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SAINTE HILDEGARDE DE BINGEN

LE LIVRE DES SUBTILITÉS


DES CRÉATURES
DE DIVERSES NATURES
PHYSICA
livre i - les plantes * livre iii - les arbres
Du même traducteur

Traduction d’Apulée, Les Métamorphoses : le conte de Cupidon et de Psyché,


en collaboration avec Jean-François Froger, in La Voie du Désir, Éditions DésIris, 1997.
Saint Bonaventure, Intuition et raison - Choix de sermons,
en collaboration avec Annie Verten, Éditions Grégoriennes, 2006.
Saint Bonaventure, Une théologie du Verbe - Sermons de la Nativité et de l’Épiphanie,
en collaboration avec Annie Verten, Éditions Grégoriennes, 2010.

Illustrations : Monique Ariello-Laugier


Monique Ariello-Laugier est peintre et graveur depuis 1985. Après un diplôme en sciences naturelles, le choix d’un parcours plus
artistique s’impose à elle et la conduit aux écoles des beaux-arts de Toulon et de Digne. Depuis, au travers de la peinture et de la
gravure, tout son travail d’artiste tend vers une recherche très intimiste, spirituelle et poétique.

Révision, conception graphique et prépresse : Adverbum

© Éditions Grégoriennes 2013


www.adverbum.fr
ISBN 978-2-914338-47-9

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SAINTE HILDEGARDE DE BINGEN

LIVRE DES SUBTILITÉS


DES CRÉATURES
DE DIVERSES NATURES
liber beatae hildegardis
subtilitatum diversarum
naturarum creaturarum
PHYSICA

livre i
les plantes

livre iii
les arbres

Traduits, présentés et annotés par Bernard Verten


Avant-propos
Sainte Hildegarde et le Rhin
Si nous connaissons sainte Hildegarde sous le nom de Hildegarde de Bingen, nous le devons à sa
fondation, vers 1150, du couvent bénédictin du Rupertsberg, la montagne de saint Rupert, sur
un coteau situé au confluent du Rhin et de la Nahe, à Bingerbrück, près du petit port fluvial de
Bingen-am-Rhein.
Nous voici donc transportés dans le pays romantique de la vallée du Rhin, non loin du rocher de
la Lorelei, chanté par Heinrich Heine, puis par Guillaume Apollinaire dont les Rhénanes restituent
l’envoûtement et les sortilèges des légendes médiévales. Mais l’inventeur de la Lorelei fut un autre
grand romantique allemand, Clemens Brentano, qui publia des Contes rhénans en 1826. Dans son
récit épistolaire intitulé Le Rhin, Victor Hugo consacre une longue lettre, la lettre XXII, à Bingen.
Il y évoque rapidement « l’ombre de Hildegarde » : « De l’autre côté du Rhin, sur le Ruppertsberg,
qui regarde le Niederwald, dans les ruines du couvent de Disibodenberg, le puits bénit creusé par
sainte Hildegarde avoisine l’infâme tour bâtie par Hatto. Les vignes entourent le couvent, les gouffres
environnent la tour. Des forgerons se sont établis dans la tour, le bureau des douanes prussiennes s’est
installé dans le couvent. Le spectre de Hatto écoute sonner l’enclume, et l’ombre de Hildegarde assiste
au plombage des colis… Les plus ravissantes figures de la liturgie et de la légende, Gela, Jutta, Liba,
Guda ; Gisèle, la douce fille de Brœmser ; Hildegarde, l’amie de saint Bernard ; Hiltrude, la pénitente
du pape Eugène, ont habité tour à tour ces sinistres rochers. L’odeur du sang est encore dans la plaine,
le parfum des saintes et des belles remplit encore la montagne. »
Guillaume Apollinaire écrira :
« Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Les dames regardaient du haut de la montagne »
Victor Hugo nous a aussi laissé un dessin, onirique plus que réaliste, du Rhin à Bingen où l’on voit
la ville et son clocher se refléter dans le fleuve.
Enfin, la nuit rhénane est propice aux enchantements et aux visions fantastiques. Guillaume
Apollinaire a évoqué la « sorcière blonde » qu’est la Lorelei ; il nous invite aussi à percevoir la magie de
la nuit sur le fleuve :
« Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds. »
Sainte Hildegarde trouve dans les plantes et les arbres des remèdes contre les démons, contre la
magie et les apparitions. Ainsi, au chapitre 176 du Livre des plantes, la myrrhe « repousse les visions
fantastiques, les pratiques magiques, les envoûtements démoniaques, résultant de formules et de
plantes maléfiques, et toute cette sorcellerie sera moins capable de nuire, du moins si on n’a ni mangé
ni bu de substances magiques ». Les exemples de ce genre sont nombreux dans les Physica ; se reporter
à l’annexe sur la magie.
Ce pays, imprégné de magie et de rêve, a vu naître « la mystique rhénane » avec ses grandes figures
féminines : Hildegarde de Bingen au xiie siècle, puis, au siècle suivant, Hadewijch d’Anvers, Gertrude
de Helfta, Mathilde de Magdebourg. Ce mouvement spirituel et théologique, appelé aussi mystique
rhéno-flamande, dont les représentants n’appartiennent pas tous à la Rhénanie, trouvera son aboutis-
sement avec d’autres grands noms de la pensée et de la mystique chrétiennes : Maître Eckhart, Jean de
Ruisbroek, Henri Suso, Jean Tauler.

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Dans le Livre des éléments, deuxième livre des Physica, sainte Hildegarde consacre le chapitre 5
au Rhin, qui coulait au pied du Rupertsberg :
« Le Rhin est produit par le mouvement impétueux de la mer. C’est pourquoi il est limpide. Il coule
sur un sol sablonneux dont le sable est léger et possède des qualités équilibrées. Ainsi on y trouve
également des plantes.
Et parce que le Rhin jaillit à partir du mouvement impétueux de la mer, il est assez âpre, comme
l’est une lessive. Si on boit directement de son eau, elle détruit les humeurs nocives et livides en
l’homme. Mais si l’eau du Rhin ne trouve pas ces humeurs nocives et livides en l’homme, quand on
la boit directement, elle provoque davantage d’ulcérations chez un homme sain car elle ne trouve en
lui rien à purger.
C’est pourquoi quand un aliment est cuit avec de l’eau du Rhin, elle fait disparaître les humeurs
livides de cet aliment et le rend suffisamment sain. Cependant si l’eau du Rhin est consommée dans
des aliments ou des boissons, ou bien si elle est versée sur la chair d’un homme soit dans un bain, soit
quand il se lave le visage, elle fait enfler et se tuméfier la chair, elle la déforme et la noircit. Elle fait
également enfler et noircir les viandes que l’on cuit avec elle, car elle est âpre ; elle passe rapidement à
travers la chair de l’homme.
Les poissons de ce fleuve sont bons à manger quand ils viennent d’être pêchés. Mais, si on attend,
ils pourrissent vite, car ils sont altérés par l’âpreté de l’eau. »
Le Rhin, familier à Hildegarde, s’inscrit dans une cosmologie déconcertante au premier abord, où
les fleuves naissent de la mer. Cette cosmologie repose sur les rapports étroits entre l’univers-macro-
cosme et l’homme-microcosme. Le chapitre 3 du Livre des éléments, consacré à la mer, nous dit :
« La mer produit les fleuves par lesquels la terre est irriguée, comme le corps humain par le sang des
veines. Certains fleuves sortent de la mer impétueusement, d’autres avec douceur, d’autres encore
avec des tempêtes. » Les écrits de Hildegarde présenteront constamment ces correspondances entre
l’univers et l’homme.
Le chapitre consacré au Rhin expose d’autres aspects importants que nous retrouverons dans les
Livres des plantes et des Arbres. Ainsi le Rhin « a des qualités équilibrées » : l’équilibre, le tempera-
mentum, est pour Hildegarde une propriété primordiale du bon état des êtres, de leur juste nature ; sa
médecine visera le plus souvent à rétablir l’équilibre perdu. Ce même chapitre nous montre aussi la
nécessité de purger l’homme de ses humeurs nocives : l’eau du Rhin, par son âpreté, vient à bout de
ces humeurs. Hildegarde est attentive à la qualité de l’eau, à ses effets sur l’homme, soit pour se laver,
soit pour l’alimentation.
Bingen se trouve au confluent du Rhin et de la Nahe, objet du chapitre 9 du Livre des éléments :
« La Nahe naît des eaux sales qui s’écoulent de la mer et d’où coulent parfois des ruisseaux limpides.
Tout son cours est irrégulier, de sorte qu’elle coule tantôt de façon impétueuse, tantôt avec lenteur. La
Nahe coule parfois tumultueusement, mais elle est vite bloquée par des obstacles et son cours s’apaise
vite, de sorte qu’elle creuse peu profondément son sable et ses rives.
L’eau de la Nahe donne à l’homme une peau blanche et épaisse, mais rugueuse. Elle ne fait pas
souffrir les viscères, car ni l’impétuosité de la rivière ni sa lenteur ne la rendent nocive malgré l’irrégu-
larité de son cours.
Ses poissons sont gras et sains et ne pourrissent pas rapidement.
Son eau a un cours irrégulier : elle coule tantôt tumultueusement, tantôt calmement, et elle ne creuse
pas profondément le sable. Et les poissons de cette rivière sont plus sédentaires, car ils y trouvent une
nourriture très abondante. »
Ici, nous voyons encore comment le livre des Physica est à la fois une représentation du monde et
un traité de médecine reposant sur une connaissance intime, souvent révélée dans l’expérience vision-
naire, des réalités de l’univers créé : « les subtilités des créatures de diverses natures », selon un des titres
donnés à l’ouvrage.

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Brève chronologie de la vie de sainte Hildegarde
1098
Naissance de Hildegarde au domaine de Bermersheim, en Hesse rhénane, actuellement dans le land
de Rhénanie-Palatinat. Son père est le baron Hildebert de Bermersheim, sa mère s’appelle Mechthild
(Mathilde).
C’est l’époque de la première croisade, qui pourra, notamment, faire connaître en Occident des
plantes médicinales exotiques ainsi que la médecine arabe. Mais il reste difficile de savoir quelles sont
les sources précises de la médecine de Hildegarde et de ses connaissances botaniques.
Dès son plus jeune âge, Hildegarde reçoit des visions. Dans sa Vie de sainte Hildegarde (entreprise
vers 1181), le moine Théoderich d’Echternach écrit : « Dès qu’elle put prononcer ses premiers mots,
elle cherchait à signaler à son entourage, tant par des paroles que par des gestes, les images des visions
secrètes qu’elle percevait d’une façon étrangère au regard des autres humains, dans une contemplation
tout à fait inhabituelle. »
1106-1136
Toujours selon ce biographe, ses parents, s’étant rendu compte des dons particuliers de Hildegarde,
décident de consacrer à Dieu leur dixième enfant. Or, non loin de Bermersheim, Jutta, fille du comte
de Spanheim, dans le bas Palatinat, avait décidé de vivre en recluse dans un ermitage que son père lui
fit construire près de l’importante abbaye des bénédictins de Disibodenberg (« la montagne de saint
Disibod » dont Hildegarde écrira la vie). Ainsi, à l’âge de huit ans, Hildegarde est admise, vraisem-
blablement comme oblate1, auprès de Jutta qui dirigera son éducation et son instruction religieuse.
Vers l’âge de quatorze ans, elle prononce des vœux perpétuels et devient une religieuse bénédic-
tine. Le couvent fondé par Jutta se développe rapidement en parallèle avec le couvent masculin de
Saint-Disibod.
L’abbaye de Disibodenberg est située sur une hauteur du Palatinat surplombant le confluent du
Glan et de la Nahe. Le chapitre 10 du Livre des éléments présente le Glan de la façon suivante :
« Le Glan naît des autres fleuves. C’est pourquoi son eau est assez âpre et saine. Elle est bonne à
consommer dans les aliments et les boissons ainsi que pour se laver le visage. Ses poissons également
sont sains, mais ne peuvent se conserver longtemps à cause de l’âpreté de cette eau. Son sable aussi est
beau est sain. » Le Glan est le seul cours d’eau présenté par sainte Hildegarde qui ne tire pas son origine
de la mer. La vallée du Glan est un site célèbre dans le massif du Hunsrück en Rhénanie-Palatinat, où
la rivière forme des méandres serrés et se jette dans la Nahe.
Hildegarde, désormais bénédictine, poursuit son éducation sous la direction de Jutta de Spanheim
qui lui apprend notamment à chanter les Psaumes en s’accompagnant au décacorde. Hildegarde
poursuivra cette activité en composant de nombreuses œuvres musicales qui ont fait l’objet, de nos
jours, d’une discographie importante. Hildegarde, toujours visitée par des visions, en avait informé
Jutta qui consulta, à ce sujet, un moine de Saint-Disibod, Volmar. Celui-ci allait devenir, pendant
trente ans, le conseiller et le secrétaire de Hildegarde.
1136-1150
Sous la direction de Jutta, le couvent de femmes de Disibodenberg avait pris une grande extension. À
la mort de Jutta, en 1136, les religieuses élisent Hildegarde comme abbesse.
En 1141, une voix du ciel ordonne à Hildegarde de communiquer ses visions. Elle commence alors
à écrire un premier livre de visions, le Scivias (« Connais les voies »), dont la rédaction s’étend sur une
dizaine d’années. L’abbé du monastère de Disibodenberg informe l’évêque de Mayence des visions de
Hildegarde. En 1147, un synode est organisé à Trèves par le pape Eugène III, un cistercien qui avait
eu pour maître saint Bernard à Clairvaux. Une commission du synode est chargée d’examiner les dons

1. Oblate : au Moyen Âge, on appelait oblat un enfant offert à un monastère pour y être élevé.

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visionnaires de Hildegarde. Des prélats désignés par le pape vont rencontrer Hildegarde et enquêter
sur sa vie, ses activités et ses écrits. Au cours du synode, Eugène III lui-même lit d’importants passages
du Scivias qui suscitent l’adhésion admirative de l’assemblée. Saint Bernard en personne serait inter-
venu au cours du synode en faveur de Hildegarde avec qui il échange une correspondance dans les
années 1146-1147. Une lettre d’Eugène III vient confirmer l’approbation papale des dons visionnaires
de Hildegarde. Cette lettre approuve aussi son projet de fonder un nouveau couvent féminin sur le
Rupertsberg, non loin de Bingen.
1150-1179
Vers 1150, malgré les réticences de l’abbé du monastère de Saint-Disibod, Hildegarde s’installe au
Rupertsberg. Pour l’emplacement de ce nouveau couvent, une vision lui avait indiqué cette « montagne
de Rupert », un saint dont Hildegarde écrira la vie comme elle l’avait fait pour saint Disibod. Au
Rupertsberg, elle déploie une grande activité jusqu’à sa mort en 1179.
Dans les années 1158, elle entreprend la rédaction de ses ouvrages médicaux où la médecine et
l’homme sont vus dans leur relation avec l’ensemble de la Création : Livre des subtilités des créatures de
diverses natures, ou Physica, Les causes et les traitements (Causae et curae). Elle composera aussi d’autres
livres de visions : Le livre des mérites de vie (1158-1163), Le livre des œuvres divines (1163-1173).
En 1165, Hildegarde fonde à Eibingen un nouveau monastère qui deviendra l’abbaye Sainte-
Hildegarde où se trouve actuellement la tombe de la sainte. Seul bâtiment survivant parmi ceux où
vécut sa fondatrice, proche du Rupertsberg, ce monastère fut reconstruit en style néo-roman dans les
premières années du xxe siècle.
L’activité de Hildegarde ne se limite pas à la clôture de son couvent. Elle est désormais une voix
qui fait autorité dans la chrétienté du xiie siècle. Elle entreprend plusieurs voyages de prédication en
territoire allemand. Elle rencontre à plusieurs reprises l’empereur Frédéric Ier de Hohenstaufen, dit
Frédéric Barberousse, avec qui elle entretient une correspondance qui s’achève sur une vive critique
de la politique de Barberousse à l’égard de la papauté. La Patrologie a réuni cent quarante-cinq lettres
de Hildegarde et de ses correspondants souvent illustres : papes, souverains, grands ecclésiastiques
comme Bernard de Clairvaux.
Hildegarde meurt le 17 septembre 1179, au monastère d’Eibingen où elle avait passé la dernière
année de sa vie. Le biographe de Hildegarde, Théoderich d’Echternach, a relaté les prodiges qui accom-
pagnèrent sa mort : « Au-dessus de la demeure où la vierge sainte rendit à Dieu son âme féconde, deux
arcs très lumineux et de couleurs diverses apparurent dans le firmament. Ils se dilatèrent en occupant
de grands espaces et s’étendaient dans les quatre directions de la terre, l’un du nord au sud, l’autre
de l’orient à l’occident. Mais au sommet, au point de jonction de ces deux arcs, jaillissait une vive
lumière, de la taille du cercle lunaire, qui en se propageant en tous sens semblait chasser les ténèbres
de la nuit hors de la demeure. Dans cette lumière se montra une croix rutilante, d’abord de petite
dimension, mais qui grandit ensuite pour devenir immense. Autour d’elle, on pouvait voir des cercles
innombrables, de couleurs variées, dans chacun desquels naissait une petite croix entourée elle aussi de
ses cercles, plus petite toutefois que la première croix. Et comme ces croix s’étaient agrandies dans le
firmament, elles s’étendaient davantage en largeur vers l’orient ; on les voyait s’abaisser sur la terre, vers
la maison où la vierge sainte était passée à un autre monde, et elles illuminaient toute la montagne.
On doit croire que, par ce signe, Dieu a montré de quelle clarté il aura illuminé dans les demeures
célestes celle qu’il a aimée. »
Sainte Hildegarde n’a jamais été canonisée officiellement. Les diverses procédures de sa canonisation
n’ont jamais abouti. Pourtant, elle n’a jamais cessé de faire l’objet d’une grande vénération. En 1584,
elle figure dans le martyrologe1 romain publié par le cardinal Baronius. Hildegarde a été déclarée
Docteur de l’Église par le pape Benoît XVI, le 7 octobre 2012.

1. Le martyrologe chrétien n’est pas seulement une liste de martyrs, mais aussi une liste des personnages reconnus saints
par l’Église.

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Rosa centifolia
Lilium candidum
Bibliographie
La bibliographie concernant sainte Hildegarde est considérable, notamment pour les ouvrages en
langue allemande. Nous limiterons la présente bibliographie à quelques titres.

Biographies
Pour une vision complète et pénétrante de la vie et de l’œuvre de sainte Hildegarde, on peut lire le bel
ouvrage de Régine Pernoud, Hildegarde de Bingen. Conscience inspirée du xiie siècle, éditions du Rocher,
1994, ouvrage repris par LGF/Livre de Poche en 1996.
On lira également avec beaucoup de profit La vie de sainte Hildegarde et les actes de l’enquête en
vue de sa canonisation de Charles Munier, collection « Sagesses chrétiennes », aux éditions du Cerf,
Paris, 2000. Cet ouvrage a, entre autres, le grand mérite de faire d’emblée une mise au point salutaire
sur les abus de l’utilisation médicale de l’œuvre de sainte Hildegarde. L’auteur retrouve même ces
« détournements spectaculaires de l’œuvre hildegardienne » dans la troisième partie de la monogra-
phie d’Ellen Breindl, Hildegarde de Bingen. Une vie, une œuvre, un art de guérir en âme et en corps,
collection « Horizons spirituels », aux éditions Dangles, 1994, pour la traduction française. Charles
Munier reconnaît cependant la valeur du début du livre : « un bon aperçu de la vie et de l’œuvre de
Hildegarde ». Le livre de Charles Munier offre également une bibliographie très fournie, s’étendant
sur douze pages.
Les lecteurs de Marie-Madeleine Davy trouveront des pages importantes consacrées à Hildegarde
de Bingen dans Initiation à la symbolique romane, éditions Flammarion, Paris, 1964 et 1977 pour la
collection « Champ ». Dans son Initiation médiévale. La philosophie au douzième siècle, éditions Albin
Michel, « Bibliothèque de l’Hermétisme », Paris, 1980, Marie-Madeleine Davy range Hildegarde de
Bingen parmi les « visages de prophètes », au côté d’une autre bénédictine allemande, Élisabeth de
Schönau. Hildegarde de Bingen fait aussi l’objet d’un long article dans l’Encyclopédie des mystiques
établie sous la direction de Marie-Madeleine Davy et parue aux éditions Laffont 1972, Seghers 1977,
Payot 1996.
Une autre vision intéressante de sainte Hildegarde est offerte par l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim,
La Sibylle du Rhin : Hildegarde de Bingen, abbesse et prophétesse rhénane, édité par les Publications de
la Sorbonne, 1996.

Les œuvres de sainte Hildegarde


Les Physica
L’ouvrage de sainte Hildegarde, rédigé en latin et comprenant de nombreux mots allemands, fut
longtemps connu par l’édition de J. Schott parue à Strasbourg en 1553, sous le titre de Physica. Puis
furent découverts des manuscrits dont le texte différait de l’édition de Schott.
La présente traduction a été réalisée sur le texte établi par Ch. Daremberg et F. A. Reuss au tome 197
de la Patrologie latine de Migne (1882). Cette édition repose sur un manuscrit de Paris du xve siècle et
donne aussi le texte de Schott lorsque celui-ci apporte des variantes ou des compléments importants.
Ces variantes et compléments apparaissent dans la traduction (comme dans le texte de la Patrologie)
entre crochets droits.
De nouvelles éditions critiques sont en cours de publication en Allemagne.

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Le texte des Physica ou Livre des subtilités des créatures de diverses natures occupe les
colonnes 1 117 à 1 352 de la Patrologie et clôt le volume consacré aux œuvres de sainte Hildegarde.
Le Livre des plantes, livre I des Physica, occupe les colonnes 1 125 à 1 210 ; le Livre des arbres,
livre III des Physica, se trouve aux colonnes 1 215 à 1 248.

Les autres œuvres


Le volume de la Patrologie comprend de nombreux autres écrits, dont une grande partie de la corres-
pondance de sainte Hildegarde et ses livres de visions, le Scivias, et le Livre des œuvres divines.

Traductions et études
I. Les ouvrages médicaux : Physica ; Causae et curae (Les causes et les traitements)
Les Physica peuvent entrer dans la catégorie des « ouvrages médicaux », mais il s’agit avant tout d’un
prodigieux parcours de la nature, de son jeu de miroir avec l’homme, de ses propriétés qu’elle peut
communiquer à l’être humain par l’intermédiaire de remèdes très divers connus de Hildegarde ou
élaborés par elle.
Pierre Monat :
––Hildegarde de Bingen. Le Livre des subtilités des créatures divines (Physique). Présentation, annotation
et traduction précédées d’une préface de Claude Mettra (Au jardin d’Hildegarde), 2 tomes, éditions
Jérôme Millon, Grenoble, 1988.
––Hildegarde de Bingen. Les causes et les remèdes, éditions Jérôme Millon, Grenoble, 2007.
Marie-Louise Portmann :
traduction des Physica en allemand, utilisant le texte de la Patrologie, mais aussi d’autres manuscrits.
En particulier :
––1 Lieferung, Buch 3 von den Bäumen (1er fascicule, livre 3 : Des arbres), avril 1982.
––2 Lieferung, Buch 1 von den Pflanzen (2e fascicule, livre 1 : Des plantes), novembre 1982.
––3 Lieferung, Buch 1 von den Pflanzen (3e fascicule, livre 1 : Des plantes), mai 1983.
Ouvrages édités à Bâle par la Basler Hildegard-Gesellschaft, Henric Petri-Strasse 35, 4010 Basel.
Danielle Delley :
––Hildegarde de Bingen, Les plantes médicinales. Basler Hildegard-Gesellschaft (Société bâloise
Hildegarde), 1986. Présentation des livres I (Des plantes) et III (Des arbres) des Physica ainsi que des
Causae et curae (Causes et traitements), autre traité de médecine de sainte Hildegarde.
Élisabeth Klein :
––Hildegarde de Bingen, Physica. Basler Hildegard-Gesellschaft (Société bâloise Hildegarde), 1988.
Traduction française des livres V (Des poissons), VI (Des oiseaux), VII (Des animaux), VIII (Des
reptiles).
Laurence Moulinier :
––Le manuscrit perdu à Strasbourg. Enquête sur l’œuvre scientifique de Hildegarde, Paris/Saint-Denis,
Publications de la Sorbonne-Presses Universitaires de Vincennes, 1995. Ouvrage très utile sur l’his-
toire et la composition du texte ainsi que sur le lexique de sainte Hildegarde. Laurence Moulinier
est l’auteur de textes et articles sur les écrits de sainte Hildegarde consacrés à la nature, par exemple
« La botanique de Hildegarde de Bingen » dans la revue semestrielle Médiévales, n°16-17, 1989,
p. 113-129.

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Une nouvelle édition critique des Physica est parue en 2010 :
Physica. Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum. Ed. by Hildebrandt, Reiner/Gloning,
Thomas, éditions de Gruyter. Cette édition s’appuie sur un nouveau manuscrit découvert à Florence
et contenant le texte intégral des Physica.
Dr Gottfried Hertzka et Dr Wighard Strehlow :
Manuel de la médecine de Sainte Hildegarde. Édition allemande : Verlag Hermann Bauer, Freiburg
im Breisgau, 1987. Édition française : éditions Résiac, Montsûrs, 1988. Étude et applications de la
médecine hildegardienne.
Cet ouvrage n’est pas dénué d’intérêt mais il fait partie de ces « détournements spectaculaires de
l’œuvre hildegardienne » dénoncés par Charles Munier dans La vie de sainte Hildegarde (op. cit.).

II. Quelques autres ouvrages


––Hildegarde de Bingen. Le Livre des œuvres divines (Visions), présenté et traduit par Bernard Gorceix,
éditions Albin Michel, collection « Spiritualités vivantes », Paris, 1982. C’est l’ouvrage qui révéla
Hildegarde de Bingen aux lecteurs français. La lumière de ces visions éclaire l’image de la Création
présentée dans les Physica.
––Hildegarde de Bingen. Scivias : Sache les voies ou Livre des visions, traduit par Pierre Monat, éditions
du Cerf, Paris, 1996.
––Hildegarde de Bingen. Lettres, 1146-1179, textes traduits du latin, présentés et annotés par Rebecca
Lenoir, éditions Jérôme Millon, Grenoble, 2007.
––Hildegarde de Bingen : La langue inconnue, Arnaud de La Croix, éditions Alphée, 2008. Cet ouvrage
est consacré à la langue créée, écrite et parlée par Hildegarde, la Lingua ignota (Langue inconnue),
dont elle inventa aussi les signes d’écriture.
––Hildegarde de Bingen. La symphonie des harmonies célestes, texte traduit du latin par Rebecca Lenoir
et Christophe Carraud, présenté et annoté par Rebecca Lenoir, éditions Jérôme Millon, Grenoble,
2003. Cet ouvrage présente l’œuvre musicale de sainte Hildegarde.

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SAINTE HILDEGARDE DE BINGEN

PHYSICA

livre i
les plantes

liber primus
de plantis
Préliminaires
Pour avoir un aperçu de l’ensemble des chapitres du Livre des plantes, deux Tables des plantes sont
placées avant la traduction de ce livre :
––une Table simplifiée présentant uniquement la traduction française du titre des chapitres, avec le
nom courant (ou l’un des noms courants) de la plante en français ou, éventuellement, la mention
« non identifiée(s) » ;
––une Table détaillée, dont le contenu est précisé avec la présentation de cette table.

Table des plantes simplifiée


Table des plantes simplifiée établie avec la traduction des titres des chapitres figurant dans le corps du
texte

1 Le blé (froment) 22 La rose 44 La vulnéraire

2 Le seigle 23 Le lis 45 La sanicle

3 L’avoine 24 Le plantain psyllium 46 Le colchique

4 L’orge 25 La lavande aspic 47 La fougère

5 L’épeautre 26 Le poivre cubèbe 48 L’asaret

6 Le pois 27 Le clou de girofle 49 L’arum

7 La fève 28 L’hellébore noir 50 Non identifiée

8 La lentille 29 La pulmonaire 51 L’euphorbe

9a Le lupin blanc 30 La scolopendre 52 La belladone

9b Le millet commun 31 La grande gentiane 53 Le pissenlit (?)

10 Le millet des oiseaux 32 Le serpolet 54 L’euphorbe réveille-matin

11 Le chanvre 33 Le marrube 55 La quintefeuille

12 La nigelle cultivée 34 La truffe du cerf 56 La mandragore

13 Le galanga 35 La lavande 57 Le liseron

14 La zédoaire 36 Le fenugrec 58 L’alkékenge

15 Le gingembre 37 Non identifiée 59 Le lamier blanc ou la mélisse

16 Le poivre 38 La grande passerage 60 La chicorée sauvage

17 Le cumin 39 La ciguë 61 Le houblon

18 Le pyrèthre 40 Le camphre 62 Non identifiée

19 La réglisse 41 L’oseille 63 La sauge

20 La cannelle 42 La joubarbe 64 La rue

21 La noix (de) muscade 43 La bryone 65 L’hysope

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66 Le fenouil 104 L’arroche 142 La valériane

67 L’aneth 105 Le lierre terrestre 143 La cataire

68 Le persil 106 La citronnelle 144 Le bec-de-grue

69 Le céleri 107 L’armoise 145 La grande consoude

70 Le cerfeuil 108 Le trèfle des prés 146 L’aristoloche

71 La véronique cressonnière 109 L’absinthe 147 La potentille ansérine

72 Le cresson alénois 110 La jusquiame noire 148 La parnassie des marais

73 Le cresson de fontaine 111 La tanaisie 149 La potentille ansérine

74 Le pourpier 112 L’origan 150 La graine de lin

75 La menthe aquatique 113 L’achillée millefeuille 151 Le mouron des oiseaux

76 La menthe sylvestre 114 L’aigremoine 152 L’hellébore noir

77 La menthe des champs 115 Le dictame 153 L’herbe à la goutte

78 La menthe romaine 116 La grande camomille 154 La verveine

79 L’ail 117 La piloselle 155 La sarriette

80 L’échalote 118 L’iris 156 L’arnica

81 Le poireau 119 Le raifort 157 Le mouron des oiseaux

82 La ciboulette 120 L’hièble 158 Le jonc

83 L’oignon 121 La morelle noire 159 Le muguet

84 Le chou 122 Le souci 160 La potentille tormentille

85 Non identifiés 123 Le bouillon blanc 161 La sauge sclarée

86 Non identifiés 124 La germandrée 162 Le géranium des prés

87 La courge (et les melons) 125 Le bleuet 163 La benoîte

88 La rave 126 La menthe pouliot 164 La garance

89 Le radis 127 La pivoine 165 Le lichen

90 La laitue 128 La bétoine 166 La tormentille

91 La laitue vireuse 129 La patience noire 167 L’impératoire

92 La laitue scarole 130 La patience blanche 168 La renouée poivre d’eau

93 La moutarde des champs 131 Le boucage saxifrage 169 La ronce

94 La moutarde 132 L’ancolie 170 Le fraisier

95 L’aunée 133 L’euphorbe épurge 171 La myrtille

96 Le pavot 134 Le myosotis 172 Les champignons

97 La mauve 135 Le fenouil des Alpes 173 La ficaire

98 La bardane 136 La rue des murailles 174 L’aloès

99 Le chardon 137 Non identifiée 175 L’encens

100 L’ortie 138 La chélidoine 176 La myrrhe

101 Le plantain 139 La livèche 177 Le baumier

102 Non identifiée 140 Le lierre 178 Le miel

103 La violette 141 La guimauve 179 Le sucre

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Triticum vulgare
Avena sativa

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