Vous êtes sur la page 1sur 7

Parcours poesie 

: les mémoires d’une âme


Texte1 : musset souvenirs
Alfred de musset (1810-1857) est un poète et un dramaturge français de la période romantique. Dans le poème Souvenir extrait du recueil
de poèmes Poésie Nouvelles (1850) il retourne en forêt de Fontainebleau où il s’est rendu plusieurs fois en compagnie de son amour
Georges Sand.

Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries,


Et ces pas argentins sur le sable muet,
Ces sentiers amoureux, remplis de causeries,
Où son bras m'enlaçait.

Les voilà, ces sapins à la sombre verdure,


Cette gorge profonde aux nonchalants détours,
Ces sauvages amis, dont l'antique murmure
A bercé mes beaux jours.

Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse,


Comme un essaim d'oiseaux, chante au bruit de mes pas.
Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse,
Ne m'attendiez-vous pas ?

Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères,


Ces larmes que soulève un coeur encor blessé !
Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières
Ce voile du passé !

Voyez ! la lune monte à travers ces ombrages.


Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ;
Mais du sombre horizon déjà tu te dégages,
Et tu t'épanouis.

Ainsi de cette terre, humide encor de pluie,


Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour :
Aussi calme, aussi pur, de mon âme attendrie
Sort mon ancien amour.
parcours poésie  : les m  émoires d’une âme
Texte2  : René, François rené de Chateaubriand
« Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal. Tour à tour bruyant et
joyeux, silencieux et triste, je rassemblais autour de moi mes jeunes compagnons,
puis, les abandonnant tout à coup, j'allais m'asseoir à l'écart pour contempler la
nue fugitive ou entendre la pluie tomber sur le feuillage.
 
Chaque automne, je revenais au château paternel, situé au milieu des forêts, près
d'un lac, dans une province reculée. je ne trouvais l'aide et le contentement
qu'auprès de ma soeur Amélie. Une douce conforminté d'humeur et de goûts
 
m'unissait étroitement à cette soeur ; elle était un peu plus âgée que moi. Nous
aimions à gravir les coteaux ensemble, à voguer sur le lac, à parcourir les bois à la
chute des feuilles : promenades dont le souvenir remplit encore mon âme de
délices. O illusion de l'enfance et de la patrie, ne perdez jamais vos douceurs ! 

Tantôt nous marchions en silence, prêtant l'oreille au sourd mugissement de


l'automne ou au bruit des feuilles séchées que nous trainions tristement sous nos
pas ; tantôt, dans nos jeux innocents, nous poursuivions l'hirondelle dans la
prairie, l'arc-en-ciel sur les collines pluvieuses ; quelquefois aussi nous
murmurions des vers que nous inspirait le spectacle de la nature. Jeune, je
cultivais les Muses ; il n'y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses
passions, qu'un coeur de seize années. Le matin de la vie est comme le matin du
jour, plein de pureté, d'images et d'harmonies.

Les dimanches et les jours de fête, j'ai souvent entendu dans le grand bois, à travers les arbres,
les sons de la cloche lointaine qui appelait au temple l'homme des champs. Appuyé contre le
tronc d'un ormeau, j'écoutais en silence le pieux murmure. Chaque frémissement de l'airain
portait à mon âme naïve l'innocence des moeurs champêtres, le calme de la solitude, le charme
de la religion et la délectable mélancolie des souvenirs de ma première enfance ! Oh ! quel
coeur si mal fait n'a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal, de ces cloches qui frémirent
de joie sur son berceau, qui annoncèrent son avénement à la vie, qui marquèrent le premier
battement de son coeur, qui publièrent dans tous les lieux d'alentour la sainte allégresse de son
père, les douleurs et les joies encore plus ineffables de sa mère ! Tout se trouve dans les
rêveries enchantées où nous plonge le bruit de la cloche natale : religion, famille, patrie, et le
berceau et la tombe, et le passé et l'avenir.
 

François-René de Chateaubriand, René (1802)
Oeuvre intégrale : Les contemplations, Victor Hugo
texte3 : elle avais prit ce pli

Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin


De venir dans ma chambre un peu chaque matin;
Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère;
Elle entrait, et disait: Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe.

Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,


Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.

Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c'était un esprit avant d'être une femme.
Son regard reflétait la clarté de son âme.
Elle me consultait sur tout à tous moments.
Oh! que de soirs d'hiver radieux et charmants
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère
Tout près, quelques amis causant au coin du feu !

J'appelais cette vie être content de peu !


Et dire qu'elle est morte! Hélas! que Dieu m'assiste !
Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.
Oeuvre intégrale : Les contemplations, Victor Hugo
Texte 4 : J’aime l’araignée et j’aime l’ortie

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,


Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives,


Noirs êtres rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur oeuvre ;


Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l’ortie est une couleuvre,
L’araignée un gueux;

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,


Parce qu’on les fuit,
Parce qu’elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit…

Passants, faites grâce à la plante obscure,


Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;


Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,

Pour peu qu’on leur jette un oeil moins superbe,


Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
Texte 5 : veni, vidi, vixi, Victor Hugo

J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs


Je marche, sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs ;

Puisqu'au printemps, quand Dieu met la nature en fête,


J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;
Puisque je suis à l'heure où l'homme fuit le jour,
Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ;

Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu ;


Puisqu'en cette saison des parfums et des roses,
Ô ma fille ! j'aspire à l'ombre où tu reposes,
Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu.

Je n'ai pas refusé ma tâche sur la terre.


Mon sillon ? Le voilà. Ma gerbe ? La voici.
J'ai vécu souriant, toujours plus adouci,
Debout, mais incliné du côté du mystère.

J'ai fait ce que j'ai pu ; j'ai servi, j'ai veillé,


Et j'ai vu bien souvent qu'on riait de ma peine.
Je me suis étonné d'être un objet de haine,
Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé.

Dans ce bagne terrestre où ne s'ouvre aucune aile,


Sans me plaindre, saignant, et tombant sur les mains,
Morne, épuisé, raillé par les forçats humains,
J'ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle.

Maintenant, mon regard ne s'ouvre qu'à demi ;


Je ne me tourne plus même quand on me nomme ;
Je suis plein de stupeur et d'ennui, comme un homme
Qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi.

Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,


Répondre à l'envieux dont la bouche me nuit.
Ô Seigneur, ! ouvrez-moi les portes de la nuit,
Afin que je m'en aille et que je disparaisse !
Texte 6 : le portrait d’Arrias, de la société et de la conversation (V),9

Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel, et il se donne
pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle
à la table d’un grand d’une cour du Nord : il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce
qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il
discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il
récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à
éclater. Quelqu’un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui
ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur :
« Je n’avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d’original : je l’ai appris de Sethon,
ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je
connais familièrement, que j’ai fort interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance. » Il
reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsque l’un
des conviés lui dit : « C’est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive fraîchement de
son ambassade. »

La BRUYERE, Caractères « de la société et de la conversation », 9 (1688)


Texte 7 : LA BRUYERE, les caractères de la cour, Remarque 74 « l’on parle d’une région »

L’on parle d’une région où les vieillards sont galants, polis et civils ; les jeunes gens au
contraire, durs, féroces, sans mœurs ni politesse : ils se trouvent affranchis de la passion des
femmes dans un âge où l’on commence ailleurs à la sentir ; ils leur préfèrent des repas, des
viandes, et des amours ridicules. Celui-là chez eux est sobre et modéré, qui ne s’enivre que
de vin : l’usage trop fréquent qu’ils en ont fait le leur a rendu insipide ; ils cherchent à réveiller
leur goût déjà éteint par des eaux-de-vie, et par toutes les liqueurs les plus violentes ; il ne
manque à leur débauche que de boire de l’eau-forte. Les femmes du pays précipitent le déclin
de leur beauté par des artifices qu’elles croient servir à les rendre belles : leur coutume est de
peindre leurs lèvres, leurs joues, leurs sourcils et leurs épaules, qu’elles étalent avec leur
gorge, leurs bras et leurs oreilles, comme si elles craignaient de cacher l’endroit par où elles
pourraient plaire, ou de ne pas se montrer assez. Ceux qui habitent cette contrée ont une
physionomie qui n’est pas nette, mais confuse, embarrassée dans une épaisseur de cheveux
étrangers, qu’ils préfèrent aux naturels et dont ils font un long tissu pour couvrir leur tête : il
descend à la moitié du corps, change les traits, et empêche qu’on ne connaisse les hommes
à leur visage. Ces peuples d’ailleurs ont leur Dieu et leur roi : les grands de la nation
s’assemblent tous les jours, à une certaine heure, dans un temple qu’ils nomment église ; il y
a au fond de ce temple un autel consacré à leur Dieu, où un prêtre célèbre des mystères
qu’ils appellent saints, sacrés et redoutables ; les grands forment un vaste cercle au pied de
cet autel, et paraissent debout, le dos tourné directement au prêtre et aux saints mystères, et
les faces élevées vers leur roi, que l’on voit à genoux sur une tribune, et à qui ils semblent
avoir tout l’esprit et tout le cœur appliqués. On ne laisse pas de voir dans cet usage une
espèce de subordination ; car ce peuple paraît adorer le prince, et le prince adorer Dieu. Les
gens du pays le nomment *** ; il est à quelques quarante-huit degrés d’élévation du pôle, et à
plus d’onze cents lieues de mer des Iroquois et des Hurons.

Vous aimerez peut-être aussi