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Data marketing – marketer, c’est prévoir

Data marketing – marketer, c’est prévoir


La vraie valeur ajoutée de la donnée ne réside plus seulement dans le ciblage, mais dans la prédictibilité des comportements des
consommateurs

Par Lisa Mélia

A nnée 2012, pendant la campagne présidentielle américaine, Mitt Romney décide d’utiliser un logiciel spécialisé dans l’analyse des bases
de données pour identifier les riches donateurs pro­républicains potentiels. L’outil aurait décortiqué la situation économique de 2 millions
de familles autour de San Francisco. Résultat: le candidat républicain récolte plus de 350 000  dollars de donations sur un terrain
traditionnellement acquis aux démocrates. Ou comment le big data se met au service du marketing politique.

On définit généralement le big data comme le flot d’informations générées chaque seconde sur Internet par des individus, des organisations,
des entreprises. Un véritable “tsunami d’informations”, résume Ginni Rometty, CEO d’IBM, qui se mesure en exaoctets, c’est­à­dire en
milliards de gigaoctets. Les enjeux autour des “méga données”, comme on les appelle en français, s’articulent autour des cinq V: volume (le
nombre de données sera multiplié par 300 d’ici 2020, selon le Crédit Suisse), vélocité (gestion en temps réel), variété (elles viennent aussi
bien de vidéos, de réseaux sociaux ou encore d’e­mails), véracité (grâce au développement d’outils pour garantir la fiabilité de la data), et
enfin valeur.

Clive Humby, le créateur des cartes de fidélité du distributeur britannique Tesco, parle même d’un “nouvel or noir”, qu’il faut collecter, enrichir
et affiner, et dont le potentiel économique semble colossal, notamment du point de vue du marketing. Selon l’agence Makezi, auteur d’un livre
blanc sur le data marketing, 84 % des directeurs marketing français considèrent l’utilisation des données personnelles des clients et des
clients potentiels comme une opportunité pour toucher de nouvelles cibles. “Il s’agit d’un mouvement de fond, confirme Catherine Michaud,
présidente de la délégation customer marketing de l’Association des agences conseil en communication ( AACC). Pour les acteurs du
marketing, la donnée représente désormais un Eldorado.”

La loi des algorithmes


Géolocalisation, “like”, tweet, Instagram… Jamais les particuliers n’ont laissé autant de traces sur le Web. Quel intérêt pour le marketing ?
“Nous avons développé une approche pour exploiter finement les données big data et avons lancé un projet pilote à partir des données CRM
du site Internet d’une entreprise, illustre Éric Hazan, directeur associé chez McKinsey. Nous avons établi deux cents critères pour segmenter
les visiteurs et les acheteurs qui avaient visité ce site, et avons identifié 25 % des consommateurs comme ayant une propension à acheter
plus importante.

Nous nous sommes demandé ce qui se passerait si nous allouions l’investissement en display advertising de cette entreprise en ciblant ces
25  %. Nous avons réalisé une simulation qui montrait des retours sur investissement de l’ordre de 140 %. L’expérience réelle, menée sur six
semaines, a généré un retour sur investissement de 250 %.”

Car c’est un fait, une grande partie de l’investissement média est devenue “ro­iste”, c’est­à­dire que les annonceurs ont besoin d’un retour sur
investissement. Et c’est désormais la donnée qui permet de remplir cet objectif et d’en évaluer la réussite.

D’où viennent les données ? D’abord de sources internes à l’entreprise. Itesoft propose par exemple des solutions pour automatiser les
interactions des sociétés avec leurs clients et leurs fournisseurs. “Nous avons commencé avec le papier, puis le fax, l’e­mail et désormais le
Web, détaille Philippe Delanghe, directeur marketing d’Itesoft. Nous travaillons aujourd’hui à l’intégration du SMS, de la voix ou encore des
réseaux sociaux.”

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La collecte de ces informations permet un premier niveau de compréhension. Par exemple, une mutuelle peut repérer la présence d’un
internaute sur son site. S’il ouvre un formulaire d’inscription, mais qu’il ne va pas au bout du processus, la société reçoit une alerte qui lui
permet éventuellement de le recontacter pour tenter de conclure la transaction. Si plusieurs internautes abandonnent au même point, le
service marketing saura qu’un point de blocage rebute les clients potentiels et devra apporter des solutions. “Et quand on mélange ces
données internes avec des données externes, la lecture des données s’enrichit”, estime Philippe Delanghe.

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En d’autres termes, la data permet non seulement de déterminer l’impact du marketing sur
l’acte d’achat, mais elle ouvre également la voie à des stratégies de segmentation, de
ciblage et de prédictibilité, puisque le “marketing de la donnée” repose sur des algorithmes
qui repèrent et isolent les interprétations et les liens invisibles à l’œil nu.

“La vraie valeur ajoutée des données, c’est la prédictibilité”, assure Philippe Delanghe.
Amazon, dont le business model repose sur la collecte de data, connaît si bien ses clients
qu’il serait capable de leur envoyer des livres avant même qu’ils ne passent commande.
Sans se tromper, bien sûr, soutient Jeff Bezos, le PDG du groupe qui vient d’enregistrer le
brevet d’un système de livraison qui anticipe les commandes. “Il y a un changement de
culture au sein des entreprises, affirme de son côté Nicolas Beauchesne, directeur général
et fondateur de l’agence FiftyFive. Le chiffre, les nombres, les maths et les statistiques
prennent de plus en plus de place dans les sociétés. Ils permettent plus de rationalité, sans
étouffer la créativité.”

Ciblage ou flicage ?
L’une des sources du big data les plus prometteuses, ce sont les réseaux sociaux, Facebook
et Twitter en tête. “En France, les internautes fréquentent en moyenne 2,9 réseaux
sociaux”, affirme Éric Hazan. Ils regroupent un vivier d’informations très diverses : celles
renseignées directement par l’utilisateur – comme son nom, son âge, ses préférences –,
mais aussi celles déduites de ses activités, ses “j’aime”, ses abonnements, ses jeux…
“Facebook met ces informations à disposition des annonceurs, explique Axel Prévot, CMO
chez SocialMoov. Aujourd’hui, je peux réaliser une campagne qui ne cible que les
hommes de 30 ans, qui vivent à Paris, aiment le football et les films de Quentin Tarantino,
et sont en couple. Les outils des réseaux sociaux nous permettent de créer des stratégies
publicitaires beaucoup plus pertinentes.”

Facebook, notamment, propose plusieurs outils qui révolutionnent le marketing digital.


D’abord, un “pixel de tracking” qui suit l’utilisateur dans sa navigation Web et sur tous les
supports qu’il utilise, ordinateur, tablette ou smartphone. “Par exemple, nous travaillons
pour Deezer, indique Axel Prévot. Si un utilisateur clique sur la publicité qu’il voit sur
Facebook et qu’il souhaite souscrire un abonnement sur le site, mais qu’il se trouve dans le
métro, il n’ira peutêtre pas au bout de la transaction. Par contre, il réalisera son achat, le
soir, sur son PC. Du point de vue de l’annonceur, savoir que la publicité était à l’origine de
l’achat, même à plusieurs heures d’intervalle, nous montre l’impact réel de notre
campagne.”

Ensuite, Facebook propose des algorithmes dits “lookalike audience”. Ils agrègent les
données sur un groupe d’acheteurs et repèrent les profils similaires qui sont susceptibles
d’être intéressés par le même produit. Le réseau social au milliard d’utilisateurs s’est même

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associé avec des géants de la data comme Acxiom et Datalogics, qui agrègent de la donnée
en dehors du Web, par exemple via les cartes de fidélité des supermarchés.

La donnée estelle comportementale ou personnelle ?


Devant l’ampleur des données disponibles, et des possibilités de filtrage et d’agrégation, il
se pose avec de plus en plus d’acuité la question de la confidentialité des données
personnelles. Les annonceurs peuventils collecter, conserver et utiliser des informations
sur leurs utilisateurs ? “Le nerf de la guerre, c’est l’exploitation, atteste Catherine Michaud.
La société, mais aussi les entreprises et les agences qui les conseillent, ont une vraie
responsabilité sur cette question.” La CNIL et le CNNum se penchent d’ailleurs sur le sujet
et organisent des concertations nationales, dont les résultats devront éclairer le législateur.
“L’acceptation par défaut est de plus en plus remise en cause, soutient Catherine Michaud.
Il faut désormais informer de manière claire le consommateur, poser la question.” En
matière d’eprivacy, la règle n’est pas “qui ne dit mot, consent”.

À la racine du problème, la notion de collecte de données, très ambivalente. Les acteurs


jurent tous qu’ils ne récupèrent pas des données personnelles, nominatives et
individualisées, mais des données comportementales. “Néanmoins, l’exploitation se
rapproche beaucoup de la donnée personnelle”, rétorquetelle.

Globalement, les professionnels restent vigilants, assure Hugo Loriot, directeur médias
chez FiftyFive. Ils ne veulent pas tuer la poule aux œufs d’or : “nous développons des
modèles qui laissent le choix aux internautes d’accepter ou non d’être suivis, et nous
sommes très engagés sur ce sujet. Les entreprises ont conscience qu’elles doivent respecter
cela pour pérenniser le modèle”. Mais attention à ne pas se lancer non plus dans une chasse
aux sorcières. Le data marketing est un système gagnantgagnant : des taux de conversion
plus importants pour les annonceurs, des publicités mieux ciblées pour les utilisateurs. “Il
faut trouver le bon dosage, résume Catherine Michaud. L’interdiction totale serait contre-
productive, tout autant que l’autorisation sans limites.”

Multicanal, un jeu de miroir


D’après le cabinet IDC, en 2013, le digital représentait 10 % des budgets marketing des
entreprises, 15 % dans les sociétés de plus de 50 000 clients. Les entreprises françaises
prennent désormais le sujet du data marketing à braslecorps. “Lorsque FiftyFive s’est créé,
nous pensions que l’essentiel de nos clients serait des pureplayers, se souvient Hugo
Loriot. Nous nous sommes rapidement rendu compte que de grands groupes, dans la
grande consommation, l’assurance, l’automobile ou encore le luxe, étaient conscients de
l’enjeu.” Une prise de conscience d’autant plus importante que le secteur évolue très vite.
“Nous travaillons beaucoup sur la synchronisation avec la TV, illustre Axel Prévot. Nous
allons concevoir des plans médias intelligents qui se déclencheront sur les réseaux sociaux
lorsqu’une publicité passera à la TV. On peut aussi l’envisager pour des événements

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sportifs : lorsqu’un joueur de foot marque un but, proposer aux fans sur Facebook
d’acheter son maillot.”

Les frontières entre virtuel et physique s’effacent, y compris dans le domaine du


marketing. Si certains groupes tentent des stratégies 100 % digitales, la plupart des acteurs
s’orientent vers des campagnes multicanales qui exploitent les forces de chaque média.
“Même l’investissement en ligne peut servir pour des campagnes hors ligne, conclut Éric
Hazan. Le big data permet de mieux comprendre comment se comportent les internautes.
Or, une grande majorité de consommateurs sont, par exemple, présents sur les réseaux. Le
Web joue un rôle de miroir et un dialogue entre canaux virtuel et physique s’instaure.”

Ariane Abbou
directrice du salon
Marketing Meetings*

Les temps forts du salon cette année ?


Le salon couvre 3 grands pôles du marketing : le digital, la connaissance client et les
études marketing. Au programme : des déjeuners d’affaires, une soirée de gala, des
conférences plénières et des ateliers solution, et enfin une remise de trophées visant à
récompenser la meilleure innovation marketing et la meilleure mise en œuvre d’une
innovation marketing. Le salon accueillera 60 exposants, soit une augmentation de 54 %
par rapport à l’an dernier, 140 top décideurs sélectionnés sur le volet et 1 000 visiteurs
professionnels uniquement sur accréditation.

Comment le digital transformetil le marketing ?


Le Web et les technologies mobiles fixent de nouveaux standards qui obligent les
marketeurs à repenser leurs stratégies et pratiques du marketing. L’entreprise doit
continuellement s’adapter pour personnaliser au mieux son offre. Car avec le digital,
les marques disposent de multiples possibilités d’entrer en contact avec le client.
Mais avec la multiplication des accès à la marque qui lui sont proposés, le client
devient extrêmement exigeant, et oblige celleci à améliorer en permanence son
modèle marketing.

Le big data estil le nouvel enjeu majeur du marketing ?


L’explosion de l’usage d’Internet et des données clients poussent les entreprises à
investir dans l’analyse de ces données et à être les meilleures dans leur exploitation.
Jamais dans l’histoire, les marques n’ont paru aussi proches d’atteindre une
connaissance parfaite de leurs clients et de leurs marchés. Cependant, la profusion
des données ne fait pas la richesse de l’information. Les professionnels de la data ont
un rôle éminent à jouer dans la génération, l’analyse et l’exploitation des données
toujours plus nombreuses. Faire parler ces données permet aux entreprises d’affiner

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au mieux leur offre en proposant le bon produit au bon moment. L’information est
devenue la clé de la performance d’une entreprise.

Marketing Meetings Le salon


business du marketing 26 et
27 novembre 2014 au Palais des
festivals de Cannes www.marketing-
meetings.com

Le “better data” pour renouveler la prospection

Le data marketing ne se limite pas au BtoC, il trouve aussi des applications en BtoB et
les mêmes outils sont transposables. “Nous proposons des filtres de recherche, explique
JeanChristophe Myon, directeur général de Kompass international. Mais nous
souhaitons aller plus loin dans une logique que nous appelons le ‘better data’, c’estàdire
en utilisant une donnée fiable, vérifiée et enrichie.” Objectif : créer des algorithmes qui
exploitent les différents filets dans une logique d’intelligence marketing autour d’un
portefeuille client. De la même manière que les outils de Facebook permettent de
repérer une audience susceptible d’être intéressée par un message, parce qu’elle
correspond aux mêmes critères que ceux qui ont déjà réalisé un achat, Kompass
propose à ses clients de dénicher les entreprises qui pourraient devenir des clients ou
des fournisseurs.

“En fonction des critères du portefeuille actuel de notre client, nous pouvons en déduire
une liste de prospection à la fois plus scientifique et plus intuitive par rapport aux
données enregistrées dans notre base”, détaille JeanChristophe Myon. Là encore, la
stratégie repose sur le gagnantgagnant : une fidélisation de sa base pour Kompass, un
nouveau champ de possibles pour les clients. “Notre système permet de découvrir des
prospects que le client n’avait pas envisagés”, se félicite JeanChristophe Myon.

Pour les entreprises, améliorer leur évaluation de l’écosystème dans lequel elles
circulent, savoir précisément comment elles se positionnent et quels sont les liens
économiques qu’elles peuvent établir avec d’autres sociétés, représente un avantage
concurrentiel majeur. “L’idée est d’essayer de casser les barrières, les manières très
directes et très cloisonnées de faire de la prospection, conclut JeanChristophe Myon.
Nous devrions sortir les premiers projets à la fin du premier trimestre 2015. Pour nous,
c’est une vraie tendance, c’est làdessus que nous investissons de l’argent et de la
réflexion.”

Chiffres clés
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Le volume des données produites double tous les 18 à 24 mois. Sur les 12 derniers mois,
80 % des investissements dans le marketing digital sont allés dans le social média, 70 %
dans le content management et 55 % dans le digital advertising.

Source : 3e baromètre digital marketing de Valtech et Adobe

Publié le 20/11/2014

Rubriques : Les dossiers | Digital & internet | e­commerce & e­marketing | Marketing & Communication

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