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Vincent Pouthier
Institut UTINAM CNRS
Introduction aux marches quantiques 1
1 Introduction
Figure 1 : Dessin illustrant le principe de base du "PageRank". La taille de chaque visage est
proportionnelle au nombre de liens qui pointent vers lui (Wikipédia).
Compte tenu de l'importance des marches quantiques, leurs propriétés furent étudiées d'un
point de vue théorique sur une multitude de réseaux aussi différents les uns que les autres
(voir l'article de revue [7]) : arbres binaires et arbres collés [15,16], réseaux Apolloniens
[17,18], réseaux étoilés [19-23], dendrimères [24-26], structures fractales [13,27], réseaux
petit-monde [28], réseaux en forme de cycles [29,30] ... etc.
Dans ce contexte, comment concevoir un système nanoscopique sur lequel il serait possible
d'implémenter physiquement une marche quantique ? La réponse à cette question est a
priori relativement simple compte tenu de l'isomorphisme entre une marche quantique en
temps continu sur un réseau et la dynamique d'un exciton de type Frenkel sur un réseau
moléculaire complexe [7] : lorsqu'il se propage de site en site sur un réseau, un exciton
électronique (ou vibrationnel) réalise en quelque sorte une marche quantique. Dans ce cas,
la chimie moderne, avec ses prouesses en termes de synthèse, permet l'élaboration d'une
grande variété de structures que l'on peut qualifier de "graphes moléculaires".
Sur les réseaux complexes, la dynamique excitonique présente des caractéristiques assez
remarquables, essentiellement liées à la nature des états quantiques correspondants. En
effet, la symétrie du réseau entraine l’apparition d’états spécifiques, soit non dégénérés et
donc plus ou moins délocalisés, soit dégénérés. Dès lors, selon les conditions initiales, une
onde excitonique pourra se propager sur le réseau ou à l’inverse se localiser : c’est le
phénomène très important de localisation par dégénérescence. Cette localisation, qui joue
un rôle clé sur les propriétés de transport, est également à l’origine de phénomènes contre-
intuitifs lorsque le réseau se voit perturbé par la présence de défauts, le désordre favorisant
la propagation dans une certaine mesure.
1.2 Références
[1] J.E Gentle: Random Number Generation and Monte Carlo Methods. Springer Verlag, New
York (1998)
[2] S. Kirkpatrick, C.D Gelatt Jr and M.P Vecchi: Optimization by Simulated Annealing, Science
220, 671 (1983)
[3] S. Brin and L. Page: The anatomy of a large-scale hypertextual Web search engine.
Comput. Netw. ISDN Syst. 30, 107 (1998)
[4] B. Georgeot, O. Giraud, and D.L. Shepelyansky: Spectral properties of the Google matrix
of the World Wide Web and other directed networks. Phys. Rev. E 81, 056109 (2010)
[5] S.E. Venegas-Andraca: Quantum Walks: a comprehensive review. Quantum Inf. Process
11, 1015 (2012)
[6] S.D. Berry, P. Brouke, and J.B. Wang: qwViz: Visualisation of quantum walks on graphs.
Comput. Phys. Commun. 182, 2295 (2011)
[7] O. Mulken and A. Blumen: Continuous-time quantum walks: Models for coherent
transport on complex networks. Phys. Rep. 502, 37 (2011)
[8] A. Ambainis: Quantum walks and their algorithmic applications. Int. J. Quantum Inf. 1,
507 (2003)
[9] A.M. Childs: Universal Computation by Quantum Walk. Phys. Rev. Lett. 102, 180501
(2009)
[10] A. Ambainis: Quantum walk algorithm for element distinctness. SIAM J. Comput. 37, 210
(2007)
[11] A.M. Childs and J. Goldstone: Spatial search by quantum walk. Phys. Rev. A 70, 022314
(2004)
[12] A.M. Childs and J. Goldstone: Spatial search and the Dirac equation. Phys. Rev. A 70,
042312 (2004)
[13] E. Agliari, A. Blumen, and O. Mulken: Quantum-walk approach to searching on fractal
structures. Phys. Rev. A 82, 012305 (2010)
[14] E. Farhi, J. Goldstone, and S. Gutmann: A Quantum Algorithm for the Hamiltonian NAND
Tree. Theory Comput. 4, 169 (2008)
[15] A.M. Childs, E. Farhi, and S. Gutmann: An Example of the Difference Between Quantum
and Classical Random Walks. Quantum Inf. Process 1, 35 (2002)
Introduction aux marches quantiques 7
[16] S.R. Jackson, T.J. Khoo, and F.W. Strauch: Quantum walks on trees with disorder: Decay,
diffusion, and localization. Phys. Rev. A 86, 022335 (2012)
[17] A.L. Cardoso, R.F.S. Andrade, and A.M.C Souza: Localization properties of a tight-binding
electronic model on the Apollonian network. Phys. Rev. B 78, 214202 (2008)
[18] X.P. Xu, W. Li, and F. Liu: Coherent transport on Apollonian networks and continuous-
time quantum walks. Phys. Rev. E 78, 052103 (2008)
[19] S. Salimi: Continuous-time quantum walks on star graphs. Ann. Phys.324, 1185 (2009)
[20] X.P. Xu: Exact analytical results for quantum walks on star graphs. J. Phys. A: Math.
Theor. 42, 115205 (2009)
[21] A. Ziletti, F. Borgonovi, G.L. Celardo, F.M. Izrailev, L Kaplan, and V.G. Zelevinsky:
Coherent transport in multibranch quantum circuits. Phys. Rev. B 85, 052201 (2012)
[22] A. Anishchenko, A. Blumen, and O. Mulken: Enhancing the spreading of quantum walks
on star graphs by additional bonds. Quantum Inf. Process 11, 1273 (2012)
[23] V. Pouthier: The excitonic qubit on a star graph: dephasing-limited coherent motion.
Quantum Inf. Process. 14, 491 (2015)
[24] O. Mulken, V. Bierbaum, and A. Blumen: Coherent exciton transport in dendrimers and
continuous-time quantum walks. J. Chem. Phys. 124, 124905 (2006)
[25] V. Pouthier: Exciton localization-delocalization transition in an extended dendrimer. J.
Chem. Phys. 139, 234111 (2013)
[26] V. Pouthier: Disorder-enhanced exciton delocalization in an extended dendrimer. Phys.
Rev. E 90, 022818 (2014)
[27] Z. Darazs, A. Anishchenko, T. Kiss, A. Blumen, and O. Mulken: Transport properties of
continuous time quantum walks on Sierpinski fractals. Phys. Rev. E 90, 032113 (2014)
[28] B.J. Kim, H. Hong, and M.Y. Choi: Quantum and classical diffusion on small-world
networks. Phys. Rev. B 68, 014304 (2003)
[29] X.P. Xu: Coherent exciton transport and trapping on long-range interacting cycles. Phys.
Rev. E 79, 011117 (2009)
[30] X.P. Xu, Y. Ide, and N. Konno: Symmetry and localization of quantum walks induced by
extra link in cycles. Phys. Rev. A 85, 042327 (2012)
[31] D. Astruc, E. Boisselier, and C. Ornelas: Dendrimers designed for functions: from
physical, photophysical, and supramolecular properties to applications in sensing, catalysis,
molecular electronics, photonics, and nanomedicine. Chem. Rev. 110, 1857 (2010)
[32] S. Mukamel: Trees to trap photons. Nature 388, 425 (1997)
[33] T. Minami, S. Tretiak, V. Chernyak, and S. Mukamel: Frenkel-exciton Hamiltonian for
dendrimeric nanostar. J. Lumin. 87-89, 115 (2000)
[34] V. Pouthier, J.C. Light, and C. Girardet: Quantum transport theory of vibrons in a
molecular monolayer. J. Chem. Phys. 114, 4955 (2001)
Introduction aux marches quantiques 8
Compte tenu de la nature aléatoire du phénomène (Figure 4), il est impossible de décrire
avec exactitude la trajectoire du marcheur. Il convient alors d’adopter une description
probabiliste via l’introduction de la probabilité 𝑃𝑛 (𝑡) pour que le marcheur occupe le n-ième
nœud du réseau à l’instant 𝑡. Connaissant la position initiale du marcheur, le but de la
théorie est donc de caractériser l’évolution au cours du temps des probabilités d’observer le
marcheur sur tel ou tel nœud du réseau.
Pour cela, introduisons 𝑊 la probabilité par unité de temps pour que le marcheur réalise un
saut entre deux nœuds voisins (Figure 5). Dans l’hypothèse d’un processus markovien, la
probabilité d’observer le marcheur sur le nœud 𝑛 à un instant 𝑡 + 𝑑𝑡 dépend uniquement
des probabilités d’occupation des nœuds à l’instant précédent 𝑡. Ainsi, pour que le marcheur
soit en 𝑛 à 𝑡 + 𝑑𝑡, il faut i) qu’il occupe le nœud 𝑛 + 1 à l’instant 𝑡 et qu’il réalise un saut
vers le nœud 𝑛 entre 𝑡 et 𝑡 + 𝑑𝑡 (probabilité 𝑃𝑛+1 (𝑡) × 𝑊𝑑𝑡) , ou ii) qu’il occupe le nœud
𝑛 − 1 à l’instant 𝑡 et qu’il réalise un saut vers le nœud 𝑛 entre 𝑡 et 𝑡 + 𝑑𝑡 (probabilité
𝑃𝑛−1 (𝑡) × 𝑊𝑑𝑡), ou iii) qu’il occupe le nœud 𝑛 à l’instant 𝑡 et qu’il ne réalise pas de saut
vers les nœuds 𝑛 ± 1 (probabilité 𝑃𝑛 (𝑡) × (1 − 2𝑊𝑑𝑡)). La probabilité d’observer le
marcheur sur le nœud 𝑛 à l’instant 𝑡 + 𝑑𝑡 s’écrit donc :
Soit :
Dans la limite 𝑑𝑡 tend vers zéro, on voit apparaitre l’opération de dérivée temporelle1, si
bien que l’évolution des probabilités d’occupation des nœuds est gouvernée par une
« équation maitresse » qui s’écrit :
Cette équation maitresse décrit un processus de diffusion des probabilités. Elle se résout
assez simplement. En particulier, elle permet de montrer que l’écart quadratique moyen de
la position du marcheur suit une loi spécifique au phénomène de diffusion, à savoir une loi
linéaire qui s’écrit :
𝜕𝜓(𝑥, 𝑡) ℏ2 𝜕 2 𝜓(𝑥, 𝑡)
𝑖ℏ =−
𝜕𝑡 2𝑀 𝜕𝑥 2
1
𝑃𝑛̇ (𝑡) = lim (𝑃𝑛 (𝑡 + 𝑑𝑡) − 𝑃𝑛 (𝑡))/𝑑𝑡
𝑑𝑡→0
Introduction aux marches quantiques 10
D’après le cours de base de mécanique quantique [4], on sait que la solution de cette
équation est une onde plane de vecteur d’onde 𝑘 et d’énergie 𝐸(𝑘 ) relié par la relation de
dispersion :
ℏ2 𝑘 2 𝐸 (𝑘 )
𝐸 (𝑘 ) = ⇒ 𝜓(𝑥, 𝑡) = 𝜓0 exp [𝑖 (𝑘𝑥 − 𝑡)]
2𝑀 ℏ
Dans ce contexte, pour introduire l’idée d’un espace discret sur lequel se propagerait une
particule quantique, introduisons la définition de l’opération de dérivation spatiale. En effet,
d’après les cours de mathématique, on a :
Où 𝜓𝑛 (𝑡) désigne la fonction d’onde de la particule sur le n-ième nœud du réseau occupant
la position 𝑥 = 𝑛𝑎. Dans ces conditions, la propagation de la particule est décrite par une
version discrète de l’équation de Schrödinger qui s’écrit [5] :
𝜕𝜓𝑛 (𝑡) ℏ2
𝑖ℏ =− [𝜓 (𝑡) + 𝜓𝑛−1 (𝑡) − 2𝜓𝑛 (𝑡)]
𝜕𝑡 2𝑀𝑎2 𝑛+1
1
𝐽=−
2𝑀𝑎2
l’équation maitresse qui gouverne la dynamique d’une marche aléatoire classique avec les
correspondances suivantes :
𝑃𝑛 (𝑡) ⟷ 𝜓𝑛 (𝑡)
𝑊⟷𝐽
Par exemple, pour une marche quantique en temps continu, l’écart quadratique moyen de la
position de la particule suit une loi spécifique au phénomène de propagation, à savoir une loi
quadratique qui s’écrit :
2.3 Références
[1] J. Rudnick and G. Gaspari: Elements of the Random Walk : An introduction for Advanced
Students and Researchers, Cambridge University Press, 2004
[2] https://www.f-legrand.fr/scidoc/docmml/sciphys/physistat/metropolis/metropolis.html :
Référence sur l’algorithme de Metropolis
[3] https://info.blaisepascal.fr/nsi-arbres/ :Référence sur les arbres en informatique
[4] C. Ngo and H. Ngo: Physique quantique : introduction, Dunod 2005
[5] T.G. Wong, L. Tarrataca, and N. Nahilmov: Laplacian versus adjacency matrix in quantum
walk search Quantum Inf. Process. 15, 4029 (2016)
Introduction aux marches quantiques 12
Le concept de marche quantique en temps continu sur un réseau complexe peut se formuler
de manière très formelle par analogie avec l’idée de marche aléatoire classique. Dans ce cas,
le réseau complexe s’apparente à un graphe au sens mathématique du terme. Par définition,
un graphe est composé de N nœuds, repérés par un indice 𝑛 = 1,2, … . , 𝑁, et de liens reliant
certains de ces nœuds [1]. On appelle alors N l’ordre du graphe. Le degré d'un nœud 𝑛 noté
𝑧𝑛 est le nombre de liens qui émanent de ce nœud. Dès lors, deux nœuds reliés par un lien
sont dits adjacents. Dans notre étude, nous concentrerons notre attention sur les réseaux
sans boucle dits non-orientés sur lesquels les liens peuvent être parcourus dans les deux
sens.
A chaque nœud 𝑛 du réseau, on associe un vecteur de base noté |𝑛⟩ dans un espace
vectoriel ℇ de dimension N. On suppose alors que l’ensemble des N vecteurs {|𝑛⟩}𝑛=1,…,𝑁
forme une base orthonormée complète, appelée base locale :
La nature du réseau est encodée dans deux matrices fondamentales en théorie des graphes.
La première est la matrice d’adjacence 𝐴. Dans la base locale, la matrice d’adjacence est une
matrice (𝑁 × 𝑁) dont les éléments 𝐴𝑛𝑛′ sont définis ainsi :
Sur un tel réseau, une marche quantique en temps continue sera caractérisée par une
équation de type Schrödinger pour la fonction d’onde du marcheur 𝜓𝑛 (𝑡) :
possède la dimension de l’inverse d’un temps qui représente la fréquence d’une transition
entre deux nœuds. On notera que les deux types de marches peuvent être assez différentes
selon la nature du graphe [6].
Dans ces conditions, la dynamique quantique de la particule est décrite par un Hamiltonien
de liaisons fortes dont la représentation dans la base locale s’écrit :
𝐽𝑛𝑛′ 𝑠𝑖 𝑛 ≠ 𝑛′
𝐻𝑛𝑛′ = {
𝜀𝑛 𝑠𝑖 𝑛 = 𝑛′
Sur le réseau, l’état quantique de la particule à l’instant 𝑡 est décrit par sa fonction d’onde
𝜓𝑛 (𝑡). L’évolution spatio-temporelle de la fonction d’onde est gouvernée par l’équation de
Schrödinger suivante :
Cette équation est représentée via un réseau simple (pas de boucle ni de double lien) non-
orienté coloré à N nœuds. Chaque nœud est associé à un état quantique local, c’est-à-dire
une unité moléculaire locale, dont la couleur est caractéristique de l’énergie de la particule
sur l’unité en question. Les nœuds sont alors connectés les uns aux autres selon les valeurs
Introduction aux marches quantiques 14
de la matrice des constantes de saut 𝐽𝑛𝑛′ . Les liens entre nœuds ayant une valeur, on dit que
le graphe est pondéré.
Par exemple, comme illustré Figure 7, considérons un graphe d’ordre 3 qui caractérise une
marche quantique en temps continu sur un réseau à 3 unités moléculaires. Lorsqu’elle est
localisée sur l’unité 1, la particule occupe l’état |1⟩ et possède une énergie 𝜀1 . De même,
lorsqu’elle est localisée sur l’unité 2, la particule occupe l’état |2⟩ et possède une énergie 𝜀2 .
Enfin, lorsqu’elle se trouve sur l’unité 3, la particule occupe l’état |3⟩ et possède une énergie
𝜀3 . Il existe une interaction moléculaire 𝐽’ entre les unités 1 et 2 d’une part, et une
interaction moléculaire 𝐽 entre les unités 1 et 3 d’autre part. Cependant, la particule ne peut
pas faire de transition entre les unités 2 et 3. Avec ces notations, la marche quantique sur un
tel réseau est caractérisée par un Hamiltonien dont la représentation matricielle dans la
base locale |1⟩, |2⟩ , |3⟩ est la suivante :
𝜀1 𝐽′ 𝐽
𝐻 = ( 𝐽′ 𝜀2 0)
𝐽 0 𝜀3
Dans ces conditions, les équations dynamiques qui décrivent la marche quantique sur ce
graphe d’ordre 3 sont :
3.3 Références
Les réseaux linéaires sont très intéressants car on les rencontre souvent en physique de la
matière condensée (Figure 8). Ce sont des réseaux unidimensionnels qui apparaissent
localement invariants par translation, à l’exception du réseau 1D infini qui présente
réellement cette invariance. Un exemple physique correspond aux chaines d’atomes de
carbones, appelées carbynes lorsqu’elles sont infiniment longues [1].
Ils possèdent une invariance par rotation. Un exemple particulier est encore donné par une
chaine d’atomes de carbone fermée sur elle-même appelée cyclocarbone. Une telle
molécule fut obtenue par une équipe de chercheurs de l’université d’Oxford et d’IBM
Research [2], en manipulant les atomes un à un sans faire s’effondrer la structure. Ce
cyclocarbone devrait avoir des propriétés fantastiques pour un nouveau type d’électronique.
Introduction aux marches quantiques 17
Le graphe roue s’obtient en ajoutant un nœud « centre » connecté à tous les sommets du
graphe en anneau (Figure 10).
Le graphe complet (Figure 11) est une généralisation de l’anneau au niveau duquel chaque
nœud et connecté à l’ensemble des autres nœuds. Il possède aussi une invariance par
rotation.
Le réseau étoilé est un graphe très intéressant d’un point de vue théorique (Figure 12). C’est
l’une des structures les plus régulières de la théorie des graphes. Organisé autour d'un nœud
central à partir duquel partent des branches de longueur variable, il présente l'arborescence
locale des réseaux irréguliers et complexes. Cependant, sa topologie reste suffisamment
simple pour que des calculs analytiques puissent être effectués.
Introduction aux marches quantiques 18
Les arbres appartiennent à une famille de réseaux que l’on retrouve beaucoup en chimie
supramoléculaire, en biologie mais aussi en informatique (Figure 13). Leur forme évoque la
ramification des branches d'un arbre, un peu à l’instar des dendrimères. Un arbre est un
réseau acyclique : il est impossible de partir d'un nœud et d'y revenir sans rebrousser
chemin à un moment. C’est aussi un réseau connexe : il est toujours possible d'aller d'un
nœud à un autre par un chemin de liens.
4.8 La fractale T
Une figure fractale est un objet mathématique qui présente une structure similaire à toutes
les échelles. C'est un objet géométrique « infiniment morcelé » dont des détails sont
observables à une échelle arbitrairement choisie. En zoomant sur une partie de la figure, il
est possible de retrouver toute la figure ; on dit alors qu’elle est « autosimilaire ».
Par exemple, la fractale T est une structure hyperbranchée déterministe qui se construite de
manière itérative (Figure 15). La génération de départ 𝑔 = 0 correspond à un lien qui
connecte deux nœuds. Dès lors, la génération 𝑔 > 0 s’obtient à partir de la génération 𝑔 −
1 en remplaçant chaque lien par un 𝑇. Les connections entre liens définissent alors les
nouveaux nœuds du réseau.
Introduction aux marches quantiques 20
4.9 Références
[1] G. Candiotto et al.: Strain, Anharmonicity and Finite-Size Effects on the Vibrational
Properties of Linear Carbon Chains. Phys Rev B in press (2024)
[2] K. Kaiser et al.: An sp-hybridized molecular carbon allotrope, cyclo[18]carbon. Science
365, 1299 (2019)
[3] D. Astruc, E. Boisselier, and C. Ornelas: Dendrimers designed for functions: from physical,
photophysical, and supramolecular properties to applications in sensing, catalysis, molecular
electronics, photonics, and nanomedicine. Chem. Rev. 110, 1857 (2010)
[4] S. Mukamel: Trees to trap photons. Nature 388, 425 (1997)
Introduction aux marches quantiques 21
𝜕|𝜓(𝑡)⟩
𝑖 = 𝐻|𝜓(𝑡)⟩
𝜕𝑡
Les états propres stationnaires du marcheur quantique sont les vecteurs propres de
l’Hamiltonien. Ils sont associés aux énergies propres du marcheur qui sont les valeurs
propres correspondantes. On note alors |𝜙𝜇 ⟩ le 𝜇 −ième vecteur propre associé à la valeur
propre 𝐸𝜇 avec 𝜇 = 1,2, … . , 𝑁. On a :
𝐻|𝜙𝜇 ⟩ = 𝐸𝜇 |𝜙𝜇 ⟩
L’ensemble des vecteurs propres forme une base orthonormée et complète appelé base
propre. Dans cette base, la représentation de l’Hamiltonien est diagonale.
Introduction aux marches quantiques 22
L'intégration formelle de l'équation de Schrödinger nous permet d'introduire l'un des objets
les plus important pour caractériser les propriétés de la marche quantique. Il s'agit de
l'opérateur d'évolution 𝑈(𝑡) défini par :
𝜕𝑈(𝑡)
𝑖 = 𝐻𝑈(𝑡) 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑈(0) = 1
𝜕𝑡
5.4.1 Probabilité
La probabilité fournit des informations clés sur la manière dont le marcheur quantique se
propage et/ou se localise sur le réseau. Sa connaissance permet de calculer la position
moyenne du marcheur. Elle donne aussi accès au carré moyen de la position du marcheur et
permet de ce fait de savoir si le mouvement de celui-ci est plutôt cohérent ou diffusif. On
notera que si à 𝑡 = 0 le marcheur se trouve sur un nœud 𝑛0 , la probabilité s’écrit
directement en fonction de l’opérateur d’évolution :
Dans les réseaux de taille finie, la probabilité 𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) ne converge pas vers une valeur
stationnaire car une dynamique unitaire apparaît. Au lieu de cela, elle fluctue autour d’une
distribution moyenne appelée probabilité limite 𝑃̅𝑛|𝑛0 . Celle-ci s’écrit :
1 𝑇
𝑃̅𝑛|𝑛0 = lim ∫ 𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡)𝑑𝑡
𝑇→∞ 𝑇 0
Introduction aux marches quantiques 23
Le taux de participation inversé, appelé IPR pour l’ anglais inverse participation ration, est
une grandeur qui permet de caractériser la nature des états propres du marcheur quantique.
En particulier, il fournit une information sur le caractère étendu ou localisé des états propres
du marcheur. Pour le 𝜇 −ième état propre il s’écrit :
1
𝑅𝜇 = 4
∑𝑛|𝜙𝜇𝑛 |
Avec cette définition, un état localisé sur un nœud du réseau est caractérisé par un IPR égal
à 1. En revanche, l’IPR d’un état entièrement délocalisé sur l’ensemble des nœuds du réseau
est proche de N.
1
𝑅 (𝑡 ) =
∑𝑛|𝜓𝑛 (𝑡)|4
Il représente le nombre de nœuds visités par le marcheur durant la marche quantique. Égal à
l'unité lorsque la fonction d'onde est localisée sur un seul site, il atteint N lorsque le
marcheur devient uniformément délocalisé sur l’ensemble du réseau.
5.5 Références
[1] O. Mulken and A. Blumen: Continuous-time quantum walks: Models for coherent
transport on complex networks. Phys. Rep. 502, 37 (2011)
Introduction aux marches quantiques 24
𝜀 𝐽
𝐻=( 0 )
𝐽 𝜀0
Dans ces conditions, nous allons supposer qu’initialement le marcheur occupe le nœud 𝑛 =
1 du réseau. Les équations dynamiques qui décrivent l’évolution de la fonction d’onde du
marcheur sont :
Par dérivation temporelle, il est relativement de simple de découpler ces deux équations
pour finalement obtenir les deux équations indépendantes suivantes :
1
|±⟩ = [|1⟩ ± |2⟩]
√2
𝐸+/− = 𝜀0 ± 𝐽
A l’instant 𝑡, l’état quantique du marcheur étant défini par |𝜓(𝑡)⟩ = 𝑈(𝑡)|𝜓(0)⟩, la fonction
d’onde s’obtenant par projection sur la base locale, on a :
Compte tenu de l’expression des états propres, on retrouve les expressions de la fonction
d’onde du marcheur sur le dimère quantique :
1
𝑃1 (𝑡) = 𝑐𝑜𝑠 2(𝐽𝑡) = [1 + cos(2𝐽𝑡)]
2
1
𝑃2 (𝑡) = 𝑠𝑖𝑛2 (𝐽𝑡) = [1 − cos(2𝐽𝑡)]
2
Introduction aux marches quantiques 26
Comme illustré sur la Figure 17, Les populations sont des fonctions périodiques dont la
pulsation propre Ω = 2𝐽 est égale à la fréquence de Bohr du réseau, c’est-à-dire à la
différence entre les énergies des deux états propres du marcheur : Ω = 𝐸+ − 𝐸− . Ainsi, le
marcheur étant initialement sur le nœud 𝑛 = 1, la probabilité 𝑃1 (𝑡) d’observer le marcheur
en 𝑛 = 1 décroit au cours du temps à partir de l’unité pour s’éteindre à 𝑡 = 𝜋/Ω. Sur le
même laps de temps, la probabilité 𝑃2 (𝑡) d’observer le marcheur en 𝑛 = 2 augmente à
partir de zéro pour atteindre l’unité. En d’autres termes, au bout d’une demi-période de
Bohr 𝑡 = 𝜋/Ω nous sommes certains d’observer le marcheur sur le nœud 𝑛 = 2 ce qui
traduit une délocalisation parfaite de ce dernier sur le réseau. Lorsque le temps s’écoule,
la probabilité 𝑃1 (𝑡) croit alors que 𝑃2 (𝑡) décroit si bien qu’au bout d’une période de Bohr
𝑇 = 2𝜋/Ω on retrouve la situation initiale où le marcheur occupe le nœud 𝑛 = 1 !
Sachant que 𝑃1 (𝑡) + 𝑃2 (𝑡) = 1, on peut poser 𝑄 (𝑡) = 𝑃1 (𝑡) − 𝑃2 (𝑡). D’après l’équation
maitresse, on a :
Le calcul des probabilités d’occupation des nœuds est relativement simple et on obtient :
1 1
𝑃1 (𝑡) = 2 [1 + exp(−2𝐽𝑡)] et 𝑃2 (𝑡) = 2 [1 − exp(−2𝐽𝑡)]
Les équations de la marche classique traduisent un processus de retour vers l’équilibre pour
lequel le marcheur peut occuper les deux nœuds du réseau avec une même probabilité ½
(Figure 18). Cela traduit donc une décroissance de 𝑃1 (𝑡) et une croissance de 𝑃2 (𝑡).
Pour conclure, on notera l’absence de phénomènes oscillants dans la marche classique, les
oscillations étant bien souvent une caractéristique purement quantique liée à un processus
d’interférence, comme discuté précédemment.
Introduction aux marches quantiques 29
Pour rechercher les états propres du marcheur, nous allons les développer sur la base locale
si bien que tout état propre |𝜙⟩ d’énergie 𝐸 s’écrit :
|𝜙⟩ = ∑ 𝜙𝑛 |𝑛⟩
𝑛=1
Où 𝜙𝑛 est la fonction d’onde stationnaire du marcheur. Par projection sur la base locale,
l’équation de Schrödinger indépendante du temps 𝐻 |𝜙⟩ = 𝐸|𝜙⟩ est un système à N
équations couplés qui s’écrit :
1
𝜙𝑞,𝑛 = exp(𝑖𝑞𝑛)
√𝑁
Introduction aux marches quantiques 30
En imposant des conditions aux limites périodiques 𝜙𝑞,𝑁+1 = 𝜙𝑞,1 , le vecteur d’onde peut
prendre N valeurs différentes 𝑞 = 2𝜋𝑝/𝑁 avec 𝑝 = −(𝑁 − 1)/2, … , +(𝑁 − 1)/2 (pour N
impair). On notera l’introduction d’un indice 𝑞 pour spécifier que la fonction d’onde en
question est une onde plane de vecteur d’onde 𝑞.
Ainsi, les fonctions d’ondes propres du réseau 𝜙𝑞,𝑛 correspondent à N ondes planes dont le
vecteur d’onde 𝑞 prend N valeurs à l’intérieur de la première zone de Brillouin 𝑞 ∈ [−𝜋, +𝜋].
La restriction des valeurs du vecteur d’onde est une conséquence de la discrétisation de
l’espace qui fait que toute fonction d’onde dont la longueur d’onde est inférieure au pas du
réseau n’a aucune signification physique. Il existe donc une longueur d’onde minimum, c’est-
à-dire un vecteur d’onde maximum. Chaque fonction d’onde 𝜙𝑞,𝑛 de vecteur d’onde q est la
représentation dans la base locale d’un vecteur propre noté |𝜙𝑞 ⟩ qui s’écrit :
𝑁
1
|𝜙𝑞 ⟩ = ∑ 𝑒 𝑖𝑞𝑛 |𝑛⟩
√𝑁 𝑛=1
A l'instar de la base locale, l'ensemble des vecteurs {|𝜙𝑞 ⟩} forme une base complète et
orthonormée appelée base étendue. Les propriétés de cette base se démontrent aisément
en utilisant les relations suivantes :
1 ′ 1 ′
∑ 𝑒 𝑖𝑞(𝑛−𝑛 ) = 𝛿𝑛𝑛′ 𝑒𝑡 ∑ 𝑒 𝑖(𝑞−𝑞 )𝑛 = 𝛿𝑞𝑞′
𝑁 𝑁
𝑞 𝑛
𝐸𝑞 = 𝜀0 + 2𝐽𝑐𝑜𝑠(𝑞)
Les valeurs propres de H définissent une bande permise qui s'étend entre 𝜀0 − 2𝐽 et 𝜀0 + 2𝐽.
De tels états apparaissent totalement délocalisés le long du réseau si bien que tout
marcheur dont l'énergie appartient à cette bande pourra se propager librement le long du
réseau. Pour une onde plane de vecteur d'onde q, cette propagation s'effectue à la vitesse
de groupe 𝑣𝑞 = |𝜕𝑞 𝐸𝑞 | = 2𝐽 |𝑠𝑖𝑛(𝑞)|. La bande permise contenant N états étendus, le
nombre d'états dont l'énergie est comprise entre 𝐸 et 𝐸 + 𝑑𝐸 est donné par la densité
d'états 𝑔(𝐸). L'expression de la densité s'obtient à partir de la densité de vecteurs d'onde
𝑔(𝑞) = 1/2𝜋 à l'intérieur de la première zone de Brillouin : 𝑔(𝐸)𝑑𝐸 = 2𝑔(𝑞)𝑑𝑞, où le
facteur 2 provient de la parité des énergies propres. On en déduit :
1 1
𝑔 (𝐸 ) = =
𝜋𝑣(𝐸) 𝜋√4𝐽2 − (𝐸 − 𝜀0 )2
On notera que la densité d'états est normalisée à l'unité. Elle montre deux divergences sur
les bords de bande qui traduisent l'annulation de la vitesse de groupe.
Introduction aux marches quantiques 31
𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡
𝜓𝑛 (𝑡) = ∑ 𝑒 𝑖[𝑞(𝑛−𝑛0 )−2𝐽𝑐𝑜𝑠(𝑞)𝑡]
𝑁
𝑞
𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡 +𝜋
𝜓𝑛 (𝑡) = ∫ 𝑑𝑞 𝑒 𝑖[𝑞(𝑛−𝑛0 )−2𝐽𝑐𝑜𝑠(𝑞)𝑡]
2𝜋 −𝜋
𝑖 −𝑚 +𝜋
𝐉𝑚 (𝑡) = ∫ 𝑑𝑞 𝑒 𝑖[𝑞𝑚+𝑧𝑐𝑜𝑠(𝑞)𝑡]
2𝜋 −𝜋
On en déduit
Finalement, la probabilité 𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) d’observer le marcheur quantique sur le n-ième nœud du
réseau à l’instant 𝑡 sachant qu’il était initialement sur le site 𝑛0 s’écrit :
2
𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) = 𝐉𝑛−𝑛 0
(2𝐽𝑡)
Figure 21 : Marche quantique sur une réseau 1D (notations 𝑃𝑛 (𝑡) ≡ 𝑃𝑛|0 (𝑡) 𝑒𝑡 𝑛 ≡ 𝑛 − 𝑛0 )
Introduction aux marches quantiques 33
𝑚=+∞
2( )
𝐉0 (𝑤) = ∑ 𝐉𝑚 𝑢 cos (𝑚𝑥)
𝑚=−∞
Pour conclure, on notera que l’analogue classique de la marche quantique sur le réseau
linéaire est caractérisé par une équation maitresse pour les probabilités d’occupations des
nouds s’écrit (voir chapitre 2 paragraphe 2.2 avec 𝑊 = 𝐽) :
Cette équation maitresse décrit non pas un phénomène de propagation cohérente mais un
processus de diffusion incohérente du marcheur classique. Elle se résout assez simplement
via l’introduction des fonctions de Bessel modifiée ce qui permet de montrer que l’écart
quadratique moyen de la position du marcheur suit une loi spécifique au phénomène de
diffusion, à savoir une loi linéaire qui s’écrit : ∆𝑛2 (𝑡) = 2𝐽𝑡.
La position du front de diffusion varie donc comme ∆𝑛(𝑡) = √2𝐽𝑡, ce qui diffère totalement
de la position du front d’onde quantique qui suit la loi ∆𝑛(𝑡) = √2𝐽𝑡. Comme le montre la
Figure 22, la différence entre les lois linéaire et racine entraine une supériorité de la marche
quantique sur la marche classique au-delà d’un temps critique 𝑡 ∗ = 1/𝐽
7.4 Références
[1] V. Pouthier : Transport quantique dans les réseaux nanoscopiques. Cours Master 2
Université de Franche-Comté (2010) HAL cel-00522010v2
[2] V. Pouthier : Les réseaux quantiques non-linéaires. Cours Master 2 Université de Franche-
Comté (2013). HAL cel-00921418
Introduction aux marches quantiques 35
Le graphe en étoile est l'une des structures les plus régulières de la théorie des graphes.
Organisé autour d'un nœud central, il présente l'arborescence locale des réseaux irréguliers
et complexes. Néanmoins, sa topologie reste suffisamment simple pour que des calculs
analytiques puissent être effectués avec précision.
Comme illustré Figure 23, le système que nous considérons est le graphe en étoile noté S N. Il
définit un « arbre » formé de N branches indépendantes dont les nœuds sont repérés par un
indice 𝑛 = 1, … , 𝑁. Les branches encerclent un nœud central noté 𝑛 = 0 avec lequel elles
établissent une connexion. Chaque nœud 𝑛 est caractérisé par un état quantique local |𝑛⟩
d'énergie 𝜀0 dans lequel se trouve le marcheur lorsqu'il est localisé sur le site 𝑛. Comme
précédemment, l’ensemble des vecteurs {|𝑛⟩}𝑛=0,…,𝑁 forme une base locale complète et
orthonormée qui sous-tend l'espace des états ℇ du marcheur.
𝑁 𝑁
Pour décrire les états propres du marcheur, on peut tirer avantage du fait que son
Hamiltonien H est invariant selon la rotation d’angle 𝜃 = 2𝜋/𝑁 qui est centrée sur le cœur
de l’étoile. Par conséquent, la diagonalisation de H est grandement simplifiée si l’on travaille
dans une base intermédiaire formée d’une part par le vecteur local |𝑛 = 0⟩ et d’autre part
par N états de Bloch orthogonaux |𝜙𝑘 ⟩ avec 𝑘 = 1, 2, . . . 𝑁. Un état de Bloch, qui est état
propre de la rotation discrète d’angle 𝜃, est défini par :
Introduction aux marches quantiques 36
𝑁
1
|𝜙𝑘 ⟩ = ∑ 𝑒 𝑖𝑘𝑛𝜃 |𝑛⟩
√𝑁 𝑛=1
Dans la base {|0⟩, {|𝜙𝑘 ⟩}𝑘=1,…,𝑁 }, il apparait que l’indice k est un bon nombre quantique si
bien que l’Hamiltonien devient diagonal par bloc. Il s’écrit comme une somme directe :
𝐻 = 𝐻1 ⊕ 𝐻2 … .⊕ 𝐻𝑁
Où 𝐻𝑘 est le bloc qui est associé au nombre quantique k. Après quelques calculs
élémentaires qui consistent à évaluer les éléments de matrice de H dans la base
intermédiaire, il apparait qu’il existe deux types de blocs :
𝑁
1
|𝜙𝑁 ⟩ = ∑|𝑛⟩
√𝑁 𝑛=1
Ces deux états sont donc couplés si bien que le bloc 𝐻𝑁 est une matrice (2 × 2) qui
s’écrit :
𝜀 √𝑁𝐽
𝐻𝑁 = ( 0 )
√𝑁𝐽 𝜀0
La représentation de H dans la base intermédiaire {|0⟩, {|𝜙𝑘 ⟩}𝑘=1,…,𝑁 } peut donc être
schématisée par la Figure 24 :
Tout d’abord, l’ensemble des N-1 états de Bloch |𝜙𝑘 ⟩, avec 𝑘 = 1, 2, … 𝑁 − 1, sont des
états propres stationnaires N-1 une fois dégénérés. Ils sont tous associés à une même valeur
propre notée 𝐸𝑘 = 𝜀0 . On notera que ces états propres n’ont des contributions que sur la
périphérie de l’étoile, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent aucune composante sur l’état central
|𝑛 = 0⟩.
Ensuite, le marcheur possède deux états propres issu du couplage entre l’état |0⟩ localisé sur
le cœur et l’état |𝜙𝑁 ⟩ uniformément délocalisé sur la périphérie de l’étoile. Ces deux états,
de même énergie, forme un système à deux niveaux. Ils sont couplés via une constante de
saut qui s’écrit √𝑁𝐽. Dès lors, ce couplage entraine la création de deux états propres |𝜙± ⟩
qui sont des superpositions des deux états |0⟩ et |𝜙𝑁 ⟩ définis par :
1
|𝜙± ⟩ = [|0⟩ ± |𝜙𝑁 ⟩]
√2
Supposons tout d’abord que le marcheur occupe initialement le cœur de l’étoile : |𝜓(0)⟩ =
|0⟩. Compte tenu de la forme de l’Hamiltonien, l’état |0⟩ se couple uniquement à l’état |𝜙𝑁 ⟩
uniformément distribué en périphérie. La dynamique est donc confinée dans le sous-espace
de dimension 2 sous-tendu par les seuls états |0⟩ et |𝜙𝑁 ⟩. En d’autres termes, la dynamique
du marcheur est identique à celle observée sur le réseau à deux sites.
La probabilité d’observer le marcheur sur le cœur du réseau à l’instant t sachant qu’il y a été
initialement déposé est donc définie par :
1
𝑃0|0 (𝑡) = 𝑐𝑜𝑠 2 (√𝑁𝐽𝑡) = (1 + 𝑐𝑜𝑠(2√𝑁𝐽𝑡))
2
𝑖
𝜓𝑛 (𝑡) = 𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡 (𝑒 −𝑖√𝑁𝐽𝑡 ⟨𝑛|𝜙+⟩⟨𝜙+|0⟩ + 𝑒 𝑖√𝑁𝐽𝑡 ⟨𝑛|𝜙−⟩⟨𝜙−|0⟩) = − 𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡 𝑠𝑖𝑛(√𝑁𝐽𝑡)
√𝑁
A ce state, un calcul simple permet de montrer que la fonction d’onde du marcheur dans
l’état uniformément distribué sur la périphérie de l’étoile s’écrit :
1 1
𝑃𝑛|0 (𝑡) = 𝑠𝑖𝑛2 (√𝑁𝐽𝑡) = (1 − 𝑐𝑜𝑠(2√𝑁𝐽𝑡))
𝑁 2𝑁
On notera que la probabilité d’observer le marcheur dans l’état uniformément distribué sur
la périphérie de l’étoile s’écrit :
1
𝑃𝜙𝑁|0(𝑡) = (1 − 𝑐𝑜𝑠(2√𝑁𝐽𝑡))
2
Introduction aux marches quantiques 39
Les probabilités sont des fonctions périodiques dont la pulsation propre Ω𝑁 = 2√𝑁𝐽 est
égale à la différence entre les énergies des deux états propres |𝜙± ⟩ (Figure 26). Ainsi,
initialement sur le nœud centrale 𝑛 = 0, la probabilité 𝑃0|0 (𝑡) d’observer le marcheur au
cœur de l’étoile décroit au cours du temps à partir de l’unité pour s’annuler à 𝑡 = 𝜋/Ω𝑁 . Sur
le même laps de temps, la probabilité 𝑃𝑛|0 (𝑡) d’observer le marcheur sur un nœud
quelconque 𝑛 ≠ 0 de la périphérie augmente à partir de zéro pour atteindre 1/𝑁 : la
probabilité ∑𝑁𝑛=1 𝑃𝑛|0 (𝑡 ) d’observer le marcheur sur la périphérie est donc égale à 1. En fait,
à cette instant, le marcheur occupe l’état |𝜙𝑁 ⟩ uniformément distribué sur les nœuds
périphériques de l’étoile ce qui traduit une délocalisation parfaite entre le cœur et la
périphérie de l’étoile au bout d’une demi-période de Bohr 𝑡 = 𝜋/Ω𝑁 . Lorsque le temps
s’écoule, la probabilité 𝑃0|0 (𝑡) croit si bien qu’au bout d’une période de Bohr 𝑇 = 2𝜋/Ω𝑁 ,
on retrouve la situation initiale où le marcheur occupe le nœud central de l’étoile.
1 𝑁−1
𝜓𝑛0 (𝑡) = 𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡 ( 𝑐𝑜𝑠(√𝑁𝐽𝑡) + )
𝑁 𝑁
1 2
𝑃𝑛0 |𝑛0 (𝑡) = (𝑁 − 1 + 𝑐𝑜𝑠(√𝑁𝐽𝑡))
𝑁2
𝑁−1
−𝑖𝜀0 𝑡 −𝑖√𝑁𝐽𝑡 ⟨ 𝑖 √𝑁𝐽𝑡 ⟨
𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡
𝜓𝑛 (𝑡) = 𝑒 (𝑒 𝑛|𝜙+⟩⟨𝜙+|𝑛0 ⟩ + 𝑒 ⟩⟨ ⟩
𝑛|𝜙− 𝜙−|𝑛0 ) + ∑ 𝑒 𝑖𝑘(𝑛−𝑛0 )𝜃
𝑁
𝑘=1
𝑁−1 𝑁
1 1 1
∑ 𝑒 𝑖𝑘(𝑛−𝑛0 )𝜃 = (∑ 𝑒 𝑖𝑘(𝑛−𝑛0 )𝜃 − 1) = −
𝑁 𝑁 𝑁
𝑘=1 𝑘=1
On obtient donc :
1 1
𝜓𝑛 (𝑡) = 𝑒 −𝑖𝜀0 𝑡 ( 𝑐𝑜𝑠(√𝑁𝐽𝑡) − )
𝑁 𝑁
1 2
𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) = 2
(𝑐𝑜𝑠(√𝑁𝐽𝑡) − 1)
𝑁
1 1
𝑃0|𝑛0 (𝑡) = 𝑠𝑖𝑛2 (√𝑁𝐽𝑡) = (1 − 𝑐𝑜𝑠(2√𝑁𝐽𝑡))
𝑁 2𝑁
Les différentes probabilités sont illustrées Figure 27 pour une étoile contenant N=10
branches. Les probabilités sont des fonctions périodiques. Mais différentes pulsations
propres apparaissent. Ainsi, la probabilité de survie de l’état initial du marcheur 𝑃𝑛0 |𝑛0 (𝑡) et
la probabilité 𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) d’observer le marcheur sur un autre nœud de la périphérie de l’étoile
possèdent une pulsation propre Ω′𝑁 = √𝑁𝐽. Initialement égale à l’unité, la probabilité de
survie décroit au cours du temps pour atteindre un minimum à 𝑡 = 𝜋/Ω′𝑁 . La valeur de ce
minimum, égale à (𝑁 − 2)2 /𝑁 2 , dépend de la taille de l’étoile. Plus le nombre de branches
est important, plus ce minimum se rapproche de l’unité. Sur la même échelle de temps, la
probabilité 𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) croit à partir de zéro et atteint un maximum égal à 4/𝑁 2 . A cet instant,
le marcheur se trouve obligatoirement sur la périphérie de l’étoile, avec une probabilité
beaucoup plus importante d’être sur le nœud initial. Lorsque le temps s’écoule, 𝑃𝑛0 |𝑛0 (𝑡)
Introduction aux marches quantiques 41
croit et 𝑃𝑛|𝑛0 (𝑡) décroit si bien qu’au bout d’une période de Bohr 𝑇 = 2𝜋/Ω′𝑁 , on retrouve
la situation initiale où le marcheur occupe le nœud de départ.
amplitudes de probabilités associées aux chemins faisant intervenir les 𝑁 − 1 états propres
|𝜙𝑘 ⟩, avec 𝑘 = 1, 2, … , 𝑁 − 1. Faisant intervenir une somme d’exponentielles qui oscillent
selon les énergies 𝐸𝑘 , on pourrait s’attendre à ce que ce dernier terme soit très petit via un
mécanisme de brouillage par interférences destructives. Or il n’en n’est rien du fait de la
dégénérescence des niveaux d’énergies 𝐸𝑘 qui sont tous égaux à 𝜀0 . Tous les termes de la
somme sont en phase et ils produisent une contribution très importante à l’amplitude de
probabilité totale par interférence constructive. C’est ce terme qui est responsable du
confinement de la probabilité de survie de l’état initial entre (1 − 2/𝑁)2 et 1 qui
caractérise une localisation du marcheur, et ce d’autant plus que le nombre de branches de
l’étoile est importante.
8.4 Références
[1] S. Salimi : Continuous-time quantum walks on star graphs. Ann. Phys. 324, 1185 (2009).
[2] A. Ziletti, F. Borgonovi, G. L. Celardo, F. M. Izrailev, L. Kaplan, and V. G. Zelevinsky :
Coherent transport in multibranch quantum circuits. Phys. Rev. B 85, 052201 (2012).
[3] X. P. Xu : Coherent exciton transport and trapping on long-range interacting cycles. Phys.
Rev. E 79, 011117 (2009).
[4] A. Anishchenko, A. Blumen, and O. Mülken, Quantum Inf. Proc. 11, 1273 (2012).
[5] V. Pouthier, Quantum Inf. Proc. 14, 491 (2015).
[6] V. Pouthier, Quantum Inf. Proc. 14, 3139 (2015).
[7] S. Yalouz, V. Pouthier, and C. Falvo, Quantum Inf. Proc. 16, 143 (2017).
Introduction aux marches quantiques 43
Comme représenté sur la Figure 28, l’étoile étendue correspond à un graphe en étoile dont
les branches ne se réduisent pas à un seul nœud. Nous allons ici restreindre notre attention
au cas de branches ayant deux nœuds, mais la généralisation est assez triviale.
L’étoile étendue considérée est formée d’un nœud central auquel sont attachées N branches
repérées par un indice 𝑛 = 1, … , 𝑁. Chaque branche possède M nœuds dont la position est
caractérisée par un indice 𝑠 = 1, … , 𝑀. A chaque nœud 𝑠 de la n-ième branche, on associe
un état quantique local |𝑛, 𝑠⟩, d'énergie 𝜀0 , dans lequel se trouve le marcheur lorsqu'il est
localisé sur le s-ième nœud de la n-ième branche. De la même façon, on notera |0,0⟩ l’état
du marcheur localisé sur le cœur de l’étoile, état qui possède l'énergie 𝜀0 . Comme
précédemment, l’ensemble des vecteurs {|𝑛, 𝑠⟩} forme une base locale complète et
orthonormée qui sous-tend l'espace des états ℇ du marcheur. A ce stade, on notera que
l’étoile étendue peut être décrite en termes de couronnes. En effet, l’ensemble des nœuds
𝑠 = 1 des N branches forment une première couronne qui entoure le nœud central. De
même, l’ensemble des nœuds 𝑠 = 2 des N branches forment une seconde couronne qui
encercle la première. … et ainsi de suite.
Soit 𝐽 la constante de saut qui relie d’une part, le cœur de l’étoile aux nœuds de la première
couronne, et d’autre part les nœuds plus proches voisins de chaque branche. Dans ces
conditions, la dynamique quantique du marcheur est gouvernée par l’Hamiltonien suivant :
𝑁 𝑀−1
A l’instar du graphe en étoile, l’étoile étendue est également invariante selon la rotation
d’angle 𝜃 = 2𝜋/𝑁 qui est centrée sur le cœur de l’étoile. Par conséquent, il est possible
d’introduire une base intermédiaire qui permet de diagonaliser par bloc l’Hamiltonien H.
Cette base est formée d’une part par le vecteur local |0,0⟩ et d’autre part par les 𝑁 × 𝑀
états de Bloch orthogonaux |𝜙𝑘,𝑠 ⟩ avec 𝑘 = 1, 2, . . . 𝑁 et 𝑠 = 1, … , 𝑀. Un état de Bloch,
qui est état propre de la rotation discrète d’angle 𝜃 est défini par :
𝑁
1
|𝜙𝑘,𝑠 ⟩ = ∑ 𝑒 𝑖𝑘𝑛𝜃 |𝑛, 𝑠⟩
√𝑁 𝑛=1
Dans la base {|0,0⟩, {|𝜙𝑘,𝑠 ⟩}}, l’indice k est un bon nombre quantique et l’Hamiltonien s’écrit
comme une somme directe 𝐻 = 𝐻1 ⊕ 𝐻2 … .⊕ 𝐻𝑁 où 𝐻𝑘 est le bloc associé au nombre
quantique k. Comme dans le cas de l’étoile simple, il existe deux types de blocs :
𝜀0 𝐽
⋯ 0
𝐽 𝜀0
𝐻𝑘≠𝑁 = ⋮ ⋱ ⋮
𝜀0 𝐽
0 ⋯
( 𝐽 𝜀0 )
Ainsi, dans la base |𝜙𝑘,𝑠=1 ⟩, |𝜙𝑘,𝑠=2 ⟩, … , |𝜙𝑘,𝑠=𝑀 ⟩, 𝐻𝑘≠𝑁 est isomorphe à l’Hamiltonien
d’un marcheur quantique qui se déplace sur un réseau linéaire formé par M nœuds
connectés 𝑠 = 1, … , 𝑀. Le s-ième nœud réfère à l’état de base |𝜙𝑘,𝑠 ⟩ d’énergie 𝜀0 .
Deux nœuds plus proches voisins 𝑠 et 𝑠 + 1 sont associés aux états |𝜙𝑘,𝑠 ⟩ et |𝜙𝑘,𝑠+1 ⟩.
Ils sont connectés via la constante de saut 𝐽.
𝜀0 √𝑁𝐽
⋯ 0
√𝑁𝐽 𝜀0
𝐻𝑁 = ⋮ ⋱ ⋮
𝜀 𝐽
0 ⋯ 0
( 𝐽 𝜀0 )
Dans le cas 𝑀 = 2, les états propres du marcheur peuvent être caractérisés de manière
analytique. Il existe alors deux types d’états selon que 𝑘 ≠ 𝑁 ou 𝑘 = 𝑁.
𝜀0 𝐽
𝐻𝑘≠𝑁 = ( )
𝐽 𝜀0
Chaque matrice 𝐻𝑘≠𝑁 possède donc deux valeurs propres 𝜀0 ± 𝐽 associés aux vecteurs
propres |𝜑𝑘,± ⟩ = (|𝜙𝑘,𝑠=1 ⟩ ± |𝜙𝑘,𝑠=2 ⟩)/√2. Ces états propres sont donc N-1 une fois
dégénérés et ils ne possèdent aucune composante sur l’état central |0,0⟩.
𝜀0 √𝑁𝐽 0
𝐻 = (√𝑁𝐽 𝜀0 𝐽)
0 𝐽 𝜀0
Introduction aux marches quantiques 46
Le marcheur possède trois états propres issu du couplage entre les 3 vecteurs |0,0⟩,
|𝜙𝑁,1 ⟩ et |𝜙𝑁,2 ⟩. Comme illustré Figure 29, ces états de même énergie forment un
réseau à trois nœuds couplés.
Dès lors, ce couplage entraine la création de trois états propres |𝜙± ⟩ et |𝜙0 ⟩ qui sont
des superpositions des trois états |0,0⟩, |𝜙𝑁,1 ⟩ et |𝜙𝑁,2 ⟩ définis par :
1
|𝜙± ⟩ = (√𝑁|0,0⟩ ± √𝑁 + 1|𝜙𝑁,1 ⟩ + |𝜙𝑁,2 ⟩) et 𝐸± = 𝜀0 ± √𝑁 + 1𝐽
√2(𝑁+1)
1
|𝜙0 ⟩ = (|0,0⟩ − √𝑁|𝜙𝑁,2 ⟩) et 𝐸0 = 𝜀0
√(𝑁+1)
Comme illustré sur la Figure 30, le spectre du réseau en étoile présente donc 5 niveaux
d’énergie :
2
𝑁cos(∆𝑁 𝑡) + 1
𝑃𝐶|𝐶 (𝑡) = ( )
𝑁+1
𝑁
𝑃1|𝐶 (𝑡) = sin(∆𝑁 𝑡)2
𝑁+1
2
√𝑁(1 − cos(∆𝑁 𝑡))
𝑃2|𝐶 (𝑡) = ( )
𝑁+1
Avec ∆𝑁 = √𝑁 + 1𝐽.
Les probabilités sont des fonctions périodiques dont la dynamique est gouvernée par la
fréquence de Bohr du réseau ∆𝑁 = √𝑁 + 1𝐽 (Figure 31). Ainsi, initialement égale à l’unité, la
probabilité de survie de l’état initial du marcheur 𝑃𝐶|𝐶 (𝑡) décroit au cours du temps pour
atteindre un minimum voisin de zéro (mais non nul) lorsque 𝑡~𝜋/2∆𝑁 . Sur ce même laps de
Introduction aux marches quantiques 48
temps, la probabilité 𝑃1|𝐶 (𝑡) d’observer le marcheur sur la première couronne de l’étoile
étendue augmente. Elle atteint un maximum égal à 𝑁/(𝑁 + 1) lorsque 𝑡 = 𝜋/2∆𝑁 . Ce
maximum est d’autant plus proche de l’unité que le nombre de branches est important
traduisant ainsi le fait que le marcheur a de grande chance de se retrouver délocalisé sur la
première couronne de l’étoile. On notera qu’à 𝑡 = 𝜋/2∆𝑁 la probabilité que le marcheur
occupe la deuxième couronne de l’étoile est 𝑁/(𝑁 + 1)2 .
Lorsque le temps s’écoule, 𝑃𝐶|𝐶 (𝑡) croit à nouveau pour atteindre un maximum local égal à
(𝑁 − 1)2 /(𝑁 + 1)2 lorsque 𝑡 = 𝜋/∆𝑁 . A cet instant, la probabilité 𝑃1|𝐶 (𝑡) est nulle alors que
la probabilité d’observer le marcheur sur la deuxième couronne atteint sa valeur maximum
égale à 4𝑁/(𝑁 + 1)2 . Lorsque le temps continue de s’écouler, la seconde demi-période du
processus prend place de manière symétrique comme illustré sur la Figure 31.
Le point fondamental est donc le suivant : lorsque le marcheur occupe initialement le cœur
de l’étoile étendue, la probabilité maximale de l’observer sur la seconde couronne de l’étoile
est une fonction qui décroit avec le nombre de branches. Plus le nombre de branches est
important, plus le marcheur aura tendance à se localiser soit sur le cœur, soit sur la première
couronne. L’accès à la seconde couronne devient peu probable, comme illustré Figure 32 :
10 Le graphe complet
Comme illustré Figure 33, le système que nous considérons est le graphe complet d’ordre N.
Il est formé par N nœuds qui sont tous connectés les uns aux autres. Comme l’étoile, le
graphe complet présente une invariance rotationnelle si bien que les deux graphes
possèdent des propriétés similaires. Sa topologie reste suffisamment simple pour que des
calculs analytiques puissent être effectués avec précision.
Chaque nœud 𝑛 est caractérisé par un état quantique local |𝑛⟩ d'énergie 𝜀0 dans lequel se
trouve le marcheur lorsqu'il est localisé sur le site 𝑛. Comme précédemment, l’ensemble des
vecteurs {|𝑛⟩}𝑛=0,…,𝑁 forme une base locale complète et orthonormée qui sous-tend
l'espace des états ℇ du marcheur. Tous les nœuds étant connectés les uns aux autres par la
constante de saut 𝐽, la dynamique quantique du marcheur est gouvernée par l’Hamiltonien
suivant [1,2] :
𝑁 𝑁 𝑁
On notera à ce stade qu’outre son intérêt fondamental en théorie des graphes, le réseau
complet présente aussi un intérêt en physico-chimie appliquée. Très récemment, il a été
utilisé par Alterman et al. [3] pour décrire les propriétés de transport dans une unité
photosynthétique comme illustré sur la Figure 34 :
Introduction aux marches quantiques 50
Pour le graphe complet, il est relativement simple de trouver les états propres du marcheur
en considérant une nouvelle fois l’invariance du graphe par la rotation discrète d’angle 𝜃 =
2𝜋/𝑁. Dès lors, comme dans le cas de l’étoile, introduisons la base de Bloch définie par les N
vecteurs :
𝑁
1
|𝜙𝑘 ⟩ = ∑ 𝑒 𝑖𝑘𝑛𝜃 |𝑛⟩ 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑘 = 1,2, … , 𝑁
√𝑁 𝑛=1
𝑁 𝑁
Dans ce contexte, la base de Bloch permet une diagonalisation directe de H qui s’écrit :
𝑁 𝑁 𝑁
𝑁−1
−𝑖(𝜀0+(𝑁−1)𝐽)𝑡 −𝑖(𝜀0−𝐽)𝑡
𝑈 (𝑡 ) = 𝑒 |𝜙𝑁 ⟩⟨𝜙𝑁 | + 𝑒 ∑ |𝜙𝑘 ⟩⟨𝜙𝑘 |
𝑘=1
Contrairement au cas de l’étoile, la dynamique du marcheur est la même quelle que soit sa
position initiale. Les deux seules probabilités à considérer sont i) la probabilité de survie de
l’état initial 𝑃𝑠 (𝑡), c’est-à-dire la probabilité d’observer le marcheur à l’instant t sur le nœud
qu’il occupait initialement et ii) la probabilité de transfert 𝑃𝑇 (𝑡), c’est-à-dire la probabilité de
l’observer sur un nœud autre que le nœud initialement excité. On a :
1 −𝑖 (𝑁−1)𝐽𝑡 𝑁 − 1 −𝑖𝐽𝑡 2
)|2
𝑃𝑠 (𝑡) = |𝑈𝑛𝑛 (𝑡 = | 𝑒 + 𝑒 |
𝑁 𝑁
2
1 1
𝑃𝑇 (𝑡) = |𝑈𝑛𝑛′(𝑡)|2 = | 𝑒 −𝑖(𝑁−1)𝐽𝑡 − 𝑒 −𝑖𝐽𝑡 | 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑛 ≠ 𝑛′
𝑁 𝑁
On en déduit :
1
𝑃𝑠 (𝑡) = [(𝑁 − 1)2 + 1 + 2(𝑁 − 1)cos (𝑁𝐽𝑡)]
𝑁2
2
𝑃𝑇 (𝑡) = [1 − cos (𝑁𝐽𝑡)]
𝑁2
Comme illustré sur la Figure 35, l’évolution temporelle des probabilités montre clairement
un phénomène de localisation par dégénérescence. La probabilité de survie de l’état initial
du marcheur est une fonction périodique, de période 𝑇 = 2𝜋/𝑁𝐽, qui oscille entre 1 et un
minimum égal à (1 − 2/𝑁)2 . A l’inverse, la probabilité de transfert vers un nœud différent
Introduction aux marches quantiques 52
du nœud initialement occupé, bien qu’oscillant à la même période, est comprise entre 0 et
4/𝑁 2 . On a donc clairement une localisation du marcheur sur le nœud occupé à t=0,
localisation qui est d’autant plus prononcée que le nombre de nœud est important.
10.4 Références
[1] O. Mulken and A. Blumen : Continuous-time quantum walks: Models for coherent
transport on complex networks. Phys. Rep. 502, 37 (2011)
[2] X. P. Xu : Exact analytical results for quantum walks on star graphs. J. Phys. A 42 115205
(2009).
[3] S. Alterman, J. Berman, and F. W. Strauch : Optimal Conditions for Environment-Assisted
Quantum Transport on the Fully Connected Network. Phys Rev E in press (2024).
Introduction aux marches quantiques 53
Dans cette section, nous allons reprendre les travaux de Childs et al. [1 ,2] afin d’illustrer la
différence entre marche aléatoire classique et marche quantique en temps continu. Sur
l’exemple du graphe formé par deux arbres binaires collés, l’idée est de montrer la
possibilité d'un comportement très différent entre marche classique et marche quantique et
de montrer que la propagation entre les deux racines des arbres est exponentiellement plus
rapide dans le cas quantique. Plus récemment, le problème des arbres collés a été étudié en
considérant les effets du désordre ou du déphasage sur la marche quantique [3,4] ainsi que
la mise en place d’un dispositif expérimental optique [5].
De façon générale, un arbre est un graphe qui se présente sous la forme d'une hiérarchie
dont les nœuds sont reliés entre eux selon une relations parents-enfants (Figure 36). Dans
un arbre binaire, chaque nœud possède au plus deux nœuds enfant au niveau inférieur,
habituellement appelés gauche et droit. Du point de vue de ces nœuds enfant, l'élément
dont ils sont issus au niveau supérieur est appelé nœud parent.
La Figure 37 représente un arbre binaire parfait formé par 𝑀 + 1 niveaux repérés par
l’indice 𝑚 = 0,1, … , 𝑀. Le niveau m=0 contient un nœud, la racine. Cette racine est liée à
deux nœuds enfant qui forment le niveau m=1 …. Et ainsi de suite. Le niveau m est donc
formé par 2𝑚 nœuds. Le nombre total de nœuds est 1 + 2 + 4 + ⋯ + 2𝑀 = 2𝑀+1 − 1.
Le système qui nous intéresse est le graphe 𝐺𝑀 formé par deux arbres binaires collés illustré
Figure 38. Pour décrire l’architecture du réseau, on introduit un indice de colonne noté 𝑚
qui varie de 0 à 2𝑀. Les colonnes 𝑚 = 0,1, … , 𝑀 caractérisent l’arbre de gauche dont la
racine est spécifiée par 𝑚 = 0. A l’inverse, les colonnes 𝑚 = 𝑀 + 1, 𝑀 + 2, … ,2𝑀
caractérisent l’arbre de droite dont la racine est repérée par 𝑚 = 2𝑀. Au sein de l’arbre de
gauche, la colonne m contient 2𝑚 nœuds alors qu’au sein de l’arbre de droite, la colonne m
contient 22𝑀−𝑚 nœuds.
Introduction aux marches quantiques 55
A chaque nœud 𝑠 de la m-ième colonne, on associe un état quantique local |𝑚, 𝑠⟩ dans
lequel se trouve le marcheur lorsqu'il est localisé sur le s-ième nœud de la m-ième colonne.
On note alors J la constante de saut entre deux nœuds connectés.
Dans ce contexte, notre but est d’analyser la possibilité que possède un marcheur de passer
de la racine de l’arbre de gauche à la racine de l’arbre de droite. Pour comparer la marche
quantique et la marche classique, nous allons supposer que l’Hamiltonien du marcheur est
isomorphe à la matrice des taux de transitions qui caractérise une marche classique. Dans ce
cas, les énergies de nœuds ne sont pas toutes identiques mais elles dépendent du degré des
nœuds. Un nœud de degré 𝑧 sera alors caractérisé par une énergie −𝑧𝐽 (formulation de la
marche quantique basé sur l’utilisation du laplacien du graphe – chapitre 3)
Pour illustrer notre démarche, considérons le cas particulier du graphe 𝐺3 représenté Figure
39. Soit 𝜓𝑚𝑠 la fonction d’onde du marcheur sur le s-ième nœud de la m-ième colonne. Si
on note 𝜓0 et 𝜓6 les fonctions d’onde sur les racines gauches et droite du graphe, l’équation
de Schrödinger s’écrit :
Puisque l’on s’intéresse uniquement aux probabilités d’observer le marcheur sur les racines
gauche ou droite, il n’est pas nécessaire de résoudre explicitement l’équation de
Schrödinger pour caractériser l’ensemble de la fonction d’onde du marcheur. Seules
l’évolution temporelle des fonctions d’onde 𝜓0 et 𝜓6 doit être connue. Ceci permet de
simplifier l’équation de Schrödinger en réalisant un changement de variables via
l’introduction de fonctions d’onde associée à chaque colonne du graphe.
Ainsi posons :
(𝜓11 + 𝜓12 )
𝜓1 =
√2
(𝜓21 + 𝜓22 + 𝜓23 + 𝜓24 )
𝜓2 =
√4
(𝜓31 + 𝜓32 + 𝜓33 + 𝜓34 + 𝜓35 + 𝜓36 + 𝜓37 + 𝜓38 )
𝜓3 =
√8
(𝜓41 + 𝜓42 + 𝜓43 + 𝜓44 )
𝜓4 =
√4
(𝜓51 + 𝜓52 )
𝜓5 =
√2
Puisque l’on s’intéresse uniquement aux probabilités d’observer le marcheur sur les racines
gauche ou droite, il n’est pas nécessaire de résoudre explicitement l’équation maitresse pour
caractériser l’ensemble des probabilités. Seules l’évolution temporelle de 𝑃0 et 𝑃6 doit être
connue. Ceci permet de simplifier l’équation maitresse en réalisant un changement de
variables via l’introduction des probabilités de présence sur chaque colonne du graphe. Ainsi
posons :
𝑃1 = 𝑃11 + 𝑃12
𝑃2 = 𝑃21 + 𝑃22 + 𝑃23 + 𝑃24
𝑃3 = 𝑃31 + 𝑃32 + 𝑃33 + 𝑃34 + 𝑃35 + 𝑃36 + 𝑃37 + 𝑃38
𝑃4 = 𝑃41 + 𝑃42 + 𝑃43 + 𝑃44
𝑃5 = 𝑃51 + 𝑃52
En généralisant l’approche précédente, il apparait que sur un graphe 𝐺𝑀 formé par deux
arbres binaires collés, la dynamique d’un marcheur classique initialement sur une racine
d’un arbre, est isomorphe à celle sur un réseau linéaire contenant 2𝑀 + 1 nœuds notés
𝑚 = 0,1,2, … ,2𝑀. Les nœuds 𝑚 = 0 et 𝑚 = 2𝑀 correspondent aux racines des arbres de
gauche et de droite, respectivement. Les nœuds 0 < 𝑚 < 2𝑀 réfèrent à l’observation du
marcheur sur la m-ième colonne du graphe. A partir de la racine 𝑚 = 0, le taux de transition
pour sauter d’une colonne 𝑚 vers une colonne 𝑚 + 1 est égal à 2𝐽 jusqu’à atteindre le
centre du graphe 𝑚 = 𝑀. Par la suite, le taux de transition pour sauter d’une colonne 𝑚 vers
une colonne 𝑚 + 1 devient égal à 𝐽 jusqu’à atteindre la seconde racine du graphe 𝑚 = 2𝑀.
La situation inverse se produit si on considère le taux de transition pour sauter d’une
colonne 𝑚 vers une colonne 𝑚 − 1.
A partir des équations précédentes, une simulation numérique a été réalisée afin de
caractériser la probabilité d’observer un marcheur sur la racine de droite du graphe sachant
qu’il occupait initialement la racine de gauche. Les résultats sont illustrés sur la Figure 42,
selon que le marcheur se comporte de façon classique ou quantique.
A l’inverse, dans le cas de la marche quantique, la probabilité pour que le marcheur atteigne
la racine de droite montre une évolution temporelle complexe. Celle-ci est la conséquence
du comportement ondulatoire du marcheur dont la fonction d’onde subit des réflexions
multiples. Ce qui est intéressant, c’est l’apparition du premier maximum de probabilité. Ce
maximum apparait assez rapidement, le front d’onde se propageant à une vitesse de l’ordre
de 𝑣~2𝐽. En outre, même si ce maximum diminue avec la taille du graphe, il suit une loi
Introduction aux marches quantiques 60
algébrique beaucoup plus douce qu’une loi exponentielle. Un simple fit des données suggère
que ce maximum décroit typiquement comme 1/M. Ce résultat se comprend aisément à
partir de notre étude du réseau linéaire. En effet, les probabilités suivent une loi spécifique
faisant intervenir les fonctions de Bessel. Dès lors, si on s’intéresse à l’arrivée du premier
2
front d’onde sur la racine de droite, la probabilité sera de l’ordre de 𝑃2𝑀 (𝑡)~𝐉2𝑀 (2√2𝐽𝑡).
Pour 𝑡~2𝑀/𝑣 et 𝑀 assez important, l’amplitude de la fonction de Bessel varie typiquement
comme 1/√𝑀 ce qui conduit à la loi en 1/𝑀 observée numériquement.
Figure 42 : Marche classique vs marche quantique sur deux arbres binaires collés
11.4 Références
[1] A.M. Childs, E. Farhi, and S. Gutmann: An Example of the Difference Between Quantum
and Classical Random Walks. Quantum Inf. Process 1, 35 (2002)
Introduction aux marches quantiques 61
[2] A.M. Childs, R. Cleve, E. Deotto, E. Farhi, S. Gutmann, and D.A. Spielman : Exponential
algorithmic speedup by quantum walk. Proc. 35th ACM Symposium on Theory of Computing,
STOC ‘03 (2004), p. 59
[3] S.R. Jackson, T.J. Khoo, and F.W. Strauch: Quantum walks on trees with disorder: Decay,
diffusion, and localization. Phys. Rev. A 86, 022335 (2012)
[4] J. Lockhart, C. DiFranco, and M. Paternostro : Glued trees algorithm under phase
damping. Phys. Lett. A 378, 338 (2014).
[5] Z.H. Shi et al. : Quantum fast hitting on glued trees mapped on a photonic chip. Optica 7,
613 (2020).