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LA NATURE DU DOUBLE CHEZ AR~AUD


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l~ • 1. V

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1
\

Abstract

LA NATURE OU DOUBLE CHEZ ARTAUD:


, . by

Jean Ng Pac~

. J 1
Adv iser: Professor Jean Terrasse /
1

Th~atre ~nd poetry are the two maj~r forms of expres-


.sion used by Antonin Artaud. 'Dur,ing his lifetime, - Artaud'
/"

developed a style of theatre a~ poetry unique" to h~m; it


, ~ ,f

incorporated a ,new concept of language, a language of signe ,1

whose goal was total communication.

Artau9,1 ~ work embraces a duality which i8 manifest on

~~ny levels: the themes of his plays and poems; his dram'8-
')
/'
l
tic concepts, the semiotïc structure of his poems. We will .-

examine the ambivalent nature of Artaud's work by studyiog


ri
the influences ,of' ~ietzsche: the oriental theatre, Alfre"d

Jarry, dadaism and surrealism on the Théttre Alfred Jarry

and the Théttre de la Cruauté. We also propose' a thematic

.'
..",
'h 1
~tudy of his theatre and poetry and a sernie analysis of

various poems which \ reveal the conflicts thât haunted- ~


; Artaud.

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T~BLE.::DES
Il
... MA::ERES .. /'

1 INTRODUCTION·. a,tI . . . . . . . . . . . . . . . . • ' • • • • • • • • • • • ; ••••••••••• l

~R EMIERE PARTtE: INFLUENCES


1
...........................
Ch'apitre 1.: Nie tzse he ...•••.....•••.....••..•. ~
Chapitre II: Or i e n t e tOc cid è nt. • ••'. • • • • • • • • • • • 21
Chapitre III; Al f r e.d Jar r y ............... If . . . . . . . . 43
Çhapitre IV: Dada et le surréalisme •••••• ~ ••••• SC j
\
\ '

c'
DEUXIEME ARTIE: THEA TRE .............................
Chap 'tre 1: Les Thèmes ••••••••••••••••••••••••
Le ~hé9tre ~lfred Jarry •••••••••••
, . Chap'tre II:
Chap·tre III: Le T~é"âtre de la.CruButé~ ••••••••••

TROISIEME PARTIE:' POESIE · ..... · ... · . · .. · .. rr · · . · · .... "


Chapi tr.,..o 1: . Les ObBes8io~s •••••••••••. ! • • • • • • •
Chapitre Il: L'Ombi11c de~ limbes et Le
Pè B e~- ne r f 8 ~ ,J. • • • • • • •••••••••••••••

Chapitre II): Hélioga~ale op l'Anarchiste


cour'onné .; .................... ".
Chaptire IV: Pour en finir avec le jugement . \
d ~. die u •••••• t. • • • • • • • • • • • • • • • • • • <. 15 0

QUATRIEME PARTIE: LE LANGAGE DES SIGNfuS .............. . l'57


. Chapitre 1: Thé~tre ...................... ••••• ~ i5'a
Chapi tre II: Poésie ............................. 175 .
~

~
, .'
ONCLUSION ............ ............ ................. .
,./ ~
zn"
'.

.

.-
1

BIBLIOGRAPH lE .
• • • • • • • • • • • • !' • • • • • • • • • • • • • ' , ' • • • • • • • • • • • • •
,
215

;

\ .
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1

c • 1
Intro,(j.à~,tion \
,;:
l"

"

\
Artaud appartient à
,\
cette classe , é c r\i v dont
l '
l',oeuvre n'est pas facilement saisissabl non-

initiés. , Afin de co mpre Qd r e l e B é cri t,s faut


\/ .
con n a tt r e - t 0 u t son oeuvre ainsi que sa
\

connaissance, le l,ecteur n-e f",ait justement il

lit Artaud - i l ne le comprend pas. \.

Trois thèmes p~édominent dans' l'·oe-uvre

mal a d i ~, son a d mir a t ion pou rIe s. cul t- ure. s . 0 r . e t


p r i mit ive s , et son "'m é p ris pou r I a cul t ure 0
l
d'Ar E;lud"

c d n ale.
"
1 s -e t
sa

,
Ces trois é1él!'ents sont' étroitement liés dan la

dan s l' a e uv r e d' A-r tau d . Que ce soit d~n,s


\
so

dans sa poésie; dans ses e,ssais, Clans ses lettre, dans

• ses émissions radiophoniques; ol'oeuvre

l'opposition de ces 'de~x ré lités: celle de et

celle de l'homme en harmonie


, avec> 80n mi'lieu.
, Ce confl i t
/

i
pro_vient, au fond, de la maladi,e destructrice qui acéable ...
l -
i Artaud. (
\
, ~

La mal adie ad' A~t~ud 1e~. chi re physiquement et spir.i-


tuellement de sorte ,que' so,n e pression même est fragme-ntée
\ " \ • 1

t . et lacunaire. Cet échec fond mental l'obsède à te 1 point

qu'il passe ~oute sa vie li la recherchè d'un langage

parfai t. Il veut ~rouver un ,m de d' expr~ssion qui lui est

\
\
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~
1

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J
~
..
,

1 , I~
'r\ •1•

\(

des cultures orientales et


,'

primitives.
"
Son théa"tre et
.
• ' I f '
sa poésie manifestent une opposition constante 'entre le
\ .
po s i tif t le né 9 a tif, le cor p set l' es prit, ~l e co f"\c r ete t
[', '
l'abstrait·, .
le bien et!), le mal,' l'obècurité et l'a lumière;
/'

lin et le fé:i~in. Cependant, ces, doubles ~aspect,e


"'\ f
,
un~ état

'-)
\ fôrrt d'un tout que recherche 'Artaud: 0

t~ oppositions.
\
\ entre Or, les Plaint:s. d'Artaud
\\ . '," ,
oontre le 'monde 0 ccide l')tal .. e t - "contr, e sa p'Qr opre conditio n
, '
t '
rag~qu
1 sont" en ré~l'\'té, démenties 'par un
1 .
idéalisme qu~
.
, , '

est
~
base de;on ~euvre. - \

travers le' tht:n-re et la poésie, ,~rta'ud dénonce le"' ,.

mond cci den t al qui ,/


l-e dé t r u i t • Bi e n plu s, 'A r tau d y
, , ( prés e un "langage à base de signe~ qui lui permet de

s'exprimer intégralement, vQire de nattr~ à nou,veau. 'Les


~ fI< •
, ..
f> '
oéuvr~~ thé'ii'trales et P~étiql!es d' Art~d " se caractérisent , ,

Q,onc :par une 'dualité cqnstante. Dans , son thé~tre, la


, "

l' ~ualité ,se manifeste dàns les thèmes dial~ctiques c!~ cycle

p~~sie,
.
de '1' existence humaine 'qu'aborde, Artaud • Dani sa
1

cett~ dualité ,se retrouve dans l'appel à a' destructio~_ de

,1 :~1 fragmenté et dé:hir~ et à la roc n.h~ction\~D


~tre~intégral. .
\
\
·Le conflit d'Artàud se traauit à '" les niveaux.
" Î"
de so n oeuv
, re.:
l'expression, le style, les thèmes, la

structure.- Le but de notre thèse e-st, d' nalyser la mani-


\ ",
."

, 1
1
\ -
1
o

( .
'festation du double au n'.Ïyeau des thè'mes let de- la structure

1 dans le thé~tre( et la poésie d' ArtBuë • .


,;
l"
Avant d'allér

la ·'difficulté que
plus, loin,

comporte une étude sérieuse


cependant,. il faût a signàler

sur Artaud. \
,~
• f
Vu l'a c 0 m~i1 e x i té e t l' am pIe ur des, es é cri t s " i lest é v ide m-
Il
ment impossible d'examiner à ,fond tout son ~euvre dans le

cadre de ce tr av ail. lIse pose deux prob lèmes pr inc,ipaux :

choisir des écr~ts représentatifs d"Artaud, et ensuite,

déterminer leur genre. Nous r~soudrGns le premier


, p~oblème
, .
en présentant des oeuvres thé~trafes et. pOé:tiques d'Artaud

qui 'appartiennent aux différentes époques'" de sa vie. Le 1


\.... ,
'deuxième problème se r,évèle presqu~ insurmontable; en raison

dé feur a'!lbigü~té, les te~i.e~ d'-Artaud appartiennent à

pl~sieurs genres. Pour les besoins de ce travail, > •


nous

diviserons ;le5 oeuvre's d"Artaud en ·oeuvres poétiques et

oeuvres théi'tra1es, quoiq~e,. en réalité, les deux , genres


r 1
- - -.J

se, che v BUC he n t et qu' i l s 0 i t •d ~ f f·i c i l e de\..1 e s dis tin gue r

ne.t tement. Nous considérons, par ,exemplej H'élio9abale ou


,
l'Anarchiste 'couro~né et Pour en finir avec le. jugement d'e
J !
di~u D comme mail il est inévitable.
déS oeU1'res poétiq~es,
\ " '
que nous les retrouvions aussi dans la partie consacrée

aux oeuvres' thé~trales.


, )

, . '\
Pou 'r c 0 mmen der,
1
hou s, s i tue r 0 nsI'
\ (
0 eu v r e
,
d' Art a u d

dans I.e cont~xie 'théttr,~.1 en étudiant les inf1ue'nces de

,0
, .
/
, ,

c 1 La Naissance de la/tragédie de Nietzsche, de la clllture et


/"

, ,
du thé~tre ·orj,.entaux, des concepts novateurs d'Alfred Jarr"y
.. • 1 1

dans son Tout Ubu, des mouvements dada et surréa~i,ste. Ces


\ '
q,uatre manifestations figurent dans la fprmation' du concept
, 1 •
thé~tral
l
d'Artaud, depui,s
1-
son' arrivée' à Paris dans
,.., _
les'

année's vingt ju'squ' {' l~ 'rédaction de son oeuvre c;~itale,


" . /
le Théâtre et son double, é cri t d,a n s ' les - a n née s t r e nt e •

i" C'est d,ans cette décenni.e que l'essentiel d,es activités


,
"
dramatiques d'Artaud, a pris pl ace, avec le Thé~tre Alfred
"
Jarry et le Thé~tre de la Cruauté. .
Î

Artaud croit que "si :le théttr e double la vie, ,la vie ~
'\.

"
double le v.rai thé~tre." Cette notion est, importante pour
( comPFéndre la dualité des
,
concepts
'
dramatiques et de ~a~
. " , 1
v'ision d~ monde d'ArtEtud. Cela étan't dlt,-.!nous procéderons
1 ~ f \
~ \
·à' une' ébude thématique des pièces montées p,aT lui et de

ses projets de mise en scène faisant partie d,u r éper to


\
ir
, e
du ,!,héitre Alfred Jarry et du Tt)é~tre de la C~uaut~". Ces

pi è c'Œ 5 env ale u r l a con t rad i c t ion et\la dualité


met t e n t
\ , "
/_-..:im'manente's au cycle de l'existence huma,ine._

La poésie
li
d'Artaud e~prime aussi' un conflit\dans-

l'existence. Cependaflt, elle déér.it la fragmentation"

pryS'ique et spirituelle d'un seul homme: Ar taud ..:: \et non


, pas celle de 1 'humanité •. Nous étudierpns L'Ombilic des"
1 ;;- ,

limbes, le Pèse-nerfs, Héliogabale ou l'Ariàrchiste cour.onné


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fi' et Pour en finir avec le jugeme.nt de dieu.,' qui illu'strent


",
~
i e'lS é cri t s po é t i que ad' Art au d au >( Id i f f é r e n t ,e s é po q.u e s

de sa vie et donnent 'ainsi une perspective gé'néra~e du

\ ' dé~e:o~pemerit de s~ 'pensée' en rapport(a~eç son aliénatio,n.


Pour' finir, nous analyserons le langage des signes tel'
.
se
~,

qu'il manifeste dans le thé~tre et la.poésie d'Artaud".

Dana 're' théâtr'e, domain~ non écrit, ce langage se traduit

,é~idemmElnt "'d'un~ manl~ère plus pnysique que verbale et

représente l'a synthèse


v
de mul tiples
-
.formes de 'communichiOr'l':, '/.
~--

danse, mime, musique, 1 lumière, décor,


, etc.. Ce nouveau
.
Ir
,

Q, làngage 'in~lut langage verbal mais le relègue ,au second

plan et l ' utJI-i~e ,plutat comme langage .physique., Pour

définir le 'langage des signes dans l~ thé~tre d'Attaud,

nous nous baserons sur Le Théitre et son dotJb,le.

Le 1 ~ n 9 B 9 e des 9 ~ 9 ne ses t e mplo Yé au 9 s i dan s 1 e s '- •


~

derniers poèmes d'Artaud qui se caractéri.se[lt par l'usage


. 1 '
/' fragmenté du langage des mots et, par d~s pa.sages apparem-
. \
1 1

ment dépourvu,s de sens • Cependant, puisque le langage des


• 1

poème s est plus t1 verb al Il Que phys ique, nous proposons d'en
,1
faire une analyse sémique. Nous étud ierons Héliogabale,

Artaud le Momo,
A
· I."t et La Cultùre indienne.
C~-g~ En. appa-

rerice, Ces poèmes- semblent dénués de sens mais l'analyse


1

de leur structure sémique dévoile un message qui est


(~
intégral et cohstant c~ez Artaud: l'appel à la révqlte 1
/ r 1
,)
\\
\
\, »

_ _ _ _.... . . . . t~
j
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1.
~
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C 1
". . )

"
.
1
-"CO nt r e lui-meme
,\
contre 'son i m p u'i s S 8 nce .p h Ys i que et
- 1

spirituelle, contre la nature double qui le déchire.


\

","
r
L'a e u v. r e diA r tau d ·e s t ,~ pIe in dia 11 u s ion s à l' 0 c cult e. , • f

.. à 11~lchimie" à l'éso~érisme, aux 'rites pa~ens, aux mythes

anci~ns, à la Nature, ~t aux forces cosmiques" qui attestent 1

la pr,éférence d'Artaud
,
pour 1 es
. culture s non-occid entaI es
li

ou primitives. Cet app'el constant à ces ,traditions et à


1 f
ces pratiques peut ~tre traduit confme la .tentative d'A,rtaud
1
,"
de combler 1 e,e 1 acunes de sa prcfpre cul ture, c'est-à-dire
.
de sàn monde fragmenté,. , Bien [que le double fasse· partie
_----'==ii~==---==----:r-"--
.... - 1nfé,grante die son oeuvre, la pensée d'A"rtaud ne se laisse , 1

) 1 (
toutefois pas enfe~er dans lé dualisme. Car le( plus

grand désir d'Artaud était dl abolir toutes les 'formes de

dualité et de ha ré.uni'r dans un état d'harmonie.

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Pr am i è ra· P8 r t i e : Influences
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'/ 0" Ghapitre 1: Nietzsche
1i ,

Nietzs~e
,\
, ,!
l ~~ns La Naissance de 1a Trag examine
les ~pr-incipes propres à la tragéd,ie grecque lantique,

l'ap,ollinl leur s manife'stat ions dlans


.
le chpeur i thyr ambique, 1 e, les mythes,
,
etc., ' 'qui

et te tragédie. Il décrit ~ë dévelol'pe~ent


n Grèce et son évolution
,.1...
1)
vers <ilun drame fondé ft ~

"Bur pu"r, reniant les édéments diqnysiaques.

1 Les tentatives de
.
Socrate,
• 1

Euripide, Sophoc~e
1
O)~,tir 'nieR
11'1""
,,
. )
nom,,!er que quelques-uns) créent un théâtre où,seion le
.!
!a
.f
socratisme
,
esthétique,
' 1- aisdnnab le. ,,1

Nietzsche
,
réagit
"pour

contF8
~tre

cette. tendance
beau,
J
1
tout doit
,

restrictive,
b,
~tre
J
l
l

..;.

,
,
l
t.
J
}
/i, ,-nïe7rsongère, basée sur" la raison. fSar contre,' i.l vante la
ri .~,
.. 1
l , tragédie antique qui. incarne un é.pectacle intégral fondé
. 1# ' -1'h
f

1 principalement ~r le dionysisme et le déj9'tlatnement 'du
! , (} ,.
! irl}.

monde de l' inconse ient. "Dans 1 ,fart


,
d~onY'Siaque
,
"
. et dan~
"r
son symbolisme tragique,," dit-il, "c'est,.,la m'i!me nature

qui no,us parle ...;....;;;.=.;l;;;..·;;;..e, et non Ij'dégui8~~ (clest

nOus qui s~uJigncins)." Donc, c'e~t la véri~é pro~onde


!
1
de" 11 incon'êcient qui man'ifeste" llittre métaphysique
1;1 ~, •
des
,JJt .
phénomènes.
D

, . , ,

.
o .~

, .

...
/
... .'
1

\, ,

,
1
\! '
1 :

-, ;L,

Oané fe - Théitre et' sOn 'dollble', Artaud fait une com-'


,
"
paraison' simil~re entre le thé'ii'tr~ occidental et le thé1i'tre

.[oriental. Susan Sontag affirme:


r' \ ! '

.' L'àrgument. d'Artaud dans Le Théâtre et e,on double


s'àpparente à celui de Nietzsche dans la Naissance
1 •
de la tr'agédie où il déplore l'appauvrissement du
théiftre g-rec et la mort de 1& tragédie! sous les
co'upa de 1., dialectique socr,atique qui consacre l~
.tr'iomphe· du dialogue ra~ionnel. 3 .!
!
'li ,4 "

Let h é â t r e 0 cci den t al, par r a p p-o r tau thé 'ft' t r' e a rie n t al,
,"

, l,·' est artifrciel, ne faisant que représenter ou reproduire


. ... la réalité, let m~me, ce qui est"p"is," une Iréalité super-
1
1 ~
,,'
, fic i e Il e • ,L e t h é 1i't r e '0 rie n t al, par con t r e , man i f est e
1 ."
>.' .1'e~s[Bnce intime de l'~tre. Examinons donc le,s 'con'~epts
. ! +

de la· tragédie at-tique et essayons d'illustrer la dualité \


l
, . 1
essent'iell-e thé~tre théfitre 'quê ' pr~.conise
'r l
Artaud. "" i
/ ,.
Nietzsche constate qu'il" faut comprendre ." ••• avec
/

\
l,' ~inmédi'ate certitude de ,l'intuition,
1
que l'évolution

deI 1 .a r t e s t lié e 8U du a lis me de l' a polI i n i sm e et du


'01 ~,. .
.
, '" l 1 1

,gionysisme, comme la génération est liée à la dualité

des sexes, à leur lutte c,ontinuelle, coupée d'accd;!rds


'! r
prov~soires.1I4 Cétte analogie résume de manière adéquate

la notion générale de dualité dans les écrits d'Artaud: les


.-'

p,r inc ipe~ en aPrparence ant ithé tique s ne sont pas touj 0';Jt"'s
1
,•
..
:~

r' '1
i ot
1"

~
.-
,L
, .
• !
/
(; '.
ou nécessai"rement,2 en ,~pposition; au contraire,' l'union des'

a~inomies est cer'tai~e (quoique ép,hémère), et de ce'tte"


~nio~ é~anen;'une métaphysique et une spiritualité des plus
hautes.

L'apollinisme s'apparente l' é t at


• •
à" de rêve, à

l'apparence de beauté, et se caractérise par "les limites

délicates ••• le contour sobre, l'absence d'impulsions


( brut a1e's, le calme et la sag,!!sse du •
dieu , scu,lpteur." 5

'Apollon est le dieu de~ toutes ,les forces . ~


p~astiques, et
1
en m'Sme temps, le dieu des prophéties. Il est lucide
t r
1 et il gouverne l'imagination. I I i ne a r ne 1 e p'r in c i pOe
1.1
~
dl individuation. La musique apollinienne est, ~e ce fait, .
',\

-(J une "architecture dorique en sons, mais ~n'sons à peine


1 ' d 'lqu é s •••• ,,6
ln
1F-
Le dionysisme, par contre, est comparab?~ ~ l'ivresse,
I,
,
1
à l'extase, pendant ,laquelle toutes les barrières rigides
1
II / J

q ~ i' é r i 9 é e sen t r e l e s h 0 mm es e t. m~ me
1
eth 0 s t i l es 80 n t
/
'.
1
entre l'homme et la nature c'èdent et la r.éconciliation
, , a
" ,
lieu. 7 Pendant les m~ments d'exalta'tion dionysiaque" ,le
\
, sUJe
't , ensorcelé, perd tout~ conscience de lui-m~me. Ces
, /
eial tés dionysiaques manifestent -'Jn singulier 'dualisme
.\ des
\ • 0
, émotions: "les douleurs éveilleot le plaisir tandis que la
. , .r t 1

joie arrache à' leur pO'itrine des. èris doùloureux. ,,8 Ces
. -
extèses dio~ysiaques se caractérisent par un l J

Cl
1 1

la

,
'\~

.,
\

~:
~
\
~ / est l'acte ,libérateur de l'art grec. Dans le satyre, on
ij

trouve "le t-ype, original


,
dei, l'homme"; un ~tre primitif ,et

naturel, ,un "inspiré dont la sagesse jaillit du t sein m~me

de 1 a na t ure.... ,,13
' Il est l' homme vrai., devant qui

"l'homme civilisé .se [réduit] à un-e ,caricatur'è


. r

mensong~re 0 ..
14 , l. 'hQm,me.-e-st porté au' p'S-roxys!'le' de L ses
... 'J.
facultés s.ymboliques dans le dithyrambe di"onys-iaque. où
"
il faut exprimer en symboles l'~tre m~me de la
nature; un nouveau' monde de symboles est requi-s,
un symboLisme qui met en mouvement le c~rps tout
entier, non pas ,le symbolisme des lèvres, du
visage, de la paroèe, mais la danse totale •.•
Aussi les autres forces symboliques de..J.a musique,
'rythmique, dynamique, et harmonie [aj.c] , croissent
souda~n av~c i~pétuoSité.15

- Entre le spectateur et le choeur, il fi' Y a pas de distïnc-


/,
t'ion, car il n'y a~ qu'un grand et ,sublime cboeur de satyres

ch~ntants et dansants,' et des spectateurs 'représentés par \ '

ces satyres 'eux-m~es. Dans la tragéd'ie primitive, 'le.1

. public e.t le- choe~r tragique se rîiétamorphose~t; ,.(, indiviqu


1
t, ,
1

renot~ à l'ui-même du fa it qu'il se plonge dans une natul' e


! ' ,
"
'exté~ieure
{ A
\
1 à lÛi,,,16 c'est-à-diré une nature" métaphysique
r
urli verse Ile'.
l
Artaud auss! préconise a~ thé~tre un nouveau symbolisme
1
qui a~raiJ le même effet sur la foule. Il recommande ~qu~
, .
le spectacle autour du sp~ctateur
l
qui se placerait "

,
au c~ntre du thé~tr • Le spectateur, donc, y participerait
'\

.
". \
1.
, / ( f

(~
/

et en fèrait partie BU lieu d'~tre physiquemen't et

moral èmen't séparé de l' action. Et de m'S'me que l'acteur, il


~,
sersi't une partie intégrante de "1<1 alchimie mentale", ~e ,.'
f'
l'

\ f
s~r
1
Il l' 0 P. é'r a t i 0 n° ma g i que" qui aurait lie'u , I.e sc'ène. r 1
1

Nietzsche parle de la "métamorphose magique" )qui "est la

condition préalable de tout art ,dralJl.atique" et qui impliquè, ,"

"le nauffage de l'individu et son absorpti,on dans l'Etre

~ne
. 1 • ,,17

Cette notion de. "l'Etre originel" désigne une origine


.
co universelle qu' illustrè '"le Mythe". "La vér.ité
~

dionysiaque hérite de tout le domaine 'au mythe qui servira

de symbole à ses convictions "propres' ••• , ,,18 d~clate


- 1 '\
Nietz sc he. Le myt he d' Oed ipe, par exempl e, "semble v ouI oir
t \
••• insinuer que la sagease, et plus précisément la sagesse
j
,
dionysiaque, est une monstruosité c.o n t r e n a tu r e e t que

'celui qIJi par sa sage-sse précipite la nature dans l'abîme ,


11
du néant ~érite d'~tre ,
_

détruit par la nature.,,19 Oedipe,

par l' in ces te, r.é Bis ta i t con t r e l a na tu r e ma i s fut dé t ru i t

par ell'e. Pou'r Artaud, l'inceste a une autre signification:

l'OPPOSit~~n ~'contestable là, des conventions so'ciales dont

1
il se méfie. . Et le mythe de Prométhée qui, selon Nietzsche,
A
[ pose une antithèse pénible et irréconciliable, indique 'que
1
1
,f i
t '
"le bi.en le meilleur et le plus hsut qui
.crime
puisse échoir
\ .
à

i
'~
11 ~umanité, elle 'que par un dont ètle
1 ------

,
, i,'
/
1.

~ .

.
[
1
",
"
{ \ '0


} doit. a~6umer les conséqueJ1cel'!, c'est-à-dire tout le- déluge
(
f
,
d e d ou l eur e t d e,.c h ' .... ,,20o \
agrln
,..
On se demande si Artaud n' expr,~me pas' l a m~me chose
r ' ~ "
quand on lit spn Héliogabale ou l~anarchiste couronné. Son
i

héros., et. Héliogabale en esrt un oen vérité aux ye'ux °d' Artaud,
(
se moque cfe l'ordre s,ocial' en raillant ouvertement les

'institutions.

ressentant lâ contradiction- 'origin"el,le au coeur des choses,


1 ~

devient criminel et e~ souffre, Héliogabale.ne ressent


..
aucun remords. Au contra'ire, 1'1 se' délecte de ses "crimes". '
, 1
,
Pour Artaud, l'illusion et I.e rlilfoùlement de la vlrité ne

sont pas la bonne solution; Artaud demandeo l'anéantissement


1;

( de cette existence prése~te qui ne lui cdnvient pas et

aspire à découvrir une nouvelle et meilleure r~alité. Pour


',f

se libérer de ce monde, il. faut violer la loi morale ou

, soèiale.* Ce qui 'Semble \, 'fttre a.narchi'e ou révolution

.J
*Alain' Vi"rmaux dans son livre Antonin Artaud 'et le thé'â'tre
remarque à l'égard de Dionysos: .
d~

~ 1

Artaud ne parle pas de Dionysos,parce que Dionysos


[représente] "délire échevelé", improvisation et
anarchie et qu'Artaud tient à promouvoir un
thé~tre oD rien ne sera laissé aU'hasard ou ,
l ' in i t i a t ive p ers 0 n n e Il e • ( p • 5\.:n

\
Virmaux a raison, mais il faut noter que Dionysos joue un
! rôle important quand. m€me dans l'idéologie d'Artaud en
tant qu'il représente ~a liberté absQ/lue (cf. t.B, p.145') •

1
1'3

\
• " . /

/-

(
(concep'ts nÙlilistes) chez Artaud, est en ,réalité 1a- base
\
de la renaissance de l'~tre (concept positif).

Pour Nietzsche, le' seul héros de le, tragédie grecqoo

est Dionysos; t~~ les Butres figure~, Prométhée, Oedipe,


"
etc., ne son t que des ma 9 q u'e s de ce hé r 08 P r i mit 1 f. ' C' ~ s t

sa présence Isous ces masques qui leur donne leur valeur de


1
'" 1

types idéaux. Et l'in'dividu qui CSI;! manifeste prend la


_ 2'1
forme d'Apollon, interprète des songes. Cette notion

de mythe au théitre eBt très importante pour Artaud 11" cause

de son .universalité métaphysique. Le mythe d,e l,' inc'este

est sur t 0 ut é v ide n t 'd ans 1 e s Ce n ci, et Hé l i 0 9 a bal e 0 LI


1
l'anarchiste couronné.
,1
L a mus1que es t 1

Q
!
l'esse.nce de ~a , qui ne se comprend que
J1) Si elle est une msnifoe tation et ,une représent&-'
t ion s y mbol ,i que s t a t s d ion y s i ~ CI u es, une'
in c s r n a 1:" ion vis i b 1 e deI s m'u s i que, l ~ mon d e d e
e v e q u l, se dé gag e· d e''l" IV r es selon
r ,.. d 'y" S,l S que. 22
'

W~gner, l'idole de Nietzsche,

a reconnu à la musfque un caractè.re et une origin'e


tout différents de ceux des autres arts, parce 1
,\
qu "elle fie consiste' 'pas, comme 'eux à reproduire le
phénomène, mais qu'elle est 1 J,image immédiate du
vou loi·r e t r e_p rés e n tep a r, con s é que n t L! ~!!. ~
1
!itaEhysis~~-1~~i!.~ réalité physique du

j !!!'.Q.!!.E.!. , l a c h 0 s e e n soi P s r r a p p 0 r t s u x
,
phénomènes.
23 «
1

(
1,+
.)

.
/
, '
v'
'------, ----
.

o
/
c' Artaud, de m~me, croi t que la musique est l' esàence intime

let primordiale de la mise en s~ène, c.'e'st-à-dire de tou,s les


~!
arts -qui s' y mani f~stent: (\
1,

quelque chose d'assez semblable à l'étét musical a,


dO' exister pour cette mise en Iscè~e où' tout ce qui
est conception de l'esprit n'est qu'un prétexte,'
une vi r t u ~ lit', d.o nt le d 0 ~ b le' a pro du i t cet t e
intense poésie scénique, ce langage spatial et
coloré. (t.4, 75)

La musique -est qui contient 'la


1
vérité
1 ...
pr imordial-e 'Ide Di ony sos. Elle appara1't "comme le,. miroir
universel du vouloir 'des mondes.,,~4 Art dionysiaque, ,elle

atteint un paroxysme "orgiaque" qui, n'a pa~ de 1imite. ,Sou's

la marée effrénée de l' émotion di~nysiaque, le peuple peut

S l' a ban don n e r à "l' 0 r g i as me" • 51non, il peut 'choisir "la


, ~

voie du bouddhisme' indou, avec sa nostalgie du néan):, q~i

requiert pour ~~e suppo~tée les ~rBnges états extatiques'

qui abolissent l'espace, le temp~ ;t l'indiv,idua1ité."Z5

Ce néant, "nirvana", n'est pas un concept négatif mais


, \

positif. ete s t u n é t a t d', e x tas e qui ex i ste deI tau t r e cftt é

des 1 i mit es dei l t é t at ph y s i que, mat é ri e'l , s 0 br e , ter r e à


'"
terre,. l'extase d!onysiaqu'e, "anéantissement orgiaque et

dépouillement de soi", est à la base de l a renaissance de

l'~tre. Mais la véri~é est ~trop pénible et l' homme ~ne peut
1

Y 'faire face,~ Il a besoin de la tragédie et de sa puissance


/ '
1 (" pur i f li. a n te, et sou l age a n t e \ qui lui est a c cor d é e 9 r te e à

(
15
j
1

! ._"'*11
gq . . . . l' ~----'~--"" -
1 •
. ...

c l'apollinisme: "[là] force prooigieuse de '1' imag~, du

:::C::::. ::n:~::.:,Î:::r::nti:moer:l, l'émotion de sympa thique"


arr a che l ' h olim me \ à son r ~v
e dIa n é an t i s sem en t
orgiaque et, len lui dissimulant l'universali~é
Qu ph é nom è n e :d ion y s i a que, lui fa i t e r 0 ire qu' il
n'aperloit qù' une image isolée du monde, •.. e,t
. \ la ~usique
que - l'aidera à en avoir une vision
meilleure et ~lus intérieure. 26

La vie humaine, dans sa ~~iil'eurë for".le,


,
nécess"ite . '

"l'alliance frater'nelle" du di.c~!lysisme et de l'apollinism'e.

Les deux principes dépendent l'un de l'autre.


Q
Dans la

't
tragédie, cette relation se' t~itlÎ ainsi: "Dionysos

parlant l'a langue,-

parler l'e langage de Dionysos, le


1
d'A~ollon, mais ÀPollon finissant par

but)upr~me de la tr~gédie
"
, .
et de l'art en général se trouvant alors atteint." 27 " Pa~
\
cette nuance de signiflcation (l'oPPosition langage-langue), ~.

Nietzsche semble souligner la différence entre les deux


1

principes: la rigidité de la "langue" d'Apollon qui veut

que tout adhère à un'e forme, op}losée à la flexibilité du

langage multiforme de Dionysos.

\ 5 el 0 n l. ,a 1 con cep t.i 0 n art au die n ne dut h é ~t r e , cet te


1 opposition reflète la différence entre le théitre occidental 1,
1
î
et le thé'itre ori.enta·l. Le thé~tre psycbologique' de
, /

\1 ' 0 cci den t (1 a t r a g é die à par tir deS 0 ph 0 cIe, dé, cl are /1 '~
. 28 i
Nietzsche ) dci'nne tah~ d'ifTIportance à la parole et à
{
? •
i
o ,

IG>

~ i
\
l ,
~"--_.~~. '" ,.........-Jr"";,~_............
/,

\ ~

)'étude de l'in,dividu qu' i1 restreint sà, portée universelle.


(:)
\

Dans une lettre sur le langage, écrite en septembre '1931,


1
l Artaud s'exclame:
••
,r
"t
••• si nous nous montrons aujourd'hui ••• incapables
qfk- donner d '1:s chy 1 e, de Sopho cIe, de'" Sh ak esp'ear e
une idée digne d'eux, c'est très vraisemblable~ent
q~e nous avons perdu le sens de la pry~sique de ~
1 eu r thé 'â"t r e • C ' est que le cSt é di r e c te men t
humain ,et agissant d'une diction, d'une gesticula-
t i 0 D, 1d'e t 0 u t 'u n r y t hm e s c é n i que n 0 usé cha p p e •
Ctté qui devrait avoir autant sinon plus d'impor- III
tance que, f'admirable dissection parlée oe 'la
psychologie de -:leurs héros. (L4,128) '1

Et Nietzsche écrit:

n
Au 1 i eu des e 'p rés e ter a v e c cet te am pl è u r qui
lui permet d'incarner un type éte,rnel, chaque
caractère, par l'artifice de nuances et de traits
a cc e s soi r eA, •• ,. te n d' à don n,e r une i mpre s s ion
d'individu~ité, tellement, ql:1e le spectateur
ne persoit plus la présence du mythe, mais la
pUlssante conformité à la nature et le talent
i~itatif ~e l'~rtiste.29

Ces représ~ntations fausses ne servent qu'~ "rendormir'~lus


\

profondément le dormeur." Le thé'â"tre oriental, ~fi"tre pur,

a~ contraire, présente ~e~ mythes dans un lang~ge symboliqJe

universel. ' Ce langage des signes exp;rim-e une sagesse plus


' "\" " . , -
1 ( ,
pl!'ofonde que c elle dont -1 e langage des "",mots' est capable.

Artaud préconise un spectacle, intégral,


~ \ ,

or~enta~r' qui exprime la vérit~ de l'uni~ers et~qui donne


\
en .meme
,.. temps une consolation" métaphysique à la fagon du
'"
mythe tragique.
J)

.'
1
,
,1 j
(1

Dans l'émission radiopronique Pour en finir ~

le jugement de dieu - 0- oeuvre qui selon les critiques


,
incarne au maximum les concepts du ,Théfi"tre de la Cruauté -

Artaud exige le retour à une existence


> '
primordiale afin de
(

conna~tre l~ liberté:
..Il - 1
/
(
,
.Lorsque vous lui atJrez fai t [à l' homme) un corps
sans orgar,lBs,/a.tors vous l'aurez delivré de tous
ses automati~mes/et rendu à sa véritable liberté:

Alor's vou,p lui réapprendrez à danser à l' envers/


'.comme dans le délire des bals musette/et cet
. envers sera son vérïtable endroit., (t.13, /104)

Artaud croiL que la délèouverte de' ce "point supr~me"* est


(III , 1
essentielle à la survie de l'homme; ce point suprtm~ étant

1 ' ét at ct ù t 0 u tes t réd u c i i b l e à une 0


.
r"i gin e corn mune' e t

p-rimitive où le -mythe, la danse, la musique 'font partie des

forces libératrices.

Ce my ~he, ': B ymbol e s ub lime", dans l a t rag~d ie grecque,

"fait en sorte que la musique' ne semble plus ~tre qu'une

ressource supr'tme destinée à animer le monde plastique du C

30
mythe" ; et la tragédie.,

confiante dans cette noble illusion,. ~ .est libre


a l 0 r s d e' mou v 0 i r ses me mb r e s dan s 1 a dan sel
dit h Yr a'm b i que e t des 1 8 b 8 n don n e r s 8 s 8 r r i ère ,, n

* No use m'p ru n t: 0 n s c e t e r me-a u sur réa li 8 me ni 8 i S' no u à


1 lie mp l O.x.o n s au sen sIe plu s lit t é r al, s 8 n s cOll n 0 t a t ion

/e surréaliste. l'.

..
\,
t /

,../
,
,,,
~

1
pen' sée à uns ~ n t i men t deI i ber t é 0 r 9 i a que • • • Le
mythe. '•• protège de la musique touL en lui donnant
la liberté supr'S'me. La musique en revanche' ,pr~te 1

I:!u mythe tragique la %igni'fication métaphysique


insistante et persuasive à laquel,le )a. parole et
le ",spectacle ••• ne parv iendraient jamais •. Sur tout 5'

,c'est la musique qui transmet au spectateur de


l~ tragédie' le presaentiment ~'Or. d'un plaisir
supérieur où l'on accède par la mori et par la
,, .
négation de la vie, il lui semble reconna1tre dans 1
j
cette v~i~'l'appel qui monte à lui cu tréfonds
3l
'mS'me des choses.

Dans ce texte, Nietzsche décr~t la relation entre le myt~e, ", "


la musique et la faculté
" '
d,~onysiaque dans la tràgédie.~
Cette citation manifeste la dualifé inhérente et nécessaire,

qui est essentielle à la production d'un art dynamique et


intégral. Après tout, une totalité, unité multiple, ,!
1

implique toujours une structure bin,aire c,omplément'aire: ~ ,


,
.. '

les principes positifs et négf;!tifs, bons et mauvais, noirs


: / '
!
l
et blancs •••• !

"
1
~

,
.t
\
.' , , ,
~ .
J
(

"

fi
Notes

~rriedrich
Nietzsche, La Naissance de la tragédie,
de' I ' 8 Ile m8 n d, par Geneviève Bianqui (Paris:
t r 8du i t
Gallimard, 1949(, pp.86-87. ~~
., 1
l
2 ' '
Nietz'Sche, p,.112.,
)
3
1.." 50n1;8g, p.67.
r
c'-"" 1
!
4NietzBche, p.2I.
1
0: d . , p.24.
5,l,.l,

, 6'b'd
1 1 . , p.30. ~ ,

\ Î
"

(~) c' '

7'b'd
1 1 . , p.25. "

8'b'd
1 1 . , p.29. ,
--... 1
0
~v

9'b'd
1 1 . , p.56.
1
,
l
, !
l
lO'b'd
1 1 • r- p.32/.' i
l ,
1
11.l b'l d . , p.62.
t

~12'b'd
l l ., p.64. .,
.e?
-13 ibid ., p .. 57.
1

1 1
"
14'b'd
l l ,., p.5S.
\1
15'b'd
l l . , p.30.
~

1
(
g ~'
1

l6'b'd
1 1 . , p.61- .' ,

Î
C')
20'

,,
,)

'" ~ , .- l'
l .....,j.
'-
---_.....--.--~
-, "'t, --1It~--~'-""'" "
"~-""~U"

"

Chapi'tre JI:' Orient et' 'Occident

début des années v.in9t, Artaud


, 0
appartenait au
Thé §"t r e d e I ' At 8.1 i ,8 r di r i 9 é par Ch B 'r les 0 u l 1 in .. or

L • e ~ t hou s i a s me e t l'a dm ira fi 0 n - q u ~ li 1 é pro \J v a iot à cet te,


<...J ' 1<. ~ 0

époque pou r s es ~ méthodes se IjIsni festent dans des co~ptes,


1

rel)dus. A' propos dès acteur.s, il"écri~:.


'" -,

Ce sont des atteu'rs donnant, comme une imagOe


idéale de ce quë-pOurrait ~tre l'acteur c'omplet ri,
à rrotre époque, et se rapprochant °du type éternel }
1
de l'acteur japonWis qui a poussé eh lui ju~qu'au
paroxysme la culture de toutes ses p'ossibilités
physiques e't psychiques (c'est nous qui soulig-
nons). ( t.2, 17~-~" )' _

( Et dans une lettre à Max Jacob écrite en octobre 1921,


..
Artaud dit:
, 1
On a l ' impression en écoutant l'enseignement de
Dullin qu'on retrouve,/ de vieux secrets et toute J
i
une mystique oublié~ de la mise e~ scène. On i
j 0 u e a v e cIe t réf 0 n d,s des 0 n C 0 e ur, a v e c 5 es· v

mai 'n s , a v ec ses pie d's, a v e c t 0 u s ses mus c les,


, tous ses mecnbres-••• Les Japonais sont nos ma'ttres
directs, et nos inspiratelJrs.... (t.3, 116-7)
..r-
,,
1.
.
De cf>e cam pte r en Ct u d e l ' 0 eu v r e d e Cha rIe ~ Du Il in, ' "i l 1\
1
1 ., c" •

Iressort qu'Artaud tient l'acteur japonais, et égal'ement


- '\..

le thétt,r e japonais, en haute estime. l,

Dans ra "~Traditi'on avouée du Théi'tre Alfred Jarry"" il


) '.

écrit:

(J .
,,

21
r \ l'

, \
\- - -- -
, .....

'*" \'

G
Le Thé~tl'e Alfred Jarry renonce à énumérer toutes,
les influences fragmentaires qu'il é pu' os~bir •• ".
pOUf'ne retenir, au point de v'ue de l'efficacité
recherchée dans le pays, que les exemples inèlis-
cutables fournis par les thé~tres chin'ois, nègre-
américain et soviétique. (t.2, 6Q)

Et dans Le Thé~tre Artaud désigne le thé'9tre

oriental
1 (surtout le 'lb a l i ri ais) ,c omm e ma d è l e è

suivre.
1 Nous nous appe 1 er 'l es car actér i s-
tiques du thé§'tre oriental: balinais et

les aspects de la culture qui influencèrent le


.:
développement' du Thé'iit r e' Alfred et du Théâtre de la
.'
Cruauté. Selon les commentaires d'Artaud sur le théâtre'

c: oriental,
"
il 'semble qu"Artaud
0
était plus familier avec le

thé~tre japonais et balinais qu'avec le théâtre chinois

('bien qu'il -le cîte cO,(!lme influence sur le Thé'É3'tre Al'Fred


o

Jarry). En 'tenant cor,npte de cele, nous exposerons les


\ " _.
aspects généraux du théttre orientel, en 'insist,ant surtout

sur les techniques' du thé~tre japonais et du thléttre

balinàis, te Iles qu'Artaud les a vues (celles


.. du théâtre
1

balinais) à l'Exposition-Coloniale de 1931.

La cul tur e hil'loise a -beaucoup influencé la cul ture


,"
, japonaise. ait basée 1sur les cultes,de la nature et
~

. A
'des ancetr els éta,ient intégrés à la vie sociale et
\
A,
moral e ~ te cul te de la nature a marqué surtoy'f la pensée

(} '.
.
',/
./

, . f
-.;
---/
l"
.0
,
;
J

J
, , "
et l t esthétique chinoises q'u i man i f est e n t une vi Ei,i
.<
0 n

dualiste de l'univers. A.C. Scott,. dans son .livre, The

Theatre'in ~sia, ~iplique: , .


"

~\

The ph'enomenon. of nature was ex-plained 'in terme of'


two polar oppositeS' Yil) and Yang, the poaitive and,
negative forces, representing the energy of lire.
,,' Kept in a ~tate of balance thesé ensured total
ha.rmony ••• the concern fOf. harmoni~s relàti~nships
led ta" a passion for cÇldificatia)1 I3nd ritual. 1
\ '

le 'yin:::::yang est symbolisé par un cercle quil se divis~ -:;


'-
1 ,, \ '\

l' e,n deux parties égales. Une partie est n'o ire, 'l'autre ;
l
,
\

blanche. Le symbole est


. celui-c~:
:

. \

Ce dessin montre que chaque partie, bien qu'elle 'soit

l'opposée de l'autre, a un élément commun avec elle:

le c'ti'té noir (force négative) a ~n noyau blanc (force ;.l


:'
positive) et vice versa.

~
Le'l yin-yang représente les oppositions suivantes:

noir-blané ( s'o mb r e - c 1 8 i r ) ;
/'
né 9 a tif - p 0 s.i tif ; f é min in - /1
,// l

mas cul in; m~ t iè r e - e s p"l- i t ; ter r e - cie i ; s u b st an c e - e 8 s e ~ ce; / i


p e r ver s - non - p e r ver s ; t 'lf;
pas S l' f - a C r é a c' t '1 0 ' 0Y /
n - a c t,1 "
./
./

\\
,
-- .... -'~'b .... .r"""'-"~-- ~-- --~
/

Ma is l' harm'onie entr e 1 es . pr inc ipes e st recherché e. Ceci
l ,

" g'applique ~on seulement à la philosophie chinoise mais


.
ç

.,
aussi à cel,le d'autres cultures ,ou religions, qu'elles

soient hindoue, chrét~enne, ou juive. Dans les notes sur


les diverses philosophies, Artaud n,. décrit pas seulement
\ '

la dualité des principes, mais un troisième ~spect:

Neutre , Positif Négatif


IlAndrogyne mil e / femelle
Père, Saint-Espr i t \ Fils
Eq ui l ib re Expansif Répul si! ' \~"

TBi-ki Yang Yin* 1l


Kneph Amour Chaos (t,.B,406)
J
,. L'opposition des forces' naturelles et leur harmon'ie
f
1
\
recherchée caractérisent -tout l'oeuvre d'Artaud. ~,Nous ne
'"
, () prétendons pas que son' oeuvre témoigne uniqueRi~nt de

l' i~fluencl! chinoise, mais nous af'firmons un'e2j,ar'enté

entre Artaud et le théâ'tre oriental, s'ur,'le plan ,

philosophique ainsi que


\

aur le plan des techniques j


1
thé'i~rales •

Cèmme nous l'avons constaté plus haut, la cultur~

japq,nai'se reflète l'inflùence. de la cul ture chinoise.


/
Le'
-- -} \ Q (/

~ulte de Shinto, l'adoration de la déesse solaire, est une

?
/' , "

*11 faut noter que les descriptions du ,yin-yang par Artaud


témoign~nt parfois d'~ne confusion de leurs caractères
/
,
"
dissemblables, mais /cela s',explique du fait que quand les
déux principes sOf'lt/ en harmonie', leurs attributs distincts
s,o unissent et Bont interchangeable •• /

, "
2~

o
"
/

f

, for me du
1

.
cul te de 1 al n a t ure.
\
Le zen, secte particulière

du bouddhismet eut aussi son origine en Chine. Scott

exp 1 i que que 1e zen f u 't car a c té ris é par Il sin g 1 e min d e d

-e in p h a sis 0 n sud den e,lll i 9 h t e n men tan d i n t u i ti v e in sig h t ,


arou~ed t~rough both mental and physic~l disciplines;1I2 \~

Une des -premières formes du thé'ê'tre japonais, le drame noh,

p_ré sen te 1 es con~ e pt s du zen Il wi th the ir emphae i s on _a~ 1 u-

Q' sion and a concern ta escape from the binding realities' of

ti'tne and pl ace. Il 3 Le noh alors manifeste certains rites


: .
bouddhiques: "\he singingistyle of ~oh -tia~ a special

sonority that has an affinity with Buddhist chanting •••• ,,4

Et Scott aj'pute: "Class distinctions, individual character'

and the idiosyncrasies of everyday 1ife are not the concern

of the noh. The characters a~e -:-flot living peraona1ities

but re~resent a ~ymbo1ical tr~nscendin~ of time and

spa ce •••• ,,5

Le bouddhisme est commun è toutes les cultures

orientBles-, qu'elles soient indienne, chinoi\se ou japonaise.

Le p,01nt supr~me ,,de l'existence est le nirvana, -moment où ,Î


\ {

le cycle des naissances et des morts se termine, où 1 ''ime 1 1

t /
1
'se-détache du monde fini,

se fond à l'~tre collectif.


s'anéantit, et l'~tre individuel

Cette phi1oso~hie est à la


- .' /
l
bsse . époque ou. une autre
des cultures primitives (à une

de leur histoire) et doit se manifestèr sous u'1l forme


--- '"'"
"
25 l'

/
\ 1

1 •

//

quelconque. Le concept de nirvana est évident dans le


théfr'tre oriental: . l'emploi de tous les moyens d' expressior'l

possibles semble indiquer une tentati ve maximale de com-

mU?iquer des vérités secrètes ete l'Etre métaphysique.


\
Selon Artaldd,
'1
••. 1 ier le thé'$:'tre aux possib i'1 i t és de l'exp res- '{
sion par les formes,- [ ••• ] gestes, bruits,
couleurs, f'lastiques, etc., c'est le rendre à Isa
destination primitive, c'est le replace~ dans ~on !

aspect religieux et métaphysique, c'est le récon-


cilier avêc l'univers. (t.4, 84) U
Le ·thé~tre oriental, intégrant la danse, la musique
!J '
ï
'1
et la. poésie, vise au fond 1 à établir une communication
\\ 1
personnelle avec le spectateur ei' à lui procurer une
1
( ~expér ien.ce immédiate. La réaction de celui-ci de'vant une
tell e s yfl th è s e t ra n s c end e les l i mit e s deI' exp é r i.e n c e
1

spati.o-temporelle; En effet, cette fusion de tous les arts

en une seule forme dramatique crée un véritable spectacle


qui est fondé
{
principalement sur une esthétique méta- (
physique. Le thé~tre o{iental co~munique a~ec le spectateur ""\'
par des moyens sensoriels 'et é-motionnels et non pas'
1
intellectuels.
Dan s ses é c r it s sur 1 eTh é'â't r e Al f r e d . Jar r y , Art a u d

dfénigr'e le théi"tre occidental comme forme limitée et


\ . .
artificielle à cause de se~ prétentions psychologiques

et i n t'e 11 e c tue Il es. Ce théitre est co,nstrui t principale-


\
\
...

" .

i
._. -$~"",-'--~---
-
....

c men t , s i non t 0 ut à fa i t, de mot 5 ( pre n on B


Il
par ex e mp l e

le thé~re c~assique de Racine).~ Artaud se méfie de

l ' e f fic a c i t é c 0 mmuni c a t ive d" u n t h é'â"t r e d e m0 t'~ et 1e


,1
considère comme de la
, littérature, et non pas J:omme' du

thé'ittre. Scott ,exprime la m~me opinion:

Western cl~ssical theatr'eO in its use of l,anguage


haB sought a 'ba~ance between the fusion of verbal
music, intellectual communication and' suggesti ve
power. It is pos,sible to read a majority of
western plays with satisfaction and never see them
perfor4l1ed. They ar.e effective as literature in
their own right. 6

. Par contre, lir,e une pièce orientale en la séparant de


1

sa représentation, est trè\ peu satisfaisant pa,l'ce que le

(" langage verbal dans le théâ'tre oriental .. est mc,>ins important


... 1

qu e dans le t hé1h. re occi dental. Scott explique que "the

power of language to suggest imagery" its quality as pure


~

sound together with many possibiliti,s in ~hyme, juxta-

posi tien; al li tera tion ••• have been the ingredi ents for the
. ) 7 A cause
Asli a n pla y wri g h t ( c ' est no us qui sou 1 i 9 non s .:" ,
.
des particularités du langage oriental., il est possible.

de les incorporer ~ux fins thé~tr~les. Par exemple, en

chinois, chaque syll'abe doit ttre prononcée s,e'lon un des 1..


- j
quatr~ tons (haut, bas, montant et descehdant) et,elles i

di ffèrent l'une de l'autre dans leur durée et leur mouve-

ment. La poésie et le chant chinois témoignent donc de \


/

)
~. --,~~.".

/
1
\)\

'j
"
\

1
(:
1
cet aspect de,la langue. Mais à l'enoontre du thé+tre
oc cid e n t ~ l , l e t h é1t't r e 0 rien t al' ne ses e r t pas uni que men t de

,.
la parole comme mode-d'expression. Le dramaturg~ oriental

• utilise 'les éléments 1 ingu i stiques pour compléter la ,


" .., Il

pan.tomime, ra danse, les gestes formels qui constituent


, un

spectacle int-égral:

" Ce~ éléments physiques ont un r'ftle significalif dans.


lei théitre' or~ent·al. Le geste communique directement, sans
''\,
ambiguïté parce que ·la relation entre le signifiant 'et le
\

signifié ,est nettement visible;' les mots, par contre, sont

arbitraires. Les g est es, \ dan sIe th é'Ei't r e 0 ri fl n t al, ne


remplacent pa!3 la par,ole,---mii-'is ils dépassent la limite
",
établie -par le langage. Scott const~te qu'ils ont une
\

triple fonction: r e prés e n t a t ive, in t e rp r;é t a t ive, et


4
décorative. 8
. .f
Dans le kabuki JaponalS, les notions de mouvem-ent et
de couleur sont fondamentales dans la représentation.

( N0 u spa rle·r 0 n s deI a cou leu r plu s loi n. ) La notion li


de mouvement comporte la pantomime et l'imitation des
,
",
,Q marionnettes. L a pan tom i me' e Il e - m~ me ,e m'p r u n t e à la
\ 1
m~rion'nette aes gest,es, ses gesticulations et ses postur'es, ,.
,
l ,

1 produisant ainsi des "tableaux vivants", selon Faubion

Bowers dans
- Japanese '
Theatre. 9 La' pantomime se distingue
\

de la danse (forme musicale) mais constitue une partie ~

(.
~~
fondamentale du ,
drame. Elle sert à mener l'intensité

émotionnelle de la scène à son paroxysme. La "head-

'inspection" est une partie de la pantomime \dans laquelle

l'acteur communïque une séquence d'émotions par un jeu

physi9nomique Élans mou~ement "Physique.

En r e p r é-s en tan t les " na r r B t ion B " , les


, acteurs
1
abandonnent toute r"essemblance\ avec les ~tres humai ns et se
,
\
métamorpho se nt en mar ionne t tes: les mouvements dey iennent '
1

irrégyliers et saccadés. 'Et pour accentuer cet effe


1
1

mécanique, un Butre acteur habillé de noir à la FaSon de

anciens marionnettistes japonais,' suit la "marionnette" e


,'ifJ; ---f e i n t. 'cfe--l-ë, man i p u 1 e r. - '-ii 'ni e est h e ~ i c pur p 0 ses . 0 f the s
,
l,
interludes of puppe~-like actions ••• ," explique Bowers
.
"enh snce [s] the idea of several characters with t'hei

ind i v id'ua l emo ti ons and "


n'atures i mp i n 9 ing on one anothe'r
\ 10
in various ways."
--~~~

Le ~este et la pose sont essentiels au kabuki:

as a whQle in kabuki is exaggerated, dance-like, expansive

. and carefully measured gestures and movements. The con-

t'i nua t i Ye mo'v e men t 0 f the a c t a ris a c t ion SI i B P u n c t ~ a t e' d

with poses. "Il La pose crée un tableau et signale


/
,

l'importance de cet instant en ~e, figeant • Le "mie" est


.
une pose majeure 'qui 'se caractérise par le strabisme
, 1 '

d'un oeil. Il est accompagné du frappement sonore d'un


\

(
\
... ('

,f

.
-
t. /
+'

instrument en boîs. Ce son intensifie l'émotion et le

drame de fa~on, \que le "mie" représente la ten,sion ,maximale


12 ,
de l'agitation émotionnelle atteinte par l'acteur.
l , v
La musique; ,sous une forme ou une autre, est présente

pans le k,abuki et dans le thé~'tre oriental entier


,
À"'"
pa rc e que les mouvements réglés des gestes exigent la
~
ponctuation' rythmique. En Inde, payt qui influen%a le
1

6 P e c tac l e i n doc h\ i il 0 i s, la f u sJ 0 n des son s s y n C 0 Pé s d u

tambour, de la vocalisatio\n des syllabe,s et du rythme


, J
des pie d s du dan s eu r a tt e in, t un' par 0 x y sm e qui sai 5 i t l e 1
1
'\
'l •
l,
spec~ateur • ,1
l

. 'Pour les orientaux, l'a danse fut un moyen de récan-


1
,
\

, l
cHier l'~tre spirituel de l'homme avec l'Eternel, de m'ê'me ~
l
j

que la démonstration physiqu~ de la joie de vhre. Les {

balinais disent que ''' .•• dancing is not.~.to be looked at nor


j
j
,!

music listened /ta; bath are only ta be seen and heard like
& 13
trees in a' wood." , La dahse orientale IS' intéress_~ au . "
~/.

perfectionnement de la forme: D
r~
,
fluidity is achieved through a more calculated re- . \
i
] ,
1

straint and' what can sometimes bè an unbelievable


economy of energy. Harmony of sequence and grace-' ,1
fulnees of line are realized tnrough a meticulaus
.
cancern f or d
e tal ' ~ 1 14'
' 1 Inc 1 u d'Ing ml.me. J. 1

La danse du kabuki représente la tension contr"alée' du

corps et par consé que nt, 1 a c oncentra,tio n intér io risée du


/ , -~---

"
":. 1, r ~i
....
30

.
1
.......
\-,;.~ ~ , ........
~.-... ...--.---
corps ,humain • Il se peut que les mouvements de la danse
.
soient subtil~ sans que l'expression et l'évocatiori de

l'émotion la plus profonde soient minimisées ou perdues.

Comme partout en Asie, la danse est inséparable du contexte


\

thé'âtr\al au J apan. Se16n Bowers, HEsthetically, dance ie

superior ta straight drama, so in the ",ost deep and intense

moments, dance must take over to produce a still higher

plane

ties.,,15
of, emotional

Elle est donc la


rrjlsponse in the

fusion
spectato~
du
sensibili-

geste et de la
\
~ ~1~-que. , .
, ~ En Asie, le bruit est reconnu comme une dimension
\
rn.a'le du son. Par ex e mp le, dan sIe t h é~t r e no h du \
, -r
1 0

Japon, le battement du pied s'utilise pôur produire une

réverbération qui frappe les sensations du spectateur. En

Asie, les images auditives et visuelles sont compléme~taires


1

des techniques dramatiques. Tandis que l'effet visuel est

amoindri à cause des limites de la dimension matérielle,

l'impact audi tif ,est impressionnant à cause des possibilités


1 , -
infinies offe1"tes par la dimension du son • I

Le, silence s'utilise au' maximum en Asie. Il n'est


\
pas une absence de! son, parce 1 qu 1 en f~it, il est toujours
,f
i
,, présent. Le sÙence est le point' de départ et le point de

j retour du son .-~ot t explique:

Wi th 0 u t sou n d , aIt hou 9 h sou n d


," .•• i t

do e s
[le siTenee]

no t e x i ste ,\W
exists

i t hou t

l'
(J

(
~

--~-- - --~
silence from which it emerges and to which

L' imp~rtance du silence ou l' absencb de son o


implicite (malgré 108 sty·J.e fragmentaire)

intimes'" d'Artaud. Il écrit:

• . • deI a mus i que bas é e sur a-u n é a n t p u i s qu' 0 n


est frappé par la sonorité des syllabes avant
d'en comprendre le sens, belle ••• puisque sa
présence signifie, symbolise l'image de la
création qui corn ence dans le zéro, dans le
néant pas de son, et avec son ,_ puisque à l'image
du néant et de r' en elle résonne 'tout de m~me et
que tout aémble é de rien.... (t.B, 92)
"

Et dans les "NO,tes ur les cultures oriental.es"; il souligne


, ,
la nécessité du vide en disant:

l'absence est plus, réelle que la présence


pui-sQu'elle est éternelle, elle est en somme
'"
réaction qui est plus immuable et permanente que /
l'action (c'est no us, qui sou l i 9 non s' )1. ( t • B,
"130)
, \
o 1

Dans certaines compositions musicales de l'Inde, les inter-

valles ,de silence peuvent i'tre m~me plus évocateurs qu~ le


/

son. e silence peut ~tre prolongé à un tel point que

l ' ,e s r i toc cid e n t aIs ' a f fol e, i n ace 0 u t, u mé qu' il est a~u x

si uations qui ne sont pas rationalisée's.

Dans le kabuki, comme nous l'avons constat~ plus haut,


"
la couleur fait partie du spectacle théttral. Elle est
,
dans lé riche sae des costume s, le maquillage recherché, et

dans les masques. Le masque a plusieurs fonctions: - (1) i l


)(

rend sacré l'acteur si celui-ci représente un personnage

sacré;' (2)' il permet à l'acteur, de cr'éer un caractère

archétypal; ·,(3) il sert à intensifier l'atmosphère du

" drame; (4) i l libère l'homme de son ego et des conventi~ns

Journalières de la parole et des mouvements puisqu'avec


1

le masque, l' acteur- est complètement détaché des actions

naturelles. Simultanément, celui qui porte 'le masque se 1


, , 1\ "

méta~orphose en une force impersonn'811e qui produit la peur

du surnaturel chez le spectateur.


, • 0

L'acteur atteint donc une transcendance spatio-


l ,
,
temporelle où sap r 0 pre hum an i tés 1 e n g'1 0 u t i t. Le thé'ft'tre ,
i
noh donne un exemple de cett~transcendance symbolique.
" • 1

( Comme l' exp1iq~~ Scott: '\lNoh presents 'the sup~eme example


1

of the disciplined actor who is completely anonymous with

the fo'rm, ,and for this the\ masks worn in the principal
i:
f
roI es'" are a vit ale 0 n tri but 0 r yi-a c t 0 r • " 17
"

Le décor stylisé du kabuki est à trois dimenei,?ns et 0'

'Ii

le( spectacle a lieu à trois niveaux de la scène: une


'\
plate-forme, l'espace qui l'entoure, et le "hanamichi"

(rampe qui rel ie la scène ~ une salle au fond du théi'tre).


,1

B0 w'e r s exp l i q' u e que cet te d i 8 po si t ion C 0 mpli q u é e deI a


1
1
1
~ scène Pfi!rmet que le m1me thème se présente simultanément
J ~

1 de manières différentes, et qu'elle est analogue dans la


.
mus~que
à une f ugue en con t repoln
- t • lB 0 •
Cette division

c
3$

./
\
~"

de la scène en plusieurs parties donn,.e une impression de


1
progression ou de mouvement sans exiger de chargement" de

décor. Dan,s le théttre d'Artaud, i~ n' y aurait pas l

1 d'entracte, ç'est-à~dire que le ton créé par la pièce' nel


IJ

devrait pas 'ê'tre brisé pendant l,intermède.


1

Uri des P1; 0 b l ème s d uJ"'k à DlIJ k i est l' Qp" P 0 s i t ion deI a

rGali té et de la non- r~a1i té sur la i scène. " Çe t te opposi ti,on

manifeste le conflit entre shagitsu (le réalisme, c'est-à-

dire la représentation de la rléalité) et shai (l'émotion,

c"est-à\-dire,la repr.ésentatio~ de "la signification de


l'action) .19 Parfais une illusion .parfaite est cr:'éée sur

la scène mais elle est rompue exprès par une inter jection

délibérée de l'acteur,
, ramenant ainsi le spectateur à une

conscience de la ,réali té. Le kabuki vêcille entre les deux


1

pSle,s ,de l,a réa 1 i té et de la non-r~ali té et, crée une not i on

qui lui est propre. Lâ dlanse d'u ,kabuki est un artJfice qui

renie la "li t tér alitéJ' et l a réal i té: comme art, elle est
o
;-
pl,us suggestive que" ré'aliste. L'influence du drame noh sur
,
le drame kabuki ,se manifeste dans la supériori té du symbole
/

par rapport
0 ~ la représel)tation directe.
Il

Ce conflit entre la réalité et 1 t illusion est rendu

ouvertement dans le thé'i'tre' dea marionnett~"s. Scot t

remarque:

Ct
D
"
1

c ••• the pres~of"three puppeteers in full


·view of the audience,seems l l,ike a direct' contra-
diction that intensifieq dramatic communication"
for the Japàne,e. In the ofusion of' mov,ement,
the mind, conceHrating' between puppet' and human,
.became intensely aware of unreality as the agent
of the most immediate reality. 20
~
'"
Dans le pro j'et de mise
, en scène pour La Sona,te des spectres
oe St r indbe.rg, Ar taud emploie cet te techn ique
!
~ui consiste
•• G

à. présenter simul tanément la réaILté et [a non-réalité sur


w ~ ~~
la s.cène.' Il écrit: "Le bruit' et la lum~ère s'éteignan·t

tout à coup laiaseront voir à cS'té de chaqu~ r:Jers,.onnage

une sor tè d e do U b 1 e hab i'l1 é c 0 mme eux..." (t. 2, 1 3 4 - 5 •


"

Et dans les Cene! il ind ique:


,,
. (
l
( Béatrice tire les mains d~ assassins' de dessous
'leurs manteaux. Leurs, poings s~ ferment.
o Leurs' î1 ...
bra's se raidissent,. Elle tourne sutour d'eux .en
se servant des Ipans de leurs manteaux ••• ~t les l
enveloppe comme des m~omies, avec le poing. dehors.
(t.4, 251) l
,)
' -1
Béatric-e ressemble au marionnettiste qui man~pule es

figurines inanimées.
,
t :/ Par son imitation .des gelste"s des marionnettes,,! le
\
~'.~
f
-1
1
1

ka b uk i a c réé un 8t Y1 ~ de' thé ~ t~r e qui e s~ l' i m~ t s '10 n


1
i
,~

d'une imJtation. L'acteur du kabuki est donc un ~tre


liu •• in deux fOlS' 'éloigné de' .)~ hu'.anité. ;~urvu Iqu,.
l e s pee t a t'e ur
/:tI- .
8 cee pte ~ con ven t 1 () n s. i Il 0 g i q\ e~ du.
kabuki, 11 peut se livrer\ à une e"xpérience '~motionne,ll ~Ui
",

( C
0
'1
. )

.~

,3~


l"
,
s \
" !
'\

.'

c transcende les limitations de la réali té humaine. Bowers


,constate que

Ka b u kifs • • ~ a t h r e e - fol d exp e rie n C fil •


siets of the .eaning, the sensory pezc~ption, and
l t. con-
J ,1
1
the emotional 'impact. There is a ward (or song)
which' exp~a'. the meaning, then fallows the
's~und of th accompanying muaic~ and lastly there
~'s the si t of the inteFpretative gesture ••• the
spectator ris] moved emotiGmally not by a realis-
,tic act'llality, but esthetically by an intense
abstraction from realit'y, yet at' tlÎe same time, a
1 deeply mO,vang exp~rien(?e firmly rooted in univer-
saI humanity.2l .
. l
\
~e qui distingue le thé§tre balinais que déçrit Artaud
,
dut h é~ r e
~ ~-'-
chi n 0 i set j ap0 nais est 1e fa i t que cel u i -1 à ,

thé i't r e pur, " s u p p r i me' t 0 u tep 0 s s i b i 1 i t é der e cou r s a u x

mots po~r l' él':5'ièl~tion'


---"'--:r/,( j
des thèmes les plus abstrai ts .• _,et
[qu'il] invente u langage de gestes faits pour évoluer
1
dans l'espace et qui ne peuvent avoir de sens en dehorS de
lui" (t".4', 74). "Dans le théttre chinois et japonais,

cependsflt, les chansons et les récits, c'est-à-dire le

iangage log ique, et di scursi f, OÎlt ét é incorporés aux aut r eS o


, , ,
,j
aapects qe l'art thé1i'tral p~rce' que les maximes., les j<eùx J

(
de 'môts, etc., de ces langues contribuaient à la totali té

du' spectacle.'

\ Dans le théi'tre ba,linais, 1e, langage théi'tral est un

langage .iextérieur à toute langue parlée". C'est 'un 1


/
lan,gage physique à base de signes et non plus de mots et
,\,

.\

c
1
1- " "". \' .. _._----_._._... _-~_. "
,",'

, 4

/'
\

"ces signes spirituels [les adteurs] ont un sens précis, qui


,
\; ne. nous frappe plus qu'intuiti~ement mais av~c êssez de

violence pou.r rendre inutile taute traduction dans un

langage log i que et di sc urs if" ( t .4, 65). La danse "

balinaise, par exemple, communique un message de 'j '~tre

métaphysique et donc ne peut le/faire qu'à tr.ave~'expr~s- 1


/,

..
sion symbolique. Scott ia décrit ainsi:
.<
: The danci,ng is characterized' by vigorous passages -~
of choreography punctuated by abr'upt but p,recise
pauses and timing of climaxes~to the music. A .
.,t
sudden tremulous shuddering o'f the shoulders
1
accompanied by swift eye movements. 22 i

/
il'
Cette danse exigs un maximum de contr~le dans l'écon~mie du
,
.1
.
, mouvel'!1ent et la précision du mouvement délicat qui e,n

,résult~ a la plus grande signification cosmique. "


l

Dans Theater in Southeast Asia, J.R. ,Brandon compare "

D l~s techniques de comm'unication au thé'ittre occidental et

Il constate que le thé~tre occidental


au thé'ittre oriental.
; .. ... ~

est "content-centered" et que ~normally, the only cOdes


,
that àre u~ed are the ordinary codes of langage, speech

patterns; and vague rules about dramatic structure. Il

1 Par con~re," ~it-ilt; "In Southeast Asla ••• content ia' con-
..
~ ,
\ "
veyed th~ough codes of music, cdance, and visuel producti0':l'

elements. as weIl as through codes of langage, sp~

patter~s, and d~amatic structure. 1I23 le spectateur ,


. \

1 /

Q.
! 1

, ,

-- , )
. thé ft t r e •duS u d - est a s i a t i que a p pré cie don c l,e !3 p e c tac le

du point de vue de le forme, c ',e st - à - d ire sur le plan


1 1
1 esthétique, et aussi du point de vue du contenu. Le
\ "

spectateur occidental, cependant, ne trouvera pas ces

codes artistiques au thé'iltre, mais au ballet du à l'opéra.

~ Brardon explique que le chant n'est pas un élément


-/

u n t'êt lem a jeu r • " Act 0 r s s tan d, s i t, k n e el, con -

ver1e, sing, greet friends ••. in dan,ce p,atterns.,,24 Il

pkratt qu 1 Artaud a assisté à un tel spectacle où les "mots

n'av43i'ent qu',une place 'insignifiante.

Dans le thé~'tre qu'a vu Artaud (com~e dans le thé1hre

oriental en g~nérel) "les correspondances 'les plus

impérieuses fusent perpétuellement de la vue à l'ouïe, de

l'intellect à la sensïbilité, du geste d'un pe"rsonnage à·


? 1
rl'é,voC,ation des mouvements d,'_une plante à traverfs l~ cri
_ d ' uni n st r um e nt" (t. 4 , 6 7) • De cep e r p é tue l jeu de mir 0 i r ,
,/

il résulte une "identité' tel,1e qu'on ne sait si c'est la ,1


vo.i-x elle-mtnÎe qui se prolonge ou le sens qui depuis les
i '

origines a absorbé la voix" (t.4, 67): "Ses réalisations i.


1
1

sont taillées en pleine matière, en pleine vie; en pleine

réalité.
, Il Y a en elles quelque ohose du cérémonial d'un
1
rite religieux, en ce sens qu'elles extirpent de l'~sprit
'.,

de qui les regarde toute idée de simulation, d'imitat'"jfon -\


' /"
,
J

-..,
\

dérisoire de la réalité" (t.4, '73~.

Selon Artaud, nous sommes lien" pleine lutte méta-

physique" où les "choses de l'instinct ••• [sont~ amenées, à

ce ·point de transparence, d'intelligence, de ductilité où

ell es se mbl ent nous rendre dl une mani ère phy sique \que 1 ques-

unes des perceptions les plus secrètes de l'esprit" (t.4,

73). Cette objectivation de l'abstrait' par les gestes et


\

le langage scénique est l'extériorisation de la matière

intér,ieure, l' esprit. ~Un gest~ à peine ~ous sépare encore

du chaos," di t' Ar'taud. Le ge 7 te do'nc se/,place ainsi:

chaos - geste - rassemblement moléculaire,


g,
et le mouvement

(gest~) et le bruit se, joignent imperceptiblement. l'\rtaud,

( dans "Le Thé~tre oriental et le thé~tre occidental" se

citant lui-mtme, dit:


1

Tout v rai sentiment est en réali t é int raduisible.


L'exprimer c'est' le trahir.. Mais le ,trahir c'est
'1 e .Q.l:..!!!..!!l!:!.l e f . L ' exp r e s s ion ,v rai e c a Cf h e c e
qu'elle manifeste ••• ITout sentiment puissant
provoque en nous l'idée du vide. Et! le langage
clair qui emp~che ce'vide, emp~che aussi la
1 poésie d'appara~tre dans la pens~e. C'est
pourquoi une image, une allégorie, une figure ,
qui masque ce qu'elle voudrait r'évéler ont plus ,l
de signification pour l'esprit que les clartés j
apportées par ·:lles analyses de la p~role. (t.4,
'86) l
Cette pensé'e est très orienta,le au fond, exp{fmant la
1

maxime: "Une image vaut mille mots" et contredit la notion


~-
e qui ide n tif i e l a c 1 art é die x pre s S l 0 n à ra---', \'

c Il
C
1. précision du langage verbal.
. ...
Dans le thé1ftre d'Artaud,j la parole, pr,ise comme un

objet '--t'!on'cret, spatial, ferait partie ,du langage théttral,

C0 mme

matière,
les 9 est es,

le lang'age
les. mas que s ,

théitral aurait
e t,c •

plus de
Considéré
1
comme

signification
!!
~
1

"
p04r l'esprit parce que matière et esprit, co~cepts opppsés,

sont au fond les éléments dont se compose l'~tre humain qui,\


1
;-
à sor tour, représente une partie de l'univers.
'. 1

ilj
,1
l
1

~ Il 1
1
<
1 l

t
·1! .
1

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,.
'1:

\ 40
\, /
l ,

r~ , /
J
{.
j'
"
1 \

" Notes

"
lA. C. Scott, Th~ Theatre in Asia (New York:
Macmillan, 1972), p.12 • l ~,J ~ , ....

2Scott, p.175
1
, •

3'b'd
l ' 1 . ,' p.IB4.
«1

4'b'd
1 1 . , p.IB7.
-
5'b'd
1 1 . , p.IBB.
;
!
"
6'b'd
1 1 . , p.U 2. (

( 7'b'd
1 1 . , p.12.

8'b'd
1 1 . , p.14.
l
§
,.
Tuf~le,
9Faubion Bowers, Japanese Theatre (Tokyo:
1974), p.1B7.
Charles E. 1
i
1
i;

,' /IftBowers, p.190. l

11.l b'l d . , p.190.


ll
v
al
t
i
!
12'b'd i
.', p.191.

l
f l l
1t \

)
f " 13
Sco~t,
'
p.I5.
/"'t, "'",")
1
1~i~~.15.
Il:)-.;:'
- 1

~"'- ' c15Bowers, p.174.


lSo
16Scott, p.19.
,0
• 1

4t
•\ \

- \

17 ibid ., p.ISS.

~8Bowers, p .185.
19'b'd
]. ]. ., p'.195.
1

20
Scott, p.194.

21
Bowers, p.199. 1
1

22Sc ott, p. 241.

23 J • R.' Brandon, Theatre' in Southeast Asia (Cambridge:


Harvard Univ. Press, 1967), p.316. ' • 1

24 Sr andon, p •.143.
,
,1

t
!
i 1
1,
~1
,
1
i
t
f' 1

1
t

~ 1

..
1
1

Chapitre III: Àlfred Jarry

Le thé~tre d'Alfred Jarry trai'te prin-cipalement' du

problème de l'incarnation du personnage par l'acteur.

Cependant, l'évolution du caractère n'est pas le but de


'\
'\, l'acteur; il vise plutSt li créer une image sur la scène,

cette image étant l'objectivation de l'abstrait, du :jamais

vu". Le thé~tre de Jarry n'est pas un miroir de l'auditoir~


1

non plus; l'image existe indépendamment de l'objet \


origin~l
qu'elle représente. Donc, elle n'est pas simplement le
1
• 1

reflet mais le double' de l' homme. Ce double f1gure les


\

profondeurs inconnues de l'homme. Selon M.K. Spingler dans

son article "From t\:le Actor to Ubu: Jarry"s Theatre of the

Double": "The Double for Jarry is the translation into a

plastic imag, of certain aspect~ of the subconscious or

the unconscious ••• In Ubu, we recognize our other self: the

primitive, the unconscious and the libinal."l

Cette
"
i~age double est atteinte pa~ l'us~ge de~
lfIarionl;lettes'et l'imitation des marionnettes.'
\
Comme la
,~. ,
marionnette, le double, sitbt animé, lexiste en lui-m;me

comme une entité détachée de tous liens. Cet Bccompl isse-


,
'men t émane"- d'un déguisement total de l'acteur comme

individu et m~me comme ~~re humain; une métamorphose ~


1

alchimique s'effectue par les moyens du masque, de la voix .l )

C>
43
.?

spéc~ale et des costumes. Dans "De l'Inutilité du théitre


)..au . thé â"t r e " Jarry fait - les recommandations suivantes:
".
e , '
l'acteur. "se fait le t~te", et devrai,t, tout le
.corps, du personnage [sic]. Diverses contractions.
ete x te n s ion s fa ci ale s de mus cie s son t l e,s ex-
pressions, jeux physionomiques, etc •.• l'acteur
devra substituer à sa t'ê'te, au moyen d'un masque
1 ' en fer ,m a nt, l' e f fig i e du P ERS 0 NNAGE, l a que Il,e
[aura] :-:-:-[le] caractère du personnage: l'Avare~ ~
l'Hésitant,l'Avide .... 2 1

Et plus loin, il ajoute:

1'1 faut que l'acteur ait une voix spéciale, qui


est la voix du dHe, comme si la cavité ..de la
bouche du masque ne pouvait émettre que ce que
dirait le masque ... 11 vaut mieux que (les muscl~s
des l è v r es) ne, soi en t pas sou pIe s, et que le
débit dans toute la pi~ce soit ~onotone.3
\ \ Et enfin, il faut que l'acteur se fass~ le corps du r8'le:
",
Ubu, selon les indications' de Jarry, doit porter un ventre

en carton et osier. Cette transformation physique a des

retentissements psychiques pour l'acteur et pour les

spectateul's.
, i
le personnage d' Ubu qui m~no'polise la scène incarne ! ~

des caractéristiques humaines dans un corps totalement

grotesque et inhumain. Ce "double ignoble" est "fait de

l'éternelle imbécillité humaine, de l'éternelle luxure,

de l'éternelle goinfrerie, de la bassesse de l'instinct


1
,
1

", érigfoe en fyrannie; des pudeurs, des vertus, du patriotisme


J
,•
(
. 4'+
()

,-1
et de l'idéal \ des gens qui ont biên dîné. ,,4 La première

chose qu'il énonce à son entrée sur la scène, "Merdre",

figure la libération des désirs secrets, des inhibitions


,
et des tabous de la civilisatiop: Il est l'anarchiste
~

parfalt, selon Jarry. Ni homme, ni b~te, il est le satyre 1 1

dionysiaque, le primi tif qui incarne les forces magiques


,
et surnaturelles.

L'humour est un élément capital dans le thé~tre de


.
Jarry. Cependant, il 'ne s', a9,iJ pas de simple 'comédie;
c'est l'humour grotesque qui se présente au public, cette
;
"masse inerte et incompréh~nsive et "passive qu'il ••• faut
- - ,
frapper de temps en temps."S Jarry déclare qu'''il n'y

a pas de quoi attendre une pièce dr~le,


/

et les masques 1

'e~p~iquent que le comique doit en ~tre tout au plus le


......
c 0 mi que mac a b r e' d' u n cio wn an 9 1 ais 0 u d' une dan B e des,
morts . .,6

Dan~ "Le Théitre Alfred JaDry et l'hostilité publique",

Artaud propo'se "cémme moyen ( ,] l' I;lumou,r, sous toutes les

formes; comme but, le rire absolu,


1
le rire qui va ,de
""l'immobilité baveuse à ~a grande secousse deà larmes" (

(t.2, 58). Afin de créer toute la gamme des sentiments,

ce thé~tre insiste nécessairement sur le caté tragique du

comique et vice v,ersa, les révélant comme ~eflet inverse

l'un de l'autre, et existant c'Ôte à eSte .. Cette ambivalence


(
B'~lluBtre surto~t dans Victor ou 1e~ enfants au pouvoir

deR 0 9 e r Vi· t r a c ,où " no u S som mes ••• en pIe in e magi e et

pleine c:té'epéance humJine." Le p~rsonnage tragi,-comique, Il

Ida Mortemart, par sa condition malheureuse lui impose

de péter, ieprésente "la douleur morale et


.
'empoisonnement

de la matière par son pir~ c~té" (~.2, 44).

Le thé~tre pour ,Jarry et Artaud doit donc communiquer

avec le domaine de l'esprit le plus profond par des moyers


1
efficace s. "Efficacité" ne veut pas dire "précision" dans

1 are pré se n t a t i,o n ; , ce Il e -1 à n ' e st po s ~ i b 1 e que par 1a

suggestion de la réalité et non pas par l' i1llusion de là

réalité, ce qui est bien différent., Au thé~tre, Jarry

dénonce "la stupidité du trompe-l'oeil", qui, au fond,


.-
nles
r rien qu'une caricature. Au lieu du décor e~
.
trompe-

-"1'oeil, ·il conseille "l'adoption d'un seul décor, ou mieux,


1
ç d'un fORd uni. •• [où] un personnagè ••• viendrai.t, comme dans

.les guignols, accrocher une pancarte signifiant le lieu 'de


1
la sc~ne.,,7 Il recommande "la supériorité suggestive"

d'une telle technique autant qu "il insiste sur l'usage de


1

la voix spéciale et du masque.

Le thé~tr e de Jarry, comme celui dl Ar taud plus Lard,


1 •
crée des lmages physiques, des hallucinations concrèt!s qui
) "'l
1
1

amènent le spectateur à une v ision double de son monde et

de sa i-m~me. Les pièces dl Ubu .ont une forme onirique où

(
4~
\-~
1
les images changent rapidement et le langage verbal e~t

subordonné au langage visuel. Selon Spingler,I "le danger"

comme Artaud le définit, est à la base d, ces pièces. Le


\
monstre Ubu, comm,e le dragon bal'inais dont parle Artaud, est
l'
1
capable d'insuffler une 'peur métaphysique au spectateur, 8

La métamorphose qui a' lieu sur scène, ressemble à un rite

complexe où, paradoxalement, la seule réalité signifiante

pour l~ spectateur est le ma~que.

Comme l'indique Spingler, # "the mask i smag ic and i ts


1

character is archetypal.,,9 C'est le masque, donc, qui

effectue' "l'opération magique" de trànaformer l'acteur en

une image double. Le masque permet à l'acteur de se .,


détacher de son humanité et des limites imposées par elle,

et lui fraye des voies nouvelles d'expression.

Bi e n que moi n s e f fic ace ,q u ë 1 e mas que, 1 e ma qui I l age

a sa place dans cette opération. Le jeu de lumière est


1
i
indispensable à ce moment-là. Dans "De l'Inutilité du'
,
thé~tre au théi'tre", Jarry dit: "L'acteur suranné, masqué

de fartls peu proéminents, élève à une puissanc'e chaque

exp r.,e 8 8 ion par 1 e 8 t e in tes· et sur t 0 u t 1 es rel i e f s , Pui s à


i

des cubes et exposants-- il'!déf~.f8


1
par -'la lumière", ,,10 Bien 'i
, 1

entendu, en j~ste combinaison avec le jeu de lum~ère et "


11
'" '!
,
j

d'ombres, le masque impa,ssible est capable d' un'e e>!;pression ,l

~
,0
1

frappante. Ainsi, le masque, d'apparence inflexible


1
et
1
'1
-/
,0
,-}
,,'
r '.

(
fixe, illustre l'impact universel
1
dont sont capables le"
'~
,
,
........ _-
,. geste et l'expression les plus simples. ,
i c

Par la tee hn ique des sons, des lumières et des , ombres,

Jarry invente, un théfi'tre dans leque'l les dimensions


1 '

spatiales et visuelles sont utilisées pour l'effet maximum.


1

Ce théiEre, "qui anime des masques impersonnels", comme~


\

celui d'Artaud, 'In'est' accessible qu'à qui se ,sent assez


.
viril pour créer là' v le ft. ft ~
"Il Le thé~tre n' imi te pas ,la

vie, il est la vie, déclarera Artaud plus tard. Le but de

ces deux hommes de théât're est de "retrouver la vie du

thé~tre dans toute


\
sa liberté" (t.2,' Il). ,

(
1.

" ,

~ J , l
.1
l

!
,~
~
~
,
/ ,~

~
~

----,--.~"
"

c
" \

Notes

• 1

lM. 1(. Sping~~r, "From the Actor ta Ubu: .Jarry'-s

.
The a t r e 0 f the Do u b le," in M, ode r n Dra ma, 1,6 ( 1 9 7 :3 ), 6 •
'
2
Alfred Jarry') "De l'inutilité du thét'tre au
théi'tre," in Tout Uou (Par'fs: "
librairie F~an%aise 'Générale,
1962-), p.142.

3
Jarry, p.143. ,
1
4 1
Jarry, "Questions de théttre," in Tout Ubu, P .153. J
~

5'~ b ~'d ., 'p.154.


1
(
.. • 6'~ b ,L"d ., p.lS3. i.
~- 1

7 " ~
1
Jarry, "l e ttr,es à lugné-Poe," in Tout'.Ubu, p .'132- 1
l
8SPing1er, p.S. l
l
(
1
9.~ b"l d" . ,
1
l ,
p .5. /
o '
1
l '
lOJarry, "De l'inutiLité du thé1Hre su théttre, Il
p.142. 1
1
l ,

1.1Jarry, Il'Douze Arguments sur le thé~tre," in lW


Ubu, p.149.
,

Chapitr~ IV: Dada et le s~rréa11sme

'l e à n,o t ion s qui se répètent- s'ans cesse' dans les


i
\
mani festes' dada et qui sont liées l'une 'à l'autre sont le
• doute, le mensonge, la spont~néité et la négation de tout
, ,

syst ème. . "Osera' p lace avant l' act ion et au- dessus de tout:
~ !

)e DoutEi, ,,1 dit Tristan Tzara dans les Sept manifeste~


... \
l '

!2.ili. 'f'.t.ad8. c "loute de ~out et sè méfie de tout ce qui

SBI dit "réalité" ou· "vérité": il est né ,,,~,J, besoin

'd'indép~ndance, de méfiance envers la, communauté';Z et

p'r é par e le" gr and Bp e c tac 1 e du dé Bas t r e , l' in c end i e ,. 1 a

décompo~ition.~3 l1 dé t ru i t " 1 e s t i roi r s d,u ce r ve a u , 0


1
(
et ~eux de l'organisation sociale.,,4
Il \
Il est contre l~
!
t
J

pensé-e '\di t1e rationnelle, 1a psychanalysJ', la dialectique,


J
• )8 science qui devient spécul~tive. Dada croit ~ue "le plus
1
! acceptable des systèmes est celui de n'en avoir par princige
.1t aycun. ,,5 Il dénonce la logique qui est Il,une' complication"
~

et qui est "t"oujours fausse" et pose la question ambig~ë


)

l'identité: "la simplicité e~t-elle simple' ou Dada?,,,'6


·1i
1
l~8 ~~ni/estes, refusant tous systèmes, institutions ou .-
doctrines, ne s'engagent 'à aucune déclaution déf.i,nitfve.

"Dsd~ affirme et ~out de suite con~redit ce qu'il exprime, de


faSon à créer le doute 'chez le lecteur et le spectateur.

"Lioerté: DADA DADA DADA, hurlement de.s douleurs cr lspées,


"

J
(/

.' • 50·

( ---
- ,
/ \,

6
entrelacement des contraires, et de toutes, les contradic-
;
.. t.,i on 6 , de 6 gr 0 tes que s , des in con s é que n ces:
,
• ,t Oa'~a, c'est pe ut-€tre cela ma ie on ne 'pe ut jamais en 'être
,
,
).~
c er",t ain parc e que Tza r a av ou e que Oad a e st po ur 1 a "'con-
,/ ,
et pour l' affirmat~.on aussi. "B
~J tinuelle contradic'tion" ,Il

s,e ;peu t que 1 a raison de cet te opposit ion constante so i t

élucidée pa-r la description du tableau et de sa fonction: ,v

c'est

l'art de. fair'e se rencontr~r deux lignes géo-


~étriqùement constatées parallèles, sur une toile,
devant ,nos yeux, dans la réalité d'un monde
transposé suivant de nouvelles conditions et
possibilités. d:e monde n'est· pas spécifié ni
défini dans l'oeuvre, i l appartient dans ses ,,
innombrables variatians au spectateur. Pour son '.
" créateur, 'il est sans cause, sans théorie Ordre =
désordre; moi, = non-moi; ,aff irmation = négation:
rayonnements supr€mes d'un art absolu. Absolu
, .
,
\ en pureté de chaos cosmique et ordonné" éternel
dans la globule seconde sans durée, sans respira-
, 9
tion, sans lumière, sans contrSle.

Pou~.Da~a, "contradiction et unité des polaires dans un seul


r
jet, peuvent ttre vérité. ,,10 '.
Co
-
En outre, cette méthode répond au "grand travail
• 'II1II*
J •

destructif, négatif li ~accomplir."ll Dada, "le caméléon

du changement rapide et intéressé" fait "le" contraire de


ce qu' [il] propose au)( autres.,,12, Par le mensonge,
1

".
symbolisé par la transformation transparente~ Dada bouscule
la complaisance 1 du lecteur et du spectateur qui se
>r

1
G 1
co n.tle n·t en t deI' o'r 9 an i Bat ion soc i ale. Il met en' doute
1
la v é rit ~ 8C cep t é e par u n, pub 1 i c p a s,s i f ~ t i n c i t eau

bou1 eversement de l'ordre social; l'anarchie doi t remp1 acer

les ,systèmes établis.


La spontanéit~ est une dimension de l'anarchie

dadaïste. Elle figure le manque d'ordre et de forme et la


1ib~ratipn
(il
de l'~tre d'e toutes les contraintes. Dans

1 ' exp r es si 0 n " ver bal e", " i 1 n' y a que 1 e b av a rd a g\e qui
\

cQmpte actuellement" et "la forme sous laquelle il se


pr~sente' le plus souvent est Dada.,,13 Le bavardage est

·spontanéité
?
~adaïste,
0
parce qu'il ne respecte pas les !,
l
1 1
convenance s. Le s mots e xpr illJen t "1 e contr sire de ce que

l'organe qui les émet pense et "veut", parce que "la pensée
se fait danr la 'boucheo,,14 Selon 'Mat'thews dans Theatre in

Dada and Surrealism,


~ '1

As exemplified in L~Première_~~nt~, the


spontanefty chèracterizing Dada does l'lot simply
author ize artic ulation of meaning ~ess sounds ••• It
entails also fr'eefng words From logiesl uenee
in sueh a manner' as to divert attention fr m sense
to sound: (charbon ••• ; chameau ••• ; église ••• ;

\. '
irise ••• ; rideaux) •••,Verbal impro isation ia
encouraged by elimination of demands t t rational
sequence n-ormally imposes ~pon tl')e se tence •••
Where phonetiçs not .seman,tic's direct the verbal
game, ~re'ason haB no occasior! to prote~t at puzzle-
, 15
ment befor e th'e outcome.

Les notlons de spontanéité et dl in\provisation verbales


. /-\
sont pr imordial es pour'\ Ar taud 0 a Ell es sont fondamental es
()

\
\
\

- \
\

(.
pour son Thé'trtre de la Cruauté, thé'iitre qui ne fut jamais.

réalisé, effectivement, à cause de l'exigence de


spon'tanéité. "L(spontanéité, telle que 1. décrit Hattttews,
par c.o n t r\e , sem a nif est e dan s 1 a po é sie diA r tau d • La

phonétique y est à la base d'une création poétique où


, l'
le non-sens/ règri,e de fa~on souveraine.
Ce nin-sens est l'état pur, primitif de la 'logique.

Loin d1a-fe la contradiction du bon sens, i l est 'la con-

dition d, son existence. la relation entre 'lef'-non-sens et


'. \
l e s e nses t co mpar ab l e à ,1 are lat ion qui e x i ste _e n t r è 1 e

silence et te son et que nous avons discutée plus haut tcf. ~


i
Or ient et DCC iden~). Nous avons constaté que lè silence l

existe en m~me temps que le son, mais le contraire n'est pas , "
vrai. Le non-sens, alors, est préalable au' ~ens. Comme le
1

silence"le non-sens est un point de\ départ et un pbint de


\ i ">c,
retour. le non-sens et le silence sont à l'origine du sens
i
1 . ; '
,,1
et du son respectivement, chaque notion constituant une 1
1
\l
unité complète.
.----\
, ..------ ,
Selon Bé h a r , dan s E t u des url e t-tnt'i t r e dada e t
surréaliste, Dada \ env i8~gj....>o1î~~\:e cc dé POUill'é~-:-::
,1 '- ~
pouvoir de signifier et dont toute la puisssncé est dans le
,~

J rythmé, l'intonation et le cri. Alors qu'on ne s'adresse 1

4
plu s à l' i'Tl tell i goe n ce - deI ' BU dite ur, mBis à' se a sen s, à. son
;tre entier qui vibre, se met en,réso~snce.,,16

/'
\

Ji

l ,

Les surréalistes renient le nihilisme de Dada et sa

destr·uction de la raison et du langage logique 'car Dada

ne rem'plit pas le vide 'qu'il crée. Bien qu'ils 'Croient è


r
l'anarchie comme base de la création, Artaud et les sur-
1
\ 1
réalistes, en effet, construisent un modèle à suivre.

M~tthews explique la différence entre dada,:)!Surréalisme en

disan t:
, 1
Wheteas the' Dada 'dialogue of Tzara shocked b~ its
dis.1unctive nature, .by the anti-rational juxta-
position of worda, the language of surrealism
would aim at" seducing reason, at persuading the
imagination to surrender befo~e enticing images of
the marvelous.
17

Dahs Le Théi'tre et 80n\ double 'et d~rrs sa poésie, Artaud


r i
déc rit e t don n e des e x e mpIe s des Q n no u v eau ." l an gag e" .

Et les surréalistes, dans leurs manifestes, e.squissent de


1
î
manière systématique leur projet. 1 f

1
Quoique certains cr itrques consta tent que le thé~tre J
d'Artaud doit beaucoup plus au mouvèr,.e}nt 'dada q'u\' aux autres
\
influences, i l faut compter le mouv~ment surréal'stè parmi
,
les élé~ents qui bnt contribué à la foimation de ce théttre,

lui

mtme,
\

dans une lettre


"
permettant d'exprimer sa vision ,du monde.

à Jeah ~aulhan
1 "

écri te en
t
1924, dit:

, J'al fait connaissance avec tous les dadas ~ui


voudraient bien m'englobe,t dans leur dern.i,er

(
,i

,
!
1
\ ,
--_._~--,--_.

--------~---~~---=:...\' .
, 1
, \ .

bateau surréaliste, mais rien à faire. Je ' suis


beaucoup trop surréaliste pour ~ela. Je l'ai
d'ailleurs toujours, été, et je s~is, moi, ce que
c'est que le surréalisme. C'est le systè~e du
monde et de la pensée que je me suis 'fait depuis 1

toujours. Dont acte. (t.l, suppl., 26)

Etudions donc' les concepts préèonisés par le surréalisme,

spécialement ceux qui figurent dans les Manifestes du

surréalisme, et qui existaient chez Artaud depuis longtemps. ,


(

La description de l 'homme comme "ce r~veur définitif"


\

dans le Premier Manifeste du· suq;éalisme résume ~a c.ondition.

fondamentale aux yeux des surréalistes. I.L'état de rêve

implique le désir de fuir l'a réalité présente et là re-


, 1

che r che d' une réa lit é me i Il e ure ; l a man i f est a t ion d.e
,
l'inconscil/lnt et .1a libération des instincts refoulés.

C'est un exutoire pour tou~es les _ formes de répres-sion q \ e - -

subit l'esprit . . Dans ce pr'emier manifest'e, B]'eton illu'stre '"

davant\age la liberté de l'esprit en évoquant l'enfance

(état qui se caractérise par "l'absence de toute rigueur

connue~), l'imagination (qui lui "rend campt? de ce qui peut

~trel\), et la' folie (qui témoigne ,d'un "profond détachement ~I.


,
\
••• à .
l'égard de la c'ritique"') .18 c L'enfance et la folie, i
1
é ta t s sur les q.u e 1 s IJ icI a rai son ni 1 a log i que n' 0 nt .\
d'empire,' se caractérisent 'par la lucidité. Ces mc,m/ents, en \
principe, libres de toutes contraintes, s'approchent donc le
;
6
L
plus de la libe~té absolue que recherchent les sur~éa~i8tes.
c Le plus haut point de ces trois é,tats est a teint dans
v

, r Il!!.ev e, q u ~• e ste
l .~, "o n t ln
. u e".. po r t e t r ace d' 0 r 9 an
" l s\ a t 10
. n • ,,19

6retôn pose la question: "Pourquoi n'acco'rderai-je\


,\
pas \ au

je refuse parfois à la réalité, sOii cette

valeur de certitude' èn elle-m~me, qui dans son temps, n'est

p~int exposée à mon désaveu?,,20 Et plus loin:


1
"Le r~ve

ne peut-il ~tre appliqué, lui aussi, à la résolution des

qu~stions fondamentales de la vie?" Breton croit "à la

résolution future de ces deux états, en apparence si con~ra-


. (

dictoires,, ql:Je sont le r~ve


et la réali té, en une sorte de
,,21 •
réalité absolue, de sur réali té •••• I l cherche donc 1 e'
","'
.
"point supr'ème" , état où se confondent les contràdictions et
"

oÙ se rés 0 1 ven t ' t 0 u tes les a n tin 0 mi e"s


\
e n une " réa 1 i t é

absolue" .

-Dans 1 es lEnt retiens, Br eton résume 1a po sit ion sur-

. . réaliste de la manière suivante:


,
Il est aujourd'hui con~u qlt,e le surréalisme ne
s'est proposé rien tant q~ de faire franch·ir
à l'esprit la barrière .qu,e\,\ui opposent les
a n tin ami e a deI' 0 r d r e a c t ion e t r tv e , rai son
et folie, sensation et représentation, etc.,
1 1 qui constitue l'obstacle majeur de la pensée
occidentale. Dans son effort continu en ce sens,
il n'a cessé d'évaluer. les appuis qu'il trouvait
. dans la dialectique d'Héraclite et de HegeL ••
aussi bien que dans le rapport "yin-yang" de la
pensée chinoise et son aboutissement dans la
1" philosophie "zen" •••• 22
i \
1 . 1

1
(
En effet, Breton souligne qu'il. eei po~sible que le r~ve

soit continu et il accuse la mémoire (qui appartient au l

domaine de la 16gique et de la conscience·, peut-on dire) de

" [ s'a r r 0 g'e r ] 1 e d roi t d 1 Y f air le des cou pur es. ,,2 3 Nadeau, en,
, \
déc r i van t la po é sie 5 ut' réa lis te, con s ta te:

Ici, surtout, elle [la logique] doit ~tre


pourchassée\, battue, réduite à néant ••. ls poésie
est Ur:l moyen de connaissance. La connaissance
se passe de la raison, l'action la dépasse ••• 11
fa u t ql u e l a p 0 é sie soi t dei" 1 ''9'm e par 1 a n t à
l '~m e ", que 1er 'S'v e ses u b 8 t i tue au" pen 8 e r
Idirigé", que ,les images .•• soient ••• des éclairs de
foudre," illuminant à tout instant "les cavernes
'de l''9'tre".24

Plus loin, il explique:'


.
"L'arrangement
'
en poème est

bann,i pour l!aisser place au texte. automatique, à la dictée

pur e et sim pIe de 'l' in con sei e nt, au ré c i t de l' ~v e • ,,25


L' éc I)·itur e automat ique, donc, rep résente \ l'out i l idéal

po u r pro j ete r I e domaine de l' i no.onsc ien t et du r'8've ho rs r i


\
, deI' en c e in ,t e qui l e s é par e d ~ a réa 1 i té. L ' é cri t"u r e
1

! automatique révèle à Breton que "la


{.

vitesse de' la pensée


f
!\
nt-est pas supérieure à celle de la parol~, et qu'elle
t
1 ne défie pas forcément la langue, ni m'G"me la plume qui
1 \

1 26 ,f

1 cOl;Jrt. " Cette méthode rappelle la spontanéité que pr"Ôi1e

Dada: "La penséè ,se fai~ dans la bouche. Il A l'encontre t


de Dada, cependant, 1e surréalisme a un "caract~re
1
syst émati que" 8 c ient i f ique ~[et] expérimental, ,,27 les moyens

\\

\
, l "

1 utilisés étant "l'intuition, l ' i n spi ~ a t ion 'c 0 n c r é t .la é e s


\ '28 1
principalement en images." Breton signale que " .•• la

plus granée confusion a toujours été ·le premiex objectif cÎes ~

spectacles 'Dada', que dans l'espr.it des organisateurs il ne

5' agissait de rien tant Que de porter, entre la scène et la


, '\ 29
S,aIle, le malentendu à son comble •.•• " Partant, 'Dada

"n j'a fait que remplacer l'impasse de l'art officiel par le

cul de sac de l'a~i~ation stérile," selon PicabJa.3~ "

Ce surréalisme n' ambi tionn1e pas l'anarchie telle q\,le


1
Dada l'a cong0it.· Au contraire, i l emprunte des,procédé~~à
,
l
trois courants: poétique, médiumnique et psychanalytique,
\

ete n f ait une " s y n t h' è sen e u v e et sol ide," déc l are '

Carrouges dans André Breton et les données fondamentales du


, (

surréalisme. 31 ~Pl'emi~re -v.ue, -il-- semble 'que les aspects ---~

an tin 0 mi que s du mé d i u m~e et deI a ~ sye han al y s e s e

,défi~nt; Cependant, ils atteignent les flns d~ l'idéologie

surréaliste qui d'ailleurs est foncièrement dualiste.


, '1
,(Par exemple, à une époque ou urie autre, l'ésotérisme
.
l'alchimie et l'hermétisme èt le matérialisme ont exerc1é

tous deux une influence sur la pensée de Breton.)

L'écriture automatique et le hasard objectif sont


"cette douple voie [par lesquels] le. surrésl
-----.
isme s'efforce
-",

d e ~ 1!1 e-ti'r eau j 0 Ù' r , sim u l tan é men t dà n s l a _ s ub j e c t i vit é

humaine
f 1

e~ au plein vent de la rue,


. la présence active d'un
1

• f

1i
1
c i mm e n s e dom a i n e- han té, " 3 2 c'est-à-dire l'~nconscien't.
. ~

Le hasard objectif est le "lien naturel qui- existe entre

l!automatisnle subjectif personnel et l'automatisme


\
uni \v ers e l ~ Ou si l ' on pr~fère, entre i' inconscient
fil
personnel, l'inconscient col1ecti f 'et ~~me l'inconscient

cosm,ique.,,33 Cette c,?ïncidence ou imbricatior1, dju subjectif

da n s I ' uni ver 5 e 1 t r 0 u v e sam e i Il e ure


,,
exp r e s s ion da n 5 l a

magie de l'alchimie qui joue un r1~'le important dans le

surréalisme.
Les surréalistes cherchent la pierre philosopl")ale et
"

espèren t transfo rmer l'homme en ll cr éature de lumière.,,34
1

Dans son Deuxième manireste, Breton \

demande qu'on veuille bien observer que les


recherches surréalistes.. présenten!:, avec les
recherches alchimiques, une remarquable analogie
de but:- la pierre philosophale n'est rien d'autre
que ce qui devait permettre à l'imagination
de l'homme de prendre ~ur toutes choses une
revanche' éclatante et. •• après des siècles de
\domestication de l'es'prit---et de résignation
folle, à tenter d'affranchir définitivement cette
imagination par le "long, immense, raisonné
• d é r è 9 lem e n t d e t.o u Ble s sen s" e t 1er est e • ~ ~
4

Dans cette dernière phrase, l'oxymore "raisonné dérèglement"


, ,
indique les procédés ambigus et antinomiques du médiumnisme
1 , 1

î et de la psych:analyse. Le médiumnisme implique des '1


(
1 ~
• phénomènes situés hors du monde rationnel et, partant, La
1
'P,OSSibili1-'atteindre l'in,temporel et la non-
.
.0 1

, \
- -, "'-....... ..--..~~ -, "",..~\>l.,/".~ "
,
\

\
\

c di men s ion al i té. La p s y'c han el ys e , par ses méthodes

d'investigation sc lent i f ique , {m'Pl ique un certain o.rdre. .


1 Pris sur un autre plan, ce "raisonné dérèglement de .J

,tous les sens'1 peut ~tre compris comme la désintégration

et, la' réintégration mentales. Carrouges cite la phrase de

5 pen 1 é , "5 ans cha 0 s, po in t de cr é a t i 0 ni, ~ 3 6 et l,u i - mSm e

constate q~e ,"la condition sine qua non de la réintégration,

de l'homme au point 'supr;me du cosmos c'est la désin-


1

tégration ,tot;ale
'
au préalable de la condition humaine
présente.,,37 Cette désintégration totaJ.e, cependant, ne

signifie pas l'aboutissement au pur néant. Au contraire,


,
elle est "ùne étape préparatoire ••• une phase toujours

renaissante,. pour permettre un renouvellem,ent indéfini" ,,38

'et s'avance vers le point supr~me. En dl autres termes, il

faut
- "s'Qnéantir pour redevenir,,39, parCe que, selon

Carroug es: '''toute l'activité surréaliste tient dans cet


1
équilibre entre l'esprit de négation et la capacité négati~e
\

entre les forceS' de désintégration et de réintégration. ,,40


1 'I
ilL 'étrange, le baroque, le merveilleux', le saugrenu,

l'horrible, le méconnaissable, le désordonné ••• sont


' é
l'essentiel , c
de la po sie surréaliste," déclare Carrouges. 41
i
··1
i
Et selon Pierre Reverdy, cité par Breton dans 'le Premier

'Manif,este, "l'image est une création pure de l'esprit •• ,.PluB

les rapports ,des deux réalités rapprochées seront lointains

o
60 "
..
... ,

\
\
et ,justes, plu~ l'image sera forte - plus elle aura de
\
.
pUlssance é mo t·Ive et de r é a l·té
1 po ét·lque. o
•••
,,42 Alors
'--,'<, .J f~-
la téchRique de la surPfise et de l'écartèlement de 1,\
;
j
l'image donne des- moyens q'accès à une autre réalité -
(
fJ
l'incons'cient. Ces procégés font partie des "hallucinations,
d i r i 9 é es." , t t, e n fin dei c 0 mpte, dan s son exp 1.0 rat i 01'1

, des dom a i ne s de, ' 1 ' i I l 0 g i q u'e , " les u r réa lis men' est pas

pur 'délire, mais exploration du délire (c'est nous qui


soulignons). ,,43 Les ur r é'a lis me p e r met de con n a'1"t r e

"1 ' in con sei en t, l e me r V' e i I l eux, l e r~v e, 1 B f 0 l i e, 1 es é t a t s

h a 1 "1 u c i n a toi r t; s, e n b r e f, i
l' env ers' . d u déc 0 r : log que • ,,4 4

Br:eton, dans le {Premier MtÎlnifeste, déclare que "le sur ...


, (
réalisme vous in'troduira dans la mort qui est une société

secrète. Il gantera votre main,' y enseveI'issan~ l 'M Pl'ofonp


par qubi commence le mot Mémoir~. ,,45, La mort ici représente 1 1

un état qui est l' enver~ d~ la Mémoire. "Mémoire" s'associe

( lac 0 n sei e n ce', à 1 a r a .fs () n • "Mort" à l' inc~nséie'nt,

l~iqU~" l'état d'oubli, de néant. Plus loin., il

affirme:
1

L'esprit qui 'plonge dans le' surréalisme revit


avec exalta tian la me'l11eur e' par t de, son enfa'nee.
1
1
C'est un peu pour lui la certitude de qui, étant
.[
\
en train de se noyex, repasse, en moins d'une
r mi h u te, t 0 u t l', i n sur mon t a b le. dès a vie... 0 e s
1 l
1,
souvenirs d'enfance et d'e quelques autres se
dégage' un ~entiment d' inaccaparé et. par la suite
de dé,voyé, que je tiens pour 1~. plus fécond qui

./

,"
1 \

1}

t existe. C'est peut-S'tre l'enfance qui s'approche


, \ •

lep lus deI a "v r a ~ e vie";... l" e n fan c e 0 Ù t 0 u t


con cou rai tee pen dan t à '1 a pas ses s f 0 nef fic 8 ce',
et saIT'S aléas de l!loi-m'9'~e.46 1
L. j
Par pes procédés diff~rents (scientifiques, éso-

tériques, etc.) donc, le surroéalisme tend,. ~ atteindre un

état antérieur et primordial à la réalité logique. En

plongeant dans des zones englouties de l' inc'onscient, le

surréalisme aspire à resurgir plus lucide et plus riche de


1 1

con'lhaisssnce. Afin de tendre à la limi te où se confondent


\
'les choses qui "sont" et qui "ne sont pas,'" selon Breton,
l
; .
1
il faut que "l'opération surréaliste .•• s'effectue dans des

n~
1
m0 raI e • 11 4 7
"
con dit ion s" d' as e psi e Tou t r ev i e nt à .u , ,

(, d'absence d'in~luences extérieures (~ la p'syché), à un ét~t


!\

de p'ureté et d~ spontanéité d'expression.


1
\
la poésie surréaliste, tout en rejetan,t ,l'usage"

class.ique et romantique des mots, lui accorde néanmoins


tl
~ 1
de l'importance. Breton dit: I1Constater que les mots sont

la matiàre premiêre' du s,tyle est à peine plus ingén'ieux

que, de présenter les' lettres comme la 'base de l' alphsbet.


l' 1
les mots sont, en effet, bien autre chose et ils son~ m'9me

peut-~tre tout.,,48 Artaud, au contraire, n'attribue

aux mots' qu'une place insignifiante dans son théttre. Il


\
soul igne pl utat le langage \ non-verbal de.s gestes. Peut-

~tre sa poésie (écrite dans les dernières années 'de sa

'0,
, '

"

vie) illustre-t-elle mieux l'écartement d'un usage ou d'un

sens usüels, 'ou recQn~aissables du mot. C'est un~nouveau


-
• l'angage, qui surgi t; il mani feste des cadran ta divers ,qui
i
ne.. sont ~as facilement, d,iscernables les uns des autx:es\.
lI-
Le ton 'incantatoire évoque l'appel!~ l'inconscient et

llinfluence lIIystique, laquelle résulte du séJour d'Arta'ud


f"
a u p ,a,Y s des Ta r a hum a ras, a i n s i q ,u e des e s l e c t ure s sur
Ij ••
l'alchimie, .le l'arot, la Ka!:>bale, et le cultur.e orientale.

Dans" The Theahr of the Marvelous, Glor i a Or enste in


\ -~

dit: /

The d i c hot a my ,b e t we e n Br e ton and Art a u d. • 0' 1


expresses two magical operations which are "i
reêiprocal, and are based upqn the Hermetic
( , philosophy that posHs· a basic unit y underlying
-' al) levels of existence. 4-9

Elle' canst'ate que

"l'alchimie
1
du verbe"
• 0
Breton (avec les surréalistes) préconise

et Artaud "1'alc11imie du ~orps".


l
i
Breton prétend Que )seul le langage verbal, tel Que, les"
o (

surréalistes l'emploienf, possède les forces magiques


"
néce~saires pour transfprmer ta réalité. Cependant, Artaud

crOi~ que l'événement, l ' expér'ience du théttre, . est capable


, ~

de produire des changements fondamentaux dans la, vie, qui,


\
ul tér ieurement, susciteront la pensée et 80n expression_.

A la' base de leur perception étendue , de


~
la réalité
.... totale
s e ~ r a u v e l a vis ion h a Il uc in a toi r-e • Les' sur' ré aIl i ste s ,y

, ,

~ _'t""t DIU' 4 . . . . . -
r
i
1 ,
f
C
"0 ,.

1
i
1 arrivent par l'intermédiaire de l'éc'T.j.ture automatique et

Artaud par -les drogues et au cours de ses crises menta~es.

Gloria Oreostein préteQd que: .' f


, \
, ,
Since the dream appears to Breton in the guise 1,
o f t h--e a ter, B n d the the a tee r a p p e ars t 0 the .1'
audience ii'l the form of a d,jeam, we may conciude 1
that the theater .would present the ideal point
o~ intersection between imagir:Ja-tion and reality,
between the spiritual and the concrete •••• 50

Et de l'Amour fou ,de Breton, elle' déduit que "only in the

dream or in th'e theatEIr can the multiple metamorphoses


1
,'
i 0
of ou~' potential selves be ••• realized simyltaneously.,,51
l \

Cepend-ânt'-;
, . l'Amour fou n'est qu'une conjecture de Breton
!
faite sur le théitre, selon Gloria Orenstein. En outre,
1
- ,~
constate-t-elle, Breton se méfiait du dédQublement des
1
acteurs., qui, apl'ès tout, n'étant que des -G'tres humains,
,1
n"étaient pas transformés par leurs dUes.
"
, ' 0 . Paradoxalement" i
!

Artaud, qui pr6'nait 1 ~,importance 'du théitre, se croy'ait 1·


1
1 •

stiuverit fltrahi" par les acteurs; ainsi, il ne réalisa. ja~ais


'c , ' ,
1
,-
une mise en scène pure telle qu'il l'aurait désirée.

Cetté réçiprocité· entre le r'!ve et le thé1Hre se


,!
1

traduit dans lea pièces mfses-en scène par le Thé~tre Alfred


. ~

Jarry., E1.1e ~st m1rme représentée doublement, c'est-à-dire


.
. , 1
que 'le reve est figuré sur l,es planches '(sous o'la forme~

thé'iltre) et la -pi~ce
,
jouée est periue par 1 t auditoire comme ...
'j

un r~ve' (la n'on-r,éal)..t"é). Au nomb,re de Ces pièces, on

',-

1 _ \\
,

c
t r a uv e LeS 0 n 9 e 0 u Jeu de r'ê'v e s d e ~ tri n db erg, Les My st ère B

de l' .m~uryi trac, et le projet de mise en scène écrit


par Artaud pour La Sonate des spectres de Strindberg.

Dénoncé par. André Breton dans l'article "Au grand

jour" et expulsé du mouvement surréaliste, Ar,taud lui-m'@'me

compose unef réplique et à son tour condamne les surréalistes

(qui ont adhé.ré au marxisme) de "[s'en remettre] à la

fatalité, à un certain hasard de débilité et d'impuissance

qui lerur est propre, du soin d!expliquer leur inertie, leur

éternelle "stérilité" (t.l, 368). Plus loin, dans "A la


.. 1
grande nuit ou le bluff surréaliste", il explique:
t
/
Les u r réa 1 i sm en' a j a mai s été P 9 ur .'m 0 i qu' une //
c' nouvelle sorte de magie. L'imagiflatio'n, le r~ve(
toute· cette intense' libération de l'inconsciE},{t
qui a pour but de faire affleurer à la surtâce
de l'ime ce qu'elle a Ithabitude de tenir éaché
do i t né ces sai r e m'e nt in t r 0 du ire de, p 1: 0 / f'o n des'
t r an s for mat ion B dan s I ' é che Il e' des a p p'B r e ne es,
danoB la valeur, de signification et le symbolisme
du créé. Le concret tout ·entier change de
v'êtur e, d,' écoI;'ce, ne s' appl ique pIus' aux m'Smes
9 est e s men tau x J L' au - deI à, l' in vis i b l,e r e pou s sen t
la réalité. Le monde ne tient p'~us. (ibid)

L'import~nce du rave pour ~rtaud s'exprime pendant son

adhésion au mouvement, surréaliste. Il écrit:

1 Mes ~~ves sont avant ,tout Ufle liqueul1, une sorte


de nausée où je plonge et qui roule de sanglants
micas. Ni dans la vie de mes r'8'ves, ni pans la
1 vie de ma vie je n'atteins à la hauteur ~e
certaines images", je ne m'installe dans ma
continuité. Tdus mes r~ves sont sans issue ••••
ft.l, 327) 1: '

• 1

/
\
l
(
Cefte description d'un cauchemar reflète l'angoisse que le,
thé~tne doit créer dans le public. Le Thé~tre Alfred Jarry

va présenter "sous leur angle inDu'!, d,ans leur' brutalité· f


1-
- , \

pure, dans leurs reliefs, dans leurs rel~nts, ••• tout ce

qu~ prov ient d'une erreur fécornde_ de l' espr i t, d'une

'111usion des sehs ••• " (t.2, 35)-. Et Artaud soulig'he que
1
1 -'~le,' Thé~tre
~ ~ . Al Fred Jarry s' adr'e"Sse à tous - ceux qui ne
, .......
voient pas d.ans le théittre un but, mais un moyen, tous ceux

/ ' qu'inquiète 1 e souc i d' une ré al Hé dont le thé~tre n' est ./


/

" que le signe ••• " (t".2, 34). Si nous BcceJ)tons cb pa1\B1lèle

entre le r~ve et le ~hé~tre, nous devons dire que le r€ve,


\
• 1
comme n'est qu'un moyen, qui conduit à une autre ,j
( fi es cime~ parfaites (OÙ l'Esprit ~e l'Homme
ne

Artaud fait
souffre us. " Dan s cet t e " Ad r'e s se' a u DB 1 aï -l am a" ,

à "lé lévitation matérielle des corps",


]
J
.
~
-,l
\

t l'

\
1
à la "liberté transparente des im-e~, à' la libert'é de
l
l'esprit dans l'Esprit •• ·... (Ll, 340) que les surréalistes 1
,
l
préco'nisent.
r
1

Il

Da,ns une lettre ~ Max Morise, écrite en avril 192'5,

Ar taud remarque:
l ,
1
Je n f ai jamais conçu que le Surréal iame ••• p1Jt
s'a cc U p e r de 1 a réa 1 it é:••• Je ne v 0 i spa s li • • un ,',

autre but immédiat; un autre sens actif à d~nner


à n 0 t r e 'a c ,t i vit é que r é vol u t ion n a 1 r e, mai s
révolutionnaire bi~n entendu dan~ le chaos de
l'esprlt. ••• (LI, 38)/ "

"
..,

1 C 'l!l
------- - - __.J_
';
/
\ 1 !

(
Cependant, ses écrits su leT héil'tr e AH re d _~. rr ~ xp ri men t
y'
1 1î,
une systématisaÙon de ce chaos. Le ,Théfttre Al r.ed Jarry, j

dit-il, au thé~tre le s ns, non pas


,
de la vie, mais d'u certaine vérité ~ise au plus profo~d

de ~l' es p rit ••• Il ' et Il n ce r t a i n 'j eu de co mb i na ion s men t ale s ,


l

d'événements traduis bles en acte~ I, .


(

. • • qui e' x i ste vie ré e Il e et 1 a vi d u r~v e, ••• " ,

\ (t.l, 40). Le Th h're Alf~ed Jarry ne serait ~~8·s .. )e simple


déchatnement de 1 t inconscient sur scène;
,., l'exploration de

l'èsprit impliqu'e qn but définitif et Artaud n'entend p~s


,
laisser l' espr i t en état de chao~. Le Thé1rtre A'l Fred .Jar'ry

veut réi n t rodui re un "sen's l', di t- il, - et "s ens" i mpli que Ide
\ 0

l'ordre. Artaud ne veut pas dire "~n,sn logique,' comme nous

le' comp,renons, bi~n ·s'(Jr. ?on IIs;t" pr,ovient d'une;'réalité

que la ,logique ne peut saisir. Ce' "sens ll se manifeste à

mi-chemin entre le r~ve et la r alité tout comme l~ tné~tre,·

qui 'est la fJeion des d,~ux



! ° 1
1
i Comme les surréalistes dénoncèrent le né~ativisme des
1. :'
1 dadaïstes~, Breton suggère q~ 1 Artaud fut expulsé 'du mouvement J
\ 00
!

surréaliste à cause de son négativisme od~Istructif. 0 Breton


Il •
dit dans ses Entretiens: ••• Je me défiais d'un certain

paroxysme auquel Artaud visaft à coup


"..
sur. 0jJe. voyais
1,
" bien commen't l~ machine fonctionnait à tot/te vapeur,

je ne voyais ~lus comment elle po~vait continuer à

".
1
! -J

d\

1
, :
c s , a '1'~men t er •• ,•• ,,52 Aux !yeux
l'
des swrréalistes, Artaud
1
semble ~trer guidé 'par unef' volonté ,destructive mais para-
I
doxalement, il Xise à la icréati,on d'un nouveau langage et

à une perception no uv e IIi e de l a vérité de la vie que le

Thé i t r e -, Al f r e d Jar r y e s aie d é J r é v é 1er • ces.' but s , a fin

d ' ~ tr e réa lis é s,' e x i 9 en t ne attitude fon~ièrement ppsitive.:


.Mt
Et cependant, dans grand ,nuit", Artaud, déclare: "Ce
qui me sépare des surr alistes c'est qu'ils aiment autant~
\
la vie que je la mépr'se" (t.l, 367). Cet énoncé semble
l'
contredire ce que venons, de dire, mais nous croyons

qu'Artaûd avait une· i age idéale de la vie qui ne peut se !


man i f est e r qu' a p r è s lad e 8 t r u c t ion deI '~ Yi e a c tue Il e .
( 1•
~

\
.j
1
l.
l

"

, .'
/
".'
'-1' ,
-\

Notes

ITristan Tzara, Sept Manifestes dada in Lampisteries


précédées 'de Sept Mani festes dada ( Par is:
196} ), p. 62 •
3. J. Pauvert,
, .

15 3 • H. Matthews,~ in Dada and ISurrea1ism


(Syràcuse: Syracuse UnH-o P.ress, 1974), p.22.o

.. I;i _ - ..... - - - - - _ ,_ _ _W._


. I~~
, 1

16Henri Béhar, Etude sur le thé~tre dada et surréaliste


(Paris: Gallimard, 1967), p.18.
17 Matthews, p.l04.

l8André/Breton, ~Ptemier Manifeste du surréali~me," in


Manifestes du surréalisme
\
(Paris: Gallimard, 1972), p.14.
19 B.r e ton, p. 2 5 •
,,
17

20'b'd
l l . , p.25.

\ ' 2l ibid ., p.za. 1•


• 1

22André Breton, Entr.etiens 1913-1952 avec André ~


Parinaud (Paris Gallimard, 1952), ,p.,2B3.
r
23Bretdn, "rremier Manifeste," p.25.
/,
24Maurice Nadeau, Histoire du surréalisme (Paria-: Ed.
du Seuil, 1964), p.2I.

25 Nadeau, p'.26.

26Breton, "Premier Man{feste,",p.4l.


27 Nadeau, p.50.
,
28
Nadeau, p.50.
l
1
1
i

1 29 .
1 \ B r e ton, :' Deux i ème Man i f e 8 t e dus li r réa 1 i s me," i n
Manifestes du'surréalisme, p.160. l
.t
J
30 F • Picabia cité par Na~eBu in Histoire ~u surréalisme,
p.34.

()
70
.
, '

31 M• Carrouges, André Breton et les données fondamen-


tales du surréalisme (Par~s: Gallimard, 1950), p.l76.
/

32
. Carrouges, p. 58.

33
Carrouges, p .17.

34Sreton, "Deuxième Manifeste," p. 81.

35 ibid ., p.l65.'
,1
36Carrouges, p.100. 1
/ i:
37'b'd
l l ., p.?8.
/1 '/

38.l b'1 d . , p. 1 03. 1


39Commentaire Bur Nietzsche de a r e ! . cité par
i
t Car r 0 u g e s i n ~A~n;.;;;;d"",r;.;;;;é---..;;B...;;r;...;e;...;t:;..;o:;..;n-,--e;;..t__;;:;.l""'e..s--"'d;.;;;;o..;.;n-..n;.. ;é.. .;e;.. ;.......
s f__o....n-.d...a;;:;.m--.e.;.,;n""'t;.;;;;a_l""'e...;;s---'d......
u'
~ surréalisme, p.26.'c
1 r

f 40
Carrouges, p.l07.

i 4I ibid ., p.l33.

42
1

Breton, "Premier Manifeste," p.38.

43
Carrouges, p.I08.
1! 44
j
Nadeau, p.SO. '

4/5Breton, "Premier Mani feste, 'p. 55 •


• il

46.l b'1 d ., pp.6S-66.

47Breton,4"DeuXièrne Manifeste," p.18,2~

, .
l'

f
r
'f
!'
...h
t'
~
r

,
,~
,, 4BBreton cité par· Carrouges, p.164.
,
49 G • F. Orenstein, The Theater of the Marvelous:
Su"rrealism and' the Contemporary Stage (New York: New York
Univ. Press, 1975), ~.ll.
f

, 50 0 rens t:
eln, p.20.
1 , \
51.l b l'd ., p.21.
52
Breton, Entretiens, p.llO.

l'

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, 1 •

Chapi tre 1: Les Thèmes

Le Théitre Alfred Jarry et le Théitre de la Cruauté


""'\,

sont les deux grandes entreprises par lesquelles ~rtaud

s ' e mp ~ 0 i e à fa ire v al'o i r ses con cep t i.o n s t hé S' t r' al e ~ •


'1
~
5 Pa! é s pa r uni n te r v aIl e d 1 à peu p r è s six an s, ces 'd e x ' ~
. \ .
entreprises manifestent l'évolution des concepts' dramatiques

d'Artaud. D'une part, le'Thé~tre Alfred'Jarry, créé en \

1926, est sa première tentative théitrale en collaboration ,


1 !

avec Roger Vi trac et Robert Aaron. Ce théitre, synthèse

des idées des trois auteurs, est un thé~~re novateur. Bien

qu'ils fussent rejetés par les, surréalistes, l'oeuvre de

cés trois écrivains témoigne de l'influence surréaliste et

d'autres courants de l'époque. D'autre pa~t, le Thé~tre de


-,
la Cruauté, é~~~ri en' 1932, peut ~tre considéré comme le
travail unique d'Artaud: Artaud est "dramaturge",* metteur : 1

en scène, act,eur. Le Théâ'tre de la Cruauté représente' donc

le perfectionnement de' ses concepts théitraux.


1 - ,

Dans les manifestes du Théitre Alfied. Jarry~ la notion

,de cruauté 'n'est pas encore développée, mais il's an'noncent,

,\
"--:Nous utilisons ce mot avec réserve à propos d'Artaud
puisqu'il, était tellement contre le texte écrit. Par
"dramaturge" nous ne désignons qu'un aspect de cet
nhomme-théitre" 1
1

,0
7~
, \

'.
\
t,
déjà la notion du double. du danger ~t de la peur méta-
~\

physique que doit éprouv'er le spectateur. Artaud écrit

dans "Manifeste pour un thé~tre avorté":

On èomprend que notre tentative est d'autant


plu 8 dan 9 e r eus e. qu' e Il e fou r mi Il e d' a m~ i t ion 8 •
Mai s ••• no u 8 n" a von spa s peu r du né an t • Il nie st
pas de v ide dan s 1 a n al.u r e que no us ne cir 0 yon s
l'es'prit humain capable a un moment donné de
combler. On voit à quelle terrible besogne nous
nous attaquons; nous ne visons à rien moins qU'à
remonter aux sources humaines ou inhumaines du
théttre et à le ressusciter totalement. (t.2, 30) f'
\
l
1
Le Th éi't re Al f red Ja r ry fient à provoque r ,chez le spec t'a teur

1a

Ce
réa c t ion s pp r

thé'9'tre s'adresse
0 pr i ée

à
à ces p e c tac 1 e

toute l'existence.
b 0 u Ir e ver' san t,.

A celle du
J
t
'spectateur et à celle des acteurs. Donc, si, d'un c1:rté, 1
les participants directs de ce théttre (acteurs, metteurs en
-
scène, etc.) créent une ambiance où toute l'existence du

p,u b li ces t mis e en jeu, deI' 8 u t r e, 1e s p e c ta t e l,J r est

contraint de ressentir la gravité du' danger dans lequel


1
1 il
s'enga~e. Dan s " Que 1 que s ,ob j e ct ifs, duT h é1't r e A1 f r e d

Jarry". Artaud souligne:

En outre, et en dehors des émotions qu'il


provoquera, directement ou à rebours, telles
,f
que la joie, la peur, l'amour, le patriotisme,
,1
1 e g o'th duc r i me, etc., etc., i 1 a e fer a 1 a
i' spéci~lité d'un'~entiment sur lequel aucune
pol i ce d il mon d e ~'a de p ris e : 1 ~ : h.Q.!li~, \ 1 e
dernier"le plus redoutable obstacle à la liberté. 1 ........

,\ (t.2, 59) . l ,J

7~
, ..... (

c La cruauté, définie par Artaud dans sa lettre à Jean ,i '1

Paulhan le 13 septembre 1932, signifie, dit-il: ft


\
\ \
J,
la cruauté 'pure, Sans déchirement charnel ••• Du i
point de vue de l'esprit cruauté signifie rigueur,
appl ic ation et dé c iaio n impl ac ab lé irr é ver sib le,
absolue ••• [Elle]' est avant tout lucide, c'est une
\ sorte la direction -rigide, la soumission à la
, né ces s i té. Pas de cru a ut é s an a con s cie n ce, a ans , "
une, sorte de conscience appliquée. C'est la
conscience qui, donne à l'exercice de ltout acte
de vie aa couleur de sang, sa nuance cruelle,
puisqu'il est entendu que la vie c'est toujours
la mort, de quelqu'un. (t.4, 120-121),

Artaud écrit à André Roland de Renévil1e le 16 novembre

1932:

'Il Y a dans le feu de vie, dans l'appétit de


vie, dans l' impul sion irrai sonnée à la vie" une
(~ espèce de méchanceté initiale: le désir d'Eros
est une cruauté puisqu'il br~le des contingences;
\
la mort est' ,cruauté; la résurrection est cruauté;
la transformation est cruauté, puisqu'en tous
sens et dans un monde' circulaire et clos i l n' y a
pas de place pour la vraie mort ••• Dans le monde
manifeste et métaphysiquement parlant, le ",al est
la loi permanente, et ce qui- est bien est un
effort et, déjà une cruauté surajoutée à l'autre ,,
(c'est nous qui soulignons). (t.4, 123-124)
\ '\

le Théitre de la Cruauté a donc été "créé pour ramener BU

. thé~tre' la not ion d'une v le passionnée


, ' et convul sive; et
\

c'est dans ce rigueur violente, de'~ondensation

extr'i'me des é scéniques qu'il faut _entendre .la


tl
cruauté sur il veut s'appuyer" <t.q, 146). \ '
,, ,
i )

'\
7b
\'

\ J

'\
'C The Dramatic Concepts of Antonin ~rtaud d'Eric 5el1in
est une étude importante qui classe. en deux catégories 'les

inflU'ences dramatiques
J..
s'exèrgant sur,' Artaud:
e "

l'ancienne l.
cul tu r e' me x i ca i n-e et le_ thé1ttre oriental,
~

ou "le drame Î
1
, !
\ ,

solaire et 1 e drame lunai re. 5eUin constate qu~,' le thé'itr~


• 1
. \)

d'Artau,d, et surtout son oeuvre écrite après 1 '.expér ience


tarahumarane, tend au drame' solaire. Ce p,e n dan t, . é cri t

5ellin:

while advocsting the', cruel gesture pushed 1 ta the


nth degre~, [Artaud] also sdmired the stylized
restraint and'the sense of fatality of such
1 l u n Br' the a ter a s t h B t 0 f the 0 rie n t". • : w hic h" i s
'g en e r a Il y ,. : •• B the B ter o.f in e vit a b[i l i t yan d
reSlignation. l ,
,
C', .
le drame lunaire est au fond un drame' de négation,. de
d,ésQla~on et de' défaite~ caractériIBé par "the misty, the
mys ter i 0 us, aOn d b Y da r k ne s s • " 2 nT h i s d r il mBof st a sis i s
[ " ,

often grotesque, Il' dit7"il,' et se Inanifeste dans le théttre.'


.
d' Alfred ,Ja~ry. 3 Bien que des actions ~iolente8 ~omllle le

me urt r e ,0 u '1 e BU ici d e fa s sen t par t i e de ce d r am è , nt he

over-all mood is one of. frui t..lessness, acquiescence in the


i '1

futility of life, scceptance o~ the frailty of the individ-


-, .
u al, and sel f- a bile 9 a t j:'o n. Il 4 ; Le nihilisme du drame
1 \
grotesque s'exprime dans ·l'Ubu roi de \ Jarry 'et \dans Victor
=..;;;........;;;..;;;,=1

'1 Il " j ,

ou les enfant s au pouvoir de Vi trac, La Sonate des apectres


,
de Str indber'9,' pour n ',en nommer que quelques-uns. 'Le drame

o
\
1 :
'''J
1

, '

, . .. 1

lunaire, exp'lique Sellin, représ~nt:e un ~t'at dlesprit qui


~ ,

est symb'ol ique 'e t mét~phy sique. 1 ta dramati st rejec ted the
Il
.
';;et&physics 8n~ aest:hetics 6"fo actio~ for" those of thought, \
5
spi ,r i t a'n d, rh y t hm. Il A 11 é 9 a r d de api è ces mis e sen a c è ne

, . ...dans la', tr'aditi-on lunai re par Artaud, Se Il in obser~ue .îè


• '<'f

rythme' ~n contrepoint y p-rédomine".'


po ~
Le dr~me ~olaire "entails a gesture of defiance or
~
cruelty of 'ffome magni
,
t ude", 1
'et Si apcompagne souvent dl ur're
/
"eruption of evil: n6 Le • dé f i mé.fffPhys~Ue Si expr 1me par
.
la révolte contre les dieux ou ~par un acte gràtuit. .Ce défi
..."
métaphY8i~ue 'est' une cruauté, Belon le aens que lui donne
. \ ., , .
A'rta'ud, et elle ttouve 'sa meilleure e...xp;resaion ,a8nB~
, 'J~ .
( ',grec, dans, la' desc'ehdânce l d' Atrée et dans les ancie s !tes
• "" J, ....
mexicains. la ëJe~~d~Àion de 1 a cul.tur e tarahum < 8n~e, d e§'\ , 1

1 rite8~U sacri~1~e etj 1u p.~yotl, met en,relief,)e (B8~Q.,L~~


soleil, 8Sp.eC~8. actifs et positifs, qui, :exprimen\"li9ht,'
1
\
, . 1 ~ ,_. ;
action and "()utb.!lrst.~n '. ..; ". i
!
• , 1
. 1 L'e r Tht~'tr.e -.. de la Cruauté(. comprend des ·pièces"1 qui
l
peuvent' Btz:e classéee
'"'
comme drames solaires:
.~
Les Cenci,
,1
.- \ . i
!:..!..... C(J ~ 9,'U ~ ,t e d ,U _ ~ e x i 9 u e , _L ~ e v 8 n che" d ~ -1.!_ t }- 8 s!.2.!..!',
>1.--., An~8bèl18, p'ourc en fin!r avec· le jugement de dieu, etc.

1 '. Ces pHlces se caractérisent par "action, ,thoe Male" revolt


1
J

~ l .f~'
8n d se . 't i on. j,8
-as'ser, l'

1
.,
r.

1,
'7fl ,

. ( J'
, ,
..
!
/
L -\ ..

(J

Le Thé~tre A1fred Jàrry comport Les Mystères de


l'Amour, Vi'ctor, le Son e ou Jeu de r~ve La Sonate, ~

Partage de midi, etc., qui sont fonc{èreme~t des pièces dans

la tradition lunaire, qui se caJ;'acté~isen~t par "statis, the


"
Female, acq~ie~cence~ and self-abnegation. n9
o Nous nous proposons d'examiner les thèmes des pièces

mise~ en scène ~ar le Théatre Alfred Jarry et le Thé.tre de


, /

la Cruauté en ce qu'ils incarnent la notion de la cruauté


et du double ;out en' te'nant tompte des caractéristiques des

drames lunaire et 801ail:'e. Du Théât're Al fred Ja!"ry nous

étudier.ons tes Mystères, Victor de ~,oger Vitrad, Le Songe,


\
"\
La Sonate d' Aûguste Strindberg., Du Thé~tre de la Cruauté
( ." . J- !l
nous _analyserons Les Cenci et La Con9u~te du Mexique • , t
• • - 1 _

pièc1es du Théttre Alfred Jarry et du Théfttre de la Cruauté


1
ftl'\;
j
/ '
,i
pré~n'tent des thèmes de la vie humaine prise dans sa f
~
'1
totalité. flle monde,circulaire et clos u - en d'autres 1
j
u r
l
termes, le_;oclcle de l'existence - se man'ifeste soys toutes, l
1
ses formes qui peuvent 'être ré'groupées sous les 'rubri~ues
, 1n
1

suivantes: l
1 1

.;
Naiasance: nature, pureté, peauté, bonté,
i
\ \. bonhe ur, 1 iber té
.,,
i 1

~
Vi,,': - JociéU, perv~r-sion, artifice, malheur,
\ , clSture
1 t.
'\

t Mort: transition, fin du mal, etl:., liberté


, /'
.
,

0' \ '"

'1

"
J____ _~'~__
(

,
La .I!Iaissance et la Vie sont en opposft ion directe, la
Vie étant la négation de tout ce que représente la Naissance ....

ou la première étape de l'existence humaine. La c atégor ie

Naissance coml?rend. l'enfance, l' a~our pur, la maternité et . i


: '
l' harmonie. La c até,gor ie "Vie" compo r te 1 e monde adul te et
,
toutes les complications qu_~l engend re: le déair sexuel
1

et 8a perversion (l~inceste et la luxure); la maladie

psychoio~iqUe
, /

(physique et la souffrance; le, tourment produit

par i 0 ut ma lJ le' c r\! me; 1 es m0 e'u r s ~t 1 es' in s t i tut ion s

'sociales; . la dissonance SQus toutes ses formes; et fi'nale-


,
ment,la!guerre. La Mort n'est Il'antithèse dire'cte ni de
la Naissance ni de la Vie. Elle symbolise p1ut1it le moyen 1
~
( .d ' é cha p p e r à 1 Et co mpl e xi té 'd e la vie (a u 8 en s g'é n é ra 1 î

!
du mot'), étant le néant, la non-existence, éta.t pur, absolu. l
1
.
La Vie donc Sê situe entre deux états purs et constitue j
une sorte de limbes, état èaractérisé par, l'abandon à
"
\
,,
.f
, .J 1
,1
, toutes' les perversités. La Vie qui se manifeste dans t

1 . ~
f les pièces prises ensemble ressemble
1
à· "l'Enfer\", tableau ,,"'
i .

1
!
!
de 'Jérome Bosc,!, dans lequel se déchatne, la laideur de
1, l'existenc"e humaine. Cette jleuxième étape dans le ~yc le
1i ~
de llexisten~e rep~éBente l'évolution inéluctable &e la

pr-emière. Et la Mort, troisième. phaB~, è,st une consé~uen.ce

nécessaire dans le cycleft Ell~ p~ut s'e produire aous des


formes différentes: ' la mort com-me résultat soit de 1s

( )
80

- ....... ,iII1,
, '\
, .

ma'ladie soit du conflit entre des individus ou.des pays; le


,
suicide, mort volonts-ire choisie comme l a seul e solution
1

"po s s ib le.

Le r~ve et ~a folie sont d'autres solutions à 'la Vie.

Et a t sin ter mé dia ire sen t r e l a " Vie" et la" Mor t ", i l 's
- !

représente~t des ,refuges temporaires qui, à la différence de


\

la V,ie, sont b~~lfiqUeS en tant qu' il~ of!;rent une tr'êve à


f(

la réalité. '," Ces deux expériences se caractérise,n! l par, la

lucidité et' la, vérité. ~ Dans ces


. 1
, .,états, l'inconscient, 1
!.
/ 1
niveau le plus pur de l'esprit, prévaut, et toutes les !'
i
inquiétudes supprfmées par l'état conscient se, 'd é v 0 i l e nt.

le r'ive et ls folie 1 donc, sont analogues' à la mort de /


<!

l''S"tre 'conscie-nt et ils se situent à mi-chemin entre

la Vie et lk Mort.

Les tthèmes que l'on retrouve le plus souvent dans

lés pièces que nous étudions "So"nt· l'enfance, l'amour, la


Il
maladie, le' rêve ou la folilil, et la mort. L'enfance el

l'amour,pur S'b'pposent à la maladie, en ce aens qu'~ls

incarnent la pureté de 1 texistence tandis que la m~lad~ie

représen.te sa dégradation. La mal adie, comme ant.i thèse de


:\ .' \

i\ la pureté, se manifeste physiquement' et apirituellemef!t~


1
{ i
Dans ces pièces, 1 es "maladies" de l'esprit sont. souvent

1 lé résultat d'B l'amour dé,gradé qui empoisonne- l'esprit,

produisant par la suite une 1 9 am me 1 d' é mot l,a n B q 'u 1 e àt


" /

1o
,
8\
"

Il é t r a n g ère à
1 l ' e s prit pur.'
. '
Lie s p rit ma1a der e v t-t les for mes
de la haine, du doute, de la méf iance, de la rancune, de la

jalousie, de l' hostili té et de toutes les, émotions négatives


\

que re"asent 11~tre complexe et instable. Le r~ve, la folie

ou la mort sont des'moye~~ 'soit d'échapper à la réalilé soit


,
de combler les lacunes de cette, réalité oppressante. Le
"
rIve et l~ folie font valoir les désirs et les pensées

f 0 n d ,a men tau x deI' ê"t r e • 0 ans 1 es a e u v r e S I? r é' sen t é e spa r, ,1 e

~héttre Alf,red Jarry '~t le Théttre de ra Cruauté, le r~ve:,


i

la folie et lIa mort se -juxtaposent aux autres thèmes; ainsi,


1 1
'par leur présence constante, ils évoquent le p'ositif et le
1

négatif de l'existence, ou les deux eStés de la réalité


1
abSolue. .1 1

1
l '

1
~ ,

r _ _ -~"7'--' --~r---- ---,.-- ; 1


\
\ .1

o l '
, . ,,
l

\ 1
.,
Chapitre II: Le Thé~tre Alfred ~arry J
'S
1
f
r
Le thème de l'enfance est essentiel d~ns ,Les Mystères j
, l
et Viotor de ,Roger Vitrac. Les Mystères présentent

t roi Bas pee t s qui s' a ~p a r ~n t e nt à l ' e n fan c e 0 u qui /

"
/
la caractérisent: l'innocence et la vulnérabilité

de l'enfant; et leur "Complément, l'amour maternel

ou l'amour pur, protecteur;' la précocité de l'enfant


"
et son b eso in d'imiter le monde adulte; la nostalgie

, ' , . de l'enfance et' de 1a .


Slmp l 'lC1.It é die cG 'â' 9 e san s
responsab ilité.
""
En r-e-ve; le désir non réalisé de maternité que ressent
{ léa est comblé. A trois reprises dans la pièce, Léa

appara'lt portant l"effigie de l'enfant dés'iré.

l'attitude des autres personnages, elle s~ voue


,
maternel. Cependant, l'adoration qu'elle à
\

l'enfant se confond parfois avec son

~ 1 Il' en~ant est ~on double en miniature, après tout -;, et" el~e _
vante plutSt la ressemblance entre l'enfant et elle que les

1 qualités de l'enfant lui-m~me.


j
A 1 ~opposé de Léa,

les autres personnages se montrent
1 malveillants
1

ou indifférents aux enfants. Patrice montre

à l'égard des' enfants de l' hostilité, du ressentimentl ~t

de la, né 9 lige nce. , 'Le dési r dei mater,ni té de Léa est .démenti

0'
\,

B~
l
l
1
l'
t
c par le refus de paternité de la part de Patrice. Le pur
j
'~

amour maternel -------


que Fessent léa est donc nié p'ar les actions

des autres: Patrice "assassine" son fils; Dovic mutile et

tue \ sa fi Il e (s a fi Il e }i lui, pu i 9,q U ' e Il en' est pas l' ' en f a nt


de Patrice);' Mme Hori~ (la dame en deuil) abandonne, son

~nfant à l'étrangère (Léa). Ainsi, dans cette pièce, ,

l'innocence et l'impuissance de 11 enfance sont évoquées en

rapport avec l'amour. \

}
o
Led eu l,< i ème as p e ct deI' en f li n c'e r e pré sen té d à n s

Les Mystères est sa précocité. Les


trois enfants' qui
, . ,
apparaissent "ensemble sur la scène pro~vent que les jeux

dl enfants sont, au fond, l' imitat"ion. des rapports du monde


----- 1
.:.-:-
'.

adulte. Dans le cinquième tableau de l'IActe III, le

tr-oisième ,enfant joue 'à/l-a guerre mai~ tue réellement les

deux autres. \
Cet e~ 'ant eet le 'père
, d'uh colonel de

zouaves, phénomène il ogigue. Par extension, son action


, 1

!,
ne peut ~tre d'ord fil rationnel et le meurtre ,nè peut 1
,
1
1
~tre vu que comme ie résultat de l'i~it8tion spontanée,

i r"r é fIé chi e des ad u 1 tes. Cependant, ce jeu d'imitation B'

de graves conséquences.

La troisième allusion - à l'enfance dans cette, piè~e est

le désir ~e retourner à cet état d'innocence. Dans le

cinquième tableau, Léa exprime encor~ pOUl;' Patrice un souci

maternel ,quand, h,
\. .
l' eX'clamation: "Oh! ma chérie, que,vous

.
,
\

i
\

,',

a vez 'd e 9 r and e s den t s , ,II e Il e r é po n d : Il Cie st pOU r mie ux . vou 8

bercer, mon enfant." Cependant, cette


, '
,répliq~ej variante du
i
1
\ j

conte de fée Il Le. peti t chaperon rouge", est ambiguë: sur le

plan. moral, elle exprime Ir insincér.ité et la mauvaise foi de

l'adulte envers l'enfant.


Outre ce r"Ô'le maternel, Léa joue un r()le d'enfant.

Les rSles enfant-parent sont renversés quand elle demande è

Patrice de lui ,raoonter une histoire et c'est Patrice qui

tient le r'ôle de l'adulte. Cette ambivalence des r'ôles

atteste l'attrait de l'enfance comme abri contre la réalité


1
complexe et malsaine du monde adulte. Ces notions de 1
l'enfance et du r~ve comme états supérieur,s rappellent ! 1
l
(
l'influen~e surréaliste. / 1
Le
....
reve
'
a une fonction, double. D'une part, il 1
Il;
• , 1 j
l " représente un moyen de retourner à l'enfance, à l'innocence
l' 1l
et de comble,!' les désirs de, mat~rnité. D' autre part, il f
j
j
{'-' "représente la fuite devant la réalité et la mort' temporaire

de lj '~tre l'aisonnable. "Pour la première fois un r'@'ve ré,el

' fut réalisé sur Ile thé~tre" ( t • 2 , 52 ) , pro clame Artaud.


i
! 1 1
i\ les Mystères sont, en effet" un r~ve mais un
1
r~ve sombre et
,
mysté r ieux dans l eque l se \ matérialisent "l'inquiétude, la
;
double solitude, ,les ar'r-ières-pens~es criminelles et
.
Dans la tradition du
l'érotisme. des amants" (t.2,\ 52).
drame lunaire, l'ambiance des Mystères montre la stagnation

B~

1
1

c' èt la futilité. Cependant, ils n'incarnent pas les éléments

fan dEi men tau x du, d r am e. l un air eau m~m e d e gré, que Vic t 0 r

ou La Sonate. ..
Dans cette .,
pièc-e, le r~ve et"l'enfa'nce

symbol isent des réalités qui dépassent la réalité .


quoti- .
dienne et qui sont foncièrement similaires dans la
) ,

me sure où i l s évo.quent des éta ta où 1 a raison n' inte rv ient


1 1
pas.

Victor ou les enfants au pouvoir 'met en/~relief aussi


\
l'opposition enfant-adulte mais d'une manière plus nette que
\

les Mystèr'es. JCi, cependant, l'enfance n'est plus un état

d'impuissance-. Au contrair~, elle est'douée, d'une lucidité

étonnante qui effraye ,la logique étroite de l'esprit adulte.

C' ~ La ,métamorphose imprévue de Victor, sur le plan physi~~e et

spirituel, d'enfant modèle en enfant terrible, dépasse

l ' en t end em a nt. Victor es,t décrit comme "fou" par ses
J

parents et.. Lili (lesquels utilisent ce mot libremen-t), car

'-~--", B ~. • f ion 8 n e se conforment plus à 'la bienséance. ~t

Vicbor est fou, en '.effet, mals BU sens positif du mpt en


\

tant qu'il impli'que yne distsflciation par r,apport


"'à la
l'

réalÙé quotidienne.
l
Victor est supérieur aux adultes sur tous les plans.

Physiquem.~nt, il est plus grand qu'eux; il a un mètre

quat.re-ving~-un et continue à pousser. "Terriblemer:r~"

- 1

o
. Il
1

1
intelligent", m~me à l'âge de n,euf ans, il bouleverse les

autres par son esprit' fin et brillant • . Spirituellement, il

devi~nt de plus en plus lucide avec le déroulement Ide la


1

pièce. Il sai t dès l' Act e 1 l , sc è n e 4, qu' il:,!' a m0 u,r i r. '"

" Sui s - j e, l ' i ,n car, n a t ion d u vic e e t dur e m 0 r d s? • '.; 8 ' i 1 e n

est a i n si, plu t'3 t 1 a m0 r t que 1 e d é 8 ho n n e ur ..... ",2 Et à


,
.-
Ida Mortemart, l'incax:naj:ion de la mort, il avoue: " • • . Je
.
ne peux pas faire l'amour .•• AuBsi, avant de me quitter,

dites-moi ce que c'est. Je sais tout sauf cela. Et je ne

voud,rais p~~ mo~rir .•• n' est-ce pas,. on peut mourir à tout
\ . 1

ige.;.je ne voudrais 'pas mourir sans le savoir."l .


l '
1 1
Tandis' 'que Victor subit une' métamorphose radicale en
( "
quatre heures, les autres personnages en profitent peu,

Ils sont bou~eversés, certainement, mais i18 ne comprennent

pas la portée de son cpm,portement. "JLi~qu'au moment de la

mort de V,ietor, bien qu'il leur révèle qu'il comprend

"l~Uniqua~e", le secret de la' vie, ses parents croient


" \

enc'or,e qu'il a mal au ventre et le médecin le trait~ en

enfant. Les adultes de ce milieu bourgeois, sont pris dans

une cl~ture ~entale.


-
Les seuls moyens d'échapper à ce monde insupportable et\

"insensé" sont la folie ou la mort. La folie, cependant,

n'offre q~'un abri temporaire et la mort seule réprésente


l
,une sol u t ion Bd é q u Bt ~ • An toi n'e Mag ne a u i 1 ~ U 8 t r e cl e t te

"

"!

(1
. (

t.
tragédie. Fou, il appar t~ent à, une réal i té qui "est à l'a
ç 1

fois antérieure à la réalité consciente et qui va au-delà.


" ~,
1 f,

Selon 5ellin, Antoine "is touched with a sort/of divine

madness.,,4 Il man'ifeste une -lUCid.if0 qU,e seul' Vict~r


comprend et partage. Mais la folie ne lÎamène pas à la

paix qu'il,~ésire.
1
Paradoxalement, bien qu'en dehors de la
\

réalité empirique, il est ,contraint de faire face à l'image

vraie de cette réalité que lu~ impose sa lucidité. Et fa


mort, qu'il choisit volontairement en se s~icidant, est, son

dernier recours.
\
est le seul à ,comprendre la folie
l
"
1
d'Antoine, i l 'est le seul 'à reconnaît,re l'importance d' Ida

Mortemart. Tandis que les au.tres voient en elle cette


l
étr'angè~e "risj.ble, il comprend qu'e],le es't· l' incarna''tion
,1 '
deI a mq, r t e 't Iq u ' e Il e s y Ïn b 0 l i s e un e réa 1 i té me i Il e ur e et
,,

lucide. Ell e, r epré sente "l' ant i thèse profo nete et éterne Ile

entre l' asserv issement de.' notre état et de nOB fonctions

mBté'riell~s et notre qua'lité d" inte+ligences pures et, de


• Q

(t,2, 44), et témoigne 'de "l'intelligence et\

[de] la'! supériorité de l'autre 'monde" (ibid).

C ' est ce f a'n t -a in e qui 0' a p pre n d à Vic t 0 r c e qu' est


\' 1

l'amour, la seule chose qu'il ne s'ache pas. Vic,tor lui


''\ \

confiè qu 1 il est amoureux, mais il ne lui révèle pas de qui.

Sans doute est -ce d' 1 d·a et de ls mor t qu'elle symbol ise.
~ 1
(

c L'instinct sexuel de Victor et l'attrait qu'il éprouve pour


$
1
,
l'
1
!
lda symbolisent son union f1névitable avJti! la mort.

Ida Mortemart est ambiguë parce que "son état de


fan'tame de femme spi r itue llement cruc i fiée, lui procure la

lucidité des voyantes", et cependant '''elle l'eprés~nte la

douleur morale et l'empoisonnement de la' matière par son


pi r e
.
ca té" (t.. 2, 44). Il faut dp'nc conclure qu'elle

symbolise à la fois l'existence hl!Jnaine, présente et

pourrie, et un autre monde accessible ,par la mort. 1


! J

Tonelli remarque judicieusement:


1
QÙand on pense ,à la struc'ture, métaphorique 'de 1
la pièce où la v ie et la mort opèrent d'une faISan 1 w
équivalente, l'on çomprend qu'il s'agit du cycle
'éterne l, n aissance-mor t-renai 66anc e. 5
"'l-
U constate que le temps linéaire, est inexistant parce
, 1

que: \
1
/

/ ~ N' i,mporte qUE! 1 po int de cet te struc ture circulaire ,


,,
/~,,--- peut être commencement et-fin: .la mort de Victor, i
,.
. à la fin de la pièce, comme la mort ,des parents,
n'est nullement' un' dénouement ••• La structure
circulaire ••• est le moyen d'expression 1 cholsi par
l'artiste en vue dé mettre li vif un état d'esprit
profQ.J;ld, où, au-delà de la réalité objective, la
vie et la mort perdent' leur identité diBt~ncte.6
/

La ~ istinct ion enfant- adul te 8' estompe dans cette pHce'\ où

Victor incarne l'enfant et .l'adulte à la fois . Il subit


.
~ne métamorphose elt attei'nt l'intelligence adul te tout ~n
·1

Oh

O Il
"

,t
1 Q
1
",,,J
".
gardant la. précocité enfantine. Les r'Ôl es enfan t- adu1 te
,1

sant ,renversés et la pa,renté entre les personnages est tout


embrouillé e. (Esther t en choisissant Victor comme son
1

" p a pa", r en, i ~ 1a pat e r n it é d '.A n toi ne. ) Cette situation


\
illustre 1 a conf usion qui c aracté r 188 1 e monde c irc,ulaire
et clos dans lequel le jour de la naissance, comme symbole ,
c

de vie, rago i t u~e nouvelle d irnension, celle de symbole de


.
mort. 7

Victo'r meurt à 1';-ge de neuf ans parce qu'il atteint

8 apI e in e m.a t ur i t é e t 1 a con n 8 i S.8 li ne e • t 0 t al e Qe l B vie.


,
Il comprend tou't et 8a mort symbolise le comble de 80n 1 •

existence. Tonel11 obse~ve que, dans la pièce, "le jour '.


c:
1 "

diV i e se d "0 ub 1~e du j 0 ur d e m0 r t . E tir 8 n 9 e m0 me n~ t d e


t~ansi tion: l 'ttre meur t par r appo r t k ce qu' il ét~it jet
8 \ 1 •
avec lui meurt le monde qui l'entoure."
, , ;
En ce sens,
, '
la mort de Victor "t est pils tr agi que 0, • Par ~;

con'trasté,' le suicide de ses parents li, la fin de la piècce ,


Il

signi~ie fu~ilité
!

! j
le dése'spo;r et la de leur ext,stence.

Leur Q,lort est signe de la IIIaladie de la fa,~ille bourgeoise


• et; de la soci~té en gén~ral.
,)
les parenbs de Victor meurent l'
1.

de faib lssse e t' de veul erie. Ils souffrent d'impuissance


,,) ;,

face à la vie. 0 Par contre, Viéfor meurt à cause de la force


1
1

expl'Osive qui germait en ,1u1. f .,


, 1

, . ,.

o
9, ...
/
r
\

() f,
, 1
"'1
"
1 C L'a~biance de futilitl qui imprègne cette pièce ~
i
1

distingu1e le drame Illunaire grotesque. Elle manifeste un f


i
caracUre -de fatalité et de nihilisme(: les personnages se
,!
sont résignés 1t dès l'abord 11 leur 'destin de sorte que leu'r ,,
j
1
J
condition ne peut changer. ,1

'Y~e,ll~n
1
1
remarque: 1

Keepin'g in mind Jarry's mirror, we,( the specta-


tors of Victor, are reminded of our horridness not

- through the onl y sl ightl)' exaggerated behwv iour


of the adults, but through the extremely ~rotesque
exter ior,ization of Victor' s monumental intelli-
gence and the adults' lack 0 f comprehension of it
••• l n t hie . pla y ••• the D'ver - a Il par a d 0 )( i s t ha t
the adults, especially Thérèse, Emilie, snd
Charles, are 80 neutrsl their nothingness ia
actually made monstrous by comparison to Victoria

- precocious brillià~ce.9

Donc, 11 énoncé
-
dl Artauii:
.
" Ici no u a som mes en pl e fn e

ma g i e ete n pl e in e déc h é an c e hum a'i ne," p e u't 'a' a pp 1 i que r


11- 1

aux conditions de l~enfant et de l'ad,ulte, respective-

ment. Nous ~ommes en p}ein~ magie justement parce


1
/ ! 1

\
què 'ce sont les enfants qui détiennent le pouvoir.
"
-Oane cette pièc~, la lucidité qui caractérise l'enfance
" ,
, " et la folie les rapproohe de la mort, de la liberté

absolue~

Dan!3 Victor, l'adultère, amour funeste., est la cause

indirecte de la mort des personnages: . les


Antoine Magnea.u, .
, r... "/ Paumelle· et Victor. La' métamorphose de Victor a déj~
\

.. . '
, "

(J-
I

commencé quand nous le ren'controns, mais la découverte de


l'amour adul tère' de' Thérèse Magneau et de Charles Paumçlle

sert éle catalyseur dans i' évolution radicale ·de ce milieu

L'lfdultère ouvre la pqssibilité d'autres'


formes de corrùpt,ion dans l' amoûr, à l'occasion, l'inceste,

qui symbolise. la première dégradation dans 1& chatri,e

1 d'événemenfs qui va finir p~r la destruction inévitable


, • 1 il
des personnages engagés dans cette affaire.

.. L' adultère est vu comme un "crime" imposé pa'r le destin


.' ,
dans les relations hum'aines. La tragédie d' Andromaque qui,
obligée de trahir son mari, ou le souvenir' de son mari, est

évoquée par Victor quand i l dit à Thérèse: "


Je vous appelle "maman" dans mes r~ves. Quelque- ,
,\
fois j'entre dans votre salon, masqué, le revolver (

au poing, et je vous oblige à lire ce passa'ge de i


l'IliadEn 1
j,
Aie pitié de moi en souvenir de ton père,
car je suis plus à plaindre que lui. J'ai
; pris sur moi ce qu'aucun homme sur~la terre
~,
n'a jamais fai t, j'ai porté' à\ ma bouche la
main de celui qui a' tué mon enfant .10

'
/ 1
Andromaque est digne de pitié, en effet, parce que,"'Hector

mort, aon fils Astyanax tué, elle doit épouser l'ennemi,

Pyrrhus. ~ ~
Nous pouvons lH a b 1 r un Il! an a.l agi e v gue è nt r e \ /
j
l'adultère de Thérèse et .celui d'Andromaque. Etant donné

que son mari, Antoine, est fou, il peut 'S'tre considér~, à


1 1

toutes fins utiles, comme mort. Esther, sa f i'll e , a

o
'{lI 93 '
,
1
1

, .
c f ai~V se noye r en échappan't BU personnage effr ayant,
~
.1\
1 d'a '

Mor te mart • Ce Il e - c.i r e pré sen t e l a déc hé a n c e hum 8 i n e e t


1 ,•
" <

~'est que l'objectiv.ation supr'@mfl! de ce que l'adultère de \ ,


;

Thérèse et de Charles symbolise à une échelle plus petite.


1
J</!'O:
Par exteosion, on peut dÜ'e que le crime de Thérèse et de

Charles est la cause de la mort quasi inéluctable d'Esther.


Et malgré tout, 'Jhérèse aime Charles. Cette analogie des
/' ' .
situations d'Andromaque et de Thérèse i~pljque que peut-~tre

les personnages ne sont que des marionnettes dont / la vie 1


1
!.
est m8 n i p u 1 é e p'a r I e des tin • La faiblesse de Thérèse
~ ,
doit donc, ~tre comprise comme foncièrement hors de ~o~

contrSle.
F --
\ '
Le mythe de l' inceste est aussi évoqu~ dans cette
\

L' imita"tl.on ,
pièce, comme virtualité, sinon comme réalité.
Î
!
des jeux amoureux des adul tes par Esther et Victor s~gère 1
l

la possibilité d'une l"e'lation incestueuse entre les deux

cBr Esther est 118 demi-soeur de Victor. Mais ils ignorent 1


leur parenté et agissent sans culpabilité.
, Quand Charles, 1
exaspéré de l' at titud {de Victor, lui ré pond d' all er couc her

"avec Esther, avec ta mère, si tu veux", 'la possibilité


1
i
d' un doub le inc este ~t évoquée: avec la soeur et avec la'
'1
i
mère.

De m~ me que 'l 8,. sim i 1 i t u d e -e n, t r e l a con dit Ion


-..... J~~

dlAndr'omaque et celle de Thérèse implique le l'S'le du desti.n', .


Sl,

L
ce cas d' inc este v irtuel évoque la présence dës

forces supérieures. ,Etant/' donné qu'Esther et Victor'


ignorent leur parenté et sont donc 'innoc'ents de l'inceste,
,
on peut conclure que le "destin" est la source de l'anarchie

.
' qui a~flige ce foyer; l'institution familiale bourgeoise est
1
détruite ainsi que d'sutres in~titutions: le mariage, et ce

défenseur de l'ordre général': l'armée. Cependant, on peut


" .
interpréter l' intervention d~ dest'in de deux fa~ons; Les

actions des personnages 'sont IiIéterminées par des forces


"
qui 1 e u-r son tex té rie ure s e t qui é cha p pen t don c à leu r
,
con t r 'Ô le; cede st in peu tau s s-i ~ t r e vue 0 mme u'n e for c e
.
1
,
innée, intérieure qui1 est au-delà du domaine der ~e Volonté

consciente et qui dirige les personnages. Qans cette

,perspective, ne peut-on pas dire q'ue Le destin est en fait

dé ter min é par soi - ~~m e, par, l' in C-o n s cIe nt, p 8 rIa " volon té"

qui appart ient à l'" inconsc ient c'·osmique".


En con t 1 u s ion, 1 e' s li ici d e d" An toi n e e t des par e n t s

de Victor,' et la mor t nécessair e de Vic tor l.ui-m~me sont


a> 0

les résultats ~e.cet "inconscient cosmique". Le s suie ides


1
impliquent surtout la destruction de l '~tre présent en vue i
I-
d_e sa reconstruc tian. l
)

j
Jusqu'ici, nous avons examiné le thème de l'amour en 1,
conjonction avec le thème de l'enfance et surtout dans le

contexte de l'amour parental ou de l'àbsence de cet amour.


"""
1
"
l ,/
( 1 0

1
/ Dans les pièces mises en scène par Arta\Jd, l'amour se
l
~
1 1
mani~eate soli S ,t 0 u t e a "1 e a. for mes: ,comme ambU'I' pur et
"
chas.e nt re amants', comme dé sir sexue l no rmsl ou anormal

. (la débauche o'u llipceste), 'comme amour edultère, etc. Les

formes dégr8d~es de 11 amour pr,ovoquent la souffrance 80U8

ses formes. diverses: le doute, le 'remords, la jalousie,

etc., et constituent/la maladie de J'~tre.


"

Le t.h ème d e l a s 0 u f f r an c e \ dan s . l ' e x i ste ne e hum sin e

prédomine dSl1s Le Songe de Strindberg.\ 'Le monde se présente 1-


J 1

sous une forme dég:r;-adée et il" y a très. peu dl espoir de le

sauver ou de' le . sauver de sa bassesse. Dans la préface au

Songe' traduit en anglais par Arvid Paulson, ce dernier

soul igne que

life ••• ,is an illusion, s'n emptiness 'a8 bare '


as
the space behind the myster ious door: '-, 8 nothing-
nes!3; that our body is a hin,çjtance for UB in our
lofti er sspiratio ns ••• ; th at we are no t brought
into the world with evil, but that we are made
evil by contamination, by contact with life ••• ;
t Il a t, i t i s t h r 0 u 9 h P h Y8 i cal 1 a v eth 8 t sin and /

death have come into being}l


•• ,
Et dans sbn compte rénd~ du Songe, Artaud remarque: el
,j
<
le registre des s~ntiments ••• e~t infini. On y ,J
retrouve à 18 foia le dedans et le dehors dt une
pensée multiple' et frémissante. les plus ha'rlts
problèmes y sont' représentés, évoqués en une
forme concrète en m~me temps et mystérieLJse.
C' Jst v rsiment l' univer'sal i té de l' espr i t et de
la v ie dont le fr is,sonnement magnétique 'nous est
off e rte, t n 0 use mp 0 i g ne dan ale 8 e n s den 0 t ~ e
\ '

,·0 ."
1 _

c humani,té la plus
o
précise et la plus féconde.
(t.2, 40)

La corrupt'ion de l' amour ~pparatt comme un thème plu.s


-,
, cou ra nt dan sIe s a e'ù v r e s duT hé th e Al f r e d 'J arr y et du

Thé~tre de _la Cruauté que le thème de 1 ',amour idéal. En

fait, l'amour chaste et fidèle 'est une chimère, par con-

traste avec la réali té de l'amour dégradé. Dans Le Songe,

l'illusion' de l'JilmoLlr pur est brisé~ ~ un moment donné, au

'ni a i n é pou r I e s s p'e c t a t e urs, sin 0 n pou r I e sam 0 ure u x •


.' L ' Of fi cie r , am ou r eux d e Vic t 0 r ~ a d e pu i s t 0U j 0 urs, l' a t te n d

fidèlement à la 'èortie de l'Opéra mais elle ne vient

jamais à "sa rencont~\e. Vieillissant dans l'attente;' il ne

désespère jamais. Finalement,/quand il revoit Victoria


c' avec son amant, il n~ ressent aucune rancoeur parce qu'il
~I

<

ne peut ttre heureux quand ~lle souffre; p'ourtant, 'de, son


c~t~, malgré ses ac~omplissements, l'Off icier souffre ,de
: Il
, Il n~avoir jamais eu sa bien-aimée, · t orla.
VIC . 12 Et ces
'-'
amants qui étaient heureux avant de débarql;ler, sur l'ile de

la Qua ra n' ta in e , \ co mm'e n c e n t à Ber é p r i man der. . Qua nt à


.
l'amour idéal
'
d'Agnès et de l'avocat, plus i}s sont pauvres,

plus cet idéal se dégrade.. L ' ev 0 C lil t r'e ma r que '. a p r è s 1e ,


~
1
dépar t d'Agnès: !
i l,
l' Je retourne à mon enfe" précédent. •• Ce qui fait
tout de m~me une sacrée diminution de' ,peine ••• Le
mariage étai t p~rle par la douceur promiSe, o~ 1 t on
1
.,
, ,

l f
n'arrivait jamais, mais .qui vous faisait croire
que la douceur existe ••• Le dernier cycle de
}.' enfer' doit avoir vue, ~ue dia-je vue, panorama
'
sur 1 e para d lS. 13

1 \
Mais le paradis désiré n'est pas réalisé par,l'amour.
IV
Bien que Le Songe atteste le désespoir et la futilité
\
de l'existence humaine malade, i l contient parfois queloques
,
promesses d'amélioration de la condition humaine. En fait,
1

'le caractère onirique de la pièc\e impose un changement


1

constant 'de personnages, de mi1:i,eu et d'ambiance.' Para-


'V
'. doxalement, ce mouvement, qui dévoile les aapects différents l

de l'ttre humain, révèle ai fond un· mécontentement res~enti


.. ..,,--
par tout le monde et le caractère destructeur inhérent. à

l'~tre humain. Mais cette insatisfaêtion est démentie


parfois par la com·pass"ion de quel~ues personria~6~--Jl'a , ;

(
portière qui
, \
sert de "conscience" à tout le monde - elle .
,
écoute les problèmes de tout le monde de. sorte que le joug

de leurs peines et de leurs douleurs est transféré sur ses,·


,
épaules, symbC;;lisées littératement ici par son chile pesant;

1 ' 0 f fic i e r qui, eu


Ci'
é~ r d à 1 a con s tan c e des 0 n am 0 ur,
• 1
i
-~

i
pardonne à son "amante" infidèle, Victoria.

La clgtuTe de l'existence est re'présentée par


1
l'invariabilité de la condition humaine. Rien~ 'ne change

"dan~ la v.i'e ~t tout continue à suivre la m~e v'oie c'lrcu-

l'
/

(
.. ~;,,~ ......_.,.-
' 0 - ••

,~

Irl
~ \(
\
-fi
J
7
.
C lait/e. L'Officier personn i fie cette immobi 1 i té spirituelle:
il enseignera en r8b~chant aux autres, jusqu'à sa mort, 'i
" 1 ~ 1 ~
ce qu' 0 n lui a li p P ris pen d a ~ tao n e n·f a n ce; i les' t. un !
l,

d~ ces p e r a 0 n n age s ' qui i Il u, s , r e r) t '1 a ré p é t i t ion d e le

vie.

tette répétition est ,repré~entée par la métaphore du


r~ve. Mais le r~ve n' esf pas toujours un cauchemar et offre
\' parfoi~ une, tr~ve ~ la réalité oppress.ary.te. Cet~e pièce" o •
" 1

ob j ecU va ti0r' du 'r~v e, donne l' eap,o ir cl' un e réal ité . mo ins D

,1
pesante et adlnet la poss'ibilité de la guérison d'une société
, -
malade. 1\
,
Comme Le Songe, La Sonate des spectreé est une pièce
"

( dans. la tradition lunaire et se· caractérise par sa qualité 1


'onirique. Dans son projet de .mise en scène, pour,La S~nete',.
'-"'l!
Ar te ud constate:
1

El1 e a pp 0 rte 1 e sen t i men t d '..u n que l que c h 0 se


qui ••• participe d'une certaine réalité intérieure
, ... Elle ne manifeste rien que de connu, quoique
d'enfoui et de détourné. Le réel et l'irréel s'y
/ m~lent comme dans le cerveau d'u'n homme en train
de s'endormir, ou qui se· réveille touLà coup
s'étant trompé de c'Sté 0' <,

Tout ce qu'elle révèle, nous l'avons vécu,


r;vé, mais oublié. (t.2, 127)
. i\
Selon SelliIT, "the mummification of the male st' the
. 14
hsnds of the female i 8 the p~rsiste,nt crushing theme. ft

C'est:'lI-dire que les personn,ages se. montlrent vivants et

1 \
__ 4 __ ~ . . _~~ _ _ --- \~
.. ~~ ~ ,~ ! ~-G .,,-....\ .~)

.. . 1
\'
'/
'
\'"
l'

e ",ort s' à la fo i s ~ )cette image de la mom.i fic a t ion est

proje té,~ dans' tout l'oeuvre d'Artaud et est évoquée surtout


dans ,<
le recueil. A,rtaud le M'b'mo. Les 'êtres décrits dans

1a p i.è c e me ure n t par c e qu' i l s mpnqljent de nourriture'


"
spirituelle et matirielJ.J.·
\
Hummel, le vieillard puissant, contrS'le la vie des

autres pe~sonnages jusqu'à sa propre déf~ite par la' mo~ie

qui dévoile son passé' criminel. La folie et les attributs

automatiques de l~ montie sont'-ensuite transférés ~ Hummel '1

qui quitte la scène afin de se pendre dahs le placard


'" 1
1 1 précé.demment occupé par la momie. Après sa mort, cependan't" 1
~
l' oppre'ssion' ne s'arrête', pas. Hummel est rempl-ecé par le
,
cuisinier qui, aO lieu de les nOl.!rrir,,...l'es prive de tout

aliment. Sellin remarque que cefte soumission perpétuelle- . 1

est peut-'être caractéristique de la condition Dumaine et

qu'on peut conclure que "the mortal sfckness pervading the


1
play i8 universal and is merely exter.iorized in Hu~mel and

(
th en

tion
in the cook. "15

graduelle
.. La Sonate expose donc la décomposi-

de l''être et de la vie humaine tout en


1

soul ignant l'absence d'issue hors de ce monde circulaire.


i ~
, ~ 1
L a- pre ,6 cie n c e d-' Ar ken h 0 l t z et· d e Hum me 1 se r t à
é
illustrer davantage la c.1Sture de l'existence dans laquelle

les notions de temps et d'espace sont embrouillées.


1 ~

'A r ~e n h 0 l, t z \\ p ~ ut p e r c e v 0 i r 1(; 1 ait Hl r e e t 1 e con sul qui,


" .

100
1

-- --~--_
" -_;li.. . .
......... "'~I... < ••• ~".
1

[
i
'j

quoique morts, répèt~nt des actlvités quotidiennes aux-

quelles,' viva~ts, ils se livraient. Dans une note sur ~

Son 9 e, qui SI a p pl fq u e égal e men t à LaSo n a te, St r in d ber 9

écrit:

In this dreamplay ••• the' Author 1


hs's sought. to
reproduce the disconnected but apparently logical
form of ,8 dream. Anything c an happe n; everything
i s possibl e and pr Dbab~ e. ' Time and space do npt
ex1Bt; on a slight groundwork of reality, imagin'a-
tion spins and. weaves new patterns made uP. of
memor!-e s, e xper iences, unfet tered fanc ies, sbsur-
dities and impro~isations.16

Lam~ me am b i an c e 0 n i r i que e x i /8 t e d sn 8 L a Son a te, et 1e

sentiment d'un monde, intangible, irréel, qui se déploie


,
1
devant nos yeux, domine la pièce.
1
t Ct~ , \
\
! \
1
\
J

f,,
1
·"v
o
l,

""1

1
v

10 (

\ ' ,
1

.. '

Notes
(

lRoger Vitrac, Les Mystères de l'amour" et Viétor ou


les enfants au pouvoir in .Thé'ttre, t.2 et t.l respectivement
(Paria: Gallimard, 1946-64). .
2 .
Vitrac, 'Victot!,' II, i~, p.44.

3 ibid ., II, vi, p.54.


" 4Se11in, p.70.

5Tonel1~, p.74.

6'b'd
l. 1 . , p.74.

,
'. 7 ibid ., p.69.
t

\
l~
1 8'b'd
l. 1 . , p.68.
.i

~ , ,

,,
1
f
!
9Sellin, p.70.

10Vitrac, Victor, II, U, p.41.


- J

,
t 1 \
11August Strindberg, Préface, \ A Dream Play in Eight 1
i
Expressionist Plays par Arvid Pau1son, pp.339-3~O.
~ , "
12 Au gus teS tri n d b e'r 9 , LeS 0 n Q e 0 u Jeu d e r~v e s i n
T h étt r e, t. 5 ( Par i
s : L'A r che,, 1960), p • 62 • 1
1.3 . .
ibid., p.51.
14Sellin, p.67.
\\
15ib~d •. , p.68.
16Strindberg, A Dream ~lay,. p.343.
.)
l '.
\
\

102
/
..

Chapitre Ill: Le Thé~tre de la Cpuauté

.
Dans Les Cenei, pièce du Ihéitre de la Cruaut,é, l'amour
,
se manifeste encore plus corrompu que dans les autres

pièces, vu qU'il conduit au viol. Cenci désire sa fille,


~1
,
Béatrice, plus qu'il ne l'E\ime. • Le thème de l'inceste dans

cette pièce ne dérive pas tant du mythe d'Oedipe que de

ce 1 \Ji de Kronos. Le mythe de Kronos t raite de la mensc e de'

révolte des, enfants" qui' hante le père; celui-ci s' acharne ~


( ~ ,\
l
. pouvoir
les détruire ou à minimiser leur . par tous les moyens ,;, 1'
Il1
"
po 8 S i b les. Kra no s a a val é ses en fan ta a fin élr.e~=;r~éF.6~o~u~dF.r~ef=----~=~==

son problème. Cenci arrange le meurtre de ses fils en se


~.

(
" .: ré j ouiss ant ouvertement de leur mort.
, ,!'
Il croit qu'il n'y.B
,-

"pas de rapports humains possibles entre les ~tres Qui ne


"
sont nés que pour se' substituer l'un à l'autre et qui
"...
\ 1
,
brulent de se dévorer (c'e"st nous qui 80uligno'ns)" (t.4,

218). Cette description renvoie à deux images: l,e conflit

1 ~nné ~ntre .les hommes et leur/ soif de pouvoir; le mythe de


1 •
1
1
Kronos.
\ :
Le, v i a 1 d e Béa tri c e ,P a' r C" e n cie s t f 0 n c iè rem e nt·

l'express ion de la. ha ine qu'il nourrit contre ~11e et de la


':' Il
.mort qu'il désire p~ur elle. Quand il la v.lole, 1 '~me et le
,
co rps de Béatr ice s'av Hissent de sor te e!le est ind igne

s e ~ pro pre sye! x . e tau x yeu x d'e 1 a soc i été: \


QU'
. i
\
à Le cri me

(J '"
103
.1
• r

\ .

,
commis par Cenci est dbnc signif'icatif sur ~lusieurs plans':

c'est la satisfaction de aon désir sexuel perverti; c'est le·'

meurtr'e symbolique (qui engen~rera plus tard le "meurtre"


r-
j
1 • 1
',. ~
rée 1) de Béa tri ce; cie a t son dé fi a'r r 0 9 a n t aux moeurl[i J

socialés. ,,1

Ce vil désir, traduit en acte a<flti-soci~l,' eh-tratne 1.a

fo.1ie

e~cel~lence
et 1 a mort.

.. comprenant' les
\
L e s Ce n c i e s t
0\ ' J

.
caractéristiques de. l'action
lin d r am e a 0 1 air e par

êt.
-_.-r
-
41
de la révolte contre les dieux et contre tous les systèmes."

Cenci est un tyran exécrable dont les actes violents ~ont


~====~=-- ----
inspirés du désir de tout domine=r ou de tout détruire.
, ,

L'amour dans Les- Cenci est un amour dégradé qui détruit


~

tous les membres de cette 1 famille. Tout au début de la

pi è c e q Ce n c l se r éj 0 ui t car ses ." f i l s dés 0 b é i 5 san t s e t

rebelles sont morts" (tr.4, 203). A cause de la malveillance


1
de Cenci, Giacomo, un autre fils, est "cocu e,t roulé" aux

yeux de sa femme. L ' hé r it age' q u e/ lui l è gue Ce nci est "1 e

mé Pris qui en 9 end r e l~ h ai ne" (t •4, 22 6 ) • M~me l a femme


..
de Cenci; Lucrét ia, e st condamnée
~
à mort -parce qu'elle
r
a

conw-±ré contre lui.-Seul Bernardp-, l ''être féminisé, est


~ ,,) 0 •

sauvé (à cause Ci e sa j eunesse '~t de 80n innocence, dit-on).


/'
L ' in jus tic e 'd e - l ' a ct ion de Ce n ci' e a t \ mis e en cau sep a r

1 Lucrétia q_uand elle prot~ste: "Y a-t-il une loi qui com-

mande aux pères de dévorer ce qu'ils ont cré~ et aux fils d~

'c·,
101Ç
1
1
(
APr:ès av"oir été violé~, Béatrice, dl!li,rante," apprend
~;1- 1

à Lucrétia:' " Je sai s ri! il i n t e n,a nt ce Que / sou f f r en t 1 es


'aliénés./La folie, c'est comme la mort. Je suis l morte, e):

mOlli ime, qui s'acharne à vivre, n'arrive pas à se délivrer ll


,
,
l,
(t.4, 235). Béatrice parle de la momification de f~'~tre qui
car a ct é ri Be 1,-' al i é né. I l e's t m0 r t,
,
mai s il con tin u e à
,

vivre. Il yit mort et ses actions sont automEltiques,


1

dépourvues de sentiment humain." Naomi Greene décrit le cas


, (
Artaud en disant:

Artaud's, ~ouble sense of alienation - From self


and From reality - leads to the conviction that
he ia- rémoved from, life even whHe he remains
( " aware of i t. He lik~ns h imsel f to a mummy which
o . i6 dead, but l which is 'preserved in 6uch a wa'y that
"
it cOl)tinues to Illive ll • 1 '

- Greene fait- allusion à "La to;~espondance de la


,
~omie" dans J
1. \

laquelle la " fol i e " d " Art au d s' 11- P par en t e


\
à c-et état de

momi fic ation •


.. La 'm~me

quand elle parle de son ~tre et de aon esprit après le viol.


anal og ie eat évoqu~e par Béatrice

\ . "J >',' L' é non c é de Béa tri c e Cc i té, c i - des sua) é ta b lit Il ne
'. 1 \,
t.-p r r"e S p 0 n dan cee n t e fol i e El t 1 a mo~:t, pu i a qu' e 11 e s
\ ..... _~/
"" ' fl
a'opp,Psent ici à rationnelle. La foI.J.e· est si tuée
\
y' ,
à mi-chemin ent la vie et la mort mais elle S"I approch~

~1
/~ '1'"

pl us de 1 a mort, qui soulag"B.


' 1
~ 1

1
o r~ ,

.
0,
"'1 ' \
1 \105"

,:
1 •

. ,

1 C·,'"
t
En 'grand désarroi';' Béa'trice décrit "un r'ê've qui lui
"
revenait toutes les nuits p~nda,flt -13on enfance. uri monstre
. 1j
~r ~

qui respire .à c~té" d'elle se colle à elle et la pourchasse


(
. .

de,. cave en cave dans son "aveug 1 ante, nudité". Elle a faim

et soi f et, e Il e_ e ~ s a y e der e t r 0 u ver l a I u mi ère, car e Il e

sent que Steule ~la lumière ,va


, lui permettre de se rassasier
(t. 4, 236-237). Béatrice déclare \ Lucrétia que- S'on "r~ve

est étrangement effa,cé" dapuis le jour où son père l'a

violée. 'Ce'l r~ve effraY!lnt est ainsi devenu une réalité

horrible et l'éveil n'adoucit


1
~as la crainte du monstre qui
, 1

la désire.' 'Béatrice est c,onsciente du huis cros dans lequel,


,
elle'est prise quand elle dit:

Que ne pu i s - j e cr air e que j' a i r~v é, que mon


rtve d'enfant m'a reprise, et qu'un~ porte où l'on
va frapper en s'ouvrant viendra me redire qu'il
est temps de me réveiller. (t.4, 237)
..
,
Dan s sap réf ace a,u Son 9 e,. 5 tri n d ber g exp l i que 1. a na t ure

double du r~ve et de l'éveil:


1 ,
;
Sleep, the liberator, often appears as a tormen-
tor ••. but whe,n theagony is most oppressive the
1
awakening rescues the sufferer'and reconcilea him ,\,]
.~.
l'

to reality.2 .!
1 j

l
i
St r·i n db erg Bug 9 ère que l' a l t~ r n,a n cee nt r e l e r~v e . et la
1
1 réa lit é e s' t née e s sai r e pou r I ' h a r mon i e et l' é qui lib r e

spiribJels(de l'~re. Dans le cas de


,
Béat"rice, il n'y a
) \
1

,. ,
1
.. "f --~~_ ........- - ..... I--~ - - -
Î

1
1

f\
"

1
l
c plu s de dis ~ 'C t ion en t r ~ l e r~v e et la r pal i té; il n' y a

" que la ré'à1ité du cauchemar vécu. La "folie" passagère

"tlt la réSlll~tion "folle" de Béatrice de tuer son pè.re

trahissent la précarité de sa situaiion •


• 1

Béatrice " est vi~time d'un outrage physique et spirituel

qui cause une sorte de déviation de son caractère: et l'amène



inéluçtablemenf à la mort réelle. Tout au début de la
, 1

pièce, elle est incertaine des intentions de son père, ~

mais elle le craint instinct i vernent. Après son viol, elle

de v i ~ n t u n ~t r e dé li r a nt, a bat t u qui ré 9 r e s s e jus qu'à


1

l'enfance à la recherche de la sé~urité du r~e. Q


Elle est

impure (Cenci l'a souillée) et elle n'est plus digne de

faire partie de la société. Ens u i te, ,e Il e s 1 a cha r n e à

détruire la spuree de son impureté: son père . Ironique-



ment, l' ~ssassina/t cie Cenci suscite la condamnation à

mort de Béatrice par le pape (le chef de cette société



patriarcale). Sa mort cependant nlest pas tant la décision

du tribunal' qu'elle n'est la volo,..té de Béatrice elle-m~me.

Elle sccepte le crime', dit-elle, mais elle nie la' culpa-


..
bilité i(t.4, 266).1 Sa 'détermination à tuer Cenci malgré les
,-
conséquences de son acte et son obstination à subir le
1-

s u p pli c e d e 1~ r 0 ue peu ven t ~t r e con s i d é rée s c 0 mme un


!Q
su'icide volont,aire de sa, part. En d'autres termes, .el1~ se • 1

laisse "mourir parce qu'elle qr?it que sellie la mort peut

Q ""
, j

! ,

purifier et délivrer son ~me de son corps slali.


Le mythe des Cencl est une tragédie et non un drame, .~'
"
"car ici les hommes sont plus que des hommes, s'il~ ne sont
1
pas encore des dieux," selon l'articl~ "Ce qu~ sera la
tragédie les Cenci aux Folies-Wagram" (t. 5, 48) d'Artaud. l'r
'1

"Ni ni coupables, " dit-il,


1
"ils sont soumis à .,
-
la amoralité essentielle que ces dleux des Mystères
an ues d'oLl est sortie toute tragédie" (ibid).
.., , ,
La sig nif i 'c a t ion de la mort de Béatrice est donc
"

A.
ambiguë: "Tout meurt, parce qu~
le monde bruIe, incertain
1
, ....
entre le mal et le bien. Ni ,Dieu,
, ni l'homme,1 ni aucun pes
pouvoirs qui dominent ce que l'on appelle notr~ destin,
n'ont' ch'oisi entre le mal et le bien."' "Je meurs et je n'ai
pas choisi," déclare-t-elle Ct.4, 270). Le destin de

" , , l'homme est arbitraire et m~me anarchique parce que l'exis-


tence humaine n'est pas soumise à une justice ~éteFminée et
fixe. Béatrice craint finalement en mourant de ne pas'
.
trouver la paix qu'elle
, souhaite et elle redoute que la mort
ne soi t
1

m'assurer q~e,
EIl e r.: "
qu' une e )( t ,e n 8 ion deI a vie,
, i n jus tic e .
sou mis e à 1 B m~m e
Que 1 est cel u i
là-bas, je ne retrouverai pas mon père./Cette
qui, pou r,r a

• •
idée rend 11!~ mort plus amère./Car j'ai peur qùe "la nrort .ne
m'9pp~enne/que j'ai fini par lui ~essembler" (t.4, 271). ta
c~uauté supr~me réside dans le fait q~e ce monde est en
1
o 1.

",
! ,
i
)

J
?
/
vérité circulaire et clos et qu'il nJa pas d'issue.-
1
Cette 'relation ambiguë entre la mort, et la vie e\t

expliqué'e dans le ",Projet de mise en scène pour La Sonate

des spect res d' Augu ste St r in dberg •. "' Artaud écrit que "toute.
.-
• 1

4C' 1 ~
la pièce e~t comme u~ monde fermé autour duquel la vie
) 1

.circulaire est arrêtée par une brisure nette" (t.2, 129).

" , n'y a au fond de 'délivranpe que dans ta mort


••• La pi~ee finit sur cette pensée bouddhique qui
e st d ~I.a i Il e ur s un e d e se s ta r es. Mai s c ' est
"'1 \ aussi ce qur peut la re~dre claire à cette pirtie
du' public à qui l'inconscient pur ferait pe!,!r.
(t.2, 130-131)
1

La notion "cruelle" de la mort exposée dans Les Cenci, piète


1

du traduit le sentiment d'Artaud lui-

m~me • en fa i t , l' a c c è s a u· n i r v ë n a

bouddhi une ,étape dans l'existence


,1
oD r e/ f air e p h Y8 i que men t 'e t
\
,spiri tuellement afin deI continuer la prochaine étape - 8a
1
renaissance. Cet te idée e st pl us exp 1 icite d ans' les poèmes
1
1

d'Artaud écrits après 80n séjour à Rodez et.ce sera'un des

thèmes fondamentaux de Pour en finir avec le jugement de

dieu.

Le scénario de La Conqu~te du Mexique, premier projet

du Théttre der la Cruauté, esquisse les conflits entre les

colonisateurs et
'" Cependant, ce conflit, en

109
/

, ,
'. "",,,,---,,", ... ... ,
~
"
1
,
a •
1
c a p par en cep 0 1 i t i que , é con 0 mi que et soc i al, c '0 mpre n d u 1:1, ~
~
f
~
)

,
j •
~ . f
pr~blème p1us vaste qui est hor's de la réalit'é quotidienne 1
!
"
i n div i 'd u a 1 i 8 0
te. C ' est une lut t\e qui \ e mb ras s e et'

l' inconsc ient le pl"us profond et le cosmos le plus vaste;

en d'autres termes, "l'infini dedans"le~ "l'infini dehors".

Ell e se dép loi ~ dans une ma r é-e des a n 9 e t 1 d.e v1i (, 1 en cee t

l ' ho mme est l a vic t i me in vol 0 n,t fi ire des for ces h i st 0 r i q ué s

et métaphysiques.

Comme nous l'avons dé j à ind iqué, La Congu~te e st un


,
drame solaire qui 1 incarne la révolte sanglante, l'éruption

du mal et la cruauté qui caractérise Le défi métaphysique.


l,
\
Ces c é n a rio i Il u s·t r e l e s t rai t s de" li 9 h t, a c t ion and

outburst,,3 qui sont des aspects actifs et positifs appar-

tenant au ~omaine du drame solaire.

La lutte pour le pouvoir est. uO'::'i',/manifestation de

l'esprit malade de l'homme occidental, {equel éclate en

pleine force dans la guerre. Cette pièce "mettra en scène


JO' .J
de~ événements et non des hommes," écrit Artaud dans le
\ . deuxième manifeste du Thé~tre 'de \le Crùauté, et traite d'un
"
l - .
sujet d'actualité dont les problèmes ont un . "intér'8't vital
,
pou r liE u r 0 pee t pou r lem 0 n de" (t. 4, 151).
1
Lés i h,è mes' i
j
dialectiques sont foncièrement ceux de la culture occi- j
,
}
dentale en contraste avec un~ culture natùrelle: le î

i
christianisme s'oppose PU paganisme; "la tyrannie anarchique
1
l
110
1
\ ,' \
"

[1

(
des colonisateurs" è l "la profonde harmonie ",orale des

futurs colonisés"; la révolution actuelle à la Révolution

qui Il é ta i t de p u i sIe sor i g fn e s .a c co mpli e " ; ", " les 1 ut tes

intérie~\re8 de Montézu.ma" à la révolte (physique) du -peuple

COrl'tre le destin; la supér,iorité de certaines races Bur

d'autres. "

La victoire des colonisateurs ne signifie pas la fin,


/"

des problèmes. Àrtaud é~rit:

Les a r mes 't 0 mbée s ., 1 e s sen t i men t s de!' u x e


apparaissent. Non les passions dramatiques de
tant de batailles, mais des sentiments calculés,
un drame savamment ourdi, où pour la première
fois dans le spectacle se manifestera la t~te
d'une femme. \
·, -./' - 1
( Et comme con de tout ,cela, c' es't aussi le !
temps des ,maladies • . (t.S" 28)

La débauche inévitable est analogue à une m~ladie qui couve

depuis longtemps, é'c1atant finalement dans un vioient accès

de ,fièvre. La débauche est ainsi plus significative que la

~évolte physique, parce qu'elle représente le mal permanent,


, ,. t ...

'il
t Sfl dis que l a ré" 0 lut ion 0 u 1a gue r r e n e Bon t que des

démons~rations particul ières de ce mal,. Dans La Congutte,

la Civ il isa tion européenne se car acU r i se Plar - le lux e et


\ , [
,.. , "'l'-
l'av ilissemenvoD meme l'amour eet entra~né. Par contraste,
J!
la civilisation aztèque est considérée dans ce qu'elle a "de
j
, 6
t moral et de p~of~ndément ,purificateur" (t.S, 22).

ll~
\
;

(]
Le scénario p' Artaud fait constamment allusion li la

nature, évoquant ainsi. son imp,ortance. Le spectacle qu'il

décrit est rev~tu d'une forme rituelle qui donne du Rrimitif


~
,
et du naturel une ~mage favor'able; par co~raste, la

civilisation européenne est vue dans une pers~ective qui la

co n'damne. Les effets techniques esquissés dans La C~ngu~te


, 1

.expriment lia correspondllnce entre' les forces de la Nature


\

et la nature humaine. Cette pièce semble ~tre la dràmatisa-

tion de la culture primitive païenne de l'Indien tarahumaran


\
et correspond à la conception d'Artaud d'un thé~tre
magique.

La Congu~te évoque la ,notion du destin,. cette force ,p

s u p é rie ure d e l · uni ver s. qui d i r ~ gel ' h 0 mm e dan ~ a vie

quotidienne. Le destin est, en fai t, anarchique parce que


,d
J
son "ordre" s'impose au hasard. Tout le monde est assujetti

à ses pouvoirs, m'8'me Montézuma. Le conflit intérfeur de

Montézuma, ,sa "discussi~n" avec le destin, sont object'ivés

sur la scène dans une manifestation "magique" du double et


1

des passions humaines. "L'espace scénique est comme gavé

d'une mosalque criailJante o~ soi~ des hommes, soit des


1 1
l
troupes compa~tes aux unités c~llées membre li membre se 1
!,
,
heurtent frénétiquement" 1t.5, 27). i
i
La révélation des conflits humains. dans cette pièce
\ \
incarne la cruauté' dans les deux sens du mot: violence '~

, r

112
/

physiqu.e • au sens accepté ., et rigueur nécessaire - au sens


d'Artaud. Devant la représentation des forces antinomiques

de la vie, et de la laideur et de la dégénérescence de la

vie humaine, l
le spectateur doit nécessairement éprouver une
,

prise d~ ~onscience, passer par une ,catharsis. , ILa Con9~te

est le double de la vie, de la Jie actuelle et e:lle appar-


tient a,u thé~tre magique qu'est 'l'e. Thé~tre de la Cruauté.

Selon"Artaud,. sa "conception plastique, palpable et spatiale

du thé'Êl"tre y a'pparal":, de fagon parfaite" (I t . 4, 140).


,
;

j
( )
1
1
-j
. /

.
Î

o
11"3

-........... ~~-_._\~ --_ ......---...._---~----


(Cil)

Notes
.,;

INaomi Greene, Antonin Artaud: Pqet without Words


York: Sjimon and Schuster, 192J), p.80.

2Strindberg, A Dream Play, ~.343.

'Sellin, p.ll.
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Troisième Part ie : ,Poésie 1,


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Chapitre 1: Les Obsessions

L'oeuvre d'Artaud comporte' des lettres, des poèmes, dea

essais, des comptes rendus, des scénarios, des 'pièces et des

mises en ·scène. Toutes ces' formes d' ,expression portènt le

sceau de son art. Que ses


,
écrits fussent produits
. au début

de sa "carrière" ou ~
.
Is Yin de sa vie, ils manifestent les
\

m~mes thèmes, les m-a-mes im'ages, voire les m~mes obsessions.

Bi en en te n du, ces t h"è mé s ~ e t c e sim age 8 ne r est e n t pas

exactement
\
pareils,
, mais quoiqu'ils varient, ils
1
sont au

fond les m~mes. Notre thèse vise à faire valoir cette

constatation en étudiant b
un échantillonnage de textes
, \,
appartenant aux différentes époques de la carrière d'Artau~.

La poésfe fut un des premiers modes d'expression


, a;
utilisés par Artaud et ce sont ses poèmes qu'il essaie de

faire publier psr la Nouvelle Revue Fr~n~aise. En ~ffet, la


r
i
1 j
,- premiè're oeuvre écrite par Artaud et publiée par la N.R.F.

fut 1 a Correspondance avec J acgues Riv l'ère, qui' .e xpr ime 1 a


\
,'
aouffrance physique et mentale de l~écrivain. Cette corres-

pondance eet essentielle à la c~mprérension de l'81iénation~


1
J d'Artaud et de la' nsture dOUb~e de son o,uvre. Dans le tome

J 1 des Oeuvres complètes d'Artaud, publiées par la N.R.F., la


1
Correspo~dsnce prend pIac; avant ses poèmes (l'Ombilic des
iimbes, le Pèse-nerfs,
, Fragments d'un Journal d'Enfer, L'Art

(
1
(

et la mort" etc. ) en guise d'avant-propos ou I\de préface.


Ces poèmes furent écrits ou publié 8 entre 1
1925 et 1929 et

1 marque fit 88 première réussite comme poète. of

~,

L'Ombilic des limbes et Le Pèse-nerfs sont des recue i l s

de poèmes, de poèmes en prose- ou de lettres qui expriment

la soyffrançe mentale ~t physiqu~ d'Artaud. Ces textes

exUriori~ent le, problèili$,~intime d'Artaud 1ui-m~me et le


, )
lecteur est conscient de la,présence constante d'un "je'" qui
, \
é pro u v e , p ers 0 n n e Il e men t , des déc h i r e1IIe nl s dé l' t t r e •
\.
Dans Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, Artaud

décrit la vie d'Héliogabale, p~rBonnage historique~ en


juxtaposant les commentaires factuels des historiens' à sa ~

propre narration des événements. Ce ____ poème, écrit en 1934,


\
déc rit, à l'e t roi si ème p e'r son ne, l a vie d' un p'e r son n age

Qui est n'autre Qu'Artaud lui-m~me.

Le texte' radio~honiQue Pour en finir avec le jugement


)
! de dieu, con~u en 1947, ,est peut-'.hre 1\:! dernier de ses
\ , .
!.
1 écrits ~ui soit de 'la poésie et du théi"tre
1
~ l'a fois.
r

î
i I l mOanifeste le désir d'Artaud d'un nouveau corps, d'un

1, n'ouveau langage~, d~un nouvea-u th'é'â'tre. En pr'Sn an t un


, \ \
1, nouveau corps "sans organes", Artaud exprime le besoin d'un
,1
renouvel1eme'nt de sa propre personne, don~, ete son "moi".
!! ~,

! Cependant, ce corps neuf ne ser8i~ plus un simple "je:,


i
mais ce qui s'approcherait d'une troisième personne, "il",
1
(1
Ill"]
,1 /

/
1 ~(J
f
i
c'est-à-~ire une Butre personne, un.ttre parfait.
J v;,
Ces qua t r e ' po è me's mon t r e nJ une é vol u t ion dan s

l'attitude d'l'Artaud à, l'oé~ de lui-m~me et de ses


problèmes ., Il ~st obsédé
allusion à son corps-.
d
r lui.m~me et ~ait constamment
Mais, su fond, il nie le corps -
4
"
. son c9rps en particul ier - et en cherche un qui 'soit -"dis.:. 1
\ .
semblable du sien;, Nous nous proposons d'analyser ces
1
'1,
qu~tre poèmes parce qu'ils représentent la démarche poétique ,
c. 'p
/
d'Artaud à des étapes différentes de sa y ie et parc e qu'il s

illustrent la dualité des thèmes qui marquent f'oeuvrel 1,


d'Artaud.
o. !
1
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1
1
J
1
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j

1
i

1
\.
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G.~/ 1
Chapitre II: ~'Ombilic des limbes'et Le Pèse-nerfs !
, ,'(\:1
i' , .. #. f
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''',:- !
~':', .....-~",'
-- -J.
, LaC 0 r' r e s p 0 n dan c e a v e c J a cg u"es' R i vi ère qui p.r éc è de

L'Ombilic des'limbes dans les Oeuvres complètes d'Artaud

déc rit ,i une t'm e ' ph Ys i 0 log i que me n t a t t e i nt e " ( t. l , 5-7 ) : Les
'"
\ ' écrits d'Artaud sont "le cri m~me"-3de la vieil et sont'faits

"de la s'ubsta'nce indéracinable de l '1'me, qui e-sl. 'c'omme


\ .....4

) là p l,a i ?te deI a réa lit é "

~jvière que son impuissance mentale eL physique est:


( t. l, 49 ) .! Art au d exp l i q ùe à , \

•.• une vér'itable.1maladie et non •.. un phénomène


.' d'époque, • '•• une maladie qui touche à l' essence ~ 1

deI '1' t r e e t à s e a r:f 0 s à i b i lit é s c e nt raI e s ' ,


d'expression, et qui s'appl~que à toute une vie.

Une mal a die qui B f f e ct e l ' ~m e dan s sa


réali t é l a p-lus pr cjlfonde, et qui -en i ofec te, les
manifestations. Le poison de l'~tre. Une .
_ vérit.ab1e- paralysie. Une maladie qui vous enlè,ve
la parole, le' souvenir', :qui .vou~ déracine la
pensée. (t.t, 51)

Les écrits d'A+taud, des premiers poèmes jusqu'a~x

derniers, témoignent de cette maladie qui l'atteint. Les'1!tll


. ,. 1

ptemiers écrits exposent son état d'~meUet ses plaintes


- - - ".~-

contre ceux ..9:'tJi emp'ê'chent, d'une farr.0n ou une autre,

son rétab-lissement. : Les derniers exppiment


; ,
les m~es
J
! 1 ...=-.tJ,.... "1
problèmes, maia propDsent ,une méthode \ de guérison. ilL 'tme. 1
. ~
,,l
ph Ys i 01 0 g i que men t a t t e i n t~ Il , qui i mpli q~ e une lU 0 c ~ è
\
. relation entre l'esprit et le c~rps, une sorte d'inter-
1
I.~ ,

1'9
,
"
, .
dépendance, ne pe ù t don c ê'tr e sauvée que par la" recon-
f

struction du ,corps malade. Le cor ps d ev i en t lem 0 yen par _ " 'r-~ j,


,
lequel il peut surmonter la fragmentation de son exp~ession

en él'irrî:Ï.nant l'usage d'un làngage des mots qu'il ne


li

réussissait pas à mattriser.

Ces thèmes du déchirement menhRl et physiologique et de'


-~) ~.

l'obsession inévitable du soi dominent L'Ombilic des'limbes,

'recueil'de poèmes en prose, de poèmes,


~ .!~ .(;
,1
-"
de 1 e,t t~re'S et d' ~ne
1

De '~~~m e que i 1
cour t~ pièce. l'a Correspondanc'e se distingue, !
. ii ùc ...
~
d'une part, par l'analyse ll,1cide et pr;écise par Artal!Jd de t
son esprit,

f r a g men t é et
d'autre

fig é ,
part, par sa ,description
,

d e m~m e , L' ,0 mb i 1 i c ma Iii f est e cet t e


d'un esprit '1

!
,(', ambivalence dans l'esprit d'Artaud. Ce reculEll.I, description
1

de'l'embrouillement mental; commence avec cette affirmation:

Je veux faire un Livre qui dérange les hommes,


qui soit comme une porte ouverte et qui les mèné
où 'ils n'auraient Jamais consenti à aller, une
porte simplement abouchée avec la réalité. (t.l,
62) . j

"Je ne c6niois\pae d'oeuvre comme détachée d~ la vie," dit- 1


~
il. "J~ n'aime pas la création détachée. Je ne con~ois !
pas n on . plu s l' e s prit comme détaché de lui-m~me (c'est nous !
qui soulignons)" (t.l, .61). Ce recuell'!oest, en effet{ relié

directement à la vie - à la vid d'ArtauJ en particulier - et


1
elle est l'expression des états mentaux et physiques. Dans
.. 1
~
< .
1
Û ~~

-:.
/ lZO
c dette citation, on
, ",
1

retrouve les ,,~OtiO~S


,.
de séparation et
d'identité entre l'oeuvre et l'es~t, l'oeuvre et' la vie,
et' de ~>unité (~posée à la f.ï'agmentation) de", ~'esprit. A

la base,' de cette 'dualité, i l yale conflit entre le langage

et l'~tre chez' Artaud. Ce rec,ueil, écrit en 1~25, e>\prime


dé J,
.à l'identification qu'il fera entre le corps et le

langage dans ses derniers poèmes. Cewe idée de "détache-


. l'
men t " dé j à men t ion née peu t ~tr e en t e n ~ u e dan sun sen s
, ~

physique; elle
s'applique au corps et à l'organe

se x 'U el. De m~m e qu'A pas d'oeuvre détsché~ de

la vie parce qu'elle signifierait unE!' perte, de m~me, il

refuse le corps
, qui, se compose d'organes' (1' orgsn-isme)
,

(
1 par c e qu' i 1re pré sen te, pOli r Art au d , l a ,d i s p ers ion deI' tt l' e •

~ur lui, le corps "sans organes", ,analogue à l'oeuvre' unie

à la vie, garderait intac't l'~tre total.


"
La plupart des écrits de ce recueil décrivent le
. "
déchirement mental d' un homme qui ne peut pas réconcilier
1 1
l'esprit, la pensée, la parole, et les états physique-s.
"

~a "Lettre à Monsieur le' Législateur de la loi sLr les

stupé)iants" atteste sa plainte:

••• plus encore que" de 'la mort, je suis le ma1"tre


de ma doule'ur. Tout homme est juge, et jùge
exclusif, de la quantité de douleur physique, ou
encore de vacuité mentale' qu 1 il peut honn~tement
suppo rter ~ 1 \ \
"
Lucidité ou non-lucidité, i l ~ a une lucidité
que nu Il e ma la die ne m' en 1 è ver a ' j am ais, c' e s,t

(
, 1

12 \

o
}
1
t
!
1
celle qui m'e dicte le sentiment de ma vie
physique. (t,.l, BI) l,

Ce recueil révèle la souffrance mentale et physique de


l'homme qui évolue d'un état de "masse confuse ,et obscure"

à un état de "clarté". L~s irW&ges de la nature et du cosmos


correspondent aux état~ d'~me. Dans son livre Antonin

Artaud" Julia F. Costièh remar~ue que les trois poèmes de

L'Ombilic des limb.s "superimpose images


. of
,"
the earthy
1

macrocosm and the cor poresl microcosm." 1 Dans le premier

poè,me en prose, l!l confusion de l'esprit se compare ~ une

turbulence naturelle et m~me cosmique qui commence à se , \


dé~: 1

1
... peu à peu, la masse tOurna comme une nausée
limoneuse et pUissante, une espèce ,d'immense
i n f 1 u x des a n 9 v é?g é t ale t ton n a nt. • • E t t 0 u t
l'espace trembla Ji1tmme un sexe que le globe du
ciel ardent. s8ccage~ait. Et' quelque chose du bec
d'une colombe réelle troua là masse confuse des
états, 'toute· la pensée profonde à ce moment Se
stratifiait, .se résolvai t, devenait transparente
et réduite ... Le gel entier gagnait la clarté.
(LI, 63-64)

1 :
Cet embrouillement de fl'es,prit se ,traduit aussi par des ,
>

imllges antithétiques et impréyues. Pali' exemple, les


.. . \

antithèses "vent charnel" et ",l"espace ••• mesurable et


l .
crissant, mais sans ,forme ,pénétrable" juxtaposent des

éléments contradictoires.' )

1'2~
, D~ns le poème "Avec moi dieu-le-Chien", cette évolution

,de l';tre est décrite tout en faisant ressortir l'opposition

de l'esprit et de la m1etière ~t des états 'actif.et passif,

lesquel·s rev~tent les\ formes du masculin et du féminin.


, 1

En outre, l'image paradoxale d'un, dieu abject, décrit comme


'-,

une vermine ou u~e b~te p~~asi:aj,..re, domine le poème.


, '

1 "Dieu-le-chien", cet élément actif, dgnt la "langue/qui

comme un 'trait perce la croûte/ ••• de la terre qui le

démange"- s'oppose à "dieu-la chienne", l'élément passif,

qui "s'est retirée,/[sous] des seins de terre et d"eau

gelée/ qui pourr issent sa 1 angu!tJ creuse" ( t.l, 65) • Mais


\?
1

l'élément féminin, "la vierge-eu-marteau", dev ient actif.

Elle vient "broyer les'caves de terre/dont le crine ~~'chie~


(
stellaire/sent monter l'horrible niveati." Et l'élément

masculin dev ient soumis et impuissant dans ce renversement


,
des rSles. Dans Antonin Artaud: Poet' Without Words,

Naomi Greene signale que le masculin incarne "solidity, 1

rationality, dominance" " tandi~ que le féminin est "matter

[and] shapelessne~s."2

Elle suggère qùe le "langue creuse" est une métaphore

du "core of emptiness wh1ch Artaud experiences at th~

c en ter 0 f hi s t hou 9 h t 6 and b e i n ~ • ~' 3 L.a I"a ri g u,e est à

la fois symbole du phallus et instrument de la formation


des mots et des pensées •. Naomi \'Gr~ene' conclut qu' "Artaud

123 \~-

1
• r<
~ \
;,
~l

î
Al ~

a p p e r en t 1 Y vie w,s se x u a l vi r il i t yan d ab i l it Y t 10 ,t h i n k

rat~onally as rel8te~ activiti~s."4 teci est contredit


par Durozoi qui constate que llactivit~ sexuelle et
1
11 expression (la formulation des Imots et des pensées) s'ont

reliées, certes, mais au. détriment de ll~tre; elles re'pré-


sentent la perte d~ l'~tre.5
Julia Costich écrit: "Repeatedly, ,the integral 8utfaee

of ear th 0 r body ~is viol ated, by an unpleasant or obscene


,
intrusion, a pattern which becomes even more common in
1 6
Artaud' s poetry after 1945." 1
Les images décrites dans ce

poème se retrouvent aussi dans d' autres poè~es plus l~~


1

dans le recueil et deviennent plus c~laires à\mesure qu'elles

sont reprises. Costich explique que:


, ,

The images of anguish in L'Ombilic des limbes are


those of sensation~ .and most pervasively, of cold.
Ice or ice cubes are highly negative, concrete
metaphors for the cessation of thought, perception
81']d life. Artaud is sa Bcutely aware •.• of the
body as an ill-functioninÇJ assemblage which,',fails
ta achieve any unified direction, that i~gè~ of
separation and diffusion abound. Ice, whicft, dulls.
sen s a t ion and a b s t r a c t 8 P sr r t 8 0 f the b 0 d y""-.(r 0 m
somatie perception, r epresents ,an alien presetice
,\
within the individual. 7

Ces images sont présentes dans la distinction qu'Artaud "",


établit entre "l'angoisse acide et trDuble"
, et "l'angoisse
.'
opiumnique. Il ilL 1 angoi 88'e opiumnique", dit-i l, est

j
12 ".
l.
1
l
1
1
l
'1
j

au sig i pu i s san t e qu,' un cou tee u , et don t


l ' é car t è lem e n t a l e p 0 i d s deI a t e or r e ; une
11
angoisse en' éclairs, l .. une angoisse où l'esprit ~
i
j
s'étrangle et se coupe lui-rn-e-me, - se tue ••• Elle
est une congélation de la moelle, un~ absence de
.1

feu mental, un manque de circulation de la vie,.


(LI, 8~)

"L'ang~isse acide et trouble"

n'a pas cette pente métaphysique ••• Je l'imEtgine '


pleine d'échos, et .. de caves, de lebyr inthes, de
retourne~ents; pleine de'langues de feu parlantes,
d'yeux mentaux en action: •• et remplie de' raison.
(ibid)
1

" Il fa u t -c 0 n n att r e ," 'é cri t Art au d, "1 e v rai né an t

effilé, le .néant· qui n'a plus d'organe ... Je parle moi de . i

l' absence de trou, d'une sorte de souffrance froide et

sans images, sans sentiment, et qui est comme un heurt

indescriptible d'avortements (c'est nous qui soulignons)"


1
(LI, 87). Cette description met en évidence le comble du
1

sentiment de vide que 'peut éprouver l '~tre. Dans Pour en

finir avec le jugeme'nt de dieu, cette émission radio-

'pho~ique écr'ite en 1947 (donc' vingt-deux ans plus tard),

Artaud affirme que "lorsque vous l~i [à l'homme] aurez fait

un corps sans organes.,/alors, vous l'aurez délivré de tous


o
ses automatismes/et rendu à sa véritable li'berté (c' est nO~6
~\ 1

qui soulignons)" (t.u, lQ~). Ces deux textes demandent la, j


.....,..~

1
r i gue u r v i 0 l en t e qui est ité ces sai r\ e, à l a i i b é rat ion d e
1

~
1
;
l'~tre: "la décorporisation de la réalité, cette espèce de .\
.\
l
~I ~
Cf j
126

., ,,.... _.. .....,~J.< .. ,


~
c .
r u p t ure a p pli q u é e •.. à, sem u 1 ti pli e r e Il e - m~m e en t rel e s

choses et le sentiment qu'elles doivent prendre" (t.l, 75).

Do~c, la cruauté décrite dans le Thé~tre de la Cruauté

apparatt déjà dans. ces premiers poèmes, avec la différence

que la cruButé s'applique ici plutSt au plan personnel, à


\
Artaud lui-m~me.

Le drame m~ntal, Paul les oiseaux ou la place de

l'a mou r, té moi 9 n e des m~m e 5 i mage rie set lei t mot ive qui

caractérisent les autres poèmes et textes de L'Ombilic des

limbes. Il s'agit de la m~me' disjonction enfre l'esprit et

la matiè,re, eRtre la pensée et~xpreasjon. "Paolo Uccello

est en train de ~e dél;lattre au milieu d'un vaste tissu

mental. •• n'~écrit Artaud (t.l, 681. Bien que nous soyon~

uni gue men t dan sI' E s p rit, les\' i mage s mat é rie Il est elle 5

que le feu et la glace foisonnent. Des images antithétiques

qui combinent l'abstrait -~-t-l~d~o~ret, la ré~alité et

l'illusion, le corporel et le cosmique évoquent le déchire-

ment et l'instabilité ,qu'éprouve Arta~d au niveau mental.

,Au fond, son- malheur est cft; , comme il l' expl ique. dans la

Correspondance avec Jacques Rivière,


1

à un eftondrement central de' l ''âme, à une espèce


d'érosioh, essenÜelle\â la fois et fugace, de la
pensée, à la non-possession passagère des
bénéfices matériels de [son] développement, à la
séparation anormale d"es éléments de la pensée .....
(LI, 35-36)' ; i

1210
\ ' , i


Dans Paul ,le s oise aux, )
la plainte c.ontre les mots et
les termes qui paralysent et figent l'~tre s'entend dans ce
j
cri:

Quitte ta langue Paolo Uccello, quitte ta langue,


ma langue, ma langue, merde, qu'est .. ce qui parle,
où Ela-tu? Outre, outre, Esprit, EliJJrit, f~u,
langues de feu, feu, feu, mange ta langue, vieux
chien,\ mange sa langue ••• J' arrache ma,'langue.
(t.4, 68) ,
\
\
La dés'intégration de l a pensée s'exprime par ces mots:

.Deux, trois, dix' problèmes se sont èntrecroisés


tout d'un coup avec les zigzags de leurs la'i'gues
spirituelles et tbus les déplacements planétaires
, )
de leu~s plans.
, .
(t.l, 69')

Et, la confusion de l'esprit et de la matière est .f~oquée par

la question: "Est-ce qu'on meurt de faim dans l'Esprit?"


(t.l, 70),

'f
La séparation de l' espri't et de la matière met en cause
1
,.
!es problèmes de l'expression par les mots et 'la relation

d'Artaud avec le corps physique, Dan sIe tex te c-it épI u s


l
f haut, lB langue est une métaphore de l' expressi on, mais en

m;me temps 'une synecdoque\du corps et un symbole de l'organe

\ l
Bex u el.
" Î
Qua n d Art a ~ d j u x t ~ ~o0 sel ' i mage
)
deI 0' exp r e s si 0 n

verbale (langue), de l'organisme et de l'élément abject

("merde"), il semble établir ul"1e affinité entre eux ," Ainsi,


, 1 ç,

quand i l demande que Paolo Uccello "quitte [sa] langue", i l

demandë le refus de l'expression verbale (d~s mots) en, mS'me

( , j
,
t e mp s qu' i l é v 0 que l e 'c o,r p set son ab j e c t ion • Durozoi

explique:

Pour désigner le corps propre, Artaud en viendra


••• à le décrire par ce que la pensée occidentale
refoule au maximum, par ce qu'elle ne saurait
penser puisqu' el1e s'est élaborée sur son oubli: ,1

l'excrément. . •• "
'.•• dire l'excrément, ,symboliser la présence-
absence "du corps par l'excrément,' c'est, face à
l'aliénation généralisée du discours, affirmer que
Is racine' de l '1'tre est l a chair, Il dans le sens
sensible du mot " ..•• B

Selon Durozoi:

l tex pre s s ion !!.!..:IL!!l!.! , r e jet t e h 0 r 8 du lie u


propre, déplace le moi dans une extériorité .••
L'expression ex-pose ••• ; pour Artaud, i l s'agit
de poser d'abord son èx'istence ou de l'im-poser
î1

1
{~, • • • Ce qu' Art a u d r e che r che,~ c' e.s t la c e r ti t u de de
sa position propre.
9
\

l l con s t a t e que le, tex t e l ~ t t é rai r e rre peu t ~ t r e con 5u que


1/
,1
\ ,,10
comme perte, 0 rgane qui se détache du corps.... Le corps
1
fait d'organes sexu'els, et par extension la sexualité en

,1 géné\ral, pu! squ' ils évoquent l'image d'une extér ioris ation
'1 d'une partie de l't'tre, représente aussi la "dispersion" de
l
1 l 't'tre.
i 0

1 Souffrant dé,jà d'une impossibilité de pensef\\ration- .


,
" nellement, utiliser l'expression préétablie, c'est-à-dire,
1
selon Durozoi, faire "un usage conceptuel du mot, qui
1

semble désigner un référent réel ~extérieur (antérieur au


1

Cf
.
~
i

c l an gag e • . .), "Il se l' al't Aa


pou r r t u d une t~che insur ontab le.
o
Celui-ci opte donc pO,ur un langage dU corps, ~ quel e,st

surtout décrit e~ détail dans Le Thé~tre et son m~is

d'un corps sans organes qui, contrairemjent à sion


,,
qui "ex-pulse" et à la sexualité qu} se caractér~se par

un mouvement 'd'extériorité, resterait intaC\t\ et uni.

L'expression, par son mouvement centrifuge, ne produit que

le fragmentation de la pensée, et si l'on peut dire, une

anarchie de l'esprit. Par contre,


, l'expression
, nouvelle que
"-
congoit Artaud,. ayant comme basé un corps refait sans

organes, par son mouvement centripète, réussirait à incarner

l'unité et l'ordre. Paradoxalement, le mouvement vers


,
l'extérieur et l'anarchie qu'il engendre, symbolisen~, une
'-, ; ,
d'i s s o·c i a ti ~ n deI a lib el' té, tan dis que lem 0 uv e men t ver s ]
,l

l ' i n t é r le u r (v 0 ire, ver s I ' l!! - con s cie nt), par l' u n-ï té,

embrasse la liberté.

La notion des plans différents irréconciliabl~s est

incarnée par des personnages divers:, Paolo Uccello - c'est


, '

l'Esprit détaché; Donatello - c'est l'esprit surélevé;


j
Brunelleschi - c'e,st la. matière ("c'est terrest-rement et 1
j
0,
i1
sexuellement qu'il désirè Selvaggia", note Artaud (t.l, .
1

70) ) • Bien que ces ,trois personnages soient décr:its


1
!,
1
1.
selon leur incarnation spirituelle et corp,orelle, une
l
importance plus grande est donnée à leur sexualité. Il i
{

~
1
(

~\

c semble' que les aspects différents de la sexualité - du


1

corps fait d'organes soient foncièrement reliés ..aux


11
i
i
as pee t 5 d i f f é r en ,t s d e I 'a vie e Il e:" m~m e • Etant donné !

que l 'oeJvre ne doit pas ~tre détachée de la vi.e, nOU8

p~uvons constater que ces personnages objectivent les

notions de 6réation (littéraire et artistique), de corpfiI


o
et d'expression.

Dans ce texte, le déb'at mental de Paolo Uccello est

en' vérité la transposition du pr oblème. d'Antonin Artaud. , .


L'impuissance qu'il ressent face à sa pensée, face, à sa vie

en généra)', est '"'"


projetée sur des personnages bien connus

dans le dom9ine de l'art: le peintre, le sculpteur,


r -; l'architecte;' en d'autres termes, l'art est évoqué dans

t Q ut es ses, d i men si 0 n s p a-r ces t roi s p ers 0 n n age s . Et " ,


J
l'all,usion à André Masson, "le plus grand peint,re du monde", • ~
j
Cl
pour ~rtaud; suggère un art qui est capable de faire

,r dép l 0 Yers a pen sée c 0 mme dan s' ,u n e a p a c .~ i d é al, a b sol u ,


,1
mais qui aurait une forme introductib.le {dan,S la rtralité,"
de la faire "l'emonter comme à [sa] sour'ce ••• " '(t.l, 7,8).

Cet enchev~trement de l'esprit dans, l'esprit de l'autre ou

dans l'oeuvre de l'autre peut ~tre interprété à la fois


,~
comnre la fragmentation de 1~ pensée d'Artaud et comme son
1
1
i
désir de transcender l'individu.
.
1

( "
)
!"\ ,
i

t
c Naomi Greene constate qu~Artaud s'identifie plut'êH avec
t
l e my the d e Pao l 0 Ucee Il 0 qu' a v e c l ' ho mm e ru i - m~m e , par c e
q",

que "'myth' has been fixed by history, i t is less subject


, to

change. ,,12 Elle continue:


"

Identifying with the "myth" of Paolo Uccello,


Art a u d se es hi m6 e l f as Ucee Il 0 w·h il e r'e mai ni n 9
'cons~ious of himself as Artaud. In Sartrean
terms, he becomes both subject and abject, creator
and created ••• By identifying with another, Artaud
not only confers upon himself a density of being,
he "also escapes from his own problems .1,3
",
La métamor'phose permet, d'une part, de dépasser' les
"
t limites physique,s et mS'mespirituelles, d'aut~e part, de
1 .f
1
discerner l'essence de l'~tre.' Brunelleschi, dans sa

0 ,transformation en oiseau, est libéré de son humanité


"
1 terrestre, mais en m~me tempe, semblab,;ie à un "sperme qui
1
r
~ se visse en tourn'ant dans l' air Il , i l est fig,uré dans sa
'f forme essentielle.
~ )

,~ L.a notion de la mort met en cause le conflit entre

-\ l'esprit et la matière. Si 'nous sommes dans l ' espr i t, la


!
mort n'a pas de signification parce qu'elle appartient au
~
dom ai n e mJl t é rie l, c' est - à - d ire q'u e cie st 1 a mati ère, 1 e

corps, qui meurt.


\
Cet e x t e c 0 mp 0 r te les m~m e s é lé men t s b i n air e s que

L "Ombilic des limbes, Le Pèse-ne.rfs et la 'plupart des

oe.uvres d'Artaud:' l'opposition du masculin et du féminin;

[)

131
\'.

,
,l "

j, \
, J

\l
•t c
t deI' a ct i f e t du"' pas s if, deI' e 8 p rit et de la rn a ti ère, du
~,

1 feu et de la glace, du dynamiRue et du figé, du fragment et


i'
de l'absolu, etc. Le/passage: " ••• un Ar1taud en gésine, •••

~-at:rtre cSté de tous les verres mentaux, ••• qui fait tous

ses efforts poLÎr penser autre part Que là ••• " CLI, 68)

' exp r 1, me la 'm~


e me i ~ é>e que " lB G ' - la s é par a t ion'!! t
r ill e'
~
l'emprisonnement mental dus à la fragmentation de la pensée
~
et à l' impuissa.nc'e d'Artaud à " réconcilier deux domaines

essentiels à'sa survie mentale.

Le Pèse.!.nerfs" ,comme l'Ombilic des 'limbes, s'adresse à

des' interlocuteurs ima.ginaires ou anonymes ~t comporte des

\
poèmes èn prose ou des lettres qui décri~ent les rn~mes états
" 1
r (,
de secousse ou de fragmentation mentale déjà mani festes' , dans'
~

L'Ombilic. Les .m~meà images reviennerft:' le feu, le ge1,

le néant, la douleur pllysique et mentale, etc.· Ici,


,
cependant, là souffrance est plus vive, plus
, pr'ofonde.
,
Elle touche jusqu'à la moelle et perc~ le .doma ne le plus

!1 in t é rie ur de, 1 '~t r e ~ le Pèse-nerfs ne traduit pas se.u1e-


t
ment la fragmentation de la pensée d'Artaud et son senti-
!
~
ment de
~

vide sP1r~~.uel ex p rlyé


l
dans L' Omb i1-10; i 11 soul igne
l'
• 1 la constance de l'angoisse qui est: \
1

~
.
\:J:-..
comme une (d,écantation) "
\
à l' in,té r i e u r , ' .
,c,omme la dépoBBeB~ion de ma substance vitale,
'c"'Qmme la perte physique et essentielle
, , (je dieux dire perte du c~té de l'essence)
d'unosens (c'est nous qui soulignons) • . (t.l, 110)
fP "

.'
\ \-
'.
~ \
!
, ( " .

.hDèse-nerfs n'expose. pas seulement la confusion de

'1 '~sprit, mais~ précise une "déposses.aion" et une "perte"

matérielle, ce qui rend cette confusion encore PlU"

significafive. \

'Tandis que L' Ombilic ~'résen~e l'embrouillement mental


:..

l' sous une forme métaphoriqlfè,' appropriée à son signifié,
• a
Le Pèse-nerfs exprime lij douleur vive d'Artaud lui-m~me par

de~ indicat~ons spécifiques



quant
1
à sap état. Les deàcrip- ~ \
1
-,
1
tians ne sont plus va9ues et' générales, mais cernent ·la 1

spécificité ·de la souffrance d'Artaud: , \


,
, .. \

.... .
Je suis un ab~me comp~eL (c'est nous qui soulig-
nons). - (t.l, 104) 1

Hes moelles ••• s/amusent à ces jeu~, ••• se plaisent ,


à ces rapts furtifs auxquels la t~t~ de ma pensée , \
préside. (t.l, 108) \

Je suis imbécile,. par suppression de pensée,


. par .!:Ilalformation de pensée, je suis vacant,par
stupéfaction d-e ma langue. (LI, 116)
1

Ces ~itations illustrent l!ob~ession d'Arta~d à l'égard


o.

du "désarroi stupéfiant d, sa langue da~s ses relations avec


j
la pensée."
\
Artaud déclarelqu'il pst "celui qui a le mieux
, 1
·l 1 •

- 1
répéré ra minute Ae ses plus intimes, de ses plus ins9up~on- -' 1
1
l
n$bles glissements .•• [Il est] celui qui connatt les recoins"

de la ~erte" (t.l, 119).

Le PèBe-nerf~, plu~ que L'Ombilic des limbes, manifeste


le déc ala.ge en tre l a pen sée et l' e xpressio~, e t ~v oque

o
- ) .133
• 1

1
/'\

G -If,'t,

l' identi té ma té r iell e du langage ét du corps qui emp~chent'

l'expression continue et " totale reche~chée par Artaud~


.
D~ns Le Pèse-nerfs, Artaud exprime ce cri:

Si l'on pouvait seul ement go{Jter son né ant,


si l'on pouvait se bien reposer dans Bon néant, et
que ce néant ne so~t,pas une c.rtain~ aort~ d'ttre
mais'ne soit pas l~"mort tout è fait. • 0

Il est si dur de ne plus exister, de ne plus


~tre dans "quelque chose. la vraie doule\Jr est de
'~sentir en soi' se déplacer Ba pe,nsée. Mais la
'pensée comme un point n'est certainemen't pas une
,souff tance.
J'en "suis 8U point oD je ne touche, p'!'us è
la vie,,-mais avec en moi tous +es appétits et la
titillation insistante de 1 '~tre. ',Je n' Bi plus
qu'une occupation, me refaire. (t.l, 117)

Se refair e en v ue de ré a 1 iser pl eine,ment 1 e potentie l de

( , 1 l '~tre intérieur, te l est le but décri t dans L'Ombilic des

limbes' et Le Pèse-nerfs.

Artaud n'accepte pas l'expression tronquée


1
qui se meutl
dans un espace et u~~ dimen~ion limités. Il avoue:

J'a i t 0 u j our s été f r 8 p P é deI' a b S,t i n,a t ion d e


l'esprit ~ vouloir penser en dimensions et en
espaces, et li se fixer sur de~ états arbitraires
des ct,oses pour penser~ à penser en segments,
... ~t •.• que la pensée ne soit pas en communication
instante et kninterrompue avec les choses, mais
que cette fixation et ce gel, cette espèce de mise
en monuments de l'ime se produise :-pour ainsi
-dire AVANT LA PENSEE. (t.l, 101-102)
,
eette fragmentation ~t cette fixstion 1 de \
l'esprit le

relèguent ~ "un néant arr~té, une masse d'esprit énfouie

quelque part, devenue virtualité". Les termes Cc:'est-à-


" .
13lf.
, \

, i
1

J \
fe
Î
1 dire les mots choisis arbitrairement pour exprimer) le
1
1

paralysent et le loc~lisent, dit-,i,l. Et c'est pour cette

,r ~i son qu' i l a f f i r ln e :

Ce que vous avez pris pour mes oeuvres n'était


que' les déchets de moi-m~me, ces raclures de l'tme '\
que l'homme normal n'accueille. pas. (t.l, 114)

Tou t e' l' é cri t ure est deI a cac h 0 n n e rie. ( t .1 ,


120) , .
1•
• .• pas d'oeuvres, pas de langue, pas de parole,
pas d'esprit, rien.

. Rien, sinon Urt beau Pèse-Nerfs. (t.l, 121)

Plu s t a r d dan s sac arr i ère, dan s l eTh é i't r e e t son

double, Artaud comblera les imperfections d'une telle


.
expression en ,...
pronan t un langage du corps qui utiliserait

l'espace et la dimension dans leur totalité et qui, par

son dyn ami sme, e xpr imer'ai t un lien direct entre la pensée
1

,,
• J

et la chose. ,le Pèse-nerfs fait allusion à cet équilibre ou

déséquilibre qui atteignent l'~me , lesquels sont, en vérité,


1
impossibles à· me surer parce que l '~me ou l'esprit sont en

état de fluctua·tion constante. l'image évoquée dans le

titre du Pese-nerfs implique la dualité et le conflit per-

pétuels qui habitent l'esprit, ainsi que 1 lB nature physio-

logique de ce déséquilibre. De m~me, le titre de l'Ombilic

'des limbes décrit un état à mi-chemin entre le concret et

l'abstrait et le lien vi~tuel entre ces deux états.


, \
(J

_lJ5
-J
.... _--~ ..
"' _"'--;-.~---
J' ,;"

• r

-........ -
\ ~

/
1
,
,
-j
La phrase "La Grille est un moment terrible pour
la sensibilité, la matière" sert de -"trait d'union entre

,, Le Pèse-nerfs et Les fragments d'un journal d'enfer" (LI,

395n). La Grille est une métaphore de cet état de' non-~tre,


\
de limbes, dont souffre Artaud. ,·Elle enferme 90n esprit et

le sépare du monde matériel,'tout en laiss8nt voir ce monde


,~ • ç
-
inaccessible.

Ironiquement, si opposé à l'arbitraire et à la fragmen-

tation des mots\ qu'il f{it, Artaud dut recourir à ceux-ci


1
afin d'e,xprimer sa pr'otestation ou, m~me de décrire

'l'écartèlement qu'il, ressentait dans son inc.apacité à

réconcilier sa pensée ~vec son exp~ession.

L'Ombilic et Le Pèse-nerfs, traitant pri~cipalem~~t de


l'agonie d'Arta~d, révnent' les conflits des lp,rincipès qui
-l,
v'ivent dans son espri t. Ces deux recueils témoign~~t sur-
tout de son impuissance physique et menta ~e! et mani festl!nt
son désir de dissiper ces incertitudes. Des images du corps

et de l'esprit (surtout de l'esprit objectivé) foisonnent

dans ces poèmes et décrivent la tragédie de 90n corps et de

spn espr.1t "maladifs". Parfois, cepen~,~nt,' ces recueils


touchent à\ la sexualité (Le Jet de sang, Paolle Uccello),

mals ils sont', pour la plu~art, des dèsc1riptions. person-


f nelles, de l'a souffrance q~i
caractérfse la vie d'Artaud.
J.
Par
,contraste, Héliogabale ou l'Anwrchiste couronpé est
\

';> f i ,
(
,, un poème. en prose, un texte lyrique, qui traite de l'accès
\
~

,1 au pouvoir d'un personnage historique. Artaud y d~crit aur-


~

tout les asp-ects physiques de sa vie qui ,ae rapportent à la'


1

~sexualité. En,d'autres termes, il voit Héliogabale par rap-


, '.
port à se sexualité. Cette obsession du physique (à défaut

du spirituel) représente, en effet, l'importance dû corps


<t;
comme élément fondamental dans le- guérison de son problème

mental. Le corps, objet tangible, peut ~tre changé, me,nié

selon l~ volonté, ~andis que l'esprit est chimérique et

a b st rait, h 0 r s· deI a p 0 r t é e, h 0 r s d,U con t r 'S 1 e d' Art a u d .

La nécessité' d'"opérer sur le corps s'exprime dans, Pour

en finir avec le ~ment' de dieu qui fait allusion non


\
seulement au corps mais à la fécalité et à le sexualit~ du

corps, mettant ,ainsi en cause l'essence m~me de l'existence.


1

Dans ces poèmes, on distingue une progression dans

l'attitude d'Artaud à l'égard "du corps et de sa "réhBbilita-


\

\
!, tian" "
au monde. Dan s L,\' 0 m'b il i c e t LeP è a e - n e r fa, son
,
1
problème reste sien et apparatt sans solution. Dans
r
1 1
Héliogabale, il est celui d l'Héliogabale assassiné à cause

,de ses moeurs trop liches. Là non plus, pas de solution

exp 1 ici te. '0 ans J u 9 e men t , Ar t.a u d pro jet te sr s con f1 i t s

intérieurs sur tous les hommes et propose une solution

idéa.! e qui donner'd t naissance à un ~tre idéal, tel qu'ilr


,'
auJeit désiré ~tre.
l

.1

('
1
,1
,
Notes
j
,•,
l
J
lCostich, p.30.

2
Greene, p,.84.

'1 3'b'd
~ ~ ., p.84.

4'b'd
~ l . , p.84.

5 G é r a r d 0 u r 0 Z 0 i , Art a u' d, l' a lié n a t ion e t l a fol i e l'


1
(Paris: Larousse, 1972), p.116. ;

6Costich, p.30.

Ct 7 ibid ., p.27.

8 0 urozol,
' p .114. ,

9'b'd
1. l . , p.116.
1

! 1 ~.i b id., p. 116 .'

11.1. b l'd . , p.lla.


1
1 12 '
Greene, p.7a.
1
f 113'b'd
1. l ., p.78.
1

1
c Chapitre III: Héliogabale ou l'Anarchiste couronné
, .,'~

Tandis que L 'Ombilic et Le Pèse-Nerfs insistent sur

1e dés 0 r d r:e men t a l', Héliogabale ou l'Anèrchiste' couronné

dé.crH l'anarchie 'dans 1 tous les sens du mot: polit~que,

moral, physique et spirituel. La vie est prése'ntée dans la


\
1
perspective de la perversion, c'est-à-dire du dérèglement
1 1
de tous l,es systèmes établis. Ce poème \ en. prose, si Aon
peut le nommer ainsi, montre l'autre .cô"t\é de" la .vie ~t de

la morale "bourgeoises"," qui furent dévoilées dans les


1
plèces mises en scène par le Thé~tre Alfred Jarry: 'les
• 1
Mystères, Vl c't 0 r, 1 e Son g e, etc. Bien que nous le con-
1 1

sidérions comme poème, Héliogabale est al-lssi du thé'âtre.


" \
Comme I"e remarque Afain Virmaux: "Comment ne pas remarquer

••• que d,an~ ces deux oeuvres [Héliogabale et le Voyage au

pays des Ta.rahumaras] Artaud poursuit u,ne sorte d'incarna-

tion et d'illustration de son Théitre de la Cruauté?"l

Af in demie ux compr end rel es 'thèmes du poème, i l 'faut

tenir compte de son aspe~t dramatique. Héliogabale iliustre

le théB'tre de la révolte ou le drame solaire, comme toutes

1es 0 eu v r e s qui a p par t i e n n e n tau Th é"it r e deI a Ct LI a ut é , .


-.\
d ' aille ur 5 • Cl, ," 5 a la r d r am ail, é c r it 5 e·lIi n , 1,

l'

takes a number of forms, but it inevitably entails


~ ges"ture of defiance or cruelty oL sorne magni- 1

tude. An eruption of evil i8 not rrecessary ta

..
, \

c rev 01 t but frequen~ ly accompanies "i t. Th us the


act of defying the .gods ia not evil, save from
the prejudiced viewpoint of the priests and
practitioners of the particular religion, but the
i~plementation 'of that rebellion in murder we may
2
universally calI evil.

Héliogabale traite :de l'op~os,ition du bien et du mal.

Mais la notion du mal est modifiée selon la description de


, . o
SelIin citée ci-dessus. Si l'on veut, tout e st mal dan.s

Héliogab ale, se Ion le -po. int de v.1e de 1 a soc ié té bourgeo ise •

L'amou,r est perverti, et m~me l'amour platonique est absent (

de la société que décrit Ar,tl;lud. L'amour maternel


. se

tradui~ plut'St par l'ambition personnelle et toute autre

forme d'amour est charnelle ou avilie par la corruption.


"-, f'
,.. , )
( la c o~pti on de Il' am our qui dÎj~e le Iltexte e'fr ré sumée' par

Artau~ quand, i l écrit: "

••• l'Amour qui est'un~ force ~~ va pas sans a


Vol ô n té. 0 n n'a i me p a !il' san s 1 8 volon té, la q u'eIl e
, pa8se.'par la conscience ••• On gagne l'amour par la
'conscience d'abord, et par la force de l'amour
après. (t.7, 61) 0

Il semb1è' que l'amour spirituel ri' ex-iste pas, et que l'amour


j , ,
t

"pur" se, dissipe dans l'acharnement phyaique. La rupture


t <

i
f avec les tabous sexuels 1
(inceste, compri-s) car~ctérise donc
"
1
t
cette époque. Aucune institution n'est respectée et l'ordre'
i

1 social n'existe pas. En fait, l'anarchie, la ,révolte, et

le débordement sexuel repréaentent le statu qu~.


1 j

~ 0

c \
140
1

- - - _ . " ...... ~-.u .._ _ _ _ _ - - - .... - - _.. _ .. - - -


/ o
(

c Selon le point de vue d'Artaud, cependant, Héliogabale


n'Incarne pas le ~al.
.
Toutes ses actions sont réductibles
à la recherche de la liberté absolue: spirituelle et
physique. Hé 1 i a 9 a bal e est gui d é d a n' s ses a c t i 6 n spa r
l'obsessiori de tout conquérir. En ridiculisant la re~igion
\
el l'Etat, Héliogabale s'élève au-dessus de leurs' lois et de
1

leurs m~eurs. Cette recherche du "mal" est en fin de-compte


la "sublima~ion du' Mal pàr l'excès", selon Virmaux. En
d'autres termes, le mal perdra son sens absolu à mesure
\
qu'il devient un fait de plus en plus commun et familier.

pans l'essai "Le t hé~tr e fr ans ai s c herche un myt he", Ar taud

"constate:
(
Tout grand mythe a un pied sur le "mal", c'est-à-
dire sur le désastre qui nous menace tous, •.• et
si un sursaut est nécessaire pour anéantir l~
désastre~ ~~'est avant tout au
thé'â'tre ,'qu'il appar-
tient de réaliser'••• le signe poétique et magique
du sursaut. (t.8, 256)

En effet, cette représentation du mythe d'Héliogabale déc pit

"
le rapport étroit entre cet ttre légendaire et le "mal"
qu'il embrasse avec orgueil. ; .
Héliogabale peut ~tre considéré comme un . demi-dieu i
1

prométhéen, mais au lieu d'apporter le feu et' la culture à


l' homme, i l lui présente le feu du désir' sexuel et le culte

de la sexualité. Il voyage autour de son royaume en


répandant la débauche et la ~iberté sexuelle. Susan Sontag

·r,
141
\
,
,1

.,.f!:l"
1'l
·, t ""- '1
'J
r,

-c
(,

~
,.t
;
constate que:

•. la recherche de la liberté conduit à


f
, l'ascétisme le plus rigoureux, ou à l'inverse,
elle implique le libertinisme absolu, la pratique
'de lrart de la transgression. Dans cette per-
'spective il faut, en effet, pour se libérer du'
monde violer la loi morale ou sociale; pour
transcender le corps, il faut passer par l'épreuve
dei a dé bau che ph Ys i que e t d'u b l,a s ph ème ver bal.
Celui qui délibérément foule aux pieds' la moralité,
est seul capable d'accéder à une transformation
'radi~a'!e. 3

L'excès sexuel d'Héliogabale et de son entourage, par sa

. nature extr~me, doit ul térieurement exercer une influence

libératrice sur 1. société.

La libération des contraintes imposées par la sexualité


( se ,traduit aussi par la castration, l'envers de,la débauche.

La castration :Ymbo~ise l'état neutre, ni masculin, ni


féminin, et par conséquent, }e castrat n'est pas a~sujetti à

l~ volonté de l~amour physt~ue. Arts~d voit dans le rite de

castration:

1 le désir d'en finir avec une certaine contradic-


tion, de réunir d'un coup l' homme' et la femme, de

! i
les combiner, de les fondre en un et de les fondre
~ A
dans' le male et par le male.
l'Initiateur. (t.7, 105) ,
A
Le male étant

1
l--a castration, étant la séparation ou l'élimination de
1

l'organe sexuel, signifie ainsi la\ fin de la dissociation

de l '~tre. Puisque l'unité du corps est liée à l'unité du

l\sngage dans la pensée d'Artaud, la castration 'est un moy~n

142
.'
,

.,
c' ide ,gard,er[ l'~tre intact en le privant de sa faculté de
J

s'extérioriser et, partant~ de se fragmenter.


Tandis que l' homme ch'âtré représente "le désir dl en
\
fin ir 'avec une c erta ine contr ad i t ion~', le p\édér aste qu' est
"
,Héliogabale, "réalise en lui l'identité des contraires, mais

il ne la réalise pas sans mal, ~t sa pédérastie religieuse


n'a pas d'autre origine qu'une lutte obstinée et abstraite
entre le masculin et le féminin" (t.7, 74). Artaud
affirme:

La vi~ d'Héliogabale me paratt 9tre l'exemple


type de cette sorte de dissociation de principes;
et c'est l'image dressée len pied, et port~e au
plus haut point de la manie religieuse, de
l'aberration et de la folie lucide, l'image de
c toutes 'les contradictions humaines, et de fa
contradiction dans le. principe, que j'ai voulu
déc ri r è e n 1 ui . . . . ( t •,7, 74 - 75 )

L'androgyne réconcilie donc les conditions oppos~es de


It
l'amour physique et de la castration. La débauche, c'est-à-
1

dire l' excès sexu~l, ceractérise l'androgyne justement à

cauJle de l'absence de distinction entre m~le et femelle et


signifie donc l'absence de limites.
Héliogabale incarne simultanément ,lusieurs mythes
l

qui préconise~~ le culte sexuel. Comme nous .,venons' de


,
l'indiquer, on voit en lui le demi-dieu Prométhée. La
nature d'Héliogabale trahit, certes, l!influence d"u culte
dionysiaque. Ce dieu, comme nous ,l'avons expliqué au

(1
143
.'

\.

c premier chapitre, s'identifie avec le délire et le dépa~se-

ment spir-ituel. H. J. Rose nous dit que Dionysos fut connu

pour son culte sexu,el: il est entouré de satyr~s ~t de

silènes qui se caractérisent par leur quasi-besti~lité,

leur excitation sexuelle et l'ambiance orgiaque


1
délirante
.

qu'ils provoquent. Le cul te dioF'!,ysiaque est marqué aussi

par la violence spirituelle et physi,que: ,Dionysos répand



partout une folie qui entratne d~s massacres cruels où les

ê t r e s h um ai n s' son t dé me mb rés. 4


A cause de cette affinité avec Dionysos, la vie
\
d'H,éliogabale ressemble aussi en un sens à c~lle d'Orphée.

Orphée répandait le culte dionysiaque partout \ par sa


\
musique. Il choisit la passion homosexuelle après la perte

irréversible de sa, femme. -La légende veut que les femmes de


,
Thrace l'aient démembré lau cours d'une orgie dionysiaque. 5 l';
Dans cette perspective, la vie d'Héliogabale est similaire
1 1
à celle d'Orphée • Héliogabale, comme Orphé:e, pratique
.
l'homosexualité. Et lui et son entourage subissent un

11 ~démembrement cruel: Heliogabale ,est assassiné, tra'tné


1 à travers la vi~le, "limé", démembré, et mf!me dépoui-llé
1
par une foule prise de délire dionysiaque; pendant son

règne, le castration, symbole purifi'cateur,'est un des riotes

1 ---"->.
pratiqués dans les temples
,~J ' \
du dieu solaire i et Héliogabale

ordonne la çastration de son précepteur~ Gannys., La

14 Lt
\
,,'"

priv'ation. du membre sexuel fait partie de la violence ~t de 1

l' anarch ie "hé 1 10gab alienne~

Héliogabale détruit les barrières qVi séparent l~s

principes opposés ,~t le~ réuniit en un seul concept


harmonieux. L,es contra'dictions entre la royaut~ et le
\ ,
s a,c e rd 0 ce, l' ho mme
.et 1 e die u, l' in d i ~ 1 due t 1 e gr 0 u p e

social, le primitif et la civilisation, se fondent dans

,une harmonie plus ou moins sta~l,e. Ou plus simplement, ,v


1 •

les éléments dist:ordants sont éliminés de l,llétat idéal


'.

que recherche Héliogabale. Par exemple, 'ni les cultes


i
q
~polythéistes ni le gouvernement tels Qu'ils 'existent· à ..
l

.
l'époque d'Héli.,ogabale, ne con,viennent à son utopie. Il
( s', eh moque ouvertemen,t et les rejette '70mme des formes de 1

pouvoir périm,ées.

1'1 semble que la débauche publique d'Héllogabal'e.


1
~
.r ' s'inspire du lien qui existe entre lui (l'individu)' et le
i

groupe soc laI. le ,domai,ne de l'amour sexuel, 'cette partie f


,~i
de la vie en principe la plu'ë- pr~vée selon la'· morale de

toutes les sociétés, est exposé ici avec les dét.ails les -
plus explicites. Ces t démonstrations sexuelles sont donc,

al! fond, la ma.Hfestation des désirs réprimés et universels

.
et symbolisent la libération de. l';tre par le moyen le plus

osten,tatoire et 'le plus extr~me. Tous les actes rebelles


, .

/ d' Héliogabale ont ce d·énominateur commun -', la sexualité.

(
Î
, \
, /

Le couronnement d'~él\iogabal~, commencé vers la fini de l'été


f'
1
i
1
H 7 et achevé au pr intemps - de l'année suivante, marque le !
début d'un règne de luxure et de débauche. A. Nicomédie,

rapporte 1 'historien Lampride, Héliogabale s,e comporte "de

-la fa~on la plus dég~'\ttante,' admettant les hommes 11 un


o

commerce ré"ciproque deOturpitude" (t.7, 1~4).\ Le comble de


'\
cet outrage, selon les historiens, est "la représentation

au naturel et devant, cent mille personnes, de la fable de

Vénus", dans laquell,e Héliogabale joue lui-m~me le r8le'


j
\
de la déesse. "Jamais plUS bel exemple' d'anarchie ne fut
. donné au mohde," s'exclame Artaud. Et partout dans son l '
o ~ ~ l
t
voyage à ,travers son royaume, Héliogabale fait trainer un
1
(~ , Jî
Phallus de dix tonnes, ses représentations orgiaques ayant

lieu autour de ce symbole.


\
t "année des retes de S'On couronnement est marquée" pat ,
sa "profes,aion de fo i pédérastique" ~ Une fois empereur,

il Rome, Héliogabale ,"se conduit ên voyou et en libertaire


irrévérencieux"." "Il surprend et humilie, tout le monde~

"il demande aux nobles, législateurs [ ••• ] de l'Etat al iiS"


1 ont pratiqué la pédérastie, la sodomie, le vampirisme, le
" . ""
~ succubat, la fjornication avec les b~tes; il s'habille' en
1 $l

pro 8 t i tué e t se ven d pou r qua r an tes 0 us' 11 la po r't e des


1, églises chrétiennes [et) des temples des" dieux romains"; il
" \
choisit "ses mini$tr~s sur l~énormité de leur membre" (t.7,
1 /

1410 {;>
1

" 0

"" \
1 f .,

\
\.-' ) 1,
0

: ~
l
-'t
,
(~ •
122-124) . Enfin, i l pratique toutes les rormes d'activité
se(~uell; devant lé peuple et exige sa pâJr.ticipation.
, '
'L'anarchie d' Héliogabale ne v ise donc pas seulement à Sa
1

propre libérat,ion mais aussi à la libération, du peuple •


• L'anarchie et la révolte tendent vers la destruction 1

~ ".
des chatnes encombrantes qui emp~éhent l'individu de se
, "',
réaliser pleinement, c'est-à-dire de ~e réunir ~vec "le'

Gr and 'U n cos mi que ", • ','Une chose nommée. est une chose'

morte, et elle est morte parce qu~elle est séparélt (c'est

n0 us qui s ~ u l i 9 non s) ," i n d i que Art a u d ( t . 7" 63 ) • La


t~ l "
: ~
S'éparstion des principes et des idées amène au chaos et à

la mort alors que de la fusion des états opposés surgit o
..,.. .
( l' harmonie c osmi que. Donc, 1 a ré vol te d 1 Hé l i 0 g ab ale qui
o ,

1· est en apparence anarchique, es't, paradoxalement', un aète


r1
,
t d'unif~cation. C'est seolement en éliminant toute notion de
i,
,î séparation'qu'on peut résoudri ies contraires, et ce~8 ri'est
~
'"
t possible qu'a dans un état d'anarchie où les limites sont
! indiscernablea.

" En tl;o~abale! ,le fou se confond avec 1"' insurgé" "son


' . :

., .
comporteme'nt "bilzarre" étant caractéristiqu r des deux
,états. Qu'il soit fou ou rebelle, ses actions attestent
,,1

l'insatisfacotion de la vie telle qu'elle est.

corrompu dans cette société bien avant la naissance o•


, J

d'Héliogabale. Son règne qonc, d'une pert, perpétue et

('
" '
f \

c ,

\ perfectionne cette tradition d'abus physique et moral,

d'au,tre part, i l a des vertus curatives parée qu'il 'purifie

le mal par son excès, c'est-li-dire que sea actions ont un

effet cathartique.

La vie, telre qu'elle est décrite dans -'


Héliogabale,

est en put~é~action. Mais c'est la "maladie~ spirituelle ~t

non ph y\ i ÇJ.u e qu' Hé 1 i 0:91 b 81 e .s ' e f for c e


~"'i
de gué l' i r , . m8 i sen fin
.
de compte, il n' y réussit pas. I l est s'ss8ssiné et démembré
f

par d'autres insurgés qui lui sont hostiles et il meurt dans 1

les latrines et l'égout, o'CI "-les excréments se m~lent BU

sang". La vie d'Héliogabale est msrq~ée par cette confusion

du bien et du mal et SB mort est aussi ambiguë car

( .' Héliogabale' "eat mort avec l~cheté' maia en état de rébellion

ouverte." La mort d' Héliogabale est le couronnement de sa


,
., vie, déclare Artaud: l
\
,j
La mort et la vie d'Héliogabale indiquent un mouvement 1
1
circulaire et clos et impliquent la noti-on de 'la continuité (
des choses. Le Irègne bref d'Héliogabale est mémorable
;
surtout à cause du voyage autour de ~on royaume, lequel

comprend la répétition des actes sexuels. P-à ~ r par 1er

métaphoriquement, 8a vie suit un mouvement~ en vrille qui

s'épuise et finalement se cl~t.

l'
• ' J

1 ;,

1
f
1,
G.
~

r Notes

l '
Virmaux, p.30.

2Sellin, pp.II-12.

3
Sontag, p.19.

4 H. J. Rose, A Handbook of 'Greek Mythology (N ew· ,


York: E. .P. Dutton, 1959), pp.154-15.6.

5
Rose, p.255.
« , 1

1) ,

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1

,
\
l'

1
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0

-:

. i4-9
1'"

,,' - --_._---
, .

c Chapitre IV: Pour en finir avec le jugement de dieu


\ '

Dans une lettre à F. ·Pouey, Artaud explique la nature

de son émission radiophonique, Pour en finir avec le .juge-

ment de dieu:
\
Cette émission est une longue protestation contre
l'érotisme foncier des choses', contre lequel tout
le monde en son 6ubcons~ient veut réagir et contre
- l'arbitraire social, politique elt ecclésiastique
(religieux), donc ritualiste de la loi. (t.13,
134) 1

Il écrit, da~s une autre lettre, que Pour en finir avec le

jugement de dieu "fournit un modè\l.e- en réduction de ce

qu' [il veut] faire dans le Thé~'tre de la Cruauté" (t.13,

127) . Or, si le Thé~tre de la Cruauté incarne les i"CIées


,..'
t:héatr~J~les r:>Jus. élaborées d'Ar~aud, et si le Jugement
i 1
devait- ~tre .sa meilleure' illustration du Thé'â"tre 'dve la

Cru au té, 0 n pou rra i t dire que i e~ J' u 9 e men t e 6t l' 0 e li v r e

supr~me du' t hé'â"tr e ,d 1 Artaud'. Dt, le Jugement est aussi de


l, la poésie. Avec le Jugement on peut dire qu~~-rtaud
~~
réalise
1 _______ ~.--------

au maximum l'aspect auditif de


~~
san~~uveau langage. J

1 -------~ .. ' 1
Le' message fbD-G-i-êf~de cette émission est la décadence. 1
1
!
du monde occidental moderne et di to~t ce qui caractérise

cette "civilisation":~ progrès, religion, guerre, ço#ruption


1
t
morale, etc. En contraste avec l'horreur et l'avilissement
"'i
,l
du 'progrès et de la culture moderne, "il y a la' pureté de la

150

\ -
,\,

civilisation tarahumaranne. Cette \civiÎisation est "basée

sur 1e p r i n c i pee x c ~ u s i f deI B' Ic rua u té", 1 e que Il e " est


d'extirper pat le sang et jusqu'au sang, dieu, le hasard

bestial de l' animalité ~nconscielnte humaine, partout où on

peut le rencontrer" (t.13, 103). Par la cruauté', don~,

l ' ho mme va fui r fin ale men t 1 a réa 1 i t y 0, c i y e des forces


combinées de la technolog~e et de la religion.

De m~me que les pièé'es ~tudiées ci-dessus témoignent

des thèmes de la sO,uffrance et de la corruption de

l'existence humaine, de mftme le Jugement expose les étapes


-1 l .
générales du cycle de'l'existehce~ mais il les préa~nte ici

sous u~e forme cosmique. Artaud ne décrit pas tant la

naissance ou l'enfance qu'un état primordial, primitif, Qui

représente la p.ur eté et l'état n at 'urel. Sous la rubrique

"vie", il, inclut tout ce Qui est corrompu ou altéré. La


-1
1
dernière étape "mort" du cycle comporie plut8t la purifica-

\ tion de l '~tre en ~ liminant 1 a source ma'lsaine; en d'autres


!

1 termes, ç' est l'étape préparato ire au retour à 'une 'ex istence
1
'\'J,
~ antérieure" idéale oCl l'~tre est llibéré de toutes, les
11
contraintes.
1
La cul ture tarehumeranne incarne l'utopie que l' homme

peut retrouver. Artaud décI are:

j'aime imieux le peuple qui mange à m~me la


oterre le délire d'où il est né,
je parle des Tarahumaras , 1

15\
I"

(
mangeant le Peyotl à m~me le sol
pendant qu'il natt •••• (t.13, 74)
\
Dans cette c'ulture naturelle, tout est en r~PP,ort étroit
avec le cosmos: la\ nai8san~e,
,
la vie et 1 a m0 r t.
.
--1 ci,

cependant, la mort ne signifie pas l'issue d'une existence

inaupportable mais plut9t la suite naturelle des choses.

,Pendant la vie, les. Tarahuma,ras 'conneis~ent déjà "le délire"

volontaire, produit par le Peyotl, qui leur donne une

connaissance intime d'eu~-m~mes et de l'univers. Ainsi, ni


,
'\ la folie rii la mort ne sont nécessaires comm~ refuges contre

1· la ,réalité insupportable. Le délire pour eux est une

expérience lucide fui les rappro~he de l'essence des chos~s


1
par 1 e dédoub lement de soi. Ce He expérience pr imordial~

avec le Peyotl parmi les Tarahumaras est décrite dan-s ~.

voyage au pays des Tarahumaras. Cette. expoérience temporaire

comble leur existence unique dans la Natur~ ot! tout 8 une


,
signif icetion. Pour Artaud,l. les signes foisonnent partout

dana ce pays.
f .
Tandis que le pays des Tarahumafas sert de point de

re"père dans la recherche de la vie idéale, la cu(lture

américaine sert d' illustration supr.'~me de la vie abjecte.


i
"
i
1 l, ,.Ici, les plus innocents (les écoliers) participent io-

1 volonta~rem,ent à des projets répugnants (leur sperme est


1

recueilli pour\ la fécondation artifiçlle en vue de faire

152'
Il

(
des s61dats). Dans une soçiété où le progrès a tant

d'importance, les images de l'a techn'ologie moder~e


1 telle

qu'elle est évoquée dans le l~~~!Ù., signifient\1,a' dé-

humanisation de.l';~re. Dans "La Recherche de la fécalité",

Artaud constate que '\l'homme n'a 'jamais vraiment vécu.

Certes, i l existe. Cependant;

pour exister il suffit de se laisser aller à ~tre,


mais pour v ivre,
il faut ~tre quelqu'un,
il ~aut'avoir un OS,
ne pas avoir peur de·montrer l'os,
et de perdre la vi~nde'en passant. (t. 13, 83-84)

l'homme n'a pas pu renoncer à sa réalité illusoire pour

une rialité "où il nly a~ai~ pas à gagner d'~t~e/mais où il


,
n'y avait qu'à perdre la vi'e" (t.13, 84). ("Vie" a ici la

connotation de "décadence".) lIé tait don c lui - m~ me la

cause de "l'abjection de \saleté!' parte qu' "il s'est pr'èté

à l'obscène repas." Des "deux routes qui s'offraient à

lui ••. i l a choisi l'i~fini dedans", se ·refusant ainsi la

possibilité inéPUiSable) "l'infini dehors". L'existence

close et limitée qu'il choisie 'est par conséquent une

existence stagnante
~
qui engendre les pires maladies. Le
1

rapport établi e\~re la merde et l '~tre ("Là où }~a sent

la merde/~a sent l'~tre./l'.homme aurait très bien pu ne pas

chier, ne· pas ouvrir la poche anale,/mais il ,a choisi de 1

chier/comme i l aurait choisi de vivre/au lieu de consentir


"
\
153
.
\
c à V1vre mort") témoigne à la fois' de\ la faciDité de son

choix (acte essentiel à sa survie, "cther ll n'est, pas vrai-

ment un choix) et de l'abjection de sa vie.

Ce texte exprime l'obsession qu'éprO'u'oIe Artaud devant

le corps et son avilissement. "l' homme est mal ,ade parce


,
qu' i 1 est mal con s t r u i t ," déc' l are - t - il. Tandis que

"l'espace,/le temps,/la dimension,/le devenir,/le futur,/

l'8venir,/I'~tre,/le non-~tre,/le moi,/le, pas moi,/ne sont


o '

rien pour ,[lui],", i l Y a "une seule chose/qui i soit quel--

que chnse ••• la présence/de [sa] douleur/de corps ••• " \(t.13,

95-96) • Et Artaud indique plus loin: "j'ai pété/de

déraison/et d'excès/et de la révolte/de ma suffocation./ •••


\
( C'est qu'on me pressait/ jusqu'à mon corps/et jusqu'au

corps/ .-~'.et c'est alors/que j'al tout raft· écfater/pa-rce -

qu'à mon corps/on ne touche jamais" (t.U, 97). Artaud

décrit l'h'Omme et le corps comme un nucléu's qui est assailli


\
de tous djtés par des organismes pernic ieux, parasitaires.

Il met en relief la nature con~rète de' l'homme en faisant

allusion a son anatomie. Il évoque toutes les fonet ions et


\
réactions naturelles et nécessaires dU,corps comme celles de

, "chie r,i et de'" pé tet" qui pe uvent 'ê'tre obscènes. Mais le


'"
corps, malgré ou pe ut-~tre à cause de tout cel a, est symbole

de tout ce qui est concret et tangible, ayant une réBlité

supérieure à ee qui est abstrait et éphémère.


L'abstrait, par rapport au conc.ret, n'a pas de portée

i'llmédiate: "c'étaient des mots/inventés pour définir des

choses/qui existaient/ou 1
n "existaient pas/en face deI

l'urgence pressante/d'un besoin:/celui de supprimer l'idée,/


1

l'idée et ,son mythe,/et de faire régner à la ,placè/la

~anifestation tonnante/de cette e~plosive nécessité:/dilater


1 e cor p s de ma nui t in terne. • • ,,' (t. 13, 94).

Or, l'existence et la valeur légitime de Dieu et de la

Rêligion sont niées par Artaud. Dieu n'est pas 'un 'S'tre; il

est "comme le vide qui avance avec toutes ses formes/dont la \ '

représentation la plus parfaite/est la marche d'un groupe


1 \

incalculable de morpions" (t.IJ, 86)'1 En effe t, de m8'me

c - - -- - -~
que Dieu n'existe pas,
- - --~- -------
"le monde des démons", monde ·'inventé

par Dieu, est absent. Et Dieu -n'estrîe-n-qu'unmiciooe;-

qu'un "animalcule qui le [l'homme] démange mortell~ment •.. "

(t.13, 104). Die u e t 5 a tan n' 0 nt j a mai s cac h~ que le

Néant. Ainsi, Artaud "renie le bapt~me et la mesae" parce

que tout est mensonge: pie u , Sa. tan, l a réd e mp t ion, le

paradis; toutes ces notions appartiennent à un monde clos

illuso ire, c' est-~- dire à "l' 'infime dedans".


, ,
Dans ce monde limité que l'homme a choisi, rien n'a'

encore été assez exploré., Comme nous venons de l'expliquer,

Oie u e t 's 0 n mon de, n e sig nif i e ri t que 1 e Né a nt. Quant à


JI
l'homme, i l n'est jusqu'ici jamais parvenu à établir sa
. ' \
- - j ,- •

\
1
(
supériorité sur les empires de la possibilité" (t.13, 107).
"1 :l
1
1
j

"On 'a fait manger l~ corps humain,Jon l'a fait boire,/pour

s'éviter/de le faire 'dan!i'er" (t.13, 109). La danse, ici,

c'est la danse dionysiaque et frénétique de la libération.

Il faut détruire la notion étroite d'un corps humain abject.

.La ~ibération ~e ~'homme peut ~tre a~teinte par le


,
Thé~tre de la Cruauté qui est comparable à, cette danse "à

l'envers". "A la différence de la notion de Dieu, "le


i
Th é1i't r e de la "cruauté/n'est pas le symbole d'un v ide

V absent,," malS "l'affirma'tion d'une terrible/et d'ailleurs

inéluctable nécessité (c'est nous qui soulignons)." Il fera

,"danser enfin l'anatomie hum'aine,/ .•• de haut en bas et de

bas en haut,/d'arrière 'en arrière


- •••
, "
-
(t.13, 109). Au-lieu du mouvement e-navant~qui caractérise---- 3

\ --------t
le monde moderne, c' e~t-à-dire le progrès', Artaud recherche l --------.
1

~
u~ mouvement en arrière q1ui remonte aux traditions primi-
~
~
tives. "Le thé1hre et fa danse du 'chant," dit-il, "sont le
\
thé'â"tre des révoltes furieuses/de la misère du corps 1

humain ••• " (t.13, 116). Afin d'effectuer le changement,

'il faut refaire l'anatomie de l'homme:' " un co r,p s san s

organes". Re(aire l'organisme c'est, en èffet, le détruire


~
tout d'abord. De la mort du corps malade et abject ren81t

le corps neuf. Ici c'est la renaissance dans le' temps,

un temps primordial où tout 'axisle en harmonie avec la


1

Natur'e, a'vec le cosmos.

15"
, '1

, \

, l

.
'f
!
!
Quatrième Partie: ,Le 1engage des signes
1

()j

~
-.,-
,
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157
y

- ----j ~*-~.-- ~
l"
", ...... 'Ir-~l\"J,I~
\
\ ..-

1
j
Chapitre 1: Théttre

. , J ;

Dans une lettre à .Jéan-Richard V-och écrite en 1931,


Artaud explique: Cl.

mes t end a n c e 8 me pou 8 sen t ver s i e "T h é ~t r e


intérieur"; le thé1i"tre' incarnation de r"@ve~, de
pensées projetées sur la scène comme à l'état pur
e t sen s bar r i ère .•• B'r efun th é'â t r e 0 Ù 1 a 1 i ber té
d,e l'esprit trouve son expansion absolue et sous
toutes les f"ormes pOssib,les •••. (t.5,63)

Le thé1i'tr e qu 1 Ar taud che rche à créer est d one un t hé~tr e

intérieur et physique à la fois. Intérieur au sens cité

ci-dessus. Et physique 84 sens \ que c'est un'iquemerit par


\

1es m0 yen seo n cre t 6 que- 1 eth é ~t r e pou rra i tex p r i mer

objectivement les vérités secrètes unive,rselles. En effet,

Artaud veut rendr~ le théttre "à sa d,estination 'primiti~~,

•.. le replacer dans' son aspec~ r-eligieux et métaehysique,


J

••. le réconcilier avec l'univers" (t.4, 84). C,omme le

remarque Philippe Soller-s: " La pen s é'e , l e e ~ r ps ,

, l'inconscient: telles sont les trois figures ordonnatrices

du langage brisé d'Artaud, lesquelles se réwnis8ent en une

seule ••• la vie."l l,

! "
~ette réunion ~u théttr~ avec-l~s forces cosmkque~ eètl
,
atteinte par l~s cultures orientales et les cultur~8 prim~-

,tives, selon Artaud, qui se 8ert ,de ces formes théâtrales


1

e 0 mm e po in t ..d e dép art dan s la cr é a ti 0 n duT h é'â t r e deI a

(
/

f]
Cruauté. Les langages et les tee hn ique s différents s'ont
,-
associés po ur produire un concept t héi't raI nouveau qui

n'est ni tout à (ait or ientel ou primitif, 'ni tout à faj t


,
occidental. Le thé~tre d'Artaud fl'est' pas' une imitation
de ces formes t,hé~trales, il' est plu~'St une synthèse des

langages qui leur correspondent et qui sont appropr iés à


1

s 0 ni thé ~tr e . LeI an gag eth é ~t raI d'A r tau d s e bas e sur

des signes plut~t que sur 'tIes mots. En ces e n s, leT h é ~t r e

de la' Cruauté ressemble peu au thé'â"tre occidental. Dans

ses thé 0 rie s d r a mat i que s , Art a u d d é n 0 n~c e let h é ~ t r e

occidental et' son


,,'
attitude erronée concernant " la parole b
J
, J
'<
\
et la mise en scène. Dans ce thé~trB-., dit-il, les -·mots
"-
sont primordiaux tandis que la mise en scèRe, telle que
\ ' 1
.
l'entend Artaud, n'est/qu'accessoire. Lei) Thé1itre d,e la
. 1

Cruauté inverse le processus: la mise en scène (ou le


(>

langage des signes) y domin~, t and i s que les mots re~oivent

"à peu près j; importançe qu j',i l,s ont dans les r~ves" (t. 4,

'112). ' Selon Al ie e Tunks; " Artaud se sert du langage

1 "
comme point de départ pour remo,nter vers la source qui l'a

provoqué. II2

, 0 ans son é t, u d e': 1\ ~ n t E..!l i !!._~.!.l.!.!!Ll.!_!~.!. c i E.!--E..!_.±..! î


1
i
société"', Jean Hort publie le témoignage de Jacques Brenner 1

lors d'une visite Mrtaud. Brenner rapporte: 1


i
1

159
\ -

..
Il proteste ... contre les le~ons que l'on 'tire-du
Thé at r e e t son Do u b 1 e et, h é 5 i t an t u n p~ u d' ab 0 rd,
affirme:
~ 8
"Je n'ai pasl dit que la Rarale, ce n,Oétait
rien, mais je n'ai pas voulù a'jouter une dent
à la bouche masturbatoire de l'homme; j'·ai
di t que le thé'â'tre n'était pas 1 imité à la
parole ... j'ai ajouté le corps à la parole •••
je n'ai pas voulu seulement ajouter le corps-
!_la_~!~~l~. Je cherche !~~~l!_de_l!
parole, la raison de la parole, et au-gelà -~e
la g~sticulBtion ••• je chercher' .un mythe

(c'est nous ~ui souli~nons)."3

Et dans la deuxième lettre( sur le iangage écrite en 19'32 à

Jean Paulhan, j\rtaud explique que "loin de res,treindre les

possibilités du théâtre et du langage, sous 'p,rétexte que je


-\
cne Jouerai pas de pièces écrites, j'~t\ends le, langage de la

SIC è ne, j ' en mu l t i pli e 1 e s p 0 s s i b il i tés ( c ' est no U s qui


\ ) J !
soulignons)" (t.4, 133) .

Au fond, l'9JlPosition entre le langage des signes et le

langage des mots cor~espond aux différences entre les


'"
cul tures or ie ntales (ou non-occ identales) et l es cul t ures

occidentales. Selon Artaud, l'antinomie de 1 eur s'concepts


\

''.
thé S'tr a u x e t e st h é t i que a . se caractérise ai NS i : "poésie l

:, Cau sen s l ar g e ) 0 PP 0 sée à ~ s y c h 0 log i e' , mé t a ph 'y s i que li 1


~j- '"
,
1

divertissement, création à stagnation ou' à décadence,


~,

Inconnu opposé à quotidien, ob"jectif li arbitraire, supérieur

1 à infériellr: le langage des signes e'at supé'..rieur BU


.' l ,

1a!1gage des mots et plus révélateur qùe lui. le IB,ngage


.\
" ""

160
\'
/ '

,
i
J. r ",
i ( q,. .
1, ph ys i que
.,
est cap a q1 e
"
(
. d' ex t é rio r i se r '1 e s idées abstraites,

révélant alors une "identité métaphysique du concret et de

,,--l'abstrait .•• " (t.4, 72). Le langage quê cherche .Artaud


est un "langage unique à mi-chemin entre le grs"te et la

pensée" (t. 4, 106) .


...
Le but du Thé~tre de la Çruauté n'est pas de copier la

vie, maJs de 'se mettre "en communication avec' des forces


• pures" et "d'en revenir ••. à une idée de la connaissanbe
1

physiq~e de~ images et des moyens de provoquer des transes,


1
~ comme la médeciné chinoise" (t.4, 96). Par les moyens
!! physiques, le t~éttie peut atteindre
o

diTectement
I~ \

i .l'o~ganisme.
~"""

Il enseigne "Il'inutilité de l'actio'n' qui un,e


!1
i
1 Cr fois faite ni est plus à, faire, et l' util Hé supérieure de
1
,
f: l'{tat inutilisé par l'action" mais qui, retourné, produit
i
1 la sublimation" (t.4, 99'). Le langage thé~tral dl/Artaud,
,
!

i
qui est dynamique et obJectif, a son origine dans le
.
soùffle • Es sen t i e 1 à l' a ct e u r 'tl u thé tt r e d' Art a ud, i les t

1
( 1
\.
L/
, .....
un exemple de "l'éta~ inutilisé par l'action." Primordial

à toutl\ ~ct;e et à toute par'ofe, il est à l'origine, de la vie

in-;me.' . Dans le contexte de l'expression verbale occidentale, ''"-


, 1 # .
cepE?'ndant, en soi',,~il n'a ni sens ni importance. Le souffle j ,
f;
est capital
- r'
par vide et .. par ple~n.
dans la médecine 6"hrnoise qui

Convexe E;lt ·concave.


'~ne procècte que

Tendu rel~ché,.
/
.. !
l
!

Mascul in fémin i,9? (t. 4, 162). Artaud' croi t

()
161.

/.. _ ...." __ oo-v........ , ,,,-,,,--:. _ _ . _ _ _ ~,,,,,J'o~"" _ _ .,. _." 1


qu'il peut "a~ec l'hiéroglyph~ d'un soJffle retrouver l'idée

du thé~tre sacré" (t.4,


, 163).*

Le langage du Thé~tre de la Cruauté doit '8'tre capable

de . créer la pe,ur métaphysique chez le spectateur et doit

s'adresser à Bon inconscient. Ce, langage des signes est

1 e 1 an g.a 9 e deI ami Bee n sc è ne, langag~ qui utilise li


\

",~t(lt.alité de ~'espace scénique. Ce langage dynamique, multi-'

( dimensionnel e~t en mouvement constant dans toutes les


) directions. I l ne se limite pas à la dimension de l'espace

mais inclut aussi la dimension du temps. Celle-ci est liée


,
inextricablement à la dimension du son pour autant que le

rythme et la ~cansion de la musique et dus a n (m"êm, e 1 a


, ,
parole) sont des mesures temporelles. - On' peut dire que la

dimension temporelle est évoquée aussi au sens historique


Il _

*Dan~ le texte D'un voyage au pays des Tarahum'aras, Artaud


décrit un pays' qlli est en harmonie avec l'univers: les
dieux semblent 3tre omniprésents et des signes et des
symboles naturels couvrent les rochers,' les al'bres, 'res
montagnes, etc. Les signes s'ont métaphysiques puisqu'ils
~emblent 'ttre c'réés par des' forces supérieures à l'homme
et sont des signes non-verbaux. la découverte de "la
montagne des si'gnes" confirme à 'Artaud que le langage' des "'.
signes est supérieur au langage des mots, parce qu'il fait
partie (tu cosmos. Cette trouvaille naturelle est d'autant'
plus significative parc'e qu'elle se situe ·su paye sacré
des l'arahumaras, cul ture que vénère Artaud. Sollers note
qu'au pays des Tarahumsras, Artaud "touche ••• une vie cac~ée
à 1 a sur fa ce 'd e la vie " une vie des i g ne s chi f f rés -,
[qu'] i l se situe à ce moment dans une expérience ,adamique,
'. ,.,.
ou plutot,de 'l'homme lnoréé ••••
. l,· ,,4

Cf \ 1

" ,1
c du mot:
"
le ton incantatoire et d'autres techniques de son
.'

et de lumi~re ~ffectuent une sorte de retour en ar~ière


1
vers les temps, primordiaux, lorsque l'incantation avait un

,"sens" immédiat' et pou,vait pénétr~r l'~tre par la peau. Le

son et les l,chniques thétt~ales aans leur ensemble doivent


,-
"réconcilier
,
••• [l''ê'tre]" avec le Devenir" ou ' le destin,

c'est-à~dire avec la totalité de son e~istence, passé,

présent, et futur.

Da,ns le "Second Mani-feste" du Thé'it're de la Cruauté',

.A r tau déc r i ,t :

. f
~

... dans le spectacle nous introduirons une notion ~


nouvelle de l'espace utilisé sur tous les plsns
possibles et à tous les degrés de ls per8p,ctive 1
,J
e FI pro f 0 n d e ur é t en ha ut e ur, e t à" r"c e t t e n à{ ~ 0 n '-.
>.

viendra s'adjoindre une idée particulière du temps


ajoutée à celle du mouvement .•..

Ain s i l ' e 8 p ace t hé ~t raI se r a u t i 1 i s é, non


seulement dans ses dimensions et dans son volume,
mais, si l'on peut dire, 'dans ses dessous. (t.4, ,
148-149)
""
Le langage thé'itral d'Artaud est donç spatio-temporel; il

est, de ce féii, "extérieur à toute langue parlée."

Dans le théâtre balinais que décrit Artaud dans

LeTh é ~t r e et son do u b le, les ch 0 ses de 'l' in st i n c t son t

"amenées à [un] point de transparence, d'intelligence et


"
de ductilité o'ù elles semblent nous :rendre d'une mani~re
If

physique quelques-,unes. des percep~ions les plus secrètes de

• >,
l'esprit" Ct.4, 73). Ces "perceptions les ~lus secrètes de

l'esprit" sont objectivées en partie, par les hiéroglyphes


.tI
à trois dimen~ions que sont 1 es acteurs. L'acteur dev ient
l /

l' in~erprète d'un message métaphy.sique et il transcende sa

propre hum'anité dès 'lors qu'il est sur lIa scène. Il n'est

qu'un double, qui fait partie de "l'amas de signes, etc."

Le langage thé~tra'l d'Artaud, comme celui du spec\le

balinais, dépend de' la réunio'n du concret et de l'abstrait


\, , ,
sans laquelle la portée du langage s~énique serait

amoindrie.

L'acteur n'est qu'un des signes qui composent l~


\ '
langage thé'âtral d'Artaud. Comme le langage scéniq~e du

thé~tre balinais, le langège total de son thét'tre s~r'a de

la "poésie dans l'espace" et rev'ê'tira "de multiplef!


,
as-pects

..• comme musique, danse, plastique, pantomime, mimique,

gesticulation, intonations, architecture, éclairage et

décor" (t.4, 47),


v
i
Thé~tre
1

Dans le' "Premier Manifeste'" du de la Cr,uauté,

Artaud. fait l'esquisse du langage qui~va réaliser cette

" p 0 é sie dan Q- l' e spa ce. " Ce langage,des signes'va ttre

chiffré comme une transcription musicale. La parole fait

p~rtie de ce langage mais elle s'utilise seulement dans


l ' 1

"-1 " ses po s,sib 11 ité s d' e~pansion hors des rn"ots, Ci e dév el oppe-

ment dans l'espace, d'filction dissociat'l:.ice et vibratoire


1

16lf

, '
c sur l a s en s i b i l i té, ,II c ~ est - à - di r e " les intonations 'et la

prononciation particulière d'un mot" ( t . 4, 107). Dans


\1 ri'

le dom\aine 'musical, les instruments seront employéso à'~

"rechercher des qualités et des vibration~ d~ sons absolu-

ment inaccoutumées, qU,ali tés 'que


1
le~ - instruments \ de musique

actuels ne possèdent pas.~." (t.~, 113). "En dehors du


o
langage auditif des sons," il Y a "l"é )angage visuel des
objets, des mouvements, des attitudes, des" gestes" mai~ à
"

condi tion qu'on prolonge. leur sens, leur physionomie, leurs

assemblages jusqu'aux signes, en faisant de' ces signes une

manièf~ d'alphabe±~"

Dans .le "Second Manifeste", Artaud. décrit plus en


/
détails son concept thé~tral et le langage à base de signes.

Il écrit:
,1

Ces' moyens, qui cons~stent en des intensités de "


r
couleurs, de lumières ou de sons, qui utHisent la •
vibration, la trépidation, la répétition soit d'un
rythme musical, soit d'une phrase parlée, qui font
intervenir ,la tonalité ou l'enveloppement com-
municatif d'un éclairage, ne peuvent obtenir leur
plein effet qU'e par î} utilisation des ,dissOn$nces. ,

Hais ces dissonances, au lieu de les limiter !


à l' e mp ris e d' uns e u 1 sen s, no u s' 1 e B fer 0 ri s
chevaucher d'un sens 'à l'autre, d'une couleur,à un
1"
~
J
son, ,d'une parole à un. écl~irage, d'une trépida- 1
i

licin de gestes à une tonalité plane de Bons, et~.,


etc. (t.4, 150)
1
Artaud constate que toute poésie s'inspire de l!esprit !
1
d'anarchie ,profonde et que "la vraie poésie est méta-

- " ...
___ .. !"",I,",,._-_
_~_ .,._-_._- '_._1111'_._ _ _T_IoO___.....
... Il
~p---~ .,...-- ...
,
,:

1

(
physique." Avec 1e Thé-a-tre de.la Cruauté, i l veut "faire

la métaphysique l du langage, des gestes, des attitudes, du

décor, de la musique, etc.," .cI'est-à-dire "tirer les consé--

1 quences poétiques extrêmes des moyens de la réalisation."

Il donne ~bmme exemple le langage articulé. "Faire la , -

métaphys~que du ~angage ••. ~'est enfin considérer le langage


·r
sous la forme de l'-Incantation"" (t.4; 56). La parole a donc

une place dans le thé~tre d'Artaud, m~is elle est considérée


1
en tant qu'objet et élément concret maniable qui a la possi-

bilité de décoûvrir "l'~cceptiqn religieuse et mystique" du

th'éB'tr"e. Artaud entend abandonner l'usage et le sens


i
quotidiens du langage des mots et ~e transformer en langage, .1
. -Il
,
[
des signes. Faisant allusion aux polémiques des manifestes

et dl'autres écrits d'Artaud sur le thé~.tre, Jacques Derrida

affirme: (

l f
••• ce que ses hurlements nous' promettent,
s' articul ant sous les noms d' existence, de chair,
de vie, de t h é~t r e , de cru a uté, c ' est, a van t 1 a
folie et l'oeuvre, le sens d'un art qui ne donne
pas lieu à des oeuvrés, l'existence •.• d'une parole
qui est corps"d'un corps qui est un thé~tre, d'un
théâtre qui est un texte parce qu'il n'est plus
asservi à une, écriture plus ancienne que lui, à
quelqu'archi-text~ ou afchi-parole. 5
\
Le nouveau langage d'Artaud coincide avec l'exaltation
\ - ---------- ~-<

du corp~ et le Irefus' de' l'esprit. Le corps est la seule

réalité permanente, parce que les dou1leurs qu'Artaud a

16'(,

J
!'

éprouvées pendant toute sa vie touchaient surtout li son


corps.- Par cont,re, l,'e!3prit était p,our lui une chose,

illuso ir e, ép~émère. Ses derniers textes' attesteront son

obsession du corps etl de ses fonctions les plus répugnantes.

Artaud décrira surtout les aspects répulsifs du corps parce


, '
qu'ils soulignent d' autanl plus la réaiité;- La mé taphore 1

qui parcourt son oeuv re e'ntier dey iendra de plus en plus


1
" '

'envahissante et témoignera de cette obsession. Comme le


remarque Greene:
\
Artaud wanted poetry, to espouse the body\ in \\a11
Hs ugliness which, for him, forms the most funda- '
mental substratum of oqr being - in the hope that
it (Le., poetry) ,would thereby become ~ndi8solu ...
bly welded to physica'l existence. 6
1
Une certaine réalité corporelle cariactérise le n~u~eau

langage d' Art1aùd. P Il ne comporte pas seulement des '''mots

arbitraires" qui' touchent li l'esprit, mais cpmme les

hiéroglyphes qui s'adr,essent à la vue, il fait appel li la

faculté auditive et est c,apable d'atteindre l'~tre par lea

sens. Pour en finir avec le jugement de die~ montre l'usage

du son dans,toute son étendue. Le ~exte d'Artaud ne"se


1

1 i
présente pa~ seul lI'Iais s' accompagne ~e brui ~age. L' édi teur i

1 1
des Oeuvres complètes nDte que: 1
t
,1
1
,)
Plusieurs instrumènts de musiqué avaient été mis 1
li sa disposition Id'~rtaud]: xylo'phone, t~mbours, \ ~
"
timbales, gongs, sur lesquels il improvi'sa la
1
i
,
\ ,
(
musiqùe dont i l accompagna ses chantonnements
scandés. Il enregistra aussi des cris de diverses
in te n s i tés et des pas s age s de ,g los sol al i es.
(Ll3, 323)

Cette émission semble ~tre la réalisatipn~littérale de cet


éno'ncé d'Artaud:

Si la musique agit sur le-s serpents ce n'est pas


par les notions s~irituelles qu'elle leur apporte,
mais parce que les serpents sont longs, qu'ils
s'enroulent longuement sur la 'terre, que leur'
corps touche à la terre par sa presque total! té,
et les vibrations musicales qui se communiquent à
la terre l'atteignent comme un massage très subtil
et très long.~.. (t.4, 97)

Artaud met cette idée en oeuvre dans ce passage du


Jugement: 1
• -!

COpSl tra
\ !,,
ka fige aronda
, \
ka lakeou
t 0 cobbra
cobra je
ja futsa mata
DU serpent n~y en
A NA.... ( t.l}, 114)

Ces incantations indéchiffrables témoignent d'une trans-


parence par laquelle se révèlent son obsession de la chair
et de la sexualité, et son désir de refaire le corps.
~ \ \
Après l'échec de cette émiss~on, Arta~d comptai t retourner
BU thé~tre o~ il pouvait faire valoir son concept de langage
dans sa totalité.
()

l,

---___..."._u________----- - .-, -~~


" --- ~----~-----
,
-j

c Contrairement aux mots dont le sens est donné arbi-

trairement, les signes pnt une valeur idéographique, c'est-

à - d ire q\u ' ils Il r e pré sen t e n t des i d é es, des a t t i t u des de'

l'esprit, des aspects de la nature .•• 11 (t.4, 48) comme les


Î
hiéroglyphes égyptiens QU chinois. Artaud "propose de
,
renoncer à cet empirisme des images "que l'inconscient

apporte au ~asard" (qui caractérise le langage des mots) et

"d! en revenir par le théi'tre à (une idée de la connaissance


- \
physique des images ••• " (t 4, 97) (qui car~ctérise le
i !
langage~des signes). Il croit que l~ Thé~tre de la Cruauté
, ,
nous permet de revenir "à cette ,idée supérieure de la poésie

.•. qui est derrière les Mythes" et ,nous perme\ "de retrouver

en nous ces énergies qui en Yin de compte c'réent l'or'dre.et
/

font remonter le ,taux de la vie •.• " Ct.4, 96). Comme le

remarque Sollers:

L'activité Ithé'ihrale est .•• ce qui doit révéler


la toute-présence du langage dans lequel nous
baignons. Non, pas un langage déjà accessible,
codifié, parqué dans la parole dite ou écrite,
mais arrivant de partout._ et occupant tout,
atteignant à la fois notre corps et venant de
notre nuit interne, au croisement de l'espace et
de l'espril, là o~ le non-sens passe dans le aens
et o~ en propres (ermes, nous réalisons nos
. 7
s~gnes.

Le Thé~tre de la Cruauté nous donlie une dernière

possibilité de renattre et cette fois" de vivre au sens le

plus large du mot, c'est-à-dire d'Stte en harmonie avec les

,
~,.~------ -----""i"'------.-----
forces pures de l'univers, de ,la Création m'@me, enfin, de

les comprendre. Afin que cela se r'éalHle, cependant, il

faut courir un risque où nous avons tout à perdre ou tout


"-
à" gagner. C'est là H~ danger. Comme le thé~tre, balinais,
\
l e' Thé ~ t r e d e laC rua ut é d0 i t se lier au Danger. Le s

spectacles du Thé i t r e 'd e 1a Cru BUt ~ doivent posséder "le


1

se~timent d'un eSté du sérieux et de l'autre du rire."

Ils doivent avoir "le sens de l' humour vrai et du pouvoir

de dis soc i a t ion ph ys i que e tan arc h i que dur ire '. " Par
"l'imprévu objectif", le Thé~tre- de la Cruauté serait

capable de réaliser à la scène l'idée de danger ou de peur

métaphysique.
( }
Le langage de la scène qui doit produire cette réaction
i
bouleversante est un langage "actif et anarchique, où les l '

délimitations habituelles des sentiments et des mots


,
;

[sont] abandonnées" (t.4, 49). le langage scén.ique établit l'


J

)
une correspondance entre les ~tres humains et les forces (

...
naturelles, entre le monde intérieur psyc'hique et le monde

extérieur. physique, voire" entre l'inconscient individuel \ \


,)
e't' l'inconscient col~ectif, l'universel. En effet" le j1
d,e's "la Cruauté et le langage des" signes réunissent
1
Théatre
A
t
1
des forces ~d+sparates~ t
_.... '.

\ Cette i'dentité des éléments antithiHiques est carac- 1


téristique de l'anarchie de l'esprit qui est à la base
1

170 tl
de toute poésie, selon Artaud. Dans ce contextS', Artaud

utilise '''a'narchie'' au sens positif, c'est ... à-dire d',",agita-

tian qui inspire la création", et non pas au sens néga~if

de "désordre qui annihile tout." le ~ vrai théa-tre e~t donc


polésie. Artaud, affirme:
1

\
\
• ".le vrai thé1tre parce guI il bouge et parce
~il se sert d'instruments vivants, continue à
agiter des ombres où n'a cessé de trébucher laI
vie.
" """
... Pour le théatre comme pour la culture, la
question reste de nommer et de diriger des ombres:
et le théttre, qui ne se fixe pas dans le langage
et dans les formes, détruit par le. fait les
fausses ombres, mais prépare la vbie à une autre
naissance d'ombres autour desquelles s'agrège le
vrai spectacle de la vie (c'est nous qui soulig-
nons). {t.4, 17-18)

En ne se limitant pas à -un seul langage, le théitre a la

possibilité de communiqu~. .rÎPleinement avec le spectateur par


(,
une riche combinaison de "langages".

Le thé~tre est chargé d'un travail urgent. Comme la

pe st e , dit Artaud, "il est la révélation ••• d' un fa ntt de


f
,~' cruauté latente par lequel se localisent sur
. un individu
t ".
i
t ou sur unI peuple toutes les possibilités ~perverses de

l'esprit." Comme la peste, .le thé'itre "est le temps du mal, 1

du triomphe des forces noires, qulun~ force enfore plus

pro f 0 n de al i men te jus qu'à Ile x t i n·c t ion ( c ' est no us qui

soulignons)" (t.4, 37). Le théllfre, seul, en démasquant

'('_: -~

1
i
171;

1
t
}
,
1
f.
!
l'~tr~ et en lui découvrant son abjection profonde, peut le
J
guérir. Le spectacle, "au lieu de viser à l'effel et au l
1
charme, sera pour l'esprit, un moyen de reconnaissance, de l

vertige et de révélation~ (t.5, 41).

La nécessité métaphysique est la raJ.son d ''être du

thé'i'tre, affirme Artaud. Celui-ci parle de l'extériorisa-


, '
tion, d'un "drame essenti8'l" qui est "à la base de tous les

Grands Mystères" et, qui '''épouse le second temps de la


\,,~ \ \' .
Création, celui de le difficulté et du ~ouble, celui de la

matière et de l'épaississement de ''l'idée'' (t.4, 6'1). Mais

au fo~d, la nécessité de "s'écrire et de se produire [à

("
,l'opposé d'écrire et de produire tout simplement], d'entrer
\
dans lé se.ule réalité des signes où l'on est soi-m'ê'me un
signe, renversement qui va donner à sa vie (et à son'

écriture cons~dérée comme moment ~ignificatif de cette vie)

une portée et un sens débordants, ,,8 comme l'écrit Sollers,


\
, .,
est la raison d'~tre de Bon concept de, langage ,des signes,

de langage total.

C~s descriptions du 'théitre et' du drame essentiel,

aussi· explîcites qu'elles ,soient, restent du domaine de

la rhétorique et de l'abstracti'On. Comme tout ce qui

appartient au.langage des mots, dirait Artaud, l~ur réussite

est limitée, csr elles sont impuissantes ,à décrire 'une

sction métaphysique qui exige un langage total. Paradoxale~


l '

17;<'

-r ................ _~~...
_ .....
___·._\
.. _ _ _ _ _ _ __
(
ment, pour expliquer le langage des signes et sa nouvelle

conception du t,hé'itre, Artaud doit recourir au langage des


'\ mots. Le l'~cueil d'essais le Théitre et son d'ouble offre
\
don c une con t rad i c t ion i r réd u c t i b l e .p u i s que Art a u d s e

sert du l ang age des mots pour dénoncer l' {ne ff k ac.-Ï té et

l'insuffisance de ce lIl~me langage. Ces essais sont en m'ê'me


"
\
temps l' ill ust rat,i. on supr8'm e de son. messag e: les mot s sont

en effet,incapables de faire ressortir l'effet total et

seuls les signes peJvent compléter la dimension qui manque.


1 ~

Dans la première lettre sur le langage écrite en ~eptembre

19 3 l , Art a u d r\é su m~ sap 0 s i t i 0 1) deI a man i ère sui van te:


1 •
Il semble ••• que la plus haute idée du théâtre qui
(-, soit est celle qui nous réconcilie philosophique-
ment avec le Devenir, qui nous suggère à travers
, toutes sortes de situations objectives l'idée
furtive du passage et la transmutation des idées
t dans les choses, beaucoup plus". que celles de la
i
t transformation et du heurt des sentiments dans les
mots (c'est nous qui soulignons). (t.4, 130)
~
r
1 "
~
t ;

<
--, (
j
1, ï
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1,
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'"
~

','
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--- , -_. - -,

()

'-- .
!
\
IPhilippe Sollers, "La Pensée émet des signes," in
Tel Quel, No. 20 (hiver 1965), p.12.

, 2Alice' Tunks, "Antonin Artaud: A la recherche d'un


nouveau langage poétique," in French Review~ 49, No. 2 (Déc.
1975 ), 247. , "
1
3
Jean Hort, Antonin Artaud le suicidé de la .société'"
(Genève: Ed. ConnaTtre, 1960), p.ns." "
f" 4

Sollers, p.ZO.
1 5, '
t Jacques Derrida, "La Parole soufflée," ln Tel Quel,
No. 20 (hiver 1965), p.46.

1(. 6
Greene, p~171.
l
!

l
l' 7
Sollers, p.16.o'

t 8
ibid., p.I5. 1

,
"
(

.\

,
,
o
\ ,
, "

'" .

o
,, .
, "

. ' - 1 •

, ,

Chapitre II: Poésie

Nous venons d (~xaminIH le langag,e des signes dans le

,théitrre' d'Arta~d en montrant que 'ce langage devient ~


1 angage scén i qu-e gui e st pl us ph ysi q-ue que. .verb al. Artaud

applique aU,ssi le lang,sse des, signes à la poésie; c,ependant,.,-)


~ ~
i l n,e s' y expr ime {las par les m-a-mes moyens ~hysiques qu'il

emplo~e dàns son thé~tre. :


( - .
le langage des sign~s uti~isé dans la poésie est plus
"verbal" vu qu'il' dépen.d surtout de la v'oix""l, et du sort ,"
1

et, non d~ "visuel". ~


Il est évident que dans la
d"Artaud, l'aspect,verbal, c'est-à-dire les mots,
,
(" ï.mportant que l' aspect,.physique.

Cependant" les derniers/. ~rouvrag~s poétiques dl Artaud \


,, ~_ 1 (L
sont très fraC}la.entés quan,t à l'usaÇje du langage traditionnel \ -------
f
i des 'môts.
(. '
En outl'e, '11s comportent des passages de "non-
t"
t ,se.n.s." -qui brouillept davantage ls sign-ifidation* des poèmes. '''-
1

,
"
t
Noua cr'ôyons donc
, "t
qu" une analyse
';'
"
~émique
. de que.lqueé
oeuvres-échantillons' pourra éclairer le message fcthdamental
... 0 • ~

l '
"dei ~~rniers po~me~ d'Arta~d. Nous t~udieron8,1'op~osition
<> ' , --

des 'is;foples et des sèmes dans Héliogabale, Artaud 'le M8'IJIo,

Cl- 'g~it
_ ".1 di enne.
et la Cu It uren
'"
, i
.
;/,
J

l' ! ..

-/

o (
" 1

(
Héliogabale fut écrit dans les années trente et ne fait
\
év idemment pas partie, des' derniers poèmes d'Artaud. Cepen-

dant, ce poème est important /pour notre ~tùde car, comme le


(
remarque Virmaux, "avec Hél!ogabale ••. il [Art,aud] s'engage

dans la- VOle de la- ,désintégration du, texte écr-it. ,,1 En

outre, Hélio9abal~' révèle tous les conflits qui obsèdent


1

Artaud, qu"ils soient individuels ou cosmiques, typiques'de

l'Orient o'u de l'Occident.

Héliogabale est un texte 'lyriq!e d'une, beauté évidente. , !

C'est un poème en prose qui décrit la vie. d'un personnage


\ ".. , .
historique d'un~ fagon~fictive e~ historique à l a foi s ! Une ..
l
dial_ectique entr~ les faits histo_~iques et les événements
1
( f, inventés et interprétés p-ar Artaud prép'are l"a voie au
l, ~'
f
r .conflit d'~déologies qui se dévoile dans le poème.

A pr~ière vue, ce poème semble préconiser l'anarchie


et le oconflit des principe.s qui régissent i 'univers et
1
met en cause l'o.rigine m~me derla v;ie. Bien que ce texte
r (

souligne l'ambivalence dè la nature hûmaine en dévoilan,t sa , .


, ,

l- dualité,

l~existence
il soutient qU'i1 Y s,

humaine.
f
au fond, une unité dans

f
Ce po'ème se clu~~téri8e par une division nette dans s,a
1 structure sémique; déco~Jrant des paradigmes opposés. Il
il
\ '
,fait v,aloir l'isotopie de l'~rdre, C!U du monde latin, et
celle dU'~désordre, ou du monde d'Hél,iogab'ale, "l'anarchiste
.1
r.
Cl (JJ
.~ ~

• 1
.....
17 6/
~
~.

~
\
-~----f.----_---_---:.._-- 1 fi b ,.""Cm_ 1... ~
.j
i
j

(
l
1
1
1';
couronné" • Cependan t, une troisième isotop~e est sous- '''1
. l'
,
r
entendue: :le monde réféx:e,ntie,l du lecteur ou de l'époque i

d'Artaud. Toute description de ,cette Troisj.è~e isotopie

est ab se net e et pou r t B nt c;.' est à cet t e i sot 0 pie que se

réfère constamment le lecteu'r pour "fUger" les actions

d'Héliogabale. ,les isotopies de l'ordre et du désordre

sont manifestes dans le poè~e mais la" description de

l'isotopie d'Hélio.gabale .y préd.omine categoriquement.


\

Du poInt de vue du monde référentiel d'Artaud, le , monde

latin représe~te l'ordre par rapport au monde d~Héliogabale,


'.'
'qui l reprééente re désordre. tett.e".dist.i.nction n'est pas

tout à fait nette parce qu'à vrai dire, la débauche et


( "
l'anarchie sont en état latent" dans le monde latin tandis

que le règne d'Héliogabale fait éclater cette anarchie

i n é v ~ t ab l'e • le poème commènce par la description de la

confusion morale , qui caracté'rise lè monde


J
latin avant

l'arrivée d'Héliogabale et ét~blit, en quelqu~ sorte,


\ . ,

"l'ordre" du statu quo. 'le désordre du monde d'Hélic:>gab"ale l


n'est donc qU,e, l'aboutisl;lelilent de cet "ordre": Ou point

~ vue romain, ce "désordre" vise


.. ""
à l"unité, ma.is une 1,
unité qui est "inapplicable au monde latin" e~ au monde l
référentiel d,u lecteur.
,1/1
l'isotopie d'H~~iogabale
!
est a,mbiguë, car. elle "comporte 1
. ,..
en meme temps la multiplicité et l'unité ,des choses.
\
D~nB
\

,1t'f7

" 5!W lin. Mur. • WX".


"

(
le mond\' Héliogabale, l'anarchie ou la séparation des
"
,<
'; lpr inc ipe s mul tipI es et oppo sés sont essent iellement réduc-

tibles à l'_unité; c'est-à-dire que l'anarchie


, d'Héliogabale,

est vraiment une f~sion op uné coexistence harmoni9ue

,dr principes irrécon,ciliables dans le m~nde. référen'tiel

deS'"""historiens de son époque. L'activité anarchique

d'Heliogabale a donc pour but .de détruire les limites qui

séparent oIes principes et de les réunir en un cercle où, ils

existent c~te à eSte.

~Artaud est l'interprète des actes d',Héliogabale parce

qu'i.l les comprend., Ce falit présuppose donc qu'Art.âu,d

éprouve la m~me anarchie intérieure . '


qu'Hé~loga~ale
\ '" et

AU' i l v i se ,II ; u Ton d , à" l ' uni t é dan s ses propres actes ou

dans ses pensées a~tit~étiques.

l'isotopie du désordre se marque par le s~me "mouve-

ment", l'isotopie de l'ordre par le s~me "non-mouvement" ou

"stagnation". Le sème "mouvement" se présente dans une per~

specti.ve,positive et constructive car il's'agit d'un lDouve-

ment co~plet, circulaire. Le è~me "non-mouvement" cependant

se traduit par la "décadence irrémédiable du monde latin."

Lie monde d,'Héliogabâle se caractériSe par le mouvement "qui

est lit t é-~a l e t s y mbol i que, à l' é 9 B rd deI B' hi é r arc hie, de
" 1
la sexualité, de la politique, de la religion. Ce mouvement '1

est définitif parc~ qJ'il poursuit un but.

o 1> '


l
1
j
Le sème "mouvemènt" fa~t pertie du sème plus c om-

pr é hensi f "d imensi onr)al i té" . La dimens.,ion est à la fois


1
'1 "
"

i
"spatialité" et "temporalité" et témoigne du dynamisme d'un

monde dans lequel tout est en mouvement constant. Ce

dynamisme naît d'une dialectiqu.e entre Ides principes

antithétiques en conflit, laquelle esquisse un mouvement


"
complet.

Le couronnement d'Héliogabale s'offre comme exemple du

sème "dimensionnalité". Ce sème appara1't dans' Héliogabale

sur le plan temporel,


/
spatial et symbolique. Sur le plan
"-
te mp 0 rel, Hé'l i 0 g a bal e pre n d un an pOl! r fa ire 1 e v 0 y age
.,
initiatique à travèrs son royaume. Un an représente le j

cyclé complet des saisons~, Héliogabale part à la fin de

l'été 217 et entre à Rbme au printemps de l'année suiv~nte.


,
Sur le plan géographique, Héliogabale traverse son royaume

d'un bout 'à l'autre, faisant ainsi un voyage c ircul aire.

Sur le pl an symbol ique, cet te odyssé e pè rm,et l' e xpl.oration

de tous ses goûts libidineux: la "sod9mie, la pédérastie,

l'inceste, la fornication ayec les b'ê"tes, l'org~e, etc.

L~ lexème: "[11] pr'tait à la luxure toutes les cavités de Il

\
son corps" impl ique un abandon de soi où toutes les dimen-

sions physique s du' corps sont engagées et se conf,ondent.

Cette,' situation embrouillée se manifeste dans le lexème:


) 1

"Héliogabale entre à Rome en dominateur mais par le


"

--____ L._-u~ ~
- -~- --.---------------

\
1
(
derrière", lequel évoque le $è,me "horizontalité" où l'avant' 1
j
, . , \ ,
1

et l'arrière se confondent - ceci sur le plan de la 1


"
sexualité aussi bien que sur le plan. de' la hiérarchie. Ci •

Les mariages d' Héliogabale semblent eux aussi amorce.r


1 \
une structure circulaire, laquelle fait ap'pel au sème

"cl'Ô'ture". Héliogaba,le se ,marie trois fois. " U'n e pre mi ère

fois av,c Cornelia Paula, une s~cond~ f~is avec la première

_v est ale, une t r 0' i s i ème a v ecu nef e mme qui a 1a t~ t e de

Cornelia Paula; puis il divorce et reprend sa vestale, pour,

en revenir à 1 a fin à Cornel ia Paul ail (t. 7, 126). Le schéma

suivant est ainsi ébauché:


l'
J
1
,1\ '

C.~. ::: Cornelia Paula


V ::: Vestale

L'unité d'~éliogabale dépend de la perversion sexuelle

et du renversement de l'ordre hiérarchique, c ~ est-à-dir.e

qu'elle est produite Ipar


\
l'anarchie. l'ordre hiérarchi'que

du monde latin est. détruit par Héliogabale ainsi que toutes

valeurs et tous les ordres. Héliogabale remplace les hommes

180
.[
.: \.

,/

pa):' des femmes dans le Sénat parce qu'il croit que c'est

l'ordre naturel des choses. o Il précipite les forces

1\ a te n tes du mon deI a tin, 1 es que Il e s son t v rai men t du

désordre. L'anc~tre d'Héliogabale, Bassianus, était un

cocher qui s'était élevé au rang de pr~tre: Et Macrin,_


\
, " l'usurpateur du trftne, était également
, de basse" extraction.

Et pendant le règne d'Héliogabale, "les' ministres furent

choisis selon "l'énormité de leurs membres" (t.7, 124).


,
1

L'absence d'ordre 'hiérarchique se révèle dans l' ,opposi-

tion sémique "magnificence -' dégrada,tion": qui 'est explicit


,
r
dans l'image des égouts, lesquels se situent directement
,/
\ \
au-dessous de~ temples. Ces sèmes antithétiques sont inter-

changeables parce qu'il n' y a pas de limi1fes définitives ~


.
l'isotopie du désordre. Les limites dimensionnelles ne se

discernent plus à l'intérieur de la cl1lture où ont lieu les


1,
actes anarchiques d'Héliogabale; la fin et le commencement, j,
,
le haut et le bas (sème: verticalité), 11 8van t et l'arrière 1

(sème: horizontalité), la mort et la vie deviennent un dans


,
l'anarchie d'Héliogabale.

Cette anarchie ~e manifeste surto~t par le sème


1 "sexualité" • E Il e est",' é v a q u é eau sen s g é n é raI de
.1 1

; [
f
t "masculinité" 'et de IIfémininité". Les caractéristiques de
.,
chaque sex e sont renversées dans,. l'isotopie
. 'du désordre.

Héliogabale lui-m~me eat connu pour sa beauté féminine, 88


\
1
\ '
181
1
\
","

î~ che té, son in cap a c i té pol it i que. Et son ancltre Bassianus 1


,i'l
est décrit comme mince et béquillard. Par contr~ste, les 'f

1
,femmes se révèlent massives, bien constituées, viriles,
\,
agressives et ambitieuses. En fai,t, c'est' une société

matriarcale où "la filiation se fait par les mères" (t.7,

20).
\ '

l'anarchie sexuelle d'Héliogabale vise


o
à ~éunir les

t rai t s s eox u el s di S'5 ÔC i é s • Roi pédéraste,


\
Héliogabale'

incarne cette anarct'lie


, en lui-m'ê'mè. l'anarchie sexuelle

incJut s~tout la débauche sous toutes 'les formes: orgies,

homosexualité, inceste, bestialit::é, etc., mais ce sème


sous-entend aussi l'antithèse de ce ,débo\rdement: la cas-

tration. La ca~tration; telle qù'~éliogabale l'ordonne,

est 'elle-m~me excessive. El~miner le membre sexuel est un j


moyen de mettre fin à la'capacité de "forniquer", de se f1
disperser. En effet, c'est ~n' moyen de garder '1 '~tre i
/ J
intact~ Pourtant, la castration, comme l'inceste, est un

acte nanti-société" qui entraîne la mort de l'espèce vu

qu'elle ne permet pas la rep,roduct_ion • . La castration

rituelle en masse • st un acte de nature doub le: elle est


\
à la fois un f,lcte de démesure et un acte qui se base sur

l'extr~me rigueur.

L' isotopie\. ~u déso-rdrl est donc ambivalente.' En

surface, elle semble' ~tre de l'anarchie pure, mais au il


\

18:l.
f 0 n d, e Il e i n c a i.' n e 'u n cul te unit air e . Toùs les actes
d'Héliogabale sont doubles:

Ordre, Désordre
U'ni té, Anarchie ,;
Poésie, DisSonance
Rythme, Discordance
Granqeur, Puérilité
Générosi té, Cruauté. (t. 7, 127-128)

Cependant, cette ambiguïté a du sens: l'unité de tous ou la


,
fin des contradictions.1 1

Cette signif~cation se retrouve dans le nom

d'Héliogabale qui incà,rne la notion d'anarchie et d'unité.

Il comprend "tous les états divergents, toutes les formes

furtives," voire toute l'existence cosmique: le feu, la


\
Q terre, la femme, la montagne, "dieu supr~me, dieu réducteur

.•• die u uni t air e , é l i min a te ur," "1 e mon de d' en ha u t e\\ i
J'

le
l'
monde
incréé(~'--' ;le
d'en bBs.,,'.le
soleil,
\
lune, principe humide et féminin" (t.7,
visible~

p'r'incipe
.• 1'invisible,
igné,
le créé ...
principe ~~le,"

~-7-100).
"la' li ,
"

\
i
Le monde d' Héliogabal e rassemble toutes les contradic-
\

tions et les oppositions pour former un culte unit.airee


(au sens rellgieux et au sens général). Da'ns. le personnage

d/Héliogabale lui-m-;me se confondent le masculin et le

féminin (dont le résultat est l'androgyne), l'individu et


, "
le coll e c tif, 1er 0 i hum a in e t 1 e roi s,? lai r e, l' h 0 mm e
r
0

coutonné et l'h'llmme découronné,


, le d-ieu et l'homme, le"
.\
\

pas si f e t l' a c tif, 1 a mat i.è r e et l' es prit, les ace r doc e et
\
1
la r 0 y,a ut é t 1 e sac rée t lep r 0 fan t;, la gr and e ure t l 8

puérilité, l'~tre primitif' et le prod~it de lai clvilisatio~,


les instincts primitifs (presque bestiaux) et les instincts
, . '~'
humains (dont le résultat est une sorte de satyre), le

thé~tre et la v ià. Son idéologie s'oppose à celle du monde

empirique. Au lieu de' polythéisme, elle propose le mono-


, 1
théisme (un· dieu unitaire qui~ "tient en lui tous les noms,
des d leu x et t 0 u tes 1..~ s for mes quI ils 0 nt p ris es" ) , t •7t
99). Au \ lie u 'd e seo n t rai n tes i mpas é e spa r I e 9 r 0 U Pe
>

social, la libé'l'stion pes désirs de l'in~ividu, lesquels,


pa.radoxalement, se ré\\èlent ~tre des désirs inconscients jl
o communs à" tous. A l'ordre publ.ic et ~ la santé
\
~'esprit
"
,
1
!

1
ho' ,
s'oppose le décha~nement de l'esprit, c'est-à-d~re'la
\/
"folie" et l'anarchie'. .

Se"u!', en éliminant les contraintes de l'ordre social,


l'homme peut a'.tteindre la liberté. En Héliog.abale, le
If,
rassemblement
' .
des p~les hostiles symbolise donc en
1
mtme

temps "ls fin des contradictions," "l'élimination de


'la guer.re et de l'anarchie," et "là miae en oeuvre de

l'anarchie" Ct.7, 106).


, ,
Dèa le début du récit, l'ordre spatid-temporel eat

renversé. La spatialité et 1s temporalité, mesures de


l'existence h",maine t englobent toutes ses dimensions
l ,

o
. 181+
"

c 1j
physiques et métaphysiques. Ce chevauchement des dimensions i,,
semble indiquer un eSp'a~e circulaire dans l~quel les

éléments antithétiques font partie d'un phénomène fixe.

L,a mort d'Hélipgabale symbolise la ~éunion de la

sexualité et de la fécalité. En termes anatomiques, elles

sont représentées par le phallus et l'anus. La sexualité,

telle qu'elle est représentée dans le poème, se \caractérise

par l'excès. Les images d'orgies quotidiennes" de cBstra-


\
, 1
tion rituelle en masse, illustrent un état de démesure.

Et ce qui est "en trop" est inutile et doit 'ètre élim'iné.

L'ex c rément signi f ie 'sus~ i ce qUi' est ex ce ssi f


1
et nui'sib le 1
'1,

à l'~tre, et le corps le rejette, natur~11ement. La


1

sexualité et la fécarité peuvent donc détruire l'organisme.


-
En termes de dimensions, la sexualité et la fécalité
sig nif i e n t l' a van t et" l'a r r i ère. Elles représentent' aussi

la naissance et la mort. La confusion de ces deux états

impl ique donc une ,confusion spatio-temporelle qui peut 'ê'tre

d~ngereuse pour l'homme. C'est-à-dire que l'homme peut ~tre


1
pris dans ,une cltture où tout se confond et o'ù i l n'y B p~8
1
d'issue: j,
~a signification d'Héliogabale est ambiguë par rapport 1
\
\
aux de~niers poèmes d'Artaud. Héliogabale semble préconiser

1 a sexuel i té fl agrante quand Artaud vante Héliogabale et sa


1

vie. Cepe~d\ant, .leè derniers, [poèmes refusent la s~xualité,\

186

('
" 1

· _ - -.....~-_ _ _...
i·,....- - - - - - - - ; - : - - -,"" ._----_ . -.--- . -.~ .... - ~
(,
la cpndamnant comme avilie. Signalons qu~ dana Héliogabale,

la sexualité est un élément du paradigme "désordre" et

représente ainai une forme de la libét'ation de l '~tre. Il


\
fSl\lt donc entendre la sexuali té telle qu'elle se manifeste

dans Héliogabale dans l'optique sémiotique et non pss


,
littérale:' elle signifie la con~re-isotopie de la liberté.

\ \ \
Héliogabale est un texte ambigu en surface. Cependant,
à mes ure qu' 0 n i ' é t u die, l' am b i val e ri c e ,s 1 est o'm pee ton

discerne l-e signifié fondamental qui csractérise l'oeuvre

'd'Artaud. Ce~ui-ci est obsédé par la sexualité, il la


(,'
condamne' en, termes, violents, et pourtant la se ul e réal ité

avec 1 aque Il e i l peut s' identi fier, est 1 a réal i té 'du corfs,
\ \ \
réalité physique, do'uleureuse mais tangiblë. Cette contra-

" d ict io n évïd en te mat q Ele s u'.r ta ut se a de-r n ie r s poèmes qui


" \

expriment une obsession du corps et de la sexualit~. Selon


d

,1
Paule Thévenin, "Le Retour d'Artaud le Mamo", poème qui ,t
fait partie du recueil Aitaud le M9mo est un po~.e concret
J
une langue,

l'
"
qui reconstruit le corps;
\
,.il a. dea organes:

des gencives, un nez, des oreilles, un ventre, un pc!nis,


1

anus, 2 Olailleurs, le 'reete


1
un des testicules, etc.

du recue il, ainsi que d' autres poèmes comme Ci-gft et La,

o
18ft>
, Culture ind!enne, font allusion au corps et à S8 dég~adation
$

dans la sexualité.

Nou~ nous ~roposons de compléter l'étude d'Héliogabale

par une analyse sommaire des trois poèmes cités ci-:dessus

(Artaud le M~mo, Ci-gît et La Culture .indien'ne). Nous


choisissons ces trois poèmes parce que nous ten'ons li montrer
les obsessions des dernières années, qui 'sont, en fait,

l'intensification des obsessions d'un premier temps.


" V
Nous aurions, pu ajouter Les Nouvelles Révélations de l' Etre,
, '
Van Gogh le suicidé de la société et Pour en finir avec le 1
',,-
.\:
'>"
jugement de dieu, mais nous sommes obligée d'y renoncer vu

les limites de notl'e essai.


' ( .-
( Comme Héliogabale, ces trois poèmes mettent" en év idence

l'aliénation de l ''3tre. Héliogabale -est un 3tre supérieur


./
parce qu'il i~carne des qualités doubles et \contrairres. 1
l '

Ce~e'ndant, ,/cause dé la réconcilia,tüHI de ces, contradic-


~ ,~ -.... ....... ....... J

!
i,, tions, Héliogabale se distingue du reste de la société.
,
, ,1 Ar taud dit qu' Hé\liog8b·al e est un insurgé et non pas un fou
<
0'
1
! ou un lIaliént",. ~8:i.S Héliogabale est en t:,éalité un aliéné.

Les actes de débauche sexuelle flagrante et sa condalllnation i


1\
ul térieure par! les h1.\storiens sont des indices de 80n

aliénation - une aliénation impoaée par la société et paf


:
!
' \
lui:'m'ime parce qu'il sait rque son monde est uniq.ue et 1
\
, \
séparé. Comme nous l'avons déià) 'noté, Héli.ogabale a sa i
()
, c
\ \
..
ET

... . ''', ..
, 0

1
c propre isotopie, une isotopie marquée par le désordre, un 1
des signes les plus représentatifs de ce désordre étant f
l'anarchie sexuelle qui comprend la promiscuité générale,
l'homosexualité et l'inceste. Dans Héliogabale, les
, r

sèmes "aliénation" et1 "sexualité~' ont une relation de "

cause à effet: la sexualité excessive et tout ce qu~elle


,
représente l'éloignent de l'isotopie réglée des défenseurs
l,
de l'Qrdre. ,~
.', .
) "
Le 'poème Artaud le' MSmo tr ai te de cet te aliénation de
\ t

l'~tre. le t'i'tr~ seuL,"le Mttmo" annonce un état d'ambivà-

lence. le "mômo", néologi sme et mot valise d'Artaud, com-


1 • i

prend "momie" et' "mSme".,' Bettina Knapp constate que ,"M8mb'1


(1 dérive aussi de "Momos", dieu grec de la raillerie et de la
nuit. 3 le premier évoque l'image de "mort Vivant'" et le "
deuxième l,limage de l"en''fance. E't "Homos" sous-entend une o 1
!
,
isotopie opposée- à, celle du statu quo. Ces trois sens

sug g~rent dont un monde à parto • Et' le sens "monlie" fait


$

appe'l surtout li u~e séquestration physique la mOllie est


, ,
'enferm~e d ans un tombesu.

le ,titre ci- g1't évoque aussi une dis~anflation p~r"


,
rapport au moi. Il implique deux' personnes: une qui est
morte, une a'utre qui la regard·~. Il' 'yfa un Artaud dont

le corps' est, abject- et dont l'eaprft est" en oacillatio)


, ' j
constante, et un Artsud qui est morÎ.. Et il Y a l ' Artaù.d
\J
() . , ,
1
1
"

- v

,. ,
qui aspire à la pureté du corps et à l'équilibre mental.
J'
Cet AJ:taud se dégagè de l'Artaud moribond et pourri. le f

titre suggère qu'Artaud apparèient à deux mondes différents.

L'Artaud "pur" et "bon" veuy sauvegarder son monde en


& ' A
s'éloignant de l'autre monde et peut-etre son seul recours

est-il ,celui d'enterrer le "mal".

"le 'Retour d'Artaud ,le M1)mo", le premier poème dtJ

recueil Artaud le M~mo, introduit 1efl sèmes "alié'!ation",


\.~
et "elnprisonnement" dans une c1S'ture mentale. Le lexème
1
"esprit 'ancré,/~is8~ en moi";- P!i'F la juxtaposition
... ...
antithé..tique du physique ("ancré", '''vissé") et de l'abstrait
("esprit"), met' en relief une impuissance qui est doMble,

et, de ce fait, in gué r la s a'b 1'e • l'emprisonnement est

d'au,tant plus fru'Strant que l'~tre est pris dans une

"toile d'araignée", dans une lItrame à' roues". Le sème


1>
,
1
"emprisonnement mental figé" devient donc un sème de mouve- ;
. .. .1
j
men t p h Ys i que c i r cu 1 air e dan sun e sor t e deI a b y ri i n the
!
inextr'ic able. i
- Dan s . " Ali é n a t ion e t ma 9 i e no ire", l''p p P et8'1 t io n des
"

.paradigmes "exploiteur - victime" se présente explicitement. 1


la médecine moderne, qui est représentée ici par l'électro-
1
i
~ . choc: (lè Bardo) et l'insulinothérapie, est vue par Artaud
G

! 1
comme,une "~ini~tr~ et
, "
crapu1eus~
Ji", _ •
magie." Les médecins'sont

d~fi çherlatans et des profiteur'é qui 'créent,. des


,. aB~les pour,
'" , , '-J

~-
.. .'
1tg9 '"
r

<It

,
..
- - --- ------

,.

;
f C iaoler effectivement les "a1iénéa" du' freste du monde. Les
}
'. victimes, sont '''vidés 'de leur moi" et sont incapables de le

retrouver. L'électro-choc
des "moléculations' entra~ne
, \,
. ..,. , \

souffle après aouffl"e du r~leff du patient, la pulvérisation

de, son ~tre, de sorte qu'il "ne remonte plus jamais de ses

.!
ténèbre s" ,. et que
. \
"la vie [bais'se] d'un cran" (t.12, 59).

Le lexèhte "moléculations souffle après souffle" dénote la

désintégration des particules physiques qui composent

l'~tre. Cette destruction porte e donc sur une action

i
,
-\
.~
essentielle \ à la vie -
1
.
lexème implique donc une destruction de lui-m'me par le
.
le souffle,
.
la resp,iration ..
••
Ce

!•
! ,)
patient après l'effet catalyseur de l'électre-choc. Ce qui
1
C'
~,..

l,' reste est un etre m'ort vivant, draÏ'né ,d'un "rtle" , voire' d~

la vie.
j
1
1

Le sème "momi ficationi~, est trèa évident dans ce poème


et est en rapport étroit avec l'aliénation. Une aliénation

"passive" de la pa'rt du patient, car i l ·ne c'ontrSle plus


, 1 1

son moi. Une aliénation ~active" de la part des médecins,


1

par c e qu' ils env 0 i e'n t l e a "a lié nés". à l' a sil e e t qu' ils

produi~ent l'état de limbes dans lequel "vit" l'aliéné.


Le a ème " mé c a nia a t i 0 t;' " q u'1 s e r a p p 0 rte a u s ème

"momification" s'annonce aussi. dans lea lexies' "ancré", et


+
l

"v i-ssé" • La mécanisation de l '-a:tr.e correspond à ,S8 prise

dans une "trame à roues" et à sa "déshumanisation". ~'1mage

190
l'

.' ~
" ,

d'un ~tre mécaniq!-,~ présuppose l'absence d'émotions et de

sentiments. En d'autres termes, 1 ~~tre étant privé de son

"humanité", son aliénation est inévitable: Dans' Ci-gtt, le

langage 'mécanique ~isonne dans la description des ébats

d'impui~sance de l'tU'e. les lex~mes "niveleur", "gouges",


/
" t a r a u de", " cio ü". . . ( d e vie)", "v r i Il e", " d oui e urs c i é e de

l'os", ~'engrenage du cadavre à dents", "foré de dents"

décriven( ou l'Artaud fort, puissant et masculin

( " n ive 1 e ur" ), 0U 1 l'A r t a u,d f a i b1e , s u b ~~ gué, f é min i s é •

l'Artaud puissant est "dur" tandis que l'Artaud faible est

"mou", maniable. le s~m~ "mécanisation", h cause de la


dénotation' d'exactitude, précise aussi l'intensité de
.; '
la souffrance d'Artaud.

l'{liénation est décrite parfois par le s~me "c1'trture",

qui renvoie à l'idée de barrièies. Cependant, l'aliénation

13' exprime aussi par les sè,e,s "néant" et "stérilité", qui

impliquent l'absence de barrières et l'absence de vie.


" ;\
l'aliénation s'annonce donc soit comme une séparation
,, .
physique soit comme un isolement spirituel.

Ces poèmes mettent en th idence l' opposi tion sémique

~imensionnalité-non~dimensionnalité. la dimensionnel i té'


'I
,1
1

. i,
inclut le vie en pleine dégradation. A l'égard du ~orps, l
1
1
elle évoque un corps fait d'organes, un/corps matériel, qui

a un volum., ~es os, qut p~ut fluctuer entre dur et mou. la


1 /
\
()
19.~
.. .
'

. ,

/~

1. l'T 1
• / 1)
1 . , 1/ 1

. ,
1
/ , 'L,

non-dimensionnalité implique la .non-existence ou le" manque ... J


d'existence. Elle est ~voquée par le "trou". Dans "Le
1

Retour d'Artaud le Mamo" , ce trou est d'abord "ce'morceau ,Ja


)

:'
de trou" qu'est le sexe. Ensuite, i l ya des trous "d''il'me,

d'esprit, de moi, d''@trè ••• '' qui se ~apportent au "vide"


(t.12, 15). Il Y a \ Bon "trou de con" - référence, '~ncore

à la sexuslité. Ensuite, "le trou de la cheminée" oCl'


/ /
est enterré le vieil Artaud - référence à "l'assassinat"
d'Artaud. Et "finalement, 11 ~rou est réduit à "ce trou
sans cadre/que la vie voulut encadrer.·•• parce qu'il n'est
, \. ' '.
r
pas un trou/mais"un nez/qui sut trop biel !) renifler/le .vent
de l'apocalyptique t~te/qu'on pompe sur son cu serré ••• "
(t.12, 19). ,la lexie "trou" se rapporte principEilement à

la sexuali ~ ou à la ,non-vie. Elles sont tout\s les d~ux


inacceptables parce qu'Artaud' veut vivre. Non pas en
Q

confo~mité/avec les normes actuelles, mais en dehors de ses


" ,q • ' .. ,

"
limites, ~ans une non-dimension, un h6rs-lieu~
• ", / 1
"L'Exécration du père-mère" ni~ cause la distinction

ont r" i •.d i~ensionn.li t é f .,' qU8si-d imensionn.l Hé. .1


1
1 '
Artaud écrit: "Et que le plat s'allume en volume,/ .•. car 1
l
le plat n'a p'as de vOlume,/et c"est le volume qui est .le - ----- 1 ----
T

, 1
plat ••. " (t.12, 45,). Cet énonc~ semble rappeler la di~-

tinction entre "son" et "absence de'son" ~voquée par Art~ud. 1


l' Si le "son" est per~u comme l~ vol~me et son absence comme
1

(
19;2..
'.
'. \
\ \

. ' ,1
~
,,
,
1

le plat, on peut conclure que le 'Son inclut l'absence de ",


j
son. Du m~m.e (oup, on peut dire que la dime~sionnalité ,\

inclut la non'-di,mensionnalité. \

L'état d'aliénJtio~ est'lié à l·ét~t de dégradat~on du


corps. Les sèmes "sexualité", et "iqt~erfect.ion du corps"
s'identi'fient à celui de la décadence morale et phys'ique de
,.. . ~

l' etr e et sont, suggérés à travers le re1::ueil. Comme nous


" . \
l'avons indiqué plus haut, Artaud semble s'imposer lui-m~me

son, aliénation. Cet exil est double ,parce qu'Artaud , 0

!l1
s'éloigne volontairement de la ~oci~té, qui est pervertie

et dégradée, ainsi que de lui--m~me dont 'le corps et 1 ~ esprit

se désintègrent. Il nie la se~ualité et le corps parce


(
qu'ils représentent la fragmentation .et t9 dispersion de'

l'~tre. Et de m~e qu'il nis la fragmentation de l'esprit,

i l nie ia "fragmentation"
\
du corps. I l veut une' ex i stence '.
t/
intégrale, complète,. unie. Cela peut ,se réaliser seulement
~

par "l'~xécration du père-mère": En renon~ant au père et à

'la mère, i l rompt les liens avec tout organisme extérieur à.

lui et 'il protège son propre monde, séparé. des autres.


t'
"Moi, Antonin Artaud, -je suis mon fils, mon père, ma mère .••
\

/ et moi ••• " (t .12, 77'): Binsi commence le poème Ci-gtt. Ce


,
lexè,me s,uggère. un t'1re intégral qui nI admet pas la copula-

tion et la dégradatwn du corps. Cet,~tre s'engendre


/

que ,B a
~
,
pro g é nit ure, \.
.B8 uv e 9 a r dan t al 0 r s

() , '
, '

. \
'
,. ,'-'
\ .-
~

. ,
(- ;/
• "

\ <l
s '

( ::.
l'~inviolpbilité" et la pureté de sdn corps.
"

Dans "L,'Ex'écration du père-mère", on trouve le sème

"blasph~lTlel\. ou Il dégradation du s,~cré". L'énoncé: "ignob les

.dépréd'ations d,ravinés dans les éiboires' et les p'sautiers,/ '


".
',t, ~ \ '
.-.. \

~a~tre encroutée d'un ancien crime,/latrines de sub-


f ••
,
I • 1
.

limi té! •.• 1' .heure appr oche Dt le puïjla t ier qu 1 on \d é féqua/

bénitie~s,/se\rendra
9
dans: 1e; poubelles baRtis'males ,des

• compte qU'i;1 était ~oi" (t.12, 41~) •. (P~t énoncé' Iblasphème

contre la messe, et cOfldamne "la vénération de Jésus-Christ'

et son "sacrifice~ pour sauver l'humanité. Tout lexème


~
.\
dénonciateur d'Artaud s'accompagne d'une allusion à la
..
fécalité, évoqu~nt ainsi son vif dégo~t.

Les, deux poèmes \ Artaud


<
"
le Momo' b
et Ci-git se 'çarac-

téri~ent par la scatolopie et des images explicites con-

'. ~
cernant la copul'ation.1. En effet, la vie est dégradée parce
b • 1

que la naissance est le résultat de la copulation, acte


, . " d'Artaud.
exécrable dans l'optiq\Je ,la) sexualité est donc
.
'
décrite dans ses pi~es états ,maladifs; La pourriture du
t .:.,
Î corps 'et l'avilissement de l'acte sexuel ~ont évoqués par ,~
. y
' ,
le,s lexèm~s "sexe, carne", "vi~nde de répulsion ~bstruse"
l'
1 t; f
:
{

~\
!t Il l 8 bar b a que b i e n c rot t é e e ~ mir é e", ", les arc lé'!, " les
\
.
t
~
gommes syphilisées .d'une crasse", "ce qu'on a déféqué vous
.
A.,

~ ~ ,
'\

. ,f
défèque", , "syp~iliser/~ •• /lB verge : ~bcès/DANS LA RE'N IF LE
• DU' MUFLE DE LA/VOLONTE" (Artaud le M6'mo, t.l2)'. Au fond,

'C •
l
1
~
19 t,.,

\
)
1

~ il' .
'Ît •
" 1

\
, ' /

"

\ "
.
"

,
/

( \

, '
la ~exualité est' évoquie sous sa forme la plus ~bjecte: la
,,
prosti~ution. ,Le lexème "votre, sperme est bon ... /on surpaye , i
,
sqn renom"'dénote la répugnance d'Arta~d.

Las e x u a lité, est d ~ a u tan ~ plu s . r é p u g n an t e que l e'


,
\ ,~~ '
corps qui y partléïpe est un corps incomplet. Il a des

oiganes qur\~'extériorisent et s~ 'dispersent ou des?orif~c~s


;' , "

qui primettent la perte de sol: De ce fait, l''ètre se

permet la sépa/ration de soï-m~m~ (",la v'iande entre deux'


u, j ". /
9 en Q u x ", " l a I an g,u e· en t r e qua t reg e n c ive Sil, Il l e t r 0 u de

,• éon"," lem e mb r e !: 0 u Pé d 1 une 1im e", ,"'~ t 0 t e m é t r an 9 lé" , " un


'.
"
corps, lèqueL pour -atre &vait- besoin de crapuler lt ) . Par

contre, ilIa pal:Jme sans doigts" signifie la solidité de /ce


-.
"
( membre. L'élimination des doigts, dans cé cas, symbolise
<

l'élimination de la p·ossibilité de se·.disperse~~._ C-ela

éV,aque le sème "non-mouvem'eTlt", partant, le sème "unité" •.~

La sex u"al i té e,st s ur tout refusée entre le pèr e et la , . , . L

,\,
'\ mère d on t l' u n. ion s e x'\J ~ Il e e n g end r e. l' e n fan t • L'énoncé
\

"chatte-mite et Pâè 0n-minet/sont les deux vocables salauds/

que Père.

à lac a guI a ti,o n.


~t mè~'e
5
on' i~V~é8" suggère un'. répugnance fsce

'L e b ut deI' a c te se x u e l du p ~ r e et. d e

mère est la 'joulsêance. "du totem étr~nglé·II au plus gros


~ a.
" ,

plutôt que lJ f~sion. Le lexème "chatte-mite et "patron-

t~ 'm 1 net" manÙesti, 1: ' b P P 0 s 1 t i o· n sémique "f e mm,e, for te"

lè~rOdUit
, !
J
1 ,"homme f é,fll i t'li s é • " 1 Artaud ne veut pas ~tre d'une î
~

~ -- '1
~
""
~
("\, : l

i
, 196
f

j.
v,

\.
9'
, . f •
'. J.
, ,
'1
~
),

:rt
\11
. ;

/"'
1;
" ,\ J
~
o.
1-/'
?
\le.
C'
p

-,te lle un ion ( Il ni de mère, ni' de' père inné/n'étant pas la


- .. __ J f

Vi and e mine t.t e qU'on/ copure à patron-mine t," dérç1are-t- il)


\. ,
(A rtaud .!.LM'B''!Io, t .12, \b);~,
et il préfère
,'-'
n aitr,e sa'ns
/1
parents, seu!. " \\
Il avoue, dans Ci-gît, que' "l' é'tat anti-Artaud" est
/
oeuf. l', La lexie "oeuf" s u g 9 ère '"d eux s è, mes:

"fertilité~' (qui présuPRose la copulation) et ·"cl-ature".

ta fertilité est surtout la conditj.on féminine - la mère;, o •

l a ma mme Il e, - fa mat r i ce. Et .18' cl'êltul'e est s uggérél;l par: D

, ,
l a forme fonde et c'.ircul aire de l'oeuf.
[)
Ar.t a ud nec roi t "à

ni père, ni mère", mais son exécratf'on 'Semble ~tre dirigée


., plus contre la mère
\
q~e contre le père,_ ou au moins co-ntre

le corps féminin que contre le corps masculin. Le ''';corps


'0

masculin est èJpprimé ("totelp étranglé" ) et faible ~"p&tron-


/

.JI minet") • Le corps fél}lin in, par contre, est ~le 1 ieu de la
,
te'n,tation et du mal qui séduisent l'homme vulnérable:
, \

/
••• à la fin le totem muré
crèvera le v~ntre de nattre ..
~ ...
". à tr avers la plsci'ne enflée
du sexe de la mère ouverte'
l
1
1
. par la clef de patron-minet (ct'est nous qui
soulignons),. (Ll2, 25) ~

1
L'état masculin est abject. Il est décri t 'comme ,un
,
i'1
é
"' ,Icorps.inemployable,/fait de viande et d-e sperme fou;"
i'
1
!. "son odeur calleuse d'atome,.Isa ro~omeijse odeur 'd'abject!
~! , r (' /,

;
. ~
!
,

,
, 19(0 . c,
..,,~
0\ ~
" ï
.....
"-
J ~I 1
"

'r (~
,. détritu~ •••• " Le corp(s' f,éminin étant le a'eu de la nais-
~
sançe. est d,'autant plus répugnant et doit 'ê'tre détruit.

Le lexème " ••• 1 1 antre/innovateur dl un noeud/terrible,/ ••• / ...


.~ ~

mis'en cl'Sture/de vie mère," (L12, 83) signifie , la matrice'


()
,
( lIa f,l t r e) e t l 1 0 mb, i l i c ( n 0 e ud ter r i b 1 e ). _ l 1 suggèri le
sème "em.prisonnement". Le lexème Qui
"la vipère suit,
...
J.
de mes oeufs", évoque les sèmes "empoisonnement" et
"destruct~on" • LI enfant qui MnBtt de ce corps est mort-né
ou, s'il vit, il s~r8 aussi abject que le corps de~la
mère.

Dès. le' moment de sa conception, 'Artaud "'est donc victime


i mp u i s san te d' au t r u i et ~ urt 0 ut· d u p ère e t "d e l a mère.

,Il s'identifi~ à, Jésus-Christ dont la raison d'~tre fut la


. ,
souffrance et dont la vie se caractérisait par' 18 persécu-
..?~-~ ...... "\. -

'.' t i Pn con s t 8 n te des au t r es. En fa i t ,\. Art 8 ud con st a t ~ que


, . '\?
\
Jésus 'Christ est le "gendre f'aux" et 'donc un imposteur,
/
t.andis que lui, Ar'taud, eslt la vraie vict."ime.
· ~t
C1-91 présentè deux Artaud. L'un- est sl'mple et
indépendant. ~
LI SoUtre e~t lié étroitement à la société,
étant un produit social. Le sème "dédoublement de soi" est
, , .
très évident dans l1énonc~ suivant:
1

••• où se regarde •••


11 homme' qui' tète sa substance
en moi,
pour me ~rendre un papa-maman,
et se ~ef8ire une existence

..
lij

L
.'
libre de moi
sur mon cadavre
S'té ~
du v ide m€m e : ( Ci -, 91\, t. 12, l 00 )
\

~ 1 ~t r e est a s s u jet t i à l'e x plo i t a t f0 n d'e s for c'e s

extérieures, don~ l'unr est


son double social. L'àction

du mon d e e x t·é rie u r s u r l u i e s, t C 0 mpar ab l e à c e Il e du

vampirisme. Gn lui suce le sang et la vie. Ce Il on ,/

inclut l'Eglise et la pOliée, institutions essentielles


.r
deI l 0 r dr e soc i al. Selon
. 0t t 0 Ha h n , n El e c t roc h o' c, - Mère,
,,
~

Civilisation, Bapt'ê"me ont u'ne m~me vocation pour écraser 1

l~homme et sa Liberté. Et c'est en termes de guerre qu'il

[Artaud] organise ses poèmes et sa méthode de pensée. n4


,
Ls. destruction (phénomène actif) o,U la décomposition
, (.> lt

inévitable (phénomène passif) de l '~tre s'exp-riment dans le


\

lexème:

Quand le tuff fut mangé par l'os,


que l' e s p rit r, 0 n g e ait par der r i è-r e ,
l'esprit ouvrit la bouche en trop
et il resut da~s le ~errière'
\ ,
1

. de la t~te
un coup à dessécher ses os •••. (t.12,98)

Ete Il es son t rés um é j s dan s I e 1 e x ème " l ' égal ï'~ a ti 0 n

sempiternelle reviryt" (ibid).

darwinisme 80cial ou la notion de la survivance du plus


\

o \' 1

apte; cependant, il n'y a pas de "plus apte" dans l'isotopie

J(,r • Tout est pris dans une prison circu-

i
1
1
1

1
1
l
d
{'
1
"
laire qui condamne tout à périr. ,Selon Artaud, la mort de
1
l'~tre est soit le résultat d'un agresseur (donc, quelqu\!

chose d' acU f) soit le' résul tat d'une blessure imposée par
so i-m~me (do~c, que l,que c hase de' pa~i f) .
Le sème. "aliénation" et 11opposition sémique'" "victj.me-

exploiteur ll sont en °rapport {trait dans "Le Retour d'Artaud


\ 1
le M~llIo" 9ans lequel 'epparaÏ8sen'j; les états "entre":
,J'
Entre lé cu et le chemise 1 •

entre le foutre et-I-1-~nfra-mise


entre le membre et 1 e faux bond, p

entre le sperme et l'explosion,


• 1

entre le cu .et le main mise de tous


[est] .• • 1' atterrante suspension
d'un' souffle dl aliénS"tion
(
violé, tondu, pompé à fond.~ •• Ct.12,17)

Des forces extérieures à Artaud l'emp~chent de réaliser son

pot e n ti e l par ce' qu' e Il e s l,e " vic ti mis e nt" .' ElIe sn' 0 n t pas
• j.
"d'autre
1 \
boustifaille/pour vivre/que de bouffer/Artaud/

Les lexies "boustifaille" et "bouffer"


• 1

suggèrent le sème "cannibalisme" qui implique un champ'

idéologique o~ la vie humaine n'est pas respectée. Artaud


/ -
voit la société dans laquelle il "survit" comme composée'

,f
l,

J
dl agresseurs irrationnels qui l'attaquent par instÎ)nct
~ testial.
r 1

\
\
1,

()
"'

\
\
,

\\,..,.
1'l
J
Le sème "empoisonnem'ent l1 se répète à trEWers le ·poème. l,i
le rappo-rt é~abli entre ,l'excrément et le sang (" ••• de la ( ,\
~

. . 1
fiente ·de moi mort/fut tiré/le !3ang/dont. se dore/toute vie 0'
.1,
usurpée/dehors" (t.12, 85) entra1ne l'empoisonnement de " l

l'~tre,social e"t sa mort inéluctable. Artaud lui-m~me est


persécuté: '1

, I;!J
rien de tel qu'une bonne omelette
fou r rée po i son, c yan ure, • c~ pre s ,
transmise par l' sir à son cadavre ..
pour désafticulero~ ~~~------------------------------
da'ns l'anathème de ses os
PENDUS SUR L'INTERNE
CADA5TR~. (t.1.2, '91)
,
, 1

L'empoisonnement cause une mort lente mais certaine. Le


\
poison circule dans les vei,nes, se mélange au sang,
....
l'etre"se décomposant peu è peu, finit par mourir.

Cette souffrance at'roce et inhumaine rappelle la


\ .
c. •
souffrance de Jésus-Christ, mais comme celui-ci est le
,-
"gendre faux", c'est Artaud qui a subi ces tortur-es, qu',.on

a cloué sur la croix", ("clou de vieil). Artaud rèfuse , de .


'reconnaître Jésus-Christ comme dieu, parce que Jésus-Christ)

est ab j e ct, qu' il a Il uns e x e e·n t r e ~s es d ,e ~ t s" ete st 1e

produ'it des "mamelle s en sang", c'est-à-dire de la copu-

lation entre l'~omme et la femme. Par cont~e, "un autre ~ .,

enfant. .. sans grandmaman", et partant, sans père et .mère,


"était vrai, était ye1 11
(LI2,

l
.' (:
"
200
-- ...

1
, ,
L f
l'Artaud qui' n'a subi aucune sa f
1
naissançe. Un Artaud idéal. ')
,
Dans A rtaud le Mamo ainsi qlde dans Ci-g~t,
... • sèmes
l,es'
i
"exploitation" oet II sou f"france" ,p réd 0 min e nt. Pou,r se
.
dé f end ~ e ,A r t id doit, à son tour, ,attaquer 601 agresseur -

d' oD "SOII ~gagè v iole,mment. scatologique. haine vise

'autant la sexualité ("viande en,tre de'ux genoux") , que


" ,
l'expression verbale ("langue entre quatre gencives"):

I_ _ _- - - - - - - b a - C\ispers,ion de, l'~tre évoque les sèmes J1's.térflité"


c
;
et "absence de voie" et, m~me "avortement". Lés lexèmes

"gencive froide", "ventre d'absent", "latrines du canal otJ

l'on' cnie la mort" suggèr.ent la vie moribonde' et abje.cte.

La Culture idienne évoque cet état de stérilité dans le


lexème "vagin mort,". Et le sème dè "la fertilité 'abje,ct~
, "A

.
o

sous-entend, dans Ci-git, 1 e l3 t,e x ème s " 0 euf " , "glaifes

pitreux", "kystes", qui ~onluisent à l'avortement


i.

("forceps"). L '~tre se perd a~'ssi per la "vidange" ("vj.der

'le corps entièl'"e [sic]/ent'ièrement de sa matière"). "Le sème


• 0

>

,,"avor,tement" : affleure au~si dans le lexème :'décaper dans

, la"
"
"J douleur mot;rice,/de'

matrice concrète ••• " (t.12, 94).


. la doul,eur,jréètte
\::J
,,!atrice,/une
i
l
1
Dès qu'il y'a dispersion ou perte de l'~tre,
. quels que
,-

"" ~

soi-ent les moyens, il y a aussi dégradation. Ces deux

états sont lUs, d8n~, les pOè,mes étudiés. c,1-dessu8,~ à .'ra~


, ,

(. '

C.'
se'>tualité. Le sème "mouv~merit") renvoie à la dispersion ou à

l'aliénation de'l'~tre.· 'Ce mo~vement, étant centrifuge, se·

dir.ige vers l'extérièur et se perd dans le néant. Cette


,..
per~e de l·e~re impl~que sa décomposition. La dispersion et
La dégradation de l'~tre s'applfquent à l'espritvet au

cor p 6 • 0 ans . 1 e s po ème l:?' é t li d i é s , l ~. cor p s, plu t ~ t que

~ ~ al i é ri'a t ion ~
î
i t

. ) 1 ' è' s p rit fig ure l spi rit u e Il e et ph Y i que

d'Ar,aud •. Son al,iénation est s,u.rtout spirituelle, hi'en "


en·ten~du, mais puisque ,la spuffrbnce corporelle et physique

est une" réalité pdûr lui, Artaud s'exprime avec le. langage
1

qu corps. "
Là' sexualité .est peut-~tre la communication cO,J.'porelle b
,,
(
la plus i,ntense, et e~le r~présente pollr Artaud l'aspect 4 •

dég:rad~ du langage du corps q.u' il ·faut corriger. Toutes les


}
'form'es.. de la sexualité, que ce soit l'amoùr. hétérosexuel,

llhomosexualité ou l' i~ceste, sont pourries, selon' Artaud, ,


i-
{
let ,il faut let élimine.r. En niant la sexualité, on garde !
j l'
1
t .1 '~tre intac·t. Par la nan-dime,nsionnalité on peut y
f
! réussir. Dans La, Culture indienne, Artaud écrit: "pas de

fond/et ~a8 d'aplomb,/et pas de fa\e,/ni de hau~ ... " (t'.11, 1


t •j
1 74). i
r
-: ,tl

1. Par'adaxalement,
• a
1 la sensation de

cl'Sture et
"
d'emprisonnement' qu'il éprouve provient, de la dispersi!ln
1
! de l "~tre et· du mouvement. En a'rr~·t8nt .. lê mouvement ~et
r
Ct
20'2, , .

.. ,
M
1
, . '.-1 --'~" •. ~
/,

, .
If ", • ,
l' extérior isation des organe s, Ar taud compte ~arder l '-;tre ..
in t El ct.· ,L e c e r cIe r e pré ~ e nt e d a n.e l a for m'-' h a r mon i e u 8 e
i
parfaite qui en~loberait l'~tre. j
1
Dans Artaud le' M"ômo, Artaud écrit: ,1

\ ."', Qui
'. n'~nt jampis senti
12
que
la non-forme,
, . ,\
v;,.1", ~

le hors-lieu ~ o

'_,_ de la rogne sans condition, ,/


',appelée le sans-condition,
1

... l'interférence de l'action,


/

le transfert par déportation:


~
'le rétablissement hors coupure,

) • la coupure des colmatations:


r • 1

l'assise enfin
'dans le non~hors,

l'imposition du dehors qui dort, ~


lit!> ~
r, "co,mme ~un dedans, éclaté des latrines L- ~ ,
l'
, 'du canal oD J'on chie la mifrt. •.. (t.12,30-31)
t ,

r Ce lexème
~
r~ppelle l'ét~t d'aliénation d'Artaud.
. ~ càuse du
t ~ dédoublement de soi, .Artaud se trou,ye erre deux isotopies:
t
• celIie
, de la société, comme "l'~tre sobial" où il se sent
1

li

\ aliéné; celle d'un "hors-'lieu", qui


,
n'est pas le néant,
,i'
1 mais un lieu spécial dans lequel ,l'autre Artaud,: celui
f qui a le corps intact, l'Artlud purifié de la contamin~tion
) ,."Ir':.

'de cette société pourrie, peut exi~ter. Ce lieu est ,unJ


1 • 0 ~
? ,

r lieu défini, protégé du dehors, mais -dans lequel existe

203
/
"

.r
,< ,

(:
une liberté absolue.

,
", Dans '-S dernier.s poèmes, Artaud dénonce tout ce qui

n u,i t à lac réa t ion d' un i'tr e no u v eau. Il s'insurge contre

les
'. institution's,
'II •

contre l'i'tre tel qu'il est constitué,'


, 1

..
contre le statu quo, contre l'ordre social, voire contre la

soci~té tout court. Ces poèmes dévoilent surtout l'isotopie


\ '

de, l a s 0 c i été a g r e ~~ i v,e , _e t e x plo i te use 0 p po sée, à l' ut 0 pie ,


/
que con%oit ,Artaud. Lés opposit.ions sémiques' fondamentales

des poèmes se cles,sent sous c.es deu'X rubrique~. Cependant

la plupart des descriptions sémiques se réfèrent à

l'aliénation d'Artaud - isotopie qui se situe entre" celle de


l,;

la société et celle ~e l'ArtaJd idéal. A vrai dir~, ce s~nt

·'6 ,~}\ ces

rapport
d eux

à
i sot ô pf e s a ,n ta g 0 'n i ste s

celle 1 d, l' ArtJuèl 'aliéné


qu,i
et
se

non
dé fin i s sen t

l'.invers~.
par

La
\
, 1
m'ème situa t ipn "~'-t~'vaut dans, Hél io gab ale, Dt.! l' i so to pie de

l~' o,dre est SOUS-ja~cente\ celle du désordr~. ,

La poésie d'Artaud se caractérise par, Un langage

scatologique, de~ néologismes, des mots-valises,


Jpar un'
,
langage ,incantatoire q~i ressemble aux langages existants,

~
. mais ne coincide avec aucun. ,En effet, SB, poésie offre

l
des i~dices dispersés d'une
,
signification générale. Ces

indices font partie de.codes différents et chacun doit ~tre

déchiffré selon le~code dont il relève.

" ,

204- \
--~ . . . .--.._.__.....ii'_....._ _ _ _ _ _ _ _ _, f 1.
e •

, 1 1
J
Notes' ~

1 \
Virmaux, p.95.
.!
.ZD urozo~,
• pp.196-197 •
.' l
3 Be t ti n a Kn a pp, .:..A:..:.n~t;.;;o:.;"n~i:.ij.f!.:.....;.A.;.;;r:.,;t:..;a:..;u:..;d;:..:~...;M~a_n~o;;;.;...f. . .;. V.;;;.i.;;;.s.;;;.i.;;;.:n. :o (New
'York: . D. Lewis, 1969), p.1S7.
, \ "-
4Otto " Hahn, Portrait d'Antonin Artaud (Paris: Ed. ,du
Soleil· No~r, 1969), pp.IOI-I02.

Cl
'·1

"" ,
; 0

'r
, :

." l'
i
!
1 "
11

/ .. 1 "If"

\ . o i 1
f Conclusion

~.
/
. ",

Nous v,e non s de montrer que la notion de double


......
s'insinue dans tout l'oeuvre d'Àrtaud. LE!S premiers poèmes

traitent de l'écart entre l'esprH et la matière, c'est-à-


,
d ire d e l ' i mp u i B san c e d e l ' é cri v a i n à mat é rï a 1 i se r sa

:penS'é?OuS ~ne forme qui lui soit acceptable. Les pièces,

ou sc'én ios mis en scène ou écrits par Artaud figurent le


.,.
doub' sous "tout~s ses formes: mannequins, spectres,
"'1
poupées, etc. Et, par le r~ve; il~ .objectivent le r,~foulé •
1 r ..

ou l'inconnu, en d'autres t~r~es, l'inconscient, sur la


.
, .
sc è,ne • Les derniers poèmes proposent un nouveau corps

"sans' organes". L'évolution de l' oeuY.re.d' Artaud -,. poèmes;


\

pi è ces, sc é n a rio B , es sai s . sur l e t h é~t r e - té moi g n e de


\
, l'obsession dualiste. Pourtant, à la base de cette dualité,
J, v
"
i 1 Y~ a che z Art a u d l e dés i r d e 'lx- é u ~ i r des p r i n c i p ~ sen
\
, \

cORflit et de se ~récupérer intégralement; autrement dit,

(
'" Artaud vise,

moniste," selon Durozoi.,l


au fond, à
1
une "métaphysique intégralement
'.

!:
!

\,/
1
.,...-'--'
/
\\\
L'oeuvre

pérsonnelle, ~ui l'oppri.e p~ndant


d'Artaud atte~te' l'anarchie intérieure,

t~ute sa vie, et sa
:~

f'
, révolte iné..,vitable contre son assujettissement à un ordre
, , h

1
1 qui lui est extérieur et hor~ de sa portée. Du conf,lit
t
\
entre l'esprit et la mavère,~ de ,ses efforts frustrés pour
. 1
i
"
('1
-)1
) '.~
20lo

, J

'---~ -_..__ .. --.:- ----,_.- ------- .. - ..


'p

(~
organher: ,'ses pensées en phrases c.Qh~rentes et i.ntégrales,
-, ,

na1t 'son r,~fus


r
d'u langage traditionnel", c'el:!t-à-dire de
l,
e t .s urt 0 ut
/
, l'a 'r t lit, t é raI r e des che f s - d ' 0 e uv r e , parce
D

qU'il's démontrent la réuss,itë


c o'n tes té: de ce, la n gag e
< . ,
Cette antipathie.à l'égard d'un, langage dont Artaud ne
, ,
'. "

peut ~tre le mattre~ e~ntratne l"~n,'ention "d'un nouveau


b

l an gag e par 1 e que 1 i1 peu t s ' exp r i mer i n t é g r a.l e men t "

Ce .langage part du tréfonds de l'~,tre en révélant ce


\
qui étoif àutrefo~s inconnu' ou~ i~:Jrima~~e •. Il libère
l'~tre des contraintes' et .lui p t de se c9mprendre
,
o \ totalement: Paradoxalement, ce langage ~métaphysique"

se base sur l'emploi d'un instrument physique, le corps.

Pourtant, cette contradiction n'illustre 'que, da'(antage

l'union supr'ê'me entr'e deS' principes oppos.és\ que recherche


Ar ta ud • ' .' . ') .

Dans Le Théâtre et son double, Artaud décrit le langage

scén ique dont 1 e c~s e slt un qes c omposan t s. o-d'ns se s

~erniprs poèmes, destinés à ~tre e~tend~s)t D?n pas s~mple-


, , .
ment lus, le corps apparaît comme un thèm,e obsédant. Ces
l ,
i, /
poèmes se. rapportent ~oublement au co~ps parce que c'est à
'1 \ 1 1

l '
l'aide 'du corps qu'ils se récitent et que c'est du corps
- 1

qu'ils parlent. Dans une lettr~ éC<l'ite de Rode~,' Artaud

e~pl ique:

.
\

\.
.. Jo

-
'I

~!

J
,->-.
o ! \ , \

. .
,, Lorsque je récite un pôèflle,'cl:! n'~slt..pas-pour~tre"
applaudi mais pour,sentir 'des corps!'g'hommes et de
f e mmes ,0 j e fi i s des cor p s , . t rem b 1er e t v ire r à
l"unisson du mien., (t.'.9, 190) :,
o

Ce, l an gag e e s l non s e u lem e n t une "1 a n gue ni u l t ~i pli é e<" e t

donc un langage universel z "capable de


:' s'fncorporer et de , ,
<> "-

corporis~r d'autres ·lan'gues," sel'o'n Paule Thévenin,2

0' e st aussi un lang age de 'po ;~é'~ un, i v ;e; ~ell e, c apab l e

d'universaliset et'g'unir l'exPérienc~humaine.


Si seulement Artaud avait réussi, ~ aurait été
,
content de désigner ses écrits co~me des "oeuvres". Mais

puisqu:il n'a pas réussi, ses écrits ne sont que cles


\ . . ~ 1
" d ~ che t s de [Ill ~1 - m'ê"m é ," des par 0 les II' sou f fIé es", selon

L
, " { Jacques Derrida. po:]tant ~ utilise ie. langage des 1
\..

autres, sa pensée reste' a' pensée des ~utre~, une pensée


, \
toute faite qui 'ne lui appartient pas. Elle est la' répéti-
"
t iory ouI a r epr é senta ti9n "d' URe archi-pa~,()l e, d'un archi·-
o texte _,,3 Le langage inventé par Artaud, surtout dans les
§,

derniers poèmes, introdui t des phonèmes incompréhensibles.

Selon,D,urozoi, "Arta"t-! semble sur la voie d'un


\
.
langage
.
qui
..". \'
lui BO it te 11emen t pr opre qu'il rom'Pe toute pals sib il ité de

communication •••. " "Le phonème," constate-t-il, "est proche


,' . ,

~
du souffle, du cri que la souffrance arrache au 'corps; il

retraée pa<r le jeu de ses sonorités .1' extraction du· corps


\ 1

hors dÛ néant comll)-un •.•• " Et "le pho~ème oblige a~tant


Il

20~
!
\
1f
() 1
, ...
o. "


"

, 1

, ,
o
" , ,;

,C ....
,
~ ,
l'auditeur à penser le pas ~ncore pensé que l'acteur à

rt-éprouver sa, sO!Jffrance. Dàns l 'opti,qu~ d'Artaud, le


,
mot con nue s 7. ' t ou j 0 urs duc -e t é d e 1 a 'f a us sec ~ s'r1: é, e t
le phonème, ,
e' faisant penser l'inconnu, est le plus"
éclairant. ,,4

Le phonème, donc, étant incompréhensible, e~t, au fond,

impossible à répéter;
.
comme i l n'a pas de sens définitif,
,
" / - ,

on ne peut l'énoncer plus d'une fois avec le m~me sens.


".,r-c
Dans cette optique, le théitre spontané d'Artaud. théttre oD

'~geste fai t ne se recommenc~


. pas deux fois'" (t.4, 91),

devient possible. Le phonème; ou le souffle, est le


"dynamisme intefne du corps,,5 et cons~itue la plerre"""
/\
angulaire dé l'expression d'Ar~aud qui vise à éliminer toute

contradictions toute ambigu~té;·. tout recou,rs à un langage


\ .~ .. ~ l .... '

'limité et limitant, enfin,. ~;"toute répétition.


'A
, . Derrida affirme, dans "La .Cloture de la. repréaen-

t-ation" , que "le thé~tre,de la cruauté n'est. pas une

représentation: c"e~:' la ~ie \elle-1R~me en c~ qu'~lle' a


,
d'irrepréseritsble. Le v ie est, 1" or 191ne non représent~ble

de la représentation.~6
"
La scène, dit-il,
.
ne sera pas davantage une représentation si
représentation veut dire surface étalée d'un
'spectacle ,offert à des ~oyeurs. Mais elle sera,
en quelque sorte, représentation originaire, si
représent~tion àignifie aussi déploiement d'un
"
\ volume, d'fun miliê-t:J à plusie~ di"rri-ensions,
expérience prod.uctrice de son.:t propre .espa'be.

, \
<209, \
/.
, ,

., .

,,

(
-' . \
Espacement', ,c 1 est-oà-dire ~roduction d'un éspace
qu'aucune perole~ne saurait résumer ou~omprendre
••· •• le reto"ur il là représentation originaire
implique donc non seulement 'mais surtout' que le
théitre ou la vie cessent de "représenter" un
autre langage, cessent de se laisser d~ri~er d'un
7
autre art ••••
.- /
Le langage incompréhen~ib,le d'Artaud est donc le seul
\

,!"oyen d'en finir avec la .représent~tion'~ La .tglossopo'ièse"


\'

comme l'appelle Derrida,

nous reconduit au bord du moment où le mot n'est


pas encore né, qu~pd l'articulation n'est déjà
plus le cri mais n'est pas encore le discours,
quand la, répétition est presque impossible, et
avec elle la langue en général: la séparation du
, concept,..,et du son, du signifié et du signifiant,
du pneumatique et du grammatique, l'a liberté, de
la traduction et de la tradition, le mouvement de
l , ln ' ét a t·lon •••• 8
.. t erpr

Cette expression symbolise la réirytégration de la parole qui

8 été "soufflée", c'est-à-dire volée à un autre, la parole


/

"s~ns différances", selon Qerrida.

Le double objectivé dans les pièces mises en scène par

le Thé'itre Alfred Jarry e,t le Thé~tre de la Cr~Hiuté m,ani-

feste d'une part la séparation de~ forces opposées dans'

lYoptique d'Artaud, et, d'autre part, une répétition de ce

qui existe déjà oOu deI ce qui est déjà dit. Le thème de la

vie circulaire sans fin signifie la clnture de la représen-

tation. Derrida affiJme que "la c1'S'ture est la I1mlt,

circulaire à l'intérieur ,de laquelle la répétition de la "

(
t

210
\, ;, 1

~
1 ,-_ ... _- - \
/ .

( ,

c , diffirence se répète indéfiniment. n9 Si l'on veut, les


\

P i è ces m, i ses, e n s eè n e par Art a u d met t e n t


\
en cau s e l a

r~pétition inutile des actions qui n'ont pas de fonction ••


. ~
,
tcognitive. La répétition n'est donc rien que perte du

dynamisme intérieur du corps.,

L'association de l'expressiol) littéraire avec u,ne

expression corporelle furtive:? impliquant une pert~ d '-s-t~e,

s'établit dès les premiers é.crits·~'Ar\taud, mais elle

dev,ient surtout éviden'te dans ses derniers. De rn~rne que

le, corps est abject el. doit -a-tre reconstruit, de m~e, le


f

langage des mots est pourri et doit ~tre détruit. SeloR Guy

Sc arpe t ta, "le ' théttre' est. ,•• 1' eapace p rov iso ire d'une
1
( nouvelle vie, le lieu d,u surgissement d'un nouvea'u sujet,

,suje t d'un corps en procès, d'une insurr'ect ion 0 rgan ique,

Pe r man e'n t e con t r e 1 a mal~t·


r l se d t
u s ig n'l f l. an.,.
h
• • ,,10
, \
La

ré inté gration du corps s'accompagne donc d I~ langage de


1
signes, Ja'pable de commun ique r l'essence m~taphysique de
.; ~"',~,

, l '~t'I'e.

Le! projet théttral d' Artaud ne fut jamais réalisé tel

que celui-cl le concevait. Aprè~ ''''' des Cenci en 1935,


l'échec
Artaud f ne tenta plus de production "drpmatique", sauf
,... '1-
~ ~~ .
~ ~
l'émission radiophonique Pou~ en finir avec le jugement de .,
\

dieu, en 1 1948. Le Jugement fut rejeté, mais Artaud a passé

les derniers mois de 'a vie à r~diger le texte en vue de sa

2U
l
/ f
c diffusion éventuell~. Le ~~rus "'-
bouleversant de soN 'oeuvre

l'a décidé li retourner 'au théfttr-e, cadre qui fut toujoùrs


,pour lui l'endroit m~gique où la vii' s'exprimaIt dans sa

totalité par un langage total.


\ ..... '4 ,

seul/eme~nt
La vie
conn i t in té r leur,
d'Artaud se caractérise non
ma is par la sé para,tion d'avec 1 e monde.
par un
\
1
Lem O'n de d e 6 au t r e 6 est un 1"1 i eus t ab le, lin é air e , et
-
. i n a c ces s i b 1 e • ,P arr a p p 0 r t li 1 u i, 1 ~ mon d e d' At tau d .e s t
, )

un non-lieu, une sorbe' de 1 imbes oD l'ordre spa tio-t'''mporel

est absent. Si le monde empirique se saisit par le truche-


\ ' .,
ment du u sens ", celui d\Ar~aud se r~vèle par le ("non-sens".

Cepenpant, ce qui para'Ît ~tre du "non-sens" est le seul .


langage permettant, la découverte des vérités métaphysiques:

Le monde d'Artaud fait appel à la~connaissance des,cultures

!'l'on-occidentales ou prfmitives dont le dynamisme se Itraduit


1

par l'opposition des principes, l'un;té des forces con-e


1
traires étant sous-entendue.

Ce mande n'est donc pas un non-Heu, pas plu6 que 60n


,
langage n'est du "non-sens". \ On le définira plut-a-t comme

un "hors-lieu", dont le langage nécessi te un autre code.

De m~me que le Thé'itre' de la Cruauté est un projet


\
irréalisable parce' qu'il exige le 'non:-répétitién d'es

actes; de m~e', 1;' nouveau langage d'Artaud ne peut ~tre '"


v r aiment un i versel parce qu'il ex ige que nqus ab andonn ions

, i
'- ,
!
1
l
,"
212..

1-
/ /

{>
,.
•,
1
J
(: <il
r
i
notr~ ~ropre .bagage' linguistiqiJe. Les idéea qu,' Artaud
(!
~

,eJ
\
veut communiquer par son nouveau
. \
langage ne peuvent ttre 1

enti~rement comprises par le public. Ironiquèment, f~ f


.;
\ . '1

langage, qui se veut "métaphysique ~t universel," reste i

hermétique,O p'arce qu'il 8' a8 source dans la tragédie pe.r-


\ .

sonne11e d'Artaud.

--\.

o
\

.., ;
i

!,
i .1
1
i
1

r
1
\
,

~
\
1,
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\ .
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~ -~.~~._ .. _---~~- ---- --- \,
.,

- .
(
1
!

~ { c:
.. LlJ
1
-1
a

1 ,
l
1 •
~

Notes
,1

\
IDurozo i, P .142.

2PBul 'e Th~)venin citée par, Durozoi in Artaud, l'aliéna-


tion et la foli,e, p.192. \

3
Derrida, p.46.

40 uI'OZO~,
. . p. 198 •

5'b'd
~ l ., p.198.

6 J BC que 6 De r r i da, i" LeT h é ~ t r e d e 1 a . Cru a ut é e t 1 a


clSture de ~a représentation," in Critique, No: ~30 (1966),
p.597.

70errida, pp.601-603. \

i
'
,8,l b'~ d ., pp.604-605. l
1
~j
9'b'd
l ~ ., p .618. 1
l

1 0Gu y S'c arpet ta, "La Dialectique change de matiè re," L


in A.rtaud, Ed. Ph. Sollers (Publ·ications du Centre Cul turel'
1

de Cerisy-la-Salle 10/18, 1973), p.28S' •


...
\ ,
1

21""
<.,

/'

-Bibliographie

\
1. Textes:
"
a. Ouvrages d'Artaud: , .-/'
~ ,
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Paris:
Gallimard, 1956-.

Artaud,'" Antonin. Oelolvres complètes. Tomes 1-4. Nouvelle


. édition revue ~t aug!'lentée. Paris:' Gl:!11imard, 1970-,
l '

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Plays. Traduit par Arvid Paulson. , New York: New' York
Uniiersitj Press, 1972. .

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Paris: L'Arche, 1958-.
J~
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La Sonate des spe'ctres', Irr Thé'â"tre. Tome
,
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Paris:. L'Arche, 1958-.

Vitrac, Roger. Les Mystères de l'Amour.


\
In Thé~tre: ,Tome .,
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'" Tome·2,' Paris: Ga1limard,··1946-64. !
,
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