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William Edward Burghardt Du Bois (1868-1963) fut un grand leader afro-américain.

Premier noir à soutenir à Harvard une thèse de doctorat, il initia des recherches sur
l’histoire et la vie de sa communauté. Il mena une lutte acharnée pour la
reconnaissance des droits civiques des Noirs d’Amérique par le biais de deux
associations qu’il fonda: le mouvement Niagara (1905) et la National Association for
the Advancement of Couloured People (1910). Il publia plusieurs œuvres parmi
lesquelles Les Âmes de peuple noir (1903).

Texte: Les Handicaps de la race


Etre pauvre est dur. Mais être pauvre dans un pays de dollars est vraiment le tréfonds
de la dureté(...)
Un peuple aussi défavorisé ne devrait pas se voir proposer de concourir avec le monde.
Au contraire, il faudrait presque lui demander - et lui donner la possibilité – de régler
d’abord ses propres problèmes. Mais hélas! Tandis que les sociologues dénombrent
joyeusement ses bâtards et ses prostituées, l’âme même de l’homme noir s’est
assombrie par un vaste désespoir. Les hommes nomment cette ombre préjugé, et
doctement l’expliquent comme la défense naturelle de la nature contre le barbarisme,
de la science contre le l’ignorance, de la pureté contre le crime, des races «
supérieures » contre les races « inférieures ». En réponse, les noirs disent « Amen !»,
et pleurent. Car cet étrange préjugé se présente comme un juste hommage à la
civilisation, à la culture, à l’honnêteté et au progrès. Le noir s’incline humblement,
obéit et se résigne.
Bien avant toute chose se dresse le désespoir maladif qui doit désarmer et décourager
toutes les nations de vouloir sauver le peuple noir. Puis viennent l’irrespect et la
moquerie, l’humiliation ridicule et systématique, la déformation des faits et
l’exubérante licence de fantaisie, la cynique volonté d’ignorer le meilleur et l’accueil
impétueux du pire. C’est alors qu’apparaît le très répandu désir d’inculquer le dédain
pour toute chose noire.
Un aussi grand préjugé ne pouvait supporter qu’une interrogation de soi-même, une
dépréciation ade soi; la répression et l’atmosphère de haine et de mépris ne pouvaient
mener qu’à la disparition, à l’anéantissement de tout idéal.
Portés par quatre vents, nous parviennent murmures et présages: « Regardez! Nous
sommes affaiblis et mourants », crient les gens noirs. « Nous savons écrire, et nos
votes sont vains! Pourquoi apprendre si toujours nous devons faire la cuisine et servir?
» Et la nation répète et renforce cette autocritique:
« Soyez heureux de pouvoir servir. Ne demandez rien de plus. Quels besoins de
cultures pour des demi-hommes? »
Les votes des Noirs ne comptent point car la force et la fraude priment. Et l’on
entrevoit le suicide d’une race.

W.E.B Du BOIS, Les âmes du peuple noir, 1903


QUESTIONS
1. Enumère les handicaps du peuple noir.
2. Qui a mis les Noirs dans cette situation?
3. Quelles sont les justifications données dans ce texte aux préjugés raciaux?
4. Pourquoi les Noirs sont-ils confinés au bas de l’échelle sociale? »
5. Relève les termes et expressions qui montrent la résignation des Noirs.
6. Quel est l’intérêt de ce texte?

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