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Modèles littéraires 

La littérature de jeunesse

Mihaela Ghita
Master Études Romanes 
DEUX ANS DE VACANCES
Jules Verne

1. Qui est Jules Verne ?

Jules Verne naît en 1828, à Nantes, port maritime au fond de l’estuaire de la Loire. Il voit de sa
maison les bateaux et très jeune déjà il rêve de voyages, d’îles désertes et de naufrages. Jules est
l’aîné de cinq enfants, son père est juriste comme son grand-père et son arrière-grand-père. À
onze ans il fait une fugue sur un voilier partant pour l’Inde mais son père le retrouve peu après le
départ. Après le bac, il décide de faire du droit comme désire son père. Il s’installe donc à Paris
mais il fréquente les salons littéraires. Il découvre ainsi qu’il préfère la littérature au droit. Sa
rencontre avec Alexandre Dumas fils est décisive. En 1856 il épouse une jeune veuve dont il
aura un fils, Michel, en 1861.

2. Introduction

« Deux ans de vacances » est un roman d'aventures paru en 1888. Il fut publié en feuilleton dans
le « Magasin d'Éducation et de Récréation » du 1er Janvier au 15 Décembre, puis en volume, dès
le 19 Novembre. L'œuvre a été adaptée sous forme de série télévisée et en dessin animé. A son
habitude, Jules Verne, nous propose un mélange de données scientifiques, d'extrapolations osées
et d'aventure.

3. Robinsonnade et utopie
Jules Verne se lance dans l'écriture de ce roman car son projet est de « parfaire le cycle » des
robinsonnades : « Il restait à montrer une troupe d'enfants de huit à treize ans, abandonnés dans
une île, luttant pour la vie au milieu des passions entretenues par les différences de nationalité. »
Entre la robinsonnade et l'utopie, les recoupements sont légion. Dans les deux cas, il se trouve
une île, et une volonté.
Dans l'utopie, la volonté de construire une société nouvelle - la référence à la société de départ
— qui est aussi celle d'un voyageur naufragé qui y aboutit, et qui constitue, pour le lecteur,
une norme — y est contestée, et elle est remplacée par une rationalité autre, présentée comme
plus équitable et plus humaine.
Dans la robinsonnade 1après un naufrage, on aboutit aussi sur une île déserte. Mais au lieu de
construire et d'inventer une nouvelle modalité de l'expérience sociale, les efforts des rescapés
tendent à reconstruire, avec les outils dont ils disposent, un modèle miniature de la société
dont ils sont issus. L'île devient, chez Robinson, une colonie que par la suite il afferme. De
plus, le passage du naufragé sur l'île, et le travail qu'il impose à la terre vierge pour la
“civiliser”, lui servent d'expérience à la fois morale et sociale — dans le cas de Robinson, on
peut même ajouter spirituelle.
Dans l'utopie, l'aspect essentiel demeure la présentation en acte d'une société engendrée par
des lois nouvelles. 
Dans les deux cas, l'île sert donc de lieu d'expérimentation sociale, mais les conséquences que
le texte en tire sont d'ordre très différent.

On notera que Jules Verne s'est surtout ingénié à donner une forme nouvelle à des thèmes
anciens. Il a ainsi, entre autres, donné une forme romanesque au conte de Poe, "la Semaine
des trois dimanches", dans le Tour du monde en quatre-vingts jours, ainsi qu'une suite
“scientifique” aux Aventures d'Arthur Gordon Pym avec le Sphinx des glaces. Et s'il est un
thème qui semble l'avoir hanté, c'est celui du naufrage et de Robinson2.

Lié au naufrage, outre la trilogie déjà citée, on trouvera le Chancellor et les Naufragés du
‘Jonathan’. Quant au thème robinsonnade, on se souviendra que, lorsqu'il parle de l'Île

1
Marie-Hélène Weber : Robinson et robinsonnades. Toulouse : Éditions Universitaires du Sud, 1993
2
En 1862, avant Cinq semaines en ballon, Jules Verne avait proposé à Hetzel un manuscrit, l'Oncle Robinson,
naufrage d'une famille anglaise dans une île du Pacifique nord. Il fut refusé, mais certains éléments se retrouveront
dans l'Île mystérieuse. Ce manuscrit, oublié par Verne dans un tiroir, a été retrouvé et publié avec une postface de
Christian Robin. Jules Verne : l'Oncle Robinson. Paris : le Cherche Midi, 1991.
mystérieuse alors en chantier, Jules Verne désigne l'œuvre comme le “Robinson” 3. Et l'on sait
que cette œuvre prend son origine dans un texte plus ancien, refusé tel quel par Hetzel, qui
s'intitulait Oncle Robinson4. Par ailleurs, en ne comptant pas l'Île à hélice, Verne a aussi écrit
l'École des robinsons et Deux ans de vacances (dont le titre premier était un Pensionnat de
robinsons), où les références à la fois à Wyss et à Robinson Crusoe sont nombreuses et
explicites.

3.1 Présence et matérialité de l'île


Le récit commence alors que nous sommes le 9 mars de la même année, et que la narration in
medias res nous a posés avec les enfants, au centre du Pacifique, à essayer de comprendre qu’ils
sont et ce qu'ils font là, et les montre « unissant leurs forces » pour garder le contrôle du
gouvernail dans la mer démontée. Mais toute tempête a une fin, et le vaisseau, dans une sorte de
miracle, se trouve emporté par une énorme vague et, par-delà les rochers, s'échoue près d'une
plage :
« Une montagne écumante, venant de la haute mer, se dressa à deux encablures du yacht… avec
la furie d'un torrent, couvrit en grand le banc de récifs, souleva le Sloughi, l'entraîna par-dessus
les roches, sans que sa coque en fût même effleurée… et là, il resta immobile — sur la terre
ferme, cette fois — pendant que la mer, en se retirant, laissait toute la grève à sec. » (p.36).
Cet arrêt du bateau est, pour la narration, l'occasion d'un retour en arrière pour nous présenter
les circonstances de ce “voyage extraordinaire”.
L'île apparaît donc d'abord comme un lieu de repos après les deux semaines passées sur le
navire emporté par l'ouragan. Mais les enfants ne s'attardent pas à cet aspect ; elle devient vite
un territoire à explorer. Les grands, après avoir défini que le Sloughi pourrait servir
provisoirement d'habitacle, explorent les environs. À leur retour de cette brève prise de
contact, et après une prière, on commence les premiers travaux qui permettront de consolider
cette “tête de pont” sur la terre ferme. Et bien que les petits soient plus dans une perspective de
jeu que de travail, ils font leur part et se mettent, en s'amusant, à la recherche de coquillages
(p. 61).

3
Charles-Noël Martin : la Vie et l'œuvre de Jules Verne. Paris : Michel de l'Ormeraie, 1978. Lettre de Jules Verne à
Hetzel en juin 1874 : « Le sujet de Robinson a été traité deux fois. Defoe qui a pris l'homme seul, Wyss qui a pris la
famille. C'étaient les deux meilleurs sujets. Moi, j'ai à en faire un troisième qui ne soit ni l'un ni l'autre. » (p. 200).
4
id. : op. cit., p. 198. Cite un article de J.H. Germonprez sur ce sujet.
Mais les plus grands, qui « regrettent de ne pas être des hommes » (p. 30), pensent à l'avenir.
Gordon,qui est américain et le plus respecté de tous, entame un inventaire des ressources. Il faut
« ménager les biscuits et les conserves » (79) et donc tenter de se nourrir avec ce que le lieu offre
par la pêche et la chasse. Mais la Nature n'est pas très accueillante : il fait froid et brumeux. Et
comme nous sommes dans l'hémisphère austral, la saison du froid approche. Il faut s'installer
ailleurs, et donc tenter un repérage. C'est ce que fait d'abord Briant, le Français, 5 qui définit ce
lieu comme une île, qu'à l'aide des cartes les enfants tentent de situer, et placent dans leur
imaginaire dans la perspective de l'île où vécut Selkirk, qui a permis à Defoe d'écrire son roman.
Puisqu'il s'agit d'une île, et que les moyens de rejoindre la civilisation par le moyen de la terre
sont impossibles, il va falloir s'installer, ce qui entraîne la nécessité d'une exploration de groupe.
La marche n'est pas facile ; il faut se frayer un chemin : « Les jeunes garçons jouaient alors de la
hache comme ces pionniers qui s'aventurent à travers les forêts du Nouveau Monde. ». Mais, et
c'est une différence avec Robinson, ils trouvent les traces d'un naufragé antérieur, un gué, de
l'eau douce, les restes d'un canot, une date : 1807, une caverne et un squelette, qu'ils enterrent
religieusement. Mais le naufragé n'a pas laissé uniquement des traces et de simples outils
européens : il a dressé une carte sommaire de l'île, 6 et a inscrit son nom sur un cahier. C'est un
Français ; on nommera l'endroit où il s'était installé French Den. Mais il laisse aussi les enfants
en présence d'une évidence : le naufragé, marin expérimenté, n'a pu rejoindre la terre ferme ; il a
vécu 53 ans en ce lieu. Aucun espoir ne demeure donc d'un prompt secours : il va falloir
s'organiser.
L'île a cessé d'être un simple lieu: elle a acquis une existence et une forme, par la grâce d'un
prédécesseur. Elle s'est aussi, par son expérience, imposée comme lieu mais d'installation de
longue durée et non de simple transit. L'île, par là, s'inscrit non seulement comme espace à
explorer mais aussi dans le temps, qu'il va falloir gérer. Comment ? Va-t-on voir Jules Verne
inventer une société utopique, à la mesure de l'imagination des jeunes enfants ? 7 En fait, ce sera
tout simplement une colonie, miroir de la société de départ, avec les péripéties sur quoi le texte
s'attarde, des luttes contre la nature et des enjeux de pouvoir à l'intérieur de la société
“démocratique” que les enfants instaurent.
5
Aristide Briand a été un condisciple de son fils au lycée de Nantes. On sait que Jules Verne ne dédaignait pas de
mettre en scène certains de ses amis, par exemple Nadar sous le nom d'Ardan dans De la Terre à la Lune.
6
Elle figure d'ailleurs dans le roman, p. 194.
7
Ce ne serait pas étonnant. En 1879, Jules Verne (en collaboration avec le communard Paschal Grousset), avait
décrit Franceville, une utopie, dans les Cinq cents millions de la Begum.
3.2 De la tête de pont à la colonie
Une fois la caverne choisie comme tête de pont, reste à y débarquer le matériel et à y installer
l'ensemble du pensionnat : ce qui demande travail et organisation. C'est toujours Gordon,
l'Américain, qui est le logisticien de cette opération : « Ainsi, le travail marchait à souhait,
avec une méthode où l'on sentait l'intervention de Gordon dont le sens pratique n'était jamais
en défaut.». (p. 155).
Le navire, après avoir été vidé de son contenu, est proprement cannibalisé : « On s'était attaqué
à la coque… les feuilles du doublage de cuivre furent enlevées avec soin. Le dépeçage avançait
lentement. » (p.156). Reste à transporter le matériel à French Den : on construit un radeau, on y
empile savamment, par des grues improvisées, de lourdes pièces, et avec du travail, de la
patience et de la sueur l'ensemble du matériel est mené à bon port. Et le texte ne nous fait grâce
d'aucun détail dans l'organisation, ni dans le calcul de la vitesse et du temps mis pour aborder à
la caverne choisie pour hiverner. Les actes sont motivés par la raison, celle-ci se référant à une
pratique : « Cette proposition était trop sensée pour ne pas avoir l'approbation générale. »
(p.167). Et l'on n'oublie pas de planter un mât avec un drapeau, pour attirer l'attention
d'éventuels navires: « La proposition ayant été adoptée, le mât de hune fut traîné jusqu'à la
falaise. » (p.164).
L'installation donne lieu à un énorme travail, et elle se fait en référence au Robinson suisse,
dont l'un des pensionnaires possède un exemplaire, ainsi qu'au roman de Defoe. Le résultat est
atteint : cette installation est devenue maintenant une colonie.

« Colonie ! Oui ! Ce mot fut effectivement prononcé pour rappeler que


l'installation n'avait plus un caractère provisoire. Et naturellement, il fut dû à
l'initiative de Gordon, toujours plus préoccupé d'organiser la vie sur ce nouveau
domaine que de chercher à en sortir. Les naufragés du Sloughi étaient les colons
de l'île. » (p.206).

Et l'on procède alors à l'élection démocratique de son chef pour un an ; ce sera Gordon car «
Quand Gordon ordonnait, il n'y avait plus qu'à obéir. ». (p.224).
Ce chef va organiser la vie de la colonie selon un programme qui fera alterner les études et le
travail, tout en gardant le repos dominical qu'il présidera en tant que “révérend Gordon”.
Moins que d'utopie, il s'agit ici d'une sorte de pragmatisme idéaliste. En effet, « Il convenait
donc de reprendre avec courage la lutte pour la vie. Chacun se remit au travail. », proposition
qu'il convient d'alléger : « Le programme avait réservé quelques heures pour les récréations.
C'est l'une des conditions de bonne santé que de se retremper dans les exercices de
gymnastique. (p.315). Sans oublier le fouet pour les châtiments nécessaires. Gordon se règle
sur le calendrier du Sloughi, et sur les montres, qu'il charge quelqu'un de remonter à heures
fixes.8 De plus, il en ordonnera à l'un d'eux de tenir un journal. Mais le chef est aussi un
observateur, et peu à peu il finit par situer l'île non plus dans la Polynésie comme il le pensait
au départ, mais plus au sud, ce qui justifiait un hiver rigoureux, des précautions à prendre, du
combustible à chercher, aussi bien pour l'éclairage que pour le chauffage, et l'impossibilité
d'explorer vraiment l'île avant le retour de la belle saison. Ainsi, on se lancera à la recherche
des phoques qu'on va massacrer pour en tirer de l'huile, et dans la forêt pour trouver le bois
nécessaire qu'on amènera à la caverne en se servant d'une table renversée qui servira de
traîneau. Le travail sera considéré comme un exercice salutaire : « c'était réjouissant de voir
cette petite colonie en si belle humeur et si bonne santé. » (p.222).

3.3 Les Colons exploitent les ressources de l'île

 On trouve dans cette île fort peu d'animaux sauvages et dangereux : pas de serpents, mais un
jaguar (à moins que ce ne soit un cougar) et des ours. Si des monstres semblent la hanter, le
doute ne dure pas longtemps et une explication est trouvée, comme on le voit avec l'épisode du
chien disparu. Les cris troublent quelque temps la colonie avant qu'elle ne réalise que Phann, le
chien, avait lutté dans la nuit contre un chacal qu'il avait égorgé dans une grotte adjacente
(p.199).
L'île est donc le lieu et le moyen d'une organisation sociale, tournée vers la survie du groupe
dans les meilleures conditions possibles. Elle s'offre à l'ingéniosité des enfants qui l'exploitent
avec ordre et méthode. Mieux armés conceptuellement que Robinson, ils utilisent les produits
que donne la terre sans se mettre à pratiquer l'agriculture. Ils peuvent le faire parce que, à la
différence de Robinson, ils ont débarqué sur l'île avec une cargaison entière qu'ils ont pu

8
Dans Sa majesté des mouches de William Golding, le temps ne sera pas réglé, malgré l'idée de Piggy de construire
un cadran solaire. De plus, les enfants n'ont aucun calendrier et s'ils envisagent de dresser une carte de l'île, ce
projet demeure un vœu pieux. Aucune organisation ne peut donc être instaurée. De plus, aucun moyen de
coercition n'est évoqué.
récupérer, sans oublier qu'ils trouvent une carte de l'île. De plus, ils ne sont pas ignorants en
botanique, ce qui leur permet d'exploiter les diverses plantes.
Comme le note l'héroïne de Suzanne et le Pacifique, Robinson, au lieu de tendre la main pour
cueillir des bananes, ou récolter sur l'arbre à pain, préfère suer sang et eau pour faire pousser du
blé. Est-ce parce qu'il ignore tout des bananes, ou parce qu'il ne sait pas aller au-delà des cadres
de l'imitation de ce qu'il connaît ? Le savoir des enfants est, en revanche, encyclopédique, à la
différence de celui de Robinson, qui est surtout biblique. Mais l'île ne jouerait pas pleinement
son rôle si elle n'avait affronté qu'un groupe d'enfants, unis derrière leur chef, à la nature. Tout
groupe est générateur de tensions, qui se résolvent de diverses manières, aussi bien chez les
adultes que chez les enfants. C'est ainsi que, pour aboutir à une leçon morale et sociale
acceptable et valorisante, dans l'idéologie de la robinsonnade, l'île va devoir aussi devenir un
théâtre de deux sortes d'affrontements humains. D'une part entre les enfants eux-mêmes, d'autre
part contre des hommes méchants. Cependant, les enfants étant censés ne prendre, comme
l'indique le titre, que deux ans de vacances, il fallait trouver un moyen de leur faire retrouver
leurs parents, et c'est, comme dans l'Île du docteur Moreau, par le moyen d'un autre naufrage
que la chose va devenir possible.

3.4 L'Île comme théâtre d'affrontements internes

D'emblée, les élèves du pensionnat ont été présentés non en bloc mais par groupes. Certains de
ces groupes ne seront pas conflictuels : les grands ne s'opposeront pas aux petits, qui sont
d'ailleurs extrêmement obéissants, et ne sont là que pour former un fond de décor. Mais parmi
les grands, on note trois groupes, les deux Français, Briant et Jacques, fils d'un ingénieur, et,
autour de Doniphan, un aristocrate, deux autres jeunes Anglais. Entre les deux groupes, et
servant souvent de médiateur, et aussi de guide, l'Américain Gordon. Les divergences entre ces
deux groupes sont présentées par la narration comme des oppositions de nationalité, mais elles
ne s'y cantonnent pas.

POATE PUI ASTA LA PERSONAJE


D'une part, le groupe des Français est présenté comme loyal et peu susceptible. De plus, sur le
bateau désemparé, il a été le seul à savoir un peu manœuvrer puisqu'il avait déjà navigué, étant
venu en bateau depuis la France. Il partage ce savoir et cette pratique avec le mousse, Moko, un
jeune noir qui sur la terre ferme servira de cuistot, et demeurera lui sans prétention aucune. Il ne
prendra même pas part aux votes, car comme le dit le texte : « Moko en sa qualité de noir ne
pouvant prétendre, et ne prétendant point à exercer le mandat d'électeur » (P.328). Entre le
mousse et Briant se tissera d'ailleurs un lien affectif assez fort, car Briant a sauvé Moko pendant
la tempête, et celui-ci accompagnera Briant dans l'une de ses expéditions. Ce lien privilégié
renvoie à l'idée de la France comme une nation qui est une “bonne” colonisatrice.9 Cela étant,
entre Briant et Jacques, malgré la grande affection qui les lie, il demeure un secret, qui ne sera
dévoilé que par petites touches : Jacques est l'auteur de l'errance : c'est lui, qui par espièglerie, a
défait les amarres du bateau et a ainsi livré ses camarades à l'aventure. Il essaie, depuis,
d'expier. L'opposition d'ailleurs ne s'appuie en rien sur Jacques. C'est contre Briant que
Doniphan se dresse, et ceci est annoncé presque dès le début par le narrateur.
On le voit : des lois naturelles ou raisonnables ne tentent pas de donner du fonctionnement de
cette société une image “parfaite” où les tensions seraient résolues, comme en Utopie. Ici,
l'Histoire, avec ses rémanences de conflits anglo-français, comme les oppositions
psychologiques jouent un rôle important dans la dynamique du récit. Ces oppositions rendent
nécessaires une maturation des individus qui rend elle-même possible une résolution positive
des conflits dans la perspective d'une idéologie du progrès
Et ceci même si, ponctuellement, l'affrontement aboutit à une sécession. Pour éviter que le
roman ne se termine sur cette note pessimiste, Jules Verne va faire intervenir des éléments
extérieurs, dont la présence va obliger les deux parties à renouer après qu'une solidarité se sera
installée.

3.5 Les pirates et leur action


Ces éléments extérieurs, ce sera, comme dans tout bon roman d'aventures maritimes, des pirates
qui se retrouvent sur l'île, avec des otages qui aideront les enfants après qu'on les aura délivrés. 

9
Dans l'idéologie de l'époque, qui est celle de Jules Ferry, colonisation du Tonkin et école gratuite et obligatoire
vont de pair. Il s'agit d'une “mission civilisatrice”.
3.6 Une communauté ressoudée
Dans leur désir de sécession, les jeunes Anglais partent vers le côté de l'île que Briant avait
exploré, et dont il avait donné une relation circonstanciée. Ils l'atteignent et se trouvent, après
quelques péripéties, devant ce qu'ils pensent être des cadavres, mais qui sont en fait des marins
épuisés sur la grève. Ils ont un long moment de panique :

« Ce fut alors que, pris d'épouvante, n'ayant même pas la pensée qu'il pouvait
rester un peu de vie à ces corps, qu'il importait de leur donner des soins
immédiats, ils revinrent précipitamment chercher un refuge sous les arbres.
»  (p.373)

Après avoir passé toute la nuit à trembler, et avoir décidé d'aller enterrer ce qu'ils pensaient être
des cadavres, ils ne retrouvent au matin plus les corps, mais trouvent une barque, pontée sur le
Severn, dont le port d'origine est San Francisco, mais qui n'est plus en état de naviguer. Ils
pensent que les naufragés sont morts.

Par ailleurs, la colonie, qui est sur le point de construire un énorme cerf-volant, recueille Kate,
une naufragée qui raconte comment une mutinerie a eu lieu à bord du Severn par un groupe qui
désirait prendre le vaisseau pour se livrer à la traite des noirs. Les pirates ont abordé dans l'île
après un incendie à bord qui les a obligés à fuir le navire dans une chaloupe. Elle a vu les
mutins aborder sur l'île, vivants ; elle-même a été emportée plus loin sur la plage et a pu se
sauver sans qu'ils la voient — ils la croient morte. Mais ces pirates sont armés et dangereux.
Nous avons donc, des deux côtés de l'île, deux groupes qui vont par deux : à French Den, les
colons et la naufragée qui avait été enlevée par les pirates ; de l'autre côté, mais s'ignorant, les
Anglais et les mutins pirates. Il va de soi que les Anglais sont en danger, et qu'ils ne le savent
pas. Briant, qui pense être responsable, bien que non coupable, de la sécession des Anglais, et
qui de plus en tant que chef se doit de sauver ses colons, part dans la nuit avec Moko, sur la
yole, refaisant le trajet de leur première exploration de l'autre côté de l'île. De plus « quatre
garçons de plus, et non des moins vigoureux, ce secours ne serait pas à dédaigner en cas
d'agression » (p.393). Briant arrive à point pour sauver Doniphan, attaqué par un jaguar, et tue
la bête d'un coup de poignard en évitant de donner l'alerte par un coup de feu. Il est blessé mais
Doniphan admet enfin : « Ah Briant ! tu vaux mieux que moi… Désormais, je serai le premier à
t'obéir ! » (p.399). Et la troupe au complet, après explications, retourne à French Den, dans la
yole conduite par Moko.
Le premier effet de la présence des pirates a donc été de ressouder la colonie :

« Oui, cette séparation de trois jours avait porté ses fruits. Plus d'une fois. Alors
que l'amour-propre parlait chez lui plus fort que l'intérêt, il n'en avait pas moins
compris à quelle sottise le menait son entêtement… Aussi, après le dévouement
dont Briant avait fait preuve envers lui, Doniphan s'était-il abandonné à ses bons
sentiments. » (p.400)

 3.7 Une aide inespérée


Le second effet de cette présence va être tout aussi profitable, puisqu'il va permettre aux enfants
de quitter l'île, après que la communauté s'est trouvée réformée.
Par Kate, les enfants connaissent à la fois le nombre des pirates, leurs desseins et le danger
qu'ils représentent. Ils savent aussi que, parmi les naufragés, il existe de possibles alliés. La
communauté s'organise donc en camp retranché, attendant un assaut. Les pirates rôdent autour
du camp de French Den, mais laissent échapper un de leurs otages qui vient se réfugier auprès
de Kate et des enfants. Avant la force, les pirates tentent d'entrer par ruse, mais échouent. Ils
tentent alors un assaut et sont vaincus. Le résultat en est que les enfants ont récupéré un marin,
« Evans, le master du Severn », qui leur permet de situer et de nommer l'île où ils se trouvent du
nom qui est le sien sur les atlas : l'île Hanovre. Grâce à lui, l'île nommée par les enfants
“Chairman” retrouve sa place dans l'univers de la réalité géographique, et le retour devient
possible puisqu'ils ne sont qu'à une trentaine de milles du continent Sud Américain:

« Au-delà du détroit de Magellan, une île que de simples canaux séparent de l'île
Cambridge au sud et des îles Madre de Dios et Chatam au Nord… Cette île, sur le
51° de latitude, c'est l'île Hanovre, celle à laquelle vous avez donné le nom de
Chairman, celle que vous habitez depuis plus de vingt mois. » (p.472)

Reste qu'il manque un vaisseau assez grand pour embarquer tout le monde. La aussi,
involontairement, les pirates fournissent la solution : ils ont échoué avec une chaloupe, qui est
certes en mauvais état mais qu'il est possible de réparer avec des outils adéquats. C'est la
possession des outils, comme de la nourriture, qui a motivé l'assaut des pirates contre la
colonie des enfants. Une fois les pirates vaincus, Evans et ses aides vont aller chercher leur
chaloupe avec la yole, la ramener à French Den et la remettre en état. Evans, « aussi bon
charpentier que bon marin », réutilise les matériaux que les enfants avaient gardés du Sloughi.
« Les travaux qui durent trente jours ne furent pas achevés avant le huit janvier. » (p.510). La
barque réparée, chargée, les colons embarqués, le retour se fait sans incidents : la chaloupe est
repérée, les enfants recueillis par un steamer, le retour a lieu à Auckland le 25 février, deux
ans après le départ dans la tempête et dans la nuit.
Le résultat est là : les colons sont « mûris par les épreuves et faits au dur apprentissage de
l'existence » (p.520). Ils sont devenus des “hommes”.

4. Bref résumé

4.1 Une violente tempête


9 mars 1860, sur l’Océan Pacifique démonté, une goélette de mille tonneaux, le Sloughi, est
emportée par la tempête. Au gouvernail il n’y a pas de capitaine, pas de marin mais seulement
quatre garçons de douze à quatorze ans. Ils sont seuls! Ils s’appellent Briant, Doniphan, Gordon
et Moko. Moko est un mousse, les autres garçons sont les pensionnaires d’un collège
d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Le bateau va à la dérive depuis trois semaines. Dans la
violente tempête, la seule voile encore entière vient de se déchirer. -Nous n’avons plus de voile!
s’écrie Doniphan terrifié. À ce moment la tête d’un autre enfant apparaît par l’ouverture de
l’escalier. -Il y a de l’eau dans le salon! Briant descend. Une dizaine d’enfants sur les couchettes
regardent Briant, épouvantés. - Il n’y a aucun danger, leur dit-il. L’eau est entrée par le pont. La
coque est intacte! C’est l’aube. La situation est désespérée: Le Sloughi ne peut pas résister un
jour de plus à la tempête. Soudain au milieu des éclairs et des vagues, Moko s’écrie: - Terre!
Terre! En indiquant un point à l’horizon. - Je la vois moi aussi, c’est une terre base, dit Gordon.
Les adolescents voient la terre qui se rapproche rapidement. Des écueils se dressent devant eux.
Maintenant tous les enfants sont réunis à l’arrière du bateau. Il y a Phann aussi, le chien de
Gordon. Terrifiés, ils sentent une violence secousse. L’embarcation se soulève en avant et se
pose sur les écueils, en s’inclinant légèrement. Ils sont à un quart de mille de la côte. - Attendons
la marée base, propose Briant. Les garçons voient nettement une plage au pied d’une falaise. - Je
ne vois pas de maison et pas de barques, déclare Moko qui regarde dans la longue-vue.
 

4.2 Le naufrage

Les adolescents commencent à rassembler sur le pont, les objets de première nécessité:
conserves, biscuits, viande salée… Ils espèrent pouvoir atteindre la plage encore lointaine
pendant la marée base mais ils observent, inquiets, les vagues encore violentes autour du bateau.
Soudain une énorme masse d’eau soulève Le Sloughi pardessus les rochers et le dépose sur le
sable, au pied de la falaise. - Sauvés! S’écrient les enfants tous ensemble. À cette époque, il y a
une centaine d’élèves au pensionnat Chairman. Ils appartiennent aux meilleures aux familles de
cette colonie anglaise. Tous les garçons sont néozélandais sauf Gordon qui est américain et les
deux Français, les frères Briant et Jacques. Pour conclure l’année scolaire et comme récompense,
certains parents ont organisé une croisière pour leurs enfants. La veille du départ, alors que les
enfants déjà installés à bord dorment et que l’équipage, à l’exception de Moko, es tallé boire un
dernier verre dans un cabaret du port, le yacht rompt ses amarres et prend le large! Après
plusieurs jours de recherches inutiles, les parents perdent l’espoir de revoir leurs enfants vivants.
- Nous avons des provisions, des munitions et des vêtements, s’écrie Gordon. Il faut nous
organiser ! Mais… où sommes nous ? Ça, c’est une autre histoire ! Le bateau est couché sur le
flanc, à tribord, près de l’embouchure d’une petite rivière. Briant et Gordon s’aventurent sous les
arbres. Ils marchent pendant dix minutes et arrivent au pied de la falaise. Ils longent sa base en
espérant trouver un abri naturel où s’installer avec leurs camarades et trouver aussi le moyen
d’atteindre le sommet pour observer cette terre d’un point élevé. Déçus, ils reviennent vers Le
Sloughi et décident en attendant de trouver mieux, de rester dans le bateau qui peut encore servir
de refuge. Moko prépare un repas. Après tant de jours d’angoisse et de terreur, les garçons sont
affamés.

4.3 La Terre inconue

Pour économiser les provisions qui ne peuvent suffire que quelques mois, les enfants décident de
pêcher et de chasser. Heureusement, ils trouvent à bord des lignes et des fusils avec beaucoup de
munitions. Moko et d’autres camarades ramassent dans les écueils, des coquillages tandis que
d’autres cherchent, dans les cavités de la falaise, des œufs d’oiseaux comestibles. Gordon, de son
côté, note sur un carnet tous les objets qu’ils ont récupérés : des vêtements chauds, de
couvertures, de la vaisselle, des armes, des allumettes, des aiguilles, du fil, des livres, des
cahiers, des plumes et de l’encre! Ils pensent emporter plus tard, dans un refuge définitif, les
matelas des couchettes. Il y a encore un baromètre, un thermomètre centigrade, deux montres
marines, une boussole et la longue-vue. Enfin ils ont trouvé un petit canot en caoutchouc, pliable,
très utile pour traverser une rivière ou un lac. Ils récupèrent aussi un calendrier de l’année 1860
sur lequel Baxter est chargé de barrer les jours. Jacques, lui, est chargé de tenir le journal de bord
de la petite colonie. Les enfants se demandent s’ils sont sur une île ou sur un continent. Selon
Doniphan, cette terre ne fait pas partie des tropiques. Les chênes, les pins et les sapins indiquent
que les hivers peuvent être froids. 31 mars. C’est l’hiver dans l’hémisphère austral. Briant décide
de partir en reconnaissance. Il veut atteindre le sommet d’un cap entrevu pendant le naufrage et
se rendre compte s’ils sont sur une île ou non. Il part avec la boussole et la longue-vue. Après des
heures de marche, il arrive au sommet du cap. Au-delà de la forêt, une ligne bleuâtre semble
indiquer l’horizon. Cette terre est donc une île ? Ses camarades et lui ne doivent attendre du
secours que des navires qui passeront ! Au campement du Sloughi, les enfants sont déçus par le
résultat de ses recherches. Doniphan, par esprit de contradiction propose de repartir avec lui pour
s’assurer qu’il a raison mais ils doivent attendre plusieurs jours à cause du mauvais temps. Ils
doivent aussi trouver au plus vite un refuge plus sûr. Le Sloughi n’est pas trop confortable et le
bois de la coque laisse passer le vent et la pluie. Enfin un jour de beau temps, Briant, Doniphan
et deux autres garçons, partent en exploration avec le chien Phann. Ils décident de rejoindre le
sommet de la falaise plutôt que le cap. Ils atteignent le sommet de la falaise mais ils ne voient
pas la ligne bleue de l’horizon que Briant avait observée. Ils marchent longtemps encore. Quand
ils arrivent à une rivière assez large, leur regard est attiré par des pierres savamment entassées
qui permettent le passage, d’une rive à l’autre.
 

4.4 La grotte du français 

Ces pierres ne sont pas venues toutes seules ! dit Wilcox. Les garçons ont traversé la rivière et
ont continué à travers la forêt. Soudain, après des heures de marche, ils ont découvert entre les
arbres une plage de sable. - Birant a raison, nous sommes sur une île ! dit Webb découragé. Le
chien Phann est parti comme une flèche vers la plage, est entré dans l’eau et s’est mis à boire ! -
De l’eau douche, c’est de l’eau douce ! s’écrient les garçons ensemble. - Mais alors c’est un lac ?
déclare Doniphan. Cette terre n’est peut-être pas une île ! Ils se sont endormis, confiants, sous un
arbre, au chaud sous les couvertures qu’ils ont emportées. Le lendemain, ils ont décidé de suivre
la rive du lac quand ils ont remarqué le comportement étrange du chien. - Il a flairé une piste ! dit
Doniphan. Les jeunes colons se mettent en route derrière le chien. Phann s’est arrêté devant
l’entrée d’une grotte à moitié cachée par la végétation. Les garçons entrent prudemment. Briant
prend une allumette pour vérifier si l’air est respirable et pour s’orienter. A l’intérieur de la grotte
des objets montrent que quelqu’un a habité là : un couteau, une hache, une scie, des ustensiles de
cuisine, un tabouret, une sorte de lit avec une vieille couverture et une montre. C’est une belle
montre à boîtier. Briant l’ouvre et lit : - Delpeuch, Saint-Malo- F.B Saint-Malo ! Mais c’est en
Bretagne ! dit-il. Ils trouvent encore un cahier avec un nom : François Baudoin. F.B., François
Baudoin, c’est le nom du Français naufragé qui a vécu dans la grotte. Les adolescents découvrent
une carte des lieux, faite par François. On reconnaît la côte où on a échoué Le Sloughi, la rivière,
la falaise, le lac ! Hélas, Briant a raison, ils sont sur une île ! Dehors le chien aboie furieusement.
Derrière la grotte, les garçons découvrent entre les racines d’un arbre, le squelette d’un être
humain, Avant de repartir, ils donnent une sépulture au pauvre Français. Ils sont d’accord pour
s’installer au plus vite dans la grotte qui se trouve dans une zone beaucoup plus protégée.
 

4.5 Le groupe se sépare

Les jeunes naufragés démontent Le Sloughi et récupèrent tout ce qui peut servir. Ils construisent
un radeau et remontent la rivière avec tout le matériel. Dans la grotte du Français, ils installent
les couchettes, la table et le poêle de la cuisine du bateau. La vie devient presque normale. Les
plus grands reprennent les livres et apprennent aux plus jeunes ce qu’ils savent. On est en mai
1860. C’est l’hiver dans l’hémisphère austral et le thermomètre indique 12º au-dessous de zéro.
Wilcox, pour économiser les réserves de Sloughi installe des pièges autour de la grotte et prend
des lapins. Un jour de soleil, ils décident d’explorer l’autre rive du lac. Cette expédition est
couronnée par la capture, au lasso, d’une chèvre sauvage, et de son petit, qui va pouvoir les
approvisionner en lait ! Les jours passent lentement. C’est bientôt Noël et les jeunes colons font
un effort pour ne pas être tristes. Les discussions entre Doniphan et Briant sont de plus en plus
fréquentés. Un jour pendant une partie de cricket, ils se disputent violemment. Doniphan et trois
autres camarades décident de s’installer dans une autre partie de l’île. Avec de fusils, de lignes,
de pièges, de couvertures et du petit canot pliable, ils partent donc à la recherche d’un endroit où
s’installer. A la grotte la vie est triste. Les adolescents regrettent le départ des autres adolescents.
Ils ont l’idée de fabriquer un grand cerf volant avec de la corde et de la toile trouvées à bord, et
des roseaux qui poussent en abondance dans le marais voisin. Ils espèrent ainsi signaler leur
présence aux bateaux. Alors qu’ils cherchent un endroit assez vaste et assez découvert pour
pouvoir faire monter le grand cerf-volant dans les airs, ils découvrent sur une plage, une grande
chaloupe endommagée, avec un nom Severn-San Francisco. Le chien s’est élancé vers la forêt.
Les garçons l’entendent aboyer. Intrigués, ils s’avancent prudemment. Là sous les arbres, Phann
s’est arrêté d’une forme humaine. Une femme est étendue, à moitié morte. Elle ouvre les yeux,
Jacques lui tend un biscuit qu’elle mange rapidement avant de raconter son histoire. 
 

4.6 Des bandits sur l’Île

Elle s’appelle Kate et elle voyageait sur le Severn parti de Californie pour Valparaíso. Des
bandits, dirigés par un nommé Walston, ont massacré les passagers et l’équipage. Seuls un
officier, Evans, et elle, ont réussi à se sauver mais le navire a coulé pendant une violente
tempête. Kate a vu les bandits s’éloigner sur une chaloupe. Gordon et Briant pensent à Doniphan
et aux autres. - Il faut prévenir Doniphan du danger ! déclare Briant. Ils abandonnent le projet du
cerf volant car ils ne veulent pas signaler leur présence aux dangereux bandits débarqués sur
l’île. Briant et Moko partent à la recherche de leurs camarades. Armés d’un fusil et d’un couteau,
ils longent, sur le radeau, les rives du lac. Ils abordent près d’un feu à moitié éteint. Est-ce un feu
allumé par leurs camarades ou un feu allumé par les bandits ? Moko reste sur le radeau tandis
que Briant avance prudemment sous les arbres. Une ombre se déplace dans les hautes herbes et
bondit. - A moi ! à moi ! C’est la voix de Doniphan attaqué par un jaguar. Briant, d’un coup de
couteau tue l’animal mais est blessé à l’épaule. Briant, mojo, Doniphan et les autres rentrent au
plus vite à la grotte. Doniphan est plein de reconnaissance pour le Français qui a pris tant de
risques pour eux. Les jeunes colons sont inquiets. En effet selon Kate, les bandits ont besoin
d’outils pour réparer leur chaloupe ! Les garçons ne s’éloignent plus de la grotte et ne chassent
plus avec les fusils. La blessure de Briant guérit peu à peu. Octobre vient de finir. Walson et sa
bande ont-ils réparé leur bateau ? sont-ils partis ? qu’attendent-ils ? Les plus grands sont allés
observer l’île du sommet de la falaise. Ils n’ont pas vu de feu de camp mais la falaise n’est pas
très élevée et le regard ne va pas loin, même avec la longue vue. Le vieux projet du cerf volant
est donc repris. Les garçons le consolident, l’agrandissent et l’équipent d’une nacelle où un
garçon peut s’installer. Briant pense que le passager pourra s’élever assez haut dans les airs et
découvrir ainsi le campement des bandits.
 

4.7  L’officier Evans

Briant prend place dans la nacelle. Le vent est idéal. En dix secondes le Géant des airs comme ils
l’ont appelé se soulève. Les garçons les plus forts laissent filer la corde. Le cerf volant s’élève
régulièrement et lentement. Briant voit nettement le feu d’un campement dans le lointain.
Walston et sa bande n’ont donc pas quitté l’île car ils n’ont pas encore réparé leur chaloupe. Les
garçons décident de faire la garde à tour de rôle. Ils sentent que le danger est imminent. Le soir
du 27 novembre, un orage violent éclate sur l’île. Les garçons inquiets observent le chien agité,
près de l’entrée. Tout à coup, il leur semble entendre une détonation. Coup de revolver ?
Soudain, devant l’entrée un homme apparaît qui crie : À moi ! - Evans ! C’est Evans ! s’exclame
Kate. Evans regarde le groupe des adolescents. Des enfants pour combattre la bande de
Walston ! Il raconte qu’il était le prisonnier de Walston qui a besoin d’un marin pour quitter l’île.
Evans s’est cependant échappé, poursuivi, pendant des heures par les bandits qui l’ont laissé pour
mort au fond de la rivière. Il confirme encore aux jeunes colons que les malfaiteurs ont besoin
d’outils pour réparer la chaloupe, comme a pensé Kate. - Nous pouvons réparer nous-mêmes la
chaloupe et quitter l’île ! ajoute Evans d’un ton décidé. - Traverser le Pacifique avec une
chaloupe ? racontent ensemble tous les garçons. C’est ainsi que l’officier explique aux colons
que l’île n’est qu'à une trentaine de milles d’autres îles, séparée par un grand canal, qu’elle
appartient à un archipel de l’Amérique du Sud et qu’elle s’appelle l’île Hanovre. 
 

4.8  L’aventure est finie

Quelques jours passent. Selon Evans, Walston et ses hommes vont chercher à s’emparer des
outils. En effet, ils ne savent pas que les enfants connaissent leurs véritables intentions et leur
identité. Kate et Evans décident de rester cachés. Un soir, les deux adolescents de garde
annoncent que deux hommes s’approchent le long du lac. Gordon et Doniphan vont à leur
rencontre comme des amis et leur offrent l’hospitalité. Les bandits expliquent qu’ils viennent de
faire naufrage et qu’ils sont les seuls survivants du Severn. Pendant la nuit, les deux bandits
tentent de dégager l’entrée de la grotte pour faire entrer les autres bandits. Evans sort alors de sa
cachette, neutralise un bandit tandis que l’autre s’échappe. Des traces de pas aux alentours de la
grotte montrent que les autres bandits se sont rapprochés, qu’ils attendent le meilleur moment
pour attaquer. Evans, Briant, Doniphan et Wilcox, armés, contrôlent sans arrêt la zone autour de
la grotte. Kate, elle, reste à la base avec les enfants plus petits, terrifiés. Au cours d’un contrôle,
une détonation éclate. Evans et les adolescents rentrent précipitamment à la grotte. Ils voient
Briant aux prises avec un homme bien plus fort que lui. Evans s’élance à son secours tandis que
Phann saute à la gorge d’un autre malfaiteur. Surpris par tant que détermination et sans
munitions, les bandits préfèrent s’éloigner pour le moment. Ils se dirigent en courant vers le
dangereux marais… Evans commence à réparer la chaloupe qui va permettre au groupe de
traverser le canal et d’aller aux autres terres. En janvier, Evans s’occupe du chargement. Les
naufragés rassemblent de la nourriture, de l’eau et les objets utiles pour la traversée. Enfin un
matin, la chaloupe prend la mer. Les adolescents regardent avec le cœur serré l’extrême pointe
de l’île Chairman, comme ils l’ont appelée, disparaître à l’horizon. Le 11 février, la chaloupe
débouche dans le détroit de Magellan. Un bateau, en route pour l’Australie, a vu la chaloupe et
charge ses passagers. Le 25 février 1862, les naufragés du Sloughi et leurs amis arrivent à
Auckland, fêtés par leurs familles et admirés par le monde entier. Le journal de bord des
naufragés est publié et fait le tour du monde. Le monde entier veut connaître le récit d’aventures
de ce groupe de garçons courageux et ingénieux qui étaient disparus presque deux ans
auparavant. 

5. Les personnages - les jeunes naufrages au Sloughi 


Le groupe d’enfants réunit ce que l’Occident produit de mieux à la fin du 19ème siècle : des
Anglais, un Américain, deux Français. Plus un Noir de 12 ans, Moko, qui est mousse. L’aîné du
groupe, Gordon, a 14 ans et est Américain. Ses deux seconds sont le français Briant et l’anglais
Doniphan, 13 ans tous deux – donc en concurrence. Les autres gravitent autour de ces deux-là,
les petits en faveur de Briant qui les aime et s’occupe d’eux, les autres en faveur de Doniphan
dont ils admirent la prestance physique et l’aisance intellectuelle. Chacun des trois « grands »
incarne à lui seul une vertu et manque des autres. Gordon est la prudence, Briant le
dévouement, Doniphan l’intrépidité. Les caractères nationaux prennent des proportions
métaphysiques. Le cœur, bien sûr, devant l’emporter à terme, « à la française » 
  Gordon, l’Américain, est orphelin comme sa nation l’est de sa marâtre Angleterre. Self-made
man, « esprit pratique, méthodique, organisateur », il a le goût « naturel » de fonder une colonie
qui deviendra sa famille. Surnommé « le Révérend », élu premier chef démocratique de l’île, il
est – à l’américaine – la religion et la loi. Il sera toujours le médiateur, en bon sens et raison.
Briant, le Français, est fils d’ingénieur, bourgeon idéalisé de l’auteur. Grand frère d’un petit
Jacques trop expansif et turbulent, très protecteur avec les « petits », heureux de les voir rire, il
est proche aussi du mousse qu’il respecte et protège « malgré » sa race (nous sommes fin
19èmes). Peu laborieux mais intelligent, Briant assimile vite et retient fort. Il apparaît
audacieux, entreprenant, adroit. Il est vif et serviable, vigoureux et plutôt rebelle. Toujours
actif, bon garçon, débraillé, très inventif, il est l’idéal en herbe du Français positiviste qui croit
en la Science.
Doniphan, c’est la morgue anglaise. Avec ses immenses qualités d’opiniâtreté, de stoïcisme et
d’exemple ; et ses immenses défauts d’orgueil, d’excessive discipline et d’arrivisme. Fils de
riche propriétaire de Nouvelle-Zélande, élégant, soigné, distingué, il se croit né pour
commander. Intelligent et studieux, il tient à ne jamais déchoir. Son orgueil de caste le pousse à
toujours être le meilleur, autant par désir de prouver que pour s’imposer. Impérieux avec ses
camarades, il se croit – comme à l’époque – issu de la race élue pour guider les autres.
Churchill s’en moquera un demi-siècle plus tard, ayant connu semblable enfance. Passionné de
sport, très habile au fusil, il est intrépide par excellence, d’instinct chasseur et guerrier.
Comme à la scène, nous avons les trois nations incarnées dans un type : le prêcheur juriste
(Gordon), l’entraîneur sportif (Doniphan), le politique sentimental et organisateur (Briant). De
ces trois ordres, on voit le Français réduit au tiers-état par tradition révolutionnaire. La morgue
aristocratique anglaise apparaît comme l’obstacle principal à la démocratie, vertu américaine et
française. La bande est formée d’égaux sur l’île. Seuls l’âge et le savoir hiérarchisent les
enfants – mais bien moins qu’à terre et que dans les pensions anglaises, puisque tous sont
embarqués « sur le même bateau ». L’île (déserte) n’est qu’un bateau de terre ferme. La
distinction de nature ou de classe cède le pas à la réalité des choses : les qualités humaines
indispensables à la survie de groupe – dont Briant semble pourvu plus que les autres.
L’initiative enseignée dans les pensions anglaises, l’affectivité du tempérament français, le
souci d’ordre de l’Américain orphelin, vont devenir les piliers de la colonie. « Que tous les
enfants le sachent bien – avec de l’ordre, du zèle, du courage, il n’est pas de situations si
périlleuses soient-elles, dont on ne puisse se tirer. » Telle est la morale du livre, tirée dans les
dernières pages, pour édifier les jeunes cervelles enfiévrées d’aventures.
Briant, le « grand frère » de tous, est bel et bien « brillant ». Son nom n’est pas un hasard…
L’histoire veut d’ailleurs que Jules Verne ait ainsi honoré le collégien Aristide Briand qu’il
aimait bien et connaissait dans sa ville de Nantes. Sa rivalité avec Doniphan, bourré lui aussi de
qualités, suscite la passion du jeune lecteur. C’est dire si leur réconciliation est un moment fort
du livre, au 22ème chapitre sur les 30.

6. Jules Verne et Aristide Briand


Les rapports entre Verne et Briand ont longtemps occupé les critiques verniens. Pour mémoire,
Aristide Briand est né à Nantes le 28 mars 1862. Il a donc 34 ans de différence avec Jules Verne,
mais il est à peu près de l'âge de Michel Verne, né le 3 août 1861. Quand Marguerite Allotte de
la Fuÿe publie la première biographie de Jules Verne en 1928, à l'occasion du centenaire de sa
naissance, elle ne fait aucune allusion à Briand. Mais, en ce moment, on parle de Verne et un
journaliste demande à l'homme politique : « Et vous, Monsieur Briand, aviez-vous connu Jules
Verne, puisque vous êtes nantais ? » « Bien sûr », répond Briand qui, en effet, a pu rencontrer
l'écrivain dans les rues de Nantes en 1878. Autre possibilité : Briand fait ses études au lycée de
Nantes où il arrive le 15 février 1878. Michel Verne y est également pensionnaire. On pourrait
supposer que Michel fait la connaissance d'Aristide et le présente à son père. Or, c'est le 4 février
de cette année, que le fils Verne s'embarque sur l'Assomption sur ordre de l'écrivain. Donc les
deux collégiens n'ont jamais pu se rencontrer.
La même année 1928, Alfred Aubert fait paraître sa biographie de Briand et rapporte les faits
ainsi :
« Il paraît que, pendant les trois années qu'il passa au lycée de Nantes, le jeune Briand avait,
entre autres correspondants, un ami de sa famille, lequel était Jules Verne, le romancier,
précurseur de tant de découvertes modernes. Cet homme charmant, qui devait devenir célèbre,
avait deux passions : la Science et le Théâtre. Le dimanche, il allait au théâtre Graslin, à une
heure de l'après-midi, assister à la matinée ; et il y retournait après le dîner, pour la soirée. Il
emmenait volontiers avec lui son pupille qui connut ainsi nombre de pièces du répertoire.
Dans un de ses livres les moins connus, Deux Ans de vacances, Jules Verne raconte qu'une
troupe d'écoliers australiens, partis en excursion sur un yacht, furent jetés par la tempête vers
une côte déserte. Parmi eux se trouve un Français qui, grâce à son esprit de décision et à son art
précoce de persuader, devient leur chef. Ce jeune garçon s'appelle Briant, par un « t », il est
vrai, dit M. Daniélou, dans son Carnet d'un parlementaire ; mais, ajoute-t-il, « le romancier a
pensé certainement, en créant ce personnage, au lycéen qu'il avait promené le dimanche, et dont
il aimait les propos sensés et insouciants »

7. L'Humanisme vernien
 L'affrontement programmé d'un groupe à la nature dans le cadre d'une aventure maritime est
typique du robinsonnade, et d'autres textes d'aventures qui sont présents à l'horizon culturel et
permettent par référence de situer l'originalité du projet vernien. Ici, Jules Verne, et il le dit dès
la préface, donne un tour d'écrou supplémentaire au motif classique, en remplaçant la famille du
Robinson suisse par un groupe d'enfants de divers âges livrés à eux-mêmes en l'absence
d'adultes. De plus, et en relation avec les désirs supposés d'un lectorat adolescent, il met en
place une série de dispositifs qui ne sont pas simplement l'occasion de péripéties romanesques.

Pour ce qui regarde la création de ces péripéties, on a vu comment le motif de l'arrivée des
pirates dans l'île est utilisé ici, un peu d'ailleurs comme il l'est dans l'Île au trésor. C'est un
moyen de faire servir des personnages donnés comme mauvais, afin de faire aboutir une bonne
cause. D'autres effets de la narration ont des fonctions précises : le mystère et la culpabilité qui
imprègnent le personnage de Jacques par exemple, ou certains modes de composition : le début
in medias res, ou le “montage alterné” qui est utilisé à diverses reprises. Tout ceci relève d'une
esthétique de la surprise et anime agréablement un récit, en tentant de camoufler l'irritante
présence d'un narrateur omniscient qui commente l'action et tient en laisse le lecteur en lui
imposant ses présupposés, comme on l'a vu dans le cas de Moko, ou encore avec le rôle attribué
à Kate de mère poule à peine est-elle arrivée.

Par contre, d'autres éléments sont plus intéressants du point de vue de la mise au jour d'une
sorte d'“impensé”. L'affrontement entre le groupe des Anglais et celui du Français, qui aurait pu
n'être qu'un résidu de l'antagonisme de deux nations, est redoublé par le fait que Doniphan est
un chasseur, avec sa petite tribu, alors que Brian n'a aucune vraie spécialité, sauf pour la
navigation. Mais le chasseur est présenté comme égoïste, ivre du plaisir de tuer, comme on le
voit lors du massacre des phoques, ou lors de l'épisode du guanaque. En revanche, Brian est
présenté comme dévoué à la communauté, courageux et altruiste : c'est ainsi qu'il sera perçu et
pour cela qu'il sera élu comme chef, après Gordon. À défaut d'un charisme exhibé, il suscite la
sympathie par ses actes, et inspire le respect. L'opposition fondée sur des différences de culture
et d'humeur entre les deux groupes, qui aboutit à une sécession sans drames, est d'ailleurs
longtemps calmée par Gordon l'Américain, au sens pratique développé. Si elle demeure dans le
domaine du vraisemblable et ne se transforme pas en affrontement métaphysique, c'est que la
colonie a besoin des chasseurs, et que ceux-ci ont besoin des autres pour survivre. Chasser est
ici apporter un complément alimentaire, ce n'est pas participer à une fête gratuite. De plus, sans
le travail des autres, aussi bien pour la nourriture, le chauffage, l'abri, les chasseurs ne
pourraient subsister. Ce qui fonde cette robinsonnade, comme la plupart des autres, c'est donc
l'importance accordée au travail, grâce à quoi dans un milieu naturel difficile une communauté
peut non seulement subsister mais demeurer conforme au modèle d'origine, comme Robinson
capable de reconstituer sur son île une image de son Angleterre natale.

Qui dit travail dit aussi organisation du travail et discipline. Ce qui valorise le rôle de Gordon, à
la fois en tant que logisticien, comme on l'a vu lors du débarquement puis de la récupération du
matériel du Sloughi, mais aussi comme instaurateur d'un ordre juste et efficace. Élu chef, il
n'hésite pas à légiférer, à programmer et à faire subir le fouet au seul récalcitrant, un Anglais,
qui d'ailleurs trouve normal cette punition corporelle : « Dole reçut donc les quelques coups de
verge… et ce fut d'un tel exemple que le cas ne se reproduisit plus. » (p.230).
Les enfants sont donc devenus des hommes, parce que, comme l'avait annoncé la préface, ils se
sont affrontés aux « périls et difficultés d'une responsabilité au-dessus de [leur] âge ». La
question que l'on peut se poser est alors celle-ci : qu'est-ce qu'un homme pour Jules Verne, et
quel modèle “humaniste” propose-t-il à ces “adolescents de quinze ans” ?

Ce n'est pas une question d'âge : les pirates sont des hommes plus âgés que les colons, mais ils
ne sont pas présentés comme des hommes. Le seul type d'homme en rapport avec un âge mûr
serait Evans. Mais ce ne peut être un jeune enfant non plus : Jacques, qui a onze ans au départ,
n'est pas devenu un homme, bien qu'il ait grandi et de “petit” soit devenu un “grand” passant du
monde où joue à plein le principe de plaisir pour accéder à celui régi par le principe de réalité.
C'est un peu ce qui arrive à Doniphan, qui était plus âgé que Jacques mais qui comme lui
privilégie ses humeurs et ses désirs, et qui à la fin accède à l'acceptation du principe de réalité,
après une blessure qui le met aux portes de la mort. Restent Briant et Gordon. Gordon se
conduit d'emblée en adulte, et il n'évolue pas. Briant n'évolue guère non plus, mais le récit le
voit affronté à des responsabilités de plus en plus grandes : la marche du navire, les
explorations, la nécessité de protéger son frère, la conduite de la colonie, le sauvetage de
Doniphan tracent un itinéraire de maturation.

Il semble que le modèle d'homme proposé par l'idéologie positiviste que prend ici à son compte
Jules Verne soit assez simple : un homme est un individu bien dans sa peau et bien dans sa tête,
qui assume ses devoirs et ceux de ses proches, qui trouve son plaisir dans la répression de ses
désirs en les sublimant au profit de la communauté. C'est en quelque sorte et par avance l'idéal
affiché du scout, et il serait intéressant de rapprocher cet idéal vernien du poème fameux de
Kipling, "Si…", qui se termine sur le vers : « Tu seras un homme mon fils. ».10
Tout se passe donc, en cette fin du XIXe siècle, comme si, les possibilités scientifiques et
techniques étant enfin maîtrisées, tout ce qui était du domaine du rêve se situe maintenant dans
les territoires du possible. On assiste donc avec le développement du robinsonnade, comme plus
tard celui de la science-fiction, dont certains thèmes n'en sont que la reprise, à ce que Marcuse
nommera « la fin de l'utopie »11 et avant l'advenue de la dystopie.
Mais n'y a-t-il pas quelque outrecuidance à imaginer la fin de l'utopie, avec la même bonne
conscience qui fait que, de temps en temps, un idéologue distingué philosophe sur “la fin de
l'Histoire” ? Ou de ne pouvoir penser “l'utopie réalisée” que sous la forme de la dystopie ?
Une lecture des textes utopiques, comme des robinsonnades — celle-là en particulier, où
l'idéologie petite-bourgeoise s'exhibe sans fard, mais aussi sans honte —, nous amènerait peut-
être, au contraire, à poser l'urgence d'une réflexion.

Réflexion engagée sur ce que peut être aujourd'hui une collectivité, une communauté, dans une
perspective dynamique, qui serait celle que doit emprunter de nos jours une réflexion sur
l'utopie dont on sait maintenant qu'elle est inséparable d'une prise en compte du quotidien,
comme de la réalité des choses et des désirs des individus, qu'elle avait tendance à ignorer.

10
Traduit par André Maurois dans les Silences du colonel Bramble. Paris : Grasset, 1917.
11
Herbert Marcuse : la Fin de l'utopie. Paris : le Seuil, 1968, p. 7. : « L'utopie est un concept historique. Elle qualifie
les projets de transformations sociales qu'on tient pour impossibles. ».
Ces deux romans posent avec plus ou moins d’acuité et de réalisme les questions de l’enfance,
de l’éducation et de la sociabilité. Tous ces gamins sont des adultes en devenir. Ils sont
évidemment immatures. Sevrés trop tôt. Mais tout de même en pleine possession des clés pour
la survie de leur groupe. Ils ont en tout cas en tête des schémas intuitifs que le lecteur adulte
découvre avec stupeur.

8. La littérature de Verne pour la classe de FLE


La richesse de la littérature française est un fait établie et incontestable. Elle est pleine de
grands noms et une grande quantité d’apprenants désirent connaître des écrivains francophones
pour établir un rapport entre la culture de leur pays et celle de la France.
Le texte littéraire tient toujours une place importante dans l’enseignement apprentissage du
français langue étrangère. L’espace littéraire est une espace de liberté et de plaisir et la lecture
de textes littéraires permet, d’acquérir différentes compétences.
La vérité gênante pour le professeur de littérature est que la littérature ne s’enseigne pas. Tandis
qu’on sort, en principe, d’une classe d’arithmétique ou de dessin, capable de calculer et de
dessiner .on ne sort pas d’une classe de lettres capable d’écrire, même en théorie…»
(Doubrovsky, 1971). 
L’enseignant doit motiver les apprenants dans leur prise de contact avec le texte en leur faisant
découvrir l’histoire d’une écriture littéraire.  Le fait qu’ils doivent analyser un fragment
littéraire ou même un roman, représente déjà une manière de les obliger à rejeter l'idée de lire ce
roman.    
La « génération Z » et les milléniaux utilisent YouTube de manière récréative, mais plusieurs
l'utilisent désormais pour apprendre. 
De plus en plus d'experts et de professionnels déposent du contenu éducatif sur YouTube que
les enseignants peuvent utiliser. 
Donc, les enseignants peuvent
o Fournir de nouvelles informations en partageant des liens vers des contenus intéressants
ou en encourageant les étudiants à se partager des liens entre eux vers de telles
ressources.
o Amener le monde de Verne dans la classe en utilisant ces ressources pour améliorer la
compréhension et la mémorisation de l'information par les étudiants. 
Deux Ans de vacances est un feuilleton télévisé franco-germano-roumain en 6 épisodes de 50
minutes, adapté par Claude Desailly du roman éponyme de Jules Verne, réalisé par Gilles
Grangier et Sergiu Nicolaescu et diffusé en France du 1er juin au 15 juillet 1974 sur la première
chaîne de l'ORTF. 

Donc, je propose quelques activités pratiques pour attirer l’attention de FLE sur la littérature de
Verne.
I. Le tableau 
Le groupe classe est divisé en deux équipes au moins, chaque équipe doit réaliser un tableau
vivant avec tous les membres du groupe. Chaque équipe a 5 minutes pour concevoir le tableau.
Au bout de 5 minutes, une équipe présente son tableau à l’équipe adverse. Quand le tableau est
terminé, l’équipe adverse a 2 minutes pour observer. 2 minutes après, le tableau est détruit et
l’équipe qui observait doit donner des consignes aux membres de l’équipe adverse pour le
reconstruire. Ensuite, on comptabilise le nombre d’erreurs. Dans un deuxième temps, on inverse
les rôles. L’équipe qui a commis le moins d’erreurs a gagné.

II. Les célébrités 


On divise le groupe en deux équipes au moins. L’enseignant épèle le nom des jeunes naufragés
au Sloughi. Chaque identité retrouvée fait marquer 1 point à l’équipe concernée. 

III. Le questionnaire de Proust


Chaque apprenant répond au questionnaire ci-dessous et le donne à l’enseignant. L’enseignant
distribue les questionnaires de manière aléatoire. Les apprenants doivent circuler dans la classe
et interroger les membres du groupe afin de retrouver la personne qui correspond à chaque
personnage du roman de Jules Verne. 
QUESTIONNAIRE :
A. Quelle est ta principale qualité ? 
b. Quel est ton principal défaut ? 
c. Quelle est la principale qualité de ton meilleur ami ? 
d. Quel est le principal défaut de ton meilleur ami ?
e. Quelle est la principale activité qui te définis ?
f. C’est que j'apprécie le plus chez mes amis ? 

 
IV. L’activités d'expression orale
Constituons des groupes de 5 ou 6 élèves et disposons une chaise vide au milieu de chaque
groupe assis en cercle. La consigne est de "construire" ensemble le personnage qui est assis sur
la chaise.

V. Le miroir
Les participants sont placés en groupe de deux, face à face. L’un est le personnage et l’autre son
reflet dans le miroir. Celui qui joue le personnage effectue des mouvements et des actions que
son reflet doit suivre et imiter. Les participants qui y arrivent le mieux sont ceux dont les
mouvements sont réguliers et plus lents. Après quelques minutes, on inverse les rôles.

VI. Sculptures humaines


On divise le groupe en plusieurs équipes. Chaque équipe nomme un sculpteur ; les autres seront
la matière. L’animateur donne une scène du roman. Le sculpteur de chaque équipe a ensuite
quelques minutes pour monter la scène et l'autre équipe doit deviner de quel passage il s’agit.

En conclusion …
Ainsi, on peut dire qu'il ne s'agit pas d'aborder la littérature seulement sous un angle utilitaire et
fonctionnel mais de permettre à l’apprenant de comprendre le monde et d’en aimer la diversité,
lire n’est pas seulement comprendre, lire c’est aimer:
« Aider les étudiants à lire la littérature plus efficacement c’est les aider à se développer comme
individus et c’est développer leurs relations avec les gens et les institutions qui les entourent »
(Carter, 1991). Il semble donc important de les proposer la possibilité de faire un choix, de
comprendre et d'acquérir certaines valeurs, certaines connaissances et certaines idées.  
Bibliographie

Roger Bozzetto, « Deux Ans de vacances, robinsonnade et utopie », Métaphore, 1995

Daniel Compère, À propos de Briant, Bulletin de la Société Jules Verne, 1981

Alfred Aubert, Briand, E. Chiron, Paris, 1928.

http://www.ipefdakar.org/IMG/pdf/deux-ans-de-vacances-resume-questionnaire.pdf

https://argoul.com/2010/12/17/jules-verne-deux-ans-de-vacances/
Les aventures sont orchestrées par la formidable histoire de ces 15 jeunes hommes,
naufragés sur une île où la survie s'organise.
En effet l’œuvre de Jules Verne obéit à bon nombre de caractéristiques d'un roman
d'aventure:
– De l'action. Les péripéties sont très nombreuses. Le roman d'aventure est souvent
associé aux romans de voyage. Ici l'aventure se constate par la survie quotidienne
sur l'île. L'action est le thème principal.
Nous avons en premier lieu l'accident malheureux qui fait dériver ces jeunes hommes
en pleine tempête, où il devient dur de maîtriser le navire qui subit des dégâts. Le
naufrage survient ce qui va nous permettre de découvrir cette étrange île.
Ensuite c'est la multiplication des excursions qui constituent l'élément principal des
actions. Tant par la découverte des territoires, les déplacements du groupe, la chasse
en vue de rapporter des provisions pour le petit groupe, l'isolement de Doniphan et son
petit groupe sur une autre partie de l'île, les échanges de tirs entre les jeunes hommes
et les brigands … L'élément de découverte géographique avec ces excursions mais
aussi le nom donné à chaque lieu de l'île. Cela nous permet de prendre nos repères et
de nous sentir entraînés dans l'aventure des enfants. On remarque aussi la violence du
climat avec la saison des neiges et des grands froids, mais aussi la saison des orages
et des tempêtes, les pluies diluviennes … ainsi l'élément météorologique contribue à
l'action du roman.
– Du suspens. Le lecteur est emmené à se poser de nombreuses questions par
rapport à certains mystères. Déjà, il y a du suspens par rapport à la nature des terres
où le groupe a fait naufrage : une île ou un continent ?
– Le devenir des jeunes hommes. Vont-ils réussir à survivre et à subvenir à leurs
besoins ? Seront-ils secourus ?
– Les doutes autour de la séparation du groupe entre les partisans de Doniphan et
les autres. Le groupe va-t-il pouvoir se ressouder ? Comment vont-ils se débrouiller
sans l'appui du « French Den » ?
– Le second navire de naufragés découvert par les jeunes hommes : quel est la
nature des nouvelles personnes débarquées sur l'île ? par où les brigands vont-ils
attaquer ? Quand est ce qu'ils le feront ? Comment ? … le lecteur est ainsi amené à
se poser beaucoup de questions.
– Des personnages héroïques et nombreux. Jules Verne nous livre une description
très souvent positive et complète des personnages.
C'est le cas, avec le courage et la dévotion de Briant. On note notamment la scène où
celui-ci se jette avec un simple couteau sur un jaguar, pour sauver son camarade mais
aussi lorsque Doniphan n'hésite pas à s'interposer pour sauver Briant des mains des
brigands …
La survie et l'organisation quotidienne de ces naufragés demande également du calme
et de la patience. Tout le groupe fait preuve de courage et de dépassement de soi dans
tout ce qu'ils entreprennent, avec par exemple l'élaboration de leur lieu de survie, d'un
cerf-volant, la restauration du navire, les transferts de provisions, etc. Les activités sont
harassantes pour les jeunes hommes, où même les plus petits font preuve d'une
volonté héroïque de survivre.
Une morale est destinée au lecteur et notamment aux enfants à la fin de l'œuvre,
mettant en valeur le courage, l'organisation et la détermination dont ont fait preuve les
protagonistes.

Voici maintenant ce que Gordon nota sur son carnet à l’article des instruments de bord : deux
baromètres anéroïdes, un thermomètre centigrade à esprit-de-vin, deux montres marines, plusieurs de
ces trompes ou cornets de cuivre dont on se sert pendant les brumes et qui se font entendre à de
longues distances, trois lunettes à petite et longue portée, une boussole d’habitacle et deux autres d’un
modèle réduit, un storm-glass indiquant l’approche des tempêtes, enfin plusieurs pavillons du Royaume-
Uni, sans compter toute la série des pavillons qui permettent de communiquer en mer d’un navire à
l’autre. Enfin, il y avait aussi un de ces halketts-boats, petits canots en caoutchouc, qui se replient
comme une valise et suffisent à la traversée d’une rivière ou d’un lac.

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