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universitaires
François-
Rabelais
Le banquet du monarque | Brigitte Lion, Catherine Grandjean,
Christophe Hugoniot

Les usages
politiques des
banquets d’après
les archives
mésopotamiennes
du début du
deuxième millénaire
1
av. J.-C.
Dominique Charpin
p. 31-52

Texte intégral
1 Dans la version récente de la légende babylonienne du
Déluge, le roi de Šuruppak encourage ses sujets,
mobilisés pour la construction de l’arche, en les traitant
comme les hôtes d’un banquet2 :
Pour les travailleurs, je mis à mort des bœufs,
et je tuai des moutons, chaque jour.
Bière, boissons alcoolisées, huile et vin,
Je [versai] à mes travailleurs, à flots :
Ils festoyaient tout comme lors du Nouvel An !

2 L’interprétation de ce texte se heurte à une difficulté


commune à ce genre littéraire : la scène se situe aux
époques archaïques, en l’occurrence avant le Déluge.
Mais la description est sûrement aussi le reflet – plus ou
moins déformé – de réalités contemporaines. Il faut
donc consulter d’autres sources pour déterminer, avec
le maximum de précision souhaitable, si ce passage
correspond à l’image d’un véritable festin royal. Pour
certaines périodes, ce sont les inscriptions royales qui
peuvent fournir les informations les plus spectaculaires
sur les banquets donnés par les souverains3. On possède
de nombreux textes de ce genre pour l’époque dite
paléo-babylonienne (xxe-xviie siècles av. J.-C.)4 ; mais
aucun ne décrit de tels festins. Nos sources sur ce thème
sont constituées par des documents d’archives.
3 Ces textes sont abondants, à tel point, que depuis 1975,
aucun inventaire bibliographique n’en avait été tenu à
jour, alors que la documentation a plus que doublé en
trente-cinq ans. Cela a été le premier objectif du
programme ANR « ARCHIBAB » qui a débuté en 20085.
Plus de 30 000 textes couvrant ces quatre siècles sont
actuellement publiés, mais répartis de manière très
inégale, aussi bien chronologiquement que spatialement
ou thématiquement : pour le thème de ce colloque, ce
sont surtout les archives du palais de Mari qui
permettent de voir la façon dont les rois utilisaient les
banquets à des fins politiques. Ces archives ont
l’avantage de nous fournir des descriptions de ce qui se
passait, non seulement à Mari, mais aussi dans les
grandes capitales du moment, comme Babylone ou Alep,
ou encore dans des centres moins importants (fig. 1). Les
deux genres de textes les mieux représentés, documents
de comptabilité et lettres, se complètent fort
heureusement. Les archives du palais de Mari
constituent un des plus grands ensembles de textes de
l’Orient préclassique découverts en un seul bâtiment6.
Au nombre d’environ 20 000 numéros d’inventaire, qui
est généralement donné pour les archives du palais de
Mari découvertes par André Parrot, doivent
correspondre entre 13 000 et 15 000 tablettes, si l’on
tient compte du nombre des fragments qui n’ont pas
encore été rejoints7. Actuellement, près de 9 000 textes
ont été intégralement publiés8 ; cela représente à peu
près les deux tiers du total. Ces documents datent pour
l’essentiel des deux derniers rois. Sous Yasmah-Addu,
Mari appartenait au grand ensemble que son père
Samsî-Addu avait bâti en Haute-Mésopotamie ; à la mort
de ce dernier, Mari reprit son indépendance avec Zimri-
Lim.
Fig. 1. Carte du Proche-Orient à l’époque paléo-
babylonienne (carte de Dominique Charpin sur un
fond de carte de Martin Sauvage).
4 Nous verrons d’abord quels étaient les participants aux
banquets royaux ; dans un deuxième temps, nous
analyserons l’étiquette très stricte qui régissait ces
événements. Pour finir, on décrira quelques situations
atypiques, mais qui n’en sont pas moins révélatrices :
scènes d’ivresse ou de dérision.

Les participants : typologie des banquets


5 Dans la Mésopotamie ancienne, les repas avaient lieu
deux fois par jour, le soir et le matin9. Le roi ne les
prenait pas seul : dans certains cas, il pouvait être
entouré de proches, mais c’étaient souvent des soldats
qui banquetaient avec le souverain. La participation aux
repas royaux était également un moment essentiel des
missions diplomatiques. Partager nourriture et boisson
constituait aussi un acte important lorsque des
souverains se rencontraient. On précisera enfin la
place – réduite – des femmes dans toutes ces occasions10.

Soldats
6 Les archives de Mari montrent comment l’association
des soldats aux repas du roi s’effectuait régulièrement
s’agissant de ses sujets, mais aussi, de manière plus
solennelle, lorsqu’un souverain accueillait des troupes
alliées.

Les soldats invités par le roi


7 Nous possédons un lot de 21 textes répartis sur trois
semaines de la même année11, qui comptabilisent les
personnes ayant participé aux repas du roi Yasmah-
Addu (fig. 2)12. Il s’agit de notables (juges, « maires » et
« Anciens »), de techniciens (barbiers, meuniers, pâtres,
etc.), de membres de l’entourage royal (domestiques-
gerseqqum et gardes du corps), mais surtout de
différentes catégories de militaires, gradés ou non. En
moyenne, on compte au total 250 participants.
Fig. 2. Tablettes énumérant les participants au repas
du roi Yasmah-Addu13.

8 Le contexte de ce lot de tablettes est connu. Il s’agit du


moment où Yasmah-Addu se rendit de Mari à Terqa
pour y accueillir sa nouvelle épouse, venue de Syrie
occidentale, plus précisément de Qatna14. On pourrait
donc se demander si l’on n’a pas affaire à un cas
particulier. Il semble qu’il n’en est rien. C’est ce que
montre le conseil que Yasmah-Addu reçut de son père
Samsî-Addu, le roi de Haute-Mésopotamie15 :
Au lieu d’ouvrir les jarres et de dépenser de l’argent,
donne satisfaction aux soldats eux-mêmes […], qui vont
venir à Mari et assurer la défense de la ville. Ceux qui ne
peuvent pas faire de culture, n’ayant pas de bœufs, ceux
qui n’ont pas de farine, de laine, d’huile, de […],
pourvois-les en bien ; installe-les à tes côtés, pour qu’ils
assurent ta défense et affermis ainsi les assises de Mari.
Qu’ils soient sans cesse conviés au repas en ta présence.
Ne leur fais point prendre un repas ridicule, mais qu’ils
en aient sans cesse un surabondant.

9 Une autre lettre développe cette philosophie, en


insistant sur l’impact psychologique de la proximité du
roi16 :
Que cette troupe de 300 hommes prenne régulièrement
ses repas en ta présence. Lorsque cette troupe sera
relevée de son service – ayant servi de troupe-pihrum –,
que la troupe prenne son repas en fin d’après-midi.
Lorsque cette troupe prendra son repas, tiens-toi
présent devant eux ! [Mu]balsaga [doit ven]ir devant toi.
Il doit veiller aux repas de la troupe. [Si] Mubalsaga a un
déficit, qu’il écrive ici afin qu’on lui donne ce dont il
manque à […].
Lorsque tu auras régulièrement fait prendre ses repas à
la troupe, ils se sentiront proches de toi. Ils prendront
tes problèmes à cœur et ils diront ceci : « [Puis]que
notre seigneur [doit partir] en expédition, […] ».

10 On voit bien l’importance que Samsî-Addu accordait à


ces repas, pour lesquels l’orthodoxie budgétaire ne
comptait pas ; c’est d’autant plus remarquable que par
ailleurs il ne se privait pas de reprocher à son fils un
train de vie largement au-dessus de ses moyens17. La
philosophie de Samsî-Addu n’est pas sans rappeler celle
de Vincent de Paul, disant que « le moral de la
communauté est dans la marmite ». Mais l’accent est
aussi mis sur la proximité physique du souverain, en
présence de qui les soldats doivent être nourris, selon
une tradition qui remonte aux rois d’Akkad du
troisième millénaire.

Les soldats étrangers


11 Lorsque des troupes étrangères étaient envoyées en
renfort par des alliés à un roi qui en avait fait la
demande, ce dernier était tenu de les accueillir
dignement et de leur offrir un banquet. C’est ce que
rapporte par exemple cette lettre écrite à Zimri-Lim par
un de ses généraux, lorsqu’arriva à Babylone une troupe
de 1 000 soldats bédouins venus depuis Mari18 :
Nous sommes arrivés à Babylone et nous nous sommes
présentés à la porte du palais. Lorsque tout aussitôt l’on
m’eut fait entrer, Hammu-rabi a dit ceci : « Allons ! Que
la troupe entre dans la ville, qu’elle prenne ses quartiers
dans les maisons réquisitionnées et que, demain matin,
elle prenne le repas en ma présence ! », puis il sortit. J’ai
parlé ainsi à son ministre, Sin-bel-aplim : « Chaque fois
qu’ils descendent à Mari, mon seigneur sort à la
rencontre de ses serviteurs et les porte-enseigne
paradent devant mon seigneur. » Voilà ce que j’ai dit et il
m’a dit ceci : « Tous les bédouins prendront demain
matin leur repas devant mon seigneur ; que les porte-
enseigne fassent leur parade demain ! » Voilà ce qu’il
m’a répondu. Ṭab-eli-matim et Sin-bel-aplim sont sortis
avec moi et nous avons fait entrer la troupe dans la
ville. Le lendemain, j’ai réuni 50 soldats d’élite et les ai
fait entrer pour faire la parade. Tous les bédouins ont
pris leur repas dans le jardin en sa présence et c’est
dans le jardin que les porte-enseigne ont fait leur
parade. Il (Hammu-rabi) était vraiment content de
l’arrivée des bédouins !

12 Cette fois, le nombre est beaucoup plus considérable et


c’est donc dans un jardin que le repas est servi aux
soldats19. Néanmoins, les 1 000 bédouins mariotes
devaient avoir l’occasion d’apercevoir le roi de Babylone
pour le compte duquel ils allaient livrer combat.
L’estime de Hammu-rabi devait également se marquer
par sa présence à une sorte de parade militaire
organisée par les chefs de cette troupe avec une
cinquantaine d’hommes.

Des banquets exceptionnels


13 La documentation de Mari permet également de voir
que des banquets pouvaient être offerts dans des
circonstances exceptionnelles, par exemple à la fin
d’opérations de recensement20.
14 Deux textes découverts à Chagar Bazar datant de
l’éponymie de Addu-bani montrent que le recensement
qui eut alors lieu dans la région se termina par
d’énormes banquets21. Le nombre de participants n’est
pas indiqué par ces documents, mais se laisse déduire
des quantités consommées. Deux banquets eurent lieu
successivement, concluant les deux phases de cette
opération. Le premier fut organisé par les généraux
Išar-Lim et Sin-tiri et réunit 2 770 hommes habitant le
district de Qirdahat (OBTCB 19). Le second eut lieu un
peu plus tard, lorsque Yasmah-Addu s’occupa en
personne du recensement des nomades : le texte
OBTCB 50 comptabilise les denrées nécessaires au repas
qui fut offert à 3 250 nomades.

Diplomates
15 Jean-Marie Durand a pu montrer, à partir des textes
administratifs de Mari, que la règle en usage à l’époque
voulait que les diplomates (« messagers ») fussent pris
en charge par le roi auquel ils étaient envoyés22. Il
convient de distinguer deux réalités : les rations qui
formaient leur subsistance d’une part, les repas
auxquels ils étaient invités d’autre part. Cette distinction
est faite expressément dans cette lettre écrite par un
Mariote en poste à Babylone23 :
On a fait entrer ces messagers dans le magasin du
ministre. Le groupe (?), qui avait droit à 6 repas (NÌ. GUB
= naptanum), n’en a reçu que 3. De plus, on l’a assigné à
résidence et on a réduit ses rations (SÁ. DU11 =
sattukkum).

16 Ces rations servaient à l’alimentation « normale » des


messagers, tandis que le terme de naptanum semble
réservé à un repas « officiel », qui a le palais pour cadre
et/ou se déroule en présence du roi.
17 Ces repas pouvaient être l’occasion de discussions
diplomatiques. C’est ce que montre le cas de Habdu-
Malik. Ce ministre du roi de Mari fut envoyé en mission
au sud du Djebel Sindjar, pour tenter de réconcilier les
rois de cette région. Il écrivit plusieurs lettres, rendant
compte en détail des entretiens qu’il eut avec ces
différents souverains. L’une d’elles est particulièrement
significative dans le cadre de ce colloque24 :
Dis à mon seigneur : ainsi (parle) ton serviteur Habdu-
Malik. Étant parti d’Andarig, je suis entré à Kurda. Au
début de la nuit, on m’a appelé pour le repas et je m’y
suis rendu. Personne parmi les alliés n’a eu une place
assise devant lui (le roi de Kurda), à part moi. Et Yašub-
Dagan, serviteur de mon seigneur, était avec moi, mais il
est resté à l’écart, sur un siège de côté. Je lui (au roi de
Kurda) ai adressé la parole, je l’ai porté à la discussion et
comme je l’avais apaisé par (mes) propos, je lui ai parlé
en ces termes : « Eh bien ! [Je voudrais entendre] de ta
bouche ta version de ce que je ne cesse d’entendre
autour de moi. Fais-moi un exposé complet ! ». Lui m’a
répondu en ces termes : « (etc.) ».

18 Habdu-Malik décrit donc la façon dont il fut reçu par le


roi de Kurda lors du repas du soir. Sa place à table
semblant indiquer le désir du souverain d’avoir avec lui
une discussion en particulier, Habdu-Malik ne se priva
pas de mettre l’occasion à profit. Son souhait de mettre
en valeur son habileté transparaît dans cette lettre, mais
les renseignements qu’on y trouve n’en sont pas moins
précieux.
19 La participation d’envoyés étrangers à des fêtes
religieuses n’est guère documentée à l’époque. Certes, la
présence d’émissaires venus d’Ešnunna est mentionnée
juste après l’évocation de la fête de l’akîtum dans la
lettre ARM 1 50 (= LAPO 18 965), mais les deux faits
n’ont pas de lien direct entre eux : les envoyés
ešnunnéens étaient venus pour négocier une alliance25.

Rois vassaux et alliés


20 Ce n’étaient pas seulement les envoyés des rois alliés qui
étaient reçus par un monarque : à l’occasion, des
souverains se rencontraient et de tels « sommets »
donnaient lieu à des banquets. Malheureusement, la
nature même de notre documentation explique
pourquoi nous n’en possédons pas de description : la
correspondance retrouvée dans le palais de Mari étant
avant tout adressée au roi, les festins de ce genre
auxquels il put prendre part, par exemple lorsqu’il
séjourna dans le royaume d’Alep, ne sont relatés dans
aucune lettre. Il en va de même pour les repas offerts
dans le cadre de la « fête d’Eštar », qui avait lieu tous les
ans au début de l’hiver ; à cette occasion, de nombreux
alliés du roi de Mari se rendaient dans la capitale du
Moyen-Euphrate, ce qui donnait lieu à de nombreuses
réjouissances26.
21 Les informations les plus riches sont très occasionnelles.
Elles concernent par exemple le repas qui fut préparé à
Terqa, lorsque Zimri-Lim devait y accueillir le roi de
Kurda Hammu-rabi27. Le gouverneur voisin fut sollicité
pour fournir notamment de la farine, de la bière et des
« palombes grasses28 ». C’est également à propos de rois
étrangers présents dans d’autres capitales qu’on
possède quelques renseignements : comme d’habitude,
ce sont les exceptions qui retinrent avant tout l’attention
des contemporains. Ainsi, le roi Išme-Dagan se plaignit-il
que des envoyés de Zimri-Lim fussent royalement
traités, alors que lui-même, présent à Babylone en
même temps qu’eux, était réduit à la portion congrue29 :
Lorsque je suis allé à Babylone, porc, poissons, oiseaux
et pistaches ont été constamment offerts aux messagers
de Zimri-Lim, alors que de moi, on ne s’est nullement
soucié !

Et les femmes ?
22 Des femmes participaient-elles à ces banquets ? La
réponse semble être négative. Le seul texte qui fasse
allusion à une présence féminine lors d’un « repas du
roi » indique que le souverain mange et boit devant son
épouse30. Par ailleurs, nous avons des indices que la
reine mangeait à part ; en effet, les textes de
comptabilité de naptan bêltim (repas de la reine) ne
semblent pas correspondre à des périodes où le
souverain est absent31.
23 Il est cependant vraisemblable que des femmes
contribuaient à égayer l’atmosphère des banquets, par
leur musique et leur danse. Nous n’avons aucune
relation épistolaire de tels spectacles, mais leur
existence est révélée par plusieurs indices. On raisonne
d’abord par analogie avec le « rituel d’Eštar », qui décrit
un banquet auquel participent des divinités, mais aussi
le roi ; de la musique et diverses « attractions »
accompagnaient le repas, avec la participation de
personnes des deux sexes32. Par ailleurs, des étrangers,
rois ou envoyés, avaient manifestement eu l’occasion de
rencontrer certaines musiciennes, puisqu’ils
réclamaient que le roi de Mari leur en fasse cadeau33 ; il
est vraisemblable qu’ils en avaient apprécié le talent, et
sans doute aussi le charme, lors de banquets. On
rappellera par ailleurs que le personnel des cuisines
était en très grande majorité de genre féminin, y
compris les deux scribes qui tenaient la comptabilité des
dépenses de céréales34.

Ordre...
24 Les banquets royaux avaient généralement lieu dans un
cadre prestigieux : la plus grande salle du palais. Parfois,
le roi accueillait ses hôtes en plein air, dans une cour ou
dans un jardin. Le protocole qui régissait ces repas était
très strict. Avant de manger, les invités recevaient le
plus souvent des présents, habits et parures, qu’ils
revêtaient aussitôt pour montrer à tous l’estime dans
laquelle leur hôte les tenait.

Le cadre
25 Le cadre des banquets royaux peut être reconstitué,
grâce à l’exceptionnelle conservation du palais de
Mari35. Les convives se tenaient dans une grande pièce
(salle 65), qualifiée par les fouilleurs de « salle du
trône » (fig. 3). Les installations des cuisines se
trouvaient à proximité : André Parrot prétendait qu’on
aurait pu faire repartir aussitôt un feu dans certains des
fours qu’il découvrit (fig. 4). Lorsque le nombre d’invités
excédait les 250 personnes, la salle du trône devait être
délaissée au profit de la cour dite « du palmier »
(cour 106)36.
26 Ce qui n’a pas été conservé, c’est la riche vaisselle dans
laquelle la nourriture était servie : rien n’a été retrouvé,
sauf d’assez nombreux moules à gâteaux en argile (fig.
5). André Parrot leur a donné une large publicité ; ils
sont de fait intéressants, par leurs formes comme par
leur iconographie. Mais ils ne constituaient rien de
précieux : les objets de valeur ont été systématiquement
emportés par les Babyloniens avant qu’ils ne détruisent
le palais37. Ce sont donc les textes qui constituent notre
principale source. Comme les rois de France sous
l’Ancien Régime, les souverains mésopotamiens
voyageaient avec leur vaisselle précieuse, rangée dans
des coffres38. Les responsables avaient la hantise d’une
disparition et procédaient par conséquent à de
fréquents inventaires. Leur étude systématique39 a
permis d’analyser la gestion de ce trésor, qui étalait aux
yeux de tous les convives la richesse du roi qui les
invitait.
Fig. 3. La « salle du trône » du palais de Mari40.
Fig. 4. Les fours des cuisines du palais de Mari41.

Fig. 5. Moules à gâteaux en argile42.


Le protocole
27 Les anciens Mésopotamiens étaient très sensibles à
l’étiquette. Celle-ci n’était pas, comme à Versailles, dictée
par un roi despotique : elle résultait de conventions
générales dans le monde amorrite.

Une distinction hiérarchique en deux catégories


28 Il y avait deux grandes catégories de places lors des
repas : les individus au sommet de la hiérarchie, décrits
comme wâšib kussim43, avaient droit à un siège, tandis
que les autres convives devaient rester muppalsihum
(accroupis)44. À vrai dire, la traduction exacte de ce
deuxième terme est difficile. Il existe en babylonien
deux verbes à peu près synonymes, napalsuhum et
kamâsum, qui doivent correspondre à deux postures
encore adoptées de nos jours en Orient : « être assis en
tailleur » et « être assis sur les talons », mais on ne sait
pas encore laquelle est décrite par chacun de ces deux
termes.
29 Des textes d’archives de l’époque de Yasmah-Addu
donnent la composition des banquets royaux. Dans la
catégorie des gens ayant droit à un siège, on trouve les
officiers supérieurs, les sugâgum (maires) ainsi que des
juges45 ; les autres convives étaient accroupis.
30 Le récit paléo-babylonien du Déluge, à savoir Atra-hasis,
raconte les choses de façon différente de l’Épopée de
Gilgameš citée au début de cette contribution. On y dit
qu’ayant terminé la construction de son navire, le roi
Atra-hasis invita son peuple à un banquet, tandis qu’il
faisait entrer sa famille dans l’arche. Mais lui-même
était angoissé à l’idée du cataclysme imminent46 :
Il entrait et sortait, ne restant assis ni (même) accroupi.
Son cœur était brisé, il vomissait de la bile.

31 Le texte montre comment le Noé babylonien ne prit pas


part au festin, ni parmi les dignitaires assis, ni parmi les
travailleurs qui n’avaient pas droit à un siège. Sur ce
point, le récit, quoique légendaire, reflète très
exactement les pratiques contemporaines.

To be seated or not to be seated, that is the question…


32 L’attribution des places lors d’un repas était une affaire
parfois diplomatiquement très sensible. C’est ce que
montre une lettre qu’Ibal-pi-El, commandant les troupes
mariotes envoyées en renfort à Babylone, adressa au roi
de Mari47 :
J’ai écrit précédemment à mon seigneur au sujet de la
place à table d’un messager, chaque fois qu’il arrive ici,
en disant : « Il faut que mon seigneur m’écrive sur une
tablette là où doit s’asseoir le messager qui vient rendre
visite à mon seigneur ou qui passe par ici, afin qu’il
s’asseoie à la place que mon seigneur lui attribuera. » À
présent, un Kurdéen [vient d’arriver] et aucune nouvelle
concernant la place à table du messager n’a été écrite.
Hammu-rabi [l’a convo]qué pour le re[pas]. […] avant
notre entrée [lacune] […] s’assiéra ». Voici ce que [je lui
ai déclaré] : « Si cela […]. Sinon, jamais je n’en[trerai ni]
je ne m’assiérai. Aux serviteurs de mon seigneur
Hammu-rabi, qui ont une place assise là-bas, on n’a
permis à aucun d’eux d’avoir une place assise à table ; à
présent, je ne vais pas aujourd’hui (lui) donner même
rang (qu’à ceux qui en ont le droit) ». Voilà ce que j’ai
répondu, et cet homme n’est (donc) pas entré pour le
repas. Je me suis dit avec crainte : « Il ne faudrait pas,
les serviteurs de l’empereur, son père, étant là, et lui
ayant une place assise, que mon seigneur m’en fasse
grief. D’un côté, j’ai des scrupules à ne pas donner de
siège ; mais d’un autre côté, j’ai peur de faire une chose
répréhensible en donnant un siège ». À présent, il faut
que mon seigneur me communique sa décision
concernant la place à table de cet homme. Et il faut que
mon seigneur fixe maintenant la place de chaque
messager qui vient ici, en disant : « Il s’assiéra à une
place plus haute qu’un tel et plus basse que tel autre »,
afin que je puisse désormais lui assigner une place et
que nous puissions nous conformer au protocole
(isiktum) fixé par notre seigneur.
33 L’affaire est obscurcie par quelques cassures, mais
l’essentiel est clair : les deux catégories que nous avons
distinguées plus haut, gens assis et gens accroupis,
étaient relatives. Par ailleurs se posait le problème de la
réciprocité. En l’occurrence, c’est la présence à Babylone
d’un envoyé du roi de Kurda qui fit question ; le roi de
Kurda reconnaissait la suprématie du roi de Mari. Au
moment d’entrer dans la salle où le roi Hammu-rabi
avait convié les diplomates, le représentant du roi de
Mari s’opposa à ce que le représentant du roi de Kurda
ait une place assise. Mais ensuite, il écrivit à Zimri-Lim
pour lui exposer le dilemme devant lequel il s’était
trouvé : il a dû trancher une situation politiquement
délicate sans avoir reçu les instructions qu’il avait
pourtant déjà réclamées48.

Les révérences lors des repas


34 Les messagers pouvaient être parfois considérés comme
des émissaires personnels du roi qui les envoyait. Dans
une lettre à son gendre Zimri-Lim, le roi d’Alep
demanda qu’on n’exigeât pas de son envoyé les
prosternations habituelles, car il fallait le traiter comme
lui-même49 : une fois encore, c’est l’exception, seule
décrite, qui nous permet de connaître la règle ordinaire.
D’autres textes permettent de comprendre que ces
révérences ou prosternations50 s’effectuaient au
moment où l’on apportait les plats aux convives. Lors de
l’invasion élamite de 1765 av. J.-C., certains souverains
jugèrent prudent de se prosterner devant les émissaires
de l’envahisseur. Un gouverneur de Zimri-Lim raconta à
son maître comment au contraire le roi de Kurda refusa
de s’abaisser51 :
[Les messagers élamites] sont arrivés à Kurda, mais
Hammu-rabi n’est pas sorti au devant d’eux se
prosterner. Les messagers élamites ont dit : « Pourquoi
Hammu-rabi n’est-il pas sorti à notre rencontre, ne s’est-
il pas prosterné et n’a-t-il pas offert bœuf et mouton ? »

35 Les envoyés de l’empereur élamite s’étonnèrent de


l’accueil que leur fit le roi de Kurda, ne se prosternant
pas devant eux avant de leur offrir un repas. En effet,
d’autres souverains de la région les avaient reçus en
tant que représentants personnels de leur maître, en
pratiquant devant eux la prosternation comme ils
l’auraient fait devant celui-ci.
36 Un autre cérémonial fixé d’avance est illustré par cette
lettre52 :
Une escorte les a fait parvenir jusqu’à moi. Je les ai
interrogés et voici ce qu’ils m’ont dit : « On a accordé
une triple révérence, ainsi qu’une révérence au moment
[de l’apport] du plat ». Et [notre maître] a dit : « Si Zimri-
Lim s’engage concernant les quatre sujets sur lesquels je
lui ai écrit, alors vous lui donnerez du “mon frère” […]. »

37 On voit à quel point tout le cérémonial du banquet était


pesé et discuté au préalable, la signification symbolique
de chaque geste, tout comme celle des termes employés,
étant évidente pour tous53.

Les présents
38 Les invitations à la table des rois étaient accompagnées
de présents offerts aux convives, qui reflétaient eux
aussi les hiérarchies.

Lien entre repas et présents


39 Le lien entre repas et présents offerts à des hôtes
étrangers apparaît très clairement dans cette lettre
adressée au roi de Mari par son « ministre de
l’économie », Yasim-Sumu54 :
Suivant la lettre de mon seigneur, j’ai fait porter aux
Élamites la jarre de vin, les deux moutons mâles de
bonne qualité et la glace, que l’on m’a apportés de chez
mon seigneur. En effet mon seigneur m’avait écrit ceci :
« Les Élamites sont mécontents en ce qui concerne leurs
repas. Ils sont mécontents à propos de leurs repas (et
aussi) à propos des cadeaux qu’on leur a faits. Toi, ou
quelqu’un de ton entourage pour toi, doit examiner ce
qu’il en est ! »
J’ai envoyé Yatar-Addu au sujet du bateau et des rations
alimentaires. Ils ne sont mécontents ni en ce qui
concerne les cadeaux qu’on leur a faits, ni par rapport
aux repas. Ils sont fâchés par rapport à l’affaire du
palais. Ils ont été intarissables à ce propos auprès de
Yatar-Addu. Voilà que je viens d’expédier ce dernier ; il
est porteur de tous détails. Que mon seigneur
l’interroge !

40 Le ministre assure que les Élamites ne protestent pas à


propos des repas qui leur ont été servis ni des cadeaux
qu’ils ont reçus à cette occasion55, mais il ne confie pas à
l’écrit le motif précis de leur mécontentement (« l’affaire
du palais ») : le roi devra interroger le messager à ce
sujet.

Hiérarchie des cadeaux distribués aux soldats


41 Le récit de l’accueil d’une troupe de soldats originaires
du Mutiabal par Hammu-rabi, à Babylone, montre que
les présents étaient distribués en respectant la
hiérarchie entre les convives56 :
Le jour où j’ai fait porter ma présente tablette à mon
seigneur, une troupe de 1 000 Mutiabaléens, venant du
pays de Kasalluk, a atteint Babylone. Elle s’est installée
dans la « palmeraie de Dilmun ». Hammu-rabi est sorti
les voir et il les a chaleureusement traités. Il leur a servi
à chacun leur repas et ils ont mangé. Leurs généraux
ont reçu un important présent (qištum) ; leurs
[lieutenants] ont reçu des vêtements (laharitum) et les
[simples soldats] qui n’avaient pas reçu de vêtement en
ont été pourvus.
42 On constate la hiérarchie tripartite qui préside à la
distribution des présents. La nature de ceux offerts aux
plus hauts gradés (« généraux ») n’est pas précisée ;
pour les sous-officiers, il s’agit de vêtements de luxe57, et
pour les simples soldats de vêtements ordinaires.

Incident à la cour de Babylone…


43 Lorsque les convives estimaient que la hiérarchie n’était
pas respectée, des incidents pouvaient éclater, comme
celui que rapporte un envoyé du roi de Mari à
Babylone58 :
Nous sommes entrés pour le repas (qui devait avoir lieu)
en présence de Hammu-rabi. Nous sommes entrés dans
la cour du palais. Zimri-Addu, moi-même et Yarim-Addu,
nous trois seuls, on nous a revêtus d’habits et les
Yamhadéens qui sont entrés avec nous, on les en a tous
revêtus. Comme il avait vêtu tous les Yamhadéens, alors
qu’il ne l’avait pas fait pour les secrétaires, serviteurs de
mon seigneur, moi, j’ai dit à Sin-bel-aplim à leur propos :
« Pourquoi cette ségrégation de ta part envers nous,
comme si nous étions des fils de truie ? Nous, de qui
donc sommes-nous les serviteurs, et les secrétaires, de
qui le sont-ils ? Nous tous, nous sommes serviteurs [d’un
roi de premier rang]. Pourquoi faites-vous être
étrangères la droite avec la gauche ? » Voilà ce que j’ai
dit vivement à Sin-bel-aplim. Moi-même je me suis pris
de bec avec Sin-bel-aplim et les secrétaires, serviteurs de
mon seigneur, se sont fâchés et sont sortis de la cour du
palais. On a dit l’affaire à Hammu-rabi et, par la suite,
on les a vêtus d’habits. Une fois qu’ils furent vêtus, Ṭab-
eli-matim et Sin-bel-aplim m’ont fait des reproches et
m’ont tenu ce langage : « Voici ce que (te) dit Hammu-
rabi : “Tu ne cesses, dès le matin, de me chercher noise.
As-tu donc la charge d’être le censeur de mon palais
concernant les habits ? Je vêts qui me plaît et ne vêts
point qui me déplaît. Je ne vêtirai pas une autre fois de
(simples) messagers à l’occasion d’un repas !” » Voilà ce
qu’a dit Hammu-rabi : mon seigneur en est informé !
44 Cette lettre montre bien que les habits étaient donnés
aux convives avant le repas. Ils pouvaient donc les
revêtir avant d’entrer dans la salle du banquet. L’éclat
de leur parure reflétait l’estime dans laquelle leur hôte
les tenait. Ne rien recevoir était une humiliation difficile
à supporter dans un monde où le code de l’honneur
était très sensible.

… et désordres
45 L’étiquette très stricte qui réglait les repas royaux
n’empêchait pas que se produisent des désordres à
l’occasion. Quelques descriptions de scènes d’ivresse
nous sont livrées dans la correspondance. On voit aussi
que le rituel qui présidait à ces repas cérémoniels
pouvait être intentionnellement perverti.

Ivresse
46 Les sources ne le cachent pas : les rois – comme
d’autres – pouvaient chercher à oublier leurs soucis
dans l’alcool. L’un des exemples les plus célèbres eut
lieu à Alep et fut rapporté au roi de Mari par son
secrétaire, qu’il avait envoyé en mission59 :
Au repas, nous étions assis devant lui (le roi d’Alep
Hammu-rabi). Il nous avait invités, Zu-Hadnim et moi.
Voici ce qu’il m’a dit : « Il y a une affaire secrète dont je
te veux entretenir. (Demain), à l’aube, approche-toi de la
porte du palais que je te la dise ; écris-la sur une tablette
et fais-la porter à ton seigneur. » Voilà ses propos. Au
matin, je m’approche tout droit de la porte du palais et
je dis ceci à Ṭab-balaÚi (le ministre du roi d’Alep) :
« Hier soir, mon seigneur (Hammu-rabi) m’a dit : “Entre
me voir au matin, que je te parle de quelque chose et
écris-le à ton seigneur (Zimri-Lim)”. Maintenant (donc) il
me faut entrer chez mon seigneur (Hammu-rabi). » Voilà
ce que je lui ai dit et il a acquiescé à ce que j’entre (au
palais), disant : « Il me faut entrer parler au roi, puis (tu)
entre (ras). » Il pénétra au palais. Il en ressortit avec ces
mots : « Décampe ! Même si le roi t’a dit n’importe quoi
sous l’emprise de la boisson, il n’a pas de compte à te
rendre. »
47 On ne sait bien entendu pas ce qu’il en était réellement ;
ce qui compte, c’est qu’un ministre pouvait invoquer
l’ivresse comme prétexte pour ne pas donner suite à une
convocation par le roi.
48 Certains se laissaient aller à des confidences
imprudentes sous l’influence de l’alcool, tel ce chef
élamite nommé Kunnam60 :
Kunnam ne sait pas qu’Ibni-Addu est en bons termes
avec mon seigneur. Sous l’influence de l’alcool (-lit. dans
sa bière) il (lui) a parlé ainsi : « (etc.) ».

Conclusion et rupture d’une alliance


49 La conclusion des accords, aussi bien entre particuliers
qu’entre rois, comportait souvent une sorte de repas61.
Manger, boire, s’oindre : autant de gestes de
commensalité porteurs d’une symbolique qui était
parfois tournée en dérision, comme dans cet exemple où
l’attitude d’un vassal du roi de Mari est dénoncée à son
seigneur62 :
Une fois, cet homme a siégé devant mon seigneur et il a
bu la coupe. L’ayant distingué, mon seigneur le compta
parmi les nobles, le revêtant d’un habit et posant sur lui
une perruque (hupurtum). Mais à son retour, il a
déféqué dans la coupe où il avait bu et il est devenu
l’ennemi de mon seigneur.

50 Comme toujours dans ce genre de cas, le problème se


pose de savoir s’il faut prendre le texte au pied de la
lettre ou considérer qu’il s’agit d’une « façon de
parler63 ». Dans la mesure où nous avons affaire à une
civilisation où la symbolique gestuelle est très présente,
il n’y a aucune raison d’affaiblir le sens du texte au
motif qu’il nous paraît choquant : le vassal félon
procéda à une inversion du rituel d’alliance.

Conclusion
51 Cette contribution ne saurait épuiser le thème de ce
colloque à propos du monde mésopotamien du début du
deuxième millénaire. Elle montre une fois de plus les
richesses considérables de la documentation disponible,
en même temps que ses limites64. Au contraire des
historiens du monde classique, l’assyriologue ne dispose
pas de description de banquets dans des récits
construits dus à des auteurs d’œuvres « littéraires » ; il
dépend exclusivement de documents d’archives. Cela lui
épargne la fastidieuse critique des sources et le
caractère incertain des conclusions qui l’affecte
souvent – sans qu’il doive pour autant prendre les
informations de ses documents pour argent comptant,
en particulier lorsqu’il s’agit de lettres. L’inconvénient
de cette situation épistémologique tient au caractère très
parcellaire des données : la mosaïque se reconstitue peu
à peu, à mesure que de nouveaux textes sont publiés et
que s’affinent corrélativement la relecture et le
questionnement de la documentation déjà disponible.

Notes
1. Cette contribution a été rédigée dans le cadre du projet
« ARCHIBAB (Archives babyloniennes, xxe-xviie siècles) », financé
pour 2008-2010 par l’ANR (Agence nationale de la recherche), au
titre de l’appel d’offres « Corpus et outils de la recherche en
sciences humaines et sociales ». Pour une approche antérieure du
thème ici traité, voir Ziegler N., « Diplomatie à la table du roi
d’après les archives royales de Mari (xviiie siècle av. J.-C.) », in B.
Lion et C. Michel (dir.), Banquets et Fêtes au Proche-Orient ancien.
Dossiers d’Archéologie 280, février 2003, p. 16-23.
2. Épopée de Gilgameš, tablette XI : 71-75 (George A.R., The
Babylonian Gilgamesh Epic. Introduction, Critical Edition and
Cuneiform Texts, Oxford, 2003, p. 706-707). La restitution de [áš-qí],
l. 74 [qui suit Heidel (ibid., p. 883)], et la traduction « [I gave my]
workforce [to drink] » sont à revoir puisque, dans l’énumération,
on trouve de l’huile, qui servait à des onctions. Ma traduction « je
versai » reste volontairement vague.
3. Pour les banquets à l’époque néo-assyrienne, voir Marti L., « Le
banquet d’Aššurna∂irpal II », Journal Asiatique 299, 2011, p. 505-
520.
4. Charpin D., « Les inscriptions royales suméro-akkadiennes
d’époque paléo-babylonienne », Revue d’Assyriologie 100, 2006,
p. 131-160.
5. Voir le site www.archibab.fr. Pour une présentation brève de ce
projet, cf. ARCHIBAB : « Archives babyloniennes (xxe-xviie siècles) »,
accessible sur www.digitorient.com/?attachment_id=171).
6. Pour une présentation des archives de Mari, voir Charpin D.,
« Tell Hariri/Mari : textes II. Les archives de l’époque amorrite »,
Supplément au Dictionnaire de la Bible 14, Paris, 2008, p. 233-248. À
compléter par Charpin D., « L’historien face aux archives paléo-
babyloniennes », sur www.digitorient.com/?p=190. Version
française d’une contribution à paraître en anglais dans Baker H.D.,
Janković B. et Jursa M. (dir.), Too much data ? Generalizations and
Model-building in Ancient Economic History on the Basis of Large
Corpora of Documentary Evidence, Actes du colloque organisé dans
le cadre du START project « The Economy of Babylonia in the First
Millennium BC », (Universität Wien, Institut für Orientalistik ;
July 17th-19th 2008), Münster, sous presse.
7. À titre de comparaison, on rappellera que les palais de Ninive
n’ont livré qu’environ 6000 documents d’archives – en mettant de
côté les textes de bibliothèque : Parpola S., « The Royal Archives of
Nineveh », in K.R. Veenhof (dir.), Cuneiform Archives and Libraries,
Leyde, 1986, p. 223-236.
8. Ce chiffre est sûr à quelques unités près (8 668 au 24 mars 2010) :
il a été produit par la base de données ARCHIBAB. Il s’agit des textes
intégralement publiés : les textes qui n’ont fait l’objet que de
citations (même longues) n’ont pas été comptabilisés. Par ailleurs,
ce nombre ne correspond qu’aux documents d’archives ; à Mari, les
autres catégories de documents (textes « littéraires » ou scolaires,
inscriptions royales, etc.) sont en nombre limité.
9. On sait que la journée commençait à la tombée de la nuit. Pour
le rythme quotidien des repas (soir et matin), voir Durand J.-M., Les
documents épistolaires du palais de Mari, tome 2, LAPO 17, Paris,
1998, p. 67. Les repas offerts aux dieux (« sacrifices ») avaient
également lieu deux fois par jour : voir notamment
CM 33 1 (Westenholz J.G. et Westenholz A., Cuneiform Inscriptions in
the Collection of the Bible Lands Museum Jerusalem. The Old
Babylonian Inscriptions, Leyde-Boston, 2006 ; Charpin D.,
« Économie, société et institutions paléo-babyloniennes : nouvelles
sources, nouvelles approches », Revue d’Assyriologie 101, 2007,
p. 147-182, spécialement p. 162-166). Le repas du matin servait de
repère dans le temps, comme le montre cette lettre : « Avant le lever
du soleil, jusqu’au moment du repas » [ARM 14 19 (= LAPO 16 392) :
14-15].
10. Pour une récente et très bonne mise au point sur les repas
royaux, voir Sasson J.M., « The King’s Table. Food and Fealty in Old
Babylonian Mari », in C. Grottanelli et L. Milano (dir.), Food and
Identity in the Ancient World, Padoue, 2004, p. 179-215.
11. Lafont B., « Le ∂âbum du roi de Mari au temps de Yasmah-
Addu », in J.-M. Durand et J.-R. Kupper (dir.), Miscellanea
Babylonica. Mélanges offerts à Maurice Birot, Paris, 1985, p. 161-179.
12. Les deux seuls textes qui précisent qu’il s’agit de la
participation au repas sont les no 4 et 9. Mais l’homogénéité du lot
ne laisse pas de doute sur le fait que c’est la motivation de tous les
documents.
13. Lafont B., « Le ∂âbum du roi de Mari… », art. cit., note 11, p. 170.
14. Voir Ibid., p. 167 ; Charpin D. et Ziegler N., Mari et le Proche-
Orient à l’époque amorrite. Essai d’histoire politique, FM 5, Paris,
2003, p. 86.
15. ARM 1 52 (= LAPO 16 1) : 12-31. Commentaire dans Ziegler N.,
« Samsî-Addu et ses soldats », in P. Abrahami et L. Battini (dir.), Les
armées du Proche-Orient ancien (iiie-ier mill. av. J.-C.), Actes du
colloque international organisé à Lyon les 1er et 2 décembre 2006,
Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Oxford, 2008, p. 49-56.
16. Inédit A.4265 : 23-42 (Ziegler N., « Samsî-Addu et ses soldats »,
art. cit., note 15).
17. Voir par exemple LAPO 16 2 ou FM 8 1.
18. A.486+ (= LAPO 17 579) : 21-40. Texte édité et commenté dans
Villard P., « Parade militaire dans les jardins de Babylone », in J.-M.
Durand (dir.), Recueil d’études en l’honneur de Michel Fleury, FM 1,
Paris, 1992, p. 137-152.
19. Pour d’autres exemples, voir Charpin D., « Hammu-rabi de
Babylone et Mari : nouvelles sources, nouvelles perspectives », in J.
Renger (dir.), Babylon : Focus mesopotamischer Geschichte, Wiege
früher Gelehrsamkeit, Mythos in der Moderne, Colloquien der
Deutschen Orient-Gesellschaft 2, Sarrebrück, 1999, p. 111-130,
spécialement p. 117.
20. Pour le recensement en général, voir Durand J.-M., Les
documents épistolaires du palais de Mari, op. cit., note 9, tome 2,
p. 332-353. Rappelons qu’il ne s’agissait pas d’un recensement
général de la population, mais seulement des hommes en âge de
combattre, susceptibles d’être incorporés dans l’armée en cas de
conflit.
21. Charpin D. et Ziegler N., Mari et le Proche-Orient à l’époque
amorrite…, op. cit., note 14, p. 129-130.
22. Durand J.-M., Textes administratifs des salles 134 et 160 du
palais de Mari, ARM 21, Paris, 1983, p. 506-508. Pour le rôle de
diplomates joué par les « messagers », voir Lafont B., « Messagers et
ambassadeurs dans les archives de Mari », in D. Charpin et F.
Joannès (dir.), La circulation des biens, des personnes et des idées
dans le Proche-Orient ancien, Actes de la XXXVIIIe rencontre
assyriologique internationale (Paris, 8-10 juillet 1991), Paris, 1992,
p. 167-183.
23. ARM 26/2 368 : 34-37.
24. ARM 26/2 392 : 1-16.
25. Voir Charpin D. et Ziegler N., Mari et le Proche-Orient à l’époque
amorrite…, op. cit., note 14, p. 130 et n. 440. On nuancera donc ce
qu’a écrit à ce sujet Sharlach T., « Diplomacy and the Rituals of
Politics at the Ur III Court », Journal of Cuneiform Studies 57, 2005,
p. 17-29, spécialement p. 23.
26. Jacquet A., « Tell Hariri/Mari : textes VI. La vie religieuse. IX.
Calendrier et culte à Mari », Supplément au Dictionnaire de la
Bible 14, Paris, 2008, p. 405-424.
27. Contemporain de son célèbre homonyme, le roi de Babylone.
Un troisième Hammu-rabi occupait le trône d’Alep à la même
époque.
28. LAPO 16 212. Pour la préparation d’un repas pour le roi de
Kurda lors du même voyage, au moment de son entrée dans le
territoire mariote, voir LAPO 16 269. La lettre LAPO 16 270 montre
l’anxiété des responsables, qui demandent des instructions précises
sur le menu qui doit être servi.
29. ARM 26/2 384 : 67’-69’.
30. Il s’agit d’une lettre d’une fille de Zimri-Lim, donnée en mariage
au roi d’Ašlakka et qui se plaint de n’avoir pas le rang d’épouse
principale : « Sa nourriture et sa boisson, c’est sans cesse devant
son épouse qu’il (le roi d’Ašlakka) les prend » ARM 10 74 (=
LAPO 18 1242) : 22-23 ; voir Ziegler N., Le Harem de Zimrî-Lîm. La
population féminine des palais d’après les archives royales de Mari,
FM 4, Paris, 1999, p. 44, n. 259.
31. Ibid., p. 26, n. 142.
32. Durand J.-M. et Guichard M., « Les rituels de Mari », in D.
Charpin et J.-M. Durand (dir.), Recueil d’études à la mémoire de
Marie-Thérèse Barrelet, FM 3, Paris, 1997, p. 19-78. Nele Ziegler (Les
musiciens et la musique d’après les archives de Mari, FM 9, Paris,
2007, p. 62 ad iii 27) propose que les gâpišâtum soient des femmes
déguisées.
33. Voir la demande de la musicienne Duššuba par le roi d’Alep
(ARM 10139 = LAPO 181191 ; cf. Ziegler N., Les musiciens et la
musique…, op. cit., note 32, p. 36-37) ou de la musicienne Karanatum
par le vizir du roi d’Alep Šimrum (ARM 26/1 9 ; cf. Ziegler N., Le
Harem de Zimrî-Lîm…, op. cit., note 30, p. 96) ; sur ce thème en
général, voir Ziegler N., Les musiciens et la musique…, op. cit.,
note 32, p. 37-42.
34. Ziegler N., Le Harem de Zimrî-Lîm…, op. cit., note 30, p. 91-
92 et 106.
35. Voir en dernier lieu Margueron J.-C., Mari, métropole de
l’Euphrate au iiie et au début du iie millénaire avant J.-C., Paris, 2004.
36. Références dans Durand J.-M., « L’organisation de l’espace dans
le palais de Mari », in E. Lévy (dir.), Le système palatial en Orient, en
Grèce et à Rome, Strasbourg, 1985, p. 55.
37. Margueron J.-C., « La ruine du palais de Mari », Mari. Annales
de recherches interdisciplinaires 6, 1990, p. 423-431.
38. Villard P., « Le déplacement des trésors royaux d’après les
archives de Mari », in D. Charpin et F. Joannès (dir.), La circulation
des biens…, op. cit., note 22, p. 195-205.
39. Guichard M., La vaisselle de luxe des rois de Mari, ARM 31,
Paris, 2005.
40. Parrot A., Le palais, architecture. Mission archéologique de Mari,
vol. II/1, BAH 68, Paris, 1958, pl. XXX 1.
41. Ibid., pl. L 1.
42. Parrot A., Le palais. Documents et monuments. Mission
archéologique de Mari, vol. II/3, BAH 70, Paris, 1959, pl. XVI 1.
43. On rappellera que la dignité de wâšib kudânim (« dignitaire
assis sur une mule »), que Jean Bottéro avait cru trouver dans les
textes de Mari, n’existe pas ; pour la lecture correcte wâšib kussîm,
voir Charpin D. et Durand J.-M., « Relecture d’A.R.M. VII », Mari.
Annales de recherches interdisciplinaires 2, 1983, p. 76 ad 12 : 4-5.
44. Pour cette distinction, cf. Lafont B., « Le ∂âbum du roi de
Mari… », art. cit., note 11. Le terme muppalsihum est le participe du
verbe napalsuhum et désigne un statut.
45. Lafont B., « Le ∂âbum du roi de Mari… », art. cit., note 11, p. 167.
46. Lambert W.G. et Millard A.R., Atra-Ìasīs. The Babylonian Story of
the Flood, with the Sumerian Flood Story by M. Civil, Oxford, 1969,
p. 92-93 (III ii : 45-47). Voir le commentaire dans Charpin D.,
« Postures de table », NABU 1992/123, p. 90-91.
47. Inédit A.258.
48. Pour un autre cas du même genre, voir A.2968+ : 35-
73 (Guichard M., « “La malédiction de cette tablette est très dure !”
Sur l’ambassade d’Itûr-Asdû à Babylone en l’an 4 de Zimrî-Lîm »,
Revue d’Assyriologie 98, 2004, p. 13-32) ; cette lettre d’Itur-Asdu,
envoyé du roi de Mari, se soucie également de la place d’un envoyé
du roi de Kurda à la table du roi de Babylone.
49. Durand J.-M., « šuke’’unum = “Prosternation” », NABU 1990/24.
50. La posture précise désignée par le verbe šukênum est encore
sujet à discussion ; voir Gruber M.I., Aspects of Nonverbal
Communication in the Ancient Near East, Rome, 1980, p. 162-171.
51. ARM 14 122 (= LAPO 16 368) : 13-20.
52. A.3833, cité dans Durand J.-M., « šuke’’unum =
“Prosternation” », NABU 1990/24, et commentée dans Durand J.-M.,
Les documents épistolaires du palais de Mari, tome 1, LAPO 16,
Paris, 1997, p. 71. L’adresse de ce document n’a pas été retrouvée.
53. Pour les termes de « père/fils », « frère » ou
« seigneur/serviteur » servant à désigner les rois les uns par
rapports aux autres, voir Charpin D., « Histoire politique du Proche-
Orient amorrite (2002-1595) », in D. Charpin, D.O. Edzard et M. Stol,
Mesopotamien. Die altbabylonische Zeit, Orbis Biblicus et
Orientalis 160/4, Fribourg-Göttingen, 2004, p. 297-298 (avec
bibliographie).
54. ARM 13 32 = LAPO 16 408.
55. La traduction du CAD N/1 p. 320 « because of the food
allotments and their wages » (l’italique est de moi) est à
abandonner : qištum désigne un « cadeau ».
56. ARM 26/1 366 : 12-26 (l. 22, restaurer simplement [i]-ku-lu).
57. Pour la nature des vêtements-laharitum, voir Durand J.-M., La
nomenclature des habits et des textiles dans les textes de Mari,
ARM 30, Paris, 2009, p. 56-57.
58. ARM 2 76 = LAPO 16 404.
59. FM 7 45 : 7-26.
60. ARM 2 124 = ARM 26/2 311.
61. Charpin D., « Les formulaires juridiques des contrats de Mari à
l’époque amorrite : entre tradition babylonienne et innovation », in
S. Démare-Lafont et A. Lemaire (dir.), Trois millénaires de
formulaires juridiques, Genève-Paris, 2010, p. 32-37.
62. FM 2 122 : 39-44 ; voir Guichard M., « Au pays de la Dame de
Nagar », in D. Charpin et J.-M. Durand (dir.), Recueil d’études à la
mémoire de Maurice Birot, FM 2, Paris, 1994, p. 235-272].
63. Comme en français lorsqu’on dit de quelqu’un : « Il me fait ch…
er ».
64. Voir deux contributions de Dominique Charpin : « Histoire
politique du Proche-Orient amorrite… », art. cit., note 53, p. 39-
44 (« Les sources et l’historien ») ; « Comment faire connaître la
civilisation mésopotamienne », Revue d’Assyriologie 100, 2006,
p. 107-130.

Auteur

Dominique Charpin

Directeur d’études en histoire de la


Mésopotamie, EPHE (UMR 7192).

Du même auteur

« Tu es de mon sang », , 2019


En quête de Ninive, , 2022
La vie méconnue des temples
mésopotamiens, , 2017
Tous les textes
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes
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