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Segrais
7 mai 1829.
Victor Hugo, « Vois, cette branche est rude… », Les Feuilles d'automne, 1831.
TEXTE 3 Les Odelettes présentent une quarantaine de petits poèmes à la structure classique
mais au ton et au style étranges, mélancoliques, parfois mystiques.
Fantaisie
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets !
La Nuit de mai
LA MUSE
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
LE POETE
Ô Muse ! spectre insatiable,
Ne m'en demande pas si long.
L'homme n'écrit rien sur le sable
À l'heure où passe l'aquilon.
J'ai vu le temps où ma jeunesse
Sur mes lèvres était sans cesse
Prête à chanter comme un oiseau ;
Mais j'ai souffert un dur martyre,
Et le moins que j'en pourrais dire,
Si je l'essayais sur ma lyre,
La briserait comme un roseau.
Alfred de Musset, « La Nuit de mai » (extrait), Les Nuits, 1835-1837.
TEXTE 5 « La Vie dans la mort » est un long poème dans lequel l'auteur, non sans humour,
évoque l'omniprésence et les pouvoirs de la mort. Dans l'extrait suivant, une jeune fille pense
attendre son bien aimé dans son lit nuptial mais se rend compte qu'elle parle avec un ver venu
la ronger dans son tombeau.
LA TREPASSEE.
C'en est fait ! C'en est fait ! Il est là ! sa morsure
M'ouvre au flanc une large et profonde blessure.
Il me ronge le cœur.
Quelle fortune ! ô Dieu, quelle angoisse cruelle !
Mais que faites-vous donc, lorsque je vous appelle,
Ô ma mère, ô ma sœur !
LE VER.
Dans leur âme déjà ta mémoire est fanée
Et pourtant sur ta fosse, ô pauvre abandonnée,
L'oranger est tout frais.
La tenture funèbre à peine repliée,
Comme un songe d'hier elles t'ont oubliée,
Oubliée à jamais.
LA TREPASSEE.
L'herbe pousse plus vite au cœur que sur la fosse ;
Une pierre, une croix, le terrain qui se hausse
Disent qu'un mort est là.
Mais quelle croix fait voir une tombe dans l'âme ?
Oubli ! seconde mort, néant que je réclame,
Arrivez, me voilà !
LE VER.
Console-toi. – La mort donne la vie. – Éclose
À l'ombre d'une croix l'églantine est plus rose
Et le gazon plus vert.
La racine des fleurs plongera sous tes côtes ;
À la place où tu dors les herbes seront hautes :
Aux mains de Dieu, tout sert !
TEXTE 6 Écrit en 1834 et paru en 1864, ce long poème évoque une scène de chasse nocturne
et adopte le point de vue du chasseur. Dans les vers précédents, les chasseurs ont rattrapé une
famille de loups. Le loup mâle s'avance alors pour protéger les siens.
La Mort du loup
Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ;
Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante
Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges [entrailles,
Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;
Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter [un cri.
II
J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
À poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
À ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.