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Quels sont les thèmes importants dans Petit Pays ?

La mélancolie de l'enfance

Tout le récit est guidé par la mélancolie du bonheur enfantin.


Cette nostalgie s'exprime dès le prologue, avec la remémoration fabuleuse de «cette
fête d'éternité autour du crocodile éventré au fond du jardin...»
Si cette enfance est à ce point regrettée, c'est qu'elle est associée à l'insouciance et
à la liberté, à cette bande de copains avec qui Gabriel se baigne, vole des mangues
et discute à l'intérieur d'une voiture abandonnée dans une impasse.
Cette enfance, c'est également l'union familiale d'avant les disputes parentales et le
divorce.
Cette enfance enfin, c'est la vie d'avant l'horreur, le génocide, le chaos et l'exil forcé.
A la fin du récit, Gabriel retourne au présent, à sa vie d'adulte, en France, dans une
société moderne où il se sent mal à l'aise.
Sa tristesse l'amène à ce voyage, à ce retour dans la terre de l'enfance regrettée.
Mais cette tentative de retrouver cette part de lui-même qu'il a perdue est finalement
vaine : «Je pensais être exilé de mon pays.
En revenant sur les traces de mon passé, j'ai compris que je l'étais de mon enfance.
Ce qui me paraît bien plus cruel encore.»

La destruction de l'intime par l'histoire

Petit pays raconte également la destruction de l'intime par l'histoire.


Ce qu'il y a de plus personnel, à savoir ses émotions, ses sensations, ses proches,
ses habitudes quotidiennes, est bouleversé par les événements politiques collectifs.
Le refus de reconnaître les élections présidentielles par l'armée burundaise, puis le
génocide des Tutsis par les Hutus, font progressivement sombrer le quotidien
paisible de Gabriel dans un chaos meurtrier.
Sa vie quotidienne, rythmée par l'école et les copains, est peu à peu rendue
impossible par une insécurité grandissante.
Gabriel perd ses amis, perd ses repères, perd sa mère, qui elle-même perd la raison.
Même les dessins de sa soeur Ana sont envahis par les horreurs du génocide. Les
lettres à Laure, d'abord tendres et joueuses, laissent également place aux
considérations désabusées sur le Burundi.
Si l'histoire menace l'intimité, elle menace ensuite la vie même de Gabriel, qui doit
fuir.
Les mécanismes du génocide

À travers le regard de Gabriel, le récit montre les mécanismes qui mène une
population à vouloir en détruire une autre.
Le roman évoque ainsi dès le prologue les tensions entre Hutus et Tutsis antérieures
au génocide, sans trop insister sur le rôle de la Belgique sur la construction de ces
crispations ethniques.
Il évoque aussi le ressentiment des Tutsis chassés du Rwanda, à travers la mère et
sa famille.
Gabriel montre surtout à quel point la guerre condamne chacun à prendre un parti,
de gré ou de force.
Gabriel est sommé par ceux qui l'entourent de prendre un parti, une décision, de
choisir avec qui il s'allie, de décider qui il combat.
La pression est exercée par Francis, rapidement rejoint par Gino, qui vont jusqu'à
forcer Gabriel à exécuter un inconnu peut-être innocent.
Petit pays retrace donc les étapes qui amène des individus en apparence paisibles
à devenir de plus en plus violents dans leurs discours puis dans leurs actes.

La migration et l'exil

Petit pays ne raconte pas seulement les massacres. Gabriel donne à voir les
mouvement de populations, qu'il s'agisse de migrations plus ou moins choisies ou
d'exils douloureusement volontaires.
Son père, tout comme Jacques ou Madame Economopoulos, sont des Européens
qui ont choisi de migrer en Afrique pour y mener leurs activités.
Ce statut de migrants privilégiés est critiqué par la mère, qui elle souhaiterait migrer
pour la France et le confort.
La mère, quant à elle, a connu l'exil, puisqu'avec une partie de sa famille, elle a dû
fuir le Rwanda pour le Burundi, où elle subit le racisme.
C'est de la douleur de cet exil que naît le ressentiment des Tutsis qui combattront
les Hutus génocidaires.
La situation initiale du récit, paisible en apparence, était donc déjà le fruit du
bouleversement de l'intime par l'histoire.
Gabriel, lui, connaît finalement l'exil, c'est-à-dire le départ forcé, puisqu'il doit fuir les
violences meurtrières du Burundi. Il quitte ainsi une terre natale qui n'est la terre ni
de son père ni de sa mère, mais à laquelle il est profondément attaché par ses
souvenirs.
Petit pays raconte donc ces mouvements, voulus ou subis, que les humains mènent
à travers les frontières. La migration comme l'exil sont représentés comme des
expériences douloureuses, sources de mélancolie. Seul le père semble faire
exception à ce principe.
Le tableau critique de l'Afrique post-coloniale

Le récit, qui se passe entre le Burundi, le Rwanda et le Zaïre, dresse le portrait


critique des sociétés africaines post-coloniales.
Jacques symbolise la mainmise violente de la Belgique sur le
Zaire/Congo.
Petit pays cherche à montrer que ces territoires, bien qu'ils soient indépendants,
portent encore les marques de la conquête européenne.
Jacques en est un exemple, avec ses discours méprisants à l'endroit d'une Afrique
à aménager.
Mais la famille même de Gabriel est représentative d'une perpétuation de la
domination des Européens sur les Africains : son père, venu de France, fait travailler
des autochtones et fait partie de la classe supérieure. La mère fait remarquer ces
inégalités.
Le père subira le fait d'être un Français, comme les autres
Européens: il sera accusé d'être le complice des génocidaires, et contraint au départ,
alors qu'il est innocent. Le poids du traumatisme colonial pèse ainsi sur le présent.
Gabriel assiste donc à la disparition d'une société au multiculturalisme inégalitaire,
dont il pouvait explorer les différentes couches sociales de par sa condition d'enfant
métisse.

La lecture et l'écriture comme une libération

Dans le chaos de la guerre civile, Gabriel trouve une échappatoire grâce aux livres
que Madame Economopoulos lui prête.
Le jeune garçon se libère d'un quotidien angoissant et mortifère par l'évasion vers
des mondes imaginaires et idéaux.
Mais la littérature est également un miroir dans Petit pays. En effet, c'est sa propre
histoire que Gaël Faye raconte et romance. Il écrit pour mieux faire face à son
histoire.
La littérature agit comme un miroir réparateur pour l'auteur mélancolique et
traumatisé par les violences de l'histoire.

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