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Le pastoralisme au Moyen Âge en vallée du Vicdessos, à travers la documentation écrite

médiévale : Les grands troupeaux aux communautés paysannes


Florence Guillot1

En Hommage à Jean Duvernoy

En vallée du Vicdessos, les actes documentaires ne permettent pas de remonter au-delà des
dernières années du XIe siècle.
Ce sont de bonnes copies retraçant le mouvement de la réforme grégorienne qui eut pour
effet le changement de mains de la quasi-totalité des établissements ecclésiastiques de la
vallée. Ils devinrent dépendants de l’a a e de Sai t-Sernin de Toulouse (Guillot 2010 ????),
donnés par les membres du groupe nobiliaire dominant du Sabartès, de la parentèle
Amelius : les Miglos, les Arignac, les Bompas, les Quié surtout, et jus u’à des Ma uefave.
O sait, pa l’e u te a h ologi ue et l’ tude o phologi ue des ha itats, ue les villages
casaliers étaient alors très largement majoritaires en haute vallée du Vicdessos. En place
ava t l’a Mil, leurs rapports privilégiés avec les activités agropastorales est trahi par leur
positionnement à la limite des terroirs ag i oles et pasto au . L’o ga isatio e vall es, au
moins à Miglos (Guillot 2013 ???) et autour de Vicdessos (vallée de Saos) (Guillot 2010, ???),
permettait des fonctionnements de type communautaire nécessaires au pastoralisme en
altitude et à tous les communs paysans.
Mais des conditions p ati ues de l’e e i e de ces activités, nous ne connaissons quasiment
rien. Pourtant leur poids est largement attesté dans toutes les études palynologiques (Galop
1996 171 et suiv.), ui o t t alis es e o e da s les tou i es à l’a o t de la vall e
du Vi dessos. Il s’agit d’u e a tivit majeure et ancienne, débutant plusieurs millénaires
avant notre ère, à la fi de l’ po ue N olithi ue. Et il a été démontré, par les mêmes sources
palynologiques, u’au ilieu du Mo e Âge, voire probablement plus tôt, dès les temps
a oli gie s, toutes les a tivit s hu ai es s’i te sifi e t t s ette e t, et parmi elles,
largement visible dans toutes les estives, le pastoralisme formait une part essentielle. Dans
les tou i es de Soul e et de Bassi s, l’a oisse e t des indices pastoraux précède ceux
des pollens culturaux (Galop 2006 191). L’a tivit resta primordiale jusque très récemment.
Da s le e o d e d’id e, l’ tude de la fau e du castrum comtal de Montréal-de-Sos, situé
au-dessus de Vi dessos, i di ue l’e t e fai lesse de la pa t du sauvage da s
l’ali e tatio de la ga iso ui o upe la fortification (Massendari sspresse). De la fin du
XIIe siècle à celle du XIVe siècle, la triade domestique y était p es ue l’u i ue sou e
d’ali e tatio a e, ave le œuf e p io it , si l’o se d te i e e fonction du poids de
viande consommée, alors que les ovi-caprinés étaient plus nombreux si l’o d o e le
o e d’a i au consommés. Dans cette alimentation, les animaux estivants étaient donc
très largement majoritaires, tandis que le porc était minoritaire.
Finalement, lors ue l’a tivit pasto ale apparaît pour la première fois dans la documentation
écrite, au XIIe siècle, elle est déjà multimillénaire, et surtout fondamentalement constitutive
de la société en place.
Or, en sus, cette première documentation écrite est partielle : elle ’est u’a istocratique et
ecclésiastique : elle illustre le second mouvement de donation du groupe nobiliaire vers des

1 CNRS Traces-terrae.
établissements aristocratiques, celui qui enrichît les nouveaux établissements cisterciens, et
en premier lieu les abbayes de Boulbonne, Combelongue ou Grandselves2.
On donna alors essentiellement des d oits su les pâtu ages. C’est donc u’o en disposait,
pa e u’ils taie t d’o igi e pu li ue et ue les a isto ates do ateu s étaient soit les
comtes de Foix, soit les héritiers du grand groupe nobiliaire des Amelius Simplicius, en
charge de tous les droits publics.
Cette appartenance des usages de la haute montagne pastorale au groupe des droits
d’o igi e galie e dépendants de la haute aristocratie régionale est corroborée dès la fin
du XIe siècle et confirmée au XIIIe siècle dans quelques documents régionaux. Vers 1095,
Guitard Isarn de Caboet, aristocrate du versant sud, principal seigneur laïque autour des
vall es d’A do e, dote sa fille et so ge d e de o u s …) situés au o d de l’A do e, à
charge de les défendre contre les atteintes des habitants du nord (dits toulousains) et de
l’est dits e da s . T ois a isto ates étaient présents, représentants des toulousains :
Arnaud de Château-Verdun, Aton Arnaud de Quié, Guilhem de Lordat. Ce sont bien ces hauts
aristocrates qui détenaient les droits sur les pâturages. À cette époque, point de comte de
Foix parmi eux, car ils étaient encore peu présents sur le secteur, même si leur potestas
s’ la gissait alors pesamment. Aut e i di e de l’i t g atio des usages des estives au d oits
publics détenus par la haute aristocratie, au moment où le pouvoir comtal devint finalement
suzerain sur la haute vallée du Vicdessos : à la fin du XIIe siècle, un accord oral fut conclu
entre les hommes de la vallée de Sos et le comte de Foix Ramon Rotger (1188-1123). On ne
le connait que sa mise par écrit, sous la forme de f a hises o fo es à l’usage à la fi du
XIIIe siècle3. Au o e t où l’ it devint la règle (Guillot 2010 ???), ces d oits d’usages,
anciens, ui gissaie t les elatio s e t e la o u aut et l’auto it pu li ue sont
si ple e t dig s ais ie ’i di ue u’ils aie t alo s volu 4. Les premières chartes
appelle t l’a ie et de es d oits pour les justifier. Ils incluaient effectivement les droits
sur le milieu non agricole : les pâturages, la forêt (couper du bois, charbonner), les eaux (par
exemple le droit de pêche), etc. Le monde paysan médiéval en haute montagne ariégeoise
était bien pluriactif : agro-sylvo-pastoral.
L’a tivit pasto ale des habitants du Vicdessos s’e e çait do en grande partie librement,
mais véritablement sous l’auto it du pouvoi pu li . Aucune taxe de l’usage des estives, ni
des a i au pâtu a t ou e des ag eau s su l’estive, ’est jamais mentionnée, sauf
sur les ventes des animaux5. C’est fort certainement e s st e ui se vit d’e e ple à la
o st u tio de la ta atio et de l’o ga isatio de la p odu tio du fe à la fi du XIIIe siècle
et au cours du XIVe si le, puis ue l’extraction du fer était aussi libre, tandis que la vente du
minerai était taxée (Guillot 2010 ???).
Les donations des puissants aux abbayes confirment bien la réalité de ce pouvoir comtal et
seigneurial sur la montagne, puisque que les aristocrates peuvent donner aux abbayes.

2 Le monastère de Boulbonne était située au nord de la plaine ariègeoise, à la confluence avec la


Garonne. L’a a e de G a dselves était à uel ues lieues à l’est de Toulouse.
3 Deu te tes o t t a o d s à u e a e d’i te valle, e et . AD , C , f° et .
4 Ils volu e t lo s de l’a oisse e t o sid a le d’u e ouvelle a tivit o o i ue
d’i po ta e, e t e la fi du XIIIe siècle et le milieu du XIVe siècle, la métallurgie hydraulique (Guillot
2010 ???).
5 AD09, E 87, f° 66r. Bernard de Sono, seigneur de Miglos, exempte les habitants de la vallée de
Miglos de la ta e u’ils pa aie t pou les estiau et le ois, ve dus da s les li ites de la vallée.
Cette faculté de disposer pour les abbayes de droits qui sont déjà précédemment délégués
aux communautés pose problème : comment se réglait le partage entre les différents
usage s de l’estive ?
Or, e haute vall e du Vi dessos, l’a a e de Boul o e fut un acteur puissant et actif à
partir de la fin du XIIe siècle. Suite à la série de donations qui eurent lieu dans la seconde
moitié du XIIe si le, l’a a e fo da u e g a ge dite du Sabartès, spécifiquement dédiée au
pastoralisme6. Elle tait plus loig e de la aiso e u’il ’ tait l’usage, mais sa
fonction spécifique justifiait cet éloignement. Située à Génat7, à l’aval de la vall e du
Vicdessos, elle s’i s ait à la croisée des pâturages des montagnes du Vicdessos et de celle
de Rabat qui formaient sa zo e d’a tivit . Il se le, u’au XIIe siècle, ce soit surtout celles
de Rabat, Gourbit et Génat qui aient été le pôle principal, car les premières donations sont le
fait du groupe familial autour du lignage de Rabat (Rabat, Pailhès, Marquefave, Quié, etc.). Il
faut attendre 1192 pour que le comte de Foix donne un premier bien, une maison dans le
castrum de Tarascon8. Le tou a t ui pe it à Boul o e de s’i pla te e haut
Vicdessos, où seul le comte de Foix semble avoir disposé des estives auparavant, est une
do atio de Ra o Rotge , o te de Foi , à l’a a e e 9 : le comte accordait tous ses
droits de faire paître du bétail et de couper du bois sur toutes ses terres. Nul doute que cette
donation considérable ’ tait pas e lusive et ue l’a a e devait partager ces droits avec
d’aut es, pa e e ple les ha ita ts de la vall e de Sos, ais aussi avec les troupeaux des
comtes. Une confirmation, en 1241, par Rotger Bernat, comte de Foix et fils du précédent,
réaffirma l’auto isatio pour l’a a e de fai e paît e du tail et de oupe du ois su
toutes ses terres10. L’a a e de Boul o e tait alo s l’a a e des o tes, le lieu saint où
ils se faisaient enterrer.
Les donations du groupe familial Amelius Simplicius autour du lignage de Rabat et des
montagnes éponymes préservaient aussi les droits des lignages nobiliaires donateurs et des
habitants. En 1295, un acte explicita11 ue l’a a e bénéficiait des pâturages de cette
famille pour un nombre de bêtes défini (mais non précisé jus u’à l’ po ue des la ou s,
mais que les seigneurs de Rabat et leurs successeurs pouvaient faire paître leurs propres
tes da s es o tag es et, u’e out e, es pe issio s devaient respecter la sauvegarde
des ho es de Gou it et Ra at, ’est-à-dire un usage du type de celui des habitants de la
vallée de Sos.

6 Les plus anciennes donations ayant permis la création de cet établissement pourraient être celle de
la fa ille de Qui ave l’a o d de Guilhe de Ma uefave et des Ho es de G at pou e u’ils
poss daie t de la se e d’Eleth à Calmas [Calamas] de Montisoriol Doat, , et elle d’A aud de
Château-Ve du e Doat, , , pou tout l’ho eu u’il avait da s le terminium de Génat,
au lieu qui se nomme Electus (=Eleth).
7 Vallée de la Grangette. La prospection a livré des vestiges dans une vaste baume (retailles
nombreuses et tessons de céramiques) qui pourrait avoir été le site de la grange.
8 Doat, 83, 218r.
9 Doat, 84, 150.
10 Doat, 84, f°149r.
11 Doat, 85, f° 236r.
Les usages par plusieurs g oupes d’i t ts diff e ts durent être sources de conflits, par
exemple entre les grands troupeaux des abbayes ou du comte et les plus petits troupeaux
des communautés valléennes.
Les conflits entre paysans ne sont évidemment pas documentés avant le XIVe siècle, pas plus
que ceux qui durent avoir lieu des communautés avec les abbayes ou les comtes : cette
do u e tatio là ’existe plus ou ’a peut-être jamais existé. Les premiers documents qui
mentionnent des communautés ui s’e pa e t pa la fo e des estives de voisines datent
du début du XIVe siècle12.
Les a tago is es à l’i t ieu e des o u aut s e so t d its u’i di e te e t et
dans un seul acte : en 1415, le seigneur d’O ola réorganisa la vie communale pour
dynamiser un terroir probablement vidé par la grande crise : les syndics étaient chargés,
entre autre, de régler les litiges liés aux pâturages13.
On a largement affirmé que les traités dits de lies et passeries, entre communautés des deux
versants (ici celles du Vicdessos et du Val Ferrera), apparaissant au XVIIe siècle (Pasquier
1917-22), étaient bien plus anciens ue les p e ie s te tes o se v s. La alit ’est pas
aussi simple. Certes, les premières franchises au XIIIe siècle reconnaissaient bien la
possibilité de commercer librement avec les communautés situées au sud, mais ils ne font
au u e e tio de la possi ilit de o lu e des a o ds u’ils aient trait aux estives ou pas.
Les lies et passeries prirent forme avec la frontière, entre la fin du XIIIe siècle et le traité des
Pyrénées en 1659. C’est la formalisation de cette limite, de tracé linéaire et précis, en 1659,
ui i posa ue l’o passe des a o ds fo els, pa its, e ouvel s guli e e t. Le
premier traité date justement de 1664. Qu’il est ep is des a ie s a o ds o au est fo t
possible. Ils restèrent en vigueur jus u’à la R volutio .

Certains conflits se réglaient par des actions violentes, ainsi cet homme qui captura des
tes de l’a a e de Boul o e ui pâtu aie t e haut Vi dessos pa e ue le o te de Foi
lui devait de l’a ge t : Boulbonne racheta les animau ais o e sait si l’a a e se fit
14
rembourser par le comte . La confiscatio d’a i au pou ait avoi t u e p ati ue assez
courante, pa e ue ’ tait la seule v ita le a tio oe itive possi le e l’a se e de
possi ilit s d’a o d, ainsi le seigneur de Château-Verdun conserva des animaux des
habitants de la vall e de Miglos jus u’au gle e t d’u o flit e 15.
Dès 1191, on perçoit aussi des conflits entre abbayes, par exemple entre Grandselves et
Boulbonne. Une sentence fut rendue, sur les zones de pâturages qui furent délimitées, à
propos des autorisations de transit du bétail, etc16. Mais les abbayes ne furent pas toujours
e oppositio et peuve t aussi s’ t e e t aid . Qua d elle de Boul o e i pla ta la g a ge

12 Les habitants de la vallée de Sos firent paître leurs animaux par la force à Laburat en 1308 (B.M.T.,
ms 638, 147 et AD09, 2 Mi1/R2, n° 20, n° 13, 295).
Jean Duvernoy (1992) mentionne des conflits en haute Ariège avec les Andorrans (Duvernoy 1977, II,
384)
13 AD09, E 89.
14 Doat, 85, 286v.
15 AD09 E 87, f° 12r -13v.
16 Doat, 83, 212r.
du Sabartès à Génat, celle de Lagrasse lui afferma la perception de ses droits sur la paroisse
de Génat17.

Grâce à quelques actes, par exemple celui qui fixe, en 1305, les droits de la communauté de
Miglos sur les montagnes dépendantes des seigneurs de Château-Verdun18, des sentences
entre communautés à la même époque et un acte du comte de Foix qui ordonne que la
o u aut de Sos eçoive t les tes de l’a a e de Boul o e19, o pe çoit l’a uit des
conflits. S’agissant de pâtu ages, les o u aut s vo t jus u’à s’attaquer entre elles, par
exemple celles de Sos et de Junac au XIVe siècle20. On confisquait des bêtes, on volait, on
détruisait des bâtiments : à cette époque la société montagnarde est tendue, ’est l’entrée
de crise, le repli sur soi de chaque communauté, et les agressions entre voisins et usagers
des estives se ultiplie t alo s u’o a de plus e plus e ou s au t i u au o tau pou
g e les litiges plutôt u’à l’a o d a ia le.
L’a a e de Boul o e, ’ tait pas u usage dis et. Au début du XIVe siècle,
2000 moutons de ce monastère pâturaient dans les montagnes du Vicdessos. On imagine les
difficultés, les dégâts et le danger que représentait le déplacement de tels troupeaux.
Les autres puissants possédaient aussi des troupeaux de grande taille. Á la fin du XIIIe siècle,
e e te ps u’il o fi ait de la possi ilit u’avaie t les ha ita ts de la vall e de Sos
de jouir des estives, le comte de Foix se gardait la possi ilit d’ faire venir 1000 têtes de
bétail (sans compter les agneaux)21. Les grands troupeaux étaient le fait des puissants22.
Les egist es de l’I uisitio documentent des troupeaux des bourgeois des villes qui étaient
de moins grande taille. Ces ou geois taie t leveu s, ais l’a hat de tes ep se tait
plus un investissement u’u e a tivit p op e. Les animaux étaient donc gardés par des
e ge s ui s’e gageaie t à l’a e23 et assumaient l’estive et l’hive age. Ainsi, Pèire
Maury de Montaillou fut-il employé un an par Ba th l Bou el d’A , puis par Brunissende
de Cervello et un autre homme cerdan. Il estivait autour du port de Puymorens, dans les
montagnes au-dessus d’A -les-Thermes, en Sabartès où il prenait en charge les animaux de
propriétaires. S’il se le u’il lui faille l’e gage e t d’u (ou deux) « gros » propriétaire(s),
il peut prendre sous sa garde les bêtes de plus petits : ainsi explique-t-il avoir intégré à son
troupeau un seul mouton qui appartenait à u e fe e d’A . Quand il changeait de patron, il
e ploie l’e p essio « je me plaçais chez lui ». Il s’agit do d’u e gage e t li e. L’hive ,
avait lieu la grande transhumance vers la plaine, espace complémentaire aux estives
montagnardes. Pèire Maury se rendait, avec les moutons, à Tortosa24, à Arques25, dans les

17 Doat, 83, f°298r.


18 AD09, E87, 4r.
19 Doat, 85, ???
20 1381, E95, 25r.
21 AD09, E96, 22.
22 Les grands troupeaux sont peut être nés de la poussée économique médiévale tout comme le
type de brebis dite tarasconnaise pourrait avoir été défini par les cisterciens de Génat.
23 Á la date où s’ ha geaie t les a i au lo s de leu des e te de l’estive, lors des foires autorisées
par les comtes, soit à la Saint-Matthieu à Vicdessos ou à la Saint-Michel à Tarascon.
24 Catalogne espagnole.
25 Razès.
prairies du piémont pyrénéen26. Bien sûr, certains animaux devaient rester dans les hautes
vall es, ais tous e pouvaie t pas, du fait de l’i ad uatio e t e les essou es
fourragères et le nombre des animaux.
Documentés par les registres de l’I uisitio dirigée par Jacques Fournier, dans lesquels
108 bergers sont mentionnés (Cazenave 2000, 186), ils étaient associés avec un ou plusieurs
compagnons et ne travaillaient donc pas seuls. Les chiens sont attestés. Le site castral de
Montréal-de-Sos Auzat , a liv ua tit d’a doises g avées dans le second tiers du
XIVe siècle (Guillot sspressea). L’u e d’elle ep se te u e ge fig. . Couve t d’u e vaste
ape ave apu he, il ga de, d’u e ai , so hie , et de l’aut e le âto fe o hu
(gancho) qui sert à attraper les bêtes en e p iso a t l’u e de leu patte a i e.

Les actes prévoient, pour les troupeaux des comtes comme pour les communautés, la
possi ilit de o st ui e et d’utilise des a a es. Quelles so t-elles ?
O a lo gte ps dits u’elles taie t o fo es au a a es e pie e s he, o es o is,
ui taie t e o e utilis es e haute A i ge au d ut du XXe si le. L’aspe t usti ue de es
âti e ts i g ieu sugg ait u e a ie et . Mais plusieu s i di es s’opposent à la
pe a e e de l’ha itat pasto al. D’a o d pa e u’il faut t e fia t vis-à-vis de soit-
disant constances architecturales ou sociales, douter que le monde paysan ancien était
immuable, tant on sait, dès lors que les études peuvent être menées, la force des
changements, des adaptations et donc des évolutions. Même si certains rapports entre
l’Ho e et l’a i al do esti u so t pe a e ts a ils dépendent de caractères
iologi ues do t l’ volutio est le te, par exemple le jeu e t e l’e ad e ent directif des
troupeaux et le laisser-faire tenant compte de l’i sti t des animaux, l’e ploitatio des
estives, o e tout aut e is e valeu d pe d de l’o ga isatio so io-économique et doit
prendre en compte le système agro-sylvo-pastoral montagnard de manière systémique.
En outre, le terme « orri » ’est pas di val. Il appa aît ???. Auparavant, les actes
mentionnent des cabanes, plus rarement des gaytas ou des caseos. On peut donc être tenté
de proposer ue le ha ge e t a hite tu al au ait i pli u la fo atio d’u ouveau
te e et ue e ha ge e t pou ait avoi eu lieu au ou s de l’ po ue ode e, lo s ue
les orris se sont privatisés27, alo s ue les a a es du Mo e Âge e se le t pas l’avoi
été. L’a hite tu e totale e t e pie e au ait alo s e fo e cette appropriation pour
soulig e sa pe a e e g â e à l’h itage.
Enfin, cette impression est confirmée par les opérations archéologiques, qui, si elles
dénichent sur les sites des orris moder es et o te po ai s des t a es d’o upatio s
anciennes28, ette t e vide e l’a se e de st atig aphie a ie e li es au use

26 (Duvernoy 1977, III 171 et suiv. 443 et suiv.)


27 Aujou d’hui e o e, les orris appartiennent à des familles (dans le sens de maisonnée), alors que
les terrains sur lesquels ils sont construits sont domaniaux ou, plus rarement, communaux.
28 Les it es de l’i pla tatio so t elative e t i te po els, d s lo s ue l’a tivit este la e
p odu tio d’ag eau et de f o age : loig e e t des ouloi s d’avala hes, p o i it de g a ds
lo s e ati ues o t e le uel l’ha itat s’appuie, visi ilit des t oupeau , a s à l’eau sou e ou
uisselet , et . Le so dage e e e à l’o i dit de Jea La i , o up depuis la fi du
XIXe si le jus u’ap s la se o de Gue e Mo diale, a pe is de eleve des tesso s a ie s,
fragmentés mais peu érodés, céramiques rouges polies du XIIe siècle, mais aussi fragments de pots
de la t a sitio e t e l’âge du B o ze et l’âge du Fe . Nul doute ue ette i pla tatio e te fut
pie e s he. Ai si, les sites des ha itats pasto au pou aie t s’ t e pérennisés, mais les
bâtiments avoir changé.
Faut-il pour autant oser la comparaison, en élargissant à la haute Ariège, les conclusions de
Christine Rendu et de ses équipes ui o t e es de solides tudes d’a h ologie et
d’eth ologie pasto ales e Ce da e? L’e e i e se ait p illeu , a le âti pasto al dépend
i ti e e t des o ditio s de l’e ploitatio ue l’o sait t s va i es da s l’espa e. D’u e
vall e à l’aut e, elles peuve t avoi t diff e tes. La Ce dag e ous off e do de solides
hypothèses de travail mais il faudrait les valider pour la haute Ariège.
Au Moyen Âge, en haut Vicdessos, les cabanes ’ taie t pas forcément nombreuses : ainsi
en 1294, les 1000 bêtes du comte auraient pu être gardées à l’aide de deux cabanes
seule e t. Ce te e e ouv ait p o a le e t, o e elui d’o i par la suite, un groupe de
construction : enclos, fromagerie, habitats des bergers, dépendances diverses, et ne
désignait pas un seul bâtiment. Les registres le confirment : ainsi Pèire Maury décrit la
cabane dont il était « cabanier » et où il faisait les fromages29. Berger était un véritable
métier, mais une activité en marge de la société villageoise –à l’ po ue au deva t de la
scène. Pèire Maury dit ne pouvoir se marier parce que sa vie ’ tait pas suffisamment stable
alo s u’il tait apa le d’a hete une maison en trois ans de travail et, donc, celui-ci était
suffisamment rémunéré30.

Les communautés aussi obtenaient aussi le droit d’« acabaner » : à Miglos, le nombre de ces
cabanes ’ tait pas li it , ais l’e pla e e t fut sp ifi . En forçant la répartition dans
l’espa e, le seig eu de Château-Verdun, maître de ces estives, organise aussi les pâturages
et prévient les conflits. Qua d plusieu s usage s pa tage t l’estive, pa e e ple les a a es
de Grandselves et Boulbonne sur les montagnes de Rabat, on prend soin à ne pas construire
ces habitats pastoraux trop proches les uns des autres.
D’auta t ue, alg l’o ip se e des ovi s da s la do u e tatio , ils ’ taie t pas les
seuls a i au à l’estive. L’ali e tatio de la ga iso de Mo t al-de-Sos à la fin du Moyen
Âge révèle la présence de caprinés, qui pouvaient être intégrés aux troupeaux de moutons,
mais aussi de porcs, qui devaient être hébergé en estive31, mais surtout de bovidés. Un seul
acte les mentionne, celui qui règle, en 1308, le conflit entre les habitants de Miglos et le
seigneur de Château-Ve du . O do e l’auto isatio de o st ui e des a a es de
vachers, évidemment différentes de celles utilisées pour garder les moutons, car les deux
espèces ne se mélangent pas sur les pâturages. La pluralité des espèces est aussi parfois
reconnue : eu d’Illie do e t à eu de Sos le d oit de fai e paît e les a i au de toutes
les espèces dans les montagnes au-dessus du village. L’a te les auto ise à « acotaler », ’est-
à-dire à installer des enclos32.

réalisée sur un site déjà occupé parce que le positionnement répondait à des règles analogues
(Guillot 2012).
29 (Duvernoy 1977, III, 934). Les enclos sont aussi mentionnés, sous le terme de cortal, voir par
exemple (Duvernoy 1977, III, 938).
30 (Duvernoy 1977, III, 973).
31 Ils le so t e tout as au XIXe si le. Les g oupes d’o is o po te t u e soue à o ho s.
32 AD09, 1C 163, 1 et 2.
Un acte ancien, datant de 807, e tes ui a t ait au pi o t p e puis u’il s’agit d’u e
do atio à l’a a e du Mas-d’Azil33, illustre cette pluralité des troupeaux : les brebis étaient
majoritaires mais on donna aussi des chevaux, des bovins et des porcs.

L’estive est surtout fondatrice. La documentation écrite aborde les oppositions et les
problèmes, mais l’usage o u des estives fut aux fondements de la formation des
villages casaliers et de la naissance des communautés villageoises au cours du Moyen Âge
central.
Nous e pe evo s pas les t a sfo atio s de la p ati ue, ais l’aug e tatio guli e,
plus ou moins synchrone, et pesante du poids des activités agro-pastorales impliqua
forcément la ise e œuvre de règles et de méthodes nouvelles. La t a shu a e d’hive
en est une, elle répond à la pénurie de ressources. On pressent que la croissance du poids
des a tivit s hu ai es, tout o e la ise e pla e d’u e f o ti e e t e États-nations
eurent des o s ue es su les o ditio s de l’e ploitatio des o tag es et u’il fut do
nécessaire de trouver des adaptations. Mais il y a évidemment bien plus à décrire que ces
quelques éléments.

Les études paléoenvironnementales sont indissociables de notre sujet, tout autant que les
enquêtes et fouilles archéologiques. Or celles-ci ont déjà livré de remarquables inventaires
e haut Vi dessos, ais l’ tape suiva te, i t usive, e est à es al utie e ts. E
ultiplia t les thodes d’i vestigatio , on peut obtenir des dissonances, mais elles ne
nuiront pas à la recherche, et permettront de comprendre de manière plus détaillée les
volutio s des p ati ues pasto ales ui so t, pou l’i sta t, t s al pe çues.

Bibliographie

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