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À corps brisés
Le cœur en miettes, Jeanne se noie dans le travail pour oublier que son
fiancé vient de la quitter. Au Château, où elle officie comme kiné, elle doit
s’occuper d’un nouveau patient, Adam Champdor.
Le corps brisé par un grave accident de moto, il est persuadé de ne plus
jamais remarcher. Le jeune homme est riche et arrogant, et son caractère
dominateur ne l’a pas préparé à vivre une telle épreuve.
Entre Jeanne et Adam naît une passion torride et tourmentée, où chacun
essaie de se reconstruire.
Mais bientôt, la jeune femme doit faire face à un terrible choix, sans doute
le plus important de toute son existence…
Arrogant Quarterback
Quarterback de l'équipe de football de l'université, Mason Carter ne vit que
pour les études et le sport. Rien ni personne ne se mettra en travers de son
chemin.
Seuls ses meilleurs potes et colocataires réussissent à le détourner de temps
en temps de ses révisions et entraînements intensifs. Il sait qu’il est la star
du campus et il n’hésite pas à le rappeler à qui l’oublierait.
Mais June Carpenter est prête à s’attirer ses foudres pour le faire
redescendre de son piédestal. Elle est bien décidée à profiter de ce nouveau
départ pour ne plus subir sa vie et encore moins les états d’âme des autres.
Et si pour ça elle doit remettre Mason à sa place, qu'il en soit ainsi !
Disponible :
Cruise Vibrations
Romy et son associée doivent tester une croisière idyllique afin de proposer
des voyages de noces exceptionnels à leur clientèle.
Mais à la suite d’une erreur de réservation, leur séjour semble tenir
davantage du cauchemar que de la lune de miel : embarquée sur un
paquebot réservé au troisième âge, Romy est persuadée qu’elle a touché le
fond !
Jusqu’à ce qu’elle rencontre Cole, le codirigeant de la société qui organise
ces croisières : la perspective de passer trois semaines en mer est alors bien
plus réjouissante… Pourtant, elle sait qu’elle doit rester pro. Elle est là pour
tenter d’obtenir un partenariat avec Travel with Me, pas pour mettre le PDG
dans son lit ! Surtout qu’elle vient à peine de rompre ses fiançailles après
une relation longue de plusieurs années et qu'elle ne se sent pas du tout
prête à se rapprocher d’un homme.
Mais en vingt et un jours à sillonner le monde, bien des choses peuvent se
passer…
Disponible :
Love me bad !
Il est un criminel redouté, elle est la fille du maire et sa vie est toute tracée.
Ils n’auraient jamais dû se croiser, ni même s’adresser la parole. Mais
quand Maxine rencontre Jay à la sortie du lycée, elle se rend compte que cet
homme dangereux pourrait la mener sur un terrain inconnu, qu’elle rêve de
parcourir. D'autant plus qu’un désir irrépressible s’en mêle…
Mais une nuit, tout bascule. Jay est envoyé en prison à cause de Maxine. À
sa sortie, sept ans plus tard, il rêve de vengeance. Il va alors tout faire pour
s'immiscer dans la nouvelle vie de Maxine et pour la faire payer.
La passion toujours enfouie parviendra-t-elle à réparer l’irréparable ?
My Biker Stepbrother
À la suite de la mort de son père, Vic se retrouve seule. Heureusement, l’ex-
femme de son père accepte de l’accueillir dans sa famille. Le fils de cette
dernière, lui, est tout sauf agréable. C’est un motard colérique, un boxeur
impitoyable, mais surtout un jeune homme terriblement attirant. Vic est loin
d’être une petite fille gentille et innocente : elle a des piercings, elle se
rebelle et elle est énervée contre le monde entier.
Ils doivent cohabiter et ça va faire des étincelles.
Aux yeux de tous, ils sont frère et sœur. Pourtant, ils ne peuvent s’empêcher
d’être attirés l’un par l’autre.
Jusqu’où cette attraction les mènera-t-elle ?
Joy
Du haut de mon mètre soixante, je me mets sur la pointe des pieds pour
tenter de l’apercevoir. Ce sont ses cheveux roses que je reconnais en
premier, sa dernière coloration en date. Empêtrée dans mes valises, je
m’avance vers elle sous son regard réprobateur.
Pour autant, je plaque un sourire factice sur mon visage quand j’arrive
face à elle.
– Salut Veronica.
Mais je la suis tout de même parce que je ne vais pas faire le chemin à
pied jusqu’à Bel-Air.
Los Angeles n’est-elle pas censée être la Cité des Anges ? Parce que
jusqu’à preuve du contraire, Veronica n’en est absolument pas un. En
apercevant enfin le panneau d’entrée de Bel-Air, je prie pour que ces
vacances ne soient pas un enfer.
1
Joy
La maison est comme dans mon souvenir. Grande, toute blanche, excepté
la porte noire en marbre. Seules les fleurs sur le devant du terrain apportent
des touches de couleur. J’ai beau me rappeler le quartier, je ne peux
m’empêcher de m’extasier quand je sors de la voiture. Les maisons sont
toutes gigantesques !
Son père l’observe quelques secondes puis reporte son regard sur moi. Je
vois qu’il a compris qu’on ne s’entend toujours pas et il a l’air désolé que sa
fille ne fasse pas d’effort.
– Ne t’inquiète pas, elle est ingrate depuis qu’elle est avec son copain.
Allez, laisse-moi porter tes valises et allons t’installer.
J’agite la main pour la saluer. Elle sursaute, croyant sans doute que je ne
la voyais pas. Elle se reprend, me rend mon geste en souriant grandement
puis elle disparaît. Je ris doucement et rentre enfin dans la maison. Je monte
directement jusqu’à la chambre d’amis où mon parrain a déjà posé mes
valises. Elle est joliment meublée et décorée à la perfection, dressing et
salle de bains compris. Mais ce que je remarque en premier, c’est la
bibliothèque, qui n’était pas là dans mon souvenir. Je m’approche et laisse
mon doigt glisser sur des livres fantastiques et de romance, les deux genres
que j’adore. Il y en a que j’ai déjà lu, et certains que je ne connais pas. J’en
saisis un de ces derniers et le retourne pour découvrir le résumé. Je souris
en découvrant une histoire d’ennemis qui tombent amoureux. Secrètement,
j’ai toujours rêvé de vivre une relation de ce genre. Je suis peut-être bizarre,
je le conçois. Mais je me demande si la passion qu’on lit dans ces romans
existe réellement dans notre réalité.
J’acquiesce d’un signe de la tête sans lui répondre, déjà absorbée dans
ma lecture, mais il ne s’en formalise pas et quitte ma chambre.
– À nous, maintenant.
***
Cela fait plusieurs heures que je suis arrivée. Toutes mes affaires sont
rangées. Le dressing est bien trop grand pour le peu de vêtements que j’ai
ramenés, mais au moins, j’ai toute la place pour m’étaler. Je suis crevée,
mais si je m’allonge maintenant, je vais m’endormir, alors j’appelle mes
parents. Je leur ai envoyé un message quand je suis arrivée pour les
prévenir que tout s’est bien passé. Mais ils m’ont fait promettre de les
appeler une fois que je serai installée. J’appelle ensuite ma meilleure amie,
Emilia.
– Veronica est toujours une peste ? demande-t-elle à peine après avoir
décroché.
– À ton avis ? ricané-je. Elle m’a déjà dit qu’elle ne pensait pas
qu’UCLA m’accepterait.
– Cette connasse, peste mon amie. Attends que j’arrive et je vais lui
botter le cul.
– Tu viens quand justement ?
– Je ne sais pas… soupire Emilia.
– Ma mère n’est pas trop chaude pour que je voyage d’un bout du pays à
l’autre. Mais promis, je fais tout pour la faire craquer, ajoute-t-elle.
– T’as intérêt, je ne veux pas draguer seule.
– Quoi ?
– Tu es incapable de draguer sans moi, Joy. Tu en as tellement eu la
possibilité à Miami, mais tu esquivais à chaque fois. Je commence à penser
que ton petit vagin ne sera plus jamais visité.
– Ferme-la ! m’écrié-je en rougissant, mais elle ne peut pas me voir alors
je suis tranquille.
– Je sais que tu rougis.
– Tais-toi ou je raccroche.
– D’accord ! s’exclame mon amie, et je sais qu’elle lève les yeux au ciel,
ne prenant pas ma menace au sérieux. Tu m’avais dit que quand tu étais
plus jeune, tu jouais souvent avec un garçon quand tu rendais visite à ta
famille. Tu crois qu’il est toujours là ?
J’ai tout fait pour éviter de penser à lui depuis que j’ai su que j’allais
venir ici, mais à peine elle le mentionne que les souvenirs me reviennent en
mémoire. Enfin, le peu d’images, parce que j’avoue qu’après toutes ces
années, son visage s’est un peu effacé de mon esprit. Mais je sais que je le
reconnaîtrais instantanément si je venais à le croiser de nouveau. Je me
souviens qu’il avait un an de plus que moi. Je me rappelle ses cheveux
châtains qui tiraient sur le blond avec le soleil. Il était déjà plutôt grand à
l’époque, mais on a grandi. Je ne me rappelle plus son prénom, mais je sais
qu’il commençait par un J. Jason ? Joshua ? John ?
Elle n’a pas osé ? J’observe mon téléphone comme si elle m’avait parlé
dans une autre langue. Mais si, elle l’a bien dit.
Trop tard, j’ai raccroché. Tout de suite, mon appareil s’allume, annonçant
l’arrivée d’un message.
– Un souci ?
– Non, je comptais juste te prévenir que je sors pour me dégourdir les
jambes et visiter pour me rappeler le quartier.
– Steve ?
– Hmm ? fait-il, à nouveau plongé dans son magazine.
– Tu te rappelles le garçon avec qui je jouais quand je venais avant. Il vit
toujours là ?
James.
– Je suis persuadé qu’il était amoureux de toi quand vous étiez gosses.
Je reporte mon attention sur la voiture qui est maintenant garée dans
l’allée, parce que je n’ai toujours pas oublié que le mec m’a coupé la route
sans même faire gaffe à s’il y avait quelqu’un sur le trottoir. Sauf que son
propriétaire, un grand blond, en sort. Il referme la porte derrière lui et son
regard accroche le mien. Les souvenirs se font maintenant plus clairs dans
ma tête. J’ai l’impression d’être projetée des années en arrière.
Merde.
Il a grandi, mais il n’a pas changé. La façon dont ses sourcils se froncent
quand il m’observe me fait penser que lui aussi m’a reconnue. Je ne sais pas
quoi faire et je commence à croire que je réfléchis trop. Je dois ressembler à
une meuf paumée en plein milieu du trottoir à le regarder comme si j’avais
vu un fantôme.
Un fantôme magnifique.
– James ! Qu’est-ce que tu fous ? C’est chez toi, mais c’est toi qui es en
retard !
Je sursaute en entendant une voix féminine. Je tourne la tête et découvre
la fille de tout à l’heure qui sort de la maison. Elle me remarque aussi, son
regard s’illumine et elle s’approche de moi.
Il rentre dans la maison sans un regard en plus pour moi, faisant soupirer
son amie.
***
À mon retour une heure plus tard, je suis accueillie par Catherine, la
femme de mon oncle, qui s’écrie quand je passe la porte. Elle se sépare de
son tablier en le jetant en l’air. Il atterrit au sol en même temps que
j’écarquille les yeux quand elle fonce sur moi. Je veux reculer pour éviter
l’impact, mais je n’ai pas le temps de faire un seul pas en arrière qu’elle me
prend dans ses bras en me broyant presque. Je grimace quand elle me crie
dans les oreilles. J’avais oublié à quel point elle était expansive. Mais au
moins, on est toujours de bonne humeur avec elle. Je ne sais vraiment pas
de qui Veronica tient son caractère de merde.
Comme son mari, elle me tient à bout de bras après s’être reculée et
m’observe de la tête aux pieds.
Ma tante est une vraie pipelette, ce qui est loin d’être mon cas, mais elle
m’a manqué alors ça me fait plaisir de répondre à toutes ses questions.
– Comment une jeune femme magnifique comme toi peut ne pas être en
couple ? On va aller à la plage toutes les deux et tu vas voir que les garçons
vont te dévorer des yeux. Tu n’auras qu’à choisir. Ils seront à tes pieds sans
que tu aies à lever le petit doigt.
Elle pointe vivement un doigt vers moi comme pour me dire que je tiens
quelque chose.
– Effectivement !
– Non, mais vraiment, comment ça se fait ? Une jolie fille comme toi !
Mais Veronica n’en a que faire et se sert sans nous porter aucune
attention. Je remarque qu’elle est déjà tout apprêtée. Son père aussi quand il
nous rejoint dans la cuisine.
– Tu vas où comme ça, jeune fille ? Dois-je te rappeler que tu es privée
de sortie ?
– Papa, tu ne peux pas me faire ça ! On fête la fin du lycée, je dois y être.
Mon parrain secoue la tête et croise les bras contre son torse.
Ce n’est pas le cas, mais je n’ai pas très envie d’aller en soirée avec ma
cousine.
Ma cousine se tait, puis me fixe de son regard noir. Si elle avait des
armes à la place des yeux, je serais déjà morte. Mais je maintiens ma
position. Elle va voir de quoi je suis capable. Un sourire sournois étire mes
lèvres. Je suis peut-être gentille de nature, mais il ne faut pas non plus trop
me pousser.
Joy
Je lui lance un regard en coin, puis secoue la tête en haussant les épaules.
– Rien.
Elle hausse les épaules puis braque finalement pour se garer le long d’un
trottoir. Effectivement, nous sommes proches de la maison de James. Je
m’apprête à sortir de la voiture quand ma cousine me retient le bras.
– Joy…
– Quoi ?
– Écoute…
– Oui ?
Elle inspire longuement et me fixe à nouveau.
Ah…
– J’ai constamment fait des pas vers toi, mais tu me repoussais à chaque
tentative. Pourquoi ça serait différent cette fois ?
– Parce que je le veux vraiment. Crois-moi, Joy, je vais faire des efforts.
– C’est tes parents qui te l’ont demandé ?
– Oui, je te l’avoue. Mais j’en ai envie aussi, s’empresse-t-elle d’ajouter.
Je soutiens son regard et j’y lis une certaine sincérité. Finalement, elle
n’a peut-être pas mauvais fond. Je sais que l’on pourrait bien s’entendre
dans d’autres circonstances, mais elle essaye de se donner un genre et
j’avoue que ça ne me plaît pas beaucoup. Je dois prendre trop de temps à
répondre, car elle saisit ma main.
J’espère que je ne vais pas regretter d’avoir cédé trop rapidement, mais
moi aussi, j’aimerais nouer une forme de relation avec elle.
– Promis.
Le fameux petit ami que Steve n’a pas l’air d’apprécier, donc. Je me
demande pourquoi. Je pense que je vais bientôt le découvrir.
– Les amis, je vous présente Joy, la cousine de Veronica. Joy, voici mes
meilleurs amis, Bonnie et Eddy.
– Bienvenue, disent-ils en même temps avant de m’enlacer.
– Où sont Caleb et James ? demande Eddy à Lace.
– Dehors, je pense.
S’il me faut quelques minutes pour me laisser aller, les filles savent me
mettre à l’aise. Bientôt, nous nous déhanchons les unes contre les autres de
façon très lascive, en explosant de rire.
Alors que je me tourne, je vois trois mecs assis dans un canapé, dont
Eddy. Je reconnais tout de suite James, les bras croisés contre le torse, à
observer ce qui se passe autour de lui, le visage impassible. Il est habillé
simplement – un jean noir, un tee-shirt blanc et des bottines style rangers –,
mais son air énigmatique et ennuyé fait que tous les yeux se tournent vers
lui, les miens y compris. Ça ne sert à rien de nier, il est beau et il le sait. Je
remarque que même s’il n’est pas musclé à la folie, il l’est plus que tous les
autres mecs présents. Il doit se tuer à la salle. Le troisième mec, Caleb je
suppose, parle à James, mais comme s’il avait senti mon regard, ce dernier
tourne la tête vers moi. Même de loin, je me sens saisie par son regard
indéchiffrable. Je sais que je ne devrais pas, mais je le fixe à mon tour. Il
fronce les sourcils, comme s’il ne s’attendait pas à me voir là. Il se lève et
fait à peine un pas dans ma direction que j’ai l’impression de me réveiller.
Un cri se bloque dans ma gorge.
Il est vide. J’ai l’impression que les gens savent qu’ils ne doivent pas
venir ici, sauf pour aller aux toilettes, car justement je croise Veronica qui
en sort. Elle serre mon épaule et redescend. Je prends soin de fermer la
porte à clé derrière moi puis m’assois sur le bord de la baignoire pour me
calmer. Je savais que c’était une mauvaise idée de venir à cette fête. Ça fait
des années que je ne suis plus en contact avec James. Alors pourquoi il me
retourne l’estomac comme ça ? La dernière fois que je l’ai vu, j’avais
12 ans. Je ne devrais pas ressentir ça. Ça n’a aucun sens. Est-ce qu’il allait
vraiment venir à ma rencontre ? Est-ce qu’il m’a reconnue ?
James.
Je pose ma main sur mon cœur pour me calmer tout en lui lançant un
sourire timide, qu’il ne me rend pas. Il saisit mon bras et m’entraîne après
lui dans une pièce. Je reconnais un bureau, même dans la pénombre,
seulement illuminé par la lumière de la pleine lune. Il me lâche, et je me
retourne pour le questionner. Cependant, je reste confuse quand je le vois
fermer la porte derrière nous. Qu’est-ce qu’il me veut ? Je ne sais pas pour
d’autres personnes, mais moi, ça ne me rassure pas vraiment d’être dans
une pièce assombrie avec une personne qui a l’air de me détester. Il se
retourne à nouveau vers moi, ses yeux parcourent mon corps. Je sens mon
corps chauffer sous son regard intense. Finalement, ses yeux, bleus, mais
qui paraissent plus sombres avec la noirceur de la pièce, se plongent dans
les miens.
J’ai l’impression d’encore sentir sa main sur mon bras. Je le frotte pour
faire disparaître cette sensation tout en observant la pièce autour de moi. Je
m’approche de la vitre qui donne sur la terrasse où s’amusent des gens.
– Tu ne me reconnais pas ?
– Je devrais ? me répond-il bien trop rapidement, ce qui me fait penser
qu’il sait très bien qui je suis.
– À toi de me le dire.
– Non, déclare-t-il sèchement. Je ne sais pas qui t’es.
– Alors, tu te souviens ?
– Non. Lace a parlé de toi.
– T’en veux ?
Je me retourne vers lui et découvre qu’il me tend un joint. Sur le coup, je
m’apprête à refuser par habitude, mais l’envie de m’amuser et de profiter de
mes vacances se fait vite ressentir. Ce n’est pas un joint qui va me tuer. J’ai
déjà essayé, je n’aime pas forcément ça, mais je suis là pour m’amuser.
– Avec plaisir.
– Que tu fumes, je m’en bats les couilles. Par contre, je t’ai déjà dit de ne
pas en emmener ici, putain.
– C’est bon, se défend Brenton qui essaye de détendre l’atmosphère
d’une voix légère. On ne fait rien de mal.
– Mon petit frère est à l’étage, imbécile, ce n’est pas rien pour moi. Soit
tu ranges cette merde, soit tu dégages de chez moi.
Brenton lève les yeux au ciel et j’ai comme l’impression qu’il est en train
de signer son arrêt de mort. Je lui fais les gros yeux dans le dos de James
pour lui faire comprendre d’arrêter, mais un sourire mauvais étire ses lèvres.
Merde. Je ne pense pas qu’il fallait dire ça. James renifle et resserre son
poing sur le col du tee-shirt de Brenton. Ce dernier a de plus en plus de mal
à respirer.
Il ne lâche pas pour autant sa poigne, alors j’insiste en posant mon autre
main sur son bras.
Il prend une grande inspiration. Je vois une veine battre sur son front
avant qu’il ne relâche d’un coup Brenton, le faisant retomber comme une
merde dans son siège. Sans un regard de plus, James s’éloigne à grandes
enjambées et retourne dans la maison en claquant la porte vitrée. Je
frissonne d’horreur. Ce n’est pas le James que je gardais en souvenir. Je sais
qu’on peut changer en grandissant, moi-même j’ai changé, mais il était si
adorable et souriant quand il était plus jeune. Qu’est-ce qui lui est arrivé, à
la fin ?
Je hausse les épaules et ne trouve rien à répondre, parce que même moi,
je n’ai pas compris. Les deux amoureux reprennent leur discussion, mais
j’ai perdu toute envie de continuer à faire la fête. Je me tourne vers
Veronica et lui tapote l’épaule.
– Je rentre.
– Tu veux que je te raccompagne ?
– Non, ne t’inquiète pas, ce n’est pas si loin à pied. En plus, tu n’es pas
sobre.
Alors que je quitte la maison, une envie irrépressible me dit de lever la
tête. Ce que je fais. Je remarque une ombre derrière une fenêtre à l’étage.
La personne se rapproche, je reconnais James. Il me fixe, je tente de lui
sourire, mais il tire d’un coup sur les rideaux, le faisant disparaître, et je me
pince les lèvres. Je ne m’attendais pas à ce que mes vacances commencent
comme ça. Je ne sais pas dans quoi je me suis fourrée, mais ça ne va pas
être tout calme, je crois bien.
3
James
Ses cheveux sont toujours aussi flamboyants. Son regard toujours aussi
pénétrant. Son corps à damner un putain de saint. Je ne la déteste que plus.
J’ai mal vécu le fait qu’elle ne soit jamais revenue. Je l’ai attendue
pendant des années. Je lui ai envoyé des lettres, et tous les jours, je
regardais dans ma boîte aux lettres dans l’espoir d’en trouver une en retour.
Mais elle ne m’a jamais répondu… Plus tard, quand j’en avais marre
d’écrire des lettres sans réponse, j’ai commencé à la suivre avec un compte
fake sur les réseaux sociaux. Quand j’ai perdu ma virginité avec une fille
qui était en terminale, alors que je commençais mon année de troisième,
c’est elle que j’imaginais. Il faut croire que je ne comptais pas beaucoup
pour elle finalement.
Puis ma mère est partie, et mon père nous a abandonnés, mon frère et
moi, à sa mort. Il n’a même pas assisté à son enterrement et on a déménagé
chez notre tante. J’avais encore plus besoin d’elle. Ça a encore plus nourri
ma haine. Sans le savoir, elle m’avait elle aussi laissé tomber.
– James ?
La voix de mon petit frère me fait relever la tête d’un coup. Nathan
m’observe, un air soucieux gravé sur son visage. Je ne m’étais pas rendu
compte que j’étais assis au sol. Je me redresse en lui lançant un sourire
comme s’il n’avait rien vu.
– Ouais ?
– Ça va ?
– Oui. Tu ne devrais pas être au lit ?
– Je n’arrive pas à dormir avec le bruit.
Je ne sais pas comment il l’a vue, ni quand, mais je suis certain que l’on
pense à la même fille.
– Personne. Dors.
Mais alors que ses mains se posent sur mes bras, je me fais la réflexion
que celles de la rousse sont bien plus douces et fermes en même temps. Je
remarque que la fille n’a aucune tache de rousseur sur son visage,
contrairement à celle qui hante mon esprit. Ça me fout en rogne. Je
repousse la meuf et m’éloigne sous son regard courroucé.
– Pas intéressé.
Je crois que c’est peine perdue pour oublier la rousse. À peine est-elle
revenue comme une fleur qu’elle me fait déjà la misère. Clairement, elle va
regretter son retour. Mademoiselle aurait dû rester où elle était.
4
Joy
Avec le jet lag, je me suis endormie la tête à peine posée sur l’oreiller.
J’ai été réveillée quand Veronica est rentrée avec Brenton. Sa chambre étant
juste à côté de la mienne. J’ai eu tout le plaisir, ou pas, d’entendre leurs
ébats. Impossible de trouver le sommeil après, même avec le coussin sur la
tête ou mes écouteurs dans les oreilles. Mon cerveau en pleine forme s’est
fait un malin plaisir à me récapituler la fête, comme si je l’avais loupée. Il
n’était qu’un vague souvenir dans mon esprit avant de revenir, mais depuis
nos « retrouvailles », James peuple mes pensées. J’ai revécu les deux scènes
d’hier soir en boucle, dans l’incapacité de mettre un mot sur ce qui s’est
passé. J’espère ne pas le recroiser jusqu’à la fin de mes vacances.
– Oui ?
J’ai horreur de faire les magasins, sauf si c’est pour acheter des livres,
bien évidemment. Après plusieurs minutes, c’est mon estomac qui grogne
qui me force à me lever pour avaler quelque chose avant de me préparer. Je
ne prends pas la peine d’enfiler quelque chose par-dessus mon pyjama,
composé d’un débardeur avec un short, et descends pieds nus ; il fait trop
chaud.
Ses yeux remontent sur mon visage puis il me tend son téléphone. Je
fronce les sourcils en le questionnant du regard sans le prendre.
– Veronica a oublié son téléphone hier soir, dit-il enfin d’un ton bourru.
Oh, pendant une seconde, j’ai cru qu’il voulait que j’enregistre mon
numéro d’une manière un peu brutale. Je le saisis en évitant de frôler ses
doigts.
Il se retourne avec un sourire malicieux aux lèvres puis pointe mon bas.
J’entre enfin dans la cuisine, saisis un bol dans lequel je verse les
céréales qui traînent sur la table, et m’assois.
– Je ne sais pas, dis-je en avalant une cuillère. Il dit que non, mais
heureuse de voir que tu es contente qu’il ne me reconnaisse pas.
– Il est parti à la mort de leur mère, dit-elle avant de taper dans ses mains
en changeant de sujet. Allez, va te préparer, on a assez perdu de temps !
Je lève les yeux au ciel, mais cède et me dirige vers les cabines
d’essayage, parce que je sais très bien qu’elle ne lâchera pas l’affaire. Alors
que j’enfile la robe et la lisse sur mon corps, il me semble reconnaître des
voix qui saluent Veronica.
Veronica ne me répond pas, non, elle tire carrément sur le rideau pour me
dévoiler. Sa bouche se décroche quand elle me voit. Je regarde timidement
derrière elle, les filles sont dans le même état. Elles s’approchent de la
cabine en m’observant de la tête aux pieds. N’en pouvant plus de leur
silence, je demande nerveusement :
– C’est trop ?
– Allô ?
– J’ai essayé de t’appeler ce matin, beugle directement Emilia, me
faisant rire.
– Je dormais. Tu sais, on n’a pas la même heure.
– Argh ! s’exclame ma meilleure amie. J’oublie à chaque fois. Allez,
raconte-moi la soirée d’hier.
Ouch.
James lâche un rire amer en croisant les bras contre son torse et en la
dominant de sa taille, bien qu’elle soit une grande perche elle aussi.
– La première fois, j’ai laissé couler parce que je n’étais qu’un ado qui
ne pensait qu’avec sa queue et, ouais, t’es un bon coup. Mais on ne m’y
reprendra pas une deuxième fois. Ce que tu regrettes, c’est ma thune et ma
popularité. Va te faire foutre, Laura.
– Je pars à New York faire mes études, pleure-t-elle de ses larmes de
crocodile.
– Eh bien, ça me fera des vacances. Bonne chance.
Joy
– Dis, Joy…
Je le savais !
Pas besoin d’être intello pour deviner son intention. Steve fronce les
sourcils pendant que Cat’ sourit malicieusement.
– Très bien, mais n’essaye pas de jouer les entremetteuses. Je ne suis pas
intéressée.
***
Elle sort son gloss de son panier et s’en remet sur les lèvres en se
regardant dans le rétroviseur interne. Elle hausse les épaules en m’adressant
un regard en coin.
– T’en veux ?
– Non merci. Il est sportif ?
– Oui, acquiesce-t-elle rapidement en rangeant ses affaires, puis elle me
regarde à nouveau avec un grand sourire. On y va ?
– Je suis désolée de t’annoncer qu’il n’est pas aussi beau que ton James,
raille-t-elle en me lançant un clin d’œil.
Elle n’a quand même pas dit ça ? Je la fusille du regard et tente de lui
donner une tape sur le bras, mais elle se recule à temps en s’esclaffant.
C’est ça, rigole avant que je ne te fasse bouffer le sable. James n’est pas
mon James. En plus, je ne le trouve même pas beau. À peine je pense ça que
je grimace.
– Salut.
Me rendant compte que je le mate un peu trop, je remonte sur son visage
et rougis quand je découvre le rictus qu’il arbore. J’ai l’impression qu’il a
compris ce qui se passait dans ma tête. C’est gênant, alors pour m’éviter de
creuser un trou dans le sable pour disparaître de honte, je lui adresse un
sourire pour le saluer, qu’il ne me rend absolument pas. Ses yeux restent
fixés sur moi quelques secondes de plus avant qu’il ne regarde ailleurs. Ce
que je fais aussi, et reconnais tous ses amis, Lace, Bonnie, Eddy et Caleb,
dans l’eau. Ils ne me remarquent pas, et je n’ose pas non plus les interpeller.
Je prends donc une grande inspiration, souris à Dylan qui me parle sans que
je comprenne ce qu’il me dit et décide que je ne vais pas penser au blond de
mon enfance pour aujourd’hui.
Bon, j’avoue, je commence à avoir chaud dans mon short en jean et mon
tee-shirt, mais quand même. Je profite que les garçons parlent ensemble
pour me déshabiller, mais c’est sans compter sur le regard que je sens
toujours sur mon dos. Et je ne sais pas si c’est Dylan et Brenton que je ne
connais pas ou les yeux scrutateurs de James que je n’arrive pas à déchiffrer
qui me rendent mal à l’aise. Mais dans tous les cas, je retire mes habits et le
regard de Veronica s’écarquille en me demandant :
– Pourquoi ?
– Pourquoi quoi ?
– Pourquoi tu caches ce corps ?
Je hausse les épaules et observe mes pieds, parce que maintenant Dylan
me fixe étrangement et je n’aime pas trop ça.
– Poule mouillée, ricane Brenton avant de se faire noyer par son pote.
Veronica se joint à la bagarre pour sauver son petit ami. Je regarde autour
de moi. La bande de James est toujours dans l’eau, en train de jouer au
volley-ball. Lace me remarque et me fait des grands signes de la main en
m’incitant à les rejoindre. Je regarde ma cousine et ses amis, ils ont l’air de
bien s’amuser tous les trois. Puis je ne pense pas qu’elle m’en voudrait si je
la laisse, alors je rejoins mes nouveaux amis à la nage. Ils m’enlacent
directement, sauf le fameux Caleb à qui je n’ai pas encore parlé, et bien
évidemment James.
– Salut, je crois qu’on n’a pas encore été présentés, je suis Joy ! me
présenté-je au premier en lui tendant ma main.
Je me retourne vers ses amis, prête à les interroger, mais Eddy passe son
bras autour de mes épaules et m’ébouriffe les cheveux.
– Ne t’inquiète pas, il est mal luné, comme d’hab. Tu n’as rien fait.
Je me demande si elle sait, si James lui a dit quelque chose sur moi. J’ai
bien l’impression qu’elle est un peu comme la maman du groupe. En
revanche, je vois qu’elle regarde Caleb d’une certaine façon qui ne trompe
pas. Et lui aussi… Je suis interrompue dans mes pensées quand Bonnie
lance le ballon à Eddy.
***
– Je ne te déteste pas.
Il tourne d’un coup la tête vers moi et je sursaute, ne m’y attendant pas.
Ses yeux d’un bleu glacial plongent dans les miens et je frissonne.
Merde, qu’est-ce qui m’arrive…
Ça ne peut pas être de froid, parce qu’il fait tellement chaud. Alors c’est
quoi ça ? Heureusement que mes genoux cachent ma poitrine, car je sens
mes tétons qui ont réagi à mes frissons et qui appuient contre le tissu de
mon maillot de bain. Comme si James s’en doutait, ses yeux lâchent mon
visage et descendent le long de mon corps, en s’attardant longuement sur
ma poitrine. Je me racle la gorge et il replante son regard dans le mien.
Je me tais pour reprendre ma respiration et calmer mon cœur qui bat trop
rapidement. Je me concentre de nouveau sur lui pour voir ce qu’il a à
argumenter, mais son regard fixe maintenant mes lèvres, me mettant encore
plus en rogne.
Maintenant que j’ai tout dit, je le fixe en croisant les bras contre ma
poitrine, attendant qu’il parle enfin, mais il ne dit toujours rien et ça
m’énerve. Ça me soûle parce que d’une, je ressemble à une folle sur les
genoux à m’énerver après lui et parce que de deux, il reste stoïque. Il n’en a
strictement rien à foutre. J’ai l’impression de parler à une porte de prison et
ça me rend folle. Je le repousse de ma main sur son épaule pour le faire
réagir, mais rien, et je pousse un grognement en levant les mains au ciel.
Ses yeux me fixent à nouveau et un sourire mauvais étire ses lèvres avant
qu’il n’ouvre enfin la bouche.
Je ne fais que deux pas que sa main attrape mon poignet pour me
retourner contre lui. Sa main me brûle presque. Un frisson parcourt une
nouvelle fois mon corps et je me déteste de ressentir ces sensations en sa
présence.
Je crois l’entendre dire que ça reste à voir, mais je n’y fais pas attention.
Tout du moins, j’essaye. Par chance, ses amis n’ont rien vu, ou alors ils font
semblant, mais ils sont toujours dans leur partie de volley-ball quand je les
rejoins. Je prends la place de Bonnie qui en a marre de jouer. J’essaye d’être
dans le jeu, mais tout ce à quoi je pense, c’est que j’aimerais être à nouveau
une préado pour retrouver ma relation avec James. Je sais qu’il n’a pas
oublié et je réussirai à le faire craquer.
6
Joy
Veronica a décidé de passer la soirée avec Brenton, c’est donc Lace qui
me ramène chez moi puisqu’elle vit en face. Bonnie et ma voisine parlent
entre elles, pendant que je garde le silence à l’arrière.
Je lève les yeux au ciel en détournant mon regard vers la vitre. Je sais
qu’elle peut me voir, mais honnêtement, entendre son nom me donne des
envies de meurtre.
– Rien du tout.
– Oh, arrête, ricane Lace. On vous a vus tout à l’heure sur la plage.
C’était très intense.
– Comment ça ?
– Il nous a raconté, répond-elle simplement en haussant les épaules.
– Raconté quoi ?
– Il nous a dit que vous étiez amis quand vous étiez plus jeunes et que
d’un coup tu n’es jamais revenue.
– Pourquoi ?
– Parce qu’il jure qu’il ne me connaît pas.
– L’enfoiré, peste Bonnie pendant que Lace secoue la tête.
– Crois-moi, il sait exactement qui tu es. Il nous a souvent parlé de toi,
même bien avant que tu ne reviennes, tu sais ? Quand je t’ai croisée la
première fois devant chez lui, il m’a dit, et je cite, « c’est elle ».
– Et n’oublions pas qu’il s’est enfermé dans sa chambre jusqu’à ce que la
fête commence. Je serais prête à parier qu’il l’a dessinée, ajoute Bonnie en
souriant.
Et moi, j’ai l’impression que mon cœur tombe à mes pieds. Il sait depuis
le début, mais en plus il a parlé de moi bien avant que je ne revienne. Alors
pourquoi fait-il semblant ?
Lace se gare dans son allée et nous sortons de la voiture. Bonnie rentre
tout de suite chez son amie en criant qu’elle doit se rendre aux toilettes. Si
j’ai bien compris quelque chose sur elle, du peu que je l’ai vue, c’est qu’elle
n’a honte de rien et dit tout ce qui lui passe par la tête.
***
Oui, c’est vrai, normalement à cette heure, je suis déjà en pyjama. Mais
je suis contente de sortir. En revanche, est-ce que je stresse de voir un film
d’horreur ? Oui. Je n’avais jamais vu les précédents Conjuring. Je suis allée
voir des extraits sur YouTube et j’ai presque failli me faire dessus. Mais au
moins, je n’aurais pas à subir James. C’est déjà ça. Il fait chaud ce soir,
mais j’ai quand même prévu un sweat pour me cacher les yeux au cas où. Je
vois que ma tante me questionne du regard, je me reprends et hoche la tête.
Je hoche la tête et un grand sourire étire ses lèvres. Elle tombe sur le
canapé à mes côtés et saisit mes mains dans les siennes, tout excitée.
– Il ne jurait que par toi, il venait tous les ans pour savoir si tu revenais,
et il…
– Catherine Spencer ! m’écrié-je pour la stopper dans son élan.
N’ayant pas l’habitude que je l’appelle par son nom complet, elle
sursaute et lève instantanément les mains autour de sa tête comme si je
venais de la prendre en plein flag.
Je vois qu’elle n’est pas convaincue et j’ai peur qu’elle continue, mais
par chance, mon oncle entre dans la pièce.
– Tu sors ? On ne te voit déjà presque plus, dis donc, dit-il sur le ton de
l’humour.
– Promis, je me rattraperai.
Je lui fais signe que tout ira bien avec un pouce en l’air et lui envoie un
baiser.
***
– Je croyais qu’il ne devait pas être là, dis-je à Lace qui cherche quelque
chose dans son sac à main.
– Quoi ? questionne-t-elle en relevant la tête.
– Merde, je te jure qu’il m’avait dit qu’il ne serait pas là. Il ne m’a pas
prévenue qu’il venait. Je suis désolée, Joy.
– Ne t’inquiète pas, la rassuré-je. Vous êtes amis, c’est normal que vous
fassiez des choses ensemble.
– Oui, mais s’il te blesse à nouveau, je le gifle.
– Il ne m’a pas blessée.
Je la fusille du regard, mais elle rejoint déjà ses amis. Eddy et Caleb
semblent contents de me voir vu comment ils m’enlacent. Mais je n’arrive
pas à lire en James. Il me fixe, ne dit rien, mais ne s’éloigne pas pour
autant. Est-ce que c’est bon signe ?
– Qu’elle soit là, je m’en fous, mais je ne partage pas mes pop-corn et
qu’elle reste assise loin de moi.
Bon, ce n’est pas bon signe finalement. Mais au moins, il a l’air de me
tolérer, et puis dans tous les cas, même s’il ne voulait pas de moi ici, je ne
partirais pas pour autant.
Caleb et Bonnie restent avec moi pendant que Lace achète les billets et
Eddy et James les snacks et boissons. Bonnie m’explique les précédents
films, car j’ai eu le malheur de dire que je ne les avais jamais vus. Je
n’écoute qu’à moitié, car mon attention est accaparée par Caleb qui mate
ouvertement Lace avec des étoiles dans les yeux. Je lui donne un coup de
coude et il sursaute comme s’il revenait sur terre.
– Oh, arrête. Vous vous tournez autour depuis des mois, Lace et toi. Il
serait peut-être temps qu’un de vous deux fasse le premier pas. Dieu merci,
je ne suis plus la seule à l’avoir remarqué !
Caleb a l’air de ne plus savoir où se mettre. Ses yeux font des va-et-vient
entre Bonnie et moi, puis il avoue :
Nous sursautons tous les trois et nous nous tournons vers Lace qui
revient au même moment.
Lace semble ne pas nous croire. Elle nous interroge du regard, mais les
garçons reviennent, nous sauvant, et pour une fois, je suis heureuse de voir
James. Pendant que l’on se dirige vers la salle, je reste en arrière avec Caleb
et lui chuchote pour que les autres, et surtout Lace, ne nous entendent pas :
– Merci.
– Ne compte pas sur moi pour te cacher les yeux, peste-t-il, la tête contre
le mur.
Arrive finalement une scène qui me fait presque crier. Je saisis par
instinct la main à mes côtés, que j’empoigne fort pour m’empêcher de me
cacher sous le siège. Ce n’est que quand je me calme que je prends
conscience que c’est la main de James. Ce n’est maintenant plus le film qui
me donne des frissons, mais le mec à mes côtés. J’ai si peur de sa réaction
que je n’ose pas le lâcher. Peut-être qu’il n’a rien senti ?
Lace passe son bras autour de mes épaules en me collant contre elle.
James
Je suis faible. Sa peau a touché la mienne, c’était déjà trop pour moi. Je
n’ai pas pu m’empêcher de vouloir la toucher plus, encore et encore. Tenir
sa main ne me suffisait pas. Je voulais tout d’elle. Je voulais que son corps
soit moulé au mien. Je voulais qu’aucun espace ne nous sépare, mais j’ai dû
me contenter de sa main, qu’elle a voulu retirer, élargissant encore plus le
trou béant dans mon cœur. Je n’ai pas pu m’empêcher de la retenir.
Je voulais la faire payer, au final, c’est elle qui me l’a fait payer. Devoir
lâcher sa main à la fin du film a été une torture. Quand Lace l’a entraînée
avec elle, ça m’a demandé des efforts surhumains pour ne pas lui courir
après. Il faut que je me change les idées. Je saisis mon téléphone et tape le
numéro que je connais par cœur. Je ne l’ai pas enregistré pour éviter que
quelqu’un tombe dessus.
***
– La première fille dont j’ai été amoureux. Tu étais trop jeune pour te
souvenir d’elle, mais tu as déjà joué avec elle.
– Joy ?
Je redresse d’un coup la tête vers lui, surpris qu’il connaisse son prénom.
– Comment tu le sais ?
– Tata en parlait beaucoup avec maman. Je peux la revoir ? me demande-
t-il comme si je venais de lui donner le plus beau cadeau au monde.
– Non.
– Pourquoi ?
– Parce qu’il est hors de question qu’elle revienne dans ma vie.
– Mais…
– Non, c’est non, Nathan. Ne force pas. Et il est déjà tard, va au lit.
– D’accord.
Joy
Je recule sous l’impact, mais ne perds pas un instant par peur de me faire
engueuler. Je sors du garage en direction de la table qu’elle a installée juste
devant la maison sur le trottoir.
Alors que je sors un à un les objets pour les placer sur la table, je rigole
en découvrant qu’elle a même déposé sur chacun un Post-it avec le prix.
Elle ne fait pas les choses à moitié.
– Ta tante t’a embauchée à ce que je vois, ricane une voix féminine au-
dessus de moi.
Je relève la tête vers Lace. Elle me serre dans ses bras puis se recule pour
observer les objets de ma tante.
– Alors pourquoi James m’a dit exactement la même chose sur un ton
similaire ? Bon, OK, il m’a priée de me mêler de mes affaires en plus. Mais
ça reste pareil.
– J’ai été occupée cette semaine. Cat’ m’a embauchée pour faire le tri et
préparer la brocante.
Elle me scrute de son regard vert et je suis persuadée qu’elle peut lire en
moi, alors je me retourne pour poser le carton au sol.
– D’accord.
Lace pousse un cri et me serre dans ses bras en nous faisant tanguer et
j’explose de rire.
***
– Café ?
Il n’est que dix heures, pourtant je suis déjà crevée. La brocante est aussi
ouverte à l’extérieur du quartier, donc il y a énormément de monde qui
passe. J’avoue que ça me fatigue de faire la discussion, de dire bonjour, au
revoir, de donner des conseils et d’expliquer certains objets alors que je n’ai
aucune idée de ce que je fais. Mais ça a l’air de marcher si on regarde le
grand sourire qu’affiche Cat’ en comptant l’argent, qui sera reversé à
l’association de son choix dès ce soir.
– Salut…
Pourquoi j’ai dit ça alors que je vais passer plusieurs années ici ? Mais il
rayonne à nouveau et ça me réchauffe le cœur. C’est seulement quand je
reporte mon regard sur James que je vois que celui-ci me fixe. Je me
concentre de nouveau aussitôt sur Nathan, pour ne pas perdre pied sous son
regard bleu froid, et pourtant brûlant à la fois.
– Ouais, c’est pour ça que t’as failli bégayer pour le saluer et qu’il te
fixait comme s’il voulait te retourner sur la table ?
– Veronica ! m’écrié-je en m’étouffant, et elle me tape dans le dos.
– Quoi ? Je ne dis que la vérité. Il n’a qu’un objectif en tête, et c’est toi.
– Son petit frère voulait juste me revoir, dis-je d’un ton désespéré.
– C’est ça, ricane ma cousine, puis elle salue un client qui vient d’arriver
devant le stand. Bonjour, vous cherchez quelque chose en particulier ?
***
Pour une fois, c’est Veronica qui est prête en premier et qui m’attend au
rez-de-chaussée quand je descends de ma chambre. Bonnie a accepté
qu’elle vienne et c’est Lace qui nous emmène. Ma cousine se retourne au
bruit de mes talons. Les yeux écarquillés, la bouche ouverte, elle me
dévisage.
– C’est trop ?
– Absolument pas ! s’exclame-t-elle en me claquant les fesses, et je
sursaute, ce qui la fait éclater de rire. Tu es sublime, malheureusement pour
moi. Je savais qu’elle t’allait super bien dans le magasin, mais là, c’est cent
fois mieux.
Lace m’a dit que James aimait le bleu, mais je ne l’ai pas écoutée. D’une
part, parce que j’avais déjà cette robe que je n’ai encore jamais portée, mais
d’autre part, parce que je n’ai pas forcément envie que James pense que je
suis venue pour lui. Ce qui est loin d’être le cas. J’y vais parce que j’ai
assez ignoré ses amis. Et seulement ses amis.
***
Veronica ne remarque que ça. Mais moi, je vois que Lace s’est beaucoup
plus apprêtée et maquillée qu’au quotidien. Elle est comme à la fête de
James, et je me demande si elle ne profite pas des fêtes pour essayer de se
faire remarquer par Caleb, qui a l’habitude de la voir normalement au
quotidien. Et je pense que c’est le bon moment de lui en parler.
– Eh, Lace, dis-je pour attirer son attention alors qu’elle est concentrée
sur la route. Tu en penses quoi de Caleb ?
– Caleb ? questionne-t-elle en me lançant un regard en coin. Notre Cab ?
Le mien, je ne sais pas. Mais le sien, sans doute, oui. Alors j’acquiesce
d’un signe de la tête.
Lace garde le silence quelques instants, qui me font penser que Bonnie et
moi on s’est peut-être trompées, mais elle soupire finalement.
– On est arrivées !
– Vous connaissez ma tradition : celui qui est tiré au sort doit boire le
verre mystérieux.
Bon, ça va, je pensais que c’était pire. Bonnie passe dans les rangs en
distribuant des numéros. Elle arrive près de moi, me lance un clin d’œil et
me tend un bout de papier. Numéro trente-trois.
Quand elle a fini, elle retourne derrière le bar et porte le micro à ses
lèvres.
– James ?
Bonnie plonge la main dans un bol, fouille puis sort un bout de papier au
bout de quelques secondes avant de le tendre à James.
Sur tout le monde présent, quelle est la probabilité que je sois celle tirée
au sort ? Alors, quand c’est pour gagner à des concours sur Instagram, ça ne
marche jamais, mais pour ça, oui. Pff. Bon, je crois que je n’ai pas le choix.
J’ai conscience que ce n’est pas le pire des gages, mais je ne suis pas
particulièrement à l’aise non plus. Qui sait ce qu’il y a dans ce verre ? Pour
couronner le tout, James me fixe comme si j’étais la seule personne dans
cette pièce, me déstabilisant encore davantage, mais je fais mine de rien et
l’observe.
– Le voilà, chérie.
– Appelle-moi encore une fois comme ça et c’est sur ta tête qu’il finit.
Il penche la tête sur le côté à son tour, comme pour lire en moi, tout en
m’observant d’un regard malicieux.
Joy
Je laisse James en plan pour retrouver les filles. Elles se déchaînent sur la
piste de danse au milieu du salon. Je me faufile entre les convives en
essayant de ne pas me prendre de coups de coude. Je les rejoins presque
sans encombre. Bonnie passe son bras autour de moi et me tire contre elle.
Je hausse les épaules. J’avais deviné ! Ça va, ce n’était pas la pire chose
au monde.
Elle m’entraîne ensuite dans une danse improvisée. Il n’y a pas à dire,
elle a la danse dans le sang. Ce que je n’ai pas. Mais je la laisse me guider
et je m’amuse plutôt bien, jusqu’à ce que je croise le regard de Caleb qui
me demande de le suivre en montrant la terrasse d’un signe de la tête.
J’ai à peine posé un pied sur la terrasse qu’il me saute dessus, le regard
nerveux.
– Alors ?
Il se tait, croise les bras et attend comme un petit garçon à qui on vient
d’interdire un bonbon. J’éclate de rire et il me fusille du regard.
Caleb reste muet quelques secondes, l’air songeur. J’aimerais être dans
sa tête pour savoir ce qu’il pense. Il regarde le ciel puis prend une grande
inspiration avant d’ancrer son regard dans le mien. Il déclare alors d’un ton
décidé :
Je ne suis pas sûre que Lace tienne le coup s’il débarque ainsi en lui
disant qu’elle s’est trompée. Elle risque de comprendre que je manigançais
tout ça.
– On avait conclu qu’elle ne devait pas savoir que je t’ai aidé. Ne lui dis
pas tout de suite. Invite-la à danser, déjà, et pas comme un ami.
Il fronce les sourcils et se pince les lèvres, tandis que son regard oscille
entre moi et l’intérieur de la maison, où Lace est maintenant assise sur un
des canapés.
– Tu as raison.
J’éclate de rire, mais mon regard est vite attiré par James, assis au bar.
Mon rire s’évanouit et je sens mon cœur se serrer quand je vois une blonde
presser ses seins contre son bras. Il ne la regarde pas et parle avec un mec.
Alors qu’elle se presse une fois de plus contre lui et lui chuchote quelque
chose à l’oreille, il la repousse doucement et secoue la tête. Elle tire la
moue et s’éloigne enfin. Jusqu’à ce qu’une brune prenne sa place. Je lève
les yeux au ciel, plus exaspérée qu’autre chose. Ce mec a vraiment toutes
les nanas qu’il veut et il vit toujours mal le fait que son ex l’ait trompé.
Alors qu’il pourrait simplement claquer des doigts et avoir une horde de
gonzesses sur ses cuisses. Je ne comprendrai jamais.
Je me rends compte que mon ton est bien plus sec que nécessaire et je
m’en veux tout de suite de lui avoir parlé comme ça. Je me tourne vers lui
pour m’excuser, mais il me sourit grandement et mes excuses meurent dans
ma gorge.
– Tout ce que j’ai à dire, c’est que tu dis la même chose que lui.
– Salut !
Je tourne la tête sur ma gauche et découvre un inconnu. Il a le crâne rasé,
des piercings plein le visage et des bras entièrement tatoués. Et sa façon de
me regarder en faisant tourner le piercing à ses lèvres m’intrigue.
– Tu viens danser ?
Sa voix me paraît claire, il n’a pas l’air d’être bourré, donc peut-être
qu’il n’attend rien d’autre. Je tourne mon regard vers mes amis, ils sont tous
occupés. Je ne vois même plus James. Merde, pourquoi je pense à lui ?
Pourquoi je le cherche comme s’il avait son mot à dire sur ma vie ? Argh !
Je déteste qu’il se soit immiscé dans ma tête comme ça. Je ne le connais
plus et il ne me donne pas envie de le connaître plus. Je dois l’oublier !
– James ! crié-je en attrapant son bras. Arrête, arrête ! Il n’en vaut pas la
peine.
– Écoute ta petite pute.
– James, s’il te plaît ! le supplié-je en nouant mes doigts aux siens.
– Ose ne serait-ce que la regarder une fois et t’es mort, lui crache-t-il
avant de m’attirer à sa suite dans un couloir.
Le couloir est sombre, mais je me sens bien plus en sécurité ici. James
me lâche la main et commence à faire les cent pas en jurant et en tirant sur
ses cheveux.
– Pardon ?
– Pourquoi t’as dansé avec lui ?
– Je ne savais pas que ça tournerait comme ça !
Touchée, je baisse la tête pour éviter qu’elle voie les larmes qui me
montent aux yeux. Foutu alcool qui me rend émotive. Mais elle n’est pas
d’accord, car elle me relève la tête d’un doigt sous mon menton et elle tire
la moue en voyant mes yeux humides.
– Joy…
– Tu le penses vraiment ? la coupé-je, la voix tremblotante.
– Bien sûr ! s’exclame-t-elle. Bon, c’est vrai, j’aurais aimé que tu sois
lesbienne ou même bisexuelle. Ça m’aurait arrangée.
Je ne suis pas sûre que jouer au jeu de la bouteille soit une très bonne
idée. J’ai vu assez de films et lu assez de livres pour savoir que ça
n’annonce rien de bon. Mais je ne vais pas refuser. Je ne veux pas les
décevoir. En plus, ils sont déjà tous assis en rond autour de ladite bouteille
quand je les rejoins. Je m’assois à côté de Veronica qui pianote sur son
téléphone.
Bonnie tourne la tête vers moi et je vois le sourire malicieux qu’elle tente
de retenir, mais ses yeux ne mentent pas.
– T’as le droit de refuser une fois une action, mais tu auras un gage,
OK ?
Vraiment ? Elle ne pouvait pas attendre qu’on avance un peu plus dans le
jeu ? Je sens le regard de tout le monde sur moi, surtout celui de James,
mais je fixe mon amie.
– Je prends le gage.
– Quoi ?
– OK, dit Bonnie d’un ton traînant. Vous devez donc dormir ensemble
cette nuit.
Mes yeux lui lancent des éclairs, mais il ne me regarde plus et tourne la
bouteille qui tombe sur Eddy.
– Allez, Joy, me pousse Lace en riant. J’aurais pu lui dire de te rouler une
pelle et il l’aurait fait. James déteste perdre.
Elle n’a pas tort. Ce n’est qu’une danse et ce n’est pas comme si je
devais lui faire un lap dance ou un truc du genre. Je pose ma main sur la
sienne, ignorant les frissons que ça provoque sur mon corps et il m’aide à
me relever.
Je ne sais pas lequel de nos amis lance la ballade, je suis bien trop
hypnotisée par les bras de James qui me collent contre son torse. C’est là
que je réalise : je n’ai jamais dansé de slow. Je vais me ridiculiser.
Je n’ai pas le temps d’y réfléchir plus que James nous entraîne et je suis
obligée de le suivre. Ses mains se posent sur mes hanches pendant que je
noue mes bras autour de son cou. J’ai l’impression que le reste de la pièce
s’efface et qu’il ne reste que nous. Ses mains délaissent mes hanches pour
se poser sur le bas de mon dos, me collant encore plus contre lui.
– Fais gaffe à tes mains, si tu ne veux pas que je te marche sur les pieds,
le menacé-je, et il sourit diaboliquement.
– Tu aimes ça, poupée. Je peux sentir ton excitation jusqu’ici.
– Eh ! fais-je, dégoûtée.
Joy
Nous nous regardons quelques secondes sans rien dire, d’une part, parce
que les autres dorment encore et d’autre part, parce que les souvenirs de la
veille me reviennent en tête. Je suis toujours énervée après lui et en même
temps je ne sais pas où me mettre. Alors je brise notre lien et me redresse
pour m’asseoir.
D’accord.
J’ai d’un coup une bouffée de chaleur de gêne quand je comprends que
je me suis cognée contre son torse nu. Je l’ai déjà vu à la plage, bien
évidemment, mais pas d’aussi près et surtout pas dans ce contexte. J’ai beau
être en colère après James, mes yeux divaguent à nouveau sur son torse,
magnifique, à mon grand regret. Il commence à faire chaud là, non ?
Malgré cette piqûre de rappel, je pense qu’il faut que je sorte de cette
pièce pour retrouver toute ma tête. Je repousse la couette qui me couvrait et
me lève du matelas. Je sens son regard sur moi à chaque mouvement que je
fais. Je l’ignore, même quand je l’enjambe pour sortir de la pièce. Je ne
connais pas très bien encore la maison de Bonnie, mais je trouve assez
facilement le chemin de la cuisine. À mon grand étonnement, Veronica s’y
trouve déjà, assise sur un des tabourets autour de l’îlot central, une tasse de
café à la main. Elle relève la tête en m’entendant arriver, et me lance un
grand sourire pendant que je la salue d’un signe de la tête en me dirigeant
vers la cafetière.
Ne dis rien, ne dis rien, Joy. Je les ignore en continuant à fixer ma tasse
entre mes mains. Cependant, je sursaute quand un verre d’eau et un cachet
glissent sur la table dans mon champ de vision. Je relève la tête d’un coup
et découvre James qui me sourit légèrement.
– Pour ton mal de crâne.
– Merci.
– Tu viens avec moi dans le jardin, Joy ? me questionne Lace quand elle
termine son café, et j’acquiesce.
Lace s’est installée au bord de la piscine, les pieds dans l’eau, quand je la
rejoins.
– Je crois que je devrais t’en vouloir d’avoir fait ça, mais merci.
– Oh, je n’ai rien fait, dis-je en balayant l’air de ma main. Caleb a tout
fait, il a juste eu besoin d’un coup de pouce.
– Tout comme toi tu as besoin d’un coup de pouce avec James ?
– Lace !
– C’est pour te rafraîchir les idées. Peut-être que tu as oublié votre slow
d’hier ? Ou dois-je te préciser qu’il n’a touché à aucune goutte d’alcool
pour garder un œil sur toi ?
Je n’ai pas besoin de faire le moindre effort pour ressentir à nouveau ses
mains sur mon corps, son buste contre le mien et toutes les sensations qu’il
m’a fait ressentir. Une seconde dans ses bras et tout ce qui s’est passé
depuis que je suis arrivée s’est comme envolé. Je me suis sentie en paix
dans son étreinte et je n’ai pas le droit de ressentir cela. Il me déteste, pour
je ne sais quelle raison. Avoir des sentiments pour lui n’arrangerait
strictement pas les choses. Je capte seulement ce que Lace vient de dire par
rapport à l’alcool. C’est pour ça qu’il est parfaitement sobre ce matin ? Non,
elle doit se tromper. Je m’apprête à l’asperger à mon tour pour m’avoir mis
ça en tête et pour m’avoir rappelé le gage, mais elle s’éloigne en courant.
Deux heures plus tard, la maison brille comme si de rien n’était. Les
meubles sont à leur place, la vaisselle nettoyée et rangée. Les bouteilles
d’alcool à la poubelle et les objets de valeur replacés. Les parents de Bonnie
n’y verront que du feu.
– Tu peux y aller.
Alerte rouge. Je me cache aussitôt les yeux avec mes mains en secouant
la tête.
– Jamais, insisté-je.
– On parie ?
– Ce que tu veux.
– Je ne veux rien de toi, Joy, seulement ton corps. Je te parie que tu seras
dans mon lit avant que tu ne repartes.
S’il savait que je reste là pendant au moins les trois prochaines années, il
ne serait pas si confiant. Mais pour entrer dans son jeu, je lui laisse penser
que je ne suis là que pour les vacances. Je suis persuadée qu’il tombera
amoureux de moi. Mais s’il pense que je ne suis là que pour une courte
durée, il va sans doute penser qu’il ne risque rien.
Joy
Je crois aussi que c’est parce que je n’ai pas encore une totale confiance
en elle, et que quand elle me dévisageait ainsi auparavant, c’était pour me
lancer une pique. Alors, je suis toujours un peu sur la défensive avec elle.
– Crache le morceau, Veronica.
– Qu’est-ce qui s’est passé avec James ?
– Comment ça ? fais-je semblant de ne pas comprendre en appliquant
mon mascara. Rien du tout.
– Tu étais toute rouge quand tu es redescendue de la chambre de Bonnie
la dernière fois et il t’a suivie…
***
Mes parents ont toujours été cool sur l’alcool, mais j’observe quand
même Veronica. Elle se fait servir un verre de vin devant ses parents et les
autres adultes sans qu’ils disent rien. Je saisis donc le gobelet qu’il me tend
et m’assoit avec eux au bord de l’eau.
– Ça te ferait plaisir, hein ? Je devrais peut-être faire mes études ici pour
te faire encore plus chier, non ?
Je souris à mon amie, sans lui dire que je le sais déjà, mais je doute
qu’elle soit au courant de ce qui s’est passé la dernière fois où on était seuls
dans une même pièce.
Aucun de nous ne répond, par contre je capte très bien Eddy qui pouffe à
côté de moi. Je lui donne un coup de genou. Il s’étouffe avec son morceau
de pain et je m’esclaffe.
***
– Très bien.
– Vraiment ?
– Oui. Mais tu gardes tes mains et tes lèvres pour toi devant mon parrain
et ma tante, OK ?
– Ça marche, acquiesce-t-il en me tendant sa main à laquelle je noue la
mienne.
– Enfoiré.
– Moi aussi, je t’aime, bébé, rigole-t-il en saisissant ma main pour nous
faire sortir de la salle de bains.
Son ex, donc. Celle qui l’a trompé. Je ne connais pas les deux versions
de l’histoire, mais je m’en fous, j’ai envie de la noyer dans la piscine.
Meuf, il n’est pas intéressé et en couple. Enfin, pas vraiment, mais voilà,
quoi, abandonne et arrête de lui courir après comme un toutou en manque.
Est-ce que je suis jalouse de ses seins ? Oui. Les miens ne sont pas
minuscules, je les aime bien à la base. Mais devant cette fille, je remarque
tout ce que je suis et tout ce que je ne suis pas. Elle a le corps d’une
mannequin Instagram et j’avoue que je me demande si c’est ce que James
aime, parce que j’en suis loin.
***
Plus tard, dans la piscine, j’observe mes amis jouer au volley-ball. Même
Brenton s’est joint à eux, étonnamment. On s’est déjà retrouvés plusieurs
fois ensemble, et jamais il ne s’est mêlé à la bande, surtout si James est là.
Nous sommes appuyées contre le rebord, à flotter, avec Veronica.
Sa tête s’appuie sur mon épaule et je fais tout pour qu’il ne remarque pas
combien il me déstabilise. Ses lèvres caressent mon cou et malgré moi je
penche la tête sur le côté. Il n’a pas besoin de me demander si ça me plaît.
C’est clair comme de l’eau de roche qu’il peut me faire ce qu’il veut. Et
puis j’étais d’accord pour jouer à ce jeu, alors autant le faire jusqu’au bout !
– Embrasse-moi, Joy.
Doux Jésus.
Si je n’étais pas déjà dans la piscine, je serais vite réduite à une flaque
d’eau.
Son bassin appuie contre mes fesses et je sens qu’il apprécie, mais je ne
suis pas fan qu’il prenne du plaisir à ce qu’on fasse semblant. Je me recule
et il me questionne du regard. Je n’ai pas le temps de lui parler qu’Eddy
l’embarque d’un bras autour de ses épaules.
– Allez, les amoureux, vous ferez des bébés plus tard, on doit y aller.
Je crois entendre Laura pester derrière nous, mais je n’ai pas le temps d’y
penser que James prend ma main et me fait sortir de l’eau.
– Viens, on va se préparer.
– Non, s’écrie Lace en tirant sur mon bras en souriant comme une
gamine. À nous de profiter d’elle, t’es en train de te l’accaparer, mec.
– C’est ma copine, rouspète James, et je suis prête à lever les yeux au
ciel.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– Rien, rien du tout, rigole toujours Bonnie.
***
Les filles terminent de se préparer pour aller aux célébrations du quatre
juillet pendant que je pars à la recherche de James dans la maison. On doit
parler. Pourquoi il a fui comme ça ?
La maison est maintenant presque vide. Ma famille est partie de son côté,
Veronica est partie avec Brenton et tous les invités ont déserté. Mais
impossible de trouver James, Eddy ou même Caleb. J’ai beau appeler leurs
prénoms, c’est le silence qui me répond. Je sors de la maison, peut-être
qu’ils sont dehors. Mais si j’avais su, j’aurais évité, car ce n’est pas les
garçons que je trouve, mais Laura qui attend, appuyée contre une voiture.
Elle se redresse quand je sors.
– Laura.
– Hmm… Que puis-je pour toi ?
– T’es en couple depuis longtemps avec James ?
Oh, OK, elle part direct sur le sujet sensible. Comme elle veut.
– Tu me cherchais ?
– À ton avis ? marmonné-je en levant les yeux au ciel.
– Au sous-sol avec les garçons. Lace a une salle d’arcade.
– Oh… dis-je en comprenant que c’était peut-être la porte que j’ai hésité
à ouvrir car je croyais qu’il s’agissait de la cave.
– Tu voulais qu’on continue notre petit couple ?
– Dans tes rêves, sifflé-je. Pour rappel, c’est toi qui as bandé parce que
faire semblant t’excite.
– Et je parierais n’importe quoi que tu mouillais dans ta culotte, bébé.
– Je ne suis pas ton bébé. En plus, c’est pourri comme surnom.
Je tourne la tête vers lui pour le questionner. Il fait tout pour m’ignorer et
ne dit plus rien du restant du trajet, mais ce n’est pas pour autant que je ne
l’observe pas. Ce n’est pas ma faute. J’ai beau tout faire pour l’éviter, je
suis comme attirée par lui. Je ne le dirai jamais assez, mais ce mec est
magnifique. Je ne regarde jamais ça d’habitude, cependant, je suis
hypnotisée par ses biceps qui se crispent à chaque fois qu’il freine, ou bien
quand il passe les mains dans ses cheveux.
Le défilé des chars est à dix-huit heures, soit dans quelques minutes. Il y
a tellement de monde, et pour couronner le tout, je suis trop petite. Je passe
devant James et me mets sur la pointe des pieds.
– T’as besoin d’être portée, petite peste ? demande James dans mon dos.
– Non, merci. Je vois maintenant.
– Comment c’est possible ? Je suis plus grande que toi et je ne vois rien,
se plaint Lace.
Je lève les yeux au ciel et prie pour que James n’ait pas entendu son
amie. Cependant, je le sens s’accroupir derrière moi. Je me retourne, et le
regarde sans comprendre.
Tout compte fait, il l’a entendue. Lace monte sur les épaules de Caleb et
Bonnie sur celles d’Eddy. Bon, je crois que je n’ai plus le choix. Je pose
mes mains dans celles de James et passe mes jambes sur ses épaules. Il se
relève en me tenant les mains, puis il les lâche pour tenir mes chevilles sur
lesquelles il dessine des petits cercles. J’ai l’impression qu’elles sont
minuscules entre ses mains. Je suis tellement concentrée sur la parade que
je ne remarque pas tout de suite que je passe mes doigts dans ses cheveux.
Quand je les retire, il grogne, mécontent, alors je les remets pour continuer
mes papouilles.
Je vois le regard en coin des filles. Je sais qu’elles pensent que l’on se
rapproche dangereusement, surtout qu’on n’a plus à jouer notre petit rôle de
couple puisque Laura n’est pas là. Mais je ne veux surtout pas penser à ça.
Pour l’instant, je veux juste profiter.
***
Le film – sur les extraterrestres, pour rester dans une ambiance un peu
glauque – a commencé depuis une bonne heure quand James, que je pensais
avec les garçons, se penche par-dessus mon épaule, me faisant sursauter.
Je ne lui demande pas où, parce qu’il va croire que je flippe, alors je
saisis sa main et il m’aide à me relever. Une fois debout, je récupère ma
main et je le suis sans savoir où il m’entraîne.
Plus on avance, plus il fait sombre. Je sors mon téléphone pour allumer
la torche. James se retourne et me questionne du regard.
– Chiche ? chuchote-t-il.
– Quand tu veux.
– Je crois qu’on va pouvoir voir le feu d’artifice d’ici. Viens, on n’a qu’à
s’asseoir en attendant.
– T’es magnifique.
Il se met à courir vers nous. Je crois qu’on est dans la merde. Mais James
saisit ma main et m’entraîne après lui en courant. Je me retourne, vois le
gardien galérer à nous rattraper et j’éclate de rire.
Joy
Je jure dans ma barbe tous les gros mots que je connais et dans toutes les
langues que je maîtrise, c’est-à-dire très peu. Impossible de trouver mon
cellulaire ce matin. Je ne suis pas du genre à perdre patience rapidement ou
à m’énerver quand je cherche quelque chose, mais ça fait quinze minutes
que je remue tout de fond en comble !
J’ai fait le tour de ma chambre, j’ai regardé dans tous les recoins, sous le
lit, et même dans la plante à côté de mon bureau (ça me fait penser qu’il
faut que je l’arrose). Aux grands maux, les grands moyens, non ? Je défais
mon lit, car j’ai la fâcheuse manie de perdre mon téléphone dans mes draps.
Mais rien, absolument rien. Et je me maudis quand je regarde le drap, la
couette et les oreillers au sol. S’il y a bien quelque chose que je déteste
faire, c’est mon lit.
C’est dingue, ça !
Je sais que tout ce qui s’est passé avec James hier m’a chamboulée, mais
pas au point que j’en perde la mémoire, si ? Si c’est le cas, je crois qu’il faut
que j’aille consulter. Dans un souffle, je m’assois sur le pouf au milieu de
mon dressing, la tête dans les mains, à me masser les tempes. Tiens, je ne
m’étais encore jamais assise là.
Réfléchis, Joy !
– Tu m’expliques ce qui s’est passé ? Ne me dis pas que vous avez déjà
eu une dispute de couple avec James ?
– On n’est pas en couple, marmonné-je.
Elle fronce les sourcils et pointe la maison de Lace que l’on voit de ma
fenêtre.
– Et ce qui s’est passé hier chez Lace ? Vous deux en train de vous rouler
des pelles et de vous caresser, ça en dit long pour moi.
– Je n’ai pas pu te le dire ; son ex était là, on jouait un rôle devant elle. Il
m’a demandé de faire semblant d’être sa copine pour qu’elle le laisse
tranquille.
– Oh… capte Veronica qui s’assoit sur le pouf à mes côtés. Vous avez
fait quoi du coup hier soir ?
– On est allés voir le feu d’artifice au cimetière.
Je tourne la tête vers elle, quand seul le silence me répond. Elle me fixe,
les yeux écarquillés, avant d’exploser de rire.
– J’ai perdu mon téléphone, c’est pour ça que c’est le bordel. Je crois que
je l’ai oublié dans la voiture de James, je vais aller le chercher.
– C’est ça, va voir ton amoureux !
– Ça va ?
Il me faut quinze minutes à pied pour arriver chez James. Sa voiture est
dans l’allée. Je m’approche de la vitre du côté passager pour regarder à
l’intérieur, mais je ne vois rien sur le tapis. Je m’avance jusqu’à la porte
d’entrée, mal à l’aise. J’ai envie de courir le plus loin possible. Je n’ai
jamais été aussi stressée et gênée de toute ma vie. Pourtant, ce n’est pas
comme si on ne s’était jamais parlé ou que je n’étais jamais allée chez lui.
Mais étant seule et pas invitée, j’ai l’impression d’empiéter sur sa vie privée
et de franchir un nouveau cap.
Une bonne minute doit s’écouler avant que la porte ne s’ouvre sur
Nathan. Il semble surpris de me voir là, puis il me lance un grand sourire en
s’écartant pour me laisser entrer.
J’observe l’étage en me disant que c’est une très mauvaise idée d’entrer
dans sa chambre. Je me tourne vers Nathan. Il me lance un regard
malicieux, comme celui de son frère, ce qui me fait lever les yeux au ciel.
Je prends enfin mon courage à deux mains et pose le pied sur la première
marche. Je monte les autres, une par une, en prenant tout mon temps
possible. On ne sait jamais, peut-être que l’escalier va s’effondrer et que je
n’aurai jamais à monter dans sa chambre. Malheureusement, j’arrive bien
en haut au bout d’un moment. Je prends donc tout mon temps pour avancer
jusqu’à la porte du fond.
– Salut…
James
Elle fait la forte et soutient mon regard en croisant les bras contre sa
poitrine pour se donner un air dur, mais je la connais. Je sais que ça la
blesse et tant mieux.
Je pose mon carnet sur mon lit et me lève. Ses yeux s’écarquillent au fur
et à mesure que je me rapproche d’elle lentement et d’un pas nonchalant
pour la torturer. Elle est ma proie et je compte bien la faire mienne.
Mais je me renfrogne très vite quand elle pose la main sur la poignée de
la porte. Elle l’ouvre, mais il en est hors de question. Je clos la distance qui
nous sépare en deux pas. Mon torse contre sa poitrine, en ne faisant pas
attention à la chaleur qui se propage dans mon corps, ma main s’abat contre
le battant, le refermant et coinçant ma petite peste entre nous.
Je me recule d’un coup, comme si elle m’avait brûlé. La sale peste, elle
est plus intelligente que je ne le pensais. Elle semble même croire qu’elle
m’a fait mal vu le regard confus qu’elle me lance. Je l’ignore en enfilant un
tee-shirt.
C’est faux. Mais elle en a déjà vu un peu trop sur moi. Je refuse qu’elle
comprenne ce que je fais pour me détendre. Ça lui donnerait une place trop
importante dans ma vie. Seules les personnes qui comptent pour moi et en
qui j’ai confiance savent.
– Tu l’as ?
– Laisse-moi faire.
– Non, c’est bon, lance-t-elle, encore énervée après mon changement de
comportement. Je n’ai pas besoin de toi.
Une seconde après, je touche son portable. Elle avait les mains trop
petites pour l’attraper. Je me redresse, son appareil en main, et je le lui
lance. Elle le rattrape de justesse.
– Entre, Joy.
– Oh, non ! J’allais rentrer, Elizabeth.
– Elle allait rentrer, tata.
– Comme quand vous étiez enfants ! Ce n’était pas une question, Joy.
Sur le pas de la porte, nous nous observons en chiens de faïence avec Joy
et c’est finalement moi qui abandonne. Je souffle longuement puis d’un
geste de la main, lui fais comprendre de rentrer dans la maison avant moi.
Excuse parfaite pour la mater. Sur le palier, elle se retourne et me prend en
flagrant délit de reluquage de fesses. Elle semble s’attendre à ce que, gêné,
je détourne le regard. Alors pour la faire rager encore plus, je lui lance un
clin d’œil.
Elle lève les yeux au ciel, entre et me claque la porte au nez. Je l’arrête
de mon bras et éclate de rire. Elle soupire et m’abandonne dans l’entrée en
rejoignant ma tante dans la cuisine qui sort un plat du four à micro-onde.
C’est là que je me rends compte qu’il est déjà midi. Je n’ai pas vu le temps
passer en sa compagnie. J’aime la rendre folle.
Débattre avec ma tante, c’est peine perdue. En plus, je refuse de lui faire
du mal après tout ce qu’elle a fait pour nous. Sans elle, on serait peut-être
en foyer ou à la rue.
Je vois que Joy veut me lancer une pique parce que j’écoute ma tante.
Elle se retient. En revanche, elle ne se gêne pas pour se pencher vers moi et
me chuchoter :
– Bien élevé comme un petit chiot.
– Oh, merde ! C’était trop drôle ! s’exclame Nathan, qui se prend une
tape derrière la tête de la part de notre tante.
– Ton langage, jeune homme. Ce jour-là, on refaisait la salle de bains de
James. Il n’avait pas vu qu’il restait un peu d’eau par terre à cause de la
dernière douche qu’il venait de prendre. Il ne regardait pas où il marchait,
concentré sur sa tâche qui consistait à repeindre le plafond. Sauf qu’il a
glissé. Il est tombé en arrière, a tapé dans l’escabeau où était posé le seau de
peinture et il lui est tombé dessus. C’était si drôle, je dois encore avoir des
photos, attends.
– C’est bon, tata. Je ne pense pas qu’elle ait besoin d’une image.
– Si, justement, j’en ai besoin. Mais dis-moi, tu te douches avant de faire
de la peinture, toi ? demande-t-elle, ne pouvant retenir un gloussement.
Je lui lance un regard ennuyé et croise les bras contre mon torse.
– J’aurais aimé t’y voir, tiens.
– Techniquement, vu ma petite taille, je ne pourrai jamais peindre un
plafond.
– La voilà !
Elle tend son téléphone à Joy. Je veux le récupérer avant elle, mais pour
le coup, elle est bien plus rapide que moi. Elle s’esclaffe quand elle voit le
cliché. Pas besoin de le voir pour m’en souvenir. J’avais le torse tout gris et
un regard mortifié. Très peu reluisant, en somme.
Elle n’est pas sérieuse, si ? Je croyais qu’elle devait rentrer chez elle à la
fin de l’été ! Elle est vraiment en train de me faire comprendre que le pari
est caduc ? Parce qu’il est certain que si elle reste plus longtemps, elle va
me faire flancher. Et si c’était son but, au final ?
Elle tourne doucement la tête et je vois qu’elle se sent mal. Elle ouvre la
bouche pour me répondre, mais je secoue vivement la tête en me relevant
prestement de ma chaise, ce qui la fait grincer.
– Casse-toi de chez moi, lui asséné-je sous son regard horrifié avant de
sortir de la cuisine et de la maison en claquant la porte d’entrée.
Cette sale peste m’a menti pour m’avoir dans sa poche. Elle savait
qu’elle avait les cartes en main depuis le début. Je ne peux pas la laisser
faire. Je vais la rendre folle. Un coup, je vais être le meilleur des amis, et
l’autre, je vais la détester.
14
Joy
Je ne pense pas, elle ne connaît pas notre pari. Je lui adresse un faible
sourire.
– Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. Merci pour le déjeuner et
désolée pour tout. À bientôt.
James_belair_angel
Putain. Pas de répit avec lui. J’aime qu’il soit aussi franc et qu’il ne joue
pas, mais s’il pouvait avoir un peu de pitié, ça serait bien. Je m’apprête à lui
expliquer qu’effectivement je ne lui ai pas dit parce que j’espérais qu’il
finirait par tomber amoureux de moi, mais il écrit à nouveau. Sa réponse me
fait monter les larmes aux yeux.
J’en viendrais presque à souhaiter que mon téléphone soit cassé pour ne
plus lui parler. C’est grave… Ce mec m’exaspère.
15
Joy
Alors que je patiente sagement devant chez moi que Lace sorte pour que
je monte avec elle, je vois James arriver en voiture. Sa Chevrolet détonne
complètement entre les voitures de sport et les gros SUV. On ne peut pas la
louper.
Ah, je vois. Il m’en veut toujours, mais je peux lui être utile alors il
m’adresse la parole.
– Pourquoi je t’embrasserais ?
– Parce que fais-le, putain.
J’écarquille les yeux quand je comprends que ce que je sens sous moi, ce
n’est pas son téléphone ou autre, mais son sexe. Son sexe en érection. Pour
moi ? Je croyais qu’il me détestait ! Je sens mes joues rougir et pour éviter
qu’il le voie, je l’embrasse à nouveau.
– Je t’avais dit de garder tes mains et ton truc pour toi, grondé-je, mais il
en profite pour fourrer sa langue dans ma bouche en rigolant.
Si j’ai envie de le frapper sur le coup, je me laisse vite aller. Mes mains
s’activent d’elles-mêmes dans ses cheveux jusqu’à ce que je me rende
compte que je me frotte presque contre lui.
Foutues hormones.
– On va où ?
– J’ai un truc à faire, je te l’ai dit.
– Ouais, mais maintenant je suis avec toi dans cette voiture, alors je veux
savoir.
– Je dois parler avec quelqu’un.
– Mais encore ?
– Ferme-la.
Connard.
À part sa mâchoire qui se crispe et ses doigts qui serrent le volant si fort
qu’ils en deviennent blancs, c’est un silence radio qui me répond. Je souffle,
exaspérée, et me redresse en me tournant vers lui.
– Foutue peste.
– Je t’emmerde, ai-je le temps de dire avant qu’il ne claque la portière et
qu’il m’enferme à clé dans la bagnole.
C’est ça, mets la sécurité enfant aussi, tant que t’y es.
Il s’approche d’un mec au comptoir. Il est devant lui alors je ne vois pas
de qui il s’agit, et même si je le voyais, je ne pense pas que je le connaîtrais.
Je saisis mon téléphone pour lui écrire un message pour la première fois
de ma vie hors Instagram.
– Ouais.
– Et ? insiste Lace, et je hausse les épaules.
– Et rien du tout. Je suis restée dans la voiture. C’était qui le mec qu’il a
vu ? Vous le connaissez ?
J’acquiesce d’un signe de la tête même si je ne suis pas sûre d’y croire.
Peut-être que c’est bien un pote à lui, mais je sens qu’il y a quelque chose
d’autre, et je suis décidée à découvrir quoi.
***
Sur le coup de la colère, je n’ai pas remarqué que nous nous sommes
arrêtés et que seulement une dizaine de centimètres séparent nos corps.
J’écarquille les yeux quand il replace une mèche de cheveux derrière mon
oreille.
Tout le monde est autour de moi et je me sens mal à l’aise avec toute
cette attention sur moi.
– Ça va aller.
– Non, ordonne mon amie. Ma mère est chirurgienne, je sais ce que je
fais. Maintenant, donne-moi ton pied.
Je tourne si vite la tête vers James que j’ai peur de me blesser aussi au
cou.
– Très bien.
Heureusement qu’il ne peut pas me voir parce que je crois que la panique
se lit sur mon visage.
– Regarde-le comme il est jaloux, chuchote Eddy. S’il n’était pas mon
meilleur ami, j’aurais peur de me faire arracher les couilles.
J’imagine la scène et je peine à retenir mon rire quand on s’approche de
James.
***
Après m’être fait installer une attelle par la mère de Lace, je retourne
chez moi, toujours portée par James qui refuse de me poser au sol.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? questionne Veronica quand elle nous ouvre
la porte.
– Je me suis foulé la cheville, rien de grave, ne t’inquiète pas. Mais je
dois éviter de marcher pendant deux jours.
Je veux me lever pour lui arracher le livre des mains, mais il relève la
tête quand il entend le bruit des draps et me fusille du regard en reposant le
livre à sa place.
– Ne bouge pas.
Je lève les yeux au ciel de désespoir, mais je suis tout aussi amusée par le
fait qu’il s’inquiète autant.
– Ce n’est qu’une foulure.
Qu’est-ce que j’ai dit, là ! Il fronce les sourcils, saisit un de mes oreillers
et me le jette à la figure.
Il essaye de garder son calme tandis que j’éclate de rire, mais il craque et
rigole à son tour. Mon rire se tait quand il s’approche de moi. Il se penche
au-dessus de moi en posant ses mains sur le lit. Il fixe mes lèvres de son
regard joueur pendant qu’il s’approche dangereusement de moi. Et je me
rends compte qu’on est tout seuls. Qu’on n’a pas besoin de faire semblant.
Alors pourquoi veut-il m’embrasser et pourquoi en ai-je envie aussi ?
– Jamais je ne pourrai être ton ami, Joy. J’ai envie de bien plus. Repose-
toi.
Je n’ai pas le temps de lui demander ce qu’il veut dire par là qu’il quitte
ma chambre en furie. C’est là que je me souviens de ce que je lui ai
demandé plus tôt dans la journée. On n’en a pas fini, alors. Parce que moi
non plus, je ne veux pas être seulement son amie.
James
Alors que je monte dans ma bagnole pour rentrer chez moi, mon
téléphone vibre dans la poche arrière de mon short. Pendant un instant,
j’aimerais que ça soit elle alors je suis déçu quand je découvre que ce n’est
que Fredo.
[Envoie l’adresse.]
Je passe le restant de la journée à ruminer et à m’empêcher de faire le
premier pas vers Joy. Je veux savoir si elle va bien, si elle se remet ou
même si elle a besoin de moi. Mais je me retiens. Je me concentre plutôt sur
le combat de ce soir. Penser à elle, c’est dévier ma concentration et je ne
peux pas me permettre de perdre et de prendre des coups. Ma tante et mon
petit frère ne connaissent rien de mon activité extrascolaire illégale, alors je
ne peux pas risquer de rentrer roué de coups. En vrai, ça serait bien de ne
pas du tout combattre. Mais avec le dessin, ce sont les seules choses qui
sont capables de tempérer ma haine. Toute la rancœur que j’ai accumulée
depuis l’absence de Joy et la mort de ma mère. Mais surtout envers mon
père qui est parti du jour au lendemain dès que ma mère est morte. Il nous a
abandonnés, Nathan et moi, comme un lâche. Moi, j’étais assez grand pour
m’en remettre, pas mon petit frère. Il croit qu’il a fait quelque chose de mal
et c’est à moi d’assumer le rôle de père.
***
Je rentre dans la chambre d’hôpital, mes yeux se posent tout de suite sur ma mère. Elle
dort, comme la plupart du temps depuis qu’elle a été admise il y a deux semaines après
que son cancer des poumons a empiré ces derniers mois. On nous a dit qu’elle n’en aurait
plus pour très longtemps, que ce n’était qu’une question de jours. Je lui en veux un peu,
elle aurait pu guérir, mais elle n’a jamais cessé de fumer. Elle disait que c’était son
échappatoire. Pour échapper à quoi ? Je ne sais pas. Je pensais qu’elle était heureuse. On
avait tout pour être heureux. Néanmoins, je suis surpris de ne pas voir mon père. Il a
toujours été à son chevet jusqu’à maintenant. Peut-être qu’il est parti chercher Nathan.
Mais j’étais persuadé que mon petit frère passait la journée chez notre tante. Je hausse les
épaules en m’asseyant dans le fauteuil près du lit de ma mère. Il a sans doute eu un
imprévu avec le travail. Il reviendra plus tard. C’est pourquoi je ne me pose pas tant de
questions et sors mes devoirs. Je suis en troisième. Je pensais mieux commencer le
lycée1, mais j’ai pris énormément de retard ces derniers mois, et même si je sens que je
vais redoubler, je préfère mettre toutes les chances de mon côté.
Alors que ça fait une petite heure que je bosse mes cours, ma mère bouge ses jambes.
Un peu trop. Je saisis tout de suite sa main.
– James, je vous aime, toi et ton frère. Prends soin de lui, et n’en veux pas à ton père,
dit-elle d’une petite voix, essoufflée.
Ne pas en vouloir à mon père ? Pourquoi je lui en voudrais ? Peu importe, je verrai ça
plus tard. Là, autre chose m’interpelle. Sa pression sur ma main se relâche en même temps
qu’elle referme les yeux. Sa main retombe sur le lit, je m’empresse de la récupérer.
– Maman ?
J’ai l’impression qu’il se passe des heures, alors qu’il ne doit se passer que quelques
minutes avant qu’il ne se retourne vers les infirmiers.
Il s’approche ensuite de moi, pose ses mains sur mes épaules. C’est là que je me rends
compte que je me suis collé contre le mur derrière moi et que les larmes coulent sur mes
joues.
– Je suis désolé, c’est fini, elle est partie. Où est votre père ?
– Je ne… je ne sais pas.
Je suis triste, bien évidemment. Voir le cercueil de sa mère descendre dans un trou de
terre ne rend pas heureux, c’est un fait. Mais je crois que je suis surtout en colère. Notre
père nous a abandonnés comme si nous n’avions jamais compté. Et en plus, il n’est même
pas présent aujourd’hui. J’ai bien lu la lettre qu’il nous avait laissée, à mon frère et moi,
mais ça ne change rien. C’est un lâche. Et je n’y crois absolument pas, à ses mots. Il a
écrit, entre autres, que voir ma mère souffrir était trop dur pour lui, qu’il devait s’éloigner
quelque temps, qu’il nous aimait et qu’il reviendrait. Mon cul ! S’il nous aimait réellement, il
serait resté pour nous aider. Je lui en veux surtout pour Nathan. L’état de notre mère s’est
rapidement dégradé alors qu’elle lui faisait un câlin dans le salon. Je n’oublierai jamais ce
moment. Un instant, elle le tenait dans ses bras, la minute d’après, elle a commencé à
tousser, jusqu’à s’étouffer. Depuis, il croit que c’est à cause de ça que son état s’est
aggravé. Il est persuadé que notre père est en colère après lui et qu’il est parti parce qu’il
ne voulait pas voir notre mère sur son lit d’hôpital, malgré le nombre de fois que j’ai tenté de
le rassurer ces derniers jours. À cause de ça, il ne supporte même plus qu’on le touche,
parce qu’il pense qu’on va nous aussi tomber malades.
À force, j’ai réussi à ce qu’il accepte que je le touche à nouveau, mais je suis le seul. Je
suppose qu’il a besoin de moi malgré ses peurs. J’ai la haine contre notre paternel, parce
que je dois maintenant aussi assumer le rôle de père. On est dans les démarches pour
changer notre nom de famille, pour prendre celui de notre mère. Notre tante nous a pris
sous son aile, on vit maintenant chez elle, mais elle ne remplacera pas notre père ni notre
mère malheureusement. Nous sommes maintenant orphelins, alors que notre géniteur est
toujours en vie. J’aimerais tellement savoir ce qui se passe, et je commence à croire que la
chose que je cherche explique pourquoi ma mère essayait de trouver refuge dans la
cigarette.
– James ?
Revenant à moi, je baisse la tête sur mon petit frère dont mon bras repose sur ses
épaules pour le garder contre moi. Il me regarde et j’ai l’impression qu’il était en train de me
parler. Je remarque aussi que nous ne sommes plus que tous les deux dans le cimetière.
– Pardon, tu disais ?
– Tu crois que papa reviendra ? questionne-t-il, les yeux larmoyants.
Je me force à regarder ailleurs pour me contenir. Le voir souffrir est la chose la plus
dure qu’il m’ait été donné de vivre. Plus calme, je m’agenouille devant lui en posant mes
mains sur ses bras.
– Et maman, juste ici. Elle sera toujours là et moi je serai toujours là pour toi. À jamais.
Je m’empresse de le prendre dans mes bras. À peine contre moi, il lâche tout ce qu’il a
en lui pendant que je maintiens mon étreinte serrée contre lui.
***
À quoi ça sert d’avoir une meuf si c’est pour se prendre encore plus la
tête que sans ? Je ne comprends pas ma copine. On est ensemble depuis
près de quatre ans, depuis notre rencontre quand j’ai redoublé ma troisième.
Enfin, elle m’a trompé une fois quelque temps après qu’on s’est mis en
couple pour la première fois à une soirée alors qu’elle était alcoolisée. J’ai
accepté de me remettre avec elle après qu’elle m’a harcelé de messages
d’excuses pendant une semaine. Puis, il faut dire que je faisais tout pour
oublier Joy qui ne répondait à aucune de mes lettres. J’étais en colère après
elle, je le suis toujours, mais à l’époque, j’avais besoin de me vider,
métaphoriquement et réellement, alors je n’ai pas hésité à reprendre Laura.
On est maintenant en fin de terminale, et j’ai l’impression qu’on est plus
potes qu’autre chose. Sauf pour baiser. Ah, ça, elle est là. On devait se voir
ce soir, mais elle a déjà plus de quatre heures de retard. Je saisis mon
téléphone et envoie un message dans notre conversation groupée avec mes
potes.
[Sérieux ? Caleb]
Elle me répond tout de suite, mais je n’y fais pas attention. J’écris un
message à Fredo pour lui faire savoir que j’arrive, puis j’éteins mon
téléphone. Je ne me défoulerai qu’en me battant. Les meufs, c’est terminé.
Elles ne sont bonnes que pour une chose : me prendre pour un con et
m’abandonner. Comme tout le monde dans ma vie, quoi.
***
– T’es prêt ?
– Comme toujours, lancé-je en lui faisant une poignée de main. Je me
bats contre qui ce soir ?
– Un seul mec.
– C’est tout ?
Ce n’est pas avec un seul mec que je vais mettre au tapis en moins de
cinq minutes que ça va me défouler.
Je hausse un sourcil. Cinq mille net, oui, en effet, il n’est pas là pour
rigoler. Personne ne voudrait perdre autant d’argent comme ça. Je ne
combats pas pour l’argent. Je me bats pour l’adrénaline. Mais je ne pense
pas que je vais faire des études sup’, alors il va falloir que je me fasse de la
thune.
Oh, mec, tu cherches la mouise, là. Très bien, tu veux jouer à ça, on va
jouer.
Il est tellement concentré dans ce qu’il veut répliquer qu’il ne voit pas le
coup que je lui administre dans l’abdomen. Il valdingue contre les cordes en
se tenant le ventre. Je m’arrête de sautiller et le regarde se relever. Il se
rapproche de moi en soufflant comme un bœuf. Être bodybuildé ne veut pas
dire avoir de l’endurance et ça se remarque tout de suite. Il me tourne
autour. Il essaye de m’intimider, mais ça me fait plus rire qu’autre chose.
S’il croit qu’il va gagner comme ça, il se trompe.
– Qui c’est qui t’a énervé comme ça ? Ta petite amie ? Elle est allée voir
ailleurs, ou peut-être qu’elle ne veut pas te tailler une pipe ?
Oh ! Il n’a pas dit son prénom, il ne la connaît pas, mais moi mon
cerveau assimile tout de suite ce qu’il vient de dire à Joy. Mon sang ne fait
qu’un tour.
Même moi, je ne vois pas mon coup partir, je le sens juste quand mon
poing entre en collision avec son visage et que mes phalanges me brûlent. Il
tombe sur le ring et je pose mon genou contre sa jugulaire.
– Le vainqueur de ce soir.
– T’as géré, mec, je ne t’ai jamais vu aussi énervé. T’as l’argent dans
deux jours.
– Super, marmonné-je en enfilant à nouveau mon tee-shirt et en prenant
la direction de ma bagnole.
Joy
– Tu ne veux pas venir avec nous ? questionne Lace quand elle, Bonnie
et Veronica s’apprêtent à entrer dans une boutique de lingerie.
J’avoue qu’après ça, mon cœur battait tellement vite que je n’ai plus
ressenti la douleur à mon pied. Je ne sais pas à quoi je m’attendais. Sans
doute à ce qu’il prenne de mes nouvelles, étant donné que c’est plus ou
moins de sa faute si je me suis blessée, mais il n’en a rien fait et je ne sais
pas ce que je ressens.
Oh, merde.
J’écarquille les yeux quand je vois le mec tendre trois grosses liasses de
billets à James. Dites-moi que je rêve ? Mais que fait James de son temps
libre à la fin ? Non, je ne peux pas croire qu’il deale ou braque. James
compte énormément pour moi, malgré nos retrouvailles compliquées. Je ne
peux pas croire qu’il puisse faire quelque chose comme ça. J’ai beaucoup
trop d’estime pour lui pour l’imaginer faire ça. Je sursaute et reviens à moi
quand une portière claque. Le mec vient de sortir de la voiture et son regard
se pose sur moi. Je ne sais pas s’il me reconnaît, mais si c’est le cas, il n’en
dit rien à James et part de son côté.
Je sais que je devrais partir, faire comme si je n’avais rien vu, mais je
suis comme paralysée. James compte les liasses de billets, les remet dans le
sac et s’apprête à démarrer. Soudain, comme s’il avait senti mon regard sur
lui, il lève la tête. Son regard s’ancre dans le mien, il plisse les yeux et je
crois qu’il n’est pas très enchanté. Je lui fais un petit signe de la main pour
faire semblant que je n’ai rien vu, que je ne faisais que passer, puis je fais
demi-tour et cours presque au magasin de lingerie pour retrouver les filles.
Tant pis pour mon livre, j’irai une prochaine fois.
J’entre dans la cabine et tire le rideau pour lui faire comprendre de ne pas
insister. Je m’assois sur le petit tabouret pour reprendre mes esprits. Je
souffle de soulagement en ayant l’impression de pouvoir enfin respirer. Je
n’ai pas l’impression que James m’a suivie. Tant mieux, parce que
honnêtement je ne sais pas ce que je lui aurais dit. Veronica aussi m’a
laissée tranquille ; je crois qu'elle est repartie explorer le magasin.
Heureusement, car je pense que je craquerais rapidement si elle continue de
me questionner. J’observe le soutien-gorge qu’elle a choisi pour moi. Je ne
sais même pas comment elle connaît ma taille, même moi, j’ai du mal à la
savoir. Je regarde l’étiquette.
Maintenant que je suis là, autant l’essayer. Je me lève, retire mon tee-
shirt, ma brassière et enfile le soutien-gorge. J’ai à peine le temps de
l’attacher que le rideau s’ouvre en grand. Je me retourne d’un bond en
posant les mains sur ma poitrine.
– C’est…
– Je n’en sais rien, moi. Ce n’est pas moi qui entre dans une cabine
occupée.
– Oui.
– Tu n’as jamais su mentir, fait-il remarquer comme s’il avait lu dans
mes pensées.
C’est vrai, je me souviens que déjà, plus jeune, je ne savais pas lui
mentir. Il en jouait, comme maintenant.
– J’ai vu l’argent.
Je vois dans ses yeux que ça ne lui plaît pas que j’aie vu, mais pour
autant il ne dit rien et ne m’engueule pas, ce qui m’étonne, alors je me sens
pousser des ailes.
– Ça ne te regarde pas.
Je n’y crois pas une seule seconde, mais je veux le faire réagir pour qu’il
s’ouvre enfin à moi.
Quand on sort du magasin, je vois les filles qui attendent devant. Il les a
sûrement prévenues, cet enfoiré. Je me retourne pour l’incendier, mais il
n’est déjà plus là. Je jure dans ma barbe et rejoins les filles.
Bonnie passe son bras autour de mes épaules pour me serrer contre elle
en ébouriffant mes cheveux.
Elle jette un regard à Lace qui acquiesce d’un signe de la tête avant de
me lancer un grand sourire.
Alors qu’elles avancent devant nous vers une autre boutique, Veronica se
penche vers moi et me chuchote :
***
Ça me fait sourire. Parce que même si elle a l’air dépitée, je sais que
jamais elle ne le critiquerait sans le connaître. Elle n’est pas du genre à
juger les gens et c’est ce que j’aime avec elle.
– Je ne sais vraiment plus quoi faire avec lui. Un jour, j’ai l’impression
qu’on est amis et l’autre, qu’il me déteste.
– Tu ne penses pas qu’il essaye de se protéger ? demande ma meilleure
amie après quelques instants de silence.
– Se protéger de quoi ? m’insurgé-je en haussant la voix. Je ne vais pas
lui faire de mal. C’est débile !
– Pardon.
– Ce n’est rien, me rassure Emilia, et je sens un sourire dans sa voix. Je
pense que s’il était vraiment amoureux de toi à l’époque, peut-être qu’il a
peur de retomber amoureux de toi et que tu repartes encore.
– Mais on était des enfants !
– Je sais, mais peut-être que tu étais vraiment importante pour lui. Tu
m’as dit qu’il avait perdu sa mère, non ? Et que son père est parti ?
– Hmm, hmm…
– Quoi ?
– Ton James a peur de l’abandon. C’est pour ça qu’il se protège.
– T’as bien choisi tes études de psycho, me marré-je. Mais par contre, ça
n’enlève rien au fait que lui et les autres me cachent quelque chose sur ce
qu’il fait de son temps libre.
– Mouais, fait ma meilleure amie, et j’entends la grimace qu’elle fait. Ça,
je n’ai aucune réponse. Mais tu ne penses quand même pas qu’il deale ?
Enfin, ça ne m’étonnerait pas à Los Angeles, mais quand même, c’est
bizarre. Surtout quand tu m’as raconté qu’il a pété un plomb quand le
copain de ta cousine s’est ramené avec un joint chez lui. Ce n’est pas une
réaction de dealer ça.
Je me laisse tomber en arrière sur mon lit en soufflant. J’ai réfléchi à tout
et je suis incapable de deviner ce qu’il fait pour gagner une aussi grosse
somme d’argent.
[T’es dégueulasse.]
[N’importe quoi.]
[D’un an !]
Joy
Je grogne et me roule en boule dans mon lit dans lequel j’ai passé toute
ma matinée, dans l’incapacité de me lever. Elle pose le plateau contenant
mon déjeuner sur ma table de nuit et s’assoit à mes côtés. Sa main se pose
sur mon front.
J’acquiesce, elle se lève, ferme les rideaux pour me plonger dans le noir.
***
[ ??]
***
Plus tard, je vais beaucoup mieux, mais je préfère me coucher plus tôt et
je n’ai pas tellement faim. Alors que je me rallonge dans mon lit après avoir
enfilé mon pyjama, j’entends la sonnette retentir dans la maison. Je laisse
Veronica ouvrir, j’ai bien trop la flemme de ressortir de mon lit. Mais alors
que j’allais mettre les écouteurs dans mes oreilles, j’entends des pas lourds
dans le couloir, ainsi que des pas plus légers qui courent après.
– Elle est malade, James, elle dort, chuchote Veronica.
Merde. Il ne m’a pas écoutée, ce con. Je panique parce que je ne suis pas
présentable. J’espère que Veronica va réussir à le dissuader de rentrer dans
ma chambre, alors que je me fais la plus silencieuse possible.
Son regard quitte le mien et il regarde ses pieds en haussant les épaules.
C’est là que je remarque qu’il s’est installé à ma place et je sais déjà que
mon oreiller sera imprégné de son odeur et que je ne vais pas dormir de la
nuit. Super. Il me lance un clin d’œil.
– Je te préférais sans.
Je lève les yeux au ciel et lui lance le premier truc que je trouve, c’est-à-
dire la télécommande de ma télé. Il l’évite en éclatant de rire et ça
m’exaspère encore plus.
Il referme la porte sur moi et fait le tour pour s’installer côté conducteur.
***
– Eddy et Nathan sont déjà installés dans le stade, me dit James quand on
entre dans le hall.
– Ouais, eh bien fais gaffe la prochaine fois, assène mon ami, puis il
passe son bras autour de mes épaules et me colle contre son flanc.
Le mec se confond en excuses avant de s’éloigner sous mon regard
effaré. Je fixe le profil de James en attendant qu’il m’accorde enfin son
attention, ce qu’il ne fait pas. Il semble contrarié.
– Je ne te cache rien.
J’attends qu’il montre nos billets au guichet et entre dans le stade sans
l’attendre. Il me rattrape vite en saisissant mon poignet dans sa main pour
me retourner face à lui.
– Oh, mais non ! Ne me renie pas, je ne t’ai rien fait. Je t’en supplie, ma
meilleure amie d’amour.
– J’arrête si tu t’excuses.
– Je m’excuse si tu me prêtes ta veste des Lakers.
– Je rigolais.
– Pas moi, déclare-t-il en attendant que je passe les bras dans les
manches.
Je tends les bras qui ont disparu dans la veste bien trop grande pour mon
corps, mais je me sens à l’aise dedans, comme si c’était un plaid bien chaud
et tout doux en hiver. Son odeur me monte au nez et je me surprends à
inspirer doucement.
– Il est aux petits soins avec toi. C’est tellement mignon de le voir
comme ça ! Je peux te dire que c’est la première fois qu’il agit ainsi,
observe Eddy avec un grand sourire.
– Je suis sûre que ce n’est pas la première fois, il devait faire la même
chose avec Laura.
– Pas du tout, s’écrie Nathan. Elle l’énervait plus qu’autre chose.
James revient avec quatre hot dogs et des boissons dans les mains. Il en
donne à Eddy et Nathan, puis il me tend le mien avec une bouteille d’eau.
Alors que les leurs sont à la moutarde, le mien est au ketchup. Je me
demande comment il a pu savoir mes goûts. Et finalement, je me souviens
du repas du quatre juillet, quand je l’avais aguiché en attrapant le
condiment. Il est bien plus observateur et a une mémoire plus efficace que
je ne le pensais.
***
Les Chicago Bulls nous mènent de deux points les deux premières
parties jusqu’à la mi-temps. Eddy ne peut s’empêcher de nous chambrer et
de se foutre des têtes que nous tirons avec James et Nathan.
– Que disais-tu tout à l’heure, Joy ? Que vous alliez nous déchirer ?
– La ferme. Nous ne sommes pas nuls non plus.
Mais alors que je ne pensais pas forcément être drôle, il éclate de rire. Je
lève la tête et le regarde fixer l’écran au-dessus de nos têtes. Mon cœur rate
un battement quand je comprends ce qui se passe. La kiss cam. Elle est
braquée sur James et moi. Je tourne doucement ma tête vers lui et il
m’observe déjà avec un sourire en coin.
Mais il saisit ma joue dans sa main et plaque ses lèvres contre les
miennes sous les cris et les applaudissements du public. Et j’entends même
un son d’appareil photo dans mon dos. Je vais tuer Eddy. La langue de
James essaye de passer la barrière de mes lèvres, mais je me recule, les
joues rouges, et baisse la tête, gênée de ce baiser en public.
– Pas un mot, menacé-je les garçons, et ils éclatent tous de rire pendant
qu’un autre couple passe à la kiss cam.
Je le regarde à travers mes sourcils. Je ne sais pas quoi lui dire et, par
chance, les joueurs reviennent sur le terrain. Je reporte mon attention sur
Eddy.
***
Il ne reste plus longtemps avant la fin de la quatrième période, donc la
fin du match. Les Lakers sont toujours menés de deux points par les Heats.
Mais un joueur placé en arrière a la balle dans ses mains, il est prêt à tirer
un panier qui vaut trois points. S’il le marque, on gagne ce match.
J’ai les mains croisées sur mes genoux, en total stress. James et Nathan
sont dans le même état que moi.
– Oh, non ! Ce n’est pas vrai, il n’a pas fait ça ! Fait chier ! rumine Eddy
à côté de moi.
– Ne jamais parler trop vite ! le nargué-je en riant, et je tapote son bras
pour le réconforter.
– Mec, tu me dois cinquante dollars, s’exclame James à mes côtés avant
de tendre sa main devant moi vers Eddy.
– Sérieux ? Vous avez parié ? demandé-je, incrédule.
Alors que l’on repart en voiture chacun de son côté, Nathan met ses
écouteurs dans ses oreilles, ce qui nous laisse dans le silence, James et moi.
Je sens son regard sur moi plusieurs fois. Je n’ose pas le regarder depuis
qu’il m’a dit que le baiser ne voulait rien dire. Je ne sais pas pourquoi ça me
rend triste.
– Pourquoi ?
– C’est vrai ?
– Le baiser pendant le match ne voulait pas rien dire pour moi. Je pensais
que c’était ce que tu voulais entendre.
19
Joy
– Joy ?
Je hoche la tête en serrant son petit doigt avec le mien puis elle me tend
un Post-it plié. Je l’ouvre et découvre une adresse.
J’observe ma cousine. Elle n’a pas tort, c’est une bonne idée. Mais j’ai
peur de me les mettre à dos et, surtout, je ne sais pas si je suis prête à voir
James combattre. Imaginons, le soir où j’y vais et que je le prends en traître,
que je le déconcentre et qu’on le blesse plus que d’habitude ? Je ne pourrais
jamais vivre avec ça sur la conscience. Ma cousine a l’air de comprendre ce
qui se passe dans ma tête. Elle saisit mes mains qu’elle presse entre les
siennes.
– Je t’assure que James est doué. Il laisse souvent les autres attaquer en
premier, ce qui lui vaut certaines blessures, mais il gagne tout le temps.
– Je ne sais pas si c’est censé me rassurer ou pas.
– Je sais que James ne se comporte pas comme avant avec toi, Joy. Mais
tu dois faire un choix.
– Eddy est un ami, je ne sors pas avec lui. Et je ne sors pas non plus avec
James.
– Oh… dit-elle en laissant échapper un rire. Excuse-moi.
Je pose une main rassurante sur son bras et lui adresse un grand sourire.
Je n’en doute pas pour Eddy. Je ne peux pas nier qu’il a son charme. Il
faudrait que je le présente à Emilia parce qu’il est tout à fait son type et je
suis sûre qu’il aimerait beaucoup mon amie. De toute façon, ils sont tous
magnifiques dans cette bande. Oui, même James.
***
Eddy nous emmène à l’entrée de Beverly Hills et arrête la voiture devant
un pub. Je me demande si James combat proche d’ici. Je ne me suis pas
attardée sur l’adresse que m’a donnée Veronica, mais je suppose que c’est le
cas. Nous entrons dans la salle pleine à craquer. Eddy passe un bras autour
de mes épaules pour me tirer contre lui. Un serveur vient nous accoster et il
tape son poing contre celui d’Eddy avant de m’adresser un signe de la tête.
Eddy m’entraîne après lui et nous suivons le serveur jusqu’à un box dans
le fond de la pièce. Le serveur tire la chaise pour moi, je le remercie puis il
nous donne les menus. Nous commandons tous les deux un steak frites. Nos
commandes prises, Marc repart et je regarde autour de moi. C’est un pub,
c’est assez bruyant, néanmoins on s’y sent à l’aise.
Oh. On y est, je crois. Est-ce que je lui en parle tout de suite ou est-ce
que j’attends encore ?
C’est donc ici qu’il emmenait ses conquêtes ? Est-ce qu’il a emmené
Laura ? Est-ce qu’il m’y aurait emmenée si j’avais vécu à Los Angeles et
qu’on ne s’était jamais séparés ? Ou même si j’étais revenue ? Je ne veux
pas penser à ça alors je lance un clin d’œil à Eddy.
Je m’étouffe avec mon eau quand certaines images surgissent dans mon
esprit. Je lui fais les gros yeux en l’arrêtant d’un signe de la main.
– Je ne veux rien savoir de ta vie sexuelle, Eddy, mais vraiment pas. Si tu
veux que j’aie encore de l’appétit, garde ça pour toi.
– Oh, allez, une meilleure amie voudrait tout savoir de son meilleur ami,
non ?
– On est déjà passés à ce stade ? le nargué-je sournoisement, et il hausse
un sourcil.
– T’es bien une petite peste, James a raison.
Il allait parler, mais on est coupés par Marc qui nous apporte nos plats.
On commence à manger et je sens qu’Eddy brûle d’envie de me demander
quelque chose.
– Accouche.
– Est-ce que tu comptes retourner en Floride ?
– Pourquoi tu me demandes ça ?
– Parce que je ne sais pas dans quel état sera James si tu repars et ne
reviens pas à nouveau.
– Wow, ricané-je sèchement, et je vois qu’il regrette ce qu’il vient de me
dire.
– Joy…
– C’était donc pour ça ce dîner ? Pour t’assurer que je ne comptais pas
briser le cœur de ton pote ?
– Ce n’est pas…
Je le coupe à nouveau :
– Je n’ai même pas à me justifier, pourtant je vais le faire. Je ne savais
pas que je n’allais pas revenir et je ne pensais pas qu’il était aussi attaché à
moi. On était des enfants.
– Et les lettres auxquelles tu n’as jamais répondu ?
– Quoi ? Quelles lettres ?
– Ben les lettres qu’il t’a envoyées pendant des mois… Enfin, c’est pas
mes oignons, vois ça avec lui.
Je vois qu’Eddy n’aime pas cette situation entre nous, mais trop tard, je
suis lancée.
– Tu sais tout ?
– Je sais tout pour les combats. Et je sais qu’il combat ce soir. Ce dîner
en plus de t’assurer de mes intentions, c’était pour m’empêcher de le
découvrir ?
Eddy passe une main sur son visage, me fixe, mais ne dit rien jusqu’à
baisser le regard sur son assiette. Son silence me dit tout ce que j’ai besoin
de savoir. J’avais raison.
– Emmène-moi.
– Quoi ? me questionne-t-il en relevant la tête d’un coup.
– Emmène-moi au combat.
– Joy, je ne sais pas si c’est une bonne idée.
– Non, clairement pas, ricané-je. Participer à des combats est une
mauvaise idée à la base. Maintenant, soit tu m’emmènes, soit j’y vais par
moi-même. Dans tous les cas, j’y vais.
Je vois sur son visage qu’il regrette instantanément. Ce n’est pas mon
cas, même si j’ai peur de découvrir ce qui s’y passe réellement, à ces
combats.
***
J’acquiesce en silence, bien trop énervée encore après lui pour lui
répondre, et je sors de la voiture.
Nous arrivons devant le ring, qui me donne des sueurs froides rien qu’en
le voyant.
Mais je suis coupée par un bruit sourd qui résonne dans la pièce et je
comprends que c’est un genre de gong.
Un arbitre, si j’en crois son tee-shirt rayé blanc et noir, monte sur le ring
avec un micro dans la main.
Quoi ? S’il dit que je suis sa copine, alors il est mon mec.
J’ai donc tous les droits sur lui et, que l’on me croie, je vais énormément
m’en servir.
James tape ses poings contre ceux de l’autre mec puis ils se séparent, se
mettant en position, la garde levée. L’arbitre lance le combat. La panthère
rose est le premier à donner un coup. Je lâche un cri de stupeur silencieux et
veux me cacher les yeux, mais James l’esquive en se penchant. Il en profite
pour donner un coup dans le ventre du mec. Ce dernier essaye de lui
renvoyer une droite, mais James l’esquive encore une fois en souriant
narquoisement. Il se met à tourner autour de lui comme un lion face à sa
proie et le mec commence à perdre patience. Sa tête pivote comme une
girouette. Il donne des coups dans le vide, ce qui fait exploser de rire James.
J’ai envie de lui hurler d’arrêter de le provoquer et d’en finir parce que je
n’en peux déjà plus. Je n’ai jamais autant stressé de toute ma vie.
Finalement, le mec réussit à donner un coup dans les côtes de James qui,
sous l’impact, se recule, et je ne peux m’empêcher de crier son nom. Je
m’en veux instantanément, je plaque mes mains contre ma bouche.
J’entends Eddy soupirer derrière moi et j’aperçois des têtes inconnues se
tourner vers moi.
James se retourne d’un coup vers nous, son regard se pose sur moi. Sur
le coup, il semble ne pas comprendre ce que je fais là, puis il me fusille du
regard.
La panthère profite que l’attention de son adversaire est sur moi pour
lever son poing et l’abattre sur le visage de James. Sa tête tourne sur le côté
et le mec lui refout un coup dans les côtes, le projetant dans les cordes, ce
qui fait hurler le public. Je baisse la tête, n’en pouvant plus de regarder ça.
Tout à coup, j’entends un gros boum et Eddy hurler de joie. J’ose regarder
d’un œil et vois que James a assommé l’autre combattant, tout ça en peu de
temps. L’arbitre compte, mais l’autre ne se relève pas, alors il lève le bras
de James en l’air sous les acclamations du public.
– La terreur de Bel-Air à la gueule d’ange, encore et toujours le grand
vainqueur !
James s’éloigne pour parler avec Fredo tout en me jetant des regards
froids et j’ai envie de m’échapper.
– Je m’en vais.
– Ose ne faire qu’un seul pas, menace une voix derrière moi
– Tu me fais mal, crié-je quand ses doigts serrent fort mon poignet.
– Les potes, s’écrie Eddy en lançant un tee-shirt à James. Les flics ont eu
l’adresse. Ils arrivent !
– Et toi, c’est la deuxième fois que je fais quelque chose d’illégal pour
toi. Ton rendez-vous de samedi soir, tu peux te le mettre dans le cul.
– Moi aussi, je t’aime, ricane-t-il.
– Quel rendez-vous ? questionne Eddy alors que j’avais oublié qu’il était
là.
– Vous êtes sérieux ? Vous arrêtez enfin de vous tourner autour ? Oh,
putain, c’est trop bien.
– Je vous dépose où ?
– Chez toi, lui répond James, et je lui lance un regard en coin. Ma tante
va flipper si elle me voit revenir en sang.
– Ça marche, acquiesce Eddy. Et toi, Joy ?
– Chez moi du…
– Elle vient aussi.
– Et pourquoi au juste ?
– On doit parler.
– Quand je voulais que tu me parles, tu esquivais. Maintenant, je dois
t’écouter ?
– S’il te plaît ?
Joy
– Il m’a quand même niqué ce con, jure James quand le froid entre en
contact avec sa côte.
Je m’assois sur le canapé et saisis son visage pour observer ses plaies.
Ma main me brûle quand je le touche et j’essaye d’ignorer cette sensation.
Je lève les yeux au ciel et regarde Eddy qui nous fixe étrangement.
– Tu as de quoi le soigner ?
– Au premier dans la salle de bains. Je vais chercher la trousse.
– Non, j’y vais ! m’exclamé-je en me relevant et en le dépassant pour
monter à l’étage.
Il me faut quelques secondes loin de James. J’ai besoin de respirer et de
reprendre mes esprits après tout ce qui s’est passé cette dernière heure.
Dans la salle de bains, la trousse se trouve dans le seul placard. Une fois
en main, je redescends. Au milieu de l’escalier, j’entends les garçons parler
à voix basse et je ne peux m’empêcher de faire ma curieuse.
– Mec, soupire Eddy. Joy est une fille superbe, ne la fais pas souffrir
juste parce que tu as peur de retomber amoureux d’elle.
– Je vais me doucher.
Je ne suis pas sûre que ça soit une bonne idée de nous laisser tous les
deux. Je prends une inspiration discrète et, sans le regarder, je m’assois à
côté de James. Je sors le contenu de la trousse pour soigner son visage. Il
n’a vraiment pas été raté, entre l’œil droit au beurre noir, la lèvre ouverte et
la joue gauche égratignée. Je fais couler du désinfectant sur du coton et
m’approche de sa joue sous son regard insistant, que j’évite.
– Quoi ?
Pris sur le fait par Eddy, je lâche un petit cri presque inaudible. James se
relève d’un coup, m’attirant avec lui pour me remettre en position assise.
Nous nous rendons compte qu’Eddy est toujours en haut des escaliers et
qu’il ne peut pas nous voir.
– Oui, oui, c’est bon, on a fini, m’écrié-je bien trop rapidement. Enfin,
j’ai fini de le soigner, je veux dire.
Je ramasse les cotons et range les produits dans la trousse pour éviter son
regard sondeur. Parce que je sais qu’il ne me croit pas. Mais ça me permet
aussi d’éviter le sourire moqueur de James.
Fort heureusement, j’ai des lingettes démaquillantes dans mon sac, mais
ce n’est pas le cas du pyjama. En même temps, je n’aurais jamais imaginé
que cette soirée allait se terminer comme ça. Je pensais dormir chez moi ce
soir.
Tout compte fait, je crois que j’aurais aimé ne jamais savoir. Parce que si
c’est pour que je m’inquiète à chaque fois, maintenant, je n’ai pas fini. Je
n’ai vraiment pas signé pour tout ça en venant ici. Je sais que je n’aurai
aucune réponse à mes questions, si je ne lui demande pas, mais il n’a pas
l’air de vouloir parler. Et comment ça, il ne voulait pas que je sois dans le
public ? Je ne suis pas en sucre. OK, j’ai paniqué tout à l’heure, mais c’était
ma première fois à être dans l’illégalité totale. Qu’est-ce qu’il se serait
passé si les flics nous avaient chopés ? J’aurais été mise illico presto dans
un avion direction Miami. C’est sûr qu’en quelques semaines, ma vie a
complètement changé. Dire que je pensais que la Floride craignait plus que
la Californie. On est loin de la Joy qui restait dans sa chambre, la tête dans
un bouquin.
Le vent fouette mes cheveux lâches, les faisant virevolter autour de mon
visage. Ma chemise légère n’empêche pas le vent de se faufiler à travers,
faisant réveiller les frissons sur mon corps, et pourtant je ne rentre pas. De
toute façon, je n’ai aucune affaire de rechange, et il n’y a aucune pièce que
je pourrais emprunter dans le dressing de la chambre d’amis. Alors, autant
profiter de cette noirceur, pourtant tranquillisante, de ce calme si rare dans
une ville comme celle-ci.
– Qu’est-ce que tu fais toute seule ici ? chuchote James d’une voix douce
et calme contre ma tête.
Il relève mon menton pour que je le regarde dans les yeux. Les siens sont
sérieux, soucieux, tout comme j’entraperçois une lueur de vengeance.
Il fronce les sourcils et penche la tête sur le côté, ce qui me donne envie
d’appuyer ma main sur sa joue.
James soupire, se frotte le front puis laisse retomber ses mains le long de
son corps. Il me fixe dans le blanc des yeux, mais il ne dit rien et rentre
dans la chambre, me laissant en plan sur le balcon. Et je ne le supporte
plus ! J’arrive à me faufiler dans la chambre avant que la porte ne se
referme et il me lance un regard morne.
Je sens alors comme un poids se retirer de mes épaules, mais ce n’est pas
assez pour moi.
– Mais…
– Il n’y a pas de mais. Retourne dans ta chambre, Joy.
– James…
– Putain, tu ne veux pas me laisser tranquille à la fin ? explose-t-il en se
retournant vivement, et il pointe du doigt la porte du balcon. Dégage.
– Non.
– Non ? répète-t-il sèchement avec un sourire mauvais.
– Non, je ne te laisserai pas tranquille. Non, je n’arrêterai pas de savoir
pourquoi tu n’as pas voulu m’en parler, pourquoi tu me repousses, car c’est
mon droit de savoir à partir du moment que je suis celle qui t’a soigné.
– Si tu regrettes de l’avoir fait, il ne fallait pas, claque-t-il en se
retournant pour se déshabiller.
– Pourquoi ? insisté-je.
Il ferme les yeux, baisse la tête, lâche mon poignet et ses bras retombent
le long de ses jambes.
Alors que je me traîne dans mon lit, la porte vitrée s’ouvre en grand sur
James, ses affaires en main. Je détourne le regard pour l’ignorer.
Il ne l’a pas fait au sens propre du terme, mais j’ai comme l’impression
qu’il me plante un couteau dans le cœur.
C’est finalement quand je m’assois sur le lit que je me rends compte que
mon corps a pris la décision pour moi. On dit bien que le cœur a ses raisons
que la raison ignore. Cette question de lettres me turlupine toujours. Il va
falloir que je voie ça avec mes parents. S’il m’a réellement envoyé des
lettres, mes parents doivent être au courant et je commence à croire que si je
n’ai pas eu vent de ces courriers, ils y sont pour quelque chose.
– Sale peste.
– Chochotte.
Je serre mes lèvres entre elles pour me retenir de dire quelque chose
d’insensé à cause de la nervosité, et baisse le regard pour continuer ma
tâche. Mais impossible.
– C’est à moi. Je garde toujours des affaires ici comme chez Caleb.
Tiens, et va te laver, tu pues, dit-il en me poussant dans la salle de bains.
Les serviettes sont dans le placard à côté de la douche.
J’ai le temps de lui tirer la langue avant qu’il ne ferme la porte, que je
m’empresse de fermer à clé.
***
Après m’être douchée, j’enfile son caleçon qui fait deux fois ma taille. Je
suis obligée de le rouler autour de mes hanches pour qu’il tienne. J’enfile
son tee-shirt, qui est bien évidemment lui aussi trop grand. Il m’arrive aux
genoux. Ne pouvant m’en empêcher, j’inspire quand les effluves de son
parfum et de son odeur corporelle m’entourent. Me rendant compte de ce
que je fais, je me traite mentalement de folle à lier puis je sors de la salle de
bains.
James est de nouveau sur le dos. Comme s’il attendait que je sorte, il me
détaille de la tête aux pieds, s’arrêtant sur mes jambes nues.
Mais il ne répond pas. Bon, eh bien si c’est comme ça, je vais dormir
dans la chambre d’Eddy. Je me lève pour sortir de la chambre par la porte
du balcon, mais impossible de l’ouvrir, elle est fermée à clé.
– C’est bon, t’as fini ? Viens dormir, je suis crevé, grogne James en se
mettant assis dans le lit.
Je lève les bras au ciel, mais abandonne. De toute façon, je n’ai pas le
choix.
Il lâche un petit rire et moi je ferme les yeux, décidée à voir le jour se
lever le plus rapidement possible.
Eh merde.
***
Le téléphone tombe par terre dans un vacarme, et je jure tous les gros
mots que je connais.
21
James
– Ce n’était peut-être pas le meilleur réveil, mais t’avoir dans mes bras
dans un lit, c’est déjà un bon début.
– Ne t’y habitue surtout pas, dit-elle avec une grimace. Je voulais juste
regarder l’heure sur mon téléphone.
Je mets fin à mes pensées en soudant nos lèvres. Je ressens comme une
explosion dans mon corps. Le baiser est doux, léger comme une plume. Et
moi je suis terrifié à l’idée qu’elle ne revienne à la raison et m’abandonne à
nouveau si je la brusque trop. Elle lève ses mains et les noue dans ma
nuque, m’attirant vers elle. Je prends ça pour un feu vert. J’approfondis le
baiser en saisissant d’une main son cou. Elle se cambre, nos bassins entrent
en contact et je ne peux m’empêcher de me frotter contre elle. Ses ongles
me griffent la nuque et le haut du dos et, putain, je pourrais vivre comme ça
jusqu’à la fin de l’éternité.
Mais j’ai besoin de plus. Je la veux tout entière. La pression de mon sexe
contre le sien ne me suffit pas. Je veux la toucher, peau contre peau. Je
descends mes doigts vers le bas de son estomac, et au moment où je tente
de faire descendre son sous-vêtement, elle se bloque. Je relève mon regard
vers elle. Je vois le doute s’ancrer dans ses yeux.
– Oui, je regrette. C’était une erreur. Toi et moi, ce n’est pas possible !
Putain.
Joy
Si mon cerveau n’avait pas réagi, j’aurais laissé James aller jusqu’au
bout. Il aurait pu me faire tout ce qu’il voulait dans la chambre d’amis
d’Eddy, ce qui aurait été gênant. Mais surtout, il aurait gagné son pari.
Quand j’arrive dans la cuisine, les garçons sont assis autour de la table.
Eddy sourit en me voyant, tandis que James me fixe, les yeux au-dessus de
sa tasse.
Je m’installe le plus loin possible de lui. Je me sers une tasse de café, que
je m’empresse de boire, pour me donner une contenance et pour me
réveiller.
– Bien dormi ? demande notre ami qui nous regarde à tour de rôle.
– Je vais me préparer. T’as intérêt à être prête quand j’arrive, petite peste,
je n’ai pas que ça à faire de t’attendre.
– Je ne suis pas con, Joy. Tu portes son tee-shirt, et je sais que vous avez
dormi ensemble.
Un raclement de gorge nous fait sursauter, puis nous nous tournons vers
James, les bras croisés à l’entrée de la cuisine.
Quand je rentre dans la maison, c’est calme. Je suppose qu’ils sont déjà
partis travailler et que Veronica doit être dans sa chambre ou bien sortie.
Dans tous les cas, je ne la cherche pas, je n’ai pas envie de parler. Je veux
juste me débarrasser du tee-shirt de James, je ne supporte plus d’avoir son
odeur sur moi.
Alors que j’enfile des sous-vêtements propres, mon portable vibre dans
la poche de mon pantalon, qui est maintenant à terre. Je ne prends même
pas la peine de m’habiller pour lire le message, beaucoup trop pressée de
découvrir si c’est James.
Mon cœur rate un battement quand je vois son nom inscrit sur mon
téléphone. Mes doigts tremblent en déverrouillant l’appareil pour lire ce
qu’il a écrit.
[Non merci.]
– Non. Est-ce que James m’a envoyé des lettres ces dernières années ?
– Maman ?
– Oui, finit-elle par dire après quelques instants.
– Putain… soupiré-je.
Je n’ai pas l’habitude de jurer devant et envers mes parents. Mais là, j’ai
l’impression que tout mon monde s’effondre. Moi qui pensais que James
prenait plaisir à me faire la misère, juste comme ça. Non, c’est moi qui l’ai
blessé en premier, même involontairement.
Je laisse tomber mon téléphone sur mon lit puis pose mes mains sur mon
visage en soupirant longuement. Je ressens tellement de choses en même
temps que j’ai l’impression que mon cerveau va exploser.
J’ai besoin de dormir pour calmer toutes ces pensées. C’est parti pour
une sieste.
23
Joy
Je fais en sorte de ne pas coller mon corps contre le sien pour l’enlacer,
mais il n’est pas de cet avis. Sa main se pose sur le bas de mon dos et il me
plaque contre lui, mes seins contre son torse. Puis il se recule en me lançant
un clin d’œil et j’ai conscience de tous les regards sur nous. Alors je tape
dans mes mains.
– Sors ! m’écrié-je.
Ses yeux longent mon corps, s’arrêtent sur mes mains cachant mes seins
puis le long de mon ventre. Ils s’attardent sur ma partie intime cachée par
ma culotte puis descendent le long de mes jambes, avant de faire le chemin
inverse et revenir sur mon visage. Il ne sort pas. Non, pire, il ferme la porte
derrière lui et reste planté là avec son sourire démoniaque.
Il sort de la pièce, non sans laisser son sac, bien évidemment, et claque la
porte.
***
On arrive devant les locaux de quad et les autres nous regardent, James
et moi, avec des regards alarmés, comme si on était des bombes à
retardement et qu’on allait se sauter à la gorge d’une minute à l’autre.
Si c’est elle qui s’est occupée des réservations, alors je comprends que je
sois avec James. Je croise les bras contre ma poitrine en marmonnant.
Dieu merci, personne ne peut me voir rouler des yeux. Alors que mes
amies enroulent leurs bras autour de leur binôme, moi, je serre juste la
chemise de James dans mes poings tout en regardant autour de moi, mal à
l’aise. Mes yeux s’arrêtent sur Veronica tournée vers nous et je fronce les
sourcils quand je remarque un rictus mauvais qui étire ses lèvres quand elle
observe la distance entre James et moi malgré l’espace exigu. Je n’ai pas le
temps de la questionner silencieusement qu’elle se détourne en enfilant son
casque. Est-ce que je viens de rêver ou Veronica est contente de la
situation ? Non, c’est le soleil qui commence à me taper sur la tête. Elle ne
me ferait pas ça.
Pour Lace et Veronica, c’est simple, elles sont en couple avec leurs mecs.
Pour Bonnie, ça paraît aussi simple, car la barrière d’amitié entre elle et
Eddy est très bien érigée, et ils ne sont attirés ni par l’un ni par l’autre.
Pourquoi ce n’est pas aussi simple pour nous ? Tout simplement parce
que je ne peux pas nier que nous ne pouvons plus être amis comme avant.
Nous sommes maintenant attirés l’un par l’autre. Mes sentiments pour lui
sont réels et nous sommes en froid.
– Putain, tu m’as foutu les jetons, j’ai cru que tu allais valser. Accroche-
toi, maintenant, crie James par-dessus le bruit du quad, et je hoche la tête
contre lui.
Une heure plus tard, nous arrivons en haut de la montagne. Quand les
moteurs s’arrêtent, je lâche enfin ma prise autour de James et recule. Car en
plus de m’être accrochée à son ventre, je l’enserrais de mes cuisses aussi.
Mais c’est parce que j’avais une frousse bleue de tomber !
Il descend du quad et enlève le casque avant de me tendre la main avec
un petit sourire en coin. Je l’attrape et il m’aide à enjamber le véhicule. Une
fois au sol, j’enlève le casque en laissant tomber mes cheveux en cascade
dans mon dos, avant de les secouer pour qu’ils se remettent correctement.
Il met ses mains sur les miennes pour que je me tienne tranquille, ce qui
me fait taire tout de suite, et nous emmène à l’abri des regards derrière un
gros rocher.
Eddy lui tire la langue et j’éclate de rire. Je crois que c’est la première
fois que je rigole sincèrement depuis qu’on est arrivés. Mais très vite, je
sens le regard de James sur moi. Je me calme et hausse les épaules.
– Moi, ça me va.
Pour être honnête, tout me va si c’est pour me vider la tête, pour ne plus
penser à James et à ce que je commence à ressentir pour lui. Et surtout pour
éviter de penser au moment fatidique où on va devoir dormir ensemble.
Plus on rentrera tard, moins on dormira.
On se dirige vers la plage. Les garçons sont derrière nous pendant que
l’on marche devant, avec les filles. J’ai remis la robe que je portais ce matin
et je sens le regard de James dévaler mon dos. En parlant de lui, les filles
me harcèlent depuis qu’on est partis et j’ai craqué, je leur ai parlé du pari.
– Mais c’est n’importe quoi ! s’exclame plus fort Lace et je lui frappe le
bras pour lui faire comprendre de se taire.
– Pardon, mais jamais James ne ferait ça. Il est beaucoup trop
respectueux et il a beaucoup trop souffert avec Laura pour faire un pari
aussi méchant de son côté.
– Et pourtant…
– Comment ça ?
– Le blond de votre groupe. Dès que je suis avec toi, j’ai l’impression
qu’il veut me tuer.
– Un ami.
– Mais…
– Mais c’est compliqué. Deux bières, s’il vous plaît, commandé-je au
barman.
– Si je peux me permettre, il te kiffe grave. Et je crois que toi aussi. Je
n’ai donc aucune chance avec toi.
Quand on retourne près des autres, quelle n’est pas ma surprise quand je
vois une fille inconnue accrochée au bras de James. Je n’entends pas ce
qu’ils se disent, mais elle rigole en tout cas à gorge déployée. Je soupire et
baisse la tête vers mes pieds, refusant de voir quoi que ce soit.
Je mens parce que ça me fait plaisir qu’il repousse la fille sans aucune
délicatesse quand on s’assoit à nouveau.
Joy
Un ange passe. J’écarquille les yeux quand ce que Brenton vient de dire
fait son chemin jusqu’à mon cerveau. Depuis quand Brenton est-il aussi
mauvais ? Je me doute que ça a dû vite se savoir dans le quartier, mais je ne
pensais pas que le copain de ma cousine le savait aussi. En plus d’être
surprise qu’il demande ça comme s’il demandait l’heure, son sourire
suffisant me met mal à l’aise. Et si c’était avec lui que Laura a trompé
James ? Non, je me fais des idées. Il n’aurait pas osé, surtout qu’il sort avec
ma cousine. En vrai, ça ne veut rien dire, mais je ne veux pas y croire. Et
pourtant, maintenant que j’y ai pensé, ça ne veut plus quitter mon esprit. Ça
expliquerait pourquoi il y a toujours eu une tension entre eux. Je tourne la
tête vers James. Sa mâchoire est crispée et il fixe d’un œil mauvais le
copain de ma cousine. Je suis sur la défensive. À tout moment, il peut se
jeter sur Brenton.
– Je m’en occupe.
– Félicitations, hein.
– Quoi ? s’étonne Brenton. Ce n’était pas méchant, je voulais juste
savoir, faire la conversation.
Il s’approche de moi, mais les filles me tirent en arrière pendant que les
garçons se placent entre lui et moi.
– Qu’est-ce que tu comptais faire, là ? rage Eddy. On t’a épargné plus
qu’un poing dans ton visage de merde, mais si tu touches à un seul de ses
cheveux, on ne retiendra pas James cette fois-ci.
– Va le chercher.
– Je m’en fous que Laura m’ait trompé. Je n’ai plus aucun sentiment
pour elle maintenant. Mais à chaque fois, ça me rappelle que les gens que
j’aime n’en ont rien à faire de moi et peuvent me trahir à tout instant…
Il se recule et, au début, je crois qu’il ne veut plus de mon contact, mais
il me surprend en posant sa main sur ma joue.
On ne m’avait jamais rien dit d’aussi beau. Il pose son front contre le
mien.
– Je crois que j’ai perdu le pari, je vais devoir t’acheter une bague.
J’éclate de rire et plaque mes lèvres contre les siennes en tenant son
visage dans mes mains. On soupire tous les deux comme si on attendait ça
depuis des semaines, alors qu’on s’est déjà embrassés plusieurs fois. Je
plaque ma poitrine contre la sienne. Il serre mes fesses dans ses mains et
comme je suis en robe et que je suis à califourchon sur ses cuisses, je sens
son excitation grandir sous moi. À bout de souffle, je me recule et j’ai
presque envie de pleurer quand je vois ses yeux scintiller à nouveau.
Alors que je noue mes bras autour de son cou pour l’embrasser à
nouveau, son téléphone vibre dans sa poche.
– Laisse, souffle-t-il avant de m’embrasser à nouveau, mais il vibre à
nouveau.
Il se lève, m’emportant avec lui. Je lâche un cri et noue mes bras autour
de son cou.
– Rejoins-moi si tu en es capable.
Je regarde autour de moi et, effectivement, il n’y a personne, mais je ne
sais pas. Je pense à ma culotte qui est en dentelle, donc même si je la garde,
il verra tout. Je sais qu’il ne me jugera pas si je ne le fais pas, mais je ne
veux pas passer pour une coincée. En plus, je suis sûre qu’il ne le pensera
jamais, mais j’ai l’impression qu’il veut que je lui prouve que j’ai foi en lui.
Je prends une grande inspiration en posant les doigts sur le bas de ma robe.
Allez, Joy. Si ce n’était pas lui, s’il ne te rendait pas nerveuse, tu aurais
accepté.
– Tu es sublime.
– Je suis désolée de n’être jamais revenue. J’ai discuté avec mes parents.
Tes lettres sont bien arrivées chez moi, cependant, ils me les ont cachées.
– Mais j’aurais pu moi aussi t’écrire ou insister plus pour revenir ici. Je
regrette, terminé-je.
Ses lèvres s’étirent avec son sourire à fossettes qui me fait craquer.
Il fait nuit noire dans la maison quand on rentre. Tout le monde a l’air
d’être au lit. On essaye d’être silencieux, mais on ne connaît pas tellement
encore la maison et nos téléphones n’ont plus de batterie, alors on ne peut
pas utiliser nos torches. Je marche sur une chaussure qui traîne, je lâche un
cri. James me rattrape le bras et nous gloussons.
– Chut !
– C’est toi qui viens de te casser la gueule. Remercie-moi de t’avoir
rattrapée.
– Vous allez vous taire, il y a des personnes qui dorment ! gronde Eddy.
Il ouvre un bras pour me faire comprendre que je dois me lover contre lui
et je ne me fais pas prier. Il referme son bras autour de mes épaules et
j’appuie la tête contre son torse. Son tee-shirt, trop grand pour moi, retombe
sur mon épaule et de ses doigts, il la frôle. Je me retiens de lui sauter
dessus, littéralement.
James
Sa tête est sur mon cœur. J’espère qu’elle dort assez pour ne pas entendre
ô combien il bat vite. Sa main est sur son ventre et elle a une jambe entre
les miennes. Je la tiens comme ça quelques minutes, puis un sourire étire
ses lèvres. Je devine qu’elle est tout aussi réveillée que moi maintenant et je
donnerais tout pour savoir ce qu’elle pense de cette position. Je me rends
compte que je tiens sa nuque de ma main, alors je la lâche et frôle sa bouche
de mes doigts.
Elle glousse, ce qui me fait sourire, et elle relève la tête vers moi.
Je lui lance un sourire en coin et appuie sur son nez de mon index, la
faisant rougir.
– Menteur.
Je ne sais pas ce qu’elle pense, mais elle se laisse faire quand je l’incite à
baisser ses hanches. Son clitoris appuie contre mon sexe dur. Le choc lui
fait écarquiller les yeux et elle gémit au moment où mes lèvres se posent sur
les siennes.
Je nous retourne et, dans cette position, je m’appuie encore plus fort
contre son sexe, la faisant gémir plus fort. J’avale ses petits cris dans mes
baisers. Elle veut me toucher, mais je plaque ses mains au-dessus de sa tête.
Sa poitrine se soulève pour se coller à la mienne. Je sens ses tétons durs à
travers son tee-shirt. Elle en a autant envie que moi, elle ne pourra pas me
dire le contraire.
– J’en ai envie.
– Tu ne vas pas fuir aujourd’hui ?
Elle me frappe sur la tête, ce qui me fait rire, puis je saisis un de ses seins
dans ma paume. Elle gémit en se cambrant contre moi.
On sursaute, je retombe sur le lit à côté de Joy et elle redescend son tee-
shirt sur son corps.
Eddy sourit comme un con, sachant très bien ce qu’il a interrompu. Joy
rougit d’embarras et me lance un regard pendant que je replace mon sexe
dans mon caleçon parce que putain, ça fait mal, là.
Je saisis son visage à deux mains et plaque mes lèvres sur les siennes
rapidement, pour un baiser chaste.
– Je n’en ai pas fini avec toi. Mais en attendant, j’ai besoin d’une bonne
douche froide sinon je vais boiter.
Joy
J’acquiesce d’un signe de la tête et elle tape dans ses mains, tout excitée.
Je la questionne du regard.
J’écarquille les yeux, maintenant nerveuse à l’idée que je me sois fait des
films.
***
– Salut cousine !
Eddy, qui ne l’avait pas vue, lève un sourcil puis perd son sourire quand
il voit Brenton.
– Tu me rends fou.
– Je sais, gloussé-je, fière de moi, et il secoue la tête avec un petit
sourire.
Une heure plus tard, c’est maintenant un groupe de rock qui fait le show.
J’en suis déjà à mon deuxième verre et je ne sais pas pourquoi, je
commence à me sentir planer. Les artistes savent faire le show et nous
entraînent avec eux, surtout le batteur qui me met presque en transe. J’ai de
plus en plus chaud et je sens la sueur couler dans ma nuque. Je me tourne
dans les bras de James. Il me questionne du regard quand je noue mes bras
autour de sa nuque. Ses yeux descendent sur ma poitrine et je me rends
compte que je porte du blanc et qu’avec la transpiration, mon top est bien
plus transparent, laissant apparaître mon soutien-gorge noir en dentelle. Son
regard s’assombrit de désir et ses doigts se resserrent sur mes hanches.
– De plaisir, oui.
– Moi aussi, Joy. Moi aussi. Mais ce n’est pas le moment, là.
– Ah bon ? le questionné-je en souriant malicieusement.
J’ouvre le bouton de son jean et passe la main dans son caleçon, mais
contre toute attente, il saisit ma main avant qu’elle ne touche la peau nue de
son sexe, la ressort et la tient dans la sienne tout en me lançant un regard
interrogateur. Je pensais qu’il aimerait ça. Pourquoi il me regarde en
fronçant les sourcils ?
J’éclate de rire en laissant tomber ma tête sur son épaule. Je sens ma tête
me tourner de plus en plus, en même temps qu’il referme son jean.
– Joy ! crie James d’une voix paniquée en même temps qu’il tente de me
relever.
– Qu’est-ce qu’elle a ? demande une voix féminine que je ne reconnais
pas.
– J’en sais rien, putain ! Elle allait bien et d’un coup elle a agi
bizarrement.
– Elle s’est évanouie ? demande une seconde voix féminine.
– Je vais la ramener chez elle, répond James en me prenant dans ses bras.
– Je dois y aller de toute façon, annonce une voix masculine. Je peux la
ramener et tu peux continuer à profiter du festival.
– Si tu crois que je vais te la laisser, tu te mets le doigt dans le cul,
Brenton. Je m’occupe d’elle.
– Je veux dormir.
– On est bientôt à la maison, mon ange. Reste avec moi.
Je tends une main vers lui quand il sort de la voiture, mais elle retombe
mollement à côté de moi. Ma tête tombe sur le côté et mes yeux se ferment,
me laissant dans un trou noir.
27
Joy
Le dernier souvenir que j’ai, c’est le groupe de rock montant sur scène.
Après, je suis incapable de me souvenir de quoi que ce soit. Est-ce que je
suis dans la chambre d’un inconnu ? Non, impossible. Pourtant, je suis
seule dans ce lit, dans cette pièce que je ne reconnais pas. Même si je ne
vois rien, je lève la couette et souffle presque de soulagement quand je
remarque que je porte un long tee-shirt. J’amène le col à mon nez. Je
crierais presque de joie en sentant l’odeur de James. Est-ce que je suis dans
sa chambre ?
J’ai l’impression de ne pas avoir parlé pendant des jours. James me fait
signe de me taire et me tend un verre d’eau qui était posé sur la table de
nuit.
Quand le liquide coule dans ma gorge, c’est comme si j’avais passé trois
semaines dans le désert sans boire. Il reprend le verre quand j’ai terminé. Je
lui lance un regard incrédule.
– James…
– Tu as été droguée.
James se pince les lèvres et m’attire dans ses bras tout en me berçant.
– Si. Du GHB.
– GHB, répété-je contre son torse en réalisant ce que signifie cette
drogue.
La drogue du violeur. Est-ce que j’ai été… Non, je ne veux même pas
l’imaginer. Comme si James lisait dans mes pensées, il redresse ma tête et
plante son regard dans le mien.
Je me recule et plante mon regard dans le sien, parce que je veux voir
son regard pour ma prochaine question. Je veux être sûre qu’il me dise la
vérité.
– Est-ce qu’on sait qui m’a fait ça ?
Ses épaules se tendent et je vois qu’il essaye de garder son calme même
si ses doigts me serrent plus fort.
– James ?
Il s’assoit à nouveau sur le lit. Il m’attire dans ses bras et me serre si fort
que j’ai l’impression qu’il a peur que je m’envole.
Il soupire et saisit mon menton entre ses doigts pour maintenir mon
regard.
Ah… oui, quand même. Il n’avait pas tort en me disant que je n’avais
pas été pudique et je comprends maintenant pourquoi il a tout de suite
compris que quelque chose se tramait. Même si je n’ai aucun souvenir,
j’imagine très bien la scène et je me sens rougir. Je glousse et plaque mes
mains contre mon visage puis j’éclate de rire.
James saisit mes mains et me force à lâcher mon visage. Je le laisse faire,
mais je n’ose même plus le regarder maintenant. Je sens son regard brûlant
sur moi, alors j’ose lever un œil et je sens mon cœur se déchaîner quand il
me sert son sourire à fossettes qui me fait craquer.
– Je ne pense pas…
– J’ai envie de toi, James, depuis des semaines. Fais-moi oublier hier, s’il
te plaît.
– Putain, jure-t-il, et il saisit à nouveau mon visage à pleines mains pour
me donner un baiser sauvage tout en me retournant pour que je me retrouve
sous lui.
– J’adore t’entendre crier, mais ma tante et mon frère sont toujours là.
– T’es magnifique.
– Putain.
– Tu veux me tuer.
Son doigt s’assure que je sois toujours prête pour lui, puis il saisit son
sexe et fait une pression contre mon entrée.
– Bordel.
– Continue, ça fait juste longtemps.
Sa main remonte sur mes hanches, câline mes seins puis ma joue en
même temps que son front frôle le mien. Il ferme les yeux puis les rouvre et
reprend ses mouvements. Nous gémissons à l’unisson quand il arrive au
fond de mon intimité.
– Tu m’as tué, chuchote-t-il contre mes lèvres. Mais j’ai tellement encore
envie de toi. Je ne serai jamais rassasié de toi.
28
James
Je sais qui l’a droguée. J’avais des doutes, mais maintenant, je n’en ai
plus aucun. C’est Brenton qui l’a fait, je l’ai vu lui tendre la bière au
concert. Sur le coup, je n’en ai rien pensé si ce n’est que je n’ai pas aimé
qu’il l’approche et qu’il soit là. Mais après, ça a fait sens. Si bien que je ne
perds pas un instant après avoir déposé Joy chez elle. J’ai conscience que
j’aurais dû rester avec elle, et je sens que je vais le regretter, mais je ne peux
pas laisser faire Brenton. J’arrive dans un dérapage devant chez lui au
moment où il sort de sa baraque. Merci univers, de me faciliter la tâche. Il
sursaute quand je claque la portière de ma bagnole, mais il se reprend et me
lance un rictus.
Mais je ne le laisse pas entrer bien loin avant de lui asséner un coup dans
les côtes et de le plaquer contre le mur, un bras sur sa gorge.
Bon, alors là, je ne m’y attendais pas, je l’avoue. Pour être honnête, je
m’en fous que ça soit avec lui que Laura m’a trompé. Je suis passé au-
dessus. Laura, OK. Mais pourquoi s’en prend-il à Joy maintenant ? C’est
cette donnée de l’histoire que je ne peux accepter.
– Salut demi-frère. Ça, c’est pour ma mère que notre père a trompée avec
la tienne.
Je le vois diriger son couteau vers ma côte mais je retiens son bras.
***
– Putain, mais qu’est-ce qui t’est arrivé ? s'exclame Eddy en accourant
quand je me gare devant chez lui.
Je ne veux pas qu’elle me voie comme ça. Et je ne veux pas lui dire pour
Brenton, je dois encore comprendre tout ça. Je repense à tout ce qu’il m’a
dit. Dire que je ne suis pas surpris serait mentir. Je suis sur le cul. Sa
dernière phrase me revient en tête. Veronica. Elle se sera bien foutue de
nous. Mais comment puis-je être sûr de ses propos à cent pour cent ? Je ne
peux pas le dire à Joy. Après, je ne pense pas que sa cousine osera lui faire
du mal. Elle a sans aucun doute aidé Brenton en lui parlant de moi, mais
elle n’irait pas jusqu’à blesser sa cousine. J’espère en tout cas. Il faut que je
tienne Joy éloignée de ce fou, de moi aussi. Il sait qu’il peut m’atteindre à
travers elle. Je refuse qu’elle souffre encore plus à cause de moi.
Et mon père, s’il dit vrai… Je percute seulement. J’ai passé des années à
vouloir nous venger. J’ai souhaité le cogner un nombre incalculable de fois,
mais jamais je n’aurais souhaité qu’il… Je n’ai pas les larmes qui me
montent aux yeux – j’ai assez pleuré en cachette à cause de lui – et pourtant
j’ai l’impression qu’on m’arrache à nouveau le cœur. Comment vais-je le
dire à Nathan ? C’est impossible. Je ne peux pas lui faire ça !
– James ?
Au son de sa voix, je me retourne vers Eddy. Je ne sais pas ce qu’il
semble lire en moi, mais il me prend dans ses bras et alors que je ne pensais
pas pleurer, je craque à son contact et lui raconte tout entre plusieurs
reniflements.
***
– T’es pas sérieuse ? m’écrié-je en claquant la porte après que l’on rentre
chez nous, ignorant la douleur qui émane de mon ventre.
Elle s’assoit lourdement sur le canapé en passant les mains sur son
visage pendant que je reprends ma respiration en la fixant.
– Me dire quoi ?
– Rien, ne… commence-t-elle, mais je la coupe.
– Dis-lui ou je le fais. Il est assez grand maintenant. Arrête de lui mentir
pour le protéger. Il doit savoir.
***
Après ça, alors que pourtant j’aurais tout donné pour être allongé dans
mon lit, j’ai dû passer la soirée à réconforter mon petit frère. Une fois qu’il
a arrêté de pleurer, il s’est endormi. Je l’ai veillé quelques instants puis je
suis redescendu dans la cuisine pour avaler un truc parce que je crevais la
dalle.
Alors que je suis toujours assis autour de l’îlot central, j’entends les pas
de ma tante qui s’approche doucement de moi. Je ne la regarde pas, mais ça
ne l’empêche pas d’enrouler ses bras autour de moi pour me serrer contre
elle. Je me mords la lèvre quand j’entends ses pleurs étouffés contre mon
tee-shirt. Je suis en colère contre elle, mais l’adrénaline redescendue, je ne
supporte pas de la voir pleurer. Je me retourne sur le tabouret et la tiens
maintenant contre mon torse.
– C’est moi qui suis désolée. Jamais je n’aurais dû te cacher ça. Je ne l’ai
pas appris tout de suite. Tu sais bien qu’on n’achète jamais le journal et ton
père n’a pas été admis dans mon hôpital. J’ai appris son décès par le notaire
au moment où Joy est arrivée. Je t’ai vu changer auprès d’elle. Tu étais plus
heureux, je ne voulais pas gâcher ça.
– Le notaire ? Brenton m’a dit qu’il avait changé d’identité.
– Les flics ont enquêté quand ils se sont rendu compte que ton père avait
toujours une photo de ta mère sur lui dans son portefeuille. Chez lui, il y
avait aussi son ancienne carte d’identité. Après ça, ça a été facile de
remonter jusqu’à moi, et donc vous. Le notaire m’a donc appelée pour me
prévenir que toi et Nathan alliez percevoir un héritage. Je l’ai placé à la
banque jusqu’à votre majorité.
– Et Brenton ?
– Il ne l’a jamais reconnu comme son fils, il n’a donc aucun héritage.
Joy
Je n’ai aucune idée de ce que j’ai fait. Ça fait deux jours que je suis sans
nouvelles de James. La dernière fois que je l’ai vu, c’est quand il m’a
ramenée chez moi après que nous avons fait l’amour. Et depuis, nada.
Silence radio.
Je ne suis pas du genre à tout de suite penser que j’ai fait quelque chose
de mal. Mais là, c’est particulier. J’ai été droguée, on a couché pour la
première fois ensemble. Et finalement, c’est comme si c’était ma première
fois, car le premier garçon avec qui j’ai couché ne m’a pas fait ressentir
toutes ces émotions et ces sensations.
Sinon, pourquoi est-ce qu’il n’a plus donné de nouvelles depuis que j’ai
couché avec lui ?
Voilà les questions que je n’arrête pas de me poser ces deux derniers
jours. Je tourne en rond comme un lion en cage chez moi. Même la bande,
je ne l’ai pas vue depuis le festival. Est-ce que j’ai dit quelque chose qu’il
ne fallait pas quand j’étais droguée et que James a fait en sorte de ne pas me
le dire ? Pour la énième fois, j’allume mon téléphone avec l’espoir d’y
trouver un message, mais rien. Aucune notification. Si j’étais vraiment nulle
au pieu, il n’aurait pas eu l’orgasme qu’il a eu, n’est-ce pas ? Ou alors il a
fait semblant ? Je me prends la tête dans les mains, soupire longuement et
me lève. Il faut que je sorte de ma chambre, sinon je vais péter un plomb. Je
compte aller me balader, mais je tombe sur Veronica dans le couloir. Il faut
que j’en parle à quelqu’un.
Mouais…
Je ne sais pas, ça me paraît quand même bizarre. Qu’elle n’ait pas voulu
les inquiéter, je comprends. Mais s’il m’était arrivé quelque chose de plus
grave, je pense qu’ils l’auraient mal pris et je n’ose même pas imaginer la
réaction de mes parents. Mais passons.
– Il m’ignore.
– Il t’ignore ? répète-t-elle en fronçant les sourcils et en croisant les bras
contre sa poitrine.
– Oui, roulé-je des yeux, ne voulant pas me répéter.
– Joy… soupire ma cousine. Est-ce que tu peux un peu plus détailler, s’il
te plaît ?
Elle s’assoit à mes côtés et saisit mes mains dans les siennes.
Je me tais, ne sachant pas si c’est une bonne idée ou non de lui poser la
question. Elle presse ma main, m’incitant à continuer.
***
Quand nous entrons avec Lace dans l’accueil du Laser Game, nos amis
accourent vers nous.
Je soupire. J’en ai marre de me poser des questions, mais déjà nos amis
entrent dans la salle et il me tire après lui.
Ça fait deux minutes que nous sommes tous entrés. Avec les filles, nous
restons collées comme des pingouins sur leur banquise, en alerte, à écouter
le moindre bruit pour deviner où se trouvent les garçons. On a décidé de
faire une équipe féminine et une équipe masculine. Je suis devant, ouvrant
le chemin, mais je ne vois pas une marche. Je chute en avant, entraînant les
filles avec moi qui me tombent une à une sur le dos. On explose de rire.
– Tuons-les !
– C’était pour m’avoir ignorée pendant deux jours après avoir couché
avec moi, salopard.
Néanmoins, à peine une minute plus tard, je n’entends plus aucun bruit
de pas. Je me retourne et le cherche en me fiant à mon ouïe. Pensant qu’il
m’a perdue en cours de route, je reprends ma course. Sauf que mon corps
bute contre un autre, ma tête se plaque contre un torse dur et je lâche un cri
sous le choc. Deux mains se posent sur mes hanches pour me stabiliser. Je
reconnais le parfum de James et tout de suite mon corps réagit à sa
présence. Il m’a manqué, j’ai envie de lui et ça m’énerve de ressentir ça
alors que je devrais être énervée après lui pour m’avoir ignorée. Mais je ne
contrôle pas mon corps, ce traître.
– Je suis trop dégoûtée qu’on ait perdu, grommelle Bonnie quand on sort
du Laser Game après vingt minutes.
– C’est rien, on prendra notre revanche la prochaine fois, la réconforté-
je.
Alors qu’il se gare devant chez moi, je cherche mes clés partout dans ma
poche, mais je ne les trouve pas. Le karma n’est vraiment pas de mon côté
aujourd’hui.
Je sens que James tourne vivement la tête vers moi et son regard brûle
mon profil.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– J’ai perdu les clés de la maison, sûrement en tombant tout à l’heure.
Veronica voit Brenton, Cat’ et Steve dorment sûrement.
– Tu es tombée ? demande-t-il, inquiet.
– Oui, j’ai raté la seule marche du parcours, dis-je dans un rire, épuisée
de moi-même et de ma maladresse avec tout ce qui ressemble à des
escaliers.
Je jure que j’ai une poisse phénoménale avec ces derniers, toujours à
tomber dedans.
– James… soufflé-je. Je ne pense pas que cela soit une bonne idée de
débarquer chez toi à l’improviste en pleine soirée alors que ta tante n’est
pas au courant.
– Crois-moi, elle n’attend que ça que tu reviennes, dit-il en posant sa
main sur ma cuisse. En plus, elle t’adore.
– Bon… je crois que je n’ai pas le choix, lancé-je en haussant les
épaules.
Joy
– Tous les jours, elle me manque, chuchote-t-il en glissant son doigt sur
le visage de sa mère.
Il ne dit rien alors je me demande si je l’ai blessé quand, d’un coup, ses
doigts s’enfoncent dans mes côtes, me faisant éclater de rire. Je me tortille
pour m’échapper de sa poigne, mais il me soulève dans ses bras et me
balance sur son lit. Je rebondis et manque de m’étrangler quand ses
chatouilles reprennent.
– Et toi, une petite rousse qui me forçait à jouer aux poupées et qui me
faisait déjà fondre. Maintenant, tu me fais bander.
Je souris et profite du fait qu’il relâche mes mains pour attraper son
visage.
– Oh, crois-moi, j’ai envie de toi, dit-il en pointant son jean, et je rougis.
Mais je sais qu’on doit parler.
Il me fixe quelques instants puis son regard dérive vers le plafond et ses
lèvres se plissent.
Je m’assois à califourchon sur lui. J’aime bien que ses mains se posent
tout de suite sur mon corps.
Je me tais, sens mes joues rougir parce que j’ai un peu honte de ce que je
vais dire. Ses yeux me fixent alors je baisse le regard et joue avec mes
doigts.
J’ose lever un œil vers lui et l’incompréhension que je lis sur son visage
me fait comprendre que je me suis inquiétée pour rien. J’ai encore plus
honte et je voudrais qu’un trou m’aspire.
– Pour ça. Ça me faisait tellement mal que j’ai dû rester au lit deux jours
pour éviter que la plaie se rouvre. Je ne voulais pas te le dire pour pas que
tu t’inquiètes. Mais la bande, qui ne supportait pas de te le cacher, surtout
les filles, m’a poussé à venir ce soir et à te le dire.
– Comment… Enfin, qui t’a fait ça ? bégayé-je, toujours choquée par ce
que je vois.
– Un mec qui ne l’a pas joué réglo à mon dernier combat.
– Pourquoi ? asséné-je.
– Je ne supportais pas qu’on t’ait droguée, il fallait que je me calme.
– Que tu te calmes ? m’exclamé-je en riant sèchement. Alors j’ai raison,
j’étais si nulle au lit que je ne t’ai pas détendu.
– Mais ça n’a rien à voir ! s’écrie-t-il en se mettant debout lui aussi.
Putain, j’ai tellement aimé faire l’amour avec toi. Je ne pense qu’à ça
depuis. J’avais juste besoin de te venger.
– Mais on ne sait même pas qui m’a fait ça ! crié-je calmement en
pointant la fenêtre du doigt pour mentionner le festival. Tu ne peux pas te
venger sur n’importe qui parce que quelqu’un m’a fait du mal.
Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’il me serre dans ses bras, la tête
dans mon cou, nos corps fusionnant complètement ensemble. Aucun
millimètre ne nous sépare.
Argh, je n’ai jamais été aussi déçue de toute ma vie. Mais ses mains sur
mon corps qui passent le savon sont quand même de bons préliminaires. Je
suis toute chose quand on retourne dans la chambre. Quand il sort une
capote du tiroir de sa table de nuit, je ne peux pas attendre plus longtemps.
Je le pousse, il tombe en arrière sur le lit et je le chevauche à nouveau en
arrachant l’étui en papier de ses mains.
***
– Je dormais.
Il sourit, fier de lui, retire ses doigts et me retourne d’un coup sur le
ventre.
– Prends-moi.
Je ne dis que ça qu’il agrippe mes hanches, soulève mes fesses et me
pénètre d’un grand coup par-derrière. Mes bras me lâchent, j’enfonce la tête
dans mon oreiller pour étouffer mon gémissement. C’est si indécent, mais
tellement bon. Il lâche une de mes hanches pour poser une main à côté de
ma tête. Il se rapproche de moi sans m’écraser, son torse au-dessus de mon
dos, sa langue dans mon cou, autour de mon oreille, dans mon oreille, ses
coups de boutoir en moi. Il est partout. Je suis imprégnée de lui. On ne fait
qu’un et j’aime tellement. Non, c’est plus que ça. J’adore, je vénère ce
moment.
– Putain, Joy, halète-t-il dans mon oreille. T’es si parfaite pour moi, tu
me rends dingue. Tu vas me tuer.
– James, je vais…
– Non, pas tout de suite.
Je dois me lever pour aller à la salle de bains. C’est moins sexy, mais je
dois faire pipi et un peu m’isoler après la découverte de mes sentiments. Il
me retient d’une main sur mon ventre. James me retourne vers lui. Son
regard a quelque chose de particulier. Un regard qu’il ne m’avait encore
jamais adressé. J’ai l’impression qu’il me dit qu’il m’aime moi aussi grâce à
ses yeux, sans me le dire de vive voix. Je lui souris et, sur la pointe des
pieds, dépose mes lèvres sur les siennes avant d’aller m’enfermer dans la
salle de bains afin de le rejoindre le plus vite possible.
***
Il lève la tête, remarque que je suis réveillée, mais ne dit rien et reprend
son dessin. Je me lève pour le rejoindre. Je me colle contre son dos, ma
nudité ne me gênant plus après tout ce que l’on a fait, et passe mes bras
autour de son cou. Je pensais qu’il cacherait ce qu’il est en train de dessiner,
mais il continue même en sachant que je regarde. Et ce que je vois me
surprend. J’étais au courant qu’il dessinait, mais je ne pensais pas qu’il était
aussi talentueux. La version de moi endormie est magnifique. Chaque détail
y est, même mes taches de rousseur sur mon nez. Est-ce qu’il les a
comptées ?
– Je n’ai pas des fesses aussi bombées, pouffé-je. Je suis sûre que tu
m’améliores.
– Non, lance-t-il d’un ton sérieux, toujours concentré sur son dessin.
C’est comme ça que je te vois.
Joy
– Pourquoi ?
– Mon père m’a toujours dit que ce n’étaient pas des vrais métiers. Il
voulait que je reprenne l’entreprise familiale dans l’informatique.
– Ton père n’a plus son mot à dire sur toi et sur ta vie, James. Fais ce que
tu aimes.
– Hmm… Et toi ? C’est quoi déjà ce que tu vas étudier à UCLA ? Je n’ai
pas écouté la dernière fois.
– Marketing. Pour faire quoi, je ne sais pas encore. Mais tu ne devrais
pas déjà être à l’université, toi ? Pourquoi tu viens de seulement finir le
lycée ?
– J’ai redoublé quand ma mère est partie.
– Oh… fais-je, honteuse de l’avoir fait repenser à ça.
– Je ne veux pas que tu viennes pour moi. Je veux que tu fasses quelque
chose qui te plaise. S’il te plaît, renseigne-toi pour être tatoueur ou
graphiste.
James soupire, se frotte le visage puis ancre son regard dans le mien.
– OK.
Je secoue la tête dans son cou, beaucoup trop bien installée pour parler.
Je ne peux retenir mon sourire de grandir sur mes lèvres. Je sautille déjà
de joie intérieurement.
Il relève les yeux vers moi et son sourire de petit garçon illumine son
visage.
– C’est vrai ?
– Où ça ?
– Tu verras. Allez, bouge ton cul de dingue qu’on se lève.
J’éclate de rire quand il me fait tomber sur mon côté du lit. Mais je me
tais quand il se redresse et étire ses muscles, sûrement endoloris à cause de
moi, puis il se lève dans sa tenue d’Adam. Je sais qu’on n’a plus rien à se
cacher, mais je me demande quand même à partir de quel moment on est
devenus aussi à l’aise. Ça me ferait presque flipper. Il s’approche de sa
commode et je me mords la lèvre en regardant ses fesses nues. Il cherche
des trucs puis il se retourne, me prenant en flagrant délit de reluquage.
***
Je me tourne à nouveau vers James pour voir s’il va lui répondre, cette
fois. N’empêche que j’aimerais bien connaître les écoles qui l’ont approché.
Je me demande qui est cet homme qui captive tout de suite le petit frère
de James, lui donnant des étoiles dans les yeux.
– Je peux venir ?
– Nathan, gronde Elizabeth. C’est entre James et sa copine.
Il lui fait des yeux suppliants et sa tante soupire en nous lançant des
regards en coin.
Nathan tourne la tête vers nous. Il regarde en premier son grand frère,
qui l’ignore délibérément. Il n’abandonne pas et il me regarde à mon tour
avec un regard de chien battu. Je comprends pourquoi James l’ignore, parce
que s’il le regarde, il va accepter et c’est censé être notre journée à tous les
deux.
– Tu sais, si tu craques à chaque fois que mon petit frère te fait les yeux
doux, tu n’as pas fini. Il va en profiter.
Il pose ses mains sur mes hanches et m’attire contre son torse.
– Je sais, dis-je en riant. Mais je n’ai pas pu lui dire non. Tu ne m’as pas
aidée non plus. Tu ne m’en veux pas ? Je sais que tu voulais que ça ne soit
rien que nous deux aujourd’hui.
James éclate de rire et lève mon menton pour que je le regarde. Il dépose
ses lèvres sur les miennes pour un baiser bref, mais qui me laisse tout de
même dans tous mes états.
Oh, merde, ce gosse va me faire fondre s’il continue. James, sachant très
bien ce que je ressens, sourit en sortant la voiture de l’allée et en prenant la
direction de chez moi.
Vu que je n’ai plus mes clés, je dois sonner. C’est Veronica qui nous
ouvre la porte. Ses yeux s’écarquillent quand elle aperçoit James derrière
moi. Elle se pousse pour nous laisser entrer. Je surprends son coup d’œil
insistant sur la main de James dans le bas de mon dos. J’ai l’impression
qu’elle n’aime pas forcément que mon copain soit aussi tactile vu ses lèvres
pincées. Je me racle la gorge. Elle sursaute avant de me lancer un grand
sourire en levant un pouce en l’air, puis elle sort de la pièce presque au pas
de course. Qu’est-ce qui vient de se passer ? Je pousse un long soupir et
entre enfin dans la cuisine, où Steve lit son journal tandis que Catherine est
déjà en train de cuisiner. Peut-être que ma cousine se sent délaissée par
Brenton ? Et si Steve avait raison à son propos ? Bon, j’y penserai plus tard.
***
– James, Nathan ! Mes garçons, ça fait longtemps que vous n’êtes pas
venus.
Il leur fait une accolade qui dure plus longtemps que la normale. Mais
James tient toujours ma main dans la sienne, ce qui m’empêche de
m’écarter.
– C’est la première fois que tu viens ici avec une jeune demoiselle,
constate-t-il avant de m’adresser un grand sourire. La copine, je présume ?
James me laisse répondre et j’avoue que ça me fait plaisir. Je fais une
pression sur sa main pour le remercier.
– La même voiture ?
– Ouais, comme toujours, sourit James en posant son bras sur mes
épaules pour m’attirer à lui. Rajoute juste un casque et une combi en plus
pour elle.
– Bien sûr !
– Tu es prête ?
– Et Nathan ? demandé-je, inquiète de ne plus le voir.
James pointe son doigt vers un circuit plus court où plusieurs enfants
attendent leur tour.
Une fois qu’il s’assure que je tiens sur mes jambes, il défait la bride de
mon casque et me l’enlève avant de le déposer sur le toit de la voiture. Puis
il fait de même avec le sien.
– Tu vois, je te l’avais dit qu’il allait y avoir des voitures de chaque côté
de la tienne.
– Bon, j’avoue, tu avais raison.
– J’ai toujours raison, le nargué-je avec un sourire malicieux.
– Mais oui, c’est ça, répond-il sans grande conviction en faisant démarrer
le moteur. On va manger en ville ?
Après avoir garé la voiture dans le parking d’un centre commercial, nous
arpentons les rues main dans la main à la recherche d’un restaurant.
Joy
Je fronce les sourcils et croise les bras tout en observant son profil
pendant qu’il conduit. Depuis quand Veronica le dérange ? C’est la
première fois qu’il me fait une remarque comme ça. Surtout qu’il a passé un
week-end avec elle. Écourté, certes, mais quand même.
Mais je ne me laisse pas démonter. Je sens que son excuse est vraie, mais
je sais qu’il ne me dit pas tout. Alors, autant prendre le taureau par les
cornes comme on dit. Je saisis mon téléphone dans mon sac à main, mais
avant que je ne puisse taper quoi que ce soit, il assène :
– Ouais, t’as raison, je ne veux pas passer la soirée avec toi. C’est clair,
comme ça ?
– James ! s’exclame Nathan à l’arrière pendant que je rigole froidement.
S’il croit qu’il va me blesser avec ça, il se met le doigt dans l’œil. Parce
que je sais très bien ce qu’il fait. Il essaye de me repousser pour ne pas que
je trouve la vraie raison. Donc je mets mon plan à exécution et je demande
à Cat’ s’il peut venir à la maison ce soir. Je souris malicieusement quand je
reçois sa réponse. Alors sans le regarder, je l’informe :
Après avoir déposé Nathan chez lui, il se gare dans l’allée de ma maison
familiale. Je le sens me dévisager pendant que je récupère mes affaires. Je
m’apprête à sortir de la voiture, mais il me retient en attrapant mon poignet
entre ses doigts. Je jette un œil sur lui et il me fait le même regard de chien
battu que son frère. Je sais maintenant de qui il le tient.
Nous rentrons chez moi et il est tout de suite pris à part par Steve pour
parler du dernier match de hockey. Pendant ce temps, je rejoins Cat’ pour
l’aider à terminer de cuisiner, puis nous passons à table.
***
Quand j’arrive dans le salon, je vois que la porte vitrée de la terrasse est
entrouverte. Bizarre… Le soir, si personne n’est sur la terrasse, elle est
toujours fermée à clé. Je la pousse légèrement, mets un pied sur la terrasse,
m’avance et mon sang se glace quand je découvre ce qui se passe devant
mes yeux.
Peut-être qu’il avait envie de piquer une tête, mais il est habillé de la tête
aux pieds.
La troisième chose, qui me fait froncer les sourcils, c’est Veronica devant
lui. En nuisette !
Je n’ai pas le temps de réagir que James la repousse déjà, sauf qu’il la
pousse un peu trop fort et elle tombe dans la piscine. Elle remonte à la
surface en prenant une grande inspiration et repousse ses cheveux mouillés
en arrière. C’est à ce moment-là que son regard croise le mien. Elle ne
semble même pas horrifiée ou même un minimum désolée.
Elle regarde ses pieds, mal à l’aise. J’ai l’impression de voir une
inconnue devant moi. Est-ce qu’elle a joué avec moi pendant tout ce
temps ? Est-ce qu’elle a joué le rôle de la gentille cousine, alors qu’elle m’a
toujours détestée ? Pour que je ne me méfie pas d’elle ? Est-ce qu’elle était
intéressée par James tout ce temps ? Moi qui pensais me faire des idées…
J’aurais dû écouter mon intuition.
Je remonte dans ma chambre pour enfiler quelque chose d’autre que mon
pyjama, James sur mes pas. Je sens qu’il observe chacun de mes gestes,
mais je suis comme en pilote automatique. Je n’ai qu’une envie : partir d’ici
et m’éloigner le plus possible de Veronica. Alors que je fourre des affaires
de rechange pour demain dans un sac et que je le ferme à toute allure, je
sens les mains de James sur mes hanches.
– Joy…
– Quoi ?
Je m’en veux sur-le-champ d’avoir été agressive avec lui. Je ferme les
yeux, prends une grande inspiration pour me calmer et me retourne pour lui
faire face.
– Pardon.
– Ne t’excuse pas, me sourit-il doucement. Comment tu vas ?
– Je me sentirai mieux quand on sera chez toi. Tu avais raison, je
n’aurais jamais dû insister pour que tu viennes ici ce soir.
– Eh, dit-il en levant mon visage pour que je le regarde. Ne culpabilise
pas, ce n’est en rien de ta faute.
Il acquiesce d’un signe de la tête et je vois qu’il est déçu que je ne dise
rien de plus, mais pour l’instant, j’en suis incapable. Alors je sors de ma
chambre et il me suit comme mon ombre.
***
James se gare en silence devant chez lui. J’ai gardé la tête haute tant que
l’on pouvait croiser Veronica. Je refuse de lui montrer qu’elle a pu
m’affecter d’une quelconque manière. Mais maintenant que je suis seule
avec James, mes larmes menacent de couler et c’est avec une boule dans la
gorge, en tripotant mes doigts, que je demande à James :
– Pourquoi tu ne me l’as pas dit ?
Et tout d’un coup, je réalise. La dernière fois, il ne s’est pas battu sur le
ring, il est allé voir Brenton. C’est Brenton qui l’a tailladé ! J’écarquille les
yeux et tourne la tête vers lui. Il m’observe puis je vois qu’il comprend.
Il soupire, passe une main dans ses cheveux et tire sur les extrémités de
ses cheveux, nerveusement.
Les larmes coulent sur mes joues tandis que je sors de la voiture pour ne
pas qu’il me voie comme ça. Je claque la portière et m’éloigne sur le
trottoir. J’entends sa portière claquer aussi et il crie mon nom, mais je
l’ignore. J’entends ses pas me courir après. Bientôt, il se place devant moi
pour me stopper.
– Putain, qu’est-ce que tu fous ?
– Joy, parle-moi !
– Je ne peux pas… avoué-je entre deux sanglots.
Je redresse la tête contre son torse, il m’observe. Je vois dans son regard
le reflet de ma tristesse ainsi que ses remords et ses inquiétudes. Il penche la
tête, me donne un doux baiser puis se recule en me souriant doucement.
Chez lui, c’est le noir complet. Comme mon âme en ce moment. Sa tante
est de garde cette nuit pendant que Nathan se trouve chez un ami. James ne
prend pas la peine d’allumer et se dirige vers les escaliers, m’entraînant
avec lui. Sauf que je rate déjà la première marche, ce qui le fait marrer.
Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’il se retourne, pose ses mains sur
mes fesses et me soulève dans ses bras. Je lâche un cri, ne m’y attendant
pas, mais ça ressemble plus à un gloussement qu’autre chose.
James ne dit rien pendant que l’on rentre dans sa chambre et qu’il nous
laisse tomber sur son lit. Toujours accrochée à lui, je me retrouve allongée
sur son torse pendant qu’il caresse mes cheveux, en me chuchotant des
paroles réconfortantes.
Puis, alors que je ne m’y attends pas, il me retourne et dépose des baisers
bruyants sur le visage, dans le cou, sur le haut de ma poitrine, me
chatouillant et laissant mon rire prendre de plus en plus de place. Au final,
je pleure maintenant de rire.
Je lui lance un sourire encore un peu triste, mais je me sens déjà un peu
mieux. J’enlace à nouveau sa nuque de mes bras, mais il se recule et pose
son regard sur son ordi, qu’il cherche à attraper.
Il sonde mon regard comme pour s’assurer que je suis sérieuse, alors je
retire moi-même mon gilet et mon débardeur sous ses yeux qui
s’enflamment de plus en plus à mesure qu’il découvre ma poitrine nue. En
une minute, on se retrouve tous les deux en bas de sous-vêtements.
Mais alors qu’il veut m’embrasser, je saisis son visage et frotte ses lèvres
pour enlever toute trace du baiser de Veronica dont je viens de me rappeler.
Il me laisse faire tout en souriant avec son sourire à fossettes.
D’accord, il n’a pas tort. Il me fait taire en plaquant ses lèvres à nouveau
contre mon cou qu’il parsème maintenant de doux baisers. Je gémis en
penchant plus la tête sur le côté. Sa main libre se promène sur mon corps,
survole ma poitrine, mon ventre, mes cuisses. Toutes les parties de mon
corps, sauf celle où j’ai envie qu’il me touche. Il sait comment me faire
flancher et je ne trouve rien à redire.
Ses baisers se font plus ardents. James remonte vers ma mâchoire puis il
plaque ses lèvres contre les miennes. Il me lâche enfin les bras et je les noue
autour de sa nuque pour l’attirer à moi. Enfin, ses doigts frôlent ma peau à
la lisière de mon tanga. Mais il remonte et je gronde contre ses lèvres, ce
qui le fait rire. Il se recule et me lance son sourire à fossettes.
– Impatiente ?
– Arrête de me torturer, tu sais déjà que j’ai envie de toi. Et toi aussi, dis-
je en appuyant mon bassin contre le sien.
– Ah bon ? dit-il d’un ton joueur en se retenant de grimacer.
Joy
Il ôte son caleçon qui rejoint nos vêtements au sol, puis saisit un
préservatif dans sa table de nuit, l’enfile mais n’entre pas encore en moi. À
genoux, sur le lit, il saisit mes cuisses et les écarte avant de se faufiler entre
elles.
– Déjà par ma bouche, grogne-t-il contre mon pubis, avant que sa langue
ne me lèche de haut en bas d’un coup, me faisant gémir.
Cette vision de lui se faisant du bien en me regardant d’en bas, son sexe
droit, gonflé, gorgé de sang pour moi, me fait venir une première fois un
orgasme dans un cri si indécent. Il se répand sur ses lèvres, qu’il étale sur
mes cuisses, entre mes fesses.
Il grogne contre mes lèvres, puis me pénètre d’un coup jusqu’à la garde.
Si fort que je couine un peu de douleur, mais le plaisir l’emporte
rapidement.
– Laisse sonner.
– T’es où ?
Non mais réellement, Los Angeles n’est définitivement pas la Cité des
Anges. Je copie le message et l’envoie à James qui doit maintenant être sur
la route.
***
Quelques minutes plus tard, alors que je suis à fond dans le film que je
regarde, des phares de voiture éclairent la pièce, puis deux portières
claquent. Je comprends donc qu’ils sont enfin rentrés.
– Je ne suis pas notre enculé de père, mais je suis ton putain de grand
frère qui t’a élevé quand il s’est cassé alors que notre mère venait de mourir,
espèce de petit con. Alors quand je te parle, tu m’écoutes !
Notre bataille dure de longues secondes, jusqu’à ce que je voie dans son
regard qu’il commence à flancher. Je me retourne vers Nathan qui a les
yeux remplis de larmes, je pose ma main sur son bras.
Il relève enfin les yeux vers moi alors je répète d’un ton ferme, mais
empreint de douceur :
Il réagit enfin, fait demi-tour et monte les marches deux par deux. Quand
j’entends sa porte de chambre se fermer, je me retourne vers James qui me
regarde, les yeux interloqués, plus du tout en colère, mais choqué.
– James ?
– Tu l’as touché, chuchote-t-il d’une voix tourmentée.
Qu’est-ce qu’il raconte, encore ? Je marche vers lui, prends sa main dans
la mienne et demande :
– Je l’ai touché ?
– Tu as posé ta main sur lui et il n’a pas sursauté. Il ne laisse personne le
toucher sauf moi. Comment tu as fait ?
Je tente de refréner mes émotions, malgré la boule qui s’est formée dans
ma gorge, et hausse les épaules.
– Les personnes qui sourient tout le temps sont souvent celles qui
souffrent le plus. Elles n’ont pas besoin qu’on leur crie dessus, mais qu’on
leur donne de l’importance et du soutien (je fais une pause et presse sa
main). Il m’a sans doute laissée le toucher car il a compris que je ne lui
voulais pas de mal. Même si je comprends que tu as mal pris ce qu’il t’a dit,
tu n’avais pas besoin de lui hurler dessus, de le clouer au mur et de le
rabaisser.
Honteux, James baisse la tête, alors je la lui relève pour qu’il me regarde
à nouveau et continue :
– Tu es son grand frère, il te regarde comme son héros. Je pense que ton
petit frère est dans une période où il est perdu. Il se cherche, mais il n’a pas
besoin d’être engueulé à chaque fois qu’il agit mal, et surtout quand il n’y
est pour rien. Il suffit d’essayer de le comprendre et de l’aider. Il a besoin de
toi, plus que tu ne peux l’imaginer.
– Je suis désolé que tu aies vu ça… souffle-t-il, défait.
Je noue mes bras autour de ses hanches et pose ma tête sur son torse.
– Ce n’est pas à moi que tu dois présenter tes excuses. Est-ce que tu as
reçu mon message ?
Il pose ses mains sur mes bras et me force à reculer. Je surprends son air
interrogateur.
– Quel message ?
Ce n’est pas que je ne le crois pas, s’il le dit, c’est qu’il a sûrement
raison. Mais je viens seulement d’apprendre tout ça, j’ai encore du mal à le
concevoir.
– Ce qui est fait, est fait. On ne peut pas revenir dans le passé. Par contre,
tu vois, il n’est pas si méchant, Dylan.
– J’avoue. Mais on arrête de parler de lui maintenant. Je n’aime pas que
tu parles d'autres mecs.
Il hoche la tête, mais avant de sortir, il regarde son lit, son ordinateur
encore allumé et les draps défaits à cause de moi. Alors avec un grand
sourire, je m’y engouffre à nouveau et lui lance un clin d’œil.
***
– Nathan m’a confirmé que le mec chez qui il a été, celui que j’ai
dégommé, avait été envoyé par Brenton.
– Pourquoi il fait tout ça ?
– Je ne sais pas, dit mon copain en évitant mon regard.
– Oui ? fais-je innocemment en faisant courir mon index sur son torse
jusqu’à la lisière de son caleçon.
– Que…
Sa voix se coupe quand je fais descendre son caleçon sur ses jambes, me
révélant son érection naissante.
Son corps a déjà compris. Je retire mon tee-shirt pour me retrouver nue
devant lui et son érection grossit à vue d’œil. Je souris, fière de mon
pouvoir sur lui. Mes doigts serpentent le long de ses cuisses puis je me
baisse en prenant appui sur le lit.
– Je te détends.
– Tu…
– Putain.
– Tu prends la pilule ?
– Parfait.
– Ne fais pas trop le fier sinon ça n’arrivera plus, ris-je quand je le vois
jubiler.
34
Joy
Je suis réveillée très tôt le lendemain. Je n’ai que très peu dormi avec ce
qui s’est passé hier soir et en plus de ça, j’ai eu la mauvaise surprise du
mois. Heureusement que j’avais une protection dans mon sac. James dort
toujours à poings fermés quand je sors de sa salle de bains, je préfère donc
descendre pour ne pas le réveiller. En bas des escaliers, j’entends du bruit
provenant de la cuisine. Je m’y faufile et découvre Elizabeth qui prend son
petit déjeuner. Elle relève la tête quand elle entend des bruits de pas, et me
sourit malgré son air fatigué. Je comprends qu’elle vient seulement de
rentrer de sa garde de nuit. Elle m’incite à m’asseoir d’un geste de la tête et
dépose une tasse de café ainsi qu’une assiette de pancakes devant moi.
Je hausse les épaules avec un petit rire. Je ne pense pas que James va se
réveiller de sitôt. Quand il est revenu dans la chambre hier soir après avoir
parlé avec son frère, on a regardé une série. Nous nous sommes couchés
vers deux heures du matin, mais je sais qu’il a mal dormi et qu’il n’a
vraiment sombré dans le sommeil que vers cinq heures.
– James devait dormir chez toi et Nathan chez son ami, alors pourquoi
êtes-vous tous là ?
– On s’est pris la tête avec Veronica chez moi hier soir, du coup on a
décidé de venir ici. Nathan a voulu que James vienne le chercher.
Elle hoche la tête. Ses yeux suspicieux m’indiquent qu’elle sait que je ne
dis pas tout. Mais je ne peux pas, ce n’est pas à moi de le faire. D’un sourire
malicieux, elle pointe le doigt vers le coin de la cuisine et là je vois une
caméra. Je me retourne vers elle en écarquillant les yeux.
Elizabeth ricane. Elle sait que je mens. Je lui lance un regard en coin, me
demandant ce qu’elle me réserve pour la suite. Je n’avais pas pour projet de
me faire engueuler par la tante de mon copain. Elle s’approche de moi, je
me retiens de reculer, mais ce n’est pas l’envie qui me manque quand elle
pose une main sur mon épaule. Et finalement, elle me serre contre elle.
– Je suis ravie de voir que James s’est trouvé quelqu’un qui ne le trahira
pas à la première seconde. Je vais voir ça avec eux, ne t’inquiète pas.
– C’était un test ?! m’écrié-je, et je soupire de soulagement.
Nathan est sur son lit, l’ordi sur les genoux. Il ne porte qu’un simple
jogging, mais quand il voit que c’est moi, il enfile rapidement un tee-shirt.
– Merci Joy.
J’abandonne mon observation pour lui sourire, mais il évite mon regard
alors j’approche la chaise de son lit.
Il hoche la tête, mais fuit toujours mon regard. Pensant que je ne tirerai
rien de lui aujourd’hui, je me lève pour sortir, mais j’entends un sanglot
étouffé dans mon dos.
Je me retourne et le découvre, se retenant de pleurer, la tête baissée. Je le
rejoins aussi vite que je peux et le tire vers moi. Sa tête se pose contre mon
ventre et ses bras se nouent dans le bas de mon dos pour me tenir contre lui.
Cela dit, il est toujours inconsolable et j’ai l’impression que cela pourrait
le calmer, alors je pose doucement ma main pour ne pas le brusquer. Une
fois que ma paume touche ses cheveux, il me serre encore plus contre lui,
ses larmes mouillant le tee-shirt de James.
Sa voix résonne contre mon ventre, me tirant les larmes aux yeux. Mais
je les refoule pour rester forte pour lui. Il était si jeune. Il devait avoir 9,
10 ans quand sa maman est morte. Je ne sais pas exactement quand est-ce
qu’il est né et la date précise du décès de leur mère. Tout ce que je sais,
c’est que généralement, on ne vit pas ça à cet âge…
Je passe mon autre main libre dans son dos au moment où je sens un
corps se glisser derrière moi. Une main beaucoup plus grande se pose sur la
mienne.
Je n’ai pas besoin de lever la tête pour savoir que c’est James. Il pose un
baiser sur ma tempe, avant de s’asseoir sur le lit. Il tire son petit frère vers
lui d’un bras autour de ses épaules. Nathan se love dans l’étreinte de James,
dont je n’ai jamais vu le visage aussi inquiet et préoccupé.
Je le savais après hier soir, mais je le sais encore plus après ce matin :
jamais je ne pourrai abandonner ces deux garçons. D’un geste rageur,
j’essuie mes yeux, m’asperge le visage d’eau et retourne dans la chambre.
Je ne pensais pas trouver James déjà là. Assis au bord du lit, il se lève dès
qu’il m’aperçoit et m’attire dans ses bras.
De ses deux mains, il relève mon visage et dépose un doux baiser sur
mes lèvres.
Il ancre son regard dans le mien. Je sais qu’il peut facilement lire en moi
aussi et là, en ce moment, on se dit silencieusement ce que l’on ne se dit pas
à voix haute.
***
– Tes dessins m’ont plus que surpris. Je savais que tu dessinais, mais
comme tu ne me les avais jamais montrés, je ne m’attendais pas à ce qu’ils
soient aussi beaux. Depuis combien de temps dessines-tu ?
– Depuis que je suis enfant, mais je ne m’y suis réellement mis qu’il y a
quelques années.
Il ne me l’a pas dit, mais j’ai bien l’impression qu’il ne s’y est mis qu’à
la mort de sa mère ou sans doute quand elle est tombée malade, pour se
changer les idées.
– Je n’en reviens pas que le temps soit passé aussi vite, fais-je remarquer
à James quand on retourne à sa voiture.
– Il te reste une semaine, c’est ça ?
– Tu t’en vas ? s’écrie Nathan en se penchant par-dessus mon siège, l’air
inquiet.
– Je rentre une semaine chez moi avant la rentrée pour préparer mes
affaires et revoir mes parents et ma meilleure amie. Mais je reviens après.
– Oh, fait-il sans cacher son soulagement. Ça va, alors.
Alors que James démarre, je reçois un message de Lace qui me dit qu’il
y a une fête sur la plage et que ça serait bien qu’on aille à une dernière
soirée avant que je ne reparte.
Je rigole.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– C’est Lace, dis-je en riant. Il y a une fête sur la plage ce soir et elle ne
veut pas que je la rate.
***
Elles sont sans voix quand je termine. James ne leur a donc rien raconté.
Je ne sais pas s’il comptait le faire ou non, mais maintenant, c’est fait. Peut-
être que les garçons sont au courant, eux.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Je hausse alors les épaules et observe
Caleb et Eddy qui reviennent vers nous, sans mon copain.
Attends, quoi ? Comment ça, elle lui envoie des messages ? Et depuis
quand ?
– Et moi, non, lui répond James, et je sais qu’il lève les yeux au ciel. Je
pensais avoir été assez clair.
– Tu parles de ta copine, la rousse ? Elle n’est pas faite pour toi, elle se
lassera vite.
– Ce n’est plus ma copine, je vais rompre avec elle.
Ah bon ?
Est-ce qu’il veut rompre avec moi à cause de Veronica et Brenton ? Mais
je n’ai rien fait de mal, moi ! Je ne le comprends pas. Il a déraillé. Il aurait
pu m’en parler !
Ça, il ne me l’avait pas dit, mais je m’en doutais. Elle aussi semble
surprise de voir qu’il sait. Elle tente de le retenir, mais il se recule déjà et
moi je décampe pour éviter qu’il me prenne en flagrant délit d’espionnage.
Je retourne auprès de mes amis, le cœur en miettes. Je ne sais même pas si
je peux en parler, mais ils voient très bien mon état.
– Ça va ? me demande Eddy.
– Est-ce que tu peux me ramener ?
Joy
Je suis à peine rentrée chez moi que je croise Veronica, comme si elle
m’attendait de pied ferme.
– Joy…
– Pas le moment.
Alors que je m’affale sur mon lit en lâchant un long gémissement, mon
téléphone vibre dans la poche de mon short. Même si je sais déjà qui c’est,
je regarde quand même et je ne suis pas surprise de voir que James m’a déjà
envoyé plusieurs messages. Je ne les regarde pas, éteins mon téléphone et
entre dans ma salle de bains pour me préparer à aller au lit.
Passer toute une journée et une nuit avec lui, je ne sais pas si c’est une
bonne idée. Mais je ne peux pas ignorer mes amis à cause de lui. Je
réfléchis quelques instants. Ça ne me sert à rien, car dans tous les cas, j’ai
déjà fait mon choix.
En revanche, si moi je tente de l’ignorer, lui n’en fait rien. Son regard me
brûle la peau. Même quand il parle avec nos amis, le plus souvent il répond
avec ses yeux toujours braqués sur moi.
En parlant d’ignorer, je fais aussi tout mon possible pour éviter Veronica
qui me court pratiquement après à chaque fois qu’elle me croise, mais je
n’ai rien à lui dire. Je ne pensais pas que ça me blesserait autant qu’elle joue
sur deux tableaux avec moi. J’aurais dû me douter que son changement de
comportement était trop beau pour être vrai. Pourtant, je me suis fait avoir
en beauté. Je pensais qu’on avait enfin une vraie relation de cousines. Eh
bien non. Vivement qu’elle parte à New York ! Du coup, ça me rassure de
savoir que même si je reviens ici pour mes études, je ne la verrai plus.
– Ce n’est pas encore sûr à cent pour cent, mais je vais apprendre le
tatouage. Je ne fais pas d’études à la fac.
Nos amis laissent échapper des cris de stupéfaction et s’ensuivent les
questionnements de chacun. Je lâche complètement la discussion jusqu’à ce
que Lace me donne un coup d’épaule.
– Pourquoi pas. Il faut juste que je voie avec mes parents et ma bourse
pour le loyer.
– Mais du coup, tu viens quand même vivre avec nous, James ? Ça ne
change pas, ça ? questionne Caleb.
– Non, ça me rapproche du salon de tatouage dans tous les cas. Puis, j’ai
envie de prendre mon indépendance, loin de la surveillance digne du FBI de
ma tante.
***
On retourne dans le salon et alors que je pensais qu’il était avec les
garçons, James se tient là, appuyé contre le mur. Il ne me lâche pas du
regard, même quand je le fusille des yeux. Voyant que ça ne lui fait rien,
j’observe mes chaussures en croisant les bras. Je veux qu’il arrête de me
fixer.
Je soupire, épuisée. Je n’ai pas fini d’être dans la même pièce que James
et j’arrive déjà à saturation.
– Joy…
– On peut…
– Parler ? le coupé-je en ricanant sèchement. Non, on ne peut pas parler,
James. Tu as tout dit et je ne veux rien savoir d’autre.
– Joy !
– Quoi ? crié-je. Tu as été très clair. Je ne veux plus rien avoir affaire
avec toi. Lâche-moi !
– Tu vas où ?
– Loin de toi.
***
Pensant que c’est Veronica, je ne bouge pas, car elle sait forcément où
me trouver. Néanmoins, je n’entends toujours pas sa voix me supplier de
l’écouter, alors je relève la tête et sursaute en découvrant James, les bras
croisés contre le chambranle de la porte.
– Tu sais quoi ? Je n’ai même pas envie d’en parler pour le moment.
– Quand alors ?
– J’en sais rien, peut-être quand tu prendras tes responsabilités.
***
Il ne faut pas longtemps avant d’atteindre les bois où nous allons camper,
ils ne sont qu’à quelques dizaines de kilomètres de notre quartier.
Les garçons passent devant et nous les suivons avec les filles. Nous
marchons en parlant de tout et de rien, en riant. Même si James est là,
j’aime être avec mes amis.
Nous arrivons finalement bien deux heures après, mais je ne trouve rien
d’exceptionnel, si ce n’est une étendue d’herbe et de terre entourée de hauts
sapins. Je regarde mes amis, sceptiques, et ils me sourient tous sans rien
dire.
Je me penche pour tester la chaleur de l’eau de la main qui est tout juste
tiède. Je me relève tout doucement en admirant la haute cascade. Je recule
pour mieux l’observer, mais je me cogne contre quelque chose de dur. Je
sursaute et m’apprête à crier, mais une main se pose sur ma bouche.
– Alors c’est quoi le délire ? Pourquoi as-tu dit à Laura que tu allais
rompre avec moi ? Je ne comprends rien, James. Est-ce que tu t’es demandé
au moins une seule fois ce que j’allais en penser, moi ?
Il baisse la tête.
***
Je ne trouve pas le sommeil. Les filles dorment à poings fermés. Je crois
même qu’elles ronflent toutes les deux. Moi, je suis incapable de fermer
l’œil. Sans doute parce que je ne suis pas habituée à faire du camping. Et si
un ours, ou je ne sais quoi d’autre, venait près des tentes ? Ou pire, une
personne dérangée qui voudrait faire de nous sa collation de minuit ? Mais
je pense que la véritable raison qui m’empêche de dormir, c’est James. Je
sais qu’il me ment et je crois que c’est ce qui me blesse le plus. Je croyais
qu’on avait évolué en termes de confiance depuis mon arrivée.
Apparemment non.
Joy
Pourquoi est-ce qu’il agit comme ça d’un coup avec moi ? Même s’il
m’a avoué qu’il a peur, je suis sûre qu’il y a autre chose. Oui, il a une peur
bleue de l’abandon, mais je sais que jamais il ne se laisserait dominer par
cette peur. Il est têtu, il est fort et déterminé. Peut-être que, oui, il a peur et
je le conçois, parce que je ressens la même chose, mais je sais qu’il y a
autre chose. Et c’est le fait qu’il ne veuille pas m’en parler qui me brise plus
qu’autre chose.
Il est vingt et une heures, je laisse tomber mon sac et me déchausse dans
l’entrée. Incapable de faire autre chose, je m’affale dans le canapé. Je
m’occuperai après de laver mes affaires. Ça a été impossible pour moi de
fermer l’œil quand je suis retournée dans la tente. J’ai l’impression d’être
vidée, crevée et j’ai terriblement faim, mais j’ai la flemme de me relever. Je
commande des sushis, qui arrivent en moins de vingt minutes, et j’allume la
télé. Il ne me reste que trois jours avant de rentrer à Miami, et je ne pense
pas que les choses s’arrangeront avec James d’ici là. Tout du moins, tant
qu’il n’aura pas retrouvé la raison, je ne ferai pas d’effort non plus. S’il
n’est pas capable de me dire ce qu’il se passe et de communiquer avec moi,
alors qu’il aille voir ailleurs si j’y suis !
– Joy ?
Je tourne la tête vers elle, l’observe et elle baisse la tête sur ses doigts
qu’elle tortille. J’éclate d’un rire jaune en secouant la tête.
– Qu’est-ce que j’ai été conne de croire que tu avais changé. Tu m’as
toujours détestée et ça ne changera jamais.
– Je ne t’ai jamais détestée ! s’écrie-t-elle en relevant la tête d’un coup,
et je hausse un sourcil en penchant la tête sur le côté.
– Vraiment ? Alors on n’a pas la même définition. Tu sais quoi ? Laisse
tomber.
Je me lève du canapé pour monter dans ma chambre, mais elle saisit d’un
coup mon poignet.
– Non, attends !
– Brenton a une dent contre James. Il voulait mon aide pour l’approcher.
Il n’était pas dans un autre lycée, on ne s’est pas rencontrés lors d’une
rencontre sportive et on s’est encore moins mis en couple lors du bal de
promo. Il est plus vieux que nous. Il a 23 ans. Il essayait de trouver des
personnes proches de James. Je ne savais pas ce qu’il voulait à la base, je
l’ai donc approché. Je lui ai parlé de Laura. Ensuite, mes parents m’ont dit
que tu venais. Moi, je t’ai toujours enviée, même à l’époque de ta proximité
avec James. Je savais que tu allais te rapprocher de lui quand vous vous
retrouveriez et je ne l’aurais pas supporté. Tu n’étais plus là depuis des
années et pourtant il ne pensait qu’à toi, alors que j’étais là et qu’il était en
couple avec Laura. J’en ai donc parlé à Brenton. Il m’a promis qu’il ferait
tout pour que James soit à moi une fois qu’il aurait éloigné tout le monde de
lui. Et on a décidé de jouer au faux couple pour que ça soit plus crédible.
Je suis stupéfaite, horrifiée et je n’en crois pas mes oreilles. Dans quel
monde ai-je atterri ?
– C’est une blague, hein ? Vous me faites un prank1 depuis que je suis
arrivée ?
– Non…
– Putain, Veronica ! m’écrié-je en me relevant, et elle baisse la tête. Tu te
rends compte à quel point vous êtes tous les deux dérangés ?
– Je sais… pleurniche-t-elle. Mais je t’assure que je ne savais pas qu’il
irait aussi loin. Je devais juste l’intégrer dans notre groupe pour qu’il puisse
retourner les autres contre James, et moi, je devais embrasser ton copain à
un moment où tu nous prendrais en flagrant délit. Je n’imaginais pas que
Brenton irait jusqu’à te droguer, ce n’était pas le plan. Et je m’en veux de ne
pas avoir compris qu’il me manipulait aussi. Je n’ose même pas penser à ce
qu’il aurait pu te faire si tu avais été seule.
– Ouais, mais c’est arrivé, putain !
Je me passe les mains dans les cheveux et secoue la tête, n’y croyant pas.
C’est certain que je ne pensais pas que mes derniers jours prendraient une
telle tournure. Il faut que j’appelle James. Mais alors que je pense à ça, mon
téléphone se met à vibrer sur la table et je vois le nom de Nathan s’afficher.
Je le saisis en un rien de temps et décroche.
– Oui, Nathan ?
– Joy ? demande-t-il en chuchotant, et je fronce les sourcils.
– Oui, c’est moi. Qu’est-ce qui se passe ?
– Aide-moi. Brenton. Flics. Ne dis rien à James.
Je ne comprends pas très bien parce que, en plus de chuchoter, il ne fait
pas des phrases complètes. Alors que j’attends qu’il continue, j’entends une
porte claquer, des pas s’approcher puis comme un coup de poing et, je crois,
un gémissement.
– Nathan ? m’écrié-je.
Je relève le regard vers Veronica qui se fait plus petite dans le canapé.
Elle baisse la tête et je saisis son col de tee-shirt pour que son visage me
fasse face. Jamais je n’ai été aussi énervée de toute ma vie et jamais je n’ai
eu envie d’assommer quelqu’un à ce point. Je crois qu’elle aussi, elle ne
m’a jamais vue comme ça, vu le regard horrifié qu’elle me lance.
***
– Je suis désolée.
– J’en ai rien à foutre, asséné-je. Conduis.
***
– Tu ne peux pas entrer, Joy. Seule contre lui, tu n’y arriveras jamais.
Elle s’ouvre enfin sur son propriétaire et maintenant que Veronica m’a
tout raconté, je vois la différence d’âge entre nous. Si avant je pensais qu’il
devait avoir 18, 19 ans, je vois maintenant qu’effectivement, il est dans la
vingtaine.
– Je t’attendais. Entre.
Je sais que c’est débile, mais je sais ce que je fais. Il ferme à clé derrière.
Je frissonne légèrement quand j’entends les verrous se fermer, mais je suis
bien trop énervée pour laisser la peur prendre le dessus.
– Je ne les ai pas appelés. Maintenant que je suis là, laisse partir Nathan.
Il n’a rien fait.
– J’y compte bien, mais je préfère qu’on attende James. Dommage que
son combat le retarde. J’ai hâte de voir sa tête. On va s’amuser tous les
quatre.
Il saisit mon bras, trop fort. Je sais que j’aurai un bleu, mais je le laisse
faire. Plus il fera des conneries, plus il risquera gros. Il ouvre une porte et
me fait entrer dans une pièce. Je remarque tout de suite Nathan sur le lit,
attaché avec des cordes aux barreaux du lit, du gros Scotch sur la bouche. Il
écarquille les yeux quand il me voit et il se met à secouer la tête en criant.
– Ferme-la, lui crache Brenton.
– Il va nous tuer ?
– Non, le coupé-je en caressant ses cheveux. Brenton est cinglé, mais
c’est un amateur. Ne t’inquiète pas, ça va aller. D’accord ? J’ai tout prévu.
James
Quand je suis descendu du ring, j’ai vu ses trois appels manqués et j’ai
écouté son message. Je n’ai pas attendu une seule seconde avant de sauter
dans mes fringues et dans ma bagnole, ignorant mon corps qui me tire de
partout à cause du combat qui vient de se terminer. Ce n’était pas prévu,
mais apparemment, il y a eu un désistement d’un participant. Je trouvais ça
bizarre qu’on me choisisse en tant que remplaçant à la dernière minute,
alors que, généralement, je suis le premier auquel on pense. Fredo aussi n’a
pas compris, mais on a accepté. Maintenant, je commence à croire que
c’était un coup monté. Et comment ça, mon petit frère ne voulait pas que je
sois au courant ?
Putain ! S’il touche à un seul de leurs cheveux, je ne sais pas dans quel
état on me retrouvera.
– Non ! Attends, James ! Joy a déjà appelé les flics avant d’entrer, ils
vont arriver !
La porte est fermée à clé, ça serait trop simple sinon. Je n’en suis pas
fier, mais je sais comment faire. Je sors ma carte de crédit et la passe entre
la porte et le cadre de cette dernière. En deux, trois coups, elle s’ouvre en
silence. Je remarque tout de suite le connard qui entre dans une pièce du
fond. Il ne m’a pas entendu. Je serre les poings quand j’entends les cris de
Nathan et une voix que je reconnais entre mille.
J’entre en trombe dans la pièce et mon sang ne fait qu’un tour quand je
vois qu’il essaye de retirer le tee-shirt de Joy et la claque qu’il lui assène.
Son visage tourne sur le côté sous l’impact, mais elle se pince les lèvres
comme la championne qu’elle est. Nathan écarquille les yeux en me voyant
et je lui fais signe de se taire. Je saisis le tee-shirt de cet enculé de Brenton
et le tire en arrière. Joy sursaute, mais je vois le soulagement dans ses yeux
ainsi que la frayeur.
Il lui a fait peur, il a fait peur à mon petit frère et il va payer pour ça.
Même s’il tente de faire le dur, j’ai bien vu que son visage a blêmi quand
il m’a vu. Il a raison d’avoir peur parce qu’il a signé son arrêt de mort.
– James, non ! s’écrie mon petit frère, et Brenton pointe son flingue sur
lui.
– Ferme-la. Je vais devoir te le répéter combien de fois, morveux ?
Sauf qu’il n’est pas aussi rapide que moi et qu’il n’a pas des heures de
combat dans les pattes. En un rien de temps, je saisis le poignet de Brenton,
le tords en le faisant craquer et il crie de douleur en lâchant le flingue qui
tombe au sol. De mon pied, je le pousse hors de la pièce au moment même
où des sirènes se font entendre dans la rue. Il essaye de se débattre, mais
cette fois, il n’a pas de couteau dans sa poche. Je lui assène un coup dans le
ventre, puis dans le visage, et il s’affale au sol en tenant son ventre. Sans me
contrôler – je suis dans un état second –, je m’accroupis et serre mes mains
autour de son cou.
Dans l’état second dans lequel je suis, j’entends la voix de Joy qui crie
que je dois arrêter, mais je ne suis plus là. Je sens son corps contre le mien
et ses petites mains sur les miennes.
Ses mains se posent sur mon visage et je reviens à moi ; je lâche l’enculé
et elle me saute au cou au moment où les flics entrent dans la chambre, les
flingues levés vers nous. Ils les abaissent quand ils voient que le danger
n’existe plus. Si. Il est toujours là, il essaye de reprendre sa respiration sur
le sol pendant que les flics le relèvent. Je sais que je l’aurais regretté si je
l’avais tué, mais je regrette quand même de n’avoir rien fait.
38
Joy
– Vous êtes sûre qu’il a agi tout seul ? me questionne pour la énième fois
la flic alors que je suis toujours dans mon lit d’hôpital.
– Ma nièce vous l’a déjà dit cinq fois, maugrée Steve, et je serre sa main
dans la mienne pour l’inciter à se calmer.
S’il savait…
Oui, je n’ai pas dénoncé Veronica. James non plus, sous mon ordre.
Pourquoi ? Parce que c’est ma cousine, parce que j’ai vu le regret dans ses
yeux quand elle m’a tout raconté et parce que, au final, elle nous a aidés.
Même si je sais maintenant qu’on n’aura jamais de bonnes relations, je ne
pouvais pas lui faire ça. Peut-être que je fais une erreur et peut-être qu’elle
refera un coup comme ça, même si j’ai des doutes, mais je ne pourrai pas
vivre en sachant que je l’ai dénoncée. Je ne peux pas faire ça à ses parents
non plus.
Il se lève, fait les cent pas et je sens qu’il va enfin m’engueuler, chose
qu’il n’a pas faite jusqu'à maintenant, alors j’attends. Il s’arrête, croise les
bras et me fixe.
– Et t’es fière de toi ! s’exclame-t-il en levant les bras au ciel. Est-ce que
tu te rends compte du risque que tu courais ? Qu’est-ce qui t’a pris d’y aller
seule comme ça !
Oh, oui, il ne sait pas non plus que c’est Veronica qui m’y a conduite.
Elle est partie comme convenu avant que les flics n’arrivent.
– Tu sais quoi ? Laisse tomber. Tu n’as rien de grave, ce qui est fait est
fait, mais ne t’avise plus jamais de refaire ça, c’est compris ?
Je sais que je ne pourrai rien faire pour les faire changer d’avis, alors
j’acquiesce.
– Il va bien ?
James hoche la tête avec un air torturé sur le visage. Je n’ose même pas
imaginer ce qu’il lui passe par la tête en ce moment.
– Il va bien. Il a juste fait une crise de panique et ils lui ont administré un
sédatif.
Il s’assied dans le fauteuil à côté du lit et se prend la tête dans les mains.
Je m’approche de lui et malgré ce qu’il s’est passé entre nous, je ne peux
m’empêcher de poser ma main sur sa tête. Il relève la tête et ancre son
regard dans le mien.
– J’ai envie de te tuer pour y être allée seule et en même temps, j’ai envie
de t’embrasser, putain.
– Mes parents sont dans l’avion, ils viennent me chercher.
– Mais tu reviens ?
– Tu ne reviens pas.
– Je ne sais pas, James. Je pense que j’ai un peu besoin de m’éloigner.
– De moi ?
– Même si je sais que tu voulais seulement me protéger, je ne peux pas
être dans une relation où on me cache des choses et où on préfère me
blesser pour m’éloigner plutôt que de me dire la vérité. Quand tu as dit à
Laura que tu voulais rompre, ce n’était pas parce que tu avais peur de nous
deux, mais parce que tu pensais qu’être avec toi donnerait l’opportunité à
Brenton de me faire du mal, n’est-ce pas ?
– Je suis désolé.
– Joy ?
– Je t’aime.
Joy
Elle éclate de rire, ouvre mon dressing, me jette une robe à fleurs au
visage et sort mes éternelles Converse de mes valises que je n’ai pas encore
pris le temps de défaire. J’ai juste sorti mes affaires sales.
***
Je vois qu’elle est déçue que je ne le fasse pas maintenant et que j’essaye
de gagner encore un peu de temps, mais elle hoche tout de même la tête et
termine sa boisson. En fait, j’ai peur que maintenant que je l’ai abandonné
une nouvelle fois, il me rejette pour de bon malgré ses sentiments. Je ne
suis pas sûre d’y survivre.
– Je te déteste.
– C’est faux, et maintenant tu dois parler avec tes parents. Tu ignores le
sujet qui fâche depuis que t’es rentrée.
Mes épaules s’affaissent. Elle a raison. Je dois parler avec mes parents.
Ce n’est pas en repoussant le moment qu’il va disparaître. Il risque même
de prendre de l’ampleur. Je vois déjà que mes parents m’observent dès que
je suis dans la même pièce qu’eux, comme si j’étais une bombe à
retardement, prête à exploser à tout moment.
***
Alors qu’on dîne tous les trois ensemble avec mes parents, je pèse le
pour et le contre, à savoir si j’aborde le sujet tout de suite ou non. Je suis
tellement stressée que ça se ressent dans la pièce. Même mes parents sont
crispés. J’ouvre la bouche, mais j’en suis incapable. Au même moment,
mon téléphone qui est posé sur la table à ma droite vibre. C’est un message
d’Emilia qui m’incite à le dire tout de suite. Je souris en constatant qu’elle
sait qu’on mange à l’heure, ici, bien que je sois partie pendant plusieurs
semaines. Bon… je n’ai plus le choix. Je reprends un air sérieux et lève le
regard sur mes parents qui me regardent déjà.
– Où sont-elles ?
Salut Joy,
Deux étés que je t’attends et trois ans que je t’écris sans réponse de ta part.
Je suis en couple et pourtant je t’attendais cet été, encore. Je t’en veux.
Réellement. Pourquoi tu ne m’as jamais répondu ?
– Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous lui avez fait
vivre ?
Je saisis la boîte.
– Maintenant, j’ai du retard à rattraper. Ce qui est fait, est fait. Je vous
pardonne parce que ça ne nous a pas empêchés de nous retrouver. Vous avez
de la chance que ça soit le cas, justement.
***
Plus tard, je renifle en posant la dernière lettre, la première qu’il m’a
écrite. J’ai préféré faire dans ce sens-là, parce que plus je partais de la
récente à l’ancienne, moins il me détestait. On toque contre ma porte, je me
redresse et renifle une dernière fois avant d’accorder mon autorisation.
Encore émue par les lettres de James et sans doute à cause de la fatigue,
je sens les larmes s’agglutiner dans mes yeux, mais je les retiens de couler.
Je tapote son épaule.
Son espoir me réchauffe un peu le cœur. J’en veux encore un peu à mes
parents, mais je ne peux pas leur en vouloir d’avoir fait ce qu’ils pensaient
être bon pour moi. Néanmoins, une fois que mon père quitte ma chambre,
me laissant à nouveau seule avec les lettres et mes pensées, le chagrin
reprend ses droits sur mon corps. Je saisis LA lettre où James m’avoue ce
qu’il ressent pour moi, et la serre contre moi en m’allongeant. J’en connais
déjà les mots par cœur et je ne peux m’empêcher de la réciter en fermant les
yeux.
Eh, Joy,
James.
40
Joy
C’est mon anniversaire. Mes parents préparent la fête tandis que je suis
enfermée dans ma chambre. Je dois me préparer, cependant, tout ce que je
fais, c’est regarder des photos de James sur mon téléphone. Il me manque.
Plus que n’importe qui. Mais je sais aussi qu’on avait besoin de passer du
temps séparés l’un de l’autre. Je n’ai toujours pas préparé mes affaires pour
retourner en Californie et il faut que je me dépêche, parce que la rentrée est
la semaine prochaine. Je n’ai toujours pas parlé de la colocation à mes
parents. Je suis paumée et je ne sais absolument pas quoi faire. Si seulement
l’univers pouvait m’envoyer un signe sur le chemin à prendre, ça
m’arrangerait énormément. Dans mes pensées, je sursaute quand on toque
contre ma porte et mon téléphone tombe au sol.
Elle me lance un regard attristé en voyant les lettres sur mon lit. Les
lettres de James que je n’ai cessé de lire et de relire.
– Je ne pense pas que James soit un mauvais garçon. Il est juste un peu
maladroit. Et encore une fois, je regrette qu’il y ait eu un tel quiproquo
entre vous. Si vous êtes faits pour être ensemble, vous vous retrouverez à
nouveau, une troisième fois. Allez, prépare-toi, les invités arrivent dans
trente minutes.
Bien entendu, elle dit à peine ça qu’on entend Emilia rentrer dans la
maison et saluer mon père. Elle est toujours en avance et je sens que je vais
me faire engueuler de n’être toujours pas prête. Justement, elle arrive
devant la porte de ma chambre et lève un sourcil en me voyant toujours en
pyjama.
***
En plus de la robe violette à fleurs qu’elle m’a forcée à acheter hier, mon
maquillage et ce chignon me donnent réellement l’impression de participer
à tout, sauf à mon anniversaire.
– Si tu allais ouvrir ?
***
– Je sais qu’on n’est pas là pour ça, mais elle a de la chance d’être ta
cousine, marmonne Bonnie en lâchant des regards mauvais à Veronica qui
est à l’autre bout du jardin avec ses parents et les miens pendant que nous
jouons au poker avec la bande et Emilia.
– Arrête de grogner et joue, souffle Eddy. C’est ton tour.
– T’as misé combien ? me demande-t-elle car je viens de jouer avant
elle.
– Cent. Et je ne la défends pas, mais elle n’était presque au courant de
rien. Elle ne méritait pas qu’on la dénonce.
– Ouais, bah je la déteste toujours autant.
Je sais que je ne la ferai pas changer d’avis. Même si les autres ne disent
rien, je sais qu’ils ne la portent pas non plus dans leur cœur, et je peux
comprendre. C’est au tour d’Emilia de jouer. Elle se couche aussi, puis me
regarde.
Ma meilleure amie sursaute et je tourne la tête d’un coup vers elle puis je
regarde à nouveau Eddy et un sourire niais étire mes lèvres.
J’ai bien vu que depuis qu’il est arrivé, elle le regarde comme je ne l’ai
jamais vue regarder un mec. Ma meilleure amie a eu un coup de cœur et
Eddy n’est pas indifférent non plus. Depuis tout à l’heure, je remarque qu’il
se rapproche de plus en plus d’elle dès qu’il le peut, tout en essayant d’être
discret. Je le savais qu’il serait intéressé par ma meilleure amie, et
inversement. S’ils n’étaient pas venus aujourd’hui, j’aurais tout fait à mon
retour en Californie pour faire venir Emilia et qu’ils se rencontrent. Au
final, je n’ai rien eu à faire et je valide fortement.
Elle regarde Eddy comme s’il venait de lui dire que les extraterrestres
arrivent sur terre demain. Je m’empêche d’éclater de rire et lui donne un
coup de pied sous la table. Elle sursaute, me lance un regard noir. Je hausse
un sourcil et lui fais comprendre de foncer en lui faisant les gros yeux. Je
vois qu’elle panique, mais elle sourit tout de même timidement à Eddy en
se relevant.
***
Alors que l’on vient de terminer la partie, Eddy et Emilia ne sont
toujours pas revenus avec nos bières. On rigole quand on les voit assis au
fond du jardin sur un transat. On se regarde avec la bande, puis on explose
de rire et on retourne à nos places, décidés à les laisser tranquilles.
– Il y a moi, aussi.
Ils me fixent sans rien dire. Les filles éclatent de rire d’un coup et Caleb
secoue la tête.
– Quoi ?
Je dois être rouge tomate quand il me repose sur mes pieds et qu’il saisit
mon visage entre ses mains.
Puis ses lèvres se posent ardemment sur les miennes, me faisant flancher.
Je me retiens en m’accrochant à ses poignets pendant qu’il me serre contre
lui d’un bras sur le bas de mon dos. J’ai l’impression d’être de nouveau à la
maison. Il m’avait manqué, sans aucun doute. Mais je ne pensais pas autant.
C’est comme si mon cœur s’était retranché derrière des barrières et que
James venait de le libérer. Il déborde d’amour envers lui. On peut enfin
s’aimer sans plus rien entre nous. Le passé rempli de tension n’existe plus
entre nous, seul compte le moment présent. J’ai hâte de retourner en
Californie. Je prie pour que ce baiser ne se termine jamais, mais c’est
compter sans mon père, qui nous sépare.
– Bon, c’était peut-être mon idée de le faire venir ici pour me faire
pardonner, mais les bougies ne vont pas se souffler toutes seules, grogne-t-
il, ce qui nous fait tous rire.
J’essuie les petites larmes qui se sont échappées de mes yeux, souris à
mon père qui s’est excusé un million de fois depuis que je suis rentrée et
souffle mes bougies sous les applaudissements de ma famille et de mes
amis.
Même si je sais qu’on doit encore se parler avec James, je suis heureuse
qu’il soit là.
41
James
J’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’ai pas été seul avec Joy.
On se promène sur la plage derrière chez elle, pendant que la bande visite la
ville.
– C’est vrai que je ne m’y attendais pas. J’étais même déçue quand la
bande est arrivée sans toi.
Mon cœur loupe un battement et, putain, rien que pour ça je pourrais
mettre un genou à terre.
Elle sourit, attrape mes mains pour que j’arrête d’agresser ses cheveux et
les serre dans les siennes en se collant contre moi.
J’éclate de rire, et son sourire s’élargit encore plus. Il n’y a qu’elle pour
avoir cette prétention, mais elle a raison, alors je ne peux pas lui en vouloir.
Je passe mes bras autour de ses hanches et l’étreins peut-être trop fort, mais
il n’y a que comme ça que je me sens vivant.
Joy se met sur la pointe des pieds pour m’embrasser, mais je la repousse.
Je n’ai pas fini.
De mon autre main, je saisis la feuille dans ma poche droite puis la lui
tends. Elle l’ouvre doucement en ne me lâchant pas du regard. Il n’est pas
aussi appliqué que maintenant, mais je sais qu’elle va reconnaître mon coup
de crayon et surtout elle va se reconnaître quand elle était enfant. Elle
baisse enfin les yeux dessus et ils s’écarquillent avant que les larmes ne
coulent sur ses joues. Je saisis son visage et colle mon front contre le sien.
Si elle pleurait, maintenant c’est un tsunami qui inonde son beau visage.
Je tente d’essuyer ses larmes, mais elle se jette dans mes bras, enroulant ses
bras autour de ma nuque. Je me sens toujours impuissant quand elle pleure.
Mais là, je ne sais pas ce que veulent dire ses pleurs. Oui ? Non ? J’ai
l’impression d’être en apnée en attendant sa réponse. Si elle me dit non, je
ne sais pas ce que je ferais. Je l’aime comme un dingue et je sais que je ne
le supporterais pas si elle refuse. Je serais même capable de lui demander
tous les jours.
– Moi aussi, je t’aime, James. Et c’est oui, cent fois oui. Mais tu n’as
plus intérêt à décider pour moi.
Alléluia !
Joy
Il est magnifique avec son jean noir, son tee-shirt blanc, sa veste en
simili cuir et ses cheveux plaqués en arrière. De ses bras autour de mes
hanches, il m’attire contre lui.
– Si, bien sûr. Mais je croyais que tu me rejoignais chez moi dans deux
heures à la fin de ta séance avec ton client.
– Il n’a pas pu venir et j’ai une surprise pour toi. On y va ?
– James ?
– Je ne comprends pas.
– Bienvenue chez nous.
– Chez nous ? répété-je en écarquillant les yeux.
– James…
Même si on est encore jeunes, je sais que je ne pourrai plus vivre sans
lui. Il était mon meilleur ami à l’époque, mon ennemi à mon arrivée, mon
défi de cet été, puis mon petit copain. Il est maintenant tout : mon meilleur
ennemi, mon meilleur ami, mon confident, mon havre de paix et surtout
mon homme, le seul et l’unique. Il l’a toujours été. Toujours dans ses bras,
j’observe l’appartement tout autour de moi. J’ai si hâte. Peu importe ce qui
se passe, tant qu’il est là, j’ai confiance en l’avenir. Nous deux, c’était une
certitude depuis le début.
FIN
Remerciements
J’ai déjà publié deux romans, mais Le Pari de l'été est en fait le tout
premier que j’ai écrit, en 2016. C’est la toute première histoire que j’ai
partagée sur Wattpad. Alors la voir publiée six ans après, c’est presque
extraordinaire.
Je remercie mes meilleures amies, Emy et Julie, qui ont été les premières
à lire la toute première version de cette histoire et toutes les suivantes
jusqu’à cette dernière version. Je les remercie pour leurs réactions, leur
engouement, leurs conseils et pour me soutenir au quotidien depuis 2015.
Je remercie mes lecteurs sur Wattpad, sans qui cette histoire n’aurait
jamais atteint le million de lectures et sans qui je ne l’aurais jamais envoyée
à mon éditeur. Mais aussi ceux qui sont arrivés en cours de route et ceux qui
me découvrent seulement. Merci d’avoir fait et de continuer à faire vivre
cette histoire et ses personnages. Merci de m’avoir donné ma chance.
ZBOY_001
1
Élise
Gris : mélancolie
Raté.
Tu rêves, ma vieille.
Alors, j’ai besoin de dormir. Parce que je meurs de fatigue, parce que je
sais pertinemment que ce soir se déroulera encore la même soirée, et parce
que dormir est le seul moyen à ma portée pour m’évader de ce perpétuel
cauchemar qu’est devenue ma vie.
Eh merde.
Ça, je sais.
Elle a raison. Pourtant mon ego et ma confiance ne sont pas d’accord, ils
pleurent même à chaudes larmes, se demandant bien pourquoi on aime
autant les faire souffrir, eux qui ne sont pourtant pas si méchants. Si
l’histoire se répète, ils vont tirer leur révérence dans peu de temps. Alors, je
ne donnerai plus cher de moi.
Je sais bien que Simon n’était pas l’homme de ma vie et que je n’étais
pas amoureuse. Il n’était pas non plus celui avec qui j’étais foncièrement
heureuse ni celui avec qui je voulais construire un avenir solide. Mais il
avait l’avantage d’être là quand j’en avais besoin, de soulager mes états
d’âme et d’être un sacré coup au lit. Et j’estime que ce n’est pas
négligeable. De nos jours, c’est même mieux qu’espéré.
Je soupire après une profonde inspiration, blottie contre mon amie qui
entreprend de caresser mes longs, très longs cheveux, telle une mère qui
console son enfant. Ça peut paraître bizarre, mais pour nous ça ne l’est pas.
Ce geste est naturel et réconfortant. Il est ce dont j’ai besoin à cet instant.
– Je commence à croire que l’amour n’est pas fait pour moi, Jade. Trois
ruptures en un an, ça fait tout de même beaucoup, non ?
Mon amie hausse les épaules d’un air faussement détaché, le regard vissé
vers le plafond vide et blanc de notre appartement.
– Quelle vie, Jade ? Parce que si celle qui m’attend est celle que je vis
aujourd’hui, j’en veux pas, tu vois.
– Des vacances ? répété-je, prête à lui rire au nez dans deux secondes.
Ensemble, tu veux dire ?
– Tu dis sans cesse que tu n’as pas le temps pour écrire et que ça te
manque, ou encore que t’aimerais te remettre à la peinture. Alors, prends
quelques vacances, pars loin d’ici et recentre-toi sur toi-même le temps de
quelques jours, Élise. Prends du temps pour toi, ça devient carrément
nécessaire.
Je l’écoute parler alors que la folle idée trouve sa place dans mon esprit.
Après tout, ça ne semble pas être une si mauvaise idée. Je ne suis jamais
partie ailleurs qu’à Paris, là où je suis née et là où je vis. Et même si j’ai
peur de quitter cette ville, le temps est peut-être venu pour moi de les
affronter. Pour mieux me retrouver.
– Ouais, je sais.
***
Une heure avant le début de mon service au restaurant, je suis déjà prête
et habillée en conséquence. Un dernier passage devant le miroir de notre
salle de bains pour vérifier que tout est en ordre, et je sors attraper mon sac
et mon manteau. Dans mon élan, je remarque que Jade, installée sur son
bureau dans le coin de la pièce, m’observe du coin de l’œil, cessant un bref
instant de taper frénétiquement sur son ordinateur.
Elle hausse les épaules et pivote sur sa chaise de bureau pour se tourner
face à moi. Elle m’observe un instant puis pointe son doigt sur moi avec un
demi-sourire qui étire ses fines lèvres.
– T’as beau le nier, je sais que ta rupture avec Simon te fait quelque
chose.
Sans attendre, j’attrape mon sac à dos et mon manteau et ouvre la porte
d’entrée avant de me tourner vers Jade pour lui envoyer un baiser de la
main.
Elle a raison.
Je me dirige vers eux, sourire vissé sur les lèvres, jusqu’à être arrêtée par
Cassy, une serveuse avec qui je n’ai aucun foutu point commun. Une
serveuse qui aime s’acharner sur moi sous les yeux de mon patron qui feint
l’ignorance.
Évidemment.
Renfrognée devant le bar, je pose les quatre cafés serrés sur le plateau
alors que mon patron ne cesse de m’observer d’un air menaçant.
Je lui lance un regard interrogateur en arquant un sourcil.
– Merci, ma jolie.
J’appuie mes mots avec un ton sévère qui me surprend moi-même. Cette
fois, et sans vraiment m’en rendre compte, j’élève la voix et attire
l’attention des clients autour de nous et des serveuses qui cessent leurs
gestes pour me regarder, en quête de ragots à se mettre sous la dent. Les
quatre hommes se tournent enfin vers moi, effaçant leur sourire, pas même
étonnés. Malheureusement, aucun d’entre eux ne semble vouloir prendre la
parole et assumer son geste. Ou aucun d’eux ne possède le courage
nécessaire.
Son doigt tendu se pointe vers moi, et lorsqu’il fait un pas en avant pour
entamer une relation de force, je ressens soudain une certaine peur. Certes,
nous sommes en public, mais les fous ne sont pas tous enfermés, et avec
tout ce qu’on entend dans les médias, ça ne serait pas étonnant que cet
homme me lève la main dessus. En quête d’un soutien et d’un appel à
l’aide, je me tourne aussitôt vers mon patron ayant cessé d’essuyer ses
verres avec son torchon qu’il porte désormais par-dessus son épaule.
Attendant naïvement une aide quelconque, je n’ai droit qu’à la pire des
réactions qu’il pouvait m’offrir : du mépris.
Il me toise, la bouche retournée en secouant la tête, puis me dit, comme
dépité :
– Élise, tu es virée.
– Si vous acceptez que vos serveuses se fassent peloter les fesses dans
votre restaurant, monsieur, c’est qu’en effet, je n’ai plus rien à faire ici,
lancé-je froidement avec un air faussement détaché. Alors, non, vous ne me
virez pas, c’est moi qui pars.
La tête haute et l’allure fière, je détache mon tablier que je jette au sol.
Dans un silence étouffant, comme si le temps s’était figé dans ce restaurant
et sous les regards interloqués des autres clients, je récupère mes affaires et
me dirige vers la sortie sans même un regard pour mon patron. Au passage,
et volontairement, du bout du doigt, je balance au sol l’une des carafes
d’eau posées sur un plateau qui va s’éclater en fracas sur le sol.
Élise
Jade se tourne vers moi, surprise, puis regarde l’heure sur notre seule
horloge de l’appartement. À l’expression de son visage, je comprends tout
de suite qu’elle sait que quelque chose ne s’est pas passé comme prévu.
Comme elle a raison.
– Mais… Élise ! Je ne t’ai jamais dit de faire une telle chose, enfin !
s’agite-t-elle en levant les bras vers moi.
Je poursuis.
Jade pose une main sur la mienne et m’offre un regard bienveillant qui
rallume ma flamme et mon enthousiasme.
– Tu peux pas savoir à quel point ton soutien m’est nécessaire, murmuré-
je d’une voix chevrotante dans son cou.
Ma meilleure amie tape soudain dans ses mains et commence à rire avant
de se laisser retomber dans le canapé-lit derrière nous. Nerveusement, mon
rire accompagne le sien, peu certaine que la cause de notre hilarité soit la
même.
– Bon, réfléchissons.
Jade fait la moue et replonge dans ses pensées, peu convaincue par mon
idée. Mais au même moment, la playlist de ma colocataire entonne une de
mes chansons préférées, et, soudain, l’évidence me saute aux yeux. Je sais
désormais où je vais.
– Monte le son !
– Ça l’est carrément.
– Galway, chérie.
3
Élise
Vert : renaissance
– Ouais, je crois.
Jade entre et se dirige vers moi pour donner le dernier coup de fermeture
Éclair à ma valise, qui ressemble maintenant sacrément à un ballon trop
gonflé.
– T’es sérieuse ?
– Mmm… oui, validé-je. Je pars au minimum un mois, Jade. T’imagines
un peu le nombre de tenues qu’il me faut ?
– Eh ! Je t’ai entendue !
Mon amie s’exécute, mais une fois sur le seuil de la porte, elle se
retourne et me lance un regard amusé par-dessus son épaule.
– Je parlais des Italiens, mais les Irlandais sont carrément pas mal aussi,
tu sais…
Sans attendre, j’attrape mon coussin traînant sur mon lit et le lui jette
dessus.
– Sors d’ici !
Elle se retourne et place les paumes de ses mains devant elle en signe de
reddition.
– Avec un sac sans roulettes qui pèse trois tonnes et une valise cabine ?
Elle a raison, après tout. Faire des petites économies, c’est bien, mais,
parfois, le confort c’est pas mal non plus. Surtout lorsque l’on s’apprête à
prendre un nouveau départ. Alors j’acquiesce d’un signe de tête en la
remerciant silencieusement, puis ferme la porte pour enfiler ma tenue du
jour qui, je l’espère, me donnera force et courage pour aller au bout de mes
idées.
Lorsque j’arrive dans notre petit salon (faisant aussi office de chambre
de Jade et de cuisine), je remarque que ma meilleure amie me dévisage
d’abord, s’attarde sur ma silhouette ensuite puis apporte la main à sa bouche
pour retenir un rire moqueur.
Dix minutes plus tard, Jade s’arrête devant la plus grande gare de Paris
qui se trouve sur la route du prochain chantier sur lequel elle travaille. Elle
coupe le moteur et reste silencieuse alors qu’à travers la vitre, je regarde
l’agitation des passagers pressés, écoute les annonces de la gare et suis des
yeux le mouvement de foule qui se crée en pleine heure de pointe. Moi qui
ne suis jamais sortie de Paris et de ses alentours, je ressens une certaine
peur m’envahir. Mon cœur commence à cogner douloureusement contre ma
poitrine, je suis presque certaine que Jade peut l’entendre, elle aussi, même
si elle n’en montre rien.
Chouette !
Je lui fais signe et balance le bras vers elle pour lui indiquer de s’arrêter,
et lorsque je vois son clignotant qui s’éclaire de mon côté, je suis soulagée.
J’ai même envie de pleurer, pourtant, j’ai comme l’impression que mon
périple ne fait que commencer. Je pense au cottage bien chaud et isolé qui
m’attend et qui me tend les bras. Je pense à l’Irlande, à ses pubs et à ses
forêts mystiques et calmes où je pourrai me ressourcer comme j’en ai
tellement besoin. Je pense à l’écriture et à la peinture auxquelles je pourrai
m’adonner sans limites et sans contrainte. Et le sourire me revient,
apportant le courage et l’espoir avec lui.
L’homme me toise un bref instant avant de relever les yeux vers mon
visage, à peine surpris.
Je fais un pas en arrière et l’un de mes pieds tombe dans une flaque
d’eau, humidifiant mes orteils au fond de mes chaussettes.
Raté, connard.
J’ignore s’il est ironique ou bien le plus sérieux du monde tant son
visage est des plus impassibles et des plus énigmatiques. Et même si je suis
furieuse et en colère contre lui, je ne sais trop comment réagir.
Je balance les bras devant moi, toujours sous le choc d’un tel
comportement odieux à mon égard. Je jure que si Dieu m’en donnait la
force, je mettrais un bon coup de poing au beau milieu de son joli minois
arrogant d’homme d’affaires se croyant tout permis.
L’homme aux cheveux clairs mais aux grands yeux noirs se met à ricaner
faiblement en secouant la tête, ne m’offrant pas même l’ombre d’un seul
regard.
– Prends le taxi pour éviter les galères inutiles, elle m’a dit, grogné-je en
pestant contre ma meilleure amie.
À suivre,
dans l'intégrale du roman.
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Avril 2023
ISBN 9791025759073
ZMES_001