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Pour la plupart vous êtes né ici, à Pontarlier, petite ville soudée, en une communauté
ou chacun connaît la vie de son voisin, ou même de celui qui habite pourtant très loin.
Ici, chacun n’est pas connaissance mais presque parent puisque vivre ici c’est aussi
quelque part mourir ici, on la sait déjà cette malédiction douce. Alors oui vous avez
entendus, tous, sous l’effet d’un jeu de passe-parole, un homicide a eu lieu, ici ! Oui,
dans notre calme petite ville du Doubs. Catherine Nortier, la femme de peu de vertu,
a été victime d’un meurtre !
Mais alors des cris fusèrent de tous côtés chez les notables, élites dirigeantes
apparemment de cette contrée : "Cachons la vérité, ne jugeons pas l’un des nôtres et
accusons ces infâmes libertins".
Eh bien Mesdames Messieurs les Jurés, voici devant vous, sur le banc des accusés,
voici le pharmacien sans histoire de votre ville, « Comment ça ? » se demanderont
certains.
Et il est accusé non pas seulement d'avoir tué, mais d’avoir remué une vérité, qu’il y a
du libertinage dans cette bonne société provinciale et que ce péché n’est pas imputé
de tous les vices.
Car oui, ce n’était pas son modeste amant qui l’eut tuée.
Ah je le sais, Messieurs les Jurés, vous êtes des hommes consciencieux et de bonne
foi, vous voulez être des juges impartiaux.
Mais suffit-il toujours de vouloir être impartial pour l'être vraiment ?
N’est-il pas à craindre que malgré vous, sans que vous vous en doutiez il subsiste
encore au fond de votre esprit certaines prétentions qui pourraient, à l'heure de votre
vote, peser sur votre décision et fausser votre jugement ?
Après tout, vous avez devant vous, un ami de jeu, un voisin, même un conseiller lors
de vos moments de toux, problèmes de santé et qui parfois connaît ainsi même vos
petites faiblesses. Un des vôtres, tout simplement.
Ainsi vous pourriez avoir deux pensées vis-à-vis de cette personne, la première, serait
d’être dur avec celui-ci, d’en faire un exemple pour expurger cette société distinguée.
Ou alors, et ce serait, selon certains, du parti pris, être plus doux avec sa sentence,
pour sa proximité et une action qui sort de tout ce qu’il a pu faire de sa vie.
Or, le Code pénal cette année de 1962, en l'article 64 dispose : « Il n'y a ni crime ni délit
– ajoutons contravention – lorsque le prévenu était en état de démence au temps de
l'action... ». Il est de plus certain que le terme « démence » doit en fait s'entendre dans le
sens d'« aliénation mentale » et s’applique ainsi à Monsieur Duval.
Par conséquent, monsieur le Président, il va de soi que Monsieur Duval n’a ici aucune
réelle responsabilité pour ce meurtre mais en est cependant coupable et victime.
Alors oui, mon client, sans se dénoncer lui-même, a quelque part cacher la vérité, et
non menti, à ce tribunal. Cependant, c’est cette société, ces enquêteurs, qui sont
fautifs pour n’avoir pas voulu croire en la culpabilité, mais irresponsabilité de ses
gestes, de monsieur Duval mon client. Et ce n’est alors que lorsque celui-ci se rend,
se rendant enfin compte qu’il était le meurtrier, à la police, que Monsieur le
commissaire et l’épouse de mon client l’envoient enfin se faire soigner, car celui-ci est
tout simplement malade, mesdames et messieurs les jurés.
Conclusion
Ainsi, selon la situation définie par l'article 64, comme l'expertise psychiatrique (obligatoire
en matière criminelle) a établi l'existence d'un tel trouble au moment du crime,