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La fête de la Achoura qui est évoquée tout au long des chapitres V-VI et VII se pré sente comme une
occasion rare qui arrache les enfants à leur calvaire quotidien.
L’attitude aimable du fqih et l’ambiance sereine qui règne à l’école procure des moments de joie
intense à Sidi Mohammed :
La joie de l’enfant ne tarde pas à disparaître. A la maison, Fatma Bziouya l’informe que sa mère est
sortie avec Lalla Aïcha. L’enfant, habitué à la présence de sa mère qu’il accompagne partout à où elle
va, se confronte pour la première fois à la solitude ; une solitude qui prend des proportions
effrayantes au fur et à mesure que le temps passe :
Je ne bougeais pas de peur d’exciter l’animosité des êtres qui m’épiaient derrière chaque chose. Des
siècles passèrent.
Nous ne connaissons pas la totalité de l’histoire de Moulay Larbi avec son associé.
Le récit la concernant a été précédemment amorcé par Lalla Zoubida, mais le narrateur, mis à l’écart
par les adultes, n’a pas pu nous donner davantage d’informations. C’est donc sa mère qui se charge
de la relation des faits manquants, mais ces faits sont souvent entourés de mystère.
- Ma mère, mystérieuse, lui fit promettre la plus grande discrétion. Ensuite, elle se lança dans un long
discours chuchoté de bouche à oreille, accompagné de mimique, de larges gestes des deux bras,
scandés de soupirs, illustré de hochements de tête
Le dialogue qui s’engage entre Lalla Zoubida et Rahma, fréquemment ponctué de digressions, éclaire
la lanterne du petit garçon qui découvre enfin le fin mot de l’histoire.
IV- La méditation sur la mort
Le décès de Sidi Mohammed ben Tahar incite le héros à s’interroger sur la nature de la mort en se
basant sur ses propres repères. Mais ce qui attire son attention, c’est surtout l’élan spontané des
habitants du quartier qui partagent tous le malheur de la femme du défunt. Cet élan du coeur des
gens simples de souche populaire est évoqué à plusieurs endroits du récit :
- Je vais passer par-dessus le mur, cela me fera du bien d’aller pleurer un peu.(…) Elles étaient une
vingtaine qui manifestaient bruyamment leur douleur.(…) certaines hoquetaient sans rien dire,
d’autres invoquaient les saints, adressaient de ferventes prières à Dieu et à son prophète.(…) Ma
mère parla de la douleur de la femme du coiffeur, cita les noms de quelques assistantes, avoua
qu’elle ignorait l’existence de la mère.(…) Chacun de ses cris arrachait un puissant soupir à ma mère.
(…) Les femmes de notre maison lâchèrent leur ouvrage. Elles se mirent à pleurer, à gémir près de
leurs braseros et de leurs marmites.
L’expérience vécue par l’enfant dans la maison du défunt lui fait découvrir la vérité de la mort et tout
le rituel qui l’accompagne. Tout le monde tire de cet événement une conclusion « éminemment
philosophique » : Tous les êtres sont mortels ; tôt ou tard viendra notre tour.
- Tout à l’heure, après les ablutions rituelles, il sera vêtu pour la dernière fois de blanc. Des hommes
le porteront sur leur tête sur une confortable civière en bois de cèdre et iront l’enfouir dans la terre
humide. La terre se refermera pour l’éternité sur Sidi Mohammed ben Tahar. Je rêvais à tout cela.
-Je me jetai dessus et continuais à penser à l’enterrement du coiffeur. Je le voyais étroitement cousu
dans sa cotonnade blanche, rigide sur sa civière recouverte d’un toit, voyager sur une mer de têtes
enturbannées.
- J’avais même vu des morts découverts, posés simplement sur la civière et sans personne pour les
accompagner à leur dernière demeure. J’avais trouvé cela infiniment triste.
L’histoire racontée par Maâlem Abdeslam à son fils confirme le constat de l’enfant. Les gens
participent en grand nombre au cortège funèbre des hommes riches mais ils n’accompagnent pas les
pauvres à leur dernière demeure. Cette triste révélation marque durablement Sidi Mohammed qui
finit par avoir un malaise, un malaise où il voit planer partout le sinistre spectre de la mort :
- Peut-être aurais-je derrière mon cercueil des anges beaux comme la lumière du jour.
- J’imaginais le cortège ; quelques personnes du quartier, le fqih de l’école coranique, mon père, plus
grave que jamais et des anges, des milliers d’anges vêtus de soie blanche. A la maison, ma mère
pousserait des cris à se déchirer le gosier ; elle pleurerait pendant des jours et pendant des nuits. Elle
serait toute seule le soir pour attendre le retour de mon père.
- Notre vieux soufflet se fit de nouveau entendre. Il était fatigué et ne savait dire que ces mots : Des
mouches ! Des mouches ! des mouches !
- Celui de Rahma variait son répertoire. Parfois il prenait plaisir à répéter : J’ai chaud ! J’ai chaud ! ou
alors : je souffre ! je souffre !
- Je cessais d’écouter les soufflets. D’autres bruits venaient me distraire. Des explosions d’étincelles
roulaient comme des billes qui se répandaient sur le parterre en mosaïque (…) Un pigeon roucoula
sur la terrasse. Il disait des mots si jolis que je souriais aux anges.
-Un gros bourdon ( …) claqua contre le mur (…) et se projeta violemment sur la fenêtre de notre
chambre, sur le verre de la lampe à pétrole. Le verre tinta mais résista au choc. Cette visite
m’enchanta. Je me mis à rire et à taper des mains.(…)
Les plus humbles de mes boutons et de mes clous, par une opération de magie dont j’avais seul le
secret se muèrent en joyaux.(…) Absorbé dans la contemplation de mes trésors, je n’avais pas vu
entrer le chat de Zineb.