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Classe de Troisième

☛ Formes du récit aux xxe et xxie siècles

La Civilisation,
ma Mère !...
Driss Chraïbi
Édition de Marianne Chomienne

Deux fils racontent


avec tendresse la vie
de leur mère dans le
Maroc des années 1930
jusqu’à l’indépendance
du pays. Grâce à ses deux
garçons, cette femme
finit par prendre son
destin en main. Avec
ce récit engagé et plein
d’humour, Driss Chraïbi
célèbre l’émancipation
des femmes.
ISBN 978-2-7011-6170-9
224 pages
La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 1

2 Dressez la liste des procédés qui donnent au premier chapitre une tonalité

 Arrêt sur lecture 1 p. 38-44


lyrique (expression des sentiments, rapport avec la nature, images). Quel senti-
ment domine le narrateur lorsqu’il se remémore son passé ? Le premier chapitre
présente une tonalité lyrique qui se traduit par plusieurs indices :
— l’expression des sentiments : c’est un récit à la première personne qui évoque la
nostalgie et le regret du temps qui passe (« souvenirs », « passé », l. 10 ; « souve-
Un quiz pour commencer p. 38-39 nirs », l. 12 ; « autrefois » employé à deux reprises comme adverbe, l. 1 et 4 ; une fois
sous la forme substantivée, l. 15-16) ;
1 Où l’histoire racontée par le narrateur se déroule-t-elle ? Dans une ville — le rapport à la nature : la nature est omniprésente dans ce chapitre (« mer et
marocaine. montagne », l. 1 ; « arbre », l. 4 ; « la terre entière », l. 4-5 ; « L’Océan », l. 6 ; « [le]
ciel », l. 7 ; « la falaise », l. 7 ; « la plage », l. 9). De plus, le narrateur semble en
2 De qui la famille du narrateur est-elle composée ? Son père, sa mère et son
parfaite adéquation avec cet environnement. On peut en effet y lire à la fois
frère.
son amour de la nature et son inscription dans l’univers (« Et peut-être y retour-
3 Pourquoi le narrateur doit-il se laver la bouche en rentrant chez lui ? Parce nerai-je pour mourir en paix, un jour… », l. 3 ; « La terre entière, humanité com-
qu’il a parlé français à la maison. prise […] », l. 5-6) ;
4 Comment la mère occupe-t-elle ses journées ? En prenant soin du logement et — L’éloquence des images créées : métaphore des « entrailles de la mer » (l. 5) et
des membres de sa famille. métaphore filée de la vague ; comparaison des « bulles d’écume » (l. 12) ; personni-
fication de l’océan (l. 6).
5 Quelle définition les deux garçons donnent-ils de la radio ? C’est une boîte Face à son passé, le narrateur éprouve un sentiment de regret, de nostalgie. Les
qui parle. mots du texte parlent de « souffrance et amertume » (l. 13), de « gigantesque
6 Comment les enfants font-ils accepter à leur mère l’installation de l’électri- mélancolie » (l. 15). Il déplore à la fois la perte du « paradis » (l. 1, 4) de l’enfance,
cité ? Ils lui font croire que c’est l’œuvre d’un magicien. « quand tout était à commencer, à espérer » (l. 16), mais il est aussi négatif face au
chemin parcouru dans la vie : « avoir tant lutté pour presque rien » (l. 13).
7 Que fait la mère pour écouter la radio la première fois ? Elle met de beaux
habits. 3 Retrouve-t-on dans le chapitre 2 la tonalité lyrique du chapitre 1 ? Citez trois
différences entre ces deux premiers chapitres. Non, la tonalité lyrique du cha-
pitre 1 ne se retrouve pas dans le chapitre 2. Les différences entre les deux pre-
Des questions pour aller plus loin p. 40-41 miers chapitres sont nombreuses. Parmi elles on peut citer :
— la présentation typographique : l’italique du premier chapitre vient souligner
☛ Découvrir la mise en place d’un récit d’enfance visuellement le hiatus entre les deux chapitres ;
— l’âge du narrateur : le narrateur du chapitre 1 est arrivé à l’âge adulte, puisqu’il se
Un récit rétrospectif
retourne sur son passé et fait le bilan de sa vie, alors que le deuxième chapitre met
1 De quelle période de la vie du narrateur les souvenirs racontés datent-ils ? en scène le narrateur enfant dans l’évocation des souvenirs de classe ;
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Peut-on les situer précisément dans le temps ? Les souvenirs remontent à l’en- — la tonalité des chapitres : poétique et lyrique dans le premier chapitre, avec un
fance du narrateur. À la fin du chapitre 2, le narrateur donne un âge (6 ans) et travail sur les sonorités (« étincelle et ruisselle d’une vie nouvelle », l. 18-19) et
une date (1936) mais les autres souvenirs ne sont pas aussi précisément datés, sur les rythmes (« naissent et meurent, se couvrant et se renouvelant, ajoutant
on devine juste, par la nature des souvenirs évoqués, qu’ils remontent à la période leur vie à la vie », l. 20-21), alors que le deuxième chapitre est un texte narratif,
où le narrateur est scolarisé, entre 1936 et la Seconde Guerre mondiale (fin du comme le prouvent le temps employé et l’organisation chronologique, aux accents
chapitre 3). comiques, avec notamment les scènes de la mère chassant le frère à coups de

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La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 1

torchon, de l’enfant obligé de se laver la bouche parce qu’il a parlé français, du ensuite « à pas de Sioux » (l. 73) ; le mouton est quant à lui « transformé en un mus-
récit de la confection des habits. tang fou furieux » (l. 88) : c’est une véritable bataille, un rodéo auquel s’apprête à
assister le narrateur. La tonte en elle-même devient une « danse rituelle » : « dan-
4 En quoi la succession des chapitres 2 et 3 peut-elle rappeler les « bulles
sait » (l. 67), « valsait », « tanguait… » (l. 70). La scène devient ainsi une aventure et
d’écumes » (p. 15, l. 12) ou les « vagues […] se couvrant et se renouvelant » (p. 15,
le narrateur lui confère les accents d’un récit épique en lui donnant du rythme. Ces
l. 20-21) évoquées dans le chapitre 1 ? Comme des bulles, les deux chapitres sont
métaphores donnent au récit un aspect comique et décalé qui se retrouvera dans
indépendants, chacun centré sur un événement différent (la confection de l’habit
toute la première partie du roman.
pour l’un, l’arrivée de la radio pour l’autre), ils sont autonomes et se recouvrent
comme des vagues successives. Ce sont deux moments de vie, distincts, qui, par 8 Sur quel ton l’épisode de l’installation de la radio est-il raconté ? Justifiez
leur enchaînement dressent un portrait du narrateur et de sa famille. votre réponse à l’aide de quelques citations. Le récit de l’installation de la radio
est raconté sur un ton humoristique : les difficultés d’aménagement puis les expli-
5 Dans quelle mesure le narrateur adulte fait-il sentir sa présence dans les cha- cations données à la mère, ses réactions, sont montrées à travers le regard atten-
pitres 2 et 3 ? Citez un passage dans lequel il commente son récit. Le narrateur dri du narrateur devant cette mère redevenue une enfant (p. 28). Ce regard est
adulte revient de façon visible au chapitre 2 quand il s’adresse directement au lec- également insistant et souligne tout ce qui est drôle (les péripéties des déména-
teur (« Vous savez bien : de ces célèbres ciseaux japonais des années 20 », p. 18), geurs pour entrer dans la maison, les croyances de la mère en un monde magique
évoquant la machine à coudre de sa mère dans sa bibliothèque (p. 23) ou encore fait de sorciers, par exemple). D’ailleurs, c’est un chapitre dominé par la figure du
dans le chapitre 3, quand il fait allusion à sa fille Dominique (p. 33). Mais on le frère, Nagib, caractérisé par son rire et sa joie de vivre communicatifs.
devine également derrière la remarque sur son frère, « Jamais il ne s’est marié »
(p. 16), ou dans les commentaires qu’il fait sur sa mère, sa solitude (p. 19, 25), son 9 Retrouvez dans le chapitre 3 un exemple de chacun des types de comique
manque d’amour (p. 25, 37), son inculture (p. 17). Ce sont davantage des commen­ suivants : comique de gestes, de paroles et de situation. On peut caractériser les
taires d’un adulte qui se retourne sur son passé que des paroles d’enfant, et éléments du chapitre 3 en utilisant la typologie du registre comique :
comme des clins d’œil fait au narrateur devenu adulte. — comique de gestes : course dans les chambres pour allumer l’électricité (p. 33) ;
gesticulations des déménageurs pour passer dans l’escalier, lorsque l’un d’entre
Une enfance entre tradition et modernité eux se cogne la tête malgré les avertissements de Nagib (p. 27-28) ;
— comique de paroles : recours au registre familier des déménageurs (p. 26-27),
6 Quels sont les deux mondes dans lesquels évolue le narrateur enfant ? image des ours et des géants pour les caractériser (p. 28), dispute autour du nom
Relevez les termes qui opposent ces deux univers (p. 16-17, l. 1-43). Les deux uni- de la radio (p. 30) ;
vers opposés dans lesquels le narrateur enfant évolue sont celui de l’école et de — comique de situation : excitation de la mère lors de la découverte de l’électricité
la maison : (p. 31).
— l’école est l’univers du colonisateur et du savoir : connaissances d’hygiène,
apprentissage du français, vêtements « de civilisé » (p. 17) ; Le portrait d’une mère
— la maison est l’univers de la mère qui fabrique savon et habits de façon artisa-
 Dressez le portrait physique et moral de la mère en vous appuyant sur des
nale et traditionnelle.
citations précises des chapitres 2 et 3. On sait de la mère qu’elle est petite et
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Ces deux univers ne communiquent pas, ils sont fermés sur eux-mêmes : il faut se
menue (« Elle était si menue, si fragile », p. 16), et que son regard témoigne de son
laver la bouche en rentrant et se changer (p. 17), l’Histoire reste derrière la porte
affection pour le narrateur (« Elle était là, debout, […] me regardant à travers deux
(p. 20).
boules de tendresse noire : ses yeux », p. 16). C’est une femme dévouée aux siens.
7 Relevez les images et les comparaisons employées par le narrateur dans Elle est orpheline et de ce fait n’a pas eu d’enfance : elle a été immédiatement
l’épisode de la tonte (p. 18-19, l. 55-108). Qu’apportent-elles au récit ? La mère placée dans une famille bourgeoise comme « bonne » (p. 21), elle n’a reçu aucune
est comparée à un « corsaire se préparant à l’abordage » (l. 59-60), elle sautille éducation, et a été mariée très jeune, « à l’âge de treize ans » (p. 21). Elle est alors

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La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 1

devenue la femme d’un homme riche, un « bourgeois cousu d’or » (p. 21), qui l’a cette situation se montre critique : il dénonce l’infantilisation de la femme et son
choisie « sans l’avoir jamais vue » (p. 21) et qui « pouvait avoir l’âge de son père » maintien dans l’innocence. Ainsi, page 23, on peut lire, à propos de son mode de
(p. 21). On apprend également, avec l’épisode de la tonte et du filage, que c’est une vie le mot « colonisation », la femme étant, selon l’auteur sous colonisation mascu-
femme patiente et tenace : « elle ne perdait ni son sang-froid ni sa ténacité » (p. 18) ; line, dominée et sans aucune autonomie.
« patiemment, avec la méticulosité d’un Chinois laquant un paravent », (p. 20).
 En quoi la lecture des trois premiers chapitres éclaire-t-elle le titre du livre ?
Sans éducation, elle est crédule, et se montre très attachée aux croyances qu’on
 es premiers chapitres évoquent le rapport de la mère du narrateur avec la civili-
L
lui a inculquées, qu’elles soient religieuses (« nous avons désobéi au Seigneur »,
sation. Le chapitre 2 la met en scène dans une scène traditionnelle, la confection
p. 28) ou magiques (« comme les fakirs et les charmeurs de serpents », p. 31). Les
d’un vêtement pour le narrateur, et le chapitre 3, à l’opposé, montre l’entrée d’un
scènes de la tonte ou de la radio permettent également de dresser un portrait en
objet moderne, la radio, amenée par Nagib dans l’univers maternel. Le titre peut
actes de la mère, de la rendre plus vivante au lecteur.
ainsi être compris comme une formule de présentation, un fils qui présente à sa
 En quoi la mère incarne-t-elle un mode de vie traditionnel ? Comment réagit- mère la civilisation moderne à laquelle son enfance et son éducation ne lui ont pas
elle face au monde moderne ? Son enfance au travail et son mariage jeune sont donné accès.
des marques de la tradition marocaine. Elle fait partie d’une société orale, elle ne
 Comment pourriez-vous caractériser le regard que le narrateur porte sur sa
cesse d’ailleurs de parler et chanter (à ses enfants, au mouton, à la radio). On sait
mère ? Expliquez votre réponse. Le regard du narrateur sur sa mère n’est jamais
aussi qu’elle est attachée à la religion : aux « vêtements de païen » que porte son
critique dans ces chapitres : le chapitre 2 a donné des explications à l’état d’enfance
fils pour aller à l’école, elle oppose des habits « bibliques » (p. 17) qu’elle tisse elle-
de sa mère, maintenue dans la plus parfaite ignorance par son mari et par toute
même, et au mouton avant le sacrifice, elle fredonne des chants religieux. Sa pre-
une société. C’est le narrateur lui-même qui, par tendresse, pour ne pas brusquer
mière réaction face au monde moderne est la peur, ainsi elle ne peut s’empêcher
sa mère, invente cette histoire de magicien pour lui permettre d’accepter l’arrivée
de recourir à la prière quand arrive la radio (« prie, mon fils, prie ! », p. 28). C’est un
de la radio et d’accéder enfin au monde extérieur qui, sinon, lui serait encore refusé.
monde qui lui est entièrement étranger et qu’elle n’adopte que lentement : elle ne
C’est un regard attendri, aimant, à l’instar de Nagib (p. 16) qui se pose sur la mère.
comprend rien aux leçons de son mari (« incompréhension totale », p. 35) et n’ac-
cepte la radio que parce qu’elle la rattache au monde des contes et de la magie.

 Que représente l’arrivée de la radio pour la mère du narrateur ? L’arrivée de De la lecture à l’écriture p. 42-43
la radio brise sa solitude et transforme la mère en être humain à part entière :
elle représente à la fois un père, un mari et un ami. C’est une présence et aussi
Des mots pour mieux écrire
une libération : grâce à la radio, elle sort de sa prison, s’évade, voyage par l’esprit,
assiste aux spectacles qu’elle écoute religieusement (p. 35). 1 a. adjectifs mélioratifs : tenace, méticuleux, hospitalier, érudit
adjectifs péjoratifs : fruste, reclus.
 Que sait-on des rapports de la mère avec son époux ? Quel effet produisent b. Lors de l’épisode de la tonte, la mère se montre tenace pour attraper le mouton.
les images de l’« arbre, cerclé dans une cour de prison » et de « la trappe de la
— Filer la laine est un exercice méticuleux.
colonisation » (p. 25, l. 270 et 273) ? Les relations de la mère avec son époux
— En rentrant de l’école, le narrateur retrouve l’univers hospitalier du foyer
manquent de tendresse. Le couple parental est un couple imposé, un couple de
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

maternel.
hasard dans lequel, de façon traditionnelle, l’homme est dominant. La femme,
— Le père est beaucoup plus érudit que la mère, qui n’a reçu aucune éducation.
quant à elle, est présentée comme une recluse et vit dans une grande solitude :
— Les déménageurs sont des personnages un peu frustres : ils ne ménagent pas le
elle parle au mouton pour peupler cette solitude, la soirée d’amour révèle aussi
narrateur dans leur propos.
cet isolement (« j’ai assisté à un lever de soleil sur sa solitude quotidienne et pro-
— La mère vit recluse chez elle, sans jamais sortir de la maison.
fonde » p. 25). L’image de l’arbre « cerclé dans une cour de prison » à la fin du cha-
pitre 2 souligne l’enfermement imposé à cette femme. Le regard du narrateur sur 2 a. Jeu d’enfant ; b. enfantillage ; c. infantiliser ; d. infantile.

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La Civilisation, ma Mère !… Arrêt sur lecture 2

Du texte à l’image p. 43 Comparer le texte et l’image


➦ Eugène Delacroix, La Famille Bouzaglo, aquarelle, 1834. 4 Malgré la différence d’époque, entre le temps du récit et celui auquel a été
➦ Photographie de Casablanca, 1936. peint le tableau, la mère du narrateur pourrait-elle être l’une des deux femmes
(Images reproduites en début et en fin d’ouvrage, au verso de la couverture.) représentées par Eugène Delacroix ? Justifiez votre réponse. L’enfermement et
l’aspect traditionnel du repli sur la maternité correspondent bien au personnage
Lire l’image de la mère mais elle est montrée, dans le roman, dans une solitude qui ne corres-
pond pas au tableau de Delacroix : la mère du narrateur n’est pas dans une pièce
1 Décrivez l’intérieur peint par Eugène Delacroix en vous intéressant notam-
avec d’autres femmes, elle y est absolument coupée de toute communication. De
ment aux couleurs dominantes, au décor, aux personnages représentés et à leur
même, la présence d’un miroir au mur sera niée dans la suite du roman : la mère
attitude. L’intérieur représenté est une pièce d’apparence simple, dominée par la
ne s’est jamais vue avant l’intervention de ses deux fils.
couleur brune (sol et murs) qui contraste avec les tons gris et blancs (habits, haut
des murs). La pièce est peu décorée, avec sans doute une tenture au mur ou un 5 La photographie de Casablanca vous semble-t-elle correspondre à l’univers
paravent, et peu meublée. Les personnages sont des femmes et des enfants : les que fréquente le narrateur de la première partie de La Civilisation, ma Mère !…
femmes sont assises sur une natte posée au sol, deux adultes semblent s’occuper lorsqu’il n’est pas avec sa famille ? Justifiez votre réponse. La photographie
de bébés et de deux jeunes enfants. C’est une scène de vie quotidienne dans une représente bien l’univers moderne que fréquente le narrateur en dehors de la
maison marocaine. maison. Ainsi, les voitures, le cinéma sont autant d’éléments qui figurent dans la
suite du roman. La photographie témoigne de l’ouverture sur le monde extérieur,
2 Identifiez dans la photographie les signes de la modernité. Précisez ce qui
un monde auquel les femmes n’ont pas accès, et en cela elle correspond bien au
vous permet de reconnaître une ville marocaine. C’est une rue de grande ville,
roman.
large et sur laquelle donnent des façades d’immeubles cossus : la rue, les trottoirs,
la taille des immeubles sont les symboles de la modernité. On repère également
des objets du monde moderne : les voitures, le réverbère et un cinéma (LUX visible
sur une façade). Certains éléments évoquent le Maroc : de part et d’autre de la
rue, des palmiers, signe d’un climat chaud ; au centre, une place bâtie autour d’un
élément d’architecture, une sorte de tour, sans doute un minaret, signe religieux
constitutif des villes maghrébines ; enfin on peut lire l’inscription « Maroc » sur la
façade d’un bâtiment officiel au premier plan.

3 Comparez le tableau de Delacroix avec la vue de Casablanca en relevant tout


Arrêt sur lecture 2 p. 95-100

ce qui les oppose et dites quelle atmosphère se dégage de chacune de ces deux
images. Les deux lieux s’opposent diamétralement sur plusieurs plans :

Tableau de Delacroix Photographie Un quiz pour commencer p. 95-96


© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

— Intérieur, lieu clos et replié sur lui-même — Extérieur, lieu ouvert et lieu
1 Quels objets modernes entrent dans la maison du narrateur ? Une cuisinière,
— Univers traditionnel de rencontres
— Univers moderne
un téléphone, un fer à repasser.
— Activité familiale
— Monde féminin — Activité économique 2 Où la mère range-t-elle ses produits de beauté ? Dans la cuisine.
— Atmosphère calme — Monde masculin
— Atmosphère d’agitation et d’ouverture 3 Quelle fête le narrateur veut-il célébrer après une conversation avec un
sur le monde camarade de classe ? Noël.

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La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 2

4 Quelles lois le narrateur tente-t-il d’expliquer à sa mère ?  Les lois de 2 Quels changements interviennent dans le mode de vie de la mère ? Ont-ils
l’électricité. des conséquences importantes ? Expliquez. Les changements qui interviennent
dans le mode de vie de la mère sont sa découverte de la modernité mais surtout
5 Comment la mère du narrateur parvient-elle à parler à sa cousine au télé-
son ouverture au monde. Elle sort de son isolement de façon progressive : avec la
phone ? Laborieusement, elle explique à l’opératrice où vit sa cousine.
radio elle entendait des nouvelles du monde et apprenait ce qui s’y passait, grâce
6 Où le père se trouve-t-il quand les garçons font sortir leur mère pour la pre- au téléphone elle s’ouvre davantage, participant plus activement, par ses ques-
mière fois ? Il est ailleurs et ne sait rien de ce qui se passe chez lui. tions et ses commentaires, à sa compréhension de la société ; enfin en sortant
de sa maison, elle acquiert une connaissance sensorielle de l’extérieur. Ces chan-
7 Comment la mère réagit-elle lors de la sortie au parc ? Elle est émerveillée de
gements sont d’une importance cruciale : elle n’est plus repliée sur elle-même et
tout ce qu’elle découvre.
prend ainsi part aux activités du monde.
8 Qui fréquente la « contre-école » ? Nagib.
3 Quels sentiments la mère ressent-elle au chapitre 6 ? Lors de sa sortie, elle
9 Pourquoi le narrateur quitte-t-il sa mère ? Parce qu’il part poursuivre ses est d’abord étonnée (« saisie », p. 63) puis contente mais vite déçue (« éclata en
études en France. sanglots », p. 65), elle est intimidée et inquiète en sortant (« Vous savez bien que
je [ne] suis jamais sortie [de la maison] », p. 66). Finalement, elle est envahie par
un sentiment d’euphorie et se montre très enthousiaste (p. 67-69)
Des questions pour aller plus loin p. 97-98
4 Parmi les matières qui sont enseignées à la mère (chap. 9), lesquelles pré-
☛ Analyser l’évolution du personnage de la mère fère-t-elle ? Est-ce étonnant ? Justifiez votre réponse. Ce que la mère préfère
dans les enseignements que lui prodigue son fils, c’est l’histoire et la géographie.
La découverte d’une nouvelle vie Il n’y a rien d’étonnant car cela correspond à ce que le lecteur, à ce stade du récit,
1 Faites la liste des différents objets offerts à la mère et précisez ce qu’elle en sait de ses goûts et de ses talents : talents de conteuse d’histoires, comme en
fait. La mère reçoit plusieurs objets modernes, ou simplement nouveaux pour elle, témoigne la scène du cinéma au chapitre 8, et plaisir de rencontrer les autres,
mais elle en détourne souvent l’usage. Car une nouveauté, pour être assimilée ainsi que le prouve la scène du téléphone au chapitre 5.
doit appartenir au monde des sensations et des émotions, ne pas être froide ou
abstraite. Page 47, on peut ainsi lire : « Tout ce qu’elle pouvait toucher, sentir, voir, Un récit d’apprentissage
entendre, goûter et aimer, elle l’assimilait aisément, l’adaptait à sa personnalité —
5 Qui est à l’origine de l’apprentissage de la mère ? En quoi est-ce surprenant ?
ce qui était à sa mesure. Le reste, elle le rejetait ».
 e sont ses deux fils qui sont à l’origine de son apprentissage, tour à tour ou
C
La liste de ces objets est la suivante :
ensemble : Nagib est présenté le premier, c’est lui qui fait installer la radio, qui
— le fait-tout « made in Germany » (p. 45) : elle le transforme en brasero ;
indique à son frère comment expliquer à leur mère le fonctionnement de l’électri-
— la cuisinière en fonte (p. 47) : elle en fait une armoire à trésors ;
cité… Puis le narrateur prend le relais quand il apprend des choses plus savantes
— le fer à repasser (p. 53) : il est cassé dès le premier jour ;
à sa mère — l’histoire, p. 84, ou l’anatomie, p. 85. Les deux garçons se joignent
— le téléphone (p. 55) : elle donne des indications farfelues à l’opératrice télépho-
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

pour faire sortir la mère dans le parc au chapitre 6, au cinéma au chapitre 8,


nique pour joindre sa cousine ;
ou à la foire au chapitre 9. Cette situation est surprenante en ce qu’elle inverse
— les chaussures et la robe (p. 61) : elle fait enlever les talons des chaussures,
les rôles attendus entre parents et enfants, d’ailleurs la mère le fait remarquer,
qu’elle ne porte finalement que pour sa première sortie ;
page 55 : « Comment ? Je suis plus âgée que toi. C’est moi qui t’ai enfanté, et non
— un cahier, un crayon une ardoise et un bâton de craie (p. 83) : elle s’en sert
le contraire, il me semble ».
correctement, selon leur usage, car ce sont des objets qui participent à son
émancipation.

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La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 2

6 Relevez et analysez l’image employée par le narrateur pour évoquer l’éduca- Le regard du narrateur
tion de sa mère (p. 80, l. 158-165). À la fin de la première partie (p. 93-94), quelle
 Que sait-on de la vie de la mère avant son éducation par ses fils ? On sait
parole de la mère fait écho à cette image ? L’image des vannes que l’on ouvre
qu’elle était inculte, savait à peine compter (« habituer à compter sur ses doigts »,
(l. 162) et de la fertilisation (l. 164) montre que l’éducation de la mère a une action
p. 80), qu’elle est enfermée dans son ignorance (« peu de vocabulaire », p. 81), soli-
positive sur sa vie, va lui permettre de s’enrichir intellectuellement. Mais c’est aussi
taire et étrangère dans sa famille même (« elle avait toujours été entourée d’une
une image qui traduit une certaine violence (« torrents », l. 162) et qui montre qu’un
pluie de silence et les seuls dialogues qu’elle pouvait avoir avec les trois étran-
certain travail est nécessaire (« endiguer », l. 163) pour que l’éducation soit efficace.
gers qui habitaient avec elle, c’était ça : le ménage et les repas », p. 81). Elle est
À la fin de la première partie (p. 93-94), la mère prend compte de cette action. Le
prisonnière de son statut et enfermée dans sa maison : elle n’existe pas hors de
terreau de son apprentissage a été fertile et toutes les graines semées par ses
son rôle de mère et d’épouse (« poupée, on l’avait étranglée par la loi et dans le
enfants, au fil de son éducation, ont bien poussé. Elle conclut ainsi : « je suis grande
devoir », p. 68). On sait cependant, qu’inconsciente de cet isolement, elle n’en était
maintenant » (l. 56).
pas malheureuse.
7 Quel reproche la mère fait-elle au narrateur lorsqu’il essaie de lui expliquer
les lois de l’électricité en évoquant des « génies » (p. 54-55) ? Elle lui reproche  Pourquoi le narrateur veut-il faire sortir sa mère hors de sa maison au cha-
de la prendre pour une enfant et d’inverser les rôles : « Je suis plus âgée que toi. pitre 6 ? Comment a-t-il choisi le jour de cette sortie ? Le but du narrateur est de
C’est moi qui t’ai enfanté et non le contraire, il me semble » (l. 73-74). Elle n’a pas rendre sa liberté à sa mère comme en témoigne la comparaison avec les chevaux
tort : il l’infantilise en effet lorsqu’il ne lui explique pas réellement les choses mais (l. 98-103, p. 63).
a recours à une histoire magique, au merveilleux pour lui expliquer le monde. On La date de ce grand jour qu’est la première sortie de la mère, est choisie en fonc-
pourra se souvenir que c’était le rôle des mythes et des contes (instruire et plaire). tion du père. Le narrateur privilégie le dimanche parce que le père n’est pas là
C’est un peu la même infantilisation lorsqu’il lui achète de quoi l’habiller (p. 61) ou (l. 86-96, p. 63) : la sortie est qualifiée d’ailleurs comme un « secret » (p. 70).
quand il lui apprend à reconnaître la valeur des billets de banque (p. 90)  Le narrateur dit de son père qu’il est « moderniste d’objets, non d’idées »
8 Quel sentiment nouveau la mère ressent-elle à partir de la fin du chapitre 9 ? (p. 47, l. 77-78) : que lui reproche-t-il ? Pensez-vous que la première partie du
Pourquoi ? Au terme de son apprentissage la mère ressent de la tristesse : elle récit lui donne raison ? Le narrateur condamne le machisme de son père, son
pleure et trouve la liberté « poignante » (p. 93) et parle de souffrance. Après les rôle actif dans le maintien de la mère dans l’ignorance et la plus complète dépen-
passages comiques, du cinéma notamment, et l’euphorie de la promenade dans le dance. À cet égard, on pourra rappeler l’image de la « trappe de la colonisation »
parc, la première partie se clôt sur une tonalité douce-amère. C’est la conscience (p. 25), étudiée précédemment. Le roman lui donne effectivement raison. Les rap-
nouvellement acquise d’elle-même et des autres qui est la source de cette peine : ports dans le couple sont totalement déséquilibrés, la mère est un « public » (l. 28,
la mère n’est plus un enfant sans volonté, elle est devenue un être responsable de p. 71) pour les discours du père, pleine de « bonne volonté » mais ne comprenant
ses actes et de ses choix. Cette responsabilité est douloureuse car elle est deve- presque rien aux propos de son mari. Dans la communication, il y a comme un
nue elle-même son propre chef : elle est celle qui accepte une situation familiale mur qui sépare les parents. Lui aussi est prisonnier de ses habitudes et de ses
qui ne lui convient plus mais qui l’accepte librement, en tout état de cause. préjugés (l. 94-99, p. 86). Cependant le portrait n’est pas totalement manichéen,
et sa générosité, notamment, est notée à deux reprises : quand il donne de l’argent
9 En vous appuyant sur l’évolution de la mère et sur ce qu’elle a appris, expli-
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

de poche au narrateur pour le récompenser de ses bonnes notes (l. 112-113, p. 49)


quez le titre de la première partie du roman. Au terme de cette première partie, la
et quand il paie sans rien dire la note de téléphone de sa femme (l. 176-177, p. 59).
mère du narrateur a appris à « être », selon le titre de la première partie du roman.
Elle est sortie de l’enfance imposée dans laquelle elle était maintenue pour devenir  Quels autres personnages poursuivent leur propre éducation dans les cha-
une adulte savante et consciente, elle a eu accès au monde et à elle-même. Ses pitres 4 à 10 ? Précisez où et comment, puis dites de quelle façon le narrateur
deux fils lui ont ainsi permis d’être un être humain à part entière : « Elle ne cher- juge chacun de ces apprentissages. Le narrateur et Nagib suivent tous une édu-
chait pas à savoir mais à comprendre, à être et non à avoir ou posséder » (p. 82). cation mais qui présentent des modèles très différents :

12 13
La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 3

— le narrateur : il reçoit une éducation française, colonisatrice : il apprend que


Vercingétorix est son ancêtre (p. 50), il côtoie des gens très différents de lui (cha-
pitre 4, épisode de Noël et p. 87-88). C’est une éducation purement scolaire mar-  Arrêt sur lecture 3 p. 168-172
quée par la froideur et l’abstraction (explication des lois de l’électricité et de son
métier d’ingénieur au moment de l’installation du téléphone, p. 54-55) ;
— Nagib : il quitte l’école française (« ce vieux bahut », p. 86) mais n’a pas d’autre
choix que la « contre-école » du vice et des voyous (p. 86-87, 88-89). Son école Un quiz pour commencer p. 168-169
est donc peu recommandable et peu légale, fondée sur la force, le mensonge, la
débrouille. 1 À quelle guerre est-il fait allusion dans la seconde partie du récit ? La Seconde
Guerre mondiale.
2 À quels pays la mère du narrateur s’intéresse-t-elle ? Aux pays qui sont ou qui
De la lecture à l’écriture p. 99-100 ont été en guerre.
3 Pourquoi la mère se rend-elle dans une villa d’Anfa ? Pour convaincre les chefs
Des mots pour mieux écrire militaires alliés de mettre fin à la guerre.
1 Inextricable
• • Extraordinaire 4 Au nom de qui la mère proclame-t-elle une « Constitution Universelle » ? Au
nom des femmes.
Tentaculaire
• • Constant
5 Quelle erreur la mère commet-elle quand Charles de Gaulle apparaît à la
Immuable
• • Gigantesque fenêtre ? Elle ne le reconnaît pas et croit voir son époux.
6 Pourquoi la mère se fâche-t-elle contre Nagib un soir ? Parce qu’il est inter-
Anarchique
• • Déchirant
venu dans une dispute entre elle et son époux.
Poignant
• • Embrouillé 7 Que reproche la mère aux écrivains dont elle jette les livres ? Elle trouve que
ce qu’ils ont écrit n’est pas en accord avec la réalité.
Abracadabrant
• • Désordonné
8 Pourquoi la mère arpente-t-elle le pays chaque dimanche ? Pour enseigner
aux autres femmes ce qu’elle a appris.
2 a. Autodidacte ; b. arguments ; c. logique ; d. théories ; e. stéréotypes.
9 Que décide la mère à la fin du récit ? De quitter son pays pour rejoindre son fils
et découvrir le monde.

Des questions pour aller plus loin p. 170-171


© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

☛ Comprendre la fin du récit et ses transformations


Un nouveau regard
1 Qui est le nouveau narrateur de la seconde partie ? Dressez son portrait en
vous appuyant sur votre lecture de la première partie du roman. Le nouveau
narrateur est Nagib, le frère du narrateur de la première partie. On sait de lui qu’il

14 15
La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur lecture 3

est en adoration devant sa mère (p. 16), qu’il est la joie de vivre incarnée et rit tout son initiation et a pris son destin en main : elle n’est plus celle qui obéit à ses fils, ni
le temps (p. 16), qu’il a arrêté l’école pour acheter des livres à sa mère (p. 86-87) celle que Nagib peut féliciter comme dans la première partie, mais celle à qui on
et est devenu un « voyou » (p. 87), selon les propres mots du père. obéit et qui décide de ce qu’elle fait.
2 À qui le narrateur s’adresse-t-il dans le chapitre 1 de la seconde partie ? 6 De quelles qualités la mère fait-elle preuve dans sa façon d’agir pour mettre
Pourquoi ? Il s’adresse à son frère, le narrateur de la première partie, parce que ce un terme à la guerre (chap. 1) ? Elle se montre concrète, et tenace par exemple
dernier a émigré en France pour finir ses études et n’est donc plus en mesure de
pour obtenir le Journal Parlé (p. 107), elle cherche de façon assidue une résolution
raconter ce qui est arrivé à sa mère.
au conflit, tente d’assurer le « salut pour toute l’humanité » (p. 106). Elle est aussi
3 Montrez que le dialogue rapporté entre la mère et le soldat en faction (p. 114- dotée de toutes les qualités nécessaires pour être le « coordinateur, rapide, effi-
120) reflète le caractère rieur de Nagib. Quels types de comique identifiez-vous ? cace et neutre » (p. 107) : volontaire, décidée, autonome.
Le récit et le dialogue qui constituent le chapitre 2 sont humoristiques. Le rire
est d’ailleurs la meilleure arme pour « briser la glace de la discipline » au début 7 Selon vous, la mère est-elle trop naïve dans les deux premiers chapitres ?
du dialogue avec le soldat (l. 72). Nagib tient dans ce passage le premier rôle. Le Justifiez votre réponse en citant le texte. La mère peut en effet sembler très
fait qu’il décide de rapporter cette scène à la manière d’un dialogue de théâtre naïve quand elle décide d’aller rencontrer de Gaulle : elle n’a pas conscience de la
n’est pas anodin. Cela lui permet de commenter de façon plaisante, dans les didas- différence de statut entre les dirigeants des Quatre Grands et son propre rang ;
calies, les actions du soldat, et notamment de souligner sa gourmandise (l. 153, mais c’est cette inconscience qui lui permet d’agir et de réunir la foule autour
163-165). Il s’amuse sans cesse de la peur du soldat, du fait qu’il soit dépassé par d’elle. Au-delà de la naïveté, cette attitude a un fondement théorique : l’égalité
les événements. absolue des hommes entre eux, qu’elle proclame haut et fort face au soldat en fac-
On peut se fonder sur les différents types de comique au théâtre pour analyser tion devant la villa d’Anfa : « article 1 : de Gaulle, tu es comme moi… » (l. 167, p. 117)
le dialogue :
— comique de gestes : les « repos-fixe » à répétition au début du passage (l. 59-67) ; 8 Au chapitre 3, en quoi le dialogue entre les parents montre-t-il que leurs rap-
— comique de caractère : la gourmandise du soldat à propos des dattes (l. 128-171) ; ports ont évolué par rapport à la première partie ? Contrairement à la première
— comique de situation : la mère qui se fâche et fait peur au soldat (l. 187-188), le partie, c’est la mère qui mène le dialogue et c’est le père qui ne comprend pas ce
braque avec son fusil (l. 242) ; qu’il entend. Si sa femme ne cesse de progresser dans son apprentissage, le père
— comique de mots : la déformation du nom de de Gaulle en « Tougoul » (l. 88), l’in- n’évolue pas du tout. Il ne comprend plus sa femme.
version de l’avis du soldat sur ces dattes préférées (l. 131 et 274), ses interruptions
9 De quoi la mère se sépare-t-elle au chapitre 4 ? En quoi cette séparation est-
et commentaires sur « [de Gaulle] est comme moi » (l. 173).
elle symbolique ? Dans le chapitre 4, pour se séparer de ce qui marquait sa vie
4 Pour quelle raison Nagib retrouve-t-il des moments de complicité avec son antérieure, la mère creuse une tombe. Cette tombe sert à enterrer tout son passé :
père à partir du chapitre 7 ? L’évolution de la mère laisse Nagib aussi désarmé objets, robes… Son éducation est désormais terminée et le retour en arrière
que son père : quand il lui propose de l’aider, elle le rejette (p. 131), il ne comprend refusé. Le passé est détaché et mis à distance, comme s’il était mort.
plus son monde (l. 98-104, p. 141) et n’est plus qu’un chauffeur pour elle (l. 48,
p. 152), un peu comme si le monde des hommes était désormais puni à jamais, et  La mère réussit-elle sa mission d’éducation de la population dans les cha-
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

ne pouvait plus entretenir de relations simples avec la mère. pitres 6 et 7 ? Justifiez votre réponse. La mère échoue dans sa mission d’édu-
cation de la population. Si au début toutes ses réunions sont un succès, peu à
La métamorphose de la mère peu elle se retrouve seule : les maris interdisent à leurs femmes d’assister à ses
5 Quel type de phrase domine dans les premiers propos de la mère au cha- assemblées, les femmes restent dans leur maison… On retrouve dans les deux
pitre 1 (p. 104) ? Quel changement du personnage cela traduit-il ? Ce sont des chapitres le même mouvement d’adhésion puis de rejet, de popularité suivie d’une
phrases injonctives pour donner des ordres à son fils. Cela montre qu’elle a fini grande solitude.

16 17
La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur l’œuvre

Un récit engagé — À Anfa, la ville est en état de siège.


— Les Quatre Grands souhaitent mettre fin aux attaques et aux contre-offensives.
 Qui compose la foule se pressant devant la villa d’Anfa (p. 112) ? De qui la
mère veut-elle être le porte-parole auprès du général de Gaulle ? C’est une foule 2 a. C’est une métaphore (comparé : la foule / comparant : une marée qui monte)
entièrement composée de femmes, les seuls hommes font le service d’ordre. Ce qui traduit l’élan massif et naturel, l’union des hommes pour submerger la villa,
sont des femmes qui viennent porter leur message devant de Gaulle. La mère veut dans cette idée de nombre, de mouvement et de force.
être le porte-voix de la majorité silencieuse : les femmes d’abord, mais aussi les b. C’est une comparaison (comparé : le silence / comparant : un boa qui se déploie)
enfants, les pauvres, tous ceux que l’on n’écoute pas d’ordinaire. Elle étend même qui traduit la lenteur de l’écoulement du temps avec, dans le même temps, l’idée
ses prérogatives aux animaux et aux éléments naturels (l. 195-196, p. 118) d’une menace sous-jacente, symbolisée par le serpent.
c. C’est une personnification qui fait le parallèle entre les arbres et des hommes
 Que représente le drapeau cousu par la mère avant la rencontre de la villa
debout. Les seuls compagnons de la mère sont ces arbres humanisés, ils pallient
d’Anfa ? Quelle injustice sa fabrication révèle-t-elle ? Le drapeau cousu par la
la coupure avec le père.
mère représente toutes les démocraties et les nations (p. 110-111). Mais sa confec-
tion permet de révéler au grand jour la colonisation qui prive de droits certains
pays : ils n’ont même pas de drapeau, ils sont sous tutelle et n’ont pas d’existence
propre.

 À qui l’expression « peuples non encore indépendants » fait-elle référence


(p. 121) ? Quelles valeurs sont mises en avant par la « Constitution Universelle »
proclamée à la fin du chapitre 2 ? L’expression fait référence aux pays encore
colonisés (africains ou asiatiques notamment). La charte proclamée à la fin du
chapitre 2 met en avant la liberté, la réparation des guerres et des erreurs dont ils
ont été victimes, la fin de toute soumission, la fin de l’infantilisation.
 Arrêt sur l’œuvre p. 173-182

 Quelles sont les cibles, explicites ou non, de la critique du narrateur dans


la deuxième partie du roman ? Le narrateur vise le fonctionnement archaïque
des sociétés traditionnelles qui imposent aux femmes d’être tenues à l’écart du Des questions sur l’ensemble de l’œuvre p. 173-174
monde, prisonnières de leur maison ; tout comme il dénonce la colonisation qui
oblige des pays à être sous tutelle, considérés comme inférieurs aux autres. Un récit de souvenirs
1 Citez des détails donnés par le narrateur sur les lieux ou le mode de vie de son
enfance. Selon vous, en donne-t-il une vision réaliste ou idéalisée ? Le narrateur
De la lecture à l’écriture p. 172 évoque les lieux les plus importants pour lui, et les plus symboliques : l’école (citée
dès la première page du chapitre 2), le marché (p. 17), le minaret d’où le muezzin
Des mots pour mieux écrire lance ses appels (p. 51), le cinéma (p. 75), la médina (p. 143) ; ainsi que les lieux
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

1 a. Ces mots appartiennent au champ lexical de la guerre. liés à sa famille : la maison (p. 16), la ferme de son père (p. 63). Les descriptions
b. — Pour résoudre le conflit, la mère décide d’aller rencontrer les belligérants à la sont rares et insistent sur la foule, les bruits et les odeurs. Le mode de vie repré-
villa d’Anfa. senté accentue la différence entre le sort réservé aux hommes et aux femmes :
— Son éducation terminée, la mère se lance dans une vaste propagande pour inci- les hommes sont tournés vers l’extérieur, travaillent, alors que les femmes sont
ter les femmes du pays à s’émanciper. maintenues enfermées, sans autre contact que celui de leur famille. C’est donc
— Les soldats en poste se tiennent là, martiaux, prêts à intervenir. une vision à la fois personnelle et pittoresque qui est donnée ici.

18 19
La Civilisation, ma Mère !…  Arrêt sur l’œuvre

2 Dressez la liste des anecdotes rapportées par le narrateur dans la première « condamnée » ? L’ouverture sur le monde est le début d’un apprentissage qui
partie du récit. Comment qualifieriez-vous son enfance ? La liste des anecdotes condamne la mère à quitter son statut d’assistée, de femme ignorante qui se replie
rapportées par le narrateur dans la première partie du récit est la suivante : derrière les décisions de son mari. Une fois que la radio et le téléphone sont intro-
— la « danse » du mouton suivie du filage de la laine et de la confection des duits dans la maison, la mère ne peut plus rester dans cette ignorance que l’on
vêtements ; peut qualifier de confortable en ce qu’elle n’a de fait pas conscience du monde
— l’installation de la radio ; extérieur et de ses injustices. À plusieurs reprises dans le roman (l. 36-38, p. 93 par
— le Noël raté ; exemple) la mère se demande pourquoi on lui a fait quitter ce statut, sa « prison »
— l’achat des chaussures et de la robe pour la mère ; où, paradoxalement, elle était heureuse car elle ne savait pas qu’il existait autre
— la sortie au cinéma ; chose au-delà de son monde étroit. C’est donc une part de son innocence que la
— l’apprentissage de sa mère. mère a perdue en même temps que son ignorance ; une innocence sacrifiée au
C’est donc une enfance heureuse, marquée par le rire et la joie de vivre, qui nous profit de son initiation au progrès et de sa découverte de la civilisation moderne.
est donnée à lire.
6 Quel regard les Occidentaux portent-ils sur les Marocains d’après le narra-
3 Comment comprenez-vous la dernière phrase de la première partie (p. 94) ? teur ? Et inversement ? Appuyez-vous sur des exemples précis pour répondre.
Que peut symboliser la « nuit » ? Cette dernière phrase annonce la fin des souve- Les Occidentaux ont un regard au mieux paternaliste, ils ne comprennent pas les
nirs d’enfance (« la fin de mon passé », l. 60) et une coupure complète entre deux Marocains et leurs traditions, c’est ce que montre l’épisode de la lecture (p. 144),
périodes (« La nuit tomba », l. 59). La phrase joue sur le sens propre et le sens quand la mère ne peut contenir son rire en lisant les livres occidentaux et les
figuré de l’expression : réelle, elle est la marque du temps qui passe et symbolise erreurs grossières qu’ils comportent sur l’histoire du pays, les pratiques religieuses
le moment crucial de la séparation avec la mère ; métaphorique, elle est aussi un des musulmans ou leur mode de vie. Cette méconnaissance se transforme même
« noir fondamental » qui va tomber sur le narrateur, absent de la deuxième partie en négation totale de l’identité marocaine quand le narrateur doit apprendre à
du roman, et sur les autres personnages pris dans la tourmente des combats de la l’école la fameuse leçon sur « [ses] ancêtres gaulois » (p. 50).
mère et qui ne parviendront plus à retrouver ce bonheur de l’enfance. Inversement, la mère pose un regard d’abord étonné et plein d’incompréhension
sur le monde occidental : après l’anecdote des chaussures à talons faites par ceux
La civilisation moderne
qui « ne connaissent pas les pieds de chez nous » (p. 64), elle en vient à se moquer
4 Quels objets ou quels progrès techniques jouent un rôle important dans le des Européens, tournant en ridicule les erreurs des livres (p. 144-145), jetant ceux
récit ? Pourquoi ? Les objets modernes jouant un rôle important dans le récit erronés ou menteurs (p. 146) et espérant que, comme la marée descendante, les
sont nombreux : radio, cuisinière, fer à repasser, téléphone, voiture… Les plus Occidentaux quittent leur position dominatrice au Maroc (p. 88) — combat qu’elle
importants dans la première partie sont la radio et le téléphone qui permettent mène dans la seconde partie du récit.
à la mère de sortir de son enfermement imposé et d’avoir accès au monde. Les
moyens de transports jouent également un rôle notable car ils permettent de se Une femme face à un monde d’hommes
déplacer et de repousser les frontières du monde inconnu, de sortir de l’enferme-
7 Retracez l’évolution du personnage de la mère : présentez-la telle qu’elle est
ment. La voiture mène ainsi la mère de village en village, lui permettant d’aller
au début du récit, puis relevez les étapes de son parcours initiatique. La mère est,
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

prêcher et de diffuser sa bonne parole. Le bateau ouvre sur un monde plus vaste
au départ, une femme totalement ignorante et enfermée : elle est mère et épouse
encore, il est l’appel de l’ailleurs : le narrateur l’a pris à la fin de la première partie
mais privée de libre arbitre et comme privée d’âme : c’est ainsi qu’elle est décrite
pour venir faire ses études à Paris, et sa mère le prend dans les dernières pages du
dans les premiers chapitres et qu’elle se définit dans la deuxième partie (p. 127-128).
roman pour partir à la découverte de l’Occident.
Elle n’existe pas pour elle-même mais dans son rapport aux hommes de sa famille.
5 « Nous sommes condamnés au progrès et à la civilisation industrielle » Quand ses enfants l’éduquent, elle s’ouvre peu à peu au monde et commence à le
(p. 135, l. 20-21) : qu’a perdu la mère au cours du récit pour qu’elle se sente ainsi comprendre. Au début de la seconde partie, elle se dote même de moyens d’action

20 21
La Civilisation, ma Mère !… Arrêt sur l’œuvre

comme la montre-boussole ou la voiture (chap. 1) pour aller prêcher sa bonne Lexique de la domination
parole aux femmes des environs. a. Champ lexical de la domination : autonomie, féodalité, émancipation, hégémo-
Une fois son trajet personnel achevé, elle devient l’égale des hommes de sa nie, impérialisme, souveraineté, tyran.
famille, on observe même une inversion des rôles : c’est elle qui donne des ordres Champ lexical de la soumission : brider, colonie, tributaire, tutelle.
et qui explique les choses à son mari, elle met son professeur en difficulté en
Lexique des idées
lui demandant des informations qu’il ne connaît pas ou en le confrontant à ses
altruisme ≠ égoïsme
contradictions (p. 149-150).
avant-garde ≠ retardataire, passéiste
L’étape suivante fait d’elle un guide, une initiatrice pour les autres femmes
conservateur ≠ progressiste
(deuxième partie, chap. 6). Dans les dernières pages du roman, ayant achevé son
contestation ≠ accord, acceptation
parcours, elle quitte le Maroc pour clore définitivement ce cycle de vie. démocratie ≠ dictature
fatalisme ≠ volontarisme
8 Quelle image le narrateur donne-t-il de son père ? Justifiez votre réponse par
moderniste ≠ passéiste
des exemples tirés du texte. Le père est un homme traditionnel, il est la figure
progressiste ≠ conservateur
de l’autorité dans la famille ; ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la mère croit le
philanthropie ≠ misanthropie
voir quand elle aperçoit de Gaulle à la fenêtre (p. 123). Il évolue peu et s’éloigne
progressivement de sa femme : au début, l’apprentissage se fait en cachette (l’épi-
sode de la sortie au parc, p. 63) mais petit à petit sa femme devient une étrangère
qu’il ne comprend pas. Toutefois, ce portrait n’est pas entièrement à charge. Le
Du texte à l’image p. 181
père, dans la première partie est montré comme généreux : il donne de l’argent de ➦ Photographie d’une femme marocaine à sa porte, Casablanca, 2003.
➦ Portrait d’une jeune fille marocaine, 1994.
poche à ses fils en récompense de leurs bonnes notes et paie la facture de télé-
(Images reproduites en couverture et en début d’ouvrage, au verso de la
phone de sa femme. Il pense avoir été particulièrement bon avec son épouse car
couverture).
il lui a donné des conditions de vie confortables (p. 126). À la fin du roman, enfin,
il appelle de ses vœux cette « société nouvelle » et égalitaire dont sa femme lui a Lire l’image
montré la voie (p. 162).
1 Analysez la composition de la photographie de couverture en étudiant les cou-
9 Quels messages la mère cherche-t-elle à faire passer dans la seconde partie leurs dominantes et en montrant que leur opposition organise l’image en deux
du roman ? Dans le chapitre 2, la mère apporte un message de paix et d’égalité grands pans verticaux distincts. La photographie de couverture est un portrait
entre les peuples ; et dans le chapitre 6, elle donne aux femmes les moyens de en gros plan d’une femme, sur le pas de sa porte. Son regard est dirigé vers l’ex-
s’instruire et de prendre leur vie en main. térieur mais nous ne savons pas ce qu’elle observe. La composition de l’image se
divise en deux pans verticaux distincts, délimités par la porte. À gauche de l’image
et en arrière-plan, l’intérieur de la maison est dominé par une couleur sombre, le
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Des mots pour mieux écrire p. 174-177 gris sur le mur du fond, et semble ne pas laisser passer la lumière du jour, ména-
geant de nombreuses zones d’ombre. À droite de l’image et au premier plan, la
Lexique de l’apprentissage porte est peinte d’une couleur claire, vert d’eau, et semble s’ouvrir vers la lumière.
Mots croisés 2 Décrivez le lieu où se trouve la jeune fille photographiée. Quelle impression se
Horizontalement : 1. Intellectuel. 2. Abstrait. 3. Archétype. dégage de cette image ? La jeune fille est photographiée à l’intérieur d’une mai-
Verticalement : A. Entendement. B. Rudiments. C. Critique. son, probablement, puisqu’on aperçoit un mur au fond et, au sol, des carreaux noirs

22 23
La Civilisation, ma Mère !…   Vers l’écrit du Brevet

et blancs en damier. Vêtue des habits traditionnels, elle est assise sur un tabouret, initiée au monde et à ses progrès, notamment par l’intermédiaire de la radio et du
tournée de trois quarts vers l’objectif. Son visage, souriant, semble serein. téléphone. Mais, pareille à la femme en couverture, elle hésite encore à franchir
le seuil de sa porte, frontière symbolique avec le monde extérieur : « Mais que va
3 Sur la photographie de la jeune fille, quel élément de décor n’est pas montré,
dire votre père ?… Non, non, non, je ne peux pas… Pour l’amour de Dieu… Je vous
mais révélé par le jeu d’ombres et de lumières ? Que peut-il symboliser ? Le jeu
en prie, mes enfants… Je n’aime pas le drame, il m’est étranger… Retournons vite
d’ombres et de lumières sur la photographie révèle l’existence d’une fenêtre à bar-
à la maison… Vous savez bien que je n’en suis jamais sortie… » (l. 194-197, p. 66).
reaux. L’ombre portée de ce grillage, sur le visage de la jeune fille, semble symbo-
liser son enfermement : elle est comme emprisonnée chez elle, réduite aux seules
tâches domestiques, et n’a aucun accès direct avec le monde extérieur.

4 Que révèlent l’attitude et l’expression du visage de chacune de ces femmes


sur leur état d’esprit et leur mode de vie ? C’est moins l’expression du visage que
les éléments du décor qui nous renseignent sur le mode de vie de ces femmes.
Elles sont toutes deux tenues à l’écart du monde extérieur, au seuil de sa maison
pour l’une, cloîtrée à domicile pour l’autre. Curieusement, malgré ce que les élé-   Vers l’écrit du Brevet p. 209-213
ments du décor mettent en avant, le visage de ces femmes semble impassible,
aucune expression de détresse ne se lit sur leur visage. Mais peut-être cette séré-
nité n’est-elle qu’apparente et cache-t-elle une certaine résignation ?

Comparer le texte et l’image Première partie


5 En quoi la jeune fille photographiée ici peut-elle faire penser au personnage ■ Questions
de la mère dans le texte de Driss Chraïbi ? Dans la première partie du récit,
retrouvez le passage que cette photographie peut illustrer. La jeune fille pho- I. Un récit d’enfance
tographiée ici n’est pas sans évoquer la mère du narrateur dans la première par- 1. Quel est le point de vue adopté ? Justifiez votre réponse en citant le texte.
tie du récit. D’après le peu que nous savons de son enfance, elle a été mariée C’est un récit à la première personne, en point de vue interne : le point de vue
très jeune et n’est jamais sortie de chez elle avant que ses fils ne l’y poussent. du narrateur. Le lecteur sait ce qu’il fait (achat de fleurs, attente de la nuit…) et
Servant de bonne à ses parents adoptifs et par la suite entièrement dévouée à ses connaît ses sentiments (« une boule m’accompagna de marche en marche, qui ma
proches, elle s’est vue cantonnée aux tâches domestiques, restant prisonnière de crispait le ventre », l. 8-9).
sa propre maison. C’est ce qu’illustre le passage page 21 : « Personne ne lui avait
2. a. Expliquez qui pose les questions mentionnées aux lignes 32-38, à qui, et
rien appris depuis qu’elle était venue au monde. Orpheline à six mois. Recueillie
par quel type de discours ces paroles sont rapportées. C’est le narrateur qui se
par des parents bourgeois à qui elle avait servi de bonne. À l’âge de treize ans, un
pose ces questions à lui-même pour ménager son attente ; elles sont rapportées
autre bourgeois cousu d’or et de morale l’avait épousée sans l’avoir jamais vue.
en discours indirect libre : comme au discours indirect, les verbes sont à l’imparfait
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Qui pouvait avoir l’âge de son père. Qui était mon père » (l. 158-163).
(« s’occupait », l. 33 ; « comprenait », l. 34) ou au conditionnel présent (« pourrait »,
6 À quel moment, dans l’évolution du personnage de la mère, la photographie l. 35) mais la ponctuation forte (points d’interrogation) et l’absence des verbes de
de couverture peut-elle correspondre ? Justifiez votre réponse. La photographie paroles montrent que ce n’est pas complètement du discours indirect.
de couverture peut illustrer l’épisode de la sortie au parc (première partie, cha- b. Quelles informations ce paragraphe apporte-t-il au lecteur quant au caractère
pitre 6). Comme la femme sur la photographie, le personnage de la mère com- du narrateur ? Ce paragraphe traduit l’envie et l’impatience du narrateur, désireux
mence à se tourner vers l’extérieur, vers la lumière. Grâce à ses deux fils, elle a été de célébrer son premier Noël.

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La Civilisation, ma Mère !…   Vers l’écrit du Brevet

3. a. Quel est le temps le plus souvent employé dans le récit ? Donnez-en un (l. 24) pour attendre de descendre ses souliers, lutte contre le sommeil. Il connaît
exemple. Le temps le plus fréquemment employé dans le récit est le passé simple : aussi une déception quand sa mère se méprend et le prive d’arbre de Noël : « une
« je fis » (l. 1), « Ma mère m’accueillit » (l. 2)… boule m’accompagna qui me crispait le ventre » (l. 8-9) ; on peut alors penser aussi
b. À quel temps le verbe « a voulu » (l. 19) est-il conjugué ? Le verbe « a voulu » qu’il a peur de rater son rendez-vous avec le père Noël.
est conjugué au passé composé. 7. Selon vous, le rêve du jeune garçon peut-il se réaliser ? Pourquoi ? Le rêve
c. Comment expliquez-vous ce changement de temps ? Le narrateur change de du jeune garçon a peu de chances de se réaliser : son rêve est trop éloigné de la
temps pour mieux marquer la différence d’époque entre les différents souvenirs : réalité géographique et culturelle dans laquelle il vit. Sans compter que son rêve
le récit d’enfance est coupé de la situation d’énonciation, comme mis à distance se heurte à un adversaire de taille : la mère. Son rôle est de s’opposer, ici, à la réali-
par le passé simple alors que le souvenir du refus des poèmes est plus proche, il sation des vœux de son fils. À deux reprises elle met en péril l’organisation de son
est ancré dans la situation d’énonciation. Noël européen : elle prend pour elle l’ersatz de sapin en s’attribuant le mimosa et
elle empêche l’enfant de placer ses souliers dans la cuisinière.
II. Le rêve d’un premier Noël
4. a. Pourquoi le narrateur écrit-il qu’il « veillai[t] avec les mots » ? Dans la tra- III. Le regard du narrateur
dition chrétienne, la nuit de Noël se déroule lors d’une veillée jusqu’à la messe de 8. a. « des yeux pailletés de diamants » : identifiez la figure de style présente
minuit. Le narrateur, quant à lui, adapte cette célébration en se tenant éveillé grâce dans cette expression. C’est une métaphore qui établit un rapprochement entre
aux livres qui lui rappellent Noël mais qui n’en ont pas la dimension religieuse. les yeux et des diamants du fait de leur brillance, leur éclat.
b. Relevez les éléments qui composent l’univers dont rêve le personnage. Qu’ont- b. Quel sentiment traduit-elle chez la mère ? Vous justifierez votre réponse en
ils en commun ? Le monde dont il rêve est marqué par le froid : il y est question de vous appuyant sur le texte. Cela traduit l’émotion de la mère, sa joie face à un
« neige » (l. 13), de « Mr Christmas » (l. 16), « [des] Alpes et [de] l’Himalaya » (l. 20), cadeau nouveau, quelque chose qu’elle n’a jamais eu, elle qui n’avait même jamais
du « père Noël » (l. 20), et « des rennes » (l. 21). vu de fleur.
c. Ce monde rêvé est-il proche de l’univers dans lequel vit le jeune garçon ? 9. « L’imagination prêtant forme et consistance aux cartes géographiques, j’écri-
Expliquez. Le monde rêvé est opposé à son monde familier. Le monde dans lequel vis même des poèmes qu’aucun éditeur par la suite n’a voulu publier — et pour-
il vit, le Maroc, se caractérise au contraire par la chaleur : les arbres (le « palmier tant ils s’élançaient à la découverte des Alpes, de l’Himalaya, du père Noël et de
dattier » et le « mimosa », l. 1-2), l’absence de cheminée (l. 35-35)… son traîneau tiré par des rennes. »
5. « À défaut de cheminée, pourrait-il descendre par le tuyau de la cuisinière ? » a. Quelle est la relation logique introduite par « et pourtant » (l. 19) ? C’est une
a. Réécrivez la phrase en transformant le groupe de mots soulignés en proposi- relation d’opposition.
tion subordonnée. Comme il n’y avait pas de cheminée pourrait-il descendre par b. Quel regard le narrateur porte-t-il sur lui-même dans la phrase ? Expliquez
le tuyau de la cuisinière ? votre réponse. C’est un regard amusé, il se moque un peu des prétentions d’écri-
Ou en inversant l’ordre des propositions : Pourrait-il descendre par le tuyau de la ture d’un enfant qui n’a rien vu de ce dont il parle.
cuisinière puisque nous n’avions pas de cheminée. 10. Quel effet la dernière question, qui porte sur Vercingétorix (l. 37-38), pro-
Toute subordonnée de cause est considérée comme juste. duit-elle ? Cette question fait suite à une série d’interrogations sur le père Noël
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

b. Quel est le rapport logique ainsi mis en évidence ? C’est un rapport logique de qui montrent la méconnaissance du narrateur à propos d’une tradition qui n’est
cause. pas la sienne. La dernière question semble changer de sujet, il n’y est pas ques-
6. Quels sentiments le jeune garçon ressent-il ? Appuyez votre réponse sur tion du père Noël mais, comme dans les autres interrogations, le narrateur semble
quelques citations. Le narrateur connaît l’impatience et l’excitation de Noël : il se chercher l’appropriation d’une figure qui ne lui est pas familière. De façon assez
plonge dans l’esprit de Noël par la lecture et l’écriture (« je veillai avec les mots », légère et humoristique, l’auteur met en cause l’éducation fallacieuse reçue par les
l. 10 ; « j’écrivis même des poèmes », l. 18), compte « jusqu’à cent, jusqu’à mille » enfants des pays colonisés.

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La Civilisation, ma Mère !…   Vers l’écrit du Brevet

■ Réécriture influences extérieures) et justifiée par des arguments développés. Il faut aussi que
la thèse défendue, les arguments et les exemples soient cohérents.
« Vers le soir, je fis l’acquisition d’une branche de palmier dattier et d’un brin
de mimosa. Ma mère m’accueillit avec des yeux pailletés de diamants. […] Elle ■ Sujet d’imagination
cloua la branche de palmier sur la porte de la cuisine, mit le mimosa dans ses
cheveux. » Comme le narrateur de ce texte, il vous est déjà arrivé d’avoir très fortement
Réécrivez ce passage en remplaçant « je » par « ils » et en employant le envie de quelque chose et de tout faire pour l’obtenir. Racontez comment cela
passé composé au lieu du passé simple. Vous ferez toutes les modifications s’est passé, à quel point vous désiriez cette chose, et à quel résultat vous êtes
nécessaires. finalement parvenu(e).

Vers le soir, ils ont fait l’acquisition d’une branche de palmier dattier et d’un brin Ce sujet, d’expérience personnelle, demande de se servir du texte comme point
de mimosa. Leur mère les a accueillis avec des yeux pailletés de diamants. […] Elle de départ mais pour s’en écarter rapidement : le narrateur n’est plus le même,
a cloué la branche de palmier sur la porte de la cuisine, a mis le mimosa dans ses le temps et le lieu sont ceux de l’élève. Rester trop proche du texte, en faire un
cheveux. calque serait une erreur.
L’élève doit commencer par choisir précisément l’objet de l’attente en question
en étant attentif à ne pas sortir du sujet : un objet, une autorisation, un voyage…
Le sujet donne ensuite tous les éléments nécessaires pour organiser le devoir : le
Deuxième partie récit de l’envie suppose une présentation détaillée de ce qui fait envie en expli-
quant pourquoi, ensuite le récit doit s’attarder sur ce qui a été fait pour voir ce
souhait réalisé et enfin, en conclusion, le résultat de ces actions, c’est-à-dire l’ob-
■ Sujet de réflexion
tention ou le refus de ce qui faisait envie.
Le narrateur de ce texte aimerait adopter une tradition issue d’une culture qui L’expression des sentiments (envie, impatience, crainte, joie ou déception) fait par-
n’est pas la sienne. Pensez-vous qu’il faut être strictement fidèle à ses racines, tie des critères de réussite d’un tel sujet.
ou estimez-vous qu’il est bon de s’ouvrir aux influences extérieures ? Vous
appuierez votre réflexion sur des arguments précis, qui seront illustrés par des
exemples.

Pour traiter ce sujet, la situation du narrateur n’est qu’un point de départ : l’élève
doit répondre à la question en suivant son propre point de vue. Il faut commencer
par étudier ce qui peut être défini comme « racines », pour qui et où (les exemples
possiblement traités par les élèves peuvent être les suivants : fêtes religieuses,
repas de famille, composition de la famille et rôle de la mère ou du père…). Ensuite,
l’élève pourra donner un exemple d’ouverture aux influences extérieures et par-
ler de ses conséquences (le cours d’histoire peut fournir des exemples mais aussi
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

des images plus proches des élèves : couples mixtes dont les deux membres vien-
nent de deux traditions différentes, voyages et migrations…). À la suite de ces
réflexions, l’élève doit être à même de répondre à la question posée et d’utiliser
les exemples qu’il a rassemblés.
Pour réussir ce sujet de réflexion, il faut que la réponse soit claire (même si
elle peut être nuancée, un mélange de fidélité aux racines et d’ouverture aux

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Bibliographie et sitographie
■ Ouvrages sur la littérature francophone
Jean-Paul Beaumarchais, Dictionnaire des littératures de langue fran-
çaise, Bordas, 1987.

Jacques Noiray, Littératures francophones I : Le Maghreb, Belin, 1996.

Collectif, sous la dir. de Jean-Louis Joubert, Les Littératures franco-


phones depuis 1945, Bordas, 1993.

■ Ressources sur Internet

Sur La Civilisation, ma Mère !… et la littérature africaine


http://crdp.ac-paris.fr/parcours/index.php/category/chraibi : séquence
sur La Civilisation, ma Mère !… de Khadidja Afrounn-Alabouch, profes-
seure de lettres.

http://www.limag.com : site consacré aux littératures du Maghreb


(Algérie, Maroc et Tunisie).

http://www.africultures.com : site de la revue du même nom.

Sur la peinture orientaliste


http://www.expo-orientalisme.be/infos/fr/introduction.html : visite
virtuelle de l’exposition « De Delacroix à Kandinsky. L’orientalisme en
Europe ».

http://orientaliste.free.fr/expovirt/index.html : nombreux tableaux


orientalistes.

http://expositions.bnf.fr/veo/index.htm : exposition sur le voyage en


© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

orient en photos et en textes au xixe siècle.

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