Sécurité / Police ÉTUDE 2383

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Mise en œuvre de l’expérimentation
de caméras augmentées pour les JO
de 2024
Fabrice Mattatia,
ingénieur général des mines,
docteur en droit,
chercheur associé à l’université Paris 1,
co-directeur du mastère spécialisé
Data Protection Management
de l’Institut Mines-Télécom
Business School,
co-directeur de publication
du Code du numérique (LexisNexis)

Afin de repérer plus rapidement certaines situations risquant de porter atteinte à la sécurité des
Jeux olympiques de 2024, un cadre juridique expérimental limité dans le temps et dans l’espace a
été adopté pour autoriser le traitement par intelligence artificielle des images des caméras de
vidéoprotection et des drones.
Les collectivités qui souhaitent mettre en œuvre ces caméras « augmentées » en 2024 disposent
désormais de règles du jeu claires.

1 - Dans notre précédente étude 1, nous avions exposé les enjeux
et les débats suscités par le recours à l’intelligence artificielle pour
exploiter les images des caméras de vidéoprotection ou des drones,
afin d’assurer la sécurité publique ou la sécurité civile. Suite à l’adop-
tion de la loi 2 et à la publication des décrets d’application 3, nous
pouvons désormais préciser les démarches à accomplir.
Après avoir rappelé le cadre législatif (1), nous détaillerons les
nouvelles dispositions réglementaires ainsi que l’avis de la Commis-
sion nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) (2).
1. Le cadre législatif
2 - L’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 autorise à titre
expérimental et jusqu’au 31 mars 2025,à la seule fin d’assurer la sécu-
rité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par
l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont par-
1. F. Mattatia, Expérimentation de caméras intelligentes pour les JO de 2024 :
quel encadrement juridique : JCP A 2023, 2028, n° 4.
2. L. n° 2023-380, 19 mai 2023, relative aux jeux Olympiques et Paralympiques
de 2024 et portant diverses autres dispositions.
3. D. n° 2023-828, 28 août 2023, relatif aux modalités de mise en œuvre des
traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de
vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs, pris en application de
l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023. – D. n° 2023-939, 11 oct.
2023, relatif aux modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation de
traitements algorithmiques d’images légalement collectées au moyen de
systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs.
ticulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’at-
teintes graves à la sécurité des personnes, l’application de traitements
algorithmiques aux images collectées au moyen de systèmes de vidéo-
protection ou de drones, dans les lieux accueillant ces manifestations
et à leurs abords ainsi que dans les véhicules et les emprises de trans-
port public et sur les voies les desservant.
Ces traitements ont pour unique objet de détecter, en temps réel,
des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révé-
ler ces risques et de les signaler en vue de la mise en œuvre des mesures
nécessaires par les services de la police nationale et de la gendarmerie
nationale, les services d’incendie et de secours, les services de police
municipale et les services internes de sécurité de la SNCF et de la régie
autonome des transports parisiens dans le cadre de leurs missions
respectives.
À titre d’exemple, afin de prévenir les actes de terrorisme, il serait
utile de détecter au plus tôt la présence d’un colis abandonné à proxi-
mité des infrastructures sportives ou dans les transports. Plutôt que
d’attendre son signalement par des agents ou sa localisation par les
opérateurs chargés du visionnage, une détection automatique per-
mettrait de gagner un temps précieux dans la gestion de cet événe-
ment.
A. - Les garde-fous
3 - Contrairement à une information mensongère largement ré-
pandue sur certains réseaux, aucune identification des personnes fi-
gurant sur les images ni aucun traitement biométrique ne sera
effectué.

JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION ADMINISTRATIONS ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES N° 50. 18 DÉCEMBRE 2023 - © LEXISNEXIS SA 1
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Comme le dispose la loi, ces traitements algorithmiques
« n’utilisent aucun système d’identification biométrique, ne traitent
aucune donnée biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de
reconnaissance faciale. Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement,
à aucune interconnexion ni à aucune mise en relation automatisée avec
d’autres traitements de données à caractère personnel.
Ils procèdent exclusivement à un signalement d’attention, stricte-
ment limité à l’indication du ou des événements prédéterminés qu’ils ont
été programmés à détecter. Ils ne produisent aucun autre résultat et ne
peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ni aucun
acte de poursuite.
Ils demeurent en permanence sous le contrôle des personnes chargées
de leur mise en œuvre » (L. n° 2023-380, 19 mai 2023, art. 10, IV).
La loi prévoit aussi que le public devra être préalablement in-
formé,par tout moyen approprié,de l’emploi de ces traitements algo-
rithmiques, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette
information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.
Par ailleurs, une information générale du public au sujet de l’em-
ploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen
de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéro-
nefs sera organisée par le ministre de l’Intérieur.
B. - Les sources des images utilisées
4 - S’agissant d’images issues de la vidéoprotection, rappelons
d’abord que celle-ci est encadrée par les articles L. 251-1 à L. 255-1 et
R. 251-7 à R. 253-4 du Code de la sécurité intérieure (CSI).
L’article L. 251-2 du CSI énumère les traitements visés :
« La transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie
publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en
œuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d’assurer :
1° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs
abords ;
2° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;
3° La régulation des flux de transport ;
4° La constatation des infractions aux règles de la circulation ;
5° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens
dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de
vol ou de trafic de stupéfiants ainsi que la prévention, dans des zones
particulièrement exposées à ces infractions, des fraudes douanières
[...] ;
6° La prévention d’actes de terrorisme, [...] ;
7° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
8° Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ;
9° La sécurité des installations accueillant du public dans les parcs
d’attraction ;
[...] »
Quant aux drones, ils relèvent du chapitre II du titre IV du livre II
du CSI.
L’application d’algorithmes aux images issues des caméras ou des
drones, à partir du moment où y figurent des personnes reconnais-
sables, relève selon les cas, soit du règlement général sur la protection
des données (RGPD) 4, soit de la directive dite « police-justice » 5,
transposée au titre III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, lorsque le
traitement a pour finalité la lutte contre les infractions pénales ou
contre les menaces à la sécurité publique et qu’il est mis en œuvre par
une autorité dont cette lutte constitue la mission.
4. PE et Cons. UE, règl. (UE) 2016/679, 27 avr. 2016, relatif à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel
et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.
5. PE et Cons. UE, dir. (UE) 2016/680, 27 avr. 2016, relative à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel
par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des
infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de
sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données.
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C. - La conception et l’évaluation des traitements
5 - La loi dispose que l’État peut assurer le développement des
algorithmes, en confier le développement à un tiers ou les acquérir.
Dans ces deux derniers cas, l’État doit veiller à ce que le tiers qui va
développer ou développe cette solution soit prioritairement une en-
treprise qui répond aux règles de sécurité définies par l’Agence natio-
nale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) s’agissant du
respect des exigences relatives à la cybersécurité.
La CNIL est chargée de veiller à ce que ces traitements soient
conformes aux obligations légales, en particulier en accompagnant
les personnes chargées du développement du traitement. L’ANSSI
exerce, dans ce même cadre, ses missions s’agissant du respect des
exigences relatives à la cybersécurité.
6 - Afin d’améliorer la qualité de la détection des événements pré-
déterminés par les traitements mis en œuvre,un échantillon d’images
collectées, dans des conditions analogues à celles prévues pour l’em-
ploi de ces traitements, et sélectionnées, sous la responsabilité de
l’État, conformément aux exigences de pertinence, d’adéquation et
de représentativité, peut être utilisé comme données d’apprentissage
pendant une durée strictement nécessaire,de 12 mois au plus à comp-
ter de l’enregistrement des images. Ces images doivent être détruites,
en tout état de cause, à la fin de l’expérimentation.
7 - Le Gouvernement devra remettre au Parlement, au plus tard le
31 décembre 2024, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de
l’expérimentation.L’évaluation associera,dans le respect du principe
de parité entre les femmes et les hommes, deux députés et deux séna-
teurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un
groupe d’opposition, désignés respectivement par le président de
l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Le public et les agents
concernés seront informés de l’expérimentation et seront associés à
l’évaluation. Le rapport d’évaluation sera également transmis à la
CNIL et rendu public sur internet au même moment.
D. - Les formalités de mise en œuvre
8 - La loi dispose que le recours à un tel traitement mentionné doit
être autorisé par un décret pris après avis de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés.
Ce décret doit fixer les caractéristiques essentielles du traitement.
Il doit indiquer notamment les événements prédéterminés que le
traitement a pour objet de signaler, le cas échéant les spécificités des
situations justifiant son emploi, les services susceptibles de le mettre
en œuvre, les éventuelles conditions de leur participation financière à
l’utilisation du traitement et les conditions d’habilitation et de for-
mation des agents pouvant accéder aux signalements du traitement.
Il désigne l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité.
Le décret doit être accompagné d’une analyse d’impact relative à la
protection des données personnelles qui expose :
‰ 1° le bénéfice escompté de l’emploi du traitement au service de la
finalité mentionnée au I de l’article 10 de la loi du 19 mai 2023 préci-
tée, au regard des événements prédéterminés donnant lieu à signale-
ment par le système ;
‰ 2° l’ensemble des risques éventuellement créés par le système et
les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre accep-
tables au cours de son fonctionnement.
9 - L’emploi du traitement doit être autorisé par le représentant de
l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police. Cette
autorisation peut être accordée uniquement lorsque le recours au
traitement est proportionné à la finalité poursuivie.
L’actualisation de l’analyse d’impact réalisée lors de l’autorisation
du traitement par décret doit être adressée à la CNIL. La décision
d’autorisation est motivée et publiée.
10 - L’autorité qui met en œuvre le traitement doit tenir un re-
gistre des suites apportées aux signalements effectués par le traite-
ment ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.
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Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet
de police, doit être tenu informé chaque semaine des conditions dans
lesquelles le traitement est mis en œuvre. Il en tient informés les
maires des communes sur le territoire desquelles le traitement est
déployé et informe régulièrement, au moins tous les 3 mois, la CNIL.
Il peut suspendre l’autorisation ou y mettre fin à tout moment s’il
constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus
réunies.
2. Les nouvelles dispositions
réglementaires
11 - Le décret n° 2023-828 du 28 août 2023 autorise, à titre expé-
rimental et jusqu’au 31 mars 2025, le recours à des traitements algo-
rithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de
vidéoprotection et de drones. Il fixe les caractéristiques essentielles de
ces traitements et les événements prédéterminés que ces traitements
ont pour objet de signaler. Il indique les services susceptibles de les
mettre en œuvre et précise les conditions de leur participation finan-
cière. Il détermine les conditions d’habilitation et de formation des
agents pouvant accéder aux signalements par les traitements. Enfin, il
désigne l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité.
A. - Périmètre
12 - Selon l’article 1er du décret précité, les images collectées au
moyen de systèmes de vidéoprotection et de drones peuvent faire
l’objet de traitements algorithmiques aux conditions suivantes :
‰ les images ont été collectées dans les lieux accueillant les mani-
festations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de
leur fréquentation ou leurs circonstances, sont particulièrement ex-
posées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la
sécurité des personnes et à leurs abords, ainsi que dans les véhicules et
emprises de transport public et sur les voies les desservant ;
‰ les traitements sont effectués à titre expérimental et jusqu’au
31 mars 2025 ;
‰ ces traitements ont pour finalité unique de détecter en temps
réel des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de
révéler les risques mentionnés à l’alinéa précédent et de les signaler en
vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires par les services de la
police nationale et de la gendarmerie nationale, les services d’incen-
die et de secours, les services de police municipale et les services in-
ternes de sécurité de la SNCF et de la régie autonome des transports
parisiens dans le cadre de leurs missions respectives.
Comme indiqué par l’article 3 du même décret, les événements
prédéterminés qu’un traitement algorithmique peut avoir pour objet
de détecter, en ce qu’ils sont susceptibles de présenter ou de révéler un
risque d’acte de terrorisme ou d’atteinte grave à la sécurité des per-
sonnes, sont les suivants :
‰ présence d’objets abandonnés ;
‰ présence ou utilisation d’armes, parmi celles mentionnées à
l’article R. 311-2 du CSI ;
‰ non-respect par une personne ou un véhicule, du sens de circu-
lation commun ;
‰ franchissement ou présence d’une personne ou d’un véhicule
dans une zone interdite ou sensible ;
‰ présence d’une personne au sol à la suite d’une chute ;
‰ mouvement de foule ;
‰ densité trop importante de personnes ;
‰ départs de feux.
L’article 2 du décret du 28 août 2023 dispose, quant à lui, que ces
traitements doivent se borner à signaler, en temps réel, à l’attention
des agents chargés de visionner les images captées par les caméras de
vidéoprotection et par les drones, la présence des événements recher-
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chés, à charge pour ces agents de confirmer le signalement ou de lever
le doute.
Le recours à la biométrie est explicitement interdit : ces traite-
ments ne doivent utiliser aucun système d’identification biomé-
trique, ne traiter aucune donnée biométrique et ne mettre en œuvre
aucune technique de reconnaissance faciale.
Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement,aucune intercon-
nexion ni aucune mise en relation automatisée avec d’autres traite-
ments de données à caractère personnel.
Ils ne peuvent produire aucun autre résultat que le signalement
aux agents et ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision
individuelle ni aucun acte de poursuite.
B. - Modalités de mise en œuvre des traitements
pendant la phase de conception lorsque cette dernière
est assurée par l’État ou pour son compte
13 - Les dispositions de l’article 4 du même décret prévoit que,
lors de la phase de conception,le ministère de l’Intérieur devra mettre
en œuvre un traitement ayant pour finalités :
‰ 1° de modéliser et d’identifier les caractéristiques d’évènements
susceptibles de présenter ou de révéler un risque d’actes de terrorisme
ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes que les traitements
algorithmiques devront détecter, ainsi que d’identifier des indica-
teurs et des critères de pertinence caractérisant ces événements ;
‰ 2° de développer des capacités d’analyse de données collectées
au moyen de systèmes de vidéoprotection et de drones, et des outils
permettant la détection et le signalement en temps réel, à partir de ces
images, des événements recherchés ;
‰ 3° de paramétrer des outils permettant la détection et le signale-
ment en temps réel, à partir de ces images, de ces événements ;
‰ 4° de corriger les biais ou erreurs constatés lors de la phase d’ex-
ploitation.
L’article suivant précise qu’à ces fins, les traitements peuvent por-
ter sur :
‰ 1° un échantillon d’images constitué, sous la responsabilité de
l’État :
- a) d’images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotec-
tion et de drones dans des conditions analogues à celles prévues
pour l’emploi des traitements,
- b) d’images qui ont fait l’objet d’un traitement algorithmique
dont les biais ou les erreurs doivent être corrigés.
- L’ampleur de l’échantillon ne doit pas dépasser ce qui est
strictement nécessaire ;
‰ 2° le jour et les plages horaires de collecte de ces images ;
‰ 3° le lieu ou la zone géographique où ont été collectées les
images ;
‰ 4° les annotations des données mentionnées au 1°.
Les agents du ministère de l’Intérieur dûment désignés et habilités
sont seuls autorisés à accéder au traitement pendant la phase de
conception, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin
d’en connaître.
C. - L’avis de la CNIL
14 - Dans un avis en date du 15 juin 2023 6, la CNIL a estimé que le
recours à des caméras augmentées soulève des enjeux nouveaux et
substantiels en matière de vie privée, mais elle a néanmoins considéré
que les garanties prévues permettent de limiter les risques d’atteinte
6. CNIL, délib. n° 2023-068, 15 juin 2023, portant avis sur un projet de décret
relatif aux modalités de mise en œuvre des traitements algorithmiques sur les
images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras
installées sur des aéronefs, pris en application de l’article 10 de la loi
n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques
de 2024 et portant diverses autres dispositions.
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aux données et à la vie privée des personnes et vont dans le sens des gères d’accéder aux données stockées sur le territoire de l’Union euro-
préconisations formulées, dans sa prise de position sur les caméras péenne.
augmentées publiée en juillet 2022. En toute hypothèse,la CNIL recommande fortement,au regard de
La commission souligne que dans sa décision du 17 mai 2023 7, le la sensibilité et du caractère inédit des traitements algorithmiques
Conseil constitutionnel a jugé l’article 10 de la loi du 19 mai 2023 envisagés, qu’aucun transfert de données hors de l’UE ou accès aux
conforme à la Constitution – avec une réserve d’interprétation – en ce données par des autorités étrangères ne puisse avoir lieu, autant en
qu’il ne méconnaît ni la liberté d’aller et de venir, ni le principe de phase de conception que d’exploitation.
sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni la liberté d’ex-
pression collective des idées et des opinions, ni le droit à la sûreté, ni le E. - Aspects pratiques
principe d’égalité devant la loi, ni aucune autre exigence constitu-
tionnelle. 17 - L’autorité qui met en œuvre les caméras augmentées doit au
préalable réaliser une analyse d’impact sur la protection des données
Elle prend acte de l’engagement du Gouvernement selon lequel les
(AIPD). Afin d’aider les collectivités, le ministère de l’Intérieur a réa-
traitements ne permettront pas le suivi ou la réidentification de per-
lisé un canevas d’analyse à compléter, ou « analyse-cadre ».
sonnes, et ce, même grâce à des données autres que biométriques (par
L’analyse doit notamment exposer :
ex. par le biais de la reconnaissance de vêtements).
‰ le bénéfice escompté de l’emploi du traitement algorithmique
Concernant la phase de conception, la CNIL insiste sur l’utilité
au regard des événements prédéterminés donnant lieu à signalement
d’anticiper, autant que possible, l’identification des manifestations
par le système ;
pour lesquelles les images pourraient être utiles à la conception des
‰ les éventuels risques créés par le recours aux dispositifs de camé-
algorithmes. En effet, dans cette hypothèse, les personnes concernées
ras « augmentées » ;
pourraient être préalablement informées, par les responsables de
‰ les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre
traitement ayant mis en œuvre ces dispositifs de vidéoprotection ou
acceptables au cours de leur fonctionnement.
ces drones, de la réutilisation, par le ministère de l’Intérieur, des
La CNIL rappelle que l’analyse-cadre proposée par le ministère de
images les concernant à des fins de conception de traitements algo-
l’Intérieur est nécessairement limitée à ce stade, en l’absence de
rithmiques.
connaissance des caractéristiques précises des solutions algorith-
15 - Concernant la phase d’exploitation, la CNIL souligne que miques qui seront acquises auprès de tiers ou développées en propre.
l’information des personnes est indispensable pour permettre le dé- C’est pourquoi la CNIL relève que l’analyse-cadre qui lui a été
ploiement de dispositifs de caméras « augmentées » dans un climat de soumise sera complétée à deux étapes :
confiance à l’égard des autorités publiques. Selon elle, une simple
‰ tout d’abord, par le Gouvernement à l’issue de l’appel d’offres
mise à jour des panneaux d’affichage d’un système de vidéoprotec-
auprès des fournisseurs de solutions (not. sur les parties relatives à la
tion ou de drones ne saurait suffire. Il sera essentiel de porter à la
sous-traitance et à la sécurité de l’exploitation de la solution), avant
connaissance des personnes concernées l’information centrale du
de la transmettre à nouveau à la CNIL et aux responsables de
dispositif, qui réside dans le caractère « augmenté » des caméras, et
traitements ;
également d’expliquer les caractéristiques et la portée d’une telle ana-
‰ ensuite, par les responsables de traitement qui devront complé-
lyse. La CNIL insiste donc fortement sur la nécessité de prévoir systé-
ter cette analyse-cadre avec les caractéristiques particulières de cha-
matiquement des modalités d’information directement sur les lieux
cun des traitements algorithmiques mis en œuvre.
de captation des images et sur des supports adaptés (panneaux d’in-
La CNIL relève par ailleurs que l’analyse-cadre des traitements
formation dédiés, vidéos, codes QR, marquage au sol, annonces
algorithmiques doit être articulée finement avec celle des autres trai-
sonores, etc.).
tements soumis à AIPD : d’une part,une AIPD « conception » qui sera
En tout état de cause, il appartiendra à l’autorité mettant en œuvre réalisée par le ministère de l’Intérieur sur la conception des traite-
le traitement de s’assurer, le cas échéant, des conditions dans les-
ments algorithmiques ; d’autre part et surtout, les AIPD applicables
quelles le droit à l’information pourrait être exclu au regard du ré-
aux systèmes de vidéoprotection dont les images seront utilisées par
gime applicable. Il lui reviendra notamment de vérifier si une
les traitements algorithmiques. En particulier, la CNIL relève que les
information partielle, portant sur le principe du recours aux caméras
risques liés à la compromission des images sont traités principale-
augmentées, peut être envisagée sans compromettre la sécurité de la
ment dans l’AIPD vidéoprotection et non dans celle sur les traite-
manifestation.
ments algorithmiques.
Dans ce contexte, la CNIL attire l’attention des responsables de
D. - Les transferts de données hors de l’Union traitements sur le fait qu’il ne s’agira pas uniquement de renseigner
européenne quelques particularités de mise en œuvre au sein de l’analyse-cadre,
mais d’évaluer les risques créés par chaque solution algorithmique et
16 - La CNIL rappelle que :
les mesures envisagées afin de les minimiser. Il appartiendra notam-
‰ les éventuels transferts de données vers un pays ne faisant pas
ment aux responsables de traitements de compléter l’AIPD concer-
l’objet d’une décision d’adéquation de la Commission européenne ne
nant la mise en œuvre des traitements algorithmiques en lien avec
peuvent avoir lieu sans être strictement encadrés par des garanties
l’AIPD sur la mise en œuvre des traitements provenant de systèmes de
appropriées ou justifiés au regard des dérogations autorités par
vidéoprotection, concernant :
l’article 49 du RGPD. En l’absence de telles garanties ces transferts ne
‰ les mesures techniques et organisationnelles pour la consulta-
peuvent avoir lieu ;
tion des images relatives aux événements détectés, leur enregistre-
‰ les responsables des traitements algorithmiques ayant recours à
ment et l’éventuel déchargement des contenus vidéos ;
un sous-traitant soumis à un droit extraterritorial tiers devront s’as-
‰ les mesures organisationnelles particulières pour l’intervention
surer que celui-ci présente des garanties suffisantes conformément à
des sous-traitants qui viendront installer et paramétrer les solutions
l’article 28 du RGPD, en vérifiant notamment si les législations et les
et s’assurer de leur maintien en conditions opérationnelles.
pratiques locales sont susceptibles de permettre aux autorités étran-
À cet égard, la CNIL prend acte de l’engagement du Gouverne-
ment de fournir une doctrine d’emploi aux services responsables de
7. Cons. const., 17 mai 2023, n° 2023-850 QPC : JurisData n° 2023-009740 ; Dr. traitements, concernant notamment :
adm. 2023, act. 80, obs. A. Courrège. ‰ le contenu des signalements effectués et des suites apportées ;

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‰ le contenu de l’information des personnes ;
‰ les modalités du contrôle humain des signalements.
La CNIL invite le Gouvernement à adapter la doctrine d’emploi en
fonction des services destinataires, pour rappeler à chacun les spécifi-
cités du cadre juridique qui s’applique à lui et les particularités
d’usage du dispositif dans le contexte de ses missions.
18 - En pratique, les autorités souhaitant mettre en œuvre les ca-
méras augmentées pourront déposer leur dossier à la CNIL en utili-
sant le formulaire « Acte réglementaire unique RU – 075 Traitements
algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéo-
protection et de caméras installées sur des aéronefs », disponible sur
https ://cnil.fr/fr/declaration/acte-reglementaire-unique-75-ru-
075-traitements-algorithmiques-sur-les-images-collectees-au-
moyen-de-systemes-de-videoprotection
F. - Évaluation
19 - L’évaluation de l’expérimentation est assurée par un comité
d’évaluation, présidé par une personnalité indépendante (D.
n° 2023-939, 11 oct. 2023, art. 3). Ce comité comprend deux collèges :
‰ 1° un collège des personnalités indépendantes (deux députés et
deux sénateurs, huit personnalités qualifiées, et le maire d’une com-
mune n’ayant pas participé à l’expérimentation) ;
‰ 2° un collège des services utilisateurs (services du ministère de
l’Intérieur, communes, RATP, SNCF, Île-de-France Mobilités, délé-
gué interministériel aux jeux Olympiques).
Le comité d’évaluation établira un protocole d’évaluation lui per-
mettant de rendre un avis sur :
‰ 1° les performances techniques des traitements algorithmiques
mis en œuvre ;
‰ 2° les effets opérationnels du recours aux traitements algorith-
miques pour sécuriser les manifestations concernées ;
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‰ 3° l’impact des traitements algorithmiques sur la sécurité et
l’exercice des libertés publiques, ainsi que la perception de cet impact
par le public.
Le collège des services utilisateurs ne prendra pas part aux travaux
d’évaluation portant sur la perception de l’impact des traitements
algorithmiques par le public. Il émettra un avis propre pour l’évalua-
tion des performances techniques et contribuera plus particulière-
ment à l’évaluation des effets opérationnels.
Dans son rapport, le comité d’évaluation :
‰ 1° recensera le nombre de demandes d’autorisations d’emploi
de traitements algorithmiques par type de manifestation, le nombre
d’autorisations refusées ou modifiées ainsi que leur répartition géo-
graphique et le nombre d’utilisations effectives de ces traitements, la
durée moyenne de l’autorisation ;
‰ 2° recensera, par évènement dont la détection a été autorisée, le
nombre de signalements émis par les traitements, leur pertinence ou
non après vérification humaine, ainsi que les suites leur ayant été
apportées ;
‰ 3° évaluera l’impact des traitements sur la sécurité des manifes-
tations concernées ainsi que les bénéfices constatés ou les difficultés
rencontrées en vue de préconiser,le cas échéant,toutes recommanda-
tions permettant l’amélioration du dispositif ;
‰ 4° appréciera les conditions dans lesquelles il a été procédé à
l’information du public et à la mise en œuvre des droits des personnes
concernées ;
‰ 5° évaluera le degré de satisfaction et de confiance du public et
des personnels des services ayant employé les traitements algorith-
miques.
20 - Le ministre de l’Intérieur remettra au Parlement le rapport
d’évaluation au plus tard le 31 décembre 2024. Il le transmettra égale-
ment à la CNIL et le rendra public sur le site internet de son minis-
tère.Á
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