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Cela fait bientôt quinze ans que vous luttez pour faire appliquer
ces lois. Quel est votre bilan?
Dans les cas qui ont été tranchés par la justice, nous avons eu
beaucoup plus de victoires que de défaites. Mais notre plus gros
problème, ce sont les autorités qui n’appliquent tout simplement pas
ces lois. Des plaintes ne sont carrément pas traitées. Nous n’allons
en justice que lorsque nous avons des preuves manifestes, claires et
évidentes de violation de la loi de la part des géants du numérique.
De manière générale, l’Europe crée des lois et souvent ce sont les
Etats membres qui doivent les faire appliquer et qui ne le font tout
simplement pas. Pourquoi? Parce qu’ils protègent parfois des
intérêts nationaux, parce qu’ils n’ont pas de volonté politique, pas
assez de connaissances ou de moyens.
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t-il un tel pouvoir d’attraction?
L’Union européenne est très forte pour créer de nouvelles lois, qui
sont en grande partie bien conçues, mais très faible pour les faire
appliquer. De manière générale, le RGPD est un bon règlement. Mais
il est très peu appliqué. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est
l’efficacité, notamment de nos actions en justice. Souvent, les
:
autorités de régulations nationales nous contestant même le droit de
porter des actions en justice, alors que nous sommes légitimés à le
faire, en avançant des arguments absurdes. Certaines autorités
passent davantage de temps à combattre nos plaintes qu’à les
traiter, afin de s’en débarrasser le plus tôt possible. C’est le monde à
l’envers. En cinq ans, nous n’avons jamais vu une autorité nationale
frapper à la porte d’un géant de la tech et demander des preuves, un
accès au code informatique, à de la documentation. Jamais. Ces
autorités se contentent des lettres que leur envoient ces entreprises.
C’est totalement ridicule.
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mains», Mark Zuckerberg s’excuse. Mais rien ne changera
Non. Ces entreprises, que ce soit Apple ou Meta, ont une approche
très agressive des lois européennes, cherchant tous les arguments
pour les contourner. Elles savent très bien que même si des
amendes devaient in fine être décidées, elles ne correspondraient
qu’à une fraction du chiffre d’affaires réalisé durant toutes les années
passées à combattre ces décisions. C’est aussi simple que cela. D’un
autre côté, oui, ces multinationales sont davantage transparentes sur
les données récoltées et traitées. Car cela ne cause aucun tort à
leurs affaires. Vous avez beau être transparent, si vous continuez à
mal agir et à piller les données de vos utilisateurs en contournant la
loi, cela ne sert à rien… On voit aussi ces sociétés transférer toute la
responsabilité aux utilisateurs en leur disant «vous n’avez qu’à lire
les conditions générales, tout y est écrit»… L’hypocrisie des empires
:
du numérique sur nos données est sans limite.