les hiboux » :
Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux

29. Cité comme comptine par Baucomont, 1961, p. 263.


30. Ce mot est construit sur le modèle du « zoème », que Lévi-Strauss définit comme
une « espèce animale [ajoutons l’insecte] nantie d’une fonction sémantique » dans une
culture donnée (Lévi-Strauss, 1985, p. 130).
31. Les « sept pluriels en -oux [ont été] énoncés par l’Académie en 1835 et ânonnés
[depuis] dans toutes les écoles de France » (Chervel, 1977, p. 39).
32. Bakhtine définit le « mot d’autrui » comme un énoncé qui « est rempli des échos
et des rappels d’autres énoncés, auxquels il est relié à l’intérieur d’une sphère commune
de l’échange verbal » (Bakhtine, 1984, p. 298) : « Notre parole, c’est-à-dire nos
énoncés (qui incluent les œuvres de création), est remplie des mots d’autrui, caractérisés,
à des degrés variables, par l’altérité ou l’assimilation, caractérisés, à des degrés variables
également, par un emploi conscient ou démarqué. Ces mots d’autrui introduisent
leur propre expression, leur tonalité des valeurs, que nous assimilons, retravaillons,
infléchissons. » (Ibid., p. 296).
33. Soupault, 1973, p. 215.
CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE
74 Oralités enfantines et littératures – n o 88

De leurs enfants, leurs petits choux,


En les tenant sur les genoux.
Leurs yeux d’or valent des bijoux,
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
A Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout, c’était chez les fous 34.

Chez Desnos, le jeu avec le pluriel est apparent, certains mots se terminant
en -oux, d’autres en -ous ou en -ou ! L’historiette poétique de Desnos offre une
nouvelle version à la célèbre formule scolaire utilisée pour retenir les exceptions
dont la culture enfantine présente plusieurs variantes (anonymes) 35 :
Un hibou moche comme un pou
Avait pour joujou sur ses genoux
Un caillou aussi chou qu’un bijou.

34. Desnos, 2016 [1952].


35. D’autres poètes ont inventé des variantes de cette formulettes. C’est le cas du
poème « Le petit pou » de Robert Clausard : « Assis / sur le genou / d’un hibou / le
petit pou / cherchant son joujou / jette le bijou / comme un caillou / dans le chou »
(Clausard, 1973, p. 9). Ou encore de « Monsieur X » de Jean l’Anselme : « C’est un
vieux hibou / affreux comme un pou / avec son caillou / nu comme mon genou. // Mais
comme il était chou / quand il faisait joujou avec son chien BIJOU ! » (L’Anselme
dans Charpentreau, 1979). Ou encore du poème « Le hibou » de Maurice Carême :
« Caillou, genou, chou, joujou, bijou, / Répétait sans fin le petit hibou. / Joujou, bijou,
pou, chou, caillou, genou, / Non, se disait-il, non, ce n’est pas tout. / Il y en a sept
pourtant, sept en tout : / Bijou, caillou, pou, genou, chou, joujou. / Ce n’est ni bambou,
ni clou, ni filou… / Quel est donc le septième ? Et le hibou, / La patte appuyée au creux
de sa joue, / Se cachait de honte à l’ombre du houx. / Et il se désolait, si fatigué / Par
tous ses devoirs de jeune écolier / Qu’il oubliait, en regardait le ciel / Entre les branches
épaisses du houx, // Que son nom, oui, son propre nom, hibou, / Prenait, lui aussi, un X
au pluriel » (Carême, 1970).
Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire
Sophie Ménard
75

***
Viens mon chou, mon bijou
Viens sur mes genoux
Avec des joujoux et des cailloux
Pour éloigner ces vilains hiboux pleins de poux
Viens mon chou, mon joujou, mon bijou
Sur mes genoux
Jeter des cailloux
À ces vieux hiboux, pleins de poux

***
Viens mon chou, sur mes genoux avec tes joujoux et tes bijoux
Pour jeter des cailloux sur les vilains hiboux pleins de poux.
Néanmoins, le poème de Chedid n’est pas une « chanson pour apprendre » ou
une rengaine scolaire – ou ce qu’on appelle aussi aujourd’hui des « orthochansons ».
Certes, pour une certaine critique, les livres de Chedid, destinés aux enfants,
« sous leur apparente familiarité et les messages à la fois drôles et poétiques, […]
présentent aussi des conseils (grammaticaux, par exemple) qui, subrepticement,
“enseignent” aux jeunes lecteurs des choses utiles, soit tel point de grammaire, soit
telle autre petite leçon pratique 36 ». Selon nous, la poésie n’enseigne pas de leçons
pratiques, au contraire, elle joue plutôt avec elles, les dénudant de leur but utilitaire
et pédagogique, ne gardant que la magie sonore et graphique des mots, résistant
plutôt à une forme de français élémentaire.

Performer la grammaire
Si le poème recèle une visée didactique, c’est plutôt dans sa logique sérielle qu’elle
est à chercher, dans la mesure où il modélise des manières de faire et de dire les
inventaires et les listes, comme on les retrouve dans certains contes. Il met en
effet en place un inventaire partiel d’une catégorie (les mots dont la finale est
en -ote ou -otte) ; inventaire doublé d’une progression logique : le pou avance
dans la chaine des mots, il y trotte de mots en mots. Il y a bien ici des logiques
graphiques et scolaires structurantes qui supposent une technologie de l’écriture,
mais qui n’excluent pas les oralités enfantines. Le poème s’inscrit ainsi dans une
continuité avec les pratiques créatrices des enfants qui n’hésitent pas à faire des

36. Linkhorn, 2009, p. 145.


CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE
76 Oralités enfantines et littératures – n o 88

« emprunts […] à des textes didactiques » pour créer des formulettes ; les enfants
étant, selon Jean Baucomont « séduits par l’énumération rythmée de certaines
nomenclatures ou de certaines règles 37 ». Il se place aussi dans une filiation
avec les comptines littéraires surréalistes, dont plusieurs s’apparentent à des
« traditionnelle[s] récitation[s] d’école primaire 38 ». Mais surtout soulignons sa
capacité exceptionnelle à intégrer et à désintégrer des formes multiples d’oralités
enfantines (conte-randonnée, formulette d’élimination, rituel d’épouillage,
etc.) tout autant que celles de la culture scolaire (dictée, leçon, récitation, règles
grammaticales et orthographiques, etc.).
Le poème présente un ensemble d’anomalies de la langue française, il réunit
« en une seule performance exemplaire les contenus de plusieurs exemples de
grammaire séparés par la convention scolaire dans l’apprentissage analytique des
règles 39 ». Il « met en acte » une addition de mots problématiques, réunis à la
fois par leur sonorité et par leur irrégularité, tout comme il présente un « riche
éventail de catégories grammaticales comptant parmi les plus importantes de
l’enseignement du français élémentaire 40 » :
· le nom commun : « calotte », « redingote » ;
· le nom propre : « Iscariote » ;
· le singulier et le pluriel : « Menottes », « Culottes ». Le TLF nous
apprend que « menotte » existe rarement au singulier, le mot désignant
soit les « petites mains » (et on en a deux), soit les anneaux pour entraver
les mains (et ils viennent en paire). Si on ne porte qu’une seule culotte
dans laquelle on passe chaque jambe, il existe tout de même des exemples
où on dit et écrit « une paire de culottes » ou « porter des culottes » au
pluriel. Dans la logique de la dictée qui structure ce poème (et sur laquelle
nous reviendrons), rien ne peut indiquer à l’écolier le pluriel des mots, car
il manque ici les déterminants (dans le groupe nominal, le nom commun
donne son genre et son nombre au déterminant et à l’adjectif : ici les
donneurs d’accord ne livrent pas les indices du nombre, seul le genre peut
s’entendre) ;
· le masculin et le féminin avec la règle du redoublement du t : « Vieillotte »,
« maigriotte » ;
· l’adjectif qualificatif : « boulotte », « Vieillotte », « maigriotte » ;

37. Baucomont, 1961, p. 21.


38. Balibar, 1974, p. 224.
39. Ibid., p. 106.
40. Ibid. Je m’inspire du travail de Balibar pour classifier les composantes du poème à l’étude.
Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire
Sophie Ménard
77

· le verbe pronominal : « s’emberlificote » ;


· le niveau de langue : « boulotte », « camelote », « s’emberlificote »,
« gigote » (registre familier) ;
· le suffixe en -ote ou -otte selon qu’il est nominal ou adjectival n’a
pas le même sens : il peut servir à rendre un nom commun péjoratif
(« camelote »), à désigner des habitants d’une ville ou d’un pays (la
confusion sur « Parpaillotte » et « Iscariote »), à donner une valeur
diminutive (« boulotte », « vieillotte »). Notons que les diminutifs
abondent dans les comptines : rien d’étonnant en ce sens à ce qu’ils
apparaissent ici dans ce poème sur le minuscule et le mineur (dont le
« pou » est le héros) ;
· la majuscule : « Pou », « Parpaillotte », « Iscariote », etc.
On a bien une « récapitulation fictive [et poétique] de nombreuses catégories
grammaticales 41 », ce qui rend ce poème plus complexe qu’une comptine, qui, si
elle oralise souvent les règles numériques, grammaticales, littératiennes de l’école,
en présente rarement autant.
De surcroit, le poème exhibe, du point de vue de la raison scolaire, quelques
erreurs notamment de ponctuation (notons l’absence de virgules dans la première
strophe et l’absence de point dans la première strophe jusqu’à la bonne maitrise
de la ponctuation dans la strophe finale) et de majuscules. N’existant pas à l’oral,
les majuscules ont des formes graphiques différentes des autres lettres. Si les
premiers mots, conformément aux règles grammaticales et poétiques, arborent un
majestueux caractère d’imprimerie, d’autres mots, dans ce poème qui bouleverse
la règle, changent, sans raison apparente, de formes. « Pou » bien sûr personnifié,
héros de la comptine, porte la lettre capitale comme un nom propre. Aussi,
on peut repérer une constante : il n’y a pas de majuscule aux verbes (sauf ceux
qui commencent le vers) : « trotte », « s’emberlificote », « capote ». Mais
« compote » qui n’est pas un verbe ne respecte pas la règle, car le mot n’a pas, lui
non plus, de majuscule. C’est surtout dans la deuxième strophe que se condensent
les majuscules chapeautant tous les mots, dont le premier vers semble évoquer,
à une oreille non initiée, des noms exotiques de lieux (auxquels cas la majuscule
est requise). Or « Parpaillotte » n’est pas un lieu exotique et dès lors ne prend
pas de majuscule. S’il sonne comme un mot inventé, s’apparentant « au[x]
séquence[s] sonore[s] pure[s] très rentable[s] dans les formulettes qui traitent les
noms comme des mots magiques 42 », ce mot, très éloigné de l’univers familier

41. Ibid., p. 107.


42. Berranger, 2004, p. 122.
CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE
78 Oralités enfantines et littératures – n o 88

des enfants, désigne plutôt de façon péjorative et familière un « calviniste »,


un « protestant » et par métonymie un « impie » et un « mécréant » (TLF).
Le poème joue alors avec le procédé stylistique de l’antonomase, qui consiste à
transformer un nom commun en nom propre. Seul « Iscariote », nom de famille
de l’apôtre Judas, qui trahit le Christ, doit en porter une. Toutefois, dans les
faits, il s’agit bien d’une sorte de traversée qu’accomplit le pou, allant d’un mot à
l’autre comme on le ferait d’un lieu à l’autre. Chaque mot est en quelque sorte un
lieu (de réflexion), une station.

La leçon de t en randonnée
Outre l’orthographème « pou » qui prend un x au pluriel, ce poème comporte
une autre règle que doivent apprendre tous les petits Français : c’est celle de
la lettre m devant les lettres m, b et p actualisée dans le mot final du poème,
« compote ». La justification et l’explication de la règle sont complexes :
Dans l’orthographe d’un mot, lorsqu’une voyelle nasale est
immédiatement suivie d’un m, d’un b ou d’un p, on utilise un m
plutôt qu’un n pour représenter le caractère nasal de la voyelle.
Cette règle s’applique également lorsque la voyelle nasale est suivie
d’un b ou d’un p muet. […] La règle faisant qu’on écrit m plutôt
que n devant m, b et p est d’origine phonétique. […] Aujourd’hui,
le m n’est pratiquement plus qu’une marque graphique de nasalité
devant m, b et p, puisqu’il n’est généralement plus prononcé 43.
Le mot « compote » porte en lui une « marque graphique » désuète,
annonçant une dimension orale (perdue) de la lettre.
La règle principale qui « emberlificote » le lecteur ou l’écolier est toutefois
celle du double t. Le poème emprunte, on l’a dit, sa forme aux randonnées
propres au conte sériel et formulaire dont la caractéristique principale serait
ici les mots ayant une sonorité en -ot(t)e ; sonorité qui s’applique à la majorité
des actants, objets, actions de l’histoire. « La mort du pou » est, pour le dire
en termes scolaires, un poème sur les marques orthographiques du t. À l’oral, le
redoublement de la lettre t ne s’entend pas, tout comme le x à poux au pluriel et le
m de compote. Silencieuses, les lettres ont une réalité visible, graphique. Or pour
le lecteur aguerri, le poème-comptine est également une sorte de mystification,
car se cache dans les mots du poème une erreur, transformant la lecture en une
espèce de chasse à l’intrus et aux fautes d’orthographe. S’agit-il d’une vraie

43. Office québécois de la langue française, 2019.


Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire
Sophie Ménard
79

erreur ? Ou d’un clin d’œil à un vieil exercice scolaire, très prisé au xixe siècle,
la « cacographie », qui « consiste à livrer à l’élève […] des mots et des phrases
mal orthographiés, qu’il doit recopier sur son cahier, en corrigeant, bien entendu,
les fautes 44 ». Ici l’erreur est dans l’accord au féminin du mot « parpaillot » :
« Parpaillotte », contrairement à « vieillot » qui au féminin redouble son t pour
former le mot « vieillotte », ne doit pas redoubler son t et s’écrit « parpaillote ».
Mais « vieillotte » contient deux t et nécessite deux l. Par contre, attention à
la confusion, « camelote » n’est pas le féminin de « camelot » tout comme
« despote » n’est pas le féminin de « despot ». « Cocotte » peut s’écrire avec
ou sans t (« cocoter », le verbe, plus rare, n’en prend pas ; alors que le mot
« cocotte » compris comme une poule ou une marmite en prend). Bref, il est
facile de s’emberlificoter dans les règles du t.
Si les comptines « enseignent toutes sortes de séries usuelles – parties
du corps, doigts de la main, jours de la semaine et mois de l’année, et, bien
entendu les nombres 45 » –, le poème « La mort du pou », combinant des mots
au suffixe en -ote ou d’autres en -otte, n’explicite dès lors pas une règle comme
dans les comptines pour apprendre les exceptions (voir les sept pluriels en -oux)
ou l’alphabet. Il serait rengaine scolaire s’il ne combinait que des mots en -ote
(« patriote », « camelote », « despote »). Mais l’alliance des mots à simple et
à double consonne dans le poème, si elle suffit pour créer une confusion et ruiner
sa possible dimension pédagogique (à moins qu’il se transforme en dictée), lui
donne une orientation critique, car il détourne les mécanismes d’apprentissage
des règles et des exceptions de la langue française. À ce titre, il s’inscrit dans l’ère
du temps.
Le poème est en effet en relation avec un imaginaire social de la « crise de
l’orthographe 46 » puisqu’en France, dans les années 1960-1970, se propagent
des discours sur la réforme de l’orthographe (le recueil de Chedid date de 1973).
Grammairiens, pédagogues, linguistiques réfléchissent sur la nécessité d’apporter
des changements à la grammaire traditionnelle : ils veulent réévaluer l’entreprise
pédagogique et la mission démocratique de l’école telle qu’elle a été pensée par
Jules Ferry 47. Certes, le discours n’est pas nouveau, les insuffisances en orthographe

44. Chervel & Manesse, 1989, p. 126.


45. Crubellier, 1979, cité par Berranger, 2004, p. 118.
46. Pour reprendre le titre de l’article de Guion, 1973, p. 111-118.
47. Pour Louis Legrand, « notre école élémentaire actuelle, toute démocratique qu’elle
se pense et se veut, est une machine de sélection sociale dans la mesure où elle ne réussit
qu’auprès d’élèves déjà favorisés par le milieu social où ils vivent. Si nous voulons
véritablement donner à notre enseignement élémentaire cette destination de promotion
CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE
80 Oralités enfantines et littératures – n o 88

des écoliers étant dénoncées depuis le début du siècle 48. Une crise orthographique
et grammaticale 49 motive tout de même, dès le 13 décembre 1950, la demande
du ministre de l’Éducation nationale exigeant « l’examen d’une révision
modérée des difficultés ou des anomalies de graphie ou d’accord que présente
notre langue 50 ». La Commission ministérielle d’études orthographiques, sous
la présidence d’Aristide Beslais, est fondée, et son Rapport général recommande
en 1965, entre autres, de substituer le s au x final dans les pluriels en -oux et de
simplifier la graphie des mots contenant des consonnes doubles devenues inutiles.
Plusieurs linguistes et grammairiens préconisent donc à l’époque la suppression
des sept pluriels en -oux et l’unification, voire la suppression, des consonnes
doubles quand elles ne sont pas prononcées (ils suggèrent d’écrire fame, (h)ome,
nule, bone). C’est le cas, par exemple, d’Albert Dauzat et Jacques Damourette,
qui, dans un article de la revue Le Français moderne, suggèrent de « ne ret[enir]
qu’une seule consonne t pour les mots en -otte / -otter, ex. linote 51 ». Ce débat
sur les doubles consonnes a des racines historiques plus longues, car déjà
Ambroise Firmin Didot au xixe siècle affirmait qu’il y avait contradiction à
écrire les mots suivants : « démailloter, emmaillotter (dont on a depuis enlever
le double t), radoter, ballotter, sangloter, marmotter, coqueter, flotter, tricoter,
trotter, tripoter, gigotter (dont on a depuis enlevé le double t), frotter, comploter,
grelotter, raboter, garrotter 52 ». Il conseillait de supprimer ce qu’il appelle les
« doubles consonnes parasites 53 » qui doivent être gardées uniquement là où
« leur présence peut encore se faire sentir à l’oreille », soit avoir pour but de
faire « élever la voix sur la syllabe qu’elle termine 54 ». Le débat est relancé à la
fin des années 1960 quant à la pertinence de ce qu’on appelle, dans la langue des
grammairiens, des « lettres parasites ».
On le voit, le poème de Chedid sur un pou / parasite cumulant les mots en
-otte et en -ote, passant d’une graphie à l’autre, actualise et active, sur un mode

sociale et de démocratisation, il convient d’abord de transformer notre pédagogie du


français […] » (Legrand, 1970, p. 5).
48. En 1911 parait déjà une plaquette Le Péril de la syntaxe et la crise de l’orthographe
(voir Guion, 1973, p. 113).
49. Voir à ce sujet Karabétian, 2000, p. 245-246.
50. Voir Blanche-Benveniste & Chervel, 1978, p. 9.
51. Honvault-Ducrocq (dir.), 2006, p. 66.
52. Firmin Didot, 1868, p. 55.
53. Ibid., p. 57.
54. Ibid., p. 48.
Comptine, poésie pour les enfants et raison scolaire
Sophie Ménard
81

ludique, poétique et peut-être critique, cet imaginaire social de l’emberlificotage


grammatical. Le poème construit sur la forme d’une randonnée présente un
échafaudage ascendant de mots en -ot(t)e culminant par une « capote » dans la
« compote ». Or, on l’a dit, il n’est pas suivi d’une cascade descendante – le retour
de la randonnée, qui remet le monde en ordre. À la symétrie de la randonnée,
genre de l’oralité, répond la dissymétrie du poème refusant le retour en arrière.
Dans un poème jouant sur le redoublement (ou pas) d’une lettre, l’absence de
répétition (lexicale et structurale) actualise une forme de critique : refusant le
redoublement de la randonnée, ne dit-il pas ultimement qu’on ne devrait pas
dupliquer les consonnes et qu’on devrait uniformiser l’orthographe ?
Proposant un jeu sur le genre, le suffixe, la double consonne, le poème offre
« une mise en scène poétique des règles grammaticales 55 » contestées à son
époque et en exploite les possibilités combinatoires, sémantiques, graphiques,
sonores. De surcroit, il est construit comme une dictée, faite pour mystifier
l’écolier, « tête de Linotte », qui « s’emberlificote » dans certaines règles
et dans certains mots difficiles, qui sont en-dehors du répertoire linguistique
familier des enfants (« Parpaillotte », « Iscariote », etc.). Rappelons que, dans
la culture française, la dictée est éliminatoire (en France notamment au Certificat
d’études où plus de cinq fautes recalent le candidat 56) et fait partie d’une longue
tradition. Au cœur des mœurs scolaires, cet exercice (ou ce contrôle) le plus usuel
et répandu de l’école primaire, où le maitre dicte des mots et l’élève les écrit,
sert à apprendre l’orthographe au travers d’un processus d’enculturation 57 qui
allie des cultures orales et vocales et des cultures écrites, savantes et littéraires
(l’école fait dictée avec les textes des grands auteurs). Apprendre à écrire sous
la dictée et à surmonter les pièges de la langue, telle est l’une des techniques
d’apprentissage de l’orthographe privilégiée par l’école républicaine depuis la
fin du xixe siècle. Ce poème rempli de chausse-trappes synthétise et synchrétise
ces méthodes traditionnelles d’enseignement, remises à l’époque en cause : ainsi
l’orthographème « pou » concentre l’apprentissage par cœur des leçons et des
exceptions alors que la structure cumulative des anomalies orthographiques et des
catégories grammaticales diversifiées condense la dictée sur les leçons.

***

55. Pour reprendre Berranger qui analyse la formulette hugolienne « Mirlababi


Surlababo » (2004, p. 117).
56. Chantal & Mauduit, 2016.
57. Voir Guion, 1974, p. 92 et les suivantes.
CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE
82 Oralités enfantines et littératures – n o 88

Comptine-randonnée, conte d’attrape ou dictée, le poème suppose une


communauté (scolaire, enfantine), et une performativité orale modélisée par
l’agilité du conteur/dicteur à sauter de mot en mot. Il réinvestit les logiques
des rengaines scolaires destinées à mémoriser les règles grammaticales et
orthographiques tout en les emberlificotant, car son but n’est pas comme dans
les exercices académiques de développer les compétences orthographiques d’un
scripteur en devenir. Le « capotage » du pou, qui a la tête en « compote » (lui
qui vit habituellement sur la tête), dévoile la difficile acquisition d’une identité
linguistique 58 : le pou, « tête de linotte » et, peut-être, élève aux mauvaises
notes, meurt écrasé sous le poids de l’institution scolaire, orthographique
et grammaticale (la « compote » est-elle faite de pommes, le fruit préféré des
professeurs ?). En adoptant « une politique linguistique résolument ludique et
créative 59 » et en épousant des logiques culturelles propres aux oralités enfantines,
ce poème ruse avec les traditionnels rituels scolaires d’acculturation du français
national et scriptural. Ne suggère-t-il pas, en somme, un épouillage de la langue ?

Bibliographie
Arleo Andy & Delalande Julie, 2010, « Culture(s) enfantine(s). Un concept
stratégique pour penser l’unité de l’enfance et la diversité de ses conditions »
in Arleo Andy & Delalande Julie (dir.), Cultures enfantines. Universalité et
diversité, Presses universitaires de Rennes (coll. Le Sens social), Rennes, p. 9-28.
Arleo Andy, 2004, « Les syllabes “sauvages” dans la tradition orale enfantine :
métaphores et rhétoriques » in Grossel Marie-Geneviève & Mougin
Sylvie (dir.), Poésie et rhétorique du non-sens : littérature médiévale, littérature
orale, Presses universitaire de Rennes (coll. Centre d’études du patrimoine
linguistique et ethnologique de Champagne-Ardenne), Rennes, p. 341-363.
Bakhtine Mikhaïl, 1984, Esthétique de la création verbale, NRF-Gallimard
(coll. Bibliothèque des idées), Paris, 408 p.

58. À ce titre, il faudrait interroger plus en détail le rapport de résistance à la langue


scolaire et la « surconscience linguistique » des écrivain.e.s francophones afin de
saisir les « relations généralement conflictuelles – ou tout au moins concurrentielles »
(Gauvin, 2009, p. 6-7) qu’ils entretiennent avec l’acculturation au « bon usage » de la
langue française.
59. Arleo & Delalande, 2010, p. 18.
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Résumé : Cet article étudie les logiques initiatiques, socioculturelles et


interdiscursives du poème d’Andrée Chedid « La mort du pou », publié dans le
recueil Fêtes et Lubies, en 1973, en faisant l’hypothèse que celui-ci s’approprie des
motifs, techniques, rythmes traditionnels de la comptine et qu’il est en dialogue
avec l’imaginaire social d’un « français national scolaire », pour reprendre
l’expression de Renée Balibar. C’est à l’étude des continuums et des tensions
entre les oralités enfantines et la raison scolaire qu’est consacrée cette lecture
ethnocritique.
Mots-clés : Andrée Chedid, poésie pour les enfants, ethnocritique, comptine,
grammaire, raison scolaire.
CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE
86 Oralités enfantines et littératures – n o 88

Nursery rhyme, poetry for children and school reason:


ethnocriticism of Andrée Chedid’s “La mort du pou”
Abstract: This article studies the ritual, sociocultural and interdiscursive logics
of Andrée Chedid’s poem “La mort du pou”, published in Fêtes et Lubies, in 1973.
The poem appropriates, on the one hand, the traditional motifs, techniques, rhythms
of the nursery rhyme and, on the other hand, a social imaginary of a “national
academic French” to use the expression of Renée Balibar. This ethnocritical reading
is devoted to the study of the continuums and the tensions between children’s oralities
and academic reason.
Keywords: Andrée Chedid, poetry for children, ethnocritism, nursery rhyme,
grammar, academic culture.

Notes sur l'autrice


Professeure adjointe au département des Littératures de langue française de
l’université de Montréal, Sophie Ménard est spécialiste de l’ethnocritique de la
littérature. Travaillant au confluent de la poétique des textes et de l’ethnologie
du symbolique, elle étudie les relations entre les œuvres et la culture française à
partir des notions d’interdiscursivité, de polyphonie culturelle, de dialogisme.
Elle s’intéresse à l’anthropologie des genres narratifs au xixe siècle, ayant publié
plusieurs articles sur Zola, les Goncourt, Maupassant, Sand, et aux interactions
entre les oralités enfantines (comptines, berceuses, contes) et la poésie, du
xixe siècle (Baudelaire, Desbordes-Valmore) au début du xxe siècle (Breton).

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