Sandy Powell par Juergen Teller

46 avenue Montaigne, Paris loewe.com

Space to feel comfortably you

fermliving.com

En couverture :
Le repas de Noël de la Loubi Family.
Photo : Karel Balas
Style femme : Elissa Castelbou
Style enfant : Mélanie Hœpffner
Robe à rayures, The Animals
Observatory. Gilet, Repose AMS.
Blouse, Avellano. Serre-tête,
Zimmermann. Pull à rayures,
Hello Simone. Chapeau melon,
Forte Forte.
Verres à vin, cuillère et coupes en
métal, Hay. Coupes à champagne,
Ferm Living. Assiettes à dessert,
Côté Table. Couverts, Serax.
Le tout, c/o BHV. Verre à cocktail,
Fleux.
6
Sommaire
10 — Édito
par Isis-Colombe Combréas
12 — Ours
14 — Contributeurs
17 — Préludes
30 — Son nom est…
Kenza Keller, fondatrice
de la marque de soins Talm
34 — La photo d’enfance
de la chanteuse Pomme
50 — Tendance
Génération upcycling
54 — Éthique
La marque d’objets en feutrine
Muskhane
58 — Éveil
Les bienfaits des massages
pour bébés
64 — Société
Nounous, l’amour est leur métier
68 — Psy
L’enfant, carrément méchant ?
72 — Enquête
Noël en famille
Photos : Oliver Fritze ; Maeva Delacroix
76 — Parole d’expert
L’éducation positive et bienveillante
vue par Caroline Goldman
80 — Science-fiction
Chéri, j’ai numérisé les gosses !
 Protection
rapprochée
contre le froid_
Retrouvez la collection complète en boutique et sur damart.fr
l 03 2000 22 30
 Sommaire

82 — Société 134 — Inside

Les particularismes alimentaires
86 — Loubi Family
Par Karel Balas
94 — Les frères sisters
Par Anouk Nitsche
104 — Paris-Stockholm
Dans l’appartement parisien
d’Anne-Fleur Broudehoux,
fondatrice de Roseanna
142 — Tourisme
Échappée sauvage au Costa Rica
150 — Food
Photos : Osamu Yokonami ; Tiphaine Caro

La cuisine aux saveurs libanaises

Par Stanislas Liban de Maison Joumana

114 — Tokyo Playground 161 — Postludes

Par Osamu Yokonami
168 — Archives
126 — Lifestyle
Chez l’artiste Evelina Kroon
à Stockholm

8
Photo : Loïs Moreno.

sergent-major.com
 Blouse, Schiaparelli. Escarpin, Christian Louboutin. Plat, Costa Nova c/o BHV. Verre à vin et coupe en métal, Hay c/o BHV. Verre, Ferm Living.
Édito
Le repas de famille, ou l’art de s’attabler.
En ce début d’hiver 2022, essayons ensemble de... passer à table !
Si ce moment privilégié en famille trouve son point culminant dans la magie
de Noël, ces tablées hautement ritualisées n’en déchaînent pas moins
les passions : la créativité s’invite, au même titre que les particularismes
alimentaires ou les discussions enflammées.
Dans ce numéro, nous avons enquêté sur la charge symbolique du repas
familial, que nous avons mis en scène en nous invitant à la table des Loubi,
la famille déjantée imaginée pour le lancement des collections enfant
de l’iconique chausseur à la semelle rouge.
Et puisque les réunions familiales ne sont jamais à l’abri d’un dérapage,
entre les éternelles querelles et les non-dits, nous avons aussi voulu explorer
le syndrome de la méchanceté enfantine, le dernier tabou – ou verrou –
à faire sauter… ou plus simplement à ouvrir…
Nous sommes passés à table, enfin, pour découvrir les secrets de la cuisine
libanaise de la cheffe Joumana Jacob, qui, à la célébration de Noël,
préfère celle du solstice d’hiver, doté de plus de sens à ses yeux.
Se mettre à table, pour partager, chacun à sa manière et en gardant le meilleur !
Photo : Karel Balas

Isis-Colombe Combréas

Ci-dessus, ma fille Hiroko durant la prise de vue « Loubi Family ».

10
 ATELIER DE PAPETERIE POUR ÉVÈNEMENTS HEUREUX

D e s i l l u s t r a t ion s imag in ées p ou r la p lu s u n iq u e d es a n n o n ces.

À d éc ou vr ir su r co tto n bi rd.f r
 No 78 - DÉCEMBRE 2022
—
DI RE CT RI CE DE L A P U B LI CAT I O N E T DE L A RÉ DACT I O N – Isis-Colombe Combréas
DI RE CT E U R A RT I S T I Q U E – Karel Balas
—
CO MI T É DE RÉ DACT I O N
Isis-Colombe Combréas, Karel Balas, Sarah Berger, Mandy Fixy, Mélanie Hœpffner
—
RÉ DACT RI CE E N CH E F MO DE – Mélanie Hœpffner
RÉ DACT RI CE E N CH E F MAGA Z I NE – Sarah Berger
RÉ DACT RI CE – Salomé Mathieu
DE S I GN GR A P H I Q U E – Claire Aupois
S E CRÉ TA I RE DE RÉ DACT I O N – Carole Daprey
E DI T I NG – Sandra Basch
—
MO DE
Elissa Castelbou, Mélanie Hœpffner, Duygu Massol, Taichi Sumura
—
MAGA Z I NE
Jérôme Béquet, Sarah Berger, Clara Dayet, Raphaëlle Elkrief, June Fujiwara, Amandine Grosse,
Farah Keram, Salomé Mathieu, Caroline Ricard, Justine Villain
—
PH OTO
Karel Balas, Tiphaine Caro, Oliver Fritze, Émilie Guelpa, Thierry Lebraly,
Stanislas Liban, Anouk Nitsche, Fanny Rådvik, Osamu Yokonami
—
I LLU S T R AT I O N
Jules Le Barazeur, Lucile Merveille
—
T R A DU CT I O N – Astrid Steffan
D I RE CT RI CE MA RKE T I NG & B R A ND CO NT E NT – Mandy Fixy - mandy@milkmagazine.fr
C HEFFE DE PRO J E T MA RKE T I NG & B R A ND CO NT E NT – Eleonora Fridella – eleonora@milkmagazine.fr
3, rue des Pyramides, 75001 Paris – Tél. : +33 (0)1 45 08 91 49
—
MI LKMAGA Z I NE .NE T
Responsable éditoriale web : Sarah Berger – sarah@milkmagazine.fr
Responsable mode : Mélanie Hœpffner – melanie@milkmagazine.fr
Responsable web marketing : Mandy Fixy – mandy@milkmagazine.fr
Cheffe de publicité web : Eleonora Fridella – eleonora@milkmagazine.fr
—
CO RRE S PO NDA NT E À MO NT RÉ A L
Muriel Françoise – muriel@milkmagazine.fr

CO RRE S PO NDA NT E À S TO CKH O LM

Clara Dayet – clara.dayet@gmail.com
—
MI LK JA PA N
Coordinatrice : Yukari Capelle – yukaricapelle.hakka@gmail.com
Éditeur : Akira Nagkura
Directeur éditorial : Masamichi Hayashi
—
MI LK CH I NA
Éditeur : Alex Sun – alexsun@mcchina.com
Directrice des opérations : Sabrina Dong – sabrinadong@mcchina.com
Beijing MC Style Media Co. Ltd. – Tél. : +86 13911239346
—
A DMI NI S T R AT I O N E T A B O NNE ME NT – abonnement@milkmagazine.fr
Comptabilité - Maria Suthanthara – compta@milkmagazine.fr
—
S I È GE S O CI A L – 3, rue des Pyramides, 75001 Paris – RCS Paris 532 152 576 000 15
—
RÉ DACT I O N
3, rue des Pyramides, 75001 Paris – Tél. : +33 (0)1 45 08 91 53
@milk_magazine
—
Tous droits de reproduction réservés © 2022
Commission paritaire 0625 K 83746
issn 1769-3497 – Dépôt légal à parution
—
CO O RDI NAT I O N, DI S T RI B U T I O N E T DI F F U S I O N
Mandy Fixy – mandy@milkmagazine.fr
DI S T RI B U T I O N F R A NCE
MLP / F3P, Zac des Brateaux,
rue des 44 Arpents, bâtiment E,
91100 Villabé
DI S T RI B U T I O N I NT E RNAT I O NA LE
MLP / F3P, Zac des Brateaux,
rue des 44 Arpents, bâtiment E,
91100 Villabé
DI F F U S I O N
Stand Up Presse – 47, passage du Bureau, 75011 Paris
Tél. : +33 (0)6 60 18 81 46
I MP RE S S I O N
Fot

IM PRIM É EN FR ANCE
La rédaction n’est pas responsable des textes, photos, illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Leur présence dans le magazine implique leur libre publication. La reproduction, même partielle, de tous les articles, illustrations et photographies
parus dans MilK est interdite. MilK décline toute responsabilité pour les documents remis.

« Ce numéro comporte un encart Galeries Lafayette, mis sous film home-compost, en kiosques Ile-de-France et abonnés France entière
et un encart La Seine Musicale, mis sous pochettes cartonnées pour les abonnés Ile-de-France »

milkmagazine.net

12

FANNY RÅDVIK
PHOTOGRAPHE
Fanny grandit en Suède dans
une maison où l’art tient une
grande place. À 17 ans, elle
reçoit son premier appareil
photo, c’est la naissance d’une
vocation qui se confirme lors
de ses études au prestigieux
Fotoskolan à Göteborg.
Aujourd’hui, elle réalise
de nombreux travaux de
commande pour des marques
et voit ses photos publiées
dans des magazines, ainsi que
dans trois livres de cuisine
auxquels elle a collaboré.
Pour MilK, elle a photographié
l’univers haut en couleur de
l’artiste Evelina Kroon.
P. 126
14
Contributeurs
FARAH KERAM
JOURNALISTE
Franco-algérienne avec un
pied à Tunis, Farah a vécu
à Rome et à Cologne avant
de poser à nouveau ses
valises à Paris où elle travaille
désormais pour divers
médias sur les thèmes de
l’alimentation durable. À 4 ans
déjà, elle consommait une
somme astronomique de pain.
Une addiction qui la poursuit
encore aujourd’hui.
Sensible aux belles tablées et à
la cuisine qui a du sens, elle est
partie pour MilK à la rencontre
de la cheffe franco-libanaise
Joumana Jacob.
P. 150
CLARA DAYET
STYLISTE
Il y a huit ans, Clara quittait
la rédaction du MilK pour
s’installer à Stockholm.
Depuis, elle travaille en
free lance comme styliste et
set designer, et déploie son
univers coloré et fantasque
pour des marques et des
magazines français et suédois.
Elle a eu un coup de foudre
pour le travail d’Evelina Kroon
dès leur rencontre via le réseau
de créatifs qu’elle côtoie à
Stockholm. Pour MilK, elle se
livre à un entretien spontané
avec l’artiste et mère de famille
suédoise.
P. 126
THIERRY LEBRALY
PHOTOGRAPHE
Originaire du sud de la France,
Thierry a tout d’abord effectué
des études de sciences
économiques avant de se
lancer dans la photographie.
Après avoir étudié dans
une école d’art, il s’installe
à New York puis Paris,
où il assiste différents
photographes, puis entame
sa propre carrière. Ses sources
d’inspiration sont le cinéma,
le mouvement, les gens,
les sentiments et les couleurs.
Il a photographié pour MilK
son intérieur parisien, où il vit
avec sa femme, la créatrice
de Roseanna, et leurs deux
garçons.
P. 134
Photos : DR
Available at liewood.com and smallable.com
 Composition libre mêlant
mots et images, pour être dans le ton
de la saison et en apprécier
les initiatives les plus harmonieuses.

PAR SARAH BERGER ET SALOMÉ MATHIEU

MODE
—
We are family

Si nombreuses sont les marques

de mode enfant à se déployer du
côté de l’adulte, plus rares sont
celles qui empruntent le chemin
inverse. Audacieuce toujours,
American Vintage s’inscrit dans
cette mouvance-là, dévoilant
cette saison sa première
collection dédiée aux kids de
3 à 11 ans. Apprécié pour ses
basiques aux coupes loose et
minimalistes, l’incontournable label
marseillais duplique son style taille
mini à travers une trentaine de
références mixtes, casual et faciles
à porter. Maille, jean, molleton et
jersey composent ces panoplies
résolument mode avec, au bout
du fil, un vestiaire destiné à durer
dans le temps. (S.B.)
americanvintage-store.com

DÉCO
—
Archéologie poétique

Depuis New York, Panisa

Khunprasert met sa créativité au
service d’objets sculpturaux en bois
qui font se confronter formes et
couleurs. Inspirée de son enfance
passée à arpenter les usines
Photos : DR American Vintage ; DR Panisa

à jouets, l’entrepreneuse se plaît à

détourner les objets décoratifs en
jeux, et inversement. Elle présente
notamment cette série de puzzles
réalisés à la main en bois, puis
peints. La terre, ses pigments,
ses strates et l’architecture en pisé
comme inspiration ultime. (S.M.)
panisaobjects.com

18
 STYLE
—
Fashion circus

Cet hiver, le Printemps transforme,

avec la complicité de la maison
Loewe, son emblématique magasin
du 9e arrondissement parisien
en piste de cirque spectaculaire.
Un décor onirique ponctué
d’acrobates, d’animaux loufoques
et du Père Noël se déploie à travers
tout le magasin et surtout dans
l’atrium, où les créations du label
espagnol sont présentées au cœur
d’une scénographie colorée et
opulente. L’occasion de découvrir
plusieurs pièces iconiques
développées en exclusivité pour
le Printemps : ce sac « Puzzle »
lacé, ici réinventé, une bougie
senteur d’hiver au parfum d’orange
et une belle collection de boules de
Noël en forme d’animaux réalisées
en verre soufflé. (S.M.)
loewe.com
printemps.com

STYLE
—
L’ultime denim
Photos : DR Loewe/Printemps ; Shanlynne Silvestre

Une toile de jean épaisse rappelant l’excellence du

denim japonais, une coupe qui frôle la perfection,
une palette de nuances indigo, azur et écru, et une
fibre 100 % coton qui s’adoucit et s’embellit au fil du
temps : l’étoffe bleue exprime tout son potentiel sous
les ciseaux de la marque britannique Pippins Denim.
Pantalons, shorts – aux tailles élastiquées – et vestes-
chemises à pressions composent des looks mêlant
confort, polyvalence et résistance. Et si le denim était
l’unique must-have pour nos kids ? (S.B.)
p-denim.com

20
ÉQUIPEMENT
Marcher
en liberté
Des chaussures minimalistes et éco-conçues laissant
sa place à la forme naturelle du pied et permettant
de reconnecter le corps à son environnement ?
C’est la promesse de la marque Wildling Shoes,
imaginée par Anna Yona pour chausser ses trois enfants
habitués à courir pieds nus en Israël avant leur arrivée
en Allemagne.
Quelles sont les spécificités des chaussures
Wildling Shoes ?
Nos chaussures ont été conçues dans l’idée de
respecter l’anatomie du pied et l’amplitude naturelle de
ses mouvements. Dans une esthétique d’inspiration
japonaise, nos modèles sont minimalistes et n’utilisent
que la matière nécessaire pour protéger les pieds des
blessures ou des intempéries. Aussi, la conception
unique d’une semelle extérieure ultrafine offre
un contact sensoriel direct avec l’environnement.
Quels sont les bienfaits, pour les pieds et le corps
tout entier, de ces modèles minimalistes ?
Avec leur forme anatomique, nos chaussures
épousent la forme naturelle du pied. Elles offrent
l’espace nécessaire aux orteils, favorisent une
croissance saine du pied et préservent ceux-ci des
déformations. Débarrassés de structures de soutien,
les muscles du pied se renforcent naturellement
à chaque pas. Et grâce à l’épaisseur minimale de
la semelle, qui permet d’établir une connexion plus
forte avec le sol, le pas s’ajuste, se fait plus léger,
plus conscient.
22
Quels modèles trouve-t-on dans cette gamme ?
Toutes nos chaussures sont unisexes et polyvalentes.
En fonction des matières utilisées, nos modèles
s’adaptent aux différentes conditions climatiques. Pour
l’hiver, nous proposons des chaussures montantes
à l’épaisse doublure en laine moulue ou en chanvre
et lin comme alternative végane. Toutes les chaussures
d’hiver sont dotées d’une membrane hydrofuge. Et
l’été, il existe une gamme de modèles super légers et
aérés fabriqués à partir d’un textile spécial washi ou des
coupes basses plus robustes en lin, chanvre et coton.
En quoi les chaussures Wildling Shoes sont-elles
durables ?
Nous utilisons des matériaux naturels et durables
autour des pieds pour une expérience de port
confortable. Toutes les pièces des chaussures sont
réparables par nos soins et les semelles extérieures
peuvent être recyclées (et remplacées) à la fin de
leur durée de vie. Elles sont ensuite réutilisées pour
créer de nouvelles semelles. Aussi, nous travaillons
en étroite collaboration avec les fabricants et les
agriculteurs, principalement en Europe, afin d’établir
des chaînes d’approvisionnement transparentes,
équitables et écologiques. Le défi le plus important et
le plus urgent de Wildling est de cocréer un nouveau
Photos : DR ; Oliver Fritze
type d’économie, visant non pas à maximiser les
profits, mais à avoir un impact positif et régénérateur
sur la société et sur notre quotidien.
Propos recueillis par Sarah Berger
wildling.shoes / @wildling.shoes
GLOSSAIRE DE LA PARENTALITÉ

Psychogénéalogie [psik eneal i]

Et si les traumatismes de nos ancêtres avaient une incidence directe

sur notre vie actuelle, nos blessures et notre rapport aux autres ?
C’est en tout cas l’idée que défend la psychogénéalogie, une discipline
apparue dans les années 1970 sous l’impulsion d’Anne Ancelin
Schützenberger, psychologue et auteure de l’ouvrage Aïe, mes aïeux !
Selon elle et d’autres scientifiques adhérant à ce courant de pensée,
à l’instar de Françoise Dolto qui vantait les mérites de la thérapie
transgénérationnelle, il existerait une sorte de transmission
traumatique entre les différents membres d’une même famille.
En clair, c’est comme si nous héritions, en plus d’un patrimoine
génétique, d’une mémoire inconsciente nourrie des vécus et des
drames de notre famille, qu’ils soient tus ou non d’une génération
à l’autre. Une date clé qui revient, un prénom similaire, une histoire
qui se répète… toutes ces occurrences entreraient en résonance avec
nos propres maux et en seraient même la source. Pour se libérer
de ce déterminisme familial, Anne Ancelin Schützenberger propose
d’enquêter sur sa famille pour mieux se comprendre soi-même
à l’aide d’un génosociogramme, un outil thérapeutique qui consiste
en la confection, avec un professionnel, d’un arbre généalogique
mettant en avant les liens entre chaque individu et les événements
marquants. Si certains scientifiques sont encore sceptiques quant
à la véracité de cette pratique, nul doute que la démarche peut tout
de même être hautement réparatrice et bénéfique. Et si les fêtes
de fin d’année étaient justement propices au dévoilement des secrets
de famille ? (S.M.)

24
 MODE
—
Vestiaire élémentaire

Cette saison, Gray Label célèbre l’arrivée d’un nouveau

coloris dans ses collections : le vert olive. Décliné
en cardigan, pantalon, combinaison, robe et même
en accessoires, il s’associe harmonieusement à
d’autres pièces de la collection de couleur rose argile,
bleu gris ou cacahuète. Comme toujours, la marque
basée à Amsterdam mise sur des coupes épurées
et confortables, des pièces aux imprimés sobres et
intemporels, pensées avant tout pour durer. Un souci
du détail qui va de pair avec des valeurs profondément
éthiques, les vêtements étant tous conçus en coton
bio certifié GOTS. (S.M.)
gray-label.com

VACANCES
—
Hors piste

Après les Baux-de-Provence et

Hossegor – ses deux premières
Maisons hôtelières –, Iconic House
inaugure sa troisième propriété
située au cœur des Trois Vallées.
Un chalet d’exception à Courchevel
1550, cœur familial et authentique
de la station. Sur quatre niveaux,
ce repaire haut perché, pouvant
accueillir jusqu'à 20 personnes,
compte une majestueuse pièce
à vivre où se retrouver près du feu,
huit suites, avec vue grandiose
sur la montagne, et un dortoir
Photos : DR Gray Label ; DR Iconic House

pour les enfants. Salle de cinéma,

piscine chauffée, salle de fitness,
studio de yoga et « Kids Paradise »
complètent l’ensemble qui, dans
un esprit luxueux, conserve avec
authenticité l’âme réconfortante
d’un refuge. (S.B.)
iconic.house

26
 Nouvelle collection
Automne - Hiver 2022

CUIR TANNÉ SANS COLLE À 1% POUR LA  easypeasyofficiel

VÉGÉTAL CHROME L’EAU BIODIVERSITÉ www.easypeasy.fr
DÉCO
—
Tous en scène

La nouvelle collection « Majestic » de Nobodinoz déploie ses rayures

colorées sur des pièces aux traits affirmés et ravive les intérieurs d’une
ambiance ludique et chaleureuse. Cabane, matelas au sol, fauteuil-pouf,
guirlande et théâtre de marionnettes, la marque franco-barcelonaise
parvient comme toujours à croiser avec brio l’univers des petits rêveurs
et celui des grands enfants. Somptueuse et naturellement festive,
cette collection capsule s’invite à l’occasion des fêtes et fera sensation
sous le sapin. (S.B.)
nobodinoz.com

JOUET
—
Bestiaire douillet

Il y a l’ours Jules, le chien Hector ou encore la tortue

Photos : DR Nobodinoz ; DR La Pelucherie

Rosalie. Fondée en 1976, l’entreprise familiale

La Pelucherie donne vie à des animaux tout doux,
des peluches haut de gamme plus vraies que nature.
Chacune est minutieusement confectionnée à la
main en Italie et avec des matériaux de grande qualité,
délicats et non allergènes. Un très beau cadeau de
Noël, unique et magique, qui deviendra à coup sûr
le meilleur ami des petits. (S.M.)
la-pelucherie.com

28
30
Photo : Albertine Hadj
 Son nom est…
Kenza Keller

La fondatrice de talm, première

marque de soins experte de
la maternité.

Connaissez-vous des cosmétiques véritablement par le prisme de la sensorialité et du plaisir. »

efficaces, sans compromis sur la sensorialité et, surtout,
sans danger pour accompagner les femmes durant leur
grossesse, et même après ? Il y a encore peu, c’était une
question piège. Jusqu’à l’arrivée de talm. La première
gamme de soins responsable, qui accompagne les
femmes de la grossesse au post-partum en alliant
dans un même produit la sécurité à l’efficacité, sans
rien abandonner de sa désirabilité. Derrière cette idée
sensée, Kenza Keller. Et si le produit est si convaincant,
c’est que sa fondatrice connaît bien son sujet.
Ayant évolué pendant plus de dix ans dans le secteur
du luxe et de la beauté, d’abord au sein du groupe LVMH,
puis chez Byredo, en qualité de directrice du marketing
et de la communication, Kenza est aussi mère de deux
fillettes. Son intérêt pour l’univers de la beauté ainsi que
ses grossesses l’amènent à se pencher sur la façon
dont la maternité est abordée par le secteur du skincare,
et à faire le constat que la révolution de la clean beauty
n’est pas encore arrivée jusqu’aux femmes enceintes.
« Je ne comprenais pas qu’il n’y ait le choix qu’entre
des produits hyper bruts, donc safe, mais absolument
pas flatteurs de notre féminin, ou des produits affichant
sur leurs packagings des injonctions énormes : anti-
vergetures, fermeté, anti-cellulite. Quant aux produits que
je trouvais en pharmacie, les formulations n’étaient pas
complètement sans danger pour la femme enceinte que
j’étais. » Si elle se passionne pour le sujet dès sa première
grossesse, ce n’est que lors de la seconde qu’elle
l’envisage comme un projet entrepreneurial. Puis il faudra
attendre de trouver les formulations justes, permettant
de concilier la triple promesse de la marque, et de voir
passer quelques vagues de Covid et les confinements,
avant que talm – acronyme de To all the mamas – ne se
dévoile au public. À son lancement en septembre 2021,
la collection de soins s’articule autour de trois produits
complémentaires : un sérum, un baume et une huile.
Tous à l’innocuité garantie, sans ingrédients controversés,
testés toxicologiquement, dermatologiquement,
occulairement, et de grade alimentaire, donc compatibles
Photo : Albertine Hadj
Au-delà du produit, Kenza voit en talm un endroit
favorable et sécurisant, à l’image d’un doux refuge pour
les futures et jeunes mamans. Au moyen de sa marque,
elle répond aussi au sujet de la réappropriation de son
corps, des injonctions subies (« Soyons et restons
belles »), de la cohabitation avec une féminité nouvelle et
du rapport à soi. « Je voulais devenir la première marque
de soins qui soit l’amie des mères. Qui ne soit pas contre
leur corps mais qui l’accompagne. » Avant, pendant, et
après la grossesse. Car talm n’élude pas cette dimension
de l’après, tout aussi sensible et bouleversante pour les
femmes. Elle sera d’ailleurs la première marque à afficher
la notion de post-partum sur ses produits de soins.
Aujourd’hui distribuée chez Oh My Cream, aux
Galeries Lafayette et dans dix pays en Europe, la gamme
talm s’est enrichie en octobre dernier d’un nouveau
produit. Un complément alimentaire pour cheveux,
ralentissant leur chute et favorisant leur repousse, lors
de ce fameux post-partum, justement. « J’ai commencé
par le premier chapitre qui est celui de la conception,
de la grossesse, puis du post-partum. Pour la suite,
l’idée serait de continuer à écrire cette histoire et de
m’adresser à des femmes qui ont des enfants plus âgés.
Mon rêve serait de pouvoir les accompagner jusqu'à
ce que les enfants quittent le nid. » Elle nous l’avait bien
dit : To all the mamas. (S.B.)
talm.co

avec l’allaitement. « Mon objectif premier était de dire :

vous venez chez talm, c’est une destination 100 % sûre,
à tous les stades de votre maternité. Ensuite, de parler
d’actifs et d’efficacité. Puis enfin, d’aborder la maternité

31
 MOBILITÉ
—
Ligne de conduite

Des roues, un moteur (électrique),

du confort et une fiabilité sans
faille… existe-t-il vraiment meilleure
alternative à la voiture ? Pensés
pour la mobilité douce en milieu
urbain, les vélos électriques haut de
gamme Riese & Müller réinventent
avec engagement le véhicule
de demain. Outre le fait de favoriser
l’hypermobilité, ils offrent aussi
un mode de vie plus sain et
respectueux de l’environnement,
quand on sait que 60 % des trajets
domicile-travail de moins de 5 km
sont encore effectués en voiture,
contre 5 % à vélo (Insee, 2021). Les
différents modèles de la gamme,
ultramaniables, permettent de
transporter jusqu’à trois enfants
dans sa version cargo ou, comme
illustré ci-contre, deux enfants,
sécurisés par le kit Safety Bar.
Liberté, sécurité et durabilité,
sans rien perdre de son confort :
autant de bonnes raisons de
délaisser pour de bon la voiture
au quotidien (S.B.)
r-m.de

Photos : Lars Schneider / Riese & Müller ; DR Théâtre Mogador

SPECTACLE
—
Il suffira d’un cygne

Ballet iconique par excellence, Le Lac des cygnes de Tchaïkovski

se réinvente cet hiver au théâtre Mogador, présenté dans une version
simplifiée accessible aux familles et aux enfants à partir de 5 ans. Intitulé
Mon premier Lac des cygnes, le spectacle à la fois conté et dansé retrace
les fameuses aventures de Siegfried et Odette, et est notamment interprété
par l’ancien danseur étoile Karl Paquette. Une belle idée de virée culturelle
en famille pour les fêtes de fin d’année. (S.M.)
Mon premier Lac des cygnes, du 19 novembre 2022
au 3 mars 2023 — theatremogador.com

32
boboli.es/change Autumn Winter Collection 2022

Discover and change the world with

Coin lecture
Offrir un livre à Noël, une solution de facilité ? Il n’en est rien, car encore faut-il bien le choisir pour être
certain de faire plaisir. Sélection de quatre ouvrages bien pensés, afin de ne pas se tromper. (S.B.)
Pour le petit dernier, quand on ne sait plus quoi lui lire
Le journaliste et fondateur du guide du Fooding
Alexandre Cammas a imaginé cette histoire improbable
de doudou fondant pour amuser ses propres enfants
il y a de ça bien longtemps. Dix années plus tard, cette
fable spontanée testée et approuvée devient un livre.
Et comment ne pas fondre devant cette histoire de
poupée en savon qui s’abîme au moindre câlin ?
Le Doudou fondant, d’Alexandre Cammas,
illustré par Lamia Ziadé, Robert Laffont, dès 5 ans
Pour cette nièce qui aimerait que quelqu’un
réponde à ses questions existentielles
Comment le vent se forme-t-il ? Quelles sont les
conséquences d’une tornade ? Où souffle le simoun ? Si
à toutes ces questions vous donnez votre langue au chat,
ce livre documentaire palliera vos lacunes et offrira à ses
jeunes lecteurs un formidable voyage au gré du vent.
Le Vent, d'Anna Skowrońska, illustré par Agata Dudek
et Małgorzata Nowak, Albin Michel Jeunesse
34
Pour les parents en manque d’inspiration
Quel film regarder avec les kids lors de la prochaine
soirée ciné-canapé ? Une question récurrente pour
tout parent, et dont la réponse se déploie au fil des
pages de cette anthologie qui répertorie le meilleur du
cinéma jeune public. Une bible qui a elle seule rappelle
tous les bienfaits des écrans, dès lors qu’ils sont utilisés
à bon escient.
Le Meilleur du cinéma pour les enfants,
illustré par Clotilde Perrin, Seuil Jeunesse
Pour un ado bien dans ses pompes
Emblématique de génération en génération et véritable
phénomène de société, la basket est la tendance
phare de la mode ado. Et quand un sujet les passionne
à ce point, on ne va pas les priver de potasser.
Les codes, les marques, les iconiques, les grandes
tendances, les acteurs du secteur, le sujet dans
Photos : DR
son intégralité est ici brillamment traité.
Sneakers Obsession, de Kikikickz, Flammarion
Union libre
Cette saison encore, nos créateurs et labels favoris marient leurs talents et savoir-faire pour donner vie
à des créations éphémères et originales. Sélection choisie de ces alliances réjouissantes. (S.B.)

Disneyland Paris
× Monopoly

Pour son 30e anniversaire, le

célèbre parc d’attractions s’associe
au jeu de société le plus populaire
au monde, et propose une version
inédite du Monopoly en édition
limitée. Sur le plateau se déploient
les lieux emblématiques de
Disneyland Paris, ses attractions
les plus plébiscitées, alors que
les pions se réinventent en
personnages Disney, et les billets
de banque s’ornent de portraits à
leurs effigies. Aucun doute, escorté
par Donald et Mickey, le retour
à la case départ se fera de bon gré !
Disponible en exclusivité dans
les boutiques Disneyland Paris
shopdisney.fr

Photos : DR Disneyland Paris × Monopoly ; DR Rosemood × Antoinette Poisson

Rosemood
× Antoinette Poisson

Alors que les fêtes de fin d’année riment avec mots

doux et petites attentions, Atelier Rosemood nous
accompagne dans ce moment tout particulier en
invitant, sur sa collection de papeterie personnalisable,
les motifs raffinés d’Antoinette Poisson. Le tandem de
créateurs, qui a fait de sa spécialité le papier dominoté
– un art décoratif hérité du siècle des Lumières –,
imprime sur les calendriers de l’avent, cartes de
vœux et calendriers ses précieux dessins fleuris et
géométriques, redonnant à l’objet papier ses lettres
de noblesse.
rosemood.fr
antoinettepoisson.com

36
 BigStuffed × Bonpoint

Les chutes de tissu des anciennes collections de

la maison Bonpoint s’offrent une seconde vie, habillant
de leurs motifs originaux – Liberty et tartan en tête –
les animaux marins de BigStuffed. Les crabes et les
baleines se tiennent à carreau, tandis qu’octopodidés
et cétacés nous charment de leurs robes fleuries.
De jolies peluches upcyclées qui, à l’occasion des
fêtes, se mettent sur leur 31 !
bigstuffed.com
bonpoint.com

Veja × Amélie Pichard

Alors que la marque de baskets éthique et solidaire

Photos : DR BigStuffed × Bonpoint ; DR Veja × Amélie Pichard

Veja multiplie les collabs, invitant régulièrement

les plus grandes marques à réinterpréter ses modèles
iconiques, elle ose, avec la complicité de la créatrice
Amélie Pichard, un pas de plus en proposant un modèle
jamais vu. Semelle épaisse tout-terrain, design aux airs
de sabot confortable et uppercut stretch évoquant une
chaussette douillette… cette chaussure adresse aussi
un clin d’œil aux marques de luxe avec la présence
d’un motif monogramme. Entre humour et durabilité,
ce duo-là fait clairement la paire.
veja-store.com
ameliepichard.com
JULIE ET MARIE SKALL,
LES FONDATRICES DE SKALL STUDIO
Contre vents et marées
Julie et Marie Skall ont fondé Skall
Studio, un univers mode et déco
intemporel aux couleurs vraies
et au style durable.
Portée par des filles aussi stylées que les jumelles
Amalie et Cecilie Moosgaard, Caroline Bille Brahe ou
encore Amanda Nørgaard, la marque danoise Skall
Studio s’est dévoilée au fil des posts de notre feed
Instagram, jusqu’à devenir notre plus grande obsession
38
mode. Robes longues et amples, vestons matelassés,
pulls torsadés, et blazers lainés, par quelle magie
la moindre pièce de ce label nordique habille-t-elle les
silhouettes de cette allure remarquable, sans pour
autant ne rien abandonner de sa sobriété revendiquée ?
Photos : DR Skall Studio
Aucun tour de passe-passe derrière cet
enchantement, mais la vision de deux sœurs, Julie
et Marie Skall, qui, depuis 2014, ont à cœur de proposer
un vestiaire responsable, bien avant que la durabilité
ne devienne un choix évident en matière de mode.
 Pour que leurs créations s’inscrivent dans la durée et
puissent être portées année après année, il leur a fallu
trouver les coupes les plus justes, sourcer les matières
les plus irréprochables. Car le tombé – autant que
le toucher – parfait d’un vêtement ne le rend-il pas
indémodable ? Effortless mais féminin, confortable mais
élégant, le vestiaire Skall Studio s’appuie sur une palette
de tonalités naturelles allant du blanc au brun, en
passant par le beige, le taupe et le gris, et se construit
exclusivement à partir de textiles non teints. Avec deux
collections principales par an, les pièces de la saison
réinterprètent et perfectionnent celles des saisons
précédentes, car nul besoin de réinventer sans cesse
le bon essentiel quand on le tient. « Par exemple,
ces deux dernières saisons, nous nous sommes
concentrées sur les vêtements d’extérieur, que nous
travaillons depuis peu avec doublure et étiquette en
coton pour en faire un choix encore plus conscient et
responsable. » Raison d’être de Skall Studio, l’utilisation
Photos : DR Skall Studio
de matières naturelles telles que la laine danoise,
le coton biologique, le lin pur, et les fibres recyclées
comme le cachemire, le coton, la laine sont le fondement
même de ces vêtements voués à durer dans nos
placards tout en étant doux pour la planète. Illustration
de cette noble ambition, un service de réparation
à vie pour les pièces Skall Studio endommagées.
En plus de la ligne femme, la marque propose,
sur son site et dans sa boutique située dans la capitale
danoise, ses propres patrons et des pelotes de cette
fameuse laine danoise, offrant aux clients les plus
manuels la possibilité de confectionner leurs propres
tricots. « Nous encourageons de cette façon notre
clientèle à soutenir la production locale, et en même
temps à maintenir le savoir-faire en vie. Nous sommes
particulièrement sensibles à l’artisanat et, depuis
le début, nos tricots emblématiques danois ont été
fabriqués dans l’une des dernières filatures et l’une des
dernières usines de tricotage au Danemark. » Depuis
quelques années, la ligne principale s’est vue complétée
d’une collection enfant, Skall Musling et, l’année
dernière, d’une gamme pour la maison Skall Home.
Car si la durabilité commence dans nos propres
garde-robes, alors pourquoi ne se poursuivrait-elle pas
dans celle de nos bambins et, a fortiori, dans la maison
tout entière ?
Mots : Sarah Berger
skallstudio.com / @skallstudio
39
 La photo d’enfance
de la chanteuse
Pomme

« Sur cette photo, je dois avoir 6 ou 7 ans. C’est
la période où ma mère m’avait coupé les cheveux
comme un garçon. En tout cas, à l’époque, on disait ça
comme ça. Aujourd’hui, en 2022, tout est beaucoup
plus libre, heureusement. Je me souviens que les gens
m’appelaient “jeune homme” et ça m’agaçait. Je suis en
pyjama, dans la cuisine de ma maison à Caluire-et-Cuire,
en banlieue lyonnaise. Je porte fièrement dans les bras
mon gros lapin nain Poppins. Il était un peu effrayant
avec ses yeux rouges mais je le trouvais sublime.
C’était mon tout premier animal de compagnie. Déjà à
l’époque, j’étais complètement obsédée par les animaux.
C’était tout ce qui m’importait dans la vie. Je parlais
avec les chats du quartier, avec tous les animaux que
je rencontrais. Au départ, mes parents ne voulaient
pas d’animal de compagnie, donc l’arrivée de ce lapin
dans ma vie a été une bénédiction. Quand il est décédé,
le 11 novembre 2004, j’étais si triste que j’ai écrit ma
toute première chanson en son honneur. Par la suite,
j’ai eu la chance d’avoir plein d’autres animaux, des
chats, des poules et surtout mon chien Floppy, qui a
12 ans aujourd’hui et qui est devenu mon meilleur ami.
J’ai toujours pensé que les animaux étaient magiques,
qu’ils évoluaient dans un monde fantastique. Je crois
que ça m’est aussi venu des livres et des films que
j’ai consommés étant enfant. Ceux de Claude Ponti,
évidemment, qui mettaient en scène des animaux, des
champignons et autres créatures, mais aussi la saga
Harry Potter, où chaque sorcier ou sorcière a son animal
de prédilection. Et puis mon livre préféré, quand j’étais
enfant, À la croisée des mondes, de Philip Pullman, où
chaque personnage est relié par un petit fil à un démon
animal. Finalement, j’ai toujours eu l’impression d’être
mieux comprise par les animaux que par les humains,
d’appartenir à leur monde plutôt qu’au mien. »
Propos recueillis par Salomé Mathieu

SOUS LES PAUPIÈRES

Pomme et Pauline de Tarragon (alias la tolérance et l’inclusivité sont de mise,

Pi Ja Ma) démultiplient leurs talents
et publient ensemble cet ouvrage pour
enfants. À l’heure de la sieste, Sofia est
transportée vers un monde merveilleux
peuplé de créatures magiques, de
maisons-champignons et de lutins, que
chacun est libre d’être qui il ou elle veut,
et toutes les différences sont célébrées.
Un souffle de liberté dans la littérature
jeunesse.
Photo : DR

ses amies Fée-Moustache et Fée-Ministe SOUS LES PAUPIÈRES, DE CLAIRE POMMET

lui font visiter. Dans cet endroit rêvé où ET PAULINE DE TARRAGON, LA VILLE BRÛLE
 FESTIVITÉS
—
Mon beau sapin

Alors que les célébrissimes vitrines de Noël des

Galeries Lafayette demeurent un incontournable
de la saison, le grand magasin parisien voit cette année
les choses en grand ! Pour l’occasion, la romancière
Claire Castillon a été invitée à imaginer un joyeux conte
de Noël, qui se décline à tous les étages du magasin.
Et si l’histoire du sapin Nordmann envoyé sur
Terre pour sauver le Noël de la petite Annie est aussi
disponible en librairie, elle se déploie également au
sommet du magasin du boulevard Haussmann, dans
une expérience immersive et sensorielle d’envergure,
qui donne vie au conte grâce à de grandes projections
lumineuses et une ambiance sonore inédite. À découvrir
en famille jusqu’au 23 décembre prochain. (S.M.)
Planète Sapin, Mission Noël, de Claire Castillon, illustré
par Florent Chavouet, éditions Michel Lafon.
Galeries Lafayette, 40, boulevard Haussmann, 75009 Paris,
galerieslafayette.com

Photos : DR Michel Lafon ; « Portrait de l’artiste » de Pierre-Adrien Sollier, d’après Vincent Van Gogh, 1889 / DR RMN-Grand Palais
LIVRE
—
Mobil artistique

Comment éveiller la curiosité des enfants dès lors qu’il

s’agit de leur parler d’art ? Les éditions RMN-Grand
Palais répondent à cette question avec brio à travers
l’ouvrage En avant les histoires de l’art ! Au fil des pages,
l’artiste Pierre-Adrien Sollier réinterpréte les chefs-
d’œuvre les plus illustres de l’histoire de la peinture
en invitant sur les toiles des personnages Playmobil® !
Réinventés sous les pinceaux de l’artiste, 90 tableaux
offrent une lecture évocatrice et tout de suite moins
intimidante aux yeux des enfants. Guidé par des clés
de lecture simples et intuitives, et la plume complice
de Clémence Simon, l’imaginaire des petits lecteurs est
mis à contribution, permettant une connivence certaine
et favorisant leur compréhension. Du coffre à jouets
aux allées des musées, il n’y a finalement que quelques
pages à tourner ! (S.B.)
En avant les histoires de l’art !, de Clémence Simon, illustré
par Pierre-Adrien Sollier, éditions RMN-Grand Palais.
editions.rmngp.fr

42
BIBS COLOUR MAINTENANT DANS
TOUTES LES FORMES DE TÉTINE
 ESCAPADE
—
Sur un arbre perché

Admirer la beauté du dehors,

tout en profitant du confort du
dedans. Dans l’Eure, les dix-huit
écolodges de Yuza, conçus
par le studio d’architecture
Rodolphe Albert de Roda, invitent
à faire l’expérience d’un tourisme
d’un nouveau genre, tourné vers
la nature, sa préservation et ses
ressources dans une démarche
authentique. Qu’elles soient de
plain-pied, perchées à 4 mètres
de hauteur ou sur des coteaux,
les cabanes composent une
architecture simple et organique,
et tout autant chaleureuse grâce
aux poêles à bois présents dans
chaque habitat. Un appel à vivre
sobrement et à se reconnecter
à notre environnement. (S.M.)
youza.fr

STYLE
—
Pyjama Party
Photos : Charly Derouet ; DR Sergent Major

Comme chaque année, Sergent Major donne

rendez-vous à l’hiver pour sa collection de « Pyjamas
Rêveurs », à la fois festifs et évidemment confortables.
Des ensembles en velours tout doux qui convoquent
l’imaginaire traditionnel de Noël : un colorama de rouge,
bleu nuit et or, mais aussi des motifs tartan, pluies
d’étoiles, rayures et des petites collerettes brodées.
Un vestiaire nocturne enchanteur jusqu’à 11 ans. (S.M.)
sergent-major.com

44
thesundaycollective.com @thesundaycollective_kids
CAROLINE BILLE BRAHE
MODE
—
Atout de Caro
La mannequin danoise Caroline Bille Brahe lance
le label de prêt-à-porter Caro Editions. Des pièces
de caractère à porter au quotidien, directement
inspirées de la garde-robe de sa créatrice.
Quel est le style du vestiaire Caro Editions ?
J’ai construit cette marque en partant de mon style
personnel. J’aime les couleurs vives, les imprimés,
les belles matières, les pièces vintage, les coupes
amples. On retrouve donc, dans cette première
collection, des robes fluides en soie de mûrier avec
un nœud dans le dos, des bombers oversize en toile,
des blousons en jean upcyclés avec des empiècements
aux motifs colorés, des tricots tout doux, ou encore
des vestes et gilets en velours avec applications
d’étoiles. Je ne porte plus que ça au quotidien, jouant
des associations selon mon humeur du jour !
Caro Editions s’inscrit dans une mode consciente
et durable, qui vit au-delà des saisons…
Je suis obsédée par les belles coupes et les matières
haut de gamme qui durent dans le temps. Je ne porte
jamais rien de « tendance » et c’est d’ailleurs devenu
mon principal objectif : n’avoir que des pièces qui
46
gardent leur valeur au fil des années et que l’on chérit
pour toujours. Je crois sincèrement aux vêtements
qui vont au-delà des saisons, aux pièces intemporelles
qui durent par-delà les modes.
Quelles sont tes pièces chouchoutes ?
En ce moment, je porte des pulls et cardigans en laine
car il fait froid à Copenhague ! Le tee-shirt de base-ball
oversize, qui existe en plusieurs coloris, est également
mon incontournable de tous les jours. Et aussi, ces
ensembles aux allures de pyjama en coton qui, sans
avoir à y réfléchir, créent tout de suite une silhouette
remarquable.
En tant que mère, ne songes-tu pas à développer
également une ligne pour les enfants ?
Nous venons justement de créer une capsule en édition
limitée avec SSENSE, qui sortira prochainement.
Elle se composera de pièces largement inspirées par
les looks adulte. Une collection déjà largement testée
et approuvée par mes deux enfants !
Photos : Ana Kraš
Propos recueillis par Sarah Berger
caro-editions.com / @caroeditions
© Louise Skadhauge pour Minois Paris

Soins naturels pour bébés et enfants

www.minoisparis.com
 CHRYSOLINE DE GASTINES

Photo : Stanislas Liban

48
 Reality show(room)
100 % digitale depuis ses débuts, Balzac Paris réaffirme son
engagement responsable entre les murs de sa première boutique IRL.
Née sur les réseaux sociaux il y a huit ans déjà,
la marque de prêt-à-porter Balzac Paris s’est
construite autour d’un modèle exclusivement online.
Un pure player qui a toujours été porté par un fort
engagement communautaire, ayant activement
participé à l’incontestable succès du label. « Depuis
le début, je savais que l’esprit Balzac aurait un jour
un prolongement physique, confie Chrysoline de
Gastines, sa fondatrice. Et là, nous sommes arrivés
à un moment de l’histoire où il est important que notre
identité s’exprime dans une dimension plus concrète. »
En septembre dernier, dans le 10e arrondissement
parisien, la première boutique physique de Balzac,
réalisée en collaboration avec les architectes du studio
RMGB, ouvre ses portes. En amont, une massive
campagne d’influence en ligne est menée, avec le
slogan « Vous avez l’adresse ? » Déjà, la complémentarité
entre les deux canaux semble évidente.
Pour un label de mode dont les fondements reposent
sur une dynamique responsable et éthique, raconter les
matières, partager ses valeurs, présenter ses dernières
innovations et embarquer le client dans sa vision
est essentiel. Pourtant, le message n’est pas toujours
lisible quand il est uniquement diffusé par le prisme
d’un écran. Et puis, si pour les marques d’aujourd’hui,
le positionnement durable est devenu un prérequis (ou
Photo : Stanislas Liban
presque), pour le client, tout le jargon qui y est associé
reste nouveau. Comment lui expliquer les matières ?
La composition ? L’utilisation du Tencel®, de l’Ecovero®
ou du coton bio ? Et que met-on derrière le label GOTS ?
Des sujets sur lesquels bon nombre d’entre nous ont
besoin d’être guidés. « Quand je vais parler à mes clients
de mes matières éthiques tout en leur montrant un
legging léopard, le propos devient visuel et va forcément
marquer. Il faut afficher cette vision durable-désirable,
qui est au cœur de tout vêtement. »
D’autant qu’il y a beaucoup à dire sur le vestiaire
Balzac : des jeans en 100 % coton délavé au laser plutôt
qu’au moyen de matériaux chimiques couramment
utilisés, du Made in France pour une série d’accessoires
comme les bijoux, les lunettes ou certains tricots,
le soutien de la fondation Ellen MacArthur qui
accompagne les marques dans leur objectif d’impact
moindre sur l’environnement… Des informations denses
à transmettre, mais pour le moins nécessaires pour
expliquer le chemin pris par Balzac. « Sur les réseaux
sociaux, il y a des prises de parole régulières dédiées
à ces sujets, mais elles ne sont pas exhaustives afin
de ne pas noyer notre communauté dans une masse
indigeste d’informations. En boutique, lorsque l’on
personnalise son discours en fonction de l’affinité
produit, le message est beaucoup plus fort. »
Ce nouvel espace est aussi l’occasion de mettre
en application les différents services responsables de
la marque. L’offre « Seconde Vie » se matérialise ainsi
en boutique par un portant dédié aux pièces Balzac à
prix doux, alors que le grand comptoir du « Kiosque » se
transforme en lieu d’échange. On y dépose ses dons,
dans le cadre d’un partenariat noué avec Emmaüs, et
l’on vient également profiter du service réparabilité de la
marque, qui garantit à vie chacune de ses pièces.
Côté mode, les pièces imaginées par Chrysoline
et son équipe pour les fêtes de fin d’année n’échappent
pas à cette ligne de conduite. Si la rigueur d’un sourcing
de matières responsables ne permet pas toujours
de travailler avec les étoffes les plus festives comme
la paillette, par exemple, cette équation en apparence
impossible a pu être résolue. Pour cette collection hiver,
20 % des matières sont issues de stocks dormants
– provenant à la fois des surplus de Balzac mais aussi
d’autres marques. Résultat : des tenues lumineuses
comme un pantalon à rayures bleu et blanc à sequins,
ou un body à paillettes étincelant. À commander
en ligne… ou à venir toucher et essayer rue d’Hauteville.
Vous avez l’adresse ? (S.B.)
balzac-paris.fr / @balzacparis
Boutique Balzac Paris, 82, rue d’Hauteville, 75010 Paris
49
 TENDANCE

Génération upcycling
Faire du neuf avec du vieux, le concept ne date pas d’hier.
Il connaît aujourd’hui un regain d’intérêt dans le domaine
de la mode enfantine. Et si c’était la solution
pour habiller de façon éthique les adultes de demain ?

1
00 milliards de vêtements achetés par an dans le
monde. 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre
émis par le secteur du textile chaque année. 4 % de
la totalité de l’eau potable disponible utilisée pour
produire des vêtements. 99 % des fibres contenues dans
nos vêtements non recyclées. Les chiffres de l’industrie
de la mode ont de quoi donner le tournis, autant qu’elles
inquiètent pour l’avenir de notre planète. Face à ce constat,
des marques de mode enfantine s’engagent et innovent
pour créer un vestiaire vraiment responsable. Leur ligne
d’attaque ? L’upcycling.
Tirer la sonnette d’alarme
« Le vêtement qui pollue le moins est celui qui existe déjà. »
Voilà comment Géraldine Adam résume l’intérêt de l’up-
cycling, que l’on appelle aussi surcyclage. À la tête de la
marque Unie & co, l’entrepreneuse transforme des vête-
ments d’adultes déjà existants en pièces pour les bébés
ou les enfants, soit à partir de vêtements de parents dans
une démarche sensible et affective, soit à partir de pièces
vintage chinées chez l’un des leaders mondiaux de la se-
conde main. Idée de génie. Plus besoin de faire fabriquer
de nouveaux tissus, il suffit de piocher dans les stocks
dormants et de les revaloriser en les réutilisant. « Je vou-
lais sauvegarder ces belles matières qui étaient là sous mes
yeux tous les jours, ces vêtements que je ne portais pas et
que j’entassais. Notre modèle nous permet réellement de
redonner la première place aux matières et au savoir-faire
textile », explique Géraldine. Et elle n’est pas la seule à
avoir été frappée, ces dernières années, par la nécessité de
réfléchir à un dressing d’enfant éthique, à l’impact envi-
ronnemental moindre. Parce que les enfants grandissent
à la vitesse de la lumière et que leurs vêtements ne sont
pas extensibles, il était nécessaire de repenser – vite et
bien – l’industrie qui habille les plus petits. La crise du
Covid a, en cela, accéléré les choses. Contraints par un
monde à l’arrêt, les créateurs et créatrices de mode ont dû
faire avec ce qu’ils avaient sous la main : des matériaux
déjà existants auxquels il fallait donner une seconde vie.
Défi relevé aussi pour Auriane Blandin-Gall, fondatrice de
la jeune marque Cèucle. À partir de matières provenant à
la fois de vêtements de seconde main et de chutes de tissu,
la créatrice donne vie à un dressing minimal, unisexe et
oversize mixant les matières, les couleurs et les volumes.
Un jeu sur les coupes et les découpes, qui fait apparaître les
différences de matière à la manière d’un patchwork délicat.
Preuve aussi que d’une démarche engagée peut émaner un
sens certain du style, que l’upcycling vient même aiguiser.

50
 UNIE & CO

Plus besoin de faire fabriquer

de nouveaux tissus, il suffit
de piocher dans les stocks
dormants et de les revaloriser
en les réutilisant.
Photos : Rebecka Oftedal ; DR Cèucle

CÈUCLE
51
 TENDANCE

AIKO STUDIO

Terrain de (ré)création
« Travailler en upcycling, c’est autant une contrainte que la
base de notre créativité. C’est tellement stimulant d’imaginer
comment redonner vie à une pièce, encore plus quand celle-ci
a une histoire », assure la fondatrice d’Unie & co. Comme si
les vieux matériaux étaient source d’inventivité nouvelle.
Et dans un savant jeu de ping-pong, anciennes et nouvelles
pièces se répondent. « Souvent, le textile adulte nous sert
de point de départ pour imaginer les collections. Parfois
aussi, il nous arrive de chercher une matière particulière
pour répondre à la pièce enfant que nous avons imaginée »,
explique Géraldine Adam. À Bruxelles, Gioia Seghers
s’inspire directement des pièces qu’elle transforme pour
penser des vêtements nouveaux pour sa marque Aiko
Studio. Inspirée par la culture nippone, la créatrice chine
des pièces denim et des cachemires qu’elle transforme
en créations japonisantes – kimonos, cardigans et pan-
talons larges. C’est aussi le pari qu’ont fait les fondatrices
de Rivedroite en créant une ligne d’accessoires et de sacs
transgénérationnels « upstylés », imaginés dès le départ
en fonction des chutes de tissu disponibles et fabriqués
à Casablanca. Entre belles surprises et désillusion, il faut
donc faire entièrement confiance à la matière et s’aban-
donner au jeu du hasard. « Toute la limite de l’upcycling
réside dans la difficulté de produire en série. Il faut accepter
que telle combinaison de matières ou de couleurs ne pourra
être reproduite. Mais c’est aussi la magie de l’upcycling.
Parfois on tombe sur le combo parfait, et on sait qu’il sera
unique. C’est ce qui le rend encore plus beau et précieux ! »
ajoute Géraldine. Se démarquer des autres, miser sur
des pièces uniques et originales autant qu’écologiques,
voilà donc l’avenir de la mode enfantine. À tel point que
l’upcycling gagne même du terrain du côté des grandes
marques, à l’instar de Mini Rodini. Depuis 2013, le label
suédois s’amuse chaque année à réemployer les chutes
Photos : DR Aiko Studio ; DR Rivedroite

de tissu de ses précédentes collections pour créer une

capsule de pièces inédites et redonner vie à ses imprimés
favoris. Aurait-on enfin trouvé la solution pour un vestiaire
résolument mode et écolo ?

MOTS : SALOMÉ MATHIEU

UNIEANDCO.COM — RIVEDROITE-PARIS.COM — CEUCLE.COM
RIVEDROITE
— AIKO.STUDIO — MINIRODINI.COM

52
fw 22/23
Photo : Maeva Delacroix
 ÉTHIQUE

Appâts feutrés
À travers leur marque Muskhane, Thierry et Valérie Billot
font rayonner l’artisanat ancestral népalais sur des objets
en feutrine colorée. Un projet solaire et solidaire.

«
A
u Népal, on ne passe pas un seul jour sans être
émerveillé. La découverte de ce pays a été ab-
solument magique. On a eu un coup de foudre
immédiat pour la région, sa douceur de vivre, la
gentillesse des habitants. En arrivant à Katmandou, nous
avions les larmes aux yeux. » En 1997, Thierry et Valérie
Billot découvrent le Népal à l’occasion d’une mission
humanitaire organisée par Handicap International, et en
tombent amoureux. Le couple est alors chargé de favori-
ser l’insertion de personnes handicapées dans les struc-
tures locales, et en profite pour conduire une étude sur le
commerce équitable. « À l’époque, les acheteurs potentiels
étaient là, mais il fallait donner une impulsion stylistique et
tendance pour raviver ce secteur qui s’essoufflait. Nous avons
donc proposé de développer des produits équitables moyen
et haut de gamme dans la région », explique Thierry Billot.
Muskhane (qui signifie « sourire », en népalais) voit le jour.
Avec l’envie, plus que tout, de mettre en avant ce patrimoine
d’une richesse infinie. Tout commence avec des tapis et,
petit à petit, la gamme s’étoffe : paniers, abat-jour, cache-
pots, teintures murales et même des petits champignons
qui ont fait la renommée de la marque. « Nous avons eu
la chance immense d’être sur place, au contact des équipes.
Nous avons apprivoisé leurs techniques, travaillé avec eux
dans les ateliers, et sommes devenus de véritables partenaires.
Eux avaient la matière et le savoir-faire, nous les idées de
design. Sans eux, nous n’existerions pas, et l’inverse est vrai
aussi », constate le fondateur. Une relation telle que, vingt
ans après, il travaille toujours avec les mêmes fournisseurs :
plusieurs structures indépendantes pour les productions
de feutre et un atelier de quatre femmes qui réalisent toutes
les coutures des objets à la main.

Une aventure humaine avant tout Une identité artistique

Porté par ce coup de cœur pour Katmandou, le couple
s’y installe, et y restera même avec ses enfants pendant
près de quinze ans. De visites d’ateliers en rencontres, il
découvre l’artisanat local et plus particulièrement le sa-
voir-faire ancestral du feutre. Un véritable héritage sur ces
terres orientales, puisque déjà au viie siècle avant J.-C., les
bergers d’Asie centrale confectionnaient tapis, manteaux
et toits de yourtes à partir de feutrine. Fin 2002, la marque
nourrie par la culture locale
Si Thierry Billot est autant attaché à maintenir au fil des
années un lien fort avec ses artisans, c’est aussi parce
que l’ADN même de Muskhane est infusé de l’âme né-
palaise, joyeuse et généreuse. Main dans la main et dans
une démarche profondément respectueuse, Emmanuelle
Nivet-Bassoulet, désormais en charge de toute la direction
artistique et des aspects créatifs de la marque, et Thierry

55

Billot rendent hommage au Népal, ses ambiances, son
« cocktail de couleurs ». De la décoration à l’art de la table
en passant par les luminaires, les collections pour enfants
et le mini-potager, l’ensemble des produits est inspiré de
cet univers authentique et vibrant. Passionnée d’artisanat
et de textile, la directrice artistique imagine des objets qui
répondent sans cesse à la matière, se jouant de ses spéci-
ficités et de ses contraintes. « J’ai découvert au Népal une
matière incroyable, moelleuse, douce et veloutée à la fois. La
laine, feutrée par ces femmes qui y mettent toute leur force,
reste, même après des heures de foulage au pied, empreinte
de délicatesse. J’ai appris à dompter cette technique et à m’en
amuser. Il faut accepter ses imperfections, comme celles d’une
poterie artisanale. L’accident me plaît, la pièce unique est
un vrai trésor. Chaque histoire que nous racontons à travers
les collections est marquée de la main de ces artisans. Le
Népal est toujours dans ma tête et dans mon cœur, tout m’y
inspire. » Et c’est aussi avec sa palette de teintes, puissante
mais harmonieuse, que Muskhane a réussi à conquérir le
marché occidental, pourtant réticent à faire entrer autant de
couleurs dans son intérieur. Un pari réussi et une aventure
qui dure, qui s’explique aussi par la volonté de la marque
de s’inscrire toujours dans l’air du temps et d’interpréter les
tendances, tout en essayant de répondre aussi au mieux
aux attentes et aux besoins nouveaux de ses clients fidèles.
56
« Chaque histoire que nous
racontons à travers les collections
est marquée de la main
des artisans népalais. »
Du social à l’écologique
À ceux qui questionnent légitimement aujourd’hui une
production très demandeuse en eau et à plus de 7 000 ki-
lomètres de la France, Thierry Billot répond que, outre le
fait que son projet soit avant tout éthique d’un point de
vue social, il a aussi toujours été soucieux de la gestion
des ressources sur l’ensemble de sa chaîne de production.
« Au Népal, l’eau est un élément à considérer quotidienne-
ment, il y a des pénuries terribles. Quant à l’électricité, en
période de mousson, elle peut parfois être coupée pendant
seize heures dans la journée. Nous sommes loin d’être par-
faits, c’est évident. Mais nous faisons de notre mieux. En
utilisant des matières durables, en fabriquant des produits
éco-conçus et en compensant notre consommation en CO2
via une contribution versée au Geres. Nous pourrions faire
produire notre feutre dans les pays de l’Est ou au Maroc,
mais nous abandonnerions plus de cinquante familles au
Népal. C’est tout le paradoxe. Or, l’engagement humani-
taire est le socle de Muskhane et, à notre époque, toujours
plus en quête de sens, je suis fier de porter un tel projet. »
Photo : Philippe Garcia
MOTS : SALOMÉ MATHIEU
MUSKHANE.COM
 Photos : Maeva Delacroix ; Philippe Garcia ; Nico Marie
ÉTHIQUE

57
Photo : Oliver Fritze
 ÉVEIL

Massez vos bébés

Rassurez votre tout-petit avec quelques gestes simples
et tendres. Le rituel du massage, facilité par le confort et la sécurité
de la table à langer et du lit « Sleepi™ » de Stokke, est riche
en bienfaits pour les enfants comme leurs parents.

B
ooster le lien d’attachement avec son bébé,
aider son développement moteur, favoriser
son bien-être tout en comblant au mieux ses
besoins affectifs… les vertus des massages sur
le nouveau-né sont nombreuses. Dans certaines sociétés
d’Afrique et d’Asie, ceux-ci sont même érigés en véritable
tradition qui se transmet de génération en génération. Au
Sénégal, le Damp est réalisé par les grands-mères avec du
beurre de karité, pour tonifier l’enfant et le rendre plus
endurant. Et en Inde, c’est le Shantala qui est pratiqué quo-
tidiennement sur le bébé durant ses premières semaines
de vie. Ce massage ayurvédique a pour but de renforcer
le système immunitaire de l’enfant dès la naissance. Il
faut dire que le toucher est le premier sens à apparaître.
Il est même présent in utero : « Dès le quatrième mois de
grossesse, le bébé est massé dans le ventre de sa mère au
travers de la paroi utérine grâce aux différents mouvements
et au liquide amniotique. Il est donc tout à fait naturel de
prolonger cette sensation en le massant dès la naissance. Le
toucher est un sens dit “social” : nous avons besoin de l’autre
pour pouvoir l’utiliser. Non seulement il est indispensable
au bon développement du bébé, mais on peut même dire
qu’il est vital. En effet, nous pouvons vivre sans la vue ou
l’ouïe, mais nous ne pouvons pas vivre sans toucher ni être
touché », précise Louise Gautier, infirmière en périnatalité
et auteure du livre Massages pour son bébé. Les bons gestes
pour partager des moments de détente et de complicité,
aux éditions First.
Apaiser les maux et
aider à l’endormissement
Si la réalisation d’un massage sur son bébé peut être avant
tout motivée par l’idée de passer un moment privilégié
avec lui, de connexion et de partage, ces gestes tendres
ont également le pouvoir de calmer certains maux, comme
nous l’explique Albane Templier, diplômée d’hypnose
thérapeutique, formée au Thalasso Bain par Sonia Krief.
« La peau ayant un lien direct avec le système nerveux,
le fait de masser son bébé aura une action sur le système
hormonal. Le massage permet de sécréter de l’ocytocine et
de l’endorphine, deux hormones connues pour détendre, qui
aident également à soulager certaines douleurs, comme les

59
 ÉVEIL
coliques ou les poussées dentaires. Pour apaiser les coliques
ou la constipation, effectuez un massage dit circulaire : posez
deux doigts à côté du nombril de votre bébé et appuyez dou-
cement, tout en effectuant un mouvement circulaire dans le
sens des aiguilles d’une montre. Petit à petit, agrandissez le
cercle. » Effectué de manière régulière, le massage abdominal
va donc faciliter la digestion et diminuer les reflux. Aussi,
prendre le temps de masser son enfant va avoir un impact
positif sur son sommeil. Et on le sait, c’est un sujet bien
souvent sensible pour les jeunes parents ! « Pour dormir,
les bébés ont besoin de sécréter de la mélatonine, également
appelée l’hormone du sommeil, en lien direct avec l’ocytocine.
Lorsque l’on masse son bébé, cela permet cette sécrétion de
mélatonine, qui va venir favoriser son repos », nous confirme
Louise Gautier. Résultat ? Un bébé détendu, apaisé, prêt à
s’abandonner dans les bras de Morphée.
Favoriser l’éveil corporel
Au quotidien, les parents peuvent aider leur enfant à
développer son éveil corporel par des interactions répé-
tées et des activités diverses, mais cela passe aussi par la
sensorialité et le toucher ! Avant de savoir le maîtriser, le
bébé doit d’abord prendre conscience de son corps et de
ses limites. Grâce au massage, il découvrira petit à petit
les différentes parties de son anatomie, surtout si le pa-
60
rent pense à verbaliser, en accompagnant chaque geste
d’une parole explicative (par exemple : « je masse ta petite
main », « je vais détendre ta jambe qui a beaucoup travaillé
durant la journée »). Louise Gautier l’affirme, s’adonner au
massage bébé, c’est aussi stimuler les autres sens de son
enfant : « Le toucher, bien sûr, avec le contact des mains sur
son corps. La vue, avec la vision de son parent qui le masse
et des lumières tamisées. L’ouïe, car le parent pourra mettre
une musique lors du soin ou lui chanter une berceuse. Enfin
l’odorat, grâce aux différentes huiles végétales utilisées qui
ont toutes une odeur bien particulière. »
Tisser un lien de confiance
Si l’enfant est parfaitement désiré et attendu, l’amour incon-
ditionnel n’est pourtant pas toujours instantanément au
rendez-vous à la naissance. Parfois, il faut quelques jours,
voire plusieurs semaines, avant que cette connexion ne
soit palpable. En ce sens, les moments d’intimité qu’offre
le massage sur son bébé peuvent être précieux pour aider
à développer le lien entre le parent et l’enfant. Il permet de
partager un moment de complicité et d’établir une commu-
Photo : Oliver Fritze
nication affective indispensable pour le nourrisson. « Pour
les parents, le massage est un excellent moyen d’apprivoiser
leur bébé et de communiquer avec lui. Les yeux dans les yeux,
associé à des paroles douces et des sourires, il va permettre
 Table à langer « Sleepi™ »,
au plus près de bébé

Design et sécurité
Grâce à sa forme ovale réconfortante, la table à langer
« Sleepi™ » se marie parfaitement avec les autres
produits de la collection « Nurserie » de Stokke, comme
la commode ou le berceau évolutif. Son design
scandinave, épuré et intemporel fait d’elle un élément
de décoration à part entière, qui ne sacrifie ni la sécurité
– validée par des tests de stabilité –, ni la qualité.
La table à langer « Sleepi™ » est fabriquée en bois
de hêtre massif de haute qualité. Disponible en deux
coloris neutres, c’est un objet haut de gamme qui
traversera les années.

Pratique et polyvalente
L’un des grands avantages de la table à langer
« Sleepi™ », c’est sans aucun doute sa praticité. Elle
a été conçue de manière à être polyvalente : selon
la configuration de la chambre de bébé, le parent peut
se positionner face à la table à langer ou sur le côté.
Tout fonctionne, et cela peut être un gain de place
important dans un petit espace. Toujours dans
un souci d’optimisation, elle offre également un grand
espace de rangement ouvert pour stocker tous
les produits de bébé !

Créatrice de liens
Toucher son bébé est essentiel pour son développement,
mais c’est aussi important pour les parents. En ce sens,
la table à langer « Sleepi™ » a été pensée à la parfaite
hauteur pour changer l’enfant. Son piétement possède
un écartement suffisant au niveau des pieds du parent,
afin que celui-ci puisse se rapprocher du bébé lors du
change. Ainsi, fini les maux de dos : massages, caresses
et moments de complicité sont facilités, pour le plus
Photos: Oliver Fritze

grand bonheur des petits… et des grands !

stokke.com

61
 ÉVEIL
Le massage permet de partager un moment de complicité et d’établir
une communication affective indispensable pour le nourrisson.
de faire passer un tas de messages d’amour et de rassurer
l’enfant », confie Albane Templier. Rassurer et apaiser le
nourrisson sur le plan des émotions est essentiel, surtout
quand on sait que « les premiers mois de la vie d’un enfant
sont extrêmement importants et jouent un rôle capital dans
son développement et son équilibre futur. C’est à ce moment-là
que le nourrisson établit une relation de confiance, aussi
bien avec le monde extérieur qu’avec lui-même. Il est donc
primordial pour l’enfant (particulièrement le nouveau-né)
de pouvoir s’attacher de manière sécurisante et rassurante
pour devenir autonome. Car les bébés ont besoin de s’at-
tacher afin de pouvoir se détacher par la suite ! » poursuit
Louise Gautier.
Massages et bonnes pratiques
Si un bébé peut tout à fait être massé dès la naissance
(sauf contre-indications médicales), certaines conditions
doivent être réunies : « Le massage doit s’effectuer sur un bébé
calme, propre, repu et dont le repas a eu lieu il y a au moins
30 minutes », précise Louise Gautier. Privilégiez un endroit
familier, suffisamment chauffé (un nourrisson n’est pas en
mesure de réguler sa température corporelle), confortable
et surtout sécurisé. La table à langer « Sleepi™ » de Stokke
62
et le lit de la même gamme seront vos meilleurs alliés pour
un moment d’échange entre vous et votre bébé ! Vous ne
savez pas par où commencer ? Louise Gautier explique
comment réaliser le massage glissé, sur l’abdomen ou le
dos du bébé : « Installez votre enfant sur le dos et découvrez
sa région abdominale. Réchauffez préalablement dans
le creux de vos mains l’huile végétale choisie et posez-les
délicatement sur le ventre de bébé afin d’établir le contact.
Placez ensuite l’une de vos mains sur son épaule et réalisez
le geste plissé (comme une caresse), de l’épaule à la cuisse
opposée, sur tout l’abdomen de votre bébé. Alternez vos deux
mains en maintenant toujours le contact avec votre bébé. » Et
surtout, gardez en tête que les maîtres-mots d’un massage
réussi doivent être la lenteur et la douceur ! « Le massage
doit avant tout être un moment de plaisir, pour le bébé mais
aussi pour le parent. Si l’enfant manifeste des signes d’in-
confort ou d’impatience, arrêtez la session et proposez-lui
de nouveau un plus tard. Avec le temps, les bébés finissent
pratiquement tous par apprécier ces moments privilégiés ! »
Photos : Oliver Fritze
conclut Albane Templier.
PHOTOS : OLIVER FRITZE — MOTS : CAROLINE RICARD
www.gaminetgamine.com
Illustration : Lucile Merveille
 SOCIÉTÉ
L’amour est leur métier
Leur fiche de poste ? Apporter affection et soins aux enfants.
Comment les relations se tissent-elles entre les nounous
et « leurs petits » ? Enquête et témoignages.
O
fficiellement, elle a trois enfants. Océane, Maryne
et Noah. Trois jeunes adultes dont les prénoms
sont autant de références à la mer, à l’Arche,
celle d’une grande famille sur une même em-
barcation. Mais, en réalité, des enfants, elle en a beaucoup
plus. Jeanne, Alma, Louise, Zoé, Chloé, Sasha, Ezra, Saul,
Gali… Ils ont entre 1 et 18 ans. Certains ont l’âge de lui en-
voyer des selfies de leurs vacances, d’autres un petit mot
avec leurs parents chaque année à Noël. Cela fait cinq
ans que Jessie est la nounou de mes deux garçons. L’aîné
avait 5 mois quand je suis retournée dans la rédaction où
je travaillais alors. Elle a vu naître mon deuxième enfant,
s’est occupée d’eux avec d’autres bébés qui sont devenus
comme des frères. De 9 heures à 19 heures – comme stipulé
sur notre contrat –, elle m’a permis d’avoir du temps pour
ma carrière. Elle les a nourris, câlinés, bercés, endormis.
Elle a lavé leurs mains et essuyé le coin de leur bouche.
Les a fait rire, les a grondés. Elle m’a envoyé des photos de
leurs sourires édentés, le corps propulsé sur une balançoire
ou recroquevillés en train de chercher des marrons sous
les arbres. Parfois, ils ont préféré ses bras, demandé que
ce soit elle qui les console. Elle a appliqué mes névroses
parentales comme si elles étaient siennes. Ne pas manger
debout, faire une sieste à heure fixe, enlacer son frère après
une dispute. Parfois je l’ai trouvée plus douce que je n’ai su
l’être, plus patiente aussi.
Nouvelle figure de la matrice parentale
Comme de nombreux parents aujourd’hui, j’ai eu recours
à un mode de garde privé pour mes enfants. Chaque
année, des milliers de femmes abordent la question du
retour au travail après un congé maternité avec la même
angoisse. L’obtention d’une place en crèche, notamment
dans les grandes villes, est devenue un vrai parcours du
combattant. Selon les chiffres publiés en juillet dernier
par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf),
près de la moitié des quelque 17 000 crèches françaises
manquent de personnel. Et plus de 9 500 places sur quelque
471 000 sont fermées ou inoccupées à cause d’une difficulté
de recrutement. Parmi les autres options : micro-crèches
ou crèches associatives (prises d’assaut), crèches privées
(devis exorbitants), assistantes maternelles (surbookées) ou
bien nounous… « Nounous » : un terme enfantin que l’on a
longtemps associé aux familles aisées des très beaux quar-
tiers, qui fait pourtant de plus en plus partie du paysage des
classes moyennes qui ont appris à composer avec les aides
de la Caf et le partage des charges avec des co-familles du
quartier. Amputant sérieusement le budget des foyers pour
permettre aux mères de continuer de travailler. Lourd tribut
d’une égalité de surface. Peu d’ouvrages se sont intéressés
à cette nouvelle figure du paysage de la petite enfance. En
2012, dans Qui gardera nos enfants ? (Flammarion), l’en-
seignante en sociologie politique Caroline Ibos s’intéresse
à ce qu’elle appelle les « prolétaires de la mondialisation »,
ces figures « restant à la porte de la famille bourgeoise », en
enquêtant sur les rapports entre les mères parisiennes et
les nounous migrantes venues du Sud. Elle interroge déjà
en creux ce lien d’amour contractualisé, dans un spectre
socio-économique.
Maternité rémunérée
Mieux formées, plus diplômées, les assistantes maternelles
agréées et leurs compagnes de parc que sont les nounous
n’ont qu’une très lointaine parenté avec les nourrices des
siècles derniers. Quand la « mise en nourrice » consistait
depuis l’Antiquité à confier son bébé, pour des raisons
de santé ou mondaines, à une femme qui l’allaitait. Dans
Confier son enfant, l’univers des assistantes maternelles,
Catherine Sellenet et Catherine Bouvet montrent com-
bien, progressivement, le métier d’assistante maternelle,
65
 SOCIÉTÉ
« Les nounous deviennent ce que l’on appelle en psychanalyse
des figures d’attachement secondaires. Il y a un lien fort qui se crée,
comme avec un grand-parent très présent. »
notamment, s’est professionnalisé, soumis à de larges séries
de lois et mesures visant à en encadrer la pratique. « J’ai
suivi une formation initiale d’une soixantaine d’heures », se
souvient Laurence, 63 ans, dont les agréments l’autorisaient
à garder quatre enfants à son domicile. « On nous apprend
nos droits, nos devoirs, la sécurité, les soins, l’équilibre ali-
mentaire… Nous dépendons du conseil général et de la PMI. »
Surveiller, mais aussi choyer, éduquer, éveiller. À la fois ma-
man suppléante et éducatrice. « Les premières années d’un
enfant sont essentielles, forcément il y a un lien très spécial
qui se crée avec nous, avance Laurence. Garder des enfants
sans aucun affect, ce n’est ni bon, ni faisable à mon sens. Bien
entendu, c’est un travail, mais il s’agit de s’occuper de bébés,
pas de vendre des produits. Si on choisit cette profession, c’est
qu’on est capable d’écoute et d’accompagnement, notam-
ment avec les familles. » Cette « alliance obligée » décrite
par Catherine Sellenet et Catherine Bouvet, est celle qui
se forme dans cette relation triangulaire entre l’enfant, sa
nounou et le parent, bien souvent la mère. « En réalité, les
nounous deviennent ce que l’on appelle en psychanalyse des
figures d’attachement secondaires, explique la psychologue
clinicienne et psychanalyste Etty Buzyn. Il y a un lien fort
qui se crée, comme avec un grand-parent très présent, par
exemple. La nounou vient pallier le travail des mères, et
chacun vient mettre du sien, dans une relation à trois ou il
est nécessaire de garder sa place. » « J’avais le ventre noué
tous les soirs en rentrant du travail, car j’appréhendais de
voir ma fille se rouler encore une fois par terre au moment
du départ de la nounou », se souvient Marie, 39 ans, mère
de deux petites filles aujourd’hui scolarisées. « D’un côté,
j’étais soulagée de voir que ma fille était aussi attachée à la
personne qui partageait ses journées, mais, de l’autre, j’en
arrivais à me dire qu’elle la préférait à moi, ce qui, je le sais,
est complètement irrationnel. » « En réalité, tant mieux si
l’enfant pleure au moment du départ de la nounou, argue
Johanna Lellouche, psychologue clinicienne. C’est signe qu’il
y a un lien d’attachement qui s’est établi, que la personne
qui répond aux besoins de l’enfant au quotidien a noué des
liens, invisibles, avec lui. Ce n’est pas parce que la relation est
contractualisée qu’un véritable amour ne peut pas se créer.
C’est un amour autre que celui que l’on porte à ses propres
66
enfants, mais c’est de l’amour quand même. Et dans cette
relation, l’enfant sait très bien distinguer le lien maternel
qui, lui, est profond et surtout irremplaçable. »
« On le ressent tout de suite, ce lien, il y a une forme d’amour
indéfini, décrit Jessie, 41 ans, et nounou depuis plus de dix-
huit ans. Ce que j’ai fait avec mes enfants, je l’applique avec
les enfants que je garde. Leur parler, les choyer, écouter, expli-
quer, beaucoup, avec patience. Et savoir se mettre en retrait
quand le parent est là, car nous ne sommes pas là pour les
remplacer. Mais ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas une vraie
relation, sincère, qui s’est créée avec chaque enfant que j’ai
gardé. Il n’y en a pas un avec qui ne j’ai pas gardé le contact. »
Quand le lien se rompt
C’est peut-être la particularité de cette relation d’amour.
Elle a une fin, une date butoir. Un déménagement, un
changement d’organisation, l’obtention d’une place en
crèche ou encore l’entrée à l’école. À une date donnée, la
nounou sortira du quotidien de l’enfant qu’elle a gardé,
parfois durant des années. « On sait que l’on a un enfant à
ses 3 mois, puis qu’un jour il va s’en aller, explique Laurence.
Notre métier, c’est de les accueillir, de les entourer, de les
amener vers la motricité, l’autonomie. Il y a des familles avec
qui le lien se coupe à la fin du contrat. D’autres avec qui on
garde le contact pendant très longtemps… » Une rupture
d’un lien profond, qui pourrait être traumatisante pour les
plus petits ? « On ne peut pas parler de trauma pout tout,
corrige Johanna Lellouche. Ce qui peut être traumatisant,
c’est une séparation mal accompagnée. Il est nécessaire
d’apprendre aux enfants à se séparer. À ce moment, on peut
écouter l’enfant, le faire réfléchir, faire exprimer à l’enfant ses
émotions sans suggérer. Et puis lui demander s’il a une idée
pour garder le contact. Un dessin, symbolique, une veillée
finale pour se dire au revoir, des Facetime de temps en temps…
En se gardant de projeter sur lui nos émotions d’adultes ! »
Et savoir, nous aussi, refermer sainement ce chapitre, un
peu spécial, d’une maternité déléguée.
ILLUSTRATION : LUCILE MERVEILLE — MOTS : RAPHAËLLE ELKRIEF
O R G A N I C A P PA R E L F O R T H E L I T T L E M I N I M A L I S T
gray-label.com
Photo : Le Ruban blanc, de Michael Haneke, 2009. Crédit X-Filme Creative Pool / BBQ_DFY / Aurimages
 PSY

Carrément méchant ?
Mais qu’est-ce qu’il a ? Il tape, il se moque, il a ce regard noir…
Et on dirait même qu’il fait exprès. Dans une société qui valorise
l’enfant sage, est-il raisonnable de penser qu’un enfant est méchant ?

Pulsions et jauge d’empathie de l’expérience », poursuit Stéphanie Couturier. Ce qui est

Mais pourquoi est-il aussi méchant ? Cette question a
inévitablement traversé votre esprit. Et quand il s’agit
d’un enfant, s’ajoute une dose d’incompréhension, voire
quelques références au cinéma d’épouvante (Chucky, vous
l’avez ?). Comment un ange peut-il se transformer en démon
et chercher à faire du mal en ressentant du plaisir ? On le
sait, chez les petits, la conscience, le calcul des actions ne
font pas partie de leurs mécanismes. Pour autant, il leur
arrive de taper, de bousculer, de dire des mots qui blessent
et même de disséquer des poissons rouges. « On ne naît
pas méchant. En revanche, on naît avec un tempérament.
Ce que l’on a envie de dire au monde s’exprime différemment
selon chacun. » Les mots de Stéphanie Couturier, spécialiste
des troubles émotionnels1, posent les bases. Non, la petite
Louise n’est pas née avec la volonté de tirer les cheveux de
votre fils à chaque récréation. Néanmoins, elle cherche à
dire quelque chose. « Ce sont soit des pulsions naturelles, soit
des phénomènes de copie. » Un message brouillé, difficile à
décoder, qui peut parfois (souvent) nous déstabiliser. Qui
n’a pas mis l’étiquette « enfant méchant » sur un camarade
de classe, une petite cousine, un enfant croisé au square ou
même sa propre progéniture ? Si on peut le penser, peut-on
dire qu’un enfant l’est foncièrement ? « Ce qui est certain,
c’est qu’on ne naît pas avec la même carte d’empathie. Notre
jauge est plus ou moins pleine. Et cette jauge peut se remplir
avec l’accompagnement des parents et se moduler en fonction
troublant, c’est qu’un enfant très empathique peut prendre
le contre-pied de cette qualité naturelle en s’exprimant tout
à fait inversement. « Quand les émotions sont trop fortes
(colère, jalousie, tristesse, incompréhension), l’enfant peut être
amené à lutter contre elles. Il cherche à maîtriser son émotion
et ne veut pas subir sa vie affective », précise la spécialiste.
« Je veux te faire un câlin parce que je suis inondé d’amour
et de besoin d’attention, mais comme, à mon âge, je ne sais
pas gérer mes émotions, alors je tape, je mords ou je dis des
mots blessants. » Cela pourrait résumer la situation. De
quoi dissocier l’enfant de son comportement. « Dire d’un
enfant qu’il est difficile, méchant, dur, pas gentil, c’est lui
dresser un portrait auquel il se sentira obligé de répondre »,
alerte Corinne Roehrig, médecin, thérapeute familiale et
auteure de Parents, vous avez des compétences ! (Larousse).
Il n’est pas méchant,
mais son comportement l’est
Nuance, donc. « On interprète les comportements au regard
de notre personnalité de parent. D’où la nécessité de prendre
du recul », souligne Corinne Roehrig. Voir notre enfant ou un
camarade taper, blesser, se moquer ou chercher à déstabiliser
renvoie à nos propres codes en société. Et nous donne aussi
le sentiment d’être responsable de ce comportement. Or,
c’est tout un système d’apprentissage des émotions et de la
manière dont on les digère qui entre bien souvent en scène.

69
 PSY
Quand l’enfant ne peut plus compter sur sa réserve de réconfort,
il puise dans des attitudes négatives pour s’exprimer.
Cela n’exclut pas la nécessité de prendre en compte l’impact
de ce qui entoure l’enfant, chaque jour : « L’environnement
est aussi à questionner. Les enfants ravalent ce qu’ils voient,
ce qu’ils entendent, et vont l’exprimer d’une certaine façon.
Quand l’émotion est celle de la peur ou de la colère, ils ont
envie, inconsciemment, de voir, de faire ressentir ces émotions
sur quelqu’un d’autre », explique Stéphanie Couturier. La
pression de l’école, la tristesse ressentie quand un enfant
l’a poussé, le trouble d’avoir été témoin d’une dispute…
Il y a, dans le comportement d’un enfant, la résonance
de situations dont il n’a même pas idée. Le questionner
simplement, utiliser des fables, des « Moi, quand j’étais
petit•e » l’accompagnent dans l’apprentissage. « Comme
disait John Bowlby, le théoricien de l’attachement : un enfant
n’existe pas seul... Et son caractère, comme ses comporte-
ments, sont issus à égalité de son patrimoine génétique et de
son environnement : 100 % inné, 100 % acquis, le match est
équilibré. Donc, oui, les parents ont à jouer un rôle majeur
dans le développement de leur enfant, de ses aptitudes, de
ses attitudes, via la manière dont ils vont communiquer avec
lui, tisser des liens affectifs, le guider et le rassurer. Et ils en
ont les compétences », poursuit Corinne Roehrig. Le tout est
d’humaniser le monde de l’enfant car, comme le souligne
la psychanalyste Claude Halmos : « On ne naît pas civilisé,
on le devient. » Selon elle, tout enfant petit est habité par le
pulsionnel (Je veux taper, je tape. Et cela est irrépressible). Il
est, par ailleurs, animé d’un sentiment de toute-puissance.
La clé est de l’accompagner dans cet apprentissage du bon,
du mauvais, des causes, des conséquences. Et de toutes les
émotions qui le traversent. « Il est nécessaire que chaque
mot, chaque geste ou comportement négatif soit arrêté. On
pose les limites, on explique ce qu’a ressenti l’autre, puis
on demande à l’enfant de s’excuser auprès de celui qui a été
affecté. S’il n’y arrive pas, on le fait à sa place en l’intégrant
physiquement à cette démarche. Vient ensuite le temps, au
calme, de réfléchir ensemble à ce qu’il s’est passé », explique
Stéphanie Couturier.
70
C’est super ce que tu fais
On le sait mais on le répète, un enfant de moins de 5 ans ne
peut pas maîtriser la montagne d’émotions qui le submergent
chaque jour. « La colère, la méchanceté sont des mécanismes
de détresse et d’incompréhension chez l’enfant. Bien souvent,
il ne peut pas mettre de mots et de sens aux raisons profondes
de ses actions », souligne Corinne Roehrig. À partir de 5 ans,
on entre dans la Théorie de l’esprit. L’enfant va puiser dans
ses interactions interpersonnelles pour décoder le monde
social. Soit un point indispensable à la régulation des
conduites en société. Mais cela va lui prendre encore quelques
années. À nous, parents, d’expliquer, de dire « non » quand
il le faut et de valoriser aussi les « bons comportements »
pour lui et pour les autres. « Mettre en avant le positif lui
donnera une valeur importante. On sait que, naturellement,
les enfants développent dès le plus jeune âge des gestes de
soutien et de l’empathie. Le psychologue Jacques Lecomte
parle de la notion de bonté humaine, naturelle chez l’enfant,
puis nourrie par l’entourage. » On peut aussi passer par des
images, des histoires pour mettre du sens à ses actions »,
souligne Corinne Roehrig. À travers Le Conte chaud et doux
des chaudoudoux, le psychothérapeute Claude Steiner ex-
prime la métaphore du besoin d’attention de l’enfant. Quand,
selon lui, il ne peut plus compter sur sa réserve de réconfort,
il puise dans des attitudes négatives pour s’exprimer. Une
carence qui est difficilement identifiable pour l’enfant. « Il ne
sait pas pourquoi il ne se sent pas bien. S’il est difficile de le
faire parler, on peut opter pour le dessin, le jeu de rôles, la
musique… le câlin », propose Stéphanie Couturier. Et si vous
avez le sentiment d’avoir été un méchant parent, regardez
au fond de vous. Il y a sûrement quelque part un tsunami
d’émotions qui vous empêche d’y voir clair.
MOTS : AMANDINE GROSSE
1. AUTEURE DE MON ENFANT HÉRISSON (MARABOUT), JE PEUX LE FAIRE
(GRUND), AIDER SES ENFANTS À GÉRER SES ÉMOTIONS (MARABOUT).
 Un monde audio fascinant
pour enfants.

Yoto offre des lecteurs audio multi-fonctions pour enfants, qui remplissent
le quotidien d’incroyables aventures audio, adaptées à chaque moment.
Apprentissage. Exploration. Musique. Divertissement. Apaisement.

yotoplay.com
 Ça sentirait pas le brûlé ?
Photo : The Advertising Archive / Aurimages

Moment privilégié autant qu’imposé, attendu par certains,

redouté par d’autres, le repas de famille de fin d’année possède
une lourde charge symbolique. Enquête pour alléger le festin.

72
 ENQUÊTE
C
’est un dîner qu’il a très peu de chances d’oublier,
mais dont les contours lui paraissent flous. C’était
le 24 décembre, ou peut-être pas. De cette soirée
il se souvient surtout de la table bien dressée, des
plats qui s’enchaînent, de la froideur de l’hiver, des verres
de vin jamais vides et d’un niveau sonore difficilement
contrôlable. « Cela remonte à suffisamment loin pour que
je ne me souvienne pas exactement de la phrase qui a mis
le feu aux poudres, raconte cet infirmier de 37 ans. Je me
rappelle juste qu’à un moment donné, le ton a commencé à
monter : ma mère contre mon frère, mon père qui prenait le
parti de ma mère, ma sœur qui criait encore plus fort que
tout le monde, moi qui essayais désespérément de calmer
les gosses qui se mettaient à pleurer, tout en essayant de
faire entendre mon point de vue. Il y a eu des gestes un peu
brusques, puis le mec de ma sœur s’est levé, lui a jeté son
manteau en criant “on se casse”. Les portes ont claqué. »
C’est la dernière fois qu’Alex et sa famille se sont retrouvés
tous ensemble autour d’une table. Depuis, chacun bricole
pour continuer à se voir dans de bonnes conditions. Mais
refaire Noël ensemble, ça, plus jamais.
Grande charge cinématographique
Le compte à rebours avant les fêtes de fin d’année est
déjà lancé. Et avec lui, deux équipes : celle qui n’attend
que ça. Et celle qui appréhende. Pour une soirée, ou plus,
les rituels des festivités de fin d’année réunissent dans un
même espace, clos, toute la complexité des familles. Pièces
rapportées, mélange de générations, mixité culturelle ou
sociale. Un moment tellement symbolique qu’il est depuis
longtemps le décor fétiche de nombreux réalisateurs de
films ou de séries. Un secret de famille insoutenable révélé
dans Festen de Thomas Vinterberg. Un meurtre à huis clos
dans Huit Femmes de François Ozon. Le retour de l’enfant
prodigue incarné par Gaspard Ulliel dans Juste la fin du
monde de Xavier Nolan. Mais aussi Vincent, François, Paul…
et les autres de Claude Sautet, Un conte de Noël d’Arnaud
Desplechin ou la pièce de théâtre Le Prénom, de Matthieu
Delaporte et Alexandre de La Patellière, adaptée au cinéma
en 2012… « Le cinéma s’est beaucoup inspiré de ces réunions
familiales parce que la table est un véritable théâtre, note le
psychologue et médiateur familial Pascal Anger. Claude
Chabrol, par exemple, a largement utilisé cette thématique
car c’était, d’une part, un bon vivant, mais aussi parce qu’il
avait compris qu’autour de la table, tout peut se passer. Des
révélations, des messages glaciaux ou chaleureux, l’amour, le
divorce, la séparation, la mort, l’argent. Bref, tout ce qui peut
toucher l’individu peut être remué à cette occasion précise. »
Entre divergences politiques, vieilles rancœurs, secrets
de famille et non-dits, le repas de famille est en réalité un
espace-temps explosif. Et en cette fin d’année 2022, les
sujets polémiques ne devraient pas manquer. « Dire que
j’y vais à reculons est un euphémisme, ironise Linda, 34 ans,
qui travaille dans un cabinet d’avocats du sud de la France.
En fait, je sais déjà sur quoi ça va coincer. La nouvelle copine
de mon père a viré Génération Zemmour et c’est sûr, que ça
va vriller. L’an dernier, on s’est déchiré parce qu’elle délirait
antivax toute la soirée. On a déjà commencé à en rigoler
avec ma sœur, en se demandant qui allait la lancer sur les
sorties antisémites de Kanye West… » Sobriété énergétique,
inflation, affaire Quatennens, jets privés… autant d’étincelles
prêtes à mettre le feu au poudre !
Mystification du repas de famille
L’institution familiale a eu beau connaître des profonds
changements ces cinquante dernières années, le repas
familial, lui, continue d’être valorisé, encensé pour ses
vertus. Et dans un monde où le sacré a disparu, celui-ci
réapparaît par petites touches dans des rituels du quotidien.
Et psys, pédiatres et sociologues de répéter à quel point
il est important de manger ensemble (pour les habitudes
alimentaires, le bien-être des enfants, les relations intra-
familiales…). La preuve : 74 % des Français considèrent
que les repas de famille sont l’occasion de savourer un
73
 ENQUÊTE
« Le mythe, c’est la famille Ricoré, la famille idéale à laquelle
on aspire, mais croire qu’il suffit de se retrouver pour créer
une ambiance merveilleuse, c’est souvent loin de la réalité. »
moment de convivialité avec ceux qu’ils aiment, selon un
sondage OpinionWay 1. Mais, dans le même temps, d’après
une enquête Ipsos menée en 2014, 39 % des Français
craignent que les choses ne dérapent lors de l’un de ces
grands raouts familiaux… « Il y a une vraie ambivalence,
note la philosophe et psychanalyste Nicole Prieur 2. Mais
c’est une réalité psychique puissante pour de nombreux
individus, on le voit clairement en consultation : à partir de
septembre-octobre, certains patients commencent à parler
des repas de famille. » Elle poursuit : « Le mythe, c’est la
famille Ricoré, la famille idéale à laquelle on aspire, d’autant
plus que le monde extérieur est angoissant, inquiétant. Mais
croire qu’il suffit de se retrouver pour créer une ambiance
merveilleuse, c’est souvent loin de la réalité. » Une sacrali-
sation qui peut, sans aller jusqu’à la natalophobie et ses
manifestations psychosomatiques, laisser sur le carreau de
nombreux « angoissés de Noël », décrits dans l’ouvrage du
même nom par Roger Fiammetti, kinésithérapeute et spé-
cialiste d’ostéopathie somato-émotionnelle (Josette Lyon,
2016), qui interroge tout ce qui peut se produire chaque
année pour de nombreux individus entre le 24 décembre
et le 2 janvier…
Révélatrice de dysfonctionnements
« Le repas, la table et leurs organisations spatiales et
gustatives sont (…) la mise en scène d’un pouvoir et la pré-
sentation des statuts et rôles de ceux qui y siègent. » C’est
ce qu’écrivent, en 2006, les chercheurs Olivier Arifon et
Philippe Ricaud dans un article intitulé « Regard anthro-
pologique sur les cultures de la table 3 ». Qu’il s’agisse d’une
assemblée de chefs d’État ou de l’intimité d’un repas de
famille, on peut y lire la place de chacun, le rôle qui lui
est attribué. Bref, dans le cas des familles, un véritable
révélateur de dysfonctionnements qui ne datent souvent
pas d’hier. « Enfants, parents, grands-parents : tout le
74
monde n’est pas logé à la même enseigne, explique Pascal
Anger. Il y a des places, symboliques, qui sont attribuées et
dont il est très difficile de se défaire. » C’est ce qui explique
que vous ayez, comme beaucoup, la sensation étrange
d’avoir 16 ans à nouveau à chaque fois que vous vous
retrouvez avec vos parents pendant une durée (trop)
prolongée. « C’est devenu insoutenable, confie Léa, gra-
phiste de 29 ans. Je suis maman, je travaille, je suis partie
de chez mes parents depuis dix ans. Et pourtant, quand
je rentre pour les fêtes, on rejoue tous la même partition
qu’on se coltine depuis des années. Le regard que mes
parents portent sur moi n’a pas bougé d’un iota. Je serais
flemmarde, toujours fatiguée, près de mes sous, agressive.
Du coup, j’ai envie de leur hurler “j’ai changé !” mais c’est
peine perdue. 19 ans, 29 ans, apparemment même combat. »
Résultat, cette année, elle a décidé de passer son tour, de
ghoster ce moment de mystification collective qu’elle n’a
plus envie de s’infliger. Pas vraiment prête à renoncer à
l’esprit de Noël, elle a décidé d’organiser une soirée entre
amis. Secret Santa, bon repas, bon vin, bonne musique.
« Les amis, c’est la famille qu’on a choisie, assure-t-elle. Et
si jamais ça s’embrouille, avec eux, aucune culpabilité de
mettre tout le monde dehors ! » Pour les moins radicaux,
les psys sont bourrés de bons conseils pour survivre aux
fêtes en milieu hostile. « L’idéal, c’est de tenter de prendre
une position plus distanciée, conseille Nicole Prieur. Sortir
de soi et se dire “tiens, on a gagné 3 minutes avant que ma
mère ne sorte une phrase assassine”. » Quitte à être au
théâtre, autant profiter du spectacle.
MOTS : RAPHAËLLE ELKRIEF
1. POUR ENVOIMOINSCHER.COM, 2014. 2. LES TRAHISONS NÉCESSAIRES,
ROBERT LAFFONT, 2021. 3. IN COMMUNICATION, VOL. 25/1, 2006.
www.franginfrangine.com
 PAROLE D’EXPERT

Éducation positive
et bienveillante : en finir
avec les contrevérités
médiatiques

C
aroline Goldman est psychologue pour enfants
et adolescents, docteure en psychopatholo-
gie clinique (université de Paris), enseignante,
formatrice et auteure de File dans ta chambre !
Offrez des limites éducatives à vos enfants (Interéditions,
2020). Elle mène depuis plusieurs années une croisade
contre la désinformation en matière d’éducation positive
et bienveillante, propagée par des pseudo-spécialistes
autoproclamés qui surfent sur la culpabilité des parents.

Quelles sont les vérités fondamentales démontrées

par la science en termes d’éducation, et qui entrent en
contradiction avec les « contrevérités médiatiques »
couramment affichées et que vous dénoncez ?
Je suis psychologue pour enfants depuis vingt ans, ins-
tallée en libéral depuis à peu près aussi longtemps, et j’ai
toujours été frappée par l’écart majeur, parfois inquiétant,
entre les données acquises pour les psychologues cliniciens
chercheurs universitaires – donc ceux qui sont a priori
détenteurs du savoir – et ce qui est véhiculé dans l’incon-
scient populaire. Il y a vraiment un gouffre informatif
assez saisissant. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui, à
l’ère de l’hyper médiatisation et de l’horizontalisation du
savoir : des personnalités sans aucune qualification s’auto-
proclament fréquemment « spécialistes » de domaines
et répandent des dogmes qui ne sont que des bannières
marketing vouées à se faire aimer des lecteurs et à s’enrichir.
Ces bannières parlent de HPI, d’hypersensibilité ou encore
d’éducation bienveillante…

Quelle est votre définition de l’éducation bienveillante

et positive ?
L’éducation positive est en soi une merveille puisqu’elle dit
Illustration : Lucile Merveille

ce que la psychologie inspirée de la psychanalyse ne cesse

de soutenir depuis cent ans : il faut respecter et aimer les
enfants pour qu’ils puissent accéder au bonheur pour le
reste de leur vie. Le Conseil de l’Europe, dans son fascicule
de 2006, avait défini cette parentalité positive d’une façon
qui m’apparaissait idéale car mesurée. Elle parlait des

76
 PAROLE D’EXPERT
vertus de l’encouragement, de l’affection, des explications
et des compliments… mais aussi des réactions répressives
à « leurs mauvaises conduites » en précisant bien de quelles
façons ces punitions devaient s’appliquer, c’est-à-dire de
manière non violente : « leur imposer une mise à l’écart
temporaire, leur faire réparer les dommages causés, ou
encore leur donner moins d’argent de poche, et […] d’autres
sanctions de ce type, plutôt que les punir sévèrement ». Je
suis entièrement d’accord avec cette version-là…
Ce n’est donc pas l’éducation positive et bienveillante
en tant que telle que vous dénoncez…
Ce n’est pas l’éducation positive en elle-même qui est dange-
reuse mais l’éducation « exclusivement » positive, ou plutôt
« excessivement » positive, c’est-à-dire sans interdits. Tout
le problème a émergé lorsque certains spécialistes français
autoproclamés ont couru les médias en s’appropriant ce
courant d’idées. Lorsqu’ils parlent de tendresse, d’amour
et de « mise en mots des affects », tout va bien. Mais lors-
qu’ils arrivent sur le terrain de la gestion de l’agressivité,
de la frustration et des limites éducatives, rien ne va plus.
Car eux ne prennent pas en considération la seconde di-
mension de la définition de la parentalité positive, celle de
Ce n’est pas l’éducation
positive en elle-même qui est
dangereuse mais l’éducation
« exclusivement » positive, ou
plutôt « excessivement » positive,
c’est-à-dire sans interdits.
la gestion de l’agressivité. Ils font croire aux parents qu’il
suffit d’amour pour élever un enfant, ce qui est absolument
faux. La psychanalyste Claude Halmos a écrit en 2018 que
« la culpabilité des parents est un marché. On joue sur un
sentiment qui ne demande qu’à être réveillé pour vendre des
livres et des stages de parentalité. » C’est exactement, selon
moi, le sens de cette médiatisation.
Pouvez-vous l’illustrer par un exemple concret ?
Certains de ces gourous disent : « Si votre enfant crie et pleure
avec vous, c’est parce qu’il se décharge de toutes les tensions
et de tout le stress accumulé au cours de la journée ». Le fait
que les mots choisis soient « stress » et « tension » induit
que la fonction parentale serait alors de réconforter. Je dis
qu’au contraire, si les enfants crient et pleurent lorsque
leurs parents viennent les récupérer (alors que leur journée
s’est, de l’avis des pros, parfaitement bien passée), c’est le
plus souvent parce que le lien parent-enfant est excitant, et
que ces cris et pleurs (si souvent accompagnés d’exigences
variant avec le vent) n’appellent pas tant du réconfort que
des limites. Complet retournement d’interprétation et de
remède… si l’enfant a besoin de réconfort après avoir vécu
du stress, on le câline, bien évidemment. Mais s’il s’excite
en s’écoutant éprouver à l’excès parce que ses parents ont
tendance à le laisser faire, il a besoin de limites. À partir
de l’âge de 1 an, on peut lui dire : « Arrête de râler, ça n’est
pas agréable pour moi. On fait un câlin et on se parle de ce
qui te soucie si tu veux, mais si tu continues à crier, tu iras
dans ta chamnre pour faire une petite punition, pour nous
laisser tranquilles. »
En quoi ces principes éducatifs sont-ils néfastes pour
nos enfants ?
Ces principes ont ainsi littéralement menotté une géné-
ration de parents dans l’exercice de leur autorité en leur
faisant croire que les frustrer et les voir pleurer pour une
énième glace au chocolat allait donner lieu à un trauma-
tisme irrémédiable. Ils disent : ne soyez QUE amour. Ne
soyez jamais autorité ferme, ne soyez jamais un agent de
frustration de votre enfant. Donc qu’est-ce que ça produit ?
Ça donne évidemment lieu à des burn-out maternels, fa-
miliaux, à des conflits parentaux terribles. Les personnes
qui défendent ce type d’éducation n’ont ni diplôme ni
pratique en pédopsychiatrie, elles ne maîtrisent donc pas
les rouages du psychisme infantile, ce qui a laissé place
à d’immenses confusions médiatiques. Elles ont diffusé
auprès du grand public leurs idées personnelles, parfois
farfelues, mais ça n’est pas sans conséquences. Le rôle du
parent, c’est d’offrir ce mélange de tendresse et de fermeté.
Indépendamment du fait que l’enfant soit adoré, choyé,
dorloté, il y a une part sauvage dans l’enfance à dompter.
Il n’est pas question de diaboliser le psychisme infantile,
mais de le voir tel qu’il est. Ce qui est violent, c’est de nier
sa réalité. Ce qui ne génère pas seulement des inconforts
pulsionnels et une propension un peu vive à répandre
l’agressivité, mais cela entraîne des troubles psychiatriques
graves. C’est un vrai problème de santé publique.
77
 PAROLE D’EXPERT

L’objectif de lui mettre des limites n’est pas d’écraser le désir,

mais de l’obliger à le transformer pour l’enrichir.

Comment l’autorité du parent participe-t-elle de façon
fondamentale à la construction de l’enfant ?
L’autorité parentale ferme apprend à l’enfant à tolérer la
frustration (qui va constituer une bonne portion de sa
vie future, même si ces frustrations auront des degrés
variables), à le socialiser de façon sereine (car être ajusté
aux codes sociaux et à la patience des autres le rendra
apprécié) et à le sécuriser. Les enfants mal limités sont
très souvent tristes car leur désir bute de façon primaire
contre l’interdit. Ils n’arrivent pas à changer de direction
parce que leur parent ne leur a pas appris. Donc ils sont
frustrés en permanence. Ils ne parviennent pas à transfor-
mer ce désir et le « sublimer » en humour ou en création,
en intelligence, en curiosité, etc. Car l’objectif de lui mettre
des limites n’est pas d’écraser le désir, mais de l’obliger à le
transformer pour l’enrichir. C’est vraiment l’apprentissage
de la frustration que de ne pas céder à tous leurs désirs et
c’est vraiment leur faire un cadeau.
Ils se sentent insécurisés car ils ressentent que personne
n’est plus fort qu’eux, donc que personne ne les protège.
Cette angoisse, nous psychologues et pédopsychiatres, la
connaissons bien : elle touche aux changements de cadre,
à la peur de déborder avec les autres, d’être rejetés, que
l’incontrôlable surgisse (des effractions de voleurs, d’aller se
coucher...) et les touche sans rempart protecteur. Ces enfants
ont globalement l’air d’être à fleur de peau, hyper-réactifs,
hyper-excitables, et ils sont, finalement, très anxieux de ce
pouvoir pulsionnel sur lequel ils n’ont pas de prise…
l’écart temporaire hors de l’espace commun. Vous pouvez
vous référez à ma feuille de route qui explique comment
l’appliquer de façon vraiment pragmatique.
Quels sont les interdits sur lesquels il faut être
intransigeant ?
Lorsque l’enfant se met en danger ou met en danger les
autres. Mais aussi lorsqu’il nuit au confort des autres, de
toutes les façons « sensorielles » possibles !
Ce time-out, justement, que vous présentez comme
un outil nécessaire à l’harmonie de la relation
parent-enfant et du foyer tout entier, pourrait être
remis en cause par le Conseil de l’Europe, car assimilé
à une violence éducative ordinaire...
Une interview parue dans Le Figaro, le 14 octobre dernier,
dément cette rumeur. La représentante du pôle parentalité
du Conseil de l’Europe, Régina Jensdottir, a sans doute
souhaité calmer les associations anti-VEO (Violence édu-
cative ordinaire, ndlr) qui mènent cette croisade offensive
depuis quelques années, mais le projet de révision n’est
que théorique et rien, sur le plan scientifique, ne saurait
selon moi le justifier à la lueur des publications actuelles.

Mais, entre la crainte d’être trop dur avec son enfant

ou celle d’être trop laxiste, où placer son autorité en
tant que parent ?
Il faut suivre les grands principes du texte du Conseil de
l’Europe, écouter ce qu’on nous renvoie de notre parentalité,
et surtout, partir de ce que l’enfant nous indique : s’il est
heureux d’aller en collectivité retrouver ses copains pour
jouer, qu’il arrive à écouter des consignes collectives, est
léger, expressif, désirant, souriant, câlin, qu’il mange et
dort bien... alors a priori l’équilibre est bon ! PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH BERGER

ILLUSTRATION : LUCILE MERVEILLE

Comment canaliser efficacement nos enfants ? Leur CAROLINE GOLDMAN EST AUTEURE DE FILE DANS TA CHAMBRE ! OFFREZ

mettre une limite, leur imposer une frustration... DES LIMITES ÉDUCATIVES À VOS ENFANTS (INTERÉDITIONS, 2020) ET DU
Photos : DR

Par l’explication – trois fois, pas plus, pour chaque déso- PODCAST « CAROLINE GOLDMAN » QUI S’INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE

béissance –, puis par le « time-out », c’est-à-dire la mise à D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION EN SANTÉ MENTALE DE L’ENFANT.

78
Illustration : Jérôme Béquet
 SIENCE-FICTION
Chéri, j’ai numérisé
les gosses !
Nos enfants, on les adore… surtout quand ils ne sont pas là.
Se contenter d’en avoir dans le métavers pourrait être la solution.
Science-fiction ou vision d’avenir ?
« Vous savez que Niels et Zoé viennent d’avoir un enfant ?
nous lâchent nos amis, entre deux cuillères de roulé à la
châtaigne, la nouvelle recette travaillée lors de la Masterclass
« En réalité virtuelle », animée par Cyril Lignac.
— WHHATTT ?? Mais, je croyais qu’ils n’en voulaient
pas ! Ils ne parlaient que de ça, de ne pas infliger à un enfant
un tel monde, que le désir de devenir parent est avant tout
lié à la pression sociale, et puis aussi parce que les enfants,
ça pollue, la surpopulation, etc. Pourtant, on les a croisés
récemment… elle n’avait pas l’air enceinte, Zoé…
— Eh bien, ils ont eu un petit Ben. Il est né à la METArnité… »
N
ous sommes en 2053. Niels et Zoé ne sont pas
un cas isolé. Clairement. C’est même la troisième
fois qu’autour de nous, devenir parent dans
le métavers est devenu réalité. Il y avait déjà
Alma et Ellie, qui galéraient à adopter et ne voulaient pas
passer par une mère porteuse. Elles sont comblées. Puis
Tim, qui a toujours voulu devenir papa, mais n’a jamais
trouvé la « bonne » maman…
Je me souviens. La première fois que j’ai entendu parler
de ces enfants virtuels, c’était en ouvrant AI by Design,
A Plan For Living with Artificial Intelligence, le livre de
Catriona Campbell, une experte en intelligence artificielle.
C’était en mars 2022. Pour elle, d’ici 2070, devenir parent
dans le monde parallèle du métavers serait bien réel. Eh
bien, elle s’est trompée. C’est arrivé bien plus tôt. La course
au métavers s’est intensifiée en 2027.
Le métavers, à l’époque, c’était un fantasme à la fois
féerique et malsain – donc super excitant –, où, sous la
forme d’un avatar, une autre vie serait permise. Une vie
connectée, sans frontières, pleine de cryptomonnaies pour
s’offrir des expériences, des visites au Louvre ou au MoMA
depuis son canap’, des cours de roulé-châtaigne avec Cyril
Lignac et une brigade de commis habitant en Colombie, en
Irlande ou en Suède, depuis sa cuisine. Pas toujours facile
de traduire « levure chimique », d’ailleurs… Bref, le métavers,
c’était la carte blanche aux relations, aux expériences, aux
émotions… virtuelles. Un peu comme dans Ready Player
One de Steven Spielberg. Ce film est devenu réalité, sauf
qu’aujourd’hui, parfois, il a plutôt l’air d’avoir été réalisé par
Cronenberg ! Depuis, Carrefour fait passer ses entretiens sur
une île déserte, et tout le monde vit avec un casque sur la tête !
Évidemment, dans le monde parallèle, la question de la
parentalité a vite représenté un marché… euh pardon, une
avancée sociale. Il y avait BabyX quelques années aupara-
vant, un bébé virtuel imaginé par des Néo-Zélandais, doté
de la vue et de l’ouïe et qui pouvait apprendre à parler en
temps réel, ou encore mémoriser un dessin et jouer avec
les émotions. Mais ils se sont fait coiffer au poteau par des
Français, en 2037. La société Décharge Mentale a été plus
rapide. L’enfant Tamagotchi venait de voir le jour.
Exactement sur le même modèle que les petits animaux
qu’il fallait nourrir, laver et soigner sur une miniconsole dans
les années 1990, on peut désormais devenir les parents de
kids virtuels ! Pratiques, ils sont accessibles par abonnement
mensuel depuis une appli. Ainsi, votre avatar enclenche
la procédure, et c’est parti ! Un email vous alerte que votre
enfant est… « né ». Il pleure, gazouille, joue et aime les calins.
Depuis, des mises à jour ont permis d’optimiser l’interaction
à travers des poupées connectées, qui rendent tout ça moins
faux. Ironique (et freaky, aussi).
Toujours est-il que le phénomène est en plein boom
depuis 2052. Nos amis sont ravis. Ils ne s’occupent de « leur
fils » que lorsqu’ils en ont envie. Aussi, lorsqu’il est relou
et ne veut pas dormir, par exemple, ils se déconnectent.
Easy. Et puis, comme il est possible de gérer également
sa vitesse de vieillissement, ils sont passés d’un enfant de
3 ans qui ne fait plus de sieste à un ado accro à la grasse
mat’. Depuis, ils rayonnent. Ils viennent de l’inscrire en
prépa d’ailleurs, en vue d’intégrer MetHarvard. Ben oui,
tout de suite, c’est moins cher de faire de grandes études
quand il n’y a plus à payer le loyer, le déménagement, les
frais scolaires… Bon, on espère juste qu’au moment du
diplôme, il n’y aura pas de bug.
ILLUSTRATION : JULES LE BARAZEUR — MOTS : JÉRÔME BÉQUET
81
Photo : Fred Lebain, pour MilK no 11
 SOCIÉTÉ
Alimentaire, mon cher
Watson…
Y aura-t-il du foie gras à Noël ? À l’heure où chacun brandit
ses allergies, sa religion, ses convictions, son régime avant de passer
à table, composer un menu relève du génie.
L
e cartoon date un peu, mais, à quelques semaines
des festivités de fin d’année, il semble toujours
autant d’actualité. En 2016, le New Yorker publie
The Last Thanksgiving, un dessin de Roz Chast
représentant dix convives autour d’assiettes vides, chacun
assorti d’une bulle. On y lit « végétarien », « intolérant au
lactose », « vegan », « macrobiotique », « strictement casher »,
« gourmet pointilleux »… Prescrites ou autoprescrites, les
restrictions alimentaires ont progressivement fait leur place
à nos tables. Allant jusqu’à changer les règles mêmes de
l’hospitalité : avant d’organiser un dîner, il conviendrait
de vérifier les PAI des convives. Que reste-t-il au centre de
la table ? Parfois, pas grand-chose…
La table, passion française
La reconnaissance internationale de la cuisine française
ne tient pas seulement à la qualité de ses mets. En 2010,
l’Unesco inscrit « le repas gastronomique des Français » sur
la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité, et le définit ainsi : « Une pratique sociale cou-
tumière destinée à célébrer les moments les plus importants
de la vie (…). Le repas gastronomique met l’accent sur le fait
d’être bien ensemble (…) » Un rituel dont la France a inventé
les usages, les codes et même les sorties de route. « Dans
de nombreuses cultures, l’alimentation est codifiée, explique
le sociologue Thibaut de Saint Pol. En France, le repas est
très investi socialement. Il dit beaucoup de choses en termes
de lien social, de proximité entre les convives. » Selon une
étude de l’OCDE compilant différentes études nationales
réalisées entre 1998 et 2017, les Français sont champions
du monde du temps passé à table : 2 heures et 13 minutes
en moyenne par jour, ce qui montre à quel point le repas
est un élément central de la vie sociale. « Du côté français,
le repas a une dimension communielle. La commensalité
est un rituel qui implique que l’hôte, à travers sa cuisine, en
“donnant à manger”, offre, en quelque sorte, quelque chose
de lui-même de façon quasi eucharistique. Le thème, omni-
présent dans le discours français, de la “convivialité” implique
que la tablée communie : elle partage et incorpore la même
nourriture, et rassemble ou cimente ainsi une communauté,
transitoire ou durable », écrit le sociologue de l’alimentaire
Claude Fischler en introduction du livre Les Alimentations
particulières. Mangerons-nous encore ensemble demain ?
(Odile Jacob, 2013). Manger, au même moment, la même
chose. Une tendance qui évolue de manière très visible
depuis une vingtaine d’années, quand celui qui mangeait
différemment s’excluait, se mettait à l’écart du groupe, dans
une attitude souvent mal perçue. « Ce n’était pas le cas en
Allemagne, par exemple, note Thibaut de Saint Pol. Depuis
longtemps, il est légitime pour les Allemands de donner à
voir sa singularité au travers de ses choix alimentaires, l’ali-
mentation étant socialement acceptée comme quelque chose
de très individualiste. Pour la France, c’est culturellement
très nouveau… »
Naissance des particularismes
alimentaires
Les religions ont depuis longtemps joué la carte des interdits
alimentaires. Le Coran proscrit, par exemple, la consom-
mation d’alcool et de viande de porc ou d’animal trouvé
mort ou non sacrifié rituellement. La kashrout – l’ensemble
des règles qui régissent l’alimentation dans le judaïsme –
83
 SOCIÉTÉ
Manger est devenu un acte politique, un lieu où exprimer
ses convictions. Et d’ailleurs, chez les jeunes, le végétarisme
est devenu un marqueur social fort.
autorise seulement les viandes de ruminants à sabots
fendus et les poissons possédant des écailles et des na-
geoires. Des interdits abolis par les apôtres catholiques,
pour qui rien dans la création de Dieu n’est impropre à la
consommation, si ce n’est la viande le Vendredi saint et
pendant les 40 jours du carême. Parallèlement, l’histoire de
l’alimentation a connu de nombreux bouleversements plus
ou moins visibles. Au xviie siècle, les médecins commencent
à s’interroger sur la maladie cœliaque. En 2010, les produits
sans gluten gagnent les rayons des grandes surfaces, et le
livre Wheat Belly du Dr William R. Davis diabolise le blé.
L’homme primitif avait-il tendance au végétarisme ? Dans
les années 1800, des sociétés végétariennes sont créées
en Angleterre et aux États-Unis, avant que les réflexions
sur le droit des animaux et le réchauffement climatique
ne viennent entériner cette pratique alimentaire ces dix
dernières années. « Progressivement, on a assisté à une re-
prise de contrôle de l’individu sur son alimentation, explique
Thibaut de Saint Pol. Derrière un sujet qui peut paraître
anodin, il y a au contraire quelque chose d’extrêmement
symbolique : je mange des choses qui vont devenir moi (le
leitmotiv des religions depuis des millénaires, ndlr). C’est
ce qui explique que les valeurs investissent de plus en plus les
assiettes et que les identités alimentaires s’expriment aussi
fortement. » Manger est devenu un acte politique, un lieu
où exprimer ses convictions. Jusqu’à l’éclosion de sites de
rencontres pour végétariens qui montre combien l’assiette
est révélatrice de valeurs partagées. Aujourd’hui, c’est chez
les jeunes que le végétarisme, par exemple, est devenu un
marqueur social fort, ces derniers adhérant massivement à
la réduction de la consommation de viande. Des plus âgés
tombés sur un documentaire Netflix ou une publication
de l’association L214 aux plus jeunes qui s’étonnent qu’on
leur serve à table un morceau d’agneau, animal sur lequel
on s’extasiait dans un livre quelques minutes auparavant…
« Quand je mange de la charcuterie, j’oublie que c’est de la
viande, mais quand je vois une aile ou une cuisse dans mon
84
assiette, c’est difficile pour moi, explique Ellie, 9 ans et demi.
Je pense à devenir végétarienne, parce que j’ai de la peine
pour les animaux et parce que l’idée me dégoûte. » « Elle a
une vraie conscience écologique que je n’avais pas à son âge,
complète Annaëlle, sa maman. C’est dû à sa génération mais
aussi à sa sensibilité. Elle ne suit pas de régime alimentaire
particulier, mais je vois bien que, d’elle-même, elle cherche
des moyens d’éviter la viande. » Selon une enquête de 2018
réalisée par FranceAgriMer dans quatre pays européens,
12 % des 18-23 ans se disent végétariens, contre 2 % des
plus de 55 ans. Et près de la moitié de ces jeunes adultes
répondent « oui » lorsqu’on leur demande s’ils pourraient
devenir végétariens.
Art du compromis
et tribus alimentaires
Il y a dix ans, on soupirait. Aujourd’hui, on joue le jeu. La
tolérance passe à table. Les chefs, même les plus étoilés,
s’y mettent, proposant des cartes qui jouent avec les picto-
grammes pour que chacun s’y retrouve. « C’est également le
cas au sein du groupe familial, note Thibaut de Saint Pol. Il ne
faut pas imaginer que le repas partagé va se disloquer. Il reste
très codifié mais invite à plus de souplesse, à l’acceptation
des revendications et des valeurs individuelles. » Preuve en
est dans les cantines qui intègrent progressivement des
petites alternatives, comme les menus végétariens prévus
par la loi EGalim en 2019, qui devraient passer à deux
par semaine, ainsi qu’à des « alternatives végétariennes »
quotidiennes à Paris sous l’impulsion d’Anne Hidalgo. Ou
encore les menus de substitution sans porc ou viande,
prévus par certaines municipalités – non sans polémiques.
Principes de laïcité, tolérance religieuse, considérations
environnementales : qu’importe le menu, pourvu qu’on
ait le plaisir de manger ensemble.
MOTS : RAPHAËLLE ELKRIEF
Doc Levin Studio / Jeanne Triboul, Léo Quetglas. Photo : Princess Cheeto by Hugo Martinez © 2022

Avec le soutien de En partenariat avec

RÉSERVATION CONSEILLÉE
M > Porte de la Villette
Cite-sciences.fr
#CiteDesEnfants
 LOUBI
FAMILY

Des airs de grand soir. Les mets fantasques sont

de sortie, la belle dînette en est remplie. Toutes
drapées d’une élégance arty, les silhouettes,
couronnées de bijoux clinquants et de couvre-chefs
époustouflants, sont aussi de la partie. Jusqu’aux
souliers. Des créations inédites, à l’univers régressif et
enchanteur, tout droit sorties de la nouvelle collection
« LoubiFamily » imaginée par Christian Louboutin.

PHOTO : KAREL BALAS — STYLE FEMME : ELISSA CASTELBOU

STYLE ENFANT : MÉLANIE HŒPFFNER

86
 Escarpins en cuir verni « Psychic
Loubi », Christian Louboutin.
Blouse et pantalon, Carven. Ceinture
nœud dans les cheveux, Dice Kayek.
Babies en cuir verni « Psychic Loubi »,
Christian Louboutin. Robe, Misha &
Puff. Chaussettes, Loro Piana.
Photo : Karel Balas
Photo : Karel Balas
 Babies en cuir verni « Psychic Loubi », Christian Louboutin. Robe, Misha & Puff. Chaussettes, Loro Piana.
Photo : Karel Balas

Page de gauche : Baskets en cuir verni « Psychic Loubi », Christian Louboutin.

Capelines, Romualda. Pull, La Fetiche. Pantalon, Zimmermann.
Babies en cuir lamé doré, Christian Louboutin. Cardigan, Piupiuchick sur Smallable.com. Legging, Hello Simone.

89
Baskets en cuir verni « Psychic Loubi », Christian
Louboutin. Top et robe, A.W.A.K.E. Mode.
Lunettes, Loewe.
Baskets en cuir verni imprimé comics, Christian
Louboutin. Chemise, Drôle de Monsieur.
Pantalon, Acne Studios. Casquette, Maison Michel.
Babies en cuir lamé doré, Christian Louboutin.
Robe à rayures, The Animals Observatory.
Gilet et legging, Repose AMS.
Baskets en cuir verni imprimé comics, Christian
Louboutin. Pull, Hello Simone. Pantalon, Tambere.
Chapeau melon, Forte Forte.
Collier et laisse en cuir, jouet en gomme, Christian
Louboutin.

Photo : Karel Balas

 Photo : Karel Balas

Baskets en cuir verni imprimé comics, Christian Louboutin. Pantalon, Berluti.

Baskets en cuir verni et néoprène, Christian Louboutin. Capeline en feutre, Maison Michel.
Robe en velours lisse, The Animals Observatory. Legging, Repose AMS.

92
 Baskets en cuir verni et néoprène, Christian Louboutin. Haut et pantalon, The Animals Observatory.
Harnais et laisse en cuir verni imprimé comics, Christian Louboutin.
Photo : Karel Balas

Set design : Marion Di Rodi. Design culinaire : Balbosté

Mise en beauté : Carole Douard @callmyagent. Assistante style : Hiroko Balas
Photos réalisées dans l’appartement « Celestin » de la collection Ambroise.

93
LES FRÈRES
SISTERS

PHOTOS : ANOUK NITSCHE — STYLE : DUYGU MASSOL

94
 Pull, Ganni. Short, Babaà. Pull et
pantalon, Weekend House Kids.
Bonnet, Main Story.
Photo : Anouk Nitsche
Photo : Anouk Nitsche
Photo : Anouk Nitsche

Bonnet, The Campamento. Top, Ganni. Blouse et jupe imprimée, Les Coyotes de Paris. Gilet blanc, Babaà.
Page de gauche : Robe, Cecilie Bahnsen.

97
Bonnet,
The Campamento.

98
Photo : Anouk Nitsche
100
Anouk Nitsche
Photo : Crédit
 Chemises, Romualda.
Page de gauche : Pull, The New Society.
Pantalon, Babaà.
Photo : Anouk Nitsche

101
 Assistant photographe : Albert Bonsfills
Photo : Anouk Nitsche

Modèles : Mamjara et Mor Millàn @sugarkids

Sweat et pantalon de jogging, Main Story.

Page de droite : Chemise, Bobo Choses. Pantalon, vintage. Robe, Simone Rocha.

102
Photo : Anouk Nitsche
Photo : Stanislas Liban
 Doudoune, polaire à capuche en polyester recyclé et pantalon en coton technique.
Manteau en coton sergé, pull en coton et pantalon en laine. Le tout, ARKET.

PARIS
STOCKHOLM
Fraîchement débarqué dans l’Hexagone où il vient
d’inaugurer sa première boutique, rue des Archives
à Paris, le label nordique ARKET déploie son lifestyle
fonctionnel et durable à la mode de chez nous.
Exercice de style dans les rues de la capitale.

PHOTOS : STANISLAS LIBAN — STYLE : MÉLANIE HŒPFFNER

105
 Photo : Stanislas Liban

Sweat et pantalon en matériaux recyclés, ARKET.

Page de droite : Chemise et pantalon en matériaux recyclés, bottines en cuir.

Doudoune et pantalon en matériaux recyclés.
Veste de survêtement et jeans en coton bio. Le tout, ARKET. Baskets, Vans.

106
Photo : Stanislas Liban
Robe en coton tricoté,
bottes montantes en cuir.
Sweat à capuche. Le tout, ARKET.
Photo : Stanislas Liban
Photo : Stanislas Liban
 Doudoune, sweat en molleton. Pull en mohair. Pull en laine mélangée.
Pull en laine responsable et jeans en coton bio. Le tout, ARKET.
Photo : Stanislas Liban

Page de gauche : Polaire à capuche en polyester recyclé.

Pull en coton mélangé et pantalon en laine. Le tout, ARKET.

Mise en beauté : Corinne Fouet. Assistant lumière : Loup Catusse

Assistant numérique : Neirda Iwanowski. Un grand merci à Hélène, Dani et leurs enfants, Timéo et Ismaël.

111
 INTERVIEW
Alma Ekman, directrice de la création femme chez
ARKET : « Notre ambition est de créer des produits
auxquels on a invariablement envie de revenir. »
Vous êtes responsable de la conception de la mode
femme chez ARKET, en quoi consiste concrètement
votre mission au quotidien ?
Je détermine l’orientation créative des collections, entou-
rée d’une solide équipe de création. Nous définissons les
points clés et les palettes de couleurs de chaque saison. Au
quotidien, une grande partie de mon travail consiste à faire
avancer la collection et l’assortiment de la saison, et à veiller
à ce que nous ayons les meilleurs articles en magasin, au
bon moment et avec un message esthétique clair.
112
Comment définiriez-vous le style ARKET ?
ARKET conçoit des tenues pour tous les jours. Des vête-
ments et accessoires raffinés et polyvalents, à associer de
mille et une façons pour répondre à différents besoins et
occasions. Aussi, chacun de nos produits est soigneusement
conçu pour être utilisé et chéri pendant longtemps, avec
Photo : DR ARKET
l’intention d’alléger notre empreinte et de bâtir un style
qui perdure au-delà des saisons. Dans cette idée, nos col-
lections s’articulent autour de produits de référence, ceux
que nous avons l’intention de garder longtemps, tout en
 « Notre philosophie de conception s’appuie sur la tradition nordique
de la simplicité, de la fonction et de la beauté au quotidien. »
conservant une marge de manœuvre d’une saison à l’autre,
pour jouer sur les matières, les couleurs et les proportions.
Notre ambition est de créer des produits auxquels on a
invariablement envie de revenir. Car, aujourd’hui, notre
clientèle a moins de temps, et recherche des solutions
simples et durables dans son quotidien.
Du côté de la femme, quels sont les incontournables
de la collection automne-hiver 2022 ?
Cette saison, mes incontournables sont des basiques subli-
més : notre veste en cuir doublée de velours, nos manteaux
réversibles, nos jeans larges délavés, notre robe trapèze
longue en satin, sans manches. J’aime aussi beaucoup nos
chaussons velours en cuir et notre pull en mohair à mailles
larges, parfaits pour les jours d’automne où l’on cocoone
chez soi. Je privilégie les palettes de couleurs simples, aux
tons neutres, chauds et froids. Pour les occasions spéciales
ou pour composer une tenue qui fonctionne en journée
comme en soirée, j’ajoute quelques touches argentées, qui
donnent un esprit festif.
Comment sont structurées les boutiques ARKET ?
ARKET est un magasin contemporain, un véritable lieu
de vie qui regroupe sous le même toit des basiques pour
femmes, hommes, enfants et la maison, ainsi qu’un café
végétarien New Nordic. Notre vaste assortiment de mode,
alimentation, parfums, produits de beauté et articles fonc-
tionnels pour la maison est conçu pour inspirer les bons
choix et embellir le quotidien.
Dans un monde de plus en plus dématérialisé, quelle
place donner au fait de toucher un vêtement, de le
voir avant de l’acheter, notamment quand on vise la
durabilité ?
Cela peut paraître vieux jeu, mais, à mes yeux, la coupe,
la matière et les finitions jouent un rôle essentiel dans la
création d’un vêtement parfait. Et j’ai l’impression que
cette dimension est parfois mise de côté. Chez ARKET,
notre objectif est de disposer d’une présence en ligne
suffisante, tout en conservant une expérience forte dans
nos magasins physiques, pour celles et ceux qui souhaitent
toucher nos produits, les essayer, poser des questions avant
d’acheter. De plus, nos magasins restent incontournables
pour présenter l’ensemble de notre offre et approfondir
nos relations à l’échelle locale.
Quelles sont, selon vous, les différentes facettes d’une
mode durable ?
Dès sa création, ARKET s’est fixé pour mission de faciliter
les bons choix et d’impulser un changement positif au sein
de notre secteur. Notre philosophie de conception s’appuie
sur la tradition nordique de la simplicité, de la fonction et
de la beauté au quotidien. En réunissant sous le même toit
une vaste collection d’articles de mode, d’alimentation et de
produits pour la maison à la fois pratiques et bien pensés,
nous souhaitons inciter les gens à adopter un mode de vie
plus durable. Notre objectif est de leur proposer des articles
résistants, de haute qualité, à un prix accessible, et qu’ils
pourront conserver de longues années.
En quoi le style suédois diffère-t-il du style français ?
Je trouve que le style suédois est très imprégné d’une re-
cherche de fonctionnalité, bien plus que le style français.
C’est probablement dû au climat rude du Nord : les saisons
façonnent le style.
Cette saison, quelle est votre pièce ARKET favorite ?
Deux de mes pièces favorites de la collection automne-
hiver 2022 sont la veste velours en cuir et la robe trapèze
longue en satin, sans manches.
PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH BERGER
ARKET.COM
113
114
Photo : Osamu Yokonami
 TOKYO
PLAY-
GROUND

Ces vêtements poétiques et intemporels,

mix & match rétros et ludiques, ont
replongé l’écrivaine June Fujiwara dans
le Japon de son enfance.

PHOTOS : OSAMU YOKONAMI

STYLE : TAICHI SUMURA

115
Robe, Caramel London. Sous-pull à rayures,
Gray Label. Robe tablier, Melenani.

Double page précédente, de gauche à droite :

Manteau et chaussures, seconde main. Salopette, Misha
Photo : Osamu Yokonami

& Puff. Cardigan, seconde main. Robe, Caramel London.

Chaussures, La Cadena. Cardigan, Matona. Robe tablier,
Melenani. Pantalon, All the Babies. Sous-pull, Gray
Label. Chaussures, La Cadena. Veste en denim, sous-pull,
seconde main. Polo, Wawa. Chaussettes et chaussures,
perso.

116
 J
’ai passé mon enfance à Tokyo, dans un quartier paisible, loin
des gratte-ciel et à l’écart de la frénésie citadine. Je vivais dans
une grande maison en bois que l’on partageait entre plusieurs
branches de la famille. On y accédait par une porte coulissante
qui crissait sur ses rails, faisant un bruit épouvantable. La particularité de
cette porte, c’est qu’elle n’était jamais fermée à clé. Elle restait même grande
ouverte la moitié de l’année pour « mieux aérer la maison », comme disait
souvent ma grand-mère. Le risque de vol ne semblait préoccuper personne
et, effectivement, il n’y en a jamais eu dans le quartier pendant toute mon
Photo : Osamu Yokonami

enfance, ni avant, ni après.

Cette porte coulissante fit que j’étais, moi aussi, totalement libre de mes
actions. Je pouvais aller et venir à ma guise dans le quartier. Les grandes
personnes ne s’en souciaient pas. « Fais attention aux voitures ! » me criaient-
elles sur mon dos. Au retour de l’école, je balançais mon cartable dans

117
l’entrée et partais à la conquête du monde sans franchir le seuil de la maison.
Le quartier entier était mon aire de jeux. Je connaissais chaque rue, chaque
parcelle, chaque commerce. Je savais quel mur empruntait le chat de la vieille
voisine et sur quel toit il se campait pour faire sa sieste. Je savais où trouver
des coquilles d’escargots vides et des cloportes qui se recroquevillaient. Je
retrouvais ma bande de copines et, bravant la chaleur suffocante de l’été ou
encore la pluie glaciale de l’hiver, je partais faire la patrouille du quartier sous
l’œil bienveillant du voisinage.
On s’accroupissait à côté des poteaux électriques pour échanger nos billes.
Photo : Osamu Yokonami

On secouait les distributeurs automatiques car, avec un peu de chance, une

canette de jus de fruits ou de soda coincée tombait dans nos mains ! Lorsque
le propriétaire du débit de boissons sortait du magasin d’à côté pour nous
gronder, on se réfugiait dans notre QG, chez le papy qui avait toujours de
quoi nous faire sauter de joie : des galettes de riz ou encore des sucettes qui

118
 coloraient nos langues en rouge écarlate. En guise de remerciement, je lui
laissais parfois un de mes trésors dénichés dans le quartier : une graine de
physalis, une pomme de pin ou encore un petit caillou en forme de cœur.
La fin de notre liberté sonnait à 17 heures pile. C’était l’heure où les écoles
diffusaient une sonnerie dans le quartier pour indiquer aux enfants qu’il était
temps de rentrer à la maison. C’était également l’heure où les effluves de cuisine
commençaient à remonter dans la rue, titillant nos narines et faisant gargouiller
nos petits ventres. Nous courrions alors retrouver la chaleur de nos maisons, car
toute aventurière, aussi aguerrie soit-elle, a besoin de se ressourcer. L’aventure
Photo : Osamu Yokonami

pouvait se mettre en pause, ne serait-ce qu’un moment.

PAR JUNE FUJIWARA

AUTEURE DES SECRETS DU SAVOIR-VIVRE NIPPON, ÉDITIONS DE L’OPPORTUN

119
120
Photo : Osamu Yokonami
121
 Photo : Osamu Yokonami

De gauche à droite : Sous-pull, Bobo Choses. Robe,

seconde main. Cardigan, Long Live the Queen. Pull, Wolf
& Rita. Jupe, Misha & Puff. Pull, Bobo Choses. Pantalon,
Misha & Puff. Chemise, seconde main. Combinaison,
Bobo Choses. Cardigan, Long Live the Queen. Veste,
seconde main. Robe, Diesel Kid.

122
 Photo : Osamu Yokonami

123
Photo : Osamu Yokonami
Photo : Osamu Yokonami

Page de gauche : Chemises, Uniqlo. Jupes à bretelles, perso.

Mise en beauté : Momiji Saito@eek. Photos réalisées à Tokyo.

126
Photo : Fanny Rådvik
 LIFEST YLE

Les lignes entrelacées

de ses tableaux ressemblent
à un tissage… Le travail
d’Evelina Kroon se situe
à la perpendiculaire de l’art
et de la décoration. Rencontre
chez l’artiste qui quadrille
son quotidien en couleurs.

PHOTOS : FANNY RÅDVIK — ST YLISME ET INTERVIEW : CLARA DAYET

 LIFEST YLE
Evelina Kroon tenant une de ses œuvres. Au premier plan, boîte Evelina Kroon pour Tônn.
À droite, tapis en corde, Pauline Deltour pour Hem. Système d’étagères, Tônn Furniture.
L
’artiste suédoise Evelina Kroon vit en proche ban-
lieue de Stockholm, dans un duplex des années
1960, avec son compagnon Gustaf et leurs deux
filles, Meg, 4 ans, et Judi, 1 an. Evelina n’a pas peur
du chaos. Elle le préfère haut en couleur, et son approche de
la vie est aussi organique que son art est quadrillé. Inspirée
par des figures comme l’artiste Louise Bourgeois ou encore
la poétesse Bodil Malmsten, sa pensée féministe se décline
à tous les niveaux de sa vie de mère et d’artiste.
Lis-tu quelque chose en ce moment ?
J’ai lu un roman génial de Sara Stridsberg, cet été. Mais
mes lectures sont relativement limitées depuis que j’ai
des enfants. Mis à part raconter des albums à Meg, je
pense que ça fait un an que je lis deux pages de bell hooks
après le dîner sans arriver à terminer le livre, alors que
je l’adore !
Peux-tu me parler de ton rapport aux couleurs ?
Les couleurs rythment ma vie depuis toujours. Mes parents
se sont séparés quand j’étais très jeune et j’habitais la
plupart du temps avec ma mère qui déménageait souvent.
Elle n’avait pas beaucoup d’argent mais tenait absolument
à personnaliser chacun de nos appartements en les repei-
128
gnant selon son humeur du moment ! Je me rappelle avoir
peut-être 8 ans quand elle a peint ma chambre dans un
vert assez froid et foncé, ça m’effrayait. Et puis j’ai eu une
chambre jaune clair, couleur sorbet citron, que j’adorais.
Aussi, je vois certaines choses en couleurs depuis que je
suis petite, les chiffres, par exemple…
C’est drôle que tu parles de ça car je me suis intéressée
récemment à la synesthésie. Moi aussi, je vois les
chiffres, les lettres, les mois de l’année... en couleurs.
Pareil ! La lettre A est rouge, par exemple. C’est comme
ça que j’ai appris l’alphabet, et je crois que ma fille Meg
fait les mêmes associations que moi. Quand j’ai peint la
série pour Wall of Art, chaque toile représentait un mois
et je me suis servie de ma propre perception pour définir
les gammes de couleurs. J’ai également étudié la couleur
lors de mes études en art, donc je n’utilise pas que mes
sentiments mais aussi mes connaissances pour la mani-
puler. Si je dois travailler avec une couleur a priori laide, je
Photos : Fanny Rådvik
l’accepte comme contrainte et je compose avec. Depuis que
nous avons emménagé dans cet appartement, il y a deux
ans, je n’ai toujours rien repeint. J’aime prendre le temps
de ressentir les couleurs, de les apprivoiser ; c’est un peu
comme une thérapie de s’adapter.
Photo : Fanny Rådvik
Photo : Fanny Rådvik
Photo : Fanny Rådvik

Suspension « Supertube », Ateljé Lyktan, céramiques de Carin Nordling.

Page de gauche : Plaids d’Evelina Kroon pour Arket.

131
Photo : Fanny Rådvik
 LIFEST YLE
On a vu ton travail se décliner en mode et déco, cet
automne : des plaids pour Arket, une collaboration
avec Uniqlo, de la papeterie pour Tônn, des tapis
pour Layered…
Tout est arrivé en même temps à cause de la pandémie,
mais, en réalité, j’avais travaillé sur certains projets il y a
plus de deux ans. J’aime beaucoup l’idée de démocrati-
sation et donner la possibilité aux personnes qui aiment
ce que je fais de pouvoir s’offrir quelque chose de plus
abordable que mes toiles. Par exemple, j’aime le concept
du poster par l’histoire qu’il porte. Même si ce n’est pas
intéressant d’un point de vue lucratif, je prends le risque
parce que le concept me plaît. Par ailleurs, j’expose mes
toiles dans une galerie en ce moment ; c’est un équilibre
à trouver, je pense. En tant que femme artiste, j’aime me
donner la possibilité de ne pas avoir à justifier mon tra-
vail en évoquant un contexte ou un concept particulier.
Quand je peins, je suis inspirée par l’intérieur où ma toile
pourrait s’installer, comme la métaphore de moi-même
qui cherchait, petite, un endroit où je pourrais me sentir
en sécurité.
Est-ce que le carreau, omniprésent dans ton travail,
Photos : Fanny Rådvik
est un motif qui t’inspire la sécurité ?
Oui, je pense avoir besoin de cette structure. Au départ,
c’était juste une méthode pour donner un cadre à ma
créativité : utiliser des vieux rouleaux de scotch – que je
collectionne –, des restes de peinture, et suivre des lignes.
Je dois l’avouer, je suis aussi assez paresseuse et cette
méthode est très efficace (elle rit) ; c’est presque comme
une peinture à l’huile car je travaille en transparence. Une
toile peut me prendre 10 minutes comme des mois : parfois,
je retire, j’ajoute indéfiniment. J’attends d’être pleinement
satisfaite. Et d’autre part, j’ai toujours adoré les carreaux.
Donc le cadre est devenu une esthétique, et cette esthétique
me structure ! Pour amorcer une peinture, je cherche l’ins-
piration dans les notes que j’écris dans mon téléphone : des
bribes de conversation, une réflexion, un poème... j’écris
beaucoup. D’ailleurs, j’aimerais un jour réussir à associer
de manière concrète mes écrits à mes peintures.
As-tu d’autres envies ?
Changer de format : j’ai peint fréquemment dans mon salon
avec Judi en porte-bébé et mes peintures sont devenues
de plus en plus petites ! Je viens de m’installer dans un
nouvel atelier, spacieux et lumineux. Du coup, mon but
est de commencer à peindre des grandes toiles.
@EVELINA.KROON
EVELINA PORTE UN PULL UNIQLO, PAGES 126 ET 129 — JUDI PORTE
UN CARDIGAN STREJK, PAGE 130, ET UNE SALOPETTE STREJK, PAGES 129
ET 131 — MEG PORTE UN MANTEAU LOUISE MISHA ET UN PANTALON
FISH & KIDS, PAGE 133.
133
Photo : Thierry Lebraly
 INSIDE

Dans sa mode comme dans

son intérieur, la fondatrice
de Roseanna, Anne-Fleur
Broudehoux, mêle couleurs,
imprimés et belles matières avec
audace. Un goût polychrome
contagieux transmis à ses deux
garçons, qui désormais donnent
eux aussi le ton.

PHOTOS : THIERRY LEBRALY — MOTS : SARAH BERGER

136
Photo : Thierry Lebraly
 INSIDE
P
aris, 10e arrondissement. C’est là que se situe
le centre de gravité d’Anne-Fleur Broudehoux,
cofondatrice de la marque de mode parisienne
Roseanna. Le siège de son entreprise de 35 sala-
riés se situe rue du Faubourg-Poissonnière et, à quelques
encablures de là, l’école des enfants. Tout à côté, la gare
du Nord permet à cette Lilloise d’origine de rentrer se
ressourcer auprès de sa famille en moins de temps qu’il
ne faut pour le dire, ou de grimper dans un Thalys pour
Amsterdam où son frère a élu domicile. Et puis surtout,
dans ce quartier-village qu’elle aime arpenter à vélo, il y a
l’appartement où elle vit avec son mari, le photographe
de mode Thierry Lebraly et leurs deux enfants, Joseph,
9 ans, et Zacharie, 6 ans. « Le 10e fait partie intégrante de
notre histoire familiale, car déjà avant de s’installer dans cet
appartement, nous habitions le quartier. Pourtant, quand il
Photo : Thierry Lebraly
a fallu déménager pour plus grand à l’arrivée de Zacharie,
nous étions ouverts à tout. Nous ne nous sommes absolument
pas dit qu’on devait rester ici coûte que coûte. » Le jeu du
hasard fait pourtant bien les choses et met sur le chemin
du couple cet ensemble d’anciens bureaux divisés en lots.
« La copropriété ressemble à celle de la série Melrose Place,
la piscine en moins, comme on s’amuse à le dire avec mes
voisins ! On vit en petite communauté et on se connaît tous
car nous avons acheté en même temps. » Pour transformer
cet espace vide et impersonnel en un lieu à vivre, le couple
s’entoure de l’architecte d’intérieur Stéphanie Lizée, connue
pour ses faits d’armes à l’hôtel Le Sud à Juan-les-Pins, ou
à l’hôtel des Académies et des Arts à Paris. Déjà derrière
la réalisation de leur précédent appartement, elle colla-
bore aussi ponctuellement avec la créatrice de Roseanna.
« Stéphanie passe toujours une journée ou deux en début de
saison pour une session de travail. Elle m’aide à sélectionner
les matières et à poser un regard extérieur sur la collection.
Le regard de quelqu’un qui n’évolue pas dans la mode et qui
est ancré dans le pragmatisme du quotidien. » Heureuses
conditions pour mener en trio un jeu de ping-pong créatif
autour de ce futur chez soi !
Complètement redistribué, l’appartement de 125 m2
a été habilement optimisé pour mettre en son centre un
vaste espace de vie salon-salle à manger. Ici, l’identité
esthétique d’Anne-Fleur se distille par touches gaies et
137
Photo : Thierry Lebraly
 Photo : Thierry Lebraly

139
identifiables : couleurs, textiles, motifs et matières jouent
de leur singularité pour construire un univers tonique et
enveloppant. Une grande table de salle à manger faite sur
mesure, en métal laqué vert, trône en majesté, longée par
une banquette en béton recouverte de coussins habillés d’un
tissu Kvadrat à rayures rouge et bleu imaginé par le desi-
gner Raf Simons. « C’est un tissu que j’adore. L’appartement
a évolué au cours de ces cinq dernières années, mais nous
avons toujours réussi à conserver cet élément-là. » Côté sa-
lon, le rugissant canapé à imprimé léopard est issu d’une
capsule signée Roseanna et The Socialite Family sortie en
2020. « Ce tissu, qui avait eu beaucoup de succès dans le
prêt-à-porter, provient de nos archives. ll nous restait un peu
de métrage que l’on avait gardé précieusement, car c’est un
très beau jacquard tissé en Italie, hyper robuste et qui, de
ce fait, pouvait convenir à de l’ameublement. » Une pièce
maîtresse qui, en rejoignant le séjour de la famille, a donné
lieu à des aménagements nécessaires. « Évidemment, ça
a mis par terre notre première installation ! Avec une pièce
aussi forte, il fallait rééquilibrer l’ensemble… sachant que
notre précédent canapé était bleu marine. » La table basse
est à présent en travertin, les rideaux en velours rouge ont
140
laissé place à une version bleu nuit, et le vert de la table
de salle à manger, acquisition plus récente, a été réfléchi
en fonction. Il faut dire que l’appétence d’Anne-Fleur à
aller vers la décoration, comme elle a pu le faire à travers
cette collaboration, est une ouverture nécessaire qui
nourrit et complète sa créativité. « J’aime l’idée de ne pas
être uniquement dans la mode. Pour moi, les frontières sont
très poreuses entre ces deux univers. Bien sûr, j’ai une sen-
sibilité pour les matériaux, mais elle comprend également
ceux que l’on trouve à l’intérieur d’une maison, finalement.
Quand on aime les matières, il n’y a pas de raison de les
aimer que sur soi-même. » Outre les tissus, les couleurs et
les textures, les matériaux comme le marbre, le béton, le
bois et le métal viennent apporter un équilibre terrien à cet
éclectisme impérieux, rejoint par des pièces de décoration
coup de cœur, comme les luminaires chinés par Thierry
ou les céramiques incrustées de pierres semi-précieuses
Photos : Thierry Lebraly
de Kalou Dubus.
À chaque extrémité de l’appartement, parents et enfants
disposent de leurs propres espaces. La chambre de Joseph
et Zacharie, qui bénéficie de deux portes et d’autant de
fenêtres, a été scindée en deux au moyen d’une cloison
 INSIDE

L’appétence d’Anne-Fleur pour la décoration est une ouverture

nécessaire qui nourrit et complète sa créativité.

coulissante. Un système de modularité permettant de réunir
les espaces des deux frères à la façon d’une vaste salle de
jeux. « Dans les faits, on ne ferme jamais car ils s’adorent,
ils s’endorment en se regardant. » Lits et rangements, tout
a été fait sur mesure dans la même essence de bois et l’on
retrouve aux murs et aux fenêtres, entre le papier peint aux
motifs Toucan et les rideaux rouges, ce goût des mélanges
et des heureux accidents.
Dans cette famille de créatifs, on compte, outre le
Photo : Thierry Lebraly
enfance dans ce bouillon créatif et s’en sont naturellement
imprégnés. « Ils ont leur propre goût, qui plus est, affirmé !
Par exemple, c’est Joseph qui a choisi le tissu à rayures
rouge et bleu de la banquette du salon, alors que j’allais
partir sur quelque chose de plus sobre. Comme ils sont nés
un peu avec moi dans le textile, j’adore écouter leurs points
de vue. Même pour leurs vêtements, ils ont des avis bien
tranchés. Il ne veulent plus porter de dessins naïfs ou de
logos, mais continuent à mêler dans leurs tenues beaucoup

tandem parental, un oncle peintre et céramiste – Franck de couleurs. » Si la palette est évolutive, elle est, en tout
Lebraly – dont les dessins ornent les carreaux de la salle cas, déjà pleinement assimilée.
de bains des enfants, mais aussi une grand-mère accro
à la peinture, ainsi que des restaurateurs d’objets d’art,
peintres et artisans. Les deux frères baignent depuis leur ROSEANNA.FR

141
Photo : Émilie Guelpa
 TOURISME

Surnommé « la Huerta »
(le jardin) par Christophe
Colomb lorsqu’il s’en approcha
en 1502, le Costa Rica
incarne encore aujourd’hui
la destination nature par
excellence. 29 parcs nationaux,
8 réserves biologiques,
6 volcans actifs… Échappée
sauvage en Amérique
centrale dans ce refuge de
la biodiversité où il fait bon
s’enraciner en famille.

PHOTOS : ÉMILIE GUELPA — MOTS : JUSTINE VILLAIN

 TOURISME
La piscine de l’hôtel Lagarta Logde.
V
oyager moins mais voyager mieux, telle pourrait
être la devise du Costa Rica sur le plan touris-
tique, tant ce petit pays d’Amérique centrale
est devenu une référence mondiale en matière
d’écotourisme : mobilisation et éducation en faveur de la
protection de l’environnement, développement commu-
nautaire, protection de la biodiversité…
Le Costa Rica a depuis longtemps pris des engagements
forts. Là-bas plus que n’importe où ailleurs, l’exemplarité
passe par l’action. Et les exemples justement ne manquent
pas. Le territoire évolue vers la neutralité carbone beau-
coup plus vite que n’importe quel pays au monde, il se
144
positionne depuis longtemps en pionnier dans la lutte
contre le dérèglement climatique (il n’a pas attendu les
rapports du GIEC pour acter des politiques de sauvegarde
de l’environnement) et il produit de l’énergie verte à près de
98 %. Alors, à une époque où chaque déplacement compte,
où l’on réfléchit avant de s’engager dans une expédition
qui alourdira, bien malgré nous, notre bilan carbone, cette
destination pourtant située à quelque 8 900 kilomètres de
Photo : Émilie Guelpa
la France demeure la plus attrayante de l’hiver. Ce pays à
la nature luxuriante séduit de plus en plus de touristes
soucieux de voyager dans de bonnes conditions, à savoir
dans le respect de la planète et du vivant.
 Le Spa de l’hôtel El Mangroove.
Photo : Émilie Guelpa
 TOURISME

Partir à la découverte de la « côte riche », c’est aussi se lais-
ser apprivoiser sur place par les Costariciens, surnommés
Ticos et Ticas, une population accueillante et bienveillante
dont l’indéfectible bonne humeur s’exprime à travers l’ex-
pression « Pura Vida » utilisée sans retenue pour saluer
ou extérioriser sa joie de vivre.
Voyage en terre habitée
Cap sur l’Amérique centrale. Il faut bien compter 11 heures de
vol depuis la France en se rapprochant de l’Équateur, pour
fouler le sol costaricain. Le pays se niche entre l’Amérique
du Nord et l’Amérique du Sud, bordé par l’océan Pacifique à
l’ouest et la mer des Caraïbes à l’est. Ses plages sont à couper
le souffle. Un atout de taille pour les familles amoureuses du
soleil, en mal de vacances iodées. Mais le pays a beaucoup
plus à offrir. Déjà baptisé « le jardin » en 1502 lorsque pour
la première fois le célèbre explorateur Christophe Colomb
s’en approcha, le Costa Rica possède en effet la plus grande
biodiversité au kilomètre carré au monde. Preuve en chiffres,
il abrite près de 6,5 % de la biodiversité et 3,5 % de la faune
marine mondiale. On recense plus de 500 000 espèces sur
le territoire et près d’un quart du pays est sanctuarisé. Ici,
l’humain pénètre une nature encore intacte et préservée
et rencontre au gré de ses balades singes, iguanes verts,

Photo : Émilie Guelpa

La plage vue depuis les hauteurs, par l’accès privé du Tango Mar Resort.

146
 TOURISME
tortues ou guanacastes (l’arbre national du pays pouvant
atteindre 2,5 m de diamètre). Les locaux, ultraconscients
de l’importance des écosystèmes et de leur préservation,
vivent en harmonie dans ce paradis terrestre de la faune
et de la flore.
Destination de toutes les découvertes, le Costa Rica offre
une diversité de paysages sans précédent. Les chaînes de
montagnes, dont la plus haute, le Cerro Chirripó, culmine
à 3 819 m, les forêts tropicales et les volcans (six cratères
ardents sont encore en activité) rivalisent avec les plages
paradisiaques. Fort de ces atouts, ce petit pays offre des
expériences de voyage uniques.
Photo : Émilie Guelpa
Le Spa de l’hôtel El Mangroove.
Sanctuaire de la protection
de l’environnement
En 2019, l’ONU lui décerne le prix Champions de la Terre,
la distinction environnementale la plus prestigieuse pour
son rôle dans la protection de la nature et son engagement
en faveur de politiques ambitieuses de lutte contre le chan-
gement climatique. Pays étendard de la cause environne-
mentale, le Costa Rica attire bon nombre de baroudeurs
par ses atouts naturels et parce qu’il répond à un enjeu qui
nous concerne tous. Il a compris depuis longtemps que sa
prospérité économique passerait par la sauvegarde de son
patrimoine vert.
147
 TOURISME
Le développement durable fait partie de la philosophie
de vie et le territoire affiche aux yeux du monde son
ambition avec son Plan national de décarbonisation
visant à atteindre zéro émission nette en 2050, et une
trajectoire de 1,5 °C.
Voyage primitif en famille
L’échappée verte ravit celles et ceux ayant un attrait pour
l’écotourisme, centré sur la découverte de la nature. Les
parcs naturels offrent un terrain de jeu unique aux plus
petits pour l’apprentissage de la faune et de la flore. Et pour
partir à leur découverte – près d’une trentaine répartis sur
Le bar de l’hôtel El Mangroove.
148
le territoire –, mieux vaut être accompagné d’un guide
pour ne rien manquer du spectacle que le vivant pourrait
nous offrir : un paresseux dans un arbre, un tatou qui
traverse un sentier ou, plus impressionnant, une colonie
de crocodiles dans une rivière parmi les bois flottés. C’est
un voyage tourné vers l’autre et l’extérieur qui promet des
moments inoubliables, comme une rencontre avec des
singes non agressifs, le spectacle grandiose d’un volcan
en activité ou la découverte des sites de pontes de tortues
marines... Véritable condensé d’expériences indélébiles,
ce voyage au centre de la nature tient ses promesses d’un
émerveillement continu.
Photo : Émilie Guelpa
 TOURISME

Où dormir au Costa Rica ?

Étape 1. San Jose Étape 3. Tambor Étape 6. Province

Hôtel Los Candiles
Situé en banlieue calme de San
Jose, ce boutique-hôtel s’inspire
de l’architecture de style victorien,
un mouvement du xixe siècle
introduit au Costa Rica par les
premiers exportateurs de café.
Atout incontestable, les multiples
jardins de la propriété qui invitent
Tango Mar Resort
Ce que l’on retient ? Sa vue mer
à couper le souffle. L’endroit
est idéal pour admirer les plus
beaux couchers de soleil du pays.
En sus, une plage isolée, une
station thermale, un restaurant
gastronomique, un bar en bord
de mer et un studio de yoga.
de Guanacaste
Hôtel Rio Perdido
Véritable sanctuaire encadré par
une forêt naine unique, le Rio
Perdido ne pourrait pas mieux
porter son nom. L’établissement
est l’incarnation de la légendaire
Pura Vida du Costa Rica.
À PARTIR DE 280 €/NUIT

à la flânerie. À PARTIR DE 220 €/NUIT RIOPERDIDO.COM

À PARTIR DE 117 €/NUIT TANGOMAR.COM

HOTELVILLALOSCANDILES.COM Étape 7. La Fortuna

Étape 2. Ojochal
Hôtel Tangara Azul
Direction la côte Pacifique.
Ce lodge immergé dans la nature
sauvage nous rapproche des
meilleures plages de la région,
Étape 4. Nosara
Hôtel Lagarta Logde
Cet écolodge niché sur la
péninsule de Nicoya surplombe
deux rivières, des plages de sable
et les forêts de la côte pacifique. Ici,
les tortues ne sont jamais très loin.
Hôtel Volcano Lodge
Point de chute pour visiter
le parc national du volcan Arenal
et passer par la célèbre cascade
du río Celeste (peinte par Dieu,
selon la légende), d’un bleu irréel.
À PARTIR DE 80 €/NUIT

dont la Playa Tortuga, un secret À PARTIR DE 230 EUROS VOLCANOLODGE.COM

bien gardé des locaux. LAGARTALODGE.COM

À PARTIR DE 85 €/NUIT
BOUTIQUE-HOTEL-TANGARA-AZUL.
BUSINESS.SITE
Photos : Émilie Guelpa
Étape 5. Golfe
de Papagayo
Hôtel El Mangroove
Luxe, calme et volupté, rien de tel
pour se reposer et souffler après
quelques jours d’expédition. Le Spa
de cet hôtel mérite à lui seul la
visite. Et pour les enfants, activités

aquatiques à la piscine ou en mer,

au choix.
À PARTIR DE 390 €/NUIT
ELMANGROOVE.NET

149
Photo : Tiphaine Caro
 FOOD

Une cuisine aux saveurs

et aux couleurs libanaises
qui se déguste dans l’intimité
des foyers : rencontre
avec Joumana Jacob,
cheffe nomade derrière
Maison Joumana.

PHOTOS : TIPHAINE CARO — MOTS : FARAH KERAM

Photo : Tiphaine Caro
 FOOD
La signature de Joumana : une cuisine sans frontières,
destinée aux âmes désireuses de partage et de grandes tablées,
faite de produits sourcés à la virgule près.
I
l n’y avait qu’elle pour réussir à lier si aisément trois
villes, vibrant pourtant à un rythme bien différent.
Beyrouth, Bordeaux, Paris, trois lieux et comme un
trait d’union dans sa cuisine. La première est celle qui
l’a vue naître, celle d’où sont originaires ses parents. Parmi
eux, son fin gourmet de père qui lui a transmis l’amour de
la cuisine. Beyrouth, c’est la découverte que le bonheur peut
émaner de derrière les fourneaux. Joumana grandit auprès
d’une nourrice, figure tutélaire, qui l’élève par intermittence.
« Lorsqu’elle cuisinait, il émanait d’elle un rayonnement,
un calme, une plénitude et un bonheur. Je pense que, d’une
façon assez simple, j’ai vu cette femme heureuse de mettre
la main à la pâte et j’ai eu envie de faire pareil », sourit la
cuisinière. Beyrouth, c’est aussi la ville qui l’a vue partir,
sur fond de déchirure familiale, à l’âge de 8 ans.
Après une première vie de transmission en tant qu’ins-
titutrice en REP à Paris, Joumana quitte l’Éducation
nationale et pose ses valises avec sa tribu à Bordeaux, un
terrain neutre, comme une page vierge. C’est là que Maison
Joumana prend vie, en plein cœur de la somptueuse bâtisse
familiale où chaque objet a été chiné par la maîtresse des
lieux ou hérité de sa vie beyrouthine d’avant. Un business
plan tricoté, une envie de créer folle, beaucoup d’heures
supplémentaires et de la rigueur : quelques soirs par se-
maine, les convives se succèdent au rez-de-chaussée de
l’hôtel particulier pendant que la cheffe s’affaire à mitonner
salades de kakis, freekeh, pains somptueux et labhné. À
Bordeaux, elle pose les jalons de ce qui sera désormais sa
signature : une cuisine sans frontières de cheffe nomade,
destinée aux âmes désireuses de partage et de grandes
tablées, faite de produits sourcés à la virgule près.
Si la vie bordelaise est douce, la cuisinière ressent
rapidement le besoin de se rapprocher de ses proches.
Elle revient à l’une de ses premières amours, Paris, où elle
s’installe seule avec ses deux ados, Milos, 16 ans, et Maceo,
13 ans. Certains y verraient un pari risqué : le fait d’exporter
son projet dans une capitale déjà surchargée en bonnes
adresses. Pourtant, si elle admet volontiers avoir été prise
de doutes, la principale intéressée évoque un retour aux
sources vital. Aujourd’hui, la cuisine de Joumana met en
joie les Franciliens qui poussent sa porte et d’autres chan-
ceux du Bordelais et d’ailleurs, où la cuisinière se rend au
gré des commandes de catering.
Dans son appartement haussmannien du 9e arrondisse-
ment, la cuisine et la salle à manger sont le cœur battant de
la famille. À la question « comment fait-elle pour cuisiner
parfois dix heures d’affilée lors de ses pérégrinations de
cheffe nomade pour ensuite enchaîner sur la préparation
du repas pour elle et ses enfants », elle répond que rien
de cela ne relève de la charge mentale. Cette dernière
reste bien présente ailleurs, dans l’élaboration de devis
et factures, par exemple. « J’ai mes névroses comme tout
le monde et, chez moi, elle répond au nom de “cuisine” »,
s’amuse-t-elle à dire.
En cuisine, Milos et Maceo prêtent main forte depuis
leur plus jeune âge. « Je les ai autonomisés très tôt et les
ai encouragés à cuisiner, à s’autogérer sur la paperasse de
l’école, selon les principes de la pédagogie Montessori. Il m’est
déjà arrivé de culpabiliser en me trouvant parfois pas assez
disponible, mais c’est aussi un vrai coup de pouce pour une
mère célibataire. » Ces mêmes enfants qui, plus jeunes, ne
lui ont jamais donné de fil à retordre quant au contenu de
leurs assiettes. Pour elle, lorsque les bambins sont encou-
ragés à passer derrière les fourneaux, l’envie de goûter de
nouvelles choses au moment des repas se fait plus grande.
Aujourd’hui ados, Milos et Maceo cuisinent volontiers
pour leur maman. Et, pour Joumana, mettre du plaisir dans
le fait de manger passe par respecter leurs envies. « La plus
grande des barrières serait de vouloir être parfaite en tant
que mère, tout comme en tant que femme. Il est vrai que leurs
goûts changent et il faut le respecter », relativise-t-elle. Avant
de poursuivre : « Par exemple, s’ils n’aiment pas quelque
153
 FOOD
chose que j’ai cuisiné, cela ne me pose aucun problème. Je
suis même plutôt contente qu’ils se fassent des pâtes, tant
que ce sont de bonnes pâtes avec du bon blé et de la bonne
huile d’olive ! » Son conseil pour les palais les plus réticents ?
Dresser une table aux petits plats multiples qui incitent
les petits comme les grands à goûter à tout, avec de belles
découvertes à la clé.
Dès lors que l’on s’intéresse aux cuisines d’ailleurs, la
question du respect des saisons se pose. Comment adapter
une cuisine libanaise à une saisonnalité française, pays où
la cheffe a élu domicile ? Par quels biais puise-t-elle son
inspiration en plein hiver afin de mitonner une cuisine par
définition colorée ? « Il est possible d’être multiple, d’avoir
plusieurs cultures et de les rendre compatibles. » À ses yeux,
il suffit d’accepter que les saisons et les saveurs du pays
d’origine perdurent en nous, et de planter ses racines dans
une autre terre où la saisonnalité est autre. Elle qualifie la
distance comme une « contrainte libératrice » qui pousse à
l’adaptabilité et à la création. Pas de choix à faire, donc, si
ce n’est celui d’une cuisine vivante et vibrante au rythme
des saisons.
Sa tablée de fête se compose de ses deux fils, d’amis
en nombre, de bonnes quilles de vin vivant et de produits
paysans glanés dans ses épiceries de prédilection. La cui-
154
sine de Joumana est haute en couleur, attire la lumière
et semble même la capturer. Aux bûches souvent trop
crémeuses, elle préfère un subtil gâteau au chocolat et au
sumac. Aux légumes habituels, elle substitue le kaki, qui,
par sa couleur orange singulière, apporte la lumière et le
réconfort nécessaires. À Noël, elle privilégie la célébration
du solstice d’hiver, moment de l’année où la durée du jour
est la plus courte – « pour se souhaiter du courage ».
Pour beaucoup, les fêtes de fin d’année rappellent im-
manquablement l’absence d’êtres chers disparus. Joumana
marque une pause, préférant peser chacun de ses mots :
« Cuisiner permet d’être avec les fantômes du passé, en paix.
En cuisinant, je peux les convoquer comme je le veux. Pour
certains, ce sera la croyance, la prière. Moi, c’est quand je
cuisine. Je suis bien et ils sont avec moi, ce n’est pas triste,
ils m’accompagnent. »
Joumana confie manquer parfois d’ancrage et ressentir
le besoin de se rattacher à la terre, terre nourricière et terre
socle. Vous conviendrez que ces quelques lignes, qui ici
Photos : Tiphaine Caro
s’achèvent, laissent voir tout autre chose…
@MAISONJOUMANA / MAISONJOUMANA.COM
LES GARÇONS SONT HABILLÉS EN FINGER IN THE NOSE.
Photo : Tiphaine Caro

Carpaccio de coquilles Saint-Jacques au sumac
et carpaccio de kakis salés
POUR 6 PERSONNES
18 coquilles Saint-
Jacques crues
extra-fraîches
1 feuille de nori (facultatif)
Pour la marinade :
2 cuil. à s. de jus frais
de pamplemousse
2 cuil. à s. de jus de citron
6 cuil. à s. d’huile d’olive
1 cuil. à c. de sel
2 umeboshi dont on retire
le noyau et on conserve
la chair
2 cuil. à c. rases de sumac
1 pincée de poivre noir
156
FOOD
Pour les kakis salés :
3 kakis un peu fermes,
pas trop mûrs
1 cuil. à s. d’huile de
sésame grillé
1 cuil. à s. d’huile d’olive
extra-vierge
Une pincée de sel fumé
Le jus de 1/2 citron
1/2 cuil. à c. de sumac
1/2 cuil. à c. de zaatar
(l’herbe séchée et non le
mélange portant ce nom)
ou d’origan sauvage
Ces deux plats solaires sont des immanquables
à la table de fête de notre cheffe. Chez elle, le solstice
d’hiver est doté de plus de sens que le réveillon de
Noël. « Nous allumons des bougies, nous préparons
grenades, kakis, potiron, carottes et nous colorons
à la betterave le reste afin d’apporter à notre corps
de la lumière… »
Mélanger tous les ingrédients de la marinade. Découper
les coquilles en deux ou trois si elles sont très épaisses
et selon votre goût. Verser la marinade et la laisser
10 min, pas plus sinon le citron va cuire les coquilles.
Ciseler très finement une feuille de nori et la parsemer
sur le carpaccio.
Photo : Tiphaine Caro
Découper les kakis en rondelles assez fines afin d’en
faire un carpaccio. Verser les huiles, le sel, le jus de
citron, le sumac et le zaatar. Laisser mariner 10 min,
pas plus. Déguster en célébrant le solstice !
 FOOD

Le taboulé d’hiver de Joumana

Le taboulé est sans conteste l’un des plats phares Peler l’orange à vif en retirant l’écorce ainsi que les
de la cuisine libanaise. Celui de Maison Joumana est peaux blanches. La détailler en suprêmes (en quartiers
singulier, offrant des saveurs nouvelles. L’umeboshi, sans les peaux blanches de la membrane), puis en petits
une prune salée japonaise, apporte le côté salin cubes. Durant l’opération, récupérer le jus. Faire tremper
de la tomate, l’une des grandes absentes des le boulghour dans le jus afin qu’il l’absorbe et gonfle.
tables d’hiver. Éplucher et découper le radis en tout petits cubes.
Laver, sécher et équeuter le persil et la menthe. Hacher
POUR 4 PERSONNES 2 brins de menthe (20 g) finement le persil au couteau (et non au mixeur, sinon
8 cuil. à s. d’huile d’olive il va cuire). Hacher la menthe et la protéger de la lumière
1 orange de table (50 ml) et plus si besoin en la plaçant sous le persil.
4 grosses cuil. à s. Le jus de 1 gros citron Mélanger l’huile, le jus de citron, la chair de l’umeboshi,
de boulghour fin ou de 2 si petits (50 ml) une grosse pincée de sel et de poivre. Verser tous les
(impérativement) 1 umeboshi ingrédients dans un saladier et ajouter la sauce.
1 radis blue meat (radis Sel et poivre Mélanger le tout délicatement et ajouter si nécessaire
Photo : Tiphaine Caro

bleu d’hiver) de l’huile, du jus de citron ou du sel selon votre goût.

3 grandes bottes de Déguster ce bol de fraîcheur en plein hiver !
persil plat (soit 200 g
une fois équeuté)

157
 FOOD

Fondant chocolat sumac

(sans gluten ni lactose)

Depuis un certain temps, il trotte dans la tête de Préchauffer le four à 180 °C. Battre les jaunes d’œufs
Joumana l’envie d’un dessert au chocolat singulier, avec le sucre et faire fondre le chocolat avec le beurre
de ceux dont le goût ne vous laisse pas indifférent. de coco au bain-marie. Battre les blancs en neige.
Elle a trouvé l’assemblage adéquat grâce au sumac, Mélanger délicatement tous les ingrédients. Beurrer
une épice très plébiscitée dans tout le Levant. le moule et verser la préparation. Enfourner pendant
20 min. Si nécessaire, prolonger la cuisson de 5 min,
POUR 6 PERSONNES Pour le glaçage miroir : mais le gâteau doit rester fondant au milieu.
2 g d’agar-agar Pour pocher les poires, porter à ébullition le mélange
6 œufs 100 g d’eau eau, sucre et hibiscus. Maintenir une ébullition douce,
75 g de sucre non raffiné 150 g de sucre non raffiné puis verser le sumac et ensuite les poires. Laisser cuire
300 g de chocolat noir 75 g de cacao sans sucre environ 10 min et vérifier la cuisson avec la pointe d’un
à 70 % de chocolat 90 g de crème de coco couteau : la poire doit rester ferme. Sortir la poire du
minimum sirop et le laisser épaissir 5 min à petite ébullition.
125 g de beurre de coco Pour les poires pochées : Pour le glaçage, mettre tous les ingrédients dans une
100 g de poudre 1 poire conférence ferme casserole et mélanger à froid. Porter à ébullition tout en
Photo : Tiphaine Caro

d’amandes 100 g d’eau fouettant puis garder l’ébullition 1 min. Passer au tamis.
1 cuil. à c. de sumac 100 g de sucre Verser la préparation tiède sur le gâteau et bien l’étaler.
1 poignée d’hibiscus Découper la poire en deux et la poser sur le glaçage.
1 cuil. à c. de sumac Au moment de servir, verser le sirop. Bon appétit !

158
Photo : Tiphaine Caro
milkmagazine.net
ABONNEZ-VOUS
FASHION, LIFESTYLE, TRAVEL, EXPERIENCES FOR MODERN FAMILIES.*

Photos : Karel Balas — * Mode, mode de vie, tourisme et experiences pour les familles comtemporaines
Inventaire non exhaustif pour faire
de l’hiver la belle saison.

SÉLECTION PAR MÉLANIE HŒPFFNER

 POSTLUDES

Quel cirque !

1 3

4 5
Photos : DR

1 | Weekend House Kids. 2 | Pantalon en coton et lin, The Animals Observatory, 150 €. 3 | Collants,
The Campamento, 25 €. 4 | Pull en laine mélangée, The New Society, 85 €. 5 | Chaussons en cuir, Easy Peasy, 42 €.

162
 6 7 8

10 11

6 | Jupe, Sergent Major, à partir de 33 € env. 7 | Boîte à histoires, Yoto Player, 100 € env.
Photos : DR

8 | Veste en laine mélangée, The Animals Observatory, 220 €. 9 | Pull en laine mélangée, Maed for Mini
sur Smallable, 69 €. 10 | Top en tulle, The Animals Observatory, 100 €. 11 | The New Society.

163
 POSTLUDES

Panoplie poudreuse

2 3

4 5
Photos : DR

1 | Anneau de dentition, Bibs, 13 €. Salopette de ski, Tinycottons, 98 €. 3 | Mini Rodini. 4 | Cardigan en coton bio,
Bonjour sur Smallable, 59 €. 5 | Doudoune, Finger in the Nose, 225 €.

164
 6 7 8

10 11
Photos : DR

6 | Combinaison de ski, Mini Rodini, 220 €. 7 | Bonnet, Damart × Ron Ron, 13 € env. 8 | Parka en toile technique, Boboli,
75 € env. 9 | Luge gonflable, The Nice Fleet, 59 €. 10 | Sweat-shirt en coton bio, Frangin Frangine, 45 €. 11 | Pyrenex.

165
 POSTLUDES

Tout d’ours

1 3

4 5 6

1 | Gamin Gamine. 2 | Moufles en polyester recyclé, Liewood, 25 €. 3 | Veste en moumoute,

Photos : DR

The Sunday Collective, 185 € env. 4 | Gilet en laine de mouton, La Demo, 49 €. 5 | Tipi en coton bio, Wookids, 119 €.
6 | Doudou « Honey Bear » en baby alpaga, Oeuf NYC, 135 €.

166
 7 8

10

9 11
Photos : DR

7 | Sweat façon fourrure, Poudre Organic, 52 €. 8 | Boots fourrées, Young Soles, 118 €. 9 | Finger in the Nose.
10 | Déguisement en coton bio, Liewood, 64 €. 11 | Combinaison façon fourrure, Tinycottons, 72 €.

167
 MILK ARCHIVES
Cassons les codes
C’était en septembre 2017, dans le MilK no 57.
La photographe Delphine Chanet, complice du magazine
depuis la première heure, shootait une série de mode
intitulée « L’attente », dont est issu ce portrait. Regard
poétique sur la paresse adolescente, mise en scène
par le duo de jeunes actrices que sont Angèle Metzger
et Lily Taïeb. Notre rédactrice en chef mode, Mélanie
Hœpffner, s’était alors amusée à mixer avec audace les
rayures en tout genre et les gros imprimés fleuris. Cinq
ans plus tard, Angèle Metzger incarne le personnage
168
de Sasha dans la série Chair tendre, qui a fait sensation
à la rentrée. L’histoire d’une jeune adolescente qui
découvre à 17 ans son intersexuation et remet
en cause l’identité masculine qu’on lui a attribuée à la
naissance. Disponible sur la plateforme France.tv Slash,
Photo : Delphine Chanet
la série met (enfin) en lumière des récits trop souvent
invisibilisés dans notre société, et livre avec justesse les
chroniques d’une lycéenne en pleine construction. (S.M.)
Chair tendre, série en 10 épisodes de Yaël
Langmann, disponible sur France.tv Slash.
 Bivouac
36.

Peinture française www.peinturehypnotik.fr