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S2 : Les représentations du monde

Découverte du monde et pluralité des cultures


A travers les Océans, la quête de l’autre
Problématique : Comment la rencontre avec l’Autre s’exprime-t-elle ?
De la curiosité à l’asservissement

I] Recherches préparatoires : Quelle est la véritable histoire de Robinson Crusoé ?


1) A partir des sites proposés, faites une synthèse de 20-30 lignes sur Robinson Crusoé.
https://www.ouest-france.fr/culture/histoire/robinson-crusoe-l-aventurier-naufrage-a-t-il-
vraiment-existe-14c67de6-a26d-11eb-865f-8333e4f65ebb
https://www.robinson-crusoe.fr/quelle-est-la-vraie-histoire-de-robinson-crusoe/
https://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Robinson-Crusoe-un-mythe-toujours-
vivant-_NG_-2012-01-11-756653
2) Quels sont les auteurs qui se sont intéressés à cette histoire ? Citez-en au moins 3 en
présentant rapidement le texte proposé.
3) L’utopie et la question de l’île : https://www.lumni.fr/video/ile-deserte-et-
utopies#containerType=folder&containerSlug=revisions-bac-humanites-litterature-et-
philosophie
II] Lectures autour du mythe : quels sens donner à celui-ci ?
Texte 1 : Defoe, Au pied de son maître
1) En quelle année ce récit a-t-il été écrit ? Quels éléments de contexte pouvez-vous
apporter ?
2) Commentez la description qui est faite de vendredi. Que révèle-t-elle de la vision que
Robinson a de l’autre ?
3) Quelle attitude l’indigène a-t-il à l’égard de Robinson ?
4) Quel sens cette attitude a-t-elle pour l’indigène ? Quel sens a-t-elle pour Robinson ?
5) Montrez que cet extrait présente une vision ethnocentrique du personnage de Robinson.

Texte 2 : Tournier, Inversion des rôles


1) En quelle année ce récit a-t-il été écrit ? Quels éléments de contexte pouvez-vous
apporter ?
2) Qu’est-ce qui montre que Tournier procède à une réécriture de l’œuvre originale de
Defoe ?
3) A quel jeu les personnages se livrent-ils ? Quelles en sont les règles ?
4) Qui en prend l’initiative ? Que cela révèle-t-il ?
5) Comparez les points de vue narratifs des textes 1 et 2 : qu’en concluez-vous ?

III] Tournier : la rencontre avec ses pairs

1) En quoi ce moment est-il un moment clé du récit ?


2) Comment la rencontre se passe-t-elle, selon vous ?
3) Quelle est la leçon de cette rencontre ?

Conclusion : Pourquoi l’histoire d’un simple marin, selon vous, est-elle devenue un mythe ?
OE : Poésie et quête de sens + les réccritures, la question de l’homme dans les genres de
l’argumentation
LA : TOURNIER, Vendredi ou les limbes du Pacifique

Michel Tournier publie Vendredi ou les limbes du Pacifique à un moment où la société


français ve connaître de profondes mutations : la France s’est reconstruite après la guerre, sort de la
guerre d’Algérie et vit au rythme de la Guerre Froide qui oppose deux mondes avec des valeurs
radicalement différentes. La société panse ses plaies et découvre peu à peu un nouveau mode de
fonctionnement qui caractérisera les Trente Glorieuses : la société de consommation que va
connaître la Vème république avec l'entrée de la France dans le marché commun et l'ère dans la
consommation de masse.( télévision, loisirs, vacances...). C’est dans ce contexte, déterminant pour la
société, que Michel Tournier, né en 1924, romancier nourri de mythes et de philosophie, reprend
dans son roman, Vendredi …. La fameuse histoire de Robinson Crusoé.

Robinson, qui, après avoir échoué lors d'une tempête sur l'île qu'il baptisera Speranza, tente de
reconstruire une vie sur le modèle européen; sa rencontre avec Vendredi, un sauvage métis lui
apprendra à vivre autrement. Alors qu’il ne s’y attendait plus, un bateau va faire escale, quelque 28
ans après l'arrivée de Robinson sur l’île : c’est le moment crucial pour le naufragé de reprendre
contact avec la civilisation.

Problématique : Comment Robinson va-t-il accueillir l'arrivée des européens sur son île ?

1] Les européens, découvrant l’île, se ruent vers celle-ci comme si c’était une « île au trésor ». vers
l'île

a) Parce que cette île est une île accueillante, riche en ressources …

 L’expression « murmure soyeux » évoque la douceur de la nature.


 Les ressources naturelles de Speranza sont immenses (où l'homme peut lutter contre
scorbut, pourpier, cresson).
 Le point de vue interne à Robinson propose une description poétique pour évoquer un
monde aimable et paradisiaque (même si ce lieu a été une prison pendant 28 ans).
 L île est façonnée à l'image de Robinson : une cité jardin ; une nature maîtrisée. Cette île a
été façonnée à l’image de la société qu’a construite Robinson et dont il est fier.
Exemples pour compléter votre étude :

b) Parce que cette île est un « Eden » :

 Description aux connotations mélioratives : Robinson contemple « son œuvre »,


puisqu’il vit en harmonie dans cette nature ; la nature possède toutes sortes de
ressources (choux palmistes, prairie).
 Description a une valeur particulièrement symbolique puisque c'est par le regard de
Robinson, particulièrement attaché à son île, que le lieu est décrit. Robinson a su
vivre avec les ressources de la nature et il est fier de montrer son œuvre à l’équipage
du Whitebird.
Exemples :

c) C’est pourquoi l’attrait de l’île ne peut justifier le comportement des marins à l'égard de l'île et
de Robinson
 Les marins envahissent et prennent possession du territoire avec une attitude peu discrète et
respectueuse .
Exemple :

 Le vocabulaire péjoratif est éloquent : métaphore de la meute (« ameuta », « grands cris,


disputes hagardes, les bagarres) : l'énumération a une valeur hyperbolique.
 Les connotations sont nombreuses dans le choix des expressions, le lexique, et les
métaphores qui s'attachent à leurs gestes : un pillage organisé et sans vergogne ni respect.
Exemples :

 Les marins sont très vite assimilés à une troupe grouillante, sans individualité car ils n’ont
qu’une idée en tête : piller. De fait, les termes « impur grouillement des hommes », 5 ;
« cupidité, orgueil, violence » correspondent à leur comportement. Ces noms sont péjoratifs.
 Le narrateur utilise des périphrases pour nommer les marins « ces brutes déchaînées », ses
semblables (valeur ironique et amère puisqu’il faut entendre le contraire), cette bande
frustre et avide pour condamner leur attitude.
 « On » désigne les marins : ce n’est qu’une masse informe, une troupe indistincte et que
Robinson ne peut nommer. Les marins sont totalement dépersonnalisés par le regard de
Robinson.
 R est interrompu dans ses es explications : l’équipage se rue dans l’île.
† Robinson ne peut être que spectateur de cette ruée et de ce pillage.

c) Les marins procèdent à un véritable pillage de l’île.

 Le saccage est organisé : « stupidement mutilées ni les bêtes massacrées au hasard qui le
retenaient » : manque de respect, déferlement.
 Champ lexical de la violence et du saccage à repérer :
 Incendie par cupidité
 Les gestes et actions violentes sont nombreux : « à coups de sabre », « poursuivent les
chèvres à la course »

d) De fait, l’accueil de Robinson n’est pas celui qu’il aurait voulu réserver à ses « sauveurs ».

Robinson n’a pas vu un Européen depuis son naufrage, lorsqu’il était à bord du Speranza, il y a 28
ans. L’arrivée de ce bateau, vécue et rêvée comme une délivrance, tournera en vision
cauchemardesque.

 La progression et l’organisation du texte marquent les réactions de Robinson : il avait


entrepris de lui montrer les richesses de l'île et les ressources (sentiment de fierté, sa visite
est le couronnement de ses efforts), il est accaparé par le comportement des marins ; grand
sentiment de déception
 Robinson assiste donc, impuissant à « un spectacle » : il se voit dépossédé de son île et ne
peut rien faire (il assiste à l'incendie, se voit voler et ne peut intervenir pour sauver les
pâturages de ses chèvres)

† Face à ce comportement que l'on pourrait qualifier de « sauvage » au sens familier du terme,
Robinson est pétrifié. Vendredi est considéré comme une chose négligeable et négligée puisqu'il est
considéré comme l'esclave de Robinson.

II] De fait, se rencontrent sur cette île 2 mondes opposés, 2 façons d'appréhender la nature
a) Le comportement des marins méprise l’homme.

 Un monde violent qui méprise l'accueil


 Un monde extérieur violent et inhumain : l'homme n’est qu’une valeur marchande :
commerce triangulaire « mécanisme fructueux de la traite des esclaves » (connotation de
cupidité) ; volonté de l'Europe de dominer le monde de manière marchande (pouvoir de
l'argent). L’orgueil des marins consiste à penser que leur système de valeurs prime sur tout
autre et que le monde que Robinson a bâti n’est que quelque chose qu’iol faut consommer
et dont il faut tirer parti.
 Le désintéressement des marins pour Vendredi (personnage muet mais présent) est
éloquent ; on n’accorde aucun regard à Vendredi, souverainement ignoré.

b) Le comportement des marins c’est l’arrivée de la civilisation, c’est l’histoireoù la rencontre avec
l’autre est violente :

 L’arrivée de ces hommes rappelle tristement certains épisodes de l’histoire (conquistadores)


qui ont pillé les territoires qu’ils ont « découverts ».
 L’histoire se résumerait-elle à l’économie ? On ne parle que de « mécanismes fructueux », d’
échange contre..

c) Le comportement des marins lors de cette rencontre si ardemment souhaitée permet à Robinson
de prendre conscience qu’il a changé.

 Les marins agissent, Robinson pense (Robinson pensait, l'idée effleura R, R savait )
 L’oppostion entre l’attitude de Robinson et celle des marins est presque caricaturale : entre
cris des hommes et silence de Robinson : cette opposition renforce l’idée de solitude et de
sagesse de Robinson.
 Deux systèmes de valeurs totalement opposés : le monde de la civilisation lui paraît « si
familier et si étrange » : opposition qui traduit bien l’ambivalence des sentiments de
Robinson : cette distance lui permet de prendre la mesure de son évolution. Cette rencontre
lui permet de revenir sur son passé (les souffrances qu’il avait endurées). L’explication est
donnée dans les dernières lignes de l’extrait (35 à 40)
† Robinson s’efface derrière son île, ne réagit pas (peut-être parce qu’il en est incapable ou qu’il
réalise que tout effort sera inutile).

III ] De fait, la communication sévère très vite impossible.

a) L’impossibilité à communiquer est palpable chez Robinson

 Les discours des marins ne nous parviennent donc qu’à travers les filtre des perceptions
intermittentes de la conscience de Robinson.
 Absence de discours direct : paroles essentiellement résumées. Effet d’éloignement créé.
 Pas de paroles mais seulement des exactions ou un silence éloquent. Le dialogue avec Hunter
s'engageait péniblement, « menaçait » (valeur de l’imparfait, descriptif et valeur de durée
indéterminée qui installe le malaise et la difficulté à communiquer ; c'était d'une oreille
distraite qu'il écoutait les propos du commandait qui lui racontait : la subordination traduit
cet effet d'éloignement ( à la différence du discours direct)
 Les hommes sont « murés » l34 ( métaphore qui suggère à quel point il serait vain de tenter
d’amorcer un dialogue)
 La présence du monologue intérieur, riche (voir subordonnées ligne 37) ; la richesse de la
pensée se substitue au silence pesant. Robinson est à nouveau exilé parmi les siens.
b) L’utilisation du point de vue interne à Robinson permet au lecteur de mesurer sa position.

 Jugement à travers l'emploi de périphrases « l'impur grouillement des hommes », « brutes »,


« bande frustre et avide » : jugement qui condamne ces hommes aux yeux de Robinson,
« ces hommes, ses semblables » (ironie puisqu'ils sont en fait radicalement différents).
 La métaphore de l’entomologiste qui observe les insectes est révélatrice et suggère à quel
point Robinson s’estdétache de ses « semblables ». Cette métaphore contient tout leregard
péjoratif sur ces hommes « communauté d'insectes, rassemblements suspects de cloportes ».

c) Conséquence sur les choix de Robinson : se tourner vers la civilisation ?

 Robinson est spectateur attentif et réservé : il se voit dépossédé de son île, mais incapable de
réaction.
 Ses sentiments paradoxaux et contradictoires qui montrent qu'il est perdu et désarçonné :
ligne 39 à la fin : il est des leurs mais en même temps si différent : la rencontre avec les
hommes lui apporte un grand sentiment de solitude : il avait été semblable : passé révolu.
 L’antithèse souligne le caractère définitif et irréductible de sa décision :impur grouillement
des hommes vs sagesse de Robinson
 Robinson a évolué, ce dont il prend conscience : il a atteint ce « bonheur solaire » mais ce
sera le sien ; il ne pourra pas le partager (car les hommes ne sont pas aptes à le partager).
Pas de grandeur d'âme ni d'humanité : ce sont des consommateurs.
 Robinson a atteint la sagesse mais ne la communique pas, à la différence de Zoroastre.
Sagesse est dans le silence et le détachement. Son regard est celui des « entomologistes » :
les hommes sont des insectes, pire des cloportes (jugement péjoratif : image du
grouillement, de l’agitation, du dégoût.

d) Le point de vue du narrateur est perceptible à plusieurs indices ; Tournier semble cautionner le
regard de Robinson.

 Par sa manière de relater le récit : choix dans les paroles rapportées, choix du monologue
intérieur.
 Par la réponse proposée à la question programmatique.
 On a donc un récit à visée argumentative. Le narrateur adopte le point de vue de Robinson
et porte un regard critique, par la forme choisie pour la narration : condamnation de la
société de consommation, de l’avidité de posséder et de l’égoïsme des marins. Robinson ne
suit pas l’exemple de Zoroastre, 4.
† Une autre dimension est donnée : c'est le narrateur qui donne à penser au lecteur en lui
permettant de nourrir sa réflexion sur la civilisation.

CONCLUSION : L'expérience de Robinson est douloureuse ; alors qu’il avait espéré retrouver contact
avec la civilisation pendant près de 28 ans, Robinson semble déçu car sa rencontre avec les hommes
lui renvoie une image insupportable de ce qu'est la « civilisation » (Vendredi est un homme bien plus
civilisé). Robinson ne suivra pas le même parcours que Zoroastre. Cependant, cet extrait renvoie
aussi aux circonstances d’écriture, en 1967, époque où la France va peu à peu entrer dans la
consommation de masse : cette page qui contient les réflexions de Robinson invite le lecteur à
revenir sur une notion contemporaine « ère de la grande consommation ». A travers la réflexion et
les réactions de Robinson, le lecteur peut s'interroger et porter un regard plus critique sur sa société.
La rencontre avec ses semblables a montré à quel point Robinson était devenu un autre (un homme
sage, mais isolé dans sa sagesse) : la rencontre avec l'autre permet de mieux se connaître ; c'est une
révélation de soi, à travers l’image de l’autre.

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