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1 Et j’ai beau avalé sept gorgées d’eau


2 trois à quatre fois par vingt-quatre heures
3 me revient mon enfance dans un hoquet secouant mon instinct
4 tel le flic voyou
5 Désastre
6 parlez-moi du désastre
7 parlez-m’en
8 Ma mère voulant d’un fils très bonnes manières à table
les mains sur la table
le pain ne se coupe pas
le pain ne se rompt
le pain ne se gaspille pas, le pain de dieu
le pain de la sueur du front de votre Père
le pain du pain
un os se mange avec mesure et discrétion
un estomac doit être sociable
et tout estomac sociable se passe de rots
une fourchette n’est pas un cure-dents
défense de se moucher
au su
au vu de tout le monde
et puis tenez-vous droit
un nez bien élevé ne balaye pas l’assiette
Et puis et puis
et puis au nom du père
du fils
du saint esprit
à la fin de chaque repas
Et puis et puis
et puis désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma mère voulant d’un fils mémorandum
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si votre leçon d’histoire n’est pas sue


vous n’irez pas à la messe dimanche avec
vos effets de dimanche
Cet enfant sera la honte de notre nom
cet enfant sera notre nom de dieu
Taisez-vous
vous ai-je dit qu’il vous fallait parler français
le français de France
le français français
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma mère voulait d’un fils
fils de sa mère
vous n’avez pas salué voisine
encore vos chaussures de sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l’herbe ou sur la Savane
à l’ombre du monument aux morts
à jouer
à vous ébattre avec untel
avec untel qui n’a pas reçu le baptême
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma mère voulant d’un fils très do
très ré
très mi
très fa
très sol
très si
très do
ré-mi-fa
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sol-la-si
do
Il m’est revenu que vous n’étiez encore pas
à votre leçon de violon
un banjo
vous dites un banjo
comment dites-vous
un banjo vous dites un banjo
Non monsieur
vous saurez qu’on ne souffre chez nous
ni ban
ni jo
ni gui
ni tare
les mulâtres ne font pas ça
laisse donc ça aux nègres

Céline Stegmü ller


Christine Le Quellec Cottier
Analyse de texte, poésie: Pigments-Névralgies de Damas
Semestre de printemps 2014

Analyse des vers 1-44 du poème « Hoquet » de L.-G. Damas

Le poème « Hoquet » fait partie du recueil Pigments, premier ouvrage de l’écrivain


guyanais Léon Gontran Damas, paru en 1937 alors que Damas se trouvait à Paris depuis déjà
huit ans. Cet ouvrage, comme le dit Jean-Claude Bajeux, « marque l’entrée en scène des poètes
noirs de langue française »1. Comme presque la moitié des poèmes du recueil, « Hoquet »
porte une dédicace à un représentant connu des cultures noires faisant partie d’un cercle de
témoins où la parole de Damas prend du sens2. Il est ici question du diplomate et professeur
afro-américain Mercer Cook et de sa femme Vashti, que Damas fréquentait pendant qu’il

1
Jean-Claude Bajeux, « Une attente à la sû reté de l’état: Pigments de L.-G. Damas » in Hommage posthume à Léon
Gontran Damas, Paris, Présence Africaine, 1979, p. 356.
2
Ibid, p. 350, 354.
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étudiait à Paris. Cette dédicace peut s’expliquer pas les mots du destinataire même : dans un
article où il parle de la relation qu’il entretenait avec Damas, Cook dit que « Hoquet » était « un
de [leurs] poèmes favoris »3. Les vers racontent la jeunesse de Damas, qui a grandi dans une
famille de mulâ tres bourgeois, et témoignent le processus d’assimilation à la culture française
que les colonisés suivaient.
À propos du titre, selon le Petit Larousse de la Médecine le hoquet est une « contraction
spasmodique subite et involontaire du diaphragme, accompagnée d’une constriction de la
glotte avec vibration des cordes vocales et émission d’un bruit guttural. Dans des cas plus
rares, le hoquet provient d’une irritation du diaphragme ou du nerf phrénique »4 5. Les termes
à retenir dans cette définition sont « involontaire » et « irritation » : ces deux mots peuvent
très bien s’appliquer à la jeunesse que Damas décrit dans ce poème. L’assimilation du jeune
enfant est involontaire car imposée par sa mère, et toutes les règles de comportement
énumérées – souvent à implication religieuse, semblent assez l’irriter. Le titre semble par là
donner le ton du poème. Mon axe de lecture pour la première partie de ce poème serait donc
une rébellion dénonciatrice mais impuissante contre l’Eglise, une des institutions qui a joué
un rô le dans l’assimilation culturelle des colonisés.
Le mouvement du poème est assez fluide, surtout grâ ce à l’énumération aux vers 12 à
17, et aux trois vers « désastre / parlez-moi du désastre / parlez-m’en » qui en guise de
refrain sont répétés deux fois dans cette première partie, et quatre fois dans l’entièreté du
poème (vv. 7-9, 35-37, 50-52, 63-65). Selon Keith Q. Warner, cette dernière particularité,
ajoutée à l’ironie, au récit d’une expérience personnelle et à la fin humoristique, donne à ce
poème un ton et un rythme typiques du calypso6 – danse à deux temps originaire de la
Jamaïque ou musique de type antillais qui accompagne cette danse7. Les nombreuses
anaphores et répétitions dénotent encore la musicalité de ce poème en rappelant les textes à
transmission orale comme par exemple les chansons de gestes8 : « le pain » est répété 6 fois
en début de vers (vv. 12-17), « parlez » apparaît 4 fois anaphoriquement (vv. 8, 9, 36, 37) et la
première partie se termine avec la répétition de « cet enfant sera » (vv. 43-44).

3
Mercer Cook, « In mémoriam Méon-Gontran Damas » in Hommage posthume à Léon Gontran Damas, Paris,
Présence Africaine, 1979, p. 20.
4
Le Petit Larousse de la Médecine, Paris, Larousse, 2007.
5
Une autre interprétation aurait pu être guidée par la définition donnée par le Petit Robert, qui dit que le hoquet,
dans la polyphonie médiévale, est une alternance de deux voix se répondant. Dans ce poème on a la voix de la
mère et celle de Damas, mais leur interaction n’est pas vraiment un dialogue.
6
Keith Q. Warner, Critical perspectives on Léon-Gontran Damas, Boulder, Three Continents Press, 1988, p. 149.
7
Le Petit Robert 2014.
8
Les anaphores et les répétitions des contenus facilitent la compréhension et l’écoute des chansons de geste.
6 stegmueller

La première partie du poème, qui en sa totalité est composé de 92 vers, est


typographiquement divisée en neuf sections. Celles-ci pourraient être regroupées en 5
segments, dont la séparation serait opérée par le refrain. Le premier segment (vv. 1-6) offre
une introduction contextualisante – le poète annonce qu’il va parler de son enfance, les deux
refrains, étant le deuxième (vv. 7-9) et le quatrième segment (vv. 34-37), sont séparés par une
longue partie où le code de comportement est présenté (vv. 10-33), et le dernier segment (vv.
38-43) expose les possibles conséquences d’une désobéissance. En lien avec l’axe, on pourrait
dire que le premier segment avance l’idée de l’impuissance et de la rébellion, tandis que le
troisième et le dernier segment contiennent des éléments faisant partie du champ sémantique
religieux qui proposent la direction spécifique de l’attaque que Damas opère contre ce
processus d’assimilation. Un élément frappant de la structure du poème, qui est
majoritairement composé de vers courts (dans la première partie il y a une prédominance
d’hexasyllabes – 10, de vers de quatre syllabes – 8, et l’apparition fréquente de trisyllabes et
dissyllabes), est la présence de quatre vers longs (vv. 10, 18, 38, 43). Les vers 10 et 38
indiquent que c’est quelqu’un d’autre qui décide le comportement de l’enfant ; le vers 18
pourrait faire allusion à – et dénoncer – la manière dont les colons « mangent » les peuples
colonisés, soit « avec mesure et discrétion » et donc de façon à ce que les intéressés ne
s’aperçoivent pas de ce qui est en train de se passer ; et le vers 43 propose la motivation de
tout cet intérêt pour les règles de bienséance, soit la « honte ». Leur longueur souligne leur
significativité : ces quatre vers long semblent résumer le ton dénonciateur du poème, en nous
disant que par peur d’avoir une mauvaise apparence, les peuples colonisés sont contraints de
se comporter d’une certaine façon et ils suivent ces règles sans être conscients de ce qui est
vraiment en train de s’opérer.
Le thème de la rébellion peut se retrouver, comme il a déjà été dit plus haut, dans le
premier segment du poème, en particulier au vers 6. Le flic étant quelqu’un « qui aime faire
régner l’ordre » et le voyou étant un « homme du peuple ayant des activités délictueuses »9,
un contraste est tout de suite présenté entre quelqu’un qui dicte les règles et quelqu’un qui ne
les suit pas. Un autre élément qui dénote une sorte de révolte est le geste du je-lyrique qui
voudrait apaiser son hoquet en « avalant sept gorgées d’eau / trois à quatre fois par vingt-
quatre heures », cherchant à réduire au silence les souvenirs douloureux de son enfance (vv.
1-4). À ce propos, Warner écrit que ce poème « admirably illustrates [Damas’s] unwillingness
to accept the fact that he is as well the product of an early bourgeois upbringing which he

9
Ces définitions sont tirées du Petit Robert 2014.
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despises and regards as one of the greatest tragedies of his life »10. Le lien entre le je-lyrique et
le thème de la rébellion est opéré par la similitude mise en place avec le « tel » au début du
vers 6 qui vient d’être analysé : son hoquet secoue son instinct comme un policier secouerait
un malfaiteur. L’instinct du je-lyrique est donc du cô té de la transgression des règles. Le fait
que « Hoquet » soit écrit en vers libres est aussi important à remarquer, en ce contexte de
règles et impositions. Les choix lexicaux sont également significatifs : « flic » et « voyou » ne
sont pas exactement les mots les plus canoniques pour construire cette comparaison. On
aurait pu trouver « policier » et « voleur » ou « délinquant », mais le poète a choisi d’utiliser
des versions plus familières et moins conventionnelles de ces termes. Au vers 38, l’utilisation
du mot « mémorandum » est aussi un peu frappante, car aucune des trois définitions données
dans le vocabulaire pourraient être appliquées à un fils : un mémorandum est dans tout cas
une note écrite. Le vers peut quand même être compris en passant par l’origine latine du mot :
« mémorandum, substantif neutre du latin memorandus ‘qui doit être rappelé, mérite d’être
rappelé’ »11. Le poète refuse donc toute règle stylistique et utilise un vocabulaire qui contraste
le contexte très stricte et réglé décrit dans le poème, et par là avance son désir de rébellion.
Le caractère dénonciateur de ce poème est ensuite surtout souligné par les vers-
refrain : le « désastre » dont le je-lyrique veut qu’on lui parle serait sa jeunesse, ce que ce
poème raconte (vv. 7-9). Le poète trouve donc désastreuse l’imposition d’une certaine façon
de se comporter et de paraître : comme Bajeux résume, pendant cette jeunesse il était
question « d’une imposition massive de valeurs, bonnes manières à table, prière, leçon
d’histoire, langue française, monuments aux morts, [et] leçon de violon »12. Les pronoms
relevés dans la première partie de « Hoquet » sont surtout liés à la première personne du
singulier (« je » au vers 1, « me » au vers 3, « moi » aux vers 8, 9, 36, 37 et le possessif aux vers
3, 5, 10 et 38). On peut par là conclure que cette dénonce a surtout un caractère personnel.
Cependant, l’utilisation du « vous » (vv. 16, 26, 39, 40, 42) laisse entendre que cette situation
n’est pas restreinte à la seule personne du je-lyrique : le « je » et le « vous » sont présentés
comme étant en train de subir le même traitement. Grâ ce surtout au deux derniers vers du
poème, Damas met en place ce que Bajeux appelle « la loi structurelle de la poésie noire : celle
de l’amplification du sujet »13. Le désastre dont parle le je-lyrique semble apparemment
circonscrit « à un cas particulier qui met en scène la mère et l’enfant. L’éclatement final . . .

10
Keith Q. Warner, op. cit., p. 103.
11
Le Petit Robert 2014
12
Jean-Claude Bajeux, art. cit., p. 353: mon italique.
13
Ibid, p. 354.
8 stegmueller

dévoile pourtant le prolongement collectif de ce cas individuel »14. À ce point de l’analyse, le


caractère de rébellion dénonciatrice a été présenté.
Malgré l’aversion du je-lyrique contre l’assimilation imposée par des instances
supérieures ici incarnées par la mère, ce poème véhicule aussi un sens d’impuissance. Déjà le
tout premier vers – le je-lyrique disant qu’il a « beau avaler » – dégage cette sensation
d’impotence : on rappelle que le hoquet présenté par le titre est un phénomène involontaire
contre lequel le poète n’y peut rien. Peu importe ce qu’il fait, le hoquet et sa jeunesse ne
peuvent pas être oubliés, effacés ou tus. En observant la temporalité du poème, on relève que
les temps verbaux sont tous au présent ou au futur : « revient » (v. 3), « secouant » (v. 4),
« parlez-moi » (vv. 8, 9, 36, 37), « voulant » (vv. 10, 38), tous les verbes au présent dans
l’énumération des règles (vv. 12-28), « irez » (v. 40) et « sera » (vv. 43, 44). Cela actualise la
situation qui est racontée, jusqu’à lui attribuer un caractère obsessif15 : même si le je-lyrique
est en train de se souvenir de son enfance qui devrait donc être loin derrière lui, ces souvenirs
ont quand même une connotation du « ici et maintenant ». Le jeune enfant dont il est question
ne pouvait pas se soustraire à ces contraintes tout comme le je-lyrique ne peut se débarrasser
de cette condition : le passé le hante malgré lui. En prêtant ensuite attention au ton, il est
possible de relever une ironie qui traverse tout le poème. Dans The New Oxford Companion to
Literature in French ce ton est même décrit comme étant sarcastique : « Damas created in
‘Hoquet’ a sarcastic monologue which dramatizes the voice of a mother scolding a little
mulatto boy who resists being socialized into French respectability »16. Le poète reproduit les
phrases de sa mère avec un ton dérisoire (vv. 11-37, 39-44) : les répétitions fréquemment
utilisées de « pain » et « et puis » soulignent cet effet de singerie. Ensuite, la longue liste
centrée sur la façon dont il faut manger le pain semble plutô t sérieuse et importante au début,
mais le fait qu’elle se termine par un vers qui n’a apparemment pas de sens en efface tout le
sérieux: « le pain du pain » (v. 17) suggère que tout ce qui a été dit avant n’est qu’une
répétition automatique de quelques règles imposées sans véritable réflexion. L’anaphore de
« le pain » et le vers 17 semblent donc construire une sorte de litanie. La même chose apparaît
aux vers 29-30 et 34-35 : la répétition de « et puis et puis / et puis » donne encore une fois la
sensation d’une liste de règles répétées incessamment et automatiquement, dont le poète
semble se moquer. Jean-Claude Bajeux, dans son article en hommage à Damas fait d’ailleurs

14
Idem.
15
Ibid, p. 352.
16
The New Oxford Companion to Literature in French, éd. par Peter France, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 218.
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une remarque intéressante : il dit que « le ton de l’ironie [est l’]arme de l’impuissance »17. On a
donc une rébellion, une dénonciation, mais toujours une sensation d’impuissance.
En observant avec plus de précision, il est possible de relever que même si cette
dénonciation porte généralement contre le phénomène de l’assimilation, il y a une institution
en particulier qui est ici beaucoup appelée en cause : l’Eglise. Les références religieuses sont
dispersées sur toute la longueur du poème, et avec une intensité particulière dans la première
partie. Tout d’abord, la deuxième règle qui indique que « le pain ne se coupe pas / le pain se
rompt » (vv. 12-13) fait allusion à l’expression utilisée dans les Actes des Apô tres, et même à
la coutume juive de rompre la galette de pain en ouverture de repas18. Au vers 15, « le pain de
Dieu » rappelle un passage du Pater Noster qui récite « donne-nous aujourd’hui notre pain de
ce jour » : ce qui est reçu est donc le pain de Dieu justement. Le vers suivant, « le pain de la
sueur du front de votre Père », s’ouvre à deux interprétations : à un premier niveau, la mère
pourrait juste être en train de parler du père de famille, qui en travaillant se charge de porter
les aliments sur la table familiale. Cependant, une phrase similaire se retrouve aussi au
troisième verset de la Genèse, quand après la chute Dieu s’adresse à Adam en lui disant « à la
sueur de ton visage tu mangeras du pain »19. La majuscule choisie pour « Père » semble
indiquer que ce serait plutô t la deuxième interprétation, celle à caractère religieux, qui devrait
être prise en considération. Aux vers 30 à 33, on retrouve encore un autre renvoi à la religion :
« au nom du Père / du Fils / du Saint-Esprit » fait référence à la règle religieuse qui impose de
réciter les Grâ ces « à la fin de chaque repas ». Toutes ces références à l’Eglise sont cependant
connotées négativement par les derniers vers de cette première partie. En disant « vous n’irez
pas à la messe / dimanche / avec vos effets des dimanches » le poète met un accent particulier
sur le paraître20, ce qui ne devrait religieusement pas avoir beaucoup d’importance (vv. 40-
42). Aller à la messe n’est donc pas présenté ici comme une activité spirituelle mais plutô t
comme un rite social d’exhibition21. Avec cette conclusion de propos toute la religiosité
contenue en ce poème est rabaissée à une simple farce, et on pourrait comprendre que les
peuples colonisés suivent ces règles de dévotion que dans le but d’imiter les Français et leur
lien à la religion, et pas vraiment dans une optique spirituelle. Autre élément de moquerie à
l’égard de la doctrine religieuse est le vers sans sens « le pain du pain » qui a déjà été analysé

17
Jean-Claude Bajeux, art. cit., p. 353.
18
http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/862.html
19
Genèse 3 :19, La Bible : traduction œcuménique, Villiers-le-Bel : Bibli’O – Societé biblique française/Paris :
Editions du Cerf, 2010.
20
L’importance du paraître se retrouve aussi aux vers 24 et 25, quand à l’enfant il est interdit de se moucher
publiquement.
21
http://yjohri.pagesperso-orange.fr/Negritude_Damas_texte.html
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0

plus haut22. Comme Pierre Akinwande l’écrit dans son ouvrage, « le poète non croyant [se]
sert aussi [de ce poème] pour faire une satire du dogme catholique chrétien en vigueur en
France »23.
Par le ton du poème, son rythme, les choix lexicaux opérés et la structure du texte, il a
été possible de montrer comment « Hoquet » véhicule une dénonciation impuissante du rô le
joué par l’Eglise dans le procès d’assimilation culturelle des peuples colonisés. Ce poème a
donc une importance historique, car il offre un point de vue intérieur sur les événements
vécus par Damas24 et ses compatriotes, et souligne l’importance que certaines institutions ont
eue dans l’imposition de la culture française dans les départements d’outremer. Pour un avis
plus personnel, la lecture de ce poème a été très intéressante et captivante surtout grâ ce à son
rythme musical et à l’ironie perceptible. Le vocabulaire utilisé a particulièrement attiré mon
attention et j’ai bien apprécié avoir pu en analyser l'impact.

22
Cf. supra, p. 4.
23
Pierre Akinwande, Négritude et francophonie: Paradoxes culturels et politiques, Paris, L’Harmattan, 2011, p.
144.
24
Keith Q. Warner, op. cit., p. 40.
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1

Par quelles stratégies poétiques ce poème répond-il aux engagements pris par la Négritude?

La négritude est surtout un mouvement pour le refus d’épouser la culture étrangère


imposée par le colonialisme, mais aussi pour l’affirmation des valeurs de la culture négro-
africaine grâ ce à la célébration de sa grandeur et sa beauté. Déjà par son titre, ce poème
s’inscrit dans la première résolution. Le hoquet est en fait un refus viscéral, qui n’est ni une
digestion ni un vomissement : le poète ne semble pas réussir à oublier ou métaboliser son
enfance désastreuse.
Dans la première partie du poème, ce sentiment de refus peut être retrouvé par ce que
j’ai mentionné dans mon paragraphe sur la rébellion25. Le poète semble refuser de suivre des
règles strictes de la poésie en construisant ce poème avec des vers libres, des strophes libres
et en opérant plusieurs découpes syllabiques dans la deuxième partie (vv. 78, 87-90). En
outre, il choisit un vocabulaire anti-conventionnel qui se distancie du poétique : « flic » (v. 6),
« rots » (v. 21) et « Untel » (v. 61, 62) ne se retrouvent pas souvent dans ce type de
compositions.
Dans la deuxième partie, le désir du refus est plus évident. Le vers 46 laisse entendre
que le je-lyrique n’a pas parlé « le français français » (v. 49). Au vers 55 et 56 on lui reproche
de ne pas avoir salué la voisine comme il l’aurait dû faire, et d’avoir « encore [ses] chaussures
de sales ». Malgré sa mère « voulant un fils très bonnes manières à table » (v. 10),
« mémorandum » (v. 38), « fils de sa mère » (v. 54), « très do / très ré / très mi / très fa / très
sol / très la / très si / très do » (vv. 66-73), le je-lyrique semble bien contraire à suivre ses
règles. Il n’est pas allé à sa leçon de violon, il aimerait jouer du banjo et pense que toute sa
jeunesse a été un « désastre ».
Par son caractère dénonciateur26, ce poème s’inscrit donc dans l’engagement de la
Négritude. Les poètes tels que Damas, Césaire et Senghor reprochent l’imposition de la culture
française sur les territoires colonisés. Le je-lyrique présente dans « Hoquet » une situation
déplorable, et montre à quel point toutes ces règles de bienséances semblent ridicules dans un
contexte de « mulâ tres » (v. 91).

25
Cf. supra, p. 3.
26
Cf. supra, p. 4.
1 stegmueller
2

BIBLIOGRAPHIE

Source
DAMAS Léon-Gontran, Pigments—Névralgies, éd. par Sandrine Poujols, Paris, Présence
Africaine, 2005.

Ouvrages consultés

AKINWANDE Pierre, Négritude et francophonie: Paradoxes culturels et politiques, Paris,


L’Harmattan, 2011.

BUFFARD-MORET Brigitte, Précis de versification, Paris, Armand Colin, 2011.

COLLECTIF, Hommage posthume à Léon-Gontran Damas (1912-1978), Paris, Présence


Africaine, 1979.

La Bible : traduction œcuménique, Villiers-le-Bel : Bibli’O – Societé biblique française/Paris :


Editions du Cerf, 2010.

Le Petit Larousse de la Médecine, Paris, Larousse, 2007.

ROBERT Paul, REY-DEBOVE Josette (dir.), et REY Alan (dir.), Le Petit Robert : dictionnaire
alphabétique et analogique de la langue française [millésime 2014], Paris, Le Robert, 2013.

The New Oxford Companion to Literature in French, éd. par Peter France, Oxford, Clarendon
Press, 1995.

WARNER Keith Q., Critical Perspectives on Leon Gontran Damas, Boulder, Three Continents
Press, 1988.

Sites internet
À propos de Mercer Cook : http://en.wikipedia.org/wiki/User:Royalmate1/Sandbox, consulté
la dernière fois le 23.4.14.
stegmueller 1
3

À propos de Mercer Cook : http://history.state.gov/departmenthistory/people/cook-mercer,


consulté la dernière fois le 23.4.14.

À propos de « Hoquet » : http://yjohri.pagesperso-orange.fr/Negritude_Damas_texte.html,


consulté la dernière fois le 27.4.14.

Lecture du poème : https://www.youtube.com/watch?v=-RsWRx3x8ws, consulté la dernière


fois le 27.4.2014.

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