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Valentine Davy - Lucy Lorillard - Sophie Normand

Une sociologie critique de l’innovation technologie

Les "data brokers" (courtiers en données") et le


continuum de surveillance

Institut Mines-Télécom
2020-2021
SOMMAIRE

Introduction

I. Qui sont les data brokers ?

A. L’histoire des data brokers


B. Les données personnelles
C. Les différents types de data brokers

II. Qui utilise nos données / quel en est l’usage

A. Les entreprises
B. Les gouvernements
C. Un usage controversé

III. Les enjeux soulevés par les data brokers

A. Le besoin de transparence et de régulation


B. La surveillance de masse
C. La manipulation

Conclusion

Sitographie
Introduction

Les développements technologiques tels qu’Internet, l’augmentation de la


puissance de calcul des ordinateurs et la baisse des coûts de stockage, ont permis à des
entreprises de collecter et de stocker des grandes quantités de données personnelles.
Données personnelles que nous partageons chaque jour, volontairement ou
involontairement, sans réaliser qu’elles font l’objet d’un commerce très lucratif.

Récemment, Thomas Le Bonniec, un lanceur d’alerte français, a dévoilé dans les


médias Europe 1 et le Loopsider, les coulisses d’une écoute massive d’Apple sur des
centaines de millions de clients. En 2019, Thomas Le Bonniec a travaillé pendant 2
mois pour un sous-traitant d’Apple, appelé Globetech qui a été missionné par Apple
pour analyser les données d’utilisateurs d’iPhone. Le problème est que ces données
étaient souvent des conversations privées, enregistrées sans que les utilisateurs ne le
sachent par l’intermédiaire de l’assistant vocal Siri. Thomas Le Bonniec était alors
chargé d’écouter ces conversations, officiellement dans le but d’améliorer Siri mais
officieusement, pour identifier les noms de marques, de musiques, de lieux ou encore de
contacts de certains utilisateurs. Le lanceur d’alerte affirme avoir écouté au total plus
de 46 000 enregistrements en 2 mois.

Ces révélations récentes, ont relancé les accusations envers les grandes entreprises de
la tech, c’est-à-dire Facebook, Amazon et Google, qui sont sans cesse accusées
d’écouter leurs utilisateurs via les micros de téléphone ou encore les micros connectés.
Ces écoutes ont pour objectif de proposer aux utilisateurs de la publicité ciblée.

Cependant, même si les GAFAM sont pointés du doigt, aujourd’hui et depuis quelques
années, sur ces questions de collecte de données personnelles, ils ne sont pas les seuls
à le faire. En effet, il existe un autre type d’acteur, plus ancien, les data brokers. La
différence entre les entreprises comme Facebook et Google et ces data brokers réside
dans le type de données qu’ils collectent. Les entreprises comme Facebook et Google
vont collecter des données sur nos vies numériques tandis que les data brokers vont
amasser des données sur nos vies hors numériques (qui nous sommes, la taille de
notre foyer, ce qu’on consomme, etc.). Et donc, ces data brokers collectent tout un tas de
données, les assemblent, les transforment et les commercialisent souvent à des fins
publicitaires, marketing.

Nous allons donc nous pencher sur les data brokers. Dans une première partie nous
allons définir qui ils sont puis nous verrons dans un second temps quel usage est fait
de nos données. En troisième partie nous essayerons de déterminer les enjeux soulevés
par les courtiers en données et nous finirons par une conclusion.
I. Qui sont les data brokers ?

Qui sont les “data brokers”? Vous n’avez jamais entendu ce terme? C’est normal,
cette dénomination s’est beaucoup répandue après le scandale Facebook en 2019. Il
s’agit de la fuite de données de 87 millions d’utilisateurs Facebook que la société
Cambridge Analytica a recueilli.

Les data brokers s’occupent justement de la collecte des données, ce terme est traduit
en français par “courtiers en données”. Les courtiers ou data brokers tiennent une
place majeure dans le marché du Big Data. Ce sont des sociétés privées de courtages de
données qui collectent nos informations et les revendent (le plus souvent à des fins
publicitaires et commerciales et parfois à des fins politiques). Ces data brokers
possèdent sur nous autant, voire plus de données, que n’importe quelle agence de
renseignements et ce dans la plus grande opacité.

A. L’histoire des data brokers

La collecte d’informations à des fins publicitaires ne date pas d’aujourd’hui mais


nous avons complètement changé d’échelle.

En France, les data brokers sont présents depuis les années 1970 environ. Ce sont des
petites entreprises qui ont développé une activité appelée la location d’adresse.
C’est-à-dire qu’ils constituaient des fichiers de liste de contact et ils les louaient.
Aux États-Unis, les data brokers se sont développés dès les années 1970 également. Les
entreprises ont commencé à amasser des données sur chacun des consommateurs
américains.
Ils l’ont fait à la suite de la loi fair credit reporting act en 1970, qui voulait réglementer
les données dans le secteur de l’assurance, de la banque. Comme la gestion des
données personnelles est devenue plus réglementée dans ce secteur, certains acteurs
ont décidé de se déployer dans un domaine qui ne l’était pas du tout, c’est à dire le
marketing. Les entreprises de ce nouveau secteur se sont agrandies au fur et à mesure
et se sont implantées en Europe en rachetant notamment les entreprises de location
d’adresse dont on a parlé.

B. Les données personnelles

Avant d’expliquer plus en détail qui sont les data brokers, il faut commencer par
définir les données personnelles.

Les données personnelles sont considérées comme tout ce qui peut être directement
relié à vous sans qu'il soit nécessaire d'obtenir des informations supplémentaires. Ces
données comprennent votre numéro de carte de crédit complet, votre relevé bancaire,
un casier judiciaire, etc.
Des informations telles que votre code postal, votre date de naissance et votre sexe
peuvent être échangées librement et sans votre autorisation car elles ne sont pas
considérées comme personnelles. En d'autres termes, il est impossible de remonter
jusqu'à vous sans informations supplémentaires.

Ces données constituent une mine d’informations pour les publicitaires et les vendeurs
de biens et de services. En effet, la collecte de données permet de proposer à une
personne un service qui lui convient. C’est dans cette mesure que les entreprises de
data brokers interviennent: leur but est de collecter des données sur le comportement
et les habitudes des consommateurs.

C. Les différents types de data brokers

Trois catégories de collecte de données se distinguent: marketing et publicité,


détection des fraudes et atténuation des risques et sorte d’évaluation de solvabilité
d’une personne. Le terme “solvabilité” désigne le fait que la valeur de l’ensemble des
biens d’une personne recouvre les dettes contractées auprès de créanciers. Les
entreprises de data brokers récupèrent le plus d’informations possibles sur chaque
consommateur. Ainsi un seul profil peut compter jusqu’à 1500 points de données
obtenues de deux manières: achat ou collecte directe. De nombreuses entreprises de
data brokers se sont ainsi développées telles que: Axciom, Experian, Datalogix, Epsilon,
Criteon, Weborama.

Pour vous donner une idée des données collectées par ces grands groupes, aujourd’hui
Axciom prétend disposer de données sur 10% de la population mondiale avec environ
1500 informations par consommateur.

Les courtiers en données travaillent sur le marché en BtoB (business to business)


c'est-à-dire qu’ils traitent avec des entreprises, des professionnels. C’est d’ailleurs l’une
des raisons pour laquelle on ne connaît pas beaucoup ce marché et ses acteurs. Une
autre raison est que cette industrie s’est beaucoup développée à l’écart du regard public.

Ces entreprises de data brokers sont aujourd’hui en plein essor. On compte en 2020
environ 4000 entreprises de courtage de données dans le monde. Ces entreprises
brassent plus de 170 milliards d’euros.

Les entreprises de data brokers utilisent souvent nos données sur la localisation. Des
applications et des sites nous traquent et envoient notre localisation en instantanée.
Une fois ces informations collectées par les data brokers, ces derniers les revendent
ensuite aux publicitaires par exemple. Ainsi dans le cas où on laisse notre localisation
activée sur la météo, on donne un accès direct aux data brokers à notre localisation.
Sur un modèle similaire, des technologies de géolocalisation ont été mises en place
dans des services tels que Uber, Twitter, Apple ou Microsoft. Aussi certains grands
opérateurs comme T-Mobile, AT&T et Sprint revendent les données de géolocalisation
de leurs clients à des courtiers en données. Ces derniers les revendent à d’autres
courtiers en données.

II. Qui utilise nos données / quel en est l’usage ?

Il existe aujourd’hui plus de 4000 entreprises de courtage de données. Celles-ci


brassent plus de 170 milliards d’€.
Il existe donc trois catégories de data brokers qui se distinguent : en marketing et
publicité ; dans la détection des fraudes et dans le risk-mitigation, soit, une sorte
d’évaluation de solvabilité d’une personne.
Comme nous l’avons présenté, le type de donnée collectée est : nom, adresse, état de
santé, nombre d’enfants, salaire, cercle de contact, localisation, emprunts, marque de
voiture, achats alimentaires, abonnement de magazines, religion…
Mais qui peut bien avoir un intérêt à collecter ce genre de données ?

A) Les entreprises

Les data brokers travaillent pour des entreprises de la distribution (comme les
chaînes de supermarché par exemple ou encore le secteur automobile.
En somme, les entreprises ont tout intérêt à pouvoir avoir accès un à grand nombre de
données nous concernant afin de cibler au mieux chaque personne pour pousser à
l’achat. Alors, à des fins commerciales, à l’aide de nos téléphones, de nos applications,
des réseaux sociaux (cf Cambridge Analytica dont Valentine vous parlera par la suite),
des moteurs de recherche ou encore des sites web que nous fréquentons des
entreprises de courtage en données ont pour objectif la collecte des données des
utilisateurs.
Donc, ces informations collectées peuvent dans un premier temps être à destination
des magasins (à l’aide d’un système de localisation avec les trackers). Alors, les
courtiers en données vendent dans ce cas ces informations aux annonceurs (les
créateurs eux toucheront un pourcentage). Les différentes enseignes auront ainsi accès
aux informations tels que : quels sont nos produits préférés, les sites web les plus
visités, notre sexe, notre âge, notre adresse et ce, sans notre consentement conscient.
L’objectif est donc de compiler toutes ces informations et de dresser un profil qui
renseigne sur nos habitudes de consommation, notre état de santé, etc.
Le plus impressionnant est qu’un seul profil peut compter jusqu’à 1500 points de
données obtenues de deux manières : achat ou collecte directe.

Ces informations sont en réalité présentes dans les politiques de confidentialité que
nous signons.
Afin de donner une réelle mesure à ce phénomène, prenons l’exemple de Mary Ebeling
qui est sociologue à l'université Drexel de Philadelphie. Courant fin d’année 2010, après
une douzaine de démarches, Mary a dépensé plus de 25.000 dollars (soit près de 22.470
euros) pour essayer de donner la vie. Malheureusement Mary perdit sont fœtus du fait
d’une fausse couche en Mars 2011. Non sans le savoir, celle-ci se vit confrontée à la
naissance d’un autre enfant : un bébé marketing. De fait, elle se fit envahir par un
assaut commercial de mails, de publicités et même de coups de téléphone qui lui
proposent sans cesse d’acheter des produits en rapport avec ce bébé qu’elle perdit.
Mary a vite découvert que son nom était inscrit dans l’une de ses immenses bases de
données Experian, l'un des leaders mondiaux de la gestion du risque de crédit.
Mary y figure en tant que mère ayant accouché en mars 2011 dans le «Newborn
Network» de l'entreprise, le fichier des nouveau-nés, que cette dernière commercialise
auprès des industriels de la puériculture.
Il est arrivé la même chose à Gillian Brickell, journaliste américaine du Washington
Post.

Ici on comprend que le consentement importe peu, et les résultats sont aussi effrayants
quand ils sont exacts que lorsqu'ils se trompent, pour preuve ici.

B) Les gouvernements

Il existe aussi un intérêt pour les gouvernements d’avoir accès aux données
personnalisées de chacun. En effet, celle-ci peut concerner des enjeux de sécurité
nationale, de santé ou encore de contrôle de population (notamment avec les services
de l’immigration).

Selon les pays, les données sont perçues de manières différentes. Par exemple, aux
États Unis les données sont réellement considérées comme un bien marchand.
Les données apparaissent comme étant nécessaires au sens où celles-ci sont
indispensables au développement de l’intelligence artificielle dont les investissements
sont d’ailleurs estimés pour 2023 à près de 100 milliards de dollars contre 37,5 milliards
en 2019.
Seulement, cette potentielle évolution reste sous condition d’une conformité à la
législation en vigueur.

Il est essentiel de garder à l’esprit qu’il existe de réels enjeux stratégiques à la maîtrise
des data. Il s’agit d’un marché non négligeable : l'industrie des données représente près
de 200 Milliards de $.

Les pays asiatiques eux, restent tournés vers l’intérieur mais investissent aussi en
Afrique.L’Union Européenne tente elle de rattraper son retard par rapport aux USA qui
sont eux bien devant en termes de données.
On s’attend donc à une croissance du marché des données de 10 à 30% d’ici à 2025.

Par exemple, Google collaborerait avec Ascension, un vaste réseau de santé américain,
pour créer un moteur de recherche de patients. Pour ce faire, la firme de Mountain
View récoltait des millions de données médicales sans le consentement des patients
mais avec l’accord des hôpitaux. Une enquête a été ouverte par le Bureau des droits
civiques pour s'assurer de la conformité de cette pratique avec la loi Health Insurance
Portability and Accountability (HIPAA).
Le but est de créer l'un des plus grands réseaux de santé américains aurait fait migrer
ses données vers Google Cloud pour créer un moteur de recherche de patient en ligne.

C) Un usage controversé

Il s’agit là, aux yeux d’un grand nombre, d'un réel contrôle social quand il
retourne de collecte de données.

De plus, cette avancée rapide de l’évolution des données pose d’autant plus de
problèmes éthiques que la loi a des difficultés à évoluer à la même allure.
Avec la loi RGPD il est possible de connaître les données que les courtiers en données
ont sur nous et demander leur suppression.
Mais le problème est que ce marché est très fragmenté, ainsi, il est difficile de savoir
quelle entreprise récolte et possède nos propres données. Alors nous pourrions tenter
de passer au-delà de la collecte de données mais ceci est impossible. Passer au-delà de
ce phénomène signifie accepter de ne plus utiliser les applications, puisqu’il s’agit
d’accepter leurs conditions ou de renoncer à leurs utilisations.

Tandis que, parfois, de grands ensembles de données peuvent être utiles pour le bien
public, par exemple pour l'utilisation de la recherche en santé ou des urbanistes, la
plupart des informations collectées sont soutenues par les annonceurs et échangées
commercialement. En fait, eMarketer (une société d’étude de marché) a prédit que le
secteur de la publicité en ligne, qui repose presque entièrement sur le ciblage et le suivi
des données, atteindra cette année un niveau record de 77 milliards de dollars.
Du fait de ce phénomène de collecte de données, les objets du quotidien nous rendent
sujet à l’utilisation de données. En effet, l’Apple Watch pourrait être considérée comme
l’équivalent d’un bracelet électronique pour l’homme. De fait, par son biais, il devient
possible de nous localiser, d’ainsi pouvoir suivre nos faits et gestes et être aptes à
retracer les commerces que nous fréquentons mais aussi d’orienter ce qui nous est
présenté en fonction de nos recherches internet sur celle-ci.
Alors Internet est certes, depuis son apparition considéré comme un symbole de
liberté, cependant ces considérations tendent à nous interroger sur son réel bien fondé
et ses limites.
De par son utilisation, commerciale ou encore politique, les données collectées grâce à
Internet, deviennent des outils technologiques pouvant être repris par des régimes
autoritaires.
Cependant certaines entreprises telles que APPLE et ANDROID permettent aujourd’hui
de refuser ce suivi par les annonceurs (exemple : IOS14).
GOOGLE entend également développer sa stratégie de contrôle des données sur les
applications pour sa prochaine version ANDROID.

Le plus inquiétant restant qu’aujourd’hui, même les démocraties libérales et


occidentales sont rapidement contaminées par ce pouvoir de la surveillance.
Dans ce monde d’une constante surveillance, la frontière entre ce qui est de l’ordre du
privé, de ce qui est de l’ordre du public devient de plus en plus floue.

III. Les enjeux soulevés par les data brokers

A. Le besoin de transparence et de régulation

Depuis les années 1970, les data brokers se développent à l’écart du grand public.
Il existe un réel manque de transparence des data brokers. C’est-à-dire que nous ne
savons pas qui collecte nos données, comment ni dans quel but et à qui elles les
revendent. De plus, comme de nombreux data brokers collectent des données sur nous
et se les vendent entre eux, il est très difficile de savoir qui possède quoi. Jordan
Wright, qui travaillait dans le domaine de la cybersécurité, a demandé les informations
qu’on avait collectées sur lui aux 14 plus grands data brokers du secteur et seulement
un data broker a répondu positivement à sa requête.
Il a toujours fait attention sur son téléphone pour limiter le partage d’informations
personnelles. Pourtant, les données qu’il a obtenues indiquaient où il vit, où il travaille,
où il emmène sa famille en vacances, etc. Sachant qu’il n’a reçu les données que d’un
seul data broker, on ne peut pas imaginer l’ampleur des informations recueillies par
tous les autres.
On constate que le rapport de force entre nous et les data brokers n’est pas du tout
équilibré puisque nous ne les connaissons pas mais eux savent tout de nous.

En outre, le public est tenu dans l’ignorance sur les tiers qui reçoivent des informations
et sur l’étendue des informations partagées. L'industrie est incroyablement opaque, et
les courtiers en données n'ont aucun intérêt réel à interagir avec les personnes dont ils
collectent, analysent et partagent les données.

On dit que les data brokers sont mieux renseignés que les services de
renseignements mais moins contrôlables. Il y a un sévère manque de régulation sur le
marché des data brokers.
La perception des données diffère selon les pays ou encore les cultures, elles ne sont
pas perçues de la même manière. Par exemple, aux Etats-Unis, elles sont vues comme
un bien marchand tandis que les pays européens en ont une approche plus éthique.
C’est pour cette raison que les régulations diffèrent également d’un endroit à un autre.

Nous sommes tous protégés par des lois sur la protection des données. Au
Royaume-Uni, la loi stipule que tout ensemble de données personnelles doit être
détaché de tout identifiant tel que votre nom par exemple.

En Europe, le RGPD (règlement général sur la protection des données) impose aux
entreprises qui collectent des données, de demander le consentement des personnes
concernées ainsi que de partager les objectifs de la collecte de ces données. De plus, le
RGPD accorde au public le droit à l’effacement qui permet de retirer son consentement.

Aux Etats-Unis, plusieurs États examinent de plus près le mode de fonctionnement des
courtiers en données.

En 2018, le Vermont a adopté une loi obligeant toutes les entreprises qui vendent ou
partagent des données sur les résidents de l'État à s'inscrire dans une base de données
publique et à partager des informations sur leur mode de fonctionnement.

La California Consumer Privacy Act (CCPA) permet aux résidents d'obtenir des copies
des informations que les courtiers en données ont collecté sur eux. La loi permet
également aux consommateurs californiens de demander que les informations soient
effacées et de refuser que leurs données soient vendues.

L'État de New York étudie actuellement son propre projet de loi visant à obliger les
courtiers en données à s'enregistrer auprès de l'État. Le projet de loi entendrait
également demander au procureur général de l'État de tenir un site web répertoriant
ces courtiers en données.

B. La surveillance de masse

Les data brokers sont confrontés à des défis éthiques puisqu’ils collectent et
partagent des informations sur nous et qui peuvent être utilisées à mauvais escient.

Il est facile d’imaginer et également de voir les dérives d’un tel système. On assiste en
Chine à un exemple même des dérives de la collecte et de la catégorisation des
données puisque ces dernières ont permis la mise en place du système de crédit social.
Ce système attribue une note aux citoyens, qui se fonde sur les données que le
gouvernement possède à propos de leur statut économique et social. Ce système de
surveillance de masse entend améliorer le respect des lois et obligations. Les données
personnelles ne sont pas du tout protégées, elles sont passées au peigne fin et en
résulte une note qui va déterminer si un citoyen va être pénalisé ou récompensé.

D’autre part, on peut se demander si toutes les données sont commercialisables. En


décembre 2013, éclate le scandale de la MEDbase200, spécialisée dans les listes de
données dans le domaine de la santé. L’entreprise est accusée d’avoir commercialisé
une liste des victimes de viol mais également de personnes souffrant d’alcoolisme, de
dysfonctiont érectile ou encore atteintes du VIH.

On peut également se demander si cette surveillance massive peut avoir un impact sur
la façon dont on se comporte. Par exemple, si je regarde d’énormes motos sur Internet,
est ce que je deviens un individu à risque à qui les compagnies d’assurance
identifieront un comportement à risque ? Si c’est le cas, il est clair que beaucoup de
gens modifierait leur comportement pour qu’il ne leur nuise pas. Cette pression
constante due à la surveillance de masse serait une forme de contrôle social très
intrusif.

Cette surveillance de masse des data brokers fait écho au scandale révélé par Edward
Snowden en 2013 à propos de la NSA qui collecte des métadonnées et espionne les
télécommunications de tout type d’individus. Le nœud de ce scandale c’est le
programme PRISM qui permet à la NSA d’accéder aux communications d’individus
Américains ou non et ceci grâce à la collecte de données d’entreprises comme les
GAFAM.

En clair, ces surveillances massives voire abusives représentent une menace pour nos
droits et libertés tant elles violent nos vies privées et peuvent être utilisées à mauvais
escient.

C. La manipulation

Les data brokers qui vendaient leurs données à des fins principalement
marketing, ont élargi leur offre en s’implantant sur le marché politique. En 2016, Donald
Trump travaille en étroite collaboration avec l’entreprise Cambridge Analytica pour
mener sa campagne électorale et pour s’assurer la victoire. Pour cela, Cambridge
Analytica a fourni à Donald Trump des données numériques (la société a utilisé des
cookies pour suivre les personnes sur le web, en enregistrant chaque site visité, chaque
recherche, chaque vidéo regardée, etc.) et des données hors numérique sur les
américains. Ils ont également créé un quiz sur Facebook pour connaître la personnalité
des gens, ce quiz a été répondu par plus de 6 millions de personnes. Au total, ils ont
réussi à rassembler des données sur 220 millions d'Américains, avec une moyenne
d'environ 5 000 données sur chaque personne.
Par ailleurs, il est important de savoir que l’analyse des données des différents comptes
Facebook s’est faite sans le consentement de leur propriétaire puisque le quiz qu’ils ont
réalisé a été présenté comme un exercice académique.

Grâce à ces analyses précises et détaillées, chaque américain dont le profil a été étudié,
s’est vu recevoir une campagne faite sur-mesure via les différents réseaux sociaux.
C’est ainsi que Facebook s’est vu détenir une place très importante dans la stratégie de
Donald Trump. En effet, le réseau social a diffusé bon nombre de publicités, déclinées
en dizaines de milliers de modèles dont les couleurs, les designs, les textes, etc.
changeaient en fonction des personnes visées. Des chercheurs ont qualifié ce
processus de propagande. Grâce à la qualité des données, Cambridge Analytica a pu
manipuler des individus à travers des réseaux sociaux et cela à des fins politiques.

Ces faits nous prouvent l’ampleur des informations qui sont collectées sur nous et
surtout le pouvoir que les data brokers peuvent avoir.

Conclusion
Le terme data brokers est apparu dans les années 1970, mais a pris une grande
ampleur récemment avec l’essor de l’utilisation des données. On compte aujourd’hui de
nombreuses entreprises de collecte de données. Les data brokers collectent notamment
les données afin de les analyser pour proposer aux consommateurs des services qui
leur correspondent. Il peut alors s’agir de publicité ciblée.

Aujourd’hui il existe de réels enjeux stratégiques en termes de collecte de données. En


effet, dans un premier temps, les entreprises ont un intérêt à récupérer les données des
utilisateurs afin de pouvoir construire un profil pour chacun d’entre eux et donc cibler
au mieux ce qui va leur être proposé sur les réseaux sociaux, dans les publicités etc,
afin de les inciter à l’achat. Dans un second temps, pour des questions de sécurité
nationale, de santé ou encore de contrôle de la population, les gouvernements veulent
avoir l’accès à ces données.

Seulement, les data brokers posent parfois un certain nombre de problèmes


notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée et la régulation. Les courtiers
en données qui ont une vision portée sur le profit ne peuvent pas être partiaux en
matière de vie privée. Il est clair que l'autorégulation ne fonctionne pas. Il devrait y
avoir des contrôles stricts sur le respect de la vie privée des personnes. Les
informations devraient être révélées avec le consentement du public et les entreprises
devraient disposer d'outils de contrôle pour vérifier qui a accédé aux informations sur
le web.

Comme nous devenons de plus en plus nombreux à prendre conscience de l'étendue de


l'empreinte de nos données, nous commençons à exiger la garde et le contrôle de ces
données. Certains ont même suggéré que les gens soient payés pour utiliser leurs
données afin de leur donner plus de contrôle. Cela signifie qu'il deviendrait trop
coûteux pour les entreprises, les gouvernements et les organisations à but non lucratif
d'exploiter et de conserver imprudemment nos données et de les vendre sans
discernement.

On assiste également à des dérives des data brokers qui ont permis par exemple la
mise en place du score social en Chine ou encore le scandale de Cambridge Analytica
et qui amènent à se poser des questions d’ordre éthique sur ces systèmes.

Sitographie
O. TESQUET, «Data brokers», la main invisible du marché, Kori, 09/01/2020;
https://korii.slate.fr/tech/a-la-trace-livre-olivier-tesquet-capitalisme-surveillance-don
nees-personnelles

L. RAIMONDO, Data brokers, un marché controversé en pleine expansion, Sdmagazine,


22/10/2020;
https://sd-magazine.com/europe-monde/data-brokers-un-marche-controverse-en-plei
ne-expansion

C-C. GARNIER, Reconnaissance faciale, fichage généralisé et géolocalisation à notre


insu débarquent en France, Streetpress, 21/01/2020;
https://www.streetpress.com/sujet/1579625191-reconnaissance-faciale-fichage-general
ise-geolocalisation-surveillance-capitalisme-gafa

Z. WHITTAKER, Data brokers track everywhere you go, but their days may be
numbered, Techcrunch, 09/07/2020;
https://techcrunch.com/2020/07/09/data-brokers-tracking/?guccounter=2

O. TESQUET, Data brokers, les courtiers de nos données, France inter, 07/07/2018;
https://www.franceinter.fr/emissions/tout-est-numerique/tout-est-numerique-07-juille
t-2018

C. FRANGNE, “Data brokers”, un nouveau métier du numérique, La Croix, 10/04/2018,


https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Numerique/Data-brokers-nouveau-meti
er-numerique-2018-04-10-1200930523
L. Beckett, Everything we know about data brokers know about you, Propublica,
12/06/2014;
https://www.propublica.org/article/everything-we-know-about-what-data-brokers-kn
ow-about-you

P. ALLEAUME, Data brokers : du marketing à la surveillance de masse, Usbek&Rica,


06/03/2017;
https://usbeketrica.com/fr/article/data-brokers-du-marketing-a-la-surveillance-de-ma
sse

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