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Galo d’Arsac

Le poireau d’Hercule
`âáxÅxÇàá w|äxÜá?
xà ätzâxá YtàÜtá|xá

Poésie
Avertissement
... en guise de préambule.

D ans le recueil qui suit, le poète puriste


Décèlera parfois, au hasard des quatrains,
Quelque entorse à la règle et juste et rigoriste
Établie en son temps par nos maîtres anciens.
Que son œil vigilant, bien qu'il lui soit licite
De sourciller alors, ne brûle pas trop vite
Les strophes que la règle aurait dû censurer :
C'est, voyez-vous, le fait d'une œuvre de jeunesse,
Où, pas encore au fait de toute sa finesse,
L'auteur a néanmoins voulu s'aventurer.

Ce n'est que bien plus tard qu'en relisant ses pages


Lui sautèrent aux yeux ses hérétiques vers.
Alors il corrigea bien vite et sans ambages,
Pour autant qu'il le put, tous ces petits travers.
Mais comme il ne pouvait décemment pas découdre
L'œuvre entière, parfois il dut bien se résoudre
À tolérer, hélas ! un coupable hiatus,
Une non alternance au genre de ses rimes,
Des vers aux singuliers pluriels illégitimes
Pour lesquels il implore indulgence et quitus.

C'est donc ainsi, lecteur, qu'il te faudra me lire :


Si le vers est parfait, exulte « C'est Musset ! »
Et lorsqu'il ne l'est point, ne crains pas de te dire
Qu’il a besoin, parfois, de quitter son corset !
Mon jour de gloire 1

Q ui réjouit le cœur plus qu'un aréopage


Tout dévoué qui chante et vante votre allant ?
Que j'aime à vous entendre, amis, vous qui devant
Moi chaleureusement déposez votre hommage !

Qu'il est bon de s'entendre appeler grand et sage,


Truffé de qualités, de talent éclatant,
Les dames me trouvant l’idéal de l’amant
– En rosissant un peu –, viril quoique volage !

Dithyrambes encor, sans limites ni fins,


Discours tous à ma gloire, et dont les cent refrains
Rempliraient aisément mille bibliothèques !

Vous me touchez le cœur, amis, sincèrement,


Jamais je n’ai croulé sous tant de compliment.
Dommage que ce soit le jour de mes obsèques !

1
Poème distingué au Concours International Arthur Rimbaud 2022,
primé au concours Anne Péron (2003).
Rondeau du vin de Gaillac
Chansonnette gouleyante pour ma région

L orsqu'à Gaillac il pleut des cordes,


À Cordes pleut-il du Gaillac ?
Nous en aurons la tête en vrac
Lorsqu'à Gaillac il pleut des cordes !

Les divines miséricordes


Nous veuillent sauver tout à trac !
Lorsqu'à Gaillac il pleut des cordes,
À Cordes pleut-il du Gaillac ?

Foin des humeurs et des discordes !


C'est entendu, du tac au tac :
Avant de tomber comme un sac,
C'est de bon vin que tu débordes

Lorsqu'à Gaillac il pleut des cordes !


Qu'est-ce que la poésie ? Vaste question que je ne
trancherai pas ici. Voici quelques poèmes échangés à
ce sujet, avec d'autres auteurs.
Ils ne prétendent pas répondre à la question, ils sont
juste ici pour l'illustrer…
Rondeau mellifère
... invitant au respect des règles poétiques !

L e poème est un miel pour l’œil et pour l'oreille !


Savoir compter ses pieds n'est point une option.
La règle de Boileau ne souffre exception,
Qui pour l'alexandrin dicte, et guide, et conseille !

Au sortir d'un rondeau le lecteur s'émerveille,


S'envole plein de rêve et de dilection :
Le poème est un miel pour l’œil et pour l'oreille !
Savoir compter ses pieds n'est point une option.

Modeste triolet, ballade sans pareille,


Sonnet tout en douceur et délectation,
Musique pour le cœur, tout en dévotion,
Lorsque le rythme est bon, l'écrit se fait merveille :

Le poème est un miel pour l’œil et pour l'oreille !


Sonnet émerveillé
... pour une poétesse anonyme et son ode magnifique !

L es yeux écarquillés, n'en croyant leur iris,


Le cœur se soulevant devant tant de surprise,
Je demeure interdit devant la douce brise
De vos strophes brillant de par leurs vers exquis.

Oui, je désespérais, en ces lustres moisis,


Où la règle est carcan, où la rime imprécise
Impose aux yeux bouffis sa balance indécise,
Qu'un poème s'offrît à mes regards ravis.

La règle de Boileau, que nous prisons, Madame,


Semblait agoniser dans cette ère sans âme
Où le vers qu'on dit libre a pris force de loi.

Mais voici que surgit, sous sa fière auréole,


La poésie antique en ce morceau de roi
Que vous offrez ici, dont mon âme raffole !
Sonnet de gratitude
... au compliment d'une lectrice
formant sans le vouloir un doux alexandrin

«F ormidable ! Éloquent, gracieux et fort drôle ! »


Votre avis, ô lectrice, est un bien précieux
Qui me chauffe le cœur et m'éjouit les yeux
Quand ce mot chaleureux m'enveloppe et me frôle...

Voyez ! Vous répondant je reviens dans mon rôle


De rimeur sans remords, quoique facétieux.
Si cet humble sonnet vous semble harmonieux,
Lisez-le d'un seul trait, délaissant tout contrôle !

Car le mot d'un lecteur, compliment spontané,


Est au cœur du poète un onguent de henné
Qui l'apaise et le charme au son de sa parole.

Et vos mots, chère Grâce, en leur simple candeur


Dansent dans mon esprit, en belle farandole,
Un rondeau lancinant de suave douceur.
Rondel d'encouragement
… pour une poétesse méritante.

S ur le doux chemin poétique


Tes pas te mènent joliment.
Si tu t'y consacres vraiment
Tu t'y sentiras euphorique !

Que ton esprit soit prolifique


Et versifie allègrement :
Sur le doux chemin poétique
Tes pas te mènent joliment.

Loin du vers libre et de sa clique


– Pauvre succédané frustrant –
Tu connaîtras le firmament
De l'ode et du sonnet magique

Sur le doux chemin poétique !


Sonnet de félicitation
... à un poète ayant suivi nos conseils.

M agnifique poème, à l'éclatante rime


Faite pour enchanter l’œil ému du lecteur !
Et c'est avec fierté, non moins qu'avec bonheur,
Que je décerne ici ce compliment ultime.

Grande est ma joie enfin, et l'émoi légitime,


De découvrir le fruit inspiré du labeur :
L'aède révélé, brisant avec honneur
Sa crainte de l'échec, éclot et se sublime !

Cher Pierre vous aviez, pour votre coup d'essai,


Une ode magnifique à nos yeux esquissé ;
Quelques conseils plus loin, la rime était parfaite.

Et voici qu'en ce jour, en rimeur accompli,


Vous accédez au rang suprême de poète
Et pour mille ans et plus, qu'il en demeure ainsi !
Sonnet d'automne
Inspiré lors d’une balade en forêt

U n poème est pareil au bolet, à l'oronge :


Il surgit dans les lieux où l'on ne l'attend pas.
Souverain du sous-bois, sa gloire reste au ras
De l'humus jusqu'au jour où quelque ver le ronge.

Mais si d'un promeneur la main soudain s'allonge


Et qu'un fin connaisseur le pose en son cabas,
À coup sûr dès demain l'on reverra son pas
Dans ce bon coin chercher encore un plus beau fonge.

Si d'aventure on veut sa naissance forcer


Ou dans quelque vivier sa semence enfermer,
Rien ne vient, au grand dam du profiteur avide.

Dans la captivité le mettrait-on en vain :


Dans sa liberté seule il demeure sapide
Et se sublime alors avec le meilleur vin !
Quand la lecture des auteurs médiévaux devient source
d’inspiration…
Ne t’effraie pas, lecteur, devant l’antique tournure de
la farce qui suit. Tu as deux solutions pour la com-
prendre :
La première, que je te suggère, est de te plonger sans
retard dans Chrétien de Troyes, Rutebeuf ou Turoldus,
dans le texte, jusques à t’imprégner du bon vieux lan-
gage de l’époque ;
La seconde est de passer directement à la traduction
qui la suit… Aucune de ces deux options n’excluant
l’autre, bien évidemment !
Musement champaigne, et
alques ordeious
Fabuse en viel langage francisien,
sicomme eust fet de Troi li Crestïens.

O res vos vuel gie ice loër


Que tosjormes sistes as guets,
Que putement vos ne conchie
Icel, que vos cuidstes ami
Ne mie n'alge avoec vos fere
Ço, que fit Bruns ad sun comperre.

C'est li romans Brun l'Orsun.

B runs l'Ors, od lui ses cumpains li Connilie


Dedans un bruel s'alleent de compaingnie
Que ci dolut sire l'Orsun la boele:
« Mes bel douls sire » fet cil, « quar m'apele
Dame Nature que reduins gie icy
Ço, qu'el gouser por matinel me mit. »
Respunt Connilie « Mes sire voirement
Ausi m'estuet iluec isnelement
Icele meie panse solangier,
Que si m'espraingt ausi a dolangier. »

Feent com dit. Çascuns de sun grant doel


Dunt solaz a sa panse: cy caguet.
Çascuns finet. Dit Bruns « Ores amis
Mei distes al voir si par mar vos sit
Que li merdas vos peset li peliçon. »
« Nenni cumpains, » ço Connilie respont,
« Par nule rien ne mei chalt cele chose. »
Ades li Ors la poë desus poset,
Suz la couelle le Conniliun portet,
Et le poistron felement bien s'en torchet.

Explicyt li romans Brun l'Orsun.

Si l'antique parler, lecteur, de Chrestiën


Ne fait tinter en toi la médiévale fibre,
Va plus avant et lis, dans le langage tien,
Les vers de ce récit, pour enfin qu'elle vibre !
Amusement champêtre, et
quelque peu scabreux
Fable en antique langage françoys,
à la manière de Chrétien de Troys.

JeQueveuxtoujours
vous donner ce conseil
soyez en éveil,
Que vilement ne vous salisse
Un tel que vous pensiez complice,
Et qu'il ne vous fasse jamais
Ce qu'au Lapin Brun l'Ours a fait.

Voici le roman de Brun l'Ours.

B run l'Ours, avec son ami le Lapin,


Dans un bosquet se promenaient matin
Quand le boyau fit mal au plantigrade.
« Je dois aller », fait-il, « beau camarade
Au doux humus remettre sans tarder
Ce qu’il a matin dans mon gosier.
- Vraiment Monsieur », dit le Lapin, « bien vite
Dois-je ici-même incessamment de suite
Ma propre panse en ce lieu soulager,
Car son épreinte aussi m'a tourmenté. »

Font comme dit. Chacun de sa grand peine


En déféquant soulage sa bedaine.
Chacun finit. Brun dit : « Alors ami,
Dites-moi donc si vous n'êtes marri
Que l'excrément vous pèse à la fourrure. »
Lapin répond : « Copain, je vous l'assure,
Aucunement ne m'importe cela ! »
Alors notre Ours sur lui la patte abat,
Et sous sa queue entraînant son compère
Traîtreusement s'en torche le derrière.

Fin du roman de Brun l'Ours.


Quelques gentillesses pour nos chers gouvernants, à
qui nous devons de si joyeux jours !

Fatras de capitulation
à la manière de Maistre Rutebeuf
Pour notre sécurité
Serrons les dents sans faiblesse !

P our notre sécurité


Acceptons sans discuter
Toute intenable promesse
De notre roi dévoué !
Au diable notre fierté,
Avouons notre détresse
Du grand danger qui nous presse ;
Abdiquons la liberté
Si le geôlier nous caresse.
Pour cela sans hésiter
Serrons les dents sans faiblesse !
Serrons les dents sans faiblesse
Servilement, par paresse,
Avec grand humilité
Tendons le col à la laisse.
Qu'importe qu'on nous abaisse,
Laissons-nous donc promener
Où nous ne voulons aller ;
Car c'est la délicatesse
Du Président bien aimé
Qui nous fore l’entrefesse…
Pour notre sécurité !
Ballade de l'élu
à la manière de Monsieur Cyrano

T rès fier de mon investiture


Et par le bon peuple adoubé,
Qui ne se trompe, par nature,
Jamais quand il s'agit d'aller
Choisir ceux qui le vont plumer,
Je me trouve élu par sa bouche :
Dès lors, je l'ai bien mérité,
À la fin du mandat, je touche !

De ci, de là, quelque rature


Dans un contrat alambiqué,
Quelque artifice d'écriture
Sur un compte en Suisse planqué,
Ou l'art de bien dissimuler
Le chèque éloigné de sa souche :
De par le fait, tout bien sommé,
À la fin du mandat, je touche !
M'accusât-on de forfaiture
– Et pût-on même le prouver ! –
Et me jetât-on en pâture
À mon électorat blasé,
Quelle importance, en vérité,
Que mon affaire semble louche :
La loi, confuse, le permet,
À la fin du mandat, je touche !

Juge, ne me viens point blâmer !


Comprends, capitule et te couche :
Et fais qu'en toute impunité,
À la fin du mandat, je touche !
Ballade au coq gaulois
À notre inénarrable emblème, empanaché mais parfois si
stupide!

S alut au bon peuple de France,


À son coq si bien ergoté
Qui fait fi de toute souffrance
Tant qu'on lui permet de brailler !
Heureux sur son tas de fumier
Dans l'azur de l'aube naissante,
Son fier jabot au ciel bombé :
Les deux pieds dans la merde, il chante !

Écrasez-le jusqu'à l'outrance,


Ôtez-lui toute sa fierté,
Bercez-le de douce ignorance
Jusques à n'oser plus penser !
Mais n'entravez point son gosier
Par quelque manœuvre savante,
Qu'au silence ne soit forcé :
Les deux pieds dans la merde, il chante !
Il laisse avec indifférence
Le renard chez lui s'immiscer,
Mieux ! l'accueille avec bienveillance
S'il cache son croc acéré.
Puis quand pleure le poulailler
Au fond d'une mare sanglante,
À pleine voix, sans sourciller,
Les deux pieds dans la merde, il chante !

P rince, avant qu'il ne soit plumé


Et mis dans la sauce bouillante,
Que son bec en soit englué :
Les deux pieds dans la merde, il chante !
Ballade du con-finement
Mars 2020, devant le triste spectacle des foules affolées

T roupeaux de bœufs en vos prés ruminant,


Œils ahuris de volailles stupides,
Brave crétin de gros mouton bêlant,
Carpes bâillant dans vos mares putrides,
Menez céans vos cerveaux gras et vides
Et contemplez, sans rire si pouvez,
Le gai rondeau qu'à vos regards benêts
Offre en ces jours de panique et de crise
Le beau ballet des humains affolés :
Tristes splendeurs de l'humaine bêtise !

Regardez-les pour un pot se battant,


Regardez-les prendre en leurs mains avides
Sucre au kilo, tonnes de papier blanc
Qui torcheront leurs fondements humides...
Pauvres troupeaux de fantômes livides,
Étranglez-vous, saignez, vous étripez,
Pour à la fin, contents et satisfaits
Être affranchis de l'horrible hantise
D'être à misère et dol abandonnés :
Tristes splendeurs de l'humaine bêtise !

Qui vous a fait, en ce temps délirant,


Monter aux dents ces fringales cupides ?
Qui vous fait peur à ce point que perdant
Tout jugement vous courez, vils bolides ?
Oh quels démons mercantiles, perfides,
Ont insufflé dans vos cœurs effarés
Tant de panique et d'élans éhontés
Où piètrement votre cerveau s'enlise ?
À la raison de grâce revenez :
Tristes splendeurs de l'humaine bêtise !

P rince des Cieux, en pitié nous prenez !


En nos cerveaux la sagesse inculquez
Bien vite avant que ce monde se brise,
Et ce spectacle à jamais effacez :
Tristes splendeurs de l'humaine bêtise !
Inspiré par mon rejet viscéral de cette hérésie linguis-
tique d’écriture que je me refuse à qualifier d’inclusive,
ce sonnet caricatural se veut surtout une alerte à tous
les amoureux de notre belle langue et de notre culture.
J’espère juste que cette poésie et moi ne sommes pas
trop oppressi.f.ve.s ! :)

Sonnet exclusif
P our complaire aux puissant.e.s, serons-nous inclusi.f.ve.s ?
Les grand.e.s prêtre.sse.s du Bien, qui nous auront béni.e.s
Ou maudit.e.s pour nos mots et nos pages écrit.e.s,
Nous planteront leurs crocs, leurs griffes agressi.f.ve.s !

Combien résisteront, proses et vers chéti.f.ve.s,


À la vague montante, à la débilité
Qui pour tuer la langue et sa grande beauté
Impose ses diktats et façons abusi.f.ve.s ?

Car en tuant la langue avec l'identité,


Dans leur monde insipide et leur stupidité
Ils croient bâtir un monde, une cité nouve.au.lle.

Jetons, ho.fe.mmes de plume, aux égouts cette loi !


Nos phrases et nos mots sont si vi.f.ve.s et si be.au.x.lle.s
Qu'i.e.l.le.s écraseront l'infâme, sur ma foi !
Fatrasies saisonnières
Variations en hommage à M. Vivaldi
- Au printemps

D ans mon plus jeune âge


Studieux et sage
Que ne suis-je allé
Chanter beau ramage
Et pompeux hommage
À quelque mousmé !

Je m'en vois bien attristé


Et m'en trouve fort dommage
Car bien morne et bien longuet
Me semble mon pucelage
Qu'il me tarde de briser !
- À l'été

A u cœur de l'été
Sur le lit douillet
D'un herbage inerme
Ai-je bien rêvé
D'avoir lutiné
Une fesse ferme !

Car lorsque le désir germe


La belle sans hésiter
Dans ses mains mon vit enferme,
Et, l'ayant bien secoué,
Se plaît à lécher mon derme !

- À l'automne

Q uel tourment la belle,


Voir ta fleur nouvelle
S'ouvrir bellement !
Faut-il qu'elle appelle,
Torride et cruelle,
Papillon galant !
Mais papillon mollement
Reste assis sous la tonnelle
Impassible et somnolent,
Et tu fermes ta gonnelle
Devant sa trompe qui pend !

- À l'hiver

L e majeur coquin
Du vieillard badin
Reste bien alerte,
Dressé sur sa main
Assouvit sa faim
De manière experte !

Car la fente bien ouverte


Qui le chauffe ce matin
Accueillante, douce, offerte,
C'est le trou suave et fin
D'une moufle en laine verte !
Fatrasies culinaires
... à adresser à la maîtresse queux de votre choix !

L a belle qui daigne


Venir et m’enseigne
Son art pâtissier,
Que mon bras l’étreigne
Pour que ne s’éteigne
Pas un seul baiser.

À l’heure de déguster
De son œuvre je m’imprègne ;
Et ne peux que l’affirmer :
J’ai la dent du fond qui baigne
Et rêve de te croquer !

~~~
Q uand la crème coule
Débordant du moule
Sur ton corps brûlant,
Quant ton chant roucoule
Et que ton œil roule
Sur mon cœur battant,
Mon bras se fait conquérant,
Ma vigueur remonte en houle,
Et voici que m'approchant
Tout mon désir je déroule
Sous ton regard succombant !

~~~

F ourrageant ma pâte
Dans ta grande hâte
De la voir lever,
Ton regard me gâte
Et ton four appâte
Mon rouleau pressé !

Mais par trop manipulé


Son grand manche se démâte
Et se retrouve étalé
Dessus la main qui le tâte
Et qu’il vient éclabousser !
Sado-masochisme abouti du poète, faire rimer ce qui ne
rime pas !
Sur les traces de l’illustre Marc-Antoine de Saint
Amant, qui en fit jadis un sonnet2, j’ai voulu m’amuser
à ce jeu… que je conseille à tous les rimeurs aimant
l’aventure !
Mais tout problème se devant d’avoir sa solution,
après l’effort nous adoucissons notre peine et redres-
sons les rimes en toute justice…

Ballade d'autoflagellation
Pour le plaisir des impossibles rimes.
parier quelque sesterce ou drachme
À Qu'en se pressant et triturant le bulbe
On pût gaiement outrepasser le dogme
Qui de la rime avait l’air pourtant simple,
Force nous est de devoir rester humble
Et constater, triste loi de la jungle,

2
Saint-Amant – Sonnet sur des mots qui n’ont point de rime (1632)
Que l'on a beau se tordre comme larve,
C'est bien en vain que notre âme s'incurve
Et qu'un rimeur ne reste pas indemne
À composer la ballade du pauvre !

Car Saint-Amant, dans un précédent siècle


Fit un sonnet pour ces rimes, et fichtre !
Dut joliment passer du rouge au pourpre
Avec ces vers pour en tirer quatorze !
Pauvre de moi qui dois en faire quinze
Et même plus, car prétendant au sceptre
Qui depuis lui gît au fond d'un sépulcre
J'ai commencé ce fol projet de cuistre
Et tous ces mots à mon tour je me goinfre
À composer la ballade du pauvre !

Même en fouillant dans un dialecte belge


Où donc trouver, sans risquer de s'y perdre,
Un mot rimant avec rien mais qui valse
Avec éclat sur une œuvre qui stagne ?
Qui soit au vers comme la vigne au pampre,
Le cil à l’œil ou bien le sel au poivre ?
Mobilisons et l'esprit et le muscle
En espérant ne pas céder au meurtre
Et forçons-nous, quitte à créer un monstre,
À composer la ballade du pauvre !
P rince du puy, ne me porte à triomphe
Si de cet art j'ai satisfait ta soif ;
Mais pour autant, ne me mets pas le chanvre
Au cou, d'avoir échoué d'une verste
À composer la ballade du pauvre !
Ballade d'autosatisfaction
Pour adoucir la précédente peine.

O ui, quand bien même un drachme aurait suffi


Pour extirper du bulbe du poète
Quelque vers qui le dogme satisfît
De simple rime envers l’œuvre complète,
Restons humble et d'une humeur inquiète
Car cette jungle où nous craignons d'entrer,
Où, pauvre larve, irions nous écraser,
Où tant s'incurve une si frêle échine,
C'est la rançon de l'indemne fierté,
Du pauvre honneur de la rime orpheline !

Un siècle ancien fut lancé le défi


Qui n'était, fichtre ! autrement pas si bête
Pour mériter le pourpre et bel habit,
Quatorze vers à tirer d'une traite !
Vers quinze cents on se mit donc en quête,
Pour mériter le sceptre convoité,
De tous ces mots du sépulcre rimé,
Et plus d'un cuistre y trouva bonne mine,
Gourmand de gloire et goinfre insatisfait
Du pauvre honneur de la rime orpheline !

Un Belge aussi le tenta, m'a-t-on dit,


Pour s'amuser sans en perdre la tête ;
Et de nos jours la valse se poursuit
Mais souvent stagne et quelquefois s'arrête !
Car comme au pampre éclot la vigne en fête
Et pend son grain, de poivre parfumé,
Ainsi le muscle à tout coup fatigué
Procède au meurtre avec la strophe fine,
Et se repaît tel un monstre affamé
Du pauvre honneur de la rime orpheline !

P rince, veuillez au triomphe porter


Jusqu'à plus soif qui les fera vibrer.
Sous drap de chanvre ou couronne divine,
Sur une verste, et plus, qu'il soit paré
Du pauvre honneur de la rime orpheline !

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