Vous êtes sur la page 1sur 459

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !

Instagram : @ed_addictives
TikTok : @ed_addictives
Facebook : facebook.com/editionsaddictives

Et sur notre site editions-addictives.com


Disponible :

À corps brisés
Le cœur en miettes, Jeanne se noie dans le travail pour oublier que son
fiancé vient de la quitter. Au Château, où elle officie comme kiné, elle doit
s’occuper d’un nouveau patient, Adam Champdor.
Le corps brisé par un grave accident de moto, il est persuadé de ne plus
jamais remarcher. Le jeune homme est riche et arrogant, et son caractère
dominateur ne l’a pas préparé à vivre une telle épreuve.
Entre Jeanne et Adam naît une passion torride et tourmentée, où chacun
essaie de se reconstruire.
Mais bientôt, la jeune femme doit faire face à un terrible choix, sans doute
le plus important de toute son existence…

Tapotez pour télécharger.


Disponible :

Arrogant Quarterback
Quarterback de l'équipe de football de l'université, Mason Carter ne vit que
pour les études et le sport. Rien ni personne ne se mettra en travers de son
chemin.
Seuls ses meilleurs potes et colocataires réussissent à le détourner de temps
en temps de ses révisions et entraînements intensifs. Il sait qu’il est la star
du campus et il n’hésite pas à le rappeler à qui l’oublierait.
Mais June Carpenter est prête à s’attirer ses foudres pour le faire
redescendre de son piédestal. Elle est bien décidée à profiter de ce nouveau
départ pour ne plus subir sa vie et encore moins les états d’âme des autres.
Et si pour ça elle doit remettre Mason à sa place, qu'il en soit ainsi !
Disponible :

Cruise Vibrations
Romy et son associée doivent tester une croisière idyllique afin de proposer
des voyages de noces exceptionnels à leur clientèle.
Mais à la suite d’une erreur de réservation, leur séjour semble tenir
davantage du cauchemar que de la lune de miel : embarquée sur un
paquebot réservé au troisième âge, Romy est persuadée qu’elle a touché le
fond !
Jusqu’à ce qu’elle rencontre Cole, le codirigeant de la société qui organise
ces croisières : la perspective de passer trois semaines en mer est alors bien
plus réjouissante… Pourtant, elle sait qu’elle doit rester pro. Elle est là pour
tenter d’obtenir un partenariat avec Travel with Me, pas pour mettre le PDG
dans son lit ! Surtout qu’elle vient à peine de rompre ses fiançailles après
une relation longue de plusieurs années et qu'elle ne se sent pas du tout
prête à se rapprocher d’un homme.
Mais en vingt et un jours à sillonner le monde, bien des choses peuvent se
passer…
Disponible :

Love me bad !
Il est un criminel redouté, elle est la fille du maire et sa vie est toute tracée.
Ils n’auraient jamais dû se croiser, ni même s’adresser la parole. Mais
quand Maxine rencontre Jay à la sortie du lycée, elle se rend compte que cet
homme dangereux pourrait la mener sur un terrain inconnu, qu’elle rêve de
parcourir. D'autant plus qu’un désir irrépressible s’en mêle…
Mais une nuit, tout bascule. Jay est envoyé en prison à cause de Maxine. À
sa sortie, sept ans plus tard, il rêve de vengeance. Il va alors tout faire pour
s'immiscer dans la nouvelle vie de Maxine et pour la faire payer.
La passion toujours enfouie parviendra-t-elle à réparer l’irréparable ?

Tapotez pour télécharger.


Disponible :

My Biker Stepbrother
À la suite de la mort de son père, Vic se retrouve seule. Heureusement, l’ex-
femme de son père accepte de l’accueillir dans sa famille. Le fils de cette
dernière, lui, est tout sauf agréable. C’est un motard colérique, un boxeur
impitoyable, mais surtout un jeune homme terriblement attirant. Vic est loin
d’être une petite fille gentille et innocente : elle a des piercings, elle se
rebelle et elle est énervée contre le monde entier.
Ils doivent cohabiter et ça va faire des étincelles.
Aux yeux de tous, ils sont frère et sœur. Pourtant, ils ne peuvent s’empêcher
d’être attirés l’un par l’autre.
Jusqu’où cette attraction les mènera-t-elle ?

Tapotez pour télécharger.


Ludivine Hart
LE PARI DE L'ÉTÉ
Aux bancs de la fac qui ont été les témoins des débuts de ce roman.
Prologue

Joy

À peine sortie de l’avion et mes valises récupérées, je cherche ma


cousine Veronica dans l’aéroport. La voix de ma mère résonne dans ma
tête : « Essaye de lui donner une chance, elle a peut-être changé. » Je n’en
suis pas très sûre, mais je veux bien faire un effort. Puis, je ne suis là que
pour deux mois. On ne s’est jamais réellement entendues, donc
j’appréhende un petit peu ce séjour chez elle. Si j’avais su que mes parents
voulaient m’envoyer deux mois avant ma rentrée à l’université chez mon
parrain, je pense que j’aurais refusé. Mais maintenant que je suis là, je ne
peux plus faire demi-tour.

Du haut de mon mètre soixante, je me mets sur la pointe des pieds pour
tenter de l’apercevoir. Ce sont ses cheveux roses que je reconnais en
premier, sa dernière coloration en date. Empêtrée dans mes valises, je
m’avance vers elle sous son regard réprobateur.

Qu’elle ne m’aide pas, surtout !

Pour autant, je plaque un sourire factice sur mon visage quand j’arrive
face à elle.

– Salut Veronica.

Le regard de ma cousine me scanne de la tête aux pieds. Elle tire la


grimace quand elle découvre mon jogging blanc et mes Converse. J’avais
oublié que madame ne jure que par les grandes maisons de luxe.
– Tu es en retard, assène-t-elle en se retournant pour partir, me plantant
en plein milieu de l’aéroport.
– Bien sûr, c’est moi qui pilotais, la singé-je dans son dos en levant les
yeux au ciel.

Mais je la suis tout de même parce que je ne vais pas faire le chemin à
pied jusqu’à Bel-Air.

Je grimace rien qu’en pensant à ce quartier, n’étant pas habituée à vivre


dans une telle communauté. Mes parents et moi-même, on n’a pas à se
plaindre, c’est certain. Mais mon oncle s’est marié avec la mère de Veronica
qui est à la tête de son entreprise, un célèbre magazine féminin, ce qui fait
qu’ils ont largement les moyens de se payer une grande maison dans ce
quartier prisé des riches de Los Angeles.

Veronica est déjà installée dans sa voiture quand je la rejoins. Je me


débrouille comme je peux pour ranger mes valises dans le coffre et
m’installe côté passager. J’ai à peine fermé la portière qu’elle démarre déjà.

– C’est un plaisir de te revoir cousine, lancé-je, sarcastique, sans lui


accorder un regard.

Elle ne me répond pas. Tant mieux, en fait.

J’observe le paysage en souriant doucement. Vivant à Miami, je connais


la frénésie des grandes villes, mais je n’ai que très peu de souvenirs de Los
Angeles ainsi que de la Californie. Je devais avoir 12 ans la dernière fois
que je suis venue et je vais en avoir 18. Même si je ne m’entendais pas
réellement avec ma cousine, j’aimais venir. Les premières années, mes
parents m’ont simplement dit qu’ils n’avaient plus les moyens, ni la
possibilité de voyager. Mon père a changé de travail entre-temps, c’était
compliqué pour lui d’avoir des vacances. Tout du moins, c’est ce qu’ils
m’ont raconté, mais ça me paraissait bizarre parce qu’on aurait pu revenir
pour un week-end au moins. Enfin bon, j’ai cessé de quémander par la suite
en sachant que j’y reviendrai pour mes études. C’était dans mes plans
depuis des années. En revanche, si la perspective de vivre avec ma cousine
ne m’enchante pas, je suis excitée de voir ce que me réservent ces deux
mois avant mon entrée à l’université.

– Je ne pensais vraiment pas qu’UCLA t’accepterait, me jette ma cousine


après quelques minutes.

C’est parti, première pique du séjour. Ça commence.

Los Angeles n’est-elle pas censée être la Cité des Anges ? Parce que
jusqu’à preuve du contraire, Veronica n’en est absolument pas un. En
apercevant enfin le panneau d’entrée de Bel-Air, je prie pour que ces
vacances ne soient pas un enfer.
1

Joy

La maison est comme dans mon souvenir. Grande, toute blanche, excepté
la porte noire en marbre. Seules les fleurs sur le devant du terrain apportent
des touches de couleur. J’ai beau me rappeler le quartier, je ne peux
m’empêcher de m’extasier quand je sors de la voiture. Les maisons sont
toutes gigantesques !

– Bon, tu te bouges ? braille Veronica qui se trouve maintenant sur le


porche de chez elle.

Tirée brusquement de ma rêverie, je soupire et sors mes valises du coffre.


Mais j’ai à peine le temps de les récupérer que la porte d’entrée s’ouvre à la
volée, laissant apparaître mon oncle et parrain, Steve.

– Ma rouquine préférée ! crie-t-il en courant presque dans l’allée avant


de me prendre dans ses bras.

Il me secoue comme un prunier, me faisant glousser. Si je ne m’entends


pas avec ma cousine, mon oncle est comme un second père pour moi.

– Salut Steve, dis-je entre deux rires.

Il me laisse retomber sur mes pieds et me tient à bout de bras pour me


détailler.
– Mais depuis quand tu es devenue une jeune femme ? C’est moi, ou tu
es encore plus rousse ?
– Bon, vous comptez entrer ou quoi ? s’impatiente Veronica en tapant du
pied, ce qui me fait lever les yeux au ciel.

Son père l’observe quelques secondes puis reporte son regard sur moi. Je
vois qu’il a compris qu’on ne s’entend toujours pas et il a l’air désolé que sa
fille ne fasse pas d’effort.

– Ne t’inquiète pas, elle est ingrate depuis qu’elle est avec son copain.
Allez, laisse-moi porter tes valises et allons t’installer.

Je saisis mon sac à dos et ferme le coffre. Quand je relève la tête, je


croise le regard d’une fille, qui doit sans doute avoir mon âge, derrière la
vitre de la maison d’en face. Ses cheveux blonds illuminés par le soleil
créent comme un halo lumineux autour d’elle, tel un ange. Je rigole en
repensant à ce que je me suis dit il y a quelques minutes. Peut-être qu’il
existe bien des anges ici, tout compte fait.

J’agite la main pour la saluer. Elle sursaute, croyant sans doute que je ne
la voyais pas. Elle se reprend, me rend mon geste en souriant grandement
puis elle disparaît. Je ris doucement et rentre enfin dans la maison. Je monte
directement jusqu’à la chambre d’amis où mon parrain a déjà posé mes
valises. Elle est joliment meublée et décorée à la perfection, dressing et
salle de bains compris. Mais ce que je remarque en premier, c’est la
bibliothèque, qui n’était pas là dans mon souvenir. Je m’approche et laisse
mon doigt glisser sur des livres fantastiques et de romance, les deux genres
que j’adore. Il y en a que j’ai déjà lu, et certains que je ne connais pas. J’en
saisis un de ces derniers et le retourne pour découvrir le résumé. Je souris
en découvrant une histoire d’ennemis qui tombent amoureux. Secrètement,
j’ai toujours rêvé de vivre une relation de ce genre. Je suis peut-être bizarre,
je le conçois. Mais je me demande si la passion qu’on lit dans ces romans
existe réellement dans notre réalité.

Je lève la tête quand j’entends mon parrain s’approcher. Il pointe le


bouquin du doigt et me dit :
– Je sais que tu adores lire, alors j’ai pris soin de te faire une petite
sélection pour ne pas que tu t’ennuies cet été.

Un grand sourire étire mes lèvres et je serre le livre contre ma poitrine.


On ne peut pas dire qu’il m’ait vue énormément ces dernières années, donc
ça me fait chaud au cœur qu’il me connaisse un minimum.

– Merci beaucoup, ça me touche.


– Tout le plaisir est pour moi, dit-il en m’embrassant le crâne pendant
que j’ouvre le livre. Je te laisse t’installer, appelle-moi si tu as besoin de
quoi que ce soit.

J’acquiesce d’un signe de la tête sans lui répondre, déjà absorbée dans
ma lecture, mais il ne s’en formalise pas et quitte ma chambre.

Le bruit de la porte qui se referme me fait revenir à moi. Je repose le


livre à sa place et me retourne pour observer mes valises. Je plaque mes
mains sur mes hanches et leur lance un regard sévère.

– À nous, maintenant.

***

Cela fait plusieurs heures que je suis arrivée. Toutes mes affaires sont
rangées. Le dressing est bien trop grand pour le peu de vêtements que j’ai
ramenés, mais au moins, j’ai toute la place pour m’étaler. Je suis crevée,
mais si je m’allonge maintenant, je vais m’endormir, alors j’appelle mes
parents. Je leur ai envoyé un message quand je suis arrivée pour les
prévenir que tout s’est bien passé. Mais ils m’ont fait promettre de les
appeler une fois que je serai installée. J’appelle ensuite ma meilleure amie,
Emilia.
– Veronica est toujours une peste ? demande-t-elle à peine après avoir
décroché.
– À ton avis ? ricané-je. Elle m’a déjà dit qu’elle ne pensait pas
qu’UCLA m’accepterait.
– Cette connasse, peste mon amie. Attends que j’arrive et je vais lui
botter le cul.
– Tu viens quand justement ?
– Je ne sais pas… soupire Emilia.

Je grimace parce que je devine déjà ce qu’elle va me dire.

– Ma mère n’est pas trop chaude pour que je voyage d’un bout du pays à
l’autre. Mais promis, je fais tout pour la faire craquer, ajoute-t-elle.
– T’as intérêt, je ne veux pas draguer seule.

Ma meilleure amie éclate de rire presque à s’en étouffer, et je fais


semblant de ne pas comprendre, parce que je sais très bien qu’elle ne me
croit pas. Je ne me crois pas non plus.

– Quoi ?
– Tu es incapable de draguer sans moi, Joy. Tu en as tellement eu la
possibilité à Miami, mais tu esquivais à chaque fois. Je commence à penser
que ton petit vagin ne sera plus jamais visité.
– Ferme-la ! m’écrié-je en rougissant, mais elle ne peut pas me voir alors
je suis tranquille.
– Je sais que tu rougis.

Ah, eh bien non, je n’ai rien dit.

– Tais-toi ou je raccroche.
– D’accord ! s’exclame mon amie, et je sais qu’elle lève les yeux au ciel,
ne prenant pas ma menace au sérieux. Tu m’avais dit que quand tu étais
plus jeune, tu jouais souvent avec un garçon quand tu rendais visite à ta
famille. Tu crois qu’il est toujours là ?

J’ai tout fait pour éviter de penser à lui depuis que j’ai su que j’allais
venir ici, mais à peine elle le mentionne que les souvenirs me reviennent en
mémoire. Enfin, le peu d’images, parce que j’avoue qu’après toutes ces
années, son visage s’est un peu effacé de mon esprit. Mais je sais que je le
reconnaîtrais instantanément si je venais à le croiser de nouveau. Je me
souviens qu’il avait un an de plus que moi. Je me rappelle ses cheveux
châtains qui tiraient sur le blond avec le soleil. Il était déjà plutôt grand à
l’époque, mais on a grandi. Je ne me rappelle plus son prénom, mais je sais
qu’il commençait par un J. Jason ? Joshua ? John ?

– Je n’en ai aucune idée.


– Ça serait cool, ça t’éviterait de passer tout ton été avec ta diablesse de
cousine.
– Pas faux. Je demanderai à mon parrain. Il doit s’en souvenir.
– Et, qui sait, peut-être que ça sera lui qui prendra soin de ta petite partie
intime sacrée.

Elle n’a pas osé ? J’observe mon téléphone comme si elle m’avait parlé
dans une autre langue. Mais si, elle l’a bien dit.

– Je t’avais prévenue, je raccroche.


– N…

Trop tard, j’ai raccroché. Tout de suite, mon appareil s’allume, annonçant
l’arrivée d’un message.

[J’étais sérieuse, mais comme tu veux.


Je t’aime, tu me manques déjà.]

Je souris et lui réponds rapidement.

[Toi aussi, tu vas me manquer. Je t’aime.]


Après ça, je me lève avec mon téléphone, mes écouteurs en main, et je
sors de ma chambre. Quand j’arrive au rez-de-chaussée, je trouve Steve
dans le salon, plongé dans le dernier magazine de ma tante, et je souris.
Mon parrain est fan de sport et de rock, donc il n’y a absolument rien dans
les magazines féminins de ma tante pour lui, mais il les lit tout le temps.
C’est ce genre d’amour inconditionnel et rempli d’entraide que je veux
vivre.

Il relève la tête en entendant mes pas et tout de suite ses sourcils se


froncent d’inquiétude. On ne fait pas plus papa poule que mon parrain.

– Un souci ?
– Non, je comptais juste te prévenir que je sors pour me dégourdir les
jambes et visiter pour me rappeler le quartier.

Steve se lève sans rien dire et s’éloigne dans la cuisine en me faisant


signe de ne pas bouger. À mon tour de froncer les sourcils. Mais je
comprends vite quand il revient quelques instants plus tard en me tendant
une clé.

– Tiens, tu seras libre d’aller et venir comme ça. Tu sauras retrouver le


chemin, ou tu veux que je t’accompagne ?
– Merci beaucoup, ça ira !

Mon parrain hoche la tête et je me retourne pour sortir. Mais avant de


quitter le salon, je me sens obligée de demander :

– Steve ?
– Hmm ? fait-il, à nouveau plongé dans son magazine.
– Tu te rappelles le garçon avec qui je jouais quand je venais avant. Il vit
toujours là ?

Il relève la tête et je vois qu’il réfléchit jusqu’à ce qu’il ait l’air de se


souvenir.
– Mais oui, le petit James ! Il vivait à quelques maisons d’ici jusqu’à ce
que sa mère décède d’un cancer. Il vit maintenant quelques rues plus loin
chez sa tante avec son petit frère. Je l’ai justement croisé dans le parc du
quartier hier.

James.

Je le savais que ça commençait par un J.

Est-ce qu’il se souvient de moi ? Je ne pense pas, mais je remercie mon


parrain d’un sourire. Je pensais que la discussion s’arrêterait là, mais Steve
continue, me prenant par surprise.

– Je suis persuadé qu’il était amoureux de toi quand vous étiez gosses.

Je rigole légèrement en sentant mes joues chauffer, mais je secoue la tête


pour nier.

– Je ne pense pas, Steve.


– Oh, si. Tu ne t’en souviens pas, mais déjà quand tu étais enfant, ta
chevelure étincelait et tous les gamins étaient amoureux de toi. Mais aucun
ne t’a regardée comme te regardait le petit James.

Je veux rétorquer, mais je ne trouve rien à dire tellement je suis gênée. Je


préfère changer de conversation.

– N’importe quoi. Les magazines de ta femme te montent à la tête.


– C’est ça. Allez, file !

Je ne me fais pas prier, enfile mes chaussures et sors de la maison. Mon


regard est tout de suite attiré par la bâtisse d’en face, où j’ai croisé la fille
tout à l’heure, mais je ne la vois plus à travers la fenêtre. Je hausse les
épaules et avance dans la rue ; ça sera pour une prochaine fois. Je ne fais
qu’une dizaine de pas que j’ai déjà l’impression d’être projetée dans un
autre monde !
Je vis à Miami, je connais le luxe, mais j’avais oublié à quel point Bel-
Air était exubérant ! Les maisons sentent l’argent à plein nez et je ne parle
pas des voitures de grandes marques garées devant chacune d’elles. Je n’ai
pas le permis, j’ai la phobie de conduire depuis le jour où un mec du lycée
que j’aimais beaucoup a eu la bonne idée de prendre la voiture de son père
pour notre premier rendez-vous, et où on a failli avoir un accident. Pour
autant, j’adore regarder de belles voitures. Je suis récompensée quand, après
quelques rues, une ancienne Chevrolet noire à la carrosserie brillante passe
à côté de moi. Elle tourne, me coupant le chemin pour se garer devant une
villa magnifique. Je suis prête à insulter le conducteur, mais je suis
subjuguée par la maison. Sa façade est d’un rose poudré avec des briques
dans des tons marron. Son porche est entouré de grandes colonnes. Chaque
fenêtre de l’étage possède un balcon en fer forgé, le tout donnant à cette
villa des airs à la sicilienne. C’est juste sublime.

Je reporte mon attention sur la voiture qui est maintenant garée dans
l’allée, parce que je n’ai toujours pas oublié que le mec m’a coupé la route
sans même faire gaffe à s’il y avait quelqu’un sur le trottoir. Sauf que son
propriétaire, un grand blond, en sort. Il referme la porte derrière lui et son
regard accroche le mien. Les souvenirs se font maintenant plus clairs dans
ma tête. J’ai l’impression d’être projetée des années en arrière.

Merde.

Je suis persuadée que c’est lui.

Il a grandi, mais il n’a pas changé. La façon dont ses sourcils se froncent
quand il m’observe me fait penser que lui aussi m’a reconnue. Je ne sais pas
quoi faire et je commence à croire que je réfléchis trop. Je dois ressembler à
une meuf paumée en plein milieu du trottoir à le regarder comme si j’avais
vu un fantôme.

Un fantôme magnifique.

– James ! Qu’est-ce que tu fous ? C’est chez toi, mais c’est toi qui es en
retard !
Je sursaute en entendant une voix féminine. Je tourne la tête et découvre
la fille de tout à l’heure qui sort de la maison. Elle me remarque aussi, son
regard s’illumine et elle s’approche de moi.

– Eh, t’es la nouvelle !

Ce n’est pas une question, alors je ne prends pas la peine d’acquiescer.


De toute façon, elle est lancée et je serais incapable de l’arrêter.

– Je me demandais quand j’allais te revoir. Moi, c’est Lacey, et lui, fait-


elle en me montrant du doigt le mec, c’est James, mon meilleur ami.
Promis, il ne mord pas malgré son regard boudeur.
– J’ai entendu, gronde ce dernier.

Il rentre dans la maison sans un regard en plus pour moi, faisant soupirer
son amie.

– Il n’est pas méchant, je te le promets.


– Non, il ne regarde juste pas s’il va écraser quelqu’un ou non. Mais ne
t’inquiète pas, ce n’est rien, dis-je en rigolant pour masquer mon trouble.
Moi, c’est Joy, je suis la cousine de Veronica.

Lacey me montre la maison de la tête.

– Tu veux entrer ? Nos amis sont là.

Pourquoi je me sens tout de suite à l’aise avec elle ? En temps normal,


j’aurais peut-être accepté, mais si c’est bien le James auquel je pense, je ne
suis pas sûre qu’il veuille que j’entre vu comment il m’a ignorée. Alors je
refuse même si ça me fait mal au cœur, parce que j’ai l’impression qu’elle
est vraiment sincère.

– Je te remercie, mais j’ai promis à mon parrain que je ne resterais pas


longtemps dehors. Une prochaine fois peut-être.

Excuse bidon qui me fait moi-même grimacer, mais je suis persuadée


qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur. Je la salue de la main et m’éloigne pour
reprendre ma marche. Je ne pensais vraiment pas quand j’ai demandé à mon
parrain si James vivait toujours là que j’allais le croiser dès un pied mis
dehors. Mais vu la façon dont il m’a ignorée, je crois qu’il ne doit pas se
souvenir de moi tout compte fait. Alors que moi, tous nos moments
d’enfance passés ensemble jusqu’à mes 12 ans sont ancrés dans ma tête.
Après, je peux comprendre, de l’eau a coulé sous les ponts depuis. Cinq ans
quand on est adolescents, c’est beaucoup. Mais s’il y a bien quelque chose
dont je me souviens, c’est qu’il était plus souriant et plus sympa à l’époque.
Néanmoins, ce n’est pas en trouvant des excuses à chaque fois pour ne pas
sociabiliser que je vais me faire des amis durant ces vacances. Ce n’est que
le premier jour. Voilà, je ferai des efforts demain.

***

À mon retour une heure plus tard, je suis accueillie par Catherine, la
femme de mon oncle, qui s’écrie quand je passe la porte. Elle se sépare de
son tablier en le jetant en l’air. Il atterrit au sol en même temps que
j’écarquille les yeux quand elle fonce sur moi. Je veux reculer pour éviter
l’impact, mais je n’ai pas le temps de faire un seul pas en arrière qu’elle me
prend dans ses bras en me broyant presque. Je grimace quand elle me crie
dans les oreilles. J’avais oublié à quel point elle était expansive. Mais au
moins, on est toujours de bonne humeur avec elle. Je ne sais vraiment pas
de qui Veronica tient son caractère de merde.

– Je suis tellement heureuse de te revoir, Joy.

Comme son mari, elle me tient à bout de bras après s’être reculée et
m’observe de la tête aux pieds.

– Tu es devenue une si belle jeune femme !

Rassurée, je la remercie d’un sourire puis elle m’entraîne dans la cuisine.


– Je sais que tu adores cuisiner, alors passons du temps ensemble. Je
veux que tu me racontes tout ce que j’ai raté. Comment s’est passée ton
année de terminale ? Tu es prête pour l’université ? Tu as un copain ?
– Très bien. Oui et non.

Ma tante est une vraie pipelette, ce qui est loin d’être mon cas, mais elle
m’a manqué alors ça me fait plaisir de répondre à toutes ses questions.

– Comment une jeune femme magnifique comme toi peut ne pas être en
couple ? On va aller à la plage toutes les deux et tu vas voir que les garçons
vont te dévorer des yeux. Tu n’auras qu’à choisir. Ils seront à tes pieds sans
que tu aies à lever le petit doigt.

J’éclate de rire en imaginant la scène.

– Avec des grappes de raisins comme les serviteurs de Cléopâtre ?

Elle pointe vivement un doigt vers moi comme pour me dire que je tiens
quelque chose.

– Effectivement !

Je rigole légèrement et elle reprend un air sérieux en me tendant le plat


qu’elle sort du four.

– Non, mais vraiment, comment ça se fait ? Une jolie fille comme toi !

Je hausse les épaules en posant le plat sur la table.

– Je ne sais pas m’y prendre.


– Tu m’étonnes, lance sarcastiquement Veronica en entrant dans la
cuisine et en s’asseyant à table.
– Ne parle pas comme ça à ta cousine, gronde sa mère.

Mais Veronica n’en a que faire et se sert sans nous porter aucune
attention. Je remarque qu’elle est déjà tout apprêtée. Son père aussi quand il
nous rejoint dans la cuisine.
– Tu vas où comme ça, jeune fille ? Dois-je te rappeler que tu es privée
de sortie ?
– Papa, tu ne peux pas me faire ça ! On fête la fin du lycée, je dois y être.

Mon parrain secoue la tête et croise les bras contre son torse.

– Très bien, alors emmène Joy avec toi.


– Comment ?
– Quoi ?!

Nous nous sommes exclamées en même temps et tournons vivement nos


têtes l’une vers l’autre. Elle me fusille du regard pendant que je hausse un
sourcil, puis je reporte mon attention sur Steve.

– Non, non, m’empressé-je de le contredire. Je peux rester ici, ça ne me


dérange pas. En plus, je suis fatiguée.

Ce n’est pas le cas, mais je n’ai pas très envie d’aller en soirée avec ma
cousine.

– Elle ne connaît personne, riposte Veronica. Je n’ai pas envie de me la


trimballer comme un petit chiot.

Ma bouche s’entrouvre et j’écarquille les yeux.

Vraiment ? Tu vas voir de quoi il est capable, le petit chiot !

– Veronica ! s’exclame ma tante, outrée.

Ma cousine se tait, puis me fixe de son regard noir. Si elle avait des
armes à la place des yeux, je serais déjà morte. Mais je maintiens ma
position. Elle va voir de quoi je suis capable. Un sourire sournois étire mes
lèvres. Je suis peut-être gentille de nature, mais il ne faut pas non plus trop
me pousser.

– Tout compte fait, je veux venir.


Ça tombe bien, j’ai terminé mon repas. Je me lève pour débarrasser, mais
Cat’ m’en empêche et m’ordonne d’aller me préparer. Quand je passe à côté
de Veronica, je la bouscule légèrement avec mon épaule. Assez subtilement
pour que ses parents ne s’en aperçoivent pas, mais assez fort pour la
menacer et lui faire comprendre que c’est mieux pour elle d’éviter de me
chercher.

– Appelle-moi quand c’est l’heure de partir. Ne t’inquiète pas, je suis très


bien éduquée sans laisse.
2

Joy

Le nombre de fois où je suis allée à une soirée lycéenne se compte sur


les doigts d’une main. Emilia et moi n’avions pas beaucoup d’amis et on
n’a jamais trop aimé les fêtes de nos camarades populaires. Miami rime
avec Spring Break, et bien qu’on ne soit pas coincées, ce qu’il s’y passe
n’est pas trop notre truc. On est plutôt du genre à arpenter les librairies, à
aller au cinéma ou même à se promener sur la plage. Je ne sais pas si les
fêtes d’ici sont aussi dénudées que celles de Miami, mais je préfère croire le
contraire. J’enfile un short en jean et un tee-shirt blanc à manches courtes
que je noue à la taille.

Pour le maquillage, je ne fais rien de très extravagant non plus. Je


remplis mes sourcils, recourbe mes cils, applique du mascara et je termine
avec un baume à lèvres.

Je ne suis pas là pour me faire remarquer ce soir, juste pour essayer de


m’intégrer, donc je ne me maquille pas plus et attache mes cheveux roux et
ondulés en une queue de cheval haute. Ma tignasse épaisse et flamboyante
attire souvent les regards. Je l’aime beaucoup, tout comme mes taches de
rousseur sur mon nez et mes pommettes, mais je veux éviter que l’on me
remarque.

N’étant pas encore habituée à la température, je prévois une veste en


jean, puis enfile mes Converse blanches fétiches. Enfin prête, je décide
d’aller attendre Veronica dans l’entrée, en espérant qu’elle n’est pas partie
sans moi. Je ne sais même pas où se déroule la fête, ça serait bête de m’être
préparée pour rien.
Je poireaute quinze minutes dans le salon avant que Veronica ne
descende enfin. Contrairement à moi, elle est apprêtée de la tête aux pieds.
Son corps est moulé dans une robe rouge. À ses pieds, sont lacées des
sandales compensées blanches. Son visage est entièrement maquillé et ses
lèvres sont rouge sang. Ma cousine est magnifique, il n’y a pas de doute,
mais son comportement gâche tout.

– T’aurais pu faire un effort, me détaille-t-elle de haut en bas avant de


sortir de la maison.

Qu’est-ce que je disais ?

Je la rejoins dans sa voiture et, comme tout à l’heure, je suis à peine


installée qu’elle démarre.

– Je ne suis pas là pour plaire, lui réponds-je enfin.


– Donc, tu vas me dire que tu vas à une soirée où tu ne connais personne,
juste comme ça ? Et non pour te trouver un mec ?

Je lui lance un regard en coin, puis secoue la tête en haussant les épaules.

– Je suis là pour me faire des amis, c’est tout.


– Dans ce cas, je n’aimerais pas être à ta place. Tu vas passer une soirée
de merde, chérie.
– Tu n’as pas à t’inquiéter pour moi, je suis une grande fille, chérie,
répété-je avec un sourire narquois.

Ça a le mérite de lui clouer le bec, mais moi je deviens de plus en plus


nerveuse au fur et à mesure que je vois le paysage défiler. C’est la route que
j’ai prise tout à l’heure quand je suis partie me promener, et sans savoir
pourquoi, je parierais presque que l’on se dirige vers la maison de James.

– On va chez qui, au fait ? demandé-je pour être sûre.


– James Leeroy. C’est le mec le plus populaire du coin.

Je hoche la tête en me mordant l’intérieur de la joue pour éviter de dire


une connerie. Alors comme ça, c’est le mec le plus populaire. Fait chier.
Moi qui ne voulais pas me faire remarquer, je l’ai déjà croisé et je vais chez
lui. Si j’avais su, j’aurais demandé à Veronica chez qui on allait avant de
partir. Le James que je connaissais et le James que j’ai redécouvert ont l’air
d’être deux personnes totalement différentes. Il n’a même pas daigné
m’adresser la parole ! Je ne pense pas qu’il soit populaire pour sa bonté, je
dirais plus parce qu’il est canon. Toutes les filles doivent être sur lui. Son
côté mystérieux et bourru ne doit rien arranger. Je soupire longuement en
m’appuyant contre l’appuie-tête. Je me demande dans quoi je m’embarque
encore. Je suppose que je le saurai dans même pas une dizaine de minutes.
Sympa le début des vacances.

– Qu’est-ce qu’il y a ? m’interroge presque gentiment Veronica.

Je la regarde avec étonnement. Rares sont les fois où elle me parle


comme ça. Concentrée sur la route, elle me jette des œillades en coin. Au
moins, on ne peut pas lui enlever qu’elle est prudente en conduisant. Mais
n’étant pas sûre qu’elle soit sincère, je lui réponds seulement :

– Rien.

Elle hausse les épaules puis braque finalement pour se garer le long d’un
trottoir. Effectivement, nous sommes proches de la maison de James. Je
m’apprête à sortir de la voiture quand ma cousine me retient le bras.

– Joy…

Je fronce les sourcils et me redresse face à elle.

– Quoi ?
– Écoute…

Mais elle se tait pour regarder à travers le pare-brise, m’énervant encore


plus. Déjà que je ne suis pas fan de ses piques, alors si elle prend son temps
en plus… Je la pousse à poursuivre :

– Oui ?
Elle inspire longuement et me fixe à nouveau.

– Je sais que toi et moi on ne s’est jamais réellement entendues, mais je


pars à New York à la fin des vacances pour mes études. Ces deux mois
ensemble me font penser que c’est peut-être une seconde chance pour nous.
J’aimerais qu’on essaye de s’entendre. T’es ma seule cousine, j’ai envie
qu’on ait enfin une relation digne de ce nom.

Ah…

Je me retiens d’exploser de rire. C’est nouveau, ça ? Que s’est-il passé


entre le moment où on est parties de chez elle et celui-là ? On a passé une
faille spatiotemporelle sans que je m’en rende compte ? J’ai honte de dire
ça, mais rendez-moi ma cousine. Elle me fixe toujours, attendant ma
réponse. Je lève le menton et croise les bras contre ma poitrine.

– J’ai constamment fait des pas vers toi, mais tu me repoussais à chaque
tentative. Pourquoi ça serait différent cette fois ?
– Parce que je le veux vraiment. Crois-moi, Joy, je vais faire des efforts.
– C’est tes parents qui te l’ont demandé ?
– Oui, je te l’avoue. Mais j’en ai envie aussi, s’empresse-t-elle d’ajouter.

Je soutiens son regard et j’y lis une certaine sincérité. Finalement, elle
n’a peut-être pas mauvais fond. Je sais que l’on pourrait bien s’entendre
dans d’autres circonstances, mais elle essaye de se donner un genre et
j’avoue que ça ne me plaît pas beaucoup. Je dois prendre trop de temps à
répondre, car elle saisit ma main.

– S’il te plaît, Joy. Je sais que tu ne me crois pas et je comprends.


Cependant, je veux vraiment que l’on ait une vraie relation de cousines, toi
et moi.
– Très bien, capitulé-je.

J’espère que je ne vais pas regretter d’avoir cédé trop rapidement, mais
moi aussi, j’aimerais nouer une forme de relation avec elle.

– Merci, souffle-t-elle de soulagement.


Je lève un doigt en l’air pour la prévenir :

– Une seule réplique méchante de ta part et c’est mort, OK ?

Elle me tend son petit doigt.

– Promis.

Je noue le mien au sien et nos lèvres s’étirent en des sourires débiles. Je


sors finalement de la voiture et elle me rejoint sur le trottoir.

– Tu ne te souviens pas de James ?


– Si, malheureusement.

Elle rigole et passe son bras autour de mes épaules.

– J’ai hâte de voir sa tête quand il te reconnaîtra. Il y aura aussi mon


copain ce soir, j’aimerais beaucoup que tu le rencontres.

Le fameux petit ami que Steve n’a pas l’air d’apprécier, donc. Je me
demande pourquoi. Je pense que je vais bientôt le découvrir.

– D’accord, dis-je en haussant les épaules.

On arrive devant la maison et Veronica ne s’embête pas à sonner. Elle


entre directement, mais avant de faire un pas à l’intérieur, elle se retourne
vers moi et me sourit gentiment.

– Je ne le pensais pas tout à l’heure. Tu es très belle ce soir. De toute


façon, peu importe comment tu t’habilles, tu restes magnifique et je t’avoue
que j’ai toujours envié tes cheveux roux.

Malgré moi, je rougis, mais je ne baisse pas la tête comme j’en ai


l’habitude quand on me complimente. Ce n’est pas parce que notre relation
a pris un certain tournant que je vais tout de suite lui montrer mes
faiblesses.

– Merci, Veronica, tu es magnifique toi aussi.


Elle me remercie d’un sourire et entre enfin dans la maison. Je la suis
jusqu’au salon, où des dizaines de personnes sont affalées dans les fauteuils
et canapés. Même sur le sol pour certains. Je grimace en ne voulant pas
imaginer ce qui a pu être renversé dessus, étant donné que mes chaussures
collent déjà. Veronica pousse un cri me faisant sursauter, puis elle court
dans les bras d’un mec au crâne rasé. Je m’approche discrètement, et après
lui avoir avalé la langue, Veronica se retourne. Elle tire sur mon bras en
criant pour se faire entendre.

– Joy, je te présente Brenton, mon copain ! Brenton, ma cousine, Joy.

Je souris doucement en le saluant d’un signe de la main, parce que je ne


suis pas sûre qu’on s’entende avec la musique. Il me rend mon geste en
m’adressant un signe de la tête. Veronica n’attend pas plus pour s’affaler sur
ses genoux et ils reprennent leur séance de galochage. Je grimace et me
retourne. Très peu pour moi. Je n’ai pas non plus envie de tenir la
chandelle.

Je trouve une bière dans la cuisine puis reviens dans le salon. Je


m’appuie contre le mur pour observer autour de moi. Une scène de danse a
été improvisée au centre de la pièce, tandis que les sièges ont été repoussés
contre les murs. Des couples se trémoussent sur la piste ; certains sagement,
d’autres de façon plus désinhibée. Je parierais presque qu’ils n’ont pas fait
que boire. Mon regard croise à nouveau Veronica et Brenton. Ce dernier lui
tend son joint pour qu’elle inspire une latte, ce qu’elle fait sans réfléchir. Je
pense que c’est pour ça que Steve n’aime pas forcément le copain de ma
cousine.

J’observe la piste en prenant une gorgée de ma bière. Je crois reconnaître


Lacey, la fille que j’ai rencontrée tout à l’heure. Sentant sans doute mon
regard sur elle, elle se retourne. Son regard s’illumine quand elle me
remarque et elle me fait signe de la rejoindre.

– Salut Lacey, dis-je en arrivant à sa hauteur.


– Appelle-moi Lace. Je suis contente que tu sois là ! crie-t-elle pour se
faire entendre et je lui lance un sourire.
Une fille métisse aux cheveux crépus et un grand mec à la chevelure
noire nous rejoignent.

– Les amis, je vous présente Joy, la cousine de Veronica. Joy, voici mes
meilleurs amis, Bonnie et Eddy.
– Bienvenue, disent-ils en même temps avant de m’enlacer.
– Où sont Caleb et James ? demande Eddy à Lace.

Je ressens une pointe d’adrénaline dans mon corps quand il prononce le


prénom de James, mais j’essaye de garder un visage impassible.

– Dehors, je pense.

Il acquiesce puis nous quitte.

– Dansons ! s’exclame Bonnie en nous entraînant plus loin sur la piste.

S’il me faut quelques minutes pour me laisser aller, les filles savent me
mettre à l’aise. Bientôt, nous nous déhanchons les unes contre les autres de
façon très lascive, en explosant de rire.

Alors que je me tourne, je vois trois mecs assis dans un canapé, dont
Eddy. Je reconnais tout de suite James, les bras croisés contre le torse, à
observer ce qui se passe autour de lui, le visage impassible. Il est habillé
simplement – un jean noir, un tee-shirt blanc et des bottines style rangers –,
mais son air énigmatique et ennuyé fait que tous les yeux se tournent vers
lui, les miens y compris. Ça ne sert à rien de nier, il est beau et il le sait. Je
remarque que même s’il n’est pas musclé à la folie, il l’est plus que tous les
autres mecs présents. Il doit se tuer à la salle. Le troisième mec, Caleb je
suppose, parle à James, mais comme s’il avait senti mon regard, ce dernier
tourne la tête vers moi. Même de loin, je me sens saisie par son regard
indéchiffrable. Je sais que je ne devrais pas, mais je le fixe à mon tour. Il
fronce les sourcils, comme s’il ne s’attendait pas à me voir là. Il se lève et
fait à peine un pas dans ma direction que j’ai l’impression de me réveiller.
Un cri se bloque dans ma gorge.

– Je vais aux toilettes, crié-je aux filles précipitamment.


– À l’étage, première porte sur ta gauche, me répond Lace.

Je lève un pouce en l’air en m’éloignant et prends la direction de l’étage.

Il est vide. J’ai l’impression que les gens savent qu’ils ne doivent pas
venir ici, sauf pour aller aux toilettes, car justement je croise Veronica qui
en sort. Elle serre mon épaule et redescend. Je prends soin de fermer la
porte à clé derrière moi puis m’assois sur le bord de la baignoire pour me
calmer. Je savais que c’était une mauvaise idée de venir à cette fête. Ça fait
des années que je ne suis plus en contact avec James. Alors pourquoi il me
retourne l’estomac comme ça ? La dernière fois que je l’ai vu, j’avais
12 ans. Je ne devrais pas ressentir ça. Ça n’a aucun sens. Est-ce qu’il allait
vraiment venir à ma rencontre ? Est-ce qu’il m’a reconnue ?

– Oh, arrête Joy, pesté-je contre moi-même en me relevant comme si la


baignoire m’avait brûlée.

Je me recoiffe dans le miroir et secoue la tête devant mon reflet, me


réprimandant moi-même. Vous aviez juste l’habitude de jouer ensemble à
l’époque, rien d’autre, ça ne veut rien dire. Il n’est pas le diable, je suis
capable de l’affronter.

En retournant au rez-de-chaussée, je m’apprête à rentrer dans le salon,


mais une main se pose sur mon épaule, me faisant sursauter.

James.

Je pose ma main sur mon cœur pour me calmer tout en lui lançant un
sourire timide, qu’il ne me rend pas. Il saisit mon bras et m’entraîne après
lui dans une pièce. Je reconnais un bureau, même dans la pénombre,
seulement illuminé par la lumière de la pleine lune. Il me lâche, et je me
retourne pour le questionner. Cependant, je reste confuse quand je le vois
fermer la porte derrière nous. Qu’est-ce qu’il me veut ? Je ne sais pas pour
d’autres personnes, mais moi, ça ne me rassure pas vraiment d’être dans
une pièce assombrie avec une personne qui a l’air de me détester. Il se
retourne à nouveau vers moi, ses yeux parcourent mon corps. Je sens mon
corps chauffer sous son regard intense. Finalement, ses yeux, bleus, mais
qui paraissent plus sombres avec la noirceur de la pièce, se plongent dans
les miens.

– T’es qui ? crache-t-il de son ton bourru.

J’ai l’impression d’encore sentir sa main sur mon bras. Je le frotte pour
faire disparaître cette sensation tout en observant la pièce autour de moi. Je
m’approche de la vitre qui donne sur la terrasse où s’amusent des gens.

– Sympa l’accueil, ricané-je. J’espère que tu ne le réserves pas à tout le


monde.

Il ne me répond pas, il avance vers moi. Bientôt, je devine sa chaleur


quand elle me réchauffe le dos. Je me retourne et je suis obligée de lever la
tête pour l’observer, parce qu’il est bien plus grand que moi. J’ai l’air
minuscule à ses côtés. Il pourrait m’étouffer dans ses bras.

Eh, pourquoi je pense à ça ?

Je me reprends et ancre à mon tour mon regard dans le sien.

– Tu ne me reconnais pas ?
– Je devrais ? me répond-il bien trop rapidement, ce qui me fait penser
qu’il sait très bien qui je suis.
– À toi de me le dire.
– Non, déclare-t-il sèchement. Je ne sais pas qui t’es.

Je laisse un rire amer m’échapper. Il ment. Du coup, je ne sais pas si je


m’en réjouis ou si j’ai envie de l’insulter. Mais je décide de ne rien faire et
le contourne.

– Dans ce cas, je retourne m’amuser.

Je ne fais pas deux pas qu’il me retient à nouveau par le poignet.


Décidément, ça devient un peu trop une habitude. Je m’arrête sans me
retourner, attendant de voir ce qu’il a à me dire. Je suis prête à parier que ça
ne sera pas que des compliments vu comment je le sens tendu.
– Reste loin de moi et de mes amis, Joy.

Mon cœur loupe un battement en entendant mon prénom sortir de sa


bouche, mais encore une fois, je ne montre rien. Je tourne légèrement la tête
et hausse un sourcil.

– Alors, tu te souviens ?
– Non. Lace a parlé de toi.

C’est ça ! Il vient de m’assurer qu’il ne sait pas qui je suis, et maintenant


il dit qu’il a entendu parler de moi…

Quel mauvais menteur !

Je secoue la tête, désespérée, et le force à me lâcher pour sortir de la


pièce. Par la porte, je vois Veronica et Brenton sur la terrasse et je décide de
les rejoindre. Lace et Bonnie sont sur mon chemin, elles me font signe pour
que je les rejoigne. Je décline poliment d’un sourire et retrouve le couple. Je
ne suis pas là pour chercher les ennuis et encore moins me mettre à dos le
mec supposément le plus populaire du lycée, et qui est aussi mon souvenir
d’enfance.

– Alors comment c’est, Miami ? me demande Brenton quand je m’assois


à leur côté.
– Cool. Seulement un peu ennuyeux quand tu n’es pas touriste.
– Comme ici, quoi, ricane-t-il, et je ne peux qu’acquiescer.
– Elle a été prise à UCLA, renchérit Veronica en me serrant le genou.

Toujours pas habituée à ce qu’elle parle de moi aussi gentiment, je la fixe


et elle me lance un sourire timide.

– Oh, c’est vrai ? s’étonne Brenton. Vous échangez de côtes en fait.

Je n’y avais pas pensé, mais effectivement. Ma cousine s’envole pour


New York à la rentrée pour des études de commerce à NYU.

– T’en veux ?
Je me retourne vers lui et découvre qu’il me tend un joint. Sur le coup, je
m’apprête à refuser par habitude, mais l’envie de m’amuser et de profiter de
mes vacances se fait vite ressentir. Ce n’est pas un joint qui va me tuer. J’ai
déjà essayé, je n’aime pas forcément ça, mais je suis là pour m’amuser.

– Avec plaisir.

Veronica sourit et je ne sais pas pourquoi, je suis contente qu’elle


approuve enfin quelque chose que je fais. Je saisis le joint de la main de
Brenton et l’approche de ma bouche. Je n’ai pas le temps de faire plus qu’il
m’est arraché des mains. Je sursaute et manque de tomber de mon siège. Je
lève la tête et découvre un James fulminant.

– Que tu fumes, je m’en bats les couilles. Par contre, je t’ai déjà dit de ne
pas en emmener ici, putain.
– C’est bon, se défend Brenton qui essaye de détendre l’atmosphère
d’une voix légère. On ne fait rien de mal.

Mais ça ne détend pas James, au contraire. Il saisit Brenton par le col


sous le cri de Veronica et mon regard estomaqué. Merde, je ne m’attendais
pas à ça.

– Mon petit frère est à l’étage, imbécile, ce n’est pas rien pour moi. Soit
tu ranges cette merde, soit tu dégages de chez moi.

Brenton lève les yeux au ciel et j’ai comme l’impression qu’il est en train
de signer son arrêt de mort. Je lui fais les gros yeux dans le dos de James
pour lui faire comprendre d’arrêter, mais un sourire mauvais étire ses lèvres.

– Justement, il est à l’étage.

Merde. Je ne pense pas qu’il fallait dire ça. James renifle et resserre son
poing sur le col du tee-shirt de Brenton. Ce dernier a de plus en plus de mal
à respirer.

– Répète ça pour voir ? grince James, et je décide qu’il est temps


d’intervenir.
Je me lève et pose une main sur l’épaule de James. Il se crispe, me jette
un regard en coin. Puis je suis surprise quand je crois le voir se détendre.

– Je suis désolée et Brenton aussi. Il ne recommencera pas.

Il ne lâche pas pour autant sa poigne, alors j’insiste en posant mon autre
main sur son bras.

– Lâche-le, s’il te plaît, James.

Il prend une grande inspiration. Je vois une veine battre sur son front
avant qu’il ne relâche d’un coup Brenton, le faisant retomber comme une
merde dans son siège. Sans un regard de plus, James s’éloigne à grandes
enjambées et retourne dans la maison en claquant la porte vitrée. Je
frissonne d’horreur. Ce n’est pas le James que je gardais en souvenir. Je sais
qu’on peut changer en grandissant, moi-même j’ai changé, mais il était si
adorable et souriant quand il était plus jeune. Qu’est-ce qui lui est arrivé, à
la fin ?

Je me tourne vers Brenton, prête à lui demander s’il va bien, mais je


rencontre son regard surpris, ainsi que celui de ma cousine.

– Merde, souffle cette dernière en me regardant avec de gros yeux.


Comment tu as fait ? Il est impossible de le calmer quand il est comme ça.
– Tu m’étonnes, renchérit Brenton. J’essayais de paraître détendu, mais
au fond de moi, je savais que c’était mort pour moi et que j’allais finir avec
un œil au beurre noir.

Je hausse les épaules et ne trouve rien à répondre, parce que même moi,
je n’ai pas compris. Les deux amoureux reprennent leur discussion, mais
j’ai perdu toute envie de continuer à faire la fête. Je me tourne vers
Veronica et lui tapote l’épaule.

– Je rentre.
– Tu veux que je te raccompagne ?
– Non, ne t’inquiète pas, ce n’est pas si loin à pied. En plus, tu n’es pas
sobre.
Alors que je quitte la maison, une envie irrépressible me dit de lever la
tête. Ce que je fais. Je remarque une ombre derrière une fenêtre à l’étage.
La personne se rapproche, je reconnais James. Il me fixe, je tente de lui
sourire, mais il tire d’un coup sur les rideaux, le faisant disparaître, et je me
pince les lèvres. Je ne m’attendais pas à ce que mes vacances commencent
comme ça. Je ne sais pas dans quoi je me suis fourrée, mais ça ne va pas
être tout calme, je crois bien.
3

James

Pourquoi est-elle revenue ? Il ne m’a fallu qu’une seule seconde pour la


reconnaître. Son souvenir est ancré dans ma tête. Même si maintenant, elle
ne ressemble plus à la gamine de 12 ans que j’ai vue la dernière fois et plus
à une jeune femme, elle reste la même.

Ses cheveux sont toujours aussi flamboyants. Son regard toujours aussi
pénétrant. Son corps à damner un putain de saint. Je ne la déteste que plus.

Je sais que vu de l’extérieur, mes réactions sont disproportionnées, mais


je ne peux pas m’en empêcher. J’étais amoureux d’elle à l’époque. Nous
n’avions qu’un an de différence. Seulement, elle avait 12 ans, elle ne
pensait pas à ça. Moi, à 13 ans, je côtoyais des mecs plus âgés, et mes
pensées n’étaient déjà pas des plus pures.

J’ai mal vécu le fait qu’elle ne soit jamais revenue. Je l’ai attendue
pendant des années. Je lui ai envoyé des lettres, et tous les jours, je
regardais dans ma boîte aux lettres dans l’espoir d’en trouver une en retour.
Mais elle ne m’a jamais répondu… Plus tard, quand j’en avais marre
d’écrire des lettres sans réponse, j’ai commencé à la suivre avec un compte
fake sur les réseaux sociaux. Quand j’ai perdu ma virginité avec une fille
qui était en terminale, alors que je commençais mon année de troisième,
c’est elle que j’imaginais. Il faut croire que je ne comptais pas beaucoup
pour elle finalement.

Puis ma mère est partie, et mon père nous a abandonnés, mon frère et
moi, à sa mort. Il n’a même pas assisté à son enterrement et on a déménagé
chez notre tante. J’avais encore plus besoin d’elle. Ça a encore plus nourri
ma haine. Sans le savoir, elle m’avait elle aussi laissé tomber.

– James ?

La voix de mon petit frère me fait relever la tête d’un coup. Nathan
m’observe, un air soucieux gravé sur son visage. Je ne m’étais pas rendu
compte que j’étais assis au sol. Je me redresse en lui lançant un sourire
comme s’il n’avait rien vu.

– Ouais ?
– Ça va ?
– Oui. Tu ne devrais pas être au lit ?
– Je n’arrive pas à dormir avec le bruit.

J’aurais dû m’en douter, effectivement. Sa chambre est à l’entrée du


couloir donc il entend forcément plus la musique et les gens que s’il était
dans la mienne qui est au bout du corridor. D’un signe de la tête, je lui
montre mon pieu.

– Dors ici. Je prendrai ta chambre, tout à l’heure.

Il acquiesce et s’installe dans mon lit. Je m’apprête à quitter la pièce


quand il me rappelle.

– C’était qui la fille rousse ?

Je ne sais pas comment il l’a vue, ni quand, mais je suis certain que l’on
pense à la même fille.

– Personne. Dors.

Je vois qu’il ne me croit pas, mais il abandonne en hochant la tête puis se


tourne de l’autre côté en serrant une chemise qui appartenait à notre mère.
Je souris en le voyant faire. On n’a que quatre ans d’écart, il a déjà 15 ans,
mais j’ai comme l’impression qu’il est toujours un enfant dans ma tête. Ça
me fout la boule au ventre quand je repense à tout ce qu’il a vécu avant
même son adolescence. Ne voulant pas me mettre à chialer devant lui, je me
racle la gorge et chuchote avant de fermer la porte :

– Bonne nuit, petit frère.

Quand je rejoins mes potes, j’observe autour de moi. Il faut que je me


trouve une nana dans laquelle me perdre. L’autre – je refuse de prononcer
son prénom – m’a déjà retourné le cerveau. Il faut à tout prix que je
l’oublie.

Justement, une meuf s’approche. Je remarque un groupe de nanas qui


pouffent un peu plus loin en nous fixant. Sans aucun doute, un pari entre
elles. La fille est jolie, elle est grande, cheveux blonds et bouclés et habillée
comme toutes les Californiennes, tee-shirt et short court. Je n’ai rien contre
ça, elle fait bien ce qu’elle veut, mais elle ne se démarque pas. Son sourire
en coin en dit long, elle veut la même chose que moi, baiser. Et clairement,
je m’en fous de ce à quoi elle ressemble.

– Salut beau gosse. Ça te dit qu’on fasse connaissance ? susurre-t-elle en


se collant contre moi.

Mais alors que ses mains se posent sur mes bras, je me fais la réflexion
que celles de la rousse sont bien plus douces et fermes en même temps. Je
remarque que la fille n’a aucune tache de rousseur sur son visage,
contrairement à celle qui hante mon esprit. Ça me fout en rogne. Je
repousse la meuf et m’éloigne sous son regard courroucé.

– Pas intéressé.

Je crois que c’est peine perdue pour oublier la rousse. À peine est-elle
revenue comme une fleur qu’elle me fait déjà la misère. Clairement, elle va
regretter son retour. Mademoiselle aurait dû rester où elle était.
4

Joy

Avec le jet lag, je me suis endormie la tête à peine posée sur l’oreiller.
J’ai été réveillée quand Veronica est rentrée avec Brenton. Sa chambre étant
juste à côté de la mienne. J’ai eu tout le plaisir, ou pas, d’entendre leurs
ébats. Impossible de trouver le sommeil après, même avec le coussin sur la
tête ou mes écouteurs dans les oreilles. Mon cerveau en pleine forme s’est
fait un malin plaisir à me récapituler la fête, comme si je l’avais loupée. Il
n’était qu’un vague souvenir dans mon esprit avant de revenir, mais depuis
nos « retrouvailles », James peuple mes pensées. J’ai revécu les deux scènes
d’hier soir en boucle, dans l’incapacité de mettre un mot sur ce qui s’est
passé. J’espère ne pas le recroiser jusqu’à la fin de mes vacances.

On toque à ma porte au moment où je retire l’oreiller de mon visage,


pour me cacher de la lumière du jour qui m’agresse. J’ai mal à la tête à
cause du manque de sommeil.

– Oui ?

La porte s’ouvre sur Veronica, déjà habillée et apparemment prête à


sortir. Quelle heure est-il, bon sang ? Je récupère mon téléphone sur la table
de chevet et l’allume. Dix heures. Oh, waouh ! J’ai dormi plus que ce que je
pensais !

– Bien dormi ? questionne ma cousine avec un grand sourire.


– Vraiment ? demandé-je en levant un sourcil. Très bien, jusqu’à ce que
tu rentres avec Brenton.
– Oh, glousse Veronica en rougissant. Pardon, je n’ai personne
d’habitude à cet étage, excuse-moi.

Je hausse les épaules et repousse la couette pour m’asseoir. Je redescends


instinctivement mon short, comme si je m’attendais encore à ce qu’elle me
fasse des réflexions.

– T’inquiète, je devrais m’y habituer. Tu voulais quelque chose ?


– Oui, que tu viennes faire les magasins avec moi.
– Veronica… soufflé-je en passant une main dans mes cheveux.
– Je sais que tu n’aimes pas, mais si je te promets qu’on passe dans une
librairie pour toi ?

Ouch, point sensible.

Je lui jette un regard en coin tandis qu’elle sourit jusqu’aux oreilles.


J’ouvre la bouche pour refuser, mais je ne trouve rien à dire, alors je
soupire. Comprenant qu’elle a gagné, Veronica tape dans ses mains, puis
elle se lève de mon lit. Mais avant de partir, elle se retourne et toujours avec
son sourire, m’annonce :

– Dans une heure, ça te va ?

J’acquiesce d’un signe de la tête pour confirmer. Elle sort de ma chambre


en sautillant, pendant que je me relaisse tomber en arrière sur mon lit. Argh,
elle m’a eue.

J’ai horreur de faire les magasins, sauf si c’est pour acheter des livres,
bien évidemment. Après plusieurs minutes, c’est mon estomac qui grogne
qui me force à me lever pour avaler quelque chose avant de me préparer. Je
ne prends pas la peine d’enfiler quelque chose par-dessus mon pyjama,
composé d’un débardeur avec un short, et descends pieds nus ; il fait trop
chaud.

Je mets à peine un pied au rez-de-chaussée que la sonnette de la maison


retentit. J’observe autour de moi, mais je suis seule. Veronica doit être dans
sa chambre. Steve et Cat’ travaillent tous les deux. Super.
Le temps que je réfléchisse à quoi faire, ça sonne une seconde fois, me
faisant sursauter. Je cours à la porte pour regarder à travers le judas. Ça doit
être important. Sur la pointe des pieds, car je suis trop petite, j’ai
l’impression que je vais tomber en arrière quand je découvre qui se trouve
derrière la porte.

Oh, bordel de merde. Mais qu’est-ce qu’il fait là ?

Je ne devais pas le recroiser avant la fin de mes vacances. Apparemment,


l’univers a d’autres plans pour moi. Mais il faudrait cesser de le mettre sur
mon chemin à tout bout de champ, j’en ai déjà marre. Ce n’est que mon
deuxième jour ici. Je me demande ce que le restant de mes vacances me
réserve.

Il s’apprête à sonner une troisième fois, mais je ne lui en laisse pas le


temps en ouvrant la porte d’un coup. James analyse mon visage comme si
c’était la première fois qu’il me voyait. J’avoue que ça me blesse un peu. Il
se reprend et son regard descend le long de mon corps. Maintenant,
pleinement consciente de mon allure, je croise les bras contre ma poitrine
en rougissant, mais je ne me laisse pas abattre.

– Qu’est-ce que je peux faire pour toi, James ?

Ses yeux remontent sur mon visage puis il me tend son téléphone. Je
fronce les sourcils en le questionnant du regard sans le prendre.

– Veronica a oublié son téléphone hier soir, dit-il enfin d’un ton bourru.

Oh, pendant une seconde, j’ai cru qu’il voulait que j’enregistre mon
numéro d’une manière un peu brutale. Je le saisis en évitant de frôler ses
doigts.

– Merci. Je vais le lui rendre.

Il acquiesce d’un signe de la tête et se retourne pour partir. Je lève les


yeux au ciel devant son manque de sympathie.
– Bonne journée à toi aussi, crié-je sarcastiquement.

Il se retourne avec un sourire malicieux aux lèvres puis pointe mon bas.

– Ton short est à l’envers, rouquine.

Mes yeux s’écarquillent et je baisse la tête. Effectivement, l’étiquette et


les coutures sont visibles sur le devant. Je rougis de honte, mais le regarde
tout de même à nouveau comme si de rien n’était.

– La rouquine t’emmerde, Leeroy.

Il s’esclaffe puis quitte l’allée de la maison. Je claque la porte en la


fusillant du regard comme s’il était toujours là.

– Tu comptes me donner mon téléphone ou continuer à pourrir un James


invisible ? ricane une voix derrière moi.

Je me retourne vers ma cousine et lui rends son appareil.

– C’est quoi son problème ?


– À James ? soupire-t-elle. Aucune idée, on ne s’est jamais trop parlé, lui
et moi. On se salue juste quand on se croise.
– Ouais, eh bien qu’il se calme parce que je ne vais pas être son
punching-ball cet été.

J’entre enfin dans la cuisine, saisis un bol dans lequel je verse les
céréales qui traînent sur la table, et m’assois.

– Il ne t’a pas reconnue ? demande Veronica qui m’a suivie et s’assoit en


face de moi.

Je remarque le grand sourire qu’elle arbore.

– Je ne sais pas, dis-je en avalant une cuillère. Il dit que non, mais
heureuse de voir que tu es contente qu’il ne me reconnaisse pas.

Veronica perd son sourire et lève les mains autour de sa tête.


– Tu te trompes ! Bien sûr que ça m’attriste pour toi. Je rigole juste parce
que c’est improbable.
– Pourquoi ?
– Il était fou de toi. C’est impossible qu’il t’ait oubliée. Il fait semblant.

Je la regarde quelques instants en silence avant d’exploser de rire, en


secouant la tête, n’y croyant pas une seule seconde.

– C’est n’importe quoi.


– Tu sais que les deux premières années où tu n’es plus revenue, il venait
sonner chez nous pour demander si tu allais venir. Ça devenait un peu
soûlant, à force.

Ma cuillère retombe dans le bol, faisant éclabousser du lait sur la table


que je m’empresse d’essuyer.

– C’est vrai ? m’étranglé-je. Et désolée pour ça.


– Hmm, hmm… fait ma cousine sans plus rien dit d’autre, me laissant
sur ma faim.
– Et après ? osé-je demander.
– Sa mère est décédée d’un cancer. Il a déménagé chez sa tante avec
Nathan, son petit frère, et il n’est plus revenu. Je pensais qu’il t’avait
oubliée en grandissant, mais vu la façon dont il a réagi hier soir quand tu
l’as empêché de s’en prendre à Brenton, je crois juste qu’il ne s’attendait
plus à te revoir.
– Tu dis qu’il est parti vivre chez sa tante ? Et son père dans tout ça ?

J’ai l’impression de voir le visage de Veronica s’assombrir, mais elle se


reprend en haussant les épaules.

– Il est parti à la mort de leur mère, dit-elle avant de taper dans ses mains
en changeant de sujet. Allez, va te préparer, on a assez perdu de temps !

Pourquoi ai-je l’impression que le père de James est un sujet sensible ?


Bon, je n’aurai sans doute pas plus de réponses, alors quand je termine de
petit-déjeuner, je quitte la cuisine et monte me préparer, décidée à penser à
autre chose.
***

Veronica m’entraîne de magasins en magasins. Elle m’a promis de passer


à la librairie, mais j’ai comme l’impression que ça sera la dernière chose
que l’on fera.

– T’en penses quoi ?

Je me retourne vers elle et découvre qu’elle tient une robe rouge à


bretelle, très similaire à celle qu’elle portait hier soir.

– Elle est belle, mais tu n’as pas déjà la même ?


– Si, chantonne-t-elle avant de me la coller contre la poitrine. C’est pour
toi. Va l’essayer.

Elle me lance le vêtement que j’attrape in extremis avant qu’il ne tombe


au sol. Je secoue la tête.

– Je n’aime pas les robes moulantes.


– Et c’est une honte. T’as un corps de folie et en plus cette couleur rend
canon avec ta chevelure.

Je lève les yeux au ciel, mais cède et me dirige vers les cabines
d’essayage, parce que je sais très bien qu’elle ne lâchera pas l’affaire. Alors
que j’enfile la robe et la lisse sur mon corps, il me semble reconnaître des
voix qui saluent Veronica.

– J’attends Joy, informe cette dernière avant de se rapprocher de ma


cabine. T’es morte, cousine ? Lace et Bonnie sont là, montre-nous.

Je m’observe dans le miroir. La robe moule absolument toutes les parties


de mon anatomie et je ne sais pas quoi en penser. Je suis à l’aise avec mon
corps, mais pas dans une robe. Je me pince les lèvres.
– Je ne crois pas que cette robe soit faite pour moi.

Veronica ne me répond pas, non, elle tire carrément sur le rideau pour me
dévoiler. Sa bouche se décroche quand elle me voit. Je regarde timidement
derrière elle, les filles sont dans le même état. Elles s’approchent de la
cabine en m’observant de la tête aux pieds. N’en pouvant plus de leur
silence, je demande nerveusement :

– C’est trop ?

C’est finalement Bonnie qui s’écrie en premier :

– Tu déconnes ?! s’exclame-t-elle. Si je ne savais pas que t’es hétéro, je


te sauterais dessus, putain.
– C’est clair, ajoute Lace. T’es absolument magnifique.
– Non, termine Veronica en secouant la tête. Elle est sexy telle une
déesse !

Je lâche un rire nerveux et me frotte la nuque, gênée devant autant de


compliments.

– Vous n’en faites pas un peu trop ?


– Pas du tout. On l’achète. Elle sera parfaite pour le quatre juillet,
annonce Veronica en me repoussant dans la cabine pour que je me change.

Mais avant de la retirer, je m’observe à nouveau. J’ignore le rouge sur


mes joues, ainsi que sur le haut de ma poitrine, et fais un tour sur moi-
même. C’est vrai qu’elle est belle, cette robe. Je suis canon.

Quand je ressors de la cabine, Veronica m’arrache presque des mains le


vêtement et court vers les caisses.

– Eh, attends-moi, crié-je après elle.

Mais elle lève un doigt en l’air.

– Non, parce que tu vas changer d’avis sinon.


J’éclate de rire et la rejoins. J’aime beaucoup notre relation naissante.
C’est quelque chose que j’ai toujours voulu avec elle.

Alors que l’on se dirige vers un magasin de maquillage, mon téléphone


vibre dans ma poche. Emilia, ma meilleure amie, essaye de me joindre.

– Ça ne te dérange pas si je prends l’appel ? demandé-je à ma cousine, et


elle me fait signe d’y aller.
– Vas-y, je n’en ai pas pour longtemps. Il me faut juste du fond de teint.
Je te rejoins tout de suite.

Je décroche pendant qu’elle entre dans le magasin.

– Allô ?
– J’ai essayé de t’appeler ce matin, beugle directement Emilia, me
faisant rire.
– Je dormais. Tu sais, on n’a pas la même heure.
– Argh ! s’exclame ma meilleure amie. J’oublie à chaque fois. Allez,
raconte-moi la soirée d’hier.

Je lui raconte et au moment où je m’apprête à lui parler de mon moment


en tête à tête avec James, j’aperçois ce dernier se faufiler dans une ruelle
entre deux magasins et une fille le suivre. Je n’entends rien d’où je suis,
mais je vois la fille lever les bras au ciel et s’agiter, signe qu’elle doit
sûrement lui crier après.

– Je te rappelle ce soir, Emilia.


– Attends, quoi ? Joy ?!

Je raccroche ; je m’excuserai plus tard et suis le petit couple. Arrivée


près de la ruelle, je reste cachée, mais entends maintenant ce qu’ils se
disent.

– Putain, mais c’est quoi ton problème à me suivre partout ? s’énerve


James en faisant les cent pas.
– Tu m’évites à chaque fois que je veux te parler, se plaint la fille en
agitant toujours les bras.
– Et pourquoi à ton avis ? s’insurge James en la fusillant du regard. Tu
m’as trompé, Laura. Deux fois. Et tu crois que j’ai encore envie de te
parler ?

Ouch.

Je ne savais pas à quoi je m’attendais, mais certainement pas à ça. Je


pensais sans doute que ça allait être l’inverse. Moi qui avais peur pour elle,
voilà que j’ai envie de lui faire un croche-pied pour la faire descendre de
son piédestal.

– Je regrette, souffle-t-elle en essayant de s’approcher de James.

Il se recule avant qu’elle ne le touche.

– Je suis sincèrement désolée et j’aimerais me racheter. Ça ne voulait


rien dire. Toi, tu comptes pour moi.

James lâche un rire amer en croisant les bras contre son torse et en la
dominant de sa taille, bien qu’elle soit une grande perche elle aussi.

– La première fois, j’ai laissé couler parce que je n’étais qu’un ado qui
ne pensait qu’avec sa queue et, ouais, t’es un bon coup. Mais on ne m’y
reprendra pas une deuxième fois. Ce que tu regrettes, c’est ma thune et ma
popularité. Va te faire foutre, Laura.
– Je pars à New York faire mes études, pleure-t-elle de ses larmes de
crocodile.
– Eh bien, ça me fera des vacances. Bonne chance.

Veronica sort du magasin quand j’entends les pas de James qui se


rapprochent. Je me reprends et cours pour retrouver ma cousine.

– Tu étais où ? me demande-t-elle en fronçant les sourcils en regardant


d’où je viens et en apercevant donc James qui sort de la ruelle.

Elle me questionne du regard, mais je hausse les épaules.


– J’étais au téléphone avec Emilia et j’ai vu un truc qui me plaisait dans
une vitrine, inventé-je en essayant de ne pas me faire débusquer.
– Tu ne l’as pas acheté ?
– Il n’y avait plus ma taille, continué-je à mentir.

Elle me fixe quelques instants comme pour me sonder, puis elle


acquiesce finalement. Je ne sais pas si elle me croit, ou si elle a remarqué
que je mentais, mais je suis contente qu’elle abandonne. Dans tous les cas,
on passe enfin par la librairie, seulement je n’ai plus l’esprit à ça. Je pense à
James. Il est partout dans mes pensées. Moi qui ne voulais plus le voir, c’est
raté, même si je suis responsable pour cette fois. C’est moi qui l’ai suivi,
mais j’étais curieuse. Sûrement parce que j’essaye de redécouvrir le James
que j’ai connu. Je dois me rendre à l’évidence, il n’est plus le même.
5

Joy

– Dis, Joy…

Je relève la tête de mon assiette en adressant mon attention à ma tante


qui, pour une fois qu’elle passe un midi à la maison, a proposé qu’on
déjeune tous ensemble.

– Oui ? lui réponds-je après avoir avalé ma bouchée.


– Le week-end prochain, on organise une sorte de brocante dans le
quartier où chaque habitant expose devant chez lui. Ça te dirait de m’aider ?

Veronica glousse. Je la questionne du regard, mais elle fixe sa mère avec


un sourire malicieux.

– Chaque année, tu me le demandes aussi, et tu fais tout toute seule.


– C’est pas faux, ajoute Steve, le nez dans le journal.

Ma tante rougit et hausse les épaules.

– Je ne veux pas vous déranger.

Je souris et pose ma main sur la sienne.

– Ça serait avec plaisir.


– Bon, ce n’est pas tout ! s’écrie Veronica, nous faisant sursauter. J’ai
rendez-vous avec Brenton à la plage.

Elle me lance un regard et je sais déjà ce qu’elle va me demander.


– Tu viens ?

Je le savais !

– Je n’ai pas réellement envie de tenir la chandelle.


– T’inquiète pas, un ami à lui sera là.

Pas besoin d’être intello pour deviner son intention. Steve fronce les
sourcils pendant que Cat’ sourit malicieusement.

– Je suppose qu’il est comme Brenton, soupire mon parrain.


– Laisse-les vivre, se marre ma tante en débarrassant la table.

Il secoue la tête, désapprouvant, mais ne dit rien de plus et se concentre


de nouveau sur sa lecture. Je ne sais pas pourquoi, j’aurais aimé qu’il
m’interdise d’y aller. Ma cousine ignore son père et me fixe toujours. Je la
pointe d’un doigt menaçant.

– Très bien, mais n’essaye pas de jouer les entremetteuses. Je ne suis pas
intéressée.

Elle lève les mains en l’air en signe d’innocence.

– Pour qui me prends-tu ?


– Ouais, c’est ça, maugréé-je en quittant la table.

Je monte dans ma chambre sous les rires de ma famille et je secoue la


tête, désespérée. Je le suis d’autant plus que je vais devoir me mettre en
maillot de bain sous le regard d’un mec que je ne connais ni d’Ève ni
d’Adam. Ça ne m’enchante pas vraiment. J’ouvre mon tiroir de lingerie et
je grimace en découvrant le seul maillot de bain que j’ai pris avec moi, un
simple deux-pièces à ficelle rouge.

– Félicitations, Joy, pesté-je contre moi-même à voix basse.

Pourquoi je n’en ai pas pris un moins révélateur ? Parce que je ne pensais


pas rencontrer de mecs, pour être honnête. Je croyais juste passer des
vacances tranquilles avant ma rentrée.

***

– Qu’est-ce qu’il a ton père contre Brenton ? demandé-je à ma cousine


quand elle se gare sur le parking près de la plage.

Elle sort son gloss de son panier et s’en remet sur les lèvres en se
regardant dans le rétroviseur interne. Elle hausse les épaules en m’adressant
un regard en coin.

– Aucune idée, il ne l’a jamais aimé.


– Et vous vous êtes rencontrés comment ?
– On s’est rencontrés lors d’une journée sportive entre mon lycée et le
sien, il y a quelques mois. Mais on s’est revus lors du bal de promo il y a
quelques semaines. Une fête était organisée sur la plage après le bal.
– Et vous êtes ensemble depuis ? la questionné-je en fronçant les
sourcils.

C’est rare que ma cousine ne s’étende pas sur sa vie sentimentale.


Parfois, il faut pratiquement la forcer à s’arrêter de parler.

Elle hoche la tête et me tend son gloss.

– T’en veux ?
– Non merci. Il est sportif ?
– Oui, acquiesce-t-elle rapidement en rangeant ses affaires, puis elle me
regarde à nouveau avec un grand sourire. On y va ?

Je n’ai pas le temps de souffler qu’elle sort déjà de la voiture. Je secoue


la tête, ne la comprenant pas, mais je crois que la discussion est
définitivement close. J’essayerai d’en parler avec Steve, plus tard. On met à
peine un pied sur le sable qu’elle tire sur mon bras pour que l’on se
dépêche. Je reconnais Brenton au loin dans l’eau avec un autre mec. Mais
de là où je suis, je suis incapable de voir à quoi il ressemble.

– Je suis désolée de t’annoncer qu’il n’est pas aussi beau que ton James,
raille-t-elle en me lançant un clin d’œil.

Elle n’a quand même pas dit ça ? Je la fusille du regard et tente de lui
donner une tape sur le bras, mais elle se recule à temps en s’esclaffant.
C’est ça, rigole avant que je ne te fasse bouffer le sable. James n’est pas
mon James. En plus, je ne le trouve même pas beau. À peine je pense ça que
je grimace.

Ce n’est pas joli de mentir, Joy.

Quand on s’approche d’eux, les garçons sortent de l’eau. Brenton enlace


Veronica et la fait voler en l’air. D’accord, même si ma cousine semble
secrète, ils sont mignons ensemble. Mais malgré moi, je ne peux
m’empêcher de comparer Brenton à James. Ce dernier a une allure
sportive ; je suis prête à parier qu’il fait du sport au lycée. Brenton,
beaucoup moins. Mais on ne juge pas un livre à sa couverture et si Veronica
le dit, c’est que ça doit être vrai.

– Salut.

Je me tire de mon observation et pose mon regard sur l’ami de Brenton.


L’image typique d’un surfeur. Cheveux longs jusqu’aux épaules, ondulés et
bruns. La tête devant son torse, je vois qu’il est plutôt fin. Il est mignon,
mais pas autant que…

CHUT ! Ne le pense même pas, Joy.

Si je pouvais, je me frapperais moi-même, mais je passerais pour une


folle devant ce mec qui me fixe en se demandant sûrement si je suis muette.
Alors je me reprends et lui tends la main.

– Salut, moi c’est Joy, la…


– Cousine de Veronica, je sais, me coupe-t-il en me souriant grandement.
Je suis Dylan, je t’ai croisée à la fête hier soir, mais je n’ai pas eu l’occasion
de te parler.
– Ouais, dis-je, gênée. Je suis partie un peu tôt.
– Y en aura d’autres, me sourit-il, puis il me montre d’un signe de la tête
le petit couple qui s’est installé sur le sable. On les rejoint ?

J’acquiesce d’un signe de la tête. En marchant à ses côtés, je sens qu’on


me fixe alors je me retourne. Je sursaute presque en rencontrant le regard de
James assis plus loin sur la plage. Je pensais à lui et, paf, il est là. À croire
que partout où je vais, il est là. Pourtant, c’est grand Los Angeles. Je ne
peux empêcher mes yeux de descendre plus bas sur son corps. Il porte
seulement un short de bain. J’ai la confirmation de ce que je pensais à la
fête ; il est extrêmement bien bâti et il a définitivement bien grandi. Ce n’est
plus le préado que je connaissais.

Me rendant compte que je le mate un peu trop, je remonte sur son visage
et rougis quand je découvre le rictus qu’il arbore. J’ai l’impression qu’il a
compris ce qui se passait dans ma tête. C’est gênant, alors pour m’éviter de
creuser un trou dans le sable pour disparaître de honte, je lui adresse un
sourire pour le saluer, qu’il ne me rend absolument pas. Ses yeux restent
fixés sur moi quelques secondes de plus avant qu’il ne regarde ailleurs. Ce
que je fais aussi, et reconnais tous ses amis, Lace, Bonnie, Eddy et Caleb,
dans l’eau. Ils ne me remarquent pas, et je n’ose pas non plus les interpeller.
Je prends donc une grande inspiration, souris à Dylan qui me parle sans que
je comprenne ce qu’il me dit et décide que je ne vais pas penser au blond de
mon enfance pour aujourd’hui.

– Tu ne te mets pas en maillot de bain ? s’enquiert directement Veronica


dès que je m’installe sur ma serviette.

Si elle continue, je vais lui faire avaler du sable…

Bon, j’avoue, je commence à avoir chaud dans mon short en jean et mon
tee-shirt, mais quand même. Je profite que les garçons parlent ensemble
pour me déshabiller, mais c’est sans compter sur le regard que je sens
toujours sur mon dos. Et je ne sais pas si c’est Dylan et Brenton que je ne
connais pas ou les yeux scrutateurs de James que je n’arrive pas à déchiffrer
qui me rendent mal à l’aise. Mais dans tous les cas, je retire mes habits et le
regard de Veronica s’écarquille en me demandant :

– Pourquoi ?
– Pourquoi quoi ?
– Pourquoi tu caches ce corps ?

Je hausse les épaules et observe mes pieds, parce que maintenant Dylan
me fixe étrangement et je n’aime pas trop ça.

J’applique ma crème solaire et je termine à peine que Brenton hurle en se


levant :

– Le dernier à l’eau est une poule mouillée !

Veronica se redresse en une seconde pour le poursuivre. Dylan me


questionne du regard et pour échapper au sien, je me lève aussi afin de
rejoindre les autres dans l’eau. Il arrive finalement en dernier.

– Poule mouillée, ricane Brenton avant de se faire noyer par son pote.

Veronica se joint à la bagarre pour sauver son petit ami. Je regarde autour
de moi. La bande de James est toujours dans l’eau, en train de jouer au
volley-ball. Lace me remarque et me fait des grands signes de la main en
m’incitant à les rejoindre. Je regarde ma cousine et ses amis, ils ont l’air de
bien s’amuser tous les trois. Puis je ne pense pas qu’elle m’en voudrait si je
la laisse, alors je rejoins mes nouveaux amis à la nage. Ils m’enlacent
directement, sauf le fameux Caleb à qui je n’ai pas encore parlé, et bien
évidemment James.

– Salut, je crois qu’on n’a pas encore été présentés, je suis Joy ! me
présenté-je au premier en lui tendant ma main.

Il me lance un grand sourire, ignore ma main et m’enlace à son tour.


– Oh, je sais déjà qui t’es ! Je suis Caleb.

Un léger sifflement amer nous interrompt et on se retourne vers sa


provenance. James me fusille du regard avant de sortir de l’eau pour
remonter sur la plage. Il s’affale sur sa serviette.

Je me retourne vers ses amis, prête à les interroger, mais Eddy passe son
bras autour de mes épaules et m’ébouriffe les cheveux.

– Ne t’inquiète pas, il est mal luné, comme d’hab. Tu n’as rien fait.

Caleb et Bonnie éclatent de rire pendant que Lace regarde sévèrement


Eddy.

– Ne parle pas comme ça de James, gronde-t-elle, et son ami ricane en


lui tapant l’épaule.
– C’est mon meilleur pote, je rigole.
– T’as intérêt, peste Lace en lui jetant de l’eau dessus, puis elle me lance
un doux sourire.

Je me demande si elle sait, si James lui a dit quelque chose sur moi. J’ai
bien l’impression qu’elle est un peu comme la maman du groupe. En
revanche, je vois qu’elle regarde Caleb d’une certaine façon qui ne trompe
pas. Et lui aussi… Je suis interrompue dans mes pensées quand Bonnie
lance le ballon à Eddy.

– C’était à toi de servir.


– Tu prends quelle équipe ? me questionne Caleb en se positionnant avec
Lace.
– Aucune.

Ils me lancent tous des regards perplexes et je m’empresse d’ajouter pour


ne pas qu’ils pensent que je ne veuille pas jouer avec eux :

– Très peu pour moi, le sport. Je vous laisse jouer.


En plus, j’ai une autre idée. Mauvaise, sans doute, mais j’ai besoin d’en
avoir le cœur net, avec James…

***

Je sors de l’eau, pars récupérer ma serviette et mon sac à notre place, et


remonte la plage jusqu’à mon ami d’enfance. Il doit me voir arriver, mais il
ne relève pas la tête de son téléphone. Je déplie le linge à ses côtés,
l’aspergeant légèrement de sable, accidentellement, ou pas. Il ne dit rien
alors je ne sais pas si ça me rassure ou si ça m’exaspère. Ce mec est un vrai
mur. Je m’assois et fixe son profil, pensant qu’il va enfin me regarder. Sauf
qu’il ne m’accorde toujours pas son attention, et je perds patience au bout
de plusieurs minutes.

– Est-ce que je t’ai fait quelque chose de mal ? demandé-je finalement.


– Non, dit-il simplement sans me regarder.

Je soupire longuement pour garder mon calme.

– Alors pourquoi me détestes-tu ?

Il ricane sèchement en relevant finalement la tête de son téléphone pour


regarder ses amis au loin.

– Je ne te déteste pas.

Je hausse un sourcil et remonte les genoux contre ma poitrine pour y


poser ma tête.

– Désolée de croire le contraire.

Il tourne d’un coup la tête vers moi et je sursaute, ne m’y attendant pas.
Ses yeux d’un bleu glacial plongent dans les miens et je frissonne.
Merde, qu’est-ce qui m’arrive…

Ça ne peut pas être de froid, parce qu’il fait tellement chaud. Alors c’est
quoi ça ? Heureusement que mes genoux cachent ma poitrine, car je sens
mes tétons qui ont réagi à mes frissons et qui appuient contre le tissu de
mon maillot de bain. Comme si James s’en doutait, ses yeux lâchent mon
visage et descendent le long de mon corps, en s’attardant longuement sur
ma poitrine. Je me racle la gorge et il replante son regard dans le mien.

– Tu es une arriviste et une profiteuse.


– Pardon ? m’étranglé-je.

Je me mets sur les genoux, m’en foutant maintenant de savoir si je pointe


ou non.

– Pour qui tu te prends ?


– Je ne fais que dire la vérité. T’arrives chez ta famille pour vivre chez
eux sans rien payer. Tu viens à ma fête chez moi et prends possession de
mes amis.

Si je ne me contrôlais pas, la bouche m’en tomberait. Est-ce qu’il est


sérieux ? Je le dévisage avec colère puis pointe un doigt sur son torse.

– Premièrement, tu ne me connais pas, craqué-je. Deuxièmement, pas


mal de personnes profitent d’avoir un pied-à-terre pour partir en vacances et
ce ne sont pas des profiteurs. Troisièmement, c’est Lace qui est venue me
parler en premier. Je ne t’ai absolument rien piqué, sinon tu ne serais pas là.
Enfin, tu ne vas pas me dire que tu connais chaque personne qui vient à tes
fêtes ? Parce que je ne te croirai pas.

Je me tais pour reprendre ma respiration et calmer mon cœur qui bat trop
rapidement. Je me concentre de nouveau sur lui pour voir ce qu’il a à
argumenter, mais son regard fixe maintenant mes lèvres, me mettant encore
plus en rogne.

– Et tu sais quoi ? Tu es comme ça avec moi parce que tu m’as reconnue.


Tu sais exactement qui je suis, tout comme je me souviens de toi. Et tu
m’en veux parce que je ne suis jamais revenue. Sauf qu’on était des enfants,
James. Grandis !

Maintenant que j’ai tout dit, je le fixe en croisant les bras contre ma
poitrine, attendant qu’il parle enfin, mais il ne dit toujours rien et ça
m’énerve. Ça me soûle parce que d’une, je ressemble à une folle sur les
genoux à m’énerver après lui et parce que de deux, il reste stoïque. Il n’en a
strictement rien à foutre. J’ai l’impression de parler à une porte de prison et
ça me rend folle. Je le repousse de ma main sur son épaule pour le faire
réagir, mais rien, et je pousse un grognement en levant les mains au ciel.

– Putain, admets la vérité !

Ses yeux me fixent à nouveau et un sourire mauvais étire ses lèvres avant
qu’il n’ouvre enfin la bouche.

– Je te l’ai dit, je ne te connais pas.

Mes épaules s’affaissent, pas forcément de tristesse, mais davantage par


manque d’envie de me battre encore plus. Je secoue la tête et me lève pour
rejoindre les autres. Mais avant de réellement m’éloigner, je m’arrête et je
sens son regard brûler mon dos et mes fesses. Quel salopard ! Il ne me
regarde pas quand je lui parle, mais quand c’est pour mater, là, il sait faire.

– Quand t’arrêteras de faire l’enfant, tu sauras où me trouver pour parler.

Je ne fais que deux pas que sa main attrape mon poignet pour me
retourner contre lui. Sa main me brûle presque. Un frisson parcourt une
nouvelle fois mon corps et je me déteste de ressentir ces sensations en sa
présence.

– Comment m’as-tu appelé ?

Je me mets sur la pointe des pieds pour me grandir un peu plus et


approche mon visage du sien. Je chuchote du bout des lèvres :

– Un enfant. C’est ce que tu es.


Je sais que c’est une mauvaise idée de le pousser à bout, mais j’y prends
quand même un réel plaisir. Ses yeux tombent à nouveau sur mes lèvres et
je prends enfin conscience que je suis trop proche de lui. Ma poitrine appuie
contre la sienne. C’est comme un court-circuit dans ma tête. Je me recule
d’un coup en le fusillant du regard.

– Ne me touche plus, ordonné-je avant de me retourner et de courir dans


l’eau.

Je crois l’entendre dire que ça reste à voir, mais je n’y fais pas attention.
Tout du moins, j’essaye. Par chance, ses amis n’ont rien vu, ou alors ils font
semblant, mais ils sont toujours dans leur partie de volley-ball quand je les
rejoins. Je prends la place de Bonnie qui en a marre de jouer. J’essaye d’être
dans le jeu, mais tout ce à quoi je pense, c’est que j’aimerais être à nouveau
une préado pour retrouver ma relation avec James. Je sais qu’il n’a pas
oublié et je réussirai à le faire craquer.
6

Joy

Veronica a décidé de passer la soirée avec Brenton, c’est donc Lace qui
me ramène chez moi puisqu’elle vit en face. Bonnie et ma voisine parlent
entre elles, pendant que je garde le silence à l’arrière.

– Bon, se retourne Bonnie au bout d’un moment, j’en ai marre d’attendre


que tu parles. Qu’est-ce qui se passe entre James et toi ?

Je lève les yeux au ciel en détournant mon regard vers la vitre. Je sais
qu’elle peut me voir, mais honnêtement, entendre son nom me donne des
envies de meurtre.

– Rien du tout.
– Oh, arrête, ricane Lace. On vous a vus tout à l’heure sur la plage.
C’était très intense.

J’ouvre la bouche, prête à répondre, mais Bonnie me coupe.

– Intense, c’est tout ? s’écrie-t-elle. J’ai cru qu’ils allaient se sauter


dessus et baiser sur le sable.

Je les regarde les yeux écarquillés en sentant le rouge me monter aux


joues. Elles sont… tarées. Comment notre dispute a pu passer pour de la
tension sexuelle ? Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé, et ça n’arrivera
jamais ! Je préfère me tirer une balle que d’être intimement proche de
James. Même pas en rêve.

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration.


– Votre pote me déteste.

Alors que je pensais qu’elles allaient confirmer, elles éclatent de rire. Je


me ratatine dans mon siège en croisant les bras contre ma poitrine, pas
franchement heureuse qu’elles se foutent de ma gueule. Je n’ai dit que la
vérité et non pas la blague du siècle.

– C’est ça, foutez-vous de moi, marmonné-je.


– Pardon, s’excuse Bonnie en se retournant. Mais il faut avouer que t’es
loin du compte.

Je la questionne du regard en me redressant dans mon siège, ma curiosité


maintenant piquée.

– Comment ça ?
– Il nous a raconté, répond-elle simplement en haussant les épaules.

Non mais elle a fini de parler en message codé ? J’aimerais comprendre,


moi. En plus, je commence à perdre patience.

– Raconté quoi ?
– Il nous a dit que vous étiez amis quand vous étiez plus jeunes et que
d’un coup tu n’es jamais revenue.

Je le savais ! J’ai compris qu’il ment depuis le début et je ne sais pas


quoi en penser. Soulagée qu’il m’ait reconnue, ou en colère parce qu’il fait
semblant. Je lâche un rire amer en secouant la tête.

– Alors vous lui direz qu’il ne pourra jamais être acteur.

Lace fronce les sourcils et m’adresse un regard dans le rétroviseur


interne.

– Pourquoi ?
– Parce qu’il jure qu’il ne me connaît pas.
– L’enfoiré, peste Bonnie pendant que Lace secoue la tête.
– Crois-moi, il sait exactement qui tu es. Il nous a souvent parlé de toi,
même bien avant que tu ne reviennes, tu sais ? Quand je t’ai croisée la
première fois devant chez lui, il m’a dit, et je cite, « c’est elle ».
– Et n’oublions pas qu’il s’est enfermé dans sa chambre jusqu’à ce que la
fête commence. Je serais prête à parier qu’il l’a dessinée, ajoute Bonnie en
souriant.

Et moi, j’ai l’impression que mon cœur tombe à mes pieds. Il sait depuis
le début, mais en plus il a parlé de moi bien avant que je ne revienne. Alors
pourquoi fait-il semblant ?

– Sans doute parce qu’il pensait ne jamais te revoir.

Je sursaute et regarde Lace qui me sourit légèrement. Merde, je crois que


j’ai parlé à voix haute. Je rougis, mais je fais comme si de rien n’était en
haussant les épaules.

– Il va se calmer, ne t’inquiète pas, essaye de me rassurer Bonnie.

Mais je n’en suis pas convaincue alors elle continue :

– Et puis, s’il ne le fait pas, il aura un coup de pied au cul.

J’éclate de rire, imaginant la scène. Pour autant, je ne suis pas près


d’oublier tout ce que je viens d’entendre. Je crois que s’il fait encore une
fois semblant, je lui fous un coup de pied dans les couilles. Ça fera un coup
devant et un derrière comme ça ! Excessif ? Peut-être, mais c’est sincère.

Lace se gare dans son allée et nous sortons de la voiture. Bonnie rentre
tout de suite chez son amie en criant qu’elle doit se rendre aux toilettes. Si
j’ai bien compris quelque chose sur elle, du peu que je l’ai vue, c’est qu’elle
n’a honte de rien et dit tout ce qui lui passe par la tête.

– Merci de m’avoir ramenée.


– Pas de quoi. Je ne t’aurais pas laissée rentrer avec James.

Je grimace et elle me lance un clin d’œil.


– Tu veux venir avec nous ce soir ? On va au cinéma.
– Vous ? ne puis-je m’empêcher de demander, et elle comprend.
– James ne sera pas là. Seulement Bonnie, Eddy, Caleb et moi.

Je ne masque même pas mon soulagement en soufflant longuement tout


l’air qui s’était accumulé en moi, ce qui la fait rire.

– Vous allez voir quoi ?


– Le dernier Conjuring. Ne t’inquiète pas, je flippe aussi, mais j’ai vu la
bande-annonce, ça devrait aller.

Mouais. Je ne suis pas très convaincue.

Je déteste les films d’horreur. Mais ça me fait plaisir qu’elle me demande


de venir avec eux, et ça me gêne de refuser, alors j’acquiesce pour accepter
et elle tape dans ses mains.

– Super, je passe te chercher chez toi à vingt heures.

***

– Tu sors ? me questionne Cat’ d’un ton surpris en arrivant dans le salon


pendant que j’attends Lace qui doit arriver d’une minute à l’autre.

Oui, c’est vrai, normalement à cette heure, je suis déjà en pyjama. Mais
je suis contente de sortir. En revanche, est-ce que je stresse de voir un film
d’horreur ? Oui. Je n’avais jamais vu les précédents Conjuring. Je suis allée
voir des extraits sur YouTube et j’ai presque failli me faire dessus. Mais au
moins, je n’aurais pas à subir James. C’est déjà ça. Il fait chaud ce soir,
mais j’ai quand même prévu un sweat pour me cacher les yeux au cas où. Je
vois que ma tante me questionne du regard, je me reprends et hoche la tête.

– Oui, je vais au cinéma avec la voisine et ses amis.


– Lacey ?

Je hoche la tête et un grand sourire étire ses lèvres. Elle tombe sur le
canapé à mes côtés et saisit mes mains dans les siennes, tout excitée.

– Tu as retrouvé James, alors ?

Je ne m’attendais tellement pas à ça qu’un rire nerveux m’échappe. Elle


me lâche et s’écrie d’un ton alarmé :

– Qu’est-ce qu’il a fait ? Il t’a fait du mal ?


– Non, non, m’empressé-je de dire pour la calmer. Il n’a rien fait.
Tellement rien qu’il fait semblant de ne pas me connaître.
– Mais pourquoi ? s’étonne ma tante avec incrédulité. Vous étiez si liés
enfants que l’on a toujours cru que vous finiriez ensemble.
– Cat’… soupiré-je, excédée d’avoir toujours la même conversation.

Mais elle continue sans s’occuper de moi.

– Il ne jurait que par toi, il venait tous les ans pour savoir si tu revenais,
et il…
– Catherine Spencer ! m’écrié-je pour la stopper dans son élan.

N’ayant pas l’habitude que je l’appelle par son nom complet, elle
sursaute et lève instantanément les mains autour de sa tête comme si je
venais de la prendre en plein flag.

– Excuse-moi, mais je ne comprends pas.

Je hausse les épaules en lui souriant légèrement pour lui faire


comprendre que ça ne me dérange pas. Cependant, je ne sais pas ce qu’elle
lit dans mon regard, parce qu’elle soupire et me prend dans ses bras.

– Ne t’inquiète pas. Il est surpris, mais ça va redevenir comme avant.

J’éclate de rire et me retire de son étreinte.

– Ça ne me fait rien, Cat’, on a grandi.


– Hmm…

Je vois qu’elle n’est pas convaincue et j’ai peur qu’elle continue, mais
par chance, mon oncle entre dans la pièce.

– Tu sors ? On ne te voit déjà presque plus, dis donc, dit-il sur le ton de
l’humour.
– Promis, je me rattraperai.

Alors que je m’apprête à quitter la pièce pour attendre Lace dehors, je


m’arrête. C’est le moment idéal de sonder Steve à propos de Brenton.

– Dis, Steve, pourquoi tu n’aimes pas le copain de Veronica ?


– Pour rien, il fait son papa ours, ricane Cat’, faisant soupirer mon oncle.
– Ce n’est pas ça. Je ne le sens pas. Veronica a changé depuis qu’elle sort
avec lui. On ne sait même pas d’où il vient. Ils n’étaient pas dans le même
lycée. Comment l’a-t-elle connu ? Et j’ai l’impression qu’il la manipule ou
se sert d’elle. Tu te rends compte qu’il a refusé de nous rencontrer. Et
Veronica aussi n’a pas voulu. À croire que c’est pour de faux, leur couple.
– Ils ne sont peut-être pas encore prêts… tenté-je.

Mais mon oncle secoue négativement la tête.

– Non. Je ne l’aime pas.

Il semble clore la conversation en détournant le regard vers son


téléphone. Au même moment, on sonne à la porte. J’observe Cat’ qui
hausse les épaules et me fait signe d’y aller.

– D’accord, bonne soirée.


– Fais attention à toi, me lance mon oncle dans mon dos.

Je lui fais signe que tout ira bien avec un pouce en l’air et lui envoie un
baiser.
***

On arrive devant le cinéma. Bonnie est la première à descendre de la


voiture, mais je reste bloquée quand je vois la personne qui accompagne
Eddy et Caleb. Est-ce que je peux encore changer d’avis ?

– Je croyais qu’il ne devait pas être là, dis-je à Lace qui cherche quelque
chose dans son sac à main.
– Quoi ? questionne-t-elle en relevant la tête.

De mon doigt, je montre James à l’extérieur près de l’entrée du cinéma.


Elle écarquille les yeux.

– Merde, je te jure qu’il m’avait dit qu’il ne serait pas là. Il ne m’a pas
prévenue qu’il venait. Je suis désolée, Joy.

Je souffle en me détachant pour sortir de la voiture. Lace me suit, le


regard inquiet.

– Ne t’inquiète pas, la rassuré-je. Vous êtes amis, c’est normal que vous
fassiez des choses ensemble.
– Oui, mais s’il te blesse à nouveau, je le gifle.
– Il ne m’a pas blessée.

Elle m’adresse un regard en coin et rigole légèrement.

– Toi non plus, tu ne sais pas mentir.

Je la fusille du regard, mais elle rejoint déjà ses amis. Eddy et Caleb
semblent contents de me voir vu comment ils m’enlacent. Mais je n’arrive
pas à lire en James. Il me fixe, ne dit rien, mais ne s’éloigne pas pour
autant. Est-ce que c’est bon signe ?

– Qu’elle soit là, je m’en fous, mais je ne partage pas mes pop-corn et
qu’elle reste assise loin de moi.
Bon, ce n’est pas bon signe finalement. Mais au moins, il a l’air de me
tolérer, et puis dans tous les cas, même s’il ne voulait pas de moi ici, je ne
partirais pas pour autant.

Caleb et Bonnie restent avec moi pendant que Lace achète les billets et
Eddy et James les snacks et boissons. Bonnie m’explique les précédents
films, car j’ai eu le malheur de dire que je ne les avais jamais vus. Je
n’écoute qu’à moitié, car mon attention est accaparée par Caleb qui mate
ouvertement Lace avec des étoiles dans les yeux. Je lui donne un coup de
coude et il sursaute comme s’il revenait sur terre.

– Ouais ? se racle-t-il la gorge, me faisant éclater de rire.


– Tu devrais peut-être lui dire ce que tu ressens, non ?
– Je ne ressens rien pour personne, de quoi tu parles ?

Bonnie cesse ses explications sur le film et repousse Caleb en soupirant.

– Oh, arrête. Vous vous tournez autour depuis des mois, Lace et toi. Il
serait peut-être temps qu’un de vous deux fasse le premier pas. Dieu merci,
je ne suis plus la seule à l’avoir remarqué !

Caleb a l’air de ne plus savoir où se mettre. Ses yeux font des va-et-vient
entre Bonnie et moi, puis il avoue :

– Je ne pense pas qu’elle ressente la même chose.


– N’importe quoi ! s’écrie Bonnie en levant les mains au ciel.
– Quoi donc ?

Nous sursautons tous les trois et nous nous tournons vers Lace qui
revient au même moment.

– Rien du tout, dit tout de suite Bonnie. On parlait du meilleur Conjuring


et Caleb disait que celui-ci ne battrait jamais les précédents.

Lace semble ne pas nous croire. Elle nous interroge du regard, mais les
garçons reviennent, nous sauvant, et pour une fois, je suis heureuse de voir
James. Pendant que l’on se dirige vers la salle, je reste en arrière avec Caleb
et lui chuchote pour que les autres, et surtout Lace, ne nous entendent pas :

– Je pourrais t’aider si tu veux.


– Tu ferais ça ? s’étonne-t-il, et j’acquiesce en souriant.
– Oui. Je lui demanderais ce qu’elle ressent pour toi, sans lui faire part de
tes sentiments pour elle, et je te dirais !

Je m’attendais à ce qu’il me remercie simplement, mais il me surprend


en serrant ma main.

– Merci.

Et j’ai l’impression que ça le touche plus qu’il ne le montre.

Malheureusement, quand on entre dans la salle bondée, presque tous les


sièges du milieu sont pris. Vu le nombre qu’on est, on est obligés de se
disperser sur le côté, dans les rangées de deux sièges.

Lace et Bonnie s’assoient les premières, Eddy et Caleb ensuite et il ne


reste plus que James et moi. Lace et Bonnie se retournent et me lancent
toutes les deux en même temps un clin d’œil. Ce n’est pas vrai. Elles se
fichent de moi !

James se glisse dans la dernière rangée disponible et s’assoit contre le


mur pendant que je m’installe à la place côté couloir en essayant de me
tenir le plus possible éloignée de lui. Pas facile quand les sièges sont collés
et qu’il écarte les jambes comme s’il était seul.

– Ne compte pas sur moi pour te cacher les yeux, peste-t-il, la tête contre
le mur.

Normalement, je lui rentrerais dedans, mais là, j’en ai marre alors je


l’ignore, détache mon sweat qui était autour de ma taille et le pose sur mes
genoux au cas où j’aurais besoin de me cacher les yeux.
J’ai à peine le temps de m’installer que les lumières s’éteignent. Les
publicités commencent jusqu’à ce que débute le film. Rien que l’intro me
donne des sueurs froides. J’ai hâte de sortir de là. Si j’arrive à me contenter
de mon pull jusqu’à la moitié du film, plus ça avance et plus je fais des
bonds.

Arrive finalement une scène qui me fait presque crier. Je saisis par
instinct la main à mes côtés, que j’empoigne fort pour m’empêcher de me
cacher sous le siège. Ce n’est que quand je me calme que je prends
conscience que c’est la main de James. Ce n’est maintenant plus le film qui
me donne des frissons, mais le mec à mes côtés. J’ai si peur de sa réaction
que je n’ose pas le lâcher. Peut-être qu’il n’a rien senti ?

Au bout de quelques secondes, je relâche doucement mon étreinte, mais


le cri du personnage féminin me fait sursauter et je resserre les doigts de
James aussi fort qu’auparavant. Là, il ne peut qu’avoir senti. Je reste
concentrée sur l’écran pour ne pas le regarder. Je tente de me défaire, mais
je manque de m’étouffer quand il me retient et que ses doigts se lient aux
miens. J’ai très chaud maintenant.

Reste calme, Joy.

James me tient la main le restant du film, même quand les lumières se


rallument. Je suis mortifiée. Je l’oblige même à me lâcher quand les gens
commencent à se lever. Je me précipite tellement que je suis la première à
sortir de la salle. La bande me rejoint en rigolant. Ils ne comprennent pas
pourquoi j’agis comme ça. Ils pensent sans doute que c’est par rapport au
film, alors que je flippe pour tout autre chose.

– Plus jamais ! m’écrié-je pour la forme. Plus jamais je ne vais voir un


film comme ça.

Lace passe son bras autour de mes épaules en me collant contre elle.

– Allez, viens. Je te ramène.


Je la laisse m’amener à sa voiture et ça me demande un courage hors
norme pour ne pas regarder derrière moi, sentant encore la sensation des
doigts de James liés aux miens. C’est arrivé ce soir, mais plus jamais je ne
le toucherai à nouveau.
7

James

Je suis faible. Sa peau a touché la mienne, c’était déjà trop pour moi. Je
n’ai pas pu m’empêcher de vouloir la toucher plus, encore et encore. Tenir
sa main ne me suffisait pas. Je voulais tout d’elle. Je voulais que son corps
soit moulé au mien. Je voulais qu’aucun espace ne nous sépare, mais j’ai dû
me contenter de sa main, qu’elle a voulu retirer, élargissant encore plus le
trou béant dans mon cœur. Je n’ai pas pu m’empêcher de la retenir.

– T’es qu’un imbécile, maugréé-je en me laissant tomber sur mon lit


quand je rentre du ciné.

Je voulais la faire payer, au final, c’est elle qui me l’a fait payer. Devoir
lâcher sa main à la fin du film a été une torture. Quand Lace l’a entraînée
avec elle, ça m’a demandé des efforts surhumains pour ne pas lui courir
après. Il faut que je me change les idées. Je saisis mon téléphone et tape le
numéro que je connais par cœur. Je ne l’ai pas enregistré pour éviter que
quelqu’un tombe dessus.

– Ouais ? répond directement mon pote.


– Je dois me défouler, dis-je. Tout de suite.
– Mec… soupire mon coach. Le prochain combat est dans quelques jours
et là je suis avec ma copine. Entraîne-toi avec Eddy.
– Je n’en ai pas besoin, je bats déjà tout le monde. Je suis le champion et
je ne veux pas blesser mon meilleur pote.
– Alors dans ce cas, dessine.
Il n’est pas sérieux ? C’est son portrait que je vais refaire. Je prends une
grande inspiration pour me calmer et décide de raccrocher. Je balance mon
portable dans la pièce puis saisis mon carnet ainsi que mes crayons.
Finalement, il n’a pas tort car au premier coup de trait, je m’évade tout de
suite.

***

Je ne sais pas combien de minutes ou d’heures s’écoulent avant que je ne


relève la tête. Je sursaute en lâchant mon carnet quand je découvre Nathan,
assis à mes côtés sur mon lit.

– Putain, t’es fou ou quoi ?


– J’ai essayé de te parler au moins dix fois, tu ne réagissais pas.
– Qu’est-ce que tu veux ?

Nathan ne me répond pas et saisit mon carnet. Je le laisse faire. Dans


tous les cas, je ne sais même pas ce que j’ai dessiné. Tout ce que je sais,
c’est que je suis plus calme qu’avant d’avoir commencé.

– C’est qui ? questionne-t-il, et je fronce les sourcils.

Comment ça, qui ?

Je saisis mon carnet de ses mains pour y jeter un œil.

– Putain, juré-je dans ma barbe, n’y croyant pas.

J’ai dessiné Joy.

J’étais calme, mais plus maintenant. Je ne peux pas combattre et mon


autre passion ne m’aide pas. Cette nana me tape sur le système.

– C’est qui ? me demande à nouveau Nathan.


Je l’observe, il me fixe, ne voulant pas abandonner cette fois. Je soupire
en passant mes mains sur mon visage.

– La première fille dont j’ai été amoureux. Tu étais trop jeune pour te
souvenir d’elle, mais tu as déjà joué avec elle.
– Joy ?

Je redresse d’un coup la tête vers lui, surpris qu’il connaisse son prénom.

– Comment tu le sais ?
– Tata en parlait beaucoup avec maman. Je peux la revoir ? me demande-
t-il comme si je venais de lui donner le plus beau cadeau au monde.

Je regrette déjà de le décevoir, mais c’est au-dessus de mes forces.

– Non.

Il perd son sourire en même temps que ses épaules s’affaissent.

– Pourquoi ?
– Parce qu’il est hors de question qu’elle revienne dans ma vie.
– Mais…
– Non, c’est non, Nathan. Ne force pas. Et il est déjà tard, va au lit.

Mon petit frère soupire en se levant de mon pieu.

– D’accord.

Alors qu’il sort de ma chambre, le dos voûté, je m’en veux. Je suis


incapable de lui refuser quoi que ce soit. Ça me tue de lui parler comme ça.
Il est la personne qui compte le plus pour moi. Alors, je finis par céder.

– OK, dis-je simplement, et il se retourne, le regard émerveillé.


– C’est vrai ?
– Va au lit, marmonné-je, regrettant déjà ma décision.

Seulement sa joie me remplit la poitrine de chaleur. Même si ça va être


une torture pour moi, voir mon petit frère heureux, c’est tout ce que je veux.
8

Joy

– Tiens, va vider ça sur la table, m’ordonne Cat’ en me fourrant dans les


bras un carton rempli d’objets dont je ne vois même pas le fond.

Je recule sous l’impact, mais ne perds pas un instant par peur de me faire
engueuler. Je sors du garage en direction de la table qu’elle a installée juste
devant la maison sur le trottoir.

C’est le jour de leur brocante annuelle dans le quartier et ma tante m’a


réveillée à cinq heures pour tout préparer. Ça ne me dérange pas, au
contraire, mais je comprends enfin ce que voulait dire Veronica. Cette
tradition lui tient énormément à cœur, elle met donc un point d’honneur à ce
que tout soit parfait. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un tyran, mais c’est
certain que je n’ai pas osé contester même un seul de ses ordres, et ce
depuis qu’elle est entrée en trombe dans ma chambre pour me tirer du lit.

Alors que je sors un à un les objets pour les placer sur la table, je rigole
en découvrant qu’elle a même déposé sur chacun un Post-it avec le prix.
Elle ne fait pas les choses à moitié.

– Ta tante t’a embauchée à ce que je vois, ricane une voix féminine au-
dessus de moi.

Je relève la tête vers Lace. Elle me serre dans ses bras puis se recule pour
observer les objets de ma tante.

– C’est la reine de cette brocante, fait-elle remarquer en soulevant un


miroir vintage. Il est sympa, lui !
– Ça lui fera plaisir, rigolé-je en essayant de disposer correctement les
objets.

En fait, j’évite de croiser son regard. La séance de cinéma remonte à une


semaine et j’ai fait tout ce que je pouvais pour ne pas revoir les personnes
de la bande. Enfin, James, surtout. Mais pour l’éviter lui, je suis forcée
d’éviter tout le monde. Et j’avoue que je me sens un peu coupable. Lace a
été la première à m’accueillir à bras ouverts et elle n’a pas hésité à
m’inclure dans leur bande sans que je demande quoi que ce soit. Alors oui,
m’éloigner d’elle me fait mal au cœur. Mais c’est aussi pour le bien de ma
santé mentale.

– Joy… soupire tristement ma nouvelle amie.


– Hmm ?
– Regarde-moi.

Je résiste encore quelques secondes, mais malheureusement, je me sens


obligée de lever les yeux. Elle me lance un sourire contrit.

– Qu’est-ce qui s’est passé au cinéma ?


– Rien du tout. Pourquoi ?

Lace ricane en secouant la tête.

– Alors pourquoi James m’a dit exactement la même chose sur un ton
similaire ? Bon, OK, il m’a priée de me mêler de mes affaires en plus. Mais
ça reste pareil.

Je sens mes joues rougir en ressentant la main de James liée à la mienne,


mais je fais comme si de rien n’était, tout en replaçant le miroir qu’elle
avait bougé de quelques centimètres, pour m’occuper.

– Il t’a peut-être dit ça parce qu’il ne s’est justement rien passé.


– Alors pourquoi tu nous as tous ignorés cette semaine ? insiste-t-elle. Je
suis même venue sonner chez toi pour voir si tu voulais sortir. Veronica m’a
appris que tu n’étais pas là et pourtant je t’ai vue dans ta chambre quelques
instants après.
Oui, je m’en souviens. J’étais dans le salon, je l’avais vue par la fenêtre
sortir de sa maison et venir jusqu’à la nôtre. J’avais supplié Veronica de
mentir pour moi. De ce fait, je lui dois une faveur.

Je hausse les épaules et lance un petit sourire à mon amie.

– J’ai été occupée cette semaine. Cat’ m’a embauchée pour faire le tri et
préparer la brocante.

Elle me scrute de son regard vert et je suis persuadée qu’elle peut lire en
moi, alors je me retourne pour poser le carton au sol.

– Donc, tu peux venir à la fête de Bonnie ce soir ? Étant donné que le


vide-greniers sera terminé.

Mes yeux s’écarquillent et heureusement que je suis dos à elle. Je me


relève doucement et tourne légèrement la tête pour la regarder. Un sourire
malicieux orne ses lèvres. Elle a tout compris. Mes épaules s’affaissent en
même temps que je soupire.

– D’accord.

Lace pousse un cri et me serre dans ses bras en nous faisant tanguer et
j’explose de rire.

– Promis, je le surveillerai, me chuchote-t-elle à l’oreille, et je rougis.


– Lace, tu peux venir, s’il te plaît ?

On sursaute et nous découvrons sa mère, je suppose. Je ne l’avais encore


jamais vue, mais la ressemblance entre elle et Lace ne fait aucun doute.
Mon amie la rejoint. Arrivée devant chez elle, elle se retourne pour me
crier :

– Je passe te chercher à vingt heures. Il aime le bleu, si tu ne sais pas


comment t’habiller.
Je lève un doigt en l’air et elle éclate de rire. Je secoue la tête, mais un
sourire débile étire mes lèvres. Je suis contente qu’elle ne m’en veuille pas.

– Joy ! crie ma tante du garage. Il ne nous reste qu’une heure, dépêche-


toi.

Je ne me fais pas prier, reviens à moi et cours la rejoindre pour qu’elle


me fourre à nouveau des cartons dans les bras.

***

– Café ?

Je me retourne et soupire de soulagement quand Veronica me tend une


tasse de café avant de s’asseoir sur la chaise à mes côtés.

– Merci, tu me sauves la vie, dis-je en prenant la tasse dans mes mains.

Il n’est que dix heures, pourtant je suis déjà crevée. La brocante est aussi
ouverte à l’extérieur du quartier, donc il y a énormément de monde qui
passe. J’avoue que ça me fatigue de faire la discussion, de dire bonjour, au
revoir, de donner des conseils et d’expliquer certains objets alors que je n’ai
aucune idée de ce que je fais. Mais ça a l’air de marcher si on regarde le
grand sourire qu’affiche Cat’ en comptant l’argent, qui sera reversé à
l’association de son choix dès ce soir.

– Attention, ça fait beaucoup de services que tu me dois, rigole ma


cousine en me donnant un coup de coude, et je lui tire la langue.

Je bois une gorgée de mon breuvage favori, quand Veronica me frappe à


nouveau le bras, bien plus fort que précédemment, me faisant recracher
dans ma tasse.

– Ouch, m’écrié-je. Qu’est-ce qui te prend ? Je n’ai rien dit.


Elle ne me répond pas. Ah, ça non, c’est quelqu’un d’autre qui le fait.

– Salut…

Mes yeux s’écarquillent quand je reconnais la voix de James. Je ne me


retourne pas pour autant, et continue de fixer Veronica qui me pousse du
genou.

Je prends une grande inspiration pour me donner une contenance. Une


fois que je suis sûre de moi, je me retourne, prête à le saluer, mais le son
reste bloqué dans ma gorge quand je découvre une version miniature de lui
à ses côtés. Le garçon nous jette des regards curieux, à James et moi. Je
reporte mon regard sur ce dernier et il tente de me sourire légèrement en
passant une main dans ses cheveux.

– Salut, dis-je enfin, et j’entends Veronica glousser à mes côtés, comme


si elle se moquait de moi.
– C’est elle ? s’exclame la version miniature de James en le regardant et
en me jetant des regards insistants.

James hoche la tête et tend la main entre nous.

– Nathan, je te présente Joy. Joy, Nathan, mon petit frère. Il voulait te


rencontrer.

Je l’avais deviné, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Je


l’avais déjà vu, je m’en souviens maintenant. En même temps, on n’a que
trois ans d’écart. Il avait 9 ans la dernière fois que je l’ai vu, mais
apparemment je l’avais effacé de ma mémoire. Par contre, je remarque que
James a dit rencontrer, et non revoir. Il continue à mentir. Nathan ne doit
pas avoir plus de 15 ans du coup, mais il est déjà grand. Quand je dis ça, je
veux dire qu’il me dépasse et qu’il rattrape vite son frère.

– Alors comme ça, tu viens de Miami ? s’exclame Nathan avec des


étoiles dans les yeux. Tu as rencontré les Miami Heats ?
– Non, rigolé-je. Je ne suis pas très fan de sport.
– Oh, fait-il, déçu, et je sens mon cœur se serrer sans savoir pourquoi.
Merde, depuis quand fais-je attention à ce que ressent un gosse ?

– Mais si je les croise, je demanderai un autographe pour toi.

Pourquoi j’ai dit ça alors que je vais passer plusieurs années ici ? Mais il
rayonne à nouveau et ça me réchauffe le cœur. C’est seulement quand je
reporte mon regard sur James que je vois que celui-ci me fixe. Je me
concentre de nouveau aussitôt sur Nathan, pour ne pas perdre pied sous son
regard bleu froid, et pourtant brûlant à la fois.

– Tu vois ! s’exclame-t-il en donnant un léger coup de poing dans le bras


de James qui le regarde enfin, coupant le contact entre nous. Elle, au moins,
elle ne fera pas que me dessiner les joueurs !

C’est donc vrai, James dessine ? Je ne l’ai jamais vu dessiner, même


quand on était plus jeunes. Je ne m’attendais pas à ça. Je pensais qu’il serait
plus dans le sport, vu sa carrure, mais pas forcément dans le dessin.

– Tu dessines ? m’étonné-je, et je vois que ça ne lui fait pas plaisir d’en


parler.
– Oui, dit-il simplement, et je me pince les lèvres pour éviter de le
questionner plus.
– Et il t’a… commence Nathan, mais James l’empêche de continuer en
posant sa main sur sa bouche.
– On va y aller, nous. Tu viens à la fête de Bonnie ce soir ? me demande-
t-il.

Je réponds par l’affirmative d’un hochement de tête, qu’il me rend avant


d’entraîner son petit frère, qui me salue d’un signe de la main.

Je les observe jusqu’à ce qu’ils disparaissent complètement et c’est un


raclement de gorge qui me fait revenir sur terre. Je me tourne vers Veronica.
Elle me regarde avec un sourcil levé et les bras croisés contre la poitrine.

– Ne dis rien. Je ne le supporte tellement pas que je ne sais jamais quoi


lui dire.
Je reprends une gorgée de mon café pour faire passer la boule de
nervosité que j’ai dans la gorge, mais grimace quand je me rends compte
qu’il est maintenant froid. On a parlé pendant combien de temps, bordel ?

– Ouais, c’est pour ça que t’as failli bégayer pour le saluer et qu’il te
fixait comme s’il voulait te retourner sur la table ?
– Veronica ! m’écrié-je en m’étouffant, et elle me tape dans le dos.
– Quoi ? Je ne dis que la vérité. Il n’a qu’un objectif en tête, et c’est toi.

Je lui lance un regard morne en coin et elle me sourit innocemment.

– Son petit frère voulait juste me revoir, dis-je d’un ton désespéré.
– C’est ça, ricane ma cousine, puis elle salue un client qui vient d’arriver
devant le stand. Bonjour, vous cherchez quelque chose en particulier ?

Moi, je repars dans mes pensées et me demande ce qui vient de se passer


au juste. Qu’a voulu dire Nathan en m’incluant avant que James ne le
coupe ? Je pense que je ne le saurai jamais, sauf si je viens à recroiser le
petit. James a l’air autoritaire avec lui, mais ils ont l’air complices. Steve
m’a parlé du décès de leur mère et leur père n’a pas l’air d’être présent.
Même s’ils vivent chez leur tante, James a dû prendre le rôle de parent
envers son petit frère. J’aurais presque de la compassion pour lui.

***

Pour une fois, c’est Veronica qui est prête en premier et qui m’attend au
rez-de-chaussée quand je descends de ma chambre. Bonnie a accepté
qu’elle vienne et c’est Lace qui nous emmène. Ma cousine se retourne au
bruit de mes talons. Les yeux écarquillés, la bouche ouverte, elle me
dévisage.

– Oh. Mon. Dieu ! s’écrie-t-elle en faisant des pauses, et je ris


nerveusement.
Elle s’approche, saisit une de mes mains et me fait tourner sur moi-
même pour me regarder sous toutes les coutures. J’ai décidé de porter la
robe rouge qu’on a achetée ensemble la dernière fois. Elle moule toutes les
parties de mon corps. Absolument toutes. Avec des talons, j’ai l’impression
d’avoir encore plus de formes et je ne sais pas quoi en penser.

Je me suis maquillée un peu plus en ajoutant un trait d’eye-liner et du


rouge à lèvres rouge. Je me suis aussi bouclé les cheveux en empruntant
l’appareil de Veronica.

– C’est trop ?
– Absolument pas ! s’exclame-t-elle en me claquant les fesses, et je
sursaute, ce qui la fait éclater de rire. Tu es sublime, malheureusement pour
moi. Je savais qu’elle t’allait super bien dans le magasin, mais là, c’est cent
fois mieux.

Lace m’a dit que James aimait le bleu, mais je ne l’ai pas écoutée. D’une
part, parce que j’avais déjà cette robe que je n’ai encore jamais portée, mais
d’autre part, parce que je n’ai pas forcément envie que James pense que je
suis venue pour lui. Ce qui est loin d’être le cas. J’y vais parce que j’ai
assez ignoré ses amis. Et seulement ses amis.

***

– Salut les bombasses, lance Lace quand on entre dans sa voiture.


– Tu t’es vue ? marmonne Veronica. Tu n’as même pas besoin de faire
d’effort. Une seule robe noire et t’es magnifique. C’est une honte.

Veronica ne remarque que ça. Mais moi, je vois que Lace s’est beaucoup
plus apprêtée et maquillée qu’au quotidien. Elle est comme à la fête de
James, et je me demande si elle ne profite pas des fêtes pour essayer de se
faire remarquer par Caleb, qui a l’habitude de la voir normalement au
quotidien. Et je pense que c’est le bon moment de lui en parler.
– Eh, Lace, dis-je pour attirer son attention alors qu’elle est concentrée
sur la route. Tu en penses quoi de Caleb ?
– Caleb ? questionne-t-elle en me lançant un regard en coin. Notre Cab ?

Le mien, je ne sais pas. Mais le sien, sans doute, oui. Alors j’acquiesce
d’un signe de la tête.

– Comment ça, ce que j’en pense ? C’est mon ami.

Veronica glousse à l’arrière pendant que je souris légèrement en fixant le


profil de Lace qui commence à rougir.

– J’ai vu comment tu le regardais. Peut-être que les autres sont habitués


et qu’ils ne le remarquent pas, mais moi, j’ai vu.

Lace garde le silence quelques instants, qui me font penser que Bonnie et
moi on s’est peut-être trompées, mais elle soupire finalement.

– Très bien, capitule-t-elle comme si c’était la fin du monde. J’ai un


crush sur lui, mais on est amis depuis tellement longtemps que je ne pense
pas que ça soit réciproque.
– T’as déjà essayé de lui parler ?
– Non ! s’écrie-t-elle d’un ton alarmé. Ça ne va pas ou quoi ? Je ne veux
pas risquer de perdre notre amitié !

J’ouvre à nouveau la bouche, mais elle coupe le moteur.

– On est arrivées !

Elle sort rapidement de la voiture, Veronica la suit et je souris, fière de


moi, en sortant de la voiture. Je n’ai plus qu’à parler à Caleb maintenant.

Il y a beaucoup moins de gens qu’à la fête de James. On voit que c’est


plus entre amis, là. Néanmoins, je me cache légèrement derrière les filles
quand tous les regards se tournent vers nous. Eddy nous rejoint,
accompagné de Caleb. Ils sifflent tous les deux gentiment en nous
dévisageant de la tête aux pieds.
– On va devoir vous surveiller ce soir. Surtout la petite nouvelle, rigole
Eddy en m’ébouriffant les cheveux.

Je lui frappe la main, mais je remarque très vite le regard insistant de


Caleb qui ne peut s’empêcher d’admirer Lace. Je m’avance vers lui et le
prends dans mes bras comme pour le saluer, cependant, au lieu de ça, je lui
chuchote dans l’oreille :

– Il faut que l’on se parle plus tard.

Il me lance un grand sourire, heureux comme un pape, puis Bonnie qui


débarque de je ne sais où nous presse d’aller vers le bar. Les autres ont l’air
de savoir pourquoi, alors je les suis, non sans me demander ce qui se passe.
On se rassemble autour du bar pendant que Bonnie se place derrière la table
qui est supposée être un bar, je crois.

– Vous connaissez ma tradition : celui qui est tiré au sort doit boire le
verre mystérieux.

Le verre mystérieux ? Qu’est-ce que c’est ? Je me retourne vers Lace qui


se penche justement vers moi.

– Le verre mystérieux, c’est un verre préparé par quelqu’un de la fête.


Bonnie va nous distribuer un numéro, puis celui qui a créé le verre choisira
un numéro dans un bol. Celui qui est tiré au sort doit boire.

Bon, ça va, je pensais que c’était pire. Bonnie passe dans les rangs en
distribuant des numéros. Elle arrive près de moi, me lance un clin d’œil et
me tend un bout de papier. Numéro trente-trois.

Quand elle a fini, elle retourne derrière le bar et porte le micro à ses
lèvres.

– James ?

Mon cœur loupe un battement quand elle l’appelle et regarde derrière


moi. Je me tourne, mais un corps me frôle et une sensation de chaleur se
diffuse de ma nuque à mon dos quand je découvre que c’est lui qui vient de
m’effleurer. Il se faufile derrière le bar, notre amie lui tend le micro. Il tape
dessus avant de prendre la parole :

– Eh, tout le monde, c’est moi l’heureux créateur cette fois.

Bonnie plonge la main dans un bol, fouille puis sort un bout de papier au
bout de quelques secondes avant de le tendre à James.

Ce dernier sourit grandement quand il lit le numéro, puis il relève la tête.


Son regard s’ancre dans le mien. Oh, non ! Je ne le sens pas…

– Trente-trois, dit-il finalement, et je ferme les yeux en prenant une


grande inspiration.

Sur tout le monde présent, quelle est la probabilité que je sois celle tirée
au sort ? Alors, quand c’est pour gagner à des concours sur Instagram, ça ne
marche jamais, mais pour ça, oui. Pff. Bon, je crois que je n’ai pas le choix.

Je me faufile entre les gens et m’approche du bar sous le regard brûlant


de James qui me détaille de la tête aux pieds. Je crois qu’il n’aime pas ma
robe vu comment sa mâchoire se crispe, mais ce n’est pas grave, je ne suis
pas là pour lui plaire. Arrivée face à lui, je croise les bras contre ma poitrine
en penchant la tête sur le côté.

– Bon, il est où ce verre ? dis-je abruptement sous la nervosité.

J’ai conscience que ce n’est pas le pire des gages, mais je ne suis pas
particulièrement à l’aise non plus. Qui sait ce qu’il y a dans ce verre ? Pour
couronner le tout, James me fixe comme si j’étais la seule personne dans
cette pièce, me déstabilisant encore davantage, mais je fais mine de rien et
l’observe.

James se baisse, récupère un verre rempli d’un liquide bleu mystérieux,


puis le fait glisser jusqu’à moi.

– Le voilà, chérie.
– Appelle-moi encore une fois comme ça et c’est sur ta tête qu’il finit.

Je le fusille du regard tout en levant le verre à mon nez. Je grimace en


sentant la forte odeur de vodka.

Il penche la tête sur le côté à son tour, comme pour lire en moi, tout en
m’observant d’un regard malicieux.

– Si tu le bois en entier, je ne t’appelle plus comme ça. À toi de voir. Tu


peux encore te dégonfler si tu n’en es pas capable.

Ouais, c’est ça, comme si j’allais le croire. Je saisis le verre et le porte à


ma bouche d’une main tremblante que j’essaye de contrôler. Je suis
légèrement déstabilisée par le goût de la vodka, mais il est vite remplacé par
une forte dose d’orange et de citron. Je ne quitte pas mon ennemi du regard
pendant que je termine le verre jusqu’à la dernière goutte. Je le repose
ensuite brutalement sur la table. Nos regards se jaugent toujours pendant
que la foule se disperse et que les personnes vaquent à nouveau à leurs
occupations. L’alcool me brûle la gorge et l’estomac, mais je soutiens son
regard en posant les mains sur la table. Je me penche vers lui, ce qui fait
que nos corps sont très proches l’un de l’autre. Je sais qu’il a une vue
imprenable sur ma poitrine, mais à ce moment, comme portée par l’alcool,
je m’en fous.

– T’es content, j’imagine ? Ça te fait plaisir de faire semblant de me


détester, James ? Mais évite de trop me pousser à bout, je ne suis plus la
petite fille que tu as connue.
– Je vois ça, murmure-t-il, fixant mes lèvres puis à nouveau ma poitrine.

Est-ce qu’il vient finalement d’avouer qu’il me connaît ? Ça m’énerve


qu’il souffle le chaud et le froid constamment. Je siffle et me retourne d’un
bond, lui coupant la vue sur ma poitrine qu’il avait l’air de particulièrement
aimer. Eh bien, il va attendre longtemps pour la voir de plus près, c’est-à-
dire l’éternité.
9

Joy

Je laisse James en plan pour retrouver les filles. Elles se déchaînent sur la
piste de danse au milieu du salon. Je me faufile entre les convives en
essayant de ne pas me prendre de coups de coude. Je les rejoins presque
sans encombre. Bonnie passe son bras autour de moi et me tire contre elle.

– Désolée pour le verre mystérieux, c’était le plan de James.

Je hausse les épaules. J’avais deviné ! Ça va, ce n’était pas la pire chose
au monde.

Elle m’entraîne ensuite dans une danse improvisée. Il n’y a pas à dire,
elle a la danse dans le sang. Ce que je n’ai pas. Mais je la laisse me guider
et je m’amuse plutôt bien, jusqu’à ce que je croise le regard de Caleb qui
me demande de le suivre en montrant la terrasse d’un signe de la tête.

J’ai à peine posé un pied sur la terrasse qu’il me saute dessus, le regard
nerveux.

– Alors ?

Je souris et il se détend instantanément en se rasseyant dans son siège. Il


prend une longue gorgée de sa bière et je m’assois à ses côtés. Il me tend sa
bouteille, que je prends avec plaisir pour avaler une gorgée avant de la lui
rendre.

– Lace m’a dit que tu lui plaisais beaucoup…


– C’est vrai ? me coupe-t-il d’une voix remplie de surprise et les yeux
écarquillés.
– Laisse-moi terminer, pouffé-je en levant les yeux au ciel. Oui, tu lui
plais, sauf qu’elle croit qu’elle ne t’intéresse pas.
– Mais n’importe quoi ! me coupe-t-il à nouveau, et je pointe un doigt
menaçant sur son torse.
– Arrête de me couper la parole, ou je te scotche la bouche. Tu ne
pourras même pas l’embrasser !

Il se tait, croise les bras et attend comme un petit garçon à qui on vient
d’interdire un bonbon. J’éclate de rire et il me fusille du regard.

– Vas-y, fous-toi de moi, marmonne-t-il, mais je vois le petit sourire qui


menace d’étirer ses lèvres.
– Elle croit ça parce que tu t’es toujours comporté comme un ami envers
elle. Elle ne veut pas te le dire parce qu’elle a peur de tout gâcher entre
vous.

Caleb reste muet quelques secondes, l’air songeur. J’aimerais être dans
sa tête pour savoir ce qu’il pense. Il regarde le ciel puis prend une grande
inspiration avant d’ancrer son regard dans le mien. Il déclare alors d’un ton
décidé :

– Je vais lui parler.


– Oh, oh, attends ! m’écrié-je en lui attrapant le poignet.

Je ne suis pas sûre que Lace tienne le coup s’il débarque ainsi en lui
disant qu’elle s’est trompée. Elle risque de comprendre que je manigançais
tout ça.

Il se retourne et me questionne du regard.

– On avait conclu qu’elle ne devait pas savoir que je t’ai aidé. Ne lui dis
pas tout de suite. Invite-la à danser, déjà, et pas comme un ami.

Il fronce les sourcils et se pince les lèvres, tandis que son regard oscille
entre moi et l’intérieur de la maison, où Lace est maintenant assise sur un
des canapés.

– Tu as raison.

Il me prend dans ses bras rapidement et s’élance vers la maison.

Mon cœur rate un battement quand il arrive à la hauteur de Lace et qu’il


lui prend la main. Celle-ci le regarde comme si elle venait de voir un
fantôme. Je retiens ma respiration de peur qu’elle ne le rejette.

– Tu viens danser ? demande nerveusement mon ami.

Mes épaules s’affaissent et je respire enfin quand elle accepte sa main et


qu’ils rejoignent la piste. Je ne pensais pas que j’étais autant en apnée. Lace
se retourne, semble chercher quelqu’un, puis son regard croise le mien. Elle
me fait les gros yeux, sûrement pour me demander si j’y suis pour quelque
chose, et je hausse les épaules en souriant. Elle me pointe du doigt en
murmurant « je t’aurai ». J’éclate de rire et lui envoie un baiser.

Fière d’avoir officiellement réussi ma mission, je me laisse tomber dans


le canapé, heureuse pour mes nouveaux amis. Alors que je m’extasie devant
eux, le canapé s’affaisse à mes côtés sous le poids d’Eddy.

– Salut meilleure amie, on s’amuse bien ?


– Meilleure amie, hein ? répété-je d’un ton amusé en levant un sourcil.

On ne se connaît pas tellement encore, alors je sais qu’il s’amuse, mais


ça me fait quand même plaisir.

– Bah ouais, dit-il d’un ton nonchalant.


– Ça me vexerait presque tellement ça a l’air de t’ennuyer, dis-je dans un
rire en entrant dans son jeu.
– C’est toi qui as poussé Cab dans les bras de Lace ?

J’acquiesce d’un signe de la tête en souriant.


– Wow, lance-t-il en levant les sourcils. On peut dire que tu es parvenue
à faire en une semaine ce qu’on n’a jamais réussi en plusieurs années. T’es
une héroïne.

J’éclate de rire, mais mon regard est vite attiré par James, assis au bar.
Mon rire s’évanouit et je sens mon cœur se serrer quand je vois une blonde
presser ses seins contre son bras. Il ne la regarde pas et parle avec un mec.
Alors qu’elle se presse une fois de plus contre lui et lui chuchote quelque
chose à l’oreille, il la repousse doucement et secoue la tête. Elle tire la
moue et s’éloigne enfin. Jusqu’à ce qu’une brune prenne sa place. Je lève
les yeux au ciel, plus exaspérée qu’autre chose. Ce mec a vraiment toutes
les nanas qu’il veut et il vit toujours mal le fait que son ex l’ait trompé.
Alors qu’il pourrait simplement claquer des doigts et avoir une horde de
gonzesses sur ses cuisses. Je ne comprendrai jamais.

J’entends Eddy s’esclaffer en me donnant un coup d’épaule. Je tourne


vivement la tête vers lui et le questionne du regard.

– Tu n’as pas à t’inquiéter, il ne va repartir avec aucune d’elles.


– Il fait ce qu’il veut.

Je me rends compte que mon ton est bien plus sec que nécessaire et je
m’en veux tout de suite de lui avoir parlé comme ça. Je me tourne vers lui
pour m’excuser, mais il me sourit grandement et mes excuses meurent dans
ma gorge.

– Ne commence même pas.

Il lève les mains autour de sa tête.

– Tout ce que j’ai à dire, c’est que tu dis la même chose que lui.

Je le fusille du regard en m’apprêtant à le frapper au bras, mais il se lève


du canapé et m’ébouriffe rapidement les cheveux avant de s’éloigner en
rigolant pendant que je peste après lui.

– Salut !
Je tourne la tête sur ma gauche et découvre un inconnu. Il a le crâne rasé,
des piercings plein le visage et des bras entièrement tatoués. Et sa façon de
me regarder en faisant tourner le piercing à ses lèvres m’intrigue.

– Tu viens danser ?

Sa voix me paraît claire, il n’a pas l’air d’être bourré, donc peut-être
qu’il n’attend rien d’autre. Je tourne mon regard vers mes amis, ils sont tous
occupés. Je ne vois même plus James. Merde, pourquoi je pense à lui ?
Pourquoi je le cherche comme s’il avait son mot à dire sur ma vie ? Argh !
Je déteste qu’il se soit immiscé dans ma tête comme ça. Je ne le connais
plus et il ne me donne pas envie de le connaître plus. Je dois l’oublier !

– Avec plaisir, m’entends-je dire.

Je regrette instantanément ces paroles, mais il m’attire déjà sur la piste.

Au début, la danse est plutôt platonique et je me dis que j’ai eu tort de


penser qu’il n’était pas clean. Je me laisse aller, lève les bras en l’air
pendant que ses mains sont posées sur mes hanches. Elles commencent à
descendre un peu trop bas, alors je me retourne pour lui faire face et danser
du coup moins serrés l’un contre l’autre. Mais son regard qui devient de
plus en plus fiévreux commence à me faire paniquer. Je flippe très vite
quand il se colle soudain à moi et qu’il commence à frotter son bassin
contre le mien. Je sens son désir contre moi et je grimace en essayant de me
reculer.

Ouais, autant dire que j’aurais dû refuser cette danse.

Je tente de me défaire de son emprise, mais en vain. Il resserre sa poigne


sur mes hanches avec force pour me tenir contre lui. Vraiment bloquée, je
m’apprête à lui donner un coup de genou dans les couilles pour qu’il me
lâche, quand on tire soudainement sur mon bras et que quelqu’un
s’interpose entre nous. Il me faut un temps pour comprendre ce qui se
passe, puis je reconnais James qui repousse le mec.

– Arrête ça tout de suite, putain ! hurle James par-dessus la musique.


– Ta petite pute en avait envie. Elle se déhanchait comme si elle voulait
sauter sur ma queue.

Mes yeux s’écarquillent de stupeur. Si j’avais su qu’il était comme ça,


jamais je n’aurais accepté de danser avec lui. Je sors de ma stupeur quand
James jure et saisit le col du mec pour le plaquer contre le mur. Je pousse un
cri et essaye de retenir James, mais il m’éloigne de son chemin et lance son
poing dans la mâchoire du tatoué, dont la tête tourne sur le côté en ricanant.
Ce qui énerve encore plus James qui s’apprête à lui en remettre une.

– James ! crié-je en attrapant son bras. Arrête, arrête ! Il n’en vaut pas la
peine.
– Écoute ta petite pute.
– James, s’il te plaît ! le supplié-je en nouant mes doigts aux siens.

Je m’entends soupirer de soulagement quand il relâche le mec qui tombe


au sol.

– Ose ne serait-ce que la regarder une fois et t’es mort, lui crache-t-il
avant de m’attirer à sa suite dans un couloir.

Le couloir est sombre, mais je me sens bien plus en sécurité ici. James
me lâche la main et commence à faire les cent pas en jurant et en tirant sur
ses cheveux.

– James ? demandé-je doucement, et il ancre son regard dans le mien.


– C’est quoi ton problème ? questionne-t-il hargneusement.

Ma respiration se coupe sous le choc. Non pas que je m’attendais à ce


qu’il me fasse une déclaration d’amour, mais je ne pensais pas qu’il allait
rejeter la faute sur moi.

– Pardon ?
– Pourquoi t’as dansé avec lui ?
– Je ne savais pas que ça tournerait comme ça !

Il ricane méchamment puis il pointe le salon de son doigt :


– Tous les mecs te veulent, aucun n’est gentil ici.

Je croise mes bras contre ma poitrine et le fusille du regard.

– Et comment tu sais ? Puis, au cas où, je vais bien, je te remercie.

J’ai à peine le temps de prendre une inspiration qu’il me plaque dos au


mur, ses bras entourant ma tête. Son front caresse le mien et je sens ma
poitrine se lever bien trop rapidement contre la sienne.

– Je le sais parce que je suis comme eux, avoue-t-il dans un murmure en


fermant les yeux tellement ça a l’air d’être dur pour lui de l’avouer.

Il se fout de moi, n’est-ce pas ?

Je le repousse ; il se laisse faire.

– Tu n’es pas sérieux ? Tu souffles le chaud et le froid constamment. Un


coup tu me détestes et l’autre tu me veux dans ton lit. Mais va te faire
foutre !

Je m’écarte, prête à rejoindre la pièce principale, quand sa voix claque


dans ma tête.

– C’est ça, barre-toi sans prévenir comme tu en as l’habitude. Tu n’as pas


changé durant toutes ces années.

Je m’arrête, prête à me retourner pour l’insulter pour ce qu’il vient de


dire, mais je décide qu’il n’en vaut pas la peine. Je secoue la tête et rejoins
le bar. C’est seulement quand je m’assois sur le tabouret que je réalise ce
qu’il vient de dire et c’est trop pour moi. Je ne peux pas rester dans la même
pièce que lui. Alors je m’en vais sur la terrasse, au calme. Je m’installe sur
un transat et je réfléchis à ce qui s’est passé. Il a enfin avoué qu’il se
souvient de moi. Même si j’aurais aimé que ça soit dans d’autres
circonstances.
Pourquoi m’en veut-il à ce point ? On était peut-être des préados, mais
on restait des enfants. Je ne décidais pas encore de ma vie, de l’endroit où
j’allais en vacances ! Lui non plus n’a jamais essayé de me contacter, donc
je ne comprends pas pourquoi il est si en colère… C’est vrai que moi
j’aurais pu le faire, mais je pensais qu’il était passé à autre chose. J’ai
l’impression de ne plus le connaître, que c’est un autre James, et je ne suis
pas sûre d’avoir envie de continuer sur cette lignée. Autant dire que je crois
que je préférais quand il persistait à dire qu’il ne me connaissait pas. Je ne
sais pas combien de temps je reste assise sur le transat, mais quand je
reviens à moi, la maison se vide petit à petit. Au bout d’un moment, il ne
reste que Veronica et la bande, si je prends en compte les voix que j’entends
dans le salon. Des pas me font tourner la tête et Bonnie s’installe à mes
côtés.

– Bah alors, poupée, qu’est-ce qui se passe ?


– James, maugréé-je en terminant ma bière, et elle lâche un petit rire.
– Tu veux que j’aille le frapper ?
– Non, rigolé-je. C’est ton meilleur ami.
– Tu es notre amie aussi maintenant. Alors, qu’il soit mon meilleur ami
ou non, s’il te fait du mal, je te venge.

Touchée, je baisse la tête pour éviter qu’elle voie les larmes qui me
montent aux yeux. Foutu alcool qui me rend émotive. Mais elle n’est pas
d’accord, car elle me relève la tête d’un doigt sous mon menton et elle tire
la moue en voyant mes yeux humides.

– Joy…
– Tu le penses vraiment ? la coupé-je, la voix tremblotante.
– Bien sûr ! s’exclame-t-elle. Bon, c’est vrai, j’aurais aimé que tu sois
lesbienne ou même bisexuelle. Ça m’aurait arrangée.

J’éclate maintenant de rire et essuie mes larmes. Elle a toujours le bon


mot pour retourner une situation. Finalement, j’aurais peut-être aimé aussi.
Ça m’éviterait de souffrir.
– Je suis désolée. Moi aussi, j’aurais préféré si ça avait pu m’éviter
James. Mais je suis sûre que tu trouveras vite la fille parfaite pour toi.

Bonnie presse mon genou et se lève.

– Rejoins-nous dans le salon quand t’es prête. On va faire un petit jeu de


la bouteille entre nous.

Elle rentre à nouveau dans la maison. Je prends une grande inspiration et


je les rejoins à mon tour dans le salon, faisant tout mon possible pour
ignorer James.

Je ne suis pas sûre que jouer au jeu de la bouteille soit une très bonne
idée. J’ai vu assez de films et lu assez de livres pour savoir que ça
n’annonce rien de bon. Mais je ne vais pas refuser. Je ne veux pas les
décevoir. En plus, ils sont déjà tous assis en rond autour de ladite bouteille
quand je les rejoins. Je m’assois à côté de Veronica qui pianote sur son
téléphone.

– Je n’aime pas ce jeu, se plaint James.


– Tu n’aimes rien, lui fait savoir Bonnie en faisant tourner la bouteille.

Qui tombe bien évidemment sur moi.

Oh, non ! Je sens que ça ne va pas m’aider.

Bonnie tourne la tête vers moi et je vois le sourire malicieux qu’elle tente
de retenir, mais ses yeux ne mentent pas.

– T’as le droit de refuser une fois une action, mais tu auras un gage,
OK ?

J’acquiesce d’un signe de la tête tout en lui lançant un regard méfiant.

– Fais un smack à James.

Vraiment ? Elle ne pouvait pas attendre qu’on avance un peu plus dans le
jeu ? Je sens le regard de tout le monde sur moi, surtout celui de James,
mais je fixe mon amie.

– Je prends le gage.

Nos amis lâchent des « oh » d’étonnement qui me font rougir.

– Même un smack la dégoûte. Mec, on a enfin trouvé la fille qui ne


s’intéresse pas à toi, se marre Eddy.

Je lève les yeux au ciel et il s’exclame d’un air innocent :

– Quoi ?

Mais je ne lui réponds pas parce que James me fusille du regard.

OK, il n’apprécie pas le fait que je le rejette, tout comme il n’apprécie


pas ma compagnie. C’est bon à savoir.

– OK, dit Bonnie d’un ton traînant. Vous devez donc dormir ensemble
cette nuit.

Si je pouvais éclater de rire, je le ferais. Elle n’est pas sérieuse ? Je la


sonde du regard, mais elle penche la tête sur le côté en levant un sourcil.
J’observe Veronica qui me fixe par-dessus son verre, comme pour me défier
de me lâcher.

– Tu n’as pas le choix, tu as refusé l’action, fait-elle d’un air nonchalant.


– Très bien, cédé-je, et je lance un regard à James. Tu me touches et t’es
mort.
– T’inquiète pas, chérie, c’est toi qui vas te coller à moi.

Mes yeux lui lancent des éclairs, mais il ne me regarde plus et tourne la
bouteille qui tombe sur Eddy.

– Tiens, fais le singe puisque c’est ce que t’es ce soir.

Plusieurs minutes plus tard, c’est le tour de Lace et la bouteille désigne


James qui n’avait pas encore été interrogé. Lace sourit comme une gamine ;
je crains déjà le pire.

– Danse un slow avec Joy.


– Non mais c’est une blague ?! m’écrié-je, dépitée, et ils éclatent tous de
rire, ces cons.

Sauf James. Il se lève, s’avance vers moi et me tend sa main que


j’observe longuement comme si elle pouvait me tuer.

– Allez, Joy, me pousse Lace en riant. J’aurais pu lui dire de te rouler une
pelle et il l’aurait fait. James déteste perdre.

Elle n’a pas tort. Ce n’est qu’une danse et ce n’est pas comme si je
devais lui faire un lap dance ou un truc du genre. Je pose ma main sur la
sienne, ignorant les frissons que ça provoque sur mon corps et il m’aide à
me relever.

Je ne sais pas lequel de nos amis lance la ballade, je suis bien trop
hypnotisée par les bras de James qui me collent contre son torse. C’est là
que je réalise : je n’ai jamais dansé de slow. Je vais me ridiculiser.

Je n’ai pas le temps d’y réfléchir plus que James nous entraîne et je suis
obligée de le suivre. Ses mains se posent sur mes hanches pendant que je
noue mes bras autour de son cou. J’ai l’impression que le reste de la pièce
s’efface et qu’il ne reste que nous. Ses mains délaissent mes hanches pour
se poser sur le bas de mon dos, me collant encore plus contre lui.

– Fais gaffe à tes mains, si tu ne veux pas que je te marche sur les pieds,
le menacé-je, et il sourit diaboliquement.
– Tu aimes ça, poupée. Je peux sentir ton excitation jusqu’ici.
– Eh ! fais-je, dégoûtée.

Mais je sais aussi que si je le pensais réellement, je m’écarterais de lui et


je n’en ai absolument pas envie.

Je suis dans la merde.


Par chance, la musique s’arrête et je reviens à moi. Je m’écarte
brutalement sous les applaudissements de nos amis et m’éloigne pour
retourner m’asseoir. J’essaye tout de suite de cacher mon trouble dans
l’alcool en prenant le shot que me tend Veronica. Finalement, je suppose
que je ne m’arrête pas à ce seul verre lorsque la partie continue. J’ai dû
m’endormir au bout d’un moment.

C’est seulement quand je me sens surélevée dans les airs que je me


réveille.

– Je vais la coucher, dit une voix au-dessus de ma tête.

J’ouvre difficilement un œil et je tressaille quand je remarque que je suis


dans les bras de James et que c’est lui qui me porte.

– Que fais-tu ? demandé-je d’une voix faible.


– Tu me dormais dessus. Il est temps d’aller au lit.

Je lui dormais dessus ? La honte.

J’aimerais descendre de ses bras et monter toute seule, mais il me tient


fermement et je me demande où il trouve la force de me porter jusqu’à
l’étage. Dans la chambre d’amis, il me dépose sur un matelas au sol. Je
pensais qu’il me jetterait dessus, mais il est hyper doux. Je ne l’ai jamais vu
ainsi et je sais que s’il continue comme ça, je pourrais vite lui succomber.

– Veronica arrive avec ton sac de rechange, m’annonce-t-il en se laissant


tomber sur le matelas à mes côtés.

Maintenant que j’ai un peu dessoûlé, je me rappelle qu’on doit dormir


ensemble. C’était notre gage. Je soupire et me tourne sur le flanc en faisant
en sorte d’être bien sur le bord du matelas. C’est la première fois que je
dors avec un garçon, et ce n’est pas comme ça que j’imaginais ce moment.
Pourvu que la nuit se termine au plus vite.
10

Joy

Les yeux toujours fermés, je perçois les rayons du soleil qui me


réchauffent le visage, mais n’ayant pas envie de me réveiller, je me retourne
sur mon matelas en grognant. Seulement, ma tête, qui me fait déjà mal,
cogne contre quelque chose, ce qui n’arrange pas ma migraine. J’ouvre d’un
coup les yeux et remarque que c’est contre un torse que j’ai buté. Je retiens
de justesse un cri.

Merde, est-ce que j’ai fait une connerie hier soir ?

Je n’ose plus bouger, en espérant que je n’ai pas réveillé la personne. Je


lève doucement la tête, les yeux plissés à cause de la lumière. Il me faut un
temps pour réaliser que ce n’est que James et je me souviens alors du gage
d’hier soir. Je sens mes épaules s’affaisser de soulagement. Je ferme les
yeux, remerciant le ciel de ne pas avoir fait de conneries. Quand je rouvre
les paupières, il me fixe.

Nous nous regardons quelques secondes sans rien dire, d’une part, parce
que les autres dorment encore et d’autre part, parce que les souvenirs de la
veille me reviennent en tête. Je suis toujours énervée après lui et en même
temps je ne sais pas où me mettre. Alors je brise notre lien et me redresse
pour m’asseoir.

Je suis soulagée de constater que je suis toujours habillée de mon


pyjama. J’ai tendance à me déshabiller des fois en plein milieu de la nuit
quand j’ai trop chaud. J’ai eu la présence d’esprit de me retenir cette fois-ci.
Et James, est-ce qu’il est… Je rougis en tournant à nouveau la tête vers lui
pour l’observer tout en ignorant son visage et ses yeux qui me fixent. Il ne
porte qu’un caleçon.

D’accord.

J’acquiesce d’un signe de la tête pour moi-même en me pinçant les


lèvres. J’ai déjà fait l’amour. Enfin, c’est un grand mot... On l’a fait
rapidement dans une voiture avec mon crush de l’époque, avant de
reprendre la route. Je n’ai donc jamais dormi avec un mec. Il fallait que ça
soit avec lui, en plus.

J’ai d’un coup une bouffée de chaleur de gêne quand je comprends que
je me suis cognée contre son torse nu. Je l’ai déjà vu à la plage, bien
évidemment, mais pas d’aussi près et surtout pas dans ce contexte. J’ai beau
être en colère après James, mes yeux divaguent à nouveau sur son torse,
magnifique, à mon grand regret. Il commence à faire chaud là, non ?

Arrête de le mater, Joy. Tu le détestes et il te déteste !

Malgré cette piqûre de rappel, je pense qu’il faut que je sorte de cette
pièce pour retrouver toute ma tête. Je repousse la couette qui me couvrait et
me lève du matelas. Je sens son regard sur moi à chaque mouvement que je
fais. Je l’ignore, même quand je l’enjambe pour sortir de la pièce. Je ne
connais pas très bien encore la maison de Bonnie, mais je trouve assez
facilement le chemin de la cuisine. À mon grand étonnement, Veronica s’y
trouve déjà, assise sur un des tabourets autour de l’îlot central, une tasse de
café à la main. Elle relève la tête en m’entendant arriver, et me lance un
grand sourire pendant que je la salue d’un signe de la tête en me dirigeant
vers la cafetière.

– Tu ne peux pas nier quoi que ce soit, j’ai une photo !

Alors que j’avais la cafetière dans la main, je la repose et me retourne


pour la questionner du regard. Elle me tend son téléphone déjà allumé et je
le saisis, effrayée de ce que je vais y voir. Ce que je vois me coupe le
souffle et pas dans le bon sens. Elle nous a pris en photo ce matin, si j’en
crois la faible luminosité. Mais le pire, c’est que nos mains sont enlacées.

Ce n’est pas possible, je l’aurais senti !

Je lance un regard suppliant à ma cousine.

– Dis-moi que c’est un montage.


– Absolument pas. Je te l’enverrai si tu veux.
– Tu peux te retenir et même la supprimer, grogné-je en lui tournant le
dos et en récupérant la cafetière pour enfin me verser mon café.
– Pas du tout. J’aurai la preuve quand tu me diras que tu ne ressens rien
pour lui !

Je me demande pourquoi elle s’entête à garder cette photo. Enfin bon, ce


n’est pas la fin du monde non plus. Elle ne la gardera pas bien longtemps.
La connaissant, elle aura vite besoin de place sur son appareil. Mais au fait,
comment on a pu finir dans cette position avec James ? Après, si je me suis
retrouvée la tête sur son torse ce matin, j’imagine que tout est possible.
Mais qui a fait le premier pas vers l’autre, même inconsciemment ? Je
donnerais tout pour que ça ne soit pas moi. Je ne suis pas sûre de le
supporter. Je le savais que c’était une mauvaise idée de dormir avec lui…

Alors que je m’installe à table face à ma cousine, James entre dans la


cuisine. Il est habillé d’un pantalon de jogging, mais toujours torse nu, à
mon plus grand malheur.

– Salut James. Bien dormi ? jubile Veronica pendant que je grogne en


baissant la tête pour ne regarder que ma tasse.
– Bien. Et toi ? lui répond-il sans faire attention à son sous-entendu.
– Sans doute pas aussi bien que Joy.

Ne dis rien, ne dis rien, Joy. Je les ignore en continuant à fixer ma tasse
entre mes mains. Cependant, je sursaute quand un verre d’eau et un cachet
glissent sur la table dans mon champ de vision. Je relève la tête d’un coup
et découvre James qui me sourit légèrement.
– Pour ton mal de crâne.

Comment est-ce qu’il sait ? Je ne préfère même pas savoir et saisis le


cachet et le verre d’eau.

– Merci.

Il hausse les épaules comme si c’était normal et se retourne. Depuis


quand est-il aussi prévenant ? Dos à nous, je regarde ma cousine qui me
fixe avec un sourcil levé. Je lui sers mon majeur, ce qui la fait éclater de rire
et attire le regard de James sur nous. Je regarde à nouveau ma tasse et les
ignore tous les deux, même quand James s’assoit juste à côté de moi et que
sa cuisse est bien trop près de la mienne. Je ne me recule pas ; ça lui ferait
croire qu’il me fait un quelconque effet. C’est le cas, bien sûr, mais je
préfère qu’il n’en sache rien. Nous deux, ça ne nous mènera à rien.

Finalement, les autres arrivent un par un et bientôt nous sommes tous


ensemble dans la cuisine. On a tous la tête dans le cul, à part James, et je
me demande comment il fait pour être aussi frais après la nuit qu’on a
passée. Mais ça ne m’empêche pas de remarquer que Lace et Caleb se
tiennent la main quand ils arrivent, ce qui me fait sourire comme une débile.

– Tu viens avec moi dans le jardin, Joy ? me questionne Lace quand elle
termine son café, et j’acquiesce.

Lace s’est installée au bord de la piscine, les pieds dans l’eau, quand je la
rejoins.

– Tu voulais me parler ? demandé-je innocemment.


– C’est ça, fais comme si tu ne savais pas !

Nous éclatons de rire. J’ai l’impression que je vais exploser depuis ce


matin en étant trop proche de James. Ça me fait du bien de rigoler. On
reprend notre calme et elle me fixe maintenant.

– Je crois que je devrais t’en vouloir d’avoir fait ça, mais merci.
– Oh, je n’ai rien fait, dis-je en balayant l’air de ma main. Caleb a tout
fait, il a juste eu besoin d’un coup de pouce.
– Tout comme toi tu as besoin d’un coup de pouce avec James ?

Je la fusille du regard et elle lève les mains autour de sa tête.

– Quoi ? s’exclame-t-elle. Je ne fais que constater.


– On se déteste.
– Tu sais ce qu’on dit…
– Oui, « entre la haine et l’amour il n’y a qu’un pas », bla-bla-bla.

Elle rigole, me pousse de l’épaule et se lève, m’éclaboussant au passage,


ce qui me fait jurer.

– Lace !
– C’est pour te rafraîchir les idées. Peut-être que tu as oublié votre slow
d’hier ? Ou dois-je te préciser qu’il n’a touché à aucune goutte d’alcool
pour garder un œil sur toi ?

Argh ! Je donnerais tout pour l’oublier, celui-là ! Quel gage à la con.

Je n’ai pas besoin de faire le moindre effort pour ressentir à nouveau ses
mains sur mon corps, son buste contre le mien et toutes les sensations qu’il
m’a fait ressentir. Une seconde dans ses bras et tout ce qui s’est passé
depuis que je suis arrivée s’est comme envolé. Je me suis sentie en paix
dans son étreinte et je n’ai pas le droit de ressentir cela. Il me déteste, pour
je ne sais quelle raison. Avoir des sentiments pour lui n’arrangerait
strictement pas les choses. Je capte seulement ce que Lace vient de dire par
rapport à l’alcool. C’est pour ça qu’il est parfaitement sobre ce matin ? Non,
elle doit se tromper. Je m’apprête à l’asperger à mon tour pour m’avoir mis
ça en tête et pour m’avoir rappelé le gage, mais elle s’éloigne en courant.

– Je te ramènerai avec Veronica ou je laisse James s’en charger ?


– Non, non, me retourné-je d’un bond vers elle. Tu me ramènes !
***

Deux heures plus tard, la maison brille comme si de rien n’était. Les
meubles sont à leur place, la vaisselle nettoyée et rangée. Les bouteilles
d’alcool à la poubelle et les objets de valeur replacés. Les parents de Bonnie
n’y verront que du feu.

En sortant de la salle de bains attenante à la chambre de Bonnie où je


suis allée me doucher rapidement, je trouve James qui attend, assis sur le
matelas. Il relève la tête quand il m’entend. Ses yeux m’observent de la tête
aux pieds, me brûlant la peau. Je suis habillée d’un tee-shirt et d’un legging
de sport, mais quand il me regarde, j’ai toujours l’impression d’être nue. Je
me racle la gorge, ses yeux trouvent les miens et d’un signe de la tête, je lui
montre la salle de bains.

– Tu peux y aller.

Sans un mot, il se lève du matelas et me frôle pour entrer dans la salle de


bains. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais sans doute pas à ce qu’il ne
dise presque rien. Il aurait quand même pu s’excuser pour hier. Je n’ai pas
particulièrement aimé qu’il rejette la faute sur moi pour la danse qui a mal
tourné avec le mec. Je ne sais pas ce qui me prend, mais quand j’arrive en
trombe dans la salle de bains, il est trop tard. J’écarquille les yeux quand je
découvre James sous la douche, les mains appuyées contre le carrelage, la
tête entre les bras et surtout son sexe en érection contre le bas de son ventre.
Je lâche un cri de surprise.

– Putain de merde, Joy, jure-t-il en attrapant une serviette pour se cacher.

Alerte rouge. Je me cache aussitôt les yeux avec mes mains en secouant
la tête.

Il est temps d’inventer quelque chose, là, Joy.


– Pardon ! Je pensais avoir oublié quelque chose, mais non. J’y vais,
pardon, baragouiné-je.

Alors que je m’empresse de sortir, les mains toujours devant le visage, je


me prends la porte dans l’épaule et quand je pense que j’y suis enfin, des
doigts s’enroulent autour de mon poignet pour me tirer en arrière.

– Oh, non, ricane sèchement James en me plaquant contre le mur. Et si tu


me disais la véritable raison de ta présence dans cette fichue salle de bains ?

Je ne l’avais jamais entendu s’adresser à moi avec une phrase aussi


longue. J’écarquille les doigts devant mes yeux et découvre qu’il a eu la
décence de passer une serviette autour de sa taille, mais je crois que ça
n’enlèvera jamais ce qui est maintenant ancré dans mon cerveau. Je baisse
les mains, dévoilant mon visage, que je sais écarlate, mais je ne m’en
occupe pas et fixe mon regard dans le sien. Ma gêne est remplacée par ma
colère. Il m’insupporte et je veux le lui faire savoir.

– Ma raison, c’est toi. Tu m’exaspères. Pourquoi est-ce que tu te montres


gentil aujourd’hui, alors qu’hier encore, tu me détestais ?

Il lâche un rire amer. Je m’attends à ce qu’il m’insulte encore, mais mon


cœur rate un battement quand son corps se colle contre le mien. De ses
mains sur mes hanches, il m’observe et je suis comme hypnotisée par son
regard. Même si je le voulais, je crois que je ne pourrais plus bouger. James
se penche, ses lèvres frôlent ma joue et une chaleur indescriptible se fait
sentir dans mon ventre. Sa bouche se pose contre mon oreille et d’un ton
dur, il murmure :

– Je te déteste parce que tu n’es jamais revenue alors que j’étais


amoureux de toi. Et parce que maintenant que tu es là, je te désire comme
un fou.

Il était amoureux de moi ? Je suffoque en comprenant qu’ils avaient tous


raison. Pourquoi n’ai-je rien vu ? Parce que j’étais une enfant ! Je ne
pensais pas à ça. Je ne pouvais pas savoir. Et même s’il m’a manqué, il était
plus vieux que moi. Je pensais qu’il m’avait oubliée et qu’il était passé à
autre chose, comme tout adolescent.

– Je ne le savais pas. Est-ce que…

Sa main frôle mon bras, me coupant la parole et réveillant des frissons


sur ma peau. Ses doigts se nouent aux miens puis il relève mon bras au-
dessus de ma tête, collant encore plus son corps contre le mien. Je sens mes
tétons durcir dans mon soutien-gorge et comme il n’est pas rembourré, je
sais qu’il les sent contre son torse. Son front se pose contre le mien. Son
souffle balaie mes lèvres quand il me répond :

– Est-ce que je suis toujours amoureux de toi ?

Malgré moi, je hoche la tête comme pour le supplier de me répondre. Ses


yeux se plissent et il déclare d’un ton si dénigrant que je me sens petite,
mais ça me fait bouillir de colère plus qu’autre chose :

– Non. Tu ne représentes qu’un lointain souvenir pour moi, Joy. Comme


moi pour toi, puisque tu ne m’as jamais donné de nouvelles, hein ? Mais je
pourrais faire une exception, car maintenant qu’on est tous les deux plus
âgés, je vais pouvoir te baiser une bonne fois pour toutes.

Sa façon de le dire aussi facilement me brise le cœur, alors que je ne


pensais pas qu’il avait une place aussi importante dedans. Je sens mes yeux
s’humidifier, mais je ne lui donne pas cette chance de les voir se baisser
devant lui, et soutiens son regard en le dévisageant à mon tour.

– Je ne t’ai jamais oublié et jamais tu ne me toucheras.


– Jamais comme maintenant ? demande-t-il en frôlant mes lèvres des
siennes.

Ça me demande tous les efforts du monde pour me retenir d’avancer la


tête.

– Jamais, insisté-je.
– On parie ?
– Ce que tu veux.
– Je ne veux rien de toi, Joy, seulement ton corps. Je te parie que tu seras
dans mon lit avant que tu ne repartes.

S’il savait que je reste là pendant au moins les trois prochaines années, il
ne serait pas si confiant. Mais pour entrer dans son jeu, je lui laisse penser
que je ne suis là que pour les vacances. Je suis persuadée qu’il tombera
amoureux de moi. Mais s’il pense que je ne suis là que pour une courte
durée, il va sans doute penser qu’il ne risque rien.

– Et moi je te parie qu’avant que je ne reparte, tu seras amoureux de moi.

Ses yeux me fixent, puis il ricane en se détachant de mon corps. Il se


recule dans la pièce. J’ai l’impression d’avoir froid d’un coup. Je croise les
bras comme pour me réchauffer. Je me redresse en levant la tête pour
soutenir son regard. Il me tend sa main, je la serre dans la mienne en
ignorant les frissons qu’il éveille sur mes bras.

– Prépare ton plus bel ensemble de lingerie, rouquine.


– Prépare la bague que tu me passeras au doigt, blondinet.
11

Joy

Alors que je me prépare dans ma chambre, la porte s’ouvre sur Veronica.


En l’observant dans le miroir de ma coiffeuse, je la vois s’installer sur mon
lit. On est le quatre juillet, c’est la fête nationale aujourd’hui. Je ne sais pas
trop ce qui est prévu à part que l’on va tous déjeuner chez Lace. Ses parents
ont organisé un grand repas avec les habitants du quartier. Je ne pense pas
que tous seront là, mais un bon nombre, oui. J’espère que James ne viendra
pas. Je n’ai pas forcément envie de le revoir. J’ai fait en sorte de m’occuper
tous les jours depuis la fête chez Bonnie, pour ne pas repenser à ce qui s’est
passé dans cette salle de bains. Rien que là, je sens mes joues rougir à
nouveau quand j’ai vu son… engin. Si je me concentre, je ressens encore
son corps contre le mien, ses lèvres contre ma peau et… stop. Je secoue la
tête pour le faire sortir de mon esprit et regarde à nouveau Veronica qui est
bien silencieuse. Je me retourne et la questionne :

– Tu veux me demander quelque chose ?

Elle se lève de mon lit et vient s’appuyer contre ma coiffeuse en croisant


les bras contre sa poitrine. Ses yeux me sondent et je commence à perdre
patience sous son regard insistant. Je n’aime pas quand on me fixe comme
ça.

Si tu as quelque chose à dire, dis-le.

Je crois aussi que c’est parce que je n’ai pas encore une totale confiance
en elle, et que quand elle me dévisageait ainsi auparavant, c’était pour me
lancer une pique. Alors, je suis toujours un peu sur la défensive avec elle.
– Crache le morceau, Veronica.
– Qu’est-ce qui s’est passé avec James ?
– Comment ça ? fais-je semblant de ne pas comprendre en appliquant
mon mascara. Rien du tout.
– Tu étais toute rouge quand tu es redescendue de la chambre de Bonnie
la dernière fois et il t’a suivie…

Elle s’arrête, ses yeux s’écarquillent et elle se redresse prestement.

– Non ?! s’écrie-t-elle. Ne me dis pas que vous l’avez fait ?

Je ne comprends pas au début, puis ça fait son chemin jusqu’à mon


cerveau et je m’étrangle avec ma salive.

– Mais ça va pas ou quoi ? Absolument pas.


– J’essaye de comprendre !
– Il ne s’est rien passé. Il croit m’avoir dans son lit avant que je ne
reparte et je lui ai dit qu’il serait amoureux de moi en premier. On a parié,
c’est tout !
– Mais tu ne repars pas, non ? s’étonne ma cousine.
– En effet, je rentre juste à la fin du moins d’août pour prendre les
affaires qui me restent à Miami et je reviens, mais il n’a pas besoin de le
savoir.
– Oh… capte ma cousine, puis elle tape dans ses mains. J’ai trop hâte de
voir sa tête, en espérant qu’il ne t’en veuille pas trop.
– Pas tellement, perso, maugréé-je en repensant à ce qu’il m’a dit, mais
je n’ai pas envie d’en parler à Veronica.
– Tu vas porter quoi ? questionne-t-elle en changeant de sujet, puis elle
remarque la robe fleurie que j’ai choisie et posée sur ma chaise de bureau.
Elle siffle d’admiration et elle la soulève pour la regarder. La robe est bleue
avec des fleurs blanches. Puis je compte porter un sac à main rouge. Je suis
donc plutôt dans le thème.
– Dis-moi, la fente sur la jambe, c’est un message subliminal pour
quelqu’un ?

Je me relève d’un bond et lui arrache la robe des mains.


– Ferme-la, dis-je en rigolant nerveusement. Si t’allais te préparer aussi ?
Parce que je doute que tu te montres en pyjama.

Ma cousine me tire la langue et sort de ma chambre, non pas sans me


claquer les fesses. Non, je n’ai pas du tout fait exprès de porter cette robe.
Mais si je veux gagner mon pari, j’ai intérêt à faire flancher James et je suis
prête à tout.

***

J’entre à la suite de ma famille dans la maison de Lace et nous sommes


accueillis par ses parents. Ils nous enlacent puis la mère de mon amie saisit
mes bras.

– Tu es donc la fameuse Joy. Lace ne fait que de parler de toi. Bienvenue


chez nous !
– Merci madame.
– Oh, non ! Appelle-moi Pattie, s’écrie-t-elle en me serrant dans ses bras.

Elle m’entraîne à sa suite dans le jardin, ou dirais-je plutôt terrain, car il


est géant et grouille déjà de monde. Je remarque Lace et la bande dos à moi
au bord de la piscine, les pieds dans l’eau, des bières à la main. Je les
rejoins et je suis accueillie par de grands sourires et c’est là que je vois que
James n’est pas là. Ouf !

– Une bière ? me propose Eddy.

Mes parents ont toujours été cool sur l’alcool, mais j’observe quand
même Veronica. Elle se fait servir un verre de vin devant ses parents et les
autres adultes sans qu’ils disent rien. Je saisis donc le gobelet qu’il me tend
et m’assoit avec eux au bord de l’eau.

– Alors, on fait quoi ce soir ? les questionné-je.


– On hésite entre aller sur la plage ou au Hollywood Bowl, m’informe
Bonnie. T’en penses quoi ?

Je hausse les épaules en avalant une gorgée de ma bière. Honnêtement,


tout me convient tant que je vis mon premier quatre juillet en Californie. Je
ne sais pas si c’est pareil qu’à Miami, mais j’ai hâte de le découvrir.

– Je ne suis pas d’ici alors je vous laisse choisir.


– Ouais, et vivement que tu retournes d’où tu viens, crache une voix au-
dessus de ma tête.

Je me retourne pour découvrir James qui me surplombe de sa hauteur. Je


penche la tête sur le côté et lui souris malicieusement, ignorant la façon
dont mon cœur bat dans ma poitrine.

– Ça te ferait plaisir, hein ? Je devrais peut-être faire mes études ici pour
te faire encore plus chier, non ?

Il me fusille du regard puis part s’asseoir à côté d’Eddy à mon opposé, et


c’est seulement là que je remarque Nathan, qui me salue d’un geste timide
de la main avant de rejoindre son frère. On se dévisage quelques instants
avec James jusqu’à ce que Lace me chuchote à l’oreille :

– Tu ne le laisses pas indifférent. Ne fais pas attention à ce qu’il dit.

Je souris à mon amie, sans lui dire que je le sais déjà, mais je doute
qu’elle soit au courant de ce qui s’est passé la dernière fois où on était seuls
dans une même pièce.

– À table, les jeunes !

Par malheur, je suis assise à côté de James. Heureusement qu’Eddy se


trouve sur ma droite. Au moins, je pourrai quand même discuter avec
quelqu’un. Juste en face de moi, Steve nous observe avec James, son regard
alternant entre nous deux jusqu’à ce qu’il sourie en secouant la tête :

– Ça fait bizarre de vous revoir tous les deux ensemble.


Merci tonton, merci infiniment.

Aucun de nous ne répond, par contre je capte très bien Eddy qui pouffe à
côté de moi. Je lui donne un coup de genou. Il s’étouffe avec son morceau
de pain et je m’esclaffe.

– Bien fait pour toi, marmonné-je, et il rigole à nouveau.

Le repas commence et tout le monde est de bonne humeur. Même James,


qui arbore un sourire avenant.

Oh, non ! Il ne va pas s’en sortir comme ça.

Le ketchup se trouve de l’autre côté de lui. Un sourire diabolique étire


mes lèvres. Il est temps de le pousser à bout. Je pose une main sur son
épaule, le faisant déjà sursauter, puis je me penche, ma poitrine juste sous
ses yeux, ma jambe contre sa cuisse. Je le fixe pendant tout ce temps. Ses
yeux sont fixés sur ma poitrine et il prend une grande inspiration quand je
me penche encore plus, jubilant de l’effet que je lui fais. Il n’a jamais nié
qu’il me désire, alors je compte en profiter sans lui succomber. Le ketchup
en main, je me rassois à ma place, l’air de rien. Je l’ignore en me
concentrant de nouveau sur mon assiette, mais je remarque bien sa main qui
remet en place son pantalon au niveau de son entrejambe.

– Un problème, peut-être ? chuchoté-je en souriant malicieusement.


– Va te faire foutre, jure-t-il entre ses dents, et j’éclate de rire
silencieusement.
– Pas par toi, ça, c’est sûr.

***

Après manger, je suis dans la salle de bains du rez-de-chaussée pour


mettre mon maillot de bain. On a décidé de profiter de la piscine avant de
partir voir le feu d’artifice, je ne sais toujours pas où. Je pense que je suivrai
soit ma famille soit la bande. Alors que j’enfile le bas de mon Bikini, on
toque contre la porte.

– J’ai bientôt fini ! m’écrié-je.


– Ouvre.

J’ignore les frissons qui se réveillent sur ma peau en entendant la voix de


James et je lève les yeux au ciel. Pour qui il se prend à me donner des
ordres comme ça ? S’il croit qu’il a un quelconque ascendant sur moi, il va
vite redescendre sur terre, le coco.

– Je n’ai pas à recevoir d’ordres de ta part.


– Putain, Joy…

Il reste silencieux quelques secondes, puis soupire. Je m’attends à ce


qu’il parte, mais je suis surprise quand il continue.

– Ouvre, s’il te plaît.

Je souffle en gonflant les joues. Je déteste l’effet qu’il me fait. J’ouvre


enfin la porte et il se faufile à l’intérieur avec empressement. Il referme la
porte à clé derrière nous et part observer le jardin par la petite fenêtre.

– Mais qu’est-ce que tu fous ?

Je m’attendais presque à ce qu’il se lâche sur moi en m’insultant pour ce


que j’ai fait au repas. Mais apparemment, il a quelque chose d’autre en tête.

– Bon, tu m’expliques ? m’impatienté-je. C’est une réunion de crise, ou


quoi ?
– Presque, dit-il sans me regarder.
– James ! m’écrié-je, et il se retourne enfin vers moi.

Il m’observe, son regard descend sur mon corps pratiquement dénudé. Je


me sens nue sous son regard, mais je ne me cache pas. Il lâche mon corps
du regard en jurant et en passant une main dans ses cheveux. Est-ce que
mon corps le dégoûte autant pour qu’il jure comme ça ? Il n’a pas l’air de
vouloir parler. Alors ainsi soit-il. Je saisis mes affaires et fais à peine un pas
qu’il saute devant moi, me barrant le passage en posant ses mains sur mes
bras.

– J’ai besoin de ton aide.


– De mon aide ? répété-je en éclatant de rire. Tu crois que j’ai envie de
t’aider avec ton attitude depuis mon arrivée ?
– Je suis désolé, OK ? Mais là, j’ai vraiment besoin de toi. Mon ex vient
d’arriver et elle a du mal à comprendre que c’est fini entre nous.

Celle que j’ai vue au centre commercial la dernière fois, donc.

– Et donc ? feins-je de ne pas comprendre même si je commence à savoir


où il veut en venir.
– J’ai besoin que tu fasses semblant d’être ma copine. Promis, je ne te
touche pas plus que nécessaire et je te rendrai service en retour. Mais là, j’ai
vraiment besoin que tu joues le jeu.

Est-ce qu’il était réellement obligé de préciser qu’il ne me toucherait pas


plus que nécessaire ? Est-ce qu’il dit cela parce que je le dégoûte ou par
respect pour moi ? Je pose les mains sur les hanches et redresse le menton.

– Qu’est-ce que j’y gagne, moi ?


– Tout ce que tu veux.

Oh ! Ça paraît intéressant d’un coup. En vrai, je ne veux rien de lui. Ça


ne me dérange pas de l’aider parce que je sais que c’est lui qui risque de
craquer au bout d’un moment, pas moi. Alors je ne réfléchis pas plus
longtemps, parce que ma décision est déjà prise. Ça va me permettre
d’avancer dans mon pari et je serais bien conne de refuser cette opportunité.

– Très bien.

Mais il ne m’écoute pas, croit qu’il doit encore me convaincre et


continue :
– J’arrête d’être un imbécile avec toi.
– J’ai dit OK ! crié-je plus fort.

Il s’arrête, me regardant avec des yeux écarquillés.

– Vraiment ?
– Oui. Mais tu gardes tes mains et tes lèvres pour toi devant mon parrain
et ma tante, OK ?
– Ça marche, acquiesce-t-il en me tendant sa main à laquelle je noue la
mienne.

Je m’attendais à ce qu’il me serre la main, pas à ce qu’il me tire contre


lui. Mon corps bute contre le sien et je lâche un gémissement sous l’impact
qui me fait instantanément rougir de honte. Il est torse nu, je suis en maillot
de bain, peu de tissus nous séparent et j’ai l’impression que mon corps brûle
contre le sien. Je n’ai pas le temps de réfléchir que ses lèvres se plaquent
contre les miennes pour les mordre, me faisant sursauter. Je le repousse et
porte mes doigts à mes lèvres, mais je ne saigne pas. Il n’a pas mordu assez
fort pour ça. Il me sourit narquoisement et je le fusille du regard.

– C’était pour me venger de tout à l’heure.

Et je comprends qu’il fait référence au déjeuner. J’avais raison, il n’allait


pas laisser passer ça.

– Enfoiré.
– Moi aussi, je t’aime, bébé, rigole-t-il en saisissant ma main pour nous
faire sortir de la salle de bains.

Ah, d’accord, on commence tout de suite à jouer le faux couple ?

J’espère que personne ne l’a vu entrer et nous a vus sortir ensemble. Ça


laisserait peu de place à l’interprétation.

Je retire quand même de force ma main de son emprise quand on arrive


sur la terrasse. La bande nous regarde bizarrement mais, par chance, mon
parrain et ma tante sont à l’intérieur avec les autres adultes.
– Commence pas, t’es censée être ma copine, grogne tout bas James, et
je lui pince discrètement le bras.
– On a dit que tu gardais tes mains pour toi.
– On va être tellement crédibles, souffle-t-il en levant les yeux au ciel.
– C’est ton idée, pas…
– Salut, s’exclame une voix haut perchée, me coupant, et je tourne la tête
sur ma gauche pour découvrir la même fille qui suivait James la dernière
fois.

Son ex, donc. Celle qui l’a trompé. Je ne connais pas les deux versions
de l’histoire, mais je m’en fous, j’ai envie de la noyer dans la piscine.

– Salut, marmonne James, puis il saisit ma main, liant de force nos


doigts. Tu viens, bébé ?

Je lance un faux sourire à la fille et le laisse m’emporter avec lui. Elle


nous retient en se plantant à nouveau devant nous, ce qui m’énerve.

Meuf, il n’est pas intéressé et en couple. Enfin, pas vraiment, mais voilà,
quoi, abandonne et arrête de lui courir après comme un toutou en manque.

– Tu ne me présentes pas ? demande-t-elle à James en bombant la


poitrine.

Est-ce que je suis jalouse de ses seins ? Oui. Les miens ne sont pas
minuscules, je les aime bien à la base. Mais devant cette fille, je remarque
tout ce que je suis et tout ce que je ne suis pas. Elle a le corps d’une
mannequin Instagram et j’avoue que je me demande si c’est ce que James
aime, parce que j’en suis loin.

La main de James se pressant sur le bas de mon dos me fait revenir à


moi. Je lève la tête vers lui, mais il fixe son ex. Est-ce qu’il a toujours des
sentiments pour elle ?

– Laura, je te présente ma copine, Joy. Joy, je te présente personne.


Bon, je crois que j’ai ma réponse. Je baisse la tête parce qu’un méchant
fou rire me guette, surtout quand je vois la tête effarée de Laura qui a l’air si
contrite qu’elle ne trouve rien à dire. James m’entraîne enfin vers la bande.

– C’était méchant, lui chuchoté-je.


– Dit celle qui a failli éclater de rire.
– Je ne m’y attendais pas, me défends-je, puis je me tais quand on arrive
près de nos amis qui nous fixent, les yeux remplis d’interrogation.
– On fait semblant devant Laura, leur informe James.
– Oh, d’accord, font-ils tous en même temps, et j’ai presque l’impression
qu’ils sont déçus.

Je cherche Veronica des yeux. Je la trouve plus loin en compagnie de


Brenton. Son regard est fixé sur la main de James sur mon corps. J’essaye
de lui faire comprendre qu’on fait semblant, mais elle ne saisit pas, et jubile
en levant un pouce en l’air. Bon, je lui dirai ultérieurement.

***

Plus tard, dans la piscine, j’observe mes amis jouer au volley-ball. Même
Brenton s’est joint à eux, étonnamment. On s’est déjà retrouvés plusieurs
fois ensemble, et jamais il ne s’est mêlé à la bande, surtout si James est là.
Nous sommes appuyées contre le rebord, à flotter, avec Veronica.

– Il ne fait que te mater, roucoule ma cousine en parlant de James.

Elle croit toujours qu’on s’est rapprochés. Je n’ai pas pu l’informer du


contraire parce que Laura ne nous lâche pas d’une semelle, avec ses
copines, toutes aussi pimbêches les unes que les autres. Si seulement ses
parents ne connaissaient pas ceux de Lace, ça aurait évité qu’elle soit
invitée et qu’elle ramène ses potes au passage. On n’entend qu’elles.
Surtout Laura qui ne fait que me fusiller du regard depuis qu’on s’est
montrés, James et moi. Ça ferait presque rire. Mais au moins, tous nos amis
entrent dans le jeu. Brenton sort de la piscine et ma cousine se redresse.

– Il faudra que tu me racontes tout, dit-elle avant de sortir de la piscine


pour rejoindre son copain.

Maintenant que je suis seule, je me retourne, ne supportant plus le regard


de Laura. Je ferme les yeux, profitant du soleil sur mon visage. Ça ne dure
pas longtemps, car je sursaute quand un corps masculin se plaque contre
mon dos. J’ouvre les yeux sur les mains de James qui s’agrippent au rebord,
m’encerclant de ses bras.

– Eh ! Tu pourrais prévenir, non ? marmonné-je, et il ricane en se collant


encore plus contre moi.
– Et foirer notre coup ? chuchote-t-il contre ma peau.

Sa tête s’appuie sur mon épaule et je fais tout pour qu’il ne remarque pas
combien il me déstabilise. Ses lèvres caressent mon cou et malgré moi je
penche la tête sur le côté. Il n’a pas besoin de me demander si ça me plaît.
C’est clair comme de l’eau de roche qu’il peut me faire ce qu’il veut. Et
puis j’étais d’accord pour jouer à ce jeu, alors autant le faire jusqu’au bout !

– Embrasse-moi, Joy.

Je tourne la tête sur le côté en soupirant pour la forme. Ça serait mentir si


je disais que ça me dérange.

– OK, mais tu ne crois pas qu’elle a compris, là ?


– Non, non, sourit-il malicieusement avant de plaquer ses lèvres contre
les miennes en m’attrapant par le cou.

Doux Jésus.

Si je n’étais pas déjà dans la piscine, je serais vite réduite à une flaque
d’eau.
Son bassin appuie contre mes fesses et je sens qu’il apprécie, mais je ne
suis pas fan qu’il prenne du plaisir à ce qu’on fasse semblant. Je me recule
et il me questionne du regard. Je n’ai pas le temps de lui parler qu’Eddy
l’embarque d’un bras autour de ses épaules.

– Allez, les amoureux, vous ferez des bébés plus tard, on doit y aller.

Je crois entendre Laura pester derrière nous, mais je n’ai pas le temps d’y
penser que James prend ma main et me fait sortir de l’eau.

– Viens, on va se préparer.
– Non, s’écrie Lace en tirant sur mon bras en souriant comme une
gamine. À nous de profiter d’elle, t’es en train de te l’accaparer, mec.
– C’est ma copine, rouspète James, et je suis prête à lever les yeux au
ciel.

Il n’y a pas à dire, il est déterminé à jouer son rôle.

– Laura n’est plus là, ricane Bonnie.

Je parierais presque que James se met à rougir. Il regarde autour de lui


puis hausse les épaules.

– Oh, OK. Cool alors, à tout à l’heure.

Il rentre dans la maison comme un ouragan. J’observe la maison,


éberluée, pendant que les filles explosent de rire.

– Qu’est-ce qu’il y a ?
– Rien, rien du tout, rigole toujours Bonnie.

***
Les filles terminent de se préparer pour aller aux célébrations du quatre
juillet pendant que je pars à la recherche de James dans la maison. On doit
parler. Pourquoi il a fui comme ça ?

La maison est maintenant presque vide. Ma famille est partie de son côté,
Veronica est partie avec Brenton et tous les invités ont déserté. Mais
impossible de trouver James, Eddy ou même Caleb. J’ai beau appeler leurs
prénoms, c’est le silence qui me répond. Je sors de la maison, peut-être
qu’ils sont dehors. Mais si j’avais su, j’aurais évité, car ce n’est pas les
garçons que je trouve, mais Laura qui attend, appuyée contre une voiture.
Elle se redresse quand je sors.

– Joy, c’est ça ? me demande-t-elle, et j’acquiesce d’un signe de la tête.


– C’est ça. Et toi, Leah ?

Elle me fusille du regard et je me retiens de sourire, parce que, oui, j’ai


fait exprès de me tromper sur son prénom.

– Laura.
– Hmm… Que puis-je pour toi ?
– T’es en couple depuis longtemps avec James ?

Oh, OK, elle part direct sur le sujet sensible. Comme elle veut.

– Une semaine, mais on se connaît depuis l’enfance.


– L’enfance ? répète-t-elle en fronçant les sourcils. Il ne m’a jamais parlé
de toi.
– Parce que je ne la partage pas avec tout le monde, gronde une voix
derrière nous.

Je me retourne et vois James sortir de la maison.

Bah merde, il était où ? Je suis sûre d’avoir fait le tour de la maison !

Il s’approche, enroule son bras autour de mes hanches et m’attire à lui en


embrassant ma joue.
– On y va, mon cœur ? Les autres nous rejoignent quand les filles sont
prêtes.

Toujours pas habituée à ce qu’il me parle comme ça, je hoche bêtement


la tête et il m’entraîne vers sa voiture tout en ignorant Laura qui, je le sens à
son regard sur nous, fulmine. Et pour la faire plus chier, je me retourne et
lui adresse un grand sourire.

– Enchantée de t’avoir rencontrée, Leah.


– Sale peste, rigole tout bas James en m’ouvrant la portière.
– Tu étais où ?

Il fait démarrer la voiture et m’adresse un regard rieur en coin.

– Tu me cherchais ?
– À ton avis ? marmonné-je en levant les yeux au ciel.
– Au sous-sol avec les garçons. Lace a une salle d’arcade.
– Oh… dis-je en comprenant que c’était peut-être la porte que j’ai hésité
à ouvrir car je croyais qu’il s’agissait de la cave.
– Tu voulais qu’on continue notre petit couple ?
– Dans tes rêves, sifflé-je. Pour rappel, c’est toi qui as bandé parce que
faire semblant t’excite.
– Et je parierais n’importe quoi que tu mouillais dans ta culotte, bébé.
– Je ne suis pas ton bébé. En plus, c’est pourri comme surnom.

James rigole en secouant la tête, mais ne dit plus rien alors je me


concentre sur le paysage qui défile.

– Je ne bandais pas parce qu’on faisait semblant, avoue-t-il au bout de


quelques instants.

Je tourne la tête vers lui pour le questionner. Il fait tout pour m’ignorer et
ne dit plus rien du restant du trajet, mais ce n’est pas pour autant que je ne
l’observe pas. Ce n’est pas ma faute. J’ai beau tout faire pour l’éviter, je
suis comme attirée par lui. Je ne le dirai jamais assez, mais ce mec est
magnifique. Je ne regarde jamais ça d’habitude, cependant, je suis
hypnotisée par ses biceps qui se crispent à chaque fois qu’il freine, ou bien
quand il passe les mains dans ses cheveux.

Je ne suis absolument pas discrète, car il me voit. Un sourire charmeur


étire ses lèvres, je rougis et détourne les yeux. Je m’efforce de l’ignorer
jusqu’à ce qu’on arrive à la plage et que l’on retrouve la bande.

Le défilé des chars est à dix-huit heures, soit dans quelques minutes. Il y
a tellement de monde, et pour couronner le tout, je suis trop petite. Je passe
devant James et me mets sur la pointe des pieds.

– T’as besoin d’être portée, petite peste ? demande James dans mon dos.
– Non, merci. Je vois maintenant.

Même si ce n’est pas vrai.

– Comment c’est possible ? Je suis plus grande que toi et je ne vois rien,
se plaint Lace.

Merci Lace. Merci, vraiment.

Je lève les yeux au ciel et prie pour que James n’ait pas entendu son
amie. Cependant, je le sens s’accroupir derrière moi. Je me retourne, et le
regarde sans comprendre.

– Allez, monte sur mes épaules. Promis, je fais attention à toi.

Tout compte fait, il l’a entendue. Lace monte sur les épaules de Caleb et
Bonnie sur celles d’Eddy. Bon, je crois que je n’ai plus le choix. Je pose
mes mains dans celles de James et passe mes jambes sur ses épaules. Il se
relève en me tenant les mains, puis il les lâche pour tenir mes chevilles sur
lesquelles il dessine des petits cercles. J’ai l’impression qu’elles sont
minuscules entre ses mains. Je suis tellement concentrée sur la parade que
je ne remarque pas tout de suite que je passe mes doigts dans ses cheveux.
Quand je les retire, il grogne, mécontent, alors je les remets pour continuer
mes papouilles.
Je vois le regard en coin des filles. Je sais qu’elles pensent que l’on se
rapproche dangereusement, surtout qu’on n’a plus à jouer notre petit rôle de
couple puisque Laura n’est pas là. Mais je ne veux surtout pas penser à ça.
Pour l’instant, je veux juste profiter.

La parade se termine et James relève la tête vers moi. Je retiens ma


respiration quand il s’appuie contre mon ventre.

– Tu descends de ton trône, petite peste ?


– Tu me fais tomber, t’es un homme mort.
– Je crois qu’il préférerait plus se casser un bras que de te faire tomber,
se marre Eddy en faisant redescendre Bonnie de ses épaules.

J’entends James baragouiner, puis il s’accroupit pour que je puisse


descendre à mon tour et retrouver la terre ferme. Là, je m’éloigne de lui
sans un mot et rejoins les filles. J’ai été trop en contact avec lui pour mon
propre bien-être.

Clairement, quand on arrive devant le cimetière au Hollywood Forever


Cemetery, ce n’était pas la façon dont je pensais qu’on allait fêter le quatre
juillet. Apparemment, il y a une célébration ici, avec la diffusion d’un film
en plein air ainsi qu’un feu d’artifice. J’espère que les morts ne vont pas
appeler les flics pour tapage nocturne. Je rigole toute seule de ma blague.
Mes amis me fixent étrangement et je ris encore plus.

***

Le film – sur les extraterrestres, pour rester dans une ambiance un peu
glauque – a commencé depuis une bonne heure quand James, que je pensais
avec les garçons, se penche par-dessus mon épaule, me faisant sursauter.

– T’es à fleur de peau, bébé ? C’est le lieu qui te rend fébrile ?


Je hausse un sourcil et le pousse en arrière.

– Pas du tout. Et arrête de m’appeler bébé. C’est Joy pour toi.

Ce con sourit et me tend même la main.

– Donc t’es capable de me suivre ?

Je ne lui demande pas où, parce qu’il va croire que je flippe, alors je
saisis sa main et il m’aide à me relever. Une fois debout, je récupère ma
main et je le suis sans savoir où il m’entraîne.

Plus on avance, plus il fait sombre. Je sors mon téléphone pour allumer
la torche. James se retourne et me questionne du regard.

– Quoi ? On ne voit rien. Je ne voudrais pas marcher sur une tombe. Tu


voudrais qu’on marche sur ta maison, toi ?

Il éclate de rire et je me retiens de sourire comme une gamine. C’est la


première fois qu’il rigole à une de mes blagues. Ça me fait plaisir. Mais
j’évite tout de même de me faire de fausses idées.

– Je pensais que tu flipperais, comme t’étais morte de trouille devant le


film la dernière fois.
– Je déteste les films d’horreur, mais j’adore le paranormal dans la vraie
vie.
– Je vois ça, grogne James, et j’éclate de rire.
– Tu voulais vraiment me faire flipper, hein ?
– Ferme-la.
– 1-0 pour Joy, chantonné-je, mais il plaque sa main contre ma bouche.
– Tais-toi, on va se faire remarquer. On n’a pas le droit d’être là.

Je me calme et il retire sa main. Un sourire malicieux étire mes lèvres.

– C’est moi ou c’est toi qui flippes, là ? chuchoté-je.

Il me fusille du regard, comme si je l’avais blessé.


Pauvre chou.

Il saisit mon téléphone, coupe la torche et le fourre dans la poche de son


jean.

– Eh, on ne voit plus rien !


– Bien fait pour toi.

Oh, il veut jouer à ça ?

Si lui, il a l’air de connaître le lieu, moi, pas. Je me rapproche de lui et


noue mes doigts aux siens. Je ne vais pas me perdre ou me casser quelque
chose en trébuchant pour ses beaux yeux. Alors même si ça le met au
supplice de me toucher, je ne le lâcherai pas. Mais je suis étonnée de
constater qu’il ne se recule pas et qu’il serre plus fort ma main dans la
sienne. Il ne la lâche pas jusqu’à ce qu’on arrive devant une chapelle
abandonnée. Il fait plus que sombre maintenant, mais je sais que James me
fixe.

– Chiche ? chuchote-t-il.
– Quand tu veux.

La porte grince, me tirant une grimace, quand James l’ouvre, et on voit


de la poussière sortir de l’intérieur. Super. Depuis quand est-elle
abandonnée ? J’espère que le bruit n’a pas trop résonné et qu’on ne va pas
se faire prendre. James entre le premier en me faisant signe de l’attendre
puis j’entends sa voix qui me dit de venir. Je suis estomaquée par la beauté
de la chapelle, même en étant abandonnée.

– C’est magnifique, soufflé-je.

Je fais le tour de la pièce, les yeux écarquillés devant tant de


magnificence. Il y a un peu de moisissure sur les murs et sur les bancs, mais
ça n’enlève rien au charme du lieu. Au contraire. La nature a repris ses
droits ; des branches sont entrées par un trou et se sont nouées autour de la
croix surplombant l’autel, comme pour la soutenir. Je trouve ça magnifique.
J’avoue que, seule, je ne serais pas à l’aise, mais James est là. Et même s’il
ne parle pas et me laisse observer, je me sens en sécurité. Je m’approche
d’une des fenêtres dont les vitraux sont intacts. J’entends les pas de James
se rapprocher derrière moi, jusqu’à ce que la chaleur de son corps réchauffe
le mien. Il ne me touche pas, mais je sais qu’il est tout près.

– Je crois qu’on va pouvoir voir le feu d’artifice d’ici. Viens, on n’a qu’à
s’asseoir en attendant.

Dix minutes plus tard, le feu d’artifice commence et on se relève pour se


coller contre la vitre. J’adore les feux d’artifice, ça me fait toujours rêver. Je
suis tellement dans ma contemplation que je ne remarque pas tout de suite
que James lève son téléphone face à nos visages et qu’il me colle contre lui.
Je souris de justesse avant qu’il ne prenne la photo.

– J’en veux une aussi !

Il me rend mon téléphone. J’allume l’appareil photo et mets l’appareil en


hauteur pour qu’il soit dans le cadre. Je souris, mais James me prend de
court en posant ses lèvres sur ma joue. J’écarquille les yeux de surprise au
moment où j’appuie sur le bouton, le faisant marrer.

– T’es magnifique.

Attends, quoi ? Il vient vraiment de me complimenter, là, sans rien


attendre en retour ?

Je lève la tête pour le questionner du regard, mais je n’ai pas le temps de


lui répondre qu’une lumière de torche nous éclaire et nous fait sursauter.

– Il y a quelqu’un ? demande une voix d’homme.


– Merde, s’écrie James en me forçant à m’accroupir. Baisse-toi.
– S’il rentre, on est morts, chuchoté-je. Je n’ai pas signé pour finir chez
les flics, James.
– Moi non plus, ne t’inquiète pas. Il ne rentrera pas.

Et effectivement, il passe devant la chapelle mais n’y rentre pas. On


l’observe s’éloigner puis James me force à me relever.
– On y va.

On sort doucement du monument, sauf que la porte grince toujours et le


gardien se retourne.

– Eh, vous deux !

Il se met à courir vers nous. Je crois qu’on est dans la merde. Mais James
saisit ma main et m’entraîne après lui en courant. Je me retourne, vois le
gardien galérer à nous rattraper et j’éclate de rire.

– Arrêtez-vous, bande de trous du cul !


– J’en peux plus, James, dis-je entre deux rires. J’ai un point de côté.
– Tiens bon, m’ordonne-t-il en riant, et je prends sur moi.

On arrive à bout de souffle à la voiture et je ne reprends ma respiration


que quand James fait démarrer la voiture et s’éloigne dans un crissement de
pneus.

– Je te l’avais dit qu’on allait se faire choper, disons-nous en même


temps.

On se fixe puis on éclate de rire et je laisse tomber ma tête en arrière. Je


n’ai jamais autant ri de ma vie, je crois.
12

Joy

– Mais ce n’est pas vrai ! Où est ce fichu téléphone ?

Je jure dans ma barbe tous les gros mots que je connais et dans toutes les
langues que je maîtrise, c’est-à-dire très peu. Impossible de trouver mon
cellulaire ce matin. Je ne suis pas du genre à perdre patience rapidement ou
à m’énerver quand je cherche quelque chose, mais ça fait quinze minutes
que je remue tout de fond en comble !

J’ai fait le tour de ma chambre, j’ai regardé dans tous les recoins, sous le
lit, et même dans la plante à côté de mon bureau (ça me fait penser qu’il
faut que je l’arrose). Aux grands maux, les grands moyens, non ? Je défais
mon lit, car j’ai la fâcheuse manie de perdre mon téléphone dans mes draps.
Mais rien, absolument rien. Et je me maudis quand je regarde le drap, la
couette et les oreillers au sol. S’il y a bien quelque chose que je déteste
faire, c’est mon lit.

Décidant que je remettrai ça à plus tard, je délaisse mon lit en l’état et


pars chercher dans la salle de bains. J’ouvre le bac à linge sale, rien, si ce
n’est mes vêtements d’hier. Je regarde dans la douche, au cas où, même si
ça m’étonnerait, et pour le coup je suis plutôt soulagée de ne pas le trouver.

Dans un énième juron, j’entre dans mon dressing. Avec de la chance, je


l’ai laissé là hier soir. Mais au final, je ne me souviens même pas d’y être
allée hier soir, puisque mon pyjama était dans la salle de bains.

C’est dingue, ça !
Je sais que tout ce qui s’est passé avec James hier m’a chamboulée, mais
pas au point que j’en perde la mémoire, si ? Si c’est le cas, je crois qu’il faut
que j’aille consulter. Dans un souffle, je m’assois sur le pouf au milieu de
mon dressing, la tête dans les mains, à me masser les tempes. Tiens, je ne
m’étais encore jamais assise là.

Réfléchis, Joy !

Où est-ce que j’ai pu le mettre ? Je l’avais avec moi au déjeuner, il était


posé sur la table quand on était dans la piscine. J’ai un peu filmé la parade
quand j’étais sur les épaules de James. Une chaleur se diffuse dans ma
nuque à ce souvenir et je secoue la tête pour le mettre de côté. Je l’avais
avec moi au cimetière, parce que je me suis assurée de savoir où on allait.
On a fait un selfie dans la chapelle, puis on s’est fait surprendre et on a
couru à la voiture de James.

La voiture ! Mais oui, c’est ça !

Je me suis endormie au retour dans la voiture de James. Mon téléphone


est sans doute tombé entre-temps et James ne l’a pas entendu. Puis il faut
dire que j’étais si pressée de sortir de l’habitacle que je n’ai pas vérifié si je
l’avais.

Donc, en gros, je viens de retourner toute ma chambre pour rien parce


qu’il n’est même pas dans cette maison.

– Euh, Joy ? résonne la voix de Veronica dans ma chambre.


– Dressing.

Elle entre dans la pièce en me lançant un regard rempli


d’incompréhension.

– Tu m’expliques ce qui s’est passé ? Ne me dis pas que vous avez déjà
eu une dispute de couple avec James ?
– On n’est pas en couple, marmonné-je.
Elle fronce les sourcils et pointe la maison de Lace que l’on voit de ma
fenêtre.

– Et ce qui s’est passé hier chez Lace ? Vous deux en train de vous rouler
des pelles et de vous caresser, ça en dit long pour moi.
– Je n’ai pas pu te le dire ; son ex était là, on jouait un rôle devant elle. Il
m’a demandé de faire semblant d’être sa copine pour qu’elle le laisse
tranquille.
– Oh… capte Veronica qui s’assoit sur le pouf à mes côtés. Vous avez
fait quoi du coup hier soir ?
– On est allés voir le feu d’artifice au cimetière.

Je tourne la tête vers elle, quand seul le silence me répond. Elle me fixe,
les yeux écarquillés, avant d’exploser de rire.

– Au cimetière ? répète-t-elle. Wow ! Si j’avais des doutes sur vous,


maintenant, je sais qu’il ne se passe rien.
– On en avait envie tous les deux, me défends-je, et je me rends compte
de ce que je viens de dire.

Je viens de lui faire comprendre qu’un rendez-vous avec James ne me


dérangerait pas. Oh, mon Dieu ! Je me lève d’un bond avant qu’elle n’ait le
temps de répliquer.

– J’ai perdu mon téléphone, c’est pour ça que c’est le bordel. Je crois que
je l’ai oublié dans la voiture de James, je vais aller le chercher.
– C’est ça, va voir ton amoureux !

Je m’apprête à sortir de mon dressing, mais son ton blasé m’interpelle.

– Ça va ?

Elle semble surprise que je l’aie remarqué, mais elle se reprend et me


sourit de toutes ses dents.

– Oui. Je m’ennuie juste sans Brenton.


– D’accord, fais-je d’un ton traînant en l’observant pour déceler une
faille.

Néanmoins, elle ne laisse rien transparaître alors je laisse tomber.

– Promis, je fais vite. On pourra passer l’aprèm ensemble si tu veux.


– Ne t’inquiète pas pour moi. Je ne voudrais pas être la cause de votre
rupture.
– On n’est même pas ensemble, rigolé-je.
– C’est ça, dit-elle en riant légèrement avant de quitter ma chambre.

Il me faut quinze minutes à pied pour arriver chez James. Sa voiture est
dans l’allée. Je m’approche de la vitre du côté passager pour regarder à
l’intérieur, mais je ne vois rien sur le tapis. Je m’avance jusqu’à la porte
d’entrée, mal à l’aise. J’ai envie de courir le plus loin possible. Je n’ai
jamais été aussi stressée et gênée de toute ma vie. Pourtant, ce n’est pas
comme si on ne s’était jamais parlé ou que je n’étais jamais allée chez lui.
Mais étant seule et pas invitée, j’ai l’impression d’empiéter sur sa vie privée
et de franchir un nouveau cap.

Je lève le doigt pour sonner, puis me ravise au dernier moment.

Ce n’est qu’une sonnette, Joy, elle ne va pas te bouffer, pensé-je.

Je prends une grande inspiration, expire longuement et appuie sur le


bouton. Eh merde… qu’est-ce que j’ai fait ?

Une bonne minute doit s’écouler avant que la porte ne s’ouvre sur
Nathan. Il semble surpris de me voir là, puis il me lance un grand sourire en
s’écartant pour me laisser entrer.

– Salut Joy. Je vais chercher James !

J’acquiesce d’un signe de la tête et il monte les escaliers en courant. En


attendant, je regarde autour de moi. Sur ma gauche, se trouve le salon où
s’est déroulée la fête la dernière fois, et sur ma droite, la pièce où James
m’a traînée pour avoir notre première conversation depuis mon retour. J’ai
l’impression que ce n’est pas le même endroit. J’ai même la sensation que
c’était il y a des années. Pourtant, c’est bien la même maison et ce n’était
qu’il y a deux semaines. Je sursaute quand Nathan redescend en trombe les
escaliers.

– Il t’attend dans sa chambre, la porte au fond du couloir.

J’observe l’étage en me disant que c’est une très mauvaise idée d’entrer
dans sa chambre. Je me tourne vers Nathan. Il me lance un regard
malicieux, comme celui de son frère, ce qui me fait lever les yeux au ciel.
Je prends enfin mon courage à deux mains et pose le pied sur la première
marche. Je monte les autres, une par une, en prenant tout mon temps
possible. On ne sait jamais, peut-être que l’escalier va s’effondrer et que je
n’aurai jamais à monter dans sa chambre. Malheureusement, j’arrive bien
en haut au bout d’un moment. Je prends donc tout mon temps pour avancer
jusqu’à la porte du fond.

– Entre, entends-je alors que je n’ai pas encore frappé.

Je me mords la lèvre et pousse le battant.

– Salut…

Ma voix meurt quand mon regard intercepte directement James assis


contre la tête de son lit, torse nu et en bas de jogging gris qui, comme le
mythe le veut, laisse entrevoir ce qui se dessine en dessous. Si je ne me
retenais pas, je me cacherais les yeux. Je me retourne pour fermer la porte
afin de reprendre une contenance.
13

James

Dos à moi, alors qu’elle ferme la porte de ma chambre, je la mate sans


me retenir en mâchouillant mon crayon. Elle me surprend quand elle se
retourne pour me regarder, mais je ne m’en cache pas. Au point où on en
est. En revanche, je me suis beaucoup trop adouci et je l’ai laissée beaucoup
trop faire son chemin jusqu’à mon cœur. Il faut que je me ressaisisse. Je
refuse de perdre ce fichu pari. Je compte bien la faire succomber avant
qu’elle ne reparte et je ne tomberai jamais amoureux d’elle.

– On continue à jouer au petit couple ?

Ses lèvres s’entrouvrent, son corps rougit de la tête jusqu’aux pieds. Je


lui fais de l’effet, elle est gênée et nerveuse. Elle ouvre la bouche pour
répliquer, mais je la coupe :

– Tu sais, ça ne me dérange pas. Mais si tu veux jouer alors qu’on est


que tous les deux, tu vas finir dans mon lit, ce qui fait que tu auras perdu.

Son visage perd ses couleurs. Je m’empêche de ressentir de la


compassion pour elle. J’imagine bien qu’elle ne comprend pas ce qui se
passe et pourquoi je suis redevenu mauvais alors qu’on était bien partis hier.
J’ai moi aussi apprécié nos moments, surtout dans la chapelle. Je ne me suis
jamais senti aussi en fusion avec quelqu’un. Mais justement, être gentil
avec elle, c’est lui donner à nouveau l’opportunité de me briser le cœur.

Elle fait la forte et soutient mon regard en croisant les bras contre sa
poitrine pour se donner un air dur, mais je la connais. Je sais que ça la
blesse et tant mieux.

– Je ne suis pas là pour ça.


– Ah bon ? dis-je en ricanant et en haussant un sourcil.

Je pose mon carnet sur mon lit et me lève. Ses yeux s’écarquillent au fur
et à mesure que je me rapproche d’elle lentement et d’un pas nonchalant
pour la torturer. Elle est ma proie et je compte bien la faire mienne.

– Oui, assure-t-elle d’une voix un peu tremblante, ce qui me fait sourire.

Mais je me renfrogne très vite quand elle pose la main sur la poignée de
la porte. Elle l’ouvre, mais il en est hors de question. Je clos la distance qui
nous sépare en deux pas. Mon torse contre sa poitrine, en ne faisant pas
attention à la chaleur qui se propage dans mon corps, ma main s’abat contre
le battant, le refermant et coinçant ma petite peste entre nous.

Sa tête, en raison de la différence de taille, se trouve devant mon torse et


elle ne peut s’empêcher d’observer mon corps. Je pourrais faire le fiérot,
seulement son regard trouve le gros bleu qui orne ma hanche gauche :
résultat d’un entraînement avec Fredo ce matin aux aurores pour un
prochain combat. Il ne m’atteint jamais, sauf cette fois-ci, l’enfoiré.
Pourquoi ? Parce que je pensais à elle.

Hors de question qu’elle se pose plus de questions. Je lui fais relever la


tête vers moi d’un doigt sous son menton. Alerte rouge. On est bien trop
près maintenant. Ses lèvres à portée des miennes me rappellent nos baisers
échangés hier et je n’ai envie que d’une chose : recommencer, à tout jamais.
Elle aussi, vu comme elle louche sur les miennes. J’en profite alors pour la
pousser un peu plus :

– Si je t’embrasse, là, tu auras la même fougue qu’hier ?

Elle rougit à nouveau. Son corps se rapproche imperceptiblement du


mien. Son regard s’arrête sur mes lèvres et je prierais presque pour qu’elle
fasse le premier pas. Ça serait déjà une victoire pour le pari.
– Je te répondrai si tu me dis ce qui s’est passé, dit-elle en posant
doucement ses doigts sur le bleu sur ma hanche.

Je me recule d’un coup, comme si elle m’avait brûlé. La sale peste, elle
est plus intelligente que je ne le pensais. Elle semble même croire qu’elle
m’a fait mal vu le regard confus qu’elle me lance. Je l’ignore en enfilant un
tee-shirt.

– Tu voulais quoi ? la questionné-je sèchement, et je vois la déception se


dessiner sur son visage.
– Pas la peine de me parler comme ça. J’ai oublié mon téléphone dans ta
voiture.
– Je te parlerais autrement si tu t’occupais de tes affaires. Allons-y, je
suis occupé après.

C’est faux. Mais elle en a déjà vu un peu trop sur moi. Je refuse qu’elle
comprenne ce que je fais pour me détendre. Ça lui donnerait une place trop
importante dans ma vie. Seules les personnes qui comptent pour moi et en
qui j’ai confiance savent.

Elle ouvre enfin la porte en grand et descend les escaliers. Elle ne


regarde pas si je la suis, mais elle sort de la maison pour se diriger vers ma
voiture. Je la déverrouille, et elle s’y engouffre aussitôt. Elle se penche en
avant et tâtonne sous le siège. Je ne vais pas me plaindre de la vue, mais ça
me semble quand même important pour elle, alors je demande :

– Tu l’as ?

Elle m’ignore, en petite peste qu’elle est, et continue à chercher. Putain,


je n’ai pas non plus un avion pour voiture.

– Ce téléphone m’aura emmerdée jusqu’au bout, marmonne-t-elle.

Je crois qu’elle a finalement besoin d’aide, alors je m’approche d’elle.

– Laisse-moi faire.
– Non, c’est bon, lance-t-elle, encore énervée après mon changement de
comportement. Je n’ai pas besoin de toi.

Je souffle en passant une main dans mes cheveux. Elle va me rendre


marteau celle-là. Je perds patience et pose mes mains sur ses hanches, la
faisant sursauter. Mais je ne m’en préoccupe pas et la soulève pour la poser
plus loin afin de prendre sa place.

– Je gérais, se sent-elle obligée de répliquer pour garder la face, ce qui


me fait ricaner.

Mais bien sûr.

Une seconde après, je touche son portable. Elle avait les mains trop
petites pour l’attraper. Je me redresse, son appareil en main, et je le lui
lance. Elle le rattrape de justesse.

– J’aurais pu ne pas le rattraper.


– De rien, sale peste.
– James Buchanan Leeroy, on ne parle pas comme ça à une femme.

Argh. Il fallait que ma tante arrive au même moment. Joy sursaute et se


redresse. Ma tante nous dépasse et entre dans la maison, mais elle s’arrête
sur le palier et nous fixe.

– Entre, Joy.
– Oh, non ! J’allais rentrer, Elizabeth.
– Elle allait rentrer, tata.

Nous parlons en même temps avec Joy, et on se fusille du regard.

– Comme quand vous étiez enfants ! Ce n’était pas une question, Joy.

Sur le pas de la porte, nous nous observons en chiens de faïence avec Joy
et c’est finalement moi qui abandonne. Je souffle longuement puis d’un
geste de la main, lui fais comprendre de rentrer dans la maison avant moi.
Excuse parfaite pour la mater. Sur le palier, elle se retourne et me prend en
flagrant délit de reluquage de fesses. Elle semble s’attendre à ce que, gêné,
je détourne le regard. Alors pour la faire rager encore plus, je lui lance un
clin d’œil.

– Tu pourrais au moins faire semblant, lance-t-elle avec dédain en se


pinçant les lèvres.
– Pourquoi ? Il est devant mes yeux et je sais que ça te plaît.
– Connard.
– Moi aussi, je t’aime, bébé.

Elle lève les yeux au ciel, entre et me claque la porte au nez. Je l’arrête
de mon bras et éclate de rire. Elle soupire et m’abandonne dans l’entrée en
rejoignant ma tante dans la cuisine qui sort un plat du four à micro-onde.
C’est là que je me rends compte qu’il est déjà midi. Je n’ai pas vu le temps
passer en sa compagnie. J’aime la rendre folle.

– C’est du réchauffé, j’espère que ça ne te dérange pas, dit ma tante à


notre invitée.
– Pas du tout.
– Alors, assieds-toi.
– Je peux faire quelque chose ?
– Non, va t’asseoir, ordonne-t-elle, et elle s’assoit tel un petit soldat.

Nathan met la table pendant que je tire la chaise à côté de la sienne et


m’y installe.

– T’as pris ma place, petite peste.


– C’est sa place aujourd’hui, riposte ma tante en s’asseyant en bout de
table, et je hoche la tête sans lui répondre.

Débattre avec ma tante, c’est peine perdue. En plus, je refuse de lui faire
du mal après tout ce qu’elle a fait pour nous. Sans elle, on serait peut-être
en foyer ou à la rue.

Je vois que Joy veut me lancer une pique parce que j’écoute ma tante.
Elle se retient. En revanche, elle ne se gêne pas pour se pencher vers moi et
me chuchoter :
– Bien élevé comme un petit chiot.

Je la fusille du regard et elle se redresse en me lançant un sourire


sadique. Elle sait qu’elle me pousse à bout, mais elle y prend un malin
plaisir.

– Sinon, vous avez une très belle maison, change-t-elle de sujet en


regardant ma tante.
– Merci beaucoup, Joy. On a tout refait l’année dernière avec les
garçons. Oh ! James, tu te rappelles comment tu t’es pris le seau de peinture
sur toi ?
– Excuse-moi de ne pas vouloir en parler, rechigné-je, et le sourire
malicieux de Joy s’étire.
– Moi, je veux savoir !

Je la fixe, elle n’abandonne pas.

Tu vas le regretter, Joy.

– Oh, merde ! C’était trop drôle ! s’exclame Nathan, qui se prend une
tape derrière la tête de la part de notre tante.
– Ton langage, jeune homme. Ce jour-là, on refaisait la salle de bains de
James. Il n’avait pas vu qu’il restait un peu d’eau par terre à cause de la
dernière douche qu’il venait de prendre. Il ne regardait pas où il marchait,
concentré sur sa tâche qui consistait à repeindre le plafond. Sauf qu’il a
glissé. Il est tombé en arrière, a tapé dans l’escabeau où était posé le seau de
peinture et il lui est tombé dessus. C’était si drôle, je dois encore avoir des
photos, attends.

Elle prend son téléphone et cherche dans sa bibliothèque, sous le rire de


Nathan.

– C’est bon, tata. Je ne pense pas qu’elle ait besoin d’une image.
– Si, justement, j’en ai besoin. Mais dis-moi, tu te douches avant de faire
de la peinture, toi ? demande-t-elle, ne pouvant retenir un gloussement.

Je lui lance un regard ennuyé et croise les bras contre mon torse.
– J’aurais aimé t’y voir, tiens.
– Techniquement, vu ma petite taille, je ne pourrai jamais peindre un
plafond.

On se défie du regard jusqu’à ce que ma tante nous interrompe.

– La voilà !

Elle tend son téléphone à Joy. Je veux le récupérer avant elle, mais pour
le coup, elle est bien plus rapide que moi. Elle s’esclaffe quand elle voit le
cliché. Pas besoin de le voir pour m’en souvenir. J’avais le torse tout gris et
un regard mortifié. Très peu reluisant, en somme.

– Allez, c’est bon. Rends-moi ça.

Je lui prends le téléphone des mains et au moment où nos doigts se


touchent, une décharge électrique me prend et des fourmillements me
remontent dans tout le bras. Je crois qu’elle aussi, car elle me regarde en
arrêtant de rire, et je fixe ses lèvres. On sursaute quand un raclement de
gorge se fait entendre. On se retourne vers ma tante qui nous sert un sourire
en coin pendant que Nathan se retient de rire, le poing contre la bouche.

– Que comptes-tu faire comme études ? demande Elizabeth à Joy, et je


remarque qu’elle panique.

Pourquoi des études la feraient paniquer comme ça ? Même moi, je ne


sais pas ce que je veux faire. Il n’y a rien de mal à ça.

– J’entre en licence de marketing, dit-elle enfin.


– C’est bien, c’est une bonne matière, ça, confirme ma tante d’un signe
de la tête. Où ça ?
– À UCLA, lui répond-elle en faisant tout son possible pour ignorer mon
regard.

Elle n’est pas sérieuse, si ? Je croyais qu’elle devait rentrer chez elle à la
fin de l’été ! Elle est vraiment en train de me faire comprendre que le pari
est caduc ? Parce qu’il est certain que si elle reste plus longtemps, elle va
me faire flancher. Et si c’était son but, au final ?

– Oh, c’est super ! s’exclame ma tante. On te reverra, alors !


– T’es pas sérieuse, là ? la questionné-je en même temps d’une voix
blanche.

Elle tourne doucement la tête et je vois qu’elle se sent mal. Elle ouvre la
bouche pour me répondre, mais je secoue vivement la tête en me relevant
prestement de ma chaise, ce qui la fait grincer.

– Casse-toi de chez moi, lui asséné-je sous son regard horrifié avant de
sortir de la cuisine et de la maison en claquant la porte d’entrée.

Je refuse de m’attacher à elle, et c’est ce qui risque d’arriver si elle reste


ici. J’ai trop souffert la dernière fois ; je jure que ça ne se reproduira pas.

Cette sale peste m’a menti pour m’avoir dans sa poche. Elle savait
qu’elle avait les cartes en main depuis le début. Je ne peux pas la laisser
faire. Je vais la rendre folle. Un coup, je vais être le meilleur des amis, et
l’autre, je vais la détester.
14

Joy

– Pardon, dis-je en baissant la tête, honteuse d’être responsable.


– Ne t’excuse pas, ma chérie, soupire Elizabeth en posant sa main sur
mon bras. Je suis sûre que ce n’est rien de grave et que ça va s’arranger.

Je ne pense pas, elle ne connaît pas notre pari. Je lui adresse un faible
sourire.

– Je vais t’aider à débarrasser et je vais rentrer chez moi.


– Non, c’est bon, Nathan est là pour m’aider.
– Super, maugrée ce dernier.

Mais elle n’y fait pas attention et m’embrasse le crâne en se relevant.

– Tu peux rester et l’attendre si tu veux. Je suis sûre qu’il t’écoutera.

Ça me fait plaisir qu’elle prenne le temps de me rassurer et qu’elle me


propose de rester. Mais je ne peux pas accepter. Je secoue la tête et me lève
de ma chaise.

– Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. Merci pour le déjeuner et
désolée pour tout. À bientôt.

Quand je sors de la maison, je regarde autour de moi, espérant qu’il soit


toujours dans les parages. Je dois me rendre à l’évidence, il a déserté, car
même sa voiture n’est plus là. Au moins, j’ai mon téléphone. C’est ma seule
consolation en rentrant chez moi. Il n’y a personne à la maison. Je m’affale
sur le canapé, mets une série au pif sur Netflix et joue avec mon téléphone.
Il faut que je lui parle. Je n’ai pas son numéro, mais je suis sûre que je peux
le trouver sur les réseaux sociaux. Je suis abonnée aux filles sur Instagram
et je le trouve parmi leurs abonnements.

James_belair_angel

L’ange de Bel-Air ? Carrément ? Ça va les chevilles ?

Je m’abonne à lui et suis surprise de voir qu’il s’abonne directement à


moi en retour. Ça veut dire qu’il n’est pas tant que ça en colère après moi,
alors ? Je comprends bien que c’est énervant quand on nous ment, mais pas
à ce point, quand même ? Je ne comprends rien à ses réactions. Mes
pensées partent dans tous les sens. Peut-être qu’il l’a mal pris, parce que
effectivement, son seul but est de coucher avec moi et je serai donc un
problème si je reste. Un problème de plus dans sa vie. Cette constatation me
fait peur. Je regrette de lui avoir menti et j’hésite maintenant à lui envoyer
un message. Mais alors que je prends mon courage à deux mains, parce que
mieux vaut en avoir le cœur net que de faire des suppositions, je vois qu’il
écrit déjà, alors j’attends en me mordant les doigts.

[Tu comptais me le dire quand ?]

Je veux répondre, mais il ne m’en laisse pas le temps.

[Ça te plaît de t’être fichu de moi ?


Tu voyais que je n’avais qu’une envie,
c’était que tu repartes, alors que tu savais
que tu allais me faire chier pendant les
prochaines années ? Tu crois réellement
que je suis ton pantin ? Mais tu n’es rien
pour moi, Joy, seulement un souvenir du passé.]

Putain. Pas de répit avec lui. J’aime qu’il soit aussi franc et qu’il ne joue
pas, mais s’il pouvait avoir un peu de pitié, ça serait bien. Je m’apprête à lui
expliquer qu’effectivement je ne lui ai pas dit parce que j’espérais qu’il
finirait par tomber amoureux de moi, mais il écrit à nouveau. Sa réponse me
fait monter les larmes aux yeux.

[Tu sais quoi ? Ce pari, il tient toujours, Joy.


Je ne tomberai jamais amoureux. Tout du moins,
je ne retomberai jamais amoureux de toi. Par contre,
tu finiras bien dans mon lit, et maintenant que je
sais que t’es là pour les trois prochaines années,
je vais prendre mon pied. Tu pleureras bien quand
je passerai à quelqu’un d’autre, après toi. À plus.]

– Argh ! m’écrié-je en balançant mon fichu téléphone qui atterrit au sol.

J’en viendrais presque à souhaiter que mon téléphone soit cassé pour ne
plus lui parler. C’est grave… Ce mec m’exaspère.
15

Joy

Alors que je patiente sagement devant chez moi que Lace sorte pour que
je monte avec elle, je vois James arriver en voiture. Sa Chevrolet détonne
complètement entre les voitures de sport et les gros SUV. On ne peut pas la
louper.

On va faire une randonnée avec la bande et je dois monter en voiture


avec Lace. C’est pour ça que je l’attends, alors je ne comprends pas quand
James s’arrête juste devant moi et baisse la vitre. En sachant qu’il a ignoré
tous mes autres messages hier.

– Salut petite peste.

Je hausse un sourcil. Qu’est-ce qui lui prend ? Je pensais qu’il allait me


sauter à la gorge, m’insulter ou même m’ignorer, mais non. C’est comme
s’il ne s’était rien passé hier. Je veux lui demander s’il est amnésique ou
quoi. Seulement, l’espoir renaît en moi. S’il avait décidé de me pardonner ?
Ce mec me retourne l’esprit. Il change d’humeur tous les jours comme s’il
changeait de slip. Je ne lui réponds pas, mais m’approche tout de même de
la voiture.

D’un signe de la tête, il me montre la maison de Lace.

– Tu montes avec elle ?

J’acquiesce d’un signe de la tête et il fait de même.


– Je vous rejoins au parc dans quelques minutes, j’ai un truc à faire
avant. Je pensais le dire à Lace, mais tu lui diras.

Ah, je vois. Il m’en veut toujours, mais je peux lui être utile alors il
m’adresse la parole.

– Aussi tôt ? le questionné-je en regardant l’heure sur mon téléphone.

Il n’est que huit heures. Qu’a-t-on de si important à faire à cette heure-


là ? Et pendant les vacances, surtout !

– Ouais, me répond-il seulement. Bon, je vais y aller…

Je n’en saurai pas plus. Il se tait et regarde au loin avant de jurer.

– Merde, monte avec moi !


– Quoi ? Non, je… JAMES ! m’écrié-je quand il ouvre la portière côté
passager et tire sur mon bras pour me faire grimper à l’intérieur. Mais ça ne
va pas ?
– Embrasse-moi.

Je me tais et le regarde, un sourcil levé.

– Pourquoi je t’embrasserais ?
– Parce que fais-le, putain.

Il regarde par la vitre en bougeant nerveusement sa jambe. Je suis son


regard et je découvre enfin son ex qui s’approche dangereusement de nous.
Je souffle longuement et saisis le visage de James entre mes mains, pour
l’attirer à moi.

– Tu m’énerves, murmuré-je à quelques centimètres de ses lèvres avant


de plaquer mes lèvres contre les siennes.

Comme la dernière fois, je ressens une chaleur se diffuser dans mon


ventre, mais je suis bien décidée à l’ignorer. Cependant, je ne peux ignorer
ses mains sur mes hanches qui me tirent à lui jusqu’à ce que je le
chevauche, mes fesses entrant en collision avec quelque chose de dur.

– Tu aurais pu vider tes poches.


– Mes poches sont vides, petite peste.

J’écarquille les yeux quand je comprends que ce que je sens sous moi, ce
n’est pas son téléphone ou autre, mais son sexe. Son sexe en érection. Pour
moi ? Je croyais qu’il me détestait ! Je sens mes joues rougir et pour éviter
qu’il le voie, je l’embrasse à nouveau.

– Je t’avais dit de garder tes mains et ton truc pour toi, grondé-je, mais il
en profite pour fourrer sa langue dans ma bouche en rigolant.

Si j’ai envie de le frapper sur le coup, je me laisse vite aller. Mes mains
s’activent d’elles-mêmes dans ses cheveux jusqu’à ce que je me rende
compte que je me frotte presque contre lui.

Foutues hormones.

Je me recule d’un bond au moment où son ex dépasse la voiture. Je le


fusille du regard et me laisse tomber sur le siège passager. Je m’apprête à
sortir quand il fait démarrer la voiture, m’emmenant avec lui. Un sourcil
levé, je l’observe en m’attachant prestement.

– T’es pas sérieux, là ?


– Si tu sors alors qu’elle vient juste de dépasser la voiture, ça ne sert à
rien.
– Oui, c’est sûr que me bouffer le visage devant elle, ça ne sert à rien. Je
crois qu’elle a compris le message entre la dernière fois et aujourd’hui. On
peut arrêter.
– Dit-elle alors qu’elle se frottait contre moi.

Il me lance un sourire arrogant et j’ai encore plus envie de le frapper


pour me l’avoir fait remarquer.

– J’étais inconfortable, pas excitée.


– Bien sûr.

Je secoue la tête pour désapprouver, mais ne lui donne pas le plaisir de


répondre. Je saisis mon téléphone et envoie un message à Lace.

[Ton foutu pote James m’a embarquée avec lui.]

[Je vous ai vus ;)]

Argh. Son clin d’œil veut tout dire.

Je déteste James. Mais en attendant, je ne sais toujours pas où il


m’emmène.

– On va où ?
– J’ai un truc à faire, je te l’ai dit.

Et voilà le retour de Monsieur Mystérieux qui, moins il en dit, mieux il


se porte. Sauf que je commence à m’habituer à ses sautes d’humeur ainsi
qu’à sa façon de parler sèchement. Il ne me fait pas peur, et je prends un
malin plaisir à le pousser à bout pour qu’il s’ouvre à moi.

– Ouais, mais maintenant je suis avec toi dans cette voiture, alors je veux
savoir.
– Je dois parler avec quelqu’un.

Décidément. Je ne sais pas si c’est à cause d’hier, mais il ne veut


clairement pas me parler. Je mentirais si je disais que ça ne me fait rien. Je
crois que si on n’avait pas passé notre moment seul à seul à la chapelle, ça
m’aurait moins dérangée. J’avais l’impression de l’avoir retrouvé.
Maintenant, j’ai à nouveau la sensation d’avoir affaire à un étranger. Il est
redevenu le James distant et ça me blesse. Pour autant, je ne montre rien et
d’un ton las, je demande :

– Mais encore ?
– Ferme-la.

Connard.

– Si tu ne veux pas me parler, pourquoi suis-je là, alors ?

À part sa mâchoire qui se crispe et ses doigts qui serrent le volant si fort
qu’ils en deviennent blancs, c’est un silence radio qui me répond. Je souffle,
exaspérée, et me redresse en me tournant vers lui.

– Je suis désolée pour hier, OK ? Sincèrement. Mais si tu veux jouer à


ça, autant qu’on ne se voie plus et qu’on arrête ce foutu pari.

Ah, enfin une réaction ! Il me jette un regard en coin avant de se


concentrer de nouveau sur la route. Finalement, je laisse tomber mes
barrières et lui avoue ce que je veux vraiment. Ce n’est pas dans mon
habitude de montrer ma vulnérabilité. Même s’il est vache avec moi, je me
sens quand même libre d’être qui je veux avec lui.

– Je ne suis pas Laura, James. Je ne veux pas te manipuler et je m’en


fous de perdre ce pari. Je veux qu’on soit amis, comme avant.

Il m’observe deux secondes, mais ne me répond pas et se concentre de


nouveau sur la route. Alors je fais de même, croise les bras contre ma
poitrine comme pour me protéger de son rejet. Je regarde par la vitre pour
éviter qu’il voie les larmes qui me montent aux yeux. Tout compte fait,
j’aurais dû garder mes aveux pour moi. Ça m’apprendra à vouloir recoller
les morceaux avec un type qui me déteste.

Quelques minutes plus tard, il se gare sur un parking devant un diner1,


mais je l’ignore toujours.

– Reste là, je n’en ai que pour deux minutes.


Concentrée sur mon téléphone, je lui fais savoir qu’il peut y aller sans lui
adresser un regard. De toute façon, je ne vois pas ce que j’aurais pu faire
dans ce foutu diner avec lui, à part manger, bien entendu. Mais il est trop tôt
pour ça. Il soupire et sort de la voiture.

– Foutue peste.
– Je t’emmerde, ai-je le temps de dire avant qu’il ne claque la portière et
qu’il m’enferme à clé dans la bagnole.

C’est ça, mets la sécurité enfant aussi, tant que t’y es.

Enfin, je ne pense pas qu’elle existe dans son antiquité de voiture.

Même si j’ai décidé de l’ignorer, je ne peux m’empêcher de l’observer


pendant qu’il se dirige vers l’entrée du diner. Je vois les regards féminins
couler sur lui et, oui, je ne peux pas nier qu’il est complètement sexy dans
son short en jean et son tee-shirt blanc, mais ça ne sert à rien de le mater
comme ça.

Attends, est-ce que je suis jalouse, là ?

Non, absolument pas.

Il s’approche d’un mec au comptoir. Il est devant lui alors je ne vois pas
de qui il s’agit, et même si je le voyais, je ne pense pas que je le connaîtrais.

Deux minutes passent et ils parlent encore et toujours. Je commence à


m’ennuyer. Je ne pense pas qu’il va mettre encore longtemps, surtout qu’il a
refusé qu’on lui serve quelque chose, mais je suis d’humeur à le faire chier
pour me venger.

Je saisis mon téléphone pour lui écrire un message pour la première fois
de ma vie hors Instagram.

[Tu bandes encore. Il va croire que c’est pour lui.]


J’éclate de rire en appuyant sur « Envoyer » et l’observe. Il saisit son
téléphone dès qu’il sonne ou vibre dans sa poche, et je souris comme une
débile quand il fait comprendre d’un signe au mec de patienter. Oui, ça me
fait plaisir qu’il me fasse passer en premier, même s’il va vite déchanter. Il
lit mon message, regarde son pantalon puis relève la tête vers moi à travers
la vitre et me fait un doigt. J’éclate de rire, mais je me calme quand une tête
brune émerge. Je vois enfin à quoi ressemble le mec avec qui il parle. Ce
dernier m’observe puis regarde à nouveau James en lui disant je ne sais
quoi. James secoue la tête comme pour refuser, puis il lui parle en plaquant
sa main sur son épaule avant de ressortir du diner et de revenir vers moi.
Avec le regard qu’il m’adresse, je devine que je vais passer un sale quart
d’heure, mais je souris, fière de moi.

– Tu feras moins la maligne quand je t’empalerai dessus, lance-t-il en


entrant dans la voiture et en démarrant.
– Ah, bah apparemment, on ne le saura jamais. C’était qui ?
– Personne.
– Vraiment ?
– Oui.
– Putain, je n’aimerais pas être ta copine avec tous ces secrets que tu
gardes.

Il me lance un regard en coin, puis déclare d’un ton séreux, qui me


retourne l’estomac :

– Je n’aurai jamais de secrets pour celle que j’aime.

Prends-toi ça dans les dents, Joy, histoire de remuer encore plus le


couteau dans la plaie.

1-0 pour James.

On rejoint finalement les autres qui nous attendent à l’entrée du parc.


Décidée à ne pas passer une minute de plus avec lui, je rattrape les filles. Je
sens qu’elles s’apprêtent à me questionner, mais je leur fais comprendre de
ne rien dire et nous commençons à marcher.

– Il t’a emmenée, donc ? questionne quand même Bonnie en ayant l’air


vraiment surprise.

Je me demande si elle est au courant de ce que James manigance. Tout ça


me rend vraiment curieuse. C’était qui ce mec à la fin ?

– Ouais.
– Et ? insiste Lace, et je hausse les épaules.
– Et rien du tout. Je suis restée dans la voiture. C’était qui le mec qu’il a
vu ? Vous le connaissez ?

Les filles se regardent et ont l’air d’avoir une discussion silencieuse. Et


même si je ne peux pas leur en vouloir de ne pas tout me dire, puisqu’elles
viennent juste de me rencontrer, j’avoue que j’ai un mauvais pressentiment.

– C’est un pote à lui, finit par dire Lace.

J’acquiesce d’un signe de la tête même si je ne suis pas sûre d’y croire.
Peut-être que c’est bien un pote à lui, mais je sens qu’il y a quelque chose
d’autre, et je suis décidée à découvrir quoi.

***

Au bout de trente minutes de marche, nous sentons déjà l’effet de la


chaleur et nous ralentissons la cadence. Mon short et mon tee-shirt me
collent à la peau. Les garçons ont enlevé leurs tee-shirts pour rester torse
nu. J’aimerais aussi faire la même chose, mais je n’ai pas réellement envie
de créer un esclandre. Alors je prends sur moi, même si je rêve d’une bonne
douche.
Pendant que nous marchons toujours devant avec les filles, je sens
soudainement une présence dans mon dos. Une main se pose sur ma nuque
et je ne sais pas comment, mais je sais que c’est James. Il se penche vers
moi pour chuchoter à mon oreille, ses lèvres frôlant ma peau, me faisant
presque suffoquer. Heureusement, comme je suis déjà à bout de souffle, ça
passe inaperçu.

– Eh, tu ne veux pas te couvrir la tête de la chaleur ?

Sur le coup, je suis choquée, mais je comprends que sa prévenance


soudaine ne peut être qu’un piège. Je me retourne, prête à lui demander ce
qu’il cherche à faire, mais je me reçois son tee-shirt plein de sueur sur la
tête. Je crie, le retire de mon visage et lui relance contre son torse.

– Ça ne va pas ou quoi ? C’est dégueulasse !

Sur le coup de la colère, je n’ai pas remarqué que nous nous sommes
arrêtés et que seulement une dizaine de centimètres séparent nos corps.
J’écarquille les yeux quand il replace une mèche de cheveux derrière mon
oreille.

– Tu ne diras pas ça quand je serai en sueur au-dessus de toi dans mon


lit.

Je veux le frapper, mais il se recule en rigolant. Il m’exaspère.

– Je te déteste, crié-je en me précipitant sur lui à nouveau.

Sauf que je ne vois pas la pierre sur le chemin. Je marche dessus,


trébuche et ma cheville se plie bizarrement. Je grogne de douleur en serrant
les lèvres. Alors que je me rapproche dangereusement du sol – je me vois
déjà me ramasser comme une crêpe –, James me rattrape de ses mains sous
mes épaules. Il me redresse contre lui, son rire maintenant éteint et les yeux
alarmés.

– Merde, je suis désolé. Tu vas bien ?


– Ça va, dis-je en le repoussant pour me redresser.
Je pose à peine mon pied par terre qu’une douleur me tire et remonte
dans la jambe.

– Putain, juré-je en me rattrapant au bras de James.


– Joy ? questionne-t-il, maintenant alarmé, et je sursaute parce qu’il ne
m’appelle jamais par mon prénom.
– Ça va. Je dois juste prendre mon temps.
– Non, s’incruste Lace. Appuie-toi contre James, je vais regarder.

Tout le monde est autour de moi et je me sens mal à l’aise avec toute
cette attention sur moi.

– Ça va aller.
– Non, ordonne mon amie. Ma mère est chirurgienne, je sais ce que je
fais. Maintenant, donne-moi ton pied.

Devant son ton qui ne laisse aucune place à la négociation, je m’appuie


contre James. Il passe un bras autour de mes hanches, et son autre main se
pose sur mon ventre pour me stabiliser pendant que je lève mon pied. Dans
d’autres circonstances, je serais déjà en train de fondre sous son toucher.
Seulement, là, j’ai plus l’impression que c’est mon pied qui va fondre
tellement il brûle. Lace défait les lacets de ma basket et me la retire
doucement, ainsi que ma chaussette, mais je grimace tout de même.

– Ta cheville est gonflée et il y a déjà un bleu qui se forme. Tu dois avoir


une entorse. Je pense que ma mère a de quoi faire chez nous. Mais on ne
peut pas ramener la voiture jusqu’ici.
– Ma tante est aussi infirmière, riposte James.
– Oui, sauf que ta tante travaille pendant que ma mère est en congé, lui
lance Lace. On ne va pas aller à l’hôpital, attendre des heures, alors que ça
peut être réglé en un rien de temps.
– Très bien, soupire James. Mais je la porte, alors.

Je tourne si vite la tête vers James que j’ai peur de me blesser aussi au
cou.

– T’es pas sérieux ?


– Si.
– Tu ne vas jamais me réussir à me porter tout le long.
– On parie ?

Je le fixe quelques instants, mais comprenant qu’à part me laisser porter


ou marcher à cloche-pied, le choix est vite fait.

– Très bien.

Il me sourit légèrement puis il me lâche pour s’accroupir devant moi.

– Votre carrosse vous attend.

Malgré la douleur qui me lance dans la jambe, j’éclate de rire. Je pose


mes mains sur ses épaules et le laisse me soulever en passant les jambes de
chaque côté de ses hanches. C’est seulement là que je remarque que Lace
m’a renfilé ma basket. Pourquoi, quand je regarde James, j’ai l’impression
que le monde s’arrête de tourner ?

Sur le chemin du retour à la voiture, j’oublie les minutes qui défilent,


accrochée au dos de James comme un petit singe. Le pire, c’est qu’on
transpire tous les deux. Mes jambes sont collées, et quand je dis qu’elles
sont collées, c’est vraiment collées contre ses hanches à cause de nos sueurs
mélangées. Ses mains sont bouillantes sur mes cuisses. Et si je fermais les
yeux, je pourrais très facilement imaginer quelque chose d’autre. Mais
j’entends qu’il respire de plus en plus fort, ce qui est compréhensible.

– Tu devrais peut-être me poser, lui soufflé-je en me raclant la gorge,


gênée de lui imposer ça.
– Non.
– James… soupiré-je, mais il resserre sa prise sur mes cuisses,
m’empêchant de continuer parce que je suis trop occupée à frissonner sous
son toucher.
– Tu ne poseras pas un pied sur le sol.
– Je peux la porter si tu veux, dit Eddy en nous rejoignant.
– Je gère.
Eddy ne se préoccupe pas de son refus et le force à s’arrêter en se posant
devant nous.

– Mec, je dis ça pour ton bien. Si tu t’abîmes un muscle, tu ne pourras


pas…

Eddy s’arrête d’un coup et me jette des regards furtifs avant de se


concentrer de nouveau sur James. Ils ont l’air de se parler rien qu’en se
regardant. Je suis étonnée quand je sens James se détendre.

– Très bien, mais je la reprends dès que j’en suis capable.

Qu’est-ce qu’Eddy a voulu dire ? Pourquoi ai-je l’impression


qu’aujourd’hui, ils me cachent tous quelque chose ? Je n’ai pas le temps d’y
penser qu’Eddy me présente son dos. J’accroche mes bras autour de son cou
et ses bras passent sous mes genoux. C’est seulement là que je constate que
James ne me tenait absolument pas innocemment, en comparaison avec
Eddy qui évite de trop me toucher. Et je ne sais pas si c’est le soleil qui tape
qui me fait avoir des hallucinations, mais j’ai l’impression que James laisse
traîner ses doigts sur mes reins avant de repartir comme si de rien n’était en
s’étirant. Un peu comme M. Darcy quand il a tenu la main d’Elizabeth dans
Orgueil et Préjugés quand il l’a aidée à monter dans la calèche. Je suis
foutue si maintenant je me mets à comparer notre relation à celle des deux
personnages de Jane Austen. C’est le roman et le film que je préfère, je ne
peux pas m’en empêcher. Qui ne voudrait pas d’un M. Darcy dans sa vie ?

– Il est jaloux, ricane Eddy.

Revenant à moi, je comprends ce qu’il dit et je le frappe à l’épaule.

– Il n’est pas jaloux, il me déteste.


– Il te déteste tellement qu’il aurait préféré mourir en te portant que de te
laisser entre mes mains.
– N’importe quoi, soupiré-je en secouant la tête, prête à tout pour nier
quoi que ce soit.
Depuis que je suis sur son dos, Eddy ralentit, laissant les autres prendre
de l’avance sur nous.

– Je suis si lourde pour que tu avances à une vitesse de tortue ?


– Non, rigole-t-il. Je veux te parler de quelque chose.
– Ah bon ?

Heureusement qu’il ne peut pas me voir parce que je crois que la panique
se lit sur mon visage.

– Tu voudrais dîner avec moi un soir ?

J’ai définitivement la chance qu’il ne me voie pas parce que la bouche


m’en tombe. Est-ce qu’il est en train de me proposer un rendez-vous ? Est-
ce pour ça qu’il voulait à tout prix me porter ?

Devant mon mutisme, il tourne la tête sur le côté, remarque mon


expression de stupeur et éclate de rire.

– Tu es jolie, Joy, mais je préfère les blondes. Ce n’est pas pour te


draguer.
– Oh… soupiré-je longuement en posant une main sur mon cœur. Tu
m’as fait peur !
– Heureux de voir que je ne suis pas ton genre, se marre-t-il. C’est oui,
du coup ?

J’acquiesce d’un signe de la tête et il me sourit grandement.

– Cool, je te tiens au courant !

Au même moment, James se retourne vers nous. Il croise les bras et


s’arrête pour nous attendre.

– Regarde-le comme il est jaloux, chuchote Eddy. S’il n’était pas mon
meilleur ami, j’aurais peur de me faire arracher les couilles.
J’imagine la scène et je peine à retenir mon rire quand on s’approche de
James.

– C’est bon, je la reprends, ordonne-t-il d’une voix sèche quand on arrive


à sa hauteur.

Si je laissais les mots d’Eddy m’atteindre, j’aurais effectivement


l’impression que James est jaloux et possessif. Mais je préfère ne pas y
croire parce que c’est foncer dans un mur à grande vitesse. Eddy me lance
un clin d’œil quand je me détache de lui pour renouer mes bras autour du
cou de James qui, en comparaison avec son ami, ne fait aucune manière, et
m’attrape par les cuisses. Il n’y a pas à dire, il y en a un qui fait battre mon
cœur bien plus vite que l’autre…

***

Après m’être fait installer une attelle par la mère de Lace, je retourne
chez moi, toujours portée par James qui refuse de me poser au sol.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? questionne Veronica quand elle nous ouvre
la porte.
– Je me suis foulé la cheville, rien de grave, ne t’inquiète pas. Mais je
dois éviter de marcher pendant deux jours.

Ma cousine se pousse pour nous laisser entrer.

– Si tu veux rentrer au plus vite, il faut le dire. Pas besoin de te casser le


pied. Je m’occuperai de ton copain, je te le jure.
– Veronica ? fais-je, surprise. Ça va ? Qu’est-ce qui te prend ?

Ma cousine soupire en s’éloignant de la cuisine.


– Pardon, je me suis pris la tête avec Brenton. Je ne pensais pas ce que
j’ai dit.

Je fixe James qui me questionne déjà du regard. Ne comprenant toujours


pas ce qui vient de se passer, je secoue la tête.

– Laisse tomber, tu peux me reposer maintenant. Promis, je ne pose pas


mon pied au sol.
– Non, je te monte dans ta chambre.
– James… soupiré-je.

Mais il n’écoute pas et, au fond, j’avoue que j’aime bien.

– Ma chambre est en haut.

Quand nous arrivons au bout de mon lit, James s’accroupit et je me laisse


tomber en arrière sur le matelas, telle une étoile de mer. Je rampe jusqu’à
mes oreillers en l’observant prudemment. C’est la première fois qu’il entre
dans mon univers et ça me fait bizarre. Il s’étire le dos en contemplant ma
chambre. Il s’arrête sur ma bibliothèque. Je me mords les lèvres en
imaginant sa réaction devant ce que je lis. Il s’approche et penche la tête
pour lire les titres des livres. Il en prend un, lit le résumé en ricanant et
l’ouvre à une page au pif.

– « Il saisit ma queue de cheval, tire ma tête en arrière et m’embrasse à


pleine bouche. » Je ne savais pas que tu lisais ce genre de livres, petite
peste. Continuons…

Je veux me lever pour lui arracher le livre des mains, mais il relève la
tête quand il entend le bruit des draps et me fusille du regard en reposant le
livre à sa place.

– Ne bouge pas.

Je lève les yeux au ciel de désespoir, mais je suis tout aussi amusée par le
fait qu’il s’inquiète autant.
– Ce n’est qu’une foulure.

Qu’est-ce que j’ai dit, là ! Il fronce les sourcils, saisit un de mes oreillers
et me le jette à la figure.

– Qui peut empirer, imbécile, peste-t-il.

Il essaye de garder son calme tandis que j’éclate de rire, mais il craque et
rigole à son tour. Mon rire se tait quand il s’approche de moi. Il se penche
au-dessus de moi en posant ses mains sur le lit. Il fixe mes lèvres de son
regard joueur pendant qu’il s’approche dangereusement de moi. Et je me
rends compte qu’on est tout seuls. Qu’on n’a pas besoin de faire semblant.
Alors pourquoi veut-il m’embrasser et pourquoi en ai-je envie aussi ?

Finalement, il bifurque et ses lèvres se posent sur mon front. Je deviens


écarlate en une seconde. J’ai envie de me cacher quand il se recule en me
lançant son sourire satisfait. Il sait qu’il peut me faire craquer et il sait
qu’un rien lui suffirait pour gagner ce pari.

– Jamais je ne pourrai être ton ami, Joy. J’ai envie de bien plus. Repose-
toi.

Je n’ai pas le temps de lui demander ce qu’il veut dire par là qu’il quitte
ma chambre en furie. C’est là que je me souviens de ce que je lui ai
demandé plus tôt dans la journée. On n’en a pas fini, alors. Parce que moi
non plus, je ne veux pas être seulement son amie.

1. Un diner est un restaurant typique des États-Unis.


16

James

Je me maudis en sortant de chez elle. Qu’est-ce qui m’a pris, putain ?


C’est pratiquement lui avouer qu’elle a gagné ce pari et ça, ce n’est pas
possible. J’espère qu’elle n’a pas compris, parce que je ne suis pas prêt à
avoir cette discussion. La laisser entrer encore plus dans ma vie, c’est
risquer qu’elle m’abandonne à nouveau, et je ne peux pas. Mais savoir
qu’elle s’est blessée en partie à cause de moi me met encore plus en rogne.
Je voulais la détester, mais j’en suis incapable.

Alors que je monte dans ma bagnole pour rentrer chez moi, mon
téléphone vibre dans la poche arrière de mon short. Pendant un instant,
j’aimerais que ça soit elle alors je suis déçu quand je découvre que ce n’est
que Fredo.

[J’ai quelqu’un pour toi ce soir. Dispo ?]

Oh, putain ! Oui ! J’ai besoin de me changer les idées.

[Envoie l’adresse.]
Je passe le restant de la journée à ruminer et à m’empêcher de faire le
premier pas vers Joy. Je veux savoir si elle va bien, si elle se remet ou
même si elle a besoin de moi. Mais je me retiens. Je me concentre plutôt sur
le combat de ce soir. Penser à elle, c’est dévier ma concentration et je ne
peux pas me permettre de perdre et de prendre des coups. Ma tante et mon
petit frère ne connaissent rien de mon activité extrascolaire illégale, alors je
ne peux pas risquer de rentrer roué de coups. En vrai, ça serait bien de ne
pas du tout combattre. Mais avec le dessin, ce sont les seules choses qui
sont capables de tempérer ma haine. Toute la rancœur que j’ai accumulée
depuis l’absence de Joy et la mort de ma mère. Mais surtout envers mon
père qui est parti du jour au lendemain dès que ma mère est morte. Il nous a
abandonnés, Nathan et moi, comme un lâche. Moi, j’étais assez grand pour
m’en remettre, pas mon petit frère. Il croit qu’il a fait quelque chose de mal
et c’est à moi d’assumer le rôle de père.

***

Je rentre dans la chambre d’hôpital, mes yeux se posent tout de suite sur ma mère. Elle
dort, comme la plupart du temps depuis qu’elle a été admise il y a deux semaines après
que son cancer des poumons a empiré ces derniers mois. On nous a dit qu’elle n’en aurait
plus pour très longtemps, que ce n’était qu’une question de jours. Je lui en veux un peu,
elle aurait pu guérir, mais elle n’a jamais cessé de fumer. Elle disait que c’était son
échappatoire. Pour échapper à quoi ? Je ne sais pas. Je pensais qu’elle était heureuse. On
avait tout pour être heureux. Néanmoins, je suis surpris de ne pas voir mon père. Il a
toujours été à son chevet jusqu’à maintenant. Peut-être qu’il est parti chercher Nathan.
Mais j’étais persuadé que mon petit frère passait la journée chez notre tante. Je hausse les
épaules en m’asseyant dans le fauteuil près du lit de ma mère. Il a sans doute eu un
imprévu avec le travail. Il reviendra plus tard. C’est pourquoi je ne me pose pas tant de
questions et sors mes devoirs. Je suis en troisième. Je pensais mieux commencer le
lycée1, mais j’ai pris énormément de retard ces derniers mois, et même si je sens que je
vais redoubler, je préfère mettre toutes les chances de mon côté.

Alors que ça fait une petite heure que je bosse mes cours, ma mère bouge ses jambes.
Un peu trop. Je saisis tout de suite sa main.

– C’est James, je suis là, maman.


Elle se réveille d’un coup, serre ma main d’une force qu’elle n’avait plus eue depuis des
semaines.

– James, je vous aime, toi et ton frère. Prends soin de lui, et n’en veux pas à ton père,
dit-elle d’une petite voix, essoufflée.

Ne pas en vouloir à mon père ? Pourquoi je lui en voudrais ? Peu importe, je verrai ça
plus tard. Là, autre chose m’interpelle. Sa pression sur ma main se relâche en même temps
qu’elle referme les yeux. Sa main retombe sur le lit, je m’empresse de la récupérer.

– Maman ?

Le silence me répond, tout comme j’ai l’impression qu’elle cesse de respirer.

– Maman ! crié-je en appuyant sur le bouton pour avertir les infirmières. Ne


m’abandonne pas ! J’ai besoin de toi.

On entre avec fracas dans la chambre pour me tirer en arrière.

– Poussez-vous, James, je m’occupe d’elle ! m’informe son médecin.

J’ai l’impression qu’il se passe des heures, alors qu’il ne doit se passer que quelques
minutes avant qu’il ne se retourne vers les infirmiers.

– C’est terminé. Heure du décès : seize heures cinquante-trois.

Il s’approche ensuite de moi, pose ses mains sur mes épaules. C’est là que je me rends
compte que je me suis collé contre le mur derrière moi et que les larmes coulent sur mes
joues.

– Je suis désolé, c’est fini, elle est partie. Où est votre père ?
– Je ne… je ne sais pas.

À ce moment-là, je ne m’attendais pas à ce que mon père ne revienne plus jamais. Je


l’ai compris en trouvant une lettre sur mon lit le soir même et quand il n’est pas venu à
l’enterrement.

Je suis triste, bien évidemment. Voir le cercueil de sa mère descendre dans un trou de
terre ne rend pas heureux, c’est un fait. Mais je crois que je suis surtout en colère. Notre
père nous a abandonnés comme si nous n’avions jamais compté. Et en plus, il n’est même
pas présent aujourd’hui. J’ai bien lu la lettre qu’il nous avait laissée, à mon frère et moi,
mais ça ne change rien. C’est un lâche. Et je n’y crois absolument pas, à ses mots. Il a
écrit, entre autres, que voir ma mère souffrir était trop dur pour lui, qu’il devait s’éloigner
quelque temps, qu’il nous aimait et qu’il reviendrait. Mon cul ! S’il nous aimait réellement, il
serait resté pour nous aider. Je lui en veux surtout pour Nathan. L’état de notre mère s’est
rapidement dégradé alors qu’elle lui faisait un câlin dans le salon. Je n’oublierai jamais ce
moment. Un instant, elle le tenait dans ses bras, la minute d’après, elle a commencé à
tousser, jusqu’à s’étouffer. Depuis, il croit que c’est à cause de ça que son état s’est
aggravé. Il est persuadé que notre père est en colère après lui et qu’il est parti parce qu’il
ne voulait pas voir notre mère sur son lit d’hôpital, malgré le nombre de fois que j’ai tenté de
le rassurer ces derniers jours. À cause de ça, il ne supporte même plus qu’on le touche,
parce qu’il pense qu’on va nous aussi tomber malades.

À force, j’ai réussi à ce qu’il accepte que je le touche à nouveau, mais je suis le seul. Je
suppose qu’il a besoin de moi malgré ses peurs. J’ai la haine contre notre paternel, parce
que je dois maintenant aussi assumer le rôle de père. On est dans les démarches pour
changer notre nom de famille, pour prendre celui de notre mère. Notre tante nous a pris
sous son aile, on vit maintenant chez elle, mais elle ne remplacera pas notre père ni notre
mère malheureusement. Nous sommes maintenant orphelins, alors que notre géniteur est
toujours en vie. J’aimerais tellement savoir ce qui se passe, et je commence à croire que la
chose que je cherche explique pourquoi ma mère essayait de trouver refuge dans la
cigarette.

– James ?

Revenant à moi, je baisse la tête sur mon petit frère dont mon bras repose sur ses
épaules pour le garder contre moi. Il me regarde et j’ai l’impression qu’il était en train de me
parler. Je remarque aussi que nous ne sommes plus que tous les deux dans le cimetière.

– Pardon, tu disais ?
– Tu crois que papa reviendra ? questionne-t-il, les yeux larmoyants.

Je me force à regarder ailleurs pour me contenir. Le voir souffrir est la chose la plus
dure qu’il m’ait été donné de vivre. Plus calme, je m’agenouille devant lui en posant mes
mains sur ses bras.

– Je ne vais pas te mentir, Nathan. Non, je ne crois pas.

Une larme solitaire coule sur sa joue, que je m’empresse d’essuyer.

– À partir de maintenant, c’est toi, moi et tata.

Je pose ensuite la main sur son cœur et termine :

– Et maman, juste ici. Elle sera toujours là et moi je serai toujours là pour toi. À jamais.

Il hoche la tête, se retenant de pleurer.

– Tu m’as compris ? Toi et moi, d’accord ?


– D’accord, acquiesce-t-il de sa petite voix chevrotante.

Je m’empresse de le prendre dans mes bras. À peine contre moi, il lâche tout ce qu’il a
en lui pendant que je maintiens mon étreinte serrée contre lui.
***

C’est ce jour-là que je découvrais les combats et je l’avoue, j’ai


commencé à combattre dans l’optique que si je revoyais mon père un jour,
je lui ferais regretter ce qu’il nous a fait. Finalement, les combats m’ont
plus permis de me vider la tête et d’apaiser un minimum ma colère.

Et en plus de ça, mon ex m’a trompé deux fois, la dernière fois


remontant à il y a deux mois alors qu’on terminait notre année de terminale.
Autant dire que le bal de promo a été hyper fun pour moi. Je ne sais pas
avec qui, j’ai juste vu des messages et une photo qu’on m’a envoyée
anonymement.

À quoi ça sert d’avoir une meuf si c’est pour se prendre encore plus la
tête que sans ? Je ne comprends pas ma copine. On est ensemble depuis
près de quatre ans, depuis notre rencontre quand j’ai redoublé ma troisième.
Enfin, elle m’a trompé une fois quelque temps après qu’on s’est mis en
couple pour la première fois à une soirée alors qu’elle était alcoolisée. J’ai
accepté de me remettre avec elle après qu’elle m’a harcelé de messages
d’excuses pendant une semaine. Puis, il faut dire que je faisais tout pour
oublier Joy qui ne répondait à aucune de mes lettres. J’étais en colère après
elle, je le suis toujours, mais à l’époque, j’avais besoin de me vider,
métaphoriquement et réellement, alors je n’ai pas hésité à reprendre Laura.
On est maintenant en fin de terminale, et j’ai l’impression qu’on est plus
potes qu’autre chose. Sauf pour baiser. Ah, ça, elle est là. On devait se voir
ce soir, mais elle a déjà plus de quatre heures de retard. Je saisis mon
téléphone et envoie un message dans notre conversation groupée avec mes
potes.

[Vous avez des nouvelles de Laura ?]


[Ah, vous n’êtes pas censés être ensemble ? Lace]

[Si, mais ça fait quatre heures que je


l’attends, là.]

[Sérieux ? Caleb]

[Fait chier, t’aurais pu venir camper avec nous,


du coup… Eddy]

[Tu sais déjà ce que je pense d’elle. Bonnie]

[Merci Bonnie pour ton soutien.


Bon, je vous tiens au courant.]

Je repose mon téléphone en soufflant. Je n’ai rien à faire pour m’occuper.


Je ne peux même pas aller voir Nathan, il dort déjà. Il a un match de foot
demain. Je prends donc mes crayons, m’empêche de dessiner la première
chose – ou personne – qui me vient en tête et me mets à dessiner l’endroit
où mes potes sont actuellement en train de camper.

Quand mon téléphone vibre, m’annonçant l’arrivée d’un message, je me


rends compte que ça fait plus d’une heure que j’esquisse le décor. Je
m’attends à ce que ça soit Laura, mais je suis plus que déçu quand je
découvre un numéro inconnu.
[Tu voudrais peut-être savoir ce que fait
ta meuf en ce moment.]

On m’a envoyé une photo en pièce jointe. Je fronce les sourcils, ne


comprenant rien, et l’ouvre sans trop savoir à quoi m’attendre, même si j’ai
un mauvais pressentiment. La photo est sombre. Je reconnais la décoration
d’une des boîtes connues de Los Angeles. Je vois un couple s’embrasser à
pleine bouche. Puis finalement, il s’avère que la fille n’est autre que ma
copine. Je ne reconnais pas le mec, puisqu’il est dos à la photo. Mais je
m’en fous, je n’ai pas besoin de plus. Laura me trompe. Encore. Quel con je
suis. Je ne suis même pas surpris. Je le disais, on avait plus l’impression
d’être potes qu’autre chose. Peut-être que je serai triste plus tard, là, j’ai
juste besoin d’arrêter tout ça. Je lui envoie un message en prenant soin
d’insérer la photo.

[C’est fini, Laura. Amuse-toi bien.]

Elle me répond tout de suite, mais je n’y fais pas attention. J’écris un
message à Fredo pour lui faire savoir que j’arrive, puis j’éteins mon
téléphone. Je ne me défoulerai qu’en me battant. Les meufs, c’est terminé.
Elles ne sont bonnes que pour une chose : me prendre pour un con et
m’abandonner. Comme tout le monde dans ma vie, quoi.

– Tu vas où ? me questionne ma tante alors que je tentais de sortir


discrètement.

Sur le coup, je me demande comment elle a pu voir puisqu’elle est dans


la cuisine. Et là, je me souviens des caméras. Il y a deux, trois ans, j’avais
l’habitude de fuguer, elle a alors installé ce système de surveillance.
– Je rejoins Eddy et Caleb, crié-je de l’entrée.
– Ne rentre pas trop tard. Tu as promis à Nathan d’assister à son match
de foot.

Je tourne le dos à la caméra et lève les yeux au ciel en enfilant mes


chaussures. Je n’oublie aucune promesse que je fais. JAMAIS. Et surtout
pas envers mon petit frère.

– Je sais ! Je serai là.


– Très bien, bonne soirée alors.

***

Quand j’arrive dans le bâtiment abandonné, il n’y a pas beaucoup de


monde. C’est généralement comme ça quand on prévient à la dernière
minute. Ça évite les mouvements de foule. Je n’ai jamais eu affaire aux
flics, et je n’en ai pas réellement envie. Je sors à peine de ma voiture que
Fredo me tombe dessus.

– T’es prêt ?
– Comme toujours, lancé-je en lui faisant une poignée de main. Je me
bats contre qui ce soir ?
– Un seul mec.
– C’est tout ?

Ce n’est pas avec un seul mec que je vais mettre au tapis en moins de
cinq minutes que ça va me défouler.

– Ouais, mais tu verrais la somme qu’il a pariée contre toi. Ça a l’air


d’être son premier combat, mais il est chaud.

Je ricane et sors mon sac de ma bagnole.


– Il ne le sera jamais assez pour moi. Je vais le réduire en miettes.
Combien ?
– Cinq briques.

Je hausse un sourcil. Cinq mille net, oui, en effet, il n’est pas là pour
rigoler. Personne ne voudrait perdre autant d’argent comme ça. Je ne
combats pas pour l’argent. Je me bats pour l’adrénaline. Mais je ne pense
pas que je vais faire des études sup’, alors il va falloir que je me fasse de la
thune.

– J’espère qu’il a tout sur lui, souris-je fièrement, et Fredo me frappe


l’épaule pour m’encourager.
– Je t’attends sur le ring.

Comme il n’y a pas beaucoup de public, on ne nous présente pas quand


on monte sur le ring. Je n’ai pas besoin de ça, perso. Je m’en fous que l’on
crie quand j’arrive. J’enlève mon tee-shirt, le tends à Fredo qui se trouve
dans le coin du ring et je me place au milieu en attendant mon adversaire. Il
arrive au bout de quelques secondes. Je retiens un rictus quand je le vois. Il
fait le dur, mais je vois à des années-lumière qu’il est nerveux. Il est musclé,
mais il est tendu. Tout le monde sait que combattre demande de la rapidité
et de la souplesse. Si je le pouvais, je me frotterais les mains. Il monte sur le
ring et me dévisage. Je lui tends mon poing, mais il ne prend pas la peine de
me saluer.

Oh, mec, tu cherches la mouise, là. Très bien, tu veux jouer à ça, on va
jouer.

L’arbitre siffle et on commence à se tourner autour. Il est si lent.

– Je vais te réduire en miettes et tu vas payer, s’écrie-t-il en lançant un


premier coup que j’évite facilement en ricanant.
– Mec, tu me fais autant peur qu’une mouche.

Il est tellement concentré dans ce qu’il veut répliquer qu’il ne voit pas le
coup que je lui administre dans l’abdomen. Il valdingue contre les cordes en
se tenant le ventre. Je m’arrête de sautiller et le regarde se relever. Il se
rapproche de moi en soufflant comme un bœuf. Être bodybuildé ne veut pas
dire avoir de l’endurance et ça se remarque tout de suite. Il me tourne
autour. Il essaye de m’intimider, mais ça me fait plus rire qu’autre chose.
S’il croit qu’il va gagner comme ça, il se trompe.

– Qui c’est qui t’a énervé comme ça ? Ta petite amie ? Elle est allée voir
ailleurs, ou peut-être qu’elle ne veut pas te tailler une pipe ?

Oh ! Il n’a pas dit son prénom, il ne la connaît pas, mais moi mon
cerveau assimile tout de suite ce qu’il vient de dire à Joy. Mon sang ne fait
qu’un tour.

– Ferme-la, grogné-je en lui lançant un coup dans la poitrine.


– Je la comprendrais et je suis chaud pour l’avoir dans mon lit.

Même moi, je ne vois pas mon coup partir, je le sens juste quand mon
poing entre en collision avec son visage et que mes phalanges me brûlent. Il
tombe sur le ring et je pose mon genou contre sa jugulaire.

– Parle encore une fois d’elle et je te massacre.

L’arbitre me repousse en arrière. Il compte les secondes où l’enfoiré ne


se relève pas et il a raison. Je ne me contrôlerai pas s’il continue. L’arbitre
se redresse et lève mon bras.

– Le vainqueur de ce soir.

Je me dirige vers Fredo qui me sourit grandement avant de m’enlacer et


de me frapper l’épaule.

– T’as géré, mec, je ne t’ai jamais vu aussi énervé. T’as l’argent dans
deux jours.
– Super, marmonné-je en enfilant à nouveau mon tee-shirt et en prenant
la direction de ma bagnole.

Alors que je quitte le bâtiment, cette victoire a un goût amer dans ma


bouche. Certes, je me suis défoulé et j’ai gagné un paquet de fric. Mais ça
n’enlève pas le fait que Joy est toujours dans ma tête à cause de cet enculé.
Si je m’écoutais, je la retrouverais et la ferais mienne sur-le-champ. Je sais
qu’il n’y a que comme ça que je me calmerai et que je pourrai la punir de ce
qu’elle me fait ressentir. Mais je ne peux pas, car ça voudrait dire perdre ce
pari. C’est elle qui doit venir dans mon lit, pas l’inverse.

1. Aux États-Unis, le lycée commence à partir de la troisième jusqu’à la


terminale.
17

Joy

– Tu ne veux pas venir avec nous ? questionne Lace quand elle, Bonnie
et Veronica s’apprêtent à entrer dans une boutique de lingerie.

Deux jours après m’être blessée à la cheville, je peux remarcher assez


convenablement. Et dès que les filles ont su que j’allais mieux, elles se sont
empressées de m’emmener faire les magasins avec elles. Ces deux derniers
jours, je n’ai eu aucune nouvelle de James. La dernière chose qu’il m’a dite,
c’est quand il m’a déposée sur mon lit dans ma chambre.

J’avoue qu’après ça, mon cœur battait tellement vite que je n’ai plus
ressenti la douleur à mon pied. Je ne sais pas à quoi je m’attendais. Sans
doute à ce qu’il prenne de mes nouvelles, étant donné que c’est plus ou
moins de sa faute si je me suis blessée, mais il n’en a rien fait et je ne sais
pas ce que je ressens.

– Non, je dois aller m’acheter un bouquin pour la fac. Envoyez-moi un


message si vous sortez avant moi ou sinon je vous rejoins.
– D’accord ! s’exclament les filles en entrant dans le magasin, et je
poursuis mon chemin jusqu’à la librairie.

Mais alors que j’allais ouvrir la porte de la boutique, je reconnais la


voiture de James garée sur le trottoir d’en face. Il est dans l’habitacle avec
le même mec du diner. Je me décale pour ne pas bloquer l’entrée aux gens
et les observe. Décidément, ils ont l’air de souvent se voir et ça n’a pas l’air
d’être de toute courtoisie. Il semblerait qu’ils ont une discussion animée et
je crois qu’elle ne plaît pas à James quand je vois qu’il serre les poings sur
le volant et sa mâchoire crispée. Il secoue vivement la tête en fusillant du
regard le mec, comme s’il n’appréciait pas ce qu’il lui dit. Ce dernier
soupire puis se baisse pour lever un sac polochon, un peu comme celui
qu’utilisent les braqueurs de banque. Manquerait plus que ça, tiens !

Oh, merde.

J’écarquille les yeux quand je vois le mec tendre trois grosses liasses de
billets à James. Dites-moi que je rêve ? Mais que fait James de son temps
libre à la fin ? Non, je ne peux pas croire qu’il deale ou braque. James
compte énormément pour moi, malgré nos retrouvailles compliquées. Je ne
peux pas croire qu’il puisse faire quelque chose comme ça. J’ai beaucoup
trop d’estime pour lui pour l’imaginer faire ça. Je sursaute et reviens à moi
quand une portière claque. Le mec vient de sortir de la voiture et son regard
se pose sur moi. Je ne sais pas s’il me reconnaît, mais si c’est le cas, il n’en
dit rien à James et part de son côté.

Je sais que je devrais partir, faire comme si je n’avais rien vu, mais je
suis comme paralysée. James compte les liasses de billets, les remet dans le
sac et s’apprête à démarrer. Soudain, comme s’il avait senti mon regard sur
lui, il lève la tête. Son regard s’ancre dans le mien, il plisse les yeux et je
crois qu’il n’est pas très enchanté. Je lui fais un petit signe de la main pour
faire semblant que je n’ai rien vu, que je ne faisais que passer, puis je fais
demi-tour et cours presque au magasin de lingerie pour retrouver les filles.
Tant pis pour mon livre, j’irai une prochaine fois.

– Joy ! s’exclame Veronica quand elle me voit arriver. Regarde ce que


j’ai trouvé pour toi.

Elle lève un soutien-gorge noir en dentelle avec des broderies en forme


de fleurs. Puis ses sourcils se froncent quand elle m’observe.

– Ça va ? T’es toute blanche.


– Oui, dis-je en saisissant le soutien-gorge. Je vais l’essayer.
– Euh… t’es sûre que tu vas bien ? dit-elle en courant après moi. Tu
n’aimes pas essayer d’habitude. Tu peux me parler, tu sais ? Et ton livre, il
est où ?
– Je vais bien, ne t’inquiète pas. Ils étaient en rupture de stock.

J’entre dans la cabine et tire le rideau pour lui faire comprendre de ne pas
insister. Je m’assois sur le petit tabouret pour reprendre mes esprits. Je
souffle de soulagement en ayant l’impression de pouvoir enfin respirer. Je
n’ai pas l’impression que James m’a suivie. Tant mieux, parce que
honnêtement je ne sais pas ce que je lui aurais dit. Veronica aussi m’a
laissée tranquille ; je crois qu'elle est repartie explorer le magasin.
Heureusement, car je pense que je craquerais rapidement si elle continue de
me questionner. J’observe le soutien-gorge qu’elle a choisi pour moi. Je ne
sais même pas comment elle connaît ma taille, même moi, j’ai du mal à la
savoir. Je regarde l’étiquette.

Un 85C. Ouais, ça devrait le faire.

Maintenant que je suis là, autant l’essayer. Je me lève, retire mon tee-
shirt, ma brassière et enfile le soutien-gorge. J’ai à peine le temps de
l’attacher que le rideau s’ouvre en grand. Je me retourne d’un bond en
posant les mains sur ma poitrine.

– C’est…

Ma voix meurt dans ma gorge quand James entre dans la cabine et


referme le rideau sur nous.

– … occupé, terminé-je en lui adressant un regard assassin. C’est quoi


ton problème ? Je suis à moitié nue !

Loin de s’excuser, il s’appuie contre la paroi de la cabine en croisant les


bras contre son torse.

– Je t’ai déjà vue en maillot de bain, lance-t-il sèchement.


– Ce n’est pas une raison. Qu’est-ce que tu fous là ? chuchoté-je pour ne
pas attirer l’attention sur nous.
– Je ne sais pas, à ton avis ?
Je fais semblant de ne rien comprendre, hausse les épaules et me
retourne pour m’observer dans le miroir.

– Je n’en sais rien, moi. Ce n’est pas moi qui entre dans une cabine
occupée.

Dans le miroir, je vois son regard descendre sur ma poitrine et je suis


bien plus que consciente qu’il peut légèrement entrapercevoir mes tétons à
travers la dentelle transparente. Ses yeux descendent ensuite sur mon ventre
et je m’en veux de le rentrer pour qu’il soit plat.

– Est-ce que tu peux sortir maintenant ? demandé-je, les joues rouges.

Toujours mutique, il se décolle du mur. Je pensais qu’il allait m’écouter,


mais je sursaute quand ses mains se posent sur mes hanches et qu’il me tire
contre lui. Le bas de mon dos bute contre son bassin et la rougeur descend
jusque dans mon cou quand je comprends qu’il apprécie la vue.

– James ? le questionné-je, la voix erratique.


– Hmm ?

Sa bouche s’appuie sur la peau de mon cou et je m’en veux de pencher


instinctivement encore plus la tête sur le côté.

– Qu’est-ce que tu fais ?

Ses lèvres remontent jusqu’à mes oreilles et je manque de crier quand il


mord mon lobe en me plaquant encore plus contre lui d’une main sur mon
ventre.

– Qu’as-tu vu, petite peste ?


– Rien. Rien du tout. Je passais juste, bégayé-je.

Je le sens sourire contre ma peau, sa main remonte jusqu’à ma poitrine,


et de son index, il trace un chemin entre mes deux seins.

– T’es sûre de toi ?


Je ferme les yeux pour m’empêcher de le regarder à travers le miroir et
de dire la vérité. Je ne sais pas mentir.

– Oui.
– Tu n’as jamais su mentir, fait-il remarquer comme s’il avait lu dans
mes pensées.

C’est vrai, je me souviens que déjà, plus jeune, je ne savais pas lui
mentir. Il en jouait, comme maintenant.

– Redis-le en me regardant dans les yeux.

Toute ma volonté s’envole quand son doigt dessine l’arrondi de mon


sein. Je me retourne et avoue :

– J’ai vu l’argent.

Il me lâche d’un coup, se recule, me donnant une sensation de fraîcheur


désagréable. S’il croit que je vais retirer le soutien-gorge devant lui, il se
trompe. Je renfile mon tee-shirt et enlève le sous-vêtement en le faisant
passer par une des manches. Tant pis pour celui que je portais, je le range
dans mon sac à main.

Je vois dans ses yeux que ça ne lui plaît pas que j’aie vu, mais pour
autant il ne dit rien et ne m’engueule pas, ce qui m’étonne, alors je me sens
pousser des ailes.

– C’est quoi cet argent ?

Il plisse les lèvres et assène d’un ton sec :

– Ça ne te regarde pas.

Puis il saisit le soutien-gorge et sort de la cabine. J’écarquille les yeux,


récupère mes affaires et cours tant bien que mal avec ma cheville qui se
remet juste pour le rattraper.

– James, qu’est-ce que tu fais ?


– À ton avis ?

Je mets un temps à saisir qu’il se dirige vers une caisse automatique.

– Non, non. Je ne veux pas de ton argent sale.

Je n’y crois pas une seule seconde, mais je veux le faire réagir pour qu’il
s’ouvre enfin à moi.

Il lève les yeux au ciel, sort sa carte de crédit et paye avant de me


plaquer le soutien-gorge contre la poitrine.

– Ce n’est pas de l’argent sale.


– Alors qu’est-ce que c’est ?
– Occupe-toi de tes affaires, petite peste.

Quand on sort du magasin, je vois les filles qui attendent devant. Il les a
sûrement prévenues, cet enfoiré. Je me retourne pour l’incendier, mais il
n’est déjà plus là. Je jure dans ma barbe et rejoins les filles.

– Merci beaucoup, les lâcheuses.


– Désolée, il m’a fait flipper quand il a débarqué devant les cabines, se
défend Veronica.

Bonnie passe son bras autour de mes épaules pour me serrer contre elle
en ébouriffant mes cheveux.

– On ne t’aurait pas laissée avec lui si on ne savait pas qu’il ne te ferait


rien.

Elle jette un regard à Lace qui acquiesce d’un signe de la tête avant de
me lancer un grand sourire.

– Ce que t’as essayé te plaît ?

J’ai l’impression qu’elle me demande ça pour distraire mon attention. Ça


me conforte encore plus dans l’idée qu’encore une fois, elles savent toutes
les deux de quoi il en retourne et qu’elles me cachent quelque chose par
rapport à James.

Alors qu’elles avancent devant nous vers une autre boutique, Veronica se
penche vers moi et me chuchote :

– Je ne savais pas que tu étais du genre à le faire dans une cabine.

Je la fusille du regard et elle éclate de rire.

– On n’a rien fait.


– Oh, allez, Joy, magasin de lingerie, toi et un mec dans une même
cabine. Pas besoin d’un dessin. J’espère que c’était bon, au moins.
– On n’a rien fait, insisté-je en ignorant la sensation d’encore sentir ses
doigts sur moi. Si tu veux tout savoir, il m’a menacée.
– Quoi ? s’exclame ma cousine en perdant d’un coup son sourire.
Pourquoi ? Merde, je ne t’aurais jamais laissée avec lui si j’avais su. Je
pensais que vous vous entendiez bien ces derniers temps.
– C’est le cas, mais j’ai vu quelque chose qui ne lui a pas plu.
– Quoi donc ?

J’observe ma cousine, hésitant à lui dire. Même si j’ai de plus en plus


confiance en elle, je ne sais pas si je peux lui en parler. Finalement, alors
que j’allais craquer, Lace nous appelle :

– Les filles, une glace, ça vous dit ?

Sauvée par le gong.

***

– Je ne connais pas ce mec, mais il me donne déjà mal à la tête, répond


avec lassitude Emilia après que je lui ai raconté tout ce qui s’est passé
dernièrement avec James.

Ça me fait sourire. Parce que même si elle a l’air dépitée, je sais que
jamais elle ne le critiquerait sans le connaître. Elle n’est pas du genre à
juger les gens et c’est ce que j’aime avec elle.

– Je ne sais vraiment plus quoi faire avec lui. Un jour, j’ai l’impression
qu’on est amis et l’autre, qu’il me déteste.
– Tu ne penses pas qu’il essaye de se protéger ? demande ma meilleure
amie après quelques instants de silence.
– Se protéger de quoi ? m’insurgé-je en haussant la voix. Je ne vais pas
lui faire de mal. C’est débile !

Je me rends compte que j’ai parlé sèchement et je m’en veux


directement.

– Pardon.
– Ce n’est rien, me rassure Emilia, et je sens un sourire dans sa voix. Je
pense que s’il était vraiment amoureux de toi à l’époque, peut-être qu’il a
peur de retomber amoureux de toi et que tu repartes encore.
– Mais on était des enfants !
– Je sais, mais peut-être que tu étais vraiment importante pour lui. Tu
m’as dit qu’il avait perdu sa mère, non ? Et que son père est parti ?
– Hmm, hmm…

Ma meilleure amie rigole, comme si elle savait quelque chose et qu’elle


se fout de moi, et je fronce les sourcils.

– Quoi ?
– Ton James a peur de l’abandon. C’est pour ça qu’il se protège.

J’écarquille les yeux au fur et à mesure qu’elle m’expose son idée et je


me frappe le front avec ma main libre.

– T’as bien choisi tes études de psycho, me marré-je. Mais par contre, ça
n’enlève rien au fait que lui et les autres me cachent quelque chose sur ce
qu’il fait de son temps libre.
– Mouais, fait ma meilleure amie, et j’entends la grimace qu’elle fait. Ça,
je n’ai aucune réponse. Mais tu ne penses quand même pas qu’il deale ?
Enfin, ça ne m’étonnerait pas à Los Angeles, mais quand même, c’est
bizarre. Surtout quand tu m’as raconté qu’il a pété un plomb quand le
copain de ta cousine s’est ramené avec un joint chez lui. Ce n’est pas une
réaction de dealer ça.

Je me laisse tomber en arrière sur mon lit en soufflant. J’ai réfléchi à tout
et je suis incapable de deviner ce qu’il fait pour gagner une aussi grosse
somme d’argent.

– Je te le dis, ce mec me fout la tête à l’envers.


– C’est l’amour, chantonne ma meilleure amie.
– Je ne suis pas amoureuse !
– Mais oui, c’est ça. Je suis persuadée que ton prochain appel sera « oh,
Emy, je suis dingue de lui ».
– Je vais raccrocher, la menacé-je, et elle éclate de rire avant que je
l’entende bouger.
– Je vais devoir y aller de toute façon, je dois aller chercher ma sœur à
son cours d’été.

On se salue et je raccroche. Je pose mon téléphone sur la table de nuit en


souriant, mais en étant triste aussi. Ça me fait toujours du bien de parler
avec ma meilleure amie, mais elle me manque terriblement.

Je m’apprête à éteindre la lumière pour dormir quand mon téléphone se


met à vibrer. Sur le coup, je pense que c’est Emilia qui me rappelle, mais je
suis surprise quand je découvre le nom de James sur mon écran. Mon cœur
s’emballe et une sensation de chaleur se diffuse dans ma poitrine quand
j’ouvre le message, les doigts tremblants.

[Je repense à toi dans ce soutien-gorge


et regarde ce que ça me fait.]
Il m’a envoyé une photo de son sexe en érection dans son caleçon blanc,
ce connard.

[T’es dégueulasse.]

[Je le serais si je t’avais laissée indifférente


dans cette cabine, mais on sait tous les deux que
ce n’était pas le cas… Tu étais super excitée.]

[N’importe quoi.]

[Arrête de le nier, petite peste, tes tétons


pointaient et je suis presque sûr que ta
culotte était trempée.]

[J’avais froid et, non, elle était aride comme


le Sahara. Tu ne me fais aucun effet, James.]

[Tes petits gémissements prouvaient le contraire.]

[Je ne gémissais pas ! Dans tes rêves.


Et je préférais le James d’avant.]
Je ne gémissais pas, hein ? Oh, mon Dieu, et si j’ai réellement gémi ?
Non, c’est impossible !

[C’est de toi que je vais rêver cette nuit et


crois-moi, le James d’avant n’avait pas que
des pensées pures. J’étais déjà plus vieux
que toi.]

[D’un an !]

[Un an quand on entre dans l’adolescence,


ça joue beaucoup.]

[Je ne réponds plus.]

[Bonne nuit, mon diable angélique.]

[C’est pourri. Bonne nuit, mon ange diabolique.]

[Je croyais que tu ne devais plus répondre ?]

Merde. Il m’a eue.


Je lui envoie un émoji doigt d’honneur et éteins mon téléphone, décidée
à ne plus penser à lui.
18

Joy

– Tu as une mine horrible, remarque ma tante en entrant dans ma


chambre avec un plateau-repas après avoir toqué.

Je grogne et me roule en boule dans mon lit dans lequel j’ai passé toute
ma matinée, dans l’incapacité de me lever. Elle pose le plateau contenant
mon déjeuner sur ma table de nuit et s’assoit à mes côtés. Sa main se pose
sur mon front.

– T’es un peu chaude. Tu as dû choper une insolation hier.

C’est ce que je pensais. J’ai commencé à avoir une migraine et des


nausées dans la nuit. J’ai ensuite eu très chaud et j’ai eu du mal à retrouver
mon lit avec ma tête qui tournait.

– Je viens de Floride, marmonné-je, et elle sourit.


– Ça n’empêche rien. Je t’ai préparé une salade de fruits. Tu devrais
essayer de prendre une douche froide.

J’acquiesce, elle se lève, ferme les rideaux pour me plonger dans le noir.

Repose-toi. Si tu as besoin de moi, je suis ici toute la journée.

Je lui lance un petit sourire reconnaissant puis elle quitte ma chambre.


J’avale difficilement la salade de fruits. La douche est encore plus
compliquée, mais j’y arrive. Je sais qu’il ne faut pas porter de vêtement
serré en cas d’insolation, donc je porte seulement un long tee-shirt et me
faufile de nouveau dans mon lit. La fatigue m’entraîne très vite dans les
bras de Morphée.

***

Je me réveille en sursaut, désorientée par l’obscurité de ma chambre.


Quelle heure est-il ? Je saisis mon téléphone pour regarder l’heure. Je n’ai
dormi qu’une heure. C’est là que je m’aperçois que j’ai des messages non
lus. C’est sans doute le dernier qui a fait vibrer mon téléphone qui m’a
réveillée. C’est James. Qu’est-ce qu’il me veut encore ?

[Salut mon diablotin angélique.]

Ça y est, nouveau surnom. Je lève les yeux au ciel et passe au prochain


parce qu’il m’en a envoyé pas mal.

[ ??]

Oui, eh bien je dormais. Pas la peine de s’exciter comme ça.

[T’as tellement envie de moi que tu m’ignores ?]


Je lève une seconde fois les yeux au ciel, mais je ne peux m’empêcher de
sourire comme une débile, ce qui m’énerve.

[Bon, je prends ça pour un oui. Ce soir, on va au Staples Center


voir les Lakers contre les Chicago Bulls avec Eddy.
Je passe te chercher à 19 heures chez toi,
et ne discute pas, petite peste.]

Mon énervement laisse place à la déception. Même si je ne suis pas très


sportive, j’ai toujours bien aimé le basket. Mon équipe favorite est les
Miami Heats bien évidemment, mais les Lakers arrivent vite en seconde
position et j’ai toujours voulu les voir. Ça me fait chier d’être clouée au lit.
Et je crois que ça me fait encore plus chier de rater cette soirée avec eux
deux. Pas parce qu’il y a James, aucunement.

[Je ne t’ignorais pas, je dormais, pas la peine


de me harceler. Et je ne peux pas, je suis malade.
Insolation.]

***

Plus tard, je vais beaucoup mieux, mais je préfère me coucher plus tôt et
je n’ai pas tellement faim. Alors que je me rallonge dans mon lit après avoir
enfilé mon pyjama, j’entends la sonnette retentir dans la maison. Je laisse
Veronica ouvrir, j’ai bien trop la flemme de ressortir de mon lit. Mais alors
que j’allais mettre les écouteurs dans mes oreilles, j’entends des pas lourds
dans le couloir, ainsi que des pas plus légers qui courent après.
– Elle est malade, James, elle dort, chuchote Veronica.

Merde. Il ne m’a pas écoutée, ce con. Je panique parce que je ne suis pas
présentable. J’espère que Veronica va réussir à le dissuader de rentrer dans
ma chambre, alors que je me fais la plus silencieuse possible.

– Sérieux, Veronica, laisse-moi passer. Je veux voir si elle va bien.

Je devine qu’elle s’est mise devant la porte. Je l’entends rapidement


couiner comme si on l’avait poussée, puis la porte s’ouvre sur James.
J’espère qu’il croira que je dors et qu’il repartira. Mais je déchante vite
quand le matelas s’affaisse à mes côtés et que je devine qu’il s’est assis au
bord du lit. J’entends les pas de Veronica redescendre et je la maudis de ne
pas l’avoir viré d’ici. Je sais que je devrais ouvrir les yeux, mais j’ai envie
de savoir ce qu’il va faire. Il se penche et je vois à travers mes paupières
qu’il allume ma lampe de chevet. Soudain, ses doigts repoussent mes
cheveux sur mes tempes et je frissonne sous son toucher. Il n’a pas l’air de
partir alors j’ouvre les yeux et fais semblant d’être surprise de le voir là.

– James ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Il sourit malicieusement et alors qu’il était doux dans son geste, il


m’ébouriffe maintenant les cheveux.

– Tu es vraiment malade ou tu faisais semblant pour ne pas me voir ?


– J’étais vraiment malade, je n’ai pas menti. Mais ça va déjà beaucoup
mieux maintenant.
– Tant mieux. Tu te sens d’attaque pour venir au match ?
– Je pense que oui… Tu tiens vraiment à ce que je vienne ?

Son regard quitte le mien et il regarde ses pieds en haussant les épaules.

– Ouais. Et Nathan voulait te revoir.

Je soupire et repousse la couette, dévoilant mes jambes nues sous mon


long tee-shirt, ce qui attire son regard. Il me mate ouvertement et je le
frappe à l’épaule.
– Je viens si t’arrêtes de me mater.

Quand je reviens dans ma chambre après m’être changée, je le trouve


allongé de tout son long sur mon lit, le même livre que la dernière fois en
main. Malgré moi, mes yeux l’observent. Son tee-shirt blanc est relevé à
cause de son bras posé au-dessus de sa tête, révélant le fameux V qui fait
vibrer les meufs. Bon, je ne peux pas dire que ça ne me fait rien. Je suis
vraiment une hypocrite. Je lui dis d’arrêter de me mater, mais je le fais dès
que je peux. J’ai envie de me gifler. Je laisse tomber mon sac à main sur le
lit et il relève les yeux vers moi.

– Ça va, je ne te dérange pas trop ?

C’est là que je remarque qu’il s’est installé à ma place et je sais déjà que
mon oreiller sera imprégné de son odeur et que je ne vais pas dormir de la
nuit. Super. Il me lance un clin d’œil.

– Nope, je suis bien là.

D’un geste, il pointe mes jambes maintenant habillées d’un jean.

– Je te préférais sans.

Je lève les yeux au ciel et lui lance le premier truc que je trouve, c’est-à-
dire la télécommande de ma télé. Il l’évite en éclatant de rire et ça
m’exaspère encore plus.

– Bon, on y va, ou quoi ? demandé-je d’un ton désespéré et en enfilant


mon sac sur mon épaule.

Il se lève enfin de mon lit. Pas trop tôt !

– Où est Nathan ? demandé-je quand on arrive près de sa voiture garée


devant chez moi.
– Il est déjà avec Eddy, m’informe James.
Je suis si surprise quand il m’ouvre la portière que je reste plantée là. Il
lève les yeux au ciel puis me pousse à entrer dans la voiture.

– Ne fais pas ta peste, monte dans cette voiture.


– Quel gentleman, me marré-je.

Il referme la porte sur moi et fait le tour pour s’installer côté conducteur.

***

– Eddy et Nathan sont déjà installés dans le stade, me dit James quand on
entre dans le hall.

Il y a beaucoup de monde. Je suis tellement fascinée par l’immensité du


lieu que je ne regarde pas beaucoup devant moi. Ce qui est aussi le cas d’un
inconnu qui me rentre dedans par-derrière alors que la file d’attente pour
vérifier les billets s’est arrêtée. Je tombe en avant en lâchant un petit cri,
mais une main que je connais par cœur maintenant attrape mon bras et me
retient.

– Tu ne peux pas faire gaffe, putain, jure James.

Si au début je crois qu’il s’adresse à moi, je découvre en me redressant


qu’il fusille du regard le mec qui vient de me bousculer. Ce dernier
écarquille les yeux.

– James, l’ange de Bel-Air ? Merde, je suis désolé, je lisais un message


important.

Je lisse mon tee-shirt et observe les garçons en fronçant les sourcils en


me rappelant le nom Instagram de James.

– Ouais, eh bien fais gaffe la prochaine fois, assène mon ami, puis il
passe son bras autour de mes épaules et me colle contre son flanc.
Le mec se confond en excuses avant de s’éloigner sous mon regard
effaré. Je fixe le profil de James en attendant qu’il m’accorde enfin son
attention, ce qu’il ne fait pas. Il semble contrarié.

– L’ange de Bel-Air ? le questionné-je prudemment, et il serre la


mâchoire, me faisant comprendre qu’il n’est pas heureux que je demande.
Je croyais que c’était seulement ton pseudo Instagram.
– C’est mon pseudo Insta, confirme-t-il en me lançant un regard en coin.
– Alors pourquoi il semblait avoir peur de toi ?

James éclate de rire, mais je sais que c’est un rire faux.

– N’importe quoi, tu as rêvé.

Comme la file d’attente n’avance pas, je le force à me lâcher et je me


plante devant lui pour le forcer à me regarder.

– Je sais ce que j’ai vu et je sais que tu me caches des choses.

Il ne me quitte pas du regard pendant plusieurs secondes puis il secoue la


tête et regarde au-dessus de ma tête.

– Je ne te cache rien.

Je rigole amèrement en me retournant. Pile au même moment, la file se


remet en marche et j’avance, l’ignorant.

– Joy… soupire-t-il dans mon dos.

J’attends qu’il montre nos billets au guichet et entre dans le stade sans
l’attendre. Il me rattrape vite en saisissant mon poignet dans sa main pour
me retourner face à lui.

– Attends, ne le prends pas comme ça !


– Tu veux que je le prenne comment ? m’exclamé-je en levant les mains
au ciel. Vous me cachez tous quelque chose à propos de toi. Crois-moi, je
vais faire en sorte de le découvrir, que ça te plaise ou non.
Je me retourne, je repère Eddy et Nathan dans les gradins alors je
m’avance sans l’attendre. Je l’entends soupirer dans mon dos, mais il
n’essaye plus de me parler. Malheureusement, quand j’arrive près des
garçons, il est obligé de s’asseoir à côté de moi. Je me retrouve entre lui et
Eddy. Mais je l’ignore toujours et me tourne vers mon ami. Je remarque
qu’il ne porte pas un tee-shirt des Lakers, mais un de l’équipe adverse.

– Tu n’es pas pour les Lakers ?

Eddy écarquille les yeux, comme si je venais de l’insulter.

– Tu déconnes ? s’écrie-t-il. Je viens de Chicago. Mon père a été muté en


Californie au début du lycée, pour être muté à nouveau. Ma famille est
repartie chez nous, pendant que je reste ici pour mes études. Vous allez vous
ramasser.
– Ouais, c’est ça, marmonné-je en soufflant sur une de mes mèches et en
croisant les bras contre ma poitrine. Je te renie pour la soirée.

Mais malgré moi, je ne peux l’ignorer et je lui lance un regard en coin. Il


tire une moue triste et prend une petite voix d’enfant en me prenant dans ses
bras pour me secouer comme un prunier.

– Oh, mais non ! Ne me renie pas, je ne t’ai rien fait. Je t’en supplie, ma
meilleure amie d’amour.

Je le repousse en éclatant de rire et lui pince les joues.

– Je rigolais, mon petit, je t’aime trop pour ça.

Il frappe mes mains puis se recule avec un sourire suffisant.

– Je le savais que tu ne peux pas te passer de moi.


– Bon, c’est fini vous deux ? questionne hargneusement James, et je me
retourne vers lui.

Il est sur son téléphone et ne me rend pas mon regard.


– Jaloux ? Tu veux peut-être que je te pince aussi les joues.

Je m’approche de son visage, mais il se recule juste à temps, passe son


bras autour de mes épaules et m’attire contre son torse pour m’ébouriffer les
cheveux, me faisant éclater de rire.

Pourquoi je n’arrive pas à rester en colère contre lui plus de cinq


minutes ?

– J’arrête si tu t’excuses.
– Je m’excuse si tu me prêtes ta veste des Lakers.

Je ne pensais pas qu’il marcherait, mais il me laisse me redresser et se


lève pour retirer sa veste avant de me la tendre.

– Je rigolais.
– Pas moi, déclare-t-il en attendant que je passe les bras dans les
manches.

Ce que je fais, en ignorant son regard insistant. Il la dépose correctement


sur moi et arrange le col pendant que je regarde mes chaussures, gênée. Une
fois fini, il se recule.

Je tends les bras qui ont disparu dans la veste bien trop grande pour mon
corps, mais je me sens à l’aise dedans, comme si c’était un plaid bien chaud
et tout doux en hiver. Son odeur me monte au nez et je me surprends à
inspirer doucement.

La salle commence à se remplir peu à peu et quand je regarde autour de


moi, je vois un marchand de hot dogs. Mon ventre qui n’a rien avalé de
toute la journée me rappelle subitement à l’ordre. Je saisis mon sac pour
chercher mon portefeuille, mais James pose sa main sur la mienne. Je lève
un regard interrogateur vers lui.

– Laisse, je m’en occupe.


– Tu ne peux pas encore payer quelque chose pour moi.
– Empêche-moi !
D’un clin d’œil, il se défait de mon emprise et monte les marches
jusqu’au marchand.

– Il est aux petits soins avec toi. C’est tellement mignon de le voir
comme ça ! Je peux te dire que c’est la première fois qu’il agit ainsi,
observe Eddy avec un grand sourire.
– Je suis sûre que ce n’est pas la première fois, il devait faire la même
chose avec Laura.
– Pas du tout, s’écrie Nathan. Elle l’énervait plus qu’autre chose.

Ah… Merci Nathan.

James revient avec quatre hot dogs et des boissons dans les mains. Il en
donne à Eddy et Nathan, puis il me tend le mien avec une bouteille d’eau.
Alors que les leurs sont à la moutarde, le mien est au ketchup. Je me
demande comment il a pu savoir mes goûts. Et finalement, je me souviens
du repas du quatre juillet, quand je l’avais aguiché en attrapant le
condiment. Il est bien plus observateur et a une mémoire plus efficace que
je ne le pensais.

***

Les Chicago Bulls nous mènent de deux points les deux premières
parties jusqu’à la mi-temps. Eddy ne peut s’empêcher de nous chambrer et
de se foutre des têtes que nous tirons avec James et Nathan.

– Que disais-tu tout à l’heure, Joy ? Que vous alliez nous déchirer ?
– La ferme. Nous ne sommes pas nuls non plus.

Mais alors que je ne pensais pas forcément être drôle, il éclate de rire. Je
lève la tête et le regarde fixer l’écran au-dessus de nos têtes. Mon cœur rate
un battement quand je comprends ce qui se passe. La kiss cam. Elle est
braquée sur James et moi. Je tourne doucement ma tête vers lui et il
m’observe déjà avec un sourire en coin.

– Tu ne vas pas oser me foutre un vent devant tout le monde, n’est-ce


pas ?
– Tu le mériterais, dis-je tout bas.

Mais il saisit ma joue dans sa main et plaque ses lèvres contre les
miennes sous les cris et les applaudissements du public. Et j’entends même
un son d’appareil photo dans mon dos. Je vais tuer Eddy. La langue de
James essaye de passer la barrière de mes lèvres, mais je me recule, les
joues rouges, et baisse la tête, gênée de ce baiser en public.

– Pas un mot, menacé-je les garçons, et ils éclatent tous de rire pendant
qu’un autre couple passe à la kiss cam.

Quelle était la probabilité que ça tombe sur nous ? Dépitée, je m’appuie


contre le dossier de mon siège. Mon regard louche sur le téléphone d’Eddy
et je vois qu’il est en train d’envoyer la photo dans la conversation de
groupe de la bande. Il sent mon regard sur lui et tourne la tête vers moi.

– Tu la veux peut-être pour la mettre en fond d’écran.


– Jamais de la vie, m’écrié-je, horrifiée.
– Moi, je la veux bien, rigole James avant de me pousser l’épaule avec
son bras. Allez, ça ne voulait rien dire du tout. C’était pour la caméra.

Il n’est pas sérieux ? Ça ne voulait rien dire pour lui ?

Je le regarde à travers mes sourcils. Je ne sais pas quoi lui dire et, par
chance, les joueurs reviennent sur le terrain. Je reporte mon attention sur
Eddy.

– Si on gagne, tu supprimes la photo.

***
Il ne reste plus longtemps avant la fin de la quatrième période, donc la
fin du match. Les Lakers sont toujours menés de deux points par les Heats.

Mais un joueur placé en arrière a la balle dans ses mains, il est prêt à tirer
un panier qui vaut trois points. S’il le marque, on gagne ce match.

J’ai les mains croisées sur mes genoux, en total stress. James et Nathan
sont dans le même état que moi.

Le joueur prend ses appuis et tire. J’ai l’impression de voir le ballon


voler au ralenti pour enfin atterrir dans le panier. Il tourne autour deux fois
et rentre ! Il l’a mis ! On a gagné le match !

– Oh, non ! Ce n’est pas vrai, il n’a pas fait ça ! Fait chier ! rumine Eddy
à côté de moi.
– Ne jamais parler trop vite ! le nargué-je en riant, et je tapote son bras
pour le réconforter.
– Mec, tu me dois cinquante dollars, s’exclame James à mes côtés avant
de tendre sa main devant moi vers Eddy.
– Sérieux ? Vous avez parié ? demandé-je, incrédule.

Les mecs ne changeront jamais. Le sport et l’argent, ça va ensemble pour


eux.

Alors que l’on repart en voiture chacun de son côté, Nathan met ses
écouteurs dans ses oreilles, ce qui nous laisse dans le silence, James et moi.
Je sens son regard sur moi plusieurs fois. Je n’ose pas le regarder depuis
qu’il m’a dit que le baiser ne voulait rien dire. Je ne sais pas pourquoi ça me
rend triste.

Il se racle la gorge et je lui lance un regard en coin. Il se frotte la


mâchoire comme s’il était nerveux, puis son regard attrape le mien.

– Je ne savais pas que tu aimais le basket.


– Tu ne connais pas beaucoup de choses de moi. J’ai changé depuis
l’enfance, et toi aussi.
– C’est vrai, acquiesce-t-il en se pinçant les lèvres.

Il reste muet quelques instants, puis il me surprend en posant sa main sur


mon genou et en me demandant :

– Tu veux sortir un soir avec moi ?

J’en rigolerais presque. Mais quand je rencontre à nouveau son regard, il


est tout à fait sérieux. Je regarde dans le rétroviseur, mais Nathan est
toujours dans son monde alors je reporte mon attention sur lui.

– Pourquoi ?

Il lâche un rire jaune.

– Je pensais que tu dirais oui tout de suite.


– Je ne sais pas, James, avoué-je. Tu ne jures que par le fait que tu me
veux dans ton lit et là, tu me proposes un rendez-vous ? Parce que c’est bien
un rendez-vous, n’est-ce pas ?

Il hoche la tête et hausse les épaules.

– Tu as raison en disant qu’on ne se connaît plus et je voulais remédier à


ça parce que t’es une amie. Mais si tu ne veux pas…
– D’accord.

Il sursaute et tourne rapidement la tête vers moi avant de se concentrer


de nouveau sur la route.

– C’est vrai ?

J’acquiesce d’un signe de la tête et j’ai l’impression de le voir rougir, ce


qui me fait sourire jusqu’à ce qu’il se gare devant chez moi. J’ai
l’impression que c’est trop beau pour être vrai, mais ça reste une chance à
saisir. S’il est prêt à faire des efforts, alors moi aussi. Puis, prétendre qu’il
ne m’intéresse pas serait mentir. J’espère juste que je ne le regretterai pas,
mais si notre « relation » évolue dans le même sens que cette soirée, je ne
refuse pas.

Je récupère mon sac et me tourne vers lui, ne sachant pas comment le


saluer, mais il me surprend en posant ses lèvres sur ma joue.

– Samedi soir, du coup ? me demande-t-il en se reculant, et je hoche la


tête.
– Parfait.

Je salue rapidement Nathan, qui ne me remarque pas. Il a toujours ses


écouteurs dans les oreilles. Je sors de la voiture, mais alors que j’allais
refermer la portière, James m’appelle. Je me retourne et le questionne du
regard.

– Le baiser pendant le match ne voulait pas rien dire pour moi. Je pensais
que c’était ce que tu voulais entendre.
19

Joy

– Joy ?

Veronica se faufile dans mon dressing pendant que je me prépare pour


aller dîner avec Eddy. Je ne sais toujours pas de quoi il veut me parler à
propos de James, mais il y a tenu. Et puis je l’aime beaucoup ce mec, alors
ça me fait plaisir. Je relève la tête et observe Veronica qui ferme la porte de
mon dressing à clé. Je la questionne du regard :

– Qu’est-ce que tu fais ?


– Tu voulais savoir ce que James te cache, n’est-ce pas ?
– Oui ? dis-je d’un ton traînant en m’asseyant.

Je ne sais pas pourquoi, je sens que je ne vais pas forcément aimer ce


qu’elle va m’annoncer.

Veronica se pince les lèvres et me tend son petit doigt.

– Tu promets de ne pas dire que je te l’ai dit, hein ?

Je hoche la tête en serrant son petit doigt avec le mien puis elle me tend
un Post-it plié. Je l’ouvre et découvre une adresse.

– Qu’est-ce que c’est ?


– James fait des combats clandestins.

Mes yeux s’écarquillent et un frisson désagréable me parcourt l’échine.


– Tu te fous de moi ? demandé-je avec espoir, même si c’est toujours
mieux que les deals et braquages auxquels j’ai pensé la dernière fois.
– Non. Il est doué ! tente de me rassurer Veronica, mais ça me fait tout
l’effet inverse et je ris sèchement.
– C’est sûr que c’est super cool de se faire tabasser.
– Personne ne le bat.
– Mais j’ai déjà vu ses bleus ! m’écrié-je en me relevant.

Je passe les mains dans mes cheveux en m’étirant puis je regarde à


nouveau ma cousine.

– C’est l’adresse du combat de ce soir ?

Ma cousine me lance maintenant des regards désolés et elle hoche


doucement la tête.

Je frémis en l’imaginant se prendre des coups. Ma cousine m’a dit qu’il


était doué, mais ça n’empêche pas le fait qu’il puisse se faire battre et j’ai
déjà vu les hématomes sur son corps ! Non, je ne peux pas le laisser faire.
Je ne peux pas rester stoïque alors que le mec que…

Que quoi, Joy ?

Je rougis instantanément et tourne le dos à Veronica pour ne pas qu’elle


voie l’état dans lequel je suis. Je crois que la soirée d’hier m’a retourné le
cerveau. James a été une tout autre personne pendant le match. Il ne m’a
pas cherchée, ne m’a pas fait de remarques sexuelles et n’a pas essayé de
me pousser à bout. Au contraire, il a été attentionné, il rigolait et il a été
adorable. J’ai eu l’impression de retrouver le James que je connaissais à
l’époque. J’en ai marre de me poser des questions. Je suis là pour profiter
avant la rentrée et tant pis si je commence à m’attacher à lui. Il n’est pas le
pire des mecs à qui s’attacher, même s’il y a encore beaucoup de zones
d’ombre à éclaircir pour que j’aie une confiance totale en lui.

– Tu vas y aller ? revient à la charge ma cousine, et je hausse les épaules.


– Non, je vais dîner avec Eddy…
Je m’arrête quand je réalise pourquoi il l’a fait.

– Oh, le con ! m’exclamé-je en rejetant les habits que je tenais en main.


– Il t’a invitée pour ne pas que tu découvres ce que fait James, devine ma
cousine.

J’acquiesce d’un signe de la tête avant de saisir mon téléphone.

– Qu’est-ce que tu fais ? s’inquiète ma cousine.


– J’annule.
– Non ! s’exclame-t-elle en retirant mon téléphone de mes mains en
écarquillant les yeux. C’est une occasion en or. Il sait forcément où se
déroule le combat. Force-le à t’emmener en lui disant que tu sais.

J’observe ma cousine. Elle n’a pas tort, c’est une bonne idée. Mais j’ai
peur de me les mettre à dos et, surtout, je ne sais pas si je suis prête à voir
James combattre. Imaginons, le soir où j’y vais et que je le prends en traître,
que je le déconcentre et qu’on le blesse plus que d’habitude ? Je ne pourrais
jamais vivre avec ça sur la conscience. Ma cousine a l’air de comprendre ce
qui se passe dans ma tête. Elle saisit mes mains qu’elle presse entre les
siennes.

– Je t’assure que James est doué. Il laisse souvent les autres attaquer en
premier, ce qui lui vaut certaines blessures, mais il gagne tout le temps.
– Je ne sais pas si c’est censé me rassurer ou pas.

Ma cousine me lance un petit sourire réconfortant.

– Vu comment évolue votre relation, il devra forcément te mettre au


courant un jour ou l’autre. Alors que tu l’apprennes ce soir ou plus tard, ça
ne changera rien.
– Hmm…
– Allez, Joy, me pousse-t-elle de l’épaule. Montre-lui la jeune femme
forte que tu es !
– Je ne sais pas si je suis assez forte pour le regarder se prendre des
coups.
Veronica se recule et me lance un regard appuyé.

– Tu es amoureuse, n’est-ce pas ?


– Non ! m’écrié-je en rougissant. Il est mon ami, il l’a toujours été et je
tiens à lui. C’est tout.
– D’accord, me sourit Veronica, même si je devine qu’elle ne me croit
pas vu comment elle lève les yeux au ciel après.

Je ne me crois pas non plus. Veronica sort de mon dressing en


m’adressant un clin d’œil et je retire mon jogging pour enfiler ma tenue.
J’opte pour un jean skinny bleu délavé avec une chemise blanche, légère, à
manches longues. Je comptais enfiler des sandales beiges, mais je préfère
mettre mes Converse parce que je ne sais pas où se déroule le combat. Alors
que je sors de ma chambre, je tombe sur Cat’ qui s’apprêtait à toquer contre
ma porte.

– Oh, tu es là, super. Ton copain t’attend en bas !


– Mon copain ? répété-je en fronçant les sourcils.
– Eddy, non ? C’est l’ami de James, c’est ça ? Je croyais que vous sortiez
ensemble ? termine-t-elle en chuchotant.

Je veux la couper, mais elle continue.

– Je sais que James ne se comporte pas comme avant avec toi, Joy. Mais
tu dois faire un choix.

J’explose de rire et elle recule, surprise, en me questionnant du regard.

– Eddy est un ami, je ne sors pas avec lui. Et je ne sors pas non plus avec
James.
– Oh… dit-elle en laissant échapper un rire. Excuse-moi.

Je pose une main rassurante sur son bras et lui adresse un grand sourire.

– Ce n’est pas grave.


– En tout cas, Eddy est très mignon ce soir. Et tu es tout aussi
magnifique.
– Merci, lancé-je en rougissant, puis je descends les escaliers avec elle
sur mes talons.

Je n’en doute pas pour Eddy. Je ne peux pas nier qu’il a son charme. Il
faudrait que je le présente à Emilia parce qu’il est tout à fait son type et je
suis sûre qu’il aimerait beaucoup mon amie. De toute façon, ils sont tous
magnifiques dans cette bande. Oui, même James.

Arrivée au rez-de-chaussée, je découvre Eddy, les mains dans les poches


de son jean noir, qui m’attend dans le hall. C’est vrai qu’il est vraiment
beau ce soir avec son blazer noir au-dessus d’un tee-shirt blanc. Pour finir,
il porte des boots de combat noires et je ne peux m’empêcher de me
demander s’il s’est habillé ainsi pour aller voir James après.

– Voilà la plus belle ! s’exclame-t-il quand il me voit.

Je rigole et m’approche de lui. Une fois à sa hauteur, il me prend dans


ses bras.

– Tu sais, on doit parler de James. On est entre nous ce soir. Promis, il ne


sera pas dans nos pattes !

Bien entendu puisque tout ça a pour but de m’empêcher de découvrir où


il est réellement. Je décide de ne pas en parler maintenant et lui sers un
grand sourire en le poussant dehors.

– Emmène-moi manger, homme.


– Bien, femme, rigole-t-il, et il m’ouvre la portière de sa voiture en
faisant une révérence.

***
Eddy nous emmène à l’entrée de Beverly Hills et arrête la voiture devant
un pub. Je me demande si James combat proche d’ici. Je ne me suis pas
attardée sur l’adresse que m’a donnée Veronica, mais je suppose que c’est le
cas. Nous entrons dans la salle pleine à craquer. Eddy passe un bras autour
de mes épaules pour me tirer contre lui. Un serveur vient nous accoster et il
tape son poing contre celui d’Eddy avant de m’adresser un signe de la tête.

– Salut Ed’. Toujours pareil ?


– oui, merci Marc, valide mon ami.
– Suivez-moi.

Eddy m’entraîne après lui et nous suivons le serveur jusqu’à un box dans
le fond de la pièce. Le serveur tire la chaise pour moi, je le remercie puis il
nous donne les menus. Nous commandons tous les deux un steak frites. Nos
commandes prises, Marc repart et je regarde autour de moi. C’est un pub,
c’est assez bruyant, néanmoins on s’y sent à l’aise.

– C’est sympa ici. Tu connais cet endroit depuis longtemps ?


– Plusieurs années, ouais. C’est James qui me l’a fait découvrir.

Oh. On y est, je crois. Est-ce que je lui en parle tout de suite ou est-ce
que j’attends encore ?

C’est donc ici qu’il emmenait ses conquêtes ? Est-ce qu’il a emmené
Laura ? Est-ce qu’il m’y aurait emmenée si j’avais vécu à Los Angeles et
qu’on ne s’était jamais séparés ? Ou même si j’étais revenue ? Je ne veux
pas penser à ça alors je lance un clin d’œil à Eddy.

– Je parie que c’est ici que tu emmènes tes conquêtes en rendez-vous ?

Mon ami s’esclaffe et hausse les épaules.

– Tu ne peux pas m’en vouloir, c’est un super endroit pour conclure.

Je m’étouffe avec mon eau quand certaines images surgissent dans mon
esprit. Je lui fais les gros yeux en l’arrêtant d’un signe de la main.
– Je ne veux rien savoir de ta vie sexuelle, Eddy, mais vraiment pas. Si tu
veux que j’aie encore de l’appétit, garde ça pour toi.

Il explose de rire et se penche vers moi.

– Oh, allez, une meilleure amie voudrait tout savoir de son meilleur ami,
non ?
– On est déjà passés à ce stade ? le nargué-je sournoisement, et il hausse
un sourcil.
– T’es bien une petite peste, James a raison.

J’éclate de rire et lui tire la langue.

– Qui aime bien, châtie bien, meilleur ami.

Il allait parler, mais on est coupés par Marc qui nous apporte nos plats.
On commence à manger et je sens qu’Eddy brûle d’envie de me demander
quelque chose.

– Accouche.
– Est-ce que tu comptes retourner en Floride ?

Je pose mes couverts et m’essuie la bouche avec ma serviette.

– Pourquoi tu me demandes ça ?
– Parce que je ne sais pas dans quel état sera James si tu repars et ne
reviens pas à nouveau.
– Wow, ricané-je sèchement, et je vois qu’il regrette ce qu’il vient de me
dire.
– Joy…
– C’était donc pour ça ce dîner ? Pour t’assurer que je ne comptais pas
briser le cœur de ton pote ?
– Ce n’est pas…

Je le coupe à nouveau :
– Je n’ai même pas à me justifier, pourtant je vais le faire. Je ne savais
pas que je n’allais pas revenir et je ne pensais pas qu’il était aussi attaché à
moi. On était des enfants.
– Et les lettres auxquelles tu n’as jamais répondu ?
– Quoi ? Quelles lettres ?
– Ben les lettres qu’il t’a envoyées pendant des mois… Enfin, c’est pas
mes oignons, vois ça avec lui.

Je ne comprends pas ce qu’Eddy vient de me dire. Je n’ai jamais reçu de


lettres. Mais il va falloir que j’éclaircisse ça avec James.

Je vois qu’Eddy n’aime pas cette situation entre nous, mais trop tard, je
suis lancée.

– Et tu sais quoi ? craché-je. Non, je ne compte pas repartir parce que je


compte faire mes études ici. Mais je suis presque persuadée que celle qui
risque le plus de se faire briser le cœur ici, c’est moi. Il est où, là ?
– Quoi ? s’étonne Eddy. James ? Chez lui…
– Arrête. Je sais tout.

Eddy blêmit et passe ses mains dans ses cheveux.

– Tu sais tout ?
– Je sais tout pour les combats. Et je sais qu’il combat ce soir. Ce dîner
en plus de t’assurer de mes intentions, c’était pour m’empêcher de le
découvrir ?

Eddy passe une main sur son visage, me fixe, mais ne dit rien jusqu’à
baisser le regard sur son assiette. Son silence me dit tout ce que j’ai besoin
de savoir. J’avais raison.

– Emmène-moi.
– Quoi ? me questionne-t-il en relevant la tête d’un coup.
– Emmène-moi au combat.
– Joy, je ne sais pas si c’est une bonne idée.
– Non, clairement pas, ricané-je. Participer à des combats est une
mauvaise idée à la base. Maintenant, soit tu m’emmènes, soit j’y vais par
moi-même. Dans tous les cas, j’y vais.

Eddy soupire puis acquiesce difficilement.

– Très bien. Termine de manger et je t’emmène.

Je vois sur son visage qu’il regrette instantanément. Ce n’est pas mon
cas, même si j’ai peur de découvrir ce qui s’y passe réellement, à ces
combats.

***

Quelques minutes plus tard, Eddy se gare devant un bâtiment désaffecté.


Une ancienne boîte de nuit, si j’en crois la pancarte qui reste.

– Ouais, j’aurais dû m’en douter que c’était dans un lieu abandonné,


marmonné-je, désespérée.
– Ça change à chaque combat pour éviter les flics et le lieu est donné
seulement quelques heure à l’avance, m’informe Eddy.

J’acquiesce en silence, bien trop énervée encore après lui pour lui
répondre, et je sors de la voiture.

Il me rejoint et nous entrons dans le bâtiment. Il ouvre la porte du fond


qui donne sur des escaliers. Je descends après lui et il ouvre une seconde
porte. Je suis immédiatement surprise par la musique qui me prend de toute
part et les cris du public. Eddy me fait passer devant lui, me guide à travers
la foule tout en me protégeant des gens surexcités.

Nous arrivons devant le ring, qui me donne des sueurs froides rien qu’en
le voyant.

– Ed’ ! s’exclame une voix masculine.


Je relève la tête et découvre un homme sans doute dans la trentaine,
tatoué de la tête aux pieds.

– Salut Fredo, s’exclame mon ami en lui tendant la main tout en me


tenant toujours de son bras autour de mes épaules.
– Je croyais que tu ne venais pas ce soir. Que tu…

Il se tait, m’observe de la tête aux pieds puis il se met à rigoler


doucement en secouant la tête.

– C’est elle sa copine ?

Je recule la tête et me cogne contre le torse d’Eddy.

– Oui, confirme ce dernier. Elle m’a forcé à l’emmener.


– Il va péter un câble, soupire ce Fredo.
– Eh, je suis là ! m’écrié-je en agitant les mains entre eux deux. Vous
m’expliquez ? Copine de qui ?
– Eh bien de James, répond avec hésitation le mec.

Je fronce les sourcils, surprise, puis j’éclate de rire et le mec interroge du


regard Eddy.

– C’est comme ça qu’il me l’a présentée.


– Laisse tomber, dit Eddy, mais je le frappe à l’épaule.
– Non, je ne laisse pas tomber…

Mais je suis coupée par un bruit sourd qui résonne dans la pièce et je
comprends que c’est un genre de gong.

Fredo se relève précipitamment et se replace dans le coin du ring. Je


questionne du regard Eddy, il m’ignore délibérément.

Un arbitre, si j’en crois son tee-shirt rayé blanc et noir, monte sur le ring
avec un micro dans la main.

– Mesdames et messieurs, veuillez accueillir la panthère noire.


Donc, apparemment, l’adversaire de James. Le public se met à applaudir
quand le mec monte sur le ring et qu’il fait une sorte de show. Il tire la
langue, montre ses pecs et je lève les yeux au ciel. Je ne supporte pas les
mecs comme ça. Il se place au centre et semble attendre quand l’arbitre
reprend en souriant malicieusement. Il n’a rien d’une panthère noire, peut-
être un peu d’une panthère rose, et encore c’est une insulte pour elle.

– Il fait le malin, mais il va vite déchanter, se marre Eddy.


– Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, dis-je en le fusillant du regard.

Il ricane et passe son bras autour de mes épaules.

– Détends-toi, Joy, tu vas kiffer.


– À partir de quel moment c’est kiffant de voir des mecs se taper
dessus ?

Mais il n’a pas le temps de me répondre que l’arbitre reprend le micro.

– En face de lui, le seul et l’unique, la terreur de Bel-Air à la gueule


d’ange, James Leeroy.

Son surnom. Je sais maintenant à quoi il correspond. C’est comme son


nom de scène. Malgré moi, je me mets sur la pointe des pieds et tourne la
tête pour le voir. Mon souffle se coupe et mon cœur se met à battre la
chamade quand je le vois marcher à travers le public et monter ensuite sur
le ring. Il est torse nu et porte seulement un short de boxe blanc. Je sens une
chaleur se propager de ma nuque jusqu’en bas de mon dos. Ça me rend folle
de ressentir ça. Je devrais être énervée, non pas époustouflée par lui.

Contrairement à l’autre mec, James ne fait pas de show pour allumer le


public, qui hurle assez comme ça, et j’entends surtout les cris des nanas qui
se lâchent sur mon mec. Entre les « baise-moi », « je suis à toi », « je
t’aime », j’ai envie de vomir ou alors de les faire taire d’un coup de poing.

Quoi ? S’il dit que je suis sa copine, alors il est mon mec.
J’ai donc tous les droits sur lui et, que l’on me croie, je vais énormément
m’en servir.

James tape ses poings contre ceux de l’autre mec puis ils se séparent, se
mettant en position, la garde levée. L’arbitre lance le combat. La panthère
rose est le premier à donner un coup. Je lâche un cri de stupeur silencieux et
veux me cacher les yeux, mais James l’esquive en se penchant. Il en profite
pour donner un coup dans le ventre du mec. Ce dernier essaye de lui
renvoyer une droite, mais James l’esquive encore une fois en souriant
narquoisement. Il se met à tourner autour de lui comme un lion face à sa
proie et le mec commence à perdre patience. Sa tête pivote comme une
girouette. Il donne des coups dans le vide, ce qui fait exploser de rire James.
J’ai envie de lui hurler d’arrêter de le provoquer et d’en finir parce que je
n’en peux déjà plus. Je n’ai jamais autant stressé de toute ma vie.
Finalement, le mec réussit à donner un coup dans les côtes de James qui,
sous l’impact, se recule, et je ne peux m’empêcher de crier son nom. Je
m’en veux instantanément, je plaque mes mains contre ma bouche.
J’entends Eddy soupirer derrière moi et j’aperçois des têtes inconnues se
tourner vers moi.

Bon, pour la discrétion, on repassera.

James se retourne d’un coup vers nous, son regard se pose sur moi. Sur
le coup, il semble ne pas comprendre ce que je fais là, puis il me fusille du
regard.

– Merde, jure Eddy, et je comprends pourquoi.

La panthère profite que l’attention de son adversaire est sur moi pour
lever son poing et l’abattre sur le visage de James. Sa tête tourne sur le côté
et le mec lui refout un coup dans les côtes, le projetant dans les cordes, ce
qui fait hurler le public. Je baisse la tête, n’en pouvant plus de regarder ça.
Tout à coup, j’entends un gros boum et Eddy hurler de joie. J’ose regarder
d’un œil et vois que James a assommé l’autre combattant, tout ça en peu de
temps. L’arbitre compte, mais l’autre ne se relève pas, alors il lève le bras
de James en l’air sous les acclamations du public.
– La terreur de Bel-Air à la gueule d’ange, encore et toujours le grand
vainqueur !

James s’éloigne pour parler avec Fredo tout en me jetant des regards
froids et j’ai envie de m’échapper.

Je me retourne, regarde Eddy qui semble impatient de retrouver James.

– Je m’en vais.
– Ose ne faire qu’un seul pas, menace une voix derrière moi

Je ferme les yeux en prenant une grande inspiration puis je me retourne.


James descend du ring et avance vers nous d’un pas décidé. Je ne bouge
pas, garde la tête levée, même quand il se plante devant moi et m’affronte
du regard. Voyant que je ne cède pas, il m’attrape le poignet pour
m’entraîner dans un couloir.

– Tu me fais mal, crié-je quand ses doigts serrent fort mon poignet.

Il me lâche et me plaque contre le mur.

– Qu’est-ce que tu fais là, putain ?


– Je te l’ai dit que je découvrirais ce que tu me cachais.
– Putain, jure-t-il en se reculant et en passant les mains dans ses cheveux.
Tu vas me rendre dingue.

Le couloir est sombre, seul un rai de lumière l’illumine, et je ne peux


m’empêcher de l’observer, comme hypnotisée. Le halo qui l’entoure met en
valeur ses cheveux décoiffés. Son torse monte et descend encore
rapidement après son match. Son corps est recouvert d’une pellicule de
transpiration, il saigne du nez et sa lèvre inférieure est ouverte. Il est
sublime. Jamais je n’aurais pensé le trouver aussi canon, alors que j’étais
morte d’inquiétude quelques instants plus tôt. J’ai l’impression de
rencontrer le vrai James, celui qu’il est réellement devenu, et il est sexy à
mourir. Mais alors que je le mate sans aucune discrétion, la musique se
coupe d’un coup. Le calme règne pendant de longues secondes puis le
public se met à hurler, me faisant sursauter. Je me rapproche naturellement
de James, cherchant, je crois, la sécurité que je ressens dans ses bras.

– Merde, peste James en m’attirant à lui.


– Qu’est-ce qui se passe ? demandé-je, inquiète.

Il n’a pas le temps de me répondre qu’Eddy accourt vers nous.

– Les potes, s’écrie Eddy en lançant un tee-shirt à James. Les flics ont eu
l’adresse. Ils arrivent !

James se rhabille en vitesse, moi je suis stupéfaite et je ne sais plus quoi


faire. Il attrape ma main et nous fait sortir du couloir. Tout le monde court
partout et je commence à paniquer. Je serre sa main plus fort, regarde
partout autour de moi jusqu’à ce que je croise son regard. Il avait envie de
me tuer tout à l’heure, maintenant son regard se fait doux et il me fait passer
devant lui en m’entourant de ses bras.

– Je suis là, je ne te lâche pas.

Près des escaliers, il me fait monter en premier. Quand j’arrive en haut,


je perds tout repère. On entend maintenant les sirènes qui se rapprochent et
mon rythme cardiaque s’accélère. Je ne sais plus où se trouve la sortie et je
commence à avoir du mal à respirer.

– Je ne me sens pas bien, chuchoté-je.

James saisit mon visage.

– Tout va bien se passer, fais-moi confiance. Parce que tu me fais


confiance, n’est-ce pas ?

Je le fixe plusieurs secondes. Je me rends compte que ce moment est


fatidique dans notre relation. J’acquiesce d’un signe de la tête, il sourit,
m’embrasse le front puis me tire à sa suite pour sortir du bâtiment.
Les flics sont au bout de la rue. On court à la voiture où, surprise, je
découvre qu’Eddy est déjà installé derrière le volant. James ne prend pas la
peine de s’installer devant, on s’assoit tous les deux à l’arrière. Il ferme la
portière, ouvre la fenêtre et un sac tombe sur ses genoux.

– Bon match, lui dit Fredo avant de disparaître, et Eddy démarre en


trombe.
– Vous êtes des dingues, hurlé-je en m’attachant tandis que ces deux
cons explosent de rire.

Je me tourne ensuite vers James qui me fixe et je pointe un doigt


menaçant vers lui.

– Et toi, c’est la deuxième fois que je fais quelque chose d’illégal pour
toi. Ton rendez-vous de samedi soir, tu peux te le mettre dans le cul.
– Moi aussi, je t’aime, ricane-t-il.

Il se rend compte alors de ce qu’il vient de dire, se tait et me lance un


sourire timide pendant que mon cœur bat toujours la chamade.

– Quel rendez-vous ? questionne Eddy alors que j’avais oublié qu’il était
là.

Je plaque ma main contre mon front.

Il nous regarde dans le rétroviseur et ses yeux s’écarquillent puis se


mettent à pétiller.

– Vous êtes sérieux ? Vous arrêtez enfin de vous tourner autour ? Oh,
putain, c’est trop bien.

Aucun de nous deux ne lui répond et il se marre tout seul.

– Je vous dépose où ?
– Chez toi, lui répond James, et je lui lance un regard en coin. Ma tante
va flipper si elle me voit revenir en sang.
– Ça marche, acquiesce Eddy. Et toi, Joy ?
– Chez moi du…
– Elle vient aussi.

Je tourne la tête vers James et lève un sourcil.

– Et pourquoi au juste ?
– On doit parler.
– Quand je voulais que tu me parles, tu esquivais. Maintenant, je dois
t’écouter ?
– S’il te plaît ?

Qu’est-ce qu’il m’énerve…


20

Joy

Après quelques minutes qui me paraissent une éternité, nous arrivons


chez Eddy. Je suis surprise de découvrir une maison aussi grande. Je me
rappelle après que c’est la maison de ses parents. Mais qu’est-ce qu’il doit
s’ennuyer tout seul ici. Je suis les garçons à l’intérieur. James s’affale dans
le canapé pendant qu’Eddy part dans la cuisine. Il revient avec des bières et
une poche de glace pour James qui la pose contre ses côtes. Je me surprends
à me demander combien de fois ils ont eu cette petite routine de post-
combat. Pourquoi ça paraît si normal pour eux ?

– Il m’a quand même niqué ce con, jure James quand le froid entre en
contact avec sa côte.

Je m’assois sur le canapé et saisis son visage pour observer ses plaies.
Ma main me brûle quand je le touche et j’essaye d’ignorer cette sensation.

– Si tu ne faisais pas de combats, tu n’en serais pas là.


– C’est ta faute, je te signale.

Je lève les yeux au ciel et regarde Eddy qui nous fixe étrangement.

– Tu as de quoi le soigner ?
– Au premier dans la salle de bains. Je vais chercher la trousse.
– Non, j’y vais ! m’exclamé-je en me relevant et en le dépassant pour
monter à l’étage.
Il me faut quelques secondes loin de James. J’ai besoin de respirer et de
reprendre mes esprits après tout ce qui s’est passé cette dernière heure.

Dans la salle de bains, la trousse se trouve dans le seul placard. Une fois
en main, je redescends. Au milieu de l’escalier, j’entends les garçons parler
à voix basse et je ne peux m’empêcher de faire ma curieuse.

– Tu joues à quoi avec Joy ? demande Eddy.


– À rien.

Je donnerais tout pour voir la réaction de James même si je pense qu’il


lève les yeux au ciel.

– Mec, soupire Eddy. Joy est une fille superbe, ne la fais pas souffrir
juste parce que tu as peur de retomber amoureux d’elle.

J’aimerais entendre la réponse de James, mais en même temps, je n’en ai


pas envie. Je descends les escaliers d’un pied lourd et les garçons se
tournent vers moi. Eddy se lève, presse mon épaule de sa main et s’éloigne.

– Je vais me doucher.

Je ne suis pas sûre que ça soit une bonne idée de nous laisser tous les
deux. Je prends une inspiration discrète et, sans le regarder, je m’assois à
côté de James. Je sors le contenu de la trousse pour soigner son visage. Il
n’a vraiment pas été raté, entre l’œil droit au beurre noir, la lèvre ouverte et
la joue gauche égratignée. Je fais couler du désinfectant sur du coton et
m’approche de sa joue sous son regard insistant, que j’évite.

– Ça va piquer un peu, chuchoté-je, concentrée.


– J’en ai vu d’autres.

C’est censé me rassurer ?

Quand je tapote sur sa joue la première fois, il a tout de même un


mouvement de recul. Mais il se remet en position et serre la mâchoire pour
supporter la douleur pendant que je termine.
La joue finie, je prends son visage dans ma main pour le tourner vers
moi afin de nettoyer sa lèvre. Mais je suis trop petite, alors je me mets à
genoux sur le canapé. Il n’y a même pas trente centimètres qui nous
séparent. Je rougis car cette proximité me met mal à l’aise. J’ai déjà été
contre lui, sur ses épaules, je l’ai même embrassé, mais je n’ai jamais
touché ses lèvres de mes doigts, et cette intimité me déstabilise.

De plus, il ne me facilite pas la tâche à me fixer aussi intensément. Un


nœud se forme dans ma gorge et je commence à trembler de nervosité. Il le
remarque, saisit mon poignet dans sa main pour me calmer. Cependant, il
m’oblige à le regarder quelques secondes plus tard.

– Arrête de t’inquiéter pour moi, Joy. Je vais bien.


– Tu vas si bien que je suis en train de soigner tes blessures, dis-je
sarcastiquement, et un petit rictus étire ses lèvres.
– Si tu ne le supportais pas, il ne fallait pas venir.

Ma main retombe sur mes genoux et je me recule.

– Si je n’étais pas venue, tu ne me l’aurais jamais dit, n’est-ce pas ?


– Si. Je comptais te le dire samedi soir quand on aurait été que tous les
deux.
– Alors pourquoi j’ai eu l’impression que tu voulais me tuer quand tu
m’as vue ?
– Parce que tu as le don de me taper sur les nerfs.
– Sympa, ris-je en reprenant où j’en étais.
– Et parce que je n’ai pas supporté de te voir entourée du public
hystérique. Et parce que j’ai envie de t’embrasser. Pour de vrai, cette fois.

Il me faut un temps avant de comprendre ce qu’il vient de dire. Je relève


la tête et l’observe comme si je le rencontrais pour la première fois.

– Quoi ?

Le temps que je l’analyse, il me fait tomber à la renverse sur le canapé


pour se placer au-dessus de moi. Son visage s’approche dangereusement,
nos souffles se mélangent et je crois que mon cerveau disjoncte. Je suis
hypnotisée par ses yeux bleu glacial remplis de désir.

– Il est toujours vivant ?

Pris sur le fait par Eddy, je lâche un petit cri presque inaudible. James se
relève d’un coup, m’attirant avec lui pour me remettre en position assise.

Nous nous rendons compte qu’Eddy est toujours en haut des escaliers et
qu’il ne peut pas nous voir.

– Oui, oui, c’est bon, on a fini, m’écrié-je bien trop rapidement. Enfin,
j’ai fini de le soigner, je veux dire.

Eddy arrive dans le salon et me questionne du regard.

– Tu vas bien, Joy ? me demande-t-il.

Je hoche la tête un peu trop fort.

– Ouais, ouais, tout va bien. Je suis juste fatiguée.

Je ramasse les cotons et range les produits dans la trousse pour éviter son
regard sondeur. Parce que je sais qu’il ne me croit pas. Mais ça me permet
aussi d’éviter le sourire moqueur de James.

– Il y a une chambre d’amis au premier, tu n’as qu’à y aller. Je prendrai


le canapé pour laisser mon lit à James.

Je hoche la tête et monte à l’étage pour éviter de rester encore une


minute de plus dans cette pièce. Mais au moment où j’allais entrer dans la
chambre, j’entends Eddy demander :

– Tu m’expliques pourquoi elle est comme ça, d’un coup ?


– Elle est fatiguée.
– Ne te fous pas de ma gueule, James. T’es mon meilleur ami, je sais
quand tu mens. Et en plus, t’as ce sourire satisfait. Vous vous êtes
embrassés, c’est ça ?
James éclate de rire et moi je rougis.

– Failli. Mais si tu n’étais pas arrivé, je l’aurais fait, oui.


– Mec, mon canapé, merde ! jure Eddy, et James éclate encore plus de
rire.

Il est temps pour moi de faire abstraction de cette discussion et de


m’enfermer dans cette chambre.

Fort heureusement, j’ai des lingettes démaquillantes dans mon sac, mais
ce n’est pas le cas du pyjama. En même temps, je n’aurais jamais imaginé
que cette soirée allait se terminer comme ça. Je pensais dormir chez moi ce
soir.

Maintenant au calme, je me repasse cette soirée en boucle et de


nombreuses questions jaillissent dans mon esprit. Pourquoi combat-il ?
Pourquoi est-ce qu’il y prend plaisir ? Quel humain sensé adore se prendre
des coups et en donner ? Ça me dépasse. Pourquoi n’a-t-il pas voulu me le
dire ? Et surtout, quelle joie trouve-t-il dans le fait de peut-être se faire
choper par les flics ?

Tout compte fait, je crois que j’aurais aimé ne jamais savoir. Parce que si
c’est pour que je m’inquiète à chaque fois, maintenant, je n’ai pas fini. Je
n’ai vraiment pas signé pour tout ça en venant ici. Je sais que je n’aurai
aucune réponse à mes questions, si je ne lui demande pas, mais il n’a pas
l’air de vouloir parler. Et comment ça, il ne voulait pas que je sois dans le
public ? Je ne suis pas en sucre. OK, j’ai paniqué tout à l’heure, mais c’était
ma première fois à être dans l’illégalité totale. Qu’est-ce qu’il se serait
passé si les flics nous avaient chopés ? J’aurais été mise illico presto dans
un avion direction Miami. C’est sûr qu’en quelques semaines, ma vie a
complètement changé. Dire que je pensais que la Floride craignait plus que
la Californie. On est loin de la Joy qui restait dans sa chambre, la tête dans
un bouquin.

Lasse de me poser autant de questions, je me laisse tomber en arrière sur


le lit en poussant un long gémissement. Il faut que je m’endorme, sinon je
ne vais pas cesser de me torturer l’esprit. Mais rien n’y fait, mes yeux
restent grands ouverts et mon cerveau est en roue libre.

Alors que mes yeux commencent à se fermer, j’entends la porte de la


pièce voisine se refermer. C’est sûrement James qui vient se coucher dans la
chambre d’Eddy.

Ne sachant pas quoi faire, j’observe la chambre d’amis, très sommaire.


Elle ne contient qu’un lit deux places, un dressing vide excepté du linge de
lit de rechange, un bureau inutilisé et une porte qui mène à la salle de bains.
Cette dernière est très sobre elle aussi, moderne, et quasi neuve.
Néanmoins, il y a tout de même quelques gels douche et shampoings, ainsi
que plusieurs serviettes et brosses à dents de rechange. Je me demande si
Eddy reçoit énormément de monde, ou non. Cette chambre me semble
inutilisée depuis longtemps.

Quand je regarde sur ma droite, je remarque que la porte-fenêtre mène


sur un balcon. Je décide de repousser mon envie de dormir pour aller
prendre l’air et regarder la vue qui, je le sais déjà, sera sublime.

Pendant une vingtaine de minutes, je regarde le paysage, accoudée au


balcon. Je ne sais pas ce que je ressens ce soir. L’océan sombre et ses
vagues qui rugissent au loin me bercent et font divaguer mes pensées. Les
lumières du quartier, celles de Los Angeles au loin, me donnent l’espoir
qu’un jour James s’ouvrira à moi et qu’il arrêtera de me cacher des choses.
Me déteste-t-il à ce point pour me tenir éloignée de sa vie ?

Le vent fouette mes cheveux lâches, les faisant virevolter autour de mon
visage. Ma chemise légère n’empêche pas le vent de se faufiler à travers,
faisant réveiller les frissons sur mon corps, et pourtant je ne rentre pas. De
toute façon, je n’ai aucune affaire de rechange, et il n’y a aucune pièce que
je pourrais emprunter dans le dressing de la chambre d’amis. Alors, autant
profiter de cette noirceur, pourtant tranquillisante, de ce calme si rare dans
une ville comme celle-ci.

Je suis si obnubilée par le décor que je sursaute quand je sens un tissu se


poser sur mes épaules. Je baisse les yeux et découvre une veste en cuir, pas
n’importe laquelle, celle de James. Puis ses mains s’appuient sur le balcon
autour de moi et son torse se plaque contre mon dos. Je m’appuie contre lui
en resserrant les pans de la veste autour de mon cou.

– Qu’est-ce que tu fais toute seule ici ? chuchote James d’une voix douce
et calme contre ma tête.

Je hausse les épaules et m’appuie encore plus contre lui.

– Je ne sais pas. Je m’ennuyais, alors j’ai voulu prendre l’air.

Il soupire. Sa main droite lâche le balcon et se faufile sous sa veste pour


se poser sur ma hanche.

– Ce n’était que superficiel, mes blessures, Joy.

Les larmes me montent à nouveau aux yeux et je me retourne pour le


regarder.

– Comment tu peux dire que ce n’est rien ? Tu te fais taper dessus, et tu


aimes ça ! m’exclamé-je, la gorge nouée, et je baisse le regard sur mes
mains tremblantes.

Il relève mon menton pour que je le regarde dans les yeux. Les siens sont
sérieux, soucieux, tout comme j’entraperçois une lueur de vengeance.

– Je vais bien. Arrête de t’inquiéter pour moi.


– Pourquoi ?
– Pourquoi quoi ?

Il fronce les sourcils et penche la tête sur le côté, ce qui me donne envie
d’appuyer ma main sur sa joue.

– Pourquoi tu ne veux pas que je m’inquiète pour toi ?


– Parce que ça me donne l’impression que je compte pour toi et que tu ne
repartiras plus.
Je me pince les lèvres et me décale, ne supportant pas sa proximité. Je
croise les bras contre ma poitrine et ose le fixer, même si les larmes
s’agglutinent dans mes yeux.

– Tu me détestes vraiment, hein ?

James soupire, se frotte le front puis laisse retomber ses mains le long de
son corps. Il me fixe dans le blanc des yeux, mais il ne dit rien et rentre
dans la chambre, me laissant en plan sur le balcon. Et je ne le supporte
plus ! J’arrive à me faufiler dans la chambre avant que la porte ne se
referme et il me lance un regard morne.

– James, s’il te plaît.


– Je ne te déteste pas, dit-il seulement

Je sens alors comme un poids se retirer de mes épaules, mais ce n’est pas
assez pour moi.

– Mais…
– Il n’y a pas de mais. Retourne dans ta chambre, Joy.
– James…
– Putain, tu ne veux pas me laisser tranquille à la fin ? explose-t-il en se
retournant vivement, et il pointe du doigt la porte du balcon. Dégage.

Mais je ne me laisse plus faire, c’est fini. Il va parler aujourd’hui et tant


qu’il ne le fera pas, je ne partirai pas.

– Non.
– Non ? répète-t-il sèchement avec un sourire mauvais.
– Non, je ne te laisserai pas tranquille. Non, je n’arrêterai pas de savoir
pourquoi tu n’as pas voulu m’en parler, pourquoi tu me repousses, car c’est
mon droit de savoir à partir du moment que je suis celle qui t’a soigné.
– Si tu regrettes de l’avoir fait, il ne fallait pas, claque-t-il en se
retournant pour se déshabiller.

Il se retrouve vite en caleçon devant moi, mais ça ne me fait rien.


L’adrénaline dans mon corps m’empêche de ressentir de la gêne et décuple
ma colère.

– Tu crois vraiment que je regrette de t’avoir soigné, hein ? Si tu crois ça,


c’est que t’es vraiment con. T’es vraiment un idiot si tu ne te rends pas
compte que tu es sans doute la personne à laquelle je tiens le plus ici. Et si
tu n’as pas compris que je m’inquiète pour toi parce que tu comptes pour
moi, alors je ne peux rien faire. Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de
lettres ? Je n’ai jamais rien reçu.

Il se crispe, comme s’il ne s’attendait pas à ce que je sache, puis il se


tourne enfin vers moi, les sourcils froncés.

– Et tu mens en plus, crache-t-il. Admets-le juste, que ça ne t’intéressait


pas de répondre. Ça sera plus rapide.
– Tu… commencé-je, avant de m’interrompre pour reprendre mes
esprits.

Je ne comprends rien à ce qui se passe. Je me frotte les tempes, sentant


un mal de tête arriver. Je l’observe à nouveau, m’attendant à ce qu’il me
fasse une blague, mais ce n’est pas le cas. Désespérée, je relâche mes
épaules et demande calmement :

– Tu crois réellement que je suis en train de te mentir ?

Il ne dit rien, se retourne comme pour mettre fin à la discussion et c’est


ça le pire. Avant qu’il ne me montre son dos, j’ai vu ses yeux m’exprimant
toute l’amertume qu’il a pour moi. Ça me donne envie de vomir et en même
temps envie de le secouer. Je comprends que je n’obtiendrai plus rien de lui
aujourd’hui. Je lâche un rire amer et le fusille du regard même s’il ne peut
me voir puisqu’il me tourne le dos.

– Va te faire foutre, James. J’arrête les frais avec toi.

Je me retourne pour ressortir par la porte du balcon afin de retrouver ma


chambre, mais sa main s’enroule autour de mon poignet. Je m’arrête et ne
bouge plus, à la limite entre la chambre et le balcon.
– Reste, murmure James dans mon dos.
– Pourquoi ? Je croyais que tu voulais que je te laisse tranquille, dis-je
froidement.

Moi aussi, j’ai ma fierté. Je mentirais si je disais que ça ne me fait pas


mal qu’il me repousse.

Je me retourne et croise les bras. Il regarde le sol puis soude à nouveau


ses yeux aux miens.

– Parce que je tiens à toi aussi.


– Tu as une drôle de manière de le montrer. Je reste que si, et seulement
si, tu me dis la vérité. Pourquoi tu me repousses constamment ?

Il soupire, lâche mes yeux et observe sa main sur mon poignet.

– Pourquoi ? insisté-je.

Il ferme les yeux, baisse la tête, lâche mon poignet et ses bras retombent
le long de ses jambes.

– C’est bien ce que je pensais. Tu n’entendras plus parler de moi. Au


revoir, James.

Alors que je me traîne dans mon lit, la porte vitrée s’ouvre en grand sur
James, ses affaires en main. Je détourne le regard pour l’ignorer.

– Tu me rappelles juste que toutes les personnes auxquelles je tiens


m’abandonnent un jour. Je crois que ce n’était pas volontaire de ta part,
mais le fait que je n’ai reçu aucune réponse à mes lettres m’a fait croire que
toi aussi tu m’avais laissé tomber.

Il ne l’a pas fait au sens propre du terme, mais j’ai comme l’impression
qu’il me plante un couteau dans le cœur.

– Je t’aurais répondu, James, vraiment, mais je te jure que je n’ai jamais


rien reçu. Tu ne me croyais pas il y a encore quelques minutes, et pourtant
tu veux que je reste avec toi. Pourquoi ?
– Parce que j’en ai marre de repousser ceux qui pourraient me rendre
heureux, avoue-t-il.

Je me tourne enfin pour le regarder, mais il se dirige déjà vers la salle de


bains et s’y enferme. J’ai deux possibilités : partir et aller dormir dans la
chambre d’Eddy, même si ça me donne envie de m’arracher les cheveux, ou
rester à mes risques et périls.

C’est finalement quand je m’assois sur le lit que je me rends compte que
mon corps a pris la décision pour moi. On dit bien que le cœur a ses raisons
que la raison ignore. Cette question de lettres me turlupine toujours. Il va
falloir que je voie ça avec mes parents. S’il m’a réellement envoyé des
lettres, mes parents doivent être au courant et je commence à croire que si je
n’ai pas eu vent de ces courriers, ils y sont pour quelque chose.

James semble surpris de me voir là quand il sort, un tube de crème à la


main, et je tends la main pour lui faire comprendre en silence de me la
donner. Il s’allonge sur le lit en grognant, me prouvant que maintenant que
l’adrénaline est redescendue, il souffre. J’ouvre le tube de crème et, sans le
regarder, je me tourne vers son corps. Des bleus se sont formés depuis tout
à l’heure. Il en a un en plein milieu du ventre et sur sa côte gauche, que je
m’empresse de soulager avec la crème.

– Je crois que j’ai un hématome dans le dos, souffle-t-il de sa voix


rauque.
– Tourne-toi.

Il se tourne, difficilement, sur le ventre et je ferme les yeux en


découvrant l’énorme bleu qui orne le bas de son dos, à la lisière de son
caleçon.

– Comment tu peux supporter ça ?


– Ça me défoule. Je ne pense à rien quand je suis sur le ring, sauf quand
une petite rousse bien gaulée se la ramène.
J’appuie plus fort mes doigts sur son bleu et son corps se crispe en même
temps qu’il siffle.

– Sale peste.
– Chochotte.

Je continue à masser son corps, il se détend et bientôt il ne fait plus de


bruit. Je relève alors la tête et je remarque que s’il ne parle plus, c’est parce
qu’il a tourné la tête sur le côté et me fixe intensément.

Je serre mes lèvres entre elles pour me retenir de dire quelque chose
d’insensé à cause de la nervosité, et baisse le regard pour continuer ma
tâche. Mais impossible.

– Arrête de me regarder, s’il te plaît.


– Pourquoi ? Je ne peux pas m’empêcher de regarder une personne qui
est belle.

Je rougis violemment et, Dieu merci, j’ai fini. Je me racle la gorge et me


relève.

– Je n’ai pas de pyjama pour la nuit. Tu crois qu’Eddy voudra bien me


passer un tee-shirt à lui ?

James se lève et je le suis du regard jusqu’à la commode. Il ouvre le


dernier tiroir puis revient, tout en me tendant un tee-shirt et un caleçon.

– C’est à moi. Je garde toujours des affaires ici comme chez Caleb.
Tiens, et va te laver, tu pues, dit-il en me poussant dans la salle de bains.
Les serviettes sont dans le placard à côté de la douche.

J’ai le temps de lui tirer la langue avant qu’il ne ferme la porte, que je
m’empresse de fermer à clé.

***
Après m’être douchée, j’enfile son caleçon qui fait deux fois ma taille. Je
suis obligée de le rouler autour de mes hanches pour qu’il tienne. J’enfile
son tee-shirt, qui est bien évidemment lui aussi trop grand. Il m’arrive aux
genoux. Ne pouvant m’en empêcher, j’inspire quand les effluves de son
parfum et de son odeur corporelle m’entourent. Me rendant compte de ce
que je fais, je me traite mentalement de folle à lier puis je sors de la salle de
bains.

James est de nouveau sur le dos. Comme s’il attendait que je sorte, il me
détaille de la tête aux pieds, s’arrêtant sur mes jambes nues.

Il tapote le lit à côté de lui et j’avance doucement en tirant sur le tee-shirt


pour ne pas qu’il remonte.

– Tu vas déformer mon tee-shirt si tu continues à tirer dessus.


– Arrête de te moquer de moi, marmonné-je d’une voix honteuse et
boudeuse en m’asseyant, et je replie mes jambes pour qu’elles soient hors
de sa vue. Tu n’aurais pas un short ?
– Non. Et quand bien même j’en aurais un, je ne te le donnerais pas.
– Pourquoi ? m’insurgé-je.
– Parce que tu n’en as pas besoin, mon tee-shirt te recouvre déjà
totalement. Et il faut que tu prennes confiance en toi, que tu aimes ton
corps.
– J’aime mon corps, contré-je rapidement, cachant ma nervosité. Je ne
suis juste pas habituée à l’exhiber devant un mec en étant seule avec lui
dans une chambre, et dans le même lit, de surcroît.
– Crois-moi, tu es sans doute la fille la plus habillée, mais la plus belle
avec qui j’ai partagé un lit.

Je le regarde en haussant un sourcil.

– Je dois te remercier ou pas ? Et de toute façon, tu ne dors pas ici avec


moi. Retourne dans la chambre d’Eddy.
– Bien sûr que si que je dors ici, déclare-t-il avant d’éteindre la lumière,
nous plongeant dans le noir.
– James ! T’es pas sérieux ?

Mais il ne répond pas. Bon, eh bien si c’est comme ça, je vais dormir
dans la chambre d’Eddy. Je me lève pour sortir de la chambre par la porte
du balcon, mais impossible de l’ouvrir, elle est fermée à clé.

Je traverse alors la chambre à tâtons jusqu’à la porte d’entrée, mais une


fois de plus, elle est aussi fermée. Le salaud.

– C’est bon, t’as fini ? Viens dormir, je suis crevé, grogne James en se
mettant assis dans le lit.

Je lève les bras au ciel, mais abandonne. De toute façon, je n’ai pas le
choix.

– Je te déteste, sache-le, pesté-je en rentrant sous la couette, le plus loin


possible de lui.
– Bonne nuit, petite peste.
– Bonne nuit, salaud.

Il lâche un petit rire et moi je ferme les yeux, décidée à voir le jour se
lever le plus rapidement possible.

Je m’efforce d’imaginer qu’il n’est pas là pour trouver le sommeil.


J’étais sur la bonne voie jusqu’à ce que je sente la main de James sur ma
hanche, jusqu’à ce que je comprenne qu’il s’est vivement rapproché de moi,
jusqu’à ce que je comprenne que c’est son souffle que je sens dans mes
cheveux.

Eh merde.

Non, non, je n’ai pas le droit de ressentir ce bien-être instantané et cette


légèreté comme si je venais de rentrer chez moi. Je n’ai pas le droit d’avoir
des frissons des racines de mes cheveux jusqu’à mes dix orteils. Je n’ai pas
le droit d’aimer cette position ! Malheureusement, je me sens en paix dans
ses bras, calme, et j’adore beaucoup trop cette position pour bouger d’un
seul micromillimètre. Au contraire, je le laisse coller mon dos contre son
torse, d’une poigne ferme sur mon ventre. Mes fesses entrent en collision
avec son bassin, son érection presse contre moi, mais il ne fait rien et se
contente de me tenir dans ses bras.

***

Je suis légèrement désorientée quand je me réveille. Mais ça ne dure


qu’une petite seconde. Je me souviens très vite que j’ai passé la nuit avec
James, pour la deuxième fois.

Je me retourne pour le regarder, un petit sourire aux lèvres. Il est sur le


dos, la bouche semi-ouverte, un bras sur les yeux, et l’autre tendu, au-
dessus de ma tête. Il est beaucoup trop mignon et trop sexy en même temps
pour mes hormones féminines. Si je pouvais, je le prendrais en photo, mais
je ne sais pas où est mon téléphone.

Soudain, je reviens à la réalité : je n’ai pas prévenu ma famille que


j’allais découcher. Je n’ai pas mon téléphone, ils ont dû s’inquiéter et je ne
sais pas même l’heure qu’il est ! Alerte ! Je regarde autour de moi à la
recherche de mon téléphone. Il est sur la table de nuit du côté de James.

Tout en essayant de ne pas le réveiller, je tends le bras et j’attrape


presque mon téléphone, mais James bouge ses jambes dans son sommeil,
me faisant trébucher. Je m’écrase sur lui. La tête en plein dans son torse,
mes jambes entre les siennes, mon bassin contre le sien. Vraiment pas une
très bonne position si on veut paraître innocent.

Le téléphone tombe par terre dans un vacarme, et je jure tous les gros
mots que je connais.
21

James

Je me réveille d’un bond avec le vacarme qu’elle fait. Surtout quand je


sens son corps contre le mien…

– Quel réveil, dis donc, marmonné-je en me frottant les yeux, puis je la


regarde.

Elle me sourit adorablement, ce qui me donne envie de la retourner pour


prendre possession d’elle. Sans me contrôler, je lève le bassin contre elle.
J’ai la trique du matin, elle ne peut pas la louper, mais c’est surtout elle qui
me fait cet effet-là. Puis je vois le moment où elle réalise notre position.

– Pardon. Houla ! Je suis si maladroite, excuse-moi.

Elle tente de se relever précipitamment, mais je l’en empêche en posant


mes mains sur ses hanches pour la tenir contre moi.

– Ce n’était peut-être pas le meilleur réveil, mais t’avoir dans mes bras
dans un lit, c’est déjà un bon début.
– Ne t’y habitue surtout pas, dit-elle avec une grimace. Je voulais juste
regarder l’heure sur mon téléphone.

Je ne la crois pas. Sans qu’elle comprenne, je réalise mon rêve en nous


retournant, la surplombant de mon corps. Je prends appui sur mes bras pour
ne pas l’écraser. Je la fixe, et je sais que mon envie d’elle se lit dans mon
regard. Mais je ne veux plus me cacher. Je la veux. Terriblement.
Elle me fixe en retour. Ça me fascine autant que ça me terrorise. Mon
souffle se bloque dans mes poumons, mon estomac se tord et mes lèvres me
piquent à force de vouloir désespérément toucher les siennes.

Je mets fin à mes pensées en soudant nos lèvres. Je ressens comme une
explosion dans mon corps. Le baiser est doux, léger comme une plume. Et
moi je suis terrifié à l’idée qu’elle ne revienne à la raison et m’abandonne à
nouveau si je la brusque trop. Elle lève ses mains et les noue dans ma
nuque, m’attirant vers elle. Je prends ça pour un feu vert. J’approfondis le
baiser en saisissant d’une main son cou. Elle se cambre, nos bassins entrent
en contact et je ne peux m’empêcher de me frotter contre elle. Ses ongles
me griffent la nuque et le haut du dos et, putain, je pourrais vivre comme ça
jusqu’à la fin de l’éternité.

Nous nous séparons quelques secondes, le temps de reprendre nos


souffles, mais j’ai peur qu’elle fuie, alors je renoue à nouveau nos lèvres
pour un baiser encore plus fort. Ma langue part à l’assaut de la sienne et je
sens Joy se détendre contre moi. Mes mains passent sous le tee-shirt qu’elle
porte, elles frôlent son ventre, passent dans son dos, reviennent sur le
devant pour caresser du bout des doigts sa poitrine.

Putain, elle est délicieuse.

Mais j’ai besoin de plus. Je la veux tout entière. La pression de mon sexe
contre le sien ne me suffit pas. Je veux la toucher, peau contre peau. Je
descends mes doigts vers le bas de son estomac, et au moment où je tente
de faire descendre son sous-vêtement, elle se bloque. Je relève mon regard
vers elle. Je vois le doute s’ancrer dans ses yeux.

Non. Pas maintenant.

Je sais ce qu’elle pense. Elle pense que je veux simplement gagner le


pari. Mais là, non. Je la veux, elle, et je veux qu’elle m’ait. Je la fixe
intensément, à court de souffle.

– Qu’est-ce qui se passe ?


– Rien. Je ne peux pas.
Mal à l’aise, elle panique et tente de me repousser. Pourtant, je sens
qu’elle en a envie aussi, alors je la questionne :

– Comment ça ? T’es vierge ?


– Non ! s’exclame-t-elle d’une voix aiguë. J’ai mes règles.

Je sais qu’elle ment. Je n’ai pas l’expérience, mais je suis presque


persuadé qu’une fille qui a ses trucs se lève tout de suite le matin pour aller
aux toilettes. Mais j’ai compris que je n’aurai rien d’elle aujourd’hui.

– Putain… grogné-je en me laissant tomber sur le côté pour me retrouver


sur le dos.

Elle se lève précipitamment pour prendre la fuite et manque de trébucher


sur le drap qui est tombé au sol. Mon cœur se brise en mille morceaux. Je
ne peux pas la laisser partir. Alors je me lève à mon tour et la rattrape en
nouant mes bras autour de ses hanches. Je plaque mon front contre son dos.

– Attends ! Pourquoi j’ai l’impression que tu regrettes ? J’ai fait quelque


chose de mal ?
– Non. C’est juste que…
– Joy, dis-moi. Tu ne peux pas nier qu’il y a eu quelque chose entre nous,
là.

Elle me regarde, et on se perd quelques instants dans le regard de l’autre.


J’essaye de lui faire passer le message que je la veux aussi. Mais ça ne
marche pas.

– Oui, je regrette. C’était une erreur. Toi et moi, ce n’est pas possible !

Je la lâche sur-le-champ, trop stupéfait, et elle en profite pour s’enfermer


dans la salle de bains. Je m’apprête à la suivre, mais elle ferme à clé.

Putain.

Je pose ma tête contre le battant et m’empêche de tambouriner contre


pour qu’elle me laisse entrer. Je passerais pour un faible. Mais elle me rend
faible. Je souffle longuement puis me redresse en passant mes mains dans
mes cheveux. Le lit me nargue de ce qui aurait pu se passer et je m’en veux.
Si elle a agi comme ça, c’est sûrement à cause du pari. S’il n’existait pas, si
elle savait que je l’aime réellement et que je ne suis pas là pour jouer, on
aurait été plus loin aujourd’hui. J’aurais pu lui montrer ce que je ressens
pour elle. Mais non, j’ai merdé.

Si elle me fuit, vient à m’abandonner à nouveau, ça sera de ma faute


cette fois-ci. Je ne peux pas rester là. J’ouvre la fenêtre, refais le lit
rapidement, comme pour supprimer de ma mémoire ce qui vient de se
passer. Autant dire que ça n’arrivera jamais.
22

Joy

Je m’assois sur le couvercle des toilettes. C’est seulement là que je


reprends mon souffle.

Merde, qu’est-ce qui vient de se passer ?

Si mon cerveau n’avait pas réagi, j’aurais laissé James aller jusqu’au
bout. Il aurait pu me faire tout ce qu’il voulait dans la chambre d’amis
d’Eddy, ce qui aurait été gênant. Mais surtout, il aurait gagné son pari.

Malgré les sentiments que je commence à ressentir pour lui, je ne suis


pas prête à passer ce cap. Je ne le serai pas tant qu’il veut juste m’avoir dans
son lit. Il est simplement attiré physiquement par mon corps. Il n’est pas
amoureux de moi comme je commence à l’être, je crois bien. Je me prends
la tête dans les mains. Comment est-ce arrivé ? J’ai l’impression que ça me
tombe dessus d’un coup. À la base, je voulais juste savoir ce qu’il cachait,
mon seul désir était de le prendre en flagrant délit de combat. Finalement,
j’ai rencontré sa dernière facette, celle qu’il ne souhaitait pas me montrer, et
je crois que c’est elle qui m’attire le plus. Et voilà que je passe la nuit avec
lui et que j’ai failli me laisser aller dans ses bras, comme ça, comme si
c’était naturel. Il souffle tellement le chaud et le froid que j’étais sûre de ne
jamais pouvoir ressentir quelque chose pour lui. Et pourtant… Et s’il y a
bien une chose que je sais, c’est que je ne suis pas une fille qui arrive à
avoir des relations sans sentiments. Pourquoi on a fait ce pari ? Jamais je ne
gagnerai. Jamais il ne tombera amoureux de moi avec ce qu’il m’a dit hier.
Je passe la main dans mes cheveux et lâche un grognement de
frustration, avant de me glisser sous l’eau.

Après avoir pris ma douche, j’enfile à nouveau le haut de James que je


rentre dans mon jean. Je ne mets pas de soutif parce que de toute façon,
sous son tee-shirt beaucoup trop grand, on ne voit pas ma poitrine. Je
m’apprête à sortir de la salle de bains, mais me stoppe.

S’il était encore là ?

Peut-être qu’avec un petit peu de chance, il ne sera plus dans la chambre.


Je prends une grande inspiration et ouvre doucement la porte. Il n’est plus
dans la pièce. Le lit est refait, comme s’il n’avait jamais été là et que je
l’avais rêvé. Je soupire, pensant que je l’ai peut-être perdu à jamais. Je ne
peux m’en prendre qu’à moi-même.

Quand j’arrive dans la cuisine, les garçons sont assis autour de la table.
Eddy sourit en me voyant, tandis que James me fixe, les yeux au-dessus de
sa tasse.

– Salut, dis-je tout bas en me dirigeant vers la table.

Une tasse et des couverts m’attendent, juste à côté de James. Pitié.


Pourquoi faut-il toujours que le destin nous place côte à côte ?

Je m’installe le plus loin possible de lui. Je me sers une tasse de café, que
je m’empresse de boire, pour me donner une contenance et pour me
réveiller.

– Bien dormi ? demande notre ami qui nous regarde à tour de rôle.

Je hoche la tête et croque dans ma tartine pour ne pas commencer sur ce


sujet.

– Tu me ramènes, Eddy ? questionne James en se relevant, et je ne peux


m’empêcher de le suivre.
– Je vous ramène tous les deux.
James soupire puis acquiesce.

– Je vais me préparer. T’as intérêt à être prête quand j’arrive, petite peste,
je n’ai pas que ça à faire de t’attendre.

Je m’étouffe en comprenant le sens caché de ses paroles, puis baisse la


tête, me rendant compte que j’ai complètement foiré mes chances avec lui.

– Qu’est-ce qui se passe ? demande Eddy, le regard confus.


– Rien. Je n’ai plus faim, dis-je en me levant pour faire la vaisselle.

Eddy me rejoint et essuie la vaisselle avant de la ranger dans les


placards.

– Je ne suis pas con, Joy. Tu portes son tee-shirt, et je sais que vous avez
dormi ensemble.

Je ferme le robinet en soufflant et pose mes mains sur l’évier, avant de


prendre une inspiration et de le regarder.

– Je ne veux pas en parler, d’accord ? Du moins pas pour le moment.


– Très bien. Comme tu veux, ma belle.

Un raclement de gorge nous fait sursauter, puis nous nous tournons vers
James, les bras croisés à l’entrée de la cuisine.

– C’est bon ? On peut y aller ?

Nous le suivons et nous montons dans la voiture d’Eddy. La maison de


ma famille est la plus proche de la sienne alors notre ami me dépose en
premier.

Quand je rentre dans la maison, c’est calme. Je suppose qu’ils sont déjà
partis travailler et que Veronica doit être dans sa chambre ou bien sortie.
Dans tous les cas, je ne la cherche pas, je n’ai pas envie de parler. Je veux
juste me débarrasser du tee-shirt de James, je ne supporte plus d’avoir son
odeur sur moi.
Alors que j’enfile des sous-vêtements propres, mon portable vibre dans
la poche de mon pantalon, qui est maintenant à terre. Je ne prends même
pas la peine de m’habiller pour lire le message, beaucoup trop pressée de
découvrir si c’est James.

Mon cœur rate un battement quand je vois son nom inscrit sur mon
téléphone. Mes doigts tremblent en déverrouillant l’appareil pour lire ce
qu’il a écrit.

[Ce n’était pas une erreur. J’en avais envie,


pas que pour le pari. Et toi aussi. Alors cesse
d’essayer de prouver le contraire !]

[N’oublie pas de mettre de la crème sur tes bleus.]

[Tu viens le faire ?]

[Non merci.]

Il ne me répond plus, je décide donc d’appeler mes parents pour régler


cette histoire de lettres. Mon père ne répond pas à son téléphone, mais ma
mère, si.

– Salut ma chérie. Comment vas-tu ?


– Ça va, mais j’ai une question à te poser.
– Oui, dis-moi ? Tu as besoin d’argent ?
Je lève les yeux au ciel. À croire que je suis dépensière et que j’ai déjà
écumé tout l’argent de poche qu’ils m’ont donné pour ces vacances.

– Non. Est-ce que James m’a envoyé des lettres ces dernières années ?

Le silence me répond. J’aurais aimé qu’elle soit surprise, elle aussi.

– Maman ?
– Oui, finit-elle par dire après quelques instants.
– Putain… soupiré-je.

Je n’ai pas l’habitude de jurer devant et envers mes parents. Mais là, j’ai
l’impression que tout mon monde s’effondre. Moi qui pensais que James
prenait plaisir à me faire la misère, juste comme ça. Non, c’est moi qui l’ai
blessé en premier, même involontairement.

– Joy… tente avec douceur ma mère.


– Mais pourquoi ? m’écrié-je. Il me déteste à cause de vous !
– Il ne te déteste pas.
– Tu n’es pas là pour le voir ! craché-je. Je n’en reviens pas que vous
ayez fait ça. Qu’est-ce qu’elles disaient ces lettres ? Et où sont-elles ?
– Laisse-moi t’expliquer, s’il te plaît. Je m’en veux depuis des années, je
n’ai jamais voulu ça.
– Et pourtant… Tu as une minute avant que je raccroche.
– Lorsque nous sommes venus à Bel-Air cet été-là, nous avons eu peur
de ton rapprochement avec ce garçon. Tu étais encore jeune, et lui était déjà
si… Disons que la façon dont il te regardait nous dérangeait. Avec ta
cousine, vous aviez organisé une pyjama party avec les enfants du quartier,
la veille de notre départ. Nous vous avions trouvé dans le même lit, lui et
toi, le lendemain. Pour moi, il n’y avait pas de problèmes, vous n’aviez que
12 et 13 ans. À mes yeux, vous étiez encore insouciants. Mais ton père ne
voyait pas les choses de la même façon. Mais comme on partait, on n’a pas
jugé bon de vous éloigner. On pensait que vous oublieriez vite. Puis il s’est
mis à t’envoyer des lettres. On a eu peur que si tu les lisais, tu tombes
amoureuse de lui et on n’avait pas envie que tu commences une relation
longue distance avec lui et que ça empiète sur tes études. C’est pour ça que
nous avons évité de retourner chez ton oncle par la suite. Alors, oui, nous
t’avons caché ses lettres, pour ton bien.
– Et à son bien-être à lui, vous y avez pensé ?
– Tu es notre fille, on n’a pensé qu’à toi. Mais je me rends compte que ce
n’était peut-être pas la meilleure chose à faire et je te demande pardon. Tu
es une grande fille maintenant, tu vas entrer à la fac. On ne peut plus
contrôler ta vie et j’ai l’impression que quoi que l’on fasse, ce James sera
toujours dans ta vie. Et j’aimerais beaucoup lui présenter aussi mes excuses,
un jour.
– Je dois réfléchir à tout ça. De toute façon, on se revoit bientôt.
– Oui, je t’aime ma chérie, ne l’oublie pas.
– Moi aussi, dis-je avant de raccrocher.

Je laisse tomber mon téléphone sur mon lit puis pose mes mains sur mon
visage en soupirant longuement. Je ressens tellement de choses en même
temps que j’ai l’impression que mon cerveau va exploser.

Un, du soulagement que je n’ai rien fait de mal volontairement.

Deux, de la colère contre mes parents pour m’avoir caché ça.

Trois, de la frustration envers James qui a préféré me blesser au lieu de


me parler dès que je suis arrivée.

J’ai besoin de dormir pour calmer toutes ces pensées. C’est parti pour
une sieste.
23

Joy

– Ils arrivent quand déjà ? me questionne Veronica quand on pose nos


sacs à dos dans l’entrée.

Je saisis mon téléphone dans la poche arrière de mon short et remarque


que j’ai un message de Lace qui me dit qu’ils viennent de passer l’entrée de
la ville, donc ils ne devraient pas tarder.

– Dans pas longtemps, je pense.


– Cool, on pourra commencer par le quad alors ! s’exclame ma cousine
en tapant dans ses mains et en rejoignant Brenton sur la terrasse.

Pendant ce temps, je monte à l’étage pour aller choisir ma chambre. On


est les premiers, autant en profiter.

On passe le week-end à Santa Barbara dans la maison secondaire de ma


cousine. Le rendez-vous avec James n’est plus à l’ordre du jour, mais ça, je
l’avais compris dès que je lui ai dit que nous deux c’était une erreur. Quand
Veronica a vu mon état, elle a proposé ce week-end et elle m’a demandé si
je voulais venir avec la bande. Bien entendu, ils ont tous accepté.

Je m’en veux d’avoir fui et en même temps je m’en veux d’avoir


succombé en premier lieu alors que j’étais énervée contre lui. J’ai presque
perdu le pari, ça me fout en rogne et je sais qu’il n’a pas oublié. Je ne suis
rien de plus pour lui qu’un pari, même s’il prétend le contraire. Il doit me
mettre dans son lit, rien d’autre, et comme une conne, j’ai sauté à pieds
joints dans la gueule du loup.
Pour qui je passe maintenant ? Il n’a eu besoin que de poser ses mains
sur moi pour que je fonde. Ça en dit long sur ce que je commence à
ressentir pour lui, mais je m’y refuse. C’est lui qui doit tomber amoureux de
moi, pas le contraire.

À partir de maintenant, il est hors de question que je reste une fois de


plus seule dans une même pièce avec lui. Je ne laisserai plus se reproduire
ce qui a failli arriver. Je sais qu’il n’a pas cru à mon excuse, et qu’il va tout
faire pour me faire craquer à nouveau. Et ça, je ne peux pas le permettre. Si
je me laisse aller avec lui, je vais forcément tomber amoureuse de lui pour
de bon. Il ne semble pas ressentir la même chose que moi et de ce que j’ai
vu, je sais qu’il peut se montrer très dur et presque méchant pour tenir les
gens à l’écart. Il n’en a que pour le pari, contrairement à moi. Je veux
réellement faire partie de sa vie, donc, ouais, comme je l’ai dit à Eddy, celle
qui risque le plus d’avoir le cœur brisé, c’est moi.

Je décide de me changer et enfile une robe légère dos nu parce que je


commence à avoir chaud dans mon short en jean. Je range mes affaires dans
la commode et notamment les vêtements de James qui m’ont narguée jour
et nuit ces deux derniers jours, que j’ai amenés pour les lui rendre.
J’entends alors une voiture dans la cour. Par la fenêtre, je remarque le SUV
de Lace puis la voiture de James qui suit. Je grimace en me demandant si
c’est confortable de rouler aussi longtemps dans cette voiture vintage, mais
ça n’a pas l’air de le déranger si j’en vois la façon dont il en sort aussi
souplement que s’il venait de rouler qu’une minute. Veronica et Brenton,
qui ont sans doute entendu les voitures, sortent pour les accueillir. Je
descends à mon tour et souris à mes amis qui sont maintenant dans le salon.

– Salut, dis-je en les enlaçant.


– C’est quoi cette robe ? s’exclame Lace en me faisant tourner sur moi-
même. T’es sublime.
– Merci, la remercié-je en rougissant. J’avais trop chaud en short.

Je me recule en lissant ma robe comme pour la faire descendre plus bas


sur mes cuisses parce que maintenant qu’elle a dit ça, je sens le regard de
James sur moi. Il ne me reste plus que lui à enlacer et autant dire que j’ai
plus envie de partir me cacher.

– Salut, me raclé-je la gorge en avançant vers lui, et il me lance ce


sourire arrogant qui me fait lever les yeux au ciel.

Il sait très bien l’effet qu’il me fait.

Je fais en sorte de ne pas coller mon corps contre le sien pour l’enlacer,
mais il n’est pas de cet avis. Sa main se pose sur le bas de mon dos et il me
plaque contre lui, mes seins contre son torse. Puis il se recule en me lançant
un clin d’œil et j’ai conscience de tous les regards sur nous. Alors je tape
dans mes mains.

– La séance de quad ne va pas nous attendre !

Je remonte dans ma chambre pour aller me changer et j’entends qu’ils se


dispersent aussi pour aller choisir leur chambre.

Je saisis un jean et un sweat et fais tomber ma robe au sol pour me


changer. Sauf qu’elle touche à peine le sol que la porte s’ouvre derrière moi.
Je sursaute en lâchant un cri. Je me retourne en plaquant mes mains contre
ma poitrine nue parce que je ne portais pas de soutien-gorge sous ma robe et
découvre James, la main sur la poignée de la porte, et qui me regarde la
bouche ouverte.

– Sors ! m’écrié-je.

Ses yeux longent mon corps, s’arrêtent sur mes mains cachant mes seins
puis le long de mon ventre. Ils s’attardent sur ma partie intime cachée par
ma culotte puis descendent le long de mes jambes, avant de faire le chemin
inverse et revenir sur mon visage. Il ne sort pas. Non, pire, il ferme la porte
derrière lui et reste planté là avec son sourire démoniaque.

– Il me semble qu’on est quittes maintenant, non ?


– Argh, soufflé-je en me retournant pour enfiler rapidement le sweat par-
dessus ma poitrine.
Puis je lui fais face à nouveau. Je n’ai toujours pas enfilé mon jean, mais
il m’a déjà vue en lingerie, donc ça ne sert à rien de me cacher plus. Bien
que je sois rouge, je soutiens son regard et pose les mains sur mes hanches.

– Qu’est-ce que tu veux ?

Il pose son sac de voyage sur la commode et je le questionne du regard


pendant qu’il sort ses affaires.

– On doit partager la chambre.


– Pardon ? dis-je en rigolant sarcastiquement. Hors de question. Il y a un
canapé dans le salon.
– Eddy le prend déjà.
– Alors dors par terre, rétorqué-je en levant les yeux au ciel.

Pourquoi Veronica a invité plus de monde que la maison ne peut en


accueillir ? Si elle savait qu’il manquerait des couchages, pourquoi avoir
invité mes amis ? On aurait pu passer ce week-end toutes les deux. Enfin
bon, maintenant, c’est fait. J’enfile mon jean, mes baskets et m’apprête à
sortir, mais il me retient de ses doigts autour de mon poignet. Je lui lance un
regard en coin et sa mâchoire crispée ne m’annonce rien qui vaille.

– Arrête de me fuir, putain.


– Je ne te fuis pas. Il n’y a juste rien d’autre à dire.

Il ricane sèchement en secouant la tête.

– Au contraire, on a plein de choses à se dire, Joy. Comme le fait que tu


avais autant envie que moi la dernière fois et que tu as trouvé une excuse
bidon.
– Pourquoi, à ton avis ? Je ne suis qu’un pari pour toi, James, rien
d’autre. Je ne suis que la fille à mettre dans ton lit une fois. Et je ne peux
pas le permettre parce que entre toi et moi, c’est moi qui aurai le cœur brisé
quand tu te lasseras de moi.

Il me lâche enfin et se recule en me fusillant du regard puis il secoue la


tête.
– T’es pas sérieuse, j’espère ?
– Si. Et c’est aussi une des raisons pour lesquelles tu ne voulais pas que
je sache pour les combats.
– Qu’est-ce que tu racontes ? Je t’ai dit pourquoi et aussi parce que je
voulais te protéger !
– Me protéger ? répété-je en riant jaune. Non. Tu ne voulais pas que je
sache parce que tu ne veux pas que je fasse partie de ta vie. Parce que, oui,
tu as peur que je t’abandonne, mais aussi parce que je ne suis rien de plus
qu’un coup d’un soir pour toi.
– C’est vraiment ce que tu penses de moi ?

Je lève un sourcil, lui faisant clairement comprendre qu’il ne peut pas me


faire croire le contraire. Il lâche un rire amer puis me décroche un regard
mauvais.

– T’as vraiment rien compris. Si je suis tant que ça un connard, va te


faire foutre.

Il sort de la pièce, non sans laisser son sac, bien évidemment, et claque la
porte.

– La porte ne t’a rien fait, imbécile ! crié-je en retour.

***

On arrive devant les locaux de quad et les autres nous regardent, James
et moi, avec des regards alarmés, comme si on était des bombes à
retardement et qu’on allait se sauter à la gorge d’une minute à l’autre.

Un homme sort du local et s’approche de nous en tapant dans ses mains.


Il a le regard émerveillé et un grand sourire aux lèvres quand il aperçoit
notre groupe. Il doit déjà se régaler du chiffre qu’il va se faire aujourd’hui.
Au moins, il y en a un qui ira se coucher content de sa journée.
– Bien, bien. Les duos n’ont pas changé depuis la réservation ?

Je lance un regard mauvais à Veronica, mais elle m’ignore.

– Non, c’est toujours bon, assure Lace au moniteur, me surprenant.

Si c’est elle qui s’est occupée des réservations, alors je comprends que je
sois avec James. Je croise les bras contre ma poitrine en marmonnant.

Malheureusement, je n’ai pas le permis alors je ne peux même pas la


ramener.

– Parfait, s’exclame le moniteur. Suivez-moi.


– Super, grommelé-je en suivant la petite troupe jusqu’aux quads, tout en
prenant mon temps bien évidemment.

Les filles tentent de me parler, mais j’enfile le casque et m’installe déjà


sur la place arrière du quad à mes côtés. James évite également les
questions et enfile à son tour le casque avant de s’asseoir devant moi. Nos
amis, contraints à n’avoir aucune réponse de nous deux, montent sur leurs
engins par duo. Bonnie avec Eddy, Lace avec Caleb et Veronica avec
Brenton. Le moniteur fait rugir le moteur de son quad, et les garçons
suivent.

– Les filles, accrochez-vous bien aux garçons pendant toute la durée du


circuit. Les montagnes sont rocheuses, avec beaucoup de pentes et de
virages. Je ne veux pas être responsable d’éventuelles blessures.

Dieu merci, personne ne peut me voir rouler des yeux. Alors que mes
amies enroulent leurs bras autour de leur binôme, moi, je serre juste la
chemise de James dans mes poings tout en regardant autour de moi, mal à
l’aise. Mes yeux s’arrêtent sur Veronica tournée vers nous et je fronce les
sourcils quand je remarque un rictus mauvais qui étire ses lèvres quand elle
observe la distance entre James et moi malgré l’espace exigu. Je n’ai pas le
temps de la questionner silencieusement qu’elle se détourne en enfilant son
casque. Est-ce que je viens de rêver ou Veronica est contente de la
situation ? Non, c’est le soleil qui commence à me taper sur la tête. Elle ne
me ferait pas ça.

Pour Lace et Veronica, c’est simple, elles sont en couple avec leurs mecs.
Pour Bonnie, ça paraît aussi simple, car la barrière d’amitié entre elle et
Eddy est très bien érigée, et ils ne sont attirés ni par l’un ni par l’autre.

Pourquoi ce n’est pas aussi simple pour nous ? Tout simplement parce
que je ne peux pas nier que nous ne pouvons plus être amis comme avant.
Nous sommes maintenant attirés l’un par l’autre. Mes sentiments pour lui
sont réels et nous sommes en froid.

Le moniteur démarre. Il est suivi par le quad de Caleb, celui de Brenton


puis d’Eddy et enfin de James, qui ferme la file. Je m’accroche du mieux
que je peux à lui sans le toucher.

Il est tendu, je le sens et je le vois. Ses épaules sont crispées et vu


comment ses doigts sont blancs, il doit serrer le guidon très fort. Nous ne
profitons pas vraiment du début du circuit ou même du paysage. J’entends
les rires et les cris de nos amis, ce qui me rend un peu jalouse. C’est le
silence le plus complet entre nous.

Nous nous apprêtons à prendre le premier virage, à je ne sais pas


combien de kilomètres à l’heure, quand je manque de tomber à la renverse.
Je pousse un cri de terreur, James sursaute et lâche d’une main le guidon
pour me rattraper. Il passe mon bras droit puis le gauche autour de lui, si
bien que même si ce n’était pas ce que je souhaitais, je me colle à lui et le
serre aussi fort que je le peux, pour éviter d’éventuelles chutes.

– Putain, tu m’as foutu les jetons, j’ai cru que tu allais valser. Accroche-
toi, maintenant, crie James par-dessus le bruit du quad, et je hoche la tête
contre lui.

Une heure plus tard, nous arrivons en haut de la montagne. Quand les
moteurs s’arrêtent, je lâche enfin ma prise autour de James et recule. Car en
plus de m’être accrochée à son ventre, je l’enserrais de mes cuisses aussi.
Mais c’est parce que j’avais une frousse bleue de tomber !
Il descend du quad et enlève le casque avant de me tendre la main avec
un petit sourire en coin. Je l’attrape et il m’aide à enjamber le véhicule. Une
fois au sol, j’enlève le casque en laissant tomber mes cheveux en cascade
dans mon dos, avant de les secouer pour qu’ils se remettent correctement.

James me fixe intensément, pendant que le moniteur demande ce que


nous avons pensé de cet aller. James revient à lui et me prend le casque des
mains pour le poser sur l’engin à côté de nous. Je me racle la gorge pour me
remettre de mes émotions et de notre proximité.

Lace et Bonnie nous rejoignent et m’emmènent à l’écart. Nous marchons


un peu et nous observons la vue du sommet de la montagne désertique.
C’est magnifique et à couper le souffle.

– Bon, commence Lace en me donnant un coup d’épaule. Qu’est-ce qui


se passe entre toi et James ?
– Rien.

Je frappe un caillou avec ma chaussure et le regarde disparaître dans le


ravin. Puis je fourre les mains dans les poches avant de mon sweat. Et c’est
là que je me rends compte que ce n’est pas le mien, mais celui de James.
Celui qu’il m’a passé chez Eddy. Merde. Comment je peux dire qu’il ne se
passe rien si je porte ses fringues, aussi ? Je sens le regard équivoque de
Lace sur moi et je rougis.

– Promis, on ne le répétera pas, m’assure Bonnie qui elle aussi a deviné


qu’il se passe quelque chose.

Je prends une grande inspiration et soupire longuement avant de regarder


mes amis.

– On a failli coucher ensemble.


– Pardon ? Mais c’est trop bien !
– Quoi ?! Mais c’est génial, putain ! s’exclame Lace, me faisant rire, et
je secoue la tête pour désapprouver.
– Non, ce n’est pas génial.
Mes nouvelles amies perdent leurs sourires et me lancent des regards
inquiets.

– On ne doit pas coucher ensemble ni flirter, je ne peux pas avoir le cœur


brisé.
– James ne te brisera jamais le cœur, s’étonne Lace tandis que Bonnie
hoche vigoureusement la tête.
– Je ne suis pas son genre de fille.
– D’après qui ? Si tu parles de Laura, c’est elle qui n’est pas son genre de
fille. Il est fou amoureux de toi depuis des années ! rétorque Lace.
– Tu m’étonnes, ajoute Bonnie. Est-ce que tu as vu comment il te
regarde ? Ça me gêne presque des fois !

Un raclement de gorge nous fait sursauter. On se retourne d’un bond et


nous découvrons James, les mains dans les poches.

– Est-ce que vous pouvez nous laisser ? demande-t-il aux filles.


– Tu viens Bonnie ? questionne Lace, et j’écarquille les yeux.
– Non, chuchoté-je en retenant le poignet de Lace. Ne me laissez pas !

Lace me lance un petit sourire, se retire de mon étreinte et s’éloigne avec


Bonnie. Je veux les suivre, mais James se met sur mon chemin.

Je tente de faire un pas de côté, mais il en fait un aussi, me bloquant


toujours. J’essaye à nouveau, mais sans succès. Il pose ses mains sur mes
hanches et me balance sur ses épaules. Mon cri alarme les autres, qui se
retournent. Mais en nous voyant, ils se mettent à rire aux éclats.

– Lâche-moi tout de suite, James ! crié-je en frappant ses fesses.

Il met ses mains sur les miennes pour que je me tienne tranquille, ce qui
me fait taire tout de suite, et nous emmène à l’abri des regards derrière un
gros rocher.

Il me pose par terre, je tente de m’échapper, mais il me rattrape.

– Arrête de t’enfuir, bordel ! Il faut qu’on parle.


– Non.

Je tente de me sauver encore une fois, mais il me plaque contre le rocher,


son corps contre le mien et son front contre le mien.

– Tu avais raison, d’accord ? souffle-t-il. Oui, au début je voulais


seulement t’avoir dans mon lit pour me venger, mais plus maintenant !
– Je ne te crois pas.

Il se recule, semble dépité quelques instants puis il me lance un regard


noir.

– Alors je crois qu’on n’a plus rien à se dire.


– Les amoureux, il est temps de rentrer ! nous appelle le moniteur.

On se fixe pendant de longues secondes jusqu’à ce que je soupire et me


retourne. Le cœur en morceaux. J’entends ses pas me suivre, mais il
n’essaie pas de me rattraper. Je monte sur le quad et il me rejoint. J’ai appris
de ma leçon, je m’accroche à lui, mais sans me coller non plus.

James m’ignore le restant de la journée, même lors du dîner alors qu’il


est assis à côté de moi. Sa cuisse touche la mienne et parfois ses doigts
frôlent ma peau en attrapant le sel ou les plats, faisant monter ma chaleur
corporelle. Je ne sais pas s’il le fait exprès ou pas, mais je suis en train de
me consumer. J’essaye de rester impassible, mais je ne sais pas si j’y arrive.
C’est Brenton qui, en ouvrant la bouche, me fait revenir sur terre.

– Tout à l’heure, quand j’étais sur la terrasse, un groupe est passé en


parlant d’une fête sur la plage. On y va ?
– Je croyais que c’était un feu de camp ? questionne Veronica en
fronçant les sourcils. On va s’ennuyer à mourir.
– Mais non, s’exclame Eddy. On va tous chanter en se tenant la main
autour d’un feu en mangeant des marshmallows.
– Tu as trop regardé Camp Rock, le clashe Bonnie.

Eddy lui tire la langue et j’éclate de rire. Je crois que c’est la première
fois que je rigole sincèrement depuis qu’on est arrivés. Mais très vite, je
sens le regard de James sur moi. Je me calme et hausse les épaules.

– Moi, ça me va.

Pour être honnête, tout me va si c’est pour me vider la tête, pour ne plus
penser à James et à ce que je commence à ressentir pour lui. Et surtout pour
éviter de penser au moment fatidique où on va devoir dormir ensemble.
Plus on rentrera tard, moins on dormira.

On se dirige vers la plage. Les garçons sont derrière nous pendant que
l’on marche devant, avec les filles. J’ai remis la robe que je portais ce matin
et je sens le regard de James dévaler mon dos. En parlant de lui, les filles
me harcèlent depuis qu’on est partis et j’ai craqué, je leur ai parlé du pari.

– Mais c’est n’importe quoi ! s’exclame plus fort Lace et je lui frappe le
bras pour lui faire comprendre de se taire.
– Pardon, mais jamais James ne ferait ça. Il est beaucoup trop
respectueux et il a beaucoup trop souffert avec Laura pour faire un pari
aussi méchant de son côté.
– Et pourtant…

Ça m’épatera toujours. J’ai l’impression qu’on ne parle jamais du même


mec.

– Je ne veux pas créer de problèmes, ajoute Veronica. Mais à chaque fois


que tu me parles de lui, il te rend triste. Il va te briser le cœur si tu continues
à lui laisser une chance de le faire.

J’ai l’impression de sentir mon cœur se briser en mille morceaux en


entendant les propos de ma cousine. Entre les filles qui me disent de croire
en James et elle qui me pousse à m’éloigner, je suis prise entre deux étaux
et je ne sais pas quoi faire. J’aurais aimé qu’elle aille dans le sens de mes
amies.

– Mais qu’est-ce que tu racontes, Veronica ? s’insurge Bonnie en passant


son bras autour de mes épaules. Ne l’écoute pas. Nous, on connaît James.
Le pari, il l’avait déjà perdu dès que vous l’avez fait. S’il a été méchant
depuis le début, c’est parce qu’il a peur de toi et de ce qu’il ressent pour toi.
Mais pour l’instant, oublie tout ça et profite enfin de tes vacances !
– Je cherche juste à protéger ma cousine, soupire Veronica en levant les
yeux au ciel, puis elle nous abandonne sans aucun regard pour moi.

Je suis perplexe. Je pense qu’elle essaye de me protéger, mais si elle


voulait réellement prendre soin de moi et de mon petit cœur, pourquoi a-t-
elle invité James, alors ? Oh ! Je ne comprends plus rien et je ne sais plus
où donner de la tête.

Je dois me changer les idées et, justement, on arrive sur la plage.


Plusieurs feux sont allumés avec des gens autour et nous en prenons un de
libre. James est en face de moi, il me fixe, mais je fais tout pour l’ignorer et
regarde autour de moi. Et je suis surprise de voir Dylan, l’ami de Brenton,
arriver. Qu’est-ce qu’il fait là, au juste ? J’ai l’impression qu’il est partout
où on est. Il nous salue, fait un check à Brenton et finalement son regard se
pose sur moi et il vient s’asseoir à mes côtés.

– Salut Joy. Ça fait longtemps. Tu es encore plus belle que la dernière


fois.

Sans savoir pourquoi, je lance un regard à James et il n’apprécie pas. Pas


du tout. Maintenant que j’ai vu les dégâts que peut faire son coup de poing,
j’ai envie, malgré ce qui s’est passé, de me rapprocher de lui pour le calmer
parce que je ne voudrais pas qu’un accident arrive. Mais je ne peux pas.

– Salut, dis-je seulement à Dylan avant d’avaler une longue gorgée de


ma bière que je termine déjà.

Parfait, ça va me faire une excuse pour m’éloigner.

– Je vais me chercher une bière. Qui en veut ?

Bien évidemment, ils n’ont pas encore fini.

– Je viens avec toi, lance le nouvel arrivant, et je me retiens de lever les


yeux au ciel.
– C’est qui le blond pour toi ? me demande-t-il curieusement quand on
s’éloigne du groupe.

Je le regarde, mais je n’ai pas l’impression de voir de la méchanceté dans


son regard, ni de l’amertume. Peut-être qu’il essaye juste de faire la
conversation, mais on ne sait jamais, alors je fais semblant de ne pas
comprendre.

– Comment ça ?
– Le blond de votre groupe. Dès que je suis avec toi, j’ai l’impression
qu’il veut me tuer.

Je lâche un petit rire et secoue la tête.

– Un ami.
– Mais…
– Mais c’est compliqué. Deux bières, s’il vous plaît, commandé-je au
barman.
– Si je peux me permettre, il te kiffe grave. Et je crois que toi aussi. Je
n’ai donc aucune chance avec toi.

Gênée, je lui lance un regard en coin et me pince les lèvres.

– Je suis désolée, tu es sympa, mais en effet. Je ne suis pas venue pour ça


à la base et je ne comptais pas ressentir quelque chose pour James. On se
connaît depuis l’enfance, mais apparemment la vie veut autre chose pour
nous.

Quand on retourne près des autres, quelle n’est pas ma surprise quand je
vois une fille inconnue accrochée au bras de James. Je n’entends pas ce
qu’ils se disent, mais elle rigole en tout cas à gorge déployée. Je soupire et
baisse la tête vers mes pieds, refusant de voir quoi que ce soit.

– Compliqué, hein… rit doucement Dylan, et je hausse les épaules.


– Je te l’avais dit.
– Je pense que tu devrais lui dire ce que tu ressens, Joy. Il te bouffe du
regard constamment et son attitude me fait comprendre qu’il n’en a rien à
foutre d’elle. Regarde comment il nous observe.

Je relève doucement la tête et effectivement James nous dévisage


méchamment. Puis sans que je comprenne ce qui se passe, la fille saisit son
visage et plaque ses lèvres contre les siennes. Je laisse échapper un hoquet
de surprise.

– Est-ce que tu veux qu’on s’éloigne ? questionne Dylan, et je secoue la


tête.
– Non, il peut faire ce qu’il veut. Je m’en fous.

Je mens parce que ça me fait plaisir qu’il repousse la fille sans aucune
délicatesse quand on s’assoit à nouveau.

– Qu’est-ce que tu fous, putain ? la questionne James.


– Je croyais que tu étais intéressé, se plaint-elle avec surprise.
– Je t’ai dit que non. C’est toi qui t’es quand même assise là.
– C’est dingue, se marre Brenton. Il a toutes les filles à ses pieds et il
s’en fout.

Tout le monde tourne la tête vers lui. Il n’est pas sérieux ?

– Quoi ? C’est vrai !


– Au moins, moi je suis fidèle, lâche James en le fusillant du regard puis
en me fixant.
– Tellement fidèle que tu te fais tromper, renchérit Brenton avec un
sourire mauvais. C’est vrai que Laura t’a trompé ? Ça fait quoi d’être cocu ?
Deux fois ?
24

Joy

– Brenton ! s’exclame Veronica d’une voix choquée.

Un ange passe. J’écarquille les yeux quand ce que Brenton vient de dire
fait son chemin jusqu’à mon cerveau. Depuis quand Brenton est-il aussi
mauvais ? Je me doute que ça a dû vite se savoir dans le quartier, mais je ne
pensais pas que le copain de ma cousine le savait aussi. En plus d’être
surprise qu’il demande ça comme s’il demandait l’heure, son sourire
suffisant me met mal à l’aise. Et si c’était avec lui que Laura a trompé
James ? Non, je me fais des idées. Il n’aurait pas osé, surtout qu’il sort avec
ma cousine. En vrai, ça ne veut rien dire, mais je ne veux pas y croire. Et
pourtant, maintenant que j’y ai pensé, ça ne veut plus quitter mon esprit. Ça
expliquerait pourquoi il y a toujours eu une tension entre eux. Je tourne la
tête vers James. Sa mâchoire est crispée et il fixe d’un œil mauvais le
copain de ma cousine. Je suis sur la défensive. À tout moment, il peut se
jeter sur Brenton.

– Qu’est-ce que tu viens de dire, là ? questionne James d’une voix si


froide que même moi il me fait peur.

En une seconde, il est debout et il abat son poing dans la mâchoire de


Brenton. La tête de ce dernier tourne sur le côté dans un gémissement. Je
lâche un cri étranglé et je me lève pour retenir James, mais les garçons
l’attrapent déjà pendant que Dylan éloigne Brenton.

– Lâchez-moi, putain ! je vais lui refaire sa face à cet enculé !


– James, tente de le calmer Eddy. Tu n’es pas sur le ring, tu ne peux pas
te battre.
– Empêche-moi.
– Si tu veux me frapper, fais-toi plaisir. Mais, non, je ne vais pas te
laisser faire.

James se débat, essaye de repousser Eddy, mais Caleb le ceinture aussi.


Les filles me voient avancer et me font signe de me stopper. Je comprends
qu’elles ont peur, pas moi. Je me plante devant celui qui fait de plus en plus
battre mon cœur, Eddy se pousse légèrement et j’encercle le visage de
James de mes mains.

– James, l’appelé-je, et il arrête de se débattre.

Sa tête se baisse vers moi, il respire fort, ses narines se dilatent et


finalement il se détend. Les garçons le lâchent. James se dégage de mon
emprise sans aucune douceur, mes mains retombent mollement autour de
moi et j’ai l’impression de sentir mon cœur se briser devant son rejet. Il
s’éloigne rapidement, j’entends Brenton se plaindre. La bande se retourne
vers moi, comme pour me dire que c’est à moi de gérer. Je soupire.

– Je m’en occupe.

Avant de rejoindre James, je me plante devant Brenton qui tient son


visage dans sa main.

– Félicitations, hein.
– Quoi ? s’étonne Brenton. Ce n’était pas méchant, je voulais juste
savoir, faire la conversation.

Je fusille Brenton du regard. Comment peut-il dire ça ?

– La prochaine fois, parle à un mur, ça sera plus productif, imbécile.


– Qu’est-ce que tu viens de dire ?

Il s’approche de moi, mais les filles me tirent en arrière pendant que les
garçons se placent entre lui et moi.
– Qu’est-ce que tu comptais faire, là ? rage Eddy. On t’a épargné plus
qu’un poing dans ton visage de merde, mais si tu touches à un seul de ses
cheveux, on ne retiendra pas James cette fois-ci.

Il se retourne vers moi.

– Va le chercher.

J’acquiesce, mais je ne peux m’empêcher de jeter un nouveau regard à


Brenton.

– T’as très bien compris ce que j’ai dit.

Je me sépare de l’emprise des filles, ignore le regard suppliant de ma


cousine et pars à la poursuite de James. Il est déjà loin sur la plage. Il paraît
minuscule. Je m’en fous de ma robe qui virevolte à cause de l’air frais et
cours après lui.

– James ! crié-je quand je me rapproche.

Au début, je crois qu’il ne m’entend pas, mais finalement il s’arrête et


me jette un regard par-dessus son épaule.

– Qu’est-ce que tu veux ? Je ne suis pas d’humeur, là. Retourne avec


l’autre.

Je ne me formalise pas de son ton dédaigneux ni du fait qu’il s’éloigne


déjà. Je le suis en silence, en attendant qu’il s’ouvre. Il ne dit rien, même
quand il sait que je le suis comme son ombre. En revanche, je l’entends
renifler comme s’il pleurait et ça me demande tous les efforts du monde
pour ne pas pleurer moi aussi et le prendre dans mes bras.

Il s’arrête finalement au bout de quelques longues minutes de marche et


se laisse tomber sur le sable, la tête dans les mains. Je m’assois à mon tour,
me moquant de salir ma robe. Je ne peux pas le laisser seul. Tant qu’il ne
me dira pas qu’il ne veut pas que je sois là, je resterai et j’attendrai qu’il me
parle.
Comme il n’a pas l’air dérangé par ma présence, je me rapproche de lui
et pose ma tête contre son épaule. Il n’a même pas un seul mouvement de
recul, alors je me dis que j’ai toutes mes chances.

– C’est un imbécile, ne le laisse pas t’atteindre, chuchoté-je.

Je ne m’attends pas à ce qu’il me réponde ou qu’il fasse quoi que ce soit


alors je suis surprise et je lâche un petit cri quand il saisit mes hanches et
me fait asseoir sur ses cuisses, face à lui. Il m’enlace, me serre fort et fourre
sa tête dans mon cou en prenant une grande inspiration, comme s’il me
respirait, ce qui me fait frissonner de la tête aux pieds. Je le laisse faire, je
me colle même encore plus à lui en caressant ses cheveux. Ses mains
fraîches passent sur la peau de mon dos laissée nue par ma robe. Je devrais
avoir froid, mais j’ai l’impression de brûler sous son toucher.

– Parle-moi, James, murmuré-je à son oreille.

Il ne dit rien pendant une bonne minute, se contentant de respirer fort


dans mon cou, mais je le laisse prendre son temps et continue à caresser sa
tête et sa nuque. Finalement, je sens qu’il prend une grande inspiration. Il
est prêt à parler.

– Je m’en fous que Laura m’ait trompé. Je n’ai plus aucun sentiment
pour elle maintenant. Mais à chaque fois, ça me rappelle que les gens que
j’aime n’en ont rien à faire de moi et peuvent me trahir à tout instant…

Quand sa voix craque sur la fin, ça me demande tous les efforts du


monde pour ne pas pleurer avec lui.

– Tu as le droit d’être en colère, James.

Il se recule et, au début, je crois qu’il ne veut plus de mon contact, mais
il me surprend en posant sa main sur ma joue.

– Je t’en supplie, Joy, ne me repousse plus, ne m’abandonne pas toi non


plus. Depuis que tu es revenue, j’ai l’impression d’entrapercevoir la lumière
et je ne veux plus être dans le noir.
– James, soufflé-je en sentant les larmes s’accumuler dans mes yeux.

On ne m’avait jamais rien dit d’aussi beau. Il pose son front contre le
mien.

– Si tu ne veux pas de moi, dis-le tout de suite et je te promets que je te


laisse tranquille.
– Non, m’écrié-je en saisissant son visage entre mes deux mains. Je te
veux, James. Toi, et toi seul. Je reste là, James. Je suis là pour toi.
– Même si je vais être un con en colère et triste et qui combat pour
évacuer la pression ?
– Oui.
– Même si je n’aime pas que d’autres mecs soient proches de toi ?
– Oui.
– Promets-le-moi.
– Je te le promets.

Il m’attire à nouveau contre lui et je crois qu’il va m’embrasser mais il


s’arrête à un centimètre de mes lèvres. Je le fusille du regard et il rigole
légèrement.

– Je crois que j’ai perdu le pari, je vais devoir t’acheter une bague.

J’éclate de rire et plaque mes lèvres contre les siennes en tenant son
visage dans mes mains. On soupire tous les deux comme si on attendait ça
depuis des semaines, alors qu’on s’est déjà embrassés plusieurs fois. Je
plaque ma poitrine contre la sienne. Il serre mes fesses dans ses mains et
comme je suis en robe et que je suis à califourchon sur ses cuisses, je sens
son excitation grandir sous moi. À bout de souffle, je me recule et j’ai
presque envie de pleurer quand je vois ses yeux scintiller à nouveau.

– On s’en fout du pari.

Alors que je noue mes bras autour de son cou pour l’embrasser à
nouveau, son téléphone vibre dans sa poche.
– Laisse, souffle-t-il avant de m’embrasser à nouveau, mais il vibre à
nouveau.

Il semble vouloir l’ignorer, mais au vu de la situation, ça peut être


important. Je le sors de sa poche et me recule pour observer.

– C’est Lace, ils rentrent à la maison.


– On est tout seuls, alors ?
– Oui, et ?
– Tu me fais confiance ?
– Pourquoi ?
– Tu as confiance en moi, oui ou non ?
– Oui.

Il se lève, m’emportant avec lui. Je lâche un cri et noue mes bras autour
de son cou.

– T’es dingue, je ne m’y attendais pas.


– Je ne t’aurais pas laissée tomber.

Il me repose sur mes pieds et entreprend de se déshabiller en


commençant par enlever son tee-shirt. Quand son short atterrit au sol, ses
mains se posent sur son caleçon et j’écarquille les yeux en posant les
miennes sur les siennes pour l’arrêter.

– Mais qu’est-ce que tu fais ?


– Un bain de minuit.
– Mais il y a des gens !
– Il n’y a personne autour de nous et on est dans le noir.

Son caleçon suit le mouvement de ses autres vêtements, et même si je


l’ai déjà vu nu, je détourne le regard en rougissant. Il passe devant moi et
court jusqu’à l’eau, m’offrant une vue imprenable sur ses fesses. Il remonte
à la surface, repousse ses cheveux en arrière et malgré la distance, il me
jette un clin d’œil.

– Rejoins-moi si tu en es capable.
Je regarde autour de moi et, effectivement, il n’y a personne, mais je ne
sais pas. Je pense à ma culotte qui est en dentelle, donc même si je la garde,
il verra tout. Je sais qu’il ne me jugera pas si je ne le fais pas, mais je ne
veux pas passer pour une coincée. En plus, je suis sûre qu’il ne le pensera
jamais, mais j’ai l’impression qu’il veut que je lui prouve que j’ai foi en lui.
Je prends une grande inspiration en posant les doigts sur le bas de ma robe.

Allez, Joy. Si ce n’était pas lui, s’il ne te rendait pas nerveuse, tu aurais
accepté.

J’écoute la petite voix dans ma tête et je fais passer la robe par-dessus ma


tête. Je frissonne quand le vent fouette mon corps, ou alors c’est son regard
sur moi qui me fait cet effet-là. Je ne le vois pas, pourtant, je sais qu’il
m’observe. Je retire mes baskets et prends mon courage à deux mains pour
avancer vers l’eau. Je ne peux pas me résigner à enlever ma culotte. L’eau
est fraîche et je pousse un cri quand j’entre jusqu’aux genoux. Il éclate de
rire avant de me tendre la main. Je la saisis et il me tire contre lui.

– Tu es sublime.

Seule la lune nous éclaire. Je pose ma main sur sa joue et il s’appuie


contre en fermant les yeux. Mon cœur chavire.

– Je suis désolée de n’être jamais revenue. J’ai discuté avec mes parents.
Tes lettres sont bien arrivées chez moi, cependant, ils me les ont cachées.

Ses yeux se rouvrent et s’ancrent dans les miens et je crois y percevoir


du soulagement, alors je continue en lui expliquant les raisons de mes
parents.

– Mais j’aurais pu moi aussi t’écrire ou insister plus pour revenir ici. Je
regrette, terminé-je.

Ses lèvres s’étirent avec son sourire à fossettes qui me fait craquer.

– On était des enfants comme tu l’as dit, on ne pouvait pas savoir.


***

Il fait nuit noire dans la maison quand on rentre. Tout le monde a l’air
d’être au lit. On essaye d’être silencieux, mais on ne connaît pas tellement
encore la maison et nos téléphones n’ont plus de batterie, alors on ne peut
pas utiliser nos torches. Je marche sur une chaussure qui traîne, je lâche un
cri. James me rattrape le bras et nous gloussons.

– Chut !
– C’est toi qui viens de te casser la gueule. Remercie-moi de t’avoir
rattrapée.
– Vous allez vous taire, il y a des personnes qui dorment ! gronde Eddy.

On se regarde avec des gros yeux et on ne dit rien, comme si ça pouvait


annuler le bruit qu’on vient de faire, puis on explose de rire et on monte
dans la chambre.

– Bande de trous du cul, marmonne Eddy.

Au début de la journée, je pensais que ça allait être un enfer de passer la


nuit avec James. Maintenant que l’on a à peu près officialisé les choses, je
me sens timide de dormir avec lui. Et si je parle dans mon sommeil ? Et si
je me colle trop à lui et que je le dérange ?

Argh. Stop, Joy !

Je prends mon courage à deux mains et sors de la salle de bains où je me


préparais pour aller dormir. James est déjà allongé, en train de regarder un
match de hockey à la télé, un bras derrière la tête et la couette remontée
seulement sur son bassin. Ça me demande tous les efforts du monde pour ne
pas le mater quand je grimpe sur le lit. J’ai conscience de mon allure dans
son tee-shirt et du fait que je ne porte pas de soutien-gorge. Il tourne la tête
vers moi quand je me faufile sous la couette et je sais qu’il le remarque
aussi, mais il ne dit rien.

– Tu veux que je change ?


– Non, je ne connais pas les règles, mais j’aime bien.

Il ouvre un bras pour me faire comprendre que je dois me lover contre lui
et je ne me fais pas prier. Il referme son bras autour de mes épaules et
j’appuie la tête contre son torse. Son tee-shirt, trop grand pour moi, retombe
sur mon épaule et de ses doigts, il la frôle. Je me retiens de lui sauter
dessus, littéralement.

– Ce n’est pas ce que j’avais en tête pour notre premier rendez-vous,


rigole-t-il légèrement, et je redresse la tête pour le regarder.
– C’était parfait.

Il embrasse mon front, éteint la télé et me force à me retourner pour que


je sois face à lui et contre son torse. Son bras passe autour de mon dos pour
me blottir encore plus contre lui. Je passe une jambe entre les siennes et on
soupire de bien-être tous les deux, nous faisant rire doucement. Sa main
caresse légèrement l’épiderme de mon dos et je ferme rapidement les yeux.

– Bonne nuit, petite peste.


– Bonne nuit, James.
25

James

Je n’ai pas envie de me réveiller de ce rêve où tout commence à aller


bien entre Joy et moi. Mais malheureusement, les rayons du soleil me
forcent à me réveiller. C’est bizarre, je ne pensais pas que la couette serait
aussi chaude. J’ouvre difficilement les yeux et mon regard s’écarquille
quand je remarque la tête rousse sur mon torse. Et finalement, ça fait sens.
Ce n’était pas un rêve, il s’est bien passé tout ça avec Joy. On s’est bien
endormis ensemble.

Sa tête est sur mon cœur. J’espère qu’elle dort assez pour ne pas entendre
ô combien il bat vite. Sa main est sur son ventre et elle a une jambe entre
les miennes. Je la tiens comme ça quelques minutes, puis un sourire étire
ses lèvres. Je devine qu’elle est tout aussi réveillée que moi maintenant et je
donnerais tout pour savoir ce qu’elle pense de cette position. Je me rends
compte que je tiens sa nuque de ma main, alors je la lâche et frôle sa bouche
de mes doigts.

– Tu souris, petite peste.

Elle glousse, ce qui me fait sourire, et elle relève la tête vers moi.

– Ne me dis pas que tu me regardais en train de dormir ?

Je lui lance un sourire en coin et appuie sur son nez de mon index, la
faisant rougir.

– Tu ronfles comme un camion.


Elle saisit son oreiller et me le lance à la figure.

– Menteur.

J’éclate de rire et elle se redresse pour s’asseoir à califourchon sur mes


cuisses. J’arrête de rigoler car, là, elle fait monter la pression en moi. Mais
elle n’a pas les mêmes idées que moi. Elle me plaque l’oreiller sur la tête. Je
l’esquive et le lui relance, ce qui fait qu’elle descend plus bas sur mon
corps, pile au bon endroit. Son tee-shirt étant relevé autour de ses hanches,
je sens son sexe à travers sa culotte. Son rire s’estompe, son regard se fait
plus intense. Une de mes mains remonte le long de sa cuisse tandis que
l’autre replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille puis s’appuie
sur sa nuque.

Je ne sais pas ce qu’elle pense, mais elle se laisse faire quand je l’incite à
baisser ses hanches. Son clitoris appuie contre mon sexe dur. Le choc lui
fait écarquiller les yeux et elle gémit au moment où mes lèvres se posent sur
les siennes.

Putain, elle va me rendre dingue et je vais prendre un plaisir fou à la


faire grimper aux rideaux…

Je nous retourne et, dans cette position, je m’appuie encore plus fort
contre son sexe, la faisant gémir plus fort. J’avale ses petits cris dans mes
baisers. Elle veut me toucher, mais je plaque ses mains au-dessus de sa tête.
Sa poitrine se soulève pour se coller à la mienne. Je sens ses tétons durs à
travers son tee-shirt. Elle en a autant envie que moi, elle ne pourra pas me
dire le contraire.

– James, soupire-t-elle en appuyant son bassin contre le mien.


– Hmm ?

Mes lèvres parcourent ses clavicules et son buste se relève. Je sais


qu’elle veut que je la touche, mais je veux qu’elle me le dise.

– J’en ai envie.
– Tu ne vas pas fuir aujourd’hui ?
Elle me frappe sur la tête, ce qui me fait rire, puis je saisis un de ses seins
dans ma paume. Elle gémit en se cambrant contre moi.

– Debout les amis, s’écrie Eddy en entrant dans la chambre, la porte


claquant contre le mur.

On sursaute, je retombe sur le lit à côté de Joy et elle redescend son tee-
shirt sur son corps.

– Putain, grondé-je. Tu ne peux pas toquer ?

Eddy sourit comme un con, sachant très bien ce qu’il a interrompu. Joy
rougit d’embarras et me lance un regard pendant que je replace mon sexe
dans mon caleçon parce que putain, ça fait mal, là.

– Vengeance. On part dans trente minutes ! nous informe Eddy en nous


lançant un clin d’œil avant de sortir de la chambre.
– Bon… soupire Joy nerveusement. On en était où ?

Je saisis son visage à deux mains et plaque mes lèvres sur les siennes
rapidement, pour un baiser chaste.

– Je n’en ai pas fini avec toi. Mais en attendant, j’ai besoin d’une bonne
douche froide sinon je vais boiter.

Elle glousse et m’observe me lever puis m’enfermer dans la salle de


bains. J’aimerais qu’elle me rejoigne et quelle n’est pas ma surprise quand
j’entends la porte s’ouvrir. Je ne dis rien et ne la regarde pas. Je la laisse
venir d’elle-même. Elle m’a déjà vu nu, moi pas encore totalement. Ça me
demande un effort surhumain pour ne pas la presser. J’entends ses
vêtements tomber au sol et je serre les lèvres.

C’est une torture, là.

Finalement, je l’entends me rejoindre. Je souris quand elle grelotte. Je ne


mentais pas, j’avais besoin d’une douche froide. Mais elle ne me sert plus à
rien quand elle se plaque contre mon dos, me réchauffant à nouveau. Je ne
dis rien, ne la questionne pas. J’augmente juste la température de l’eau pour
son confort et me retourne en lui tendant un gel douche.
26

Joy

– Alors, commence ma tante avec un sourire malicieux en s’asseyant en


face de moi pendant que je prends mon goûter. Toi et James, c’est enfin
officiel ?

Je lève un sourcil incrédule et souris.

– Je vois que ça circule vite par ici.

On est rentrés hier de notre séjour de deux jours. Apparemment, tout le


monde est déjà au courant. Je ne sais pas qui a pu lui dire. C’est sans doute
Veronica qui a craché le morceau.

– Tu sais comment c’est dans un quartier où tout le monde se connaît,


rigole ma tante. Pourquoi ? Tu voulais garder ça pour toi ?

Je hausse les épaules en me concentrant de nouveau sur mon café. Je


pense que oui, tout du moins tant qu’on n’a pas officialisé les choses. Je
veux dire, oui, on ressemble à un couple, mais on ne s’est jamais dit les
choses et j’ai peur de bousculer James. Je pense que lui aussi a peur que je
fuie à nouveau.

– Je ne sais pas, avoué-je à ma tante. On n’a pas parlé de ce qu’on était.


– Vu comment il t’a regardée quand il t’a déposée hier, je pense que ça
veut tout dire, sourit ma tante avec des étoiles dans les yeux.
– Ne t’emballe pas, s’il te plaît. On vient juste de commencer, n’imagine
pas tout de suite le mariage.
Ma tante explose de rire et m’ébouriffe les cheveux, ce qui me fait
grogner.

– Il vient te chercher pour aller au festival, n’est-ce pas ?

J’acquiesce d’un signe de la tête et elle tape dans ses mains, tout excitée.
Je la questionne du regard.

– Qu’est-ce qui t’arrive ?


– La façon dont il va te saluer dira tout sur ce qu’il ressent. S’il t’enlace
simplement, alors vous devez parler. S’il t’embrasse, vous êtes
officiellement en couple.

J’écarquille les yeux, maintenant nerveuse à l’idée que je me sois fait des
films.

– Merci, dis-je sarcastiquement. Maintenant, je vais stresser. Et s’il est


juste timide et qu’il n’ose pas m’embrasser devant ma famille ?
– James, timide ? éclate de rire Cat’. Ouais, tu as encore des choses à
apprendre sur lui.

Je lui lance un regard dépité et elle sourit.

– Tout va bien se passer, Joy.


– Hmm…

Je ne suis plus très sûre maintenant de vouloir qu’il vienne me chercher.


Est-ce qu’on peut arrêter le temps pour m’éviter de me prendre un mur ?

La sonnette retentit et j’écarquille les yeux de stupeur en regardant ma


tante. Elle s’émoustille comme une ado. On dirait que c’est elle qui a un
date avec son crush.

Euh… non, je ne veux pas imaginer ça !

– Allez, me pousse-t-elle à me lever. Va ouvrir, je te suis !

Je lui lance un regard noir et pointe un doigt menaçant vers elle.


– Si ça se passe mal, je t’en tiendrai responsable.
– Pas de soucis. Allez, va !

Je prends une grande inspiration pour me donner du courage et ouvre la


porte. James m’attend, appuyé contre le mur. Je ne sais maintenant plus
comment le saluer et ma bouche reste fermée tellement je suis nerveuse.
James se redresse, me lance un grand sourire avec ses fossettes qui me font
craquer et sans que j’aie le temps de penser à quoi que ce soit, il encadre
mon visage de ses mains et ses lèvres se plaquent sur les miennes. Je lâche
un petit cri, ne m’y attendant pas, et sa langue se faufile contre la mienne.
Sous l’intensité de son baiser, je me tiens à ses poignets. J’ai l’impression
que je vais exploser en mille morceaux. Quand il me relâche, je suis à bout
de souffle et sans doute rouge tomate. Il me lance un clin d’œil, sachant très
bien l’état dans lequel il m’a mise.

– Salut ma petite peste.


– Salut, chuchoté-je, à bout de souffle, ce qui le fait marrer, avant qu’on
soit interrompus par un raclement de gorge.

James lève la tête et je me retourne vers ma tante qui essaye de rester


sérieuse.

– Ma nièce est sous ta responsabilité à ce festival, jeune homme. Tu


prends soin d’elle et tu ne la lâches pas du regard, même pas une seule
seconde. Est-ce que c’est clair ?
– Tata, soufflé-je. Je ne suis plus une enfant.
– Pas de soucis, madame, me coupe James en me serrant contre lui, puis
il me regarde à nouveau. On y va ?

J’acquiesce et il m’entraîne jusqu’à sa voiture. Avant de complètement


monter dedans, je me retourne vers ma tante et je lui fais les gros yeux
quand je vois qu’elle lève deux pouces en l’air. Si James la voit, je ne saurai
pas où me mettre. Alors d’un signe de la main, je lui fais comprendre
d’arrêter ce qu’elle fait. Elle rigole silencieusement puis elle rentre dans la
maison.
Je soupire de soulagement. Bon, ça n’officialise toujours pas les choses,
mais au moins, il ne m’a pas traitée comme une simple amie, donc ça me
va. Je suis un peu plus à l’aise à l’idée d’aller au festival maintenant.

***

James me tient la main dès qu’on sort de la voiture, et même pendant


qu’on se fraie un passage parmi les participants pour rejoindre nos amis.
J’avoue que j’ai peur qu’il lâche ma main dès qu’on sera parmi la bande
alors quand je les aperçois au loin, je fais semblant de ne pas les voir pour
savourer le contact de nos doigts liés.

– Ils sont là-bas, s’exclame James en criant dans mon oreille et en me


montrant une direction.

Je me retiens de soupirer de déception. Mais je ne peux pas l’empêcher


d’être avec ses amis qui étaient présents pendant que je vivais ma vie à
Miami. Et je ne peux pas faire ça à cette bande qui m’a accueillie à bras
ouverts. Je suis surprise que James ne me lâche pas une fois que nous
sommes près d’eux et qu’ils nous voient.

– Eh, les amoureux, nous salue Eddy.


– Enfin ! s’exclame Bonnie en nous entraînant avec elle. Allez,
dépêchons-nous de rejoindre la scène, je veux trop voir Billie Eilish.

Je souris pour moi-même quand nous arrivons parmi la foule. James me


fait passer devant lui et m’enlace de dos pour me coller contre lui. Mes
peurs s’estompent et je me laisse aller dans ses bras, ma tête contre le haut
de son torse. J’ai mis des talons à plateforme pour mieux voir au cas où je
serais trop petite, je suis donc plus grande que d’habitude. Si bien qu’il n’a
pas besoin de se baisser pour fourrer sa tête dans mon cou. Je sens ses
lèvres frôler mon lobe d’oreille. Je frissonne dans ses bras.
– Si tu veux monter sur mes épaules, n’hésite pas.

Incapable de prononcer un mot, je hoche la tête. Il rigole contre mon


oreille et l’embrasse, réveillant encore plus mes frissons.

– Salut cousine !

Je me tourne d’un coup vers ma gauche, d’où provient la voix, et


remarque Veronica et son copain qui se faufilent à côté de nous. Voir ma
cousine ne me dérange pas. En revanche, ce n’est pas le cas pour Brenton.
Ses derniers agissements encore trop frais dans ma mémoire ne
m’annoncent rien qui vaille. Si je l’aimais bien au début, j’ai l’impression
qu’il a bien caché son jeu et je commence à croire Steve quand il dit qu’il
n’aime pas le copain de sa fille. Je sens le coup foireux arriver et je crois
que James aussi, si je prends en compte ses bras qui se sont resserrés autour
de moi.

– Eh, dis-je à ma cousine en serrant la main de James dans la mienne.

Il se calme légèrement, mais me colle encore plus contre lui. Je le laisse


faire, mais tourne quand même ma tête vers lui.

– On n’est pas sur ton ring, lui chuchoté-je.

Il garde la mâchoire contractée quelques secondes et finit par se


détendre. Ses lèvres s’étirent en un petit sourire et il m’embrasse le front
avant de se retourner vers la scène.

– Vous voulez boire quelque chose ? nous demande Eddy. On va


chercher des verres avec Caleb avant que ça commence.
– Oui, prends des bières pour tout le monde, répond Veronica.

Eddy, qui ne l’avait pas vue, lève un sourcil puis perd son sourire quand
il voit Brenton.

– OK, dit-il sèchement. Tu viens avec nous Brenton ?


J’ai de la peine à retenir mon sourire parce que Eddy ne semble pas
porter dans son cœur le copain de ma cousine et j’ai l’impression qu’il va
lui passer un savon pour la dernière fois.

Ils reviennent au moment même où le concert commence. Brenton me


tend ma bière tandis que James resserre sa prise autour de moi quand la
foule se met à sauter. On se joint bien vite au mouvement. Les mains de
James sont maintenant sur mes hanches. Je porte un crop-top, ses doigts
touchent donc ma peau, me mettant au supplice. Je me colle contre lui, lève
un bras pour l’enrouler autour de sa nuque et me déhanche contre lui,
l’incitant à se coller encore plus contre moi. Je sens contre mes fesses que
ça lui fait plaisir. Je tourne ma tête vers lui. Il me regarde déjà et ses lèvres
saisissent les miennes pour un baiser chaud à l’odeur de bière, mais, bordel,
je crois que c’est le meilleur baiser qu’il m’ait donné. J’ai l’impression de
me fondre en lui. Sa main remonte sur mon ventre et je donnerais tout pour
qu’on soit tout seuls. Quand il se recule, il pose son front contre le mien, le
souffle erratique.

– Tu me rends fou.
– Je sais, gloussé-je, fière de moi, et il secoue la tête avec un petit
sourire.

Une heure plus tard, c’est maintenant un groupe de rock qui fait le show.
J’en suis déjà à mon deuxième verre et je ne sais pas pourquoi, je
commence à me sentir planer. Les artistes savent faire le show et nous
entraînent avec eux, surtout le batteur qui me met presque en transe. J’ai de
plus en plus chaud et je sens la sueur couler dans ma nuque. Je me tourne
dans les bras de James. Il me questionne du regard quand je noue mes bras
autour de sa nuque. Ses yeux descendent sur ma poitrine et je me rends
compte que je porte du blanc et qu’avec la transpiration, mon top est bien
plus transparent, laissant apparaître mon soutien-gorge noir en dentelle. Son
regard s’assombrit de désir et ses doigts se resserrent sur mes hanches.

– Tu veux me tuer, petite peste ?


Je me plaque encore plus contre lui, embrasse sa mâchoire et, sur la
pointe des pieds, chuchote à son oreille :

– De plaisir, oui.

Il prend une grande inspiration et je sais qu’il essaye de se contrôler,


mais je n’en peux plus. J’ai besoin de lui.

– J’ai envie de toi.

Il soupire et me tient fermement contre lui.

– Moi aussi, Joy. Moi aussi. Mais ce n’est pas le moment, là.
– Ah bon ? le questionné-je en souriant malicieusement.

Ma main se retrouve sur sa braguette et je sens son membre durcir sous


ma paume. Je le presse et il penche la tête en arrière en se mordant la lèvre.
Je sens ma culotte s’humidifier de mon propre désir. Je ne savais pas que je
prendrais autant de désir à avoir le pouvoir.

J’ouvre le bouton de son jean et passe la main dans son caleçon, mais
contre toute attente, il saisit ma main avant qu’elle ne touche la peau nue de
son sexe, la ressort et la tient dans la sienne tout en me lançant un regard
interrogateur. Je pensais qu’il aimerait ça. Pourquoi il me regarde en
fronçant les sourcils ?

– Qu’est-ce qui te prend, Joy ? questionne-t-il, la voix rauque de désir,


mais aussi remplie d’inquiétude.

J’éclate de rire en laissant tomber ma tête sur son épaule. Je sens ma tête
me tourner de plus en plus, en même temps qu’il referme son jean.

– Toi, j’aimerais bien.


– Qu’est-ce qu’elle a ? interroge une voix dans mon dos que je crois
reconnaître comme étant celle d’Eddy. Pourquoi elle rigole comme ça ?
– J’en sais rien, elle est bizarre, lui répond James.
J’éclate encore plus de rire. James me force à reculer et saisit mon visage
dans ses mains pour me regarder dans les yeux. Je commence à avoir des
difficultés à soutenir son regard.

– Joy ? crois-je l’entendre m’appeler.

Pourquoi tout le monde tourne autour de moi ? Je sens mes yeux se


révulser et un trou noir se forme devant moi. Je perds l’équilibre et tombe.

– Joy ! crie James d’une voix paniquée en même temps qu’il tente de me
relever.
– Qu’est-ce qu’elle a ? demande une voix féminine que je ne reconnais
pas.
– J’en sais rien, putain ! Elle allait bien et d’un coup elle a agi
bizarrement.
– Elle s’est évanouie ? demande une seconde voix féminine.
– Je vais la ramener chez elle, répond James en me prenant dans ses bras.
– Je dois y aller de toute façon, annonce une voix masculine. Je peux la
ramener et tu peux continuer à profiter du festival.
– Si tu crois que je vais te la laisser, tu te mets le doigt dans le cul,
Brenton. Je m’occupe d’elle.

Pourquoi je ne reconnais que sa voix à lui et pas celle des autres.

– James… dis-je d’un ton traînant, et il me saisit dans ses bras.


– Je te ramène mon ange.
– Je veux… je veux dormir, bégayé-je, la bouche pâteuse.
– Non, assène James d’une voix dure. Tu restes avec moi.
– James…
– Poussez-vous, putain, hurle-t-il.
– Vous avez besoin d’aide ? entends-je une voix d’homme, mais je ne
sais pas d’où elle provient.
– Je m’occupe d’elle.

J’ai l’impression qu’il se passe des heures jusqu’à ce qu’on arrive à sa


voiture et je n’ai qu’une envie, dormir.
James m’allonge sur le siège arrière et pose une couverture sur moi.

– Je veux dormir.
– On est bientôt à la maison, mon ange. Reste avec moi.

Je tends une main vers lui quand il sort de la voiture, mais elle retombe
mollement à côté de moi. Ma tête tombe sur le côté et mes yeux se ferment,
me laissant dans un trou noir.
27

Joy

Comme si on venait de me donner un coup de jus, je me réveille en


sursaut. J’ai du mal à respirer. J’ai l’impression de suffoquer. Je pose une
main contre ma poitrine, il me faut du temps pour retrouver une respiration
normale. Je ne suis pas dans ma chambre, j’en suis sûre. Mon lit n’est pas
aussi moelleux. Cependant, il fait sombre dans la pièce, je ne vois rien et je
commence à flipper quand je me rends compte que je n’ai aucun souvenir
de comment je suis arrivée ici.

Merde. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Le dernier souvenir que j’ai, c’est le groupe de rock montant sur scène.
Après, je suis incapable de me souvenir de quoi que ce soit. Est-ce que je
suis dans la chambre d’un inconnu ? Non, impossible. Pourtant, je suis
seule dans ce lit, dans cette pièce que je ne reconnais pas. Même si je ne
vois rien, je lève la couette et souffle presque de soulagement quand je
remarque que je porte un long tee-shirt. J’amène le col à mon nez. Je
crierais presque de joie en sentant l’odeur de James. Est-ce que je suis dans
sa chambre ?

Je sursaute à nouveau quand la porte s’ouvre doucement, la faisant


grincer. Le jour passe dans la pièce. Quelle heure est-il ? Je pensais qu’on
était en pleine nuit. James entre et je me relaisse tomber en arrière en
soupirant de soulagement.

Son regard attrape tout de suite le mien et il jure en se précipitant vers


moi. Il s’assoit au bord du lit et saisit mon visage entre ses mains. C’est la
première fois que je le vois autant désemparé.

– Putain, t’es réveillée. Merde, tu m’as fait tellement flipper. Ne me


refais plus jamais ça. Comment tu vas ? Tu veux boire quelque chose ? Tu
as faim ? débite-t-il si vite qu’il me donne le tournis, et c’est là que je me
rends compte que j’ai un sacré mal de tête.
– Qu’est-ce… qu’est-ce qui… essayé-je de parler, mais ma gorge est
toute sèche.

J’ai l’impression de ne pas avoir parlé pendant des jours. James me fait
signe de me taire et me tend un verre d’eau qui était posé sur la table de
nuit.

– Tiens, bois ça.

Quand le liquide coule dans ma gorge, c’est comme si j’avais passé trois
semaines dans le désert sans boire. Il reprend le verre quand j’ai terminé. Je
lui lance un regard incrédule.

– Pourquoi je ne me souviens de rien ?

James soupire, en évitant de me regarder, ce qui me fait de plus en plus


flipper. Je pose une main sur son bras et le force à me regarder.

– James…
– Tu as été droguée.

J’ai l’impression que mon âme me quitte complètement, ma main


retombe sur le matelas. Puis je secoue inlassablement la tête, ne voulant pas
y croire.

– Non… ce n’est pas possible.

James se pince les lèvres et m’attire dans ses bras tout en me berçant.

– Si. Du GHB.
– GHB, répété-je contre son torse en réalisant ce que signifie cette
drogue.

La drogue du violeur. Est-ce que j’ai été… Non, je ne veux même pas
l’imaginer. Comme si James lisait dans mes pensées, il redresse ma tête et
plante son regard dans le mien.

– Il ne t’est rien arrivé. Tu as commencé à agir bizarrement avec moi. Ce


n’était pas toi et j’ai su que quelque chose n’allait pas jusqu’à ce que tu
t’évanouisses dans mes bras. Je t’ai tout de suite ramenée chez moi. Ma
tante qui est infirmière a su me dire ce que tu avais, elle sait tout de suite
reconnaître les effets du GHB. Tu as dormi dix heures.

Des larmes de soulagement m’échappent. Il ne m’est rien arrivé. Je


n’étais pas seule. James était là. Il m’a protégée et surveillée comme ma
tante le lui a demandé. Merde, je ne l’ai pas prévenue. Je me recule et
cherche mon téléphone partout. Il est sur la table de nuit. Je le saisis, mais
James m’en empêche.

– Qu’est-ce que tu fais ?


– Cat’ et Steve…
– Ils savent que tu es ici, m’interrompt James en m’attirant à nouveau
dans ses bras. J’ai envoyé un message à ta tante avec ton téléphone pour
prévenir que tu dormais chez moi.
– Tu leur as dit ?
– Non.

Je soupire de soulagement et me love plus profondément dans son


étreinte. Il resserre ses bras autour de moi, m’attirant sur ses genoux.

– Merci. Merci pour tout.


– N’ose même pas me remercier.

Je me recule et plante mon regard dans le sien, parce que je veux voir
son regard pour ma prochaine question. Je veux être sûre qu’il me dise la
vérité.
– Est-ce qu’on sait qui m’a fait ça ?

Ses épaules se tendent et je vois qu’il essaye de garder son calme même
si ses doigts me serrent plus fort.

– Non. Mais je t’assure que je vais trouver le responsable et le réduire en


miettes.

Sa voix sèche me fait comprendre qu’il n’exagère même pas et qu’il


pense réellement chacun de ses mots. Ça devrait me faire flipper, surtout
que je sais que son coup de poing est mortel. Mais je n’ai pas peur. Jamais
je n’aurai peur de lui, pas après ce qu’il a fait pour moi.

– James ?

On sursaute en entendant la voix de sa tante, ne nous étant pas rendu


compte que la porte s’était ouverte. Ou alors peut-être que James ne l’a
jamais fermée quand il est rentré et qu’il s’est précipité vers moi.

– Je peux m’assurer qu’elle va bien ?

James acquiesce et me fait descendre de ses genoux. Je redescends le


tee-shirt sur mes cuisses et lance un petit sourire à sa tante qui, après avoir
ouvert les volets et la fenêtre, s’approche de moi.

– Merci pour ton aide.


– Ne me remercie pas, c’est mon travail.

Elle saisit mon bras et enroule un brassard pour prendre ma tension.

– Comment tu te sens ? me demande-t-elle doucement.


– À part un mal de tête et le fait que je ne me souvienne de rien, je vais
bien.
– Ta tension est plutôt bonne. Je vais aller te chercher un cachet pour le
mal de tête et si tu as faim, la cuisine t’attend.
Je la remercie d’un sourire. Elle sort de la chambre, pour revenir avec un
cachet que je prends sans attendre, puis elle me laisse à nouveau seule avec
James qui ne m’a pas lâchée du regard et qui ne s’est toujours pas détendu.

– Tu as dit que j’ai agi bizarrement, ça veut dire quoi ?

Il s’assoit à nouveau sur le lit. Il m’attire dans ses bras et me serre si fort
que j’ai l’impression qu’il a peur que je m’envole.

– Ne t’inquiète pas pour ça, occupe-toi juste de te remettre en forme.


– James, me plains-je en levant la tête vers lui pour lui faire les yeux
doux. Je veux savoir, je n’aime pas être dans le flou.

Il soupire et saisit mon menton entre ses doigts pour maintenir mon
regard.

– T’es sûre de toi ?


– Oui !
– Bon… soupire-t-il, et un petit sourire malicieux étire ses lèvres tandis
que je fonds de le voir se détendre un peu. Tu n’as pas été énormément
pudique.
– James, m’écrié-je en le frappant sur le torse. Crache le morceau.
– Eh bien, tu as dit que tu avais envie de moi, tu t’es frottée contre moi et
tu as voulu te saisir de ma queue.

Ah… oui, quand même. Il n’avait pas tort en me disant que je n’avais
pas été pudique et je comprends maintenant pourquoi il a tout de suite
compris que quelque chose se tramait. Même si je n’ai aucun souvenir,
j’imagine très bien la scène et je me sens rougir. Je glousse et plaque mes
mains contre mon visage puis j’éclate de rire.

James saisit mes mains et me force à lâcher mon visage. Je le laisse faire,
mais je n’ose même plus le regarder maintenant. Je sens son regard brûlant
sur moi, alors j’ose lever un œil et je sens mon cœur se déchaîner quand il
me sert son sourire à fossettes qui me fait craquer.

– Je suis si content que tu ailles bien.


Ses lèvres se posent si doucement sur les miennes que j’ai l’impression
que je vais exploser. Jamais il ne m’avait embrassée avec autant d’attention.
Quand je passe mes mains dans ses cheveux pour tirer dessus, la douceur
laisse place à l’envie et il m’attire sur ses genoux. Mon tee-shirt se relève et
seuls son jogging et ma culotte nous séparent, me donnant tout de suite
chaud. Je voudrais qu’il n’y ait plus aucune barrière entre nous. Ses mains
se faufilent sous mon tee-shirt pour caresser mes côtes et je m’appuie plus
fort, sentant son sexe prendre de plus en plus de place. Sans me rendre
compte de ce que je fais, je desserre le lacet de son jogging. James coupe le
baiser et se recule pour me regarder.

– Je ne pense pas…

Je souris, reconnaissante qu’il ne veuille pas me pousser après ce qui


m’est arrivé. Mais je veux oublier. J’enlève son tee-shirt et son regard se
pose sur ma poitrine nue, déjà tendue pour lui. Il m’a déjà vue nue, mais j’ai
l’impression que c’est la première fois. Aucun mec ne m’a regardée comme
il le fait. Je ne suis plus vierge. J’ai perdu ma virginité à une soirée de lycée,
il y a deux ans, avec un mec que je pensais bien aimer. Au final, on n’a eu
aucune connexion lors de l’acte, aucun de nous deux n’était complètement
nu et ça a été très rapide. Honnêtement, comme ma première fois n’a pas
tellement compté, j’ai l’impression d’être toujours vierge face à ce que
James me fait ressentir.

– J’ai envie de toi, James, depuis des semaines. Fais-moi oublier hier, s’il
te plaît.
– Putain, jure-t-il, et il saisit à nouveau mon visage à pleines mains pour
me donner un baiser sauvage tout en me retournant pour que je me retrouve
sous lui.

Il lèche mes lèvres, dépose de nombreux baisers sur ma mâchoire, dans


mon cou, sur mes clavicules et sur mes seins. Je me tends contre lui. Je
couine presque de désespoir quand il se redresse. Il se positionne entre mes
jambes, retire ma culotte et je lève les jambes pour l’aider. Je vois ma
culotte rejoindre mon tee-shirt, mais je n’ai pas le temps de réfléchir plus
qu’il embrasse mes cuisses avant de se faufiler entre mes jambes.
– Si tu savais combien de temps j’ai attendu ce moment !
– Alors, fais-toi plaisir, chuchoté-je, et il secoue la tête, frottant sa barbe
de trois jours contre ma peau.
– Non, c’est toi qui vas prendre du plaisir et moi après.

Je veux répondre, mais sa bouche se pose sur ma peau sensible et sur


mon clitoris déjà gonflé. Je me cambre en lâchant un gémissement si fort
que je rougis en posant ma main sur ma bouche. Il relève la tête, un sourire
narquois aux lèvres, et me lance un clin d’œil.

– J’adore t’entendre crier, mais ma tante et mon frère sont toujours là.

Je rougis de plus belle et me cache le visage. Il me force à retirer mes


mains pour que je le regarde.

– T’es magnifique.

Sa bouche se repose sur mon sexe pendant qu’il ne me lâche pas du


regard et je soupire en fermant les yeux quand il écarte mes lèvres avec son
index. Jamais je n’avais été touchée comme ça. Je n’ai rien pour comparer,
mais ce qui est sûr, c’est qu’il bat tous les records.

– Et déjà tellement mouillée, chuchote-t-il contre ma peau.

Mes cuisses se resserrent instinctivement autour de sa tête.

Sa langue devient plus conquérante, je saisis ses cheveux en m’appuyant


contre sa bouche et s’il n’avait pas l’air d’apprécier, je serais gênée d’aimer
autant ce qu’il fait. Un dernier coup de langue sur mon clitoris et je me sens
déjà partir, penchant la tête en arrière sur l’oreiller. Je n’en peux plus et me
tortille contre lui en poussant son jogging vers le bas avec mes pieds.

– James, je te veux en moi.

Il se redresse enfin, m’embrasse à pleine bouche et se redresse. Il retire


son jogging en même temps que son caleçon, exposant son désir pour moi.
Il saisit une capote dans sa table de nuit, mais je la prends de ses mains
avant qu’il ne l’enfile. Je veux le toucher. J’ai les mains qui tremblent en
déchirant l’étui. James retient sa respiration quand mes doigts entrent en
contact avec son membre, mais laisse quand même échapper un juron.

– Putain.

Je souris nerveusement et sans se moquer de moi, il m’aide à la dérouler


sur son sexe puis il me fait me rallonger en s’installant entre mes jambes. Il
laisse des baisers humides sur mon corps en remontant de mes jambes
jusqu’à mes lèvres. J’ai l’impression que je vais me consumer s’il n’entre
pas tout de suite en moi. Quand il est à ma hauteur, je noue mes bras autour
de son cou et l’attire à moi. Il rigole en déposant ses lèvres sur les miennes,
mais soupire quand je colle mon sexe contre le sien.

– Tu veux me tuer.

Son doigt s’assure que je sois toujours prête pour lui, puis il saisit son
sexe et fait une pression contre mon entrée.

– T’es prête. On peut arrêter quand tu veux ?


– Tu fais ça et je te tue.

Il se marre et commence à me pénétrer. Ça fait longtemps et je ne l’ai fait


qu’une fois alors tout de suite une douleur se réveille en moi. Je sens mes
parois le serrer et il s’arrête d’un coup en saisissant ma cuisse dans sa main.

– Bordel.
– Continue, ça fait juste longtemps.

Sa main remonte sur mes hanches, câline mes seins puis ma joue en
même temps que son front frôle le mien. Il ferme les yeux puis les rouvre et
reprend ses mouvements. Nous gémissons à l’unisson quand il arrive au
fond de mon intimité.

– Tu vas me rendre dingue.


– C’est le but, dis-je en reculant et en avançant mon bassin, et ça a l’air
d’être le déclic.
Il saisit mes hanches, sort et rentre légèrement plus fort en moi. Je gémis,
serre ses épaules en plantant mes doigts dans sa peau de plus en plus fort au
fur et à mesure qu’il prend de la vigueur. Bientôt, le lit grince, nos
gémissements remplissent la pièce, je sens même la couette tomber au sol.
Il serre mes hanches plus fort et je l’attire contre moi. Nos regards sont liés
jusqu’à ce qu’il pose son pouce sur mon clitoris. C’est trop, je ferme les
yeux en même temps que j’explose en me cambrant. Il me bâillonne les
lèvres avec les siennes, avalant mon cri. Il se redresse, donne un dernier
coup de reins et atteint l’orgasme à son tour en se pinçant les lèvres.

Il retombe sur mon corps. Je me détends, mon corps se relâche sur le


matelas et je joue avec ses cheveux. Ses doigts caressent ma hanche, puis il
se relève en se retirant de mon corps, me donnant une impression de vide
que j’ai tout de suite envie de combler. Il jette la capote dans la poubelle
avant de revenir dans le lit. Il m’attire à lui. La tête sur son torse, je soupire
de bien-être. Je me sens libérée de tout. Comme si mes problèmes s’étaient
envolés comme par magie. J’ai l’impression de renaître. Ses doigts se
posent sous mon menton pour me faire relever la tête. Ses lèvres attrapent
les miennes pour un baiser si doux que mon désir se réveille à nouveau.

– Tu m’as tué, chuchote-t-il contre mes lèvres. Mais j’ai tellement encore
envie de toi. Je ne serai jamais rassasié de toi.
28

James

Je sais qui l’a droguée. J’avais des doutes, mais maintenant, je n’en ai
plus aucun. C’est Brenton qui l’a fait, je l’ai vu lui tendre la bière au
concert. Sur le coup, je n’en ai rien pensé si ce n’est que je n’ai pas aimé
qu’il l’approche et qu’il soit là. Mais après, ça a fait sens. Si bien que je ne
perds pas un instant après avoir déposé Joy chez elle. J’ai conscience que
j’aurais dû rester avec elle, et je sens que je vais le regretter, mais je ne peux
pas laisser faire Brenton. J’arrive dans un dérapage devant chez lui au
moment où il sort de sa baraque. Merci univers, de me faciliter la tâche. Il
sursaute quand je claque la portière de ma bagnole, mais il se reprend et me
lance un rictus.

– Entrons, James. Tu ne voudrais pas que l’on parle de ça devant des


témoins.

Sur le coup, il a raison.

Mais je ne le laisse pas entrer bien loin avant de lui asséner un coup dans
les côtes et de le plaquer contre le mur, un bras sur sa gorge.

– Tu vas crever pour ce que tu lui as fait.

Il a de plus en plus de mal à respirer, mais ça ne l’empêche pas de rire.

– T’en as mis du temps.

Je ricane et appuie encore plus mon bras contre son cou.


– Je ne m’en prends pas à des innocents, moi. Je voulais en être sûr.
– Et Laura ? interroge-t-il d’un ton narquois en penchant la tête sur le
côté.
– Quoi, Laura ?

Il éclate de rire, me donnant envie de le massacrer. Mais je préfère éviter


d’aller en taule. Je savais qu’il n’était pas net, je n’ai jamais accroché avec
lui, mais il n’a pas l’air con. C’est ça, le problème. Il aurait pu tout aussi
bien rameuter une bande qui est cachée, prête à me sauter dessus, ou je ne
sais quoi.

– Je te pensais plus intelligent que ça, continue-t-il de se marrer. Tu ne


t’es même pas demandé qui était le mec de la photo que tu as reçue quand
elle t’a trompé ?

Bon, alors là, je ne m’y attendais pas, je l’avoue. Pour être honnête, je
m’en fous que ça soit avec lui que Laura m’a trompé. Je suis passé au-
dessus. Laura, OK. Mais pourquoi s’en prend-il à Joy maintenant ? C’est
cette donnée de l’histoire que je ne peux accepter.

– Donc, si je comprends bien, c’est moi que t’essayes d’atteindre ? C’est


quoi ton problème, au juste ? Me faire la misère ? On ne se connaît même
pas. On n’a pas grandi ensemble, on n’a jamais été en cours ensemble et
t’es juste le mec de la cousine de ma copine. Qu’est-ce que je t’ai fait, à la
fin ?

Il ricane, d’un rire qui, je l’avoue, me fait froid dans le dos.

– Tu n’en as vraiment aucune idée, hein ? Normal, t’es le James Leeroy à


qui tout sourit. T’as toujours eu la vie parfaite, tout ce que tu voulais. Avec
un père qui a préféré vous élever, toi et ton petit frère, en me laissant pourrir
dans l’ombre et la pauvreté comme le petit bâtard que j’étais, son vilain
petit secret.

Trou noir. Il me jette un coup dans la poitrine et, sous l’impact, je me


recule. Mais ce n’est pas ce coup de mauviette, qui va certes me laisser un
bleu, qui m’a le plus assommé. C’est ce qu’il vient de dire. Il est… Non. Ce
n’est pas possible. Ça voudrait dire que mon père aurait trompé ma mère ?
Non, il était peut-être ce qu’il était, mais jamais il n’aurait fait ça. Puis,
Brenton fait plus vieux que moi, je n’en ai jamais douté. Mon père a donc
trompé sa mère avec la mienne ? Il se redresse et, sans que je le voie venir,
sort un couteau suisse de sa poche.

– Salut demi-frère. Ça, c’est pour ma mère que notre père a trompée avec
la tienne.

Je le vois diriger son couteau vers ma côte mais je retiens son bras.

– Si ce que tu me racontes est vrai, tu n’as rien à m’envier. Il m’a aussi


abandonné et j’ai perdu ma mère.
– Foutaise. Ma mère s’est laissée aller dans l’alcool et dans la drogue
jusqu’à y perdre la vie, me laissant seul à 15 ans, en foyer. Notre père m’a
retrouvé à la mort de ta mère en changeant d’identité pour se suicider par la
suite il y a trois mois, parce qu’il regrettait de vous avoir laissés, me lâchant
encore. Pendant que toi, tu mènes toujours la vie parfaite. Tu ne mérites que
de goûter à ce que j’ai vécu, la misère, sans rien ni personne. Sauf Veronica
que je peux te laisser. Elle m’aura bien aidé pour t’avoir.

Il se défait de mon emprise, tente à nouveau de me planter, mais mes


heures de combat me sauvent la vie. J’esquive, le couteau tombe au sol, non
sans m’érafler tout de même la peau. Je me retiens de hurler et trouve je ne
sais où la force de le rattraper pour lui foutre mon poing dans sa mâchoire.

– Je peux comprendre ce que tu ressens, mais ne t’approche plus jamais


de ceux que j’aime.

Il tombe au sol et je quitte cette maison maudite. Je plaque ma main


contre la plaie qui suinte à travers mon tee-shirt et monte en bagnole en
direction du seul endroit où je peux me réfugier.

***
– Putain, mais qu’est-ce qui t’est arrivé ? s'exclame Eddy en accourant
quand je me gare devant chez lui.

Il m’aide à me lever et m’emmène à l’intérieur.

– Brenton, lui dis-je en m’asseyant sur le canapé.


– J’appelle ta tante.

Je ne cherche même pas à l’en empêcher. Je ne veux pas aller à l’hôpital,


donc seulement elle peut me soigner, là.

– Ne dis rien à Joy, le supplié-je, et il me lance un regard qui en dit long.


– Mec…
– S’il te plaît.

Je ne veux pas qu’elle me voie comme ça. Et je ne veux pas lui dire pour
Brenton, je dois encore comprendre tout ça. Je repense à tout ce qu’il m’a
dit. Dire que je ne suis pas surpris serait mentir. Je suis sur le cul. Sa
dernière phrase me revient en tête. Veronica. Elle se sera bien foutue de
nous. Mais comment puis-je être sûr de ses propos à cent pour cent ? Je ne
peux pas le dire à Joy. Après, je ne pense pas que sa cousine osera lui faire
du mal. Elle a sans aucun doute aidé Brenton en lui parlant de moi, mais
elle n’irait pas jusqu’à blesser sa cousine. J’espère en tout cas. Il faut que je
tienne Joy éloignée de ce fou, de moi aussi. Il sait qu’il peut m’atteindre à
travers elle. Je refuse qu’elle souffre encore plus à cause de moi.

Et mon père, s’il dit vrai… Je percute seulement. J’ai passé des années à
vouloir nous venger. J’ai souhaité le cogner un nombre incalculable de fois,
mais jamais je n’aurais souhaité qu’il… Je n’ai pas les larmes qui me
montent aux yeux – j’ai assez pleuré en cachette à cause de lui – et pourtant
j’ai l’impression qu’on m’arrache à nouveau le cœur. Comment vais-je le
dire à Nathan ? C’est impossible. Je ne peux pas lui faire ça !

– James ?
Au son de sa voix, je me retourne vers Eddy. Je ne sais pas ce qu’il
semble lire en moi, mais il me prend dans ses bras et alors que je ne pensais
pas pleurer, je craque à son contact et lui raconte tout entre plusieurs
reniflements.

– J’appelle les autres, dit-il au moment où ma tante, inquiète, entre en


furie chez lui.

Je m’en veux déjà pour ce que je vais lui annoncer.

***

– T’es pas sérieuse ? m’écrié-je en claquant la porte après que l’on rentre
chez nous, ignorant la douleur qui émane de mon ventre.

La fureur est comme un antidouleur actuellement. Quand elle a eu fini de


me soigner chez Eddy, j’ai commencé à lui parler de Brenton mais elle m’a
stoppé pour me dire qu’elle me devait des explications. Elle a souhaité
qu’on rentre chez nous pour en parler, mais la voiture était à peine garée
dans la rue que je n’ai pas supporté d’attendre encore plus longtemps. Je
l’ai forcée à tout me dire et là, j’ai l’impression que je vais devenir fou.

– Calme-toi, James, s’il te plaît. Assieds-toi ! m’incite ma tante.


– Comment veux-tu que je me calme ? Tu savais pour Brenton ! Elle
savait ! dis-je en pointant une photo de ma mère posée sur la cheminée dans
le salon.
– James, soupire ma tante, les larmes aux yeux, mais actuellement, je
m’en fous.
– Tu savais aussi que notre père s’était suicidé. Pourquoi tu n’as rien
dit ?
– Je voulais vous protéger ! s’écrie-t-elle en saisissant mes bras, mais je
me recule, ne supportant pas qu’elle me touche.
– Nous protéger ? Si j’avais su, j’aurais pu en parler avec Brenton avant
et peut-être que rien de ce qui s’est passé cet été ne serait arrivé. Peut-être
que Joy, dis-je en montrant une direction dans l’air pour montrer sa maison,
n’aurait pas été une cible. C’est à cause de moi qu’il l’a droguée !
– Ne dis pas ça, s’il te plaît.
– Quoi ? Tu vas me dire que Joy n’est qu’un dommage collatéral ? Elle
est ma copine et à cause de moi, elle a été droguée. Qu’est-ce qui lui serait
arrivé si je n’avais pas été là ? Qu’est-ce qu’il lui aurait fait, hein ? Dis-
moi !
– Je ne sais pas, chuchote-t-elle.
– Effectivement, putain.

Elle s’assoit lourdement sur le canapé en passant les mains sur son
visage pendant que je reprends ma respiration en la fixant.

– Qu’est-ce qui se passe ? résonne la voix de Nathan avant qu’il n’arrive


dans le salon.

Ma tante se met à jurer. Elle redresse la tête pour m’implorer du regard


de ne rien dire. Je secoue la tête en ricanant. C’est trop facile.

– Dis-lui, asséné-je sèchement.

Elle continue de me supplier silencieusement, pendant que Nathan


s’approche maintenant d’elle en la questionnant :

– Me dire quoi ?
– Rien, ne… commence-t-elle, mais je la coupe.
– Dis-lui ou je le fais. Il est assez grand maintenant. Arrête de lui mentir
pour le protéger. Il doit savoir.

***
Après ça, alors que pourtant j’aurais tout donné pour être allongé dans
mon lit, j’ai dû passer la soirée à réconforter mon petit frère. Une fois qu’il
a arrêté de pleurer, il s’est endormi. Je l’ai veillé quelques instants puis je
suis redescendu dans la cuisine pour avaler un truc parce que je crevais la
dalle.

Alors que je suis toujours assis autour de l’îlot central, j’entends les pas
de ma tante qui s’approche doucement de moi. Je ne la regarde pas, mais ça
ne l’empêche pas d’enrouler ses bras autour de moi pour me serrer contre
elle. Je me mords la lèvre quand j’entends ses pleurs étouffés contre mon
tee-shirt. Je suis en colère contre elle, mais l’adrénaline redescendue, je ne
supporte pas de la voir pleurer. Je me retourne sur le tabouret et la tiens
maintenant contre mon torse.

– Je suis désolé de t’avoir crié dessus, chuchoté-je contre ses cheveux.

Elle se recule, saisit mon visage entre ses deux mains.

– C’est moi qui suis désolée. Jamais je n’aurais dû te cacher ça. Je ne l’ai
pas appris tout de suite. Tu sais bien qu’on n’achète jamais le journal et ton
père n’a pas été admis dans mon hôpital. J’ai appris son décès par le notaire
au moment où Joy est arrivée. Je t’ai vu changer auprès d’elle. Tu étais plus
heureux, je ne voulais pas gâcher ça.
– Le notaire ? Brenton m’a dit qu’il avait changé d’identité.

Ma tante acquiesce, puis elle s’assoit à mes côtés.

– Les flics ont enquêté quand ils se sont rendu compte que ton père avait
toujours une photo de ta mère sur lui dans son portefeuille. Chez lui, il y
avait aussi son ancienne carte d’identité. Après ça, ça a été facile de
remonter jusqu’à moi, et donc vous. Le notaire m’a donc appelée pour me
prévenir que toi et Nathan alliez percevoir un héritage. Je l’ai placé à la
banque jusqu’à votre majorité.
– Et Brenton ?
– Il ne l’a jamais reconnu comme son fils, il n’a donc aucun héritage.

Je lâche un rire amer en secouant la tête.


– Tu m’étonnes qu’il ait une dent contre moi.

Ma tante presse ma main dans la sienne avant de se pencher vers moi.

– On doit porter plainte, James.


– Comment ? On n’a aucune preuve. Rien ne prouve que ce soit lui qui
ait drogué Joy, qu’il m’ait poignardé. Et je n’ai même aucune preuve de ses
propos. Si j’avais su, j’aurais activé l’enregistreur sur mon téléphone.
– Ne t’en veux pas, s’il te plaît. Les seuls fautifs, c’est lui et ton père. Tu
ne pouvais pas savoir. Essayons quand même de porter plainte, s’il te plaît.

Je hausse les épaules, pas sûr de ce qu’elle avance. Elle a peut-être


raison, mais je ne peux empêcher la culpabilité de m’envahir. J’ai mis en
danger ma copine. Je dois l’éloigner de moi et peut-être que quand Brenton
saura que Joy n’est plus mon talon d’Achille et qu’elle me déteste, il
abandonnera la partie.
29

Joy

Je n’ai aucune idée de ce que j’ai fait. Ça fait deux jours que je suis sans
nouvelles de James. La dernière fois que je l’ai vu, c’est quand il m’a
ramenée chez moi après que nous avons fait l’amour. Et depuis, nada.
Silence radio.

Je ne suis pas du genre à tout de suite penser que j’ai fait quelque chose
de mal. Mais là, c’est particulier. J’ai été droguée, on a couché pour la
première fois ensemble. Et finalement, c’est comme si c’était ma première
fois, car le premier garçon avec qui j’ai couché ne m’a pas fait ressentir
toutes ces émotions et ces sensations.

Est-ce que je suis un mauvais coup ?

Sinon, pourquoi est-ce qu’il n’a plus donné de nouvelles depuis que j’ai
couché avec lui ?

Voilà les questions que je n’arrête pas de me poser ces deux derniers
jours. Je tourne en rond comme un lion en cage chez moi. Même la bande,
je ne l’ai pas vue depuis le festival. Est-ce que j’ai dit quelque chose qu’il
ne fallait pas quand j’étais droguée et que James a fait en sorte de ne pas me
le dire ? Pour la énième fois, j’allume mon téléphone avec l’espoir d’y
trouver un message, mais rien. Aucune notification. Si j’étais vraiment nulle
au pieu, il n’aurait pas eu l’orgasme qu’il a eu, n’est-ce pas ? Ou alors il a
fait semblant ? Je me prends la tête dans les mains, soupire longuement et
me lève. Il faut que je sorte de ma chambre, sinon je vais péter un plomb. Je
compte aller me balader, mais je tombe sur Veronica dans le couloir. Il faut
que j’en parle à quelqu’un.

– Oh, salut ! s’exclame-t-elle en me voyant, puis elle prend un air sérieux


en m’observant. Tu vas bien ?
– Je dois te parler.

Elle acquiesce d’un signe de la tête et me fait comprendre de la suivre


dans sa chambre. Je m’assois sur son lit pendant qu’elle ferme la porte puis
elle se tourne vers moi, un sourcil levé.

– T’as encore des effets secondaires de la drogue ?

Justement, en parlant de ça, je n’ai toujours pas compris pourquoi elle


n’a pas raconté à ses parents ce qui m’était arrivé ce soir-là. Je pensais que
même si James avait prévenu que je dormais chez lui, elle leur aurait quand
même parlé de l’incident.

– Pourquoi tu n’as rien dit à tes parents, au fait ?

Elle hausse les épaules et s’assoit à son bureau en face de moi.

– Je ne sais pas. Tu étais entre de bonnes mains pour moi, ça ne servait à


rien de les inquiéter.

Mouais…

Je ne sais pas, ça me paraît quand même bizarre. Qu’elle n’ait pas voulu
les inquiéter, je comprends. Mais s’il m’était arrivé quelque chose de plus
grave, je pense qu’ils l’auraient mal pris et je n’ose même pas imaginer la
réaction de mes parents. Mais passons.

– Je voulais te parler de James, dis-je enfin, et sa tête se penche sur le


côté.
– Dis-moi.
Je prends une grande inspiration et tortille mes doigts ensemble
nerveusement, de peur qu’elle me juge. Je ne sais pas pourquoi, j’ai
toujours des réserves avec elle, même si elle n’est plus la Veronica que je
connaissais.

– Il m’ignore.
– Il t’ignore ? répète-t-elle en fronçant les sourcils et en croisant les bras
contre sa poitrine.
– Oui, roulé-je des yeux, ne voulant pas me répéter.
– Joy… soupire ma cousine. Est-ce que tu peux un peu plus détailler, s’il
te plaît ?

Je la jauge du regard. Elle soutient le mien pour me faire comprendre


qu’elle ne flanchera pas, alors je craque et déballe tout d’une traite.

– Quand je me suis réveillée de mon trip, on a couché ensemble et


maintenant il m’ignore. Ça fait deux jours que je n’ai aucune nouvelle.
Même la bande ne m’a pas envoyé de message.
– Joy, Joy, Joy, chantonne ma cousine en se levant et en me rejoignant.

Elle s’assoit à mes côtés et saisit mes mains dans les siennes.

– Je suis sûre que tu t’inquiètes pour rien, il a sans doute un contretemps.


Comment a-t-il agi après que vous avez couché ensemble ?
– Il m’a tenue dans ses bras pendant plusieurs minutes, m’a embrassée,
m’a câlinée et après il m’a ramenée.
– Tu vois ? rit doucement ma cousine. Je suis sûre qu’il a une bonne
excuse. Et la bande aussi.
– Et si…

Je me tais, ne sachant pas si c’est une bonne idée ou non de lui poser la
question. Elle presse ma main, m’incitant à continuer.

– Et si j’étais un mauvais coup et qu’il ne sait pas comment me le dire ?

Ma cousine éclate de rire et m’attire dans une étreinte.


– Si tu étais un mauvais coup, il t’aurait virée direct, ma chérie.
– Hmm… marmonné-je, toujours pas convaincue.

Mais elle me secoue comme un prunier jusqu’à ce que j’éclate de rire.

– Je préfère ça ! s’exclame-t-elle. Je suis sûre qu’il va te recontacter et


s’il ne le fait pas, envoie-lui un nude.

Je la fusille du regard et elle lève les mains en l’air.

– Quoi ? Un mec reste un mec.

Je m’apprête à lui demander ce qu’elle entend par là quand mon


téléphone vibre dans ma poche. Je crois qu’on pourrait m’appeler Flash
tellement je le dégaine vite, avec l’espoir que ça soit enfin James. Mais
toujours pas. C’est Lace. Je suis contente qu’elle m’envoie un message,
mais j’espérais quelqu’un d’autre. Au moins, ce n’est pas mon opérateur.
Elle me dit qu’elle passe me chercher ce soir, car on va faire du Laser
Game. Je ne sais pas si par « on », elle inclut James. Je l’espère. J’aimerais
en avoir le cœur net.

– C’est lui ? questionne Veronica par-dessus mon épaule.


– Non, c’est Lace. Elle m’invite au Laser Game. Tu crois qu’il sera là ?
Et s’il refusait de me parler ? Et si…
– Détends-toi, Joy, rigole ma cousine. Je suis sûre que tout ira bien.
– Tu veux venir ? Je peux demander à Lace.
– Non, je dois voir Brenton.

Je ne peux m’empêcher de grimacer en entendant son nom. Suis-je


rancunière ? Un peu… beaucoup. J’acquiesce et m’apprête à sortir de sa
chambre quand elle m’arrête.

– T’embrasseras James pour moi.

Je crois entendre de la rancœur dans sa voix, mais elle me lance un clin


d’œil quand je me retourne. Je secoue la tête.
Je deviens folle, je dois toujours avoir de la drogue dans le sang.

***

Quand nous entrons avec Lace dans l’accueil du Laser Game, nos amis
accourent vers nous.

– Comment tu vas ? me questionne d’emblée Bonnie.


– Je vais bien, lui souris-je doucement, mais je lâche un cri quand Eddy
me serre dans ses bras.
– Plus jamais, tu m’entends ? Plus jamais tu nous fais flipper comme ça.

Il me serre tellement fort que je ne peux que couiner.

– Tu vas étouffer ma rouquine, Eddy, résonne une voix derrière nous.

Mon cœur loupe un battement quand je reconnais sa voix.

Eddy me relâche en rigolant et je me retourne doucement vers James. Il


se tient juste là, derrière moi, les mains dans les poches et son petit sourire
désolé aux lèvres.

– Salut petite peste.

Je m’avance vers lui, prudente, ne sachant pas à quoi m’attendre. S’il me


disait qu’il veut qu’on ne reste qu’amis ? Quand je suis assez proche, il sort
une main de ses poches et attrape mon visage en coupe avant de poser
fougueusement ses lèvres sur les miennes.

– Tu m’as manqué, souffle-t-il, et je me recule en croisant les bras contre


ma poitrine.

Ah, non ! C’est trop facile, là.


Je veux bien être compréhensive si on me donne des explications, mais il
ne peut pas me dire que je lui ai manqué alors qu’il n’a pris aucune de mes
nouvelles et qu’il n’a pas daigné répondre à mes messages. Je le repousse et
m’éloigne en croisant les bras contre ma poitrine.

– Pourquoi tu ne m’as donné aucune nouvelle ?


– Je t’expliquerai.
– James…

Je soupire. J’en ai marre de me poser des questions, mais déjà nos amis
entrent dans la salle et il me tire après lui.

Ça fait deux minutes que nous sommes tous entrés. Avec les filles, nous
restons collées comme des pingouins sur leur banquise, en alerte, à écouter
le moindre bruit pour deviner où se trouvent les garçons. On a décidé de
faire une équipe féminine et une équipe masculine. Je suis devant, ouvrant
le chemin, mais je ne vois pas une marche. Je chute en avant, entraînant les
filles avec moi qui me tombent une à une sur le dos. On explose de rire.

– Vous savez que vous n’êtes pas discrètes.

Je reconnais la voix de Caleb. Il tire en touchant Lace qui était au-dessus


de nous. Elle se relève et part à sa poursuite après qu’elle peut à nouveau
jouer. Quand un joueur se fait toucher, il doit toujours attendre quelques
secondes avant de reprendre la partie, permettant à son adversaire de
prendre de l’avance. Bonnie m’aide à me lever.

– Tuons-les !

Nous nous séparons et je me retrouve seule, plongée dans le noir le plus


complet. Ma vue en moins, je me focalise sur les bruits. J’entends des pas
se rapprocher de moi. À tâtons, je trouve un mur, je me cache derrière lui en
retenant ma respiration, comme si ma vie était en jeu.

– Joy… chantonne la voix de James. Je sais que tu es là. Je sens ton


parfum, alors montre-toi.
James passe juste à côté du mur derrière lequel je suis cachée et je me
retiens de jubiler. Décidant de le prendre par surprise, je surgis à sa suite en
tirant. Je ne sais pas où je le touche, mais en tout cas, le bruit me dit que je
n’ai pas raté ma cible.

– C’était pour m’avoir ignorée pendant deux jours après avoir couché
avec moi, salopard.

Alors, seulement là, je m’enfuis en courant en tâtonnant partout, pour ne


pas me prendre un mur ou une nouvelle marche si possible.

– Petite peste, rugit James derrière moi.

Je l’entends me courser après qu’il peut à nouveau jouer.

Néanmoins, à peine une minute plus tard, je n’entends plus aucun bruit
de pas. Je me retourne et le cherche en me fiant à mon ouïe. Pensant qu’il
m’a perdue en cours de route, je reprends ma course. Sauf que mon corps
bute contre un autre, ma tête se plaque contre un torse dur et je lâche un cri
sous le choc. Deux mains se posent sur mes hanches pour me stabiliser. Je
reconnais le parfum de James et tout de suite mon corps réagit à sa
présence. Il m’a manqué, j’ai envie de lui et ça m’énerve de ressentir ça
alors que je devrais être énervée après lui pour m’avoir ignorée. Mais je ne
contrôle pas mon corps, ce traître.

– Eh ! On essaye de m’échapper ? Tu croyais m’avoir comme ça ?

Il s’écarte et, d’un coup, j’entends un bip. Le connard, il vient de me tirer


dessus.

– Un partout, mon ange.


– Je te déteste, crié-je quand je l’entends repartir en courant.

Et il rigole, cet enfoiré !


***

– Je suis trop dégoûtée qu’on ait perdu, grommelle Bonnie quand on sort
du Laser Game après vingt minutes.
– C’est rien, on prendra notre revanche la prochaine fois, la réconforté-
je.

Je lance un regard plein de reproche à James, toujours en rogne contre


lui. Moi, être mauvaise joueuse ? Pas du tout. Il se met à rigoler à gorge
déployée et passe son bras autour de mes épaules.

– Allez, viens ma petite tireuse professionnelle, je te ramène à la maison.

Alors qu’il se gare devant chez moi, je cherche mes clés partout dans ma
poche, mais je ne les trouve pas. Le karma n’est vraiment pas de mon côté
aujourd’hui.

– Fait chier, juré-je en cherchant dans mon sac.

Je sens que James tourne vivement la tête vers moi et son regard brûle
mon profil.

– Qu’est-ce qu’il y a ?
– J’ai perdu les clés de la maison, sûrement en tombant tout à l’heure.
Veronica voit Brenton, Cat’ et Steve dorment sûrement.
– Tu es tombée ? demande-t-il, inquiet.
– Oui, j’ai raté la seule marche du parcours, dis-je dans un rire, épuisée
de moi-même et de ma maladresse avec tout ce qui ressemble à des
escaliers.

Je jure que j’ai une poisse phénoménale avec ces derniers, toujours à
tomber dedans.

– Il n’y a qu’une solution ! s’exclame James avec un sourire suffisant. Tu


passes la nuit chez moi.
C’est une évidence. Bien sûr, c’est tout à fait normal.

– James… soufflé-je. Je ne pense pas que cela soit une bonne idée de
débarquer chez toi à l’improviste en pleine soirée alors que ta tante n’est
pas au courant.
– Crois-moi, elle n’attend que ça que tu reviennes, dit-il en posant sa
main sur ma cuisse. En plus, elle t’adore.
– Bon… je crois que je n’ai pas le choix, lancé-je en haussant les
épaules.

Il me lance un regard amusé tout en serrant plus fort ma cuisse.

– Cache ta joie surtout. En attendant, c’est moi qui conduis.

Je rigole et pose ma tête contre la vitre, en savourant le contact de sa


main sur ma cuisse. Mes inquiétudes s’envolent assez vite. Je n’ai pas été
un si mauvais coup et il a toujours l’air de vouloir de moi. Ça n’empêche
que je me demande quand même encore pourquoi il m’a ignorée ces deux
derniers jours.
30

Joy

On ne croise personne quand on entre chez James et nous montons


directement dans sa chambre. Quand il allume, j’ai l’impression de la
redécouvrir. La première fois, j’étais venue chercher mon téléphone et je
n’étais pas restée assez longtemps pour me faire un avis. Et la seconde,
j’étais droguée et dans les nuages après avoir couché avec lui. Je m’avance
donc dans la pièce tout en observant autour de moi. Je sens le regard de
James sur moi, mais il ne dit rien, me laissant sans doute du temps. Avec
seulement la lumière de la lampe de chevet, il y a une tout autre ambiance
dans la pièce qu’en pleine journée. Les draps et oreillers noirs donnent
l’impression que le lit est un gouffre sans fin. Je me rappelle ô combien il
est moelleux alors, oui, on a carrément l’impression de s’enfoncer dedans.
Le noir est seulement rehaussé par un plaid rouge sang, ce qui donne au lit
un côté imposant et mystérieux, comme son propriétaire, en soi.

Je m’approche de son bureau pendant que j’entends le lit s’affaisser,


signe que James vient de s’y asseoir. Le bureau est dans un style industriel,
donnant un côté brut à la pièce, mais il est adouci par tout ce qui se trouve
dessus : des crayons de papier, des crayons de couleur, des feutres, des
carnets et surtout un cadre. Je le saisis dans mes mains et je souris en
découvrant le James que j’ai connu quand on était enfants. Ses cheveux se
sont assombris avec le temps. Il était un réel blondinet à l’époque. Je
n’avais pas beaucoup de souvenirs de sa mère. Je ne l’ai pas vue tant que
ça, honnêtement, mais je la reconnais instantanément sur la photo. James lui
ressemble, mais Nathan est réellement son portrait craché. Je sursaute en
sentant des mains se poser sur mes hanches. J’étais tellement absorbée par
la photo que je n’ai pas entendu James se lever pour me rejoindre.

– Tous les jours, elle me manque, chuchote-t-il en glissant son doigt sur
le visage de sa mère.

J’avale de travers quand j’entends l’émotion dans sa voix et décide de


changer de sujet pour ne pas pleurer.

– T’avais réellement l’allure d’un surfeur.

Il ne dit rien alors je me demande si je l’ai blessé quand, d’un coup, ses
doigts s’enfoncent dans mes côtes, me faisant éclater de rire. Je me tortille
pour m’échapper de sa poigne, mais il me soulève dans ses bras et me
balance sur son lit. Je rebondis et manque de m’étrangler quand ses
chatouilles reprennent.

– Arrête ! m’égosillé-je en tentant de le repousser, mais il est bien plus


fort que moi.

Son corps se plaque contre le mien pour m’empêcher de bouger et il


attrape mes mains qu’il place au-dessus de ma tête. Je me tais quand, de
mon bassin, je sens le sien. James arrête aussitôt de me chatouiller et
m’observe intensément, ses pupilles s’assombrissant de plus en plus de
désir.

– Et toi, une petite rousse qui me forçait à jouer aux poupées et qui me
faisait déjà fondre. Maintenant, tu me fais bander.

Je souris et profite du fait qu’il relâche mes mains pour attraper son
visage.

– Tu sais, je pensais à toi aussi. Je ne savais pas que tu m’attendais.

Sa tête plonge dans mon cou et il m’embrasse sous l’oreille avant de


chuchoter :
– N’y pensons plus. Tu es là, c’est le principal.

Il se retire d’un coup, retombe sur le lit à mes côtés et je le questionne du


regard.

– Oh, crois-moi, j’ai envie de toi, dit-il en pointant son jean, et je rougis.
Mais je sais qu’on doit parler.

Si j’avais toujours des doutes envers ce que je ressentais, je crois que je


tombe définitivement amoureuse de lui.

– Pourquoi tu m’as ignorée pendant deux jours ?

Il me fixe quelques instants puis son regard dérive vers le plafond et ses
lèvres se plissent.

– James… soupiré-je en me redressant.

Je m’assois à califourchon sur lui. J’aime bien que ses mains se posent
tout de suite sur mon corps.

– Parle-moi. J’ai cru que j’avais fait quelque chose de mal…

Je me tais, sens mes joues rougir parce que j’ai un peu honte de ce que je
vais dire. Ses yeux me fixent alors je baisse le regard et joue avec mes
doigts.

– La dernière fois qu’on s’est vus, complété-je en évitant son regard.


– Quoi ? Comment ça ?

J’ose lever un œil vers lui et l’incompréhension que je lis sur son visage
me fait comprendre que je me suis inquiétée pour rien. J’ai encore plus
honte et je voudrais qu’un trou m’aspire.

– Eh bien… la dernière fois qu’on a… enfin, qu’on a fait l’amour. Je


croyais que j’étais un mauvais…
James me coupe en saisissant mon visage et me force à descendre vers
lui.

– Jamais. Tu m’entends ? Ne pense plus jamais ça. Tu as été


merveilleuse, mon ange.

Ça me rassure de l’entendre, mais du coup je comprends encore moins.

– Alors pourquoi tu m’as ignorée ?

James soupire et me repousse. J’ai l’impression qu’il ne veut pas me le


dire et qu’il ne veut pas en parler. Alors je suis surprise quand il retire son
tee-shirt. Mes yeux s’écarquillent quand je vois le gros bleu en plein milieu
de son torse et surtout la balafre sur sa côte.

– Oh, mon Dieu ! m’écrié-je de stupeur.

Je passe doucement mon doigt dessus, mais il geint et se recule


vivement.

– Pour ça. Ça me faisait tellement mal que j’ai dû rester au lit deux jours
pour éviter que la plaie se rouvre. Je ne voulais pas te le dire pour pas que
tu t’inquiètes. Mais la bande, qui ne supportait pas de te le cacher, surtout
les filles, m’a poussé à venir ce soir et à te le dire.
– Comment… Enfin, qui t’a fait ça ? bégayé-je, toujours choquée par ce
que je vois.
– Un mec qui ne l’a pas joué réglo à mon dernier combat.

Je me recule en comprenant qu’il a combattu sans me le dire et en plus


de ça le soir même après qu’on a fait l’amour.

– Tu t’es battu après…

Je secoue la tête. Il ne veut même pas me le dire et il me lance un regard


empli d’excuse.

Ne pouvant le supporter, je me lève et m’assois au bout du lit.


– Joy…

Il essaye de me ramener à lui, mais je me lève d’un bond et reste plantée


devant le lit, les bras croisés.

– Pourquoi ? asséné-je.
– Je ne supportais pas qu’on t’ait droguée, il fallait que je me calme.
– Que tu te calmes ? m’exclamé-je en riant sèchement. Alors j’ai raison,
j’étais si nulle au lit que je ne t’ai pas détendu.
– Mais ça n’a rien à voir ! s’écrie-t-il en se mettant debout lui aussi.
Putain, j’ai tellement aimé faire l’amour avec toi. Je ne pense qu’à ça
depuis. J’avais juste besoin de te venger.
– Mais on ne sait même pas qui m’a fait ça ! crié-je calmement en
pointant la fenêtre du doigt pour mentionner le festival. Tu ne peux pas te
venger sur n’importe qui parce que quelqu’un m’a fait du mal.

Je prends une grande inspiration pour me calmer et le fixe.

– Pas au risque de te faire du mal pour moi. Je ne supporterais pas qu’il


t’arrive quelque chose.

Il garde le silence, puis se rassoit et se prend la tête entre les mains. Je


secoue la tête, déçue par cette fin de soirée. Je savais qu’il fallait qu’on
parle, mais je ne pensais pas que ça prendrait cette tournure.

– Je vais prendre une douche.

Je me déshabille et entre dans la cabine. L’eau coulant sur mon corps me


détend instantanément, tout du moins jusqu’à ce que j’entende la porte de la
douche s’ouvrir. Je me retourne et James se tient là, nu, la tête baissée. Mon
cœur loupe un battement quand je vois une larme couler sur son torse. Je
saisis son visage et le relève vers moi.

– James… dis-je, le cœur serré.

Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’il me serre dans ses bras, la tête
dans mon cou, nos corps fusionnant complètement ensemble. Aucun
millimètre ne nous sépare.

– Pardonne-moi, murmure-t-il. Il fallait que je fasse quelque chose. Je ne


supportais pas qu’on t’ait fait du mal. Ça me rendait fou. Quand j’attendais
que tu te réveilles, plein de scénarios se sont enchaînés dans mon cerveau
où on te faisait du mal et je n’étais pas là pour t’aider. Tu es ma copine et je
ne veux pas te perdre comme ma mère ou que tu m’abandonnes parce que
je fais le con, parce que je sais que je vais merder et que tu vas repartir.

Malgré ma colère, mes yeux se remplissent de larmes. Je ne supporte pas


de le voir comme ça. Je l’incite à se redresser.

– Ta mère était malade, James. Moi, je suis en bonne santé. Tu ne me


perdras pas et je ne vais pas t’abandonner. Je suis là pour rester. Fais-moi
confiance, je suis assez grande pour gérer s’il m’arrive des trucs. Mais je
t’en supplie, ne me laisse plus dans le flou comme ça.

Il hoche vigoureusement la tête et je souris en séchant ses larmes. Je me


mets sur la pointe des pieds et dépose un baiser doux sur ses lèvres. Il reste
immobile quelques instants puis ses mains se faufilent dans mes cheveux et
sa langue dans ma bouche. Il me plaque contre le mur et je sens son désir se
réveiller contre mon ventre. Sentir la peau nue de son sexe contre ma peau
me fait gémir, j’en veux plus. Et je geins presque quand il se recule d’un
coup.

– Il faut qu’on se calme, je n’ai pas de capotes.

Argh, je n’ai jamais été aussi déçue de toute ma vie. Mais ses mains sur
mon corps qui passent le savon sont quand même de bons préliminaires. Je
suis toute chose quand on retourne dans la chambre. Quand il sort une
capote du tiroir de sa table de nuit, je ne peux pas attendre plus longtemps.
Je le pousse, il tombe en arrière sur le lit et je le chevauche à nouveau en
arrachant l’étui en papier de ses mains.

– Je t’ai rendue accro au sexe, mon ange ? se marre-t-il en posant les


mains derrière la tête pendant que je retire nos serviettes.
Ses yeux s’attardent sur mes seins, sa main veut en attraper un, mais elle
retombe sur le matelas quand je déroule le préservatif sur son sexe.

– Oh, putain, grogne-t-il.


– Pas accro au sexe, accro à toi.

***

Je me réveille en sentant de légères caresses effleurer mon dos. Je ne me


suis même pas rendu compte que je m’étais assoupie. Je ne pensais pas que
faire l’amour si intensément à cause de la colère pouvait être aussi bon,
mais si fatigant. Je ne lui fais pas savoir que je suis réveillée afin de voir ce
que James fabrique. Ses doigts longent ma colonne vertébrale jusqu’à mon
bassin et réveillent des frissons sur ma peau après leur passage. James
continue son chemin plus bas. Il câline ma fesse droite, suit le pli entre cette
dernière et ma cuisse, puis il fait la même chose avec la gauche, se
rapproche ensuite doucement, mais sûrement, de ma partie intime. Je mords
mes lèvres par anticipation pour m’éviter de gémir et de me trahir. Mais au
dernier moment, il remonte sur mon dos et malgré tous mes efforts, frustrée,
je ne peux m’empêcher de geindre, le faisant rire à gorge déployée, avant
que, d’une main sur ma hanche, il me retourne.

– Tu croyais que t’allais faire semblant de dormir jusqu’à quand, petite


peste ?

Je hausse les épaules en lui lançant un sourire innocent.

– Je dormais.

Il s’esclaffe puis roule au-dessus de moi, me surplombant de son corps si


tentant. Ses doigts retrouvent le chemin de mon intimité.
– C’est ce que tu voulais ? susurre-t-il en appuyant son pouce contre mon
clitoris.
– Oui, dis-je dans un gémissement, en fermant les yeux tellement c’est
bon.

Mais il s’arrête et je le fusille du regard.

– Je veux que tu me regardes quand je te donne du plaisir, ordonne-t-il en


caressant à nouveau mes lèvres humides.

Je me force à le fixer pendant que deux de ses doigts me pénètrent d’un


coup, si facilement car je suis déjà trempée et prête pour lui.

– La position de tout à l’heure t’a excitée, mon ange ?

Je ne peux que hocher la tête pour confirmer. Ne pas voir ce qu’il me


faisait, et seulement attendre son toucher, m’a excitée bien plus que je ne
voudrais l’admettre.

Il sourit, fier de lui, retire ses doigts et me retourne d’un coup sur le
ventre.

– James, hoqueté-je, surprise par la rapidité de son geste.


– Hmm ? fait-il d’un ton joueur en embrassant l’arrière de mes cuisses.
– Qu’est-ce… qu’est-ce… Oh !

Sa bouche qui vient de se poser sur ma partie intime m’a coupé le


souffle. Je me cambre et m’appuie encore plus contre lui, cherchant
désespérément son contact. Je me surprends à être dévergondée au lit. Mais
pas le temps de réfléchir à ma nouvelle personnalité qu’un sentiment de
fraîcheur prend part de mon corps, me faisant comprendre qu’il s’est reculé.
Je me redresse sur les bras et tourne la tête sur le côté pour l’observer et
vois qu’il enfile un préservatif. Son regard attrape le mien, me questionne et
je hoche la tête.

– Prends-moi.
Je ne dis que ça qu’il agrippe mes hanches, soulève mes fesses et me
pénètre d’un grand coup par-derrière. Mes bras me lâchent, j’enfonce la tête
dans mon oreiller pour étouffer mon gémissement. C’est si indécent, mais
tellement bon. Il lâche une de mes hanches pour poser une main à côté de
ma tête. Il se rapproche de moi sans m’écraser, son torse au-dessus de mon
dos, sa langue dans mon cou, autour de mon oreille, dans mon oreille, ses
coups de boutoir en moi. Il est partout. Je suis imprégnée de lui. On ne fait
qu’un et j’aime tellement. Non, c’est plus que ça. J’adore, je vénère ce
moment.

– Putain, Joy, halète-t-il dans mon oreille. T’es si parfaite pour moi, tu
me rends dingue. Tu vas me tuer.

Il intensifie ses coups de reins et je ne suis qu’un pantin qui se laisse


faire tellement le désir est bon. Je tourne la tête sur le côté. Sa bouche
trouve mes lèvres, sa langue s’enroule autour de la mienne jusqu’à ce que
son autre main appuie contre mon clitoris. Soufflée, je penche la tête en
arrière contre son épaule.

– James, je vais…
– Non, pas tout de suite.

Il se retire de moi, et je le fusille du regard. Il s’esclaffe puis me retourne


sur le dos. D’une main, il attrape mes poignets, les plaque au-dessus de ma
tête. Il embrasse ma poitrine mise en avant par la position puis me pénètre à
nouveau en s’appuyant contre moi, sa tête dans mon cou, qui devient de
plus en plus humide sous ses baisers. Il entreprend des va-et-vient lents,
longs, sensuels. Wow. Deux manières de faire et aucune ne surpasse l’autre.
J’aime qu’il soit en moi, peu importe l’intensité et la position. Je me cambre
sous le désir qui remonte en flèche en moi. Comme je ne peux pas le
toucher, je bouge mes hanches, allant à sa rencontre, le faisant gronder dans
mon oreille. Ses coups de reins s’intensifient à nouveau, pour mon plus
grand bonheur. Il lèche un de mes tétons en même temps qu’il lâche mes
poignets et je plante mes ongles dans la peau de son dos, pour me contenir.
Ses yeux se plantent dans les miens. Son regard si désireux parcourt mon
visage, ma poitrine, l’endroit où lui et moi ne faisons qu’un, avant qu’il
n’appuie à nouveau sur mon bouton sensible à la naissance de mes lèvres
intimes, tout en m’observant. Je me sens si belle, si désirée, si à ma place
que je ne sens pas l’orgasme s’emparer de mon corps. Ma bouche forme un
o, dans un gémissement que je ne peux contrôler. Je ferme les yeux et
l’attire à moi en me cambrant. Son corps s’appuie délicieusement contre le
mien pendant qu’il continue ses coups de reins si profonds et rapides, me
faisant crier son nom au grand dam des habitants de la maison. Je plaque
ma main contre ma bouche au même instant où il me rejoint dans la
jouissance en grognant mon prénom dans mon cou.

On reste dans cette position pendant quelques instants, essoufflés, au


bord de l’épuisement, perdus dans les méandres de nos orgasmes, jusqu’à
ce qu’il commence à m’écraser. James embrasse une dernière fois mon cou,
puis se redresse, quitte mon corps, me faisant grimacer, et retire le
préservatif sous mon regard lubrique. Il est magnifique et je suis follement
amoureuse de lui. Je ne peux plus nier mes sentiments. Je crois que je
l’aime plus que je n’ai jamais aimé quiconque.

Je dois me lever pour aller à la salle de bains. C’est moins sexy, mais je
dois faire pipi et un peu m’isoler après la découverte de mes sentiments. Il
me retient d’une main sur mon ventre. James me retourne vers lui. Son
regard a quelque chose de particulier. Un regard qu’il ne m’avait encore
jamais adressé. J’ai l’impression qu’il me dit qu’il m’aime moi aussi grâce à
ses yeux, sans me le dire de vive voix. Je lui souris et, sur la pointe des
pieds, dépose mes lèvres sur les siennes avant d’aller m’enfermer dans la
salle de bains afin de le rejoindre le plus vite possible.

***

Plus tard, dans la nuit, j’entends de légers mouvements dans la chambre.


Sentant la place froide à mes côtés, j’ouvre un œil pour observer ce que fait
James. Il est assis à sa chaise de bureau, complètement nu, si ce n’est un
carnet qu’il tient dans sa main sur lequel il donne des coups de crayon. Et
là, je me souviens que Nathan a dit que James dessine. Il ne dort jamais, ou
quoi ? Moi, je suis épuisée. Mais je ne peux m’empêcher de l’observer. Il
ressemble à un dieu grec. Un homme qui dessine à poil n’était pas
réellement un fantasme jusqu’à maintenant. Maintenant, si.

Il lève la tête, remarque que je suis réveillée, mais ne dit rien et reprend
son dessin. Je me lève pour le rejoindre. Je me colle contre son dos, ma
nudité ne me gênant plus après tout ce que l’on a fait, et passe mes bras
autour de son cou. Je pensais qu’il cacherait ce qu’il est en train de dessiner,
mais il continue même en sachant que je regarde. Et ce que je vois me
surprend. J’étais au courant qu’il dessinait, mais je ne pensais pas qu’il était
aussi talentueux. La version de moi endormie est magnifique. Chaque détail
y est, même mes taches de rousseur sur mon nez. Est-ce qu’il les a
comptées ?

– Je n’ai pas des fesses aussi bombées, pouffé-je. Je suis sûre que tu
m’améliores.
– Non, lance-t-il d’un ton sérieux, toujours concentré sur son dessin.
C’est comme ça que je te vois.

Je rougis en comprenant que je n’ai absolument pas la même vision de


moi-même que lui. Je cale ma tête contre son épaule et l’observe dessiner
en silence. Au bout d’un moment, il me fait asseoir sur ses genoux pour que
je sois plus à l’aise. Il continue jusqu’à ce que nous retournions au lit, où il
s’endort enfin.
31

Joy

– Tu as déjà pensé à faire du dessin ton métier ? questionné-je James au


petit matin alors qu’il me tient serrée dans ses bras.
– Oui, j’aimerais bien être tatoueur ou graphiste pour le cinéma, me
répond-il de sa voix rauque du matin qui me fait frissonner. Mais je ne sais
pas si c’est une bonne idée.

Je redresse la tête contre son torse pour l’observer.

– Pourquoi ?
– Mon père m’a toujours dit que ce n’étaient pas des vrais métiers. Il
voulait que je reprenne l’entreprise familiale dans l’informatique.
– Ton père n’a plus son mot à dire sur toi et sur ta vie, James. Fais ce que
tu aimes.

Il caresse mes hanches du bout des doigts et je me love encore plus


contre lui.

– Hmm… Et toi ? C’est quoi déjà ce que tu vas étudier à UCLA ? Je n’ai
pas écouté la dernière fois.
– Marketing. Pour faire quoi, je ne sais pas encore. Mais tu ne devrais
pas déjà être à l’université, toi ? Pourquoi tu viens de seulement finir le
lycée ?
– J’ai redoublé quand ma mère est partie.
– Oh… fais-je, honteuse de l’avoir fait repenser à ça.

Il sourit et attire mon visage au sien pour m’embrasser doucement.


– Peut-être que je vais m’inscrire avec toi, comme ça, on sera tout le
temps ensemble.

Je rigole et secoue la tête en le pointant du doigt.

– Je ne veux pas que tu viennes pour moi. Je veux que tu fasses quelque
chose qui te plaise. S’il te plaît, renseigne-toi pour être tatoueur ou
graphiste.

James soupire, se frotte le visage puis ancre son regard dans le mien.

– OK.

Je souris grandement et embrasse sa mâchoire avant de le chevaucher et


de m’allonger sur lui. Ses bras se referment instantanément autour de moi et
je fourre ma tête dans son cou. Une de ses mains se pose sur ma nuque
tandis que l’autre saisit ma fesse, me faisant glousser.

– Tu ne penses qu’à ça.


– Tu t’es vue ? fait-il remarquer en me frappant légèrement la fesse.

Je sursaute puis j’éclate de rire. Sa tête se fourre dans mes cheveux et je


l’entends prendre une grande inspiration, comme s’il essayait de
s’imprégner de mon odeur, ce qui me rend toute chose.

– Tu as quelque chose de prévu aujourd’hui ?

Je secoue la tête dans son cou, beaucoup trop bien installée pour parler.

– On passe la journée ensemble ?


– Tous les deux ? le questionné-je, surprise parce que jusqu’à maintenant
on a rarement été seuls.

Je ne peux retenir mon sourire de grandir sur mes lèvres. Je sautille déjà
de joie intérieurement.

– Ouais, enfin, je ne t’oblige pas…


Je souris, attendrie, quand je le vois se passer les mains dans les cheveux
et poser ses yeux partout sauf sur moi.

– Oui, ça me plairait beaucoup, dis-je avec entrain pour couper court à sa


nervosité.

Il relève les yeux vers moi et son sourire de petit garçon illumine son
visage.

– C’est vrai ?

Je hoche la tête à plusieurs reprises et sa poigne se resserre sur ma


nuque.

– Où ça ?
– Tu verras. Allez, bouge ton cul de dingue qu’on se lève.

J’éclate de rire quand il me fait tomber sur mon côté du lit. Mais je me
tais quand il se redresse et étire ses muscles, sûrement endoloris à cause de
moi, puis il se lève dans sa tenue d’Adam. Je sais qu’on n’a plus rien à se
cacher, mais je me demande quand même à partir de quel moment on est
devenus aussi à l’aise. Ça me ferait presque flipper. Il s’approche de sa
commode et je me mords la lèvre en regardant ses fesses nues. Il cherche
des trucs puis il se retourne, me prenant en flagrant délit de reluquage.

– Tu veux que je te dessine mes fesses, petite peste ? ricane-t-il en me


lançant un truc au visage, que je devine être un jogging à lui.

Je le retire de ma figure et le lève à côté de ma tête en l’interrogeant du


regard. James pointe mon corps de son doigt :

– Tu ne crois pas que tu vas sortir comme ça, j’espère ?

Je baisse la tête et éclate de rire. Bien sûr que je ne sortirai jamais


comme ça avec sa tante et son petit frère dans la maison. Seule avec lui,
pourquoi pas ? Mais là n’est pas la question. Je me lève et enfile son
jogging. Il est bien trop grand pour moi. Le tissu pend autour de mes
hanches, et il y a au moins vingt centimètres qui dépassent de mes pieds.
James éclate de rire avant de s’approcher de moi. Il se baisse puis ses mains
font des revers autour de mes chevilles. Quand il se relève, il tire sur le
cordon qui était rentré dans le jogging pour le serrer autour de ma taille.
Pendant ce temps, je fais un nœud dans son tee-shirt pour le resserrer autour
de mon ventre.

– On voit beaucoup plus tes seins comme ça, remarque James en


louchant sur ces derniers.

Dans un rire, je me mets sur la pointe des pieds et l’embrasse sous le


menton.

– Toi seul peux les voir, tu es obsédé.


– Obsédé par toi, oui.

***

Elizabeth et Nathan sont autour de la table de la cuisine quand on arrive


main dans la main et je rougis en découvrant leurs grands sourires
équivoques. James me tire la chaise et je m’assois en lui lançant un sourire.
Il nous sert des tasses de café et s’assoit à mes côtés en posant une main sur
ma cuisse.

– Tu vas mieux ? me questionne Elizabeth en m’examinant de la tête aux


pieds.
– Oui, tout à fait.
– Super !

Elle lance un regard à James et lui tend une enveloppe.

– La rentrée est bientôt, James. Il serait peut-être temps que tu te décides


entre toutes les écoles qui t’ont fait des propositions.
Toutes les écoles ? Je suis surprise en entendant ça. Je ne doutais pas de
l’intelligence de James, mais il ne m’a jamais donné l’impression d’être à
fond dans la scolarité. Je veux le questionner, cependant il évite mon regard
et hausse les épaules vers sa tante, en répondant sans grande joie. J’ai
raison, il n’aime pas l’école, mais il n’a pas encore parlé à sa tante pour le
tatouage.

– Je le ferai tout à l’heure.


– James, soupire sa tante, soucieuse. Tu me dis ça tous les jours. Bientôt,
il sera trop tard.
– Je gère, ne t’inquiète pas.

Je lui donne un coup de cuisse. Il m’ignore et continue de manger son


bol de céréales. Je lance un regard d’excuse à Elizabeth et elle me lance un
petit sourire.

– Qu’avez-vous prévu du coup aujourd’hui ?

Je me tourne à nouveau vers James pour voir s’il va lui répondre, cette
fois. N’empêche que j’aimerais bien connaître les écoles qui l’ont approché.

– Je l’emmène chez Greg.


– C’est vrai ? s’exclame Nathan en en se redressant d’un coup.

Je me demande qui est cet homme qui captive tout de suite le petit frère
de James, lui donnant des étoiles dans les yeux.

– Je peux venir ?
– Nathan, gronde Elizabeth. C’est entre James et sa copine.

Il lui fait des yeux suppliants et sa tante soupire en nous lançant des
regards en coin.

– Ce n’est pas à moi qu’il faut demander.

Nathan tourne la tête vers nous. Il regarde en premier son grand frère,
qui l’ignore délibérément. Il n’abandonne pas et il me regarde à mon tour
avec un regard de chien battu. Je comprends pourquoi James l’ignore, parce
que s’il le regarde, il va accepter et c’est censé être notre journée à tous les
deux.

– S’il te plaît, Joy.

Houla ! Depuis quand je fonds devant un ado ?

J’essaye de garder mon sang-froid, mais je sens que je vais craquer.

– Ça ne me dérange pas, finis-je par dire, et James rigole à mes côtés


avant de se lever.
– Je vais me doucher, on passe chez toi et après on y va ?

J’acquiesce d’un signe de la tête. Il dépose un baiser sur ma tempe et


monte dans sa chambre.

– Va te préparer du coup, ordonne Elizabeth à Nathan.

Ce dernier court à son tour à l’étage avec un empressement qui me fait


rire. J’aide Elizabeth à débarrasser puis je remonte dans la chambre de
James pour récupérer mes affaires. Il sort à ce moment de la salle de bains
et me lance un sourire en coin.

– Tu sais, si tu craques à chaque fois que mon petit frère te fait les yeux
doux, tu n’as pas fini. Il va en profiter.

Il pose ses mains sur mes hanches et m’attire contre son torse.

– Je sais, dis-je en riant. Mais je n’ai pas pu lui dire non. Tu ne m’as pas
aidée non plus. Tu ne m’en veux pas ? Je sais que tu voulais que ça ne soit
rien que nous deux aujourd’hui.

James éclate de rire et lève mon menton pour que je le regarde. Il dépose
ses lèvres sur les miennes pour un baiser bref, mais qui me laisse tout de
même dans tous mes états.

– On aura plein d’autres journées à passer ensemble.


J’embrasse sa mâchoire et me décolle pour mettre mes affaires de la
veille dans le sac en tissu que m’a donné Elizabeth. Quand je suis prête,
James me fait sortir de sa chambre en premier. Je passe à peine devant lui
qu’il me frappe les fesses, me faisant sursauter.

– Eh ! m’exclamé-je en le foudroyant du regard.


– Allons-y, ma petite peste, se marre-t-il alors que je lui tire la langue.

Au rez-de-chaussée, Nathan nous attend déjà dans le hall et piétine


d’impatience quand nous sortons et montons dans la voiture.

– Merci de me laisser venir, Joy.

Oh, merde, ce gosse va me faire fondre s’il continue. James, sachant très
bien ce que je ressens, sourit en sortant la voiture de l’allée et en prenant la
direction de chez moi.

Vu que je n’ai plus mes clés, je dois sonner. C’est Veronica qui nous
ouvre la porte. Ses yeux s’écarquillent quand elle aperçoit James derrière
moi. Elle se pousse pour nous laisser entrer. Je surprends son coup d’œil
insistant sur la main de James dans le bas de mon dos. J’ai l’impression
qu’elle n’aime pas forcément que mon copain soit aussi tactile vu ses lèvres
pincées. Je me racle la gorge. Elle sursaute avant de me lancer un grand
sourire en levant un pouce en l’air, puis elle sort de la pièce presque au pas
de course. Qu’est-ce qui vient de se passer ? Je pousse un long soupir et
entre enfin dans la cuisine, où Steve lit son journal tandis que Catherine est
déjà en train de cuisiner. Peut-être que ma cousine se sent délaissée par
Brenton ? Et si Steve avait raison à son propos ? Bon, j’y penserai plus tard.

– Eh bien, quelle surprise ! s’exclame Steve. Comment vous allez les


garçons ?
– Super, répond James en lui rendant son accolade.

Ma tante délaisse ses fourneaux et d’un signe de la tête me montre une


clé sur le comptoir.

– C’est pour toi, ne la perds plus cette fois !


– Merci !

Cette fois, je ne la perdrai plus.

– Je suis prête dans dix minutes, annoncé-je aux garçons.

***

Nous roulons maintenant depuis une bonne vingtaine de minutes. Ces


routes me sont inconnues, je n’ai aucune idée d’où nous sommes.

– Il nous reste une dizaine de minutes avant d’arriver, m’informe James,


et Nathan s’agite à l’arrière.

J’acquiesce d’un hochement de la tête, trop concentrée à regarder le


paysage pour déceler le moindre indice. Je ne sais même pas ce que je
cherche, à part un homme qui s’appelle Greg, mais je ne pense pas qu’on va
le trouver sur la route. Peut-être qu’il a un lieu à son nom ? J’essaye de
remarquer une pancarte qui me le dirait, mais je n’en trouve aucune. Nous
roulons encore quelques minutes dans des quartiers résidentiels, puis nous
arrivons dans une zone industrielle avec de nombreux carrefours. James
tourne à la première intersection. Nous débouchons sur un parking presque
plein. Il cherche une place assez éloignée des autres.

– Tu sais que ça ne sert à rien, il y aura forcément une voiture garée à


côté de la tienne quand on reviendra, me moqué-je.
– On ne sait jamais, je préfère être prudent, dit-il avant de trouver une
place, puis il se gare en marche arrière.
– Fais gaffe, tu vas taper dans le mur derrière ! m’écrié-je en regardant
derrière moi.
– Quoi ? dit-il en pilant d’un coup, et j’explose de rire. Putain, Joy, ne
fais pas ça !
– Gros mots, réplique Nathan, mort de rire, et ça ne m’aide pas à me
calmer.
– C’était trop tentant, désolée ! dis-je entre deux rires en sortant de la
voiture.

James sort à son tour, à la fois apeuré à l’idée d’avoir pu abîmer sa


voiture, mais aussi amusé par mon humour. Il prend ma main dans la
sienne. Il nous conduit vers le bâtiment attenant au parking. Je lève mon
regard vers la pancarte et mon regard s’écarquille.

– On va faire du racing ? demandé-je en regardant James qui a un grand


sourire fixé aux lèvres.
– Bingo.
– Mais c’est qui Greg, alors ?
– C’était le meilleur ami de mon père à l’époque. C’est lui qui possède le
circuit.

Il nous fait entrer avant lui et nous emmène à l’accueil, où un homme


d’une quarantaine d’années se trouve. Il relève la tête en entendant des
bruits de pas et il paraît heureux de nous voir.

– James, Nathan ! Mes garçons, ça fait longtemps que vous n’êtes pas
venus.

Il leur fait une accolade qui dure plus longtemps que la normale. Mais
James tient toujours ma main dans la sienne, ce qui m’empêche de
m’écarter.

– C’est vrai. Content de te revoir, Greg !


– Moi aussi.

Le fameux Greg se retourne vers moi et me lance un regard curieux. Je le


salue poliment.

– C’est la première fois que tu viens ici avec une jeune demoiselle,
constate-t-il avant de m’adresser un grand sourire. La copine, je présume ?
James me laisse répondre et j’avoue que ça me fait plaisir. Je fais une
pression sur sa main pour le remercier.

– Exactement. Enchantée de vous rencontrer.

Il me donne une accolade puis regarde à nouveau James.

– La même voiture ?
– Ouais, comme toujours, sourit James en posant son bras sur mes
épaules pour m’attirer à lui. Rajoute juste un casque et une combi en plus
pour elle.
– Bien sûr !

Il s’en va dans un local et revient les mains chargées d’équipement, qu’il


nous tend. Suivez-moi.

On le suit à travers l’entrepôt pour arriver dans l’arrière-cour, où se


trouve un circuit gigantesque. Plusieurs voitures roulent déjà à une vitesse
hors norme. J’ai les mains qui tremblent déjà d’excitation.

– Les vestiaires pour femmes sont sur ta gauche, m’indique James en me


montrant du doigt un local. Rejoins-nous ici quand t’es prête.

Après avoir enfilé la combinaison qui, à mon grand étonnement, me va


parfaitement, je rejoins les garçons devant le circuit. J’aperçois James au
loin, et mon cœur bat à cent kilomètres à l’heure. Il est magnifique dans
cette tenue. Il se retourne et me lance un grand sourire. Quand j’arrive
devant lui, il me détaille de la tête aux pieds.

– T’es sexy là-dedans !


– Tu ne t’es pas vu, rétorqué-je dans un éclat de rire.

Il rigole et me pose un casque sur ma tête pour ensuite l’attacher, laissant


traîner ses doigts à la base de mon cou plus longtemps que nécessaire. Il me
décoche un sourire charmeur, me faisant trembler sur mes jambes.

– Tu es prête ?
– Et Nathan ? demandé-je, inquiète de ne plus le voir.

James pointe son doigt vers un circuit plus court où plusieurs enfants
attendent leur tour.

– Il monte avec un moniteur.

Soulagée, je le laisse m’emmener vers une Maserati de course juste


magnifique. Il m’aide à monter et dans le rétroviseur, je le vois enfiler le
casque avant de me rejoindre dans la voiture, côté conducteur. Je suis plutôt
surprise qu’il conduise lui-même à son âge. J’avoue que je stresse un peu,
mais j’ai confiance en lui.

Il me lance un regard comme pour me demander si je suis toujours prête.


Je hoche la tête, il presse ma cuisse de sa main une seconde puis il fait rugir
le moteur. J’agrippe la ceinture en voyant Greg baisser le drapeau. James
n’attend pas une seconde de plus et fait démarrer la voiture au quart de tour.
Nous sommes projetés à plus de cent vingt kilomètres à l’heure en une
seconde.

Il augmente de plus en plus la vitesse. Et au fur et à mesure que le


compteur grimpe, mes cris s’intensifient. C’est tellement bien ! Au bout
d’une minute, je détache ma main de la ceinture et profite des nombreux
tours qu’il nous fait faire. J’en compte cinq quand il arrête le moteur en
freinant brusquement. Mon corps part en avant et je le regarde
méchamment.

– Vengeance, petite peste, crie-t-il dans le micro.

Je lui frappe l’épaule pendant qu’il s’esclaffe.

Il sort de la voiture, la contourne et m’ouvre la portière. Je sors, mais


tangue sur mes jambes, alors il me rattrape par le bras et me stabilise contre
lui.

Une fois qu’il s’assure que je tiens sur mes jambes, il défait la bride de
mon casque et me l’enlève avant de le déposer sur le toit de la voiture. Puis
il fait de même avec le sien.

– Alors, ça t’a plu ?


– Tu rigoles ? C’était génial ! m’écrié-je, le sang battant encore dans mes
veines. On peut recommencer ?
– On reviendra, ne t’inquiète pas.
– J’y compte bien, déclare Greg derrière nous. Je veux vous revoir aussi
vite que possible !

James lui confirme la chose. On va chercher Nathan et nous repartons


vers la voiture qui, à ma plus grande joie, est entourée d’autres véhicules.
Qui avait raison ?

– Tu vois, je te l’avais dit qu’il allait y avoir des voitures de chaque côté
de la tienne.
– Bon, j’avoue, tu avais raison.
– J’ai toujours raison, le nargué-je avec un sourire malicieux.
– Mais oui, c’est ça, répond-il sans grande conviction en faisant démarrer
le moteur. On va manger en ville ?

J’acquiesce avec un grand sourire, et il sort de la zone industrielle pour


nous emmener dans Los Angeles même.

Après avoir garé la voiture dans le parking d’un centre commercial, nous
arpentons les rues main dans la main à la recherche d’un restaurant.

Nous trouvons une pizzeria et jetons notre dévolu dessus. La serveuse


nous emmène à une table de libre. Tout le long du repas, Nathan nous
raconte en boucle son parcours et qu’il a même pu conduire sur quelques
mètres en ligne droite. Il nous rabâche la même chose tellement il est excité,
mais on l’écoute en souriant. Le bras de James repose sur l’assise de ma
chaise et il s’amuse avec mes cheveux. Je suis bien avec eux, j’ai
l’impression de me sentir à la maison.

À la fin du repas, James insiste pour régler l’addition. Je tente de


contester mais j’abandonne très vite.
Finalement, au lieu de rentrer, nous passons toute la journée en ville.
Nous nous promenons plus que nous ne faisons les magasins, mais ça me
plaît. J’ai un peu honte de dire que je préfère être seule avec lui qu’avec
toute la bande.
32

Joy

– Tu veux dîner chez moi ce soir ? demandé-je quand on rentre dans la


voiture pour reprendre la direction de la maison après notre journée.
– Ta cousine sera là ?
– Euh… bah, je pense, c’est chez elle, dis-je en haussant un sourcil.
Pourquoi ?
– Je ne préfère pas alors. Tu ne veux pas qu’on aille en ville ?

Je fronce les sourcils et croise les bras tout en observant son profil
pendant qu’il conduit. Depuis quand Veronica le dérange ? C’est la
première fois qu’il me fait une remarque comme ça. Surtout qu’il a passé un
week-end avec elle. Écourté, certes, mais quand même.

– Non. Je veux que tu viennes chez moi.


– Et moi je te dis que je ne veux pas voir ta cousine. Alors soit on va
manger tous les deux un truc en ville soit on ne se voit pas ce soir.
– Wow, soupiré-je en ricanant sèchement et en me concentrant de
nouveau sur le paysage.

Mais qu’est-ce qu’il lui prend ?

– Ne le prends pas comme ça, soupire-t-il, et je sais sans le voir qu’il


passe une main sur son visage.

Je me retourne d’un bond et le fusille du regard.

– Tu veux que je le prenne comment ? sifflé-je, ne me préoccupant plus


de son frère à l’arrière. C’est ma cousine. Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?
– Mais rien, s’emporte-t-il. Je ne m’entends juste pas avec elle et je n’ai
pas envie d’être autour de la même table qu’elle.

C’est bizarre. Il est peut-être impulsif, mais jamais il ne s’emporte pour


rien. Il y a toujours une raison, alors il ne va pas me faire croire le contraire.

– Alors, viens pour moi ! On mangera sur la terrasse si tu veux et on


regardera un film dans ma chambre. On ne sera pas obligés de la voir.
– Pas ce soir, Joy.
– Dis plutôt que tu ne veux pas venir, ça sera plus simple, dis-je d’un ton
calme.

Mais je ne me laisse pas démonter. Je sens que son excuse est vraie, mais
je sais qu’il ne me dit pas tout. Alors, autant prendre le taureau par les
cornes comme on dit. Je saisis mon téléphone dans mon sac à main, mais
avant que je ne puisse taper quoi que ce soit, il assène :

– Ouais, t’as raison, je ne veux pas passer la soirée avec toi. C’est clair,
comme ça ?
– James ! s’exclame Nathan à l’arrière pendant que je rigole froidement.

S’il croit qu’il va me blesser avec ça, il se met le doigt dans l’œil. Parce
que je sais très bien ce qu’il fait. Il essaye de me repousser pour ne pas que
je trouve la vraie raison. Donc je mets mon plan à exécution et je demande
à Cat’ s’il peut venir à la maison ce soir. Je souris malicieusement quand je
reçois sa réponse. Alors sans le regarder, je l’informe :

– Cat’ est d’accord, tu viens à la maison.

Il me fusille littéralement du regard, mais je ne lui accorde aucune


attention et il abandonne finalement, non sans pousser des jurons. Puis, le
trajet du retour se termine en silence.

Après avoir déposé Nathan chez lui, il se gare dans l’allée de ma maison
familiale. Je le sens me dévisager pendant que je récupère mes affaires. Je
m’apprête à sortir de la voiture, mais il me retient en attrapant mon poignet
entre ses doigts. Je jette un œil sur lui et il me fait le même regard de chien
battu que son frère. Je sais maintenant de qui il le tient.

– Je n’aurais pas dû te parler comme ça.


– Effectivement.
– Tu me pardonnes ?
– Oui, je laisse couler juste parce qu’on a passé une bonne journée et que
je ne veux pas qu’elle se termine sur cette note. Mais que ça ne se
reproduise plus.
– Je te le promets.

J’acquiesce d’un signe de la tête et sors de la voiture avant qu’il n’ait le


temps de m’ouvrir la portière parce que, au fond, je lui en veux toujours un
peu.

Nous rentrons chez moi et il est tout de suite pris à part par Steve pour
parler du dernier match de hockey. Pendant ce temps, je rejoins Cat’ pour
l’aider à terminer de cuisiner, puis nous passons à table.

James ne fait qu’agiter sa jambe droite. Ça ne me dérange pas qu’il soit


nerveux après ce qui vient de se passer entre nous, mais il fait quand même
trembler ma chaise. Je pose ma main sur sa cuisse au même instant où
Veronica descend de sa chambre. Elle me lance un grand sourire, qui
s’évapore dès qu’elle voit James. Elle se braque un court instant, avant de
se reprendre et de nous rejoindre. Sa réaction est sans doute passée
inaperçue auprès de ses parents, mais moi je l’ai vue. Qu’est-ce qu’elle a,
elle aussi ? Déjà que je ne comprenais pas James tout à l’heure, mais si elle
s’y met à son tour… C’est seulement quand je me concentre de nouveau sur
mon copain que je me rends compte qu’il serre ma main à m’en faire
presque mal, comme s’il se contenait. De quoi ? Aucune idée. Je grimace
légèrement et secoue mon bras pour le faire réagir. Il revient à lui, me
relâche comme si je l’avais brûlé et me lance un regard désolé et rempli de
regret. Je n’ai pas le temps de le questionner qu’il est intercepté par Steve
qui l’interroge sur son avenir scolaire.
Le repas se passe très bien dans l’ensemble. Nous rigolons tous
ensemble, à l’exception de Veronica. Elle tire la gueule depuis qu’elle a vu
James en descendant de sa chambre. Je commence à deviner qu’elle
éprouve la même rancœur que lui. Mais pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai loupé
à la fin ? C’est ce que je me demande en boucle et je crois qu’aucun des
deux ne veut m’expliquer, vu comme ils font tout pour ignorer mes regards.
Super, je vais encore devoir mener l’enquête.

***

Je sors de la douche et fronce les sourcils en découvrant que James n’est


pas dans ma chambre comme je l’ai laissé avant d’aller dans la salle de
bains. J’étais même étonnée qu’il ne m’ait pas rejointe comme on en a pris
l’habitude. Steve et Cat’ sont allés chez des amis, donc il ne peut pas être
avec mon parrain. Peut-être qu’il avait soif et qu’il est descendu à la
cuisine ? Mais il vient seulement de descendre du coup, non ? Parce que si
c’est pour seulement boire, il devrait déjà être là normalement. Et s’il était
parti ? Non, son téléphone est sur mon lit.

Quand j’arrive dans le salon, je vois que la porte vitrée de la terrasse est
entrouverte. Bizarre… Le soir, si personne n’est sur la terrasse, elle est
toujours fermée à clé. Je la pousse légèrement, mets un pied sur la terrasse,
m’avance et mon sang se glace quand je découvre ce qui se passe devant
mes yeux.

La première chose que je vois, c’est James.

Au moins, je sais qu’il est là maintenant.

La deuxième chose, c’est qu’il est au bord de la piscine.

Peut-être qu’il avait envie de piquer une tête, mais il est habillé de la tête
aux pieds.
La troisième chose, qui me fait froncer les sourcils, c’est Veronica devant
lui. En nuisette !

Depuis quand elle s’habille comme ça ?

Et finalement, la quatrième chose, celle qui me fait le plus enrager, c’est


Veronica qui se jette à son cou pour l’embrasser.

Je n’ai pas le temps de réagir que James la repousse déjà, sauf qu’il la
pousse un peu trop fort et elle tombe dans la piscine. Elle remonte à la
surface en prenant une grande inspiration et repousse ses cheveux mouillés
en arrière. C’est à ce moment-là que son regard croise le mien. Elle ne
semble même pas horrifiée ou même un minimum désolée.

– C’est quoi ce bordel ? sifflé-je.

James se retourne d’un bond et ses yeux s’écarquillent de stupeur.

– Ce n’est pas ce que tu crois.


– Je sais, je t’ai vu la repousser.

Veronica en profite pour sortir de l’eau et je me plante devant elle en


croisant les bras contre ma poitrine.

– C’est quoi ton problème ?


– Mon problème, c’est ton mec !
– Oh, c’est pour ça que tu veux l’embrasser alors ! ris-je sèchement. Je
me retourne vers James et les montre de la main tous les deux. Qu’est-ce
qui se passe entre vous, bordel ? James, tu ne voulais pas venir à cause
d’elle. Et toi, Veronica, tu as tiré la gueule tout le repas parce qu’il était là.
– C’est ton mec qui ne me supporte pas. Je voulais juste le tester pour
voir s’il te méritait.
– Oh, arrête tes conneries, gronde James. Tu sais très bien pourquoi je ne
te supporte pas.

Je lance un regard à James. Il m’ignore et continue à fusiller du regard


Veronica. Je me plante devant lui et le force à me regarder.
– Dis-moi.
– Joy…
– Non, j’en ai marre que tu me caches des choses. Dis-moi, ordonné-je
d’un ton dur, et il soupire.
– Je ne voulais pas venir ce soir parce que c’est Brenton qui t’a droguée
et ta cousine le savait très bien.

Je me recule comme si on venait de me donner un coup dans le ventre.


J’écarquille les yeux et secoue la tête, ne voulant pas y croire une seule
seconde. Elle n’aurait pas pu me faire ça. Brenton, OK, je ne le connais pas
plus que ça. Mais Veronica ? Ma cousine ?

– Non… dis-je tout bas en ayant maintenant envie de vomir.


– C’est faux. Je ne le savais pas, résonne la voix de Veronica.
– Alors pourquoi tu ne t’es pas assurée qu’elle allait bien ? questionne
sèchement James en m’attirant contre lui.

Elle regarde ses pieds, mal à l’aise. J’ai l’impression de voir une
inconnue devant moi. Est-ce qu’elle a joué avec moi pendant tout ce
temps ? Est-ce qu’elle a joué le rôle de la gentille cousine, alors qu’elle m’a
toujours détestée ? Pour que je ne me méfie pas d’elle ? Est-ce qu’elle était
intéressée par James tout ce temps ? Moi qui pensais me faire des idées…
J’aurais dû écouter mon intuition.

– Joy, dit-elle en tendant la main vers moi.

Mais je me recule, reportant mon attention sur James.

– Je ne veux pas rester ici, allons chez toi.

Je remonte dans ma chambre pour enfiler quelque chose d’autre que mon
pyjama, James sur mes pas. Je sens qu’il observe chacun de mes gestes,
mais je suis comme en pilote automatique. Je n’ai qu’une envie : partir d’ici
et m’éloigner le plus possible de Veronica. Alors que je fourre des affaires
de rechange pour demain dans un sac et que je le ferme à toute allure, je
sens les mains de James sur mes hanches.
– Joy…
– Quoi ?

Je m’en veux sur-le-champ d’avoir été agressive avec lui. Je ferme les
yeux, prends une grande inspiration pour me calmer et me retourne pour lui
faire face.

– Pardon.
– Ne t’excuse pas, me sourit-il doucement. Comment tu vas ?
– Je me sentirai mieux quand on sera chez toi. Tu avais raison, je
n’aurais jamais dû insister pour que tu viennes ici ce soir.
– Eh, dit-il en levant mon visage pour que je le regarde. Ne culpabilise
pas, ce n’est en rien de ta faute.

Je hausse les épaules et le force à me lâcher pour enfiler mes chaussures.

– Est-ce que tu m’en veux ?


– Pour ?
– Parce que je t’ai caché des choses et parce qu’elle m’a embrassé.
– Oui et non.

Il acquiesce d’un signe de la tête et je vois qu’il est déçu que je ne dise
rien de plus, mais pour l’instant, j’en suis incapable. Alors je sors de ma
chambre et il me suit comme mon ombre.

***

James se gare en silence devant chez lui. J’ai gardé la tête haute tant que
l’on pouvait croiser Veronica. Je refuse de lui montrer qu’elle a pu
m’affecter d’une quelconque manière. Mais maintenant que je suis seule
avec James, mes larmes menacent de couler et c’est avec une boule dans la
gorge, en tripotant mes doigts, que je demande à James :
– Pourquoi tu ne me l’as pas dit ?

Il ne me répond pas, je tourne la tête vers lui et vois qu’il m’observe. Je


donnerais tout pour être dans sa tête. Il lâche finalement un long soupir et
passe sa main sur son visage avant de me regarder à nouveau.

– Je ne savais pas si Veronica était impliquée de façon certaine.


– Oh, je pense qu’elle savait ! dis-je acerbement en faisant référence à ce
soir, et je secoue la tête. Son comportement est beaucoup trop suspect.

Et tout d’un coup, je réalise. La dernière fois, il ne s’est pas battu sur le
ring, il est allé voir Brenton. C’est Brenton qui l’a tailladé ! J’écarquille les
yeux et tourne la tête vers lui. Il m’observe puis je vois qu’il comprend.

– T’es pas allé confronter Brenton quand même ?

Il soupire, passe une main dans ses cheveux et tire sur les extrémités de
ses cheveux, nerveusement.

– James ! m’écrié-je en me redressant sur mon siège, et je saisis le col de


sa veste. Dis-moi que je me trompe !
– Tu voulais que je fasse quoi ? me demande-t-il en levant les mains au
ciel. Tu voulais que je reste comme un con à ne rien faire alors qu’il t’avait
droguée ?
– Il t’a poignardé, dis-je, horrifiée, et il lève les yeux au ciel.
– Et je vais bien.

Comment peut-il prendre ça autant à la légère ? Quelque chose se brise


en moi. Je lâche un hoquet de surprise et secoue la tête.

– Je ne peux pas faire ça.

Les larmes coulent sur mes joues tandis que je sors de la voiture pour ne
pas qu’il me voie comme ça. Je claque la portière et m’éloigne sur le
trottoir. J’entends sa portière claquer aussi et il crie mon nom, mais je
l’ignore. J’entends ses pas me courir après. Bientôt, il se place devant moi
pour me stopper.
– Putain, qu’est-ce que tu fous ?

Je secoue indéfiniment la tête et il saisit mon visage dans ses mains.

– Joy, parle-moi !
– Je ne peux pas… avoué-je entre deux sanglots.

Je me débats, mais il ne me laisse pas faire et me serre dans ses bras. Je


m’accroche à son tee-shirt en le serrant dans mes poings.

– Tu peux me hurler dessus, mais ne me fuis pas, chuchote-t-il contre


mes cheveux, et c’est comme un déclic.

Je le lâche, me recule puis le repousse de toutes mes forces en appuyant


sur ses épaules.

– Tu aurais pu mourir ! Il aurait pu te tuer et tu prends ça à la légère.


Quoi ? Tu veux mourir ? C’est pour ça que tu aimes tant les combats, hein ?
Tu ne peux pas. Tu as ton frère, tes amis, ta tante, tu ne peux pas les
abandonner ! Tu ne peux pas m’abandonner… terminé-je en chuchotant
entre mes larmes, et il me reprend dans ses bras.
– Je ne vais pas t’abandonner, murmure-t-il contre mon oreille à
plusieurs reprises. Les combats m’ont permis de tenir après la mort de ma
mère, mais je ne veux pas mourir.
– Il aurait pu te tuer…
– Je sais, je sais. Mais je suis là, je suis vivant.

Il me tient longtemps dans ses bras, le temps que je me calme et il


continue à me raconter tout ce que cet enfoiré lui a dit. L’implication de
Veronica à un certain niveau, et surtout, le suicide de son père. Je ne sais
plus quoi penser. On ne sait même pas si Brenton dit vrai. Maintenant que
j’ai l’esprit plus clair, je ne veux pas croire que ma cousine ait pu être aussi
méchante. Peut-être qu’elle l’a aidé au début, mais elle n’aurait pas été
jusqu’à me droguer. Il faut que j’en parle avec elle. Comment James fait-il
pour rester si impassible ? Il a sans doute eu le temps de se faire à cette idée
ces derniers jours, loin de moi. Mais moi, j’apprends tout ça maintenant.
Son tee-shirt est trempé de mes larmes quand il termine son histoire, mais il
n’a pas l’air de s’en soucier.

Je redresse la tête contre son torse, il m’observe. Je vois dans son regard
le reflet de ma tristesse ainsi que ses remords et ses inquiétudes. Il penche la
tête, me donne un doux baiser puis se recule en me souriant doucement.

– Allez, viens. Rentrons.

Chez lui, c’est le noir complet. Comme mon âme en ce moment. Sa tante
est de garde cette nuit pendant que Nathan se trouve chez un ami. James ne
prend pas la peine d’allumer et se dirige vers les escaliers, m’entraînant
avec lui. Sauf que je rate déjà la première marche, ce qui le fait marrer.

– Tu veux que je me foule encore la cheville ? grondé-je de ma voix


encore rauque après ma crise. Je ne connais pas encore parfaitement ta
maison.

Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’il se retourne, pose ses mains sur
mes fesses et me soulève dans ses bras. Je lâche un cri, ne m’y attendant
pas, mais ça ressemble plus à un gloussement qu’autre chose.

– Quel beau son, se moque-t-il, et je le frappe à l’épaule.


– Ferme-la, pesté-je, mais je noue tout de même mes bras autour de son
cou pour ne pas tomber.

Son odeur et sa chaleur m’apaisent, mais je ne peux m’empêcher de


repenser à tout ce que je viens d’apprendre. Les larmes coulent à nouveau
sans que je les contrôle, mouillant sa peau.

James ne dit rien pendant que l’on rentre dans sa chambre et qu’il nous
laisse tomber sur son lit. Toujours accrochée à lui, je me retrouve allongée
sur son torse pendant qu’il caresse mes cheveux, en me chuchotant des
paroles réconfortantes.

Puis, alors que je ne m’y attends pas, il me retourne et dépose des baisers
bruyants sur le visage, dans le cou, sur le haut de ma poitrine, me
chatouillant et laissant mon rire prendre de plus en plus de place. Au final,
je pleure maintenant de rire.

– Arrête, m’étouffé-je entre mes rires et en me tortillant sous lui. Ça


chatouille.

Il cesse enfin et me lance un grand sourire.

– Je préfère te voir comme ça.

Je lui lance un sourire encore un peu triste, mais je me sens déjà un peu
mieux. J’enlace à nouveau sa nuque de mes bras, mais il se recule et pose
son regard sur son ordi, qu’il cherche à attraper.

– Tu veux regarder un film ?


– Non, m’empressé-je de le faire revenir à moi en enroulant mes jambes
autour de ses hanches et en lui retirant son tee-shirt. Je veux m’évader avec
toi.

Il sonde mon regard comme pour s’assurer que je suis sérieuse, alors je
retire moi-même mon gilet et mon débardeur sous ses yeux qui
s’enflamment de plus en plus à mesure qu’il découvre ma poitrine nue. En
une minute, on se retrouve tous les deux en bas de sous-vêtements.

Mais alors qu’il veut m’embrasser, je saisis son visage et frotte ses lèvres
pour enlever toute trace du baiser de Veronica dont je viens de me rappeler.
Il me laisse faire tout en souriant avec son sourire à fossettes.

– Ne te moque pas de moi. Je ne supporte pas qu’elle ait essayé de


t’embrasser.

S’il se retenait de rire jusqu’à maintenant, désormais, il s’esclaffe et


saisit mes mains pour que je le lâche.

– Je l’ai repoussée, elle n’a pas eu le temps de m’embrasser.


– C’est la même chose.
Il sourit encore et je le frappe à l’épaule après m’être libérée de sa prise.

– Arrête de sourire, ce n’est pas drôle.

Il plaque mes mains au-dessus de ma tête et appuie son bassin contre le


mien, m’empêchant de bouger.

– Tu peux dire de moi, mais tu es tout aussi jalouse et possessive, mon


ange.
– N’importe quoi ! pesté-je en le fusillant du regard.

D’accord, il n’a pas tort. Il me fait taire en plaquant ses lèvres à nouveau
contre mon cou qu’il parsème maintenant de doux baisers. Je gémis en
penchant plus la tête sur le côté. Sa main libre se promène sur mon corps,
survole ma poitrine, mon ventre, mes cuisses. Toutes les parties de mon
corps, sauf celle où j’ai envie qu’il me touche. Il sait comment me faire
flancher et je ne trouve rien à redire.

Ses baisers se font plus ardents. James remonte vers ma mâchoire puis il
plaque ses lèvres contre les miennes. Il me lâche enfin les bras et je les noue
autour de sa nuque pour l’attirer à moi. Enfin, ses doigts frôlent ma peau à
la lisière de mon tanga. Mais il remonte et je gronde contre ses lèvres, ce
qui le fait rire. Il se recule et me lance son sourire à fossettes.

– Impatiente ?
– Arrête de me torturer, tu sais déjà que j’ai envie de toi. Et toi aussi, dis-
je en appuyant mon bassin contre le sien.
– Ah bon ? dit-il d’un ton joueur en se retenant de grimacer.

Ses doigts glissent enfin dans ma culotte et il rencontre immédiatement


mon humidité.

– En effet. C’est pour moi ?

Je gémis quand un de ses doigts frôle mon clitoris et je me cambre contre


lui.
– James, soufflé-je en relevant les jambes automatiquement pour lui
donner plus d’espace.
– Putain, tu me rends fou, j’ai envie de me perdre en toi.
– Alors, fais-le.
33

Joy

Il ôte son caleçon qui rejoint nos vêtements au sol, puis saisit un
préservatif dans sa table de nuit, l’enfile mais n’entre pas encore en moi. À
genoux, sur le lit, il saisit mes cuisses et les écarte avant de se faufiler entre
elles.

– Déjà par ma bouche, grogne-t-il contre mon pubis, avant que sa langue
ne me lèche de haut en bas d’un coup, me faisant gémir.

Je me cambre, mon intimité se rapprochant de ses lèvres, et il prend tout


ce que j’ai à lui donner.

On est seuls à la maison, alors je me laisse aller. Je gémis de plus en plus


fort en même temps que j’attrape ses cheveux dans mes poings. Pour le
faire reculer ou le rapprocher, je ne sais même plus. Je le sens sourire sur
ma peau sensible, me malmenant. Je ne peux m'empêcher de me tortiller.

– Tu aimes ça ? marmonne sa voix charnelle chatouillant mes plis.

J’acquiesce d’un mouvement rapide de la tête, mais il secoue la tête entre


mes cuisses et appuie sur mon ventre d’une main pour me maintenir.

– Dis-le. Avoue que tu adores que je te lèche, petite peste.


– Oui, soufflé-je en penchant la tête en arrière, les yeux clos tellement
c’est bon.
– Regarde l’effet que tu me fais, m’ordonne-t-il, et j’ouvre les yeux d’un
coup.
D’une main, il se masturbe pendant qu’il me donne du plaisir avec sa
bouche.

– Tu ne peux pas imaginer le nombre de fois que je me suis donné du


plaisir en solitaire en pensant à toi.

Cette vision de lui se faisant du bien en me regardant d’en bas, son sexe
droit, gonflé, gorgé de sang pour moi, me fait venir une première fois un
orgasme dans un cri si indécent. Il se répand sur ses lèvres, qu’il étale sur
mes cuisses, entre mes fesses.

– James… oh. Je n’en peux plus. Viens en moi.

Il se redresse, saisit mon visage à deux mains et m’embrasse ardemment,


sa langue s’enroulant autour de la mienne. Mon odeur mêlée à la sienne me
rend si dingue que, menée par l’envie irrépressible de le sentir au fond de
moi, je saisis son sexe dur qui s’appuie contre ma cuisse d’une main et le
mène contre à mon entrée.

Il grogne contre mes lèvres, puis me pénètre d’un coup jusqu’à la garde.
Si fort que je couine un peu de douleur, mais le plaisir l’emporte
rapidement.

– T’es magnifique. Ça va ? me demande James en embrassant ma


poitrine.

J’acquiesce d’un signe de la tête. Il sort pour revenir à nouveau un peu


plus fort. Malheureusement, il n’a pas le temps de faire un va-et-vient de
plus que la sonnerie de son téléphone résonne dans la pièce. Il est sur la
table de nuit, alors je tourne la tête, mais James me fait revenir à lui.

– Laisse sonner.

Ça s’arrête, mais ça reprend tout de suite. Je tourne à nouveau la tête


pour regarder et je vois le nom de Nathan.

– C’est ton frère.


– Putain, jure James en saisissant son téléphone tout en restant en moi.
– Ouais ? dit-il difficilement.

Ça me ferait presque rire si je n’entendais pas la voix paniquée de


Nathan qui lui répond d’emblée.

– Viens me chercher, s’il te plaît. Je ne veux pas rester.

James se retire de moi aussi délicatement qu’il peut vu la situation et


retombe à côté sur le matelas.

– T’es où ?

J’entends Nathan lui donner l’adresse et James enfile son caleçon.

– J’arrive, sors de la baraque. Je suis là dans dix minutes max.

Il ne laisse pas le temps à son frère de répondre qu’il raccroche. James se


lève, enfile son jean et ses chaussures tout en proférant dans sa barbe des
injures toutes aussi moches les unes que les autres.

Je le regarde sans savoir quoi faire ni même si je dois faire quelque


chose. Je remonte la couette jusqu’à mon nez parce que son corps ne me
réchauffant plus, je frissonne. Une fois qu’il est prêt, il s’approche de moi,
dépose un baiser sur mon front puis sur mes lèvres.

– Fais comme chez toi, OK ? Je te promets, je me rattrape après.


– Il va bien ? demandé-je, inquiète.
– Ne t’en fais pas, je reviens.

Il tente d’esquisser un sourire rassurant, mais je vois bien qu’il est


soucieux. Je ne dis rien et le laisse filer, torse nu, pour aller chercher son
frère.

J’entends la porte d’entrée claquer et d’un coup le silence envahit la


maison, me mettant mal à l’aise. Je suis seule dans une maison que je ne
connais pas vraiment, tout est plongé dans le noir et la porte de sa chambre
est grande ouverte.

Je commence déjà par fermer cette dernière, j’allume le plafonnier puis


me replonge dans le lit où je tire l’ordi de James sur mes genoux pour
lancer Netflix. Une fois à l’aise, j’éteins la lumière et garde seulement une
des lampes de chevet allumée. Mais c’est sans compter sur mon téléphone
qui sonne à l’arrivée d’un message. C’est un message d’un numéro non
enregistré dans mon répertoire, mais je comprends vite que c’est Dylan en
le lisant.

[Salut Joy, c’est Dylan. Je n’ai pas le numéro


de James, je te laisse lui transmettre ce message.
J’ai cru comprendre que Nathan avait appelé son
frère à la rescousse. Le gamin a suivi ses potes
à ma fête. Un mec qui a perdu contre James est là.
Nathan a osé dire qu’il était son petit frère et
l’autre lui a proposé un joint. Il l’a menacé en
lui disant que s’il le fumait, il ne lui ferait pas
la misère pour se venger de James. Je ne me suis
pas interposé à temps, seulement après que Nathan
a fumé plusieurs lattes. Je l’ai aidé à sortir
et j’attends James avec lui dehors.]

Non mais réellement, Los Angeles n’est définitivement pas la Cité des
Anges. Je copie le message et l’envoie à James qui doit maintenant être sur
la route.

***
Quelques minutes plus tard, alors que je suis à fond dans le film que je
regarde, des phares de voiture éclairent la pièce, puis deux portières
claquent. Je comprends donc qu’ils sont enfin rentrés.

Je mets le film sur pause pour entendre la porte d’entrée s’ouvrir et se


refermer. Des voix s’élèvent au rez-de-chaussée, celle énervée de James et
celle désolée de Nathan. Ne comprenant pas pourquoi James s’énerve alors
que son frère n’y est pour rien, je me précipite hors du lit et ouvre la porte
quand la voix de James résonne.

– Il faut que l’on parle, Nathan !


– Il n’y a rien à dire.
– Oh, vraiment ? rétorque la voix ironique de James. On ne devrait pas
parler du fait que tu te faufiles à des fêtes chez des inconnus quand notre
tante a le dos tourné et que tu fumes des joints.

Nathan écarquille les yeux et James ricane sèchement.

– J’ai vu tes yeux et tu sens l’herbe à plein nez.


– T’es pas mon père, claque la voix de Nathan. En plus de ça, c’est de ta
faute ! Si tu n’avais pas assommé ce mec, il ne se serait pas vengé sur moi !

James ne répond pas, mais je sens l’ambiance lourde jusqu’à l’étage.


Inquiète, je descends les escaliers. J’arrive à peine que James plaque d’un
coup son petit frère contre le mur, le tenant par le col de son tee-shirt.

– Je ne suis pas notre enculé de père, mais je suis ton putain de grand
frère qui t’a élevé quand il s’est cassé alors que notre mère venait de mourir,
espèce de petit con. Alors quand je te parle, tu m’écoutes !

Nathan lève les yeux et me remarque derrière eux. Embarrassé et apeuré,


il baisse la tête. J’avance alors et pose ma main dans le dos de James.

– Lâche-le, s’il te plaît.


– Retourne dans la chambre, Joy, ordonne-t-il, mais je résiste.
– Non ! Tu lui fais peur et tu vas l’étouffer. Lâche ton frère, s’il te plaît.
Il le lâche enfin. Une fois que Nathan est libre de ses mouvements, il se
faufile derrière moi. Je croise les bras contre ma poitrine et fais barrage
entre lui et son frère. James me fixe, rouge de colère, la mâchoire serrée.

Je le connais déjà suffisamment pour savoir qu’il ne me ferait jamais de


mal, quel que soit son niveau de colère, alors je ne le lâche pas du regard.

Notre bataille dure de longues secondes, jusqu’à ce que je voie dans son
regard qu’il commence à flancher. Je me retourne vers Nathan qui a les
yeux remplis de larmes, je pose ma main sur son bras.

– Va dans ta chambre, je m’occupe de lui.

Mais il ne bouge pas et regarde ma main toujours sur son bras.

– Nathan ? le questionné-je prudemment.

Il relève enfin les yeux vers moi alors je répète d’un ton ferme, mais
empreint de douceur :

– Monte dans ta chambre.

Il réagit enfin, fait demi-tour et monte les marches deux par deux. Quand
j’entends sa porte de chambre se fermer, je me retourne vers James qui me
regarde, les yeux interloqués, plus du tout en colère, mais choqué.

– James ?
– Tu l’as touché, chuchote-t-il d’une voix tourmentée.

Qu’est-ce qu’il raconte, encore ? Je marche vers lui, prends sa main dans
la mienne et demande :

– Je l’ai touché ?
– Tu as posé ta main sur lui et il n’a pas sursauté. Il ne laisse personne le
toucher sauf moi. Comment tu as fait ?

Je tente de refréner mes émotions, malgré la boule qui s’est formée dans
ma gorge, et hausse les épaules.
– Les personnes qui sourient tout le temps sont souvent celles qui
souffrent le plus. Elles n’ont pas besoin qu’on leur crie dessus, mais qu’on
leur donne de l’importance et du soutien (je fais une pause et presse sa
main). Il m’a sans doute laissée le toucher car il a compris que je ne lui
voulais pas de mal. Même si je comprends que tu as mal pris ce qu’il t’a dit,
tu n’avais pas besoin de lui hurler dessus, de le clouer au mur et de le
rabaisser.

Honteux, James baisse la tête, alors je la lui relève pour qu’il me regarde
à nouveau et continue :

– Tu es son grand frère, il te regarde comme son héros. Je pense que ton
petit frère est dans une période où il est perdu. Il se cherche, mais il n’a pas
besoin d’être engueulé à chaque fois qu’il agit mal, et surtout quand il n’y
est pour rien. Il suffit d’essayer de le comprendre et de l’aider. Il a besoin de
toi, plus que tu ne peux l’imaginer.
– Je suis désolé que tu aies vu ça… souffle-t-il, défait.

Je noue mes bras autour de ses hanches et pose ma tête sur son torse.

– Ce n’est pas à moi que tu dois présenter tes excuses. Est-ce que tu as
reçu mon message ?

Il pose ses mains sur mes bras et me force à reculer. Je surprends son air
interrogateur.

– Quel message ?

Eh merde. S’il ne l’a pas reçu, je comprends mieux. Je saisis son


téléphone, mais en effet il n’y a rien, alors je lui raconte.

– Putain, jure-t-il en passant ses mains dans ses cheveux quand je


termine. Je ne suis qu’une merde.
– Arrête, soufflé-je en saisissant son visage pour qu’il me regarde. Tu n’y
es pour rien. Tu as aussi le droit de faire des erreurs, tu es humain.

Il se calme puis soupire longuement en me collant contre lui.


– Je commence à croire que ce mec a été envoyé par Brenton.
– Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Ce n’est pas que je ne le crois pas, s’il le dit, c’est qu’il a sûrement
raison. Mais je viens seulement d’apprendre tout ça, j’ai encore du mal à le
concevoir.

– Je ne le connaissais pas, je pensais qu’il était nouveau en ville. Mais il


a parlé de toi pendant notre combat. Le seul qui ait pu lui dire, c’était
forcément Brenton.

Quand est-ce que je vais arrêter d’apprendre des trucs comme ça ?

Je m’approche de lui et me love dans ses bras. C’est le seul endroit où je


me sens en sécurité, maintenant.

– Ce qui est fait, est fait. On ne peut pas revenir dans le passé. Par contre,
tu vois, il n’est pas si méchant, Dylan.
– J’avoue. Mais on arrête de parler de lui maintenant. Je n’aime pas que
tu parles d'autres mecs.

Je pouffe et le laisse me ramener dans sa chambre. Cependant, je vois


qu’il lance des coups d’œil à la chambre de Nathan quand on passe dans le
couloir.

– Si tu allais le voir ? suggéré-je. Attendez demain avant de vous parler,


mais va t’excuser, au moins.

Il hoche la tête, mais avant de sortir, il regarde son lit, son ordinateur
encore allumé et les draps défaits à cause de moi. Alors avec un grand
sourire, je m’y engouffre à nouveau et lui lance un clin d’œil.

– Tu m’as dit de faire comme chez moi.

Il rigole légèrement et va toquer contre la porte de son frère. Il entre,


alors je suppose que Nathan l’y a autorisé.
James laisse la porte entrouverte, mais je monte le volume du film.
Même si je suis curieuse, je ne veux pas écouter. C’est entre eux et je fais
entièrement confiance à James pour se rattraper.

***

Il revient une dizaine de minutes plus tard, la mine grave. Il se déshabille


puis se laisse tomber sur le lit et m’attire immédiatement contre son torse.

– Je vais le tuer, gronde-t-il, et je lève le regard vers lui.


– Qui ? demandé-je en caressant son torse pour le détendre.
– Brenton.

J’arrête tout mouvement, mais il saisit ma main pour que je continue.

– Nathan m’a confirmé que le mec chez qui il a été, celui que j’ai
dégommé, avait été envoyé par Brenton.
– Pourquoi il fait tout ça ?
– Je ne sais pas, dit mon copain en évitant mon regard.

Il sait quelque chose, mais à l’évidence, il ne veut pas en parler.


J’aimerais le forcer à me parler, mais je crois qu’il s’est beaucoup livré pour
aujourd’hui. Et pour être honnête, je ne suis pas sûre d’être capable
d’apprendre encore quelque chose. J’ai l’impression d’avoir atteint le
summum de ce que je peux supporter.

Je sais que je ne devrais pas avoir la tête à ça, mais je ne cesse de


repenser à notre moment intime écourté. J’ai envie de lui faire plaisir pour
le détendre.

Je me redresse en prenant appui sur son torse et il me questionne du


regard. Ce dernier s’écarquille quand je me mets à genoux entre ses jambes.
– Joy ?

J’entends la prudence dans sa voix et ça me fait sourire.

– Oui ? fais-je innocemment en faisant courir mon index sur son torse
jusqu’à la lisière de son caleçon.
– Que…

Sa voix se coupe quand je fais descendre son caleçon sur ses jambes, me
révélant son érection naissante.

– Qu’est-ce que tu fais ? demande-t-il, le souffle déjà court.

Son corps a déjà compris. Je retire mon tee-shirt pour me retrouver nue
devant lui et son érection grossit à vue d’œil. Je souris, fière de mon
pouvoir sur lui. Mes doigts serpentent le long de ses cuisses puis je me
baisse en prenant appui sur le lit.

– Je te détends.
– Tu…

D’une main, je saisis son sexe palpitant, en embrasse le bout tout en le


fixant, puis je sors ma langue et la fais glisser sur sa peau, le faisant gémir
et lever le bassin.

– Putain.

Je me sens mouiller rien qu’à l’entendre jurer de plaisir. Je n’ai jamais


fait ça de ma vie, mais ça me semble naturel quand je prends son sexe en
bouche et comble le restant avec ma main. Ses mains fourragent mes
cheveux. J’ai peur qu’il ne me laisse pas gérer et qu’il impose son rythme
sous le désir, mais il semble juste prendre appui et me laisse faire. Alors que
je le sens proche de jouir avec son goût qui remplit ma bouche, il me relève,
me retourne, me retire ma culotte et ses lèvres trouvent ma partie intime.
Sauf que je suis déjà plus que prête.

– Tout de suite, soufflé-je.


Il ne se fait pas plus prier et plonge en moi. On gémit à l’unisson et je
noue mes bras autour de son cou. Il n’est plus aussi doux que les premières
fois, ses coups de reins se font plus sauvages et je sais qu’il n’y a pas que le
désir, là. Je saisis son visage, son regard voilé s’ancre dans le mien.

– Reste avec moi.

Ses coups ralentissent, mais restent forts et bons.

– Joy, putain. Je vais venir avant toi à cause de ta pipe.

Mais un dernier va-et-vient nous fait partir en même temps. Je le sens


éjaculer en moi et je me rends compte qu’on a oublié quelque chose de très
important. Il le comprend aussi. On écarquille les yeux tous les deux. Il se
retire délicatement, sort du lit et va chercher un gant de toilette. Il revient
avec une moue désolée.

– Je suis désolé d’avoir oublié.


– On est tous les deux fautifs, ne t’inquiète pas.
– Tu m’as tellement pris par surprise que je ne me suis plus contrôlé.
– Heureuse de t’avoir fait plaisir.

On se regarde de longues secondes, puis on éclate de rire. Il se laisse


tomber sur le lit et m’attire à nouveau contre lui. Il n’y a pas de doute, je
suis bien plus légère moi aussi.

– Tu prends la pilule ?

Je hoche la tête contre son torse et il soupire de soulagement.

– Et je suis clean. Je n’ai couché avec personne d’autre que Laura et je


me suis fait tester après qu’elle m’a trompé.

Il n’a couché avec personne d’autre qu’elle et moi ?

Surprise, je me redresse d’un coup en écarquillant les yeux.


– Quoi ? me demande-t-il, même si son sourire en coin me fait
comprendre qu’il sait ce que je veux dire.
– Aucune autre conquête ? Ta réputation te dépasse, bad boy !
– C’est pas de ma faute si une rouquine m’obsède depuis des années.
– Ne me dis pas que tu t’imaginais avec moi, enfant ?
– Non, éclate-t-il de rire. Appelle-moi pervers tant que tu y es. Je t’ai
cherchée sur les réseaux sociaux il y a deux, trois ans. Et moi, je suis ton
combientième ?
– Deuxième aussi. Mais le premier ne comptait absolument pas. Je me
suis fait tester aussi après lui parce que des rumeurs circulaient sur lui
comme quoi il ne se protégeait pas toujours.
– Tu lui avais fait une pipe à lui aussi ?

Je secoue la tête contre son épiderme et sa main se resserre sur ma


hanche.

– Parfait.
– Ne fais pas trop le fier sinon ça n’arrivera plus, ris-je quand je le vois
jubiler.
34

Joy

Je suis réveillée très tôt le lendemain. Je n’ai que très peu dormi avec ce
qui s’est passé hier soir et en plus de ça, j’ai eu la mauvaise surprise du
mois. Heureusement que j’avais une protection dans mon sac. James dort
toujours à poings fermés quand je sors de sa salle de bains, je préfère donc
descendre pour ne pas le réveiller. En bas des escaliers, j’entends du bruit
provenant de la cuisine. Je m’y faufile et découvre Elizabeth qui prend son
petit déjeuner. Elle relève la tête quand elle entend des bruits de pas, et me
sourit malgré son air fatigué. Je comprends qu’elle vient seulement de
rentrer de sa garde de nuit. Elle m’incite à m’asseoir d’un geste de la tête et
dépose une tasse de café ainsi qu’une assiette de pancakes devant moi.

– Salut ma belle. James dort encore ?


– Oui, comme un gros bébé, rigolé-je en coupant mes pancakes.
– Crois-moi, il va vite se réveiller s’il ne te sent pas.

Je hausse les épaules avec un petit rire. Je ne pense pas que James va se
réveiller de sitôt. Quand il est revenu dans la chambre hier soir après avoir
parlé avec son frère, on a regardé une série. Nous nous sommes couchés
vers deux heures du matin, mais je sais qu’il a mal dormi et qu’il n’a
vraiment sombré dans le sommeil que vers cinq heures.

Nous terminons de manger en silence, mais alors qu’elle se lève pour


débarrasser, elle se retourne vers moi avec des yeux inquiets.

– Est-ce qu’il s’est passé quelque chose hier soir ?


Je me racle la gorge et baisse la tête vers mon assiette. Prenant ça pour
une réponse muette, elle continue :

– James devait dormir chez toi et Nathan chez son ami, alors pourquoi
êtes-vous tous là ?
– On s’est pris la tête avec Veronica chez moi hier soir, du coup on a
décidé de venir ici. Nathan a voulu que James vienne le chercher.

Elle hoche la tête. Ses yeux suspicieux m’indiquent qu’elle sait que je ne
dis pas tout. Mais je ne peux pas, ce n’est pas à moi de le faire. D’un sourire
malicieux, elle pointe le doigt vers le coin de la cuisine et là je vois une
caméra. Je me retourne vers elle en écarquillant les yeux.

– Il y a des caméras dans tout le rez-de-chaussée. J’ai tout vu sur mon


téléphone pendant ma pause. James qui engueule Nathan, toi qui
t’interposes et ensuite Nathan qui s’est levé en pleine nuit. Il ne fait ça que
quand il fait des cauchemars, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps.
– Peut-être qu’il avait juste soif, dis-je d’une voix incertaine, et je me
lève pour débarrasser la table pour ne pas qu’elle voie mon visage paniqué.

Elizabeth ricane. Elle sait que je mens. Je lui lance un regard en coin, me
demandant ce qu’elle me réserve pour la suite. Je n’avais pas pour projet de
me faire engueuler par la tante de mon copain. Elle s’approche de moi, je
me retiens de reculer, mais ce n’est pas l’envie qui me manque quand elle
pose une main sur mon épaule. Et finalement, elle me serre contre elle.

– Je suis ravie de voir que James s’est trouvé quelqu’un qui ne le trahira
pas à la première seconde. Je vais voir ça avec eux, ne t’inquiète pas.
– C’était un test ?! m’écrié-je, et je soupire de soulagement.

Elle me tapote l’épaule.

– Bienvenue dans la famille, Joy. Je vais aller me reposer maintenant.

Je la regarde sortir de la cuisine et je m’appuie contre le meuble derrière


moi. Je viens de me faire avoir comme une bleue. Et c’est là que je me
rends compte qu’Elizabeth tient au bonheur de ses neveux, comme s’ils
étaient ses propres fils. Je suis heureuse que, bien qu’ils n’aient pas eu la
vie facile, ils aient quelqu’un sur qui ils peuvent réellement compter. Ça
pourrait paraître exagéré d’avoir des caméras dans la maison, mais je pense
que c’est un moyen pour elle de s’assurer que ses neveux sont en sécurité
quand elle travaille de nuit. Remise de mes émotions, je décide alors de
remonter pour aller voir si James est réveillé, mais alors que je m’apprête à
ouvrir la porte de sa chambre, mes yeux se posent sur celle de Nathan.

J’hésite quelques secondes, mais j’ai réellement besoin de savoir


comment il va. Je toque contre la porte, entends un faible oui. J’ouvre alors
doucement et entre.

Nathan est sur son lit, l’ordi sur les genoux. Il ne porte qu’un simple
jogging, mais quand il voit que c’est moi, il enfile rapidement un tee-shirt.

– Salut, dis-je en m’avançant vers lui. Comment tu te sens ?


– Ça va, répond-il d’une voix enrouée après s’être raclé la gorge.

Je remarque ses yeux rouges, mais ne relève pas. Je m’assois sur la


chaise de son bureau et laisse mon regard parcourir sa chambre, qui
ressemble un peu à celle de James. Une nouvelle preuve qu’il prend
exemple sur son frère. Sauf que là où il y a des objets relatifs au basket et
au dessin dans la chambre de James, celle de Nathan est bien plus
adolescente. Il y a un petit peu de bordel, des jeux vidéo et beaucoup
d’objets à l’effigie du football américain. Alors que je regarde toujours
autour de moi, sa voix s’élève dans la chambre.

– Merci Joy.

J’abandonne mon observation pour lui sourire, mais il évite mon regard
alors j’approche la chaise de son lit.

– Tu sais que tu peux me parler ? Je garderai tes secrets.

Il hoche la tête, mais fuit toujours mon regard. Pensant que je ne tirerai
rien de lui aujourd’hui, je me lève pour sortir, mais j’entends un sanglot
étouffé dans mon dos.
Je me retourne et le découvre, se retenant de pleurer, la tête baissée. Je le
rejoins aussi vite que je peux et le tire vers moi. Sa tête se pose contre mon
ventre et ses bras se nouent dans le bas de mon dos pour me tenir contre lui.

– Je suis là, dis-je, la gorge nouée.

Ses larmes coulent à torrents, et j’ai l’impression de ne rien pouvoir faire


pour le consoler. J’aimerais poser ma main sur sa tête pour l’apaiser, mais je
ne sais pas si, maintenant, après coup, il acceptera mon toucher.

Cela dit, il est toujours inconsolable et j’ai l’impression que cela pourrait
le calmer, alors je pose doucement ma main pour ne pas le brusquer. Une
fois que ma paume touche ses cheveux, il me serre encore plus contre lui,
ses larmes mouillant le tee-shirt de James.

– Maman me manque et mon père aussi.

Sa voix résonne contre mon ventre, me tirant les larmes aux yeux. Mais
je les refoule pour rester forte pour lui. Il était si jeune. Il devait avoir 9,
10 ans quand sa maman est morte. Je ne sais pas exactement quand est-ce
qu’il est né et la date précise du décès de leur mère. Tout ce que je sais,
c’est que généralement, on ne vit pas ça à cet âge…

– Je sais, mon grand…

Je passe mon autre main libre dans son dos au moment où je sens un
corps se glisser derrière moi. Une main beaucoup plus grande se pose sur la
mienne.

Je n’ai pas besoin de lever la tête pour savoir que c’est James. Il pose un
baiser sur ma tempe, avant de s’asseoir sur le lit. Il tire son petit frère vers
lui d’un bras autour de ses épaules. Nathan se love dans l’étreinte de James,
dont je n’ai jamais vu le visage aussi inquiet et préoccupé.

Je les laisse entre eux et retourne dans la chambre de James. Dans la


salle de bains, je pose mes mains sur le lavabo et laisse enfin couler mes
larmes.
Dire que tout ceci me touche serait un euphémisme. Je n’ai jamais vu
leur père, même quand j’étais enfant, mais tout ce que je sais, s’il était
encore vivant, il entendrait parler de moi. Comment c’est possible de faire
autant de mal ? D’être aussi inhumain ? Ça me révulse, me répugne. Je ne
comprends pas comment on peut faire du mal à sa femme et à ses enfants.
Nathan n’était qu’un enfant, James qu’un adolescent qui a eu des
responsabilités beaucoup trop tôt.

Je le savais après hier soir, mais je le sais encore plus après ce matin :
jamais je ne pourrai abandonner ces deux garçons. D’un geste rageur,
j’essuie mes yeux, m’asperge le visage d’eau et retourne dans la chambre.
Je ne pensais pas trouver James déjà là. Assis au bord du lit, il se lève dès
qu’il m’aperçoit et m’attire dans ses bras.

– Ne sois pas triste, mon ange, murmure sa voix au-dessus de ma tête.


– Plus facile à dire qu’à faire. Je n’ai jamais voulu du mal à quelqu’un,
mais si ton père était vivant, je ne me gênerais pas pour lui dire ce que je
pense.

De ses deux mains, il relève mon visage et dépose un doux baiser sur
mes lèvres.

– Merci, Joy. Je te dois beaucoup après ce que tu as fait pour Nathan.


– Si je dois prendre soin du grand frère, le petit fait partie de l’équation,
dis-je avec un sourire sincère.

Il ancre son regard dans le mien. Je sais qu’il peut facilement lire en moi
aussi et là, en ce moment, on se dit silencieusement ce que l’on ne se dit pas
à voix haute.

James m’embrasse plus passionnément. Je noue mes bras autour de sa


nuque. Sa langue trouve rapidement la mienne sans que je résiste. Ses
mains empoignent mes hanches et me tiennent serrée contre lui. J’avance
pour nous rapprocher du lit, mais avant de s’y laisser tomber, il arrache ses
lèvres des miennes, créant un manque insoutenable.

– Pas le temps, ma petite tigresse. On a quelque chose de prévu.


– De prévu ?

J’essaie de me rappeler si on a parlé de quoi que ce soit, mais je n’en ai


pas souvenir.

– Tant que je ne vois pas Veronica, tout me va, terminé-je.


– Je vais prendre ma douche et on y va.

À chaque fois, il me fait le coup. Il me dit qu’on sort sans me dire où on


va. Ce mec a la manie de titiller ma curiosité comme personne. J’aimerais
beaucoup le cuisiner pour lui faire cracher le morceau, mais je sais que c’est
perdu d’avance. Je soupire. Plus qu’à attendre. C’est pourquoi je décide de
me maquiller pour m’occuper l’esprit. Quand je suis prête, je suis surprise
de découvrir Nathan qui attend en compagnie de James. Je devine que peu
importe où on va, Nathan vient avec nous et je suis plutôt contente de ne
pas le laisser seul aujourd’hui.

– On va où alors ? demandé-je à James quand on entre dans sa voiture.


– Tu verras.

***

James arrête la voiture devant la porte d’un entrepôt. Je le questionne du


regard, mais il m’ignore et sort de l’habitacle. On avance tous les trois
devant la porte et James tape le poing contre la porte plusieurs fois. Elle
s’ouvre quelques instants plus tard sur un mec tatoué de la tête aux pieds,
même sur son crâne rasé. C’est seulement quand je l’observe plus que je
reconnais Fredo. Le mec qui était au combat de James auquel je me suis
incrustée.

– Eh, mec, ça va ? demande-t-il à mon copain avant de lui faire une


poignée de main.
Ne comprenant toujours pas très bien ce qu’on fait là, je n’entends pas la
réponse de James. Je reviens à moi quand il pose sa main sur le bas de mon
dos et me fait avancer. On rentre dans le bâtiment et je remarque que ce
n’est pas un simple entrepôt, c’est un salon de tatouage énorme dans un
style industriel et rock avec des néons un peu partout. J’adore !

Je me retourne quand j’entends la voix du tatoueur qui parle avec James.

– Tes dessins m’ont plus que surpris. Je savais que tu dessinais, mais
comme tu ne me les avais jamais montrés, je ne m’attendais pas à ce qu’ils
soient aussi beaux. Depuis combien de temps dessines-tu ?

Il ne m’avait pas dit qu’il avait envoyé des dessins !

– Depuis que je suis enfant, mais je ne m’y suis réellement mis qu’il y a
quelques années.

Il ne me l’a pas dit, mais j’ai bien l’impression qu’il ne s’y est mis qu’à
la mort de sa mère ou sans doute quand elle est tombée malade, pour se
changer les idées.

– C’est impressionnant. Tu sais quoi ? D’habitude, j’hésite à prendre des


apprentis mais on n’est que deux dans le salon et on n’a pas mal de clients.
Et franchement, tes dessins m’ont tapé dans l’œil et je suis prêt à
t’apprendre. J’en parle avec mon partenaire et je te rappelle pour un
entretien, ça te va ? Si tout est bon, tu pourrais sans doute commencer dans
deux semaines pour la rentrée. Tu ne comptes pas faire d’études, du coup ?

Deux semaines ? La rentrée, c’est dans deux semaines ? Ça veut dire


qu’il ne me reste qu’une semaine ici ? Oh, mon Dieu, je n’avais absolument
pas réalisé ! Le temps est passé trop vite. Je savais que je devais rentrer
chez moi une semaine avant ma rentrée à UCLA pour préparer mes affaires,
mais je n’étais absolument pas prête !

– Je n’en reviens pas que le temps soit passé aussi vite, fais-je remarquer
à James quand on retourne à sa voiture.
– Il te reste une semaine, c’est ça ?
– Tu t’en vas ? s’écrie Nathan en se penchant par-dessus mon siège, l’air
inquiet.
– Je rentre une semaine chez moi avant la rentrée pour préparer mes
affaires et revoir mes parents et ma meilleure amie. Mais je reviens après.
– Oh, fait-il sans cacher son soulagement. Ça va, alors.

Alors que James démarre, je reçois un message de Lace qui me dit qu’il
y a une fête sur la plage et que ça serait bien qu’on aille à une dernière
soirée avant que je ne reparte.

Je rigole.

Comme si je partais à tout jamais !

– Qu’est-ce qu’il y a ?
– C’est Lace, dis-je en riant. Il y a une fête sur la plage ce soir et elle ne
veut pas que je la rate.

Il hoche la tête mais ne dit rien et je ne sais pas pourquoi, mais je le


trouve bizarre depuis qu’il s’est réveillé ce matin. Au début, je pensais que
c’était à cause de ce qui s’était passé avec son frère. Pourtant, ça va mieux
de ce côté-là. Alors pourquoi est-il si distant ?

***

Quand on arrive à la plage le soir, mes doutes se confirment quand James


reste près de moi mais ne me touche pas alors qu’il a toujours été tactile
même quand on n’était pas en couple. Et je pensais qu’on s’était encore
plus rapprochés avec ce qui s’est passé hier. Alors qu’il s’éloigne avec les
garçons, les filles me lancent des regards inquiets.

– Il s’est passé quelque chose entre vous ? me demande Lace en premier,


et je secoue la tête.
– Entre nous, non…
– Mais… continue mon amie d’un ton appuyé.
– C’est Veronica et Brenton, dis-je en soupirant avant de tout leur
expliquer.

Elles sont sans voix quand je termine. James ne leur a donc rien raconté.
Je ne sais pas s’il comptait le faire ou non, mais maintenant, c’est fait. Peut-
être que les garçons sont au courant, eux.

– Putain de merde ! s’écrie Bonnie en se massant les tempes. C’est pour


ça qu’il est bizarre depuis plusieurs jours. Je pensais que c’était juste parce
que tu as été droguée, moi.

Je ne sais pas quoi lui répondre. Je hausse alors les épaules et observe
Caleb et Eddy qui reviennent vers nous, sans mon copain.

– Où est James ? leur demandé-je, et ils haussent les épaules.


– Il nous a dit qu’il devait voir quelqu’un, me répond Eddy.
– Je vais voir si je le trouve, informé-je mes amis en descendant de mon
tabouret.

Je ne sais pas ce qu’il a, mais je vais l’apprendre.

En contournant un local de Jet-Skis, j’entends sa voix et m’apprête à me


montrer, mais dans mon champ de vision, je reconnais son ex. Je sais que ce
n’est pas bien d’écouter, mais je me plaque quand même contre le mur du
local et tends l’oreille.

– Qu’est-ce que tu veux, Laura ? Tu n’en as pas marre de me harceler de


messages ?

Attends, quoi ? Comment ça, elle lui envoie des messages ? Et depuis
quand ?

Son téléphone est souvent à portée de ma vue. Jamais je ne l’ai vu


s’allumer sur des messages de sa part et jamais il ne me le cache.
– Je veux qu’on se remette ensemble.

Alors là, non, ma cocotte.

– Et moi, non, lui répond James, et je sais qu’il lève les yeux au ciel. Je
pensais avoir été assez clair.
– Tu parles de ta copine, la rousse ? Elle n’est pas faite pour toi, elle se
lassera vite.
– Ce n’est plus ma copine, je vais rompre avec elle.

Ah bon ?

– Ah bon ? répète Laura comme si elle avait lu dans mes pensées.


– Oui, répond James, et je sens mon cœur tomber à mes pieds.

Est-ce qu’il veut rompre avec moi à cause de Veronica et Brenton ? Mais
je n’ai rien fait de mal, moi ! Je ne le comprends pas. Il a déraillé. Il aurait
pu m’en parler !

– Mais toi et moi, c’est réellement terminé. Ça s’est terminé quand tu as


baisé avec Brenton. C’est la dernière fois que je te le dis, Laura.
Maintenant, arrête de me faire chier.

Elle a couché avec Brenton ?!

Ça, il ne me l’avait pas dit, mais je m’en doutais. Elle aussi semble
surprise de voir qu’il sait. Elle tente de le retenir, mais il se recule déjà et
moi je décampe pour éviter qu’il me prenne en flagrant délit d’espionnage.
Je retourne auprès de mes amis, le cœur en miettes. Je ne sais même pas si
je peux en parler, mais ils voient très bien mon état.

– Ça va ? me demande Eddy.
– Est-ce que tu peux me ramener ?

Il ne cherche pas à comprendre et se lève du tabouret en passant son bras


autour de mes épaules.
– Qu’est-ce qu’il a encore fait ?
– Rien.
35

Joy

Je suis à peine rentrée chez moi que je croise Veronica, comme si elle
m’attendait de pied ferme.

– Joy…

Je lève une main en l’air et elle se tait.

– Pas le moment.

Ça ne sera jamais le moment, je crois. Moi qui étais déçue qu’il ne me


reste qu’une semaine en début de journée, je n’ai maintenant qu’une envie,
rentrer chez moi.

Alors que je m’affale sur mon lit en lâchant un long gémissement, mon
téléphone vibre dans la poche de mon short. Même si je sais déjà qui c’est,
je regarde quand même et je ne suis pas surprise de voir que James m’a déjà
envoyé plusieurs messages. Je ne les regarde pas, éteins mon téléphone et
entre dans ma salle de bains pour me préparer à aller au lit.

Alors que je reviens dans ma chambre, je sursaute en entendant quelque


chose frapper contre ma fenêtre. Je n’ai pas de balcon alors personne ne
peut y être. C’est sûrement une branche qui a tapé contre la vitre. Il n’y a
pas de vent, Joy. Un second projectile tape contre ma fenêtre et je m’avance
doucement vers elle, flippée à l’idée de ce que je vais y trouver. Mais alors
que j’ouvre la vitre et que je me penche par-dessus la balustrade, c’est
James que je reconnais.
– Qu’est-ce que tu fous là ?
– Qu’est-ce que je fais là ? s’écrie-t-il en chuchotant pour ne pas réveiller
les voisins et en levant les mains au ciel. Tu es partie sans prévenir et tu ne
réponds pas à mes messages.

Je lève les yeux au ciel. Il est marrant, lui.

– Il fallait y penser avant. Tu comptes rompre quand ? Ou peut-être que


tu comptais me garder sous la main pour réussir ton pari, finalement ?
– Quoi ? questionne-t-il en fronçant les sourcils.

Je m’apprête à refermer la fenêtre, mais il crie mon nom et je grimace en


ayant peur qu’il ait réveillé le quartier.

– Joy, non, attends ! Laisse-moi entrer, qu’on en parle.


– Tu as été assez clair pour moi, James. Je ne veux pas en parler. Trouve-
toi quelqu’un d’autre pour te vider les couilles.
– Mais ce n’est pas ce que tu crois !
– Non ? fais-je en levant un sourcil. Ce que je crois, c’est que depuis que
j’ai été droguée, tu n’es plus le même. Tu es bizarre, James. Et, oui je ne te
comprends plus. Alors soit tu me dis ce qu’il se passe, soit tu t’en vas.

Il me lâche du regard pour regarder au loin en secouant la tête. Je sais


qu’il hésite, mais je sais aussi qu’il ne me dira rien et j’en ai marre qu’il me
cache tout le temps des choses.

– C’est bien ce que je pensais. Va-t’en, James.


– Attends ! Les filles veulent qu’on aille camper pour te montrer notre
coin après-demain avant que tu repartes. Viens, s’il te plaît.

Passer toute une journée et une nuit avec lui, je ne sais pas si c’est une
bonne idée. Mais je ne peux pas ignorer mes amis à cause de lui. Je
réfléchis quelques instants. Ça ne me sert à rien, car dans tous les cas, j’ai
déjà fait mon choix.

– Je viens pour eux, pas pour toi.


***

Le lendemain, j’aurais aimé rester seule dans ma chambre, mais mes


amis, bien que l’on soit en froid avec James, ont décidé de m’emmener voir
le panneau Hollywood, chose que je n’avais pas encore faite. La promenade
se passe très bien malgré des regards appuyés. Cependant, quand nous
sommes arrêtés pour manger dans un restaurant, je me retrouve assise en
face de James. C’est bien plus difficile pour s’ignorer. Je fais du mieux que
je peux pour ne pas lever le regard vers lui.

En revanche, si moi je tente de l’ignorer, lui n’en fait rien. Son regard me
brûle la peau. Même quand il parle avec nos amis, le plus souvent il répond
avec ses yeux toujours braqués sur moi.

En parlant d’ignorer, je fais aussi tout mon possible pour éviter Veronica
qui me court pratiquement après à chaque fois qu’elle me croise, mais je
n’ai rien à lui dire. Je ne pensais pas que ça me blesserait autant qu’elle joue
sur deux tableaux avec moi. J’aurais dû me douter que son changement de
comportement était trop beau pour être vrai. Pourtant, je me suis fait avoir
en beauté. Je pensais qu’on avait enfin une vraie relation de cousines. Eh
bien non. Vivement qu’elle parte à New York ! Du coup, ça me rassure de
savoir que même si je reviens ici pour mes études, je ne la verrai plus.

– Du coup, on va tous à UCLA ? questionne Lace, me faisant revenir sur


terre.
– Non, maugrée James, et toutes les têtes sauf la mienne se tournent vers
lui.
– Comment ça ? l’interroge Eddy.

James soupire et se redresse sur sa chaise.

– Ce n’est pas encore sûr à cent pour cent, mais je vais apprendre le
tatouage. Je ne fais pas d’études à la fac.
Nos amis laissent échapper des cris de stupéfaction et s’ensuivent les
questionnements de chacun. Je lâche complètement la discussion jusqu’à ce
que Lace me donne un coup d’épaule.

– Tu vas continuer à vivre chez ton oncle, alors ?


– Je ne sais pas encore. Pourquoi ?
– Parce que avec la bande, on a prévu de vivre ensemble dans la même
résidence proche de la fac. Les mecs seront ensemble puis moi je serai avec
Bonnie. Ça te dit de te joindre à nous ? Il reste une chambre de libre dans
notre appart. On pourrait t’emmener le visiter, on a déjà reçu les clés !

J’avoue qu’actuellement, je ne suis pas chaude pour vivre presque sous


le même toit avec James, mais ça m’arrangerait de vivre juste à côté de
l’université. Et ça pourrait être sympa d’avoir Lace et Bonnie comme
colocataires.

– Pourquoi pas. Il faut juste que je voie avec mes parents et ma bourse
pour le loyer.
– Mais du coup, tu viens quand même vivre avec nous, James ? Ça ne
change pas, ça ? questionne Caleb.
– Non, ça me rapproche du salon de tatouage dans tous les cas. Puis, j’ai
envie de prendre mon indépendance, loin de la surveillance digne du FBI de
ma tante.

***

C’est comme ça que mes amis m’entraînent à la résidence pour me


montrer l’appartement. L’appart des filles est au premier et celui des mecs
au troisième. Au moins, on n’est pas voisins de palier, ça m’arrange.

– Là, ça pourrait être ta chambre, m’informe Lace en ouvrant une porte


de leur futur appartement. On avait prévu d’en faire un dressing, mais si elle
peut servir pour toi, alors c’est encore mieux !
J’entre dans la pièce vide en regardant autour de moi. Elle est plus petite
que ma chambre chez mon parrain, mais tout à fait raisonnable. Je vois tout
de suite où je pourrais mettre mes meubles. Cependant, je préfère éviter de
me projeter.

On retourne dans le salon et alors que je pensais qu’il était avec les
garçons, James se tient là, appuyé contre le mur. Il ne me lâche pas du
regard, même quand je le fusille des yeux. Voyant que ça ne lui fait rien,
j’observe mes chaussures en croisant les bras. Je veux qu’il arrête de me
fixer.

– Les mecs installent leurs affaires, nous informe-t-il.


– On les rejoint, acquiesce Bonnie.

Je soupire, épuisée. Je n’ai pas fini d’être dans la même pièce que James
et j’arrive déjà à saturation.

– Je vais vous attendre dehors, dis-je en pointant l’entrée du doigt.


– T’es sûre ? me questionnent les filles en regardant James à la dérobée.

J’avale de travers et hoche la tête en sortant de l’appartement.

– Oui, j’ai besoin de prendre l’air.

Elles ne disent rien, mais je les connais suffisamment pour savoir


qu’elles sont attristées. Je les imagine même lancer des regards suppliants à
James et ce dernier passer une main dans ses cheveux. Pourtant, je ne me
retourne pas pour voir si j’ai raison. Je ne supporte plus d’être en présence
de James.

Assise sur le trottoir, je lève la tête vers le ciel et inspire longuement.


J’avais l’impression d’être en apnée. Le vent léger fouette mon visage et
j’ai enfin l’impression de respirer comme si j’avais été en apnée depuis le
début de cette journée. On n’a pas été longtemps en couple avec James,
pourtant j’ai la sensation qu’on m’a écrasé le cœur. Comment a-t-il pu me
faire ça ? Je savais qu’il était compliqué, mais je ne pensais pas qu’il me
mentirait volontairement. De l’ombre sur mon visage me fait revenir à moi.
J’ouvre doucement les yeux et découvre James me surplombant. Je ferme à
nouveau les yeux en prenant une grande inspiration puis je me lève. Il a
réellement décidé de me faire chier jusqu’au bout. Ne va-t-il jamais
abandonner ? Il n’y a rien à dire. Alors pourquoi s’obstine-t-il comme ça ?
Qu’il me laisse tranquille. J’ai beau l’aimer, je ne supporte plus de voir son
visage. Décidée à mettre le plus d’espace entre nous, je m’éloigne. Mais je
ne fais qu’un pas que sa main se pose sur mon bras.

– Joy…

Je m’arrête, sans pour autant le regarder. Sa main descend le long de


mon bras jusqu’à la mienne pour l’attraper, mais je me recule et le toise
enfin.

– Ne me touche pas ! Plus jamais, m’écrié-je.

Il se pince les lèvres en regardant au loin. Il secoue la tête comme si je


l’exaspérais. Il se fout de moi, hein ?

– On peut…
– Parler ? le coupé-je en ricanant sèchement. Non, on ne peut pas parler,
James. Tu as tout dit et je ne veux rien savoir d’autre.

Je lui tourne le dos et m’éloigne, cependant sa voix résonne, encore à


mon grand regret :

– Joy !

Je prends une grande inspiration et me retourne en levant les bras en


l’air.

– Quoi ? crié-je. Tu as été très clair. Je ne veux plus rien avoir affaire
avec toi. Lâche-moi !
– Tu vas où ?
– Loin de toi.

Il roule des yeux et ricane.


– On est ensemble constamment.

Je le fusille du regard. Il n’avait pas besoin de le dire pour que je le


sache. J’en suis consciente et son ton suffisant m’horripile encore plus. Il
soutient mon regard et pointe la route.

– Tu ne vas quand même pas rentrer à pied ? C’est à trente minutes de


marche.
– Si.

Je le laisse pour de bon en plan et me mets en route.

– Joy ! l’entends-je m’appeler à nouveau. Reviens, ne fais pas la gamine.

Je lève un doigt en l’air. Je l’entends soupirer et jurer, mais je ne me


retourne pas et avance plus vite, déterminée à mettre le plus de distance
possible entre nous.

***

Je suis dans mon dressing en train de préparer mes affaires pour le


camping quand la porte de ma chambre s’ouvre et se referme.

Pensant que c’est Veronica, je ne bouge pas, car elle sait forcément où
me trouver. Néanmoins, je n’entends toujours pas sa voix me supplier de
l’écouter, alors je relève la tête et sursaute en découvrant James, les bras
croisés contre le chambranle de la porte.

– Qu’est-ce que tu fais là ?


– Je suis venu te chercher.

Je m’esclaffe sèchement et le fusille du regard.

– Je ne monterai pas en voiture avec toi.


– La voiture de Lace est remplie avec le matériel. Il n’y a de la place que
pour Bonnie et Eddy à l’arrière. S’il te plaît, Joy, ne rends pas les choses
plus compliquées.
– Je rends les choses compliquées ? m’exclamé-je en pointant ma
poitrine du doigt. Tu te fous de moi, j’espère ?

Il ouvre la bouche, mais je le coupe.

– Tu sais quoi ? Je n’ai même pas envie d’en parler pour le moment.
– Quand alors ?
– J’en sais rien, peut-être quand tu prendras tes responsabilités.

Je boucle au même moment mon sac et me mets à nouveau debout. Je


sors de ma chambre. Il me suit sans un mot, ce qui m’exaspère encore plus.

***

Il ne faut pas longtemps avant d’atteindre les bois où nous allons camper,
ils ne sont qu’à quelques dizaines de kilomètres de notre quartier.

Seulement, on ne peut pas accéder au campement en voiture. Nous la


garons donc sur le parking à côté de la voiture de Lace. Nos amis sont déjà
tous là. Nous commençons notre marche qui risque d’être très longue, car
ils m’ont dit que le coin qu’ils aiment est assez loin, à environ deux heures
de marche.

Les garçons passent devant et nous les suivons avec les filles. Nous
marchons en parlant de tout et de rien, en riant. Même si James est là,
j’aime être avec mes amis.

– Et sinon, pourquoi ce coin en particulier ? demandé-je après une bonne


heure de marche.
– Car c’est le plus beau ! répond Bonnie comme si c’était logique.
– Tu verras, après celui-là, tu ne voudras plus camper nulle part ailleurs,
renchérit Lace, des étoiles déjà dans les yeux.

Alors je les écoute et profite de cette marche bien libératrice.

Nous arrivons finalement bien deux heures après, mais je ne trouve rien
d’exceptionnel, si ce n’est une étendue d’herbe et de terre entourée de hauts
sapins. Je regarde mes amis, sceptiques, et ils me sourient tous sans rien
dire.

– Vous me faites peur des fois, rigolé-je dans ma barbe, et je m’avance


pour regarder autour de moi.

Je tends finalement l’oreille et écoute. C’est seulement à ce moment-là


que j’entends de l’eau. Quand je me retourne, mes amis sont déjà en train
de monter les tentes, et vu que je suis loin d’être manuelle et que je serais
capable de me planter le clou dans la main, je me dirige vers le bruit.

Je marche environ cinq minutes, avant de déboucher derrière une


barrière d’arbres. J’atterris devant une énorme cascade. Elle est sublime.

Mes yeux s’ouvrent en grand devant ce spectacle hors du commun dont


je n’avais encore jamais été spectatrice jusqu’à maintenant.

– C’est magnifique, chuchoté-je en m’approchant du lac.

Je me penche pour tester la chaleur de l’eau de la main qui est tout juste
tiède. Je me relève tout doucement en admirant la haute cascade. Je recule
pour mieux l’observer, mais je me cogne contre quelque chose de dur. Je
sursaute et m’apprête à crier, mais une main se pose sur ma bouche.

– Ce n’est que moi.

Reconnaissant la voix de James, je me détends puis je me souviens que


je suis toujours en colère contre lui. Je me décale et il soupire.

– Tu m’en veux vraiment ? Je ne veux pas rompre avec toi !


Je hausse un sourcil en croisant les bras.

– Alors c’est quoi le délire ? Pourquoi as-tu dit à Laura que tu allais
rompre avec moi ? Je ne comprends rien, James. Est-ce que tu t’es demandé
au moins une seule fois ce que j’allais en penser, moi ?

Il baisse la tête.

– Je suis désolé. Je savais qu’elle allait te faire chier et je voulais te


protéger.

Il ne me regarde pas, alors je sais qu’il me ment et ça m’insupporte qu’il


continue à s’enfoncer dans ses mensonges au lieu de me dire la vérité.

– D’une, je suis assez grande pour me défendre, James. De deux, je sais


que ce n’est pas la vérité.
– C’est la vérité !
– Ah oui ? Alors pourquoi tu es comme ça depuis plusieurs jours ? Je ne
vais pas supporter plus longtemps tes mensonges, James. Soit tu me dis la
vérité tout de suite, soit toi et moi, c’est fini.

Il relève la tête, les yeux écarquillés une seconde, puis il me fusille du


regard.

– Tu ne peux pas me quitter pour un truc comme ça ?


– Regarde-moi alors.

Alors que je m’éloigne, il crie dans mon dos :

– Je croyais que tu ne m’abandonnerais jamais ?


– Tu m’as abandonnée à partir du moment où tu as cru bon de me mentir.

***
Je ne trouve pas le sommeil. Les filles dorment à poings fermés. Je crois
même qu’elles ronflent toutes les deux. Moi, je suis incapable de fermer
l’œil. Sans doute parce que je ne suis pas habituée à faire du camping. Et si
un ours, ou je ne sais quoi d’autre, venait près des tentes ? Ou pire, une
personne dérangée qui voudrait faire de nous sa collation de minuit ? Mais
je pense que la véritable raison qui m’empêche de dormir, c’est James. Je
sais qu’il me ment et je crois que c’est ce qui me blesse le plus. Je croyais
qu’on avait évolué en termes de confiance depuis mon arrivée.
Apparemment non.

Je commence à avoir mal au dos à force de rester allongée sans bouger,


par peur de réveiller les filles. Mais puisque je ne trouverai pas le sommeil,
autant arrêter d’essayer. Je me redresse, enfile un gilet par-dessus mon tee-
shirt, mon jogging, mes chaussures et sors en silence. Tout de suite,
j’entends les chants des oiseaux de nuit qui m’apaisent. Je prends la
direction de la cascade. J’ai toujours aussi peur, d'autant plus que je suis
seule dans le noir, avec pour seul éclairage la torche de mon téléphone.
Mais j’ai réellement besoin de me dégourdir les jambes et de penser à autre
chose. Une fois que j’y suis, je m’installe sur un des rochers au bord de
l’eau, amène mes jambes contre mon buste et passe les bras autour pour y
appuyer mon menton. Je fixe l’eau comme si elle pouvait répondre à toutes
mes questions.

Qu’est-ce que me cache James ?

Justement, en parlant du loup. Je sens des frissons descendre le long de


mon dos et je sais que c’est ce que je ressens quand James est là. Mais je ne
bouge pas et garde le regard rivé au loin. Il s’assoit à mes côtés sur le
rocher, m’épiant. Mais je ne lui accorde aucune attention. Il ne la mérite
pas. Il soupire longuement et reste silencieux quelques secondes, comme
s’il ne savait pas par où commencer.

– Si tu es là pour me dire la vérité, alors parle. Mais si c’est pour


continuer à me mentir, tu peux repartir, lancé-je sèchement pour couper ce
silence horrible.
– J’ai peur, avoue-t-il au bout de quelques instants, et je tourne la tête
vers lui.
– Peur ?

Il me regarde enfin. Son regard plonge dans le mien et je suis comme


d’habitude happée par lui, mais je refuse de me laisser attendrir. D’un geste
de la main, il montre la distance entre nous.

– De nous. De ce que je ressens pour toi. J’ai l’impression que ça va trop


vite et ça me fait flipper.
– Et donc tu as décidé de faire ce coup avec ton ex pour que je m’éloigne
de toi par moi-même ?
– Non, soupire-t-il. Ce n’était pas prévu, mais je savais que tu allais me
suivre. Je m’en suis donc servi sans trop réfléchir. C’était la seule solution
pour moi et je n’ai pas pensé que ça te ferait encore plus de mal. Je n’aurais
pas dû, car j’ai changé d’avis et je regrette terriblement. J’ai peut-être peur,
mais je ne peux pas vivre sans toi.
– Effectivement, ricané-je en secouant la tête, puis je me lève pour partir,
mais il me retient par le poignet.
– Où tu vas ?
– Quelque part où tu n’es pas. Tu sais, si tu m’avais dit que tu voulais
faire une pause, j’aurais compris. Mais tu as préféré me faire mal, me
mentir pour que je m’éloigne de moi-même. Au final, tu as eu ce que tu
voulais. Félicitations.
– C’est fini alors ?
– À ton avis ?

Il baisse la tête et moi je n’ai plus la force de me battre. Je le regarde une


dernière fois, puis je m’éloigne, le laissant seul sur son rocher.
36

Joy

Je soupire quand je rentre chez moi le lendemain soir. Après le camping,


j’ai passé la journée avec les filles pour me changer les idées. Elles ont
commencé à acheter des affaires pour leur appart, alors je les ai suivies.
James est parti en pleine nuit et j’ai dû monter en voiture avec nos amis.
Bonnie, Eddy et moi avons dû nous serrer comme des sardines à l’arrière.
Mais je crois que je n’aurais pas supporté dans tous les cas de rentrer avec
James. Je n’arrive toujours pas à croire que ma dernière semaine avant de
rentrer à Miami se termine comme ça. J’ai aimé le camping, j’aurais encore
plus aimé que ça se passe autrement avec James.

Pourquoi est-ce qu’il agit comme ça d’un coup avec moi ? Même s’il
m’a avoué qu’il a peur, je suis sûre qu’il y a autre chose. Oui, il a une peur
bleue de l’abandon, mais je sais que jamais il ne se laisserait dominer par
cette peur. Il est têtu, il est fort et déterminé. Peut-être que, oui, il a peur et
je le conçois, parce que je ressens la même chose, mais je sais qu’il y a
autre chose. Et c’est le fait qu’il ne veuille pas m’en parler qui me brise plus
qu’autre chose.

Il est vingt et une heures, je laisse tomber mon sac et me déchausse dans
l’entrée. Incapable de faire autre chose, je m’affale dans le canapé. Je
m’occuperai après de laver mes affaires. Ça a été impossible pour moi de
fermer l’œil quand je suis retournée dans la tente. J’ai l’impression d’être
vidée, crevée et j’ai terriblement faim, mais j’ai la flemme de me relever. Je
commande des sushis, qui arrivent en moins de vingt minutes, et j’allume la
télé. Il ne me reste que trois jours avant de rentrer à Miami, et je ne pense
pas que les choses s’arrangeront avec James d’ici là. Tout du moins, tant
qu’il n’aura pas retrouvé la raison, je ne ferai pas d’effort non plus. S’il
n’est pas capable de me dire ce qu’il se passe et de communiquer avec moi,
alors qu’il aille voir ailleurs si j’y suis !

Je sursaute quand le canapé s’affaisse à mes côtés. Je reconnais le


parfum de Veronica, alors je prends une grande inspiration pour me calmer.
Si James ne veut pas communiquer, ce n’est pas le cas pour elle et, purée,
j’aimerais qu’elle aussi ne veuille rien dire.

– Joy ?

Reste calme, reste calme, répété-je dans ma tête.

– Hmm ? fais-je en fourrant un sushi dans ma bouche pour m’éviter de


l’incendier, même si elle le mériterait.
– Est-ce qu’on peut parler ?
– Parler de quoi ? dis-je d’un ton calme, mais sec. Que tu as laissé ton
copain me droguer ? Que tu as voulu embrasser MON copain ? Ou alors du
fait que tu joues un rôle avec moi depuis que je suis arrivée ?

Je tourne la tête vers elle, l’observe et elle baisse la tête sur ses doigts
qu’elle tortille. J’éclate d’un rire jaune en secouant la tête.

– Qu’est-ce que j’ai été conne de croire que tu avais changé. Tu m’as
toujours détestée et ça ne changera jamais.
– Je ne t’ai jamais détestée ! s’écrie-t-elle en relevant la tête d’un coup,
et je hausse un sourcil en penchant la tête sur le côté.
– Vraiment ? Alors on n’a pas la même définition. Tu sais quoi ? Laisse
tomber.

Je me lève du canapé pour monter dans ma chambre, mais elle saisit d’un
coup mon poignet.

– Non, attends !

Je me retourne, mais je ne me rassois pas pour autant dans le canapé. Je


la toise du regard et croise mes bras contre ma poitrine.
– Je t’écoute, et t’as intérêt à me dire la vérité parce que j’en ai marre
que vous me cachiez tous des trucs.
– J’étais jalouse de toi. Je l’ai toujours été.
– Jalouse de moi ? répété-je en ricanant. Ta vie est parfaite, Veronica.
– J’ai toujours été amoureuse de James, avoue-t-elle, me faisant
écarquiller les yeux d’incompréhension.
– Je vois.
– Mais il a toujours, et je dis bien toujours, été intéressé par toi. Il te
vouait presque un culte. À chaque fois que j’essayais de m’approcher de lui,
il me posait des questions sur toi. Ça m’a énervée et j’ai déversé ma haine
sur toi, parce que sans le savoir tu avais ce que j’ai toujours voulu.
– Et Brenton ?
– On n’est pas en couple.

Oh, alors ça ! C’est le pompon sur la Garonne !

Un mal de tête me vient et je m’assois sur le canapé en me frottant les


tempes. Qu’est-ce qu’elle va m’annoncer encore ?

– Vous n’êtes pas en couple ?


– Non. On a commencé à faire semblant quand j’ai su que tu allais venir.
– Quoi ? la questionné-je, à côté de la plaque, ne comprenant pas où elle
veut en venir.
– Je ne sais pas si je peux te le dire.

Je lâche un rire incrédule et la fusille du regard.

– Oh, crois-moi, tu vas tout me dire, Veronica.

Elle me fixe quelques secondes du regard, puis elle abdique finalement


en soupirant :

– Brenton a une dent contre James. Il voulait mon aide pour l’approcher.
Il n’était pas dans un autre lycée, on ne s’est pas rencontrés lors d’une
rencontre sportive et on s’est encore moins mis en couple lors du bal de
promo. Il est plus vieux que nous. Il a 23 ans. Il essayait de trouver des
personnes proches de James. Je ne savais pas ce qu’il voulait à la base, je
l’ai donc approché. Je lui ai parlé de Laura. Ensuite, mes parents m’ont dit
que tu venais. Moi, je t’ai toujours enviée, même à l’époque de ta proximité
avec James. Je savais que tu allais te rapprocher de lui quand vous vous
retrouveriez et je ne l’aurais pas supporté. Tu n’étais plus là depuis des
années et pourtant il ne pensait qu’à toi, alors que j’étais là et qu’il était en
couple avec Laura. J’en ai donc parlé à Brenton. Il m’a promis qu’il ferait
tout pour que James soit à moi une fois qu’il aurait éloigné tout le monde de
lui. Et on a décidé de jouer au faux couple pour que ça soit plus crédible.

Je suis stupéfaite, horrifiée et je n’en crois pas mes oreilles. Dans quel
monde ai-je atterri ?

– C’est une blague, hein ? Vous me faites un prank1 depuis que je suis
arrivée ?
– Non…
– Putain, Veronica ! m’écrié-je en me relevant, et elle baisse la tête. Tu te
rends compte à quel point vous êtes tous les deux dérangés ?
– Je sais… pleurniche-t-elle. Mais je t’assure que je ne savais pas qu’il
irait aussi loin. Je devais juste l’intégrer dans notre groupe pour qu’il puisse
retourner les autres contre James, et moi, je devais embrasser ton copain à
un moment où tu nous prendrais en flagrant délit. Je n’imaginais pas que
Brenton irait jusqu’à te droguer, ce n’était pas le plan. Et je m’en veux de ne
pas avoir compris qu’il me manipulait aussi. Je n’ose même pas penser à ce
qu’il aurait pu te faire si tu avais été seule.
– Ouais, mais c’est arrivé, putain !

Je me passe les mains dans les cheveux et secoue la tête, n’y croyant pas.
C’est certain que je ne pensais pas que mes derniers jours prendraient une
telle tournure. Il faut que j’appelle James. Mais alors que je pense à ça, mon
téléphone se met à vibrer sur la table et je vois le nom de Nathan s’afficher.
Je le saisis en un rien de temps et décroche.

– Oui, Nathan ?
– Joy ? demande-t-il en chuchotant, et je fronce les sourcils.
– Oui, c’est moi. Qu’est-ce qui se passe ?
– Aide-moi. Brenton. Flics. Ne dis rien à James.
Je ne comprends pas très bien parce que, en plus de chuchoter, il ne fait
pas des phrases complètes. Alors que j’attends qu’il continue, j’entends une
porte claquer, des pas s’approcher puis comme un coup de poing et, je crois,
un gémissement.

– Nathan ? m’écrié-je.

Mais plus rien, comme si la ligne avait été coupée.

– NATHAN ! hurlé-je maintenant.

Je mets mon téléphone devant moi et découvre que ça a raccroché.

Je relève le regard vers Veronica qui se fait plus petite dans le canapé.

– Ça aussi, c’était prévu ? claqué-je en pointant mon téléphone du doigt.


Où est Brenton ?
– Joy…
– Où est-il ?

Elle baisse la tête et je saisis son col de tee-shirt pour que son visage me
fasse face. Jamais je n’ai été aussi énervée de toute ma vie et jamais je n’ai
eu envie d’assommer quelqu’un à ce point. Je crois qu’elle aussi, elle ne
m’a jamais vue comme ça, vu le regard horrifié qu’elle me lance.

– Putain, je te jure, Veronica, si tu ne me dis rien, je fais un malheur. On


parle d’un innocent ! OÙ EST-IL ?

***

Je ne prends pas la peine de me changer, enfile mes chaussures, claque la


porte d’entrée derrière moi et monte dans la voiture de Veronica.

– Je suis désolée.
– J’en ai rien à foutre, asséné-je. Conduis.

Alors qu’elle sort de l’allée de la maison, je tente d’appeler James. Je


tombe sur sa messagerie. Je rappelle une deuxième fois, mais toujours sa
messagerie.

– Putain de merde. Pourquoi il ne répond pas ?


– Il a un combat ce soir, il doit être sur le ring à s’entraîner, m’informe
Veronica, et je la fusille du regard.

Ça m’énerve qu’elle sache autant de trucs sur lui, comme ça. Je


m’occuperai d’elle après. Là, Nathan est plus important. Je tente de rappeler
James.

Je tombe encore sur sa boîte vocale, alors je lui laisse un message en


espérant qu’il le voie au bout d’un moment.

« Je sais tout, James. Je sais pourquoi tu as décidé de t’éloigner de moi.


Je vais te tuer d’avoir cru que c’était le meilleur moyen de me protéger. En
attendant, Brenton a enlevé ton frère, mais ce dernier m’a dit de ne rien te
dire. Je vais le chercher, mais je t’en supplie, ne fais pas de conneries. »

Je lui laisse enfin l’adresse que m’a donnée Veronica, raccroche et


remarque que même si elle roule un peu au-dessus de la limite, elle roule
toujours trop doucement pour moi.

– Tu ne veux pas te magner un peu ?

***
– Tu ne peux pas entrer, Joy. Seule contre lui, tu n’y arriveras jamais.

Je lance un regard en biais à Veronica, alors qu’elle vient de se garer


devant chez Brenton.

Je sors de la voiture sous ses cris qui m’appellent, mais je claque la


portière et me dirige vers la porte de la maison de Brenton où je tambourine
dessus comme une forcenée.

– Ouvre cette putain de porte, Brenton.

Elle s’ouvre enfin sur son propriétaire et maintenant que Veronica m’a
tout raconté, je vois la différence d’âge entre nous. Si avant je pensais qu’il
devait avoir 18, 19 ans, je vois maintenant qu’effectivement, il est dans la
vingtaine.

– Je t’attendais. Entre.

Je sais que c’est débile, mais je sais ce que je fais. Il ferme à clé derrière.
Je frissonne légèrement quand j’entends les verrous se fermer, mais je suis
bien trop énervée pour laisser la peur prendre le dessus.

– Je suis étonné que tu ne sois pas venue avec les flics.

Je me retourne vers lui et croise les bras conte ma poitrine.

– Je ne les ai pas appelés. Maintenant que je suis là, laisse partir Nathan.
Il n’a rien fait.
– J’y compte bien, mais je préfère qu’on attende James. Dommage que
son combat le retarde. J’ai hâte de voir sa tête. On va s’amuser tous les
quatre.

Il saisit mon bras, trop fort. Je sais que j’aurai un bleu, mais je le laisse
faire. Plus il fera des conneries, plus il risquera gros. Il ouvre une porte et
me fait entrer dans une pièce. Je remarque tout de suite Nathan sur le lit,
attaché avec des cordes aux barreaux du lit, du gros Scotch sur la bouche. Il
écarquille les yeux quand il me voit et il se met à secouer la tête en criant.
– Ferme-la, lui crache Brenton.

Je vois les yeux de Nathan s’embuer, ce qui me fait jurer. Ce gosse


souffre déjà et il va avoir un traumatisme en plus. Je jure que dès que je
peux, je réduis Brenton en poussière. Ce dernier me pousse vers le lit et
essaie de m’attacher aussi aux barreaux. Sauf que Nathan ne se tait pas, ce
qui l’énerve. Il arrête de m’attacher et plaque Nathan contre le lit.

– Putain, ferme-la, morveux !


– Nathan… dis-je doucement pour le calmer.

Brenton le relâche et sort de la pièce en fermant la porte à clé. Je me


défais des cordes qu’il a mal attachées, comme le débutant qu’il est, et
passe une main sur la joue de Nathan, qui ouvre les yeux d’un coup. Il
regarde mes mains détachées avec stupeur. J’arrache délicatement le Scotch
sur sa bouche et il soupire de soulagement.

– Il va nous tuer ?
– Non, le coupé-je en caressant ses cheveux. Brenton est cinglé, mais
c’est un amateur. Ne t’inquiète pas, ça va aller. D’accord ? J’ai tout prévu.

1. Anglicisme pour parler d’une farce, d’un canular.


37

James

Je vais le tuer. Je vais le massacrer. Je vais l’enterrer vivant, ce fils de


pute. Je pensais qu’il aurait compris depuis la dernière fois. Ce n’est
apparemment pas le cas. Depuis ce jour, je cache la vérité à Joy, ne lui
donnant que des bribes d’informations pour la protéger et pour ne pas
qu’elle s’inquiète. J’ai pensé qu’en m’éloignant d’elle, elle ne serait pas
menacée, mais je me suis trompé.

Putain, mais quelle idée aussi elle a eu de se jeter dans la gueule du


loup ?

Quand je suis descendu du ring, j’ai vu ses trois appels manqués et j’ai
écouté son message. Je n’ai pas attendu une seule seconde avant de sauter
dans mes fringues et dans ma bagnole, ignorant mon corps qui me tire de
partout à cause du combat qui vient de se terminer. Ce n’était pas prévu,
mais apparemment, il y a eu un désistement d’un participant. Je trouvais ça
bizarre qu’on me choisisse en tant que remplaçant à la dernière minute,
alors que, généralement, je suis le premier auquel on pense. Fredo aussi n’a
pas compris, mais on a accepté. Maintenant, je commence à croire que
c’était un coup monté. Et comment ça, mon petit frère ne voulait pas que je
sois au courant ?

Putain ! S’il touche à un seul de leurs cheveux, je ne sais pas dans quel
état on me retrouvera.

Je m’arrête dans un dérapage devant la baraque de ce connard et


remarque la voiture de Veronica devant. Elle aussi, je vais la tuer. Quand
elle me voit arriver, elle sort de la voiture et s’interpose entre moi et la
maison.

– Non ! Attends, James ! Joy a déjà appelé les flics avant d’entrer, ils
vont arriver !

Si elle croit que je vais attendre sagement, elle se trompe complètement.


Je la repousse sans ménagement.

– J’en ai rien à foutre.


– James !

La porte est fermée à clé, ça serait trop simple sinon. Je n’en suis pas
fier, mais je sais comment faire. Je sors ma carte de crédit et la passe entre
la porte et le cadre de cette dernière. En deux, trois coups, elle s’ouvre en
silence. Je remarque tout de suite le connard qui entre dans une pièce du
fond. Il ne m’a pas entendu. Je serre les poings quand j’entends les cris de
Nathan et une voix que je reconnais entre mille.

– Et si on s’amusait à nouveau, toi et moi ?.


– Lâche-moi. Tu peux encore t’en sortir si tu laisses tomber !

J’entre en trombe dans la pièce et mon sang ne fait qu’un tour quand je
vois qu’il essaye de retirer le tee-shirt de Joy et la claque qu’il lui assène.
Son visage tourne sur le côté sous l’impact, mais elle se pince les lèvres
comme la championne qu’elle est. Nathan écarquille les yeux en me voyant
et je lui fais signe de se taire. Je saisis le tee-shirt de cet enculé de Brenton
et le tire en arrière. Joy sursaute, mais je vois le soulagement dans ses yeux
ainsi que la frayeur.

Il lui a fait peur, il a fait peur à mon petit frère et il va payer pour ça.

Même s’il tente de faire le dur, j’ai bien vu que son visage a blêmi quand
il m’a vu. Il a raison d’avoir peur parce qu’il a signé son arrêt de mort.

– James, quel plaisir de te revoir. On allait commencer à s’amuser sans


toi. Maintenant que tu es là, ça va être encore plus fun.
Je ne le vois pas venir. Il pointe un flingue sur moi et j’entends les cris de
Nathan et le souffle stupéfait de Joy. Je lève les mains en l’air pour lui faire
croire qu’il a les cartes en main.

– James, non ! s’écrie mon petit frère, et Brenton pointe son flingue sur
lui.
– Ferme-la. Je vais devoir te le répéter combien de fois, morveux ?

Sauf qu’il n’est pas aussi rapide que moi et qu’il n’a pas des heures de
combat dans les pattes. En un rien de temps, je saisis le poignet de Brenton,
le tords en le faisant craquer et il crie de douleur en lâchant le flingue qui
tombe au sol. De mon pied, je le pousse hors de la pièce au moment même
où des sirènes se font entendre dans la rue. Il essaye de se débattre, mais
cette fois, il n’a pas de couteau dans sa poche. Je lui assène un coup dans le
ventre, puis dans le visage, et il s’affale au sol en tenant son ventre. Sans me
contrôler – je suis dans un état second –, je m’accroupis et serre mes mains
autour de son cou.

– Tu vas crever pour tout ce que t’as fait.

Dans l’état second dans lequel je suis, j’entends la voix de Joy qui crie
que je dois arrêter, mais je ne suis plus là. Je sens son corps contre le mien
et ses petites mains sur les miennes.

– Regarde-moi. James, regarde-moi. Lâche-le ! Je t’en prie !

Ses mains se posent sur mon visage et je reviens à moi ; je lâche l’enculé
et elle me saute au cou au moment où les flics entrent dans la chambre, les
flingues levés vers nous. Ils les abaissent quand ils voient que le danger
n’existe plus. Si. Il est toujours là, il essaye de reprendre sa respiration sur
le sol pendant que les flics le relèvent. Je sais que je l’aurais regretté si je
l’avais tué, mais je regrette quand même de n’avoir rien fait.
38

Joy

– Vous êtes sûre qu’il a agi tout seul ? me questionne pour la énième fois
la flic alors que je suis toujours dans mon lit d’hôpital.
– Ma nièce vous l’a déjà dit cinq fois, maugrée Steve, et je serre sa main
dans la mienne pour l’inciter à se calmer.

S’il savait…

Oui, je n’ai pas dénoncé Veronica. James non plus, sous mon ordre.
Pourquoi ? Parce que c’est ma cousine, parce que j’ai vu le regret dans ses
yeux quand elle m’a tout raconté et parce que, au final, elle nous a aidés.
Même si je sais maintenant qu’on n’aura jamais de bonnes relations, je ne
pouvais pas lui faire ça. Peut-être que je fais une erreur et peut-être qu’elle
refera un coup comme ça, même si j’ai des doutes, mais je ne pourrai pas
vivre en sachant que je l’ai dénoncée. Je ne peux pas faire ça à ses parents
non plus.

– Oui, il a agi seul, répété-je, et la flic hoche la tête.


– Pourtant, il était le copain de votre cousine, non ?
– Il l’utilisait pour avoir des informations sur nous. Elle n’a jamais été
consciente de ce qui se tramait.
– Je pense que Joy voudrait se reposer maintenant, annonce d’un ton dur
mon oncle en se levant.
– Bien, approuve la flic. Je vous conseille de trouver un avocat.
– C’est déjà fait, grogne Steve.
La flic quitte enfin la chambre après nous avoir salués et je me laisse
retomber en arrière contre l’oreiller en lâchant un long gémissement.

– Pourquoi suis-je encore là ? demandé-je à mon oncle en tournant la tête


vers lui. Je vais bien !
– Ils attendent les résultats de tes dernières analyses et tu sortiras.

Il se lève, fait les cent pas et je sens qu’il va enfin m’engueuler, chose
qu’il n’a pas faite jusqu'à maintenant, alors j’attends. Il s’arrête, croise les
bras et me fixe.

– Et t’es fière de toi ! s’exclame-t-il en levant les bras au ciel. Est-ce que
tu te rends compte du risque que tu courais ? Qu’est-ce qui t’a pris d’y aller
seule comme ça !

Oh, oui, il ne sait pas non plus que c’est Veronica qui m’y a conduite.
Elle est partie comme convenu avant que les flics n’arrivent.

Je m’apprête à me défendre, mais il me fait signe de me taire.

– Tu sais quoi ? Laisse tomber. Tu n’as rien de grave, ce qui est fait est
fait, mais ne t’avise plus jamais de refaire ça, c’est compris ?

J’acquiesce d’un signe de la tête et il se laisse retomber dans le fauteuil.

– Tes parents sont en chemin.


– Mais je rentre dans deux jours et je vais bien.
– C’est tes parents, Joy.

Je sais que je ne pourrai rien faire pour les faire changer d’avis, alors
j’acquiesce.

– Est-ce que je peux aller voir Nathan ?

Mon oncle se lève et me tend la main pour m’aider à descendre du lit. Je


la saisis en levant les yeux au ciel.

– Je peux marcher, tu sais ?


***

Arrivée devant la chambre de Nathan, je sens mon cœur s’accélérer


parce que je sais que James est là. Il est le premier que je vois quand j’entre
dans la pièce. Il fait les cent pas, mais s’arrête quand il m’aperçoit, et il me
fixe sans rien dire. Je détourne vite mon regard sur Nathan qui dort. Il va
bien physiquement, mais mentalement, ça doit être autre chose. J’observe à
nouveau James.

– Il va bien ?

James hoche la tête avec un air torturé sur le visage. Je n’ose même pas
imaginer ce qu’il lui passe par la tête en ce moment.

– Il va bien. Il a juste fait une crise de panique et ils lui ont administré un
sédatif.

Il s’assied dans le fauteuil à côté du lit et se prend la tête dans les mains.
Je m’approche de lui et malgré ce qu’il s’est passé entre nous, je ne peux
m’empêcher de poser ma main sur sa tête. Il relève la tête et ancre son
regard dans le mien.

– J’ai envie de te tuer pour y être allée seule et en même temps, j’ai envie
de t’embrasser, putain.
– Mes parents sont dans l’avion, ils viennent me chercher.
– Mais tu reviens ?

J’enlève mes mains de ses cheveux et me recule en me pinçant les lèvres.


Il me fixe quelques instants, puis il détourne le regard pour regarder ses
pieds.

– Tu ne reviens pas.
– Je ne sais pas, James. Je pense que j’ai un peu besoin de m’éloigner.
– De moi ?
– Même si je sais que tu voulais seulement me protéger, je ne peux pas
être dans une relation où on me cache des choses et où on préfère me
blesser pour m’éloigner plutôt que de me dire la vérité. Quand tu as dit à
Laura que tu voulais rompre, ce n’était pas parce que tu avais peur de nous
deux, mais parce que tu pensais qu’être avec toi donnerait l’opportunité à
Brenton de me faire du mal, n’est-ce pas ?
– Je suis désolé.

Je m’en doutais. Je souris tristement, embrasse sa joue et m’apprête à


sortir de la chambre quand il m’appelle.

– Joy ?

Je me retourne et sens mon cœur se décrocher quand je vois les larmes


au bord de ses yeux.

– Je t’aime.

Une boule se forme dans ma gorge, m’empêchant de parler et de lui


répondre que moi aussi, je l’aime. Je dois absolument sortir sinon je vais
craquer devant lui.
39

Joy

Trois jours plus tard

– Allez, debout, s’exclame Emilia en entrant comme une tornade dans


ma chambre.
– Hmm, hmm… grogné-je en serrant mon oreiller contre moi quand ma
meilleure amie commence à le tirer, ce qu’elle arrive à faire au bout d’un
moment et me tape la tête avec.
– Ah, non ! Je t’ai laissé deux jours pour te reposer, pleurnicher de t’être
séparée du mec de ta vie, mais maintenant les magasins ne peuvent plus
attendre.

Je me retourne sur le dos et fusille ma meilleure amie du regard.

– Tu ne m’as pas manqué.

Elle éclate de rire, ouvre mon dressing, me jette une robe à fleurs au
visage et sort mes éternelles Converse de mes valises que je n’ai pas encore
pris le temps de défaire. J’ai juste sorti mes affaires sales.

– Je t’ai manqué autant que tu m’as manqué. Allez, bouge-toi. Il faut


qu’on trouve nos tenues pour ton anniversaire.

Voilà pourquoi, en plus de préparer mes affaires, je devais aussi rentrer


cette semaine à Miami avant de repartir en Californie pour mes études :
fêter mon anniversaire. Je n’ai absolument pas envie de le fêter cette année,
ce qui me déprime, parce que j’ai toujours aimé le célébrer.
– Tu fais chier, maugréé-je en sortant de mon lit.
– Moi aussi, je t’aime, s’écrie Emilia en riant quand je claque la porte de
la salle de bains.

***

– Le serveur ne fait que te fixer, se marre Emilia par-dessus la tasse de


son cappuccino.

Je me retourne discrètement et effectivement, il ne fait que me regarder


depuis que l’on est arrivées. Avant, ça m’aurait fait plaisir, même si je
n’aurais jamais fait le premier pas. Maintenant, ça me rappelle juste James.
Il me manque terriblement. Son « je t’aime » passe en boucle dans ma tête.
J’aurais peut-être dû lui dire que moi aussi, je suis folle amoureuse de lui,
mais j’en ai été incapable. Je me suis dit que ce temps pendant lequel je
serais éloignée de lui avant de le retrouver me ferait comprendre ce que je
veux réellement. Mais je l’ai su dès que je suis montée dans l’avion et que
j’ai eu l’impression que l’on m’arrachait la moitié de mon âme. Même si je
lui en veux toujours. Une paire de doigts qui claquent devant mon visage
me fait revenir à moi et je regarde à nouveau Emilia.

– Bah, il peut mater autant qu’il veut.


– Bon, soupire ma meilleure amie en reposant sa tasse. Parlons de James.
– Je ne veux pas parler de lui.
– Joy… Je ne pense pas qu’il avait de mauvaises intentions. Il s’y est pris
comme un manche, c’est certain. Mais je ne pense pas qu’il voulait te
blesser.
– Tu vas vraiment le défendre ?
– Non ! Je te dis juste qu’il faudrait peut-être que vous parliez à cœur
ouvert. Il t’a dit qu’il t’aimait, il regrette.
– Pas moi.
– Alors ça, non ! s’écrie ma meilleure amie en me frappant la tête. Tu
peux me dire ce que tu veux, mais pas que tu ne l’aimes pas. Tu es dingue
de lui, depuis le premier jour, et si tu es autant remontée contre lui, c’est
parce que tu ne sais pas gérer tes sentiments. Comme lui. Vous êtes les deux
mêmes.

J’observe ma meilleure amie. Elle hausse un sourcil et ne me lâche pas


du regard alors j’abdique en soupirant.

– OK… je lui parlerai quand j’y retournerai.

Je vois qu’elle est déçue que je ne le fasse pas maintenant et que j’essaye
de gagner encore un peu de temps, mais elle hoche tout de même la tête et
termine sa boisson. En fait, j’ai peur que maintenant que je l’ai abandonné
une nouvelle fois, il me rejette pour de bon malgré ses sentiments. Je ne
suis pas sûre d’y survivre.

Alors que l’on s’apprête à quitter le café, on se fait interpeller. Emilia


pouffe quand on reconnaît le serveur qui se fraie un chemin vers nous et je
la pousse de l’épaule.

– Arrête, ce n’est pas drôle, chuchoté-je, et elle rigole encore plus.


– Je t’attends à l’extérieur, dit-elle en tapant quelque chose sur son
téléphone.

Je la fusille du regard même si elle ne me regarde pas et me retourne vers


le serveur qui s’arrête maintenant devant moi en me souriant.

– Salut, dit-il simplement, et j’essaye de lui sourire poliment.


– Salut.
– Je ne sais pas comment tu vas le prendre, mais tu m’as attiré dès que tu
es arrivée. Et je voulais savoir s’il y avait moyen que je puisse avoir ton
numéro de téléphone.
– Je te remercie. Mais je suis désolée, je ne suis pas intéressée.
– Tu es en couple ? J’aurais dû m’en douter. Une fille comme toi est déjà
en couple.
– Je ne suis pas en couple.
Mais alors que je dis ça, mon téléphone se met à sonner. J’écarquille les
yeux quand je vois que c’est James qui m’appelle. En même temps, la photo
de nous deux dans la chapelle quand il m’embrasse la joue s’affiche sur
mon écran. Je raccroche et lance un regard d’excuse au mec.

– Tu es en couple, sourit-il doucement.


– C’est compliqué, on vient de se séparer. Mais en plus de ça, je quitte la
ville dans une semaine pour mes études. Je n’ai donc pas la tête à ça, je suis
désolée.
– D’accord, j’aurais essayé. Bonne chance pour tes études.
– Merci, bonne continuation à toi aussi.

Quand je sors du café, Emilia m’attend sagement contre la vitre avec un


sourire jusqu’aux oreilles, et je devine.

– C’est toi qui lui as dit ?

Elle sourit encore plus et j’éclate de rire.

– Je te déteste.
– C’est faux, et maintenant tu dois parler avec tes parents. Tu ignores le
sujet qui fâche depuis que t’es rentrée.

Mes épaules s’affaissent. Elle a raison. Je dois parler avec mes parents.
Ce n’est pas en repoussant le moment qu’il va disparaître. Il risque même
de prendre de l’ampleur. Je vois déjà que mes parents m’observent dès que
je suis dans la même pièce qu’eux, comme si j’étais une bombe à
retardement, prête à exploser à tout moment.

***

Alors qu’on dîne tous les trois ensemble avec mes parents, je pèse le
pour et le contre, à savoir si j’aborde le sujet tout de suite ou non. Je suis
tellement stressée que ça se ressent dans la pièce. Même mes parents sont
crispés. J’ouvre la bouche, mais j’en suis incapable. Au même moment,
mon téléphone qui est posé sur la table à ma droite vibre. C’est un message
d’Emilia qui m’incite à le dire tout de suite. Je souris en constatant qu’elle
sait qu’on mange à l’heure, ici, bien que je sois partie pendant plusieurs
semaines. Bon… je n’ai plus le choix. Je reprends un air sérieux et lève le
regard sur mes parents qui me regardent déjà.

– Où sont-elles ?

Sans un mot, ma mère se lève et se dirige vers un placard de la cuisine


dont je pensais depuis longtemps que c’était un faux. Ah, ouais… Elles
étaient carrément sous mes yeux durant tout ce temps. Alors que je pensais
que la colère s’était apaisée, elle remonte en flèche et je ne peux
m’empêcher d’arracher des mains de ma mère la petite boîte quand elle me
la tend. Je saisis la première enveloppe sur le tas et me rends compte qu’elle
date d’août 2019, soit la veille de la rentrée de James en seconde, après
avoir redoublé sa troisième.

Salut Joy,
Deux étés que je t’attends et trois ans que je t’écris sans réponse de ta part.
Je suis en couple et pourtant je t’attendais cet été, encore. Je t’en veux.
Réellement. Pourquoi tu ne m’as jamais répondu ?

J’arrête ma lecture en reposant brutalement la feuille sur la table. Je ne


veux pas lire la suite et voir à quel point il m’a détestée. Je redresse la tête.
Mon père m’observe de son regard désolé, pendant que ma mère, les larmes
aux yeux, fait tout pour m’ignorer.

– Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous lui avez fait
vivre ?

Mon père, malgré sa désolation, garde la face et me dit :


– Il a arrêté après celle-là. On pensait qu’il était passé à autre chose.
– Et comment ? Tu es devin ?
– Joy… hoquette ma mère qui pleure maintenant à chaudes larmes.
– Non, pas de Joy ! claqué-je. Je n’ose même pas imaginer les lettres
mentionnant sa mère et son père. S’il me l’a dit, bien que je ne l’aie plus
revu, c’est parce qu’il avait confiance en moi. À cause de vous, il m’en a
voulu ! Il m’a détestée !
– Si c’était le cas, il t’aurait laissée entre les mains de ce fou, gronde
mon père en levant les yeux au ciel.
– C’est là que tu te trompes. Même s’il m’aurait haïe, il m’aurait
protégée. James n’est pas un bad boy comme tu sembles le croire. Est-ce
que tu les as lues, ces lettres, au moins ?

Il écarquille les yeux et secoue la tête.

– Tu crois que j’avais envie de lire ce que pouvait dire un garçon à ma


fille ? Tu n’as pas vu comment il te regardait quand vous étiez gosses.
– Alors tu n’as rien à dire sur lui. Et crois-moi, ce qu’il a pu dire, il l’a
déjà mis en œuvre. J’ai été en couple avec lui cet été, papa, et regarde – je
me lève et tourne sur moi-même –, je suis toujours en un seul morceau, et je
suis amoureuse. Ta petite machination n’a pas fonctionné. Tu ne le connais
pas, et tant que tu n’apprendras pas à le connaître, tu n’as aucun mot à dire.

Je saisis la boîte.

– Maintenant, j’ai du retard à rattraper. Ce qui est fait, est fait. Je vous
pardonne parce que ça ne nous a pas empêchés de nous retrouver. Vous avez
de la chance que ça soit le cas, justement.

Sans un mot de plus, je fais demi-tour et monte dans ma chambre, fière


de moi. J’ai réussi à dire ce que je pensais et c’est comme si un poids se
retirait de mes épaules. C’est un soulagement.

***
Plus tard, je renifle en posant la dernière lettre, la première qu’il m’a
écrite. J’ai préféré faire dans ce sens-là, parce que plus je partais de la
récente à l’ancienne, moins il me détestait. On toque contre ma porte, je me
redresse et renifle une dernière fois avant d’accorder mon autorisation.

Je m’attends à ce que ça soit ma mère, mais je suis surprise en


découvrant mon père. Il referme la porte derrière lui et s’appuie contre le
battant.

Je l’observe, me préparant au pire. Cependant, je ne m’attends pas à ce


qu’il soupire, résigné, et qu’en deux pas, il me serre dans ses bras.

– J’ai agi comme un con. Tu es ma seule fille, je voulais protéger ton


insouciance le plus longtemps possible. Je suis désolé.

Encore émue par les lettres de James et sans doute à cause de la fatigue,
je sens les larmes s’agglutiner dans mes yeux, mais je les retiens de couler.
Je tapote son épaule.

– Je sais, je l’ai compris, dis-je en m’éclaircissant la voix.

Mon père fait de même en se reculant. Il m’embrasse le crâne puis il se


redresse.

– Je vais me rattraper, je te le promets.

Un petit sourire triste étire mes lèvres.

– Ça ne sert à rien, on a déjà rompu.


– Tss, tss, fait mon père en posant sa main sur ma bouche. Tu l’aimes et
il t’aime depuis toujours. Rien n’est perdu.

Son espoir me réchauffe un peu le cœur. J’en veux encore un peu à mes
parents, mais je ne peux pas leur en vouloir d’avoir fait ce qu’ils pensaient
être bon pour moi. Néanmoins, une fois que mon père quitte ma chambre,
me laissant à nouveau seule avec les lettres et mes pensées, le chagrin
reprend ses droits sur mon corps. Je saisis LA lettre où James m’avoue ce
qu’il ressent pour moi, et la serre contre moi en m’allongeant. J’en connais
déjà les mots par cœur et je ne peux m’empêcher de la réciter en fermant les
yeux.

Eh, Joy,

C’est encore moi. Ça fait un an que je t’envoie des lettres, et que tu ne


me réponds pas. Tu m’as sans doute oublié, tu as peut-être rencontré un
garçon dans ton collège, mais moi je ne t’ai jamais oubliée et aucune fille
ne me plaît autant que toi. Voilà, je l’ai dit. Tu me plais. Je sais, ça fait des
années qu’on se voit l’été en tant qu’amis, mais je ne veux pas seulement
être ton ami. Tu me plais, je t’aime beaucoup. S’il te plaît, si tu lis cette
lettre, réponds-moi.

James.
40

Joy

C’est mon anniversaire. Mes parents préparent la fête tandis que je suis
enfermée dans ma chambre. Je dois me préparer, cependant, tout ce que je
fais, c’est regarder des photos de James sur mon téléphone. Il me manque.
Plus que n’importe qui. Mais je sais aussi qu’on avait besoin de passer du
temps séparés l’un de l’autre. Je n’ai toujours pas préparé mes affaires pour
retourner en Californie et il faut que je me dépêche, parce que la rentrée est
la semaine prochaine. Je n’ai toujours pas parlé de la colocation à mes
parents. Je suis paumée et je ne sais absolument pas quoi faire. Si seulement
l’univers pouvait m’envoyer un signe sur le chemin à prendre, ça
m’arrangerait énormément. Dans mes pensées, je sursaute quand on toque
contre ma porte et mon téléphone tombe au sol.

– Oui ? dis-je en ramassant mon téléphone, et quand je me redresse, ma


mère entre dans ma chambre.

Elle me lance un regard attristé en voyant les lettres sur mon lit. Les
lettres de James que je n’ai cessé de lire et de relire.

– Tu n’es pas encore prête ?


– J’allais me préparer.
– Ma chérie… souffle-t-elle en s’asseyant sur mon lit à mes côtés. Il te
manque, n’est-ce pas ?

Je hausse les épaules et elle sourit.


– J’ai vu comme tu étais triste qu’il ne soit pas à l’aéroport alors que tes
amis étaient là quand nous sommes repartis de Los Angeles.

Je hausse à nouveau les épaules et lui lance un regard en coin.

– Oui, il me manque. Mais il me cachait tout le temps des choses. Je ne


pouvais pas rester en couple avec lui.

Ma mère pose sa main sur mon genou et le presse dans un geste


réconfortant.

– Je ne pense pas que James soit un mauvais garçon. Il est juste un peu
maladroit. Et encore une fois, je regrette qu’il y ait eu un tel quiproquo
entre vous. Si vous êtes faits pour être ensemble, vous vous retrouverez à
nouveau, une troisième fois. Allez, prépare-toi, les invités arrivent dans
trente minutes.

Bien entendu, elle dit à peine ça qu’on entend Emilia rentrer dans la
maison et saluer mon père. Elle est toujours en avance et je sens que je vais
me faire engueuler de n’être toujours pas prête. Justement, elle arrive
devant la porte de ma chambre et lève un sourcil en me voyant toujours en
pyjama.

– T’es sérieuse ? Va t’habiller et je te coiffe après !

***

– Pourquoi j’ai l’impression d’aller à un mariage ? rouspété-je quand,


après m’être maquillée moi-même, ma meilleure amie me coiffe d’un
chignon décoiffé.

En plus de la robe violette à fleurs qu’elle m’a forcée à acheter hier, mon
maquillage et ce chignon me donnent réellement l’impression de participer
à tout, sauf à mon anniversaire.

– T’es la reine aujourd’hui.


– Hmm… un short, un tee-shirt et mes Converse auraient suffi.

Je la vois dans le miroir secouer la tête dans un geste réprobateur, puis


j’entends du mouvement au rez-de-chaussée. Steve et Cat’ doivent être
arrivés. Je ne sais pas si Veronica est venue elle aussi.

Quand on arrive au rez-de-chaussée, j’entends que Veronica est présente.


Je ne pouvais pas dire que je ne voulais pas qu’elle vienne quand mes
parents l’ont invitée. Ça aurait été suspect, surtout que, même quand on se
détestait, elle venait tout de même. Quand j’arrive dans le salon et qu’elle
croise mon regard, elle est gênée et me regarde comme si je pouvais à tout
moment tout avouer. Je lui lance un sourire, plus pour que nos proches ne
s’inquiètent pas, et elle semble se détendre instantanément.

Sur la terrasse, je remarque qu’il y a bien plus d’assiettes que le nombre


de personnes présentes. Je me retourne, questionne ma mère du regard,
mais elle m’ignore. En fait, tout le monde m’évite jusqu’à ce que la
sonnette de la maison résonne. Ma mère me regarde enfin et me lance un
clin d’œil.

– Si tu allais ouvrir ?

Je fronce les sourcils, regarde ma famille dont chaque membre


m’observe avec de grands sourires débiles. Qu’est-ce qu’ils ont prévu ?
C’est donc à reculons que je vais ouvrir, parce que je ne sais pas ce que je
vais trouver derrière cette porte. J’ouvre la porte et mes yeux s’écarquillent
quand je vois toute la bande.

– Joyeux anniversaire ! s’écrient-ils tous en même temps et en


m’enlaçant dans leurs bras, me faisant étouffer.
– Il va falloir me lâcher si vous ne voulez pas que je meure le jour de
mon anniversaire.
Ils se reculent tous et je reprends ma respiration, mais voir leurs têtes
m’enlève déjà un poids énorme des épaules. Je secoue la tête pour
m’enlever James de la tête. Mes amis sont là et c’est le principal.

***

– Je sais qu’on n’est pas là pour ça, mais elle a de la chance d’être ta
cousine, marmonne Bonnie en lâchant des regards mauvais à Veronica qui
est à l’autre bout du jardin avec ses parents et les miens pendant que nous
jouons au poker avec la bande et Emilia.
– Arrête de grogner et joue, souffle Eddy. C’est ton tour.
– T’as misé combien ? me demande-t-elle car je viens de jouer avant
elle.
– Cent. Et je ne la défends pas, mais elle n’était presque au courant de
rien. Elle ne méritait pas qu’on la dénonce.
– Ouais, bah je la déteste toujours autant.

Je sais que je ne la ferai pas changer d’avis. Même si les autres ne disent
rien, je sais qu’ils ne la portent pas non plus dans leur cœur, et je peux
comprendre. C’est au tour d’Emilia de jouer. Elle se couche aussi, puis me
regarde.

– Et du coup, Brenton, il devient quoi ?


– On ne sait pas trop, l’informe Lace. Il est jugé le mois prochain.
– J’espère qu’ils vont bien le sanctionner, cet enculé, marmonne Caleb.
– Faut vraiment être taré pour faire ça. C’était après son paternel qu’il
devait s’en prendre quand il est revenu dans sa vie avant de mettre fin à ses
jours.
– La jalousie fait faire n’importe quoi, Eddy.

Il me regarde, je lui souris doucement puis il hausse les épaules.


– Si tu le dis. Je me couche. Je vais chercher des bières. Tu viens avec
moi, Emilia ?

Ma meilleure amie sursaute et je tourne la tête d’un coup vers elle puis je
regarde à nouveau Eddy et un sourire niais étire mes lèvres.

– Moi ? questionne-t-elle en rougissant.

J’ai bien vu que depuis qu’il est arrivé, elle le regarde comme je ne l’ai
jamais vue regarder un mec. Ma meilleure amie a eu un coup de cœur et
Eddy n’est pas indifférent non plus. Depuis tout à l’heure, je remarque qu’il
se rapproche de plus en plus d’elle dès qu’il le peut, tout en essayant d’être
discret. Je le savais qu’il serait intéressé par ma meilleure amie, et
inversement. S’ils n’étaient pas venus aujourd’hui, j’aurais tout fait à mon
retour en Californie pour faire venir Emilia et qu’ils se rencontrent. Au
final, je n’ai rien eu à faire et je valide fortement.

– Tu es la seule couchée et j’ai besoin d’aide pour porter les bières.

Elle regarde Eddy comme s’il venait de lui dire que les extraterrestres
arrivent sur terre demain. Je m’empêche d’éclater de rire et lui donne un
coup de pied sous la table. Elle sursaute, me lance un regard noir. Je hausse
un sourcil et lui fais comprendre de foncer en lui faisant les gros yeux. Je
vois qu’elle panique, mais elle sourit tout de même timidement à Eddy en
se relevant.

– Oh, d’accord alors.

Je les observe s’éloigner jusqu’à ce que la voix de Bonnie me fasse


revenir sur terre.

– À ton tour, Joy !

***
Alors que l’on vient de terminer la partie, Eddy et Emilia ne sont
toujours pas revenus avec nos bières. On rigole quand on les voit assis au
fond du jardin sur un transat. On se regarde avec la bande, puis on explose
de rire et on retourne à nos places, décidés à les laisser tranquilles.

– Eddy va peut-être enfin se caser, chantonne Bonnie.


– Il ne reste plus que toi, la taquine Lace en lui donnant un coup
d’épaule. Qui sera l’heureuse élue ? J’espère que tu la trouveras dès la
rentrée !

Je me racle la gorge et mes amis me regardent.

– Il y a moi, aussi.

Ils me fixent sans rien dire. Les filles éclatent de rire d’un coup et Caleb
secoue la tête.

– Quoi ?

Et là, je comprends. Pour eux, je suis toujours en couple avec James. Je


soupire, croise les bras contre ma poitrine et boude sous leurs rires jusqu’à
ce qu’on nous appelle pour le gâteau.

Alors que l’on se réinstalle à la table pour le dessert, on me met un


bandeau sur les yeux, me faisant sursauter, et je reconnais le parfum de mon
père.

– Euh… pourquoi vous me bandez les yeux ?

Personne ne me répond et pendant un instant je crois qu’ils m’ont tous


laissée là. Mais j’entends leurs rires étouffés.

– Oh ! Ne me répondez pas, surtout.

Ils rigolent pour de bon cette fois et je commence à m’impatienter.


– Bande de…

Je sursaute quand des mains me forcent à me lever et me retourner. Je ne


sais même pas vers où. C’est ma maison, mais j’ai perdu tous les repères.

J’entends du mouvement, mais je ne comprends pas, tout le monde garde


le silence. On se place derrière moi, des mains se posent sur le bandeau et
on défait le nœud qui le retenait. Je le retire en clignant des yeux pour me
réhabituer à la lumière et j’ai l’impression de voir un mirage quand je
découvre James appuyé contre la baie vitrée du salon qui mène sur la
terrasse. Je ferme les yeux, secoue la tête puis les rouvre, mais il est
toujours là et il me lance maintenant son sourire à fossettes qui me fait
fondre.

Je fais doucement un pas vers lui, comme si j’avais peur qu’il


disparaisse, mais quand il se redresse et qu’il ouvre ses bras, je saisis qu’il
est bien là et mes jambes se mettent en mouvement d’elles-mêmes sans que
je les contrôle. Je cours dans ses bras, butant contre son torse, ce qui le fait
légèrement reculer, puis ses bras se referment sur moi. Il me soulève et me
fait tourner sous les hurlements de nos proches, ce qui me fait rougir. Je n’ai
jamais présenté de garçons à mes parents, et voilà que la première fois que
James les revoit en tant que petit ami, on se montre en public. Et puis, je
n’ai jamais eu une surprise de ce genre de la part d’un petit copain. C’est
tout nouveau pour moi, et j’ai l’impression d’être à nouveau une ado
prépubère qui attire pour la première fois le regard d’un garçon.

Je dois être rouge tomate quand il me repose sur mes pieds et qu’il saisit
mon visage entre ses mains.

– Plus jamais je te laisse repartir.

Puis ses lèvres se posent ardemment sur les miennes, me faisant flancher.
Je me retiens en m’accrochant à ses poignets pendant qu’il me serre contre
lui d’un bras sur le bas de mon dos. J’ai l’impression d’être de nouveau à la
maison. Il m’avait manqué, sans aucun doute. Mais je ne pensais pas autant.
C’est comme si mon cœur s’était retranché derrière des barrières et que
James venait de le libérer. Il déborde d’amour envers lui. On peut enfin
s’aimer sans plus rien entre nous. Le passé rempli de tension n’existe plus
entre nous, seul compte le moment présent. J’ai hâte de retourner en
Californie. Je prie pour que ce baiser ne se termine jamais, mais c’est
compter sans mon père, qui nous sépare.

– Bon, c’était peut-être mon idée de le faire venir ici pour me faire
pardonner, mais les bougies ne vont pas se souffler toutes seules, grogne-t-
il, ce qui nous fait tous rire.

J’essuie les petites larmes qui se sont échappées de mes yeux, souris à
mon père qui s’est excusé un million de fois depuis que je suis rentrée et
souffle mes bougies sous les applaudissements de ma famille et de mes
amis.

Même si je sais qu’on doit encore se parler avec James, je suis heureuse
qu’il soit là.
41

James

J’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’ai pas été seul avec Joy.
On se promène sur la plage derrière chez elle, pendant que la bande visite la
ville.

On marche en silence, les pieds dans le sable. Ce n’est pas un silence


inconfortable, mais je remarque que Joy est nerveuse et je peux
comprendre. Même moi, je ne sais pas comment va se passer la suite. Ce
que je sais, c’est que je ne veux plus que l’on se sépare. Elle lève finalement
le regard sur moi et m’incite à m’arrêter d’une pression sur ma main. Je
crois que c’est le moment fatidique. Soit elle est toujours en colère contre
moi et je vais ramer, soit ça va bien se passer. Mais vu comment j’ai merdé,
j’ai conscience qu’il lui faudra bien plus qu’une venue surprise à son
anniversaire pour me pardonner.

– Je suis contente que tu sois venu.

Sa réaction me soulage un peu. Ça ne me garantit pas que la rancœur a


quitté son cœur, mais en tout cas, elle ne le montre pas. Je n’ai jamais été
timide, mais là, je me sens presque rougir.

– Je suis ravi d’avoir réussi ma surprise.

Elle rigole légèrement en frottant ses bras nerveusement et mes mains


deviennent de plus en plus moites. J’espère qu’elle ne le sent pas.

– C’est vrai que je ne m’y attendais pas. J’étais même déçue quand la
bande est arrivée sans toi.
Mon cœur loupe un battement et, putain, rien que pour ça je pourrais
mettre un genou à terre.

– Même après ce que je t’ai fait ?

Elle regarde quelques instants, qui me paraissent une éternité, au loin


avant de prendre une grande inspiration. C’est le moment et je sens mon
cœur se serrer d’appréhension quand elle ancre à nouveau son regard dans
le mien.

– Oui. Même si tu aurais pu le faire d’une autre manière, j’ai compris


pourquoi tu l’as fait et je te pardonne.

Je la fixe, stupéfait. Je croyais que j’allais devoir lui faire un exposé. Je


ne cache pas mon soulagement et soupire en passant les mains dans ses
cheveux.

– Je ne te mérite pas, putain. Tu mérites d’être heureuse.

Elle sourit, attrape mes mains pour que j’arrête d’agresser ses cheveux et
les serre dans les siennes en se collant contre moi.

– Je crois que je suis la seule à décider ce que je mérite ou non. Je suis


heureuse avec toi et tu mérites d’être également heureux. Et honnêtement,
je crois que je réussis plutôt bien à te rendre heureux.

J’éclate de rire, et son sourire s’élargit encore plus. Il n’y a qu’elle pour
avoir cette prétention, mais elle a raison, alors je ne peux pas lui en vouloir.
Je passe mes bras autour de ses hanches et l’étreins peut-être trop fort, mais
il n’y a que comme ça que je me sens vivant.

– Tu me rends heureux, oui.

Joy se met sur la pointe des pieds pour m’embrasser, mais je la repousse.
Je n’ai pas fini.

– Attends, j’ai encore quelque chose à te dire.


Une de mes mains se faufile dans la poche de mon short en jean puis j’en
sors l’étui en velours que je garde avec moi depuis des jours pour éviter de
le perdre. Elle se recule pour mieux voir et elle écarquille les yeux quand
j’ouvre l’étui sur une fine bague dorée, sertie d’un petit cristal vert, comme
ses yeux. Son regard attrape le mien et je vois ses yeux s’humidifier. Je ne
veux pas la faire pleurer, je ne supporte pas ça. C’est pour ça que je
m’excuse pour tout.

– Je suis sincèrement désolé. Je ne savais pas comment agir et je pensais


que te faire t’éloigner de moi serait la meilleure solution. Je ne pensais qu’à
te protéger et je n’ai jamais voulu te blesser volontairement. Je préférerais
me tirer une balle que de te faire le moindre mal. Je suis amoureux de toi
depuis que j’ai 13 ans, je n’ai jamais cessé de t’aimer malgré les années. Au
contraire. Si je t’aimais innocemment quand on était enfants, cet amour
s’est de plus en plus développé jusqu’à me ronger quand tu es revenue.

De mon autre main, je saisis la feuille dans ma poche droite puis la lui
tends. Elle l’ouvre doucement en ne me lâchant pas du regard. Il n’est pas
aussi appliqué que maintenant, mais je sais qu’elle va reconnaître mon coup
de crayon et surtout elle va se reconnaître quand elle était enfant. Elle
baisse enfin les yeux dessus et ils s’écarquillent avant que les larmes ne
coulent sur ses joues. Je saisis son visage et colle mon front contre le sien.

– Tu as été mon tout premier dessin et j’aimerais que tu sois le dernier. Je


t’aime, Joy. Et j’ai définitivement perdu notre pari. Veux-tu me faire
l’honneur d’accepter cette bague de promesse en attendant que je la
remplace bientôt par une bague de fiançailles ?

Si elle pleurait, maintenant c’est un tsunami qui inonde son beau visage.
Je tente d’essuyer ses larmes, mais elle se jette dans mes bras, enroulant ses
bras autour de ma nuque. Je me sens toujours impuissant quand elle pleure.
Mais là, je ne sais pas ce que veulent dire ses pleurs. Oui ? Non ? J’ai
l’impression d’être en apnée en attendant sa réponse. Si elle me dit non, je
ne sais pas ce que je ferais. Je l’aime comme un dingue et je sais que je ne
le supporterais pas si elle refuse. Je serais même capable de lui demander
tous les jours.
– Moi aussi, je t’aime, James. Et c’est oui, cent fois oui. Mais tu n’as
plus intérêt à décider pour moi.

Alléluia !

J’ai l’impression qu’on vient de me vider de mes organes tellement je me


sens léger. Mais un peu fébrile aussi une fois que la tension et le stress
s’échappent. Qui aurait cru qu’une nana pourrait me rendre nerveux ?
Ouais, eh bien il existe bien des exceptions. Et cette femme est mon
exception. La tête penchée vers moi, elle m’observe avec un grand sourire,
des yeux pétillants et j’ai une terrible envie de lui faire l’amour, là, sur
place. Mais pas sûr que l’on soit seuls. Si ça se trouve, son père nous
observe avec des jumelles de chez lui. Alors je me retiens et essuie ses
dernières larmes à la place. Et d’une main tremblante, je saisis sa main
gauche pour lui passer la bague qui lui va comme un gant.

– Mon père va te tuer, rit-elle nerveusement.


– Il est déjà au courant.

Puis je saisis son visage à pleines mains et l’embrasse enfin.


Épilogue

Joy

Quatre mois plus tard

Enfin ! Je soupire de soulagement en quittant la salle de cours où mon


dernier partiel se déroulait. Je n’en peux plus. Vivement les fêtes de Noël
pour penser à autre chose. Je n’ai aucun problème à la fac. J’adore le
campus, j’adore mes cours, j’adore les amis que je me suis faits et j’adore
vivre avec la bande, mais les études, c’est lessivant. Je n’ai qu’une hâte,
passer la soirée avec mes amis pour fêter la fin des examens devant une
pizza et des bières.

Mais alors que j’avance vers la sortie du campus, je remarque au loin la


voiture de James et ce dernier appuyé contre la portière du côté passager. Je
souris comme une débile dès que mon regard se pose sur lui et sans me
contrôler, je joue avec la bague qu’il m’a offerte à mon anniversaire. Si
j’avais toujours des problèmes de confiance en lui quand je suis rentrée en
Californie, je me suis vite détendue. Tout est redevenu comme avant entre
nous et tout va pour le mieux. Je vis avec les filles et il vit avec les garçons
deux étages au-dessus de nous, mais on est la plupart du temps fourrés l’un
chez l’autre. Son apprentissage de tatouage s’est déroulé très vite. Il s’est
vite professionnalisé et un mois après, Fredo et son partenaire l’engageaient
à plein temps comme tatoueur. De nombreux tatouages ornent maintenant
son corps. Notamment mon prénom sur les phalanges de sa main gauche. Si
j’étais sceptique au début, il m’a vite convaincue que si je portais une
bague, il porterait mon prénom sur sa main. Sans vouloir me la jouer
possessive, je l’adore, ce tatouage.
– Qu’est-ce que tu fais là ? demandé-je, surprise, en arrivant près de lui.

Il est magnifique avec son jean noir, son tee-shirt blanc, sa veste en
simili cuir et ses cheveux plaqués en arrière. De ses bras autour de mes
hanches, il m’attire contre lui.

– Je n’ai pas le droit de venir chercher ma copine à la fin de ses cours ?

Je pose mes mains sur son torse et réajuste le col de sa veste.

– Si, bien sûr. Mais je croyais que tu me rejoignais chez moi dans deux
heures à la fin de ta séance avec ton client.
– Il n’a pas pu venir et j’ai une surprise pour toi. On y va ?

Il m’enlève mon sac de mon épaule, le pose à l’arrière de la voiture et


m’ouvre la portière.

– D’accord, fais-je précautionneusement, et il rigole.


– Détends-toi, je sais que ça va te plaire.

Il est imperturbable tout le long du trajet. Il ne me donne aucun indice et


je ne comprends rien quand il se gare devant notre résidence. Je m’attendais
encore à ce qu’il m’emmène dans un lieu insolite comme il en a eu
l’habitude cet été. Peut-être que cette fois, c’est plus calme et dans un de
nos appartements. On monte les escaliers, mais il ne s’arrête pas au premier,
chez moi, alors je devine qu’on va chez lui. Mais je fronce les sourcils
jusqu’à m’en faire mal à la tête quand il s’arrête au deuxième, qui n’est pas
notre étage, et devant une porte qui est encore moins une des nôtres. Qu’est-
ce qu’il a fait, encore ?

– James ?

Il m’ignore, sort une clé de sa poche, ouvre la porte et me fait passer


devant lui. J’entre dans l’appartement qui est une copie conforme des
nôtres. Alors, au milieu du salon vide, je me retourne vers lui en posant les
mains sur mes hanches. Il me tend la clé que je prends prudemment et
découvre un porte-clés où sont inscrits son nom et le mien. Je relève la tête
vers lui et il me sourit avec son sourire à fossettes.

– Je ne comprends pas.
– Bienvenue chez nous.
– Chez nous ? répété-je en écarquillant les yeux.

Je regarde autour de moi, stupéfaite, et secoue la tête, complètement


surprise.

– James…

Il saisit ma main et me force à le regarder.

– Je sais que t’es étudiante et que tu ne peux pas te le permettre et je ne


te demande absolument rien. J’ai plus qu’assez de ma paye pour subvenir à
nos besoins. On vit déjà presque ensemble et on ne serait qu’à un étage près
de la bande. Qu’est-ce que tu en dis ?

Je regarde à nouveau autour de moi et je sens ses mains devenir moites.


Les miennes le sont depuis qu’on est arrivés, tellement je suis nerveuse.
Mais je crois que mon cœur connaît déjà la réponse. J’observe James. Je ne
sais pas ce qu’il pense lire en moi, mais je vois la déception se peindre sur
son beau visage.

– Tu peux dire non…


– Oui, le coupé-je et il sursaute en me regardant avec des yeux
écarquillés.
– Pour de vrai ?

Je souris, enroule mes bras autour de sa nuque et me colle contre lui,


faisant cliqueter les clés que je tiens en main. J’adore déjà ce son. Ses mains
se posent instinctivement sur mes hanches.

– Si tu me laisses payer une partie du loyer. Et je veux un chien.


– Tout ce que tu veux, putain ! s’écrie-t-il en saisissant mon visage dans
ses mains et en plaquant ses lèvres contre les miennes si fort que les clés
tombent au sol.

Je suis obligée de me retenir à ses poignets en éclatant de rire.

– Je t’aime, ma petite peste, murmure-t-il contre mes lèvres.


– Je t’aime, ma terreur à la gueule d’ange.

Même si on est encore jeunes, je sais que je ne pourrai plus vivre sans
lui. Il était mon meilleur ami à l’époque, mon ennemi à mon arrivée, mon
défi de cet été, puis mon petit copain. Il est maintenant tout : mon meilleur
ennemi, mon meilleur ami, mon confident, mon havre de paix et surtout
mon homme, le seul et l’unique. Il l’a toujours été. Toujours dans ses bras,
j’observe l’appartement tout autour de moi. J’ai si hâte. Peu importe ce qui
se passe, tant qu’il est là, j’ai confiance en l’avenir. Nous deux, c’était une
certitude depuis le début.

FIN
Remerciements

Troisième fois que je rédige des remerciements et c’est toujours étrange


de le faire, mais ceux-ci sont différents. Ils relèvent presque du surréalisme.

J’ai déjà publié deux romans, mais Le Pari de l'été est en fait le tout
premier que j’ai écrit, en 2016. C’est la toute première histoire que j’ai
partagée sur Wattpad. Alors la voir publiée six ans après, c’est presque
extraordinaire.

Je remercie mes meilleures amies, Emy et Julie, qui ont été les premières
à lire la toute première version de cette histoire et toutes les suivantes
jusqu’à cette dernière version. Je les remercie pour leurs réactions, leur
engouement, leurs conseils et pour me soutenir au quotidien depuis 2015.

Je remercie mes lecteurs sur Wattpad, sans qui cette histoire n’aurait
jamais atteint le million de lectures et sans qui je ne l’aurais jamais envoyée
à mon éditeur. Mais aussi ceux qui sont arrivés en cours de route et ceux qui
me découvrent seulement. Merci d’avoir fait et de continuer à faire vivre
cette histoire et ses personnages. Merci de m’avoir donné ma chance.

Merci aux équipes des Éditions Addictives et particulièrement à Clara et


Maud, les éditrices qui ont travaillé sur ce roman, et avec lesquelles on a
fait un travail magnifique ! Merci de continuer à croire en moi.

Et pour finir, merci à ma famille et à ces personnes qui attendent toujours


le prochain roman et pour me soutenir dans tous mes projets. Maman, Papa,
merci de ne m’avoir jamais restreint dans ma jeunesse et de m’avoir
poussée à explorer ma créativité.

J’espère que l’histoire de Joy et James vous a plu. N’hésitez pas à me


retrouver sur les réseaux sociaux pour me partager votre avis !
Disponible :

The Banned Biker


Dayton, fils du président des Salem Devils, se rend à un rassemblement de
bikers, où il a un coup de foudre ! Sauf que celle qui a attiré son attention
est la régulière d’un autre biker, ce qui rend toute histoire entre eux
interdite.
Monroe vit avec un homme violent depuis deux ans. En rencontrant
Dayton, elle tombe vite sous son charme. Pourtant, elle essaie de garder ses
distances par peur des représailles.
Leur amour était impossible jusqu’à ce qu’une mystérieuse lettre remette
tout en question.
Monroe se sentira-t-elle enfin en sécurité aux côtés de Dayton ?
Découvrez L’Irlandais d’à côté de Line Gagliano
L’IRLANDAIS D’À CÔTÉ

Premiers chapitres du roman

ZBOY_001
1

Élise

Gris : mélancolie

Blottie au fond de mon lit, la couette remontée jusque sur le haut de ma


tête, j’entends de façon vague et lointaine le bourdonnement du vibreur de
mon téléphone qui tente à tout prix de me tirer de mon sommeil. Il insiste
jusqu’à faire trembler ma table de chevet. J’ai beau grogner et pester en me
bouchant les oreilles avec mon oreiller, rien n’y fait.

Je suis malheureusement réveillée.

– Mais ferme-la… marmonné-je en me cachant sous la couette pour


tenter de faire disparaître le bruit.

Raté.

J’étais si bien dans ce rêve que je maudis l’auteur de ces messages


matinaux. Alors, je referme les yeux d’une facilité déconcertante, croyant
vainement que le faire me permettra de retrouver mon voyage entrepris
dans ce rêve imaginaire.

Tu rêves, ma vieille.

Quoi qu’il en soit et même si je ne retourne pas dans ce beau et agréable


rêve bien loin de ma vie actuelle, je replonge lentement dans un demi-
sommeil, assez fatiguée pour pouvoir le faire, mais pas assez pour me faire
oublier ces messages que je viens de recevoir et dont j’ignore l’auteur et le
contenu. Mais, hier soir, je suis rentrée bien trop tard, encore. Les clients
avaient élu domicile au restaurant et rentrer chez eux n’était pas une option
envisageable. J’ai dû attendre docilement et sagement que ces messieurs
ivres daignent enfin quitter les lieux afin de rentrer chez moi et de
m’effondrer dans mon lit sans même prendre la peine de me doucher. J’étais
exténuée, lasse d’encaisser autant de mépris et d’impolitesse.

Alors, j’ai besoin de dormir. Parce que je meurs de fatigue, parce que je
sais pertinemment que ce soir se déroulera encore la même soirée, et parce
que dormir est le seul moyen à ma portée pour m’évader de ce perpétuel
cauchemar qu’est devenue ma vie.

Pourtant, à demi consciente, je me rappelle que mon téléphone vibre


encore, et que recevoir plusieurs messages à sept heures du matin n’est
jamais porteur de bonnes nouvelles, je crois. J’ouvre un œil, puis l’autre et,
à l’aveugle, je balance un bras maladroit vers la petite table ronde à côté de
mon lit pour attraper mon téléphone. Je suis dépitée et pas même surprise
lorsque je réalise que ma maladresse légendaire vient encore de frapper. Et,
cette fois, c’est la lampe de chevet qui se fracasse sur le sol. Si j’en crois le
bruit et les éclats de verre jusqu’au pied de mon lit, je crois avoir réussi à la
briser en mille morceaux.

– Oh, putain ! lancé-je lorsque je découvre le désastre grâce à la lampe


torche de mon téléphone.

Armée de mes pantoufles pour ne pas m’entailler les pieds, je


m’accroupis et tente de ramasser un à un les bouts de verre qui traînent par
terre.

– Élise, qu’est-ce que c’était ?

Eh merde.

J’ai réveillé ma colocataire, accessoirement aussi ma meilleure amie,


Jade, qui dormait dans le salon à côté.
Je grimace et balance les bouts de verre en dessous de mon lit à grands
coups de pied. Si mon téléphone peut attendre, j’estime que les bouts de
verre aussi.

– Heu… commencé-je, hésitante, rien, ne t’inquiète pas ! Rendors-toi !

Elle se contente de grogner à l’autre bout de l’appartement avant de se


rendormir si j’en crois son étonnant silence.

Je me laisse retomber sur le lit encore chaud derrière moi et rabats la


couette pour oublier ce réveil bien trop matinal. Avec le désastre de ma
lampe, j’en avais presque oublié que mon téléphone avait vibré à de
nombreuses reprises. En faisant attention de ne rien casser, cette fois-ci, je
me tourne et l’attrape pour découvrir un message de mon petit ami, Simon.
Et j’ai comme le pressentiment qu’il ne présage rien de bon.

Sans appréhension ni boule au ventre, je le lis, à peine surprise de ce


qu’il m’annonce. En traînant les pieds, je me tire de mon lit et me dirige
droit vers la salle à manger qui fait office de chambre à ma meilleure amie
après avoir perdu un pari avec moi l’an dernier. Je m’étends sur son lit et
me blottis contre elle pendant qu’elle se réveille doucement, pas même
contrariée.

– Qu’est-ce qui se passe ? Ça va pas ? me demande Jade de sa voix


rauque matinale après avoir vu ma mine déconfite.

Je plisse les lèvres et secoue la tête, la mine déprimée.

– Non… J’ai cassé ma lampe.

Ma meilleure amie soupire avant de se laisser retomber sur son coussin


et de se tourner pour m’offrir une vue parfaite sur ses fesses enfermées dans
un pyjama moelleux.

– Et tu me réveilles pour ça ? T’es sérieuse ?

J’aimerais l’être, oui.


– Et Simon vient de me larguer par texto.

Jade se redresse précipitamment et m’observe d’un air interrogateur, le


sourcil haut sur son front et les cheveux en bataille. Elle ne parle pas et se
contente de me regarder en plissant ses yeux. Je sais ce qu’elle fait, en
réalité. Elle guette la moindre émotion qui saurait passer sur mon visage
pour savoir ce que je ressens au plus profond de moi. Raté, mes émotions
ne se traduisent pas de cette façon et elle le sait très bien. Elle devra
attendre.

Après un bref silence à essayer de me jauger, Jade cède.

– Il t’a rendu service, Élise, se contente-t-elle de dire froidement. C’était


un sombre connard qui ne te méritait pas.

Ça, je sais.

Elle a raison. Pourtant mon ego et ma confiance ne sont pas d’accord, ils
pleurent même à chaudes larmes, se demandant bien pourquoi on aime
autant les faire souffrir, eux qui ne sont pourtant pas si méchants. Si
l’histoire se répète, ils vont tirer leur révérence dans peu de temps. Alors, je
ne donnerai plus cher de moi.

Je sais bien que Simon n’était pas l’homme de ma vie et que je n’étais
pas amoureuse. Il n’était pas non plus celui avec qui j’étais foncièrement
heureuse ni celui avec qui je voulais construire un avenir solide. Mais il
avait l’avantage d’être là quand j’en avais besoin, de soulager mes états
d’âme et d’être un sacré coup au lit. Et j’estime que ce n’est pas
négligeable. De nos jours, c’est même mieux qu’espéré.

Je soupire après une profonde inspiration, blottie contre mon amie qui
entreprend de caresser mes longs, très longs cheveux, telle une mère qui
console son enfant. Ça peut paraître bizarre, mais pour nous ça ne l’est pas.
Ce geste est naturel et réconfortant. Il est ce dont j’ai besoin à cet instant.

– Je commence à croire que l’amour n’est pas fait pour moi, Jade. Trois
ruptures en un an, ça fait tout de même beaucoup, non ?
Mon amie hausse les épaules d’un air faussement détaché, le regard vissé
vers le plafond vide et blanc de notre appartement.

– Non, Élise, répond-elle d’une voix douce et maternelle. Je crois juste


que tu n’as pas rencontré le bon, encore. Et ce n’est pas grave puisque nous
sommes jeunes, avec la vie devant nous.

Son enthousiasme à toute épreuve ne parvient même pas à me réchauffer


le cœur. Pourtant, je ne ressens pas une once de tristesse à apprendre que je
viens de me faire larguer par texto, car je n’aimais pas Simon. Je suis juste
lasse d’échouer dans tout ce que j’entreprends. C’est valable dans tous les
domaines. Et, en toute franchise, ça en devient plutôt déprimant.

– Quelle vie, Jade ? Parce que si celle qui m’attend est celle que je vis
aujourd’hui, j’en veux pas, tu vois.

Mon amie, qui, à l’inverse de moi, a tendance à toujours voir le verre à


moitié plein, roule des yeux et souffle vulgairement en tirant son bras pour
allumer notre petite cafetière à filtre posée juste derrière nous. Et comme
d’habitude, celle-ci commence à chauffer en faisant un bruit capable de
réveiller l’immeuble entier.

– Vu la tournure que prend cette conversation au saut du lit, je crois


qu’on va avoir besoin de deux grands bols de café noir.

Je pousse un ricanement nerveux.

– Tu ne crois pas si bien dire…

Ma meilleure amie m’observe avec tendresse et déception. Je sais qu’elle


a envie de me secouer et de me dire que tout va bien aller. Je sais aussi
qu’elle nous comprend, ma détresse et moi. Même si elle ne me le dira
jamais.

– Roh, allez, Élise ! grommelle-t-elle, exaspérée, la main posée sur sa


hanche. Ce mec t’a rendu service. C’était un con et il te le prouve encore
une fois avec ses messages débiles qu’il t’envoie à sept heures alors que t’es
rentrée à deux heures du mat’, putain, fait-elle en claquant ses mains.
Laisse-le où il est, s’il te plaît. Il ne te mérite pas. Puis, franchement, faut
avoir un sacré culot pour larguer quelqu'un par texto. Un sacré manque de
respect, aussi.

Je hoche la tête, silencieuse et perdue dans mes pensées qui elles-mêmes


ne savent trop où m’emmener. Un silence s’installe entre nous, que le bruit
de la cafetière s’efforce de combler, et lorsque je relève les yeux vers Jade
et que je croise son regard malicieux qui m’observe avec attention, je
comprends alors qu’une idée émerge dans son esprit.

– Quoi ? lancé-je en marmonnant. Balance ton idée, vas-y.

Jade se met à rire faiblement en secouant la tête de gauche à droite.

– Je me disais que… Pourquoi tu ne prendrais pas des vacances loin


d’ici ?

Intriguée, j’arque un sourcil, assise en tailleur sur le bord de son lit.

– Des vacances ? répété-je, prête à lui rire au nez dans deux secondes.
Ensemble, tu veux dire ?

Mon amie retrousse ses lèvres en faisant non de la tête.

– Non, Élise, me contredit-elle. Des vacances où tu prendrais soin de toi


et où tu n’aurais que toi à penser.

Je me gratte la tête, incertaine.

Jade m’apporte une tasse de café et se lève à nouveau pour s’adosser


contre le meuble de la cuisine, les bras croisés sur sa poitrine et le regard
inquiet.

– Tu dis sans cesse que tu n’as pas le temps pour écrire et que ça te
manque, ou encore que t’aimerais te remettre à la peinture. Alors, prends
quelques vacances, pars loin d’ici et recentre-toi sur toi-même le temps de
quelques jours, Élise. Prends du temps pour toi, ça devient carrément
nécessaire.

Je l’écoute parler alors que la folle idée trouve sa place dans mon esprit.
Après tout, ça ne semble pas être une si mauvaise idée. Je ne suis jamais
partie ailleurs qu’à Paris, là où je suis née et là où je vis. Et même si j’ai
peur de quitter cette ville, le temps est peut-être venu pour moi de les
affronter. Pour mieux me retrouver.

– Je vais y réfléchir, je te promets.

Ma colocataire sourit en hochant la tête avec un regard bienveillant et


appuyé.

– Il est temps que tu retrouves une paix intérieure, Élise. Tu as trop


d’éléments négatifs autour de…

Avant qu’elle ne se lance dans un discours que je n’ai aucune envie


d’entendre, j’attrape son coussin en forme de cœur et l’arrête dans son élan
en le lui jetant dessus.

– Tais-toi, ça vaut mieux.

Contrariée, elle secoue la tête et soupire.

– C’est pour toi que je dis ça, râle-t-elle.

Je ne peux m’empêcher d’esquisser un bref sourire.

– Ouais, je sais.

***
Une heure avant le début de mon service au restaurant, je suis déjà prête
et habillée en conséquence. Un dernier passage devant le miroir de notre
salle de bains pour vérifier que tout est en ordre, et je sors attraper mon sac
et mon manteau. Dans mon élan, je remarque que Jade, installée sur son
bureau dans le coin de la pièce, m’observe du coin de l’œil, cessant un bref
instant de taper frénétiquement sur son ordinateur.

– Quoi ? lancé-je, toujours contrariée par mon réveil brutal. Pourquoi tu


me regardes comme ça ?

Elle hausse les épaules et pivote sur sa chaise de bureau pour se tourner
face à moi. Elle m’observe un instant puis pointe son doigt sur moi avec un
demi-sourire qui étire ses fines lèvres.

– T’as beau le nier, je sais que ta rupture avec Simon te fait quelque
chose.

D’un réflexe, je baisse ma tête sur ma silhouette que Jade montre du


doigt et regarde ma tenue choisie avec minutie comme chaque matin, car je
sais exactement à quoi elle fait allusion. Et pour cause, aujourd’hui, je ne
porte pas de la couleur. Simplement une robe grise que j’ai assortie, comme
je le fais toujours, d’une paire de baskets de la même couleur. Signature de
mon style vestimentaire qui ne plaît pas toujours à tout le monde, je
l’avoue.

– Ce n’est pas ma rupture qui me rend mélancolique, Jade, rétorqué-je,


exaspérée. C’est juste ma vie qui perd tout son sens et qui ne cesse de se
casser la figure.

Jade soupire en plissant les lèvres d’une grimace compatissante. Je sais


qu’elle n’aime pas que je parle comme ça, pourtant c’est vrai. Je ramasse
ma troisième rupture en un an. Et aucune ne s’est terminée parce que j’avais
décidé d’y mettre fin. Je vis dans un trente mètres carrés que je dois
partager par manque de moyens. Je n’ai ni le temps ni l’argent pour
approfondir mes deux passions qui donnent du sens à ma vie, la peinture et
l’écriture, et je sers toute la journée des gros cons misogynes qui pensent
être les rois du monde et de la finance.
Alors, non.

Ma vie n’est pas forcément celle que je m’étais imaginé vivre. Et je ne


sais pas quoi faire pour y remédier.

Sans attendre, j’attrape mon sac à dos et mon manteau et ouvre la porte
d’entrée avant de me tourner vers Jade pour lui envoyer un baiser de la
main.

– À ce soir, bosse bien.

Elle me gratifie d’un signe de tête et me sourit avant de lancer :

– Tu n’as pas mis du noir, Élise. C’est porteur d’espoir.

Elle a raison.

En un rien de temps et après un trajet sans encombre, j’arrive au


restaurant peu avant le service du midi. Comme d’habitude, je n’ai droit
qu’au visage impassible et glacial de mon patron et au mépris des autres
serveuses qui me détestent pour une raison que j’ignore. Alors, je monte le
menton haut et fier pour ne rien laisser paraître, j’attache mon tablier dans
mon dos et me pare du plus beau sourire hypocrite qu’il m’est possible de
faire. Je me rends ensuite dans la salle de restaurant où quelques clients
attendent déjà d’être installés.

Je me dirige vers eux, sourire vissé sur les lèvres, jusqu’à être arrêtée par
Cassy, une serveuse avec qui je n’ai aucun foutu point commun. Une
serveuse qui aime s’acharner sur moi sous les yeux de mon patron qui feint
l’ignorance.

Une garce, en réalité.

– Du gris ? m’envoie Cassy d’un ton hautain en gloussant ouvertement.


Étaler ses émotions dans la couleur de ses fringues, c’est pathétiquement
prévisible, Élise. Un peu de pudeur et de décence, non ?
Dans un monde idéal où le crime serait permis, j’avancerais vers elle et
je la rouerais de coups jusqu’à ce qu’elle meure ici, gisant dans son sang au
beau milieu de ce restaurant. Là, je serais pleinement satisfaite et soulagée.
En réalité, et parce que je n’ai nullement envie d’aller en prison, je lui
souris poliment en me disant à quel point cette journée va s’avérer très
longue.

– Ferme-la, Cassy, et va t’occuper correctement de tes clients, rétorqué-


je faiblement en continuant mon chemin.

Elle grommelle des mots inaudibles dans sa barbe et s’en va en tapant du


pied telle une enfant en colère. Je ne m’en préoccupe plus, elle est partie et
c’est tout ce qui m’importe.

Comme j’avais facilement pu l’anticiper, le service ne se passe pas bien.


Et je sais que mon humeur massacrante y est pour quelque chose. Cassy et
ses pimbêches de copines ne cessent de parler ouvertement dans mon dos et
de m’envoyer des regards éloquents que je ne peux ignorer. En revanche,
mon patron derrière son bar, lui, ne semble pas les voir. Ou n’en a plutôt
strictement rien à faire.

Oui, c’est plutôt ça.

Les services se suivent et se ressemblent atrocement. La clientèle du


midi est certainement la pire. Composée d’hommes et de femmes d’affaires,
pressés et oubliant d’être polis, courtois et aimables envers ce qu’ils
surnomment « le petit personnel ». Et aujourd’hui, la palme de la misogynie
et de l’inélégance à la parisienne est décernée à ma dernière table qui se
constitue de quatre hommes en costume cravate, croyant refaire le monde
avec leurs ordinateurs hors de prix posés devant eux. Ceux-là – des habitués
– sont méprisables et d’une arrogance que j’ai rarement eu l’occasion de
voir au cours de ma vie. Et aujourd’hui, c’est moi qui m’y colle.

Évidemment.

Renfrognée devant le bar, je pose les quatre cafés serrés sur le plateau
alors que mon patron ne cesse de m’observer d’un air menaçant.
Je lui lance un regard interrogateur en arquant un sourcil.

– Quelque chose à me dire, peut-être ?

Il grogne avant de parler.

– N’oublie pas de sourire, me répond-il. Avec ton joli minois, ça attire


les clients et ça fait vendre.

Waouh ! Encore un mot comme celui-là et je le poursuis en justice pour


harcèlement.

Sans même me faire discrète, je souffle et j’entreprends d’apporter les


cafés à la table des quatre connards.

Oui, je m’octroie le droit de les juger. Même si c’est mal.

Lorsque j’arrive devant eux, leur conversation s’estompe et le silence se


fait autour de cette table alors que les paires d’yeux me dévisagent sans
discrétion. Embarrassée et essayant de me faire la plus discrète possible, je
dépose les cafés un à un devant chacun d’eux alors que je sens le regard
brûlant d’un des hommes qui fixe ma poitrine. Difficilement, j’essaie de ne
pas en tenir compte.

– Merci, ma jolie.

Je me contente d’un hochement de tête poli avant de tourner les talons


lorsque je sens une grande main me claquer les fesses. Ce geste est suivi de
plusieurs ricanements qui me glacent le sang. Voyant rouge et ne ressentant
plus que colère et dégoût, je me retourne et commence à respirer
bruyamment. Mes doigts se mettent même à trembler. Je sais que je devrais
passer mon chemin et ne plus y penser, malheureusement je n’y arrive plus.
Je crois qu’avec le message de Simon ce matin, c’est la fois de trop. Je ne
peux plus subir. Je dois agir.

– Qui a fait ça ? demandé-je, essayant de me contenir alors que je brûle


de rage.
Les quatre hommes continuent à rire et ne prêtent attention ni à moi, ni à
ma question pourtant simple.

– Je me répète : qui a fait ça ?

J’appuie mes mots avec un ton sévère qui me surprend moi-même. Cette
fois, et sans vraiment m’en rendre compte, j’élève la voix et attire
l’attention des clients autour de nous et des serveuses qui cessent leurs
gestes pour me regarder, en quête de ragots à se mettre sous la dent. Les
quatre hommes se tournent enfin vers moi, effaçant leur sourire, pas même
étonnés. Malheureusement, aucun d’entre eux ne semble vouloir prendre la
parole et assumer son geste. Ou aucun d’eux ne possède le courage
nécessaire.

– Personne ? Très bien.

Poussée par ma colère qui ne demande qu’à s’exprimer depuis ce


mauvais réveil, j’attrape une tasse de café et la renverse sur la tête du
premier homme qui se trouve devant moi.

– Je dirais que c’est toi.

Son rire se fige alors qu’il se lève brusquement, furieux et dégoulinant de


café, en agitant les bras vers mon patron.

– Virez-moi cette folle furieuse ! crie-t-il d’un air menaçant. Tu vas le


regretter, ma jolie.

Son doigt tendu se pointe vers moi, et lorsqu’il fait un pas en avant pour
entamer une relation de force, je ressens soudain une certaine peur. Certes,
nous sommes en public, mais les fous ne sont pas tous enfermés, et avec
tout ce qu’on entend dans les médias, ça ne serait pas étonnant que cet
homme me lève la main dessus. En quête d’un soutien et d’un appel à
l’aide, je me tourne aussitôt vers mon patron ayant cessé d’essuyer ses
verres avec son torchon qu’il porte désormais par-dessus son épaule.
Attendant naïvement une aide quelconque, je n’ai droit qu’à la pire des
réactions qu’il pouvait m’offrir : du mépris.
Il me toise, la bouche retournée en secouant la tête, puis me dit, comme
dépité :

– Élise, tu es virée.

Mon cœur fait un salto arrière dans ma poitrine et j’ai l’impression


d’avoir fait la pire connerie de ma vie. Pourtant, rien de tout cela ne me fera
l’admettre haut et fort. Non, j’ai une dignité, et pour rien au monde je ne
cesserai d’être fière. Pas après ce que ce client a fait.

– Si vous acceptez que vos serveuses se fassent peloter les fesses dans
votre restaurant, monsieur, c’est qu’en effet, je n’ai plus rien à faire ici,
lancé-je froidement avec un air faussement détaché. Alors, non, vous ne me
virez pas, c’est moi qui pars.

La tête haute et l’allure fière, je détache mon tablier que je jette au sol.
Dans un silence étouffant, comme si le temps s’était figé dans ce restaurant
et sous les regards interloqués des autres clients, je récupère mes affaires et
me dirige vers la sortie sans même un regard pour mon patron. Au passage,
et volontairement, du bout du doigt, je balance au sol l’une des carafes
d’eau posées sur un plateau qui va s’éclater en fracas sur le sol.

Cassy et ses amies sursautent et posent la main sur leur bouche à


l’unisson.

– Cassy, je crois que tu vas devoir nettoyer.

Sans me retourner, je pousse la porte du restaurant et respire enfin le


goût de ma liberté.
2

Élise

De retour dans mon petit chez-moi en milieu d’après-midi et après avoir


réglé de nombreuses choses comme être passée à la banque notamment, je
pousse enfin la porte de notre appartement et m’enivre de cette odeur
familière qui me berce et qui m’apaise.

Et soudain, tout va mieux.

Tout me semble moins grave.

Je découvre Jade, toujours cachée derrière l’immense écran de son


ordinateur, certainement concentrée sur un dossier qui lui demande
beaucoup de temps et dont je ne comprends foutrement rien. Jade s’apprête
à finir des études d’architecte et entreprend de bosser quelques fois à
domicile comme aujourd’hui, lorsque sa présence sur le terrain n’est pas
nécessaire.

Aussitôt la porte poussée, c’est la musique de ma meilleure amie qui


m’accueille et qui résonne dans tout l’appartement. Mon amie me fait rire à
ne pouvoir travailler qu’en musique alors que, pour moi, c’est carrément
l’inverse. Le silence absolu est mon plus proche allié lorsque j’écris. Tout
comme lorsque je peins. Sinon, mon esprit ne peut s’évader à travers mes
pensées.

Jade se tourne vers moi, surprise, puis regarde l’heure sur notre seule
horloge de l’appartement. À l’expression de son visage, je comprends tout
de suite qu’elle sait que quelque chose ne s’est pas passé comme prévu.
Comme elle a raison.

– Merde, Élise, qu’est-ce qui s’est passé ? me demande-t-elle, inquiète,


en se levant pour se diriger vers moi.

Comme je l’étais ce matin, je devrais continuer à aller mal et à plonger


dans ses bras en pleurant toutes les larmes de mon corps, en insultant tous
les gars du monde, surtout Simon et mon connard de patron. Mais je ne le
fais pas. Au lieu de quoi, je souris bêtement, fière de ce que je viens de faire
sur un coup de tête. Fière d’avoir été capable de prendre une putain de
décision.

Ou plutôt de la décision que je m’apprête à prendre, en réalité.

Et lorsque Jade voit l’expression de mon visage, elle est déroutée et


s’arrête dans son élan, les bras encore écartés, qu’elle referme aussitôt.

– Élise… commence-t-elle avec un mouvement de recul. Qu’est-ce que


t’as fait ?
– J’ai suivi ton conseil, lancé-je fièrement en posant mon sac sur le
comptoir de la cuisine. J’ai démissionné !

La mâchoire de ma meilleure amie se décroche, sa bouche formant un


ovale parfait. Je la trouve rigolote ainsi. Je ne suis pas sûre qu’elle soit de
mon avis.

– Pardon ? Tu as… quoi ?

Légèrement sous le choc, je la rejoins et l’attire sur son lit replacé en


canapé derrière moi pour la rassurer. Quand on y pense, c’est moi qui me
retrouve une main devant, une main derrière et c’est ma meilleure amie qui
ne semble pas s’en remettre.

– J’ai démissionné, répété-je avec ardeur. Et c’est pas tout !

Cachée dans mon manteau, je sors une grosse enveloppe au papier


marron que j’agite devant elle. Malheureusement, elle ne s’en préoccupe
pas mais attend plutôt des explications sur la première nouvelle dont elle ne
semble être toujours pas remise. Ses traits sont tirés, sa mâchoire est
désormais verrouillée et ses sourcils contrariés forment deux petites
virgules parfaites.

– Mais… Élise ! Je ne t’ai jamais dit de faire une telle chose, enfin !
s’agite-t-elle en levant les bras vers moi.

Elle semble plutôt contrariée, et, face à ma bonne humeur à toute


épreuve, je n’en tiens pas compte. Je suis encore sous l’euphorie de ma
décision.

– Tu m’as dit de prendre des vacances, me justifié-je auprès d’elle en


relevant les épaules d’un air faussement détaché. C’est ce que j’ai fait.

Elle écarquille les yeux.

– Mais pas des vacances illimitées, Élise !

Je soupire, ne réalisant pas encore tout à fait ce que je viens de faire et ce


que je m’apprête à lui dire. Alors, je prends ses mains dans les miennes et
m’installe en tailleur sur le canapé-lit face à elle. Pour mettre en place l’idée
qui a germé dans mon esprit en un après-midi, j’ai besoin de son soutien.

– Jade… soupiré-je en secouant la tête, mettant de côté mon


enthousiasme. C’était une mauvaise journée, crois-moi.
– Oui, mais…

Je place la paume de ma main devant elle pour l’arrêter. Ce qu’elle fait


instantanément.

– Laisse-moi finir, s’il te plaît.

Elle hoche la tête, attendant docilement la suite.

– Je me suis fait larguer par texto à sept heures du matin, et même si


c’était un sale type et que je ne l’aimais pas, mon ego en prend quand même
un sacré coup, Jade, grimacé-je en posant une main sur mon cœur meurtri.
J’ai un boulot que je déteste où je n’ai absolument aucun soutien, aucun
avenir, et qui me rapporte à peine de quoi nous nourrir. Et surtout, je me
suis encore fait toucher les fesses contre mon gré par un client arrogant et
méprisable que je ne supporte plus de servir. Alors, crois-moi, Jade, c’était
une mauvaise journée et cette décision est sans conteste celle qui me fait le
plus de bien depuis une éternité.

Le visage de ma meilleure amie se transforme, se détend et s’illumine de


seconde en seconde. Ses sourcils se dérident, ses traits s’adoucissent et un
sourire imperceptible étire même ses fines lèvres. Elle relève la tête vers
moi et le regard qu’elle m’offre est celui des plus doux.

– Dans ce cas, tu as eu raison, cède-t-elle avec bienveillance.

Et d’un coup, mon cœur se remet à battre.

Je l’attire dans mes bras.

– Je ne te laisse pas dans l’embarras, Jade. Je vais retrouver un boulot, ne


t’inquiète pas, tenté-je de la rassurer. Mais... pas avant un petit moment.

Un long moment, en réalité.

Ma coloc se détache de moi et me regarde comme si elle s’était figée,


perplexe.

– Pas avant un moment ? répète-t-elle avec de grands yeux. Qu’est-ce


que tu essaies de me dire, Élise ?

Me rappelant mon enveloppe contenant les économies de toute une vie,


je l’attrape et l’agite devant ses yeux.

– J’ai réfléchi à ce que tu m’as dit, et je crois que tu as raison, insinué-je.

J’inspire un bon coup, tentant de m’armer de courage et priant pour


obtenir le soutien indéfectible d’une des personnes les plus importantes de
ma vie.

– Je dois me recentrer sur moi-même et prendre le temps pour renouer


avec mes deux passions que j’ai injustement laissées par manque de temps
et d’argent. Mais je dois le faire ailleurs, Jade, là où mon esprit sera apaisé
et loin de toutes nuisances possibles. Un endroit calme, sans aucun homme
pour me perturber et où je serais seule avec moi-même. Tu comprends ?
– Heu… oui… répond-elle, incertaine. Et donc ?

Je poursuis.

– Ce voyage sera celui d’une vie, Jade, dis-je en me persuadant moi-


même. Je ne rentrerai que lorsque ma vie aura trouvé un sens et que je serai
déterminée à savoir quoi en faire. C’est pour ça que je compte partir un
mois, peut-être même plus.

J’attendais une réaction théâtrale et démonstrative de la part de mon


amie, me suppliant de rester. De la colère, des larmes ou bien une tentative
désastreuse de me raisonner, mais je n’ai droit qu’à un faible sourire et un
regard fier. C’en est presque perturbant.

– Je suppose que dans cette enveloppe se trouvent tes économies ?

Je plisse les lèvres en un rictus maladroit et hoche la tête timidement


alors que Jade attrape ma main.

– Et l’héritage de mes grands-parents, ajouté-je. Ce n’est pas une fortune,


mais ils tenaient à ce que je m’en serve lorsque j’en aurais le plus besoin. Je
ne vois pas de moment plus opportun que celui-là.

Jade pose une main sur la mienne et m’offre un regard bienveillant qui
rallume ma flamme et mon enthousiasme.

– Je ne peux que te soutenir dans ta démarche, Élise, me dit-elle d’une


douce voix. Tu as le droit de trouver ta voie et tu as le droit d’être heureuse,
comme nous tous. Et si tu penses que pour y arriver, il te faut partir, alors il
ne faut pas hésiter.
Avant même qu’elle ne finisse, je plonge dans ses bras en la serrant tout
contre moi, ressentant un puissant soulagement et un sentiment de profonde
gratitude. Ce que je m’apprête à faire dépasse l’entendement pour certains
et pourrait paraître immature ou absurde, mais, avec l’approbation de Jade,
j’ai comme l’impression d’avoir déjà commencé à reprendre ma vie en
main. Et, pour une fois en vingt-cinq ans, ça fait un bien fou d’avoir le
pouvoir de décider pour soi.

– Tu peux pas savoir à quel point ton soutien m’est nécessaire, murmuré-
je d’une voix chevrotante dans son cou.

Elle glousse et se détache de moi, le regard malicieux et curieux.

– Alors ? Tu vas où et tu pars quand ? Je veux tout savoir ! lâche-t-elle


d’un ton euphorique qui change bien de celui utilisé précédemment.
J’imagine que t’as déjà fait les plans dans ta tête !

Heu… non. Pas vraiment.

Pas du tout, en fait.

– Alors, là… aucune idée, réponds-je en haussant les épaules.

Ma meilleure amie tape soudain dans ses mains et commence à rire avant
de se laisser retomber dans le canapé-lit derrière nous. Nerveusement, mon
rire accompagne le sien, peu certaine que la cause de notre hilarité soit la
même.

– T’es pas croyable, Élise ! rit-elle encore. Tu projettes de t’en aller un


mois sans même savoir où ! Il n’y a que toi pour faire ça…
– Ouais, c’est tout moi.

Ma meilleure amie se calme, se redresse puis reprend une respiration


normale.

– On va bien trouver… T’as pas une idée de destination qui te ferait


envie ?
Je puise dans mon esprit, réfléchissant à tous les endroits que j’ai
toujours rêvé de visiter en dehors de Paris et de Disneyland.

– Si, au contraire, il y en a trop.

Jade se concentre. Je le vois à sa petite ride qui se forme au milieu de son


front. La même qui apparaît lorsqu’elle est penchée sur un projet délicat qui
lui demande toute son attention.

– Bon, réfléchissons.

Et je fais de même. Certes, ce sera des vacances, mais hors de question


de me prélasser sur une île paradisiaque ou encore de faire un safari à
l’autre bout du monde. Non, l’idée est de m’isoler loin de toutes nuisances
possibles et de prendre du temps pour moi afin de réfléchir, la tête sur les
épaules et l’esprit reposé. Ça exclut déjà pas mal de destinations.

– L’Italie ? me propose ma meilleure amie, incertaine. C’est pas trop loin


de Paris et les Italiens sont canon.

Je secoue la tête, répondant par la négative.

– Je ne veux pas de mec, Jade, la contredis-je, et, pour tout te dire, je


pensais plus à la tranquillité des Alpes, par exemple.

Elle souffle sans discrétion.

– Ouais, sauf que t’as pas 80 ans, quoi.

Jade fait la moue et replonge dans ses pensées, peu convaincue par mon
idée. Mais au même moment, la playlist de ma colocataire entonne une de
mes chansons préférées, et, soudain, l’évidence me saute aux yeux. Je sais
désormais où je vais.

– Monte le son !

Sans sourciller, Jade s’exécute à l’aide de son téléphone. Et lorsque Ed


Sheeran entame le refrain d’une de mes chansons préférées, mon amie me
regarde, le sourire jusqu’aux oreilles.

Elle aussi a compris.

Sur place, je jubile.

– C’est évident, non ?

Jade opine du chef.

– Ça l’est carrément.

Une contrée reculée, des paysages verdoyants à perte de vue que je


pourrais peindre pendant des heures, pas un mec à des kilomètres à la ronde
ni qui que ce soit d’autre et un pays mystique et fascinant que j’ai toujours
eu envie de découvrir : l’Irlande.

Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ?

– Galway, chérie.
3

Élise

Vert : renaissance

– Tout est prêt ?

Jade se tient sur le seuil de la porte de ma chambre, adossée contre le


chambranle, et me regarde avec douceur et bienveillance comme à son
habitude. J’ai comme l’impression d’être une enfant qui part en colonie
pour la première fois et qui prépare ses affaires sous le regard attentif de sa
mère. Et même si ça me fait drôle de penser que ma meilleure amie endosse
ce rôle, c’est quand même un peu le cas. Avant de lui répondre, je monte sur
mon lit et m’assois sur ma nouvelle valise pour m’aider à la fermer.

– Ouais, je crois.

Jade entre et se dirige vers moi pour donner le dernier coup de fermeture
Éclair à ma valise, qui ressemble maintenant sacrément à un ballon trop
gonflé.

– Si elle explose pas avant ton arrivée à Costelloe, t’auras sacrément de


la chance, lance-t-elle avec sarcasme en riant à peine.

Ensemble, nous regardons ma valise et explosons de rire même si nous


sommes en réalité toutes les deux plus nerveuses que jamais. Et pour cause,
depuis que nous vivons ensemble, jamais l’une n’est partie en laissant
l’autre. Encore moins pour autant de temps.
– T’as pas tout vu… insinué-je en pointant du doigt ma seconde valise
qui partira en cabine avec moi.

Jade fait les gros yeux puis s’attarde sur moi.

– T’es sérieuse ?
– Mmm… oui, validé-je. Je pars au minimum un mois, Jade. T’imagines
un peu le nombre de tenues qu’il me faut ?

Ma meilleure amie arque un sourcil en détournant le regard.

– Et le nombre de couleurs, surtout… crache-t-elle en faisant semblant


de tousser.

Je lui envoie un coup sur l’épaule.

– Eh ! Je t’ai entendue !

Jade se met à rire et hausse les épaules, l’air faussement détachée,


comme si ce n’était pas elle qui avait prononcé la phrase. Je la regarde,
attendrie, et enregistre son rire pour m’en souvenir à des moments où
j’aurais besoin de l’entendre. Des moments où je me sentirais seule.

– Ça va me manquer, tout ça.

Ma colocataire se tourne vers moi et acquiesce en silence, le regard rivé


vers ses pieds.

– Ouais… et tu sais ce qui va te manquer aussi ?

Je secoue la tête, les sourcils froncés, et agite mes mains en l’incitant à


poursuivre.

– Les mecs et le sexe ! s’exclame-t-elle en tapant dans ses mains. Alors


dis-moi que t’as pris ton sextoy, Élise.

Je soupire avant de répondre, me mordant les lèvres pour réprimer un


sourire.
– Ça ne te regarde vraiment pas, Jade.
– Tu l’as pris ou pas ?
– Oui, soufflé-je alors que ma colocataire loufoque entame une petite
danse au beau milieu de ma chambre. Et maintenant, sors que je m’habille
vite fait pour ne pas louper mon avion !

Mon amie s’exécute, mais une fois sur le seuil de la porte, elle se
retourne et me lance un regard amusé par-dessus son épaule.

– Je parlais des Italiens, mais les Irlandais sont carrément pas mal aussi,
tu sais…

Sans attendre, j’attrape mon coussin traînant sur mon lit et le lui jette
dessus.

– Sors d’ici !

Elle se retourne et place les paumes de ses mains devant elle en signe de
reddition.

– OK ! Si tu veux, Élise, j’ai un rendez-vous dans trente minutes près de


la gare, je t’y dépose. T’auras certainement plus de chance de trouver un
taxi là-bas qu’ici, au beau milieu de nulle part.

Je secoue la tête, refusant poliment.

– C’est gentil, mais je pensais plutôt marcher et m’y rendre en métro, en


fait.

Jade hausse les sourcils et pointe ma grosse valise du bout du doigt.

– Avec un sac sans roulettes qui pèse trois tonnes et une valise cabine ?

Je suis son regard.

– Ben… ouais… non ?

Jade fait non de la tête en plissant ses lèvres.


– C’est le voyage de ta vie, Élise, fais en sorte qu’il soit agréable dès le
début, me conseille-t-elle. Ne t’envoie pas dans des galères inutiles ou tu le
regretteras rapidement, crois-moi.

Elle a raison, après tout. Faire des petites économies, c’est bien, mais,
parfois, le confort c’est pas mal non plus. Surtout lorsque l’on s’apprête à
prendre un nouveau départ. Alors j’acquiesce d’un signe de tête en la
remerciant silencieusement, puis ferme la porte pour enfiler ma tenue du
jour qui, je l’espère, me donnera force et courage pour aller au bout de mes
idées.

En passant ma robe par-dessus ma tête face à mon miroir sur pied, je


passe en revue dans mon esprit tout ce que je dois faire une fois arrivée à
Galway, terre qui m’est totalement inconnue. Me rendre au bureau de
location des voitures se trouvant à l’aéroport tout en parlant anglais et
trouver le fameux cottage trouvé sur Internet que Mme Fitz a gentiment
accepté de me louer. Puis, enfin, m’installer en plein cœur d’une
magnifique forêt verdoyante qui me tend les bras pour le mois à venir. Et en
profiter pour me retrouver.

Seigneur, que j’ai hâte d’y être.

À peine cinq minutes plus tard, me voilà prête et enjouée.

– Jade, c’est bon ! crié-je dans l’appartement en traînant mes deux


valises comme un prisonnier le ferait avec son boulet.

Lorsque j’arrive dans notre petit salon (faisant aussi office de chambre
de Jade et de cuisine), je remarque que ma meilleure amie me dévisage
d’abord, s’attarde sur ma silhouette ensuite puis apporte la main à sa bouche
pour retenir un rire moqueur.

En plaçant mes poings sur les hanches, je lui lance un regard


interrogateur qu’elle s’empresse de satisfaire.

– Élise, t’as pas osé ? lance-t-elle en pointant ma robe du doigt.


Je ne comprends pas où elle veut en venir. Certes, mon style
vestimentaire est atypique, peu commun et peut surprendre au premier
abord, mais, depuis le temps, je pensais Jade habituée. Il faut croire que je
me suis trompée.

– Osé quoi ? demandé-je en haussant les épaules.


– Du vert pour aller en Irlande, sérieusement ? Non seulement tu crains
parce que des baskets vertes, c’est super laid, mais, en plus, c’est prévisible.

Je souffle, reprenant l’effort de tirer mes bagages pour me diriger vers


l’entrée où se trouvent ma pochette avec tous mes papiers nécessaires, mon
sac et mon manteau. Pour être tout à fait honnête, je suis lasse de devoir
justifier mes choix vestimentaires auprès de mon entourage depuis des
années maintenant. Oui, je décide d’assortir mes tenues pour en faire un
monochrome, et, oui, je décide de ne porter que des robes et des baskets, et
alors ? Les couleurs sont un message important que je souhaite donner aux
personnes dont le regard s’attarde sur moi. Que vous soyez habillé en noir
ou bien en jaune, le message que vous leur renvoyez sera complètement
différent, et vous ne serez pas perçu de la même manière, croyez-moi.

– Arrête, tu sais très bien que ça n’a rien à voir, la contredis-je,


légèrement amère. Le vert est la couleur de l’espoir et de la chance, alors
c’est de circonstance, c’est tout.

Mon amie hoche la tête, assez peu convaincue, et m’aide à attraper ma


grosse valise pour qu’enfin nous puissions filer. Avant de passer la porte, je
dépose une enveloppe cartonnée sur notre petit meuble de l’entrée.

– Les loyers des prochains mois, me justifié-je face à une Jade


interloquée, attendant devant la porte d’entrée, au cas où.
– Je n’en veux pas, refuse-t-elle en secouant la tête tout en attrapant
l’enveloppe pour me la rendre.
– Non, Jade, je…

Elle me coupe la parole.


– Sers-toi de cet argent pour t’offrir des toiles et de la peinture, ou ce que
tu veux d’autre, peu importe tant que ça t’aide dans ton nouveau départ.
Disons que c’est en quelque sorte ma contribution à la nouvelle Élise.

Je devrais insister, mais, pour être honnête, je n’ai pas le cœur à la


contredire et à la blesser ou encore d’entrer dans un débat stérile et sans
intérêt qui nous ferait plus perdre de temps qu’autre chose. Alors, j’attrape
l’enveloppe que Jade me tend puis je l’attire dans mes bras en la remerciant
pour ce geste que je n’oublierai pas. Elle hoche la tête, m’offre un sourire
tendre et m’enlace une dernière fois avant mon grand départ.

Dix minutes plus tard, Jade s’arrête devant la plus grande gare de Paris
qui se trouve sur la route du prochain chantier sur lequel elle travaille. Elle
coupe le moteur et reste silencieuse alors qu’à travers la vitre, je regarde
l’agitation des passagers pressés, écoute les annonces de la gare et suis des
yeux le mouvement de foule qui se crée en pleine heure de pointe. Moi qui
ne suis jamais sortie de Paris et de ses alentours, je ressens une certaine
peur m’envahir. Mon cœur commence à cogner douloureusement contre ma
poitrine, je suis presque certaine que Jade peut l’entendre, elle aussi, même
si elle n’en montre rien.

– La rangée des taxis est là-bas, me montre Jade en me sortant de mes


pensées peu rassurantes. Mais il faut te dépêcher. Premier arrivé, premier
servi.

J’acquiesce, tentant de retrouver une respiration normale.

– Bon… J’y vais alors.

Avant de parler, je ne m’étais pas rendu compte à quel point ma voix


était chevrotante, signe d’une forte appréhension, ni à quel point une boule
s’était formée dans ma gorge pour empêcher mes larmes de couler. Et, après
tout, elle est plutôt légitime. À 25 ans, je n’ai jamais pris l’avion, et encore
moins toute seule. Et voir tous ces gens fourmiller autour de moi et s’agiter,
valise à la main, me rend plus nerveuse que je l’aurais cru. Ce n’est pas tant
la destination qui me fout la frousse, mais plutôt le fait d’y arriver et,
surtout, dans quel état.
– Tout va bien se passer, Élise, tente de me rassurer mon amie en posant
une main sur ma cuisse tremblotant nerveusement, lisant en moi comme
dans un livre ouvert. Comme je t’ai dit, une fois à l’aéroport, tu suis l’écran
des départs et tout sera affiché. Tu ne peux pas te perdre, crois-moi. C’est
un jeu d’enfant.

Je hoche la tête et me penche pour la prendre dans mes bras.

– À dans un mois, me dit-elle en me caressant le dos avant de se détacher


de moi avec un clin d’œil.
– Heu… oui, rétorqué-je, incertaine. Ou à dans deux minutes.

Jade rit en secouant la tête et se penche pour m’ouvrir la portière afin de


m’inciter à sortir. Et je crois que si elle ne l’avait pas fait, je serais
volontiers restée toute la journée dans cette voiture à ressentir un à un tous
les prémisses de mon anxiété, laquelle commence à être difficilement
gérable.

L’instant d’après, Jade est partie. Me voilà maintenant livrée à moi-


même sur le trottoir de la gare, sous la pluie fine habituelle et automnale de
Paris, traînant mes deux bagages et me maudissant à voix haute de ne pas
avoir choisi une valise à roulettes plutôt qu’une qui n’en avait pas et qui
était deux fois moins cher.

Je comprends pourquoi, maintenant !

En arrivant péniblement devant l’allée des taxis, le souffle court et


trempée jusqu’aux os, faute au K-Way que je n’ai pas voulu mettre parce
qu’il n’allait pas avec ma silhouette, j’attends. Il n’y a pas une seule voiture
de taxi ou alors celles qui s’y trouvent sont déjà toutes occupées. Alors,
j’attends encore un peu, rabattant comme je peux mes longs cheveux bruns
et raides en une queue de cheval haute et désordonnée pour ne pas mouiller
davantage mon visage. Enfin, j’aperçois au bout de l’allée une voiture à la
lumière verte qui m’indique que celle-ci est libre.

Chouette !
Je lui fais signe et balance le bras vers elle pour lui indiquer de s’arrêter,
et lorsque je vois son clignotant qui s’éclaire de mon côté, je suis soulagée.
J’ai même envie de pleurer, pourtant, j’ai comme l’impression que mon
périple ne fait que commencer. Je pense au cottage bien chaud et isolé qui
m’attend et qui me tend les bras. Je pense à l’Irlande, à ses pubs et à ses
forêts mystiques et calmes où je pourrai me ressourcer comme j’en ai
tellement besoin. Je pense à l’écriture et à la peinture auxquelles je pourrai
m’adonner sans limites et sans contrainte. Et le sourire me revient,
apportant le courage et l’espoir avec lui.

La voiture s’arrête devant moi et je me retourne pour récupérer mes


valises pour les mettre dans le coffre. Au moment même où je m’apprête à
l’ouvrir, un homme débarque, me bouscule sans même s’excuser et ouvre la
portière de MON taxi pour s’y installer. Éberluée, je lâche l’une de mes
valises pour ne pas m’en encombrer davantage et me dirige droit vers lui
alors qu’il entreprend de grimper dans la voiture. Sans réfléchir un seul
instant, je lui tape l’épaule, me fichant de le froisser, lui ou bien son
costume noir impeccable.

Non mais pour qui il se prend, ce connard ?

– Eh ! Vous faites quoi, là ? C’est mon taxi !

Le principal concerné s’arrête, se retourne puis lance un regard curieux


comme s’il ne m’avait pas vue avant, bien que je sois à peu près certaine du
contraire. Car les hommes comme lui, je les connais. Je les servais tous les
jours au restaurant où je travaillais il y a encore peu. Et croyez-moi, si vous
ne portez pas un costume ou une minijupe avec des escarpins à la semelle
rouge, alors, à leurs yeux, vous ne valez pas grand-chose.

L’homme me toise un bref instant avant de relever les yeux vers mon
visage, à peine surpris.

– Plus maintenant, on dirait, répond-il en haussant une épaule d’un air


détaché, avec une voix grave à l’accent que je n’arrive pas à deviner.
– Oh ! lâché-je, stupéfaite d’une telle ingratitude en claquant les mains
sur mes hanches.
À peine une seconde plus tard, il monte à l’arrière du taxi, referme son
parapluie noir derrière lui et le secoue vers l’extérieur tout en m’aspergeant
d’eau glacée.

Je fais un pas en arrière et l’un de mes pieds tombe dans une flaque
d’eau, humidifiant mes orteils au fond de mes chaussettes.

– Mais faites attention, bon sang !

Aussi méprisant qu’arrogant, l’homme ne daigne même pas me regarder.


Décidée à ne pas me laisser faire par ce genre d’être humain ingrat, je
courbe mon dos et passe la tête à travers la vitre entrouverte de la voiture
alors que le chauffeur de taxi semble attendre patiemment en mâchouillant
vulgairement un chewing-gum.

– Je l’ai attendu, ce taxi ! Et sous la pluie, en plus ! Vous n’avez pas le


droit de me le prendre comme ça !

L’homme insolent s’installe tout de même confortablement sur le siège


en cuir et se rappelle que j’existe en m’offrant un sourire navré et un regard
sombre qui ne m’intimide même pas.

Raté, connard.

– Pensez à vous offrir un parapluie la prochaine fois, ça vous évitera


d’être toute mouillée, me conseille-t-il avec sarcasme d’une voix grave et
d’un ton glacial à figer le sang.

J’ignore s’il est ironique ou bien le plus sérieux du monde tant son
visage est des plus impassibles et des plus énigmatiques. Et même si je suis
furieuse et en colère contre lui, je ne sais trop comment réagir.

– Mais vous n’avez pas de cœur, c’est pas possible.

Il se contente de sourire faiblement avant de détourner son regard vers le


chauffeur qui éclate une bulle de chewing-gum au même moment.
– L’aéroport, s’il vous plaît.

Je balance les bras devant moi, toujours sous le choc d’un tel
comportement odieux à mon égard. Je jure que si Dieu m’en donnait la
force, je mettrais un bon coup de poing au beau milieu de son joli minois
arrogant d’homme d’affaires se croyant tout permis.

Mais non, je me contente de ravaler ma fierté afin d’arriver à l’heure


pour prendre mon avion et arriver entière à Galway.

– C’est là que je vais aussi ! Nous pourrions partager le taxi ! lancé-je en


dernier recours.

L’homme aux cheveux clairs mais aux grands yeux noirs se met à ricaner
faiblement en secouant la tête, ne m’offrant pas même l’ombre d’un seul
regard.

– Je ne crois pas, non.

D’un geste assuré, il ferme la portière et la vitre de la voiture. Le taxi


quitte sans attendre la chaussée, me laissant seule avec mes bagages,
trempée et déprimée au beau milieu d’une gare inconnue, à l’autre bout de
l’aéroport.

– Mais quel connard ! crié-je dans le vide.

Mon voyage commence bien, on dirait.

– Prends le taxi pour éviter les galères inutiles, elle m’a dit, grogné-je en
pestant contre ma meilleure amie.

Je tape même du pied, c’est dire.

À suivre,
dans l'intégrale du roman.
Disponible :

L’Irlandais d’à côté


En pleine période de remise en question, Élise décide de tout quitter pour
aller s’isoler au fin fond de l’Irlande afin de donner un nouveau souffle à sa
vie. Elle s’installe dans un petit cottage perdu au milieu d’un paysage
majestueux du comté de Galway : le rêve !
Seule ombre au tableau : un homme, certes très beau et charmeur, mais
également arrogant comme pas deux, semble la suivre depuis l’aéroport. Et
pour cause, il habite le majestueux manoir voisin qu’Élise admire tous les
soirs de sa fenêtre.
Elle l’ignorerait bien si seulement il ne se trouvait pas aussi souvent sur son
chemin. De plus, Élise est beaucoup trop curieuse pour ne pas s’intéresser
aux rumeurs qui courent dans la ville sur le manoir et son propriétaire.
Bonne ou mauvaise idée que de vouloir percer à jour le mystère qui entoure
Joshua Sullivan ? Ce qui est certain, c’est que cet homme ne la laisse pas du
tout indifférente, et que même si Élise prend le parti de lui résister, Joshua
semble décidé à jouer avec la petite Française…
Retrouvez
toutes les séries
des Éditions Addictives
sur le catalogue en ligne :

http://editions-addictives.com
« Toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le
consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite
(alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par
quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée
par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

© EDISOURCE, 100 rue Petit, 75019 Paris

Avril 2023

ISBN 9791025759073

© Kiselev Andrey Valerevich – Shutterstock.com

ZMES_001

Vous aimerez peut-être aussi