Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place, Las, las ses beautés laissé choir ! Ô vraiment marâtre Nature, Puisqu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur la vieillesse Fera ternir votre beauté.
Ainsi, quand vous serez bien vieille,
Lorsque le temps aura dompté Le soyeux de votre chevelure, Songez, malgré tant de belelure, Qu'il vous en coûtera de pleurs, La rose de vôtre jeunesse, Que cueillit la main de jeunesse, Ne se fletrit jamais bien sûr.
Et quand vous serez, comme elles, jalouse
Passant et repassant, l'âge froide et envieuse, Lors vous vous lamenterez la fin de votre beauté : Ainsi que ces fleurs flétries et vermeilles, Que les vents du nord, et que l'orage cruel Raviront votre beauté, qui tant vous plaît.
Le temps s'en va, le temps s'en va, ma dame ;
Las ! le temps, non, mais nous nous en allons, Et tôt serons étendus sous la lame Et des longs couteaux pâlis et nous os.
Hâtez-vous donc, jouissez de la vie ;
Car l'âge vient où l'homme ne peut plus Jouir, assis à l'ombre, et sans envie, D'un petit bois pour abriter son flanc nus. Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.