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Halte à la routine !

J ean-Jean Fraisier aimait avoir des habitudes.


Il en avait d’ailleurs une multitude. Elles lui
tenaient compagnie, à lui qui n’avait aucun ami.

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Après sa journée de travail à l’usine de capsules,
il rentrait dans sa petite maison proprette.
Jean-Jean était un monsieur qui aimait que
tout soit bien net.
Il se préparait alors une assiette de coquillettes
avec du fromage râpé et une noisette de beurre
salé. Soir après soir, c’est ce qu’il mangeait.

Puis, après avoir soigneusement fait la vaisselle,


il s’installait dans son vieux fauteuil gris
en flanelle. Voilà, il était prêt.
Il prenait la télécommande et ziiip,
il mettait le journal télévisé.

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Jean-Jean aimait savoir ce qui se passe dans
l’Univers. Mais ces derniers temps, il trouvait
que tout allait de travers. Partout, ce n’étaient
que mauvaises nouvelles, catastrophes et
vilaines histoires. Doucement, ses idées étaient
passées de grises à noires. Même Jean-Pierre
Pernaut ne trouvait rien à raconter de beau.

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« Si c’est comme ça, se dit Jean-Jean,
autant éteindre la télévision. »
C’était la première fois qu’il n’allait pas
au bout des informations !

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Il réfléchit toute la nuit et au petit matin, il avait
pris une décision qui allait transformer sa vie.
Puisque le Monde était sens dessus dessous,
Jean-Jean allait changer du tout au tout.

Il enfila son pantalon, braguette sur


le derrière. Puis il boutonna sa chemise
dans le dos et y laissa pendre sa cravate à
carreaux. Il mit également sa veste à l’envers
et pensa tout à coup qu’il n’avait jamais vu
la mer. Une petite croisière matinale
lui remonterait sans doute le moral…

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Attristé par les mauvaises nouvelles du journal télévisé,
Jean-Jean Fraisier renonce à ses habitudes et petites manies
pour transformer sa vie... Place à la spontanéité et à la gaieté !

De la joie, rien que de la joie !

I l arriva en retard et trempé à l’usine où ses


collègues faisaient grise mine. Le directeur
grogna :
– Fraisier, pourquoi êtes-vous mouillé ?

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– J’ai pris mon bain tout habillé !
C’est amusant, vous devriez essayer !
En le voyant dégouliner, le directeur ne put
s’empêcher de sourire un peu. C’était la
première fois qu’il le voyait joyeux et c’était
plutôt contagieux…

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Pendant sa pause, Jean-Jean partit se promener
à reculons pour profiter de la belle saison.
Il trébucha soudain sur un petit chien
qui portait des bottes et un pardessus.
Il était confus.
– Pardon, petit garçon, je ne t’avais pas vu !

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Sa maîtresse bredouilla :
– Mais c’est un toutou, ça se voit !
Jean-Jean haussa les épaules.
– Pas tant que ça…
La dame eut l’air vexé. Pourtant la rue d’après,
elle lui ôta ses souliers…

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Comme il était déjà midi, Jean-Jean alla
déjeuner au « Dieu des Spaghettis ».
Il commença son repas par une mousse
au chocolat, puis commanda des penne
à la carbonara et enfin, une salade
tomates-mozzarella.
Le serveur eut l’air surpris mais fit ce qu’on
lui dit. Jean-Jean le trouva si serviable qu’il
l’invita à s’asseoir à sa table.

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– C’est gentil, Monsieur, mais je dois m’occuper
des autres clients…
– Je vais vous remplacer ! Donnez-moi votre
carnet ! Bonjour Madame, je vous suggère une
pizza à la barbapapa ! C’est un délice : croyez-moi.
Et pour Mademoiselle, un tiramisu aux anchois ?
C’est un dessert que vous n’oublierez pas !
Quand tout le monde fut servi, il paya son
addition et partit.

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En retournant travailler, il s’arrêta devant
une animalerie pour regarder les mésanges, les
moineaux, les canaris… Il les trouva si gracieux
qu’il voulut tous les acheter. La vendeuse lui
proposa une magnifique cage dorée pour les
abriter. Mais Jean-Jean fit non de la tête.

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– Ils n’en ont pas besoin : ils ont les arbres
pour se faire des nids !
La demoiselle se sentit soudain très bête.
Elle regarda Jean-Jean ouvrir la porte et
attendre patiemment que tous les oiseaux
sortent. Et elle sourit.

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La vie devenait pleine de fantaisie.
Terminés, la routine et l’ennui !
Finies, les corvées et les obligations !
Jean-Jean avait même renoncé à tondre son gazon…

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Désormais, il préférait se promener sous la
pluie pour avoir la ville rien que pour lui !

Il lisait les livres en commençant par la fin,


pour être sûr que l’histoire termine bien !
Il était plus heureux que jamais !
D’ailleurs, il ne perdait plus une seule minute
à râler, se fâcher, bougonner… Non, ça, c’était
pour les autres et surtout, pour Natacha Rébus.

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Avec son nouveau mode de vie, Jean-Jean vit des
aventures loufoques et partage de la joie autour de lui.
Il a totalement oublié l’ennui ! Contrairement à Natacha...

Vive les mariés !

N atacha Rébus habitait la petite maison


en face de la petite maison de Jean-Jean.
Natacha aimait avoir des habitudes. Elle en
avait d’ailleurs une multitude. Elles lui tenaient
compagnie, à elle qui n’avait aucun ami.

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Après sa journée de travail à la fabrique de
boutons, elle rentrait dans sa petite maison
proprette. Natacha était une dame qui aimait
que tout soit bien net.
Elle se préparait alors une assiette de macaronis
avec du parmesan et une goutte d’huile de
noix. Soir après soir, elle mangeait ça.
Puis, après avoir soigneusement fait la vaisselle,
elle s’installait dans son vieux fauteuil beige
en flanelle. Voilà, elle était prête. Elle prenait
la télécommande et ziiip, elle mettait le journal
télévisé.

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Natacha aimait savoir ce qui se passe dans
l’Univers. Mais ces derniers temps, elle ne
s’intéressait plus tant que ça au monde entier :
elle préférait regarder ce qui se passait juste
devant son nez.

Chez Jean-Jean Fraisier.

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Il l’intriguait, l’agaçait, l’étonnait : il faisait
n’importe quoi. Elle l’avait déjà vu partir
travailler en pyjama ! En revanche, pour aller
au lit, il enfilait une belle chemise blanche
et un nœud papillon assorti…

Et chaque soir, elle le voyait allumer des


bougies sur un gros gâteau au chocolat.
Il les soufflait puis s’applaudissait, fou de joie.
Il lançait sur sa tête des confettis de toutes
les couleurs… Pour Natacha, c’était sûr :
il lui fallait un docteur !

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Mais plus elle le regardait, plus elle le trouvait
amusant. Et sympathique. Et presque beau.
(Pas autant que Jean-Pierre Pernaut.)
Elle pensait à Jean-Jean en se levant le matin.
Et en se frottant les orteils dans le bain.

Elle pensait à Jean-Jean à


la fabrique, toute la journée,
en séparant les boutons ronds
des boutons carrés. Et pendant
le repas de midi, tandis qu’elle
mâchait.

Elle pensait à Jean-Jean en rentrant à la maison


d’un petit pas pressé. Elle avait tellement hâte
de l’espionner qu’elle finissait par courir à
grandes enjambées.

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Jean-Jean, qui faisait tout à l’envers, avait les
yeux tout à fait à l’endroit. Et il avait bien sûr
remarqué le petit manège de Natacha.
Alors un jour, il prit son courage à deux mains
et enfila ses palmes, son masque, son tuba et
son plus beau maillot de bain.

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Quand Natacha le vit sortir habillé comme
ça, elle gloussa telle une petite poule devant
un ver gras. À travers ses jumelles, Jean-Jean
devenait un géant. Elle le trouvait si fort,
si beau, si grand et… toc toc toc ! Il était là,
juste derrière la porte !

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– Bonjour, chère voisine ! Voilà, je suis venu
vous demander de vous marier avec moi !
– Mais… mais on ne se connaît même pas !
bredouilla Natacha.
– Eh bien justement ! Ce sera beaucoup
plus amusant !

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Il lui fit un sourire charmant et Natacha,
pour la première fois, ne réfléchit pas.

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Cependant ils ne se marièrent pas.
Enfin, pas tout de suite : d’abord, ils eurent
beaucoup d’enfants.
Puis ils vécurent très heureux et enfin, enfin…

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… ils passèrent devant monsieur le Maire.

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